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eExperte en genre et jeunesse, Fatmata a participé à un projet de la FAO qui donne aux femmes des zones rurales les moyens d’être mieux à même de participer à la prise de décisions pour le ménage et pour la communauté. ©FAO/ Aurélia Rusek
Fatmata Binta Jalloh a grandi à Makeni, la plus grande ville de la province du Nord de la Sierra Leone. Sa mère était infirmière et se rendait dans les villages ruraux pour soigner les femmes.
«Elle me parlait souvent de femmes qui étaient victimes de violences sexistes, mais qui dépendaient de leur mari pour leur subsistance et celle de leurs enfants», se souvient-elle, ajoutant: «Malheureusement, cette situation est toujours d’actualité.»
«La plupart des problèmes qui touchent les femmes sont dus au fait qu’elles ne sont pas indépendantes financièrement; par conséquent, elles doivent s’en remettre à un mari ou à des membres de leur famille qui les maltraitent», explique Fatmata. «Elles [les femmes rurales] méritent d’avoir les mêmes chances, mais la société rend cette tâche très difficile.»
Aujourd’hui, en sa qualité d’experte en genre et jeunesse au sein du Ministère sierra-léonais de l’agriculture et de la sécurité alimentaire, elle aide les femmes rurales à accéder à des formations techniques, des intrants ou d’autres possibilités leur permettant de tirer le meilleur parti de leurs activités agricoles.
Foday Kamara a lui grandi dans un autre village isolé, au sein d’une famille qui pratiquait l’agriculture de subsistance. Bien souvent, il n’y avait pas suffisamment à manger pour tous les membres du foyer. C’est pourquoi ses parents l’ont envoyé, à l’âge de 10 ans, vivre chez sa tante. Il est aujourd’hui directeur d’une ONG locale qui œuvre pour la jeunesse et l’autonomisation des femmes.
Leur engagement en faveur des femmes rurales de la Sierra Leone a amené Fatmata et Foday à participer à un projet de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), mis en œuvre en collaboration avec l’ONG Solidaridad West Africa. Ce projet permet aux femmes et aux hommes d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour développer des activités agricoles prospères, grâce à des investissements responsables dans l’agriculture. Il donne également aux femmes des zones rurales les moyens d’être mieux à même de participer aux processus de prise de décisions.
La FAO et l’ONG Solidaridad West Africa ont lancé un programme de renforcement des capacités qui a pour but d’aider les femmes rurales de la Sierra Leone à accéder à des emplois décents dans l’agriculture et à faire des investissements responsables en tan
De l’agriculture de subsistance à l’agroalimentaire responsable
Deux tiers des familles sierra-léonaises dépendent de l’agriculture de subsistance et du petit commerce en tant que sources d’aliments et de revenus. Rares sont les femmes rurales qui disposent d’autres sources de revenus.
«Le fait d’être capables d’investir dans leurs activités agricoles représente un saut qualitatif qui peut aider les femmes rurales, en particulier, à opérer une transition de l’agriculture de subsistance vers une activité agroalimentaire et à élargir ainsi leurs débouchés économiques», poursuit Maud Oustry, experte en renforcement des capacités à la FAO.
Toutefois, en dépit des efforts considérables déployés ces dernières années pour créer des conditions équitables pour les femmes, les inégalités de genre persistent en Sierra Leone. Alors que près de 80 pour cent des femmes employées dans le pays travaillent dans le secteur agroalimentaire, des obstacles de taille les empêchent d’accéder aux ressources de base telles que la terre, la formation ou les services.
«La plupart des agricultrices rurales sont analphabètes. Elles n’ont pas de compétences commerciales et peuvent rarement accéder à des financements. Et même lorsqu’elles y parviennent, ce sont les perceptions et les normes sociétales qui contrarient leurs projets», explique Fatmata.
«Si les femmes bénéficiaient du même accès aux ressources productives, aux services et aux processus de prise de décisions que les hommes, elles pourraient investir dans l’agriculture,
développer leurs activités agricoles et créer leurs propres agroentreprises», fait valoir Maud Oustry.
En novembre2022, la FAO et Solidaridad ont lancé un programme de renforcement des capacités des femmes des zones rurales dans le cadre du projet mené en Sierra Leone. Son objectif est d’aider les femmes à accéder à des emplois décents dans l’agriculture et à réaliser elles-mêmes des investissements responsables dans l’agriculture en tant qu’entrepreneuses.
La première étape consiste à renforcer les compétences des femmes des zones rurales et à encourager leur participation aux processus de prise de décisions.
«Les femmes effectuent la plupart des tâches agricoles, mais ce sont les hommes qui prennent les décisions. Ils décident de tout: la production, les ventes, l’utilisation des ressources», explique Foday.
Sensibilisation aux droits des femmes
Fatmata et Foday, ainsi que 25 autres représentants d’organisations de femmes vivant en milieu rural, ont participé à une formation de formateurs.
«Les supports étaient conçus pour les aider [les femmes rurales] à analyser leur situation, à pointer les difficultés qui les empêchent d’investir dans l’agriculture et à esquisser des solutions possibles pour y remédier», explique Foday.
Pour que les femmes soient dûment informées de leurs droits, les participants ont également étudié les cadres réglementaires, y compris une loi récente qui aborde des questions telles que l’accès des femmes au financement, leurs possibilités d’emploi, l’égalité de rémunération, le congé de maternité et la protection des droits fonciers coutumiers.
«Ces droits, les femmes se sont battues pendant des décennies pour les obtenir. Les informations reçues à ce sujet ont renforcé la confiance des femmes rurales et leur ont fait prendre conscience que les choses sont en train de changer», poursuit Fatmata.
Vers des processus de prise de décisions inclusifs
Des séances de dialogue ont également été organisées pour permettre aux femmes d’exposer leurs difficultés, de formuler des recommandations aux autorités locales et de discuter de la voie à suivre.
«Les séances de dialogue ont été extrêmement enrichissantes», raconte Foday. «Par exemple, des femmes ont raconté qu’elles rencontraient d’énormes difficultés pour accéder à la terre, malgré la nouvelle loi qui leur accorde des droits fonciers coutumiers. De nombreux responsables locaux n’étaient pas au courant de cette loi, la campagne visant à la faire connaître étant toujours en cours.»
À la suite du dialogue mené avec le chef suprême de Kambia, celui-ci s’est engagé à coordonner son action avec celle des autres chefs de village pour garantir le respect des droits des femmes.
Par ailleurs, les femmes ont été invitées à participer aux réunions mensuelles du conseil de district, afin d’exercer un suivi des autres engagements pris au cours de la séance de dialogue. «Cette mesure est très importante, car elle signifie que, désormais, les femmes seront associées aux prises de décisions au niveau local et au niveau du district», explique Fatmata.
Ayant acquis les compétences et les connaissances nécessaires, Fatmata et Foday sont maintenant prêts à former d’autres femmes rurales dans le district de Kambia. Des formations analogues ont été organisées dans huit autres districts de la Sierra Leone, pour le bénéfice de près de 300 femmes au total. ©FAO/ Aurélia Rusek
Au cours des séances de formation, les participants ont appris que l’investissement responsable dans l’agriculture profite non seulement aux investisseurs, mais aussi aux communautés, qui englobent les femmes, les hommes et l’environnement. Il contribue au développement durable, renforce la sécurité alimentaire et la nutrition et assure le respect des droits humains.
«Pour de nombreuses personnes, cela a été une révélation, car chaque communauté a eu à faire à des entreprises qui polluaient les terres et l’eau. Nous savons maintenant que nous devons non seulement réclamer une redevance au titre de l’utilisation des terres, mais aussi veiller à ce que leurs investissements soient durables sur les plans environnemental, économique et social», explique Fatmata.
D’ici la fin de 2024, les équipes du programme auront travaillé avec 420 femmes des zones rurales et 210 dirigeants locaux masculins, qu’elles auront sensibilisés à l’importance de la participation des femmes aux processus de prise de décisions. Dans le cadre d’une nouvelle étape, la FAO et Solidaridad effectuent un suivi des engagements pris pour améliorer la participation des femmes rurales à l’investissement agricole responsable.
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