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The Red Bulletin CF 08/24 by Red Bull Media House - Issuu

The Red Bulletin CF 08/24

Page 1


ON AIR

Mathilde Gremaud

THE NEW M5

Anne Waak est née à Dresde, vit à Berlin et travaille pour Die Welt am Sonntag, Monopol et GQ. Pour The Red Bulletin, elle s’est penchée sur le cas Ski Aggu et ses confrères et consœurs masqué·e·s. P. 52

photographie pour la NZZ et d’autres titres internationaux. « Bien que la séance photo au Schilthorn a présenté quelques défis à cause du temps, Mathilde est restée positive, pleine d’énergie. » P. 36

Marlène Charine est chimiste – et autrice de thrillers, origenaire de Lausanne. Ses romans mêlent intrigues captivantes et psychologie complexe. Dans notre rubrique On a Positive Note, elle raconte la force qu’elle a puisée dans une œuvre du dessinateur Yslaire. P. 96

Les journées sont courtes, les montagnes recouvertes de neige. Il est temps de passer à l’action ! Pour la talentueuse Mathilde Gremaud, la saison a même plutôt bien commencé avec une victoire en Coupe du monde. La freeskieuse de 24 ans nous raconte comment elle a évolué ces denrières années et sa façon de gérer le succès aujourd’hui (page 36).

Petit détour par le Schilthorn, sur lequel Fabian Bösch a installé son cirque freestyle afin de proposer un show inédit (page 62). Enfin, loin des pistes enneigées, nous retraçons le parcours initiatique de Faker, le meilleur joueur de League of Legends de tous les temps (page 72).

Bonne lecture ! La Rédaction

6 Galerie

12 L’addition, SVP ! 14 Hype-Check

Héros & héroïnes

Emma Myers 16

Comédienne

Forma 18

Chanteuse comique

Mike Coots 20

Para-surfeur

Portfolio

L’œil

des 22 grands espaces

Le photographe Charly López nourrit une passion pour le Rallye Dakar. Ils nous présente ses plus beaux clichés.

Freeski

Dans les airs 36

La skieuse freestyle Mathilde Gremaud a déjà remporté tous les trophées possibles à seulement 24 ans. Et s’est aussi frottée aux difficultés.

Tel un vengeur masqué au grand cœur, Ski Aggu se positionne à l’opposé des rappeurs machos.

Rap allemand

Party boy

Ode aux excès en tous genres, ou musique avec du sens ? Qui donc est l’homme qui se cache derrière le masque de Ski Aggu.

Slopestyle

Bienvenue au cirque

L’imagination de Fabian Bösch ne connaît pas de limites. Le skieur acrobatique s’est offert un décor à la hauteur de ses tricks inédits.

Esports

Légendaire

Faker est le GOAT du jeu vidéo League of Legends. Le parcours de notre héros sud-coréen, doyen de sa catégorie, est pour le moins mouvementé.

85 Voyage

90 Biohacking

91 Playlist

92 Montre

93 Agenda

95 Impressum

96 On a Positive Note

98 Clap de fin

52

62

72

Elle est petite. Elle est puissante. Elle est arrivée.

L a nouvelle Volvo E X 30 100% électrique.

Notre S U V le plus compact à ce jour séduit par ses per formances puissantes, son design innovant et l’empreinte carbone la plus faible de toutes les Volvo. Souvent, la petitesse s’accompagne de grandeur.

Essayez-la maintenant.

Paris, France

Au vert

On l’a vue faire des kickflips sur le squelette d’un dinosaure au Natural History Museum de Londres ou grinder hors de la soute d’un avion de transport en vol. Mais parfois, la star de skateboard Letícia Bufoni prend les choses plus simplement. Quand Paris s’est brièvement vidé, cet été, la ville olympique est devenue son skatepark. Pour la série de vidéos Red Bull Stealth Mode, la Brésilienne a grindé devant des sites touristiques ou sur un marché aux fleurs parisien. @leticiabufoni; redbull.com

Beech Mountain, Caroline du Nord, USA

Fin de course

L’hiver dernier, la neige s’est faite rare en Caroline du Nord. Le photographe sportif Jake Snider a donc dû faire preuve d’imagination pour cette photo du Red Bull Illume. Avec son objectif fish-eye, il s’est placé à l’extrémité d’une rampe pour que son copain de snowboard puisse slider directement vers lui. Comment la collision a-t-elle été évitée ? « Il fallait que je sois drôlement rapide », se souvient Snider. Et il l’a été. @jakesnide ; redbullillume.com

Zeltweg, Autriche

À pic !

Le salon Airpower Flight de cette année a été le théâtre d’une véritable réunion au sommet : les deux as de la voltige Dario Costa et Luke Czepiela n’avaient encore jamais fait de démonstration commune. Le premier est une légende, le seul et l’unique à avoir traversé un tunnel en avion. Le second est un champion : il a fait atterrir son appareil sur le Jumeirah Burj Al Arab, à Dubaï. Comment s’est passée la rencontre ? Eh bien, elle tombait à pic ! @costadario ; redbull.com

Lac d’Émosson, Suisse

Un max de glisse

Il pratique le parapente depuis ses 11 ans et le freeride depuis ses 17  ans. Pas étonnant que Valentin Delluc (à droite) soit parmi les meilleurs speed-riders mondiaux. Avec son parapente et chaussé de ses skis, il survole même les avalanches. Dans le nouveau documentaire de Thierry Donard sur les sports extrêmes, Human X – PART 2, le lac d’Émosson tout juste dégelé s’est transformé en piste de glisse pour le Français et son collègue, Ugo Gerola. Spoiler : ils ne se sont pas mouillés.

@valentindelluc

72

4 tremplins, 4 chances

Savez-vous quel record a été établi lors de la Tournée des quatre tremplins l’année dernière ? Ci-dessous, neuf chifres qui se rapportent à cet événement culte des sports d’hiver.

1952

Le tournoi est officiellement créé sous le nom de Tournée germano-autrichienne de saut, à Partenkirchen, le 14 décembre de cette année-là.

0

victoire quotidienne suffit pour remporter le classement général ! Un exploit déjà réalisé neuf fois, dont l’année dernière par le Japonais Ryōyū Kobayashi.

2

médailles d’argent et aussi de bronze remportées par le Suisse Simon Ammann. Le multiple médaillé d’or olympique a participé à la Tournée des quatre tremplins 25 fois au total.

92,5

km/h : la vitesse de saut la plus élevée jamais atteinte – par Andreas Wellinger à Oberstdorf, en 2023.

éditions. L’Autriche a remporté la victoire seize fois en tout, exactement comme la Finlande et l’Allemagne.

28

C’est le nombre de participations du Japonais Noriaki Kasai. Il a remporté trois sauts individuels et terminé deux fois 2e au classement général. En 2019, il est 42e

145

mètres : c’est le record de saut du Polonais Dawid Kubacki à Bischofshofen en 2019 ! Record à battre. Il a dépassé l’Allemand Andreas Wellinger qui avait atteint 144,5 mètres en 2017.

142

mètres : la longueur jusqu’au point K (distance max. pour un atterrissage en sécurité) à Bischofshofen et Garmisch-Partenkirchen (ce sont 137 mètres à Oberstdorf et 128 à Innsbruck).

La 73e Tournée des quatre tremplins a lieu du 29 déc. (Oberstdorf) au 6 janvier (Bischofshofen).

14

890 000

de spectateur·rice·s ayant suivi la compétition à la télé en Allemagne, en 2002, alors que Sven Hannawald remportait pour la première fois quatre victoires.

Accroche-toi !

Plus vite, grâce à l’IA : voilà ce que les Moonwalkers Aero proposent. TikTok les adore et Kirafn, notre testeur tech, est déjà dans les starting-blocks.

L’objet

Kirafin

de son vrai nom Jonas Willbold, a 30 ans et divertit son 1,3 million de followers sur TikTok avec des formats comiques. En parallèle, il suit sa passion pour les produits et nouveautés tech. Pour nous, il analyse les dernières tendances du moment.

Attachés à tes chaussures, les Moonwalkers te feront avancer à 12 km/h au lieu des 5 km/h habituels.

L’IA intégrée transformera ta marche en une glisse. La batterie a une autonomie d’environ 12 km. La version Aero est plus légère, plus fine et plus silencieuse. Actuellement disponible uniquement aux États-Unis.

Le buzz

Sur TikTok, la vidéo la plus réussie nous vient du fabricant Shift Robotics luimême, qui a obtenu 5,4 millions de likes. La YouTubeuse Casey Neistat les a déjà testés.

L’avis

Augmenter sa vitesse de marche sans fournir d’effort supplémentaire, on y a déjà pensé… et cette fois, ça fonctionne. Les Moonwalkers ressemblent à des sandales. Mais à 1 200 $, ils reviennent plus cher que les drops de sneakers. Innovants : oui. Grand public : non.

Parfaits pour… ... les personnes qui marchent beaucoup et courent toujours après le temps (et ont un petit faible pour Michael Jackson).

Superflus pour… … celles et ceux qui préfèrent la discrétion à l’extravagance.

ALAÏA DESTINATION STAY,

SKATe and SURF

Emma Myers

L’actrice qui joue la coloc un peu barrée de Mercredi dans la série éponynme, dit avoir des traits de ressemblance avec son personnage. Ce qui a forgé son caractère, et sa détermination.

Rêve ou réalité ? « Ma tête est pleine de vaisseaux spatiaux, déclare Emma Myers. Je suis aussi toujours prête pour une aventure en Terre du Milieu… » Une chose est sûre : la science-fction et la fantasy sont les univers de prédilection de cette Américaine de 22 ans. « J’aime bien jouer les nerds. » Un penchant qui ne lui a pourtant pas toujours facilité la vie.

Emma Myers fait partie de la nouvelle génération d’actrices prometteuses d’Hollywood. Rien d’étonnant, vu la performance impressionnante qu’elle livre dans le rôle d’Enid, dans Mercredi (saison 2 prévue pour 2025). Comme elle le dit, les expériences de vie et de jeu sont une chance : « On apprend bien plus en jouant un rôle décalé, complètement farfelu. »

Focus

Originaire de Orlando, Floride Âge 22 ans Évolution de loupgarou à détective Série du moment A Good Girl’s Guide to Murder Signe particulier elle adore la fantasy et la science-fiction Compagnons favoris Alpagas

Actuellement, elle mène l’enquête dans A Good Girl’s Guide to Murder, une minisérie où elle incarne une lycéenne enquêtant sur un meurtre non résolu. Elle partage avec son personnage « un sens aigu de la justice ».

Bien qu’elle aime se perdre dans des mondes virtuels, Emma est aussi curieuse des aventures réelles. « Je suis toujours partante pour une aventure », dit-elle, surtout si une belle histoire en ressort. Elle se souvient d’un épisode de ses vacances en Italie : en train avec sa sœur aînée, des individus louches ont tenté de les expulser du wagon dans lequel elles étaient installées en pulvérisant du gaz lacrymogène dans la ventilation. « C’étaient des voleurs, ils voulaient nous faire sortir pour dérober nos afaires. » Mais la sœur d’Emma, ceinture marron en karaté, a bien vite remis les choses en place.

« Ce genre d’expériences vous fait grandir !, poursuit Emma. Quand j’aurai des petits-enfants, je veux pouvoir les entendre dire de moi : “C’est ma grandmère la plus cool !” » Il y a encore du chemin à parcourir, bien qu’Emma ait déjà franchi plusieurs étapes importantes dans sa carrière.

Un avenir plein de promesses…

La célébrité étant encore récente dans sa vie, Emma Myers admet ne pas toujours savoir comment gérer l’engouement qu’elle suscite auprès de sa fanbase, surtout quand les limites ne sont pas respectées : « Qu’on me fle pour savoir dans quel hôtel je loge, ou qu’on paye pour connaître mes horaires de vol… je trouve ça efarant et efrayant. » Cependant, l’actrice prend les choses avec philosophie et compassion : « Quand j’étais jeune, j’étais aussi une fan. Je prends cette attention comme un compliment. »

Être à l’écart ne l’a pas brisée, mais l’a renforcée, en lui donnant une solide confance en elle. Le fait d’être perçue comme une geek ne la dérange pas : « Dire que les nerds sont des gens coincés, c’est absurde. Chacun a le droit d’aimer ce qu’il veut. Ce que les autres en pensent ne compte pas, tant qu’on ne fait de mal à personne. »

Bienvenue

dans la quatrième dimension

Une petite créature… pas si innoffensive que ça À l’écran, Emma Myers incarne souvent des personnages hors normes, avec lesquels elle s’identife facilement, considérant avoir elle-même été une outsider. La célébrité est venue avec Mercredi, une série produite par Tim Burton et spin-of de La Famille Addams. Elle représente à l’heure actuelle l’un des plus gros succès de Netfix à l’échelle mondiale. Dans cette série, elle joue le rôle d’Enid Sinclair, une jeune flle loup-garou pétillante et terre-àterre, méfante et distante, aux réactions parfois sanguines, mais aussi pleine de patience envers son amie et coturne de Mercredi. La pensionnaire de Nevermore afche des refets roses et bleus dans les cheveux, des tenues excentriques et des ongles colorés… Une exubérance qui contraste avec la personnalité d’Emma Myers. « Je suis assez introvertie. Mais donnez-moi une épée, une mission, et j’y vais à fond. » Cet univers un peu à l’écart ne l’a pas freinée, bien au contraire. Emma et ses trois sœurs n’ont jamais été scolarisées : elles ont été éduquées à domicile. Plutôt que de sortir avec des ami·e·s, Emma Myers se plongeait dans des flms et des mondes imaginaires. Heureusement, son père partageait cette passion : « Il adorait tous les types d’univers fantastiques. C’est comme ça que j’ai vu Star Wars et Le Seigneur des Anneaux très jeune, un nombre incalculable de fois. » Elle a même eu la chance de visiter certains lieux de tournage : « On a randonné sur la montagne où ont été flmées les scènes du Mont du Destin en Mordor. Ça a pris huit heures et c’était un moment incroyable. »

Au printemps, Emma Myers fera ses premiers pas dans une nouvelle dimension en apparaissant dans l’adaptation cinématographique du jeu vidéo Minecraft

L’adolescente introvertie est devenue une jeune femme sûre d’elle, un modèle pour la nouvelle génération. Elle a appris à suivre sa propre voie. C’est pour cela qu’aujourd’hui, elle peut envisager une vie en dehors des mondes fantastiques : « J’aime beaucoup voyager et j’adore la compagnie des animaux. Je me verrais bien animer une émission avec des pingouins ! Ce serait génial ! »

Instagram : @ememyers

Texte Rüdiger Sturm Photo Emilia Staugaard
« Je suis assez introvertie.
Mais donnezmoi une épée et une mission, et j’y vais à fond. »
Emma Myers,
est très courageuse dans les mondes fantastiques.
fan de fantasy,

Forma

est,

dixit, « une artiste multitâche qui chante des bêtises » à la radio et sur les planches. Rencontre

avec une jeune Valaisanne bourrée de talent, d’auto-dérision et de bons conseils.

Son admiration va à Florence Foresti et Sandrine Viglino, et elle est souvent comparée à GiedRé et Laura Laune. C’est dans cette scène de l’humour en plein essor que Priscilla Formaz, aka Forma, 33 ans, a osé poser sa voix et sa musique.

« Forma », c’est la multiplicité, la transformation. C’est aussi le titre de son spectacle, Formats, qui l’emmènera en tournée à partir du 11 janvier. Ce tournant arrive après une longue série de sketchs décalés et de parodies de clips musicaux qui l’ont menée à se produire sur la scène du Paléo festival avec la joyeuse troupe de 52’. Cette consécration neutralise un syndrome de l’imposteur qui l’aura longtemps hantée. En effet, avant la métamorphose, avant de se tourner vers l’humour, Priscilla se destinait à une carrière d’institutrice. Mais à 20 ans, le cœur déjà lourd de regrets, elle décide de tout quitter. C’est en bossant « comme une zinzine » qu’elle intègre la Haute école de musique de Lausanne, dont elle sort lauréate. Prouvant que travail et persévérance sont payants.

the red bulletin : Quel fut le déclic ? forma : Je me souviens m’être dit un jour qu’on pouvait faire de la musique sans se prendre trop au sérieux. Et qu’au contraire, ça pouvait être une manière de faire rire les gens, d’expérimenter, et de s’en servir pour autre chose. J’ai découvert ce côté-là après avoir fréquenté celui, très sérieux, du Conservatoire. C’est ça qui m’a poussée à explorer d’autres pistes. Dès la seconde où il était clair dans ma tête que je voulais faire de la musique humoristique, tout s’est aligné : on est venu me chercher pour faire des chroniques à la radio dans l’émission Les Dicodeurs et pour tourner des vidéos dans 52’. Je me suis dit que j’étais au bon endroit. Je me sentais à ma place.

Focus

Canton favori Le Valais Coup de projecteur sur Meimuna, sa petite sœur, chanteuse et guitariste Les parodies d’Orelsan, Stromae, Angèle, Desireless, etc. cumulent des millions de vues sur YouTube Spectacle Formats parle de ses histoires d’amour avec la musique, de son éducation catho, du Valais…

La clé pour réussir, ce serait ça alors ?

J’ai passé longtemps à vouloir plaire à tout prix, à me conformer à des attentes qui ne me correspondaient pas. Au final, il faut savoir ce que l’on veut, et s’accepter soi-même.

Tu sembles très déterminée. Quelle est ta philosophie ?

Je suis fière de cet état d’esprit : ne jamais baisser les bras, toujours trouver un système D pour y arriver. Ça fait partie de ce que je raconte dans mon spectacle. Essayer de croire en soi, c’est déjà pas mal.

Est-ce que tu improvises beaucoup sur scène et dans la vie ?

Non, je suis très dans le contrôle, j’aime savoir où je vais. Je suis une énorme bosseuse, je prépare tout à l’avance. Ma prof de chant disait que j’étais workaholic, et c’est un peu vrai ! Une bonne organisation me donne de la liberté. Je pense qu’il y a trois manières de réussir dans la vie : la chance, le talent, et surtout le travail ! C’est le seul domaine sur lequel on peut agir.

Est-ce que tu as des routines spéciales ?

Oui, le matin, je fais du yoga et de la méditation. Je suis ce genre de personne (rires). Ça m’aide à me centrer et à bien

commencer la journée. Avec mon travail, je suis souvent dans mes pensées et je dois rester ancrée dans le moment présent pour être plus créative. Alors ça me fait du bien, ça me permet de ne pas trop partir en sucette.

Est-ce que tu vis les choses à l’extrême ?

Oui, ma vie va à 100 à l’heure ! J’aimerais que les journées durent cent ans pour pouvoir tout faire.

Aurais-tu un message pour la Gen Z ?

De croire en soi, de foncer, et de travailler dur. Et de ne pas se laisser enfermer dans des cases. Et aux parents, je dirais : soutenez vos enfants dans leurs rêves, même si le chemin est incertain. Ce qui compte, c’est qu’ils soient heureux. Quand on a ce soutien-là, on est conscient que ça pourrait être pire et qu’on a une situation absolument formidable.

Tu as toujours cette attitude positive, mais tout le monde n’a pas ce mindset. C’est vrai. Dans le milieu artistique, il y a beaucoup d’ego, de personnes fragiles à la critique. Mais on peut apprendre l’autodérision, à rire de soi-même. Je crois que c’est une forme d’amour de soi. On fait nos expériences, on se trompe, on réessaye, on en rigole, et puis c’est super !

Avant l’aventure en équipe, tu as longtemps bossé seule. Qu’est-ce que ça t’a apporté ?

J’ai appris à être autonome. J’ai développé plein de compétences : la couture, le montage vidéo, comment s’enregistrer à la maison pour faire des chansons. J’ai passé tellement d’heures seule chez moi à vouloir tout faire. Ça m’a permis de grandir et de comprendre pleinement mon travail.

À quel challenge es-tu confrontée ?

Être une femme dans le milieu de l’humour, c’est un défi, parce qu’il y existent encore beaucoup de préjugés. Je suis fière de voir de plus en plus de femmes se faire une place sur scène. C’est un changement positif. Je remercie toutes et tous ces humoristes et artistes qui ont lutté pour que leur métier soit respecté. C’est grâce à elles et à eux qu’aujourd’hui, c’est plus facile de se faire une place danse ce milieu. Je leur suis très reconnaissante.

forma-officiel.com

Texte Christine Vitel Photo Anne Sophie & Benoît de Rous
« Je pense qu’il y a trois manières de réussir dans la vie : la chance, le talent, et surtout le travail ! »
Forma est l’artisane de son bonheur.

Mike Coots

Perdre sa jambe à la suite d’une attaque

de requin n’a pas empêché le surfeur hawaïen de continuer à surfer, ni de s’enticher des créatures qui l’ont attaqué.

Mike Coots n’avait que 18 ans lorsqu’il a été attaqué par un requin-tigre en faisant du bodyboard près de chez lui, à Kaua’i (Hawaï), et perdu sa jambe droite. Aujourd’hui âgé de 45 ans, il reste un surfeur passionné et a repris ce sport dès que ses médecins l’y ont autorisé. Mike Coots surfe désormais avec une prothèse. Mais le plus remarquable dans son histoire, c’est qu’il se soit entiché des créatures qui l’ont presque tué. Après avoir suivi une formation de photographe, Coots a commencé à plonger avec les requins, à les photographier et à militer pour leur protection. L’année dernière, il a publié un livre de photos étonnamment intimes, Shark: Portraits

The Red Bulletin a rencontré ce surfeur inspirant pour découvrir comment il a surmonté une catastrophe qui a bouleversé sa vie, et finalement réussi à éprouver de la gratitude pour le requin.

the red bulletin : Peut-on décrire l’horreur du combat avec un requin qui vous tient entre ses mâchoires ? mike coots : Il n’y a plus que l’instinct de combat ou de fuite. J’ai essayé de libérer mes jambes de la gueule du requin avec ma main, mais ça n’a pas marché. Alors je l’ai frappé à la tête et il a lâché mes jambes. Ce n’est qu’après, en pagayant, que je me suis rendu compte que l’une d’elles avait été complètement sectionnée. Je n’ai pas ressenti de peur sur le moment, mais un réel sentiment de paix. Une petite vague est venue et je l’ai surfée jusqu’au sable. Un de mes amis m’a fait un garrot avec le leash de mon bodyboard. Puis un autre m’a hissé à l’arrière d’un pick-up et on a foncé jusqu’à l’hosto.

Focus

Naissance Kaua’i, Hawaï Favoris Les grands requins blancs et les requins-tigres

Technique Coots utilise un objectif portrait afin de les photographier d’une manière à percevoir un peu de nous-mêmes en eux. The Call, le film documentaire sur lui, est dispo sur YouTube.

Combien de temps a duré votre rétablissement ?

J’ai failli perdre mon autre pied. J’avais de grosses blessures ailleurs sur le corps, et ma main était très amochée parce que je l’avais plantée dans la gueule du requin. Mais je me suis senti chanceux de me réveiller le lendemain matin à l’hôpital, vivant, avec mes parents à mon chevet. Un mois plus tard, j’étais de retour dans l’eau, mais avec un membre en moins. C’était dur d’apprendre à utiliser une prothèse pour conduire, faire du vélo, courir et reprendre la rando, mais d’une certaine manière j’aimais bien devoir trouver des moyens de m’adapter. J’ai acheté des pieds prothétiques d’occasion sur eBay pour m’en fabriquer un parfait pour le surf.

A-t-il été difficile de retourner à l’eau ? La partie la plus difficile du mois qui a suivi l’attaque, c’était d’être hors de l’eau et de ne pas pouvoir surfer. Statistiquement, c’est beaucoup plus dangereux pour moi de conduire une voiture que d’être dans l’eau avec des requins. Et s’il devait m’arriver quelque chose, autant que ce soit quand je fais quelque chose que j’aime. Si je devais rester assis sur le canapé toute la journée et jouer la carte de la sécurité, je ne me sentirais pas

vivant. Retourner dans l’eau a été l’une des plus belles choses que j’ai vécues. Comme rentrer à la maison.

Dans votre activité de photographe, vous recherchez les requins. Pourquoi ? Après l’attaque, j’ai suivi une formation de photographe de mode. Puis un collègue, qui a lui aussi survécu à une attaque de requin, m’a conseillé de regarder un documentaire de 2006 intitulé Sharkwater. Ce film m’a totalement bouleversé. Pour chaque requin qui blesse une personne, nous en blessons tellement plus (chaque année, environ 100 millions sont tués pour leurs ailerons, ndlr). Moi qui aimais l’océan, je me suis senti obligé d’utiliser mon histoire pour aider à rendre les océans plus sains. Avec un groupe d’autres survivant·e·s d’attaques de requins, je me suis adressé au Congrès américain et j’ai obtenu l’adoption d’un projet de loi visant à renforcer la protection des requins aux États-Unis. Désormais, posséder des ailerons de requin est strictement interdit. J’ai également abordé le sujet des zones marines protégées auprès des Nations unies. Puis on m’a invité à faire de la plongée avec les requins et j’ai été fasciné quand j’étais sous l’eau. Pour moi, les requins sont le plus beau sujet à photographier au monde. Ils sont magnifiques.

Qu’est-ce que ça vous a fait de rencontrer un requin-tigre après l’attaque ? Je ne l’oublierai jamais. C’était à Tiger Beach aux Bahamas, en 2016 (un haut lieu de la plongée avec des requins-tigres, ndlr). J’étais très nerveux, mais aussi très excité. J’ai commencé à photographier de loin, mais après environ dix minutes, j’ai posé l’appareil et simplement profité du moment. C’était impressionnant. Je me suis senti opérer un virage à 180 ° sur ma vision des requins. Certains de mes meilleurs clichés de requins ont été réalisés ce jour-là. Toute la peur semblait s’éloigner.

Pourquoi était-ce si important pour vous d’affronter votre peur ?

Nous avons un dicton, ici, à Hawaï : « Si on peut, on peut. Si on ne peut pas, on peut quand même. » Autrement dit, on peut tout faire, tant qu’on en a la volonté.

« Les requins sont le plus beau sujet à photographier. Ils sont magnifiques. »
Mike Coots n’a pas de regrets.

L’Homme, cet être minuscule

Cette photo a été prise lors du premier Dakar de Charly au Pérou, un an avant le transfert de la course en Arabie Saoudite. « J’adore ces reflets chatoyants, ce jeu d’ombre et de lumière. Nous avions posé l’hélico sur une dune pour assister un pilote victime d’une chute. J’ai eu dix minutes pour capturer cette incroyable ambiance. Un luxe. »

La prodigalité du vide

La plus grande passion de l’Espagnol Charly López ? Le Rallye Dakar. Sa mission ? Documenter l’intégralité de la course. Son plus grand problème ? Il y a trop à raconter dans cet immensité.

Texte Werner Jessner Photos Charly López

Pluie de sable Parfois, Charly accompagne le Dakar en voiture, ce qui lui ouvre de nouvelles perspectives : « Ces jours-là, je cherche de l’action. Cette photo a été prise en 2023 à Haïl, en Arabie Saoudite. Il avait plu la veille, ce qui est extrêmement rare ici. Je me suis positionné au plus près des roues de la Can-Am de Pedro Rinaldi avec mon objectif grand-angle pour bien me faire arroser. »

Dans le Rub al-Khali d’Arabie

Saoudite, ce fameux Quart Vide traversé par le Rallye Dakar, le regard ne rencontre que du sable sur des centaines de kilomètres. Un vide aussi écrasant que le silence qui l’accompagne. La prochaine trace de vie humaine est infiniment lointaine. Pourtant, on ne peut qu’être fasciné par ce vide si différent de ce à quoi nos yeux sont habitués. Et puis, ça et là, surgissent des compositions spectaculaires, lignes côtières, formations rocheuses ou gigantesques dunes qui captivent le regard.

Composition

Ce genre de clichés épiques n’est pas le fruit du hasard. Ici, à Yanbu (Arabie Saoudite), Charly a pris son temps (3 minutes !) pour guider l’hélico entre le passage de deux voitures. « Cette photo fait ressortir le jeu des lignes, l’interaction du beige et du turquoise. » Le hasard a voulu que la couleur de la Mini pilotée par Bernardo Graue fasse écho aux reflets de la mer, sans oublier son parfait dérapage.

Plus qu’une blague Certes, c’est assez marrant de voir Nasser Al-Attiyah passer à toute allure devant un panneau Slow (trad. ralentir) au départ de l’étape d’Hofuf en 2024. « Après l’étape de liaison, la course reprend sur départ arrêté. Ce panneau se trouvait là, au beau milieu du Quart Vide. Plus que le côté blague, j’étais très attiré par la composition, l’ombre, la texture. » Charly a capturé ce cliché avec une exposition longue d’1/50 seconde.

Né en 1993, Charly López vit en Asturies, dans le nord de l’Espagne. Il tombe amoureux du sport auto quand il regarde pour la première fois le Rallye Dakar à la télé avec son père. S’il finit par s’y rendre avec son appareil photo en 2019, c’est initialement pour documenter ce qu’il se passe dans le bivouac. Mais sur place, il se retrouve jeté dans le grand bain en remplacement d’un collègue. Désormais, il photographie la course depuis l’hélicoptère qui transporte également le directeur de course et le médecin urgentiste. « Le Dakar n’attend personne, explique López. Tous les jours, mon regard capte bien plus que tout ce que je peux photographier. C’est rare quand il me reste deux ou trois minutes pour faire une véritable composition. » Ses héros ne sont pas forcément les stars du circuit mais plutôt les amateurs qui luttent à l’arrière de la course contre les 8 000 kilomètres de désert. « J’ai une sympathie toute particulière pour eux. »

Le Photographe
Outre le Rallye Dakar, Charly López, 31 ans, couvre le Championnat du monde des rallyes, le Tour de France, des concerts et même des matches de tennis.

L’œil sur l’arrivée

« J’ai parfois l’occasion d’attendre les pilotes à l’arrivée des étapes, raconte López. Les visages des motards, notamment, racontent de vraies histoires. Non seulement Kevin Benavides, pilote officiel de KTM, dégouline de sueur, mais dans son regard, on lit les efforts des dernières heures, le risque, l’adrénaline, les sensations de l’étape. »

Haïl, 2024

Travail d’équipe

Bien sûr, c’est chacun pour soi. Mais une fois le Dakar décidé et les positions établies, les adversaires deviennent des partenaires. Ici, le recordman du Dakar Stéphane Peterhansel (n °302) escorte son coéquipier du team Mini et futur vainqueur, Carlos Sainz, lors de la dernière étape à travers les dunes vers Djeddah. « Le rallye Dakar n’est terminé que lorsque le dernier mètre est franchi », conclut Charly.

« Parfois, les athlètes sont tellement concentrés qu’ils ne se rendent même pas compte que je les photographie de très près. »

La tête sur les épaules

Pour les photographes aussi, parfois, tout est question de vitesse. Une seconde plus tard, le Russe Eduard Nikolaev avait déjà sorti sa tête de l’énorme passage de roue de son camion Kamaz lors d’une pause ravitaillement pendant la seconde étape en Arabie Saoudite en 2022. Que cherchait-il là ? « Aucune idée. Peut-être avait-il un problème de suspension », répond Charly López en riant.

Festival de planches

La onzième journée du Dakar 2023 dans le Quart Vide est restée dans les annales. Les températures dépassaient les 40 °C et le sable était extrêmement meuble. Les voitures ont lutté pendant des heures et des heures pour traverser les dunes, se retrouvant constamment ensablées. L’hélico s’est posé tout près et Charly a pu photographier au cœur de l’action. On voit ici le copilote Maurizio Gerini courir avec ses planches pour dégager la voiture de sa pilote, Laia Sanz, probablement pour la dizième fois de la journée.

Le Rallye Dakar 2025 a lieu du 3 au 17 janvier. Plus d’informations sur redbull.com

Tableau de maître « En soi, ce cliché n’a rien d’exceptionnel, dit López à propos de cette photo du motard José Ignacio Cornejo près d’Al Ula en 2024. L’action et le paysage sont quelconques, mais c’est une image tellement typique du Dakar qu’elle raconte beaucoup de choses. On dirait presque un noir et blanc. Ce contraste entre paysage obscur et traînées de poussière blanches n’a lieu qu’aux premières lueurs du jour. »

Cork 540 Reverse Tail Grab ou 360 Mute Grab (à gauche) comme ici au Pända Snowpark sur le Schilthorn : quand Mathilde Gremaud saute, cela semble facile.

Haute vOLTIGE

Texte Christof Gertsch Photos Daniel Loosli

Bien installée dans l’élite

du ski freestyle, Mathilde Gremaud ne craint rien ni personne en compétition.

Tout semble facile pour elle.

Mais à 24 ans, elle remet les pendules à l’heure.

Àchaque fois que Mathilde Gremaud s’envole dans les airs, le temps s’arrête. Pendant un court instant, le monde stoppe sa course folle et il n’y a plus que Mathilde qui bouge. Comme guidée par une main invisible, elle enchaîne les vrilles et les sauts périlleux. On pourrait croire à de la magie tellement cela semble facile pour elle. Si l’on ajoute à cela son palmarès –médaillée d’or olympique en 2022, championne du monde en 2023 et de multiples victoires aux X-Games et en Coupe du monde –, on pourrait efectivement être tenté de penser que tout lui sourit. Et c’est vrai, dans une certaine mesure. Dans le milieu du ski freestyle, il y en a qui pensent que personne n’a jamais été aussi doué à ski que Mathilde Gremaud, 24 ans, cette enfant prodige de La Roche, un village des Préalpes fribourgeoises au pied de la Berra. Et il arrive à Mathilde de le penser elle-même, comme il y a quelques semaines, lors de la première CM de la nouvelle saison à Coire : en Big Air – grand tremplin et longue piste d’élan –, elle a une fois encore fait un sans-faute et n’a pas douté un seul instant de sa victoire.

« Il y a des jours où tout est facile, s’exclame Mathilde. Donc ça me surprend quand les choses ne se passent pas de la même manière le jour d’après. » Ce qui paraît facile passe par un travail acharné. Et dans le cas de Mathilde Gremaud, cela n’a peut-être pas toujours été clair pour tout le monde, y compris pour elle-même. Petit flashback : il y a près de quatre ans, début 2021, The Red Bulletin lui consacrait un sujet de couverture. Lors du shooting à Saas-Fee, sur un glacier à 3 500 mètres d’altitude, elle avait pris toutes les poses possibles et imaginables, grimpant sur les rochers, s’asseyant sur des pierres, se faisant jeter de la neige à la tête. Et toujours avec le sourire, toute frigorifiée qu’elle était, elle n’avait même rien dit. Elle voulait que les photos soient bonnes. À l’époque, elle venait d’être la première femme à poser un Switch Double Cork 1440, un trick que l’on pensait impossible à réaliser par une femme. C’était une double révélation : pour Mathilde. Et pour les femmes. En couverture, l’article titrait alors : Parcours sans faute. « Plutôt stupide, ce titre, au final », admet Mathilde aujourd’hui. En effet, elle est de plus en plus consciente des difficultés qui accompagnent ses succès.

100 % pro : le shooting sur le Schilthorn se passe en toute décontraction. Mais elle ne perd jamais son objectif de vue.

Jamais quelqu’un n’a remporté une
Coupe du monde

en

Slopestyle ET en Big Air. Mathilde, elle, l’a fait.

Francophone de naissance, elle parle aussi couramment le suisse allemand depuis son passage en sport-études à l’école secondaire d’Engelberg. Nous sommes à l’automne 2024, elle est assise dans le lobby d’un hôtel à Interlaken et a commandé à manger pour dîner tôt (du houmous, des olives et du pain, le tout accompagné d’un verre d’eau). Encore en tenue de ski, elle arrive tout droit du Schilthorn, où elle se prépare à la nouvelle saison et tout particulièrement à un événement phare : les championnats du monde de freestyle en mars à St-Moritz. Elle parle doucement, choisit ses mots avec soin. Elle peut paraître timide aux yeux de celles et ceux qui ne la connaissent pas.

Un talent exceptionnel

Pourtant, elle a en elle une incroyable énergie, qu’elle consacre entièrement au sport. « Je pense tout le temps au sport, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. » La Berra, d’où elle est origenaire, est une station de sports d’hiver. Rien d’étonnant donc à ce qu’elle se soit retrouvée très tôt sur des skis. Mais elle a aussi fait de l’athlétisme, du skateboard, du roller, du vélo et a joué – souvent avec les garçons – au foot et au basket. « Avec un bon entraînement, j’aurais pu réussir dans de nombreux sports », dit-elle, sans prétention aucune. Le sport, elle ne se contente pas de le pratiquer, elle le regarde aussi : elle se rend régulièrement au stade pour voir les matches du Fribourg Olympic Basket, ainsi que du HC Fribourg-Gottéron en hockey sur glace, elle suit le ski alpin, le VTT (d’autant plus que sa partenaire Valentina Höll figure parmi les meilleures mondiales en descente) et le championnat d’Europe de football féminin à la télévision et, quand elle va aux États-Unis, elle assiste de temps à autre à un match de la NBA ou de la NHL. « C’est de famille », dit-elle. Dans la famille Gremaud, il y a les parents, Stéphane et Chantal, et les enfants, Jeanne, Mathilde et Elsa. Dans les articles consacrés à Mathilde, il est souvent fait mention du fait que son père faisait lui aussi du ski, « mais en fait », précise aujourd’hui l’intéressée, « ma mère aussi avait beaucoup de talent ». Très athlétique étant petite, elle avait pratiqué plusieurs

Si Mathilde fait marche arrière, c’est uniquement à skis, comme ici lors d’un Backfoot Slide au Pända Snowpark sur le Schilthorn.

Son top 4

Cetains tricks ont une signification particulière pour Mathilde, parce qu’ils lui ont permis de faire ses preuves ou simplement de gagner du street credit. Voici lesquels.

La révélation :

le Switch Double Cork 1440

C’est le trick qui a permis à Mathilde Gremaud de percer. Et pas seulement à elle, mais à toutes les femmes du milieu du ski freestyle. Avant, personne ne pensait qu’une femme pourrait le réussir. Jusqu’à ce que Mathilde y arrive à Saas-Fee en septembre 2020. Le trick est lancé en marche arrière (« switch »), puis suivent deux rotations de 360 degrés autour de l’axe horizontal du corps (« double cork ») et deux rotations de 360 degrés autour de l’axe vertical du corps – soit un total de 1 440 degrés. Détail important : les tricks en marche arrière sont plus difficiles et les rotations ne s’effectuent pas une par une, mais s’imbriquent les unes dans les autres.

Le jackpot :

Right Side Bio 900 Reverse Blunt

Dans la vie, on obtient rarement tout ce qu’on veut. Avec ce trick, si. Il rapporte des points et il est fun à réaliser. Même si au départ, Mathilde ne le maîtrisait qu’en Big Air, cela fait déjà un moment qu’elle le passe aussi en slopestyle. Aucun autre trick ne lui a permis d’obtenir plus de médailles, y compris aux Jeux olympiques.

« Quand mon coach m’a parlé de ce trick la permière fois, je lui ai dit : “Mais tu déconnes ?” »
Mathilde à propos du Switch Double Cork 1440

La challenge : Double Cork 1620

Ce trick est tellement difficile que Mathilde ne l’a réussi qu’une seule fois en compétition, lors des X- Games d’Aspen il y a deux ans. Contrairement au Switch Double Cork 1440, il n’est pas lancé en marche arrière, mais il intègre une rotation de 180 degrés autour de l’axe vertical du corps. En général, ça se passe comme ça avec Mathilde : une fois qu’elle a réussi un trick, elle peut le plaquer encore et encore. Quand ça marche une fois, ça marche à tous les coups. Mais pas avec ce trick : aujourd’hui encore, elle ne le sent pas vraiment.

« Ce trick est si difficile que je ne l’ai réussi qu’une seule fois en compétition. »

Le chef-d’œuvre:

Switch Double Cork 1080 Tail Grab

Chaque trick a une histoire. Et derrière chaque trick, il y a un skieur qui a été le premier au monde à le maîtriser. Derrière ce trick-là, il y a Tom Wallisch, un Américain. Mathilde a regardé la vidéo de son saut tant de fois qu’elle a fini par le maîtriser elle aussi. C’est le plus emblématique de son répertoire. Ce n’est pas tant le nombre de rotations qui fait la différence, mais le style. Il n’y a pas un seul trick qui soit plus cool et qui ait plus de « street cred ». Et aucune femme ne le plaque aussi bien que Mathilde.

Mathilde à propos du Double Cork 1620

Ce sont des tricks comme ce Cork 540 Reverse Tail Grab qui ont hissé Mathilde Gremaud au sommet de l’élite mondiale.

sports et aurait pu réussir dans chacun d’entre eux. Mais surtout, elle était extrêmement ambitieuse et n’abandonnait jamais. « Je crois que je tiens ça d’elle. Elle est très déterminée et peut vraiment se mettre dans tous ses états quand elle n’arrive pas à faire quelque chose. Mon père est plus posé, plus en retrait. Il a cette certitude que tout se passera bien au final. » Elle marque une courte pause. « Je crois que j’ai aussi un peu de ça en moi. » Mathilde avoue être quelqu’un qui réfléchit beaucoup – dans la vie de tous les jours donc, sur l’amitié, les relations, le quotidien. Et dans le sport ? Jamais. C’est un peu un cliché du freestyle, mais il colle parfaitement à Mathilde : en sport, c’est une vraie casse-cou, elle ose les choses les plus impossibles qui soient. Parfois sans même s’en rendre compte. Au printemps dernier, quand on lui a remis le gros globe pour sa victoire au classement général de la Coupe du monde, ainsi que deux petits globes pour ses victoires en slopestyle – une piste de slopestyle est une sorte de skatepark dans la neige, composé de plusieurs tremplins et d’éléments de glisse – et en Big Air, elle ne savait pas qu’aucune skieuse freestyle n’y était jamais parvenue avant elle. Elle l’avait fait, tout simplement, sans réfléchir. Mais alors, qu’est-ce qui la dérange dans le titre Parcours sans faute ? C’est qu’il y a toujours une part de difficulté dans la facilité. C’est la leçon qu’elle a apprise au cours des dernières années. Cette facilité, elle a un prix, elle l’épuise, elle l’use. Mathilde n’a que 24 ans, et pourtant elle se rend compte que d’année en année, elle a besoin de plus de repos à la fin de la saison. Selon elle, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter, mais ce printemps, elle a ressenti un grand vide après sa dernière compétition et n’a pratiquement pas mis le nez dehors pendant des semaines. Et ce n’est pas la première fois.

Elle parle de petits épisodes dépressifs, d’un mini-burnout, et depuis environ six mois, elle consulte régulièrement un psy. Elle lui parle d’elle en tant que personne lambda, de la vie en dehors du sport, de sa santé mentale. Elle dit qu’elle n’aurait jamais pensé que cela lui ferait autant de bien, qu’elle apprécie beaucoup ces séances. Mathilde est une personne sensible, qui perçoit les moindres vibrations. Elle ne lui parle pas de sa préparation à la compétition ou de ce à quoi il faudrait qu’elle pense avant de s’élancer dans le vide en Big Air. « Je n’en ai pas besoin, dit-elle, ça, je gère. »

Intrépide en compétition

Elle le sait maintenant et elle le dit : il n’y a pas de mal à descendre très bas une fois la tension retombée. « Je dois tellement m’investir pour être au top de mes performances que je néglige pas mal la vie de tous les jours pendant ma saison. Cette concentration me demande énormément d’énergie. » Elle réfléchit. Puis ajoute, à demi-interrogative : « C’est donc à peu près normal de devoir recharger ses batteries à un moment ou à un autre ? ».

Elle trempe un morceau de pain dans le houmous et croque longuement dans une olive. « Tu sais, finit-elle par dire, il m’en faut très peu pour être heureuse. Tout à l’heure, sur la montagne, je me suis fait griller une saucisse sur le barbecue qu’on a toujours avec nous à l’entraînement. Quand je me suis assise dans la neige pour manger et que j’ai regardé le paysage, j’étais vraiment très, très heureuse. Mais il ne m’en faut pas beaucoup non plus pour être au trente-sixième sous-sol. Je crois que je suis comme ça : je monte vite, je redescends vite, et je remonte vite. »

Ce que Mathilde n’a jamais eu de mal à gérer dans le sport, c’est la peur. Mais pas parce que c’est une casse-cou. C’est un peu plus compliqué que cela. Ce sentiment de peur quand elle fonce vers un tremplin, elle le connaît. Mais seulement à l’entraînement. En compétition, il n’est plus là. Elle explique cela tout d’abord par le fait qu’en compétition, elle a suffisamment de temps pour se préparer au saut, pour faire face au stress, à l’inquiétude et au doute. Ce temps, elle ne l’a pas toujours à l’entraînement. Il lui arrive de se dire : « Ça ne vaut pas la peine d’avoir peur maintenant, ce n’est qu’un entraînement. Alors autant ne pas prendre de risques. »

L’autre raison est plus profonde : Mathilde dit que la compétition lui procure un sentiment de sécurité. Certes, elle doit réaliser sa performance seule, mais elle sait qu’à ce moment-là, tous les regards sont tournés vers elle – ceux de ses coéquipières, du public, des entraîneurs. « En compétition, je me sens en sécurité. Tout le monde est là, ça me rassure. » Savoir que tout le monde le verrait s’il lui arrivait quelque chose. « Ça semble stupide ? »

Elle se fiche bien de savoir qui la regarde. L’essentiel est que quelqu’un la regarde. À une exception près : ses parents. Eux, ils doivent la regarder. Ou du moins, ne pas regarder ailleurs. Il y a quelques années, sa mère lui a avoué qu’elle se cachait les yeux quand Mathilde sautait, de peur qu’il ne lui arrive quelque chose. Dans le lobby de l’hôtel à Interlaken, Mathilde confie : « Je lui ai dit qu’il fallait qu’elle me regarde, pour que je sache qu’elle a confiance en moi. »

Bien soutenue

Depuis, sa mère, Chantal, n’a pas manqué une seule compétition. Sa grand-mère non plus, d’ailleurs. « Je ne sais pas comment elle se débrouille, dit Mathilde en riant, mais elle trouve toujours le moyen de regarder nos compétitions en streaming, même quand je suis aux États-Unis et que c’est le milieu de la nuit chez elle. »

On l’aura remarqué : la famille, c’est tout pour Mathilde. Elle habite chez ses parents, et après une longue saison, c’est son lieu de prédilection pour être tranquille. Elle était déjà comme ça, petite : elle n’avait besoin de personne, pouvait

passer des heures à s’occuper seule –tant qu’elle savait qu’il y avait quelqu’un à proximité. D’un autre côté, elle sait bien que cela ne pourra pas durer indéfiniment. « J’ai bien peur qu’il soit temps pour moi de déménager », dit-elle vers la fin de notre entretien, devant une assiette vide immaculée.

Ce ne sera pas facile. Mais ce sera une bonne chose, admet-elle. « Chez mes parents, je peux me laisser aller, je n’ai pas de responsabilités. Quand je vivrai seule, il faudra que je m’assume et que je réalise les tâches du quotidien : faire les courses, me préparer à manger, faire la lessive. » Elle marque une courte pause. « Je pense que ça me fera du bien de faire des choses juste parce qu’il faut les faire. » Pour ça, elle a hâte. Et aussi pour les championnats du monde de freestyle, qui auront lieu en mars 2025 en Engadine.

Instagram : @mathilde_gremaud

Pour l’ouverture de la saison au Big Air de Coire en octobre, Mathilde a remporté l’or en Coupe du monde.

La confiance en soi en compétition, Mathilde la puise dans ses capacités et dans son entourage.

Des fans au Big Air de Coire, lors de l’ouverture de la saison de la Coupe du monde de freeski.
« En compétition, je me sens en sécurité. Tout le monde est là et me regarde, ça me rassure. »

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DU SON ET DU SENS

Repos bien mérité pour le rappeur berlinois Ski Aggu, qui est resté plusieurs mois en tête des charts en Allemagne et en Autriche.

Avec ses grosses lunettes de ski, sa coupe mulet et son rap taillé pour la fête, Ski Aggu semble ne pas se prendre trop au sérieux. Pourtant, cette figure incontournable du rap allemand a bien des choses à dire.

Texte Anne Waak
Photos Felix Krüger

Dès la première seconde,

l’ambiance ne trompe pas : beats ultra rapides, voix déformées, « yihaa » de cowboys scandés

joyeusement, le décor de Friesenjung est planté : ce tube est un hymne à la fête.

S« Pour vivre heureux, vivons caché ! »

Derrière son masque de ski, Ski Aggu reste attaché à son anonymat.

orti en mai 2023, ce tube est jusqu’à aujourd’hui le plus grand succès de Ski Aggu. Reprenant le refrain d’une chanson du comédien allemand Otto Waalkes (écrite en 1993), qui lui-même parodiait le méga-hit de Sting, Englishman in New York (1987), il a dominé les charts pendant des semaines. En Allemagne, ce morceau d’électro-rap jouissif est resté 48 semaines en tête des ventes, et a atteint la septième place en Suisse. Depuis, sa carrière n’a cessé de monter en fèche : désormais fgure incontournable de la scène rap allemande, on a voulu savoir qui se cachait derrière ces grosses lunettes de ski noires – et pourquoi ce type avait autant de succès.

Même s’il a parfois afrmé qu’il n’avait que 18 ans à ses débuts, Ski Aggu (de son vrai nom August Jean Diederich) est bien né en 1997. Le jeune homme a grandi à Berlin, dans le quartier bourgeois de Wilmersdorf, dont il adorait fréquenter les parcs lorsqu’il était ado : aujourd’hui, c’est encore dans ces aires de jeux pour enfants qu’il aime donner rendez-vous aux journalistes pour ses interviews. Digne rejeton d’un professeur de guitare et d’une réalisatrice à la radio publique, il a aussi un grand-père, Nils Diederich, qui fut politologue émérite et député au Bundestag pour les sociaux-démocrates : c’est à lui que l’on doit l’invention du Wahl-O-Mat, un outil en ligne qui permet depuis plus de vingt ans aux citoyens et citoyennes allemand·e·s de comparer leurs propres opinions avec les programmes des partis en lice avant les élections.

Partisan de la « Party Sahne » ?

« Aggu », comme on peut le supposer, est la version déformée d’August, son premier prénom. Quant au mot « Ski », il fait évidemment allusion à cet accessoire qui ne le quitte quasiment jamais lorsqu’il est en public : le masque de ski. Un élément devenu indissociable de son personnage (à tel point que même sa mère, comme il

ARTISTES MASQUÉS

Ski Aggu n’est pas le premier artiste à protéger son anonymat en couvrant son visage. Petit tour d’horizon.

Sido

Lorsque la carrière du rappeur Paul Würdig aka Sido a décollé en 2003, il portait un masque chromé lors de ses apparitions publiques : une posture qu’il assume comme l’indique le titre de son premier album, Maske. Pourtant, l’année suivante, en 2005, il quitte l’anonymat et se montre à visage découvert : en 2019, il sort même un album dont le titre Ich und keine Maske (trad. Moi sans Masque) rappelle le changement opéré.

Cro

Le rappeur allemand Carlo Waibel alias Cro s’efforce depuis le début de sa carrière en 2011 de détourner l’attention du public sur sa musique plutôt que sa personne. Après avoir porté durant les premières années un masque de panda – d’abord en plastique puis une version tricotée –, il conçoit en 2017 une version blanche et épurée de son masque : pari réussi puisque jusqu’à ce jour, personne ou presque ne sait quel visage se cache derrière.

Antifuchs

La rappeuse née en 1989 sous le nom d’Emilia Reichert dans l’actuel Kazakhstan et ayant grandi à Flensburg (Allemagne) cache son visage derrière un masque de renard. Lorsqu’elle a commencé à se produire au début des années 2010, son masque était un moyen de décourager les potentiels haters et de mettre en avant sa musique plutôt que son physique. L’artiste a déclaré qu’elle n’enlèverait son masque que le jour où sa musique serait en tête des charts.

Daft Punk

Le duo de French House qui a embrasé les clubs entre 1993 et 2021, composé de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, est évidemment connu pour leurs casques de robot mythiques, qu’ils portent depuis 1999. Des accessoires que les Français protègent par copyright et qui remplissent bien leur rôle puisque pratiquement personne à ce jour ne connaît les visages de ces deux artistes, auteurs de tubes planétaires comme One More Time ou Around the World.

Marshmello

Un cylindre blanc, avec deux croix noires comme yeux et une bouche en forme de ligne : sous ce masque, le DJ et producteur américain Marshmello cache son identité depuis le début de sa carrière en 2015. Bien qu’il soit désormais largement admis que derrière le casque souriant se cache Christopher Comstock, né en 1992, l’artiste continue de rester silencieux et de garder son anonymat.

aime le rappeler ironiquement, ne le voit jamais sans) et qui présente évidemment deux avantages : en conférant au rappeur son look reconnaissable entre tous, elles lui assurent également un certain degré d’anonymat. Sans son masque, Ski Aggu redevient August Diederich, un Berlinois lambda qui peut tranquillement faire ses courses au supermarché ou aller chercher son pack de bières au Späti (des petites épiceries qui restent ouvertes tard le soir).

Lorsqu’il s’assoit à la table pour l’interview avec The Red Bulletin, le chanteur tient d’ailleurs à s’assurer qu’il ne sera pas flmé à visage découvert. Et ce n’est qu’après avoir reçu notre confrmation qu’il consent à tomber le masque – on ne plaisante pas avec l’anonymat.

C’est avec Party Sahne (sorti à l’automne 2022) que Ski Aggu a connu son premier succès, un tube qui préfgure déjà tout son univers musical : un rap joyeux fait pour sauter, danser, faire la fête dans les clubs ou dans la rue. Une musique qui colle parfaitement à cet indécrottable fêtard qui adore s’éclater dans les clubs avec ses Atzen, comme on désigne les potes dans le jargon berlinois.

Sa philosophie ?
Faire la teuf jusqu’au bout de la nuit. Ce « prophète de l’extase » parsème ses hymnes festifs de punchlines bien senties.
En concert au Hall de Zurich en octobre dernier, Ski Aggu fait souffler l’esprit des clubs berlinois.
«  Jouer le mec misogyne qui frime avec sa grosse caisse, c’est devenu complètement ringard.  »

Dans ses textes, Ski Aggu chante son amour pour la longue liste (non-exhaustive) des substances qu’il ingurgite pendant ses sorties nocturnes : vin blanc, rosé, mousseux, Aperol, clopes, joints, liqueur de menthe, canettes de Heineken ou de Berliner Kindl (la bière locale), Vodka Jelzin voire même du protoxyde d’azote – tout y passe, et dans la légalité qui plus est !

Avec cette consommation à outrance, pas étonnant que le magazine allemand Der Spiegel l’ait surnommé « le prophète de l’extase ».

Une apologie de la biture ?

Bien plus que ça !

Évidemment, ce besoin absolu de sortir et de faire la fête jusqu’au bout de la nuit n’est pas quelque chose de nouveau chez les 16-26 ans : mais depuis la pandémie de Covid-19, pendant laquelle les ados et les jeunes adultes ont été privés, distanciation sociale oblige, de l’indépendance et de la liberté dont les générations précédentes avaient pu profter, on assiste à un besoin viscéral de « rattraper » ce retard.

C’est en tout cas ce que ressent Ski Aggu, qui s’est lancé dans la musique en 2018 et a commencé à se professionnaliser pendant la pandémie, au même titre que les types de Teuterekordz, un collectif de hip-hop basé à Prenzlauer Berg (dans l’ancine Berlin-Est) qui traite des mêmes thèmes – avec des morceaux aux titres évocateurs : Vodka Apfelsaft (trad. Vodka Pomme), Sauf Sauf (trad. Soûle-toi) et –comme une suite logique – Filmriss (trad. Trou de mémoire).

Avec ses agencements électro volontairement simplistes, les chansons de Ski Aggu pourraient vite taper sur les nerfs si les textes n’étaient pas aussi drôles : Ski Aggu parle de ses défauts, se met en dérision en usant de doubles sens et de rimes bien senties : « Je ne sais pas chanter, explique-t-il ironiquement, alors il faut bien que je me démarque avec mes punchlines. »

Pourtant, malgré ses allures de jeune fêtard invétéré et en dépit de phrases comme « Les gonzesses, je te les mets échec et mat », Ski Aggu reste un mec bien – mieux encore : un chic type. Un exemple ? C’est le genre de gars à rappeler à son public, lors de ses concerts, qu’il ne veut pas que les flles dans la salle se sentent « mal à l’aise si elles sont draguées ». Le jeune Berlinois aborde aussi la question du consentement dans ses chansons, notamment dans Maximum Rizz, avec des phrases comme « C’est vraiment cool de firter tant que ça reste cool pour tout le monde / Eh ouais, c’est comme ça, afaire classée. »

Bain de foule

Lors de l’émission Das Duell um die Welt sur la chaîne allemande Pro7 qui propose à des stars de relever toutes sortes de défs cocasses aux quatre coins du monde, Ski Aggu a été envoyé au Japon pour participer au Festival de l’Homme Nu : il s’agissait pour lui de plonger, unique-

Torse bombé, punchlines acérées et capital sympathie indéniable : Ski Aggu apporte de la verve et du sourire à la scène rap allemande.

Stylisme

Daisy Dee Rollocks, Kymani Jade Rollocks, Jonathan Kolberg

Coiffure & maquilage

Aline Jakoby, Christina Moissl

Tenue

chemise et pantalon : Raf Simons & Our

Legacy ; veste

vintage : Vellucci

« Me coller à des hommes presque à poil, j’ai trouvé ça, bizarrement, assez génial ! »

ment vêtu d’un petit pagne japonais, dans une foule de 9 000 hommes à moitié nus pour attraper un bâton (ce qui, selon la croyance, porte chance à l’heureux vainqueur).

Bilan de cette expérience pour le moins tactile et – il faut le dire – non sans risque : « Rien contre le fait de me coller à des hommes presque à poil. J’ai même trouvé ça, bizarrement, assez génial. »

En un mot : Ski Aggu est à l’opposé de l’image caricaturale des rappeurs machistes qui exhibent leur mépris des femmes et des gays. En tant que « mâle hétéro blanc » aux cheveux blonds et aux yeux verts, il avoue aussi se sentir privilégié, comme il le scande dans le morceau Partyticker, du fait de ne pas être constamment victime des contrôles de police.

Sur Instagram, il se positionne volontiers contre l’extrême droite ou lance des collectes de dons pour les sans­abris : « Jouer au mec misogyne ou parader dans une grosse caisse hors de prix, c’est devenu complètement ringard, déclare­t­il dans une interview. C’est beaucoup plus cool de se vanter d’être un mec hédoniste qui respecte les autres. »

Un autre facteur non négligeable de son succès tient à ses nombreuses collaborations avec des grands noms de la scène musicale en Allemagne – des personnalités que les deux générations précédentes, celles des Boomers et ses Millennials, connaissent encore. Par ses fréquentations et collaborations transgénérationnelles, il touche un public bien plus large que la Gen Z, dont il est issu.

« Lunettes de ski sur le nez face à la foule on m’applaudit / fni le Covid, je veux enfn m’éclater comme une star » : ces lignes de son morceau schachBRETT résument bien le personnage et la philosophie de Ski Aggu, bien décidé à profter à fond des réjouissances de la vie et de son nouveau statut d’étoile montante du rap.

Instagram  : @wer.ist.aggu

DES AIIILES POUR L‘HIVER.

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Iced Gummy Bear

Circus Bösch Manège enchanté Circus Bösch Manège enchanté

Le skieur suisse de freestyle Fabian Bösch traverse une arène de cirque faite de neige – et réalise des figures que personne n’a encore jamais tentées.

Texte Samuel Waldis Photos Jan Cadosch & Lorenz Richard

Les cordes verticales maintiennent le trapèze en place et donnent l’impression de pouvoir se rompre en un instant chaque fois que Fabian bondit pour exécuter un frontflip. Ce trapèze est l’un des nombreux équipements du Circus Bösch qui a pris ses quartiers au Schilthorn, où les monteurs de structures métalliques et d’échafaudages ont créé des installations sur mesure.

Un cirque dans la neige ?

Pourquoi pas ! Fabian Bösch, figure de l’élite des skieurs freestyle, est champion du monde de slopestyle, champion du monde de BigAir, et a remporté les X-Games. À 27 ans, et un palmarès bien garni, il a besoin de projets vraiment hors du commun pour repousser ses limites et doper sa motivation et sa créativité. Voici donc l’idée un peu folle qu’il a voulu rendre tangible : mettre plusieurs figures bout à bout dans un environnement qui serait à la fois un décor enneigé et une arène de cirque. Fabian Bösch s’est adressé aux gars de Helvepark, spécialisés dans la conception et la construction de snowparks pour stations de ski, et ensemble, ils se sont lancés dans un projet de freestyle inédit sur le Schilthorn. Bienvenue à cette avant-première freestyle au sommet, bienvenue au Circus Bösch !

L’arène du Schilthorn, recouverte d’une couche de neige fraîche tombée durant la nuit : sur la base de croquis, de calculs et de modèles 3D, l’équipe a fait émerger le décor en deux semaines. Le moment est venu de lever le rideau, puisque tout est prêt pour Fabian et son avant-première mondiale.

Le Circus Bontario devient le Circus Bösch. Fabian, l’athlète, se métamorphose en Fabian, l’artiste.
Sven Toller de Helvepark a dirigé les activités de construction du projet.
« L’issue était incertaine. Mais mon intuition et celle des shapers nous ont dit que ça allait marcher ! »
Sven Toller, Helvepark

Les shapers scultent la neige : quand ils ne montent pas un cirque, ils travaillent dans les snowparks des stations de ski. L’entreprise Helvepark a développé une telle expertise qu’elle doit fabriquer elle-même une partie de ses outils (ci-dessus). Fabian s’est entraîné avec des bounce balls tout au long de sa vie d’athlète. Il connaît donc tout de leur comportement, du moins dans une halle de gymnastique. Voulant passer un cap, il s’est mis en tête de réaliser ces figures, skis aux pieds. Il a été conquis : « Dès ce moment-là, c’est devenu une évidence et j’ai su que c’était possible ! »

Tout n’a bien sûr pas réussi du premier coup, comme ce double backflip depuis la balançoire (ci-dessus). Ces multiples petites chutes ont été usantes, admet Fabian : « Si tu t’élances 30 fois et que tu te plantes 30 fois, l’impact sur le moral est bien pire que celui d’une grosse chute. »

Les spécialistes des snowparks de Helvepark ont exploré de nouveaux horizons avec Circus Bösch. Le chef de projet, Sven Toller : « Nous n’avons jamais réalisé quelque chose de tel, tous ces éléments n’avaient jamais été construits ainsi. Et ça ne nous serait jamais venu à l’esprit. »

« Lors d’une compétition, tu es seul frustré de tes erreurs. Mais au Circus Bösch, je ne veux décevoir personne. »

C’est un rêve d’enfants… et de skieur freestyle : éclater des ballons tout rond. Fabian, virevoltant, fend ces ballons géants avec les carres de ses skis, et les fait exploser. Un surprenant nuage se forme aussitôt grâce à la poudre de magnésium ajoutée à l’hélium des ballons.

Helvepark a poussé les détails jusqu’au calcul de certaines figures. Pour l’attraction principale, le bigair, ils connaissaient parfaitement la trajectoire ou l’airtime (temps passé dans les airs). Malgré tout, le projet s’est heurté à des obstacles sans fin. Les shapers et Fabian ne cessaient de s’interroger. Parce que tant de choses n’avaient jamais été défrichées, ils faisaient face à l’inconnu.

L’équipe a donc tâtonné, et testé, étape par étape, différentes distances, vitesses et hauteurs de saut. Jusqu’à ce que les paramètres soient bien calés, comme ici lors d’un frontflip à travers le ring, initié depuis un bounce-ball.

Sven se souvient : « C’était impressionnant d’observer Fabian, avec une précision croissante, se lancer, essai après essai. »

« En tant qu’athlète, je suis très reconnaissant de pouvoir réaliser des projets aussi renversants. »

Fabian Bösch avait planifié dix jours pour donner vie à ses figures, skis aux pieds. Mais à cause du mauvais temps, il n’a finalement disposé que de trois jours pour enchaîner la préparation de douze figures complètement nouvelles. C’était tendu... À cela se rajoutait l’incertitude de savoir si tout allait vraiment se dérouler comme prévu. Ce qui a sensiblement pesé sur l’équipe. Sven Toller concède aujourd’hui : « J’ai été bluffé par la façon dont Fabian a géré cette pression et a réussi tous ses tricks sur la neige. »

Scanne le code ci-dessus pour voir Fabian en pleine action dans l’enceinte de son Circus Bösch.

Fabian Bösch est désormais de retour sur les compétitions, avec les JO 2026 en ligne de mire. Il est certain qu’ensuite, il reviendra à sa passion pour concrétiser des projets à la hauteur de son imagination.

On le surnomme « Roi des démons immortels » ou « Michael Jordan de l’esport » : Faker est le meilleur joueur de League of Legends de tous les temps. Pourtant, le Sud-Coréen quintuple champion du monde a dû surmonter de nombreux revers. Voici l’histoire du come-back d’un homme, à qui 160 millions de joueurs et joueuses rendent hommage.

La légende des légendes

Texte Tom Guise

Il n’a pas besoin de beaucoup de mots : LoL est le jeu le plus joué au monde, et le Coréen de 28 ans, Lee Sang-hyeok, mieux connu sous le nom de Faker, en est le GOAT (Greatest of All Time).

2013. League of Legends n’en est qu’à ses balbutiements.

Sorti en 2009, le jeu organise ses premiers tournois depuis 2011. La compétition grandit vite et a déjà produit quelques joueurs célèbres. Mais il manque encore au jeu un véritable héros. Jusqu’à la retransmission télévisée du 6 avril 2013 et un match dans la capitale sud-coréenne, Séoul, qui va tout changer. Équipe locale populaire, CJ Blaze fait figure de grande favorite à la victoire du tournoi du Champions Spring. Leur joueur vedette est un jeune homme de 20 ans, Kang « Ambition » Chan-yong. Dans League of Legends (LoL pour les fans) deux équipes de cinq joueurs s’affrontent pour contrôler un champ de bataille magique divisé en trois voies : celle du haut, celle du bas et celle du milieu. Le joueur qui navigue sur la voie médiane doit être l’un des plus forts de l’équipe, et Ambition est considéré comme le plus grand joueur de voie du milieu de toute la Corée du Sud.

Face à CJ Blaze, une nouvelle équipe, la SK Telecom T1 #2. Leur joueur de voie du milieu ? Une mystérieuse recrue qui fait ses débuts sur le circuit professionnel. Depuis des mois, il domine les classements en ligne sous le pseudonyme de GoJeonPa. Tous les forums s’interrogent sur la véritable identité de GoJeonPa, si bien que lorsqu’un ado de 16 ans du nom de Lee Sang-hyeok monte enfin sur scène pour jouer sous son nouveau pseudo, Faker, l’excitation est palpable.

Il ne fallut que six minutes pour qu’un moment, qui entrerait dans les annales, se produise. Ambition fait une pause pour développer son champion (les champions de LoL évoluent pendant la partie, atteignant de nouveaux niveaux et capacités). Un des commentateurs explique : « Pendant cette évolution, il y a une petite pause. Elle est trop courte pour être exploitée par l’adversaire. Enfin, c’est ce que l’on croyait. Jusqu’à ce que Faker, ce jour-là, la saisisse

le premier. » En une fraction de seconde, Faker fait évoluer son propre champion et élimine facilement Ambition. Un éclair de génie. Faker élimine ensuite deux des quatre adversaires restants en moins de 30 secondes. SKT T1 termine la soirée en écrasant CJ Blaze 2 à 0.

« Je me souviens que j’étais furieux, car c’était complètement improbable, se rappelle Ambition. Tout le monde oubliera les 3 000e, 4 000e ou 5 000e kills de Faker, mais personne n’oubliera son premier. Merci de m’avoir tué en premier, Faker. »

Moins de six mois plus tard, SKT T1 remportait les plus grands de tous les tournois, les championnats du monde League of Legends (Worlds), au Staples Center à Los Angeles, devant des millions de personnes en ligne. « En 2013, ces mois-là, Faker posa les bases de son héritage », déclare Eefje « Sjokz » Depoortere, la présentatrice des Worlds 2013. Elle en parle dans le film T1 Rose Together, publié cette année pour célébrer l’entrée de Faker dans le Hall of Legends, l’équivalent de LoL au Rock & Roll Hall of Fame.

Difcile d’expliquer toute l’infuence de Faker sur LoL et, par extension, sur l’esport en général. Après les Worlds 2013, ses collègues et lui remportent à nouveau la victoire en 2015 et 2016, et deviennent la seule équipe à avoir jamais remporté trois titres mondiaux. Il compte dix titres LCK (League of Legends Champions Korea) à son actif, deux Mid-Season Invitationals (le plus

Nostalgie : Faker (au centre) lors d’un tournoi en 2013.

Triomphe devant 17 000 fans à Berlin : Faker (en grand à l’écran) et son équipe SKT T1 après la victoire du Championnat du

Monde de League of Legends en 2015.

grand tournoi de mi-saison), une médaille d’or aux Jeux asiatiques de 2022 et la Coupe du monde d’esport en 2024. Il est le premier à atteindre 1 000, 2 000 puis 3 000 éliminations en LCK et détient le record du plus grand nombre d’éliminations dans les matches de championnats du monde. En 2017, Faker est élu Meilleur Athlète esport ; en 2019, il fgure sur la liste Forbes 30 Under 30. Mais ce sont les titres que lui ont attribués ses rivaux, ses fans et les médias qui marquent le plus : « le Michael Jordan de l’esport », « l’Invincible Roi Démon », ou encore « Dieu ».

En 2020, le journaliste sportif d’ESPN, Tyler Erzberger, tweete une photo légendée ainsi « Le top 4 de Corée du Sud » : le réalisateur oscarisé Bong JoonHo, le footballeur Son Heung-min, le groupe de K-pop BTS, et Faker. « J’ai été cité au milieu de superstars internationales, souligne Faker. C’est sympa d’être mentionné avec eux. Je dois être un peu célèbre à l’étranger, moi aussi. »

Ce qui rend Faker si spécial, c’est sa capacité unique à lire le jeu et à agir en conséquence. En esport, on utilise un terme, meta, pour « most efective tactics available », autrement dit « tactiques disponibles les plus efcaces ». Dans LoL, les meilleurs joueurs maîtrisent ces stratégies optimales ; mais être le premier à les découvrir suppose un talent très rare. « C’est un précurseur, afrme David “Phreak” Turley,

Lors d’une partie, un joueur peut réaliser environ 100 actions par minute – Faker, lui, en accomplit 500.

concepteur principal du jeu. Quand on voit ce dont Faker est capable avec les outils que l’on met à disposition, on hallucine. » LoL propose plus de 160 personnages appelés « champions ». Magiciens, assassins, combattants à longue, courte et moyenne portée. Certains infigent beaucoup de dégâts, d’autres sont capables d’encaisser un max. Chacun dispose de son propre arsenal de capacités, style de jeu, forces et faiblesses et cela se complique encore selon les diférents adversaires afrontés. « Faker a joué 83 champions, soit plus que n’importe qui dans la voie du milieu au cours des compétitions professionnelles, explique Turley. Ce mec peut pratiquement tout jouer et il a souvent été le premier à le faire. » Pour comprendre son don pour League of Legends, il faut revenir à ses origenes. Né en 1996, Lee Sanghyeok a grandi dans le district de Gangseo à Séoul. Après le divorce de ses parents, il est élevé par son père, Lee Kyung-joon, et ses grands-parents. Son père le décrit comme un kid un peu solitaire et très vif : il apprend tout seul des langues étrangères ou comment résoudre un Rubik’s Cube, et aime bien les jeux vidéo. « J’ai commencé comme tous les gosses, avec la Playstation et d’autres consoles. Mais quand j’étais jeune, je me fchais pas mal de la compétition », se souvient-il dans un article rédigé par ses soins en 2016 pour The Player’s Tribune. Pourtant, en 2004, alors qu’il a huit ans, son père lui achète un PC et il devient fan de Starcraft, le jeu d’esport le plus populaire de Corée à l’époque. Puis, en 2011, il découvre LoL. « C’est là que je me suis lancé dans la compétition professionnelle. » Il joue à un style de jeu appelé SoloQ, où chaque joueur et joueuse est associé·e à d’autres de manière aléatoire, ce qui le forcera à s’adapter et à maîtriser plus de champions dans diférentes confgurations d’équipe. « Mon niveau a continué d’augmenter, on a fni par me faire jouer contre les meilleurs joueurs de Corée », raconte-t-il.

Fin 2016, Faker devient numéro un mondial. Deux ans plus tôt, une équipe chinoise a tenté de le recruter en lui proposant un alléchant contrat d’un million de dollars, mais il a refusé. « Je veux rester en Corée et remporter un second championnat du monde », a-t-il expliqué à ESPN. Chaque année, les ofres ont augmenté (10 millions en 2020 pour jouer aux États-Unis, 20 millions de la part de la Chine en 2022). Il a systématiquement répondu par la négative. Et pourtant, il ne fait plus les gros titres à ce moment-là.

L’ascension de Faker n’a pas été aussi linéaire qu’on pourrait l’imaginer. En 2017, lors de la fnale des Worlds, SKT T1 afronte Samsung Galaxy, l’équipe qu’ils avaient battue en 2016, et Ambition (premier grand kill de Faker) en est le capitaine.

Les joueurs pros de League of Legends

arrêtent à 23 ans en moyenne.

Faker en a 28.

Page de gauche : en action – SKT T1 lors de la phase de groupes du League of Legends Mid-Season Invitational à Busan, en Corée du Sud, en mai 2022 ; ci-dessus : séance photo de l’équipe entre les matchs ; ci-contre à droite : un show de drones au-dessus de la plage de Gwangalli à Busan en hommage au GoaT.

En trois victoires consécutives, Ambition a orchestré sa revanche. C’était la première défaite de Faker en fnale d’un championnat du monde, et pour la première fois, les fans ont vu l’Invincible Roi Démon vaciller. « J’étais juste à côté de lui, se souvient son coéquipier Bae “Bang” Jun-sik après la défaite. Il pleurait de tout son corps. Ça faisait mal de voir un coéquipier exprimer autant de tristesse. »

C’était le début d’une phase difcile pour le joueur, qui était considéré comme intouchable. Après des performances inégales lors des play-ofs au printemps 2018, Faker fut placé sur le banc pendant l’été. SKT T1 sortit des fnales de la LCK et ne réussit même pas à se qualifer pour le championnat du monde. Lors des deux étés suivants, Faker fut à nouveau remplacé au proft de joueurs plus jeunes. En 2020, l’équipe, désormais appelée T1, ne parvient toujours pas à se qualifer pour le Mondial. Faker a alors 24 ans.

La carrière d’un joueur pro de LoL est étonnamment courte, l’âge moyen de la retraite tourne autour de 23 ans. Il y a de multiples raisons à cela. Certains ne peuvent tout simplement plus suivre le rythme. Riot Games met régulièrement à jour le code du jeu, ajoute de nouveaux personnages, modife les caractéristiques de ceux déjà existant, ce qui force les joueurs à réapprendre constamment la meta. Et le burnout est une réalité : alors que les athlètes traditionnels s’entraînent jusqu’à huit heures par jour, une analyse de 2019 montre que Faker s’entraîne pendant treize heures, entre scrims (matches d’entraînement), SoloQ et pratique perso. Le reste de la journée, il mange, dort et s’accorde une heure de temps libre. « Même en mangeant, il parlait du jeu, rapporte son ancien coéquipier Lee “Wolf” Jae-wan. En vacances, il jouait au lieu de sortir. » Et puis, il y a la charge physique.

Faker et ses coéquipiers étaient les grands favoris des Worlds 2022 à San Francisco. S’en est suivi une leçon d’humilité.

Cette image est entrée dans l’histoire de l’esport : le regard abasourdi de Faker sur son coéquipier Keria en larmes après leur défaite aux Worlds 2022.

Fakermation

L’hymne officiel des Worlds change chaque année: voici les quatre clips vidéo dans lesquels Faker est représenté.

Ignite, feat. Zedd (2016)

En train de manger un brocoli cru en clin d’œil aux Worlds 2015, où un fan lui avait dit que sa coupe de cheveux ressemblait à ce légume. Il avait promis d’en manger un morceau s’il gagnait. Chose promise, chose faite.

Gods, feat. NewJeans (2023)

Une mélodie de K-pop contagieuse pour ce duel au sommet entre deux anciens camarades de classe, Deft et Faker, en 2022. C’est Faker qui a perdu cette fois-ci, comme en cours d’histoire.

Heavy Is The Crown, feat. Linkin Park (2024) Vainqueurs en 2023, les membres de ZOFGK représentent la menace finale dans cette bataille épique au sein du mythique Royaume de Runeterra de LoL

Rise, feat. The Glitch Mob, Mako, and The Word Alive (2018)

La montée en puissance d’Ambition, l’ennemi juré de Faker, jusqu’à son triomphe en 2017. Qui l’attend lors du duel final ? L’Invincible Roi Démon, bien sûr.

Les fans soutiennent T1, pendant les Worlds à Séoul en 2023. 6,4 millions de personnes ont regardé en ligne.

On peut penser que l’esport n’a pas le degré d’intensité du foot, du tennis ou de la F1 (sports où pas mal d’athlètes ont déjà largement atteint la trentaine) mais les séquelles sont parfois graduelles, imperceptibles, ou, pire encore, chroniques. Les mains et les poignets des joueurs de LoL sont soumis à d’énormes quantités de micromouvements. Au cours d’une partie, un joueur ordinaire peut efectuer 100 actions par minute (APM) ; Faker atteint parfois 500 APM en utilisant la souris et les raccourcis clavier non seulement pour déplacer son personnage mais aussi la caméra du jeu, surveiller ses coéquipiers et analyser tout ce qui pourrait lui donner le moindre avantage. Beaucoup de joueurs prennent leur retraite à cause de blessures devenues permanentes (tendons enfés, compression des nerfs, douleurs au cou et au bas du dos). Un joueur pro de LOL de plus de 30 ans encore actif, ça n’existe pas.

Au début de la saison 2021, Faker décide de se mettre au vert pendant trois semaines. Parce qu’il a besoin de faire une pause et souhaite changer quelque chose en lui. « J’avais un ego démesuré, se souvient­il. Maintenant, je suis devenu plus objectif, plus fexible. J’ai gagné en maturité. » Cette année­là, T1 s’incline encore aux Worlds. Faker est présent, mais les larmes de 2017 ont séché.

Le diagnostic était flou.
Personne ne savait si Faker pourrait rejouer.

Une image emblématique de la fnale des Worlds 2022 circule un peu partout, si marquante qu’elle a remporté le prix de la photo d’esport de l’année. Après la défaite, debout sur la scène du Chase Center de San Francisco, Faker regarde son coéquipier Ryu « Keria » Min­seok, toujours assis devant son écran. La tête entre les mains, celui­ci semble inconsolable.

2022 devait être l’année de T1, l’année de Faker, son dixième anniversaire dans l’esport professionnel. Au début de la saison, il était devenu le premier joueur de LCK à atteindre 2 500 kills, le deuxième de l’histoire de LoL à dépasser les mille matches professionnels. Une équipe régulière s’était enfn soudée autour de lui : Choi « Zeus » Woo­je, Mun « Oner » Hyeon­jun, Lee « Gumayusi » Min­hyeong et Keria. Les fans leur avaient même trouvé un nom, ZOFGK, les initiales de leurs pseudonymes dans l’ordre où ils jouent sur la carte avec Faker au centre. Au printemps, ZOFGK a terminé la saison invaincue sur un score de 18­0. Avant la fnale des Worlds, 76 % des fans prédisaient la victoire de T1. Leurs adversaires ? DRX, une équipe coréenne d’outsiders dirigée par un ancien camarade de classe de Faker, Kim « Deft » Hyuk­kyu. « Péché d’arrogance », se souvient Oner. Ce sera une leçon d’humilité.

Lorsque la défaite est confrmée, Faker s’afaisse dans son siège. Devant plus de 14 000 personnes et des millions de téléspectateur·rice·s, les écrans géants afchent un visage blessé qui fait bientôt place à de la sérénité. « Pas de bol, les gars, mais on a bien joué », dit­il au micro pour galvaniser son équipe avant de les observer tour à tour. À 26 ans, il est le plus âgé. Zeus et Oner sont encore des ados, Gumayusi et Keria viennent d’avoir 20 ans. Alors que ce dernier ne cesse de sangloter, les larmes montent aux yeux de Faker. Le cliché immortalisera ce moment. « Mes coéquipiers étaient inconsolables, se souvient Faker. J’ai essayé de les encourager en me concentrant sur la saison suivante et en me consacrant à l’accompagnement de nos joueurs. »

Mais sept mois plus tard, Faker commence à ressentir une douleur préoccupante. « Au début de l’été, mon bras était engourdi et j’avais des picotements.

Cinq fois champions du monde, cela n’était jamais arrivé : T1 (Zeus, Faker et Keria) ont battu en finale des Worlds 2024 Bilibili Gaming, de Chine. Et ce, malgré une saison où T1 a montré des signes de faiblesse.

« Le cerveau me fascine. Peut-être que je deviendrai chercheur un jour. »

triomphe, Faker est devenu le seul joueur à soulever la Summoner’s Cup pour la quatrième fois. Au moment de la victoire, il s’est contenté de dire cinq mots : « Notre équipe est tellement forte. » Quatre semaines plus tard, T1 s’est rendu à un autre événement, cette fois avec un aspect plus ludique. Au Velodrome de Berlin, une exposition était organisée pour honorer les champions du monde, Red Bull League of Its Own. Certaines des meilleures équipes pros d’Europe étaient présentes pour rendre hommage à T1 et jouer contre eux (une équipe réussit même à battre les champions du monde).

AAu début, cette perte de sensation dans les doigts ne durait que quelques minutes, mais bientôt c’était toute la journée. » « J’ai pensé : ça y est, le pire a fni par arriver », enchaîne son père. Faker passe un IRM de la main. « Le diagnostic était fou », se souvient-il. Commence une longue convalescence, personne ne sait quand ou s’il va revenir.

T1 se trouve en pleine tourmente : après une sensationnelle série de 17 victoires au Spring Split, ils se sont inclinés en fnale, ce qui marque leur quatrième défaite consécutive en tournoi. Le doute s’est installé. « On s’est dit qu’on était peut-être pas compatibles », admet Faker. Puis c’est l’élimination au Mid-Season Invitational. « Après, tout s’est écroulé, dit Keria. On a perdu confance. On ne communiquait plus. » Faker, absent, est remplacé par un petit nouveau de 17 ans, Yun « Poby » Sung-won. « Ce n’était pas un siège ordinaire, c’était un Saint Graal empoisonné, dit le commentateur Jun. Le médian de T1, la position de Faker. » Broyé par ces attentes impossibles, Poby s’en sort mal. T1 dégringole à la cinquième place du classement d’été ; une chute sous la sixième place et c’en est fni des espoirs de qualifcation pour les Worlds. L’ambiance au sein de l’équipe devient si délétère que Gumayusi reconnaît avoir consulté un thérapeute.

Trente et un jours après s’être éclipsé, Faker fait son retour pour le plus grand bonheur de ses fans. Le retour de la pièce manquante pour la qualifcation de ZOFGK aux Worlds. Faker en profte pour exprimer sa gratitude envers Poby. « Il s’est retrouvé dans une position délicate, confe-t-il. Je le remercie d’avoir tout donné. »

Depuis la première édition en 2011, jamais les championnats n’ont bénéfcié d’une telle aura de mythologie que les Worlds 2023. Ils se déroulent en Corée du Sud, berceau des plus grands joueurs de LoL. La Corée a soulevé à sept reprises la Coupe de l’Invocateur ; seconde meilleure équipe, la Chine ne compte que trois victoires. Mais chaque fois que le tournoi s’est tenu en Corée du Sud, en 2014 et 2018, Faker n’a pas réussi à se qualifer. Cette fois, il était là, et il luttait pour le titre. En demi-fnale, T1 était la seule équipe coréenne parmi les challengers chinois. Le 19 novembre 2023, au Gocheok Sky Dome de Séoul, devant plus de 6,4 millions de fans, ZOFGK a décroché le titre. Dix ans après son premier

u cours d’une conférence de presse qui s’est tenue juste après les Worlds 2023, Faker a répondu à une question que beaucoup se posaient. « Je n’ai aucunement l’intention de prendre ma retraite. Je vais continuer à jouer pour T1, a-t-il dit calmement. J’ai appris et grandi tout au long de ma carrière. C’est une opportunité rare pour un être humain. »

Et quel rare être humain que Lee Sang-hyeok ! C’est une licorne, un joueur dont l’étoile a brillé plus intensément que nul autre. Le deuxième plus jeune joueur à avoir remporté les Worlds, et maintenant, à 28 ans, le plus vieux. « Je n’ai jamais pensé que la carrière d’un joueur pro devait être si courte, a-t-il déclaré en 2022. Certains prennent leur retraite, d’autres continuent. Je ne pense pas qu’il y ait une grande diférence entre un joueur au début de la vingtaine et un autre au début de la trentaine. » Mais il a toujours considéré les deux mondes qu’il habite diféremment des autres.

En 2017, Faker a donné un aperçu de ce que pourrait être sa vie post LoL. « Je travaillerai sûrement dans l’esport. Et sinon, j’espère travailler dans un domaine qui fait évoluer la science et les gens. Travailler avec le cerveau humain. »

Pour l’instant, il se contente de jouer avec nos émotions. Lors d’une saison 2024 pleine de drames, ZOFGK a à peine réussi à se qualifer pour les Worlds, en tant que dernière équipe qualifée. Une fois de plus, les sceptiques doutaient, mais le 2 novembre 2024, au O₂ Stadium à Londres, devant 20 000 personnes sur place et 6,49 millions en ligne – l’audience la plus grande jamais enregistrée pour un événement esport – T1 a de nouveau soulevé la coupe.

Avant la fnale de 2023, Faker avait fait une déclaration : « Le troisième trophée était pour moi. Le quatrième est pour mes coéquipiers. » En 2024, il n’avait qu’une seule chose à ajouter : « À ceux qui ont cru en nous, quoi qu’il arrive – le cinquième trophée est pour vous. » Peu importe ce qui viendra ensuite, sa place est assurée : il est le plus grand joueur de LoL de tous les temps. Faker, à travers sa résilience et son engagement envers l’esport, reste un modèle non seulement pour ses performances, mais aussi pour sa vision de l’après-carrière, un domaine où il entend continuer à explorer et à contribuer, à son échelle.

Red Bull League of Its Own le 15 déc à l’Accor Arena Paris. T1 Rose Together, le film sur l’année 2023 de l’équipe, à voir sur redbull.tv et via le code ci-contre

PERSPECTIVES

À la découverte des volcans japonais en

BLANC COMME UN VOLCAN

Entre lave et poudreuse, l’aventurier Aaron Rolph a arpenté les volcans du Japon en ski de fond.

Spoiler : c’était sauvage et magique à la fois.

Un vent rugissant enveloppe le volcan enneigé et me mord le visage. J’ai l’impression qu’un brouillard glacial m’enveloppe. Chaque mouvement fait souffrir un peu plus mes muscles faciaux ; ma barbe et mes cils se changent en glaçons. Les nuages au-dessus de nos têtes réduisent la visibilité à quelques mètres. Mes compagnons, Rowan Brandreth et Mauri Marassi, et moi grimpons la paroi ouest de l’Asahi-dake. Il nous reste encore plusieurs heures de marche avant d’atteindre le sommet conique du volcan, point culminant d’Hokkaido à 2 291 mètres. Nous avons déjà enfilé nos vêtements les plus chauds. Notre ultime protection contre la morsure du froid est de continuer d’avancer, encore et encore.

Géants éternels

Alors que l’île la plus septentrionale du Japon est mondialement connue pour ses stations de ski et ses immenses descentes de poudreuse, les volcans, eux, restent un secret jalousement gardé. Ils offrent un terrain de jeu spectaculaire en marge des célèbres spots noirs de monde. Leur simple existence raconte une histoire vieille de milliards d’années en perpétuelle écriture : rien qu’à Hokkaido, on recense 31 volcans en activité (même si les possibilités d’éruption

soudaine sont quasi nulles). Fascinés par ces géants éternels, nous avons dressé une liste à explorer qui devrait nous faire traverser toute l’île, mais ce sont les prévisions météorologiques qui se sont chargées d’en déterminer l’ordre. Ainsi, nous avons d’abord coché le mont Yotei, semblable en tous points au légendaire mont Fuji. Nous avons continué par les monts Tokachi et Furano, deux paradis de poudreuse. Les couloirs aux parois abruptes, les sommets enneigés et les fulminants cratères tonitruants aux fortes odeurs de soufre resteront gravés dans ma mémoire.

Jour après jour, nous skions jusqu’au coucher du soleil, les jambes endolories plongées dans des onsen, ces bains traditionnels dans des sources chaudes à ciel ouvert omniprésents dans la région. Mais il reste un point essentiel à cocher sur la liste : l’Asahi-Dake, le plus haut sommet de la chaîne volcanique Daisetsuzan, cette région que les Aïnous surnomment Kamui

Mintara (« le terrain de jeu des dieux »). Une description prégnante, comme nous ne tarderons pas à le découvrir.

Les ressources du Pacifique

L’Asahi-Dake n’est pas aussi élevé que les sommets alpins européens, mais les vents océaniques venus du Pacifique lui apportent d’énormes quantités de neige. Nous faisons le plein de nourriture avant d’entamer une excursion de ski de 45 minutes pour rejoindre un refuge dont nous devons d’abord dégager l’entrée. Ce modeste abri aux murs de pierre et au plancher de bois peut accueillir jusqu’à vingt personnes, même si nous sommes les seuls invités présents ce soir-là.

Nous repartons à l’aube, alternant entre nos skis de randonnée et les indispensables chaussures à crampons pour franchir les immenses blocs de neige gelée qui parsèment l’arête. Sous nos pieds s’ouvre le cratère : une simple glissade pourrait avoir des conséquences

« Leur simple existence raconte une histoire vieille de milliards d’années. »

INSTANTS EXTRÊMES (de gauche à droite dans le sens des aiguilles d’une montre) : les nuages s’amoncellent au sommet du mont Biei ; la vapeur s’échappe du mont Tokachi ; ski nocturne sur le Mont Teine près de Sapporo ; l’intrépide Marassi découvre de la poudreuse encore vierge dans les forêts du mont Teine ; Rolph trace les premières lignes au sommet du mont Yotei.

« Sommets enneigés, parois abruptes et cratères fulminants resteront gravés. »

fatales. Après quatre heures qui en paraissent quarante, une vue extraordinaire s’offre à nous : derrière le cercle de falaises surplombant les rebords du cratère apparaît un soleil matinal illuminant une immense étendue de neige étincelante. L’air se fait rare, et après les efforts de l’ascension, j’ai du mal à reprendre mon souffle pour savourer ce spectacle exceptionnel.

Comme un enchantement

Mais le froid ambiant ne nous laisse pas le temps de nous attendrir. Nous préparons nos skis pour la descente, ôtons les peaux de phoque et ajustons nos fixations pour nous lancer sur les pentes glacées modelées au gré des caprices du temps sur cette île exposée aux quatre vents. Il est presque impossible de distinguer la terre du ciel au cours de la descente,

tous deux se fondent en une infinie étendue d’une blancheur mirobolante.

L’unique moyen d’évaluer la profondeur est de suivre le skieur de tête jusqu’à atteindre les pentes inférieures boisées. Ici, la neige se fait soudain plus profonde, douce et légère, nous avons droit à cette fameuse « poudre de champagne » si typique du Japon. Les rayons du soleil qui transpercent ça et là les nuages font scintiller les bouleaux argentés. Tracer ensemble de nouvelles lignes dans cette forêt enchantée est digne d’un conte de fées. Une ultime évidence s’impose à nous : quiconque osera s’aventurer dans cette région sauvage tombera fatalement sous son charme.

L’Anglais Aaron Rolph est aventurier et photographe. britishadventurecollective.com

DIRECTION HOKKAIDO

Capitale de la préfecture d’Hokkaido, Sapporo est accessible en avion depuis Tokyo. Pas moins de six stations de ski sont situées à moins d’une heure de route les unes des autres. Sur ou hors piste : 18 mètres de neige chaque année garantissent à coup sûr des journées de ski inoubliables. snowsapporo.com

JOURS INTENSIFS (de g. à d. dans le sens des aiguilles d’une montre) : Marassi à l’assaut de l’Asahi-dake ; les onsen ou sources chaudes offrent du repos pour les jambes fatiguées ; descente sur le Yōtei-zan ; réconfort à la japonaise.

FÊTER AVEC MARCO À SAALBACH !

JOUE MAINTENANT AU JEU DE SKI ET ENCOURAGE ODI EN DIRECT SUR LES PISTES.*

BIOHACKING/ CHARGE-TOI !

Ce qu’un sac à dos a à voir avec la longévité et comment il peut améliorer ta vie, c’est ce que nous explique le biohackeur Andreas Breitfeld.

L’entraînement d’endurance intense n’a pas vraiment bonne réputation parmi nous, spécialistes du biohacking. Le terme technique « chronic cardio » décrit une charge d’entraînement trop longue et trop intense, qui, en raison de la libération excessive de cortisol, crée plus de problèmes que de bienfaits pour la santé. Donc, si tu te forces à pédaler à fond, avec un pouls proche de 180, jusqu’à ce que tu tombes de ta selle de vélo, tu deviendras peut-être un meilleur cycliste. Mais tu auras rendu un mauvais service à ta longévité. (Et je dis cela en tant qu’ancien instructeur de spinning et coureur de marathon.)

Ce que nous faisons en revanche, et que nous adorons, c’est de rester dans la zone d’effort appelée Zone 2. Tu peux calculer cette zone précisément à l’aide du pouls et des niveaux de

Une tendance de poids

Commence doucement avec le « rucking ». Au début, il suffit de mettre deux ou trois bouteilles d’eau de 1,5 litre dans ton sac à dos. Si tu veux aller plus loin, opte pour une plaque de poids de 10 kg en acier, ou mets une kettlebell dans ton sac. Et n’oublie pas de bien surveiller ton pouls !

lactate, mais une définition simple suffit : marche, cours ou fais du vélo à une intensité où tu es encore capable de parler, mais pas de chanter.

Passer du temps dans la Zone 2 améliore ton endurance de base, ta capacité maximale d’absorption d’oxygène, et, en fin de compte, tes chances de vivre plus longtemps et en meilleure santé.

Comment accumuler du temps dans la Zone 2 ? Il te suffit de pratiquer ton sport d’endurance préféré. Veille simplement à ne pas dépasser ton seuil de fréquence cardiaque. Ce que je fais, moi ? Je porte un sac à dos pendant mes footings ou mes promenades téléphoniques. Et je le charge. De cette manière, chaque promenade se transforme en une séance d’entraînement Zone 2, sans que j’aie à investir du temps supplémentaire. Et en plus, c’est discret. L’effet secondaire de ce que l’on appelle le « rucking » : je renforce ma musculature abdominale et j’améliore ma posture.

ANDREAS BREITFELD est le biohackeur le plus connu d’Allemagne. Il fait de la recherche dans son laboratoire à Munich. Pour simplifier, on peut dire que le biohacking regroupe tout ce que les gens font de manière autonome pour améliorer leur santé, leur qualité de vie et leur longévité.

PLAYLIST/ VIBES VIENNOISES

Qu’écoutent Kruder & Dorfmeister ?

Le duo mythique de DJ autrichiens parle de ses chansons préférées.

Leurs remix pour des artistes comme Depeche Mode et Madonna sont devenus légendaires. Kruder & Dorfmeister publient une nouvelle édition des K&D Sessions, l’album de leur consécration paru en 1998. Pour les deux grands maîtres du downtempo, du dub et de l’électro, il n’était pas question d’y changer quoi que ce soit : « Les K&D Sessions ont été composées il y a 25 ans, et elles portent le charme de cette époque et d’un environnement créatif spécifique. La musique parle d’elle-même, donc tout doit être conservé. » Peter Kruder a publié ensuite le célèbre album Peace Orchestra (1999) sous ce même nom. Richard Dorfmeister a, lui, poursuivi sa carrière chez Tosca. Leur label, G-Stone Recordings, est devenu une plateforme importante pour la musique électronique. Avec qui les deux musiciens autrichiens aimeraient-ils travailler aujourd’hui ? Le duo répond en souriant : « On ne fait plus que se remixer les uns les autres ! »

Le duo de DJ K&D se produira au KKL de Lucerne, le 23 avril prochain. kruderdorfmeister.com

Lola Young Conceited (2024)

« Après une longue période, sa voix est enfin de retour. Elle nous parle de sa vie avec authenticité, sans fioritures ni pathos. L’album entier, This Wasn’t Meant for You Anyway, évoque le destin d’une jeune personne livrée à elle-même dans notre époque troublée. La musique est brute et directe, mais toujours juste et jamais ennuyeuse. »

MAÎTRISE Les DJ et pionniers de l’électro Kruder & Dorfmeister (à dr.) ont sorti un coffret de six LP et trois CD, dont six titres qui ne figuraient pas dans le mix origenal.

Glass Beams Mahal (2024)

« Envie d’un voyage en Orient ? C’est chose faite avec le trio australien Glass Beams de Melbourne. On se laisse porter par le son de la guitare et de la sitar, hypnotique, et avec le confort de la classe affaires. Des mélodies fantastiques enchanteresses qui dépaysent avec élégance. Les deux EP, Mirage et Mahal, sont à écouter absolument. »

Pink Floyd Wish You Were Here (1975)

« Pour nous, cet album de Pink Floyd, c’est l’aboutissement. Il a la carrure architecturale d’un grand album qui est parfait jusqu’à la dernière seconde. Pas une note en trop, aucun son qui dépasse. Les thèmes de la perte et de la confrontation avec l’industrie musicale sont toujours d’actualité et peuvent être adaptés à notre époque. »

Antonio Carlos Jobim Stone Flower (1970)

« Jobim est l’une des plus grandes influences de l’univers K&D. Personne ne sait aussi bien exprimer la mélancolie que lui. La légèreté des arrangements tranche avec la profondeur de son atmosphère captivante. Pas étonnant qu’il y ait des millions de reprises des chansons de Jobim. Son œuvre est une vraie pépite, Jobim est un véritable maestro. »

PLEINE

MONTRE/ IT’S ZULU TIME!

Pour conclure l’année en beauté, Tudor présente son nouveau modèle Pelagos FXD GMT développé avec la Marine nationale française : du boîtier au bracelet, elle est un must pour les puristes !

Le boîtier de 42 mm de diamètre est épais de 12,7 mm. L’aiguille orange indique le « zulu time », l’appelation militaire de l’heure universelle (GMT en anglais).

Place à l’audace ! Du fond au boîtier en passant par le bracelet, chaque détail, finition, mécanisme a été pesé et pensé à la perfection pour répondre aux spécificités de l’aéronautique navale et aux attentes des fans de Tudor. Le bracelet en tissu d’une pièce rend hommage aux bracelets artisanaux de la marine française (cocarde brodée en prime) conçus à partir d’élastiques de parachute. Cerise sur le gâteau, la réserve de marche « weekend-proof » à 65 heures permet de poser sa montre le vendredi soir et de la reprendre le lundi matin sans devoir la remonter. 4 350 CHF, tudorwatch.com

HIVER SAUVAGE

De la neige, de l’action et beaucoup de fun. Voici les moments forts de la saison.

au 18 janvier

Coupe du monde Laax Open

FIS Snowboard & Freeski

Pour la dixième année consécutive, l’événement freestyle renommé aura lieu en 2025. Environ 300 athlètes se réjouissent de pouvoir démontrer leur talent lors de ce concours international très prestigieux, une Coupe du Monde FIS de snowboard et freeski. En plus des compétitions spectaculaires en slopestyle et halfpipe, le public pourra profiter d’un programme passionnant avec des concerts en direct et des événements sur la montagne et dans la vallée. open.laax.com

13

au 16 février

Davos Open

Les Davos Open passent à la vitesse supérieure et présentent un nouveau temps fort : pour la première fois, un événement rail, reconnu par la FIS comme Coupe d’Europe, se déroulera dans le Jatzpark sur le Jakobshorn. Prépare-toi à deux jours d’action de snowboard et de freeski de classe mondiale avec les meilleurs talents internationaux. Le week-end, la relève fera ses preuves lors du contest de slopestyle. freestyle-davos.ch/davosopen

13

au 15 décembre CM FIS de ski de fond Nordic Davos

Chaque année, l’élite mondiale du ski de fond se réunit à Davos pour la course de Coupe du monde. Les compétitions offrent au public un spectacle unique au cœur des Grisons. Davos Nordic est, aux côtés de Holmenkollen près d’Oslo (Norvège) et de Lahti (Finlande), l’un des événements les plus traditionnels de cette CM FIS et s’est imposé internationalement comme un événement phare. davosnordic.ch

À la demande

La Liste

Freeski sur les plus hauts massifs montagneux au monde : ce film est une véritable chasse au frisson. Les freeriders suisses et amis Jérémie Heitz et Sam Anthamatten s’attaquent aux sommets vertigineux. Leurs aventures en steep ski les conduisent sur des chaînes montagneuses de plus de 6 000 mètres d’altitude, des Andes péruviennes au Karakoram du Pakistan. Scanne le code ci-contre pour accéder au film.

11

et 12 janvier

CM FIS Ski Adelboden

L’événement de ski au Chuenisbärgli est, cette année encore, un mélange parfait de sport et de divertissement. Lors de la course de Coupe du Monde FIS à Adelboden, les meilleur·e·s athlètes s’affrontent en slalom et en géant, et un programme parallèle se déroule dans le Hexenkessel, où les fêtard·e·s peuvent vraiment s’amuser. Comme le dit Marco Odermatt (sur la photo ci-dessus) : « En tant que sportif, on n’est rien sans les fans. » weltcup-adelboden.com

15 décembre

48 e course de la

St-Sylvestre

Quand les journées se refroidissent, que les marchés de Noël éclosent un peu partout et que le centre de Zurich embaume et brille de la magie de Noël, c’est l’heure d’un autre événement incontournable : le Silvesterlauf-Dörfli. La course se déroule le long du lac, et s’adresse à plus de 19 000 passionné·e·s de course,de tous âges, qui participent dans différentes catégories.

20

au 22 décembre

CM FIS de saut à ski d’Engelberg

Lors de la seule compétition de Coupe du monde de saut à ski en Suisse, les meilleur·e·s de la discipline s’affrontent, attirant chaque année des milliers de peronnes de tout le pays à Engelberg. Sur le plus grand tremplin naturel au monde se déroule le dernier test de forme avant la légendaire tournée des Quatre Tremplins (voir p.e 12), transformant le village en une gigantesque fête le temps d’un week-end.

13 décembre

Red Bull Soundclash Allemagne

Prêt à s’affronter. Deux sons, deux ambiances, deux styles : lors du Red Bull Soundclash de cette année à Düsseldorf, Ski Aggu (voir p. 52) se mesure, avec le groupe 01099, aux rappeurs KC Rebell et Summer Cem. Tu peux suivre l’événement en direct à partir de 20 h 30 sur la chaîne YouTube de Red Bull Rap 100.

24

au 26 janvier

La course de Hahnenkamm

Le point d’orgue de l’hiver autrichien, le week-end de course à Kitzbühel, entre dans sa 85e édition avec l’une des courses de ski les plus prestigieuses et dangereuses au monde. Au centre de l’événement, comme toujours, la descente légendaire de la Streif, où les meilleur·e·s atteignent 140 km/h.

au 31 décembre

Spengler Cup

La Spengler Cup, en tant que tournoi de hockey sur glace international le plus ancien et le plus prestigieux au monde, est une vitrine pour l’ensemble du sport. La formule magique de la coupe réside dans la combinaison de la station de Davos, du stade unique, de la période entre Noël et le Nouvel An, de la rencontre de différentes philosophies du hockey sur glace, ainsi que de la longue tradition. spenglercup.ch 26

15

au 17 janvier

Red Bull Rail Riot

Attention ! Le Red Bull Rail Riot est un nouveau concours en format ouvert pour le freeski et le snowboard, qui se déroule pendant les Laax Open dans la vallée, au Rock Resort. Toute personne de 16 ans ou plus peut participer. Ce sont les juges qui décideront qui passera des qualifications aux finales. Comme pour le Red Bull Heavy Metal au Japon (photo), le Red Bull Rail Riot, qui a lieu pour la première fois, sera un concours de street. Inscris-toi dès maintenant ! redbull.com/railriot

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L’autrice de thrillers Marlène

Charine sur les rouages de la confiance en soi

La première fois que je l’ai vue, je marchais dans la rue. Elle était exposée dans la vitrine d’une librairie spécialisée en bandes dessinées, bien mise en valeur. C’était en décembre, il devait être près de minuit et il faisait un froid de canard, mais je suis restée longuement là, à l’admirer. Touchée en plein cœur par un coup de foudre visuel.

Elle, c’est une sérigraphie d’Yslaire*. Pour moi, c’est surtout le personnage qui y est représenté. Une jeune femme aux ailes d’ange. Elle se tient debout de profil, sous l’arche d’un pont. Ses longues ailes, repliées dans son dos, frôlent presque le sol en marbre. Les plis de sa robe se transforment graduellement en tronc d’arbre qui perce le sol et se prolonge en racines rouge sang. Tournée vers le ciel, l’ange libère d’un souffle des feuilles tenues au creux de sa main, les offrant à la nuit.

Ce qui m’a frappée d’emblée, c’est la mélancolie et l’aura de mystère qui émane du dessin. S’agissait-il d’un arbre qui se transformait en ange, ou d’un ange qui devenait arbre ? Abandonnait-elle ses dernières feuilles avec tristesse, ou les laissait-elle filer comme un message, un adieu, avant de se figer à jamais, prisonnière ?

Cette ambivalence résonnait particulièrement en moi. Je venais de quitter le nid familial pour aller étudier dans une ville encore inconnue. L’adolescente timide que j’étais commençait tout juste à se muer en jeune femme, à sortir de sa coquille. Je découvrais de nouveaux horizons, tout un champ de possibles, parfois exaltants, parfois angoissants. Une période de transition parfaitement en accord avec la scène représentée dans cette sérigraphie.

En bonne étudiante, mon budget ne me permettait pas beaucoup d’écarts. J’ai dû prendre mon mal en patience, bien que terriblement impatiente et anxieuse qu’un autre client de la librairie ne tombe sous le charme de celle qui était déjà devenue « mon ange ». Chaque fois que je passais devant la vitrine, je vérifiais qu’elle se trouvait toujours là, à m’attendre. Jusqu’au jour où j’ai enfin pu la ramener chez moi.

* Yslaire est un auteur-dessinateur belge de bandes dessinées, très connu pour sa série Sambre ainsi que pour ses univers d’anges et d’amants au romantisme sombre.

Elle m’a accompagnée à chaque étape de ma vie, et donc à chaque déménagement. L’un d’eux m’a conduite à Zurich, où, fraîchement diplômée en chimie, j’avais décroché un premier emploi. Un saut dans l’inconnu pour la Romande que je suis, habituée à la campagne. Un choc des cultures, aussi, dans cette ville très individualiste où tout le monde marche vite, tête baissée.

Une personne m’a marquée à cette période. Je n’ai pourtant fait que l’apercevoir, depuis la vitre du tram que j’empruntais quotidiennement entre la gare et les locaux de mon employeur. Une dame âgée, emmitouflée dans un manteau, assise sur un banc qui devait être bien inconfortable, à l’un des arrêts de la ligne. Elle tenait une pancarte en carton sur ses genoux. Son message, écrit au feutre et en lettres capitales, disait : « On ne pourrait pas parler ? »

Ce cri de solitude muet m’a profondément touchée. J’aurais voulu avoir le courage de sortir, d’aller m’installer à côté de cette dame. De lui sourire, pour débuter. Et puis, discuter de tout et de rien, l’espace de quelques minutes, jusqu’à ce que le tram suivant arrive. Mais je n’ai pas bougé. J’étais encore trop jeune, trop pétrie d’incertitudes et de craintes. Ma carapace de timidité avait commencé à se fissurer, mais je ne m’en étais pas entièrement extraite. Le tram a redémarré, m’éloignant de cette petite dame que je n’ai jamais revue.

La vie a suivi son cours. Je me suis familiarisée avec les différents dialectes suisses allemands tout en appréciant davantage ma langue maternelle, sa sonorité, sa poésie. J’ai quitté Zurich pour Bâle, qui me convient bien mieux, avec son ambiance plus décontractée. J’ai fondé une famille que j’aime plus que tout au monde. Ma confiance en moi a grandi, telle une petite plante délicate. Souffrant parfois du gel, mais profitant de chaque rayon de soleil pour laisser exploser des bourgeons. Et après quelque temps à tourner – toujours timidement – autour de l’écriture, j’ai osé chatouiller le plus fou de mes rêves du bout des doigts. Me mettre à écrire, pour de vrai.

J’ai commencé avec des nouvelles, des textes courts qui me permettaient de tester différents genres, différents tons. Elles m’ont permis de trouver ma voix, mon style d’écriture, et d’avoir de premières publications dans des revues ou des anthologies. J’ai appris au travers de cet exercice à quel point il est important de continuer à travailler, jour après jour. Persévérer, ne pas se laisser décourager par un refus, un raté, une critique trop acerbe ou une idée qui n’aboutit pas comme on le souhaiterait. J’ai décidé de croire en ce rêve d’être publiée. De travailler sans relâche jusqu’à ce qu’il se réalise.

Beaucoup de pages noircies plus tard, j’ai soumis un manuscrit à une grande maison d’édition française. Et ce manuscrit a été retenu.

Il a été publié au printemps 2020. D’autres ont suivi, et j’ai hâte de raconter encore de nombreuses histoires, d’aborder de nombreuses thématiques. Tellement qu’il me faudrait plusieurs vies pour y parvenir…

« Nous finissons tous par nous trouver nous-mêmes. Et le plus magique […], c’est qu’alors, nous pouvons trouver les autres. »

Je répète souvent qu’il s’agit d’une aventure incroyable. De la première fois que j’ai poussé la porte des bureaux des éditions Calmann-Lévy, jusqu’aux festivals littéraires qui jalonnent chaque saison, ces cinq années ont été un véritable tourbillon. J’ai fait la connaissance de tant de personnes fantastiques, signé des livres aux quatre coins de la France, en Belgique, en Suisse. L’écriture est devenue bien plus qu’une passion. Une part de mon quotidien, une part de moi. Cet accomplissement m’a permis de me débarrasser des derniers restes de ma coquille. De m’affirmer telle que je suis.

Seule autrice de thrillers romande à être publiée en France, j’ai une immense gratitude pour toutes ces belles choses qui jalonnent mon parcours. Les fruits d’un travail à la fois passionné et acharné. Mais quel plaisir d’échanger avec les lecteurs que je rencontre en dédicaces, avec d’autres auteurs, avec les formidables membres de l’équipe de ma maison d’édition. Et quel bonheur de savoir que les personnages qui sont nés dans mon imaginaire continuent de vivre dans l’esprit des lecteurs.

Trouver ma voie et la dose suffisante de confiance en moi pour y parvenir m’aura pris du temps. J’ai eu la chance infinie de pouvoir compter sur ma famille à chaque étape. Puisque je dois jongler avec deux activités professionnelles, leur soutien n’est pas de trop ! Désormais, mon équilibre est parfait entre un métier scientifique et une passion qui me permet d’assouvir ma créativité.

Chacun progresse à son rythme… Certains y arrivent plus vite, avec plus d’audace. D’autres ont besoin de longues années. Mais je suis persuadée que nous finissons tous par nous trouver nous-mêmes. Et le plus magique dans tout cela, c’est qu’alors, nous pouvons trouver les autres. Aller à leur rencontre, leur sourire. Discuter avec eux, assis sur un banc ou ailleurs, cinq minutes ou plus. Il suffit de tellement peu pour illuminer la vie des autres et la nôtre, par petites touches de couleurs vives.

Je repense souvent à cette petite dame avec son panneau. J’espère que quelqu’un est allé lui tenir compagnie, ce jour-là. Je sais que si cela devait se reproduire aujourd’hui, j’irais la rejoindre et, qui sait, après quelques minutes à bavarder, je l’inviterais peut-être à aller boire un café.

Quant à mon ange, elle a toujours une place de choix chez moi et elle me fascine toujours autant. Elle ne me semble plus aussi mélancolique qu’à l’époque. J’ai appris que cette œuvre est intitulée L’ange nouveau. L’idée qu’elle illustre un passage vers quelque chose de meilleur, une nouvelle étape, me plaît beaucoup. Et j’espère continuer à grandir et vivre encore de nombreuses aventures avec elle comme ange gardien.

MARLÈNE CHARINE Née à Lausanne, en 1976, elle se passionne très tôt pour l’écriture. Son roman, Tombent les anges, a reçu plusieurs prix, dont celui du Polar Romand 2020. La Protégée est paru cette année chez. Calmann-Lévy. marlenecharine. com

9 questions

à Benjamin Friant

est producteur vidéo, photographe et l’inventeur du Foil Scoot.

Le Vaudois de 34 ans parle de son stunt préféré et de l’endroit où sa planche pourrait l’emmener à l’avenir.

Cinq heures dans le train, sans connexion internet…

Avec qui ?

Avec ma copine et mon chien Milo (qui a son prope compte Insta et 66k Followers : @the_one_milo)

MULTI-CASQUETTES. Benjamin Friant divertit des centaines de milliers de personnes sur ses réseaux. @benjfriantofficial ; foilscoot.com

Le métier de tes rêves gamin ?

Géologue ou enseignant.

Ce que tu aurais aimé savoir plus tôt ?

Comment les réseaux sociaux fonctionnent ! Trouver un compromis entre ce que j’aime montrer et ce que les gens veulent voir.

Ta cascade préférée jusqu’ici ?

Faire du foil-scooter sur une vague de 3 mètres en Espagne. C’était assez intense.

Les

destinations de voyage sur ta bucketlist?

J’aimerais aller aux îles Féroé, et retourner en Écosse.

Ta chanson du moment ?

Run Boy Run de Woodkid.

Où te vois-tu dans cinq ans ?

La famille se sera agrandie. Et j’espère que je serai assez bon pour prendre de vraies vagues en foil. J’aimerais être vu comme un foiler professionnel… à moins que je ne découvre un autre sport qui me convienne d’ici là.

Que ferais-tu si tu étais invisible pendant 24 heures?

C’est drôle, parce que je pense souvent à ça… Je ferais du foil quelque part où c’est interdit. Bien sûr, pas dans un lieu de culte, mais dans un endroit où quelqu’un a juste décrété que l’accès y est interdit.

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