Manifeste Pour Une Désobéissance Générale
Manifeste Pour Une Désobéissance Générale
Manifeste Pour Une Désobéissance Générale
Tupamaros (Uruguay)
Depuis des décennies, les dirigeants de la
planète sèment un vent mauvais. L’instabilité des
vies des individus, ballottés entre un présent peu
satisfaisant et un no future érigé en idéal de la
soumission, a été, pour « nos » dirigeants, ainsi
que celles et ceux qui les servent, une excellente
façon d’asseoir leur domination, ôtant aux
individus toute perspective d’avenir sûr. Tel est
le fond de la thèse du dernier livre de Naomi
Klein, qui affirme que nous sommes entrés dans
l’ère de « la stratégie du choc », selon son titre
même : le système soumet les populations à des
catastrophes sociales, économiques et guerrières
répétées, désorganisant la vie des individus,
lesquels ne cherchent plus qu’à se préserver
du mieux possible des drames alentour. C’est
le chacun-pour-soi généralisé, sous prétexte
de sauver encore les médiocres avantages que
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nous espérons conserver contre toute évidence.
Cette thèse est étayée avec beaucoup plus de
brio dans Catastrophisme. Administration du
désastre et soumission durable, de René Riesel et
Jorge Semprun, dont le titre dit avec exactitude
ce qu’est l’époque dans laquelle nous nous
engouffrons. Il est temps, aujourd’hui, que
« nos » dirigeants soient balayés par la tempête
qu’ils annoncent.
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Des « démocratures » annoncées
par l’histoire politique et sociale
de l’Amérique latine entre 1970 et 2000
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En 1973, Augusto Pinochet et l’armée chilienne,
puissamment aidés par la CIA, ont mis à bas le
régime d’Allende. Ce qui nous intéresse ici est
que Pinochet a mis en place une Constitution
conforme à sa dictature, mais qui permettait
aussi de repasser à la « démocratie », et cela
sans remettre jamais en cause le système
économique chilien. Le Chili est en effet une
réussite en Amérique latine du point de vue du
système économique, puisque le pays est passé
sans encombre d’une dictature musclée à une
démocratie. C’est une leçon que n’oublient pas
Sarkozy, Berlusconi et tous les autres : on peut
passer de la démocratie à la dictature puis à la
démocratie sans que cela gêne en quoi que ce
soit le système économique. Point fondamental
dans une société où le seul horizon que les
dirigeants offrent aux masses est de travailler
pour produire pour consommer. Dans les années
1990, deux pays firent l’expérience inverse de
celle du Chili : l’Argentine et le Pérou.
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Là encore, nous pourrions allonger la liste des
« solutions » qui s’offrent au système. N’oublions
pas d’en citer encore une, la guerre, tout
simplement, car un bon moyen pour les États-
Unis d’effacer leur dette serait de faire comme
l’ont toujours fait les États endettés : refuser de
payer leurs créanciers. C’est ainsi que le Régent,
en France, a renfloué les caisses du Trésor grâce
à la banqueroute de Law – c’est-à-dire la faillite
des bourgeois créanciers du Trésor royal. Mais
le hic, aujourd’hui, est que les créanciers des
États-Unis s’appellent la Chine et les pays
arabes producteurs de pétrole ; refuser de les
rembourser de façon unilatérale, cela signifie
sans doute la guerre. En temps de guerre, la
dictature s’imposerait d’elle-même… D’ailleurs,
le capitalisme vert dans sa version la plus crédible
est dictatorial : imposition sans discussion de
nouveaux critères de consommation, que seuls
les puissants pourront ne pas respecter, s’assurant
ainsi, comme toujours, la position dominante et
le pouvoir réel sur l’emploi de nos vies.
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Le pouvoir cherche à nous faire adhérer de fait,
par de petites renonciations, à sa politique. Ce
n’est pas entièrement nouveau, peut-être, mais ça
l’est quand même dans la mesure où la situation
économique, sociale et politique se dégrade,
pour le pouvoir et pour l’État d’une façon
brusque et rapide. Il est donc amené à resserrer
les rangs. Ainsi, dans l’Éducation nationale, les
enseignants et les chefs d’établissement sont
forcés d’appliquer des circulaires diverses dont
ils ne veulent pas et sur lesquelles ils n’ont pas
été consultés.
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Pour cela, nous pouvons nous inspirer du
mouvement de désobéissance civile mis en
œuvre en Inde par tous ceux qui ont voulu
chasser les Britanniques de leur pays dans les
années 1920-1947. Durant toutes ces années,
des Indiens ont refusé de payer l’impôt sur
le sel, de remplir les tâches administratives
imposées par les Britanniques, ou d’acheter
des marchandises fabriquées au Royaume-
Uni. Cela n’a pas suffi à obtenir le départ des
Britanniques d’Inde, puisqu’il a fallu attendre
la fin de la guerre pour que Londres, subissant
la pression idéologique et diplomatique des
États-Unis, soit contraint de liquider son empire
colonial. Mais, de nos jours, le contexte est
différent, et il est plus favorable. Nous vivons
dans un pays dominant ; nous n’avons pas à
lutter, comme les Indiens de la première moitié
du XXe siècle, contre l’illusion que le progrès
viendrait de la puissance coloniale installée
chez nous – illusion qui a tant retardé la mise en
marche du monde indien vers la liberté, comme
l’explique Nehru dans La Découverte de l’Inde,
ou encore Tagore dans Vers l’homme universel.
Sans oublier que le pays n’avait jamais été
vraiment uni dans les siècles précédant la
domination britannique.
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En France, la situation est très favorable à
l’extension de la désobéissance généralisée.
Elle se développe d’ailleurs chez tous ces
professeurs ou directeurs d’établissements
scolaires qui refusent d’appliquer les directives
gouvernementales, à commencer par celles qui
concernent le fichage administratif et policier
des élèves, ou encore l’installation de dispositifs
biométriques pour contrôler l’accès aux
cantines. Cette désobéissance est aussi celle
des autoréducteurs qui récupèrent gratuitement
dans les supermarchés des marchandises qu’ils
redistribuent aux pauvres et aux sans-abri qui
en ont un besoin impérieux. Et elle est en germe
ou fleurit dans nombre de luttes des sans-abri,
dans la lutte permanente des squatteurs, dans
le mouvement de 1995 et dans l’embrasement
de 2005. La désobéissance se généralise sous
nos yeux ! Et si parfois nous nous trompons de
colère, n’oublions pas qu’elle existe et sourd
partout et à tout moment dans chaque cœur de
tout citoyen du monde qui a maille à partir avec
les pouvoirs. Faisons savoir que, décidément,
nous refusons dès maintenant d’appliquer les
mesures dictatoriales ou pré-dictatoriales que
le gouvernement fait voter presque chaque
jour.
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Nous appelons les individus qui n’acceptent plus
les faux-semblants démocratiques à désobéir
aux lois injustes qui criminalisent le mouvement
social et enferment nos camarades, à déserter
les partis et les organisations qui collaborent
avec les démocratures en place, à préparer la
grève générale et à se joindre à toutes les formes
d’action contre les valeurs qui nous oppriment :
le travail, la propriété et l’argent. Saisissons toutes
les occasions pour construire l’outil dont nous
avons besoin pour mener nos actions. Parti pour
certains, syndicat, coordination ou organisation
révolutionnaire pour d’autres, peu importe, si
les moyens mis en œuvre, la démocratie directe,
la libre association et le partage des richesses,
abolissent le système capitaliste que le pouvoir en
place tente aujourd’hui de sauver en renflouant
les banques et en imposant partout où il le peut
une dictature policière et militaire. Ne sauvons
pas le système qui nous broie ! Nous ne doutons
pas que si l’État s’est armé jusqu’aux dents,
c’est pour se défendre. Mais s’il use de l’arsenal
policier, militaire, judiciaire et médiatique qu’il
a accumulé, il risque d’apprendre à ses dépens
que « ses valets », parce qu’ils sont aussi des
hommes, peuvent désobéir.
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Bibliographie
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• Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant, Quand les
murs tombent, Galaade Éditions, Paris, 2007.
• Alain-Claude Galtié, Renversement et
rétablissement de la culture conviviale, Pli Zetwal,
St-Priest La Prugne, 2005.
• Georges Lapierre (avec une préface de Raoul
Vaneigem), La commune d’Oaxaca, chroniques et
considérations, Rue des Cascades, 2008.
• Raoul Vaneigem, Entre le deuil du monde et la joie
de vivre, Verticales, 2008.
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Celui qui ne connaît pas l’histoire
est condamné à la revivre
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Action directe et luttes syndicales
Petit glossaire des moyens ordinaires
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Grève avec occupation : Les grévistes
investissent le secteur visé, évacuent les non-
grévistes, détournent à leur profit la logistique :
salles de réunions, réfectoires, dortoirs,
photocopieuses, téléphones et véhicules.
Mossley Hellemmes (Lille) juin 2001. 123
travailleurs de la filature Mossley occupent l’usine.
L’occupation va durer 71 jours ; elle est ponctuée
par diverses actions de commandos toujours
accompagnées de destruction de matériel, y
compris l’incendie d’une partie du stock de fibres
textiles et la menace d’en brûler encore plus si
les machines tenues en otage sont évacuées
par la force. Ils obtiennent des indemnités de
licenciement plus substantielles, qui devront
d’ailleurs être payées par le conseil général.
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Les ouvrages des éditions du passager clandestin
• Rééditions • Romans
Évolution et révolution Romanesque 2.0
Élisée Reclus Olivier Las Vergnas
Texte présenté par Olivier
Besancenot Autopsie d’un sans-papiers
Olivier Las Vergnas
Le Communisme, avenir de la
société
Auguste Blanqui • Photos / textes
Texte présenté par Roger Martelli 30 ans d’affiche politique
En collaboration
La désobéissance civile avec la Triennale internationale
Henry David Thoreau de l’affiche politique de Mons
Texte présenté par Noël Mamère
René Char, le poète et le
Le discours des deux méthodes maquis
Jean Jaurès, Jules Guesde Texte : Dominique Bellec
Texte présenté par Louis Photographies : Jean-Baptiste
Mexandeau Duchenne
Babyland
• Essais Emmanuel Adely
Des arbres pas corrects Citoyenneté Jeunesse
Muriel Allaert Degunst
Mosquées
La Butte verte Texte : Thomas Deltombe
Sylvain Garel Photographies : Jean-Michel
Riera
De la rencontre au désir
Claude Coulbault
• Existences / Résistances
Palestine
Photographies : Rogério Ferrari
MANIFESTE POUR UNE DESOBEISSANCE GENERALE NE SAUVONS PAS LE SYSTEME QUI NOUS BROIE !
SOUS-COMITÉ DÉCENTRALISÉ
DES GARDES-BARRIÈRES EN ALTERNANCE
La terreur d’État, l’asservissement industriel,
l’abêtissement capitaliste et la misère sociale nous
frappent tous et toutes. Insidieusement et
continuellement, ces forces néfastes séparent notre
être intime. Une partie de nous se voit
subrepticement contrainte à être le bourreau de
notre autre moi, celui qui rêve, sait et veut que ce
monde ne soit pas celui-là. Combien d’entre les
citoyens tentent difficilement de défaire la nuit ou
pendant leur maigre temps libre ce dont ils ont été
complices chaque jour travaillé ? Ce mépris dans
lequel nous tient le système est essentiel, comme est
fondamentale la négation de nos envies
authentiques au profit d’un seul désir : consommer.
Au moment où la perspective de l’implosion du
système capitaliste devient enfin plausible, il s’agit
d’accompagner son effondrement et de s’organiser
en « communes » qui privilégient l’être à l’avoir
– parce qu’il n’y a plus rien à attendre de l’État –
et offrent la possibilité à chacun d’entre nous
d’accéder librement – en limitant dans la mesure
du possible les échanges d’argent – à la nourriture,
à un logement, à l’éducation, et à une activité
choisie.
le passager clandestin
50 1€ TTC France
lepassagerclandestin.fr
ISBN : 978-2-916952-16-1