Il pleut à la maison
Par Céline Lamy
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À propos de ce livre électronique
En raison de la honte vis-à-vis de la souffrance mentale, le parent choisit souvent, pour protéger sa famille, de la cacher et de se murer dans le silence. Mais les enfants savent toujours qu'il se passe quelque chose. Et les tenir à l'écart pourrait entraîner chez eux peur, colère, incertitude, confusion, incompréhension et culpabilité, en plus d'avoir des conséquences psychologiques à long terme.
L'expérience de mère et de pédopsychiatre de l'auteure l'a convaincue que les enfants doivent être informés le plus clairement possible pour pouvoir comprendre et développer des stratégies d'adaptation.
Ce livre propose d'accompagner le parent, pas à pas, dans un dialogue avec ses enfants, lui permettant ainsi de sortir du secret et de la honte.
« Il était une fois un parent malade qui décida de ne plus se laisser définir ni piéger par sa maladie, de parler avec son coeur, son authenticité, pour expliquer son combat à ses enfants »
Et vous ? Choisirez-vous d'attendre que l'orage passe ou de danser sous la pluie ?
Céline Lamy
Dr Céline Lamy est une pédopsychiatre d’origine française, expatriée au Québec, mariée et maman de jumeaux. Sa pratique allie la pleine conscience, la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), les thérapies brèves humanistes et le yoga. Céline Lamy croit profondément en une médecine intégrative et humaniste associant les pratiques conventionnelles occidentales aux sagesses des approches complémentaires.
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Aperçu du livre
Il pleut à la maison - Céline Lamy
Édition
Les Éditions de Mortagne
Case postale 116
Boucherville (Québec)
J4B 5E6
editionsdemortagne.com
Tous droits réservés
Les Éditions de Mortagne
© Ottawa 2018
Maquette de couverture
© France Sévigny
Photo en couverture
© John Wilhelm
Illustrations intérieures
© Designed by Freepik, Bimbimkha, Brgfx,
Dreamcreation01, Tretii984, Yuliana Design
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque nationale de France
3e trimestre 2018
Adaptation numérique : Studio C1C4
ISBN 978-2-89662-896-4
ISBN (epdf) 978-2-89662-897-1
ISBN (epub) 978-2-89662-898-8
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.
Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)
À Stéphane,
à ton tour ! Divenire !
À Adèle et Joseph, nos deux petites étoiles qui dansent.
« Il faut porter du chaos en soi
pour accoucher d’une étoile qui danse. »
FRIEDRICH NIETZSCHE
À tous mes petits patients et leurs parents,
« La vie, ce n’est pas d’attendre que les orages passent,
c’est d’apprendre à danser sous la pluie. »
SÉNÈQUE
Merci de me suivre dans cette danse !
INTRODUCTION
Je suis venue vous dire… pourquoi j’ai écrit ce livre
« Au milieu de l’hiver,
j’ai découvert en moi un invincible été. »
ALBERT CAMUS
Pourquoi ai-je écrit ce livre ? Une réponse facile et rapide serait de dire que je suis pédopsychiatre, que je rencontre au quotidien des parents malades, des enfants souffrants. Bref, que c’est mon domaine.
Mais, par ce livre, je souhaite aider les parents à se délivrer des secrets et des mensonges qui les enferment, à oser nommer leurs souffrances, à relever la tête et à éviter la honte.
Alors, voilà : la souffrance psychique et la dépression sévère, je les ai vécues aussi.
Ce livre est d’ailleurs une forme de thérapie et une manière de présenter mes excuses à mon conjoint, à mes enfants. Thérapie pour sortir de la culpabilité liée à la maladie, excuses pour n’avoir pas pensé et écrit ce livre plus tôt, pour vous, mes enfants.
J’étais une femme dans la trentaine, médecin engagée, travaillant dans une clinique en France, vivant à cent à l’heure son métier auprès d’enfants et d’adolescents, maman de jumeaux, épouse.
Mais, du jour au lendemain, tout m’a échappé. Comme si avancer ne m’était plus possible, plus concevable, comme si tout me glissait entre les doigts telle une poignée de sable.
Il me semblait que, soudain, je ne pouvais plus rien contrôler, le grand « truc » que je savais si bien faire. Le clown joyeux tirait sa révérence et le clown triste prenait toute la scène d’assaut. Ce salaud.
J’ai tenté de changer de cirque, d’imprésario, de trouver d’autres numéros d’acrobates, d’autres blagues et d’autres lapins à sortir de mon chapeau.
Tout était désespérément vide et triste, la lumière avait abandonné le chapiteau.
Je me revois, penchée sur la boîte aux lettres pour récupérer le courrier, à me dire que peut-être il vaudrait mieux que mes enfants ne m’aient plus comme maman, que je ne convenais plus, à personne, pas même à moi. Que, si je partais au bout du monde, maintenant, alors qu’ils n’avaient que trois ans et demi, ils ne se souviendraient plus qu’ils m’avaient connue. Pas d’idées suicidaires, non, jamais, mais le sentiment de ne plus être à la hauteur de quoi que ce soit et, surtout, de ma famille.
OK, il était temps de consulter.
Le médecin a pudiquement mis un nom sur ma condition : épuisement professionnel, le fameux burnout. Une dépression pour moi, dont c’est le métier de la traiter !
Nous avons décidé (juste en improvisant) de dire aux enfants que maman était très fatiguée, que c’était pour cela qu’elle avait besoin de beaucoup se reposer et qu’elle n’irait pas au travail pendant quelques jours.
Moi, je ne me sentais pas capable d’expliquer quoi que ce soit. Et puis, expliquer quoi, d’ailleurs ? Que je me découvrais faillible et nulle, et qu’ils n’avaient pas de chance d’avoir une maman comme ça ?
Expliquer la maladie, la dépression, me paraissait hors de propos, voire « fou ». J’avais peur qu’ils ne saisissent pas, qu’ils s’inquiètent, peur de leurs regards sur moi. Ils étaient si petits… De vieilles amies longtemps oubliées refaisaient surface : peur, culpabilité, sentiment de n’être pas à la hauteur, honte…
Mes deux petits futés se sont vite demandé pourquoi j’étais encore fatiguée alors que j’avais assez dormi. On a alors parlé d’un gros rhume, le grand classique. Là encore, les questions fusaient : « Tu prends encore tes vitamines ? Tu ne tousses plus, pourtant », sans compter les : « Pourquoi moi, je dois aller à l’école, et maman, elle va pas au travail ? » « Pourquoi moi, je dois m’habiller, et maman, elle reste en pyjama ? »
Les enfants commençaient à en parler à la maternelle, à dire que leur maman était très fatiguée. Ils passaient leur temps libre à dessiner pour maman, à faire des choses pour maman, bref, de bons petits soldats qui se battaient contre quelque chose, un ennemi invisible, bien trop grand et énorme pour eux, et, de toute façon, pas leur ennemi à eux, mais mon ennemi intérieur.
« Ça va, maman ? » répétait ma fille quand elle réclamait quelque chose et que j’étais absorbée dans mes pensées. « Il ne te plaît pas, mon dessin ? Pourquoi tu as l’air triste ? »
« Elle ne nous aime plus, maman ? » demandait mon fils à mon mari déboussolé.
Tout résonne encore en moi, plusieurs années après.
Pourquoi leur avoir répondu que oui, tout allait bien, alors que mes yeux, mon corps entier criaient le contraire ? Comment avais-je pu penser que tout cela n’avait pas d’importance, pas d’influence, et que j’avais encore l’énergie du clown qui donnerait le change ?
Combien j’aurais aimé, combien j’aurais dû leur expliquer, précisément, ce qui se passait.
Mais, comme beaucoup, j’ai eu peur : de ne pas trouver les mots, de les inquiéter, de perdre mon statut de supermaman (bien ébranlé déjà). Et je me suis tue.
Je croyais être capable de faire comme si tout allait bien, donc tout est resté dans le huis clos de notre petite famille. Les amis, les collègues de travail n’ont pas su. Honte de ma faiblesse ? Stupidité, oui. J’ai tenu et remonté la pente. Mais à quel prix ? Celui des inquiétudes de mes petits qui, maintenant âgés de huit ans, semblent souvent à l’affût d’un effondrement, d’une inquiétude ou d’une anxiété.
Pourtant, en écrivant ce livre, pour eux, pour mon conjoint, je me suis sentie soulagée. Et toute la culpabilité réprimée est sortie d’un coup.
« L’important, maman, c’est d’être en famille », ne cessent de répéter mes deux petits trésors. Oui, c’est ça, la famille : partager les joies, les peines, dans le même bateau, toujours. Tous ensemble.
Récemment, mon fils m’a préparé une petite carte pendant une absence de quelques jours avec mon mari. Sur celle-ci, il a écrit « je t’aime, maman » et dessiné une maman aux cheveux jaunes, souriante, avec un soleil radieux au-dessus d’elle et un nuage qui pleut, un peu plus loin…
Si c’était à refaire, si je pouvais revenir en arrière, je m’assiérais sur le tapis du salon, avec nos petits et mon conjoint, en cercle, et je leur expliquerais tout doucement, tranquillement. Je donnerais un nom à cet inconnu qui bouleversait la maison. Je le nommerais, je le ferais exister vraiment, autrement que caché et honteux.
Oui, si c’était à refaire, j’aurais écrit ce livre et l’aurais partagé avec eux beaucoup plus tôt.
Mais plus tôt était peut-être trop tôt pour moi, et il m’a fallu tout ce chemin, traverser un océan, m’installer ailleurs, vivre au Québec, pour oser enfin.
PREMIÈRE PARTIE
Pourquoi faut-il en parler aux enfants ?
« Notre vie commence à se terminer le jour où nous devenons silencieux à propos des choses qui nous importent. »
MARTIN LUTHER KING
CHAPITRE UN
Ce qu’en dit la littérature spécialisée : quelques repères
L’Organisation mondiale de la Santé a soutenu, en 2009, la Conférence européenne des enfants de parents atteints de troubles mentaux, laquelle les a nommés : les enfants oubliés. Pourquoi oubliés ?
Force est de constater que les études relatives aux conséquences des troubles mentaux parentaux sur les enfants sont rares ou témoignent d’un intérêt relativement récent. On étudie certes la transmission génétique, le caractère héréditaire de ces troubles, mais très peu l’influence au quotidien de la maladie parentale sur les enfants.
Si ces études insistent sur l’importance de stabiliser l’état psychiatrique du parent, de le soutenir dans ses habiletés parentales, peu d’entre elles se placent du point de vue de l’enfant : de quoi a-t-il besoin, lui ?
Il en ressort que la problématique numéro un est le manque d’information sur ce qui se passe. Viennent ensuite les changements de rôle de chacun dans la famille et la parentification des enfants, les notions de peur, de culpabilité, de secret et de confusion.
Enfin, on souligne l’importance du soutien social (famille élargie, école, amis) pour aider les enfants à vivre et à faire face au quotidien.
De plus, il apparaît que l’intensité avec laquelle les enfants vont être touchés par la maladie psychiatrique parentale dépendra de leur compréhension de la situation. Cette compréhension va influencer directement leur capacité à y faire face.
Quelle que soit l’expérience vécue, la façon dont l’individu comprend cette expérience pourrait être autant, voire plus importante que l’expérience vécue elle-même !
Nietzsche disait déjà que « l’expérience, ce n’est pas ce qui arrive à un homme, mais ce qu’un homme fait avec ce qui lui arrive ».
Grâce à cette compréhension, l’enfant serait plus en mesure d’intégrer l’expérience en régulant l’émotion qui y est associée. Cela participerait au bon développement émotionnel.
Ainsi, trouver un sens à ce qui se passe est primordial, que ce soit dans le cas de maladies chroniques ou de drames vécus (deuils). La maladie mentale ne devrait pas faire exception.
Certains auteurs insistent sur le fait que les enfants qui sont dans l’acceptation de la situation, dans une pensée positive et d’espoir, grâce à l’accès à des informations précises et claires, sont moins anxieux, moins soumis à des effondrements dépressifs et présentent moins d’agressivité.
De plus, il semble que, grâce à ces informations, l’enfant, et plus tard l’adulte, soit plus apte à prendre de la distance avec l’expérience vécue et à ne pas se laisser définir par elle.
Finalement, la littérature souligne qu’il est important que les enfants aient accès à une information précise, claire et adaptée à leur capacité de compréhension.
CHAPITRE DEUX
Quelles sont les répercussions de la maladie mentale parentale sur les enfants ?
La maladie mentale peut être, comme toute maladie chronique ou grave, un véritable ouragan dévastateur et perturbateur de l’équilibre familial, balayant tout sur son passage.
Rappelons que de nombreux patients suivis en psychiatrie sont parents et que, évidemment, nos jeunes patients en pédopsychiatrie sont, pour la plupart, amenés par leurs parents !
L’enfant est la première « victime » à cause de ses stratégies d’adaptation moins développées, de son insécurité et de sa dépendance à l’entourage, mais aussi en raison de sa fragilité psychologique, liée à son âge et à sa construction psychique en cours.
Revenons cependant sur les réactions de l’enfant qui peuvent être causées par la maladie parentale (ces réactions sont visibles dans le cas d’une maladie physique ou mentale).
D’après mon expérience, je peux dégager cinq thèmes qui se manifestent quasi systématiquement : la perte (comme dans un deuil), la colère, la culpabilité, la confusion, la peur.
La perte dans cette situation peut impliquer différents éléments :
Perte du parent d’avant, du parent « en forme ».
Perte de la place dans la famille (on devient le parent des petits frères et sœurs,