Hippolyte Taine

philosophe et historien français

Hippolyte Taine, né le à Vouziers et mort le à Paris 6e, est un philosophe et historien français, membre de l'Académie française.

Hippolyte Taine
Impression en demi-teinte d’un portrait par Léon Bonnat.
Fonctions
Conseiller municipal de Menthon-Saint-Bernard
-
Fauteuil 25 de l'Académie française
-
Conseiller municipal de Menthon-Saint-Bernard
-
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Hippolyte Adolphe TaineVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
Frédéric-Thomas GraindorgeVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Rédacteur à
Conjoint
Thérèse Taine (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Membre de
Mouvement
Distinctions
Œuvres principales
Les Origines de la France contemporaine (d), Philosophie de l'art (d), Essai sur Tite-Live (d), Histoire de la littérature anglaise (d), Le Positivisme anglais (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
signature de Hippolyte Taine
Signature

Biographie

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Jeunesse et études

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Né dans une famille drapière des Ardennes plutôt prospère, Hippolyte Taine est le fils de Jean-Baptiste Taine, avocat, qui l'encourage à une lecture éclectique et lui offre des enseignements artistiques et musicaux, et de Virginie Bezanson (sœur d'Adolphe Bezanson).

Cependant, à 13 ans, Hippolyte Adolphe Taine perd son père et il est envoyé, en 1841, en pension à Paris, dans l'institut Mathé situé dans le quartier des Batignolles. Il suivra des études brillantes, qu'il poursuit au lycée Bourbon où, en 1847, il passe deux baccalauréats (sciences et philosophie) et reçoit le prix d'honneur du Concours général[1]. Il est reçu premier au concours d'entrée de la section lettres de l'École normale supérieure, qu'il intègre en . Parmi les 24 élèves de la section lettres, il est le condisciple de Francisque Sarcey (qui, dans ses Souvenirs de jeunesse dépeindra le jeune Hippolyte dans le campus de la rue d'Ulm) et d'Edmond About. Mais sa forte tête et sa liberté[2], vis-à-vis des idées philosophiques en vogue représentées par Victor Cousin, le font échouer à l'agrégation de philosophie en 1851.

Parcours professionnel

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Il choisit alors la province et enseigne en collège à Nevers et à Poitiers, tout en continuant sa formation personnelle. Ainsi, il présente en 1853 une thèse sur les Fables de La Fontaine, qui sera publiée, remaniée, en 1861. Il publie un Essai sur Tite-Live qui est primé par l'Académie française en 1854. Il adopte les idées positivistes et scientistes qui émergent à cette époque.

Après avoir présenté son doctorat, il est muté d'office à Besançon, mais refuse cette affectation. Il s'installe d'abord à Paris, où il s'inscrit à l'école de médecine et enseigne au sein d'un cours privé. Il rencontre à cette occasion Émile Boutmy, un de ses élèves, dont il devient un ami proche[3]. Il part suivre, en 1855, une cure médicale dans les Pyrénées au terme de laquelle il rédigera son célèbre Voyage aux Pyrénées. Il écrit ensuite de nombreux articles philosophiques, littéraires et historiques pour deux grands journaux de l'époque, la Revue des deux Mondes et le Journal des débats.

Il se fait alors mettre en congé et part six semaines en Angleterre. En 1863, il publie son Histoire de la littérature anglaise, en cinq volumes, ouvrage maintes fois réédité. Mgr Dupanloup s'oppose à ce que l'Académie française lui remette un prix pour cette œuvre à cause des doctrines philosophiques qui y sont exposées[4].

En 1868, il épouse Thérèse Denuelle, fille d'Alexandre Denuelle. Ils ont deux enfants : Geneviève et Émile. Geneviève épousera l’essayiste Louis Paul-Dubois (d), ils auront quatre enfants, François, Marie-Louise Riche, Denise (première épouse de Louis Leprince-Ringuet) et Bernardine Melchior-Bonnet.

L'immense succès de son œuvre lui permet de vivre de sa plume, mais aussi d'être nommé professeur d'histoire de l'art et d'esthétique à l’École des Beaux-Arts en 1865[5] et à Saint-Cyr. Il est même docteur en droit à Oxford (1871)[6]. Il est élu membre de l'Académie française en 1878 par 20 voix sur 26 votants[4].

Taine s'intéresse à de nombreux domaines, notamment à l'art et à la littérature, mais surtout à l'histoire dans laquelle son esprit lucide, quoique parfois dogmatique, trouve un thème d'élection. Profondément ébranlé par la défaite de 1870, puis l'insurrection de la Commune de Paris et sa violente répression, il s'est dès lors pleinement consacré, jusqu'à sa mort, à son œuvre majeure, Les Origines de la France contemporaine (1875-1893), qui a eu un retentissement très important.

En 1872, afin d'y venir travailler chaque été, Taine achète la propriété Boringes à Menthon-Saint-Bernard, dont il sera ensuite conseiller municipal. Taine est membre du conseil d'administration de l'École libre des sciences politiques[7]. Il donne la conférence inaugurale de l'établissement, le 10 janvier 1872[3].

En 1885, en visite à l'hôpital de la Salpêtrière, il assiste, en compagnie de Joseph Delbœuf, à une séance d'hypnotisme dans laquelle Jean-Martin Charcot obtient des vésications par suggestion.

À sa mort, il est inhumé à Menthon-Saint-Bernard, sur le Roc de Chère[8].

Apports

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Histoire de la Révolution française

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Taine est connu surtout pour Les Origines de la France contemporaine (1875-1893). En effet, de manière originale, en se plaçant dans une perspective longue, il s'intéresse aux causes de la Révolution française. Il y dénonce notamment le fait que les institutions et lois instaurées par la Révolution française sont artificielles et résultent de la violence et de choix idéologiques, tels que les idées abstraites et rationalistes de Robespierre. La Révolution contredirait ainsi la construction, qui selon lui doit être lente et naturelle, d'institutions politiques fortes et durables.

Quelle que soit son interprétation, le nombre considérable de faits rapportés pour illustrer chacune des périodes étudiées de l'histoire de la Révolution laisse entrevoir un imposant appareil de documentation. Le grand historien de la Révolution Alphonse Aulard, à la suite de ses vérifications sur cet ouvrage, en a conclu qu’il était presque inutile à l’Histoire, alléguant de nombreuses références inexactes, des transcriptions non littérales, des erreurs tendancieuses et des assertions fantaisistes, mais après avoir contrôlé le critique lui-même, Augustin Cochin n’a, pièces en mains, relevé que 27 erreurs sur 550 références, réduisant de beaucoup les critiques d’Aulard qui, selon son contradicteur, s’est lui-même trompé, à peu près une fois sur deux, dans ses propres rectifications[9].

Les interprétations de Taine, dont on ne peut nier les fulgurances ni la portée politique, ont connu et connaissent encore aujourd'hui un certain succès, en France comme à l'étranger. Elles ont servi à alimenter des doctrines politiques conservatrices où la « légende noire » de la Révolution de 1789 a trouvé sa place. Leur originalité est de proposer une vision de la Révolution française dégagée de l'approche généralement déterministe voire fataliste (téléologique) des démocrates et républicains, et des interprétations marxistes qui ont été celles de l'école historique contemporaine d’Albert Mathiez, Georges Lefebvre et Albert Soboul, plus célèbres représentants de cette tradition, au travers notamment des Annales historiques de la Révolution française.

Méthodologie historiographique

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Hippolyte Taine
Portrait par Félix Vallotton
paru dans La Revue blanche en 1897.

Sa réflexion la plus aboutie dans ce domaine est exposée dans L'Introduction de son Histoire de la littérature anglaise, qui paraît en 1863. Cet ouvrage est un manifeste en faveur de l'histoire scientiste. Dans sa préface, il affirme que la consultation des documents, notamment les textes littéraires, permet de reconstituer l'« homme intérieur » qui correspond à l'« état mental élémentaire » de chaque période d'une culture. Pour lui, l'histoire appartient au champ de l'expérimentation au même titre que la physiologie. On doit pouvoir lui appliquer les mêmes méthodes qu'aux sciences naturelles.

Les événements en histoire seraient donc déterminés par des lois équivalentes à celles du monde naturel et chaque fait historique dépendrait de trois conditions : le milieu (géographie, climat) ; la race (état physique de l'homme : son corps et sa place dans l'évolution biologique) ; le moment (état d'avancée intellectuelle de l'homme)[a]. Il est possible de mettre en place une méthode expérimentale pour les étudier, comme pour la médecine (voir Claude Bernard) où il n'y a pas que l'étude des symptômes, mais aussi un travail de laboratoire avec des expériences physiques et chimiques sur des animaux vivants pour mieux comprendre l'homme et ses maladies et pour tester les réactions des organismes aux différentes substances chimiques.

Taine sait qu'il n'est pas possible de faire des expériences en laboratoire pour l'histoire, mais il est possible de soumettre les sources à des opérations scientifiques. Il définit quatre étapes :

  • analyse : repérer les faits historiques dans les documents ;
  • classement : classer les faits historiques par catégories : œuvres de l'intelligence humaine (art, religion, science) ; œuvres de l'association humaine (structures politiques et sociales) ; œuvres du labeur humain (faits économiques) ;
  • définition : résumer ces catégories, ces séries de faits similaires par une formule simple, par exemple : système capitaliste pour une série de faits économiques ;
  • mise en relation : établir des relations logiques entre ces catégories, ces séries de faits pour faire une synthèse : le récit produit est de l'Histoire.

Taine accorde donc à l'Histoire le statut de science exacte. Il applique lui-même son programme en 1875 dans Les Origines de la France contemporaine : « On permettra à un historien d'agir en naturaliste ; j'étais devant mon sujet comme devant la métamorphose d'un insecte… »

Il est promoteur du caractère scientifique de l'Histoire, et met son talent d’écrivain au service de son œuvre d’historien. Il utilise l'Histoire pour faire un récit naturaliste. Il consulte des archives, mais pour pouvoir raconter l'histoire, la vie quotidienne de ceux qu'il étudie. De plus, la dernière étape (synthèse, récit) est celle qui l'intéresse quasi uniquement.

En esprit se voulant réaliste (« Quel cimetière que l'histoire[11] ! »), des conclusions sont parfois très pessimistes. Auteur de grandes synthèses, il cherchait sans doute à aller vite.

Pour lui, la force de l'histoire est telle qu'il est illusoire de vouloir changer une société. Ainsi, à la suite de la défaite de Sedan et de la Commune, il accuse la Révolution française d'être la matrice de tous les maux en ce qu'elle aurait fait entrer la France dans un cycle de décadence. C’est notamment l’abstraction de la philosophie des Lumières qui est rejetée : les députés ont cru pouvoir changer l’ordre social par leur seule volonté, or celui-ci ne peut être que façonné sur le temps long de l’histoire.

Œuvres

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Notes et références

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  1. Dans une conférence de 1946 (La psychanalyse révisée), Adorno fait remarquer que c'est Hippolyte Taine qui a rendu célèbre la « théorie du milieu » (la race, le milieu, le moment) dont s'inspirent les psychanalystes néo-freudiens que critique Adorno, favorable à un retour à Freud[10].

Références

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  1. H. Taine, sa vie et sa correspondance, correspondance de jeunesse 1847-1853, Paris, librairie Hachette, 1902 (p. 15).
  2. Alfred Weber, Histoire de la philosophie européenne, Paris, Fischbacher, , 8e éd., 584 p., 25 cm (OCLC 776842022, lire en ligne sur Gallica), p. 537.
  3. a et b Philippe Régibier, 27 rue Saint-Guillaume: petite chronique d'une grande demeure et de ses habitants, d'après des documents inédits, P. Régibier, (ISBN 978-2-9511292-0-7)
  4. a et b « Hippolyte TAINE | Académie française », sur academie-francaise.fr (consulté le )
  5. Le Cours de M. Taine à l'École des Beaux-Arts dans La Vie Parisienne, 18 février 1865, p. 85-86 (en ligne).
  6. « Hippolyte TAINE : Académie française », sur www.academie-francaise.fr (consulté le )
  7. Pierre Rain, L'École Libre Des Sciences Politiques, Fondation nationale des sciences politiques, (ISBN 978-2-7246-0033-9, lire en ligne)
  8. « Maison d'Hippolyte Taine », Fédération des Maisons d'écrivains et des patrimoines littéraires.
  9. Société d'études ardennaises, Revue d'Ardenne et d'Argonne, t. 17-19, Sedan, Émile Laroche, , 216 p. (lire en ligne), p. 63.
  10. Laurence Croix, « Le patriarcat et la fonction dite « paternelle » »  , sur www.cairn.info, (consulté le )
  11. Hippolyte Taine, « L’Italie et la Vie italienne, souvenirs de voyage », 2e période,‎ , p. 581–626 (lire en ligne, consulté le )

Hommages

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Monument dans le square d'Ajaccio (Paris).

Un monument en sa mémoire, réalisé par Oscar Roty, est installé dans le square d'Ajaccio (7e arrondissement de Paris).

Plusieurs voies sont nommées en son honneur, dont :

  • rue Taine, à Paris.
  • boulevard Taine, à Annecy.
  • avenue Taine, à Marseille.

Bibliographie

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  • Nathalie Richard, Hippolyte Taine : Histoire, psychologie, littérature, Classiques Garnier, 2013
  • Jean-Paul Cointet, Hippolyte Taine. Un regard sur la France, Perrin, 2012
  • Marie Guthmüller, Hippolyte Taine als Initiator der ‚critique scientifique’ und der ‚psychologie expérimentale’. In: Marie Guthmüller, Wolfgang Klein (Hgg.), Ästhetik von unten. Empirie und ästhetisches Wissen. Tübingen, Francke, 2006, p. 169-192
  • Pascale Seys, Hippolyte Taine et l'avènement du naturalisme: Un intellectuel sous le Second Empire, L'Harmattan, 2000
  • François Léger, Monsieur Taine, Critérion, 1993 (ISBN 978-2741300373)
  • Les Écrivains célèbres, t. III, le XIXe et le XXe siècle, Éditions d’art Lucien Mazenod
  • Robert Leroux, Histoire et sociologie en France, Paris, Presses universitaires de France, 1998
  • (de) Dirk Hoeges, Literatur und Evolution. Studien zur französischen Literaturkritik im 19. Jahrhundert. Taine - Brunetière - Hennequin - Guyau, Carl Winter Universitätsverlag, Heidelberg 1980 (ISBN 3-533-02857-7)
  • Jean-Thomas Nordmann, Taine et la critique scientifique, Paris, Presses universitaires de France, 1992
  • (en) Marshall Brown, « Why Style Matters : The Lessons of Taine’s History of English Literature », Turning Points: Essays in the History of Cultural Expressions, Stanford, Stanford University Press, 1997, p. 33-87.
  • André Cresson, Hippolyte Taine : sa vie, son œuvre, avec un exposé de sa philosophie, Paris, Presses universitaires de France, 1951.
  • Paul Bourget, Le Centenaire d'Hippolyte Taine, extr. de la Revue des deux Mondes, , p. 241 à 257.
  • Auguste Laborde-Milaà, Hippolyte Taine, essai d'une biographie intellectuelle, Perrin, 1909.
  • Victor Giraud, Essai sur Taine, son œuvre et son influence, Hachette, 1899-1900.

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