Gabriel CAMPS - L'origine Des Berbères PDF

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LORIGINE DES BERBRES


Gabriel CAMPS
[Islam : socit et communaut. Anthropologies du Mahgreb, sous la direction de Ernest
Gellner, les Cahiers C.R.E.S.M, ditions CNRS, Paris, 1981.]
Connus depuis lantiquit pharaonique sous les noms de Lebu, Tehenu, Temehu, Meshwesh,
les Berbres subsistent dans un immense territoire qui commence louest de lgypte.
Actuellement des populations parlant le berbre habitent dans une douzaine de pays africains,
de la Mditerrane au sud du Niger, de lAtlantique au voisinage du Nil.
Mais cette rgion qui couvre le quart Nord-Ouest du continent nest pas entirement
berbrophone, loin de l ! Aujourdhui, dans cette rgion, larabe est la langue vhiculaire,
celle du commerce, de la religion, de ltat, sauf dans la marge mridionale, du Sngal au
Tchad o la langue officielle est le franais. Ainsi, les groupes berbrophones sont isols,
coups les uns des autres et tendent voluer dune manire divergente. Leur dimension et
leur importance sont trs variables. Les groupes kabyle en Algrie, Braber et Chleuh au
Maroc reprsentent chacun plusieurs centaines de milliers dindividus tandis que certains
dialectes, dans les oasis, ne sont parls que par quelques dizaines de personnes. Cest la raison
pour laquelle les cartes dextension de la langue berbre nont pas grande signification. Le
territoire saharien couvert par les dialectes touareg (tamahaq) en Algrie, Libye, Mali et Niger
est immense mais les nomades berbrophones qui le parcourent et les rares cultivateurs de
mme langue ne doivent gure dpasser le nombre de 250 ou 300 000. Ils sont peine plus
nombreux que les habitants du Mzab qui occupent dans le Sahara septentrional, un territoire
mille fois plus exigu. Le bloc kabyle est dix fois plus peupl que la rgion aurasienne, plus
vaste, o est parl un dialecte berbre diffrent.
En fait il ny a aujourdhui ni une langue berbre, dans le sens o celle-ci serait le reflet dune
communaut ayant conscience de son unit, ni un peuple berbre et encore moins une race
berbre. Sur ces aspects ngatifs tous les spcialistes sont daccord et cependant les
Berbres existent.
Lgendes antiques et modernes sur les origines des Berbres
Hercule et les calembours
Du Caucase L'atlantide
Les donnes de l'anthropologie
L'homo sapiens du Maghreb
Les protomditerranens capsiens mangeurs d'escargots
La mise en place des palo-berbres
Les donnes linguistiques
Petit lexique
Quelques sites

LGENDES ANTIQUES ET MODERNES SUR LES ORIGINES DES


BERBRES
Hercule et les calembours
Rares sont les peuples comme les Berbres dont les origines ont t recherches avec autant
de constance et dimagination. Ds la plus haute Antiquit, des rcits circulaient dans les
milieux savants et chez les mythographes sur les origines des habitants de lAfrique. Le plus
connu, parce que des gnrations de lycens plirent sur les pages du De Bello Jugurthino,
nous est rapport par Salluste.
La lgende des origines perse et mde
Les premiers habitants de lAfrique furent, dit Salluste, les Gtules et les Libyens, gens
grossiers et barbares qui se nourrissaient de la chair des btes sauvages ou de lherbe des prs,
la faon des troupeaux. Plus tard, des Mdes, des Armniens et des Perses conduits par
Hercule en Espagne, passrent en Afrique et se mlrent, les premiers avec les Libyens, les
Perses avec les Gtules. Tandis que les Mdes et Libyens, bientt confondus sous le nom de
Maures, eurent de bonne heure des villes et changrent des produits avec lEspagne, les
Gtules et les Perses condamns une vie errante, prirent le nom de Nomades. Cependant la
puissance de ces derniers saccrut rapidement, et sous le nom de Numides, ils conquirent tout
le pays jusquau voisinage de Carthage.
Cette lgende, Salluste nen revendique nullement la paternit ; il dit mme quelle est
contraire la tradition la plus rpandue (et que nous ne connaissons pas) mais quelle est, en
revanche, admise par les indignes. Il la rapporte daprs une traduction qui lui aurait t faite
des livres puniques du roi Hiempsal (libri punici qui regis Hiempsalis dicebantur).
De la premire poque, antrieure Hercule, ou plus exactement Melqart, le dieu phnicien
qui fut assimil au fils dAlcmne, Salluste donne le clich habituel par lequel lrudit moyen
dpeint, tort, les temps primitifs. Ces Libyens et Gtules, chasseurs et cueilleurs, sont bien
videmment des peuples de la Prhistoire que Salluste, ou plutt Hiempsal, rejette dans les
temps mythiques. Il nous faut cependant retenir lexistence de deux lments de population
dans lAfrique la plus archaque. Quel fait permettait dtablir cette distinction sinon une
diffrence dans les genres de vie ne elle-mme des conditions gographiques et par
consquent de la localisation de ces peuples ? Or, de lavis unanime des historiens anciens et
modernes, les Gtules taient des nomades dont on trouve les traces vanescentes depuis les
rives de lOcan jusquau golfe des Syrtes. Pour les crivains classiques, taient gnralement
qualifis de Gtules tous les nomades mridionaux distincts des thiopiens et des Garamantes.
Les Gtules tant nomades on en dduit que les Libyens dHiempsal, ceux qui "eurent de
bonne heure des villes" taient les anctres des sdentaires.
Cette distinction lmentaire, et banale, avait t faite bien avant Hiempsal ou Salluste
puisque le pre de lHistoire lui-mme, Hrodote (IV, 181, 186, 191), aprs avoir dcrit une
longue suite de peuplades depuis lgypte jusquau lac Triton, prcisait :
"Je viens dindiquer les Libyens nomades qui habitent le long de la mer. Au-dessus deux,
lintrieur des terres, se trouve la Libye des btes sauvages... Mais au couchant du Lac
Tritonis (cest--dire au Nord tant donn lorientation incorrecte attribue la cte partir
des territoires carthaginois) les Libyens ne sont plus nomades et nont plus les mmes
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coutumes... ce sont des Libyens cultivateurs... Ils ont des maisons et sont appels Maxyes".
Dans un raccourci assez simpliste mais exact, Hrodote oppose "la Libye orientale (o)
habitent les nomades (qui) est basse et sablonneuse jusquau fleuve Triton, et celle
loccident de ce fleuve, habite par les cultivateurs (qui) est trs montagneuse, trs boise... ".
Cette dernire phrase a une porte considrable car elle nest pas applicable au seul territoire
carthaginois du Sahel qui est particulirement plat, mais la totalit de lAfrique du Nord, le
pays de lAtlas.
Le Triton qui sidentifie au golfe de Gabs est donc une limite gographique importante,
particulirement nette et prcise dans lesprit dHrodote, qui marque le partage entre les
Nomades et les cultivateurs habitant des maisons.
Cest encore par les grands chotts tunisiens que les gographes font aujourdhui aboutir la
limite mridionale de lAfrique du Nord ; la concidence serait curieuse si elle ntait
prcisment dicte par la nature.
Mais que viennent faire les Perses, les Mdes et les Armniens dans le rcit des origines
numides et maures ? Certes il est traditionnel, dans les textes antiques, que lorigine des
peuples soit situe en Orient et que des Orientaux soient impliqus dans le peuplement de la
Libye occidentale, cela rpond un clich habituel. Mais pourquoi les Perses et les Mdes qui,
Grecs et Latins le savaient bien, ne pouvaient tre considrs comme des peuples de
navigateurs? Revoyons de plus prs le texte de Salluste : "Les Mdes, les Perses et les
Armniens qui faisaient partie (de larme dHercule mort en Espagne) passrent en Afrique
sur des vaisseaux et occuprent les pays voisins de notre mer. Les Perses stablirent plus
loin que les autres, du ct de lOcan... peu peu ils se fondirent par des mariages avec les
Gtules". La localisation mridionale des prtendus Perses nous apporte paradoxalement
lexplication de leur prsence inattendue dans la partie occidentale de la Maurtanie, celle que
les Romains nommrent Maurtanie Tingitarie, dans le Maroc actuel. De nombreux auteurs
grecs ou romains, Strabon, Pline citant Polybe, Pomponius Mela, Ptolme, le gographe
anonyme de Ravenne, Priscien de Csare recopiant Denys le Prigte et bien dautres que J.
Desanges a patiemment relus, font connatre dans le Sud du Maroc, vraisemblablement entre
lAtlas, le Draa et le Guir deux peuplades, les Pharusiens et les Perorsi. La ressemblance entre
les noms et une localisation trs voisine ont fait admettre certains auteurs, S. Gsell en
particulier, quil sagissait dun seul et mme peuple.
Ce nest pas sr, mais il est en revanche, tout fait admissible que lanalogie ou lhomonymie
factice entre Pharusii, Perorsi et Persae soit lorigine de la prtendue arrive des Perses en
Maurtanie. De fait, Pline lAncien rappelle incidemment que les Pharusii, quil nomme
parfois Perusii, sont les descendants des Perses conduits par Hercule aux limites occidentales
du monde habit (V, 46).
Un autre calembour, mode de pense analogique dont les auteurs de lAntiquit taient trs
friands, explique de mme la prsence des Mdes en Afrique. De nombreuses tribus
paloberbres portaient, dans lAntiquit, le nom de Mazices. Il sagit en fait du nom que les
Berbres se donnent eux-mmes Imazighen (au singulier Amazigh.). Ce nom a t transcrit
par les trangers sous des formes varies : Meshwesh par les gyptiens, Mazyes et Maxyes
par les Grecs, Mazices et Madices par les Latins. Au XIVe sicle, le grand historien lbn
Khaldoun explique quune branche des Berbres, les Brans, descend de Mazigh. Que
certains habitants de lAfrique antique aient dj plac quelque anctre Mazigh ou Madigh en
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tte de leur gnalogie ne saurait tonner puisquils se sont, de tous temps, donn ce nom. De
cette appellation viendrait donc lapparition des Mdes, anctres des Maures, en compagnie
des Perses devenus les Pharusiens.
Quant aux Armniens, leur prsence lgendaire doit sexpliquer par une semblable analogie
avec quelque tribu paloberbre dont le nom na malheureusement pas t conserv, moins
que lon rapproche arbitrairement ces prtendus Armniens de lobscure tribu des Ourmana
qui, au temps dIbn Khaldoun, cest--dire au milieu du XIVe sicle, nomadisait dans la partie
orientale du Maghreb.
Origines cananennes
Bien plus illustre est le rcit, nettement plus rcent puisquil date du VIe sicle de notre re,
que nous donne Procope sur lorigine des Maures, terme gnrique qui, lpoque, dsignait
tous les Africains qui avaient gard leurs traditions et leur genre de vie en dehors de la culture
citadine dveloppe par Rome. Selon Procope, la conqute de la Terre Promise par Josu
avait provoqu le dpart des peuples qui occupaient le littoral. Ceux-ci, aprs avoir tent de
stablir en gypte quils trouvrent trop peuple, se dirigrent vers la Libye quils occuprent
jusquaux Colonnes dHercule (dtroit de Gibraltar) en fondant un grand nombre de villes.
Procope prcise : Leur descendance y est reste et parle encore aujourdhui la langue des
Phniciens. Ils construisirent aussi un fort en Numidie, au lieu o slve la ville de Tigisis.
L, prs de la grande source, on voit deux stles de pierre blanche portant grave en lettres
phniciennes et dans la langue des Phniciens, une inscription dont le sens est : " nous
sommes ceux qui avons fui loin de la face du brigand Jsus (= Josu) fils de Nav " (II, 10,
22).
Procope avait accompagn en Afrique le gnral byzantin Blisaire et son successeur
Solomon qui combattirent dans la rgion de Tigisis, au Sud de Cirta (Constantine) ; il avait
vraisemblablement vu ou pris connaissance de lexistence de stles puniques ou plus srement
libyques. Cette rgion (Sigus, Sila, Tigisis) est prcisment riche en grandes stles, parfois
vritables menhirs sculpts portant des ddicaces libyques. Ces normes pierres (dont deux
sont aujourdhui au Muse de Constantine), supports dinscriptions mystrieuses ou mal
comprises de pauvres clercs de Numidie centrale, sont peut-tre lorigine du rcit
"historique" de Procope.
Ce rcit sappuie aussi sur une autre donne dont nous trouvons la trace, un sicle plus tt,
dans une lettre de Saint Augustin. "Demandez crit-il , nos paysans qui ils sont : ils
rpondent en punique quils sont des Chenani. Cette forme corrompue par leur accent ne
correspond-elle pas Chananaeci (Cananens) ?".
On a longtemps discut sur le fait que les paysans africains voisins dHippone aient encore
parl le punique au Ve sicle de notre re, plus dun demi millnaire aprs la destruction de
Carthage. C. Courtois (1950) stait demand si par lexpression "punice" Saint Augustin ne
voulait pas dsigner un dialecte berbre. Ses arguments nemportrent pas la conviction, et
comme Ch. Saumagne (1953) et A. Simon (1955), je crois que Saint Augustin faisait
rellement allusion un dialecte smitique. Bien quaucun texte ne vienne appuyer cette
hypothse, il est fort admissible que les Phniciens aient eux-mmes introduit le nom de
Cananens en Afrique. Plusieurs savants pensent mme, comme A. di Vitta (1971), que le
rcit de Procope doit sexpliquer par le souvenir confus de la plus ancienne expansion
phnicienne en Occident qui prcda largement la fondation de Carthage.
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Autres origines lgendaires de lAntiquit


Elle nest pas la seule que nous ait transmise lAntiquit. S. Gsell, grce son incomparable
rudition, a eu le mrite de les classer. Retenons les principales : selon Strabon, les Maures
taient des Indiens venus en Libye sous la conduite de linvitable Hrakls ; nous verrons
que certains auteurs modernes ont voulu appuyer cette origine lgendaire darguments
scientifiques. Une origine orientale plus proche est propose, pour les Gtules, par lhistorien
juif Flavius Joseph. Commentant le chap. X de la Gense, il affirme tranquillement que lun
des fils de Koush, Euilas est le pre des Euilaioi "qui sont aujourdhui appels Gaitouloi :
Gtules". Dautres tymologies aussi fantaisistes parsment le rcit de Flavius Joseph : ainsi
Ophren, petit fils dAbraham, serait all conqurir la Libye ; ses descendants auraient donn
le nom dAfrique au pays.
Mais dautres origines leur sont prtes, surtout chez les auteurs grecs ; ainsi Hrodote dit que
les Maxyes, quon peut identifier des Berbres sdentaires, cultivateurs, se prtendaient
descendre des Troyens. En cho cette tradition si rpandue dans le monde classique,
rpondent plusieurs assertions : Hcate mentionne une ville de Cubos fonde par les Ioniens
auprs dHippou Akra, lactuelle Bne-Annaba. Dans la mme rgion tait situe la ville de
Meschela qui tait, selon Diodore de Sicile, une cration grecque.
Ainsi Plutarque, qui sinspire vraisemblablement de Juba II, le savant roi de Maurtanie
contemporain de lempereur Auguste, dit que Hrakls, toujours lui ! avait laiss, dans le
Nord de la Maurtanie Tingitane, des Olbiens et des Mycniens. Or Ptolme cite parmi les
peuples de cette contre les Muceni dont le nom semble bien tre lorigine de cette autre
lgende.
Lgendes mdivales sur les origines des Berbres
Les historiens du Moyen Age, par de nombreux traits, conservent cette mode de pense
antique et, en Orientaux troitement asservis au systme patriarcal, sont particulirement
friands de gnalogies interminables aussi ont-ils donn ou rpt de nombreuses lgendes sur
les origines des Berbres. lbn Khaldoun, le plus grand dentre eux, a consacr un chapitre
entier de sa volumineuse Histoire des Berbres aux multiples gnalogies que des crivains
de langue arabe, qui taient souvent dorigine berbre, ont prsentes avant lui. Tous donnent
une origine orientale aux diffrentes fractions. La plus courante se rattache celle dj relate
par Procope. El Bekri les fait chasser de Syrie-Palestine par les Juifs, aprs la mort de Goliath.
Il saccorde avec El Masoudi pour les faire sjourner trs peu de temps en gypte. Selon
dautres, les Berbres seraient les descendants de Goliath (Djolouta). Or il nest pas sans
intrt de noter que Goliath et Aguelid, qui veut dire roi dans les dialectes berbres du Nord,
sont deux noms de la mme famille. Ifricos, fils de Goliath, les aurait conduits en Afrique qui
lui doit son nom (Ifrqiya).
Ibn Khaldoun lui-mme prend fermement position en faveur de ce quil appelle "le fait rel,
fait qui nous dispense de toute hypothse : les Berbres sont les enfants de Canaan, fils de
Cham, fils de No, ainsi que nous lavons dj nonc en traitant des grandes divisions de
lespce humaine. Leur aeul se nommait Mazigh ; leurs frres taient les Gergsens
(Agrikech) ; les Philistins, enfants de Casluhim, fils de Misrarn, fils de Cham, taient leurs
parents. Le roi, chez eux, portait le titre de Goliath (Djalout). Il y eut en Syrie, entre les
Philistins et les Isralites, des guerres rapportes par lhistoire, et pendant lesquelles les
descendants de Canaan et les Gergsens soutinrent les Philistins contre les enfants dIsral.
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Cette dernire circonstance aura probablement induit en erreur la personne qui reprsenta
Goliath comme Berbre, tandis quil faisait partie des Philistins, parents des Berbres. On ne
doit admettre aucune autre opinion que la ntre ; elle est la seule qui soit vraie et de laquelle
on ne peut scarter" (traduction de Slane).
Malgr cette objurgation dlbn Khaldoun, nous devons galement tenir compte, car elle nest
pas sans consquence, dune autre opinion quil nous rapporte avec prcision : "Tous les
gnalogistes arabes saccordent regarder les diverses tribus berbres dont jai indiqu les
noms, comme appartenant rellement cette race ; il ny a que les Sanhadja et les Ketama
dont lorigine soit pour eux un sujet de controverse. Daprs lopinion gnralement reue,
ces deux tribus faisaient partie des Ymnites qulfricos tablit en Ifrikia lorsquil eut envahi
ce pays.
Dun autre ct, les gnalogistes berbres prtendent que plusieurs de leurs tribus, telles
que les Louata, sont Arabes et descendent de Himyer ..."
Du Caucase lAtlantide
Les auteurs modernes, europens, ont longtemps t trs partags sur les origines des
Berbres. Ils se sont montrs, tout en affectant dappuyer leurs hypothses darguments
scientifiques, autant, sinon plus, imaginatifs que leurs prdcesseurs antiques ou mdivaux.
Au cours du XIXe sicle et encore au dbut du ntre, les explications et propositions diverses
peuvent sordonner suivant deux types de recherches, les unes sont dordre philologique et
prsentes surtout par les rudits allemands, les secondes sont archologiques ou
anthropologiques et sont luvre de Franais.
Cananens ou Indiens?
Philologues et orientalistes, sappuyant les uns sur les rcits grecs et latins, les autres sur des
textes arabes, ont cherch tayer lorigine orientale par des arguments nouveaux. Movers
accorde toute crance aux rcits de Salluste et de Procope. Il estime que les Cananens
fugitifs seraient passs en Afrique sur les vaisseaux des Phniciens et, se mlant aux Libyens
primitifs quils auraient initis lagriculture, seraient devenus les Libyphniciens que
mentionnent plusieurs textes antiques. Nous avons vu, qu lpoque actuelle, certains auteurs,
comme A. di Vitta, pensent effectivement que la tradition cananenne conserve le souvenir
estomp dune expansion antrieure la fondation de Carthage.
Le dveloppement de lgyptologie favorisa galement la tradition orientale car plusieurs
savants ont cru que les Hyksos, originaires dAsie mineure et de Syrie, chasss dgypte, se
rfugirent en partie en Afrique et se seraient mls aux Libyens.
Kaltbrunner et Ritter apportent, eux, les "preuves" lappui de lorigine indienne des Maures
propose par Strabon ; ainsi selon eux le nom de Berbre est analogue celui des Warlevera,
trs anciens occupants du Dekkan. Le port de Berbera, en Somalie, les Barabra (singulier
Berberi) qui habitent entre la premire et la quatrime cataracte sur le Nil, et le toponyme
Berber au Soudan leur semblent autant de jalons linguistiques entre le sous-continent Indien et
le Maghreb.

Une origine grecque ou genne a t, en revanche, vigoureusement dfendue par le Dr


Bertholon dans les premires annes du XXe sicle. Il recensa avec une totale imprudence les
noms et les mots berbres qui, selon lui, auraient une racine grecque ou prhellnique. En
collaboration avec E. Chantre, il rdigea un volumineux ouvrage sur les Recherches
anthropologiques dans la Berbrie orientale (1913) o il appuie darguments
anthropologiques, voire ethnologiques, son opinion sur les origines de ces populations.
Bravement les auteurs osent crire : La cramique berbre se divise en trois grandes classes
1. cramique grossire la main rappelant celle des dolmens, particulire surtout aux tribus de
la grande race dolichocphale ; son aire dextension est celle de cet lment ethnique ;
2. cramique la main rappelant les modles primitifs de la mer ge Cette cramique
correspond avec la rpartition des populations comprenant une proportion apprciable de
dolichocphales de petite taille;
3. Cramique au tour, orne par incisions, origine Gerba, pays de brachycphales, a essaim
Nabeul puis Tunis, dinspiration cypriote, moins archaque que la prcdente (p. 560).

Voil quelles tranges conclusions aboutissent des recherches reposant sur des prsupposs
et la certitude dune permanence absolue des types humains et des techniques travers les
millnaires !
Berbres, Gaulois et dolmens
La recherche des origines aurait d, semble-t-il, tirer un bnfice plus sr du dveloppement
de lArchologie en Afrique du Nord, et particulirement de la fouille des monuments
funraires mgalithiques si nombreux en Algrie orientale et en Tunisie centrale. Hlas ! dans
ce domaine, plus encore quailleurs, les prjugs ethniques, voire nationaux, devaient
engendrer les pires erreurs. Les dolmens nord-africains attirrent trs tt lattention des
voyageurs europens. Shaw, ds le milieu du XVIIIe sicle, signalait ceux de Beni Messous
prs dAlger. En 1833 le capitaine Rozet les dcrit sous le nom de "monuments druidiques
voisins de Sidi Ferruch". Le chirurgien Guyon fut le premier en 1846 y entreprendre des
fouilles. Dans le compte rendu trs srieux quil prsenta lAcadmie des Inscriptions et
Belles Lettres il crit : "ils ont tout fait laspect des monuments druidiques que jai vus
Saumur et sur dautres points de la France. Aussi quelques archologues les attribuent aux
Gaulois qui servaient dans les armes romaines, mais on serait tout aussi autoris les
rapporter aux Vandales".
Le dsir de retrouver, de part et dautre de la Mditerrane, les mmes faits archologiques,
expliquait et justifiait en quelque sorte la prsence "celtique" puis franaise en Algrie. Cela
parat encore chez lun des meilleurs archologues et arabisants du Second Empire, L. Ch.
Feraud qui commence ses recherches en 1860. Trois ans plus tard il entreprend, avec le
palontologue anglais Christy (celui-l mme qui, avec E. Lartet, commenait lexploration
prhistorique de la valle de la Vzre), les fouilles de la vaste ncropole mgalithique de Ras
el An Bou Merzoug, dans le voisinage de Constantine et acquiert la conviction que les
dolmens sont les tombeaux des "Gallo-romains" tablis en Afrique.
cette poque hroque de larchologie prhistorique tous les arguments, mme les plus
spcieux, taient prsents pour affirmer lorigine celtique, donc franaise, des dolmens
algriens. En 1862 paraissait, dans la srie des clbres Guides Joanne, litinraire historique
et descriptif de lAlgrie de L. Piesse. la page 71 de cet opuscule on trouve une description
sommaire des dolmens de Beni Messous attribus une "lgion armoricaine". "Cette
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hypothse, ajoute L. Piesse, peut sappuyer sur une inscription tumulaire trouve Aumale.
On y lit quun nomm Gargilius, tribun, commandant des vexillaires et dun corps indigne
tait aussi chef dune cohorte bretonne, dcurion dAuzia et de Rusguniae en lanne 263 de
lre chrtienne ... ". Or Gargilius Martialis avait, en ralit, command la premire cohorte
des Astyres dans la province de Bretagne (cest--dire la Grande Bretagne) avant de venir en
Afrique o il prit sous les coups des Bavares rvolts. On voit que les rapprochements
proposs par L. Piesse ntaient quune amusante suite de contresens.
Origines nordiques
Progressivement se dveloppa lide que les dolmens taient antrieurs aux Celtes ou Gaulois,
mais cette opinion chronologiquement plus exacte ne saccompagna pas dun examen plus
attentif des faits. Ainsi, A. Bertrand (1863) comme grand nombre de ses contemporains, croit
lexistence dun "peuple des dolmens" progressivement chass dAsie, de lEurope
septentrionale, des les Britanniques puis de Gaule et dEspagne pour venir stablir en
Afrique du Nord. Dans le mme courant dopinion, H. Martin, sappuyant sur les dcouvertes
de lgyptologie naissante qui faisait connatre, parmi les peuplades libyennes qui attaqurent
lgypte au temps de Mineptah et de Ramss III, des Tamahous blonds, explique que des
"Gaulois" ayant franchi les Pyrnes et travers lEspagne auraient conquis lAfrique du Nord
et implant la civilisation mgalithique avant de sattaquer lgypte.
La prsence indiscutable des populations ou plutt dindividus blonds aux yeux clairs dans
plusieurs rgions montagneuses proches du littoral et actuellement berbrophones accrdita
longtemps la lgende dune origine nordique de ces peuples : europens constructeurs de
mgalithes pour les uns, Gaulois mercenaires de Carthage pour les autres (on sait, ne serait-ce
que par la lecture de Salamb, dfaut de la Bibliothque historique de Diodore de Sicile, le
rle tenu par les Gaulois dans la guerre des Mercenaires contre Carthage, entre les deux
premires guerres puniques), Gallo-romains enrls dans les lgions de lEmpire pour
dautres, ou bien encore descendants des pirates francs qui au IIIe sicle frquentaient les
parages du dtroit de Gibraltar, Vandales enfin qui, aprs un sicle de domination ne
pouvaient avoir disparu sans laisser de traces dans la population. Nallait-on pas jusqu
retrouver dans le nom dune obscure fraction, les Germana (ou Djermana), le souvenir de ces
Germains rfugis en Petite Kabylie aprs leur dfaite ?
Dautres arguments anthropologiques vinrent sagglutiner aux divagations historicoarchologiques ; ainsi J. Bourguignat reconnat, la suite de lanthropologue Pruner-Bey que
les dolmens de Roknia taient luvre de tribus berbres mles dgyptiens et de Ngres
"domins par une race dArias descendant dItalie en Sicile et de Sicile en Afrique" (1868).
Berbres, Ibres et Sumriens
Dans les recherches des origines europennes des Berbres la Pninsule ibrique a la
prfrence. Certaines identits toponymiques troublantes entre les deux rives du Dtroit, noms
de fleuves et de villes rcemment J. Desanges vient den donner un prcieux inventaire
appuient cette argumentation. Des rapprochements, infiniment plus fragiles avec la langue
basque permettent de rappeler que Berbres et Ibres sont aussi proches par lonomastique
que par la gographie. Comme lAntiquit connaissait des Ibres au Caucase, qui pourraient
eux-mmes tre les anctres des Ibres dOccident, voici une autre origine possible des
Berbres : une philologie de l peu prs, expliquait aussi srieusement, laide de
rapprochements des plus fantaisistes, que les Berbres descendaient des Sumriens !
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Tour tour ont t voqus lOrient pris globalement (Mdes et Perses), la Syrie et le pays de
Canaan, linde et lArabie du Sud, la Thrace, la Mer ge et lAsie mineure, mais aussi
lEurope du Nord, la Pninsule ibrique, les les et la Pninsule italiennes Il est srement
plus difficile de rechercher les pays do ne viennent pas les Berbres
Il est vrai que pour dautres littrateurs pseudo-scientifiques, la question trouve facilement sa
solution : les Berbres sont tout simplement les derniers Atlantes. Les "preuves" ne manquent
pas : lAtlantide tait situe dans la partie de lOcan proche de la Libye, les Canaries en sont
les dbris. Les premiers habitants de ces les, les Guanches, ne parlaient-ils pas le berbre ?

LES DONNES DE LANTHROPOLOGIE


La formation de la population berbre, ou plus exactement des diffrents groupes berbres,
demeure une question trs controverse parce quelle fut mal pose. Les thories
diffusionnistes ont tellement pes depuis lorigine des recherches que toute tentative
dexplication reposait traditionnellement sur des invasions, des migrations, des conqutes, des
dominations. Et si les Berbres ne venaient de nulle part ?
Plutt que de rechercher avec plus ou moins de bonheur de vagues ressemblances de tous
ordres et damalgamer des donnes de significations diffrentes, voire contradictoires, ne
vaut-il pas mieux commencer par examiner les Berbres eux-mmes et les restes humains
ultrieurs lpoque historique, poque ou, nous le savons, la population actuelle stait dj
mise en place ?
En un mot nous devons logiquement accorder la primaut lAnthropologie. Mais celle-ci ne
permet pas aujourdhui de dfinir la moindre originalit "berbre" dans lensemble de la
population sud mditerranenne. Ce qui permet aujourdhui encore de mentionner des
groupes berbres dans le quart nord-ouest de lAfrique est dautre qualit, culturelle plus que
physique. Parmi ces donnes culturelles la principale demeure la langue.
Nous examinerons donc successivement les donnes de lAnthropologie et celles de la
linguistique.
LHomo sapiens du Maghreb
LHomme atrien
Sans rechercher les origines mmes de lhomme en Afrique du Nord, nous devons cependant
remonter allgrement les millnaires pour comprendre comment sest constitu le peuplement
de cette vaste rgion actuellement pince entre le Dsert et la Mditerrane. Plaons-nous au
dbut de lpoque quen Europe les prhistoriens nomment Palolithique suprieur : ce
moment vit dj au Maghreb un homme de notre espce, Homo sapiens sapiens, plus primitif
que son contemporain europen, lHomme de Cro-Magnon et qui est lauteur de lAtrien,
culture drive du Moustrien. Cet homme atrien dcouvert Dar es Soltan (Maroc) prsente
suffisamment danalogies avec lhomme moustrien du Djebel Irhoud pour qu'on puisse
admettre quil en soit issu. Plus intressante encore est la reconnaissance dune filiation entre
cet homme atrien et son successeur, connu depuis fort longtemps au Maghreb sous le nom
dHomme de Mechta el-Arbi.
Origines de lhomme de Mechta el-Arbi
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LHomme de Mechta el-Arbi est un cromagnode ; il en prsente les caractres physiques


dominants : la grande taille (1,74 m en moyenne pour les hommes), la forte capacit crnienne
(1650 cc), la disharmonie entre la face large et basse, aux orbites de forme rectangulaire plus
larges que hautes, et le crne qui est dolichocphale ou msocphale.
ses dbuts, lHomme de Mechta el-Arbi est associ une industrie, nomme
Ibromaurusien, qui occupait toutes les rgions littorales et telliennes. LIbromaurusien,
contemporain du Magdalnien et de lAzilien europens, a dj les caractres dune industrie
pipalolithique en raison de la petite taille de ses pices lithiques. Ce sont trs souvent de
petites lamelles dont lun des tranchants a t abattu pour former un dos. Ces objets taient
des lments doutils, des sortes de pices dtaches dont lagencement dans des manches en
bois ou en os procurait des instruments ou des armes efficaces.
Traditionnellement, on pensait que lHomme de Mechta el-Arbi, cousin de lHomme de CroMagnon, avait une origine extrieure. Les uns imaginaient les Hommes de Mechta el-Arbi,
venus dEurope, traversant lEspagne et le dtroit de Gibraltar pour se rpandre la fois au
Maghreb et aux les Canaries dont les premiers habitants, les Guanches, avaient conserv
lessentiel de leurs caractres physiques avant de se mler aux conqurants espagnols.
Dautres pensaient que lHomme de Mechta el-Arbi descendait dHomo Sapiens apparu en
Orient (Homme de Palestine) et que de ce foyer originel staient dveloppes deux
migrations. Une branche europenne aurait donn lHomme de Cro-Magnon, une branche
africaine aurait mis en place lHomme de Mechta el-Arbi.
Origine orientale, origine europenne, deux lments dune alternative que nous avons dj
reconnue dans les rcits lgendaires de lAntiquit ou dans les explications fantaisistes de
lpoque moderne et qui se retrouve dans les hypothses scientifiques actuelles.
Malheureusement lune et lautre prsentaient de grandes anomalies qui les rendaient
difficilement acceptables. Ainsi la migration des Hommes de Cro-Magnon travers lEspagne
ne peut tre jalonne ; bien mieux, les crnes du Palolithique suprieur europen ont des
caractres moins accuss que leurs prtendus successeurs maghrbins. Les mmes arguments
peuvent tre opposs lhypothse dune origine proche orientale des Hommes de Mechta elArbi : aucun document anthropologique entre la Palestine et la Tunisie ne peut lappuyer. De
plus, nous connaissons les habitants du Proche-Orient la fin du Palolithique suprieur, ce
sont les Natoufiens, de type proto-mditerranen, qui diffrent considrablement des Hommes
de Mechta el-Arbi. Comment expliquer, si les Hommes de Mechta el-Arbi ont une ascendance
proche orientale, que leurs anctres aient quitt en totalit ces rgions sans y laisser la
moindre trace sur le plan anthropologique ?
Reste donc lorigine locale, sur place, la plus simple (cest la raison pour laquelle sans doute
on ny croyait gure !) et, aujourdhui la plus vidente depuis la dcouverte de lHomme
atrien. Les anthropologues spcialistes de lAfrique du Nord comme D. Ferembach et M.C.
Chamla, admettent aujourdhui une filiation directe, continue, depuis les nandertaliens nordafricains (Hommes du Djebel Irhoud) jusquaux Cromagnodes que sont les Hommes de
Mechta el-Arbi. LHomme atrien de Dar es Soltane serait lintermdiaire mais qui aurait dj
acquis les caractres dHomo sapiens sapiens.
Le type de Mechta el-Arbi va seffacer progressivement devant dautres hommes, mais sa
disparition ne fut jamais complte. Ainsi trouve-t-on encore 8% dhommes mechtodes parmi
les crnes conservs des spultures protohistoriques et puniques (Chamla, 1976). De lpoque
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romaine, dont les restes humains ont longtemps t ddaigns par les archologues
"classiques", on connat encore quelques crnes de lAlgrie orientale qui prsentent des
caractres mechtodes. Du type de Mechta el-Arbi il subsiste encore quelques trs rares
lments dans la population actuelle qui, dans sa quasi totalit, appartient aux diffrentes
varits du type mditerranen : quelques sujets mso ou dolichocphales face basse, de
taille leve, et au rapport cranio-facial dysharmonique, rappellent les principaux caractres
des Hommes de Mechta el-Arbi. Ils reprsentent tout au plus 3 % de la population au
Maghreb ; ils sont nettement plus nombreux dans les les Canaries.
Les Protomditerranens Capsiens mangeurs descargots
On ne peut cependant placer lHomme de Mechta el-Arbi parmi les anctres directes des
Berbres.
Apparition des Mditerranens
partir du VIIIe millnaire, on voit apparatre dans la partie orientale du Maghreb (nous
sommes compltement ignorants de ce qui se passait au mme moment, sur le plan
anthropologique, dans les confins de lgypte et de la Libye), un nouveau type dHomo
sapiens qui a dj les caractres de certaines populations mditerranennes actuelles. Il est
aussi de taille leve (1,75 m pour les hommes de Medjez II, 1,62 m pour les femmes), mais il
se distingue de lHomme de Mechta el-Arbi par une moindre robustesse, un rapport crniofacial plus harmonique puisque un dolichocrne correspond une face haute et plus troite,
les orbites sont plus carres et le nez plus troit. Les reliefs osseux de ce nouveau type humain
sont attnus, langle de la mchoire, en particulier, nest pas djet vers lextrieur, il ny a
donc pas extroversion des gonions comme disent les anthropologues. Or ce caractre est trs
frquent, sinon constant chez les Hommes de Mechta.
(a) "Crne de Taza" : Type Ibromaurusien, compos en
grande partie de sapiens l'aspect "cromagnode".
(b) "Hommes de Medjez" : Type capsien, considr comme
Proto-Mditerranen.
Images extraites de l'article Prothse dentaire prhistorique
osto-implante
Ce type humain a reu le qualificatif de Protomditerranen. Des groupes
anthropologiquement trs proches se retrouvent, la mme poque ou un peu avant en Orient
(Natoufiens) et dans divers pays de la Mditerrane o ils semblent issus du type de Combe
Capelle (appel en Europe centrale Homme de Brno) qui est distinct de lHomme de CroMagnon. Aussi D. Ferembach suppose lexistence en Orient, au Palolithique suprieur, dun
homme proche de Combe Capelle.
Manifestement lHomme de Mechta el-Arbi na pu donner naissance aux hommes
protomditerranen. Ceux-ci, qui vont progressivement le remplacer, apparaissent dabord
lEst, tandis que les Hommes de Mechta el-Arbi sont encore, au Nolithique, les plus
nombreux dans lOuest du pays. Cette progression dEst en Ouest indique bien quil faut
chercher au-del des limites du Maghreb, lapparition de ce type humain protomditerranen.
Un consensus gnral de tous les spcialistes. anthropologues et prhistoriens, se dgage
aujourdhui pour admettre quil est venu du Proche-Orient.
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On peut, la suite de M.C. Chamla, reconnatre parmi les Protomditerranens deux varits
La plus frquente, sous type de Mdjez II, au crne lev, est orthognate, le second, moins
rpandu, celui de lAn Dokkara, vote crnienne plus basse, est parfois prognate, sans
toutefois prsenter les caractres ngrodes sur lesquels on avait tort attir lattention.
La civilisation capsienne
Ces hommes sont porteurs dune industrie prhistorique qui a reu le nom de Capsien, du nom
antique de Gafsa (Capsa) auprs de laquelle furent reconnus pour la premire fois les
constituants de cette culture. Le Capsien couvre une priode moins longue que
lIbromaurusien ; elle stend du VIIIe au Ve millnaire.
Grce au grand nombre de gisements plaisamment nomms escargotires et la qualit des
fouilles qui y furent conduites, on a une connaissance satisfaisante des Capsiens et de leurs
activits. On peut, dans leur cas, parler dune civilisation dont les nombreux facis rgionaux
reconnus travers la Tunisie et lAlgrie rvlent certains traits constants. Sans nous
appesantir sur lindustrie de pierre caractrise par des outils sur lames et lamelles bord
abattu, des burins, des armatures de formes gomtriques (croissants, triangles, trapzes),
nous rappellerons quelle est fort belle, remarquable par les qualits du dbitage, effectu
parfois au cours du Capsien suprieur par pression, ce qui donne des lamelles normalises.
Elle est remarquable galement par la prcision de la retouche sur des pices dune finesse
extraordinaire, comme par exemple les micro-peroirs courbes dits de lAn Khanga. Mais le
Capsien possde dautres caractres qui ont pour larchologue et lethnologue une
importance plus grande, je veux parler de ses uvres dart. Elles sont les plus anciennes en
Afrique et on peut affirmer quelles sont lorigine des merveilles artistiques du Nolithique.
Elles sont mme, et ceci est important, lorigine de lart berbre. Il y a un tel air de parent
entre certains de ces dcors capsiens ou nolithiques et ceux dont les Berbres usent encore
dans leurs tatouages, tissages et peintures sur poterie ou sur les murs, quil est difficile de
rejeter toute continuit dans ce got inn pour le dcor gomtrique, dautant plus que les
jalons ne manquent nullement des temps protohistoriques jusqu lpoque moderne.
Les premiers Berbres
Sur le plan anthropologique les hommes capsiens prsentent si peu de diffrence avec les
habitants actuels de lAfrique du Nord, Berbres et prtendus Arabes qui sont presque
toujours des Berbres arabiss, que les archologues ngligrent de conserver les squelettes
dcouverts dans les escargotires car ils croyaient quil sagissait dintrus inhums une
poque rcente dans les buttes que constituent les gisements. Un de ces crnes sjourna mme
un certain temps dans le greffe du tribunal dune petite ville dAlgrie orientale, Ain MLila,
car on avait cru linhumation clandestine de la victime dun meurtre
Quoi quil en soit nous tenons, avec les Protomditerranens capsiens, les premiers
Maghrbins que lon peut, sans imprudence, placer en tte de la ligne berbre. Cela se situe il
y a quelque 9 000 ans ! Certes tout concorde faire admettre, comme nous lavons dit cidessus, que ces Capsiens ont une origine orientale. Rien ne permet de croire une brusque
mutation des Mechtodes en Mditerranens alors que les Natoufiens du Proche Orient dont
les caractres anthropologiques affirms antrieurement aux Capsiens sont du mme groupe
humain queux et dans leur civilisation on peut retrouver certains traits culturels qui
sapparentent au Capsien.

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Mais cette arrive est si ancienne quil nest pas exagr de qualifier leurs descendants de
vrais autochtones. Cette assertion est dautant plus recevable quil ne subsiste que quelques
traces des premiers occupants Mechtodes. Il est mme troublant de constater que si
Protomditerranens et Mechta el-Arbi ont pendant longtemps cohabit dans les mmes
rgions, puisque ces derniers ont survcu jusquau Nolithique, mme dans la partie orientale
que fut "capsianise" plus tt, ils ne se sont pas mtisss entre eux. Lattnuation des
caractres mechtodes que lanthropologue constate chez certaines populations antrieures
larrive des Protomditerranens, ne peut sexpliquer que par une volution interne
rpondant au phnomne gnral de gracilisation. De mme, les Protomditerranens les plus
robustes ou les plus archaques ne prsentent aucun caractre mechtode et les plus volus
scartent encore davantage de ce type.
La mise en place des Palo-Berbres
Si nous passons aux temps nolithiques il nest pas possible de saisir un changement notable
dans lvolution anthropologique du Maghreb. On note la persistance du type de Mechta elArbi dans lOuest et mme sa progression vers le Sud le long des ctes atlantiques tandis que
le reste du Sahara, du moins au Sud du Tropique du Cancer, est alors uniquement occup par
des ngrodes. Les Protomditerranens stendent progressivement. Arrivs laube des
temps historiques nous constatons que les hommes enterrs dans les tumulus et autres
monuments mgalithiques sont du type mditerranen quelle que soit leur localisation, sauf
dans les rgions mridionales o des lments ngrodes sont discernables. Le Maghreb sest
donc, sur le plan anthropologique "mditerranis" sinon dj berbris.
Mditerranens robustes et Mditerranens graciles
Mais une autre constatation simpose immdiatement : certains de ces Mditerranens sont de
stature plus petite, leurs reliefs musculaires plus effacs, les os moins pais, en un mot, leur
squelette est plus gracile. A vrai dire, les diffrences avec les Protomditerranens ne sont pas
tranches : il existe des formes de passage et de nombreuses transitions entre les
Mditerranens robustes et les Mditerranens graciles. De plus, il ny a pas eu limination
des uns par les autres puisque ces deux sous-types de la race mditerranenne subsistent
encore aujourdhui. Les premiers forment le sous-type atlanto-mditerranen bien reprsent
en Europe depuis lItalie du Nord jusquen Galice le second est appel ibro-insulaire qui
domine en Espagne du Sud, dans les les et lItalie pninsulaire.
En Afrique du Nord, ce sous-type est trs largement rpandu dans la zone tellienne, en
particulier dans les massifs littoraux, du Nord de la Tunisie, en Kabylie, au Rif dans le Nord
du Maroc, tandis que le type robuste sest mieux conserv chez les Berbres nomades du
Sahara (Touareg) dans les groupes nomades arabiss de lOuest (Regueibat), chez les
Marocains du Centre et surtout du Sud (Ait Atta, Chleuh). Mais les deux varits coexistent
jusqu nos jours dans les mmes rgions. Ainsi en Kabylie daprs une tude rcente de M.C.
Chainla, le type mditerranen se rencontre dans 70 % de la population mais se subdivise en
trois sous-types : libro-insulaire dominant caractris par une stature petite moyenne,
face trs troite et longue, latlanto-mditerranen galement bien reprsent, plus robuste et
de stature plus leve, msocphale, un sous-type "saharien", moins frquent (15 %) de
stature leve, dolicocphale face longue.
Un second lment qualifi dalpin en raison de sa brachycphalie, sa face courte et sa stature
peu leve, reprsente environ 10 % de la population, mais M.C. Chainla rpugne les
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confondre avec des Alpins vritables et songe plutt une variante "brachycphalise" du
type mditerranen.
Un troisime lment affinits armnodes, de frquence gale au prcdent, se caractrise
par une face allonge associe un crne brachycphale.
En quantits infimes sajoutent ce stock quelques individus conservant des caractres
mechtodes, quelques mtis issus dun lment ngrode plus ou moins ancien et des sujets
pigmentation claire de la peau, des yeux et des cheveux.
Complexit et variabilit
Cet exemple montre la diversit du peuplement du Maghreb. Mais nous ne sommes plus au
temps o la typologie raciale tait le but ultime de la recherche anthropologique. Il tait alors
tentant dassimiler les "types" ou "races" des groupes humains venant sagglutiner, au cours
des sicles, un ou plusieurs types plus anciens. Les recherches modernes, dans le monde
entier, ont montr combien lhomme tait, dans son corps infiniment plus mallable et
sensible aux variations et particulirement lamlioration des conditions de vie. La
croissance de la taille, au cours des trois dernires gnrations, est un phnomne gnral
largement ressenti et connu de lopinion publique mais, aussi, facilement mesurable grce aux
archives des bureaux de recrutement. En moins dun sicle la stature moyenne des Franais a
gagn 7 cm, ce qui est considrable et ne sexplique ni par une invasion ni par lmigration
systmatique des hommes de petite taille. Cette croissance est due lamlioration des
conditions de vie, une alimentation plus riche et surtout la disparition des travaux pnibles
chez les enfants et adolescents. De fait, cette croissance de la stature est ingale entre les
nations et, lintrieur de celle-ci, entre les rgions en relation directe avec les
dveloppements conomiques. Ainsi, entre 1927 et 1958, en quelques annes, la stature
moyenne Tizi-Ouzou (Kabylie, Algrie) est passe de 164,6 cm 167,4 cm alors que dans la
rgion voisine plus deshrite de Lakhdaria (ex. Palestro), de 1880 1958, laugmentation ne
fut que de 1,2 cm et ne semble pas significative.
Dautres travaux ont montr que la forme du crne variait par "drive gntique" comme
disent les biologistes sans quil soit possible de faire appel au moindre apport tranger pour
expliquer ce phnomne. Des variations sculaires ont pu tre mises en lumire en France,
ainsi les Auvergnats, de tendance dolichocphale au Moyen Age, Sont devenus
brachycphales ; leur crne sest raccourci et largi sans que la moindre invasion de la "race"
alpine dEurope centrale ait pu modifier la composante humaine du Massif central.
Cette mallabilit, cette sensibilit aux facteurs extrieurs tels que les conditions de vie et une
orientation imprvisible due au hasard de la gntique paraissent bien des anthropologues
modernes, suffisantes pour faire lconomie de nombreuses et mythiques migrations et
invasions dans la constitution des populations historiques. De nos jours lvolution sur place
parat plus probable.
Ainsi M.C. Chamla explique lapparition de la varit ibro-insulaire lintrieur du groupe
mditerranen africain par le simple jeu de la gracilisation. Aucune diffrence de forme
napparat entre les crnes des poques capsienne, protohistorique et moderne ; seules varient
les dimensions et dans un sens gnral qui est celui de la gracilisation.
Une Constante pression venue de lOrient
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Les Protomditerranens capsiens constituent certes le fond du peuplement actuel du Maghreb,


mais le mouvement qui les amena, dans les temps prhistoriques, du Proche-Orient en Afrique
du Nord, ne cessa aucun moment. Ils ne sont que les prdcesseurs dune longue suite de
groupes, certains peu nombreux, dautres plus importants. Ce mouvement, quasiment
incessant au cours des millnaires, a t, pour les besoins de la recherche archologique ou
historique, sectionn en "invasions" ou "conqutes" qui ne sont que des moments dune dure
ininterrompue.
Aprs les temps capsiens, en effet, au Nolithique, sont introduits animaux domestiques,
moutons et chvres dont les souches sont exotiques et les premires plantes cultives qui sont
elles aussi dorigine extrieure : ces animaux et ces plantes ne sont pas arrivs seuls, mme si
les hommes qui les introduisirent pouvaient tre fort peu nombreux. A cette poque la plus
grande partie du Sahara tait occupe par des pasteurs ngrodes. Il est possible que chasss
par lasschement intervenu aprs le IIIe millnaire, certains groupes se soient dplacs vers le
Nord et aient atteint le Maghreb. Certains sujets ngrodes ont t reconnus dans les gisements
nolithiques du Sud Tunisien, et au IVe sicle avant J.C., Diodore de Sicile connat encore des
populations semblables aux thiopiens (cest--dire des gens de peau noire) dans le Tell
tunisien, dans lactuelle Kroumirie. Mais cet apport proprement africain semble insignifiant
par rapport au mouvement insidieux mais continu qui se poursuit lAge des Mtaux lorsque
apparaissent les leveurs de chevaux, dabord "quidiens", conducteurs de chars, puis
cavaliers qui conquirent le Sahara en asservissant les thiopiens. Ces cavaliers, les historiens
grecs et latins les nommeront Garamantes lEst, Gtules au Centre et lOuest. Leurs
descendants, les Berbres sahariens, dominrent longtemps les Haratins qui semblent bien tre
les hritiers des anciens thiopiens.
Au cours mme de la domination romaine, puis vandale et byzantine, nous devinons de longs
glissements de tribus plus ou moins turbulentes lextrieur du Limes romain puis dans les
terres mmes de ce qui avait t lEmpire. Ainsi la confdration que les Romains nomment
Levathae (prononcer Leouathae), et qui tait au IVe sicle en Tripolitaine, se retrouve au
Moyen Age, sous le nom de Leuata, entre lAurs et lOuarsenis. Ces Louata appartiennent
avec de nombreuses autres tribus au groupe Znte, le plus rcent des groupes berbrophones
dont la langue se distingue assez nettement de celle des groupes plus anciens que lon pourrait
nommer Palo-berbres. Les troubles provoqus par lirruption znte sajoutant aux
convulsions politiques, religieuses et conomiques que subirent les provinces dAfrique,
favorisrent grandement les entreprises conqurantes des Arabes. Quatre sicles plus tard, la
succession des invasions bdouines, des Beni Hilal, Solaym, Maqil, ne sont elles aussi, que
des moments, retenus par lHistoire parce quelles eurent des consquences catastrophiques,
dun vaste mouvement qui dbuta une dizaine de millnaires plus tt.
Les apports mditerranens
Si la population du Maghreb a conserv, vis--vis du Proche-Orient, une originalit certaine,
tant physique que culturelle, cest quun second courant, nord-sud celui-ci, tout en interfrant
avec le premier, a marqu puissamment de son empreinte ces terres dOccident.
Ce courant mditerranen sest manifest ds le Nolithique. Le littoral du Maghreb connat
alors les mmes cultures que les autres rgions de la Mditerrane occidentale, les mmes
styles de poterie. Tandis quau Sud du dtroit de Gibraltar apparaissent des techniques aussi
caractristiques que le dcor "cardial" fait laide dune coquille de mollusque marin, style
europen qui dborde sur le Nord du Maroc, lEst se rpandent les industries en obsidienne
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venues des les italiennes. En des ges plus rcents, la rpartition de monuments funraires,
comme les dolmens et les hypoges cubiques, ne peut sexpliquer que par un tablissement
permanent dun ou plusieurs groupes mditerranens venus dEurope. Cet apport
mditerranen proprement dit a eu certes plus dimportance culturelle quanthropologique.
Mais si certains lments culturels peuvent, pour ainsi dire, voyager tout seuls, les monuments
et les rites funraires me paraissent trop troitement associs aux ethnies pour quon puisse
imaginer que la construction de dolmens ou le creusement dhypoges aient pu passer le
dtroit de Sicile et se rpandre dans lEst du Maghreb sans que des populations assez
cohrentes les aient apports avec elles.
Sans rduire la primaut fondamentale du groupe protomditerranen qui est continental,
originaire de lEst et qui connut des enrichissements successifs, on ne doit pas ngliger pour
autant ces apports proprement mditerranens, plus rcents, moins importants sur le plan
anthropologique, mais plus riches sur le plan culturel.
Cest de linterfrence de ces deux lments principaux auxquels sajoutrent des apports
secondaires venus dEspagne et du Sahara que sont nes, au cours des sicles, la population et
la civilisation rurale du Maghreb.

LES DONNES LINGUISTIQUES


Lapport des tudes linguistiques ne peut tre nglig dans un essai de dfinition des origines
berbres dans la mesure o la langue est aujourdhui le caractre le plus original et le plus
discriminant des groupes berbres dissmins dans le quart nord-ouest du continent africain.
Une indispensable prudence
Les idiomes berbres adoptent et "berbrisent" facilement nombre de vocables trangers : on
y trouve des mots latins, arabes (parfois trs nombreux on compte jusqu 35 % demprunts
lexicaux larabe, en kabyle), franais, espagnols Il semble que le libyque tait tout aussi
permable aux invasions lexicales, surtout en onomastique.
On doit par consquent se montrer trs prudent devant les rapprochements aussi nombreux
quhasardeux proposs entre le berbre et diffrentes langues anciennes par des amateurs ou
des rudits trop imprudents. Daprs Bertholon le libyque aurait t un dialecte hellnique
import par les Thraces ; dautres y voient des influences sumriennes ou touraniennes. Plus
rcemment larchtype basque a t mis en valeur, avec des arguments peine moins purils.
Les amateurs du dbut du sicle croyaient, en effet, pouvoir fonder leurs apparentements en
constituant de longues listes de termes lexicaux parallliss ceux de la langue de
comparaison. De tels rapprochements sont faciles, on peut ainsi noter de curieuses
convergences de vocabulaire aussi bien avec les dialectes amrindiens quavec le finnois.
Ces dvergondages intellectuels expliquent lattitude extrmement prudente des berbrisants
qui, inconsciemment sans doute, dsireraient que soit reconnue loriginalit intrinsque du
berbre. Cette attitude va mme jusqu douter parfois de la parent entre le berbre et le
libyque, ou, plus exactement, leur prudence est telle quils voudraient tre bien srs que la
langue transcrite en caractres libyques ft une forme ancienne du berbre.
Cette attitude plus que prudente apparat dans un texte clbre dA. Basset : "En somme la
notion courante du berbre, langue indigne et seule langue indigne jusqu une priode
16

prhistorique... repose essentiellement sur des arguments ngatifs, le berbre ne nous ayant
jamais t prsent comme introduit, la prsence, la disparition dune autre langue indigne
ne nous ayant jamais t clairement attestes" (La langue berbre. LAfrique et lAsie, 1956).
Les inscriptions libyques
Malgr leur nombre et un sicle de recherches, les inscriptions libyques demeurent en grande
partie indchiffres. Comme le signalait rcemment S. Chaker (1973), cette situation est
dautant plus paradoxale que les linguistes disposent de plusieurs atouts : des inscriptions
bilingues puniques-libyques et latines-libyques, et la connaissance de la forme moderne de la
langue ; car, si nous navons pas la preuve formelle de lunit linguistique des anciennes
populations du Nord de lAfrique, toutes les donnes historiques, la toponymie, lonomastique,
le lexique, les tmoignages des auteurs arabes confirment la parent du libyque et du berbre.
En reprenant largument ngatif dnonc par A. Basset, mais combien dterminant mon avis,
si le libyque nest pas une forme ancienne du berbre on ne voit pas quand et comment le
berbre se serait constitu.
Les raisons de lchec relatif des tudes libyques sexpliquent, en dfinitive, assez
facilement : les berbrisants, peu nombreux, soucieux de recenser les diffrents parlers
berbres nont gure, jusqu prsent, apport une attention soutenue au libyque dont les
inscriptions strotypes ne sont pas, leurs yeux, dun grand intrt. En revanche, les
amateurs ou les universitaires non berbrisants, qui sintressaient ces textes en raison de
leur valeur historique ou archologique, ntaient pas arms pour cette tude.
Enfin le systme graphique du libyque, purement consonantique, se prte mal une
reconstitution intgrale de la langue quil est charg de reproduire.
Lapparentement du berbre
Cependant lapparentement du berbre avec dautres langues, gographiquement voisines fut
propos trs tt ; on peut mme dire ds le dbut des tudes. Ds 1838, Champollion,
prfaant le Dictionnaire de la langue berbre de Venture de Paradis, tablissait une parent
entre cette langue et lgyptien ancien. Dautres, plus nombreux, la rapprochaient du
smitique. Il fallut attendre les progrs dcisifs raliss dans ltude du Smitique ancien pour
que M. Cohen propost, en 1924, lintgration du berbre dans une grande famille dite
Chamito-Smitique qui comprend en outre lgyptien (et le Copte qui en est sa forme
moderne), le Couchitique et le Smitique. Chacun de ces groupes linguistiques a son
originalit, mais ils prsentent entre eux de telles parents que les diffrents spcialistes
finirent par se rallier la thse de M. Cohen.
Ces paralllismes ne sont pas de simples analogies lexicales ; ils affectent la structure mme
des langues comme le systme verbal, la conjugaison et laspect trilitre des racines, bien
quen berbre de nombreuses racines soient bilitres, mais cet aspect est du une "usure"
phontique particulirement forte en berbre et que reconnaissent tous les spcialistes. Ce sont
ces phnomnes drosion phontique qui, en rendant difficiles les comparaisons lexicales
avec le Smitique, ont longtemps retenu les Berbrisants dans une attitude "isolationniste" qui
semble aujourdhui dpasse.

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Quoi quil en soit, la parent constate lintrieur du groupe Chamito-smitique entre le


berbre, lgyptien et le smitique, ne peut que confirmer les donnes anthropologiques qui
militent, elles aussi, en faveur dune trs lointaine origine orientale des Berbres.
Laboratoire danthropologie et de prhistoire des pays de la Mditerrane occidentale

Lexique (rdaction Mondeberbere.com, daprs lencyclopdie Hachette)

Brachycphale. Dont le crne arrondi est presque aussi large que long, en parlant dune
personne ou dun animal. "Tte ronde".
Capsien (de Capsa, nom antique de Gafsa). Se dit dune culture prhistorique de lAfrique du
Nord, qui correspond la fin du Palolithique suprieur europen. Synonyme gtulien.
Dolichocphale / dolicrne. Dont le crne est allong dans le sens antropostrieur, en
parlant de lhomme. "Tte longue".
Orthognate. Voir Prognathe.
Prognathe. Qui a une ou des mchoire(s) prominente(s) (par opp. orthognate).

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