Pratique Des Tests Logiciels - Jean-Francois Pradat-Peyre

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© Dunod, 2017

ISBN : 9782100772483

11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff

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Toute reproduction d'un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment
par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l'éditeur.
Avant-propos

Les logiciels informatiques, indispensables au fonctionnement des entreprises


et des infrastructures technologiques, ont également pris une place essentielle
dans notre vie quotidienne : ils améliorent la qualité des images de nos
appareils photos, gèrent nos annuaires téléphoniques mais participent aussi à
la sécurité de nos trajets automobiles. Si le dysfonctionnement d’un appareil
photo peut être désagréable, l’arrêt de l’ABS ou du contrôle dynamique de
trajectoire peut avoir des conséquences dramatiques[1]. La société dite
« numérique » est en fait une société où la matière première est le logiciel,
une société où les programmeurs se comptent en millions et les lignes de
code qu’ils écrivent en milliards. C’est une production de masse ! Le monde
du développement de logiciels est donc confronté à de nouveaux défis où
l’innovation ne peut se faire au détriment de la qualité. On attend, bien
entendu, des logiciels qu’ils réalisent ce pourquoi ils ont été conçus mais
également qu’ils ne fassent pas ce pourquoi ils n’ont pas été conçus. Créés
par l’homme, les logiciels sont soumis aux aléas de l’activité humaine et de
ce fait contiennent des erreurs qu’il faut s’efforcer de détecter afin de les
corriger avant la mise en service.
Ceci ne peut se faire sans tester régulièrement le logiciel et/ou les parties qui
le composent. Régulièrement car il ne suffit pas de tester uniquement le
produit final. En effet, une erreur découverte en bout de chaîne peut entraîner
la refonte totale et le re-développement de tout ou de presque tout. Il faut
donc tester en amont lors des phases d’assemblages des composants du
logiciel (il s’agit des tests dits d’intégration), mais également lors du
développement des composants (il s’agit des tests dits unitaires) car
assembler des composants truffés d’erreurs ne peut que compliquer le
diagnostic et réduire à néant le rendement de l’effort des tests suivants.
Les tests doivent donc rechercher des erreurs : des erreurs dites
fonctionnelles, le logiciel ne fait pas ce qu’il devrait faire ; mais aussi des
erreurs non fonctionnelles : le logiciel fait ce qu’il faut mais pas dans des
temps acceptables ou en devant être relancé fréquemment ou ne supportant
pas la montée en puissance. Le nombre de cas d’utilisation possibles d’un
logiciel étant en général très grand, il est tout à la fois illusoire de penser
mener cette recherche d’erreur de manière empirique, mais également de
vouloir prétendre à l’exhaustivité ; la bonne approche sera de nature
statistique, avec des stratégies basées sur les contextes d’emploi. Il faudra
savoir construire efficacement les cas de tests pertinents, c’est-à-dire ceux
permettant de mettre en évidence rapidement les erreurs. Il faudra également
savoir déterminer à quel moment on peut arrêter les tests sans crainte de ne
pas avoir assez testé afin de garantir la qualité de service conforme au contrat
de service. Ces jeux de tests peuvent être construits à l’aide des textes sources
du logiciel et/ou des détails de son assemblage ou, uniquement à l’aide de ses
spécifications. On parlera, selon les cas, de tests Boîtes blanches ou Boîtes
noires.
On le voit, tester un logiciel est un challenge aussi excitant que de le
programmer, et, qui tout comme la programmation, ne peut se faire sans une
bonne assise technique ; tester c’est mener une expérimentation scientifique
et il faut pour cela enthousiasme mais aussi rigueur et méthode. Les méthodes
les plus récentes comme les méthodes dites « agiles » ou l’eXtreme
Programming insistent à juste titre sur l’importance des tests et sur le
développement guidé par les tests, i.e. le « Test Driven Development ».

À qui s’adresse ce livre ?


Ce livre a un triple objectif. Tout d’abord il vise à donner aux étudiants des
universités et des grandes écoles d’ingénieurs, c’est-à-dire aux futurs
concepteurs, développeurs, intégrateurs de logiciels ou aux futurs chefs de
projets, les bases indispensables pour concevoir et mener à bien les tests tout
au long du cycle de vie du logiciel et du système. Deuxièmement, ce livre
vise à donner aux équipes de testeurs une référence en termes de vocabulaire,
de méthodes et de techniques permettant un dialogue plus efficace entre les
donneurs d’ordre, les maîtrises d’œuvre et les maîtrises d’ouvrage. Enfin,
conforme au Syllabus niveau fondation de l’ISTQB, cet ouvrage prépare au
passage de la certification ISTQB du métier de testeur.
Cette seconde édition reprend ces objectifs tout en proposant un nouveau
chapitre sur les outils de tests et un nouveau chapitre sur les enjeux des tests
d’intégration. Enfin, un QCM permet au lecteur d’évaluer son niveau face à
une possible certification.

Suppléments en ligne
Retrouvez sur www.dunod.com les suppléments en ligne qui complètent cet
ouvrage. Il s’agit d’exercices corrigés, du corrigé commenté du QCM, de
compléments sur les tests unitaires avec JUnit, des informations de mise à
niveau, des applications avancées, des logiciels recommandés, des supports
didactiques...
Notes
[1] On pourra également penser aux énormes soucis humains créés par le
dysfonctionnement du logiciel de gestion de paie de l’armée Louvois mis en
place en 2011.
Chapitre 1

Quelques idées essentielles sur les


tests

Le samedi 21 juillet 1962, la première sonde spatiale interplanétaire du


programme Mariner de la NASA, Mariner I, est lancée depuis Cap Canaveral
pour une mission d’analyse de Vénus. Quatre minutes après son lancement, le
lanceur dévie de sa trajectoire et doit être détruit.
Un article du New York Times daté du 27 juillet 1962 relate cet épisode
malheureux de la conquête de l’espace et donne une première explication de
cet échec : « The hyphen, a spokesman for the laboratory explained, was a
symbol that should have been fed into a computer, along with a mass of other
coded mathematical instructions. The first phase of the rocket’s flight was
controlled by radio signals based on this computer’s calculations. The rocket
started out perfectly on course, it was stated. But the inadvertent omission of
the hyphen from the computer’s instructions caused the computer to transmit
incorrect signals to the spacecraft… »
L’explication donnée à l’époque de cet échec et maintenue jusqu’à
récemment est qu’une instruction du programme de guidage (écrit en Fortran)
contenait une virgule à la place d’un point. L’instruction « DO 10 I = 1.100 »
aurait dû être « DO 10 I = 1,100 ». Dans le premier cas, il s’agit d’une
déclaration de variable de nom « DO 10 I » de type réel auquel on donne la
valeur 1,1 alors que dans le second cas il s’agit d’une boucle qui répète de
100 fois la suite d’instructions qui suit la ligne ; la différence de
comportement résultant de l’interprétation de ces deux instructions est
radicale !
En fait, la cause du problème la plus probable est plus subtile car elle
proviendrait non d’une erreur de codage mais d’une erreur d’interprétation
des spécifications : la transcription manuelle du symbole surligné ( ) sur une
variable, écrit rapidement dans la marge des spécifications, correspondant au
lissage de la variable en question, fut pris pour une apostrophe, (‘a), notant la
dérivée de la variable. Il s’agirait donc d’une apostrophe au lieu d’une barre
et non d’une virgule au lieu d’un point.

Fig. 1.1 Les sondes Mariner (image NASA)


http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/7f/Mariner_1_to_10.jpg

Cette confusion conduisit à un code non conforme aux spécifications initiales


ce qui s’est traduit par une différence de comportement importante entre la
version codée et la version souhaitée. Ainsi, lors des tentatives de
stabilisation du lanceur, le système de contrôle lui envoya des ordres
incohérents causant sa perte.
Quelle que ce soit la version de ce terrible échec parmi ces deux hypothèses,
il est la conséquence d’une erreur de réalisation d’un logiciel informatique :
une erreur d’interprétation des spécifications ou une erreur de codage.
De nombreux autres et malheureux exemples sont là pour nous rappeler
l’importance du logiciel dans le monde actuel ; nous ne citons que les plus
(tristement) célèbres :
Convocation à l’école de personnes âgées de 106 ans. Cause : codage de
l’âge sur deux caractères.
Navire de guerre anglais coulé par un Exocet français, au cours de la
guerre des Malouines, le vaisseau anglais n’ayant pas activé ses
défenses. Plusieurs centaines de morts. Cause : les missiles de type
Exocet n’étaient pas répertoriés comme des missiles ennemis.
Passage de la ligne : au passage de l’équateur un F16 se retrouve sur le
dos. Cause : changement de signe de la latitude mal pris en compte.
Station MIR : deux jours sans courant (14 au 16 novembre 1999).
Cause : arrêt d’un ordinateur qui contrôlait l’orientation des panneaux
solaires.
Hôpital : Décès d’un malade. Cause : erreur logicielle dans un
programme de contrôle d’appareil de radiothérapie.
Missile : en URSS, fusée pointant Hambourg au lieu du Pôle Nord.
Cause : erreur de signe entraînant une erreur de 180° du système de
navigation.
Inondation de la vallée du Colorado en 1983. Cause : mauvaise
modélisation du temps d’ouverture du barrage.
Perte de la sonde Mars Climate Orbiter (anciennement Mars Surveyor
Orbiter) le 23 septembre 1999 après 9 mois de voyage. Cause :
confusion entre pieds et mètres.
Et bien d’autres dont tout à chacun peut être témoin dans sa vie
professionnelle ou familiale.

Dans tous ces cas, une erreur de réalisation ou de conception d’un logiciel
conduit un système automatique à faire autre chose que ce pourquoi il est fait.
Différents termes sont employés pour relater ces problèmes et il nous faut
préciser ici ce que l’on entend par erreur, défaut, défaillance ou panne.

1.1. Chaîne de l’erreur


Comme toute activité humaine, la conception et le développement de logiciel
sont sujets à des imperfections qui sont sans conséquences dans certains cas
et dans d’autres conduisent à des comportements non prévus et sont la cause
de dysfonctionnement plus ou moins graves. En tout état de cause, lorsque les
tests sont correctement réalisés et utilisés, ils permettent de découvrir des
erreurs. Si l’on veut être précis, les tests mettent en avant des défaillances du
logiciel, c’est-à-dire des fonctionnements anormaux aux vues de ses
spécifications. Une défaillance provient d’un défaut de réalisation ou de
conception du logiciel, qui suite à une exécution du code impliqué engendre
un comportement fautif. Il faut noter que tout défaut ne conduit pas
systématiquement à une défaillance et que, au contraire, il est fréquent qu’un
logiciel se comporte correctement alors qu’il contient un grand nombre de
défauts mais qui ne sont jamais exercés en fonctionnement ; cette
constatation implique donc d’adopter une stratégie de grande prudence
lorsque l’on réutilise une partie d’un logiciel fonctionnant parfaitement.
Ces défauts présents dans les logiciels proviennent d’erreurs humaines qui
sont le fait de méprises sur la compréhension ou l’interprétation des
spécifications ou encore d’erreurs de réalisation lors du codage ou également
d’oublis lors des phases de conception.
Une suite de défaillances peut entraîner une panne du logiciel ou du système,
mais il ne faut pas confondre une défaillance et une panne. Une défaillance se
caractérise par des résultats inattendus (calculs erronés, fenêtre mal placée,
message non affiché, etc.) ou un service non rendu (données non stockées
dans une base, fenêtre non ouverte, etc.) ; cependant le logiciel peut continuer
bon gré mal gré son fonctionnement normal. Une panne a un caractère plus
franc et se révélera par un arrêt total ou partiel du logiciel qui conduit à un
fonctionnement en mode (très) dégradé. La seule manière de sortir de ce
mode est de redémarrer le logiciel ou le système avec toutes les conséquences
que cela peut avoir.
Fig. 1.2 La chaîne de l’erreur

Afin de mesurer (a posteriori) le fonctionnement sans défaillance ou panne


d’un logiciel et l’impact de ces défaillances ou panne sur la disponibilité du
logiciel deux indicateurs sont utilisés :
Le MTBF (Mean Time Between Failure) qui définit le temps moyen de
bon fonctionnement entre deux défaillances ou pannes, temps de
réparation compris. Ce nombre doit être le plus grand possible.
Le MTTR (Mean Time To Repair) qui définit le temps moyen de remise
en route après une panne.

Il faut noter que seul un modèle précis, et donc difficile à produire, permet
d’essayer de calculer a priori ces indicateurs. Le plus souvent ils sont estimés
à l’aide d’anciens logiciels ou des logiciels concurrents, ce qui donne une
idée de ce qui est possible, et ils sont affinés en fonction des exigences
métiers, ce qui donne un objectif de ce qu’il faudrait atteindre.

1.2. Rôle des tests


Le rôle des tests est multiple. En effet, aujourd’hui de très nombreuses
activités ne peuvent être réalisées sans l'aide de logiciels et ceci dans des
domaines très variés : gestion de la paye, gestion de la carrière des
personnels, suivi des clients, contrôle des centrales nucléaires, aide au
pilotage des avions civils et militaires, amélioration du fonctionnement des
appareils ménagers, services offerts sur les mobiles ou les tablettes, etc. « Il y
a plus d’informatique dans la Volvo S80 que dans le chasseur F15 » déclarait
en janvier 2000 Denis Griot, responsable de l’électronique automobile chez
Motorola.
Or, on ne sait pas, par construction, fabriquer des logiciels sans défaut :
l’homme commet des erreurs et aucun programme ne peut générer de façon
sûre un autre programme ou vérifier qu’un programme fait exactement ce
pour quoi il est fait. En effet, les limites théoriques montrent qu’il est
impossible dans le cas général, de construire un algorithme permettant de dire
si deux programmes réalisent les mêmes fonctions (il s’agit d’un problème
insoluble). La base de ce résultat provient de l’impossibilité à fabriquer un
programme qui statue, sans se tromper, sur la terminaison d’un programme
quelconque. Si tel était le cas, et si l’on notait Stop ce programme et Stop(P),
le résultat de l’analyse de la terminaison d’un programme P par Stop, on
pourrait construire un programme B contenant l’instruction « si Stop(B) alors
rentrer dans une boucle sans fin, sinon arrêter ». Ce programme B mettrait en
défaut systématiquement ce programme oracle Stop.
Devant ce constat d’impossibilité, différentes approches sont possibles :

1. se limiter à construire des programmes très simples que l’on sait


analyser de façon certaine mais qui ne pourront résoudre que des
problèmes limités ;
2. construire des programmes complexes dont on ne pourra prédire de
façon exacte le comportement mais qui permettront dans la plupart des
cas de résoudre des problèmes ambitieux.

Comme les besoins en termes de logiciels évoluent plus vite que les
possibilités théoriques de construction sûre, l’approche 2 est celle qui est
choisie dans la majorité des cas. Il faut donc accepter que le logiciel produit
contienne des défauts ; l’enjeu est alors d’éliminer les défauts qui conduisent
à des défaillances avant que le logiciel entre en service. Si nécessaire, il
faudra également s’assurer que le logiciel satisfait un certain nombre de
normes légales ou contractuelles, nécessaires par exemple pour une
certification du logiciel. Enfin, une fois le logiciel déployé, il faudra, lors des
phases de maintenance, vérifier que les évolutions ou améliorations n’ont pas
entamé les parties non modifiées du logiciel et, dans le cas de maintenances
correctives, que la nouvelle version corrige bien les défauts de l’ancienne.
Toutes ces étapes sont réalisées à l’aide de différents types de tests : tests
unitaires ou tests d’intégration lors des phases de développement, tests
système et tests de validation lors des phases de déploiement, tests
d’acceptation et tests de recette lors des phases d’acceptation ou de
certification, et enfin tests de correction et de non-régression lors des phases
de maintenance.
On le voit, les objectifs des tests peuvent être multiples ; cependant, en aucun
cas, et même si cela est choquant, il faut être conscient que leur but n’est pas
d’éliminer tous les défauts. L’objet principal est d’analyser le comportement
d’un logiciel dans un environnement donné : ainsi, il ne sert a priori à rien de
tester le bon fonctionnement de la gestion du système de freinage d’une
automobile pour une vitesse de 1 000 km/h.
Par ailleurs, les tests vont permettre de découvrir un certain nombre d’erreurs,
mais il est faux de penser que l’amélioration de la fiabilité est proportionnelle
au nombre de défauts détectés puis corrigés. En effet, un logiciel mal conçu,
en particulier du point de vue de son architecture, va faire apparaître un grand
nombre de défauts. La correction de ces défauts pourra avoir pour
conséquence, non de réduire leur nombre, mais au contraire d’en créer de
nouveaux. Si le ratio entre le nombre de défauts créés et le nombre de défauts
corrigés est supérieur à 1, les tests ne cesseront de découvrir des défauts sans
pour autant qu’il y ait convergence vers un logiciel fiable. De même, tester
beaucoup en quantité et en temps n’est pas nécessairement un gage de
qualité. Exercer sans cesse le même code avec des jeux de valeurs similaires
ne donne aucune garantie quant à la capacité à découvrir des défauts de
comportement. Tester est une activité complexe qui demande expérience et
méthode et nous allons essayer maintenant de cerner les quelques principes
qui doivent guider toute activité de test.

1.3. Les sept principes généraux des tests


Quelques grands principes nous permettront de mieux cerner et de définir
intuitivement ce que sont et ce que ne sont pas les tests.
1.3.1. Principe 1 – Les tests montrent la présence de
défauts
Il est important de se convaincre que les tests ne peuvent pas prouver
l’absence d’erreur de conception ou de réalisation. Leurs objets au contraire
sont de mettre en évidence la présence de défaut ; aussi, lorsqu’une série de
tests, conçus et appliqués avec méthode, ne trouve aucun défaut, il est
important de se poser la question de la pertinence des jeux de tests avant de
conclure à une absence de défauts. En tout état de cause, si aucun défaut n’est
découvert, ce n’est pas une preuve qu’il n’en reste pas.

1.3.2. Principe 2 – Les tests exhaustifs sont impossibles


Sauf pour des cas triviaux, la combinatoire d’un programme est impossible à
explorer de façon exhaustive. En effet, du fait des différentes valeurs
possibles des paramètres des méthodes ou sous-programmes et de la
combinatoire engendrée par l’algorithmique, la plupart des programmes
peuvent atteindre rapidement un nombre d’états différents supérieurs au
nombre estimé d’atomes dans l’univers (de l’ordre de 1080). Pour mieux nous
rendre compte de la complexité intrinsèque d’un programme informatique,
considérons une fonction d’addition de deux nombres entiers ; on ne peut
plus simple. Si les entiers sont des valeurs codées sur 32 bits, chaque
paramètre peut prendre 232 valeurs distinctes (un peu plus de 4 milliards). Le
nombre de cas différents d’exécution de cet additionneur est donc égal à 264,
ce qui correspond à plus de 4 milliards de milliards. Si l’on veut tester tous
les cas, il faudrait, à raison de 1 milliard d’opérations de test par seconde,
près de 127 années de travail !
Fig. 1.3 Tester tous les cas (264) ≅ 127 années à raison de 1 milliard d’opérations par
seconde

1.3.3. Principe 3 – Tester tôt


Les activités de tests doivent commencer le plus tôt possible dans le cycle de
développement du logiciel ou du système. Elles doivent être focalisées sur
des objectifs définis compatibles avec les risques et les exigences de qualité.
En effet, plus on retarde les activités de tests, plus le coût associé aux erreurs
est important : celles-ci sont de plus en plus difficiles à localiser et impactent
une partie du logiciel de plus en plus importante. De plus, la difficulté de
leurs corrections augmente avec le temps de détection et donc le coût et
l’effort associés. Les études menées sur le coût associé à la détection d’une
erreur montre que si une erreur décelée lors de la phase de l’élaboration du
cahier des charges coûte 1 alors la même erreur décelée en phase de
conception coûte 10 et une erreur décelée en phase d’exploitation coûte 100.
Il est donc important d’essayer de détecter au plus tôt les erreurs commises
lors des phases de conception puis de développement. Ces erreurs ne
pourront être découvertes que si le management a donné les moyens en
dégageant du temps et des ressources aux équipes concernées par les activités
de test. Ainsi, les efforts consacrés à la maintenance corrective pourront être
reportés sur la conception et le développement, ce qui aura pour effet,
d’améliorer la réactivité de ces équipes face aux demandes des clients plaçant
les tests au cœur d’une dynamique vertueuse.

1.3.4. Principe 4 – Regroupement des défauts


Comment porter l’effort de test ? Voici une question importante devant une
tâche complexe et dont le succès dépend en grande partie de la méthode
employée et des efforts consentis. Une première possibilité, a priori pleine de
bon sens, est de répartir uniformément l’effort de test sur l’ensemble du
logiciel afin d’essayer de n’oublier aucune part de celui-ci. Cependant, le bon
sens et les évidences sont souvent mis en défaut par une analyse poussée de
la réalité. Ainsi, si l’on cartographie les défauts au sein d’un logiciel, on
constate qu’une grande partie de ceux-ci se concentre dans une petite part du
logiciel : c’est la règle des « 80/20 » qui énonce que 80 % des défauts sont
localisés dans 20 % du logiciel. Aussi, l’effort de test devrait respecter cette
répartition et porter à 80 % sur la partie qui contient la majorité des erreurs et
à 20 % sur le reste du logiciel. Malheureusement, cette répartition n’est
réellement connue qu’après avoir conduit la campagne de test ; il faut donc se
baser sur un modèle d’erreurs pour essayer de prédire quelle part du logiciel
contient la majorité des défauts. Bien que chaque logiciel soit unique, il existe
des domaines qui, par nature, présentent des difficultés de réalisation et
auxquels on prêtera plus attention : on peut citer les composants
transactionnels, multitâches ou temps réel. Chacun, à sa façon, présente des
difficultés de conception ou de réalisation dues en grande partie à la
concurrence d’accès à des zones mémoires communes, à la difficulté de
synchroniser des entités concurrentes et aux contraintes induites par des
préoccupations système (au sens système d’exploitation) qui font remonter au
niveau de l’application des problèmes et des contraintes de bas niveaux
techniques et difficiles à maîtriser.

1.3.5. Principe 5 – Le paradoxe du pesticide


La question « Quand doit-on arrêter de tester ? » est tout aussi essentielle que
la question « Où et comment porter l’effort de test ? ». En particulier après
avoir testé longtemps, peu à peu, le nombre d’erreurs découvertes va en
décroissant. C’est un fait normal de convergence qui doit être constaté quand
le logiciel est conçu sur une architecture correcte. Cependant, il faut prendre
garde que le nombre d’erreurs découvertes peut décroître du fait de la cible
des techniques de tests utilisées. En effet, tout test vise à découvrir un type
d’erreur donnée, même s’il peut parfois découvrir des erreurs pour lequel il
n’est pas conçu. Par exemple, un test fonctionnel de la partie interface
graphique d’un système de réservation de places de trains a peu de chance de
découvrir une erreur concernant le respect de contraintes portant sur la prise
en compte des réductions offertes pour les familles nombreuses. De même
une série de tests aux limites permettra de trouver des erreurs sur le
comportement d’un composant lorsqu’on le fait fonctionner à ses limites
mais pas nécessairement sur des erreurs de comportement dans sa partie
nominale. Aussi, au bout d’un moment, la même série de tests ne permettra
plus de découvrir de nouvelles erreurs ; non qu’elle soit inadaptée mais parce
qu’elle a permis de dénicher toutes les erreurs pour lesquelles elle était faite.
Toute méthode de tests laisse un résidu d’erreurs contre lesquelles elle est
inefficace Ce principe est connu sous le nom du « paradoxe du pesticide » : à
trop appliquer le même produit, il devient inefficace. Il faut donc
constamment renouveler les tests en changeant de point de vue (objectif et
stratégie de test) afin de maintenir une bonne efficacité des tests menés.

1.3.6. Principe 6 – Les tests dépendent du contexte


Certains logiciels peuvent être utilisés dans des contextes très différents. Par
exemple un système d’information pour un poste de commandement militaire
peut être utilisé pour des missions très différentes : maîtrise de la violence
dans une zone « pacifiée » ou aide au déploiement sur une zone de combats
de haute intensité, par exemple. De même, un système de gestion de base de
données peut être utilisé dans un logiciel de commerce électronique pour
mémoriser des transactions bancaires ou dans un système de contrôle aérien
pour permettre une identification d’un contact radar. En fonction de
l’utilisation du composant, les objectifs et les types de tests ne seront pas
forcément les mêmes : tests fonctionnels, tests de performances, test de la
sécurité, etc. ; de même l’environnement d’exécution, la possibilité ou non
d’arrêt brutal du composant vont modifier drastiquement les objectifs et
moyens des tests mis en œuvre. L’oubli de ce principe fondamental peut
entraîner de graves conséquences sur la qualité du logiciel produit. On pourra
ainsi se souvenir de l’exemple malheureux du lanceur européen Ariane 5, qui
fut détruit le 4 juin 1996 lors de son premier vol (vol 501) causant un
discrédit sur le programme Ariane ainsi qu’une perte financière due à la
destruction du lanceur (et de son chargement) et au renchérissement des
primes d’assurance associées aux vols suivants. L’analyse mit en cause le
système de guidage et plus précisément un dysfonctionnement des centrales
inertielles, composant logiciel utilisé avec succès pendant de nombreuses
années sur le lanceur Ariane 4. Ce composant avait donc été testé lors des
phases de conception et de fonctionnement du lanceur Ariane 4, ne présentant
aucun défaut visible. Malheureusement, son utilisation dans le cadre du
lanceur Ariane 5 le faisait fonctionner dans un environnement complètement
différent concernant les accélérations latérales. N’ayant pas été re-testés dans
ce nouvel environnement, les défauts (ou fonctionnement non prévu) de ce
composant n’ont pu être mis en avant.

1.3.7. Principe 7 – L’illusion de l’absence de défaut


Enfin, les tests sont là pour découvrir des défauts par rapport à ce que l’on
attend du logiciel. Plus précisément, on recherche des défauts par rapport à ce
qui a été exprimé comme attentes théoriques du logiciel, qui peuvent être
différentes des attentes réelles du logiciel : il ne suffit donc pas de détecter
puis de corriger tous les défauts trouvés pour rendre un logiciel utilisable !
Rappelons que les différents attendus d’un logiciel peuvent être définis en se
référant au modèle qualité de la norme ISO 9126 dont les critères principaux
sont : Fonctionnality (capacité fonctionnelle), Usability (facilité
d’utilisation), Reliability (fiabilité), Portability (Portabilité), Efficiency
(performance), Maintainability (maintenabilité).
Ces différents critères permettent d’exprimer précisément les qualités
attendues du logiciel dans son cahier des charges. Les tests permettront de
chercher des erreurs dans la réalisation vis-à-vis des critères ciblés. L’absence
de défauts sous angle particulier (par exemple sous l’angle fonctionnel) ne
garantira pas une qualité acceptable sous un autre angle (par exemple
ergonomie et simplicité d’utilisation) ; les premiers utilisateurs en 1993 du
logiciel de réservation de la SNCF Socrate peuvent témoigner de ceci.

1.4. Processus et psychologie liés aux tests


Pour terminer ce chapitre introductif, il faut se rappeler que les activités liées
au test sont nombreuses et variées. En particulier, tester n’est pas uniquement
« passer des tests ». Il s’agit également de :
Planifier les tests : c’est-à-dire prévoir où et en quelle quantité porter
les efforts en personne et en temps ; il s’agit également de prévoir et de
réserver l’utilisation de plates-formes de tests et les outils nécessaires ;
Spécifier les tests : c’est-à-dire préciser ce que l’on attend des tests en
termes de détection d’erreurs (fonctionnel ou non fonctionnel par
exemple), les techniques et les outils à utiliser ou à ne pas utiliser, les
parties du logiciel sur lesquelles porteront les tests ;
Concevoir les tests : c’est-à-dire définir les scénarios de tests, appelés
aussi cas de test, permettant de mettre en évidence des défauts
recherchés par les tests, en fonction de leurs spécifications ; il s’agit
aussi de préciser les environnements d’exécution de ces tests ;
Établir les conditions de tests : c’est-à-dire prévoir pour chaque
scénario de tests les jeux de valeurs à fournir au logiciel pour réaliser ce
scénario ;
Définir les conditions d’arrêt d’une campagne de tests : c’est-à-dire
définir, en relation avec la phase de planification, ce qui permettra de
décider l’arrêt ou la poursuite des tests ; l’arrêt par épuisement du temps
ou des moyens n’est pas un critère d’arrêt pertinent !
Contrôler les résultats : c’est-à-dire comparer les données fournies par
l’exécution des tests par rapport aux données attendues ou constatées
lors de phases précédentes de tests ;
Tracer les tests vis-à-vis des exigences grâce à une matrice de
traçabilité : c’est-à-dire analyser en quoi les tests fournissent une
exhaustivité de la recherche d’erreurs dans les attendus du logiciel. Cette
matrice permet de vérifier qu’à toute exigence correspond au moins un
scénario de test (mesure de la complétude des tests) et, à l’opposé, elle
permet également de vérifier qu’un scénario de test sert à valiser au
moins une exigence (mesure de l’efficacité des tests).

Bien que décomposable en différentes activités, l’objectif principal du testeur


reste de découvrir des erreurs dans un logiciel. Son activité peut alors être vue
comme une activité destructrice : il met en avant des problèmes et peut alors
être associé à une vision négative et pessimiste des réalisations qu’on lui
soumet pour analyse.
Néanmoins, avec du recul et avec le soutien de la hiérarchie, son activité sera
perçue comme un moyen efficace d’améliorer la qualité des logiciels. En
effet, sans tests, un logiciel risque d’être livré « brut de fonderie » de sorte
que même les défauts les plus visibles, ne pourraient être découverts qu’en
exploitation avec toutes les conséquences que cela peut avoir. Les tests sont
donc le dernier rempart contre les défauts résiduels. En cela, leur intérêt du
point de vue des équipes de développement est maintenant reconnu et ils sont
donc vus de plus en plus comme une activité créatrice de profits.
Néanmoins, la psychologie du testeur reste quelque peu particulière : l’échec
de son travail est l’absence de découverte de défaut. Il va donc à contre-
courant des équipes de conception et de développement pour qui l’échec est
la découverte d’erreurs. En cela, un testeur devra :
être curieux, car il devra rechercher des erreurs dans des parties de
logiciel non nécessairement suspectes au premier abord ;
faire preuve d’un peu de « pessimisme professionnel » puisqu’il part du
constat que tout logiciel, aussi bien conçu soit-il, contiendra un certain
nombre de défauts et il faudra mener les tests en vue de détecter ces
défauts ;
posséder un œil critique car les commentaires, justificatifs ou
explications de choix erronés de conception ou de réalisation peuvent
convaincre également le testeur et l’induire à son tour en erreur ;
prêter attention aux détails puisque c’est souvent dans les détails que se
cachent les défauts ;
adopter une attitude neutre et factuelle car il doit en quelque sorte
annoncer des mauvaises nouvelles et, sans une attitude neutre, sa
mission risquerait d’être mal perçue ou mal vécue de la part des équipes
de développement ;
avoir une bonne aptitude à communiquer puisqu’il faudra rechercher de
l’information sur les spécifications manquantes, sur les besoins mal
exprimés, etc., qu’il faudra transmettre aux équipes de projets des
rapports d’anomalies constatées et qu’il faudra informer régulièrement
de l’état d’avancement des tests ;
posséder de l’expérience car l’activité de test est une activité complexe
qui mobilise de nombreuses capacités ; sans expérience, le risque est
grand de ne pas savoir combattre la combinatoire potentielle des tests
autrement qu’en ne se remettant au hasard pour le choix des scénarios et
des valeurs de tests pertinents.

Du point de vue de l’encadrement il est important de se convaincre que


l’activité de test est une activité créatrice de richesse et qu’il faut poursuivre
l’effort tant que l’objectif n’est pas atteint.
Chapitre 2

Tester à chaque niveau du cycle de


vie

Un logiciel ne nait pas spontanément : il est issu d’un besoin (connu ou


pressenti) ou d’une idée et il sera fabriqué par l’assemblage de composants
existants ou développés spécifiquement. Il évoluera ensuite en fonction des
améliorations souhaitées ou nécessaires. Comme nous l’avons déjà dit, plus
une erreur sera détectée tôt, plus il sera simple de la corriger. Il faudra donc
tester (ou préparer les tests) le plus tôt possible ; selon le modèle de
développement retenu, les tests seront plus ou moins bien intégrés et facilités
à chaque étape du cycle de vie du logiciel.

2.1. Les différents modèles de développement


Le principal modèle de développement est le modèle dit du « cycle en V ».
Dans ce modèle, le développement se déroule en deux grandes époques : la
première, correspond à la conception et se décompose en cinq phases plus
une phase de codage. Dans ce temps de la conception, il va falloir passer
d’une expression abstraite de l’application (Qu’attend-on de l’application du
point de vue du client ?) à une réalisation concrète de cette application
(Comment réalise-t-on les mécanismes concrets permettant la satisfaction des
attentes et des besoins ?). Vient ensuite le temps des tests et des recettes,
temps pendant lesquels l’application est progressivement testée et mise en
service avant d’en assurer un suivi en maintenance corrective ou évolutive.
Ce modèle est détaillé schématiquement figure 2.1.
Dans ce modèle, déjà ancien, le client ne voit potentiellement le résultat
qu’une fois l’application finie. Il va donc s’écouler un moment important
entre l’expression initiale des besoins et la remise au client de l’application.
Durant ce temps, des petits malentendus ont pu conduire à de grosses
divergences entre l’attendu et le réalisé. Par ailleurs, dans ce modèle, les tests
ont tendance à être relégués au second plan ce qui conduit à découvrir
certains défauts tardivement ; cependant, comme ces défauts peuvent
entraîner d’importantes modifications il sera peut-être nécessaire de revenir
très en amont dans le cycle de développement. Tout cela peut amener, dans le
cas de projets difficiles, à un dépassement systématique des échéances. De
plus, le logiciel obtenu à l’arrivée ne correspond généralement que
partiellement aux attentes du client qui ont pu évoluer entre-temps ou qui ont
été mal comprises.

Fig. 2.1 Le cycle en V, schéma général

Aussi, peu à peu est apparu le besoin de mener les projets de façon plus
souple en remettant régulièrement des versions de plus en plus complètes de
l’application au client, ce qui revient à replacer implicitement ou
explicitement le client et les tests au cœur du processus : c’est l’apparition
des méthodes de développement itératif et incrémental qui se déclinent sous
de nombreuses formes. On peut citer la méthode RAD (Rapid Application
Development) la méthode UP (Unified Process) ou la méthode XP (Extreme
Programming) et ses variantes du développement dit agile. On notera que
tous ces modèles dérivent du cycle en V, sauf peut-être certains modèles
itératifs extrêmes (comme la méthode Crystal clear), et que donc la
compréhension du cycle en V est la condition nécessaire pour la
compréhension des autres modèles.
Pour cela nous détaillons maintenant, sous l’angle des tests, les différentes
phases du cycle en V et en particulier les phases de conception qui, bien que
n’incluant pas directement des activités de test, sont des phases primordiales
pour la capacité de mener à bien ces tests une fois les étapes de réalisation
finies.

2.2. Préparer les tests lors des phases de conception du


cycle en V
Dans les phases de conception, il s’agit non de conduire les tests, mais de
préparer leur mise en œuvre lors des phases dédiées à l’assurance qualité.
Cette préparation est fondamentale car de sa bonne réalisation dépendra la
possibilité de mener à bien ou non des tests efficaces aux différents niveaux
de réalisation.
Nous détaillons maintenant quels sont les points clés à chacun de ces niveaux
pour réussir à concevoir une application testable.

2.2.1. Préparer les tests lors des phases d’expression et


d’analyse du besoin
Dès les phases d’expression et d’analyse du besoin, il est fondamental de se
préoccuper des problèmes de VV&T : Validation (Fait-on le bon logiciel ?),
Vérification (Le logiciel est-il bien fait ?) et Tests (Peut-on découvrir des
défauts ?). Il s’agit en fait de se poser les questions de la qualité en général et
de la testabilité du système en particulier. En effet des besoins mal exprimés,
incomplets, ambigus ou contradictoires vont être générateurs, tout au long du
cycle de vie, de perturbations et de coût de non-qualité.
Fig. 2.2 La phase d’expression du besoin

Lors de la phase d’expression du besoin, on prépare implicitement les


évolutions futures dues aux corrections ou adaptations qu’il faudra apporter
lors des futures étapes de maintenances évolutives (migrations, suppressions
ou ajouts de parties du système). À chaque adaptation, il faut revenir sur le
système initial pour déterminer quelles parties doivent être re-testées par des
tests de non-régression. Il est donc important à cette étape de conception de
faire le tri entre les différents types d’exigences : exigences applicatives
versus exigences systèmes, exigences fonctionnelles versus exigences non
fonctionnelles. Il faut également à cette étape tenter d’éliminer les « vœux
pieux » qui conduisent à des exigences difficilement testables comme
« l’application pourra être utilisée par toute personne sachant manipuler une
souris ».
L’exploitation du logiciel mettra en évidence des défauts. La découverte de
ces défauts nécessitera de revenir sur la phase d’analyse du besoin afin de
déterminer quelles modifications devront être effectuées en maintenance
(maintenance corrective). Après correction, il sera nécessaire de vérifier que
les modifications apportées n’ont pas impacté des parties du système qui
fonctionnaient correctement. Ceci est fait à l’aide de tests de non-régression
qu’il faut avoir prévus dès ce niveau de conception.
Fig. 2.3 La phase d’analyse du besoin

On notera que, dans une approche UML, les phases d’expression et d’analyse
du besoin pourront utiliser les cas d’utilisation du système et la modélisation
des processus métiers pour faciliter la préparation des tests.

2.2.2. Préparer les tests lors de l’écriture des


spécifications fonctionnelles
La phase de spécifications fonctionnelles doit consolider le travail effectué
dans les deux phases précédentes et permettre de décrire de façon exhaustive
l’ensemble des fonctionnalités de la future application ainsi que son interface
graphique (IHM, interface homme/machine). Là encore il faudra prendre
garde d’éliminer ou de préciser des exigences fonctionnelles non testables.
Afin de garantir l’exhaustivité des tests de validation, des outils plus ou
moins sophistiqués de traçabilité des exigences peuvent être utilisés (on
notera que bien souvent un simple tableur pourra être utilisé en lieu d’outils
dédiés mais complexes).

Fig. 2.4 La phase d’écriture des spécifications fonctionnelles


À cette étape également, tout effort de modélisation pourra grandement
simplifier et améliorer les futurs tests. C’est ainsi qu’un cas d’emploi pourra
décrire précisément un scénario de test de validation.

2.2.3. Préparer les tests lors de la conception globale


Cette phase de conception est cruciale pour la qualité générale d’une
application, d’un système ou d’une fédération de système. C’est en effet lors
de cette phase que l’on va passer de la « machinerie métier » (le besoin) à la
« machinerie informatique » (le système) selon le schéma suivant
(figure 2.6).

Fig. 2.5 La phase de conception globale

Fig. 2.6 De la « machinerie métier » à la « machinerie informatique »


La difficulté provient du fait qu’il faut représenter la réalité d’une façon
nécessairement simplifiée et abstraite, en séparant autant que possible les
aspects technologiques des processus et des données manipulées.
Tous les détails ne peuvent (et ne doivent) pas être pris en compte et leur
représentation peut entraîner une modification de leurs propriétés (par
exemple, une adresse sera représentée par une chaîne de caractères codée sur
un nombre fini de bits et ne pourra donc prendre qu’un nombre limité de
valeurs qui dépendra non de la réalité mais de son codage informatique). Bien
que les langages de programmation aient fortement évolué au cours du temps
en offrant des niveaux d’abstraction de plus en plus élevés et permettant ainsi
de représenter la réalité de façon de plus en plus fidèle sans contraindre le
programmeur à des exercices de contorsion, le choix de l’architecture reste un
problème complexe qui n’est pas résolu par la simple application de patrons
prédéfinis. Cette architecture doit en effet résoudre de nombreuses contraintes
parfois contradictoires. Ainsi, elle doit être simple et modulaire tout en
prenant en compte une réalité complexe où les éléments sont parfois très
dépendants les uns des autres. L’application du précepte « forte cohésion et
faible couplage » peut guider à maîtriser cette contradiction. De même le
traitement des erreurs peut être fait au niveau de leur apparition (par exemple
lors d’une entrée sortie) ou au contraire au niveau du contrôle global de
l’application (par exemple lors de la demande d’authentification d’une
personne). Selon le niveau où l’erreur est traitée, on dispose, soit de détails
concrets sur l’erreur (par exemple, problème de positionnement d’un bit sur
les droits d’accès à un fichier) mais pas de possibilités de récupération car la
sémantique de l’instruction n’est pas connue à ce niveau, soit au contraire, on
dispose d’alternatives mais on n’a pas de possibilité de comprendre les
détails.
Du fait de cette complexité de conception, et du fait de l’impact des choix
architecturaux sur l’analyse du comportement de l’application, il est
primordial de définir une architecture testable. Globalement, une architecture
testable doit minimiser le volume de tests nécessaires à la validation du
produit logiciel correspondant, et ceci dans le contexte d’exploitation réelle
du logiciel et de son cycle de vie. Le critère de simplicité de l’architecture est
clairement corrélé au volume de tests à produire et à l’effort nécessaire à les
gérer. Il est par ailleurs indispensable de préparer à ce niveau les tests
d’intégration, c’est-à-dire prévoir des dispositifs architecturaux qui
permettront de pouvoir observer les échanges au niveau des interfaces
internes à une application ou des interfaces externes entre applications ou
systèmes ainsi que des mécanismes de journalisation des événements à des
fins d’observation ou de « re-jeu » d’un scénario. Pour résumer, les cinq
principes suivants peuvent aider à préparer les tests à cette étape :
Appliquer le principe de forte cohésion (les entités d’un même module
sont fortement liées) et faible couplage (les modules sont peu
interdépendants les uns des autres) ;
« Casser » les longues chaînes de traitement de sorte que des résultats
intermédiaires visibles sont produits (et récupérables au travers de
« logs » appropriés) ;
Prévoir une politique générale de traitement des erreurs avec un
mécanisme de journalisation en vue d’une possibilité d’analyse
ultérieure ;
Définir précisément les interfaces des différents modules et donner une
cartographie précise de l’interdépendance des modules ;
Définir un ordre d’intégration et planifier au mieux les tests
d’intégration en termes de ressources humaines et matérielles.

2.2.4. Préparer les tests lors de la conception détaillée


La phase de conception détaillée va préciser la façon dont chaque composant
(module, classe, méthode) va réaliser ce pourquoi il est prévu ; il s’agira ici
de détailler les algorithmes et structures de données utilisées. Deux approches
s’affrontent : l’approche « classique » où le développeur code puis teste à
l’aide de tests unitaires et l’approche « développement agile » où le
développeur conçoit et code les tests avant de coder le composant. Cette
dernière approche est connue sous le terme « TDD » pour « Test Driven
Development » (développement piloté par les tests). Dans les deux cas, il
faudra penser lors de cette phase à prévoir les cas de tests et les
environnements nécessaires à leur bonne exécution.
Fig. 2.7 La phase de conception détaillée

L’intérêt de préparer les tests avant de commencer la réalisation est de


permettre au développeur de se concentrer sur les difficultés et les pièges
potentiels liés à la réalisation : cas irréguliers, frontières entre les valeurs
nominales et les valeurs hors domaine, difficultés algorithmiques, propriétés
associées à la représentation des données, respect de pré et/ou post-
conditions, etc.

2.3. Les tests et les modèles itératifs


Les méthodes de développement dites agiles (de l’anglais Agile Modeling)
visent à réduire le cycle de vie du logiciel en accélérant son développement.
Le principe est de développer une version minimale, puis d’intégrer les
fonctionnalités par un processus itératif basé sur une écoute du client et des
tests tout au long du cycle de développement. L’origine de ces méthodes dites
« agiles » est liée à l’évolution permanente de l’environnement technologique
et au fait que le client est souvent dans l’incapacité de définir ses besoins de
manière précise et exhaustive dès le début du projet. Le terme « agile » fait
ainsi référence à la capacité d’adaptation du logiciel et des équipes aux
changements de contexte et aux modifications de spécifications intervenant
pendant le processus de développement. En 2001, 17 personnes mirent ainsi
au point le manifeste agile http://agilemanifesto.org dont les grandes lignes
sont :
Individus et interactions plutôt que processus et outils ;
Développement logiciel plutôt que documentation exhaustive ;
Collaboration avec le client plutôt que négociation contractuelle ;
Ouverture au changement plutôt que suivi d’un plan rigide ;
Ce manifeste s’oppose aux méthodologies dites « lourdes » comme ISO
12207 et le modèle de développement dit « en cascade », ISO 9000.

Grâce aux méthodes agiles, le client est au cœur de son projet et obtient très
vite une première mise en production de son logiciel. Il est ainsi possible
d’associer les utilisateurs dès le début du projet. Nous présentons maintenant
brièvement les caractéristiques essentielles de deux modèles significatifs et
très employés : UP pour « Unified Process » et XP pour « eXtreme
Programming ».
Il est important de noter que tous ces modèles, UP compris, mis entre des
mains inexpérimentées donneront des résultats catastrophiques qui ne seront
pas imputables aux modèles, mais plutôt à ceux qui les mettent en œuvre.
Comme l’a dit B. Boehm, il a bien longtemps : « The method won’t save you,
but it can help ! ». Avant d’utiliser un modèle quelconque, nous devons
comprendre il marche (cf. Coût et durée des projets informatiques de J. Printz
chez Hermes, chapitre 1).

2.3.1. Le développement itératif « UP »


La dynamique d’un projet UP (Unified Process) est structurée d’une part en
itérations, appelées mini-projets, et d’autre part en incréments qui vont
constituer les composants (building blocks) du produit final. Au démarrage,
la dynamique UP peut être représentée comme suit :
Fig. 2.8 La dynamique UP en phase de démarrage

Ce processus est conforme aux règles de la dynamique admises dans la


gestion des projets de développement[1]. Il met en évidence, sans concession
à la facilité, les trois difficultés majeures de quasiment tous les projets
informatiques :
Choix des cas d’emplois permettant de stabiliser l’architecture, et choix
de l’ordonnancement (NB : les caractéristiques non fonctionnelles sont
fondamentales pour cadrer l’architecture ; par exemple, s’occuper très
tôt des performances).
Identification des risques principaux du projet.
Stabilisation effective de l’architecture, afin de garantir une croissance
optimale en phase de construction.

Le développement itératif UP n’est rien d’autre qu’un cycle en V répété n


fois en miniature. Le terme « unifié » (Unified Process) vient du fait que la
méthode prend en compte l’ensemble des intervenants : client, utilisateur,
gestionnaire, qualiticien, etc.
L’approche UP est une approche :
pilotée par les cas d’utilisation ;
centrée sur l’architecture (80 % des cas d’utilisation cartographiés) ;
itérative et incrémentale ;
fondée sur la production de composants logiciels ;
qui gère les besoins et les exigences ;
qui surveille la qualité et les risques.

Les tests s’intègrent dans chaque itération, ce qui permet un contrôle continu
de la qualité. Leur mise en œuvre est simplifiée car la méthode s’appuie sur
des modèles et des cas d’utilisations qui permettent de dériver simplement
des cas de tests fonctionnels pertinents.

2.3.2. Le développement itératif « XP »


Dans XP (eXtrem Programming), tout est optimisé pour la livraison rapide de
versions de système utilisables immédiatement par les utilisateurs et pour la
prise en compte immédiate des besoins, y compris ceux qui peuvent émaner
de l’utilisation des premières versions supposées donner des idées pour de
nouveaux besoins. Il est primordial de rester en permanence à l’écoute du
client, d’optimiser la communication avec lui pour pouvoir rétroagir au plus
vite et « sortir » le code qui convient exactement à son besoin. L’équipe
projet est partie prenante de la communication.
Le personnage central de ce dispositif de pilotage est le COACH de XP qui
joue le rôle de chef de projet (même si dans la nomenclature XP, il est
désigné par le terme « coach » ou « tracker »). Le schéma de communication
mise en œuvre dans un projet XP est donné dans la figure 2.9.

Fig. 2.9 La communication entre acteurs dans XP


Même pour un projet de taille modeste il y a toujours des difficultés de
communication. Les relations non explicitées entre le management, la
maîtrise d’ouvrage (ou MOA) et les usagers mériteraient quelques
explications. Le chef de projet doit faire preuve de courage, plus que tout
autre ; K. Beck va jusqu’à dire : « Without courage, XP just simply doesn’t
work » ; et de plus, il doit savoir dominer sa peur. Il est au centre de tous les
conflits.
Symétriquement, le rôle et le comportement attendu du client est également
critique : « Being an XP customer is not easy ». Il doit être capable d’écrire
de « bons » cas d’emplois. Le client type XP est celui qui « will actually use
the system being developed, but who also have a certain perspective on the
problem to be solved » ; ce qui mêle à la fois le court terme et le long terme.
Dans notre terminologie, c’est à la fois un MOA métier classique, mais
doublé d’une capacité stratégique, donc un profil de MOA rare.
Pour cette méthode, le code et la programmation sont au centre du dispositif,
avec, un couplage très étroit avec les tests ; « Programming and testing
together is faster than just programming » ; ce qui est une façon d’adapter à
la programmation le bon vieux slogan de R. Crosby : « Do it right first
time ». XP préconise la programmation en binôme programmeur – testeur. Le
problème est d’organiser la production de code correctement testé, en
maintenant un contact étroit avec le client.
Le cycle de vie est fondé sur une succession de phases de développement, et
non pas sur les processus et les activités d’ingénierie. Le cycle de vie idéal
prend en compte les caractéristiques bien particulières d’un projet XP :
Projet de petite taille sans contrainte d’interopérabilité avec d’autres
systèmes
Équipe expérimentée
Relations de confiance entre le client et l’équipe projet

Le cycle de vie se présente comme sur la figure 2.10.


Fig. 2.10 Le cycle de vie idéal d’un projet XP

Dans l’approche XP, la « software factory » distingue six phases, que l’on
pourrait comparer aux phases de UP. L’ensemble du dispositif est alimenté à
partir de cas d’emplois élaborés en coopération avec le client. Les cas
d’emploi sont la base de la relation avec le client.
La phase d’exploration, comme son nom l’indique est une phase exploratoire
dont le but est de cerner les grandes lignes du système à réaliser.
La phase de planification, dite aussi phase de « planning game », est faite en
collaboration avec le client, et K. Beck va jusqu’à dire : « you will have to
educate your customer about the rules of the game », ce qui a toutes les
apparences d’un vœu pieux. Toutes les deux semaines, et pour les deux
prochaines semaines, les développeurs estiment le coût des fonctionnalités
candidates, et le client choisit les fonctionnalités à implémenter en fonction
du coût et de la valeur ajoutée. La durée pour réaliser ce qui constitue la
première version ou release ne doit pas excéder 6 mois, car au-delà le risque
de divergence est jugé excessif ; a contrario, cela donne une indication sur la
taille des projets envisagés qui sont des petits, voire très petits, projets.
La phase d’itération livre une succession d’incréments, dont le premier doit
mettre en place l’architecture du logiciel (The whole system in a skeletal
form) ce qui peut nécessiter de « bouchonner » au maximum les composants
qui seront délivrés ultérieurement.
Ceci n’est possible que si le chef de projet-architecte a une grande
expérience. Le client est mis à contribution pour les tests fonctionnels
correspondant à chacun des incréments livrés.
La phase de mise en production, correspondant à la première release du
système, correspond à la fin du « planning game », avec des itérations
extrêmement courtes de l’ordre de 1 semaine, au lieu des 3 ou 4 d’une
itération nominale. K. Beck nous dit que c’est le « perfect time to tune », ce
qui est pour le moins ambigu ; cela présuppose que la performance a été
intégralement anticipée lors de la première itération qui définit l’architecture.
C’est une nouvelle évidence que cela ne peut marcher qu’avec du personnel
très expérimenté ; dans ce cas seulement on n’aura à effectuer que quelques
réglages dans la phase de mise en production. Avec une équipe
inexpérimentée, le risque de dérapage est maximum.
La phase de maintenance, considérée comme l’état normal d’un projet XP,
dure aussi longtemps qu’il y a des besoins nouveaux à satisfaire. L’équipe XP
a en charge la maintenance de la release en cours d’exploitation et de
développement de la prochaine release dans laquelle seront intégrées les
corrections dues aux défaillances constatées. Implicitement l’équipe XP fait
l’ingénierie complète au sens ISO 12207.
La phase de terminaison marque l’arrêt du projet XP qui n’est pas forcément
l’arrêt de l’exploitation. La terminaison nominale correspond à la satisfaction
de tous les besoins, ce qui laisse présager une période d’exploitation de
plusieurs années, sans modification. C’est comme le dit K. Beck « The time
to write a 5 to 10 pages tour of the system », ce qui est pour le moins léger,
pour ne pas dire irresponsable car cela revient à dire que la documentation,
c’est le code !
La terminaison par « mort par entropie » (Entropic death) correspond à la
situation où l’architecture initiale n’ayant pas résisté aux chocs successifs des
besoins à satisfaire ces derniers ont fini par la détruire ; il est plus sage
d’arrêter le projet. Le projet succombe à l’excès de complexité qu’il a lui-
même créé, et de laquelle rien n’émerge, que du chaos. Dans ce cas, il est
recommandé que le client et l’équipe XP qui ont opéré de concert tirent les
leçons de l’échec pour envisager un avenir meilleur en faisant un bilan de
projet.
Sans vouloir gloser sur la terminologie, K. Beck nous dit que « XP is not
magic. Entropy eventually catches XP projects, too. You just hope that it
happens much later than sooner ». Cela fait du développement un pari plutôt
qu’un acte d’ingénierie raisonné et assumé. Ceci n’est jouable que pour de
petits projets, sans enjeu stratégique véritable pour l’entreprise. La
complexité est toujours un vrai risque, et aucune méthode ne garantit le
succès.

2.4. Les différents niveaux de test


Quelle que soit la méthode de développement utilisée, la réalisation d’une
application comprend trois grandes étapes : la réalisation des composants
élémentaires (ou leurs choix dans une bibliothèque), l’intégration de ces
composants afin de constituer l’application, puis enfin son déploiement sur
un environnement d’exécution. Selon la taille de l’application, les deux
premières étapes peuvent être répétées afin de constituer des composants de
plus en plus complexes.
À chacune de ces étapes, il va être nécessaire de tester au niveau adéquat :
tester le composant au niveau unitaire, tester la bonne interaction des
composants au niveau de l’intégration puis tester l’ensemble au niveau
système tout d’abord du point de l’équipe projet puis enfin du point de vue du
client. À chaque défaut ou manquement découvert, il y aura une modification
corrective ou évolutive ce qui nécessitera de s’assurer à l’aide de tests de
non-régression que la modification n’a pas impacté les parties de
l’application qui n’ont pas été modifiées.
Même si l’objectif général reste la découverte de défauts, à chacun de ces
niveaux, les tests auront leurs propres spécificités. Ce sera bien entendu
l’objet à tester, mais aussi, les documents en entrée des tests, les défauts et
défaillances typiques à rechercher, les approches méthodologiques possibles
ou le partage des responsabilités dans ces activités de test.
Étudions maintenant pour chacun des niveaux mentionnés (unitaire,
intégration, système) ces différentes spécificités ; nous ne détaillerons pas ici,
mais aux chapitres suivants, les techniques et les outils pouvant être
employés.

2.4.1. Le test de composants ou tests unitaires


Les tests unitaires concernent le test d’éléments élémentaires appelés
composants et donc on parle aussi de test de composants. C’est le premier
niveau des tests au sens du cycle de développement.

Fig. 2.11 Les tests unitaires dans le cycle en V

Il n’y a pas de définition universelle de la notion de composants mais on peut


la comprendre comme étant une unité logicielle clairement identifiable,
relativement autonome et avec des interfaces clairement définies. Un
composant doit donc être utilisable et testable séparément du reste de
l’application moyennant l’utilisation éventuelle de « bouchons » ou de
« pilotes » (figure 2.12). Ainsi, selon le niveau de granularité auquel on
observera l’application, un composant pourra être une fonction, une méthode,
une classe, une bibliothèque ou encore un sous-système (comme par exemple
un système de gestion de bases de données, un sous-système de cartographie,
etc.) lorsque l’application est complexe et se décompose en plusieurs sous
systèmes clairement identifiables et plus ou moins autonomes.
Fig. 2.12 Pilotes et bouchons dans les tests unitaires

L’indépendance d’un composant n’est que relative. Dans le cas général, un


composant doit être utilisé par d’autres composants selon une logique
prédéfinie et il s’appuie généralement sur d’autres composants. Pour le tester,
il faut recréer un environnement d’exécution qui simule l’utilisation de ce
composant dans le contexte d’utilisation pour lequel il a été défini. Par
exemple, si le composant est « à état » (comme un objet au sens
programmation par objet), le pilote pourra avoir comme rôle de placer le
composant dans l’état où il peut effectuer une certaine action que l’on veut
tester. Par ailleurs, le pilote peut devoir également récupérer les données à
passer au composant d’un autre composant en suivant sa logique (comme par
exemple la transmission d’une suite de bits aléatoires). Enfin, le pilote devra
stocker ou transmettre à un processus d’impression les résultats fournis par le
composant lors des tests.
En résumé, le rôle du pilote est de lire les données de test, les passer au
module à tester et imprimer les résultats ou les stocker dans un fichier de
référence.
De même que le composant ne peut pas toujours être utilisé directement, ce
qui nécessite la mise en place de pilotes, il est fréquent qu’un composant
utilise d’autres composants pour mener à bien ses travaux. Afin de détecter
de façon fiable des erreurs du composant, il faut être sûr des composants
utilisés (en termes de comportement et de leurs interfaces). Si les composants
utilisés ne sont pas sûrs (ou pas finis) ce qui est presque tout le temps le cas,
il va donc falloir les remplacer par des composants partiels, donc plus simples
à écrire que le composant total, et dont on est sûr du travail effectué. Ces
composants qui simulent partiellement d’autres composants sont appelés des
« bouchons » ou « souches » ou « stubs ». Ces souches ou bouchons
simuleront la logique de comportement et se contenteront en général de
retourner une valeur fixe conforme aux paramètres passés. Pour les souches
complexes, des simulateurs pourront être développés et dans le cadre de
projets complexes, les premiers prototypes ou d’anciennes versions pourront
servir à construire à moindres coûts ces souches.
Si le composant est lui-même composé de plusieurs composants plus simples
(comme une classe qui est à la fois une unité en termes de compilation ou
d’application mais qui se décompose en éléments plus simples que sont les
méthodes) le composant aura été testé unitairement lorsque toutes les
fonctions ou méthodes qui le composent auront été testées unitairement.
Les composants étant par définition les briques élémentaires de l’application,
il y a une nécessité absolue d’effectuer correctement et systématiquement les
tests unitaires sinon les tests futurs s’appuieront sur des éléments mal
maîtrisés et c’est, en particulier, l’activité d’intégration qui se trouvera
détournée de son objectif principal, c’est-à-dire les tests concernant les
interfaces entre modules.
On notera que le principe architectural énoncé plus haut de forte cohésion et
de faible couplage permettra de simplifier cette étape des tests en ayant
permis de définir des composants facilement identifiables, aux interfaces bien
définies, rendant ainsi l’écriture des pilotes et des souches plus simple voire
inutile.
Par ailleurs, lors de ces tests, il sera possible de mesurer certains critères
qualitatifs (maintenabilité, évolutivité, etc.) obtenus par interprétation et
consolidation de critères quantitatifs simples (nombre de lignes par méthodes,
nombre d’appels de méthodes par méthodes, etc.).
Pour mener à bien ces tests, le testeur va utiliser les documents de conception
détaillée du composant et/ou le code du composant (dans un développement
classique). Dans une démarche agile (très itérative), les tests peuvent être
écrits avant le composant lui-même donc le testeur n’utilise alors que les
documents de conception.
Les défauts recherchés seront des erreurs de codage au sens large :

Variables utilisées et non initialisées (erreur de codage la plus fréquente)


Conditions inversées
Sortie de boucle prématurée
Absence de code défensif concernant des conditions d’entrée dans le
composant non prévues (non-respect de préconditions)
Utilisation d’un pointeur nul, etc.

Ces erreurs seront découvertes par la présence de défaillances typiques :


Message d’erreur sorti à tort
Sortie du composant sur des valeurs non prévues
Violation mémoire
Dépassement de capacité de représentation (overflow), etc.

Pour cela on prévoira des tests qui couvrent dans un premier temps les cas
nominaux afin de vérifier que le code chargé de traiter le comportement
normal du composant est réalisé correctement. Ensuite, il faudra prévoir des
tests pour vérifier que la prise en compte des cas irréguliers est correcte. Avec
ces deux premières catégories de tests, on aura testé (au sens de la recherche
d’erreurs) que le composant fait ce pourquoi il est prévu. Après cela il faudra
tester que le composant réagit correctement lorsqu’on lui passe des données
clairement hors du domaine de définition et enfin lorsqu’on lui passe des
données limites au sens de ces domaines ; c’est en effet pour ces valeurs
limites qu’apparaissent fréquemment des erreurs de codage ou
d’interprétation des spécifications.
En procédant de la sorte, on découvre en premier lieu les erreurs ou oublis sur
ce que doit faire le composant puis on découvre les erreurs concernant le
traitement des cas pathologiques et enfin on vérifie que le composant est
protégé (selon ce qui est défini) contre une utilisation anormale.
Ces tests seront sous la responsabilité du développeur ou de l’équipe en
charge des tests au sein de l’équipe projet.
2.4.2. Le test d’intégration
L’intégration est fondamentalement une activité de test et de planification de
test, au sens large du terme. La première difficulté de l’intégration est qu’elle
est totalement tributaire de la qualité des activités et des processus amont.
Selon le modèle d’estimation COCOMO (acronyme de « Constructive COst
MOdel »), l’intégration consomme de 20 à 35 % de l’effort total de
développement, selon la complexité du projet.

Fig. 2.13 Les tests d’intégration dans le cycle en V

Les tests d’intégration se concentrent sur les interfaces entre les composants,
les interactions entre les différentes parties du système ou les interfaces entre
systèmes (pour les fédérations de systèmes). Il est important de noter que l’on
ne teste pas le résultat de l’ensemble (ce qui sera le rôle des tests de
validation) mais que l’on se concentre sur les échanges au niveau des
interfaces. Il va sans dire que l’impact des choix architecturaux est très
important à cette étape car, sans interface clairement définie, pas de tests
d’intégration possibles !
Une application étant généralement constituée de multiples composants, et les
interactions entre ceux-ci pouvant être complexes il va falloir choisir dans
quel ordre réaliser ces tests d’intégrations. Si l’on considère l’exemple
suivant (figure 2.14), le composant 2 utilise les composants 4 et 5 et est
utilisé par le composant 1.
Fig. 2.14 Un schéma d’architecture logicielle

Selon l’ordre dans lequel ces quatre composants seront intégrés il sera plus
ou moins facile de tester leurs interactions. On distingue généralement, trois
stratégies :
La stratégie du Big Bang
La stratégie par lots fonctionnels
Les stratégies incrémentales

Avant de détailler plus précisément ces stratégies, il faut remarquer que


celles-ci sont liées à la disponibilité des composants qui conditionne le choix
de la stratégie que l’on peut réellement appliquer.
La stratégie du Big Bang consiste à intégrer tous les composants disponibles
en même temps. Il va sans dire que tout étant « branché » en même temps il
est difficile de localiser précisément une erreur. Ainsi, dans notre petit
exemple précédent, les cinq composants sont intégrés simultanément et un
problème sur l’interface I-25 (entre 2 et 5) pourra en fait être la conséquence
d’une défaillance sur l’interface I-12 ou même sur l’interface I-45 (entre 4 et
5) qui place le composant 5 dans un état incompatible à un échange avec le
composant 2. La recherche d’erreur peut donc s’avérer ténue et
paradoxalement les tests peuvent tromper sur la localisation des erreurs. On
notera, que bien que peu efficace, cette stratégie optimiste a le mérite de la
simplicité, et qu’elle peut tout de même être employée dans le cas de très
petites applications.
La stratégie par lots fonctionnels tente de pallier aux défauts de la stratégie du
Big Bang en intégrant les composants selon une logique « métiers »,
permettant ainsi de tester l’interaction de composants prévus pour travailler
dans un même contexte — probablement réalisés par le même service ou la
même entreprise — et facilitant ainsi l’analyse des défauts. Il s’agit donc
d’une intégration Big Bang raisonnée.
Les stratégies les plus construites d’intégration se basent sur les dépendances
entre les composants pour déterminer l’ordre dans lequel sera faite
l’intégration et sont appelées stratégies incrémentales. Pour cela on distingue
les composants de « bas niveau », c’est-à-dire ceux sur lesquels les autres
composants s’appuient, et ceux de « haut niveaux » qui implémentent la
logique de l’application et s’appuient sur des composants de plus bas niveau
pour réaliser leur mission. Dans notre exemple, le composant 5 est le
composant de plus bas niveau (il ne s’appuie sur aucun autre composant) et le
composant 1 est le composant de plus haut niveau (aucun composant ne
l’utilise). La première possibilité dans une intégration incrémentale est de
procéder de bas en haut en intégrant les composants de bas niveau avant les
composants de haut niveau. De la sorte, il est relativement simple de trouver
et de localiser les erreurs d’interaction car l’on ne s’appuie que sur des
composants testés au niveau unitaire et au niveau intégration car déjà
intégrés. La contrepartie est qu’il est nécessaire de créer des pilotes qui ne
pourront pas être réutilisés lors de futures phases d’intégration ou au niveau
des tests de validation car ils sont trop spécifiques. De plus, les parties les
mieux testées seront les parties de bas niveaux qui ne sont pas forcément les
plus complexes.
C’est pour cela que l’on adopte parfois une stratégie d’intégration
incrémentale « descendante » dans laquelle on intègre en premier lieu les
composants de « haut niveau ». En procédant de la sorte, les défauts de
structure seront très vite découverts et l’architecture générale du logiciel sera
testée tôt. Les jeux de tests pourront resservir pour plusieurs étapes
d’intégration et certains pourront également être repris pour les tests de
validation. On peut noter que cette stratégie permet de mieux répartir l’effort
des tests d’intégration. En contrepartie, il va falloir réaliser un certain nombre
de bouchons qui simuleront le comportement des composants de bas niveau
non encore intégrés. Ce comportement dépend naturellement du contexte
d’utilisation du composant et il peut alors s’avérer complexe de simuler ces
composants induisant le risque de tester incomplètement l’interaction d’un
composant avec un autre du fait de l’utilisation de bouchons incomplets.
Il est alors tentant de combiner les approches descendante et ascendante pour
obtenir une stratégie d’intégration incrémentale « mixte » qui permet
d’optimiser l’effort de test. Il est en effet possible d’intégrer en premier lieu
les composants réutilisables, ceux difficilement simulables ou ceux dont on
maîtrise parfaitement la logique et les interfaces indépendamment de leur
caractéristique bas ou haut niveau. On peut également chercher à intégrer les
composants sensibles en premier de sorte qu’ils soient exercés (et donc
testés) plus que les autres. Il s’agit d’essayer de minimiser les inconvénients
des deux stratégies précédentes tout en en maximisant les avantages. Cela ne
peut être obtenu qu’avec une forte expérience du chef de projet et une bonne
connaissance des équipes impliquées.
Ainsi, une stratégie de choix, dans le cas général, est donc certainement la
stratégie incrémentale. Il existe cependant une difficulté à sa mise en
pratique : l’existence de cycle au niveau des dépendances (comme, par
exemple, A dépend de B qui dépend de C qui dépend de A). Si l’on s’appuie
sur une règle fixe d’intégration, par exemple ascendante, il faudrait dans
l’exemple précédent intégrer A avant A ! Il faut donc trouver une façon de
tenir compte de ces cycles tout en maintenant une stratégie cohérente. Une
façon simple de procéder[2] est, partant d’un graphe de dépendance entre
modules, d’ordonner les nœuds de ce graphe (les composants) par rapport au
nombre de cycles passant par ce nœud. Notons Cm, le composant en tête de
ce classement. La seconde étape consiste à remplacer Cm par un bouchon
unique ou par autant de bouchons spécifiques que de composants s’appuyant
sur Cm. Dans le premier cas, le bouchon simulera l’ensemble des
fonctionnalités offertes par Cm, dans l’autre cas, chaque bouchon spécifique
ne simulera que les fonctionnalités utilisées par le composant utilisateur. Le
choix de l’une ou l’autre stratégie sera dicté par l’effort à réaliser et la
présence ou non de bouchons potentiels comme d’anciens prototypes ou de
versions préliminaires. En itérant ce procédé, on finit par obtenir un graphe
sans cycle qui permet de procéder à une intégration incrémentale simple.
Cette étape d’intégration étant fondamentale dans l’activité des tests, elle est
détaillée plus à fond au chapitre 7. Néanmoins, un certain nombre de conseils
peuvent déjà être donnés pour réussir les tests d’intégration :
Au niveau de la préparation des tests, il faudra chercher à optimiser le
nombre de tests, à faciliter la réalisation des tests et la localisation des
défauts et à optimiser le nombre de pilotes et de souches et minimiser
l’utilisation de machines spécifiques (qui peuvent pénaliser la réalisation
des tests).
Au niveau de la gestion de projet, on cherchera à minimiser la taille
des équipes et à diminuer la complexité organisationnelle et à faciliter le
lissage de la charge et des affectations.

Le plan d’intégration, élaboré durant la phase de conception globale, doit être


suivi car il définit la stratégie dominante d’intégration et l’ordre dans lequel
les composants ou éléments doivent être intégrés ; il conditionne donc les
priorités de développement et de tests unitaires sur chacun des constituants.
Néanmoins on pourra chercher à intégrer dès que possible (afin de minimiser
les risques) les modules devant être fortement testés, les modules à forte
probabilité de défauts et les modules à fonctionnalités les plus critiques
(vitales et centrales pour le système).
Les défauts et défaillances typiques à découvrir dépendent du type de
l’interface. S’il s’agit d’une interface par messages, on recherchera des
défauts dans la description du format (dans le composant émetteur ou
récepteur) ou des défauts de routage (interface avec un MOM[3] messagerie
asynchrone, par exemple). Si, par contre, il s’agit d’une interface par
événements, on recherchera plutôt des défauts sur les arguments des
événements (type, nombre) ou des événements inexistants. Dans le cas
d’interfaces par structures de données, on privilégiera la recherche de valeurs
erronées. Enfin, dans le cas d’interfaces basées sur des transactions, on visera
à détecter des transactions mal construites ou des valeurs erronées
caractéristiques du mauvais enchaînement d’une transaction.
En ce qui concerne la répartition des rôles, pour les projets de taille
importante (75 à 100 KLOC), il est préférable que l’équipe d’intégration soit
indépendante car elle permettra d’apporter un regard externe et la différence
de culture entre l’équipe projet et l’équipe responsable des tests d’intégration
permettra de détecter des erreurs difficiles à imaginer par une personne
proche de l’équipe de développement. De plus, une équipe externe aura
moins peur de « brusquer » le logiciel, peur qui limite parfois
inconsciemment un testeur dans sa recherche d’erreur. Il faudra cependant
maintenir un circuit court de remontée des anomalies entre l’équipe
d’intégration et l’équipe de développement sous peine d’accumuler les
anomalies.
En termes de couverture, l’objectif doit être de tendre vers une couverture à
100 % des interfaces en incluant tous les contextes d’utilisation même si,
pour des systèmes complexes, ceci est très difficile à obtenir.
Enfin, pour les logiciels supérieurs à un million de lignes, l’équipe
d’intégration devra dédier une personne à la gestion de configuration
(composants, jeux de tests, anomalies).

2.4.3. Les tests système et les tests de validation


Une fois l’application intégrée il va être possible de la tester dans sa globalité.
La phase de validation consiste ainsi à tester une application, un système (ou
une fédération de systèmes) par rapport à ses spécifications fonctionnelles et
non fonctionnelles (au sens ISO 9126 : performance, utilisabilité,
maintenabilité, évolutivité, etc.). Ce sont par nature des tests Boîte noire.

Fig. 2.15 Les tests de validation dans le cycle en V

Les tests de validation doivent être effectués dans un environnement le plus


proche possible de l’environnement cible de façon à minimiser les risques de
défaillances spécifiques de l’environnement utilisé et à réduire les risques
d’absence de découverte de défauts qui ne peuvent être mis en évidence que
dans l’environnement final. Cependant, il n’est pas toujours possible de
mettre en œuvre réellement l’environnement cible pour des raisons de coût ou
de mise en œuvre : centrale nucléaire, avion, systèmes d’armes, etc.
Dans ce cas, les tests de validation ont recours eux-mêmes à la simulation (en
fait une double simulation : le logiciel réel est simulé et, pour chaque jeu de
données ou événements, les résultats sont comparés par rapport à un modèle
idéal, lui-même simulé). Il faudra alors résoudre le problème de la tolérance
acceptable sur les écarts éventuels (comme la trajectoire d’un missile, par
exemple) entre valeur attendue et valeur constatée.
Les défauts et défaillances typiques à découvrir concernent de façon générale
tout comportement du logiciel non conforme au comportement décrit dans les
différents documents d’entrée. À ce niveau de tests, on recherche encore des
défauts dans le logiciel, étant entendu que des exigences ont été exprimées et
que celles-ci soient bien testables, c’est-à-dire que l’on peut, entre autres,
interpréter sans ambiguïté le résultat d’un test.
Les documents en entrée des tests de validation comprennent :
Les spécifications fonctionnelles qui décrivent ce que l’on attend du
logiciel, que l’on nomme exigences fonctionnelles ;
Les spécifications non fonctionnelles qui décrivent la façon dont doit
être faite la mission du logiciel (performance, tolérance aux pannes,
sécurité, etc.) et la façon dont doit être conçu le logiciel (maintenabilité,
évolutivité) ;
Le manuel utilisateur qui décrit comment utiliser le logiciel ;
Les cas d’utilisation qui apportent une aide précieuse pour la mise au
point de scénarios de tests pertinents. Pour cela ils doivent avoir été
conçus dans un objectif de test et, si nécessaire, il peut être utile de les
retravailler avant de les utiliser ;
Tout autre document (par exemple des documents sur l’histoire du
logiciel en termes de versions et d’anomalies constatées) permettant
d’apprécier quels sont les tests utiles à effectuer à ce niveau de tests.

Lorsque les tests se concentrent sur la découverte de défauts par rapport aux
spécifications ou exigences fonctionnelles, on emploie le terme de « tests de
validation ». Lorsque les tests se focalisent sur la découverte de défauts
concernant des spécifications non fonctionnelles, on parle plutôt de « tests
système » même si ce terme est également utilisé pour des tests de validation
à partir du moment où ils sont effectués dans un environnement système
proche ou identique au système cible.
Dans tous les cas (petits ou gros projets), les tests de validation seront menés
par une équipe indépendante qui cherchera à obtenir une couverture
maximale des différentes fonctionnalités et cas d’utilisation. Pour cela, on
aura recours à des outils, qui peuvent être un simple tableur, pour garantir
cette exhaustivité et assurer une traçabilité des tests vis-à-vis des exigences
exprimées lors de la phase de spécification.
Pour la validation d’une fédération de systèmes, les choses sont légèrement
plus complexes car les phases d’intégration et de validation vont s’alterner
dans une progression qui se calque sur le niveau de granularité, du plus fin au
plus gros : composants logiciels, application, système, fédération de
systèmes.
Fig. 2.16 Étapes d’intégration et de validation pour une fédération de systèmes

2.4.4. Les tests d’acceptation, tests alpha et tests bêta


Les tests d’acceptation se situent au même niveau que les tests de validation
ou les tests système mais n’ont pas les mêmes objectifs. Ceux-ci ont en effet
pour objectif de s’assurer du fonctionnement du système en conformité avec
les besoins et les spécifications (dans le vocabulaire qualité, il s’agit de la
conformité aux exigences) et non de découvrir des défauts ou des manques,
même si ces tests peuvent en révéler. Les tests d’acceptation peuvent évaluer
aussi le niveau de préparation du système préalablement à son déploiement et
à son utilisation (installation, administration, par exemple). Ces tests font
partie des tests non fonctionnels (facilité d’installation et/ou
d’administration).
On distingue généralement différents types de tests d’acceptation :
Les tests d’acceptation par les utilisateurs visent à vérifier l’aptitude et
l’utilisabilité du système par des utilisateurs dans l’environnement cible
(l’utilisabilité de l’interface homme/machine (IHM) aura été
normalement testée sur une maquette ou un prototype lors de la phase de
spécification)
Les tests d’acceptation opérationnelle qui concernent principalement les
administrateurs du système et analysent des opérations comme les
sauvegardes et les restaurations du système, la reprise après sinistre, la
gestion des utilisateurs, la gestion de la sécurité, etc.
Les tests d’acceptation contractuelle qui concernent l’acceptation par le
client d’un logiciel développé « sur mesure » et qui sont généralement
associés au versement d’une partie des montants dus par le client. Les
critères d’acceptation ont normalement été définis contractuellement lors
de la rédaction du contrat. Lorsque le logiciel n’est pas accepté,
l’ensemble des acteurs (le client et la société ou le service qui a
développé le logiciel) se trouvent dans une situation complexe qu’il est
difficile de quitter sans l’avis d’une tierce personne ou d’une équipe
d’audit qui sera amenée à évaluer la situation. En particulier, cette
équipe devra répondre à la question suivante : « Des améliorations ou
des corrections pourront-elles être apportées pour passer cette étape
d’acceptation ou faut-il jeter le logiciel car les défauts sont trop
importants comme par exemple, une architecture totalement inadaptée à
la mission du logiciel ou aux exigences contractuelles ? ». Cette
question est fondamentale car il est en effet préférable de passer à pertes
et profits un logiciel qui, de par sa structure, ou du fait de sa réalisation,
ne peut absolument pas garantir qu’une évolution favorable est
envisageable.
Les tests d’acceptation réglementaires qui sont définis par rapport aux
règlements et législations en cours, comme les obligations légales,
gouvernementales ou de sécurité. Les tests d’acceptation réglementaires
peuvent, implicitement ou explicitement, induire un rejet au niveau de
l’acceptation contractuelle.

Dans le cas de logiciel à forte diffusion, on désignera par « tests alpha » des
tests d’acceptation réalisés par une équipe différente de l’équipe de
développement mais de la même entreprise. Ces tests permettront à l’équipe
de développement d’avoir un premier retour sur le logiciel en situation réelle
par un client plus tolérant et moins vindicatif en cas de problèmes importants
qu’un client réel. Une fois cette étape d’acceptation passée, l’entreprise
pourra passer aux « tests bêta » qui reproduisent cette mise en situation mais,
cette fois-ci, avec de « vrais » clients qui auront accepté d’être cobayes en
échange de la possibilité d’utiliser des versions récentes et non encore
commercialisées d’un logiciel donné. Ces clients sont alors dénommés
« bêta-testeurs ». Ils participent alors volontairement et sans coûts pour la
société éditrice du logiciel à l’amélioration de celui-ci. Leur motivation est
soit l’envie de posséder une version récente d’un logiciel à la mode, soit le
besoin de passer à une version qui permet de sortir d’une impasse en
corrigeant ou en apportant une fonctionnalité par rapport à la version
précédente, soit encore l’envie de participer d’une façon peu contraignante au
développement d’un logiciel libre. Le schéma suivant résume le
positionnement des différents tests étudiés dans les phases de développement
ainsi que les documents et données en entrées de chacun.
Fig. 2.17 Positionnement des types de tests dans un cycle en V

2.5. Les différents types de tests


À chaque niveau du développement d’un logiciel correspondent des activités
de tests. Ces tests sont spécifiques du niveau auquel ils s’appliquent et c’est
ainsi que les tests unitaires sont différents des tests d’intégration et des tests
de validation. Cependant, certaines caractéristiques sont communes à
plusieurs phases de tests : ce sont des types de tests transverses au cycle de
vie, présents à différents niveaux et ayant des objectifs communs. Le
diagramme suivant (figure 2.18) permet de visualiser les différents critères
selon lesquels les tests peuvent être catalogués.
Fig. 2.18 Typologie des tests

Sur ce diagramme, l’axe vertical représente le niveau auquel peut être


appliqué un test : l’échelle va des tests unitaires qui portent sur un composant
élémentaire aux tests de validation qui porte sur une application ou un
système complet. L’axe horizontal définit l’accès possible aux détails de
représentation. Lorsque l’accès est total, on parle de tests Boîte blanche,
lorsque l’accès est impossible ou non voulu, on parle de tests Boîte noire et
lorsque seule une partie des détails de représentation est accessible, on parle
de tests Boîte grise. Enfin le troisième axe propose une classification selon
l’objet des tests : le test vise-t-il à rechercher un défaut vis-à-vis d’une
fonctionnalité, d’un critère non fonctionnel comme la performance ou la
sûreté de fonctionnement, ou cherche-t-il à vérifier qu’une modification du
logiciel n’a pas fait régresser son comportement ?
Chaque point de cet espace définit une catégorie de tests pouvant exister,
même si l’usage et les contraintes habituelles veulent que certaines catégories
soient plus utilisées que d’autres. C’est ainsi qu’il est plus commun que les
tests unitaires soient des tests Boîte blanche dont l’objet est la recherche
d’erreur sur l’aspect fonctionnel, même s’il est possible d’écrire des tests
unitaires Boîte noire à visée non fonctionnelle, comme l’évaluation de la
sécurité ou de la performance d’un composant.

2.5.1. Tests fonctionnels versus tests non fonctionnels


Les tests fonctionnels visent à tenter de démontrer que le logiciel effectue ce
pourquoi il est fait en recherchant d’éventuelles défaillances lorsque le testeur
le sollicite sur des valeurs nominales. On peut ainsi chercher à vérifier qu’une
fenêtre s’ouvre bien après que l’on ait tapé un mot de passe correct dans un
menu de connexion. Il s’agit là d’un test fonctionnel. Cependant si la fenêtre
ne s’ouvre qu’après plusieurs longues secondes la fonction sera satisfaite
mais d’une manière imparfaite. Il s’agit là d’un critère non fonctionnel. Ces
critères non fonctionnels ne cherchent pas à qualifier le logiciel sur ce qu’il
fait mais sur la façon dont il le fait. Le modèle ISO 9126, présenté
figure 2.19, définit les exigences non fonctionnelles pouvant être utilisées
pour définir les attentes sur le comportement et la conception d’un logiciel.

Fig. 2.19 Caractéristiques qualité et référentiel FURPSE

Les tests non fonctionnels sont généralement plus complexes à mettre en


œuvre car ils s’appuient sur des analyses plus poussées que la simple
vérification de la validité d’une réponse ou sur la cohérence d’un échange
entre deux composants. Il s’agit par exemple de calculer et d’interpréter des
analyses statistiques sur des ensembles de données obtenues sous certaines
conditions. Par exemple, lors de tests de charge, on peut chercher à calculer le
temps moyen d’attente d’un processus client lors de la primo-demande d’un
service à un serveur et le comparer au temps moyen d’attente des clients sur
les demandes suivantes de ce même service.
Pour ces tests, les données ne sont pas simples à interpréter et ne sont pas
simples à obtenir sans perturber le fonctionnement normal du composant ou
des interfaces ou du système observé. Quel que soit le niveau auquel le
testeur sera amené à réaliser des tests non fonctionnels, le succès de ces tests
sera conditionné par la qualité des spécifications et des modèles ayant guidé
la conception. De façon caricaturale, pas de modèle, pas de tests non
fonctionnels possibles.
Parmi les tests non fonctionnels, les tests structurels sont à part car ils vont
analyser le logiciel non du point de vue de son comportement mais du point
de vue de sa conception. On ne se pose pas la question sur ce que fait le
logiciel (tests fonctionnels) ni sur la façon dont ce qui est fait est fait (tests
non fonctionnels) mais sur la façon dont le logiciel est fait (la façon dont ce
qui fait que ce qui doit être fait est fait). Il s’agit donc nécessairement de tests
Boîte blanche. Ils peuvent être réalisés au niveau des composants, au niveau
des interfaces ou au niveau du système.

2.5.2. Tests liés au changement et tests de non-


régression
Le test a pour vocation de découvrir des défauts et de faciliter leur
localisation. Quand un défaut est détecté puis corrigé, le logiciel doit être re-
testé avec les mêmes tests ou des tests ciblés sur le défaut original pour
confirmer que celui-ci a bien été corrigé. Ce type de test est appelé « test de
confirmation ». Il ne faut pas confondre cette activité de recherche et
correction d’erreur, qui est une activité de test, avec le débogage qui est une
activité de développement, et non une activité de tests.
De façon générale, quand une partie du logiciel est modifiée, suite à une
correction ou suite à un ajout (par exemple en maintenance corrective ou en
maintenance évolutive), rien ne garantit que la partie du logiciel non modifiée
n’ait pas été impactée par la modification, c’est fréquemment le contraire qui
se produit. Il est en effet tentant, pour des raisons d’efficacité ou de facilité,
d’utiliser un effet de bords d’un composant non documenté, car à usage
interne ou en vue de tests (mise à jour d’un fichier de log[4] par exemple). Un
programmeur utilisant cet effet de bord dans sa logique algorithmique
s’expose à la modification de celui-ci sans notification car prévu à seul usage
interne. Seuls des tests ciblés sur ce composant a priori non impacté par la
modification permettront de mettre en avant ce nouveau problème. L’autre
cas fréquent est qu’un premier défaut, dans un composant A, masque la
présence d’un défaut dans un composant B par suite d’une espèce de
modification de trajectoire dans le comportement initial : d’une certaine
façon, les deux défauts se compensent. La correction de l’un fait apparaître
l’autre sans raison simple et prévisible. Ces tests, qui recherchent des défauts
dans des parties déjà testées, sont appelés tests de non-régression et peuvent
être définis comme tout test qui est la répétition de tests sur un logiciel déjà
testé, après des modifications, pour mettre à jour tout défaut introduit ou
découvert en résultat de ces changements.
L’étendue des tests de non-régression est basée sur le risque de ne pas trouver
d’anomalie dans un logiciel qui fonctionnait auparavant. Ils doivent avoir été
prévus lors de la conception initiale des tests et s’appliquent à tous les
niveaux et à tous les types de tests : tests fonctionnels, tests non fonctionnels
et tests structurels
Les suites de tests de non-régression seront exécutées de nombreuses fois et
elles évoluent, en général, lentement (les besoins et exigences ne sont pas
modifiés de façon incessante). Les tests de non-régression sont donc de bons
candidats à l’automatisation.

2.6. Conclusion
Comme nous l’avons vu, les tests peuvent (et doivent) être un guide lors des
différentes phases d’un projet logiciel et ceci quel que soit le cycle de
développement retenu, qu’il soit « classique » avec le cycle en V ou « agile »
avec les méthodes itératives et incrémentales. Habilement préparés et
intelligemment prévus lors des phases de conception, ils seront plus simples à
concevoir et à exécuter durant les phases de réalisation, de déploiement ou de
maintenance.
Le point crucial est la définition d’une architecture testable permettant à la
fois un développement de composants fiables, simples à intégrer et rendant
possible l’automatisation du jeu et des tests lors des différentes phases de
déploiement. En effet, sans automatisation, l’effort consacré aux tests sera
grand lors des phases initiales de développement, ce qui peut être acceptable
au vu de l’amélioration de la qualité constatée, mais deviendra pesant au fil
des releases sans réelle justification.
Le succès actuel des démarches agiles est sans aucun doute dû en grande
partie à cette insertion au cœur du développement de l’automatisation des
tests.
Notes
[1] Voir, par exemple le chapitre 4 de l’ouvrage Architecture logicielle -
Concevoir des applications simples, sûres et adaptables de J. Printz.
[2] Voir par exemple l’article de Yves Le Traon et de Benoit Baudry « Test
d’intégration d’un système à objets - planification de l’ordre d’intégration »
dans les actes de la conférence LMO 2006, pages 217-230.
[3] Middleware orienté messages ou « Messages Oriented Middleware ».
[4] Un fichier de log ou « Log File » est un fichier qui regroupe,
généralement de façon chronologique, les différents événements survenus au
niveau d’une application ou d’un système.
Chapitre 3

Tester efficacement : les différentes


stratégies

Dans le cadre du test des logiciels, deux grandes familles de techniques de


tests se complètent : les techniques dites « statiques » qui vont s’appuyer sur
les sources du logiciel à tester sans le faire fonctionner et les techniques dites
« dynamiques » qui s’appuieront sur l’exécution du logiciel. Dans le premier
cas, on peut tester, dans le sens « trouver des erreurs de conception de
réalisation ou de spécification » sans que le logiciel soit complet ou sans que
l’on dispose de la plateforme cible, puisque l’on ne fait pas réellement
fonctionner le logiciel ; c’est un véritable plus pour ce type de techniques. Par
contre, celles-ci ne pourront être mises en œuvre que par des testeurs ayant
une bonne connaissance du langage de programmation utilisé. En effet, ceux-
ci devront lire et interpréter le code manuellement ou, tout du moins,
comprendre les messages produits par les outils d’analyse utilisés. La
deuxième famille de tests nécessite que le logiciel soit exécutable ; ceci peut
repousser l’activité de test à la fin du projet, sauf dans le cas, de plus en plus
fréquent où le logiciel est développé selon le paradigme de l’agilité qui
préconise (entre autres) de travailler par itérations incrémentales. De cette
sorte, on dispose en permanence d’un logiciel exécutable et donc testable au
sens test dynamique. D’un point de vue pratique, l’automatisation possible
des tests « dynamiques » combiné au fait d’être basé sur un résultat
d’exécution apportera deux intérêts majeurs de ce type de tests vis-à-vis des
tests statiques :
Les tests dynamiques pourront être mis en œuvre par des testeurs « non-
informaticiens » ayant une bonne connaissance métier mais pas
forcément au fait de des techniques utilisées pour la réalisation du
logiciel ;
Les tests dynamiques pourront facilement être utilisés dans le cadre des
tests de non-régression.
Les tests statiques sont donc fondamentalement différents des tests
dynamiques. Cependant, il ne faut pas oublier que de nombreuses
caractéristiques sont communes à ces deux familles ; il s’agit par exemple des
propriétés pouvant être recherchées :
Propriétés fonctionnelles
Propriétés au sens de la norme ISO 9126 (fiabilité la performance,
l’utilisabilité, etc.)

Il s’agit également de la possibilité de pouvoir être utilisées à différents


niveaux de détails :
Au niveau des composants élémentaires
Au niveau des interfaces
Au niveau du système

Et enfin, dans les deux cas, ces techniques cherchent à découvrir des erreurs !
Il sera donc profitable de combiner autant que possible ces deux types
d’approche des tests qui sont complémentaires.

3.1. Aperçu des stratégies de tests dynamiques


Dans le cadre des tests dynamiques, le testeur va exécuter le logiciel qui n’est
peut-être que partiellement réalisé. Ce logiciel a un comportement qui dépend
de son interaction avec son environnement. Dans le cas le plus simple, il
s’agit d’un composant qui prend des paramètres en entrées et qui réalise un
calcul ou une action en fonction de la valeur de ces paramètres. Dans des cas
plus complexes, il peut s’agir d’un système qui interagit avec un autre
système (par exemple une base de données) ou qui interagit avec un
utilisateur (par exemple à travers un formulaire). Dans tous ces cas, le rôle du
testeur, qui cherche à découvrir des erreurs, est de trouver les « bonnes »
valeurs d’exécution, c’est-à-dire les valeurs d’environnement qui auront le
plus de chance de mettre en défaut le logiciel. Il ne peut en effet espérer les
essayer toutes, du fait de la combinatoire présente dans le comportement des
logiciels – il faut garder à l’esprit que le test exhaustif d’un simple opérateur
d’addition de deux nombres entiers codés sur 32 bits prend plus de
100 années à raison d’un milliard d’opérations de test par seconde. Il lui faut
donc une stratégie pour choisir des valeurs de test. Nous abordons ici à
grands traits, les différentes stratégies possibles et pour simplifier notre
discours, nous nous plaçons volontairement dans le cas du test d’un
composant dont le comportement dépend uniquement de paramètres passés
lors de son lancement.

Fig. 3.1 Processus de tests dynamiques

Le processus de tests dynamiques (illustré figure 3.1) utilise les spécifications


à différents niveaux : obligatoirement lors de l’analyse des résultats mais
aussi au niveau de la génération des données de tests car seules les
spécifications peuvent définir le comportement attendu du logiciel dans un
cas donné.
Examinons maintenant quelles techniques différentes peuvent être employées
pour générer un ensemble de données de tests.

3.1.1. Techniques aléatoires


La première approche, sans doute la plus naïve, consiste à se dire que plus on
essaiera de valeurs distinctes plus on aura de chance de découvrir une erreur.
Le nombre l’emportant sur la qualité, il suffit alors de tirer au hasard un
grand nombre de valeurs. Le seul critère de choix étant donc le hasard, on
nomme cette technique « aléatoire » (Random testing). Il est d’ailleurs
amusant de constater que le résultat de cette stratégie de test est lui aussi
aléatoire : différentes analyses [Ntafos 01, Chen 94, Th 91] montrent, sans
donner de réelle explication, que dans certains cas cette stratégie permet de
détecter de nombreuses erreurs alors que dans d’autres cas, elle s’avère peu
efficiente. On peut supposer que cette stratégie marche bien lorsque le
logiciel est de bonne qualité vis-à-vis de sa testabilité, et fonctionne mal dans
le cas contraire. Si l’on veut améliorer l’efficacité de cette stratégie, on peut
contraindre le choix des valeurs par différents critères statistiques comme le
respect de la distribution des données en entrées ou de la fréquence relative
des cas d’utilisation concernés. Dans ces derniers cas, on utilise quelques fois
le terme « tests statistiques ».
En tout état de cause, l’intérêt majeur de cette stratégie est sa grande
simplicité de mise en œuvre concernant la génération des jeux de valeurs qui
peut être complètement automatisée ; c’est moins vrai en ce qui concerne la
génération de l’oracle sauf dans des cas rares en pratique où les spécifications
sont suffisamment précises pour permettre une utilisation automatique (toute
exploitation manuelle des résultats ruinerait l’intérêt de cette stratégie).
Enfin, il est bon de compléter l’ensemble des valeurs générées
automatiquement par quelques jeux de valeurs particulières ou atypiques,
comme des valeurs aux limites ou mettant en avant un comportement
particulier.
L’aspect aléatoire peut être également utilisé dans un objectif différent : celui
de tester les tests afin d’en mesurer la qualité. Le principe est fort simple :
supposons qu’un ensemble de jeux de valeurs E soit utilisé pour tester un
composant et supposons que cet ensemble ne mette en avant aucune erreur.
Sans autre information, le testeur peut se demander s’il ne trouve pas d’erreur
parce qu’il n’y en a pas ou plus ou parce que son ensemble de jeux de valeurs
est sans intérêt. Une technique de tests aléatoires, nommée « test par
mutation » consiste à modifier aléatoirement le composant, et donc, sous
l’hypothèse que le composant est sans erreur, à introduire un ou plusieurs
défauts. Ce composant modifié est appelé un mutant. On teste alors le mutant
avec les valeurs de l’ensemble E. Si aucune erreur n’est découverte, on est en
droit de se poser la question de la qualité de cet ensemble de valeurs de test.
Si par contre, une erreur est détectée, on dit que le mutant est tué, et ceci
renforce la confiance dans la qualité de cet ensemble de valeurs E. La
difficulté de ce genre de technique est de pouvoir différencier un mutant
correct (c’est-à-dire qui réalise ce que l’on attend du composant) d’un mutant
incorrect (c’est-à-dire qui ne réalise plus ce que l’on attend du composant).
En effet, pour un même problème, il existe plusieurs solutions pouvant être
syntaxiquement proches ; c’est une des raisons pour lesquelles, on se limite
généralement, dans ce genre de test, à n’opérer qu’une modification par
mutation.
Par ailleurs, tout ceci étant coûteux, on réservera le test par mutation à des cas
précis où des doutes réels existent sur la qualité des jeux de tests utilisés.

3.1.2. Techniques Boîte noire


Lorsque l’on ne souhaite pas s’en remettre au hasard pour produire des jeux
de valeurs de tests, le testeur pourra adopter une stratégie plus construite
comme, par exemple, une des techniques de test Boîte noire.
Sous le terme « test Boîte noire » (black box testing) on désigne un ensemble
de techniques dont les caractéristiques communes sont de se baser
uniquement sur les spécifications lors de l’élaboration des jeux de valeurs de
test et non sur l’utilisation des détails de réalisation.

Fig. 3.2 Tests Boîte noire

Cette restriction est souvent volontaire, c’est-à-dire que le testeur dispose des
sources, les comprend, mais s’en interdit l’utilisation afin de ne pas se laisser
influencer lors du choix des valeurs de test par la façon dont le logiciel a été
réalisé. En effet, le code peut être vu comme une écriture possible du
raisonnement mené par le programmeur ou par l’équipe de spécification pour
répondre au problème posé. Si le raisonnement est incorrect mais
convaincant, le testeur peut se trouver à son tour dans l’erreur. En
s’interdisant l’utilisation des sources, le testeur travaille moins sous influence
de ces raisonnements initiaux et pourra découvrir des erreurs subtiles de
conception.
Dans ce contexte, toute spécification peut être utilisée : spécifications
informelles, comme un document en langue naturelle, spécification formelle,
comme un automate ou un réseau de Petri, spécifications semi-formelles,
comme un schéma UML ou un « use case ». Il est évident que plus les
spécifications seront précises, plus elles pourront être utilisées avec profit.
Ces spécifications peuvent décrire le format des interfaces (types et nombre
des paramètres, type du ou des résultats), les résultats et comportements
attendus pour des valeurs conformes aux spécifications des interfaces ou,
mais cela est malheureusement non systématique, les résultats et
comportements attendus pour des valeurs non conformes aux spécifications
des interfaces.
Nous détaillerons au chapitre suivant les techniques Boîte noire les plus
utilisées :
Tests par partitionnement des domaines
Tests par utilisation de graphe causes-effets
Tests aux limites
Tests à l’aide de diagrammes états/transitions

Mais avant cela, examinons brièvement, les tests Boîte blanche, techniques
complémentaires des tests boîte noire.

3.1.3. Techniques Boîte blanche


À l’opposé des techniques Boîte noire, les techniques de test dites Boîte
blanche, appelées aussi techniques de « test structurel » se basent sur les
détails de réalisation du logiciel (ou sa structure) pour générer les valeurs de
tests.
Fig. 3.3 Tests Boîte blanche

Ces techniques, détaillées au chapitre 5, reposent sur l’exploitation de


graphes : le graphe de contrôle, qui reflète la partie « contrôle » (instructions
conditionnelles, instructions de répétitions, instructions de branchements) ou
le graphe flots de données qui synthétise la partie « flots de données » (i.e. le
suivi de l’accès aux données) du logiciel. D’une certaine façon, ces graphes
décrivent les chemins menant d’un point d’entrée du logiciel à une de ses
sorties. Les « aiguillages » le long de ces chemins sont les points de contrôle
dont l’effet dépend de la valeur d’expressions conditionnelles, et donc de la
valeur des données en entrée du logiciel.
On peut ainsi sélectionner des données d’entrées conduisant à exercer une
partie spécifique du logiciel, ce qui permet de rechercher des erreurs de
réalisation peu visibles sans la connaissance des détails de réalisation
présents dans ces sources.
Prenons l’exemple d’un composant calculant le produit de deux nombres
entiers x, y et supposons que le programmeur ait voulu différencier, par souci
d’efficacité (pas nécessairement heureux), le cas où l’un des deux paramètres
est nul mais que suite à une erreur de frappe il ait écrit « if (x==10) » au lieu
de « if (x==0) » ; la génération de jeux de tests à l’aide des seules
spécifications (tests Boîte noire) ne permettra pas a priori de distinguer le cas
où x vaut 10 des autres cas. A contrario, l’analyse des sources, et en
particulier l’exploitation du graphe de contrôle mettra en avant ce détail
(branchement lié à la valeur 10) et conduira à distinguer cette valeur
spécifique. On peut penser que ces valeurs de test permettront de découvrir
l’erreur de codage.
La structure du logiciel à tester peut servir également à définir des critères de
couvertures qui seront utilisés pour évaluer la pertinence des tests menés. Les
principales couvertures sont :

Couverture des instructions : A-t-on exercé chaque instruction du


logiciel lors des tests ?
Couverture des branches (ou des décisions) : A-t-on, pour chaque
décision (i.e. expression conditionnelle), exercé la partie VRAI
(l’expression est vraie) et la partie FAUX (l’expression est fausse) ?

D’autres types de critères de couverture peuvent être définis, en particulier


liés à l’utilisation des variables (par exemple concernant les chemins allant de
l’affectation d’une variable à son utilisation dans une expression). Ces
différents critères de couverture sont développés dans le chapitre 5.

3.2. Aperçu des stratégies de tests statiques


Des erreurs de conception ou de réalisation peuvent être soupçonnées alors
qu’il n’est pas encore possible de faire fonctionner le logiciel. L’activité de
test n’en est pour autant pas nécessairement rendue impossible : des tests
« statiques » vont pouvoir être menés. En effet, dans le cadre des tests
statiques, le testeur cherchera à trouver des erreurs non pas en exécutant le
logiciel, mais en analysant les documents décrivant sa conception et sa
réalisation, et en particulier, le code source. On distinguera les procédés de
revues, connus sous le nom de « revue de code », « revue par pairs », « revue
technique » ou « inspection » et les procédés d’analyse statique.

3.2.1. L’analyse statique de code


Dans le cas de l’analyse statique de code, on recherchera à mettre en relief (à
l’aide généralement d’un outil proche d’un compilateur) un certain nombre
d’aspects élémentaires du logiciel. Ces aspects peuvent être le respect de
règles de codages :
Utilisation de constructions syntaxiques non ambiguës : on évitera par
exemple l’appel d’une fonction comportant un effet de bord lors du
passage des paramètres
f(a, a=b) qui peut conduire, selon le compilateur à deux évaluations
distinctes f(b,b) ou f(a,b).
Utilisation de règle de dénomination commune à l’entreprise ou au
projet.
Utilisation d’en-têtes prédéfinis, etc.

On peut également chercher à vérifier que la complexité du code est


acceptable en mesurant (moyenne et valeurs extrêmes) :

Le niveau d’imbrication des boucles


Le nombre d’instructions par méthode ou sous-programme
Le nombre paramètres par méthode ou sous-programme

On peut également tenter de vérifier que le programme ne contient pas


d’instruction qui le conduiront à se comporter de façon erronée comme :
L’utilisation de variables non initialisées.
L’utilisation de boucles conduisant à « sortir » d’un tableau.
La réalisation d’opérations arithmétiques pouvant entraîner un
dépassement de capacités de représentation (par exemple, la division par
un nombre trop petit).

On peut enfin rechercher des informations sur la structure du logiciel en


comptabilisant :

La présence de code mort (c’est-à-dire des parties du logiciel qui,


structurellement, ne peuvent jamais être exécutées).
Le nombre de méthodes par classe ou le nombre de sous-programme du
logiciel.
Le nombre de classes dérivées par classe.
Le nombre de classes utilisant une classe donnée, etc.
Fig. 3.4 Exemple de mesures élémentaires

Prises individuellement, ces valeurs élémentaires n’ont pas forcément un


grand sens. Aussi, on essaye ensuite de les agglomérer puis de les comparer à
des valeurs seuils afin de les mettre en rapport avec des critères qualitatifs (au
sens de la norme ISO 9126, qui définit six facteurs principaux et vingt et un
facteurs secondaires de qualité) comme la complexité, la portabilité, la
maintenabilité ou la testabilité.

Fig. 3.5 Facteurs principaux et facteurs secondaires de la norme ISO 9126

Ces données agrégées peuvent ensuite être synthétisées à l’aide de graphiques


permettant une analyse rapide des points forts ou des points faibles d’un
logiciel ou encore permettant de mesurer son évolution vis-à-vis de ces
critères au fil des différentes versions.
Il est possible de systématiser ce genre d’approche et d’essayer ainsi
d’adapter l’effort de test en fonction de la difficulté ou de la nécessité
pressentie en définissant des « mesures » ou « métriques » qui vont permettre
de chiffrer quantitativement les différents critères analysés par l’analyse
statique. Passant brièvement en revue ces différentes métriques.

3.2.2. L’utilisation de métriques


Le pan de l’analyse statique connu sous le terme de « qualimétrie » ou de
« mesure » du logiciel est un domaine d’analyse dans lequel on cherchera à
mesurer la qualité du logiciel grâce à une métrique donnée.
Les métriques les plus connues sont :
Le nombre de lignes de code compté en KLOC (Kilo Lines Of Code)
peut distinguer (ou pas) le nombre de lignes de commentaire, le nombre
de lignes vides, le nombre de lignes d’un module, d’une classe, etc.

Fig. 3.6 Exemple de synthèse de mesures élémentaires


Le nombre cyclomatique de McCabe : introduit en 1976 par
McCabe[1] analyse le graphe de contrôle du programme et calcule le
nombre de chemins linéaires indépendants appelés nombre ou
complexité cyclomatique. Plus le nombre cyclomatique est grand, plus il
y aura de chemins d’exécution différents et plus le code sera difficile à
comprendre ou à tester. On admet que le nombre de test d’un composant
doit être du même ordre que son nombre cyclomatique et que ce nombre
devrait rester inférieur à 15 ;
Les métriques d’Halstead (77) : cet ensemble de métriques[2] évalue la
taille du programme en comptant le nombre d’opérateurs, d’opérandes et
leur nombre d’apparition ; il s’agit plutôt d’une métrique de
maintenance et, on pourra se contenter de retenir la formule permettant
de calculer l’indice de maintenabilité :

MIcode = 171 − 5,2*ln(aveV) − 0,23 aveCCe − 16,2*ln(aveLOC)


MIcomment = 50 * sin (Sqrt (2,4 * perCM))

où, aveV est le volume moyen par module, aveCCe est la complexité
cyclomatique moyenne par module, aveLOC est le nombre moyen de
lignes par module et perCM est le pourcentage moyen de lignes de
commentaires par module
Plus la valeur est élevée plus le logiciel est facilement maintenable. Les
seuils admis sont :
85 : maintenance facile
65-85 : maintenance correcte
< 65 : difficulté à maintenir
Selon le contexte, on intègre ou non la part relative aux commentaires
(MIcomment). Les constantes doivent être ajustées à chaque projet en
particulier celles relatives aux commentaires :
L’indice de maintenabilité peut être utilisé pour
L’analyse de l’évolution des versions d’un logiciel dans le temps
L’analyse de l’uniformité du codage au sein d’un même projet
Mettre en rapport différents projets réalisés dans des contextes
comparables
Exemple : l’indice de maintenabilité du noyau et des programmes
utilisateurs de FreeBSD diminuent avec les années (mais faiblement)[3].
On remarquera que l’on peut artificiellement augmenter la valeur de
l’indice de maintenabilité sans pour autant améliorer la qualité du
logiciel. Il suffit, par exemple, de découper les gros modules en plus
petits ou d’ajouter artificiellement des commentaires

Les métriques d’Henry et Kafura (81) : ces métriques, adaptées au


contexte objet, calculent la complexité d’un module par rapport à son
contexte en intégrant le nombre d’informations « entrantes » et
« sortantes ».
Les métriques de Chidamber et Kemerer (94) : ces métriques, au
nombre de six mettent l’accent sur la conception des classes[4] :
WMC (Weighted Method per Class) : compte le nombre de
méthodes d’une classe pondéré potentiellement par le nombre
cyclomatique de la méthode, le nombre d’attribut des méthodes
(phase de conception). Cette métrique reflète la complexité d’une
classe et tente de prédire l’effort de développement ou de
maintenance. Une valeur élevée traduit un grand effort de
développement et de maintenance ainsi qu’une faible possibilité de
réutilisation (classe trop spécifique).
DIT (Depth of Inheritence Tree) : compte le nombre maximal de
classes ancêtres pour atteindre la racine. Une valeur élevée traduit
une plus grande complexité de compréhension de la classe, une
plus faible possibilité de réutilisation du fait d’une moins grande
généricité, une complexité globale plus grande en nombre de
développement. A contrario, une valeur faible traduit une mauvaise
utilisation du concept objet.
NOC (Number Of Children) : compte le nombre de descendants
directs d’une classe. Cette métrique reflète l’impact d’une classe
sur les autres classes. Une valeur élevée traduit une bonne
possibilité de réutilisation (car générique) mais probablement une
mauvaise abstraction et aussi l’importance de la classe dans le
système et donc un effort de test important. Une valeur moyenne
proche de zéro traduit une mauvaise utilisation du concept objet.
CBO (Coupling Between Object Classes) : compte le nombre de
couplages (invocation de méthode, utilisation d’attributs, traitement
d’exception…) entre une classe et le reste du système. Cette
métrique reflète l’interdépendance entre les constituants du
système. Une valeur élevée traduit des difficultés de maintenance,
des difficultés de test, des difficultés de réutilisation. On cherchera
à assurer le paradigme « forte cohésion et faible couplage ».
RFC (Response For a Class) : compte le nombre de méthodes qui
peuvent être appelées (directement) à la réception d’un message par
un objet de la classe. Reflète la complexité interne d’une classe.
Une valeur élevée traduit des difficultés de compréhension ainsi
qu’un plus grand effort lors des tests.
LCOM (Lack of Cohesion in Methods) : compte le nombre de
méthodes (prises 2 à 2) qui ne partagent pas un accès à un attribut
commun moins le nombre de méthodes (prises 2 à 2) qui le font ; la
valeur est bornée à 0. Reflète l’absence de cohésion interne d’une
classe. Une valeur élevée traduit une faible cohésion de la classe,
une possibilité de découpage entre plusieurs classes et une
complexité due à une probable forte disparité de la classe.
Les métriques de Li & Henry (93) : celles-ci reprennent en partie les
métriques de Chidamber et Kemerer (WMC, DIT, NOC, RFC, LCOM)
et introduisent cinq nouvelles métriques pour définir une mesure
complète sur l’effort prévisible de maintenance et deux pour mesurer le
couplage entre classes :
MPC : Message Passing Coupling (fan out)
DAC : Data Abstraction Coupling (ambiguë dans sa définition)
et trois pour mesurer la complexité des classes
NOM : Number Of local Methods
SIZE1 : nombre de points virgules dans une classe
SIZE2 : nombre d’attributs + NOM

L’ensemble de ces métriques peuvent être utilisées pour comparer différentes


parties ou différentes versions d’un logiciel et essayer d’estimer où l’effort de
test devra être porté en priorité.
Cependant, si ces mesures ont le grand avantage d’être pleinement
automatisables, elles ne donnent pas né essaiment une vision claire de la
qualité d’un logiciel et sont de peu d’utilité pour détecter un éventuel défaut.
C’est par contre le rôle des revues de code ou inspections.

3.3. Revue de code, revue technique, inspection


Une revue ou une inspection est l’examen d’un produit par un être humain ;
selon la norme « ANSI/IEEE Std. 1028-1997 » il s’agit d’une « technique
d’évaluation en détail, d’un document, d’un module de code source, d’une
correction, etc. par un groupe de personnes pour détecter les défauts, les
violations des standards et des conventions, ainsi que tout autre problème ».
Ce type de technique est démontré comme très efficace pour améliorer la
qualité du logiciel et permet de trouver de nombreux défauts de spécification
de conception ou de réalisation. Plusieurs types de revues peuvent être mis en
place :
buddy check ou desk check ;
walkthrough ;
inspection.

Les inspections sont les revues les plus formelles, mais, toute forme de revue
bénéficiera d’un peu de formalisation, en particulier, on prendra garde à :
Définir des critères précis pour le choix des personnes impliquées
Définir des règles précises pour la conduite des réunions
Terminer la revue sur un consensus
Garder trace du processus mis en place et chercher à l’améliorer sans
cesse

Chaque type de revue vise une série d’objectifs comme :


Trouver des défauts
Vérifier la conformité par rapport aux spécifications, aux standards
Vérifier l’exhaustivité des fonctions
Viser à une approbation du produit
Afin de mener à bien une revue il est nécessaire d’obtenir une certaine
exhaustivité des critères étudiés et il faut éviter de changer d’objectifs en
cours de revue. Pour cela, il sera bon, ou tout du moins fortement conseillé,
d’utiliser une « check list ». Cette liste dépendra à la fois de l’organisation
(entreprise, service) et du produit étudié (exigence, documentation, code,
tests). On prendra garde à capitaliser l’expérience des revues faites en
enrichissant systématiquement cette liste avec le temps.
Analysons brièvement les différentes revues pouvant être menées.

3.3.1. Revue de type « buddy check »


Une revue de type buddy check [5] est une revue informelle du produit qui est
conduite par l’auteur et à laquelle sont associées une ou plusieurs personnes
(les copains). Ce type de revue vise à mettre à jour des problèmes de
compréhension dans les choix de mise en œuvre, des problèmes de
présentation, de style ou encore d’imaginer des solutions alternatives. Une
étude IBM/TRW/MITRE menée en 1999 montre que ce type de revue, peu
onéreuse et implicitement utilisée dans le cadre des développements agiles,
ne permet de détecter que quelques défauts, par « effet de bord », ce qui est
normal puisque cela n’est pas forcément l’objectif principal de ces revues. On
remarquera que le caractère « léger » de ce type de revue va à l’encontre de la
production de document de synthèse ou de recommandations, ce qui peut être
pénalisant sur des projets complexes.

3.3.2. Revue de type « walkthrough »


Une revue de type walkthrough[6] apporte légèrement plus de formalisation.
Elle sera conduite par l’auteur qui « parcourt » le document (code,
documentation, exigences, etc.) et l’expose lors d’une réunion à un groupe de
personnes qui interagissent avec l’auteur et apportent des remarques. Le
caractère légèrement formel provient du fait que, contrairement au type de
revues précédentes, l’auteur doit préparer son exposé l’obligeant ainsi à
apporter plus de rigueur à sa présentation. On peut ainsi chercher à vérifier le
caractère exhaustif d’une solution ou imaginer une solution alternative. Ce
type de revue permet également de former de nouveaux arrivants dans le
projet. On trouvera, par contre, généralement encore peu de défauts et la
documentation produite sera fréquemment réduite aux supports utilisés pour
la présentation. Le principal souci est de définir un critère d’arrêt plus
pertinent que « c’est l’heure ».

3.3.3. Revue de type « inspection »


Introduit par M.E. Fagan en 1976 chez IBM[7], le processus d’inspection
privilégie l’aspect formel et se différencie des autres revues par le fait qu’un
agenda est clairement établi, qu’il y a nécessairement préparation de
l’inspection de la part des acteurs (avec par exemple distribution des
documents suffisamment à l’avance) et qu’un rapport est obligatoirement
produit. Une inspection définit six rôles bien précis dans le groupe :
Le modérateur coordonne l’inspection :
Il vérifie que le produit est prêt pour l’inspection.
Il rassemble une équipe d’inspection.
Il assure que la procédure d’inspection est bien suivie.
Il vérifie le respect des échéances.
Il vérifie que le critère de sortie est atteint.
Le secrétaire ou scribe prend les notes durant la réunion d’inspection.
À ce titre, il doit fournir toute l’information pour que le rapport
d’inspection soit suffisamment précis et non ambigu (ce qui implique
une bonne compréhension du problème et un bon esprit de synthèse).
Les inspecteurs (Reviewers) évaluent le produit, donnent leur point de
vue et participent à la rédaction du rapport d’inspection.
Le lecteur guide les inspecteurs dans l’évaluation. À ce titre :
il synthétise le contenu du produit,
il fait ressortir la logique du produit,
il focalise les inspecteurs sur les parties essentielles du produit.
Le vérificateur apporte un soutien logistique en coordonnant la
rédaction technique du rapport d’inspection. Par la suite il sera chargé de
veiller à ce que les modifications demandées aient bien été apportées.
L’auteur apporte sa connaissance concernant la réalisation. Sa présence
est indispensable car il peut fournir oralement des informations qui ne
sont pas exprimées dans le produit.

La réussite d’une inspection repose à la fois sur la qualité de l’équipe


d’inspection mais aussi sur l’implication et le soutien de la direction.
L’équipe d’inspection devra veiller à rester positive dans la communication
(éviter les sarcasmes ou remarques blessantes) et ne pas chercher à
sanctionner les auteurs ; sans cette attention, l’équipe d’inspection risque de
mener un procès à charge contre l’équipe projet et perdre la confiance et
l’adhésion de celle-ci. De même, une inspection se focalisera sur la détection
des défauts, mais ne cherchera pas à les résoudre pendant le temps de
l’inspection, afin de ne pas prolonger celle-ci de façon non contrôlée (le
temps de détection d’un défaut n’est pas proportionnel au temps nécessaire à
sa correction qui peut être singulièrement plus long). Afin d’aboutir
rapidement et d’éviter une dérive de la revue, il sera important de respecter
les procédures mises en place au démarrage. Enfin, le rapport devra être
rédigé le plus rapidement possible.
Au sein de la direction, il faudra veiller à rester impliqué tout au long du
processus d’inspection sans pour autant participer aux réunions, la présence
de responsable hiérarchique pouvant induire des comportements (parade ou
soumission) néfaste au bon déroulement de l’inspection. L’implication de la
direction se fera sentir en particulier sur l’allocation du budget, du temps et
des ressources humaines nécessaires pour mener à bien l’inspection. Enfin, la
direction prendra garde de sanctionner les inspections mal conduites et non
les mauvais produits et donc de féliciter les bonnes inspections de mauvais
produits.

3.4. Le processus d’inspection en six étapes


Une inspection se conduit normalement en respectant six étapes, chacune
ayant un rôle bien précis dans le processus complet :
La première étape est fondamentale car c’est lors de cette étape que la
base de l’inspection est mise en place. En tout premier lieu, cette étape
aura pour objectif d’élaborer l’agenda de l’inspection et de formaliser la
motivation de l’inspection. On essaiera également de mettre en place la
logistique en vérifiant l’implication de l’encadrement et en évaluant les
moyens réels dont disposera l’équipe (ressources humaines, finances,
support logistique interne). Une fois ces points réalisés, on constituera
l’équipe d’inspection proprement dite en définissant le plus précisément
possible, et en se référant aux rôles « classiques » présents dans une
inspection, les qualifications requises, la mission et les responsabilités
de chaque membre de l’équipe. Si nécessaire, on listera également
l’ensemble des personnes « étrangères » au projet inspecté auxquelles il
faudra faire appel au cours de l’inspection. Enfin, c’est dans cette
première étape que l’on définira le contenu du rapport d’inspection
(rappelons qu’il y a obligation de remettre un rapport à la fin d’une
inspection) et de la « check list » qui servira de « trame » aux réflexions
menées lors de cette revue.
La deuxième étape est la réunion de démarrage où se rencontrent (peut-
être pour la première fois) l’ensemble des membres de l’équipe
d’inspection. Lors de cette réunion, le modérateur présentera le produit à
inspecter (sans entrer dans les détails), les objectifs et les moyens de
l’inspection, le rapport à produire, la « check list » les membres de
l’équipe, leur mission respective ainsi que le temps estimé de travail
pour chacun.
La troisième étape peut alors démarrer. Cette étape, sans doute la plus
prenante, est celle où les inspecteurs analysent le produit selon la
technique choisie en suivant la « check list », rencontrent les experts et
les personnes désignés pendant la phase de préparation ; s’ensuivent une
liste d’avis, de commentaires et de recommandations rédigés par les
inspecteurs.
Lors de la quatrième étape, une nouvelle réunion est provoquée au cours
de laquelle le modérateur collecte les données résultantes des
inspections individuelles ; celles-ci serviront à rédiger le rapport final
qui est ébauché à cette étape.
La cinquième étape consiste en la rédaction du rapport d’inspection. Des
recommandations, des demandes d’ajout ou de modifications à apporter
au produit sont formulées par l’équipe et des objectifs en termes de
délais de réalisation doivent également être formulés.
La sixième et dernière étape concerne les suites à donner à l’inspection.
Sur le plan du produit, on cherchera à vérifier que les modifications
demandées sont bien en cours de réalisation ou du moins, que leur
planification a bien été établie. Sur le plan de l’inspection, c’est le
moment du bilan, où l’on essaiera de capitaliser et où l’on réfléchira aux
axes d’améliorations possibles du procédé.

Avant de conclure sur ce type de revue, étudions rapidement le format


attendu d’un rapport d’inspection.

3.4.1. Plan type du rapport d’inspection


Le rapport d’inspection comprendra une page d’en-tête constituée :
D’un identifiant unique ;
De la date du rapport ;
D’une identification du produit ainsi que ses auteurs ;
La date, si nécessaire les heures et les lieux de l’inspection ;
Une référence des documents utilisés pour l’inspection ;
Les noms et les signatures de l’équipe d’inspection ; les signatures sont
importantes car elles responsabilisent l’ensemble du groupe et montrent
leur adhésion au rapport et à ses conclusions.

On pourra également mentionner le temps passé et le coût de l’inspection,


une indication sur l’historique des inspections successives du produit, le
niveau d’approbation du produit inspecté (accepté dans l’état, demande de
modifications mineures, demandes de révision majeure, rejeté ou à refaire).
On fera également figurer la liste des autres documents produits (comme la
liste des recommandations).
Viendront ensuite le rapport lui-même, ses conclusions motivées sur le
produit, une liste des recommandations étayées et, si possible, une
proposition d’agenda concernant les actions d’améliorations. Il est important
que l’ensemble du groupe d’inspection adhère au rapport et à ses
recommandations afin que les demandes d’amélioration puissent être
concrètement prises en compte dans un futur proche et ne restent pas lettre
morte.
En annexe à ce rapport, figureront la « check list » utilisée, un résumé du
déroulement de l’inspection et, dans le cas d’une série d’inspection sur le
même produit ou des mêmes équipes, une analyse et un bilan des erreurs le
plus souvent rencontrées, des recommandations pour de possibles inspections
futures.
De nombreuses études ont démontré l’intérêt économique d’une inspection ;
c’est un type de revue qui coûte cher, car elle mobilise au moins six
personnes sur une période assez longue, mais elle permet de découvrir tôt des
erreurs difficiles à mettre à jour avec des techniques de tests dynamiques.
C’est le cas en particulier pour les erreurs concernant le choix de
l’architecture du logiciel, ou pour des erreurs graves mais difficiles à
reproduire : interblocage, accès mal contrôlé à des ressources partagées
conduisant à des incohérences, problème de famine ou d’équité, non-respect
de contraintes temps réelles, etc.
Le procédé d’inspection peut également être appliqué avec profit aux tests
eux-mêmes avec pour objectif d’améliorer les plans de tests, la qualité des
scénarios, ou encore, la pertinence des jeux de valeurs choisies pour un cas de
test donné.

3.4.2. Choisir un type de revue


Si l’objectif est de réduire au maximum les défauts ou de gagner en confiance
sur un produit complexe ou critique, on choisira de mener une inspection ; si
l’objectif est d’obtenir un consensus ou une familiarisation de l’équipe à un
produit, on mettra en place un simple walkthrough. Si par contre on vise à
obtenir un retour rapide sur un produit simple ou de faible niveau de risque,
on se contentera d’un buddy check.

3.4.3. Processus de revue : conclusion


Les processus de revues apportent une amélioration significative de la qualité
à la fois sur le logiciel réalisé mais aussi sur les documents ou les corrections
produits. Cette amélioration concerne aussi la qualité des tests mis en place.
On constate également que la mise en place de revues permet d’améliorer les
processus de développement en augmentant la visibilité de l’état
d’avancement du produit. Une fois passées les phases initiales de méfiance,
une meilleure communication au sein des équipes va se développer
permettant un partage d’expérience ainsi qu’une plus grande motivation et
stimulation sur la qualité des logiciels et documents produits.
D’une certaine façon, la mise en place de revues permet aux équipes de
passer d’un processus de « développement-correction » à un processus plus
réfléchi basé sur la prévention des erreurs. Par effet de bord mécanique,
l’effort de test à fournir par la suite pourra être réduit de façon très
significative.

3.5. Tests dynamiques versus tests statiques : synthèse


Le testeur dispose d’une grande panoplie de méthodes et d’outils pour mener
à bien sa mission de traque des erreurs. Son choix sera guidé par un certain
nombre de données comme la possibilité ou non d’exécuter le logiciel (chose
impossible dans les phases initiales de conception) la possibilité d’accéder au
code source du logiciel, ou encore le type des erreurs recherchées
(fonctionnelles, liées aux performances, conformité à des standards, etc.).

3.5.1. Choisir une technique de tests dynamiques


Le choix d’une technique de tests dynamiques nécessite avant tout que le
logiciel à tester corresponde à un code exécutable, moyennant généralement,
une mise sur banc de test avec « bouchonnage » des parties non réalisées. Le
choix entre Boîte noire ou Boîte blanche sera lui conditionné par la
possibilité d’accéder au code source. Néanmoins, même en cas d’accès au
code, on préfère souvent utiliser des tests Boîte noire basés sur l’utilisation
des spécifications, réservant l’accès au code pour mesurer la couverture des
tests menés et donc, d’une certaine façon, la complétude de ceux-ci vis-à-vis
du code potentiellement exécutable. On notera que certains types de tests,
comme les tests d’acceptation, seront nécessairement menés à l’aide de
techniques dynamiques.

3.5.2. Choisir une technique de tests statiques


Les techniques statiques n’exécutent pas le logiciel à tester et, de ce point de
vue, ne sont pas comparables aux techniques dynamiques. Ainsi, elles
peuvent être employées à toutes les phases du cycle de vie du logiciel.
L’analyse statique va permettre, à l’aide d’un outil, de vérifier
automatiquement certaines propriétés d’un logiciel fini ou partiellement fini
et de découvrir ainsi certaines erreurs de conception.
Un processus de revue sera non automatisé mais permettra de découvrir des
erreurs de différents types et à tous les niveaux de conception d’un logiciel,
chose que ne permet ni un test dynamique ni l’emploi d’une technique
statique. Par ailleurs, de nombreuses études ont montré que les revues sont un
moyen très efficace pour réduire de façon importante le nombre d’erreurs ;
les chiffres fréquemment avancés donnent de 60 à 95 % d’erreurs trouvées
parmi les erreurs présentes à tous niveaux de la conception d’un logiciel.
Appliquées tôt les revues permettent de réduire la durée totale de
développement le coût et le temps des tests dynamiques ainsi que les risques
de défauts lors du déploiement.

3.6. Conclusion
Différentes stratégies complémentaires peuvent être mises en œuvre pour
tester un logiciel. Chacune se concentre plus particulièrement sur certains
objectifs comme la mise en évidence de défauts dans la réalisation, la
vérification de la cohérence ou du caractère complet des spécifications, le
respect de standards, etc. Chacune déploiera ses propres méthodes et sera
supportée par des outils dédiés comme l’aide à l’exécution, l’aide à la
collecte de données, la vérification structurelle, etc. Cependant, toutes ces
stratégies partagent un certain nombre de points communs comme
l’impossible exhaustivité, la qualité de la réflexion et l’importance des
relations humaines dans tous les processus liés au test. En cela, la formation
et l’expérience du testeur sont irremplaçables.
Notes
[1] T. J. McCabe, « A Complexity Measure », IEEE Transactions on
Software Engineering, vol. 2, N° 4, pp. 308-320, July 1976.
[2] M. H. Halstead, Elements of Software Science (Operating and
Programming Systems Series), Elsevier Science Inc. NY, 1977.
[3] Don Coleman, Dan Ash, Bruce Lowther, and Paul Oman, « Using
metrics to evaluate software system maintainability », Computer, 27(8) :44–
49, 1994.
[4] S.R. Chidamber and C.F. Kemerer, « A Metrics Suite for Object Oriented
Design », IEEE Trans. Software Eng., vol. 20, no. 6, pp. 476-493, 1994.
[5] Littéralement : « contrôle de copain ».
[6] Littéralement : « passage à travers ».
[7] Fagan, Michael E : « Design and Code Inspections to Reduce Errors in
Program Development », IBM Systems Journal, Vol. 15, No. 3, 1976.
Chapitre 4

Concevoir efficacement des jeux de


tests grâce aux spécifications

Un logiciel ou un composant logiciel peut être vu comme un automate qui


agit en fonction de valeurs qu’il obtient au début ou en cours d’exécution.
Son fonctionnement exhibe un ensemble de comportements distincts en
nombre important. Parmi cette grande quantité de comportements différents,
un grand nombre d’entre eux sont corrects, alors que certains autres sont
incorrects ; le rôle du testeur est de trouver le plus efficacement possible les
jeux de valeurs qui permettront de faire apparaître ces comportements
incorrects lors de la phase des tests. Dans le cadre des tests fonctionnels ou
Boîte noire, le testeur va choisir ces jeux de tests en utilisant les
spécifications du composant à tester et en premier lieu celles qui concernent
les paramètres en entrée du composant. L’enjeu est de combattre la
combinatoire tout en maintenant une qualité suffisante des jeux de valeurs de
test vis-à-vis de la détection de défauts.
Nous nous intéressons dans ce chapitre aux techniques usuelles employées
dans le cadre des tests fonctionnels. Elles sont relativement anciennes et
toutes ont fait leurs preuves. Elles sont par ailleurs pour la plupart
complémentaires c’est-à-dire que l’on peut les combiner entre elles pour
tester plus efficacement un composant, comme nous le verrons à l’aide des
différents exemples qui illustreront ces techniques.

4.1. Réduire le combinatoire avec les techniques All


Singles et All Pairs
4.1.1. Principes
Dans un certain nombre de cas, les données qui jouent un rôle sur le
comportement du composant à tester sont en petit nombre (par exemple 3 ou
4) et prennent des valeurs dans de petits ensembles facilement énumérables
(contenant par exemple 5 ou 6 valeurs distinctes). Dans ce cas, le problème
est légèrement plus simple que dans le cas général car il est a priori possible
d’énumérer toutes les combinaisons possibles des valeurs des paramètres (ce
nombre de combinaisons est égal au produit des cardinaux des valeurs
possibles en entrée). Il est cependant possible de réduire la combinatoire tout
en gardant une qualité vis-à-vis des cas couverts comme nous allons le voir.
Pour cela on va mettre en place une stratégie qui permet de générer des jeux
de tests utilisant soit au moins une fois chaque valeur de chaque paramètre
(technique all singles) soit au moins chaque valeur de paire de paramètres
(technique all pairs ou pairwise). Nous présentons à l’aide d’un cas concret
une façon simple et efficace de mettre en œuvre cette stratégie.

4.1.2. Illustration
Considérons le problème suivant : « Comment tester efficacement un
composant logiciel qui génère des scripts utilisés pour valider le
comportement de serveurs web ». Ce composant prend quatre paramètres en
entrée et génère un script adapté à ces valeurs de paramètres. Ces paramètres
sont :
Le type du poste client à partir duquel le script sera exécuté ; les valeurs
possibles sont « Linux Type1 », « Solaris », « Windows Me », « Vista »,
« Mac Os X », soit cinq valeurs distinctes.
Le type du navigateur client ; les valeurs possibles sont « FireFox »,
« Internet Explorer » et « Netscape ».
Le type de données téléchargées ; les valeurs possibles sont « jpeg »,
« avi », « mp3 » et « wave ».
Le fait d’utiliser une connexion sécurisée ou non.

Dans cet exemple, il est possible d’énumérer toutes les combinaisons


possibles des valeurs de paramètres en entrée et de réaliser ainsi un test
exhaustif du composant. Cela a cependant un coût. Dans notre exemple, il
faudrait réaliser 5*3*4*2 = 120 tests différents. Si le temps passé pour faire
fonctionner le test prend une demi-heure (temps tout à fait réaliste au vu des
contraintes techniques d’exécution ou d’analyse des scripts générés), il nous
faudra passer 60 heures pour tester ce composant !
Afin de réduire ce coût, une première solution est d’adopter la stratégie dite
all-singles. Celle-ci consiste à construire des jeux de tests couvrant au moins
chaque possibilité pour chaque paramètre ; ici, il faudra que les jeux de tests
couvrent au moins une fois chacun des systèmes client, chacun des
navigateurs, chacun des types de fichiers multimédias, et chaque type de
connexion. Par exemple, les deux configurations :

(« Windows Me », « Netscape », « avi », « sécurisée »)


(« Mac Os X », « Netscape », « mp3 », « non sécurisée »)

couvrent deux types de systèmes, un type de navigateurs, deux types de


fichiers et tous les modes de connexion possible.
De façon générale, pour couvrir au moins une fois chaque valeur de chaque
paramètre, il nous faut au moins N1 jeux de valeurs où N1 est le cardinal du
plus grand ensemble de valeurs ; ici N1 vaut 5 et correspond au cardinal de
l’ensemble des systèmes possibles. Pour couvrir les valeurs des autres
paramètres il suffit d’énumérer ces valeurs dans les jeux de tests construits.
Ainsi, dans notre exemple, on construit cinq jeux de tests :
(« Windows Me », ?, ?, ?)
(« Vista », ?, ?, ?)
(« Linux », ?, ?, ?)
(« Solaris », ?, ?, ?)
(« Mac Os X », ?, ?, ?)

puis, on complète en énumérant les valeurs possibles du second paramètre


(en répétant si nécessaire plusieurs fois la même valeur) :
(« Windows Me », « Internet Explorer », ?, ?)
(« Vista », « Netscape », ?, ?)
(« Linux », « FireFox », ?, ?)
(« Solaris », « Netscape », ?, ?)
(« Mac Os X », « FireFox », ?, ?)
et ainsi de suite jusqu’à obtenir un ensemble de jeux de tests respectant le
critère all singles ; lorsque le testeur a le choix entre deux valeurs, il prend
celle qui lui semble la plus représentative des cas d’utilisation réels du
composant. Dans notre exemple, il est plus probable d’associer le navigateur
« Internet Explorer » à un système « Windows » plutôt qu’à un système Unix.
Les cinq jeux de valeurs suivants satisfont au critère « all single ».
(« Windows Me », « Internet Explorer », « jpeg », « sécurisée »)
(« Vista », « Netscape », « avi », « non sécurisée »)
(« Linux », « FireFox », « mp3 », « sécurisée »)
(« Solaris », « Netscape », « mp3 », « sécurisée »)
(« Mac Os X », « FireFox », « avi », « non sécurisée »)

Cette technique permet de réduire très fortement le nombre de jeux de tests à


considérer tout en maintenant une certaine qualité : toute valeur d’un
paramètre est testée au moins une fois ; un oubli de réalisation ou une grosse
erreur seront ainsi facilement détectés.
Néanmoins, dès que les erreurs dépendront d’une association particulière de
paramètres, ce genre de stratégie ne marchera pas mieux qu’une stratégie
purement basée sur le hasard (avec des efforts de réflexion et de construction
en plus !). Dans notre exemple, il est clair que les erreurs subtiles
concerneront plutôt l’utilisation d’un navigateur donné avec un type de
fichier ou l’association d’un type de données avec un système ou encore
l’association d’un navigateur avec un mode de connexion donné.
Si l’on veut obtenir la garantie de tester toutes ces possibilités sans retomber
dans l’énumération totale des valeurs possibles en entrée, il nous faut utiliser
une stratégie intermédiaire, comme la stratégie dite « all pairs ».
Cette stratégie vise à construire des jeux de tests de telle sorte que toutes les
paires de possibilités soient couvertes au moins par un jeu de tests. Dans
notre exemple, il faudra que tous les couples (système/navigateurs),
(système/type de fichiers) et (navigateur/type de fichiers) apparaissent au
moins une fois dans les jeux de tests.
Différentes approches sont possibles pour construire ces jeux de tests. Nous
en proposons une ici fort simple. Pour cela, on commence par ordonner en
ordre décroissant les variables par rapport à leur nombre de valeurs possibles.
Notons V1 et V2 le nombre respectif de valeurs possibles pour les deux
premières variables. Dans notre exemple, cela donne Système (5 valeurs),
Données (4 valeurs), Navigateur (3 valeurs) et enfin Connexion (2 valeurs).
On construit alors une table avec une colonne par variable et au moins
V1*V2 lignes (ici cela donne 5*4 = 20 lignes).
Sur les V2 premières lignes, on met la première valeur de la première
variable, puis une ligne blanche (qui sert uniquement à aérer le tableau), puis
la seconde valeur de la première variable sur V2 lignes, une ligne blanche et
ainsi de suite. On a ainsi rempli la première colonne.
Pour la seconde colonne, on alterne successivement les V2 valeurs de la
seconde variable (en passant la ligne blanche). On a ainsi, par ligne, toutes les
paires des deux premières variables.
À la fin de cette étape, l’ensemble des lignes correspond aux jeux de valeurs
de test nécessaires pour tester tous les couples des deux premiers paramètres.
Pour les autres colonnes, on alterne les différentes valeurs des autres
variables en faisant en sorte de construire des paires avec les autres colonnes.
La seule précaution à prendre est de rompre des cycles lorsque le cardinal
d’une colonne est multiple du cardinal d’une autre colonne. Par exemple, le
nombre de connexions étant de deux, un cycle peut se produire avec la
colonne correspondant au type de fichiers et, sans précaution, on risquerait de
ne pas tester tous les couples (fichier, connexion).
Une fois la table construite, l’ensemble des lignes définit un ensemble de jeux
de tests couvrant toutes les associations par paires possibles. On obtient donc
une très bonne qualité de jeux de tests avec une combinatoire moindre. Dans
notre exemple, le nombre de jeux de tests a été divisé par 6 ! On remarquera
que l’ajout d’un paramètre supplémentaire (dont le nombre de valeurs
possibles reste plus petit que le cardinal des deux premiers paramètres) ne
nécessite que l’ajout d’une colonne et ne remet pas en cause le travail déjà
effectué. Ceci permet de construire des stratégies de test incrémentales, en ne
considérant pas d’emblée l’ensemble des paramètres, et de suivre ainsi le
développement incrémental d’un composant que l’on construit petit à petit en
intégrant de plus en plus de détails.

Tab. 4.1 Exemple de table all pairs


Type de
Système Navigateur Connexion
fichiers

Windows Internet
Jpeg sécurisée
Me Explorer
Windows
Avi Netscape non sécurisée
Me
Windows
Wave FireFox sécurisée
Me
Windows Internet
Mp3 non sécurisée
Me Explorer

VISTA Jpeg Netscape non sécurisée


VISTA Avi FireFox sécurisée
Internet
VISTA Wave non sécurisée
Explorer
VISTA Mp3 Netscape sécurisée

Linux Jpeg Netscape non sécurisée


Linux Avi FireFox sécurisée
Internet
Linux Wave non sécurisée
Explorer
Linux Mp3 Netscape sécurisée

Mac Os
Jpeg FireFox sécurisée
X
Mac Os Internet
Avi non sécurisée
X Explorer
Mac Os
Wave Netscape sécurisée
X
Mac Os
Mp3 FireFox non sécurisée
X

Internet
Solaris Jpeg non sécurisée
Explorer
Solaris Avi Netscape sécurisée
Solaris Wave FireFox non sécurisée
Internet
Solaris Mp3 sécurisée
Explorer

Une fois la table construite, le testeur peut supprimer des cas impossibles
(sauf s’il souhaite vérifier le comportement du composant dans le traitement
des cas impossibles). Il peut, bien entendu, également ajouter des tests qui lui
sembleraient manquer : la méthode ne se substitue jamais à l’intelligence du
testeur qui doit se souvenir que le problème est difficile et que son expertise
et son expérience peuvent permettre, mieux que toute méthode, de trouver
des jeux de tests plus pertinents.

4.1.3. Commentaires
Cette technique est très efficace, simple à mettre en œuvre et produit des
documents de test facilement réutilisables. De plus, elle peut être utilisée à
travers d’autres méthodes pour générer des jeux de valeurs à partir de cas de
test. Malheureusement elle ne peut pas s’appliquer à tout type de composant
logiciel. En effet, la plupart des paramètres prennent leurs valeurs dans des
ensembles de cardinal très élevé (de l’ordre de 2n, où n est la taille en bits de
la représentation binaire des valeurs). Le nombre de cas de test étant
dépendant de ces cardinaux, cette méthode ne pourra pas être appliquée
directement. Il faut donc trouver d’autres stratégies ; c’est l’objet des sections
suivantes.

4.2. Tester grâce aux classes d’équivalence


4.2.1. Principes
Lorsqu’il est physiquement impossible d’énumérer l’ensemble des
combinaisons possibles des valeurs des paramètres du composant à tester, cas
le plus fréquent, une façon de procéder est alors de se fier au hasard et de
générer aléatoirement un ensemble de valeurs compatibles avec les valeurs
attendues. Par exemple, si le composant à tester prend deux entiers positifs en
paramètres, on générera un ensemble de couples de valeurs positives à l’aide
d’un générateur aléatoire. Cette approche, simple à mettre en œuvre, peut se
révéler être peu efficace dans le sens où il est fort probable que des valeurs,
bien que différentes, exercent le composant de la même façon sur toute une
plage de données.
Cependant, afin d’optimiser la qualité des jeux de données des tests il est
pertinent d’analyser plus en détail les spécifications du logiciel et d’essayer
de déterminer ces plages de valeurs sur lesquelles le composant se comporte
identiquement. On se ramène alors, de façon implicite, à des paramètres
prenant des valeurs dans des ensembles petits (les classes d’équivalence).
Par définition, dans le contexte des tests Boîte noire ou « fonctionnel », une
classe d’équivalence est un ensemble de valeurs pour lesquelles on ne peut
distinguer le comportement du logiciel. En d’autres termes, quelle que soit la
valeur choisie dans une classe d’équivalence, le logiciel aura le même
comportement. Ce comportement sera par ailleurs soit correct soit incorrect.
Cette hypothèse de comportement identique pour toutes les valeurs d’une
classe d’équivalence permet de réduire drastiquement le nombre de valeurs à
utiliser : une seule valeur est suffisante par classe d’équivalence. Si cette
valeur ne conduit pas à une exécution incorrecte, alors il en est de même pour
toutes les valeurs de la classe. Si au contraire, une erreur de comportement
doit survenir, n’importe quelle valeur permettra de la mettre à jour.
Il faut prendre garde à ne pas confondre comportement incorrect et valeur
incorrecte. En effet, le logiciel peut refuser certaines valeurs qui seront des
entrées invalides et avoir un comportement correct (généralement lever une
exception ou renvoyer une valeur prédéterminée en erreur) ou avoir un
comportement incorrect (ne pas se rendre compte que la valeur est invalide).
De même, pour une valeur valide le composant peut avoir un comportement
correct (il fait ce que l’on attend de lui) ou incorrect (il contient un défaut).
Afin de mettre en place cette stratégie de test, on essaie tout d’abord de
reconnaître à l’aide des spécifications les classes d’équivalence valides, et les
classes d’équivalence invalides. Quand les données en entrées ne sont pas
liées entre elles, on peut ainsi facilement partitionner les domaines des
valeurs en classes d’équivalence valides et invalides. C’est le cas par exemple
si l’on doit tester une fonction qui calcule le nombre d’habitants d’un
département français de métropole. Rien ne permet a priori de supposer que
le logiciel ait un comportement différent pour une valeur de département
donnée. Il y a donc une seule classe d’équivalence valide : les numéros de
département compris entre 1 et 95. Par contre on aura deux classes de
données invalides : les numéros plus petits que 1 et les numéros plus grands
que 95. Il est important de distinguer ces deux classes car le logiciel peut
avoir été codé de telle sorte que les deux cas ne soient pas traités de la même
façon (oubli par exemple de traiter un cas d’invalidité, mais prise en compte
correcte des autres cas d’invalidité).
Le graphisme suivant illustre le partitionnement d’un domaine en classes
d’équivalence, avec les points marqués d’une croix représentant des données
invalides.

Fig. 4.1 Partitionnement d’un domaine de valeurs

Dans le cas où les variables d’entrées sont liées entre elles, les classes
d’équivalence peuvent également être construites, mais il sera plus difficile
d’obtenir une réelle partition du domaine d’entrée ; certaines valeurs pourront
appartenir à plusieurs classes d’équivalences. Cela n’a pas de réelles
conséquences si ce n’est peut-être de générer plus de cas de tests que
nécessaire.

4.2.2. Utilisation des classes d’équivalence


Une fois le domaine partitionné en classes d’équivalence, le testeur va choisir
un ensemble de valeurs de telle sorte que les jeux de tests couvrent toutes les
classes valides (une valeur peut couvrir plusieurs classes) et qu’il y ait une
valeur par classe invalide (une valeur ne couvre qu’une seule classe de sorte
qu'on distingue bien ces classes). Si la partition n’est pas exacte, certaines
valeurs couvriront plusieurs classes comme sur la figure suivante
(figure 4.2) ; comme dit plus haut, c’est fréquemment le cas lorsque les
données en entrées sont liées entre elles (on verra plus tard un exemple de
fonction manipulant des dates).

Fig. 4.2 Couvertures des classes d’équivalence

Une fois les classes d’équivalence construites, on est ramené au problème


précédant : trouver des jeux de valeurs pertinents lorsque les paramètres
prennent un petit nombre de valeurs différentes (ici les valeurs sont
assimilées aux classes d’équivalence) ; la stratégie all pairs peut donc de
nouveau être utilisée avec profit. Dans le cas fréquent où le domaine valide
est constitué d’une seule classe, le problème est même trivial puisqu’il n’y a
qu’un choix possible ! C’est ainsi que l’utilisation des classes d’équivalence
pour notre exemple de composant manipulant un numéro de département
conduira à ne générer que trois jeux de tests : un pour l’entrée valide et un par
entrée invalide (numéro plus petit que 1 et numéro plus grand que 95). Les
valeurs prises dans les classes d’équivalence peuvent être quelconques. On
préfère néanmoins prendre, soit des valeurs extrêmes (voir la section
consacrée aux tests aux limites) soit, comme ici, des valeurs médianes.

Tab. 4.2 Partitions et choix de valeurs


Validité des entrées Classes d’équivalence Données de test
Entrées valides [ 1 – 95 ] 11
Entrées invalides [ minInt – 1 [ -30
Entrées invalides ] 95 – MaxInt ] 100

La validité de cette stratégie de génération de jeux de tests repose sur


l’hypothèse initiale : toutes les valeurs d’une classe donnée conduisent au
même comportement du logiciel. Il suffit donc d’une seule valeur pour tester
toutes les valeurs de la classe. Bien entendu, la pertinence de cette méthode
dépend principalement du choix des classes d’équivalence et donc,
implicitement, de la qualité des spécifications qui permettent ou non de
dégager clairement un ensemble de valeurs pour lesquelles le logiciel doit
exhiber un comportement prévisible et identique sur toute la plage. Pour le
cas des classes valides, il n’y a généralement pas trop de problème. Les
problèmes concernent plutôt le manque fréquent de définition du
comportement sur les classes invalides. Le testeur peut donc avoir, par
l’utilisation de cette méthode, un rôle d’amélioration des spécifications en
faisant préciser des comportements.
Cette méthode est ancienne et le temps a dégagé des bonnes pratiques
concernant la construction de ces classes d’équivalence. Nous donnons ici les
heuristiques communément employées pour construire les classes
d’équivalence.

4.2.3. Construction des classes d’équivalence


En pratique, la construction des classes d’équivalence est uniquement basée
sur des heuristiques que nous rappelons ici :

1. Si une condition d’entrée ou une condition de sortie définit un intervalle


de valeurs (par exemple le numéro de département est compris entre 1 et
95) prendre :
une classe d’équivalence valide (la valeur est dans l’intervalle) ;
deux classes d’équivalence invalides (une à chaque bout de
l’intervalle).
Si une condition d’entrée ou une condition de sortie définit N valeurs
2. (comme par exemple un tableau) prendre :
une classe d’équivalence valide représentant les éléments à
exactement N valeurs ;
deux classes d’équivalence invalides : un représentant les éléments
à moins de N valeurs et un représentant les éléments à plus de N
valeurs.
3. Si une condition d’entrée ou de sortie définit un ensemble de valeurs
(par exemple une énumération de valeurs) prendre :
une classe d’équivalence valide représentant les valeurs dans
l’ensemble prédéfini ou bien une classe d’équivalence par valeur si
le programme semble les différencier ;
une classe d’équivalence invalide représentant les valeurs hors de
l’ensemble (lorsque cela n’est pas rendu impossible par un langage
fortement typé).
4. Si une condition d’entrée ou de sortie définit une contrainte devant être
vérifiée (par exemple le premier caractère de l’identifiant doit être une
lettre) prendre :
une classe d’équivalence valide (la condition est vérifiée) ;
une classe d’équivalence invalide (la condition n’est pas vérifiée).
5. Si une classe d’équivalence semble trop complexe ou si la classe
d’équivalence semble posséder des éléments traités différemment par le
programme :
Décomposer cette classe d’équivalence complexe en deux ou
plusieurs classes d’équivalence moins complexes.

On notera que les règles 4) et 5) sont des règles très générales et peuvent se
substituer à toutes les autres. On notera également que le fort typage des
langages modernes peut interdire certains choix ; par exemple, une fois un
type énuméré défini, il est impossible en Ada ou en Java de prendre une
valeur autre que celles permises par la définition du type.

4.2.4. Illustration
Supposons que l’on ait à tester une fonction Lendemain qui calcule le
lendemain d’une date passée en paramètre et définie par trois entiers : Jour,
Mois, et Année. On considère (arbitrairement) que l’année doit être plus
grande que 1582 (année de mise en place du calendrier Grégorien en France)
et plus petite que 3000. On doit prendre en compte les années bissextiles. La
définition d’une année bissextile est « Toutes les années dont le millésime est
divisible par quatre sont des années bissextiles, sauf les années séculaires
dont le millésime n’est pas divisible par quatre cents. Le nombre de jours du
mois de février des années bissextiles compte vingt-neuf jours »[1]. L’année
1700, qui est bissextile en France, ne l’est pas forcément partout car le
calendrier Grégorien ne s’est mis que progressivement en place à travers le
monde (par exemple en 1752 au Royaume-Uni et dans ses colonies sur la
côte est de l’Amérique du Nord, et de l’actuel nord-ouest des États-Unis).
Construisons maintenant des jeux de tests pour la fonction Lendemain en
utilisant la technique des classes d’équivalence. Pour cela on commence par
prendre en compte les contraintes élémentaires sur les paramètres en entrées.
Puis on affinera ces contraintes pour enfin prendre en compte les contraintes
liant les entrées et les sorties.

Tab. 4.3 Premier partitionnement


Classes d’équivalences valides Classes d’équivalences invalides
Jour < 1
Jour ∈ [1, 31]
Jour > 31
Mois < 1
Mois ∈ [1, 12]
Mois > 12
Année < 1582
Année ∈ [1582, 3000]
Année > 3000

Après ce premier partitionnement élémentaire, on applique la règle générale


qui stipule qu’une classe complexe pouvant faire apparaître des
comportements distincts doit être fractionnée en classes plus petites. Ainsi, il
paraît utile de distinguer les mois à 30 jours des mois à 31 jours et mettre à
part le mois de février. De même, nous pouvons penser que le traitement des
années bissextiles n’est pas le même que celui des années non bissextiles et
que l’an 2000 est un cas particulier intéressant à différencier. La séparation
des classes n’entraîne pas nécessairement la création de nouvelles classes
invalides car celles-ci coïncident avec des classes existantes (par exemple, un
mois qui n’est pas un mois à 30 jours, sera soit un mois à 31 jours soit le mois
de février soit un mois invalide déjà pris en compte).

Tab. 4.4 On affine les partitions


Classes d’équivalences valides
Jour ∈ [1, 31]
Mois ∈ {1, 3, 5, 7, 8, 10, 12}
Mois ∈ [1, 12] Mois ∈ {4, 6, 9, 11}
Mois = 2
Année bissextile dans l’intervalle [1582,
3000]
Année ∈ [1582,
Année non bissextile dans l’intervalle
3000]
[1582, 3000]
Année = 2000

On remarque sur cet exemple qu’à moins de compliquer la définition des


classes, certaines valeurs peuvent apparaître dans deux classes ; par exemple
la valeur d’année 2000 appartient à deux classes.
Si l’on s’arrête ici, nous avons bien pris en compte les contraintes sur les
paramètres en entrée, mais nous n’avons pas inclus les contraintes liant les
entrées et les sorties (et donc l’aspect fonctionnel du composant). Il s’agit en
effet ici de tester une fonction qui calcule la date du lendemain et donc, les
valeurs d’entrée caractérisant une fin de mois ou une fin d’année donneront
des valeurs de sortie particulières (début de mois ou début d’année). Il est
donc intéressant d’intégrer ces contraintes et, en partitionnant des classes
existantes, de faire apparaître de nouvelles classes d’équivalence valides
(valeur de Jour correspondant à une fin de mois, ou valeur de Mois
correspondant à une fin d’année).

Tab. 4.5 On affine de nouveau les partitions


Classes d’équivalences valides
Jour ∈ [1, 28]
Jour ∈ Jour = 29
[1, 31] Jour = 30
Jour = 31
Mois ∈ {1, 3, 5, Mois ∈ {1, 3, 5, 7, 8, 10}
Mois ∈ 7, 8, 10, 12} Mois = 12
[1, 12] Mois ∈ {4, 6, 9, 11}
Mois = 2
Année bissextile dans
l’intervalle [1582, 3000]
Année ∈ [1582, 3000] Année non bissextile dans
l’intervalle [1582, 3000]
Année = 2000

Nous avons ainsi quatre classes d’équivalence valides pour les jours, quatre
pour les mois et trois pour les années. Nous avons deux classes d’équivalence
invalides pour les jours, deux pour les mois et deux également pour les
années.
Du fait que les paramètres en entrée sont liés, certaines combinaisons de
valeurs valides conduisent à des entrées invalides ; par exemple, le 29 février
2004 ou le 31 avril 1997 sont deux dates invalides alors que chaque valeur
composant la date prise individuellement est valide. Les spécifications
permettent ici de détecter ce problème très facilement ; ce n’est pas toujours
le cas.
Nous pouvons maintenant générer les jeux de tests. Si l’on se contente du
critère « All Singles », quatre valeurs de test permettent de tester toutes les
classes valides (tableau 4.6).

Tab. 4.6 Premiers jeux de tests pour la fonction Lendemain


Jeux de Résultat Classes d’équivalences
valeurs attendu couvertes
Jour ∈ [1, 28]
(14, 7, 2008) (15, 7, 2008) Mois ∈{1, 3, 5, 7, 8, 10}
Année bissextile
Jour = 29
(29, 12, (30, 12,
1997) 1997) Mois = 12,
Année non bissextile
Jour = 30
(30, 4, 2000) (31, 4, 2000) Mois ∈ {4, 6, 9, 11}
Année = 2000
Jour = 30
(31, 12,
(1, 1, 2000) Mois = 12
1999)
Année non bissextile

À cela, il faut ajouter des jeux de tests correspondant aux classes invalides ;
on prend garde ici à ne couvrir qu’une seule classe invalide à la fois afin de
bien tester individuellement l’effet de l’entrée invalide.

Tab. 4.7 Prise en compte des classes invalides


Jeux de Classes d’équivalences
valeurs couvertes
(-10, 2,
Jour < 1
2000)
(33, 12,
Jour > 31
2001)
(2, 0, 1999) Mois < 1
(3, 14, 1997) Mois > 12
(1, 1, 1500) Année < 1582
(1, 1, 4000) Année > 3000

Si l’on veut tester plus à fond la fonction Lendemain, le testeur peut choisir la
stratégie all pairs pour générer les jeux de valeurs de test. Cela conduit à
générer 4*4 = 16 jeux de valeurs distincts (tableau 4.8).

Tab. 4.8 Jeux de tests selon le critère all pairs pour la fonction Lendemain
Classes Classes Classes
Jeux de
d’équivalence d’équivalence d’équivalence
valeur
« Jour » « Mois » « Année »
Jour ∈ [1, 28] Mois ∈ {1, 3, 5, Année bissextile (14, 5,
7, 8, 10} 2004)
Année non (29, 12,
Jour = 29 Mois = 12
bissextile 1999)
Mois ∈ {4, 6, 9, (30, 6,
Jour = 30 Année = 2000
11} 2000)
(31, 2,
Jour = 31 Mois = 2 Année bissextile
1916)

Année non (15, 2,


Jour ∈ [1, 28] Mois = 2
bissextile 1789)
Mois ∈ {1, 3, 5, (29, 12,
Jour = 29 Année = 2000
7, 8, 10} 2000)
(30, 12,
Jour = 30 Mois = 12 Année bissextile
1992)
Mois ∈ {4, 6, 9, Année non (31, 9,
Jour = 31
11} bissextile 1995)

Mois ∈ {4, 6, 9, (7, 11,


Jour ∈ [1, 28] Année = 2000
11} 2000)
(29, 2,
Jour = 29 Mois = 2 Année bissextile
1964)
Mois ∈ {1, 3, 5, Année non (30, 7,
Jour = 30
7, 8, 10} bissextile 1903)
(31, 12,
Jour = 31 Mois = 12 Année 2000
2000)

(8, 12,
Jour ∈ [1, 28] Mois = 12 Année bissextile
1888)
Mois ∈ {4, 6, 9, Année non (29, 9,
Jour = 29
11} bissextile 1805)
(30, 2,
Jour = 30 Mois = 2 Année = 2000
2000)
Mois ∈ {1, 3, 5, (31, 3,
Jour = 31 Année bissextile
7, 8, 10} 2012)
À ces jeux de tests, il convient d’ajouter ceux du tableau concernant la prise
en compte des classes invalides. On obtient alors une qualité des jeux de tests
qui laisse peu d’espoir à une erreur de rester inaperçue ! On remarquera que
le jeu de tests correspondant au calcul du lendemain du 31 décembre 2000 est
bien construit par cette méthode, mais qu’il faudrait rajouter manuellement le
test du lendemain des 28 et 29 février 2000.

4.2.5. Commentaires
Cette stratégie de construction de jeux de tests est un des piliers de toute
méthode visant à rendre praticable le test de logiciels réels. L’effort à fournir
est un effort d’abstraction et d’analyse des spécifications. Cet effort permet
donc à la fois de rendre plus efficaces les tests, dans le sens où il permettra de
considérer un seul cas là où, sans cette abstraction, plusieurs cas équivalents
auraient été produits mais, de plus, il permet de détecter un certain nombre
d’incohérences ou d’oublis au niveau des spécifications en portant sur celles-
ci un regard différent de celui du programmeur ou de l’utilisateur.

4.3. Tester aux limites


4.3.1. Principes
Le fonctionnement d’un logiciel fait apparaître un mode nominal pour lequel
le risque d’erreur est faible. D’expérience, lorsque l’on demande à des élèves
de coder la fonction Lendemain, très peu commettront des erreurs sur le
calcul concernant les dates « nominales » comme le 3 mars 2007 ou le
10 janvier 1876. Par contre, sur des dates plus « atypiques » comme le
28 février 2007 ou le 31 janvier 1775 ou encore le 31 décembre 2004, les
erreurs de programmation ou d’interprétation des spécifications seront plus
nombreuses : oubli ou mauvaise prise en compte des fins de mois, des fins
d’année ou encore erreur ou oubli sur le calcul des années bissextiles. À
chaque fois il s’agit de valeurs qui correspondent à des limites sur les valeurs
possibles : dernier jour possible d’un mois, dernier numéro de mois, année
bissextile ou « presque » bissextile (année 2000).
Ce type d’erreur est fréquent et ce qui vaut pour des élèves est également
valable pour des programmeurs plus confirmés mais qui auront mal compris
les spécifications du problème ou sous-estimé ses difficultés potentielles de
réalisation.
Le test aux limites consiste à choisir des valeurs qui sont aux frontières des
domaines de fonctionnement du logiciel. On s’appuiera généralement sur le
partitionnement des domaines de définitions des valeurs en entrée et en
sortie, mais au lieu de choisir uniquement des valeurs aléatoires au milieu des
domaines, on ajoutera systématiquement des valeurs au bord de ces
domaines. On prendra garde par contre, à rester dans le domaine afin de
pouvoir prédire le résultat attendu.
Comme pour le test basé sur les partitions d’équivalence, le test aux limites
peut s’appliquer à différents niveaux dans le cycle de vie du logiciel :
tests unitaires ;
test système (contraintes de performance) ;
tests d’acceptation.

Le plus classique est néanmoins d’utiliser la technique des tests aux limites
lors des tests unitaires en Boîte noire comme complément du test par
partitionnement. Dans ce cas, les frontières se définissent grâce aux domaines
obtenus lors du calcul des classes d’équivalence :
par la spécification des variables d’entrée,
par la spécification des résultats.

Certaines données se prêtent naturellement à la définition de limites ; ce sont


les valeurs numériques ou les valeurs de types énumérées. Pour d’autres
types de données il faut par contre se procurer une « mesure » numérique :
Pour les tableaux, les listes ou plus généralement les collections d’éléments,
la mesure sera le cardinal de cet ensemble ; les extrêmes seront alors
« tableau vide », « tableau plein », « liste vide », etc.
Pour les valeurs alphanumériques, on pourra utiliser une mesure basée sur
l’ordre lexicographique : ainsi, une valeur très proche de « oui » pourra être
« ouii » ou « poui » ou encore « Oui ».
L’utilisation de la technique des tests aux limites peut donc se résumer à : 1)
calculer les classes d’équivalence comme précédemment puis, 2) pour chaque
classe d’équivalence générer une valeur médiane et une ou plusieurs valeurs
aux bornes (en utilisant la mesure associée à la donnée si nécessaire).
Reprenons l’exemple d’une fonction qui attend en entrée un numéro de
département (en métropole), la donnée d’entrée doit être comprise entre 1 et
95. Le partitionnement conduit de nouveau à une classe valide et deux classes
invalides ; le test aux limites va sélectionner des valeurs au centre de
l’intervalle mais aussi au bord de l’intervalle (ici 1 et 95 pour la classe
valide). Une plus large couverture peut être obtenue en sélectionnant
plusieurs valeurs au bord, ce qui revient de façon imagée à « épaissir » le
bord de l’intervalle.

Tab. 4.9 Test aux limites d’une fonction manipulant des numéros de départements

Classes Représentants Large


Validité
d’équivalence avec limites couverture

1, 2, 48, 94,
Entrées valides [ 1 – 95 ] 1, 48, 95
95

Entrées invalides [ minInt – 1 [ -3000, 0 -3000, -1, 0

Entrées invalides ] 95 – MaxInt ] 96, 1000 96, 97, 1000

Cette technique peut également être employée sur des composants dont les
entrées ne sont pas des valeurs numériques. Par exemple, une fonction qui
attend « oui » ou « non » pourra être testée de la façon suivante :

Tab. 4.10 Test aux limites d’une fonction qui attend « oui » ou « non »

Classes
Validité Représentants avec limites
d’équivalence

Entrées valides {« oui »} « oui »

Entrées valides {« non »} « non »

Autre chaîne
Entrées « hello word » « » « ouii »
invalides « mon »

4.3.2. Prise en compte de contraintes liant les


paramètres
Il se peut que les variables en entrées soient liées par des contraintes plus
sophistiquées que « telle variable est dans tel intervalle ». Par exemple un
composant à deux paramètres X et Y peut avoir la contrainte que X et Y
vérifient (Y < 0) ET (X − Y > 0) ET (3X + Y − 15 < 0). La figure 4.3 donne
une représentation géométrique de ce système de contraintes (avec la zone
hachurée représentant la frontière interne au domaine valide) :

Fig. 4.3 Représentation géométrique d’un système de contraintes linéaires

Ce genre d’information est précieux pour le testeur mais comment l’utiliser


astucieusement ? En effet, si l’on considère K contraintes linéaires portant sur
N variables entières, le nombre de valeurs aux limites est de l’ordre de 2N. Un
traitement automatique basé sur l’utilisation de librairies mathématiques est
possible, mais risque de générer un nombre de cas de tests trop important
pour une utilisation réelle.
Une stratégie simple permet d’utiliser ce type d’information pour générer des
valeurs aux limites sans tomber dans une énumération laborieuse, il s’agit de
la stratégie « Chaque condition - Toutes conditions ».
En pratique on distingue deux formes de contraintes (même si on peut passer
d’une forme à l’autre par réécriture) :

Celles qui sont sous une forme normale disjonctive (disjonction de


prédicats élémentaires) ; par exemple (X > 0) OU (Y > X) OU (Y > 0).
Celles qui sont sous une forme normale conjonctive (conjonction de
prédicats élémentaires) ; par exemple (Y < 0) ET (X-Y > 0) ET (3X
+ Y-15 < 0).

Si les contraintes ne sont pas sous l’une des deux formes, l’on s’y ramène en
utilisant la théorie du calcul des propositions qui permet de réécrire une
formule telle que (A OU B) ET C en une forme normale disjonctive (A ET C)
OU (B et C).
Les valeurs aux limites générées dépendent de la forme de la contrainte :
Si la condition est une conjonction (ET) de M prédicats booléens :
Choisir un cas où tous les prédicats sont « justes » Vrai ; c’est la
partie « Toutes les conditions » ; dans ce cas, l’expression vaut Vrai
et la valeur attendue correspond à un calcul à partir d’entrées
valides ;
Choisir M cas avec pour chacun un seul des prédicats « juste »
Faux ; c’est la partie « Chaque condition » ; dans ce cas,
l’expression vaut Faux et la valeur attendue correspond au
traitement d’une entrée invalide.
Si la condition est une disjonction (OU) de M conditions booléennes :
Choisir un cas où tous les prédicats sont « justes » Faux ;
Choisir M cas, avec pour chacun, un seul des prédicats « juste »
Vrai.

Par exemple, pour la contrainte (Y < 0) ET (X-Y > 0) ET (3X + Y − 15 < 0)


qui est sous forme normale conjonctive, on prend :
Un cas où les trois prédicats sont (juste) Vrai ; i.e. (X = 0, Y =-1)
Trois cas où, un seul des prédicats est (juste) à Faux :
(Y < 0) Faux et les autres à Vrai : (X = 2, Y = 1) ;
(X-Y > 0) Faux et les autres à Vrai : (X =-2, Y = 1) ;
(3X + Y-15) Faux et les autres à Vrai : (X = 6, Y =-1) ;

Le terme « juste » doit se comprendre par le fait qu’une légère variation de la


valeur du paramètre inverse la valeur de vérité du prédicat ou de l’expression.

Fig. 4.4 Points extrêmes

Si le testeur souhaite rester dans les domaines valides, il ne se limitera qu’aux


valeurs rendant les prédicats vrais. Enfin, une fois les valeurs limites
générées, il faut également produire également des valeurs « médianes » afin
de couvrir correctement les classes d’équivalence.

4.3.3. Illustration
Reprenons la fonction Lendemain. Le tableau 4.11 donne, pour chaque classe
d’équivalence du problème, les valeurs limites pouvant être utilisées. Il est
clair que lorsque la classe est réduite à un élément, il n’y a guère de choix sur
les valeurs possibles.

Tab. 4.11 Valeurs limites possibles pour les classes d’équivalence de la fonction
Lendemain
Valeurs
Classe
limites Remarque
d’équivalence
possibles
Jour ∈ [1, 28] 1 et 28 Bords de l’intervalle

1 ou 10
Mois ∈ {1, 3, 5, 7, Première ou dernière valeur de
8, 10} l’énumération
Mois ∈ {4, 6, 9, Même remarque que
4 ou 6
11} précédemment
1600, 2400, Années « juste » bissextiles
Année bissextile
2000 (quatre centenaires)
Années « juste » non bissextiles
Année non 1582, 1700, (centenaires) ou limite de
bissextile 3000 l’intervalle des valeurs possibles
(1582 à 3000)

En ne considérant que les cas valides, et en supprimant les lignes


correspondant à des valeurs non limites comme le (29,12,XX) ou (29,6,XX)
les jeux de valeurs pouvant être générés en complément des jeux de valeurs
précédent (tableau 4.8) sont donnés tableau 4.12. Il ne s’agit là que d’un
complément, bon nombre de valeurs aux limites ayant déjà été construites à
l’étape précédente.

Tab. 4.12 Compléments de valeurs aux limites pour la fonction Lendemain


Classes Classes Classes Jeux de
d’équivalence d’équivalence d’équivalence valeurs
« Jour » « Mois » « Année » aux limites
Mois ∈ {1, 3, Année (1, 1, 2400)
Jour ∈ [1, 28]
5, 7, 8, 10} bissextile (28, 10, 1600)
Année non
Jour ∈ [1, 28] Mois = 2 (28, 2, 1700)
bissextile
(29, 2, 1600)
Année
Jour = 29 Mois = 2 (29, 2, 2400)
bissextile
(29, 2, 2000)
Jour = 31 Mois = 12 Année 2000 (31, 12, 2000)
Mois ∈ {1, 3, Année (31, 3, 1600)
Jour = 31
5, 7, 8, 10} bissextile (31, 12, 3000)

4.3.4. Commentaires
Le test aux limites améliore le test par partitionnement, mais ne le remplace
pas ; en effet, la construction des frontières, opération parfois complexe, est
généralement déduite d’une analyse préalable des partitions liées aux
domaines de définitions des paramètres.
On notera que le test aux limites permet de détecter simplement et
efficacement certains types d’erreurs de réalisation :
Mauvais opérateur de relation : X > 2 au lieu de X > = 2
Erreur de borne : X +2 = y au lieu de X +3 = y
Échange de paramètres : 2x + 3y > 4 au lieu de 3x + 2y > 4
Ajout d’un prédicat qui ferme un ensemble : (2x > 4) et (3x < 6)
Frontière manquante : (x + y > 0) ou (x + y < = 0)
Boucles mal réglées, mauvaise gestion des indices de tableau, etc.

Enfin, on notera également qu’une automatisation poussée peut être atteinte


aussi bien dans le cadre de tests structurels que de tests fonctionnels

4.4. Tester grâce à une table de décision


4.4.1. Principes
Le comportement d’un logiciel peut être décrit par les actions qu’il effectue :
par exemple, écrire un message à l’écran, provoquer la mise en route d’une
alarme, terminer un calcul et lancer une impression, etc. L’occurrence de ces
actions est dépendante de plusieurs éléments : l’algorithmique mise en œuvre,
la qualité de la réalisation et les valeurs d’entrée fournies au logiciel. Selon
certaines conditions portant sur ces entrées, certaines actions seront observées
ou non. Dans de nombreux cas, l’ordre dans lequel les valeurs sont présentées
au composant n’influe pas sur ses actions (le composant peut être alors
qualifié de « sans état »). Dans ces cas, une table de décision sera un moyen
simple et concis de représenter le lien existant entre une condition portant sur
les variables d’entrées et une action visible.

4.4.2. Format d’une table de décision


Une table de décisions comportera une ligne par condition et une ligne par
action. Chacune des colonnes de cette table décrira une valeur pour les
conditions et une indication pour chacune des actions : action observée ou
non observée lorsque les conditions de la colonne correspondante sont
vérifiées. Par exemple, sur la figure suivante, l’action « Action2 » devra être
observée lorsque la condition « C1 » prend la valeur V1 et la condition
« C2 » prend la valeur V2.

Fig. 4.5 Format d’une table de décision

Chaque colonne est appelée « variant » et définit un cas de test. Les valeurs
des paramètres d’entrée (le jeu de tests correspondant à ce cas de test) sont
alors choisies de telle sorte que les conditions prennent les valeurs
correspondant au variant sélectionné.
Prenons un exemple, soient trois conditions/variables C1, C2, C3 telles que :
C1 peut prendre les valeurs 0,1,2.
C2 peut prendre les valeurs 0,1.
C3 peut prendre les valeurs 0,1,2,3.

et soient quatre actions A1, A2, A3, A4 à effectuer en fonction des


combinaisons des valeurs des trois conditions.
Le nombre de lignes de la table sera sept, correspondant à trois conditions
plus quatre actions. Sans autre information, le nombre de colonnes sera de
3 × 2 × 4 = 24 (3 valeurs pour C1, 2 valeurs pour C2 et 4 valeurs pour C4).
Cette table pourrait ressembler à celle de la figure 4.6.

Figure 4.13 Une table de décision


R E D
C1 1 3 3 0 1 2 0 1 2 0 1 2 0 1 2 0 1
C2 3 2 6 0 0 0 1 1 1 0 0 0 1 1 1 0 0
C3 6 4 24 0 0 0 0 0 0 1 1 1 1 1 1 2 2
A1 X X X X X
A2 X X X
A3 X X X X
A4 X X

Ici, pour chaque condition C1, C2, C3, nous faisons figurer trois
informations : C.R correspond au coefficient de répétition de la condition,
c’est-à-dire le nombre de fois que chaque valeur de la condition devra être
répétée au niveau des colonnes de la table. La variable E définit l’étendue de
la condition, c’est-à-dire le nombre de valeurs possibles de la condition, et la
variable D définit le domaine de la condition, c’est-à-dire le nombre de
colonnes qu’occupent les différentes valeurs de la condition (en prenant en
compte le coefficient de répétition). Ces informations sont redondantes entre
elles, mais elles permettent de remplir ce type de table de façon très
systématique et d’exercer un contrôle visuel rapide de la cohérence de la
table. Les jeux de tests correspondant aux variants de cette table sont triviaux
à générer (chaque condition définit ici une valeur précise du paramètre).

4.4.3. Construction et simplification d’une table de


décision
Une table de décision peut être construite de différentes manières, mais une
façon simple de procéder consiste à :

1. Identifier les variables et les conditions de décisions.


2. Identifier les actions résultantes.
Identifier quelle action doit être produite en réponse à une combinaison
3. de décision particulière.
4. Vérifier que la table est complète (toutes les actions sont au moins
exercées une fois) et consistante (pour un même variant, deux actions
incompatibles ne sont pas exercées simultanément).

On notera que les étapes 3 et 4 peuvent être remplacées par « Énumérer


toutes les combinaisons de décisions (possibles) et associer l’action
résultante ».
Avant d’illustrer ces règles sur quelques exemples, il est important de noter
que la construction de cette table va également permettre de repérer des
erreurs dans les spécifications. En effet, si aucune action ne peut être associée
à un ensemble de conditions, deux situations sont possibles : soit il s’agit de
l’oubli d’une action possible soit il s’agit d’un manquement de spécification
(dans ce cas le testeur met en évidence le fait que les spécifications ne sont
pas complètes). Une autre possibilité est que les spécifications indiquent,
pour une même combinaison de conditions, deux actions en contradiction ;
dans ce cas, le testeur découvre une erreur de consistance dans les
spécifications qui peut être soit une véritable contradiction soit un manque de
précision sur les conditions de décision. Dans tous les cas, la valeur ajoutée à
la construction de cette table est donc importante au regard des efforts à
fournir.
Il arrive qu’une table de décision soit de taille importante (du fait d’un grand
nombre de conditions et de la combinatoire engendrée). Une façon de
simplifier cette table sans risquer une erreur ou un oubli lors de sa
construction est de remarquer qu’une condition n’influence pas le résultat
pour certains variants. Dans ce cas, on va regrouper ces variants et donner la
valeur « don’t care » à cette condition au niveau de ce variant regroupé. Cette
procédure peut être par ailleurs systématisée dans le cadre théorique des
« Diagrammes de décision binaires »[2]. Ce regroupement peut être fait une
fois une première version de la table construite ou au contraire, lorsque le cas
est simple, avant d’énumérer des valeurs que l’on sait pouvoir regrouper.
Fig. 4.7 Regroupement par la stratégie ’don’t care

4.4.4. Illustration : le problème des triangles


Prenons l’exemple d’un programme qui lit trois valeurs entières inférieures à
20 et affiche à l’écran un message indiquant si le triangle est « isocèle » ou
« équilatéral » ou « scalène » (quelconque). Une spécification plus formelle
du problème donne :
Données en entrée
Trois entiers (côtés du triangle : a, b, c) tels que chacune des
valeurs soit un nombre positif inférieur ou égal à 20.
Actions visibles du programme :
A1 : affiche « Équilatéral » si a = b = c
A2 : affiche « Isocèle » si 2 paires de côtés sont égales
A3 : affiche « Scalène » si aucun côté n’est égal à l’autre ou
A4 : affiche « Pas Un Triangle » si a ≥ b + c, b ≥ a + c, ou c ≥ a + b
A5 : affiche « Erreur d’entrée » ou lève une exception si une des
contraintes portant sur les paramètres d’entrée n’est pas vérifiée.
Les conditions élémentaires affectant les actions du programme sont
donc :
C1 : a < 20
C2 : b < 20
C3 : c < 20
C4 : a < b + c
C5 : b < a + c
C6 : c < a + b
C7 : a = b
C8 : a = c
C9 : b = c

À l’aide de ces conditions et actions associées nous pouvons construire la


table de décisions (figure 4.8) ; certaines combinaisons sont impossibles et ne
figurent pas dans la table. Là encore, il eût été possible de faire apparaître
explicitement ces variants puis de leur associer une action spécifique (variant
impossible par exemple) avant de la supprimer ou bien de ne pas les
construire du tout. Dans un cas, le travail est un peu laborieux mais le risque
d’erreur ou d’oubli est faible, dans l’autre cas, la construction de la table est
plus légère mais on risque d’oublier certains variants ou de considérer,
faussement, que certains sont semblables. Nous avons ici adopté une
approche mixte : par exemple, lorsque la condition « a < 20 » n’est pas
vérifiée le résultat du test est d’afficher un message d’erreur signalant la
violation des contraintes portant sur les paramètres d’entrée quelle que soit la
valeur des autres conditions ; c’est un cas simple à prendre en compte et l’on
peut sans risque d’erreur ne construire qu’un seul variant. De même, dès que
l’une des trois contraintes C4, C5 ou C6 n’est pas vérifiée, alors le résultat
visible est de signaler que les données en entrée ne définissent pas un triangle
(action A4) : il n’est pas nécessaire d’énumérer tous les cas possibles. Par
contre, pour des combinaisons de conditions incompatibles entre elles,
comme « a = b » et « a = c » et non « b = c » (variant 10), il est préférable de
construire ce variant puis de le supprimer (par exemple en barrant la colonne)
après vérification ; le risque d’erreur, possible dans ce cas, est réduit tandis
que la combinatoire reste faible. Par ailleurs, les conditions étant binaires
(valeurs Vrai ou Faux), les notions de « coefficient de répétition », « étendu »
ou « domaine » n’ont pas d’intérêt ici et ne figurent donc pas dans la table.
Fig. 4.8 Table de décision pour le problème des triangles

« Nous » avons donc dix cas de tests à générer pour tester ce composant. Si
l’on veut réduire ce nombre de cas de tests, il est possible d’appliquer
l’heuristique « Toutes conditions-Chaque condition » vue précédemment.
Dans le cadre des tables de décisions, ceci revient à supprimer les variants
pour lesquels plusieurs conditions, mais pas toutes, sont vraies
simultanément. Ici, nous pourrions supprimer selon cette heuristique les
variants 7, 8, 9 et 11. En procédant brutalement de la sorte, il est possible de
ne plus voir exercer certaines actions (ici les actions A2 et A3) ce qui
reviendrait à omettre des cas de tests importants ; toutes les heuristiques
doivent être employées avec précaution et, rappelons le encore, le testeur doit
garder à l’esprit que son expertise ne pourra jamais être remplacée totalement
par une méthode ou une heuristique. En utilisant avec précaution
l’heuristique « Toutes conditions-Chaque condition » nous pouvons
néanmoins supprimer deux des trois variants 8, 9, 11 (par exemple 8 et 9) et
réduire, si cela se justifie par un gain en temps ou en ressource, le nombre de
cas de tests à 8.

4.4.5. Illustration : le problème du calcul du lendemain


Le test de la fonction Lendemain se réalise facilement grâce à la méthode des
tables de décisions. On commence pour cela par établir les conditions et les
actions visibles de cette fonction.

Actions visibles :
A1 : changement d’année, et positionnement au 1er janvier
A2 : changement de mois et positionnement au 1er jour du mois
A3 : changement de jour et maintien du mois et de l’année
A4 : date incorrecte

Les valeurs élémentaires des paramètres influant sur le résultat sont (si l’on
ignore pour l’instant la particularité de l’année 2000 et si l’on ne considère
que les valeurs d’entrée correspondant aux contraintes des spécifications) :
Paramètre Mois :
M1 : le mois a 31 jours
M2 : le mois a 30 jours
M3 : le mois est le mois de février
M4 : le mois est le mois de décembre
Paramètre Jour :
J1 : le jour est entre 1 et 27
J2 : le jour est le 28
J3 : le jour est le 29
J4 : le jour est le 30
J5 : le jour est le 31
Paramètre Année :
Y1 : l’année est bissextile
Y2 : l’année est non bissextile

Si l’on construit alors la table de façon systématique, il nous faut quarante


colonnes (cinq valeurs possibles pour le Mois, quatre pour le Jour et deux
pour l’Année) et sept lignes (trois paramètres et quatre actions possibles), ce
qui reste tout à fait raisonnable à ce stade.
Tab. 4.13 Table de décision initiale pour la fonction Lendemain (en plusieurs parties)

Cette table peut alors être simplifiée par l’utilisation de la stratégie don’t care
qui va permettre de regrouper un certain nombre de variants équivalents (sur
fonds grisés dans le tableau 4.14). Par exemple, lorsque le mois est dans M1,
peu importent et le type d’année et la valeur du jour tant que cette dernière
n’est pas J5 : d’où un possible regroupement des variants de 1 à 8.

Tab. 4.14 Regroupement de variants par la technique « dont’ care »


En réitérant ce procédé et après simplification nous obtenons la table de
décision présentée tableau 4.15 qui ne comporte plus que treize variants.

Tab. 4.15 La table de décision après simplification

La prise en compte de la spécificité de l’année 2000 nécessite de construire


une table additionnelle dans laquelle on ne prend en compte que l’année 2000
(valeur Y3) ; ceci est fait dans la table présentée tableau 4.16.
La plupart de ces nouveaux variants peuvent être fusionnés par la stratégie
« don’t care » avec les variants précédents ; par exemple, les variants 1’’ à
4’’ sont équivalents au variant 1’ du tableau précédent ; il s’agit forcément
d’une appréciation subjective, mais l’on peut considérer que seuls les variants
12’’ et 13’’ sont réellement nouveaux par rapport aux variants précédents.

Tab. 4.16 Prise en compte de l’an 2000


Après fusion de ces deux tables, nous obtenons la table de décision présentée
tableau 4.17 ; un tiret pour l’année signifie que l’année peut prendre une
valeur quelconque de Y1 (année bissextile) à Y3 (année 2000).

Tab. 4.17 La table de décision complète pour la fonction Lendemain

Il y a quinze colonnes et donc quinze jeux de tests à générer (pour les cas
nominaux) ; à cela il faut ajouter les six jeux de tests pour les valeurs
d’entrées non conformes aux spécifications : deux valeurs de date pour des
années non correctes, deux valeurs de date pour des numéros de mois non
corrects et deux valeurs de date pour des numéros de jours incorrects.

4.4.6. Commentaires
Cette technique de test donne donc un nombre de cas de tests comparable à la
technique précédente ; ce n’est pas aberrant car lors de l’analyse et de la
définition des conditions et des actions intervenant dans une table de
décisions, nous avons été amenés à faire une analyse partitionnelle des
paramètres du composant à tester.
Pour le choix des jeux de tests, nous pouvons prendre aléatoirement une
valeur compatible avec le variant et, si nécessaire, nous pouvons réutiliser la
technique all pairs vue précédemment.
Enfin, on remarquera que cette technique donne en général de « bons » jeux
de valeurs ; par exemple, sur le cas de la fonction Lendemain, tous les cas « à
risque » sont ainsi décrits par un variant.
Pour conclure sur cette technique, nous pouvons dire qu’elle possède
d’indéniables qualités :
Elle est simple à mettre en œuvre car elle n’utilise que des tables qui
peuvent être construites avec une simple feuille de papier et un crayon
(ou encore un tableur) ;
Une table de décision complexe peut être construite par partie, en ne
prenant en compte que progressivement les différentes valeurs possibles
des conditions, puis en fusionnant les tables correspondantes (comme
cela a été fait dans l’exemple de la fonction du lendemain) ;
Les classes d’équivalences utilisées dans la technique du même nom
sont ici implicitement construites, sans effort particulier lors de la mise
en avant des actions et conditions associées du composant à tester ;
Le nombre de cas de tests, potentiellement important, peut être
facilement réduit par la mise en œuvre de la stratégie dont’ care ;
Enfin, des erreurs de spécifications peuvent être découvertes lors de la
construction des tables de décisions ce qui constitue une valeur ajoutée à
cette technique de test.

4.5. Utiliser un diagramme « états transitions »


4.5.1. Principes
Pour certains composants, l’ordre dans lequel les paramètres lui sont passés
ou l’histoire de ses différentes stimulations intervient dans son
comportement ; on parle alors de composant à état ou encore de « machine à
état » (state machine). C’est le cas, par exemple, de tous les composants qui
implémentent une partie d’un protocole d’interaction (serveur web,
distributeur de billets, composant de chiffrement, etc.). Ce type de
fonctionnement s’oppose à ce que nous avons présupposé jusqu’alors
puisque, dans bon nombre de cas, les composants logiciels sont censés être
sans état : le premier, le second et tous les autres appels du composant avec
les mêmes valeurs de paramètres doivent donner exactement le même
résultat. Pour un composant à états, le composant va successivement décrire
différents états internes et réagira en fonction des valeurs qui lui sont passées
(comme un composant sans état) mais aussi en fonction de son état interne,
qui pourra être vu comme un résumé des différentes actions déjà réalisées par
le composant. Les changements d’états, qui sont des évolutions discrètes et
non continues, sont appelés transitions. La difficulté pour le testeur, dans le
cas des tests Boîte noire, est que cet état interne est souvent non observable :
on voit les réactions ou valeurs fournies, mais pas nécessairement les
changements d’état. Afin de décrire précisément le comportement de ce type
de composant, la langue naturelle est trop imprécise et pas assez synthétique ;
on préfère utiliser des formalismes adaptés comme les automates[3], les
statecharts ou plus généralement des diagrammes états transitions comme
ceux employés dans le formalisme UML[4]. Le testeur qui doit non seulement
trouver les valeurs de tests pertinents mais l’ordre dans lequel il va les
soumettre au composant (on parle alors de scénarios de test) a là une source
précieuse d’information. Si une telle description n’est pas fournie, c’est à lui
de tenter de la reconstituer, au moins partiellement, à l’aide des documents de
spécifications. Nous nous plaçons ici dans un contexte plus large que celui
d’UML, puisqu’en effet ce type de diagramme existe depuis bien plus
longtemps que ce formalisme : tout ou partie des spécifications des
protocoles Internet (par exemple IP, TCP, UDP) sont décrits à l’aide de tels
diagrammes dans les RFC (Request For Comment), documents qui peuvent
être vus comme des normes.

4.5.2. Format général d’un diagramme états


transitions
Un diagramme état transitions décrit, à l’aide d’un graphique, le
comportement du composant ou système qu’il spécifie. Ce type de
diagramme est utilisé dans nombreux formalismes de modélisation tels que
UML ou SDL, ou de manière informelle comme moyen de description moins
ambiguë que la langue naturelle. De façon générale, les états du composant
sont représentés par un cercle (un ovale, ou encore un rectangle aux bords
arrondis) auquel est associé, au minimum, un nom : le nom de l’état
correspondant. D’autres informations peuvent figurer dans la description de
l’état comme la valeur de certaines variables (la valeur de compteurs internes
par exemple) ou une description de sous états internes à cet état.
Les transitions entre états sont représentées par des arcs qui relient ces états :
une absence d’arc entre un état e1 et un état e2 signifie qu’il n’y a pas de
transitions directes possibles entre e1 et e2. Au contraire, un arc reliant e1 et
e2 signifiera qu’il est possible, sous certaines conditions, de passer de l’état
e1 à l’état e2. Ces conditions sont généralement portées sur l’arc et sont de
deux types :
Quelque chose s’est produit comme la réception d’un message ou la
survenue d’un événement (par exemple une temporisation est échue) ;
Un prédicat qui relie des variables internes et potentiellement des
valeurs de données reçues est devenu vrai ; on appelle garde ce type de
prédicat.

Les conditions du premier type sont souvent suivies d’un point


d’interrogation, comme « Saisie d’un chiffre ? » ou encore « Introduction
carte ? » alors que les gardes, présentes également sur les arcs, figurent dans
beaucoup de formalismes entre crochets, comme « [Code correct] » ou
« [Compteur < 3] ». En plus du changement d’état la transition peut avoir une
action visible sur l’environnement : émission d’un message, armement ou
réarmement d’un temporisateur, modification de la valeur d’une variable
interne. On fait figurer ces actions à l’aide de la description de l’action suivie
d’un point d’exclamation comme « Envoie Ack! ».
Une autre représentation commune de ces conditions et actions associées aux
transitions, consiste à faire figurer sur les transitions des couples
« condition[Garde] / action visible » comma « Introduction Carte [DAB non
bloqué] / Afficher ‘Saisir Code’ ».
Lorsqu’un événement ne figure sur aucun arc partant de cet état, la
signification est que si cet événement survient dans cet état alors il sera tout
simplement ignoré et ne provoquera aucune action visible et aucune
modification interne du composant vis-à-vis des données observées.

4.5.3. Construction d’un diagramme états transitions


Le cas le plus simple est que le diagramme fait partie des spécifications ; il
n’y a alors rien à faire pour cette construction ! Si par contre celui-ci n’existe
pas il va falloir procéder par étapes, qui peuvent être vues comme des étapes
d’abstraction du comportement du composant à tester. La difficulté est de
définir le bon niveau d’abstraction : trop de détails rendent impraticable
l’utilisation du modèle, tandis que le manque de détail conduit à l’omission
de comportements intéressants pour le testeur. Voici quelques règles simples
pouvant être utilisées dans cet objectif :
Définir les différents états observables du composant et si possible
définir le moyen grâce auquel on pourra observer ces états ; cela peut
être par la valeur d’une variable accessible, l’appel d’une fonction ou
méthode du composant, ou plus couramment par l’observation des
réactions du composant vis-à-vis des événements possibles (solution la
moins précise) ;
Définir ce qu’est l’environnement externe accessible au composant
(accès à des variables externes par exemple) et quelles sont les variables
internes qui interviennent dans le comportement (en particulier au
niveau des gardes) ;
Énumérer les différents événements auxquels le composant va réagir et
définir la façon de signaler ces événements au composant (par exemple,
appel d’une fonction ou d’une méthode ou modification de la valeur
d’une variable) ;
Définir pour chaque état et chaque événement quelle action doit
effectuer le composant : rien, changement d’état simple, changement
d’état avec modification de l’environnement externe ou modification
interne. Puis définir sous quelle condition (garde) cette action est
permise ou possible

Si le composant a été conçu en prenant garde à sa testabilité, les étapes


précédentes sont simples à réaliser ; dans le cas contraire, la construction
d’un diagramme états transition peut amener à de nombreux échanges avec
les équipes de conception. Néanmoins, cette construction sera toujours
fructueuse puisqu’elle améliorera nettement la qualité des scénarios de tests
et permettra souvent en mettre en avant des possibles défauts de
spécifications.

4.5.4. Construction des séquences de test


Les stratégies d’utilisation d’un diagramme états transitions en vue des tests
s’apparentent à des stratégies de couverture de code que nous détaillerons au
chapitre suivant. Il s’agit en effet de se fixer des objectifs en terme du
parcours du diagramme et de choisir des scénarios de test qui permettent de
réaliser ces objectifs. Parmi les objectifs classiques dans ce contexte nous
pouvons mentionner :
Atteindre au moins fois chaque état ;
Exercer au moins une fois chaque transition ;
Exercer toutes les séquences d’une longueur donnée ;
Exercer toutes les séquences permettant d’atteindre un état donné ;
Évaluer les réactions vis-à-vis de tous les événements dans un état
donné.

Les deux premiers objectifs ainsi que le dernier sont relativement simples à
atteindre puisqu’il « suffit » de lire le diagramme pour construire les
séquences appropriées. Pour les autres, la combinatoire peut rendre délicate
l’opération et il peut être nécessaire d’utiliser un outil adapté pour générer
automatiquement ces séquences.
Enfin, une fois les séquences construites, il faut trouver les valeurs
appropriées à passer au composant, valeurs qui permettront d’exercer la
séquence. Cette étape commence nécessairement par l’association
systématique, à chaque événement, de la façon concrète de signaler cet
événement au composant — ce qui a déjà été fait dans le cas où le diagramme
a dû être construit par le testeur du composant. Enfin, il faut que les valeurs
choisies puissent satisfaire les gardes des différentes transitions franchies ; il
n’existe a priori pas de recette « miracle » et seule une étude minutieuse des
spécifications et du diagramme états transitions permettra de trouver les
valeurs appropriées même si certains travaux récents offrent l’espoir de
pouvoir un jour générer automatiquement des données de tests à partir de tels
diagrammes.

4.5.5. Commentaires
L’utilisation de diagrammes états transitions s’avère très utile dans la
compréhension des comportements de logiciels basés sur l’interaction de
différents composants. Historiquement conçus pour décrire des protocoles de
communications (normes OSI ou RFC du monde Internet) ils trouvent un
emploi naturel dans la description des logiciels multitâches ou pour décrire
une interaction d’un logiciel avec un ou plusieurs utilisateurs. Si la
conception d’un diagramme états transitions peut être légèrement technique,
cet effort sera doublement récompensé : il fournira tout d’abord un générateur
précieux de cas d’utilisation, puisqu’il suffit de parcourir ce diagramme pour
générer une exécution possible. Deuxièmement, comme tout effort de
modélisation, il permettra de préciser certains détails absents ou ambigus
dans les spécifications et apportera ainsi des précisions utiles pour la
conception des cas de tests.

4.6. Conclusion
Les techniques de tests Boîte noire constituent l’outil principal de toute
activité de tests. Basées sur l’utilisation des spécifications du logiciel, elles
permettent de revenir à l’essentiel c’est-à-dire sur ce que doit fournir le
logiciel à ses utilisateurs. Différentes techniques sont à la disposition du
testeur, mais pour chacune d’entre elles il sera amené implicitement ou
explicitement à analyser la complétude et la cohérence des spécifications.
Cette analyse permet généralement de mettre à jour des erreurs au niveau de
ces spécifications et est donc à intégrer complètement dans l’activité du
testeur.
Chacune des méthodes présentées dans ce chapitre privilégie un point de vue.
Cependant, toutes essayent de réduire la complexité en regroupant en classes
d’équivalence des valeurs a priori distinctes mais conduisant à des
comportements similaires. Cette opération d’abstraction peut être menée sans
méthode, mais risque alors de conduire à des oublis ou à des confusions
préjudiciables à la qualité des tests. La méthode, si elle ne fait pas tout,
constitue un guide appréciable dans une activité plus complexe qu’il n’y
paraît aux premiers abords.
Dans tous les cas, une fois les cas de tests définis à l’aide d’une méthode, le
testeur gagnera à vérifier qu’aucun cas de tests important ne manque (en
particulier des cas de tests basés sur son expérience) ou que, à l’opposé,
certaines séries de tests peuvent être regroupées par un nouveau procédé
d’abstraction.
Notes
[1] Définition tirée du Grand Robert de la langue française, deuxième
édition, 2001, LTV.
[2] Voir l’article séminal : Sheldon B. Akers « Binary Decision Diagrams »,
IEEE Transactions on Computers, 27(6) pages 509–516, June 1978.
[3] Voir par exemple une des références sur le sujet : Introduction to
Automata Theory, Languages, and Computation, 3/E, John E. Hopcroft,
Rajeev Motwani, Jeffrey D. Ullman, Addison-Wesley, 2007.
[4] On pourra consulter le livre : UML 2 pour les développeurs – Cours avec
exercices corrigés, Xavier Blanc, Isabelle Mounier et Cédric Besse, Eyrolles,
2006.
Chapitre 5

Utiliser les détails d’implémentation


dans les tests

L’accès aux détails de réalisation d’un logiciel permet de construire des cas
de tests complémentaires à ceux qui sont construits par les techniques dites
Boîte noire. Ces détails peuvent être le code ou sa représentation sous forme
de graphe de contrôle dans le cas des tests unitaires, un graphe d’appel entre
module dans le cas de tests d’intégration ou la connaissance de la valeur de
paramètres système (par exemple le nombre maximal de connexions ou la
valeur de temporisateurs) dans le cas de tests système.
Les tests de cette famille, appelés tests Boîte blanche ou tests Boîte de verre,
vont étudier les détails de la réalisation en compléments des spécifications
qui restent nécessaires pour, au minimum, l’analyse du résultat des tests (rôle
de l’oracle). Ces détails apportent de nouvelles informations au testeur, mais
peuvent aussi l’induire en erreur : la construction de cas de test à partir du
code risque de reproduire les mêmes erreurs dans les cas de test que celles
présentes dans le logiciel, en particulier concernant l’oubli de certaines
fonctionnalités.
C’est pour cette raison que l’on limite fréquemment l’utilisation des détails
de réalisation à la construction de mesures sur les jeux de tests utilisés,
comme les mesures de couverture ou les mesures des taux de détection
d’erreurs dans le cas d’injection volontaire de fautes.

5.1. Définir des objectifs de couvertures par rapport au


flot de contrôle
5.1.1. Principes
Un jeu de tests fait fonctionner une certaine partie du logiciel : certaines
instructions sont exécutées, d’autres non. Les critères de couverture liés aux
instructions vont au minimum mesurer la part d’instructions exécutées. Il
s’agit du critère « toutes les instructions ». Ce critère de base est assez faible
c’est-à-dire qu’il est assez peu en relation avec le nombre d’erreurs
résiduelles : on obtient assez facilement un ensemble de tests qui satisfait ce
critère[1] alors qu’il reste un certain nombre d’erreurs dans le logiciel ; ce
critère doit être vu comme une exigence minimale et non une mesure de
qualité. C’est pour cela que les standards (par exemple ceux de la norme
IEEE 1008, « IEEE Standard for Software Unit Testing ») prévoient des
objectifs de couverture plus ambitieux. La difficulté est que plus une
couverture est à même de qualifier la qualité des tests menés, plus elle est
exigeante et plus elle est difficile, voir impossible à obtenir. C’est pour cela
qu’il existe un grand nombre de variantes possibles, chacune cherchant à
maximiser le critère efficacité versus complexité. Nous présentons ici les plus
classiques ; toutes étant accessibles au travers de nombreux outils.
Tout d’abord il nous faut noter que la représentation du code, sous forme
textuelle, n’est pas spécialement bien adaptée à sa manipulation en vue de la
mesure de ces couvertures : on préfère, pour de nombreuses raisons, le
manipuler sous une forme plus compacte et plus universelle appelée « graphe
de contrôle ».

5.1.2. Construire et utiliser un graphe de contrôle


Un graphe de contrôle représente, à l’aide de sommets (dessinés comme des
cercles, des ovales ou des rectangles) et d’arcs orientés (dessinés à l’aide de
flèches), la partie contrôle du code d’un composant (sa séquence
d’instructions) : les instructions sont représentées par les sommets et les
branchements par les arcs. Lorsqu’un branchement est conditionné par
l’évaluation d’une condition (expression conditionnelle ou fin de répétition),
la valeur de la condition est portée sur l’arc qui correspond au branchement.
Certains sommets ne correspondent pas directement à une instruction mais à
une situation particulière : le début ou entrée dans le composant (sommet
unique), la fin ou la sortie du composant (sommet unique), la jonction de
différentes branches d’exécution (fin d’instruction conditionnelle, fin de
boucle, label associé à un goto). Nous présentons figure 5.1 un exemple de
graphe de contrôle et le code associé. On remarquera le point de jonction J1,
le point d’entrée E, le point de sortie S. On remarquera également que tout
sommet qui correspond à une instruction de fin de la fonction (ici les
sommets I3, I4 et I6) conduit au sommet S.

Fig. 5.1 Une fonction et son graphe de contrôle associé

La simple construction de ce graphe de contrôle (généralement faite par un


outil spécialisé ou tout simplement par le compilateur utilisé) permet de
mettre en évidence une erreur courante : une partie du code, ici l’instruction
I6, est inaccessible (c’est ce que l’on appelle communément du « code
mort »). Mais ce graphe permet également d’analyser des séries de jeu vis-à-
vis de certains critères de couverture.

5.1.3. Critère de couverture « toutes les instructions »


Ce critère est le critère le plus simple : il est atteint dès que les jeux de tests
ont parcouru la totalité des sommets correspondant à une instruction du
graphe de contrôle. De façon générale, le taux de couverture pour une série
de tests vis-à-vis de ce critère sera défini comme le rapport entre le nombre
de nœuds couverts par au moins un jeu de tests et le nombre de nœuds total
du graphe de contrôle. Ce critère est l’exigence minimale pour la certification
des logiciels embarqués dans le contexte aéronautique (norme RTCA/DO-
178B ou EUROCAE ED-12 B) et permet de qualifier les logiciels au niveau
C (risques majeurs encourus en cas d’erreurs du logiciel).
Différentes études montrent qu’en pratique, pour des séries de tests
fonctionnels « sérieuses », le taux de couverture pour des composants
complexes écrit à l’aide de langages complexes (comme le C++) est compris
entre 40 % et 60 % alors qu’il est proche de 100 % lorsque le composant est
simple. Cette différence s’explique principalement par la difficulté à
parcourir la part du code défensif qui correspond au traitement de cas très peu
probables. Ce taux peut être mesuré sur le code source, ou sur le code objet,
c’est-à-dire après compilation. Ce n’est pas la même chose et B. Beizer[2]
montre qu’une série de tests couvrant 100 % du code objet ne couvre
généralement que l’ordre de 75 % du code source[3] !
Si l’on prend le programme précédent après la correction de l’erreur
découverte plus tôt (suppression du code mort) on obtient le graphe de
contrôle présenté figure 5.2 avec le code correspondant.

Fig. 5.2 La fonction précédente corrigée (partiellement) et son graphe de contrôle

Les séquences de tests (a = 1, b = 1) et (a = 0, b = 1) permettent d’obtenir le


critère « toutes les instructions » puisque l’on parcourt respectivement les
nœuds (E,B,I1,I3,S) et (E,B,I4,S). Cette séquence de test permet de mettre en
avant l’erreur de division par zéro au niveau de l’instruction I3. Ne pas
satisfaire cette couverture est donc un critère de mauvaise qualité des jeux de
tests ou du programme : certaines instructions ne sont pas exercées et donc
des erreurs grossières vont passer à travers les mailles du filet du testeur ou,
autre possibilité, le programme contient du code inaccessible, ce qui
correspond sûrement à une erreur de réalisation.
Cependant, comme le montre l’exemple présenté ci-après, satisfaire ce critère
de couverture n’est pas pour autant une assurance que les tests ont été bien
menés : certaines erreurs assez faciles à découvrir peuvent restées cachées
alors que toutes les instructions ont été exercées au moins une fois. Ainsi le
problème de division par zéro lorsque le paramètre a est égal à b risque de ne
pas être détecté. Par exemple, le jeu de tests (1,0), (MaxInt, 0), (0, MaxInt)
semble pertinent (au vu par exemple d’une analyse des partitions) et satisfait
le critère de couverture « toutes les instructions ». Cependant, il ne permet
pas de découvrir l’erreur de division potentielle par zéro puisque la séquence
(E,B,I1,I2,J1,I4) n’est pas exercée.
En effet, cette erreur liée à l’instruction I4 n’est pas systématique ; elle
dépend de l’histoire de la séquence qui contient cette instruction : si cette
séquence passe par I3 alors l’exécution de I4 est correcte, dans le cas
contraire elle conduit à une erreur. Le critère de couverture « toutes les
instructions » ne prend pas en compte cette notion de causalité entre les
instructions, il faut donc définir d’autres types de couverture afin de mieux
intégrer les causalités existantes entre instructions.
Fig. 5.3 Exemple de la faible pertinence du critère de couverture « toutes les instructions »

5.1.4. Critère de couverture « tous les chemins »


Une façon de remédier au problème précédent est d’imposer que les
séquences de test couvrent l’ensemble des chemins possibles : il s’agit du
critère « tous les chemins ». Celui-ci n’est atteint que si tous les chemins
menant d’un point d’entrée à un point de sortie du composant ont été couverts
par un test. L’on voit bien que ce critère de couverture ne laisse échapper que
peu d’erreurs (on verra cependant que certaines erreurs de codage sont
« insensibles » à ce critère) ; il est donc de ce point de vue très satisfaisant.
Cependant, le nombre de tests qui sont nécessaires pour satisfaire ce critère
est un obstacle majeur à son utilisation en pratique : en effet, d’une part, le
nombre de chemins indépendants croît exponentiellement en fonction du
nombre d’instructions conditionnelles et, d’autre part, une simple boucle peut
rendre quasi infini ce nombre de chemins. On notera que de nombreuses
variantes existent sur la façon de traiter les boucles, comme le critère de
couverture « tous les i-chemins » où l’on impose un cas de test avec zéro
itération, un cas avec une itération, un cas avec deux itérations et ainsi de
suite jusqu’à i itérations. Cela permet de réduire la combinatoire, mais ne
l’annule pas complètement.
On notera que, du fait de cette combinatoire, ce critère de couverture n’est
pas utilisé en pratique et que l’on vise généralement des critères de
couverture plus faibles mais plus réalistes.

5.1.5. Critère de couverture « toutes les branches ou


toutes les décisions »
La première façon de procéder pour améliorer le critère de couverture
« toutes les instructions » tout en maîtrisant la combinatoire est de chercher à
passer par toutes les branches du graphe de contrôle ; ceci revient à imposer
qu’au niveau de chaque décision, il y ait un jeu de tests qui rend la décision
« vrai » et un jeu de tests qui rend la décision « faux ». Ceci permet
d’améliorer la prise en compte des relations de causalité qui existent entre les
instructions : I4 dépend causalement de I3 et donc un chemin qui emprunte la
branche I2-J1 « masque » cette causalité et conduit à l’erreur. Sur l’exemple
précédent (figure 5.3) il faut inclure par exemple dans la série de tests le jeu
(a = 1, b = 2) pour satisfaire le critère de couverture « toutes les branches » et
détecter ainsi l’erreur.
Lorsque ce critère de couverture est atteint (100 % des branches du graphe de
contrôle sont couvertes par au moins un jeu de tests) alors le critère de
couverture « toutes les instructions » est aussi atteint : le critère de couverture
« toutes les branches » est donc strictement plus sévère que le critère « toutes
les instructions ». Ce critère permet selon la norme aéronautique D0 178B de
qualifier des systèmes embarqués au niveau B (situations dangereuses ou
difficiles encourues en cas d’erreurs du logiciel).
Cependant, là encore, certaines erreurs communes risquent de passer
inaperçues alors que la couverture « toutes les branches » est atteinte. C’est le
cas, fréquent, où les décisions sont des expressions construites à l’aide de
plusieurs conditions et que l’évaluation de ces expressions se fait selon un
mode « court » ; par exemple, l’évaluation de l’expression « A or B » s’arrête
généralement après l’évaluation de A si celui-ci est évalué à « Vrai ». Une
erreur liée à l’évaluation de B ne sera pas forcément détectée par une série de
tests satisfaisant le critère de couverture « toutes les branches ».
Ainsi sur l’exemple présenté figure 5.4, le critère de couverture « toutes les
branches » est atteint avec le jeu de tests (a = 1, b = 1) et (a = 1, b = 2) ;
pourtant le risque de division par zéro dès que a ou b égale zéro n’est pas
détecté par cette série de tests.

Fig. 5.4 Cas de non-pertinence du critère « toutes les branches »

De façon générale, le critère « toutes les branches » ne permettra pas


systématiquement de mettre en évidence une erreur de codage fréquente :
l’oubli d’une condition dans une expression conditionnelle composée ou une
inversion d’un opérateur. Ainsi, l’expression (A or B) et les expressions (A)
ou (A and B) ne seront pas nécessairement distinguées par une série de tests
satisfaisant le critère « toutes les branches ». En effet, une série de tests
comprenant un jeu de valeurs vérifiant (A = Vrai, B = Vrai) et (A = Faux, B
= Vrai) permettra de couvrir toutes les banches (expression vraie et
expression fausse) mais ne permettra pas de découvrir qu’il manque une
partie des conditions dans un cas ou qu’il y a eu une erreur sur l’opérateur
utilisé. En exerçant chaque condition séparément (et donc en ajoutant un jeu
de tests vérifiant B = Faux), l’erreur pourrait être trouvée.

5.1.6. Critère de couverture « toutes les conditions »


Ce critère se concentre sur les conditions élémentaires des expressions
conditionnelles (élémentaires au sens qu’elles ne peuvent être décomposées
sous une forme de conjonction ou disjonction de conditions plus simples). Ce
critère est satisfait lorsque, pour chaque expression conditionnelle E et pour
chaque condition C intervenant dans cette expression, la série de tests couvre
les cas C = Vrai et C = Faux. C’est donc un critère de couverture
orthogonale au critère de couverture « toutes les décisions », qui permet de
trouver des erreurs que ce dernier ne couvre pas. Ainsi l’expression (A or B)
et l’expression (A) seront bien distinguées par une série de tests satisfaisant ce
critère. Néanmoins, l’absence de contrainte sur les décisions au sens
« globale » (et donc sur le parcours des branches) est un handicap à ce critère
de couverture. On l’utilise donc généralement combiné avec le critère
« toutes les décisions ».

5.1.7. Critère de couverture « toutes les conditions –


décisions »
Ce critère est assez sévère et demande à ce que la série de tests permette de
couvrir toutes les branches et toutes les valeurs des conditions intervenant
dans les expressions conditionnelles. Ainsi pour une expression de la forme
(A or B) il faudra un jeu de tests où A est à Vrai, un jeu où A est à Faux, un
jeu ou B est à Vrai, un jeu où B est à Faux, un jeu où l’expression complète
vaut Vrai et enfin, un jeu où l’expression vaut Faux. Ces différentes
contraintes peuvent être obtenues avec N +1 jeux de tests pour une
expression contenant N conditions, ce qui reste raisonnable.
Cependant, bien qu’améliorant le critère de couverture « toutes les branches »
(et aussi le critère « toutes les conditions ») ce critère de couverture reste
incapable de garantir que les tests permettront de découvrir des erreurs où le
programmeur confond un opérateur booléen avec un autre (erreur somme
toute fréquente, en particulier lorsqu’une négation apparaît dans
l’expression). Ainsi, si l’on considère l’expression (A or B) codée par erreur
en l’expression (A and B), la série de tests comprenant un jeu vérifiant (A
= Vrai, B = Vrai) et (A = Faux, B = Faux) satisfera le critère « toutes les
conditions – décisions » mais ne permettra pas de distinguer les deux
expressions. Elles valent vrai toutes les deux dans le premier cas et faux
toutes les deux dans le second. Pour les distinguer il faudrait ajouter le jeu de
tests vérifiant (A = Vrai, B = Faux) ou le jeu de tests (A = Faux, B = Vrai).
Cette erreur étant relativement fréquente et causant potentiellement des
erreurs graves de comportement, d’autres critères ont été développés pour
améliorer la pertinence de ce type de critère de couverture.
5.1.8. Critère de couverture « toutes les conditions
multiples »
Une possibilité est d’imposer que toutes les combinaisons possibles de
valeurs de conditions apparaissent dans la série de tests. Ce critère, très
sévère, assure que la série de tests utilisés permet de détecter toute erreur
portant sur une décision. Malheureusement, ce type de couverture est
inutilisable en pratique puisqu’il nécessite un nombre de jeux de tests
exponentiel par rapport aux nombres de conditions intervenants dans une
décision. Une étude portant sur le code embarqué dans différents avions[4]
montre que le nombre de conditions dans une expression dépasse
fréquemment la valeur de 11 pour atteindre des valeurs supérieures à 36.
Dans ce contexte, il faudrait, selon les cas, entre 2 048 et plusieurs milliards
de tests pour obtenir ce critère de couverture ! Inutile d’insister sur l’aspect
impraticable de cette exigence.

5.1.9. Critère de couverture « toutes les conditions –


décisions modifiées (MC/DC) »
Afin d’améliorer les différents critères de couverture basés sur les conditions
tout en restant dans une exigence réalisable, un critère de couverture
astucieux est employé pour la certification des logiciels embarqués pour
l’avionique au niveau A (i.e. situations catastrophiques encourues en cas
d’erreurs du logiciel) : le critère MC/DC pour « Modified Condition/Decision
Coverage ». Afin de réduire la combinatoire sur le nombre de jeux de tests
nécessaires, on ne s’intéresse à un jeu de tests faisant varier la valeur d’une
condition (i.e. il existe un autre jeu de tests identique sauf pour la condition
concernée) que si la variation de cette condition influe sur le résultat de la
décision indépendamment des autres conditions. Par exemple, pour la
décision (A or B), la condition A influe sur la décision, il faut donc prendre
au moins deux jeux de tests identiques hormis pour A qui vaut Vrai dans l’un
et Faux dans l’autre, comme J0 : (A = Faux, B = Faux) et J1 : (A = Vrai, B
= Faux) et tels que la décision n’ait pas la même valeur les deux fois. Ici, elle
vaut respectivement Faux pour J0 et Vrai pour J1. Donc J0 et J1 permettent
d’apprécier l’influence de A sur la décision indépendamment de B.
Cependant B influe aussi sur la condition indépendamment de A : le jeu de
tests J2 = (A = Faux, B = Vrai) le prouve car il donne une valeur de la
décision différente de celle donnée par J0 (A reste constant dans les deux
cas). Par contre il est inutile d’ajouter la quatrième variante possible (A
= Vrai, B = Vrai) car ni le changement de A (par rapport à J2) ni le
changement de B (par rapport à J1) n’apportera de changement sur la
décision qui reste vraie dans tous ces cas. De façon générale, pour une
décision contenant N conditions, il faudra au plus N +1 jeux de tests pour
satisfaire le critère MC/DC au lieu de 2 N pour le critère « toutes les
conditions multiples » avec une qualité des jeux de tests à peu près
équivalente.
Il existe différentes façons de construire une série de jeux de tests satisfaisant
le critère MC/DC dont une, simple à mettre en œuvre mais longue à exposer,
décrite en détail dans un tutorial fait par (et pour) la NASA TM-2001-
210876. Nous donnons ici une vielle technique, basée sur l’utilisation de
table et adaptée à un usage manuel lorsque le nombre de conditions reste de
l’ordre de 4 ou 5 (ce qui est le cas dans la majorité des décisions) ; cette
technique s’automatise fort bien et peut alors être appliquée sur des décisions
faisant intervenir plus de conditions (disons de l’ordre d’une quinzaine).
Le principe est le suivant : partant d’une décision faisant intervenir un
ensemble de conditions, on construit une table, avec en colonne les
conditions (et le résultat) de la décision, et en lignes les différentes
possibilités pour les conditions. Pour chaque ligne, et chaque condition, on
repère (dans la partie droite de la table) la ligne « complémentaire » (i.e. celle
où seule la valeur de la condition change) et l’on examine si le résultat est le
même ou est changé. S’il est changé alors les lignes correspondantes
définissent des cas de tests relatifs à l’impact de la condition sur le résultat de
la décision. En couvrant toutes les conditions, l’on produit un ensemble de
jeux de tests respectant le critère MC/DC.
Considérons la décision :
Freiner : = ((Vitesse > 100) or (Pente > 30)) and ((Mode = 1) or
(Mode = 2))
avec Vitesse, Pente et Mode, trois variables entières et appliquons cette
construction sur cet exemple (voir tableau 5.1).
Nous construisons tout d’abord la table en énumérant les seize cas possibles
(il y a quatre conditions, et donc seize combinaisons différentes). Nous
supprimons alors les cas impossibles (lignes sombres et texte en italique) car
les conditions (Mode = 1) et (Mode = 2) ne pouvant être vraies
simultanément.

Tab. 5.1 Table MC/DC pour la décision Freiner : = ((Vitesse > 100) or (Pente > 30)) and
((Mode = 1) or (Mode = 2))
Vitesse>100 Pente>30 Mode=1 Mode=2 Freiner Vitesse>100 Pente>30 Mode=1
1 V V V V
2 V V V F V - - 4
3 V V F V V - - -
4 V V F F F - - 2
5 V F V V
6 V F V F V 14 - 8
7 V F F V V 15 - -
8 V F F F F - - 6
9 F V V V
10 F V V F V - 14 12
11 F V F V V - 15 -
12 F V F F F - - 10
13 F F V V
14 F F V F F 6 10 -
15 F F F V F 7 11 -
16 F F F F F - - -

Il faut alors déterminer pour chaque condition les cas de tests (i.e. les lignes)
qui montrent une influence de la condition sur la décision indépendamment
des autres conditions. Pour cela on recherche des lignes « complémentaires »
vis-à-vis d’une condition, c’est-à-dire des lignes telles que le résultat de la
décision est différent alors que seule cette condition varie entre ces deux
lignes ; c’est ici le cas pour les lignes 2 et 4 vis-à-vis de la condition (Mode
= 1) : on indique alors le numéro de la ligne complémentaire dans la colonne
correspondante. On dit dans ce cas que la condition (Mode = 1) et
« couverte » par les lignes 2 et 4. En procédant de la sorte pour chaque ligne
et chaque condition on remplit la partie droite du tableau.
Une fois cette table remplie, on extrait un ensemble de lignes tel que chaque
condition soit couverte par deux lignes complémentaires de cet ensemble. On
procède par étapes et par propagation de contraintes dans le but de couvrir
toutes les conditions : par exemple, on peut partir de la ligne 6, ce qui nous
oblige à inclure la ligne 8 pour couvrir la condition (Mode = 1). Afin de
couvrir la condition (Mode = 2) il faut alors insérer la ligne 7. Avec ces trois
lignes, nous couvrons les deux conditions (Mode = 1) et (Mode = 2). Il nous
faut alors couvrir les autres conditions ; pour cela nous ajoutons, par
exemple, la ligne 14, qui nous permet de couvrir la condition (Vitesse > 100).
L’ajout de la ligne 10 nous permet alors de couvrir la condition (Pente > 30).
À ce point, la totalité des conditions sont couvertes par ces cinq lignes
(6,7,8,10,14) qui constituent nos cinq cas de tests satisfaisant le critère
MC/DC.
On remarquera que cette technique est très simple à mettre en œuvre et que
pour N conditions indépendantes, il nous faut au plus N +1 jeux de tests
différents mais qu’a contrario, il nous aura fallu construire une table de 2N
lignes pour les obtenir (ce qui limite l’utilisation de cette technique de
construction à des décisions avec assez peu de conditions). Le lecteur
intéressé pourra se référer au rapport de la NASA mentionné précédemment
pour une technique adaptée à des décisions faisant intervenir de nombreuses
conditions.
On remarquera également que cette couverture permet de détecter toute
erreur de codage portant sur une confusion sur un opérateur logique (un OR
est codé AND ou le contraire). Ainsi si la décision Freiner était codée ou
aurait dû être codée comme une des variantes F_V1 à F_V4, les jeux de tests
correspondant aux lignes 6,7,8,10,14 (en grisé dans la table 5.2) permettent
de détecter cette erreur : chacune des variantes présente au moins une
différence (en gras dans la table) quand à la valeur de la décision par rapport
à celle obtenue avec la décision initiale.
Freiner := ((Vitesse > 100) or (Pente > 30)) and ((Mode = 1) or (Mode
= 2))
F_V1 := ((Vitesse > 100) or (Pente > 30)) OR ((Mode = 1) or (Mode
= 2))
F_V2 := ((Vitesse > 100) AND (Pente > 30)) and ((Mode = 1) or
(Mode = 2))
F_V3 := ((Vitesse > 100) or (Pente > 30)) and ((Mode = 1) AND
(Mode = 2))
F_V4 := ((Vitesse>100) AND (Pente>30)) and ((Mode = 1) AND
(Mode = 2))

Tab. 5.2 Exemple de la pertinence du critère MC/DC


Vitesse>100 Pente>30 Mode=1 Mode=2 Freiner F_V1 F_V2 F_V3 F_V4
1 V V V V
2 V V V F V
3 V V F V V
4 V V F F F
5 V F V V
6 V F V F V V V F F
7 V F F V V V F F F
8 V F F F F V F F F
9 F V V V
10 F V V F V V F F F
11 F V F V V
12 F V F F F
13 F F V V
14 F F V F F V F F F
15 F F F V F
16 F F F F F

5.1.10. Critère de couverture « tous les i-chemins »


Dans cette variante de la couverture « tous les chemins », impraticable du fait
de la combinatoire monumentale engendrée par les boucles, on se limite aux
chemins qui passent de zéro à i fois dans les boucles ; par exemple, pour
atteindre le critère de couverture « tous les 2-chemins » il faudra passer zéro,
une fois et deux fois dans chaque boucle. Ce type de couverture permet de
détecter des erreurs non nécessairement détectées par une série de tests
satisfaisant le critère « toutes les branches » ou les différents critères de
couverture basés sur les conditions intervenant dans les décisions.

Fig. 5.5 Second cas de non-pertinence du critère « toutes les branches »

Considérons l’exemple proposé figure 5.5 : une fonction qui, étant donné un
tableau d’entiers T trié par ordre croissant et un entier X, devrait calculer la
plus petite valeur de T strictement supérieure à X. À droite est présenté le
graphe de contrôle associé à cette fonction. Le jeu de test (T = (0,2,4), X = 3)
permet de parcourir le chemin (B,I1,I2,I4,I2,J1,I6). Il satisfait donc le critère
de couverture « toutes les branches ». Malheureusement, deux problèmes
présents dans cette fonction ne sont pas détectés : lorsque les valeurs sont soit
toutes plus grandes que X soit toutes plus petites. Dans les deux cas, la
fonction retourne respectivement la première ou la dernière valeur, aucune
des deux ne satisfaisant le critère de recherche !
On l’a vu précédemment, le critère de couverture MC/DC permet d’améliorer
fréquemment la qualité des jeux de tests produits. Ici, pour l’obtenir, il faut
nécessairement ajouter un jeu de tests qui rende Faux la première condition
de la décision et Vrai la seconde partie, ce qui oblige à tester le cas où toutes
les valeurs de T sont plus petites que X et donc permet de détecter un des
deux problèmes de cette fonction. Cependant, ce critère de couverture
n’imposera pas de tester le cas où l’on ne rentre jamais dans la boucle ; en
effet tous ces critères basés sur les décisions, ne distinguent pas le cas où l’on
sort d’une boucle après y être passé au moins une fois du cas où l’on sort de
la boucle sans n’y être jamais entré.
Les critères de couverture « tous les i-chemins » vont imposer de passer de
zéro à i fois dans chaque boucle et permettront donc de détecter des erreurs
liées aux problèmes des boucles dans lesquelles on ne rentre pas. On n’utilise
en pratique des valeurs 1 ou 2 pour i (« 1-chemins » ou « 2-chemins ») afin
de rester dans une combinatoire raisonnable tout en améliorant
significativement le critère de couverture « toutes les branches ».

5.1.11. Autres critères de couverture basés sur le flot


de contrôle
Il existe de nombreux autres critères de couverture basés explicitement ou
implicitement sur le flot de contrôle. Nous n’en citons que deux.

Couverture LCSAJ
Ce critère de couverture LCSAJ pour « Linear Code Sequence and Jump »
(ou PLCS pour « Portion Linéaire de Code et Saut » en français) est une n-
ième variation du critère « tous les chemins » ; sa particularité est de pouvoir
être mise en œuvre sans la construction du graphe du flot de contrôle associé
au code à tester[5]. Un chemin LCSAJ est une suite d’instructions exécutées
en séquence suivie d’un saut. On note généralement un tel chemin par trois
numéros de lignes : le numéro de la ligne du début de la séquence linéaire, le
numéro de la ligne de fin et enfin le numéro de la ligne atteinte après
l’instruction de saut. La notion de séquence linéaire doit être comprise
comme séquence de lignes contiguës (n, n +1, n +2…) parcourues lors de
l’exécution du test. Cette séquence peut donc contenir des instructions de
branchements qui ne donnent, dans cette exécution, pas lieu à un
branchement.
L’avantage de cette couverture est qu’elle est plus complète que la couverture
« toutes les décisions » sans pour autant demander la prise en compte d’un
nombre exponentiel de chemins comme avec la couverture « tous les
chemins ».
Son inconvénient, comme celui d’autres mesures basées sur le flot de
contrôle est de ne pas prendre en compte les chemins infaisables.

Appel de fonction, module, méthode


Une autre façon de caractériser les jeux de tests est de se pencher sur la
manière dont ils se comportent vis-à-vis des fonctions, procédures ou
méthodes.
La première exigence possible est de demander à ce que chaque sous-
programme soit appelé au moins une fois lors des tests. Il s’agit d’un critère
assez faible. De plus, les défauts sont souvent introduits au niveau des
interfaces. On peut alors chercher à couvrir, non pas l’exécution de tous les
sous-programmes ou méthodes, mais tous les appels à ces sous-programmes.
De la sorte, on augmente la probabilité de mettre en évidence un défaut sur
une interface. On peut également rechercher tous les enchaînements de deux
méthodes ou sous-programmes possibles.
Ces critères de couvertures sont pertinents, mais, de nouveau, le testeur sera
confronté à l’efficacité de ses tests dans le temps qui lui est imparti et devra
souvent se contenter de rechercher des critères de couvertures plus simples.

5.2. Définir des objectifs de couvertures par rapport au


flot de données
5.2.1. Principes
Les différents critères de couverture basés sur le flot de contrôle se focalisent
sur les instructions et les séquences d’instruction en termes de chemin
d’exécution et ne considèrent pas directement la causalité qui existe entre
différentes instructions : typiquement une variable prend une valeur par une
instruction d’affectation I1 et cette valeur est utilisée dans un calcul ou un
prédicat par une autre instruction I2. Il peut être intéressant de chercher à
couvrir les chemins qui passent par I1 puis par I2, sans pour autant couvrir
tous les chemins d’exécutions possibles. Les critères de couverture basés sur
le flot de données vont permettre de combler l’écart qui existe entre le critère
« toutes les branches » et le critère « tous les chemins » en prenant en
compte, non les décisions comme cela est fait pour les différents critères vus
précédemment mais l’utilisation des variables faites à travers le programme.
Pour fixer les idées, considérons le graphe de contrôle donné figure 5.6.
L’instruction I3 correspond à l’affectation d’une variable X à la valeur 0 et
l’instruction I7 à l’utilisation de cette variable dans le calcul 10/X pour
affectation à une variable Y.

Fig. 5.6 Graphe de contrôle et deux possibilités de couverture « toutes les branches »

À gauche et à droite figurent des chemins d’exécution qui permettent dans les
deux cas d’obtenir le critère de couverture « toutes les branches ».
Cependant, les chemins sélectionnés sur la gauche (E B I1 I2 I3 J1 I5 I6 J2 S)
et (E B I1 I2 I4 J1 I5 I7 J2 S) ne permettent pas de découvrir l’erreur
potentielle de division par zéro en I7. A contrario, un des deux chemins
sélectionnés sur la droite (E B I1 I2 I3 J1 I5 J7 J2 S), permet de découvrir
l’erreur ou de garantir que ce cas est bien pris en compte dans le logiciel
(chemin rendu impossible par la conditionnelle I5) ; le critère de couverture
« toutes les branches » n’est donc pas pertinent vis-à-vis de ce type d’erreur.

5.2.2. Construire et utiliser un graphe de flots de


données
Un graphe flot de données est un graphe flot de contrôle sur lequel on ajoute
des informations quant à la vie des variables du composant à tester. Au
niveau d’une instruction (et donc au niveau d’un nœud du graphe de contrôle)
une variable X peut :
recevoir une valeur (on dit aussi être définie) comme dans une
instruction d’affectation « X : = 5 » ;
être utilisée dans un calcul « Y : = X +5 » ;
être utilisée ou un prédicat « if (X > 0) » ou enfin,
être détruite (killed en anglais) lorsque par exemple elle sort de son
domaine de définition.

Dans chacun de ces cas, on ajoute une information (une étiquette),


symbolisée à l’aide d’une lettre sur la figure 5.7, au niveau des nœuds du
graphe de contrôle. On remarquera qu’une même instruction conditionnelle
peut utiliser une variable dans un calcul puis dans un prédicat comme dans
« if (X +5) > 0 » ou qu’une instruction d’affectation peut utiliser la valeur
d’une variable dans un calcul avant de lui affecter le résultat de ce calcul
comme dans « X : = X +5 » ; dans ces deux cas, le nœud correspondant est
étiqueté par deux lettres au lieu de une.
Fig. 5.7 Annotation du graphe de contrôle par rapport à une variable

Une fois le graphe de contrôle construit, il peut être utilisé statiquement par la
recherche de séquences particulières mettant en évidence des erreurs de
réalisation comme l’oubli de l’affectation d’une variable ou, dynamiquement
par la définition de critères de couverture liés à la vie des variables (et donc
liés à l’étiquetage des nœuds).

5.2.3. Séquences caractéristiques et utilisation statique


de l’étiquetage des nœuds
Chaque exécution d’un logiciel correspond à un parcours du graphe de
contrôle associé. Si l’on observe l’utilisation d’une variable, l’annotation du
graphe de contrôle va « produire » un mot sur l’alphabet {d, u, c, p, k}
comme « duddduuuk ». L’ensemble des mots pouvant être engendrés par une
exécution du logiciel définit alors un langage. Analyser ce langage revient
alors à analyser les exécutions possibles du logiciel, cette analyse pouvant
être faite a priori et de façon statique, c’est-à-dire sans réelle exécution du
code. Pour ce faire on décrit le langage pouvant être engendré à l’aide
d’expressions régulières composées des lettres de l’alphabet (ici {d, u, c, p,
k}) et de symboles comme le plus (‘+’) et l’étoile (‘*’) et si nécessaire avec
l’aide de parenthèses. Le symbole ‘*’ sera utilisé pour désigner la répétition
d’un mot un nombre quelconque de fois (peut être aucune fois) alors que le
symbole ’+’ désignera la répétition d’un mot un nombre de fois non nul. Les
règles dictant la construction de ce langage (présentées figure 5.8) sont au
nombre de trois : la transcription d’une séquence, d’un choix et la prise en
compte d’une boucle.

Fig. 5.8 Règles de construction du langage associé à un graphe annoté

Fig. 5.9 Une fonction et son graphe de contrôle annoté

Considérons l’exemple présenté figure 5.9 qui correspond à une fonction de


calcul du Pgcd de deux nombres entiers par successions de différences
(algorithmes d’Euclide sans utilisation de la division euclidienne). Le graphe
de contrôle associé est annoté par rapport à l’utilisation de la variable p : cette
variable est, par exemple, définie en B1 puis utilisée en P1 dans un prédicat
(conditionnelle « p > q »). On remarquera qu’en B2, elle est, dans la même
instruction, utilisée successivement dans un calcul (« q-p ») puis définie par
une affectation, donnant l’annotation (c-use,d). Avant toute utilisation, une
variable est systématiquement considérée comme « killed ». Le langage
engendré par les exécutions possibles de cette fonction vis-à-vis de
l’utilisation de la variable p peut être défini par l’expression régulière :
kd(pp(cd+c))*pck) ce qui correspond au langage composé des mots qui
commencent par « kd », qui se terminent par « pck » et qui comprennent en
leur milieu un certain nombre (peut-être nul) de mots commençant par « pp »
suivis de « cd » ou de « c ». Ainsi, les mots « kd-pck », « kd-ppcd-pck » ou
« kd-ppc-ppc-ppcd-pck » font partie des mots de ce langage et correspondent
respectivement aux chemins exécutions E-B1-P1-B4-S, E-B1-P1-P2-B2-P1-
B4-S, E-B1-P1-P2-B3-P1-P2-B3-P1-P2-B2-P1-B4-S [6].
Les erreurs potentielles d’exécution vont pouvoir être détectées par l’analyse
de ce langage et en particulier par la recherche des séquences à deux
caractères qui définissent des séquences d’erreur ou d’alarme comme la
séquence « ku » qui correspond à l’utilisation d’une variable (u) après qu’elle
ait été détruite (k) et avant toute initialisation (absence de d). Le tableau 5.3
détaille la plupart des séquences caractéristiques et précise s’il s’agit d’un cas
normal ou d’un cas pathologique (alarme ou erreur).

Tab. 5.3 Séquences caractéristiques et interprétation en termes de comportement


Double définition ; séquence correspondant vraisemblablement
dd
à une exécution normale.
du (dc
Définition puis utilisation ; séquence normale.
dp)
Définition puis destruction : probablement une erreur (variable
dk
inutilisée).
Utilisation avant définition : ne permet pas de conclure
directement ; dépend s’il y a eu une définition avant cette
ud
séquence ; dans ce cas, il s’agit d’un cas normal ; autrement il
s’agit d’une erreur.
uu Succession d’utilisations ; cas normal.
uk Utilisation puis destruction ; cas normal.
kd Définition après une destruction ; cas normal.
ku (kc Destruction puis utilisation ; probablement une erreur (variable
kp) non initialisée).
kk Succession de destructions ; probablement une erreur (cas très
particulier).

Afin d’analyser automatiquement ces séquences (lors de la phase de


compilation par exemple) il est nécessaire de simplifier les expressions
définissant les langages engendrés par l’exécution du code correspondant. En
particulier il est nécessaire de simplifier autant que faire se peut les * et les +.
Il est par exemple possible d’utiliser le théorème de Huang (1979) qui énonce
qu’étant donné trois caractères A, B, C, si S, une chaîne de deux caractères
est une sous-chaîne des mots ABnC (n > 0), alors S est également une sous-
chaîne de AB2C. Ainsi en utilisant ce résultat il est possible, dans la
recherche de séquences d’alarme ou d’erreur (qui sont des chaînes de deux
caractères), de substituer X2 à X+ et (1+X2) à X*. De la sorte, par itération de
ce procédé, la recherche de séquences d’erreur ou d’alarme dans une
expression régulière quelconque peut se ramener à la recherche de séquences
d’erreur ou d’alarme dans une expression sans * et sans +, ce qui est
beaucoup plus simple. Par exemple, l’expression régulière concernant
l’utilisation de la variable x dans la portion de code donnée ci-dessous est
kd*p. Cette expression se simplifie en k(1+d2)p, qui s’écrit également
kp+kd2p, montrant ainsi la séquence d’erreur kp symptôme de l’utilisation
d’une variable non initialisée.

Figure 5.10
Integer x, y;
get(z)
for i:+0 to z loop
x:=A(i);
end loop
If x = 0 then …

5.2.4. Critères de couverture associés aux flots de


données
La démarche précédente s’apparente plus à l’analyse statique qu’au test
dynamique. L’annotation d’un graphe de contrôle peut cependant également
être utilisée avec profit dans ce cadre en définissant des objectifs de
couverture qui cette fois-ci s’appuieront non sur le flux de contrôle du
logiciel mais sur son flux de données, c’est-à-dire que l’on cherchera à
« suivre » les chemins qui vont de la définition des variables à leur utilisation.
Différents critères basés sur ce principe et plus ou moins sévères (i.e. difficile
à atteindre) peuvent être retenus. Pour les illustrer, nous considérons la
portion suivante (figure 5.11) de graphe de contrôle annoté vis-à-vis d’une
variable. Les traits entre les nœuds définissent des chemins d’exécution
possibles entre deux nœuds modifiant ou utilisant la variable considérée (les
autres nœuds ne sont pas représentés dans ce graphe).

Fig. 5.11 Une partie d’un graphe de contrôle annoté

Un premier objectif peut être de chercher à vérifier que la valeur donnée à


une variable est utilisée correctement dans les calculs qui suivent cette
définition ; il s’agit du critère « ACU » pour « All Computation Uses »
(toutes les utilisations dans un calcul). Pour l’obtenir il faut que, pour chaque
variable du logiciel, les jeux de tests parcourent toutes les portions de
chemins qui vont d’une définition de cette variable vers une utilisation de
celle-ci dans un calcul sans être repassé par une nouvelle définition de la
variable (on considère que seule la dernière définition impacte le calcul). Les
portions de chemins considérées pour ce critère sont représentées en gris sur
la figure 5.12.
Fig. 5.12 Critère « ACU » (All Computation Uses)

De façon symétrique, on peut chercher à analyser l’impact d’une définition


sur les branchements qui suivent cette définition ; il s’agit du critère « APU »
pour « All Predicat Uses » (toutes les utilisations dans un prédicat). Pour
satisfaire ce critère il faut que, pour chaque variable du logiciel, toutes les
portions de chemins qui vont d’une définition de cette variable vers une
utilisation de celle-ci dans un branchement soient couvertes par les jeux de
tests. Ces portions sont représentées en gras sur la figure 5.13.

Fig. 5.13 Critère « APU » (All Predicat Uses)


En combinant et en « relâchant » quelque peu ces critères on obtient le critère
« AD » pour « All Definitions » qui consiste à s’assurer que l’impact de toute
définition d’une variable sur une utilisation de celle-ci (calcul ou
branchement) est analysé par au moins un jeu de tests. Là encore, toute
nouvelle définition de la variable annule les définitions précédentes. Les
portions du graphe de contrôle considérées par ce critère sont représentées en
gras sur la figure 5.14.

Fig. 5.14 Critère « AD » (All Definitions)

Il s’agit là d’un critère assez faible. Aussi, l’on peut chercher à rapprocher les
deux précédents critères non par le bas (en diminuant les exigences) mais par
le haut. C’est ainsi que l’on peut chercher à couvrir toutes les utilisations
dans un calcul et au moins une utilisation dans un prédicat, ce qui donne le
critère « ACU + P » pour « All Computation Uses and one Predicat » (toutes
les utilisations dans un calcul et au moins dans une utilisation dans un
prédicat). Ce critère est illustré figure 5.15.
Fig. 5.15 Critère « ACU + P » (All Computation Uses + one Predicat)

Symétriquement, on peut chercher à couvrir toutes les utilisations dans un


branchement et au moins une utilisation dans un calcul, critère « APU + C »
pour « All Predicat Uses and one Computation » (toutes les utilisations dans
les prédicats et au moins une utilisation dans un calcul). Ce critère est illustré
figure 5.16.

Fig. 5.16 Critère « APU + C » (All Predicat Uses + one Computation)

En poursuivant l’augmentation du degré d’exigence quant à la couverture de


l’utilisation des variables après leur définition, on obtient le critère « AU »
pour « All Uses » (toutes les utilisations) qui permet de garantir que toute
utilisation de toute variable après une définition de celle-ci est couverte par
au moins un jeu de tests. C’est un critère relativement exigeant mais qui reste
réaliste quant à sa mise en œuvre. Ce critère est illustré par la figure 5.17.

Fig. 5.17 Critère « AU » (All Uses)

Enfin, dans tous les critères de couvertures précédents, on se limite aux


chemins ne comprenant pas de redéfinition. Ceci conduit, dans le cas de
boucles comprenant une instruction d’affectation, à ne considérer que la
dernière instruction d’affectation et donc à ne pas chercher à faire plus d’un
tour de boucle. Si l’on souhaite garantir une couverture plus complète des
boucles comprenant des instructions d’affectation de variable utilisées après
la boucle, il est nécessaire de rechercher à couvrir des chemins allant d’une
définition à une utilisation sans se limiter à la dernière définition rencontrée
avant l’utilisation de la variable. Cela donne le critère de couverture
« ADUP » pour « All Definition Uses Path » (tous les chemins d’utilisation
des définitions) qui est illustré dans la figure 5.18.
Fig. 5.18 Critères « ADUP » (All Definition Uses Path)

Il faut noter que ce dernier critère est difficile à obtenir du fait de sa


définition même qui vise à parcourir la plupart des boucles autant que faire se
peut. De la sorte il se rapproche très fortement du critère de couverture « tous
les chemins » qui est en général irréaliste. Le schéma de la figure 5.19
compare les différents critères de couvertures évoqués dans ce chapitre en
termes de sévérité, c’est-à-dire à la fois du point de vue de la difficulté à
l’obtenir mais également de la pertinence de celui-ci vis-à-vis de la détection
potentielle d’erreur. On notera que le critère « toutes les instructions » est le
critère le moins sévère. On prendra donc garde à ne pas tirer de conclusion
trop favorable quant à la réussite d’un passage de jeux de tests satisfaisant ce
critère : la couverture « toutes les instructions » est un minimum à obtenir et
certainement pas un critère d’arrêt des tests.
Fig. 5.19 Sévérité des critères de couvertures

5.3. Trouver les jeux de valeurs satisfaisant un critère


de couverture
Une fois un objectif de couverture fixé, il faut essayer de l’atteindre le plus
efficacement possible. Dans un premier temps, il est préférable de se focaliser
sur les spécifications et construire les jeux de tests à l’aide de ces documents.
En effet, comme dit précédemment, les défauts présents dans le logiciel
peuvent conduire à construire des jeux de tests erronés. Ce qui est fait l’est
peut-être correctement mais ce n’est pas forcément ce qui aurait dû être fait !
Par contre, dans le cas où l’objectif de couverture n’est pas atteint, l’accès
aux détails de réalisation va permettre d’essayer de construire des jeux de
valeurs permettant d’atteindre certaines instructions ou certains
branchements. La façon de procéder est forcément empirique car le problème
général est très difficile. En pratique, il s’agit de détecter les expressions
conditionnelles présentes le long du chemin que l’on souhaite voir explorer,
puis d’exprimer les contraintes qui devront être vérifiées au niveau de ces
expressions afin d’en déduire un jeu de valeurs correctes. Ce problème est
difficile car :
le nombre d’expressions peut être grand, engendrant des systèmes de
contraintes de grande taille ;
certains chemins sont infaisables du fait de l’impossibilité de satisfaire
simultanément plusieurs contraintes portant sur les mêmes variables. Par
exemple, le système des trois contraintes C1 = (X > Y), C2 = (Y = Z) et
C3 (Z > X) ne peut jamais être vérifié.

Néanmoins, certains travaux récents, qui visent à construire les jeux de tests à
partir de modèles du programme ou de ses spécifications, permettent
d’envisager prochainement une automatisation efficace du traitement de ce
problème.

5.4. Conclusion
L’utilisation des détails d’implémentation permet de compléter les approches
de tests « Boîte noire » de trois façons. La première est que ces détails
rendent possible la recherche de valeur permettant d’atteindre certaines
parties du logiciel jugées importantes mais « difficiles d’accès » car
correspondant à la combinaison d’événements ou valeurs particulières plus
faciles à caractériser à l’aide du code qu’à l’aide des spécifications. La
deuxième permet de définir des critères de couverture qui donnent une
certaine garantie quant à une certaine exhaustivité des tests menés : toutes les
instructions, toutes les conditions, toutes les branches ont bien été exécutées
ou parcourues au moins par un test, ou encore toutes les utilisations d’une
variable ont bien au moins été testées une fois. Ces critères de couvertures
sont par ailleurs utilisés dans des procédures de certification des logiciels
comme à travers la norme DO-178B « Software considerations in airborne
systems and equipment certification » éditée par la compagnie américaine
RTCA et utilisée pour autoriser l’utilisation des logiciels avioniques. Enfin, la
troisième façon d’utiliser les détails de réalisation dans une activité de test est
de contrôler le respect de standards par les programmeurs au sein d’une
entreprise ou d’une communauté ou de mesurer certains aspects non
fonctionnels du logiciel, comme sa maintenabilité, sa robustesse ou sa
fiabilité.
Cependant, si ces détails offrent un regard différent au testeur et l’accès à bon
nombre d’outils permettant une automatisation poussée des tests, ils peuvent
également l’induire en erreur car ces détails définissent ce qui est fait et non
ce qui devrait être fait. Une évolution possible, qui permettrait de combiner
les avantages des tests Boîte noire et Boîte blanche, est le développement (et
l’utilisation par les programmeurs) de langages d’annotations suffisamment
haut niveau pour être le reflet quasi exact des spécifications du logiciel,
suffisamment simples d’emploi pour être utilisés sans surcoût, et
suffisamment précis pour pouvoir être manipulés de façon automatique par
des outils d’aide à la conception de jeux de tests.
Notes
[1] C’est particulièrement vrai pour la partie du logiciel qui traite le mode
nominal de fonctionnement et est à nuancer pour la couverture de la partie du
logiciel qui se charge du traitement des exceptions ou des cas singuliers.
[2] Beizer, Boris : Software Testing Techniques, Second ed., Van Nostrand
Reinhold Company, Inc., 1983.
[3] La différence provient cette fois de l’action du compilateur qui, grâce à
différents procédés d’optimisation, peut factoriser et élimer certaines parties
inutiles du code source ; le code généré, plus simple, est plus facile à couvrir.
[4] Voir par exemple le rapport de Chilenski, John J. : « An Investigation of
Three Forms of the Modified Condition Decision Coverage (MCDC)
Criterion ». FAA Tech Center Report DOT/FAA/AR-01/18, April 2001 ou le
rapport de la NASA TM-2001-210876 « A Practical Tutorial on Modified
Condition / Decision Coverage » par Kelly J. Hayhurst, Dan S. Veerhusen,
Rockwell Collins et John J. Chilenski.
[5] Voir par exemple l’article de Woodward, M. R., Hedley, D. et Hennell,
M.A., « Experience with Path Analysis and Testing of Programs », IEEE
Transactions on Software Engineering, Vol. SE-6, No. 3, pp. 278-286 , May
1980.
[6] Les tirets ne sont utilisés ici que pour améliorer la lisibilité des
expressions.
Chapitre 6

Processus et tests d’intégration

6.1. L’intégration dans le cycle de vie


Dans le cadre normatif du standard ISO/CEI 12207, Software life cycle
Processes, qui est également celui de la norme CMM du SEI à très peu de
chose près, l’architecture statique des processus d’ingénierie est spécifiée à
l’aide de 17 processus de niveau 1 qui eux-mêmes sont raffinés en processus
de niveau 2. Cette architecture explicite l’ensemble des activités à effectuer
pour mener à bien un projet et ne rien oublier. Elle ne détermine pas l’ordre
dans lequel les opérations doivent être effectuées, et encore moins la nature
des interactions complexes qui assurent la cohérence entre ces différents
processus par rapport à la finalité, i.e. un certain niveau de service, dont
l’organisation projet sera le siège.
L’intégration intervient dans les processus « primaires », en développement
et en maintenance. Elle est un élément essentiel du système qualité mis en
œuvre dans les processus « support » pour garantir la qualité des livraisons
effectuées par le projet.

N.B. : nous avons conservé les intitulés anglais de la norme, la traduction ne posant
pas de problème.

Les activités relevant de l’ingénierie qui forment le cœur de la maîtrise


d’œuvre du projet, rassemblent les processus de développement et de
maintenance. La norme ISO 12207 décompose le processus de
développement en treize activités organisées en quatre couches (voir
figure 6.1). Les couches regroupent des ensembles de processus/activités
apparentés du point de vue de la nature des activités. La norme distingue la
couche métier, la couche système, la couche logiciel et les activités de
codage/tests unitaires qui ne vérifient et valident que ce qui a été programmé
est correct. L’architecture constitue le cœur des couches système et logiciel.

Fig. 6.1 Architecture statique des processus d’ingénierie d’après ISO12207

L’activité « process implementation » consiste à adapter, si nécessaire, le


modèle de développement aux spécificités du projet. C’est une méta-activité
qui demande une grande expérience car les décisions résultant de ce
processus (choix des standards du projet, méthodes spécifiques, outils,
langages de programmation) vont engager la réalisation sur le long terme et
l’économie globale du système (TCO – coût de possession totale). Un bon
exemple de ce type d’adaptation serait les méthodes de type « Test Driven
Development » préconisées par les méthodes agiles et/ou l’eXtreme
Programming[1].
Les activités « Software installation » et « Software acceptance support » sont
la contrepartie, vue du développement, des processus d’exploitation et de
support vue de l’organisation cible qui sont des contraintes pour le
développement.
L’ensemble du domaine intégration, également dénommé IVVT pour
intégration validation vérification test, regroupe les six processus, parmi les
treize, encadrés sur le schéma de la figure 6.2.

Fig. 6.2 Détail des processus d’ingénierie ISO12207 – Vision en couches

Pour l’étude de la dynamique de ces processus et de leurs interactions nous


pouvons faire apparaître les structures de régulation, d’arbitrage et de
décision que sont la MOA et la MOE.
Fig. 6.3 Dynamique de l’enchaînement des processus

Le problème fondamental de la dynamique projet est de pouvoir estimer à


quelle vitesse, un besoin exprimé selon les modalités FURPSE de la norme
ISO 9126, Caractéristiques qualité des produits logiciel, et validé par la
MOA, pourra être livré aux usagers et aux organisations en charge du MCO
conformément au contrat de service. Comme il s’agit essentiellement de
transformation de l’information, nous devons examiner les conditions de ces
transformations successives : fractionnement en « pièces » informationnelles
élémentaires, traduction dans le ou les langages de programmation, et surtout
vérification et validation à différents niveaux (unitaire, logiciel, système),
installation, support et maintenance.
Pour utiliser la terminologie systémique, cela revient à étudier d’une part a) le
temps de réponse des processus MOE et plus particulièrement le temps de
latence et l’inertie de l’organisation projet MOE, compte tenu des modalités
d’allocation et de restitution des ressources affectées aux tâches et aux
activités projet, et d’autre part b) de la circulation de l’information entre les
différents processus et activités, ce que l’on pourrait appeler la fluidité de ces
éléments informationnels.
Pour expliciter les spécificités de cette dynamique, nous allons examiner les
aspects suivants :
Capacité des équipes projet à prendre en compte un nouveau besoin.
Capacité de l’architecture du système et du logiciel à permettre aux
équipes de travailler en parallèle, tout en gardant la maîtrise de la
complexité.
Capacité du procédé de construction du système à ajouter, modifier,
supprimer des constituants, sans avoir besoin de repasser tous les tests
d’intégration et de recette, et garantir la stabilité de la qualité du service
rendu antérieurement. Les deux derniers aspects correspondent aux
caractéristiques non fonctionnelles S et E de l’ensemble FURPSE.

Dans le schéma de la figure 6.3, nous avons simplifié la nomenclature des


processus pour nous en tenir à l’essentiel que l’on retrouve dans toutes les
méthodes. Le problème fondamental n’est pas qu’il y en ait 3, 5, 9 ou 17,
mais de savoir en analyser les interactions c’est-à-dire : les messages qu’ils
échangent via l’organisation projet, les services qu’ils se rendent, les
évènements qu’ils émettent et reçoivent, leur nature contrôlable ou
observable vis-à-vis des pilotes de processus.
Ce sont les interactions qui vont déterminer dans une large part la fluidité et
le bon déroulement des travaux à effectuer par les acteurs projets, et plus
particulièrement ceux en charge de l’intégration. Le schéma systémique de
ces interactions est celui de la figure 6.4. Ce schéma montre deux niveaux de
contrôle :
La sphère de contrôle de la MOA est optimisée sur l’expression des
besoins métier à satisfaire, sur les conditions économiques CQFD de la
solution retenue (analyse de la valeur et TCO), sur le niveau de qualité
qu’il est raisonnable d’offrir pour garantir l’efficacité des usagers de
l’organisation cible.
La sphère de contrôle de la MOE est optimisée sur la qualité de la
livraison et la pérennité de la solution technique proposée. Elle doit être
telle que la performance globale de l’ensemble des processus, y compris
le support, l’exploitation et la maintenance, soit réellement optimisée.

Chacune des sphères à sa logique propre, liée aux processus et activités dont
l’autorité sera confiée soit à l’un soit à l’autre, sachant qu’une règle saine de
management stipule que l’autorité ne doit pas se partager. Le système qualité,
via le contrat, joue le rôle de médiateur entre les deux et en assure la
cohérence. C’est l’élément essentiel de la régulation globale.

Fig. 6.4 Interaction MOA/MOE

6.2. Intégration dans une architecture client/serveur


Avec le développement des architectures distribuées dites n-tiers, dans les
années quatre-vingt-dix, de nombreuses applications sont organisées
conformément au pattern d’architecture MVC, comme suit :
Fig. 6.5 Architecture d’une application conforme au pattern MVC.

En architecture client-serveur, la nomenclature des échanges (messages et


événements) sur le « bus » d’intégration est un aspect fondamental de la
gestion de configuration. Tout événement émis nécessite une réponse, ne
serait-ce qu’un accusé de réception, pour garantir la conservation de
l’information et que rien n’a été perdu. En exécution, il faudra gérer une trace
des événements émis et reçus, en conformité avec la gestion de configuration.
L’application est articulée autour de trois éléments principaux (composants
applicatifs) dont chacun comporte un certain nombre de composants
élémentaires qui répondent aux différentes exigences fonctionnelles et non
fonctionnelles, conformément aux caractéristiques qualités FURPSE qui ont
été négociées pour le projet.
Le niveau application met à disposition de chacun des trois composants
applicatifs une bibliothèque générale d’éléments logiciels communs. Le client
léger IHM et le serveur de transactions ont en commun une bibliothèque
d’interfaces pour les échanges qui leur sont propres. Idem pour les serveurs
de transactions et de données.
Chacun des composants dispose de bibliothèques spécifiques pour leurs
interfaces internes. La traçabilité des interfaces d’échanges dont peuvent
dépendre certains composants internes de chacun des trois éléments doit être
assurée pour gérer la configuration de l’application.
Chacun des composants a une organisation hiérarchique qui lui est propre. En
restant dans une logique MVC on peut raffiner les structures internes, et faire
apparaître les « pièces » élémentaires qui vont être les intégrats de rang 0 du
processus d’intégration, comme suit.

Fig. 6.6 Détails des serveurs d’une application générique conforme au pattern MVC

Chacun des éléments dispose de fonctions et de mémoires qui leur sont


propres. Les mémoires sont a priori non persistantes, pour ne pas violer les
règles élémentaires de saine gestion de l’intégrité des données (non-
duplication). Les formats de données utilisées localement peuvent être
spécifiques, mais doivent être conformes à une sémantique unique si les
données sont communes aux différents éléments.
Chacun des éléments a également une logique d’enchaînement qui lui est
propre. Le moniteur d’IHM gère les interactions avec l’usager, conformément
aux règles d’ergonomie de l’acteur qui est de l’autre côté de l’interface ; si
c’est un acteur non humain, l’ergonomie est imposée par l’appareil ou le
système en interface via le « langage » spécifique de cette interface. Les
transactions sont enchaînées conformément à la logique transactionnelle bien
connue (règles ACID). Les requêtes aux données sont exécutées en
conformité avec la logique du SGBD sous-jacent. Si la logique
transactionnelle impose des mises à jour simultanées dans plusieurs bases de
données, il faut évidemment s’assurer que la logique nécessaire à l’intégrité
de ces mises à jour est disponible (gestion de verrous, commit à deux phases,
etc.).
Pour assurer une bonne fluidité de la prise en compte de nouveaux besoins, il
convient de séparer, de la façon la plus rigoureuse, la logique métier de la
logique plate-forme et des COTS utilisés. Cela revient à « encapsuler » les
dépendances technologiques dans une couche ad hoc comme recommandé
dans l’approche MDA/MDE préconisée par l’OMG, mais qui lui est bien
antérieure. C’est la mise en pratique du principe de modularité dont l’effet
sera de diminuer le nombre de tests à produire et de simplifier le processus
d’intégration. C’est ce que montre le schéma de la figure 6.7.
Fig. 6.7 Indépendance métier et plate-forme

Les fonctions métiers doivent être cohérentes avec les fonctions métiers
informatisés, via une IHM ad hoc. Les fonctions métier informatisées
peuvent être soit développées, soit acquises via des progiciels (COTS) qu’il
faudra cependant paramétrer. Idéalement, les fonctions métier informatisées
doivent être réalisées de façon indépendante de la technologie sous jacente
afin de disposer d’un degré de liberté supplémentaire si le MOA souhaite
changer de fournisseur de technologie en minimisant l’impact sur les
processus métiers proprement dits (cf. la caractéristique évolutivité de
FURPSE). Cette analyse est applicable à chacun des éléments de
l’application.

N.B. : sur le schéma, les exigences fonctionnelles et les exigences non fonctionnelles
sont clairement distinguées pour signifier que les unes et les autres sont essentielles à
l’expression de besoin et à la spécification des tests systèmes à effectuer en intégration
système et en recette.

L’ensemble des entités ainsi identifiées constitue la configuration système qui


décrit l’architecture statique du système. Cette configuration doit être
conforme au schéma de la figure 6.8.

Fig. 6.8 Configuration système résultat du processus de conception

Ce schéma qui suit la norme IEEE 1220, « Application and management of


the systems engineering process », nécessite quelques précisions
terminologiques. L’élément application est un exécutable au sens de la plate-
forme, ce qui fait qu’une « application » au sens classique peut être
constituée de plusieurs exécutables. Dans une architecture distribuée ce sera
toujours le cas car il y aura, au minimum, trois exécutables, mais souvent
beaucoup plus : l’IHM sur le serveur client léger, l’application proprement
dite sur le serveur de transactions, et les données nécessaires aux transactions
sur le serveur de données. Dans l’informatique mainframe, avant les postes
de travail « intelligents », le problème ne se posait pas en ces termes car toute
la logique et « l’intelligence », i.e. le logiciel, étaient hébergées dans le
mainframe ; les terminaux d’alors étant qualifiés de « dumb », i.e. bête !
C’était un monde plus simple, avec des contraintes d’une autre nature. Avec
l’informatique distribuée, la complexité est plus grande, d’où la nécessité
d’une gestion de configuration qui décrit l’ensemble des relations entre ces
différents éléments.
Dans cette approche, l’application au sens ancien est un sous-système, i.e. un
élément de quelque chose de plus vaste : un système d’information comme
les ressources humaines, la production, la relation clients, etc. Le niveau
système de systèmes regroupe tous les systèmes de l’entreprise qui
interopèrent entre eux conformément aux objectifs stratégiques de
l’entreprise.
On remarquera que la relation entre le logiciel qui est un « texte » exécutable
et la plate-forme qui est une ressource capable d’exécuter le texte en
question, se matérialise au niveau d’un équipement. Un même équipement
peut héberger plusieurs applications qui ont entre elles des interactions
privilégiées. C’est à ce niveau que l’on fera la distinction entre les différents
environnements utilisés par les acteurs des processus d’ingénierie :
L’environnement de développement pour les programmeurs, avec tous
les outils nécessaires à la programmation.
L’environnement d’intégration pour l’équipe en charge de l’intégration,
avec les outils spécifiques de l’intégration, en particulier la gestion de
configuration globale du système, les mesures de performance pour
valider le comportement, etc.
L’environnement d’exploitation, avec les outils d’administration, qui, in
fine, permettra l’utilisation des applications par les usagers réels des
organisations pour lesquelles elles ont été réalisées, conformément au
contrat de service.

Pour maîtriser la complexité inhérente au système, il est impératif que


l’arborescence correspondante soit une vraie hiérarchie. Toute dépendance
latérale doit être exclue et remontée sur le niveau commun aux deux feuilles.
Si trop d’entités remontent sur la racine de l’arborescence, cela signifie que
les entités sont toutes dépendantes les unes des autres, et que, en
conséquence, le système est mal hiérarchisé ; dans ce cas, les couches et/ou
les serveurs n’ont pas de réalité véritable, ce qui rendra le processus
d’intégration particulièrement coûteux et peu sûr.
Dans une architecture distribuée, notre application générique va engendrer un
schéma de déploiement comme présenté sur la figure 6.9.

Fig. 6.9 Déploiement d’une application client-serveur

Le logiciel unique va être installé en tout ou partie sur un grand nombre de


machines de configurations différentes, voire même avec des systèmes
d’exploitation différents, ce qui va occasionner un problème de gestion de la
configuration système complexe, surtout s’il est géré « à la main ». Il faut
expliciter la relation d’installation entre le logiciel et les machines réceptrices
du logiciel pour gérer les commandes de paramétrage. On peut représenter
cette relation comme sur la figure 6.10.

Fig. 6.10 Configuration du déploiement


Il y a autant de scripts d’installation que de types de machines à installer,
étant entendu que chacune des machines peut avoir ses propres spécificités et
héberger d’autres logiciels que celui qui est installé. Cette nomenclature est
fondamentale pour valider les installations (cf. la démarche ITIL[2]). Du point
de vue du logiciel, s’il est correctement structuré en couches, l’installation
dans une machine particulière devra faire apparaître les éléments logiciels
présentés sur la figure 6.11.

Fig. 6.11 Installation sur une machine particulière

À titre d’exemple, on peut donner des chiffres communiqués par Microsoft[3]


concernant Excel 4.0 dont la souche commune à Windows et à Macintosh
totalise 528 287 lignes de code en C, avec 56 522 spécifiques Mac et 59 710
spécifiques Windows. Le SGBD Oracle est également bâti sur ce principe.
Cette approche qui présuppose une bonne architecture, simplifie énormément
le travail d’intégration d’un environnement à un autre, ou lors des évolutions
de la plate-forme et/ou de l’application.
Pour des raisons liées à la complexité, il est recommandé de bien séparer la
souche générale, de l’adaptateur à l’environnement d’exploitation, car les
paramétrages à effectuer sont de nature très différente, logique pour la
souche, physique pour l’adaptateur. Du point de vue gestion de configuration,
il faudra distinguer le cas où la souche est un format binaire fabriqué dans un
environnement d’intégration standardisé, du cas où la souche est recompilée
sur la machine Mi, auquel cas l’environnement de développement de la
machine Mi fait partie de la configuration.
On peut facilement imaginer que si toute cette mécanique n’est pas
parfaitement gérée et automatisée, ce sera une source d’erreurs et
d’incertitudes considérables qui se traduira par des temps de diagnostics
importants en cas de défaillances et un mauvais rendement de l’effort associé.

6.3. Notion d’intégrat


Un intégrat logiciel élémentaire regroupe un ensemble de fonctions
apparentées de plus ou moins grande taille résultant du travail de quelques
programmeurs (2 à 4 pendant 6 à 9 mois, selon la complexité), typiquement
15 000 à 20 000 LS (ou 150 à 300 Points de Fonctions).
Du point de vue de l’intégration, un intégrat dans un projet a les attributs
qualité présenté sur la figure 6.12.

Fig. 6.12 Attributs indispensables d’un intégrat

Tout manquement à la qualité va perturber le travail de l’équipe d’intégration,


car elle ne dispose pas de l’information indispensable à l’efficacité de son
travail de développement des tests. Elle a le choix entre deux attitudes :

1. elle se débrouille seule, avec le risque de produire des tests de qualité


médiocre, ce qui est globalement mauvais ;
2. elle va chercher l’information manquante chez les acteurs qui n’ont pas
fait leur travail, et dans ce cas c’est la productivité qui se dégrade et le
rendement des équipes qui s’effondre ; le coût de non-qualité augmente.

Du point de vue fonctionnel, un intégrat doit satisfaire les critères de


modularité[4] définis par D. Parnas, précisés par B. Meyer avec les
« contrats » d’interfaces et redécouverts par J. Sassoon avec les principes
d’urbanisation qui ne sont qu’un autre nom pour l’architecture. Les règles
principales, pour résumer, sont l’unicité du point d’entrée et du point de
sortie, et la rétention de l’information spécifique du module, i.e. l’absence de
contexte partagé entre différents modules (cf. principe de modularité
« stateless »).

Fig. 6.13 Aspects modulaires des intégrats

L’unicité des points d’entrée et de sortie, et les contrats associés, déterminent


des points d’observation qui vont permettre le travail de vérification et de
validation. Intégrer un module, c’est s’assurer que les contrats qui le lient à
son environnement sont effectivement respectés.
Dans la réalité des vrais projets, il faut comme toujours nuancer la définition
en particulier pour ce qui concerne le contexte. Il peut être difficile, par
exemple pour des raisons de performance, d’interdire la présence d’un
contexte, bien qu’en théorie cela soit toujours possible. Interdire le contexte
revient à dire que l’information correspondante transite par les points d’entrée
et de sortie via des messages et/ou des recopies de données dans la mémoire
sous contrôle de l’intégrat. Dans le cas de réseaux, cela peut saturer la bande
passante et créer des problèmes de qualité de service (temps de réponse, perte
d’information, etc.).

Fig. 6.14 Aspects fonctionnels des intégrats

Dans la pratique, l’intégrat aura l’aspect reproduit sur la figure 6.14. Dans le
schéma, nous avons fait apparaître :
Les données de contexte correspondant aux différents niveaux
d’intégration rencontrés couramment dans la pratique, par exemple pour
effectuer des paramétrages.
Les ressources utilisées par l’intégrat pour expliciter les règles
d’allocation et de restitution qui font partie du contrat.
La sortie non nominale correspondant à une défaillance de l’intégrat qui
va nécessiter un déroutement vers les mécanismes d’administration qui
gèrent les reprises.
Le comportement prévisible de l’intégrat lorsque le niveau de charge
augmente.

Tous ces aspects font partie du travail de vérification et de validation à faire


en intégration.

6.4. Difficultés et risques de l’intégration


La première difficulté de l’intégration est qu’elle est tributaire de la qualité
des activités et des processus amont. Elle voit le système comme un ensemble
de « Boîtes noires » appelés intégrats — ce sont des agrégats d’intégration —
qui interagissent entre eux via leurs interfaces ou leur contexte commun. À
partir des composants élémentaires du système résultat du travail des
programmeurs que nous appellerons intégrats de rang 0, l’intégration
construit des intégrats de rang 1, qui eux-mêmes permettent de construire des
intégrats de rang 2, et ce jusqu’à l’intégrat final qui est LE système intégré. À
chaque étape, la complexité de l’assemblage doit être maîtrisée pour que le
processus d’intégration ne diverge pas.
Une deuxième difficulté vient de la précision des diagnostics formulés par
l’équipe d’intégration. Lorsqu’une anomalie apparaît dans l’exécution d’un
test, l’équipe d’intégration doit recueillir le maximum d’information sur le
contexte de l’anomalie, i.e. des faits techniques (FT) irréfutables et
reproductibles, et envoyer le rapport d’anomalie (RA) au bon acteur du côté
des processus d’ingénierie. Dans un projet de taille significative, plusieurs
dizaines de personnes peuvent à un moment ou à un autre avoir été des
contributeurs du projet, y compris dans des sociétés sous-traitantes ; d’où
l’importance des attributs de la figure 6.12. Si l’architecture n’a pas été
conçue testable, la résolution du problème dont l’anomalie est le révélateur
peut s’avérer coûteuse. Toute erreur d’aiguillage sera consommatrice d’effort
et de délai, avec le risque additionnel de perdre le rapport d’anomalie (RA) si
celui-ci n’est pas géré en configuration.
Une troisième difficulté vient de la façon d’ordonnancer l’exécution des tests,
de façon à ce que la stratégie de test soit la plus efficace possible en terme
CQFD. L’architecture définit une logique d’intégration, comme le montrent
les schémas des figures 6.5, 6.6 et 6.7 de notre architecture générique.
Ces schémas suggèrent deux stratégies d’intégration contrastées S1 et S2.
S1 consiste à développer et à intégrer indépendamment chacun des trois
serveurs sur leur plate-forme respective. Une telle approche correspond à une
logique projet, simple en apparence, car une fois les interfaces négociées,
chacun des maîtres d’œuvre est libre chez soi. Ne reste à résoudre que
l’intégration des trois serveurs. On peut qualifier une telle stratégie de
verticale ou de silo.
S2 est exactement l’inverse. Elle est fondée sur le fait expérimental que les
problèmes les plus difficiles sont précisément ceux de l’interfaçage des trois
serveurs et de l’organe de communication qui leur permet d’interopérer. Une
des règles de base de l’ingénierie stipule qu’il faut commencer par les
problèmes les plus difficiles. Dans notre cas, il faut commencer par la pièce,
en fait trois pièces élémentaires, permettant aux serveurs d’échanger des
messages. Cette stratégie est l’intégration continue, préconisée par les
méthodes agiles et l’approche TDD – « Test Driven Development ».
Nous allons détailler ces deux stratégies.

6.4.1. Intégration verticale


On peut représenter les étapes d’intégration de la stratégie S1 comme suit.

Étape E1
Chacun des serveurs est pré-intégré dans un environnement simulé qui
matérialise son contrat d’interfaces avec les autres serveurs.
Ce qui donne, pour l’IHM : le serveur « bouchon » donne des réponses
conventionnelles à partir des informations fournies par les fichiers de
données et les paramètres, de façon à pouvoir tester des scénarios
complets. Il est essentiel, pour les tests de non-régression de ce serveur
de disposer de scénarios simulés complets qui permettent d’éviter la
présence d’un opérateur humain pour les rejeux.

Fig. 6.15 E1-1 – Environnement d’intégration du serveur client léger

Pour le serveur de transactions : l’environnement de ce serveur


nécessite deux pièces additionnelles : un pilote et un bouchon.

Fig. 6.16 E1-2 – Environnement d’intégration du serveur de transactions

Le « pilote » simule les interactions du serveur IHM. Les scénarios IHM


et les fichiers de données et paramètres du pilote n’ont aucune raison
d’être les mêmes que pour le client léger car la logique de test est
différente. Les scénarios IHM doivent permettre de valider les
enchaînements de transactions conformes aux fonctionnalités spécifiées.
Les fichiers de données et/ou paramètres du « bouchon » permettent de
construire des réponses conventionnelles mais, sémantiquement parlant,
représentatives de véritables interrogations (y compris les erreurs
imputables à la qualité des données pour la robustesse).
Pour le serveur de données : l’environnement de ce serveur nécessite
un pilote et des bases de données d’essais orientées intégration
(interfaces, taille, performance, robustesse, etc.).
Fig. 6.17 E1-3 – Environnement d’intégration du serveur de données

Le pilote simule cette fois la fusion {IHM + Transactions}, avec des


scénarios ad hoc orientés gestion des données (logique CRUD – Create,
Retrieve, Update, Delete), avec plusieurs bases de données d’essais
représentatives de la réalité. Les scénarios IHM doivent permettre de
valider tout ce qui concerne les données, les sous-schémas et/ou les vues
partielles des données, les enregistrements virtuels résultant de filtrages
et/ou de jointures, les conflits d’accès, les performances via les
« caches » de données, la robustesse avec la présence volontaire de
données erronées et/ou incohérentes dans les BD d’essais, etc.

Étape E2
On valide la combinatoire autorisée par les mécanismes d’échanges. Les
combinaisons autorisées sont au nombre de trois, soit :

E2-1 – Combinaisons deux à deux : {Client léger + Serveur de


transactions} ; {Serveur de transactions + serveur de données} ; avec,
pour chacune des combinaisons, les scénarios et fichiers de
données/paramètres ad hoc, différents de ceux de l’étape E1. La
combinaison {Client léger + Serveur de données} n’est pas autorisée
quoique possible (c’est un cas d’erreur) sauf à bouchonner le serveur de
transactions si le responsable de l’intégration pense qu’il peut y avoir
des dépendances cachées entre ces deux serveurs.
E2-2 – Combinaison trois à trois : une seule combinaison qui
correspond au système complet réunissant les trois serveurs. Ce qui
donne un environnement comme suit :
Fig. 6.18 Environnement d’intégration de l’application

Les scénarios de reprises sur incidents sont au minimum ceux de la


plate-forme de référence qui servira à l’intégration et à la maintenance.
Les bases de données d’essais doivent être représentatives de la réalité
pour les tests de charge, la robustesse, les reprises sur incidents, les
performances, etc.

Étape E3
On valide simultanément les trois serveurs dans la logique de la recette finale.
Idéalement, les bases de données d’essais doivent être des clones des bases de
données du système réel. Les différentes configurations doivent être
conformes aux configurations rencontrées en exploitation. À ce stade de
l’intégration, certains tests peuvent/doivent être effectués sur les plates-
formes d’exploitation si le risque est considéré comme acceptable du point de
vue des usagers connectés aux systèmes. Il faut valider les installations avec
toutes les configurations de plates-formes autorisées.
En termes de coûts et de maîtrise du contrat de service (SLA) on peut
mesurer l’intérêt de rationaliser et de simplifier au maximum les plates-
formes d’exploitation, car le moindre laisser-aller se traduira par une
combinatoire infernale, et un volume de tests à effectuer incompatible avec le
budget du projet.
Fig. 6.19 Environnement d’intégration pour la recette finale

Bilan de la stratégie d’intégration verticale


C’est une stratégie prudente, qu’une équipe moyennement expérimentée
pourra mettre en œuvre, éventuellement onéreuse en termes de coûts et de
délais, mais qui produira un résultat de bonne qualité, du moins avec un petit
nombre de serveurs. Le volume de programmation nécessité pour le
développement des pilotes et des bouchons peut devenir important, ce qui est
un vrai problème. Il faut que ce code ait un niveau de fiabilité identique à
celui des serveurs car il sert à valider les mécanismes d’échanges et
l’interopérabilité.
Les risques de cette stratégie résultent de la validation tardive des
mécanismes d’échanges et de l’interopérabilité qui ne sera acquise qu’à
l’étape E2-2, en fin de projet. Si des incohérences apparaissent dans les
interfaces à ce stade, elles risquent d’engendrer des modifications importantes
dans les serveurs, ce qui nous ramène à l’étape E1. Si les environnements et
les tests n’ont pas été gérés de façon rigoureuse, en gestion de configuration,
cela provoquera inéluctablement des retards en délai et des travaux de
reprises coûteux. À l’extrême, le volume de travail à fournir peut déstabiliser
le projet et conduire à l’échec.
Toutefois, le vrai risque de cette stratégie est lié au nombre de serveurs
impliqués dans les échanges et l’interopérabilité. Les trois serveurs de notre
exemple sont un cas d’école, car dans la réalité il peut y en avoir beaucoup
plus. Avec N serveurs, le nombre de combinaisons à valider, et
conséquemment le nombre de pilotes et/ou de bouchons à développer est de
l’ordre de l’ensemble des parties de N, car il faut considérer les
configurations 2 à 2, 3 à 3, ... , N à N, soit au total

qui est une exponentielle. La complexité induite implique un nombre de tests


incompatible avec le budget du projet, ce qui se traduira par de nombreuses
combinaisons non testées, donc une baisse progressive de la qualité de
service en fonction du nombre de serveurs fonctionnellement interconnectés.
Si de plus les interactions sont contextuelles, résultant de violation de la règle
de modularité dite « stateless », c’est-à-dire que le serveur a mémorisé des
états qui résultent des interactions antérieures, il faut alors tenir compte de la
taille des chroniques de ces interactions et des permutations possibles, ce qui
amène une combinatoire qui de l’ordre d’une factorielle, soit :
La combinatoire devient une exponentielle d’exponentielle, donc sans espoir
du point de vue des tests. Cela montre l’importance de l’architecture et du
respect strict des règles de modularité : discipline de programmation et
politique d’assurance qualité rigoureuse, comme exigé par le CMM dès le
niveau 2 de l’échelle de maturité.

6.4.2. Intégration continue


On peut représenter les étapes d’intégration de la stratégie S2 comme suit.

Étape E1 : validation des interfaces entre les serveurs et


des mécanismes d’échanges
Cette stratégie met la priorité sur les mécanismes d’échanges et
l’interopérabilité entre les composants applicatifs constitutifs de l’application
et/ou du système réalisé. Ces mécanismes constituent le « bus » logiciel du
système, par analogie avec les mécanismes hardware. Ce bus peut lui-même
intégrer des progiciels EAI (Enterprise Application Integration) ou ESB
(Enterprise Software Bus) qui sont des boîtes à outils neutres facilitant son
développement[5].
Les « squelettes » sont la traduction littérale de la conception détaillée de
chacun des serveurs. Les intégrats interfaces matérialisent les contrats
négociés entre les différents serveurs, c’est-à-dire entre les différents
responsables et architectes des projets, et le responsable de l’architecture
d’ensemble qui doit être également le responsable de l’intégration système.
Le code fonctionnel de chacun des serveurs est réduit au minimum
indispensable pour les tests de l’interopérabilité des serveurs, tout le reste est
bouchonné. Les bouchons font partie de l’environnement d’intégration et
gérés comme tels.
Le but est de construire un environnement minimum, partagé entre les
projets, qui va permettre de valider exhaustivement les interfaces entre les
serveurs et l’interopérabilité.
La première configuration d’intégration se présente comme sur la figure 6.20.

Fig. 6.20 Environnement d’intégration continue

La spécification de cet environnement présuppose un travail fin de


synchronisation entre les équipes projets de chacun des serveurs et l’équipe
d’intégration, ce qui nécessite une maturité de niveau 4 ou 5 dans l’échelle
CMM. C’est du travail d’experts qui ne peut être effectué que par des chefs
de projets et/ou architectes dont l’expérience est confirmée par des
réalisations antérieures dont la qualité est prouvée (N.B. : c’est le B.A.-BA
des méthodes agiles !).
À ce stade de l’intégration, les interfaces et les mécanismes d’échanges pour
l’interopérabilité sont validés définitivement. Avec un minimum de code
développé, on peut dès cette première étape effectuer des tests de bout en
bout et valider les caractéristiques non fonctionnelles comme les
performances, les services communs, les mécanismes de reprises qui sont
toujours déterminantes pour l’architecture.
La grande différence avec la stratégie silo est que d’entrée de jeu on focalise
les acteurs sur tout ce qui est transverse dans le projet. Toutes les incertitudes
sont levées, et la suite des travaux — développement et intégration — va se
dérouler sur une architecture stabilisée et validée, ce qui va minimiser le
nombre de pilotes et de bouchons.

Étapes E2, E3, ... ex. : croissance progressive et contrôlée


de l’application
L’architecture étant stabilisée, les responsables projets vont livrer à
l’intégration des blocs de code cohérents, de façon à toujours privilégier les
aspects transverses, comme sur la figure 6.21.

Fig. 6.21 Modèle de croissance en intégration continue

La cohérence des intégrats est de nature sémantique, ce qui signifie que la


logique de livraison est fondée sur la logique d’intégration de façon à
minimiser la taille des bouchons.
Sur la base d’une logique CRUD de gestion des données, on va enrichir (c’est
juste un exemple de stratégie) les serveurs de façon à traiter tout ce qui
concerne la création (create) d’entités, puis la suppression (delete) ; à ce stade
on peut faire des premiers essais de fiabilité et de robustesse concernant les
aspects CD de la gestion des données.
Dans un second temps, on traite les aspects consultation/sélection (retrieve),
puis la mise à jour (update) ; ce qui peut se faire en plusieurs étapes si le
système est de grande taille, le tout entrecoupé d’essais de fiabilité et de
robustesse.
Les bases de données d’essais sont progressivement enrichies jusqu’au stade
où elles sont représentatives de la réalité.
Dans la phase UD, on dispose d’un sous-ensemble de système
sémantiquement cohérent, ce qui va permettre de faire les premiers essais de
recette dans les configurations à installer. Là encore le but est d’anticiper les
problèmes et de lever les incertitudes le plus tôt possible dans le déroulement
du projet.
Avec une mécanique d’intégration bien rodée (voir ci-dessous), on peut
envisager un rythme de livraisons hebdomadaires, voir quotidiennes comme
proposé dans les méthodes agiles.

Bilan de la stratégie d’intégration continue


C’est la stratégie optimale, pour autant que les équipes aient la maturité et
l’expérience suffisantes. Le processus d’intégration est étroitement couplé
aux processus de développement des trois serveurs, ce qui présuppose une
architecture effectivement stabilisée et partagée entre les équipes de
développement et d’intégration ; dans notre cas d’école, il y a quatre équipes.
Le vrai mérite de cette stratégie est qu’elle rend linéaire le coût du processus
d’intégration, en évitant les combinaisons 2 à 2, 3 à 3, etc. Le coût de cette
linéarité est le coût de la qualité du travail architectural, en particulier la
spécification des interfaces, car ce sont les interfaces qui vont absorber la
combinatoire[6]. La maîtrise de cette mécanique de précision est un bon
indicateur de maturité de l’organisation et des équipes d’ingénierie.
Les risques de cette stratégie sont de deux types. Un premier type de risques
vient des interactions entre le maître d’ouvrage, le(s) maître(s) d’œuvre,
l’intégrateur et le client. Un second type vient du niveau de maturité des
équipes exigé pour la mise en œuvre de cette stratégie.
Pour que cela ait une chance de fonctionner, il est indispensable de disposer
d’architectes et de chefs de projets expérimentés car tout repose sur la qualité
de l’architecture, la stabilité des interfaces et la capacité des équipes projets à
travailler en parallèles. On parle, dans ce cas, de management de projet centré
sur l’architecture (Architecture centric project management, comme
présupposé par les méthodes agiles). Si ce n’est pas le cas, le chaos est
inéluctable, et mieux vaut se rabattre sur la stratégie silo.
En termes de diagramme de GANTT, on peut représenter qualitativement
chacune des stratégies comme sur la figure 6.22.

Fig. 6.22 GANTT des stratégies d’intégration silo et continue

On raisonne à coûts constants. Le gain porte sur les délais, ce qui est un
avantage concurrentiel certain.
On remarquera que la conception inclut la spécification de l’environnement
d’intégration, selon le principe des architectures testables, i.e. le « design to
test » des ingénieurs hardware. Cet environnement se substitue aux pré-
intégrations. Ce faisant, l’intégration et la recette démarrent beaucoup plus tôt
dans le processus S2, avec des avances respectives Δ1 et Δ2. L’avantage
concurrentiel se matérialise par le gain en délai Δ3.

6.5. Mécanique du processus d’intégration


Dans la réalité des projets, l’équipe d’intégration voit l’activité de conception
et codage comme un flux d’intégrats qui lui arrivent de façon plus ou moins
régulière et qu’elle va devoir assembler pour faire les tests dont elle à la
charge. L’ordre d’arrivée des intégrats n’est que très rarement l’ordre logique
de l’intégration. Pour passer les tests, l’équipe d’intégration peut être amenée
à simuler les intégrats manquant par des intégrats « bouchonnés » qui, via les
interfaces, vont fournir des réponses conventionnelles lors de l’exécution des
tests. Ceci compliquera d’autant l’exécution des tests. Ce mécanisme vaut
également pour la qualification et l’acceptation finale, comme le montre la
figure 6.23.
Si l’intégrat n’est pas conforme au contrat passé entre le développement et
l’intégration, l’intégrat est rejeté, ce qui fait perdre du temps de part et
d’autre. Toute anomalie détectée en cours de test ou de revue d’intégration
fait l’objet d’un rapport d’anomalie (RA) complété par les faits techniques
(FT) justifiant l’anomalie. La précision de l’information remontée via les RA
et FT est primordiale pour la performance des processus de développement et
d’intégration.

Fig. 6.23 Procédé de construction mis en œuvre par l’intégration.

Au niveau de l’intégration, la stratégie de test est primordiale.


L’ordonnancement optimum des intégrats est celui qui minimise le CQFD de
l’intégration : c’est une contrainte à prendre sérieusement en compte dans les
activités amont, et plus particulièrement dans la conception du logiciel.
Rappelons que, selon le modèle d’estimation COCOMO, l’intégration
consomme de 20 à 35 % de l’effort, selon la complexité du projet.
Si les intégrats arrivent en désordre, l’équipe d’intégration a recours à deux
attitudes possibles :
Elle attend que le sous-ensemble d’intégrats à tester soit complet, d’où
une quasi-certitude de perte de ressource et chute du rendement (cf. la
stratégie intégration silo, ci-dessus).
Elle développe des programmes permettant de « bouchonner » les
intégrats manquant afin de fabriquer des intégrats exécutables pour
effectuer des tests partiels (cf. la stratégie intégration continue, avec
l’environnement intégré).
Elle devient donc une équipe de développement d’un atelier
d’intégration, sous le contrôle de l’architecte système, avec tous les
risques que cela comporte car ce n’est pas sa finalité initiale. C’est une
méta-activité à définir dans le processus d’ingénierie « Process
Implementation » comme indiqué dans la figure 6.2 présentée en début
de chapitre. Par ailleurs le code développé ne fera pas partie de la
livraison négociée, mais il faudra quand même le gérer pendant toute ou
partie de la durée du processus d’intégration, voire de le conserver pour
les versions ultérieures du système et la maintenance. Pour toutes ces
raisons, il est impératif de minimiser le volume de ce code, ou alors de
le faire prendre en compte par les équipes de conception-programmation
au titre de la caractéristique qualité de testabilité, si elles ont la maturité
suffisante.

Enfin, une dernière difficulté vient des activités et processus aval. Il est rare
que les contraintes du MCO soient prises en compte complètement dès le
départ du projet, pour la simple raison que les acteurs correspondant ne sont
pas encore identifiés. Dans la mesure où c’est le processus d’intégration qui
livre les résultats du projet au MCO, les acteurs MCO et leurs contraintes
peuvent être identifiés relativement tardivement. Les plates-formes qui seront
effectivement déployées peuvent également n’être disponibles que très
tardivement.
Tout concourt donc à ce qu’un dernier train d’exigences apparaissent lors de
la transition Intégration → Qualification/Acceptation du système, et bien
souvent sous la forme de rapports d’anomalies (RA) concernant les
caractéristiques qualité non fonctionnelles. Il est par exemple très fréquent
que des problèmes de performance se manifestent sur les plates-formes
d’exploitation alors que rien n’avait été anticipé sur les plates-formes de
développement et d’intégration. La prise en compte des RA correspondants
peut s’avérer préjudiciable à l’équilibre CQFD du projet car ce type de
situation est souvent révélateur d’un grave défaut d’architecture qui est à
l’origine des mauvaises performances.
Pour pouvoir solutionner des problèmes d’architecture tardifs comme les
performances ou la maintenabilité, la conception initiale de l’architecture doit
être « ouverte » au maximum, ce qui est plus facile à dire qu’à faire ; par
exemple l’architecte peut anticiper la présence d’un cache, sans le
développer, mais en prévoyant les interfaces qui conviennent. Seul un
architecte expérimenté sera à même d’anticiper les risques et d’installer les
interfaces permettant de réagir si nécessaire. Si ce n’est pas prévu, il faudra
attendre une seconde version du système, accompagné d’une refonte
substantielle de l’architecture initiale. Toutes ces considérations sont au cœur
des réflexions de l’OMG sur l’approche MDA (Model Driven Architecture)
et le MDE (Model Driven Engineering). Pour rester dans le domaine des
performances, si la conception est suffisamment précise et rigoureuse, il est
possible de développer un modèle prédictif de performance permettant de
dimensionner les ressources indispensables pour garantir la qualité du service
rendu.

6.6. Dynamique du processus d’intégration


Avec la mise en œuvre des architectures client-serveur, le processus
d’intégration, déjà complexe à l’époque des grands systèmes centraux, a vu
sa complexité encore augmenter. C’est aujourd’hui l’un des processus les
plus difficiles à maîtriser car, en plus de la complexité inhérente au système,
il est le révélateur de toutes les contradictions latentes, de tous les non-dits,
de tous les conflits dont le projet a pu être le siège et qui n’ont pas été
correctement arbitrés, ajoutant ainsi leurs lots de complication et
d’incertitude. L’intégration est la minute de vérité des concepteurs, où les
limitations des acteurs se manifestent aux yeux de tous, ce qui rend les
situations humaines encore plus difficiles à gérer.
Le processus d’intégration, que l’on peut scinder en « software integration »
et « system integration », rétroagit d’une part sur tous les processus amont
qu’il va alimenter par un flux de faits techniques et de rapports d’anomalies
qu’il a mis en évidence, et d’autre part sur les processus aval en direction du
MCO qui doivent être anticipés (cf. les activités software installation et
« software acceptance support » dans la figure 6.2. qui donne le détail de
l’ingénierie). Tout cet ensemble met en œuvre les activités de soutien
explicitées dans les processus de la figure 6.1 ; parmi ces activités, la gestion
de configuration joue un rôle central.

Fig. 6.24 Rétroactions et régulation du processus d’intégration

Il est habituel de regrouper l’ensemble de ces activités sous l’appellation


IVVT (Intégration, Validation, Vérification et Test) ou IVVQ (pour
Qualification, plus large que le Test). De fait, l’intégration est
fondamentalement une activité de test et de planification de test, au sens large
du terme. Le déroulement de l’intégration va générer son lot de problèmes
qu’il faudra résoudre jusqu’à satisfaction des critères qualité pour la globalité
du système intégré.
Pour toutes les activités d’intégration, la logistique des tests est un facteur
dimensionnant de l’efficacité du processus. Examinons les grandes lignes du
processus de mise en œuvre des tests qui vaut tout aussi bien pour la
vérification et/ou la validation.

Fig. 6.25 Structure du processus de test

La figure 6.25 montre que si la documentation de l’intégrat est insuffisante,


beaucoup de temps et d’efforts seront perdus pour rassembler l’information
nécessaire aux tests. La qualité des tests sera médiocre. Si les moyens
d’analyse (traces, vérifications des contrats de programmation aux interfaces
par des assertions, tests en ligne pour l’autodiagnostic) sont inexistants ou
insuffisants, les temps d’analyse et de diagnostic seront très longs.
Le pavé Résolution du problème est une illustration de la mise en œuvre du
processus « Problem Resolution » des processus de support mentionnés dans
la figure 6.1.
Enfin, le schéma montre l’importance de la gestion de configuration pour
gérer l’ensemble des informations nécessaires à un processus d’intégration
performant.
Compte tenu du caractère répétitif des tests, l’automatisation du processus
d’intégration doit être envisagée dès que le projet dépasse une certaine taille
et que les tests sont nombreux. Nous avons montré dans des ouvrages
antérieurs[7] que l’effort consacré aux tests croît comme le carré du nombre
de tests, ce qui en soit est une justification pour automatiser tout ou partie du
processus (voir règle 6, § 6.8.6).

6.6.1. Rappel sur la mécanique du procédé de


construction
Pour bien comprendre la dynamique de l’intégration, il est essentiel
d’analyser les mécanismes mis en œuvre par le procédé de construction des
codes sources et de fabrication des binaires tel qu’on les trouve sur les plates-
formes de développement et dans les environnements intégrés de
programmation. C’est cet ensemble de mécanismes qui produit les intégrats
de rang 0 ; ces intégrats peuvent résulter de l’assemblage, au sens
informatique du terme, de plusieurs unités de compilation pour former un
tout sémantiquement cohérent. La taille d’un intégrat de rang 0 est purement
conventionnelle ; elle peut varier de quelques KLS (kilo lignes source) à
quelques dizaines de KLS, selon la nature des projets.
Les grandes lignes du procédé de construction pratiqué en intégration
peuvent être schématisées comme sur la figure 6.26.
Fig. 6.26 Procédé de construction et d’intégration d’un système

A1 et A2 sont des adaptations par des textes source que l’on peut
incorporer au programme soit avant la compilation à l’aide d’un éditeur
de texte, un pré-processeur comme dans C/C++ ou un générateur de
programme, soit pendant la compilation avec les fonctions du langage
prévue à cet effet (copy, include, etc.).
A3 est un mécanisme de l’édition de liens statique qui permet
d’incorporer au programme des objets binaires au format des unités de
compilation.
A4 est une fonction du moniteur de travaux de la plate-forme qui permet
d’incorporer au programme, lors de son lancement, un texte (ce sont des
données) qui pourra être lu par le programme à l’aide d’API système ad
hoc disponibles sur la plate-forme.
A5 est tout simplement un fichier de paramétrage que l’application
pourra consulter chaque fois que nécessaire (par exemple des
« constantes » pas assez immuables pour pouvoir être déclarées ;
3,14159… est une vraie constante, tant qu’on est en géométrie
euclidienne ; la TVA à 19,6 % est une « constante » lentement variable).
Les possibilités A1 à A5 existent depuis plus de 30 ans dans les langages
de programmation et les systèmes d’exploitation ; A6 et A7 sont
beaucoup plus récentes dans la pratique, bien que connues également
depuis plus de 30 ans, car elles nécessitent beaucoup de ressources de
performance mémoire + temps CPU.
A6 est la possibilité d’incorporer dynamiquement, au moment de
l’exécution du programme, du code et/ou des données, lors de leur
première référence. C’est le mécanisme d’édition de lien dynamique,
apparu pour la première fois avec le système MULTICS du MIT. C’est
un mécanisme d’une extrême puissance, très consommateur de
ressources plate-forme, qui permet de différer au plus tard des références
à des entités qui, faute de quoi, auraient dû être liées statiquement via
l’éditeur de liens. C’est en fait une façon de mettre à jour
dynamiquement l’application, sans avoir besoin de tout recompiler, et
surtout de tout ré-intégrer (mais il faut tout de même valider). Seul le
protocole d’appel du programme doit être standardisé, son corps viendra
au dernier moment.
Les systèmes d’exploitation disposent généralement de la propriété
d’introduire des « patchs[8] » sur un site particulier. Cette propriété très
intéressante, car réversible et locale, permet de corriger les anomalies
constatées sur une exploitation particulière sans déstabiliser tous les
sites. Le moment venu, on pourra intégrer tous les patchs à l’occasion de
la fabrication d’une nouvelle version, ou d’une révision. Les patchs sont
la matérialisation de nos imperfections et de nos erreurs ; si l’on était
dans un monde parfait, il n’y en aurait pas.
A7 est la possibilité de masquer la machine réelle hardware par une
machine purement logicielle, comme la JVM (Java Virtual Machine), ce
qui permet de disposer d’autant de types de machines que de besoin,
donc une très grande souplesse, au prix :
d’une baisse de performance très importante (facteur 100, voire
plus !), ce qui, avec les microprocesseurs actuels, ne pose plus de
problème dans certains contextes comme les IHM, et
d’une augmentation de complexité très importante, car le processus
d’IVVT déjà problématique et difficile en mode statique, est cette
fois complètement dynamique ; en conséquence, la stratégie
d’intégration est intégralement à revoir.

Les machines abstraites comme celles mentionnées ci-dessus, peuvent être


réalisées sous la forme de machines virtuelles comme la JVM.
La possibilité de compléter dynamiquement une application avec de
nouvelles fonctions mieux adaptées au contexte, soit par édition dynamique
soit par ajout d’une machine virtuelle, est une capacité fonctionnelle
particulièrement bien adaptée au contexte de l’intégration et de l’évolution
des systèmes, mais encore faut-il soigneusement doser les parties dynamiques
de l’application pour ne pas rendre l’ingénierie de l’intégration carrément
ingérable, voir même infaisable, tant au niveau de l’équipe d’intégration, que
de la logistique que cette nouvelle forme d’intégration implique. C’est ce qui
figure sur la partie droite du schéma avec les mécanismes de surveillance et
les traçabilités inverses. Sans ces mécanismes, sur lesquels repose toute
l’intégrité du dispositif d’adaptation dynamique, il est exclu de faire
fonctionner correctement une telle architecture et de donner une quelconque
garantie de qualité.
Le procédé de construction produit des intégrats primaires, appelés intégrats
de rang 0, qui, par agrégation progressive, vont permettre la construction
validée et vérifiée du système final. Cette construction doit être réversible.
La structure sémantique de cet intégrat est présentée sur la figure 6.27.
Fig. 6.27 Structure sémantique d’un intégrat

Le schéma montre les trois blocs sémantiques constitutifs de tout


élément logiciel, quel que soit d’ailleurs leur niveau d’intégration.
Le bloc de contrôle peut être représenté à l’aide des diagrammes
d’activité ou des diagrammes état transition tel qu’on les trouve dans le
langage UML. C’est le « squelette » de l’intégrat, son épine dorsale,
autour de laquelle vont s’articuler les différents éléments, transactions et
ressources, nécessaires à l’exécution de l’intégrat. Dans certain cas, en
particulier si le contrôle peut être ramené à des automates à états finis ou
à piles, on peut représenter le contrôle à l’aide d’une grammaire (i.e. la
grammaire de l’orchestration), ce qui est le formalisme le plus concis
qu’on puisse espérer ; cette notation est utilisée systématiquement dans
les compilateurs depuis la fin des années soixante-dix, et beaucoup plus
récemment dans les traducteurs de XML.
Le bloc de transformations est un ensemble de transactions élémentaires
qui permettent d’effectuer la transformation ENTRÉE → SORTIE. On peut
représenter les transactions par divers descriptifs comme ceux des
méthodes objets, soit sous la forme d’une classe, soit sous la forme
d’une méthode dans une classe, mais l’essentiel est que les portions de
programmes ainsi modélisées soient de vraies transactions satisfaisant
les propriétés ACID[9].
Le bloc ressources est constitué des éléments externes dont l’intégrat
peut avoir besoin pour s’exécuter. Ce peut être une simple donnée
externe du contexte partagé entre différents intégrats dont l’accès
nécessite un protocole ou des règles de gestion conventionnelles. Ce
peut être une base de données, un service dont les modalités d’appel
devront être précisées (séquentiel synchrone, asynchrone avec ou sans
messages, accusé de réception, etc.)
Le schéma distingue la sortie nominale, quand tout se passe bien et que
la transformation effectuée a produit ses résultats ; la suite des
traitements peut alors être lancée sans risque.
La sortie anormale est activée lorsque des pannes irréparables ont été
rencontrées lors de l’exécution de l’intégrat et que, non seulement la
qualité du résultat ne peut pas être garantie, mais que de plus il y a un
doute sur l’intégrité de la plate-forme et de la disponibilité des
ressources. Dans ce cas, il est indispensable d’activer les mécanismes de
surveillance de l’exécution et, si nécessaire, les mécanismes de
réparation, conformément à ce qui a été exprimé en tant que besoin dans
la caractéristique non fonctionnelle de fiabilité (i.e. « recoverability » ou
capacité de remise en état de marche). Cette distinction est fondamentale
car elle évite de considérer comme nominale, une situation à risque qui
ne l’est pas ; c’est elle qui permet la tolérance à certaines pannes qui
seront jugées réparables, i.e. la « fault tolerance ». Les mécanismes de
surveillance doivent donc être programmés de façon telle qu’ils résistent
à des pannes ; pour ce faire, ils doivent disposer d’un vecteur d’état et
d’information résumant l’historique de l’exécution effectuée.

On peut schématiser un tel vecteur comme sur la figure 6.28.


Fig. 6.28 Structure du vecteur d’état d’une transformation

Les vecteurs d’états peuvent être stockés dans une mémoire


conventionnelle, éventuellement gérés par la plate-forme, de façon à
garantir une persistance essentielle à la réparation. En intégration, il est
indispensable via les scénarios et les paramétrages de tests de pouvoir
manipuler ces vecteurs de façon à valider les mécanismes de reprises.

6.6.2. La machine à intégrer


Le processus d’intégration peut être assimilé à une machine d’assemblage,
analogue à une chaîne de montage automobile, qui construit progressivement
les intégrats résultant d’assemblages partiels, jusqu’à obtention de l’intégrat
final sur lequel pourront être effectués les tests de recette du point de vue des
usagers.
L’organisation de ce travail d’assemblage résulte directement de
l’architecture adoptée (i.e. l’arbre produit utilisé dans la gestion du projet
pour organiser le parallélisme entre les équipes et/ou les acteurs individuels).
En entrée de la chaîne d’assemblage, nous avons les intégrats de rang 0 tels
que définis précédemment.
Fig. 6.29 La chaîne d’intégration – Assemblage des intégrats

À chaque étape de l’intégration, les scénarios de tests de cette étape sont mis
en œuvre, ce qui permet de découvrir de nouveaux défauts. Chaque anomalie
constatée fait l’objet d’un rapport d’anomalie (RA), géré en configuration,
redirigé vers l’étape précédente pour diagnostiquer de la façon la plus précise
possible l’origine de l’anomalie et la chaîne causale du défaut, et ce jusqu’à
l’intégrat de rang 0 qu’il faudra corriger le moment venu.
Pour autant, la mécanique d’intégration n’est pas nécessairement stoppée car
des actions correctrices locales peuvent être effectuées permettant aussi
d’exécuter d’autres scénarios de tests.
Ceci nous amène à examiner les conditions d’entrée des intégrats de rang 0
dans la chaîne d’intégration. Deux attitudes sont possibles :

A. L’intégrat de rang 0 doit être complètement programmé et validé par des


tests unitaires ; la documentation doit être disponible.
B. L’intégrat de rang 0 peut être incomplet, pour autant que la partie
programmée soit validée, et que la partie manquante ait été bouchonnée.

La situation a) est de toute évidence plus sûre et plus simple, mais elle a
l’inconvénient majeur d’aligner le processus d’intégration sur la livraison la
plus tardive. Il est très difficile de récupérer les marges de planification ainsi
offertes. D’un point de vue management de projet, ce n’est pas une stratégie
optimale.
La situation b) permet effectivement de récupérer les marges et de permettre
à l’équipe d’intégration de travailler plus efficacement. Pour ce faire, l’équipe
d’intégration peut accepter des intégrats incomplets pour autant que la
cohérence sémantique de l’assemblage soit garantie. Si ce n’est pas le cas, les
scénarios de tests sont inutilisables et il faut réaliser des scénarios adaptés.
La situation b) demande donc une coordination plus précise et plus
rigoureuse entre les équipes d’ingénierie et l’équipe d’intégration. Les
interactions résultant de ce couplage beaucoup plus étroit devront être
soigneusement gérées pour qu’elles ne transforment pas le projet en chaos
généralisé. Ceci exige un haut niveau de maturité, en particulier du côté de
l’ingénierie qui doit complètement intégrer la contrainte d’intégration dans
l’architecture et dans la programmation du système.
Le passage d’un étage d’intégration au suivant peut être détaillé comme sur la
figure 6.30.

Fig. 6.30 Agrégation des intégrats

Pour que l’intégrat de rang n + 1 puisse être testé il faut :

A. initialiser les données de contexte des intégrats de rang n ;


B. mettre à disposition des intégrats les ressources indispensables à leur
exécution (N.B. : elles peuvent être simulées) et valider que les règles
d’allocation/restitution sont correctement appliquées ;
C. définir les « bouchons » pour les éléments des intégrats non encore
programmés et/ou livrés mais qui doivent fournir des réponses
cohérentes pour construire des enchaînements eux-mêmes cohérents.

Le pilotage est sous contrôle de l’intégrateur qui peut programmer tout ou


partie des enchaînements qu’il souhaite valider.
Les entrées et sorties de l’intégrat peuvent nécessiter des fonctions d’édition
ad hoc qu’il sera utile de standardiser pour l’ensemble du système sous la
forme de langage textuel (par exemple en XML).

6.6.3. Retour sur l’intégration continue


L’équipe d’intégration doit avoir défini les tests de façon modulaire de façon
à pouvoir les adapter au contexte des livraisons dont il est impossible de
prévoir la séquence exacte longtemps à l’avance. Vu sous cet angle, l’intégrat
devient une structure lacunaire dont les « trous » correspondent à des blocs de
fonctionnalités non implémentées, que l’on peut représenter comme sur la
figure 6.31.
Fig. 6.31 Structure fine d’un intégrat

À l’instant t, seul un sous-ensemble des entrées, des sorties et des blocs peut
être utilisé. Les blocs manquants peuvent être bouchonnés ou simulés de
façon à rendre la sortie aussi complète que possible.
En procédant ainsi, l’équipe d’intégration va pouvoir assembler un intégrat
partiel et commencer l’exécution des scénarios de tests, de façon à garantir
que les interfaces entre les intégrats fonctionnent correctement. Un scénario
de test valide une séquence particulière d’enchaînement des intégrats, d’où
l’intérêt pour l’intégration d’avoir connaissance des diagrammes de
séquences élaborés lors de l’expression de besoin et utilisés par les
concepteurs pour déterminer la solution architecturale. Si ces diagrammes ont
été modifiés, il faut bien sûr que les modifications aient été communiquées à
l’intégration.
Une séquence d’intégrats peut être schématisée comme sur la figure 6.32.
Fig. 6.32 Construction d’une séquence d’intégrats

La figure 6.32 met en évidence quatre principes généraux qui fondent le


travail d’intégration.
À partir d’une initialisation des données d’entrée, effectuée éventuellement
par simulation via le pilote, il faut organiser le travail de façon à parcourir la
séquence complète des intégrats le plus rapidement possible, pour obtenir une
terminaison satisfaisant les critères qualité, fut-ce au prix d’une simplification
drastique des intégrats, en bouchonnant au maximum. Ceci permet de valider
les interfaces indépendamment de contenus fonctionnels des intégrats, et de
valider la partie du mécanisme de surveillance qui sera utilisé lorsque les
intégrats seront plus complets : c’est le principe Initialisation – Terminaison,
et obtention rapide de chaînes longues.
L’équipe d’intégration se sert au maximum de la structure existante pour
éviter d’avoir à effectuer du travail inutile, et plus particulièrement de réduire
la réalisation des bouchons et des simulations au strict minimum : c’est le
principe d’activation, c’est-à-dire la capacité à activer tout ou partie d’un
intégrat enfoui en se servant des intégrats précédents dans la chaîne
d’exécution.
Lorsqu’une défaillance est constatée, le problème est de retrouver le défaut à
l’origine de la cause de la défaillance qui est peut-être dans un intégrat
antérieur. Il faut donc disposer d’information en quantité et en qualité pour
effectuer cette séparation et formuler un diagnostic : c’est le principe de
séparation du couple défaut exécuté — défaillance constatée.
Pour ce faire, il est indispensable de savoir observer les transformations
effectuées par les intégrats, d’où l’importance de la validation préalable des
interfaces et des mécanismes de surveillance : c’est le principe d’observation.
Le mécanisme de surveillance, qui fait partie intégrante de l’architecture, doit
pouvoir fonctionner à différents niveaux de finesse, pour ne pas noyer
l’intégrateur sous une quantité d’information qui rendrait son travail
d’analyse très pénible, et compliquerait la formulation d’un diagnostic.
Comme tout ceci est extrêmement répétitif on voit l’intérêt de programmer ce
mécanisme de surveillance à demeure dans le système une bonne fois pour
toutes, plutôt que d’avoir à le définir avec des outils externes comme les
débogueurs symboliques, et à le reconstruire d’une version à l’autre, car cela
fait partie des réalisations effectuées mais non livrées.
Si l’on veut maximiser le rendement des différentes équipes, il faut faire en
sorte que tout ce qui est fait par un acteur quelconque puisse servir à un autre
acteur qui en aurait le besoin. La programmation systématique des
mécanismes de surveillance, plutôt que de façon opportuniste au gré des
problèmes rencontrés, est particulièrement rentable puisqu’elle va servir tout
au long du processus d’intégration et surtout pendant la phase de maintenance
du système. Elle est parfaitement conforme au principe qualité : « Faire bien
dès la première fois ».
Une chaîne fonctionnelle d’intégrat ayant ainsi été constituée, le problème de
l’équipe d’intégration est d’organiser la croissance fonctionnelle de la chaîne
en remplaçant progressivement les blocs bouchonnés par des blocs
programmés. C’est que montre la figure 6.33.
Fig. 6.33 Croissance fonctionnelle d’une séquence d’intégrats

Sur la figure 6.33, on voit qu’un certain nombre de bouchons ont été
remplacés par des blocs programmés à l’étape E2.
Cette façon de procéder permet de faciliter la séparation défaut/défaillance. Si
un nouveau défaut apparaît, il est raisonnable de penser que cela vient plutôt
des nouveaux blocs intégrés. En jouant sur la dichotomie blocs bouchonnés
— blocs intégrés, il est plus aisé d’identifier le bloc programmé qui est en
cause dans la nouvelle défaillance.

6.6.4. Intégration et gestion de configuration


Cette gymnastique nécessite une gestion de configuration très bien définie,
permettant, via un jeu de bibliothèques correctement organisées, de prendre
soit le nouveau bloc, soit le bouchon, sous le contrôle de l’intégrateur.
On notera le rôle crucial de l’architecture pour organiser correctement le
modèle de croissance, ainsi que celui de la nomenclature du produit (article
de configuration).
La figure 6.34 montre les principes d’organisation de ces bibliothèques.
Lorsque l’intégrateur déclenche la construction d’un intégrat, via les
processeurs ad hoc de l’environnement de programmation et d’intégration, il
doit déterminer l’ordre dans lequel les recherches doivent être effectuées dans
les différentes bibliothèques.
Au fur et à mesure de l’avancement du processus d’intégration, les intégrats
migrent progressivement vers la bibliothèque qui contient les intégrats de
rang 0 qui sont les éléments complets, vérifiés et validés qui seront
constitutifs de l’intégrat final.
Cette bibliothèque contient la configuration livrée. Tous les éléments qui ont
été utilisés temporairement, à un moment ou à un autre, dans la chaîne
d’assemblage sont conservés dans la bibliothèque qui contient les bouchons
et les éléments simulés. Le contenu de cette bibliothèque, bien que ne faisant
pas partie des livrables fonctionnels, est un investissement important très utile
dans le MCO ; il doit dont être géré comme tel, et surtout pas laissé en
jachère, car c’est un coût qu’il faudra nécessairement réinvestir tout au long
de la vie du système. Un bon moyen de pénaliser la productivité de l’équipe
qui sera en charge de la maintenance est de ne pas lui livrer ces éléments que
de toute façon elle devra reconstruire, sous une forme ou sous une autre.
Notons que le principe d’une telle livraison ne peut être que bénéfique au
projet, car elle oblige l’équipe de développement à travailler solidairement
avec l’équipe de maintenance avec un contrat explicite.

N.B. : c’est une vraie difficulté, et un risque, dans le cas de projets offshore.
Fig. 6.34 Organisation des bibliothèques de l’intégration.

6.6.5. Intégration dynamique


L’intégrat construit à l’aide des mécanismes de compilation et d’édition de
liens statiques est une image figée définie à ce moment de compilation.
Néanmoins, nous avons vu, notamment grâce au schéma de la figure 6.26,
que la construction peut être différée jusqu’à l’exécution de l’intégrat grâce
au mécanisme d’édition de liens dynamique.
Cette possibilité, quand elle existe, peut puissamment aider à améliorer la
productivité et le rendement du processus d’intégration, en complétant le
procédé d’intégration général, que l’on peut dénommer plus précisément :
procédé d’intégration discontinu à gros grains (i.e. la stratégie d’intégration
silo), par un mécanisme complémentaire, beaucoup plus souple, que l’on peut
dénommer procédé d’intégration continue à grains fins.
Pour que ce second mécanisme joue pleinement son rôle, il faut que le
mécanisme général garantisse la construction d’un intégrat final dont certains
éléments seront intégrés, dynamiquement, à la demande, lorsque l’exécution
du système rencontrera une référence non résolue correspondant à un élément
qui n’a pas été intégré dans la construction statique. Pour que cela soit
possible, il faut que les différentes API du système soient stabilisées de façon
à permettre une programmation indépendante et parallèle à ce qui est réalisé
pour l’intégrat final intégré statiquement. C’est ce que montre la figure 6.35.

Fig. 6.35 Le procédé d’intégration continu à grains fins

À l’issue du processus de conception générale et détaillée, l’équipe


d’architecture a produit une bibliothèque d’API dont les modalités d’emploi
sont rigoureusement spécifiées, validées et vérifiées. Cette bibliothèque
constitue l’armature logique du système, et d’une certaine façon son
axiomatique. C’est sur la stabilité et la cohérence logique de ces API que
l’ensemble du système va pouvoir se bâtir. Cette bibliothèque peut être
enrichie progressivement par de nouvelles API à la condition expresse
qu’elles ne rendent pas le système incohérent (c’est une propriété logique qui
n’est pas évidente à établir), conformément au principe de compatibilité
ascendante.
Si l’on fait une analogie mathématique, c’est un peu comme si, sur une base
axiomatique, on enrichissait cette base par la définition de nouveaux objets
mathématiques et les théorèmes permettant de les manipuler de façon sûre.
Par contre, rajouter de nouveaux axiomes nécessite de grandes précautions
car il ne faut pas rendre le système contradictoire. C’est ainsi qu’en
géométrie, selon l’axiome choisi pour définir le parallélisme, on peut
construire différentes géométries qui, chacune, ont des propriétés
intéressantes (géométrie sphérique, espace-temps, etc.).
Dans un ordinateur, la programmation par événements nécessite beaucoup de
précautions car il faut maîtriser la chaîne de traitement depuis l’entité qui a
levé l’exception jusqu’à celle qui traitera l’exception (dépendances
fonctionnelles cachées). C’est ce qui rend la programmation en architecture
client-serveur sur des plates-formes distribuées particulièrement délicate car,
selon le contexte d’emploi, la sémantique peut être différente[10]. La
surveillance et l’intégration dynamique sur de telles plates-formes nécessitent
des précautions particulières, et un haut niveau de maturité pour l’équipe qui
souhaite mettre ces concepts en œuvre.
L’intérêt de l’intégration continue dynamique est que l’apparition d’un
nouveau besoin peut être pris en compte à tout moment, dans la mesure où la
traduction informatique de ce nouveau besoin peut s’effectuer à l’aide des
API déjà définies, ou de nouvelles API compatibles avec les anciennes. La
grosse différence avec l’intégration discontinue est que l’IVVT et la recette
vont se faire sur site et non pas dans un environnement d’intégration
complètement contrôlé par l’équipe d’intégration.
En termes d’organisation cela revient à dire que l’équipe d’exploitation est
également une équipe d’intégration, ce qui n’est évidemment pas la même
chose. Une équipe d’exploitation nominale n’a heureusement pas besoin,
d’avoir la même compétence que l’équipe d’intégration, car elle ne fait
qu’exploiter ce qui a été conçu et préparé par d’autres.
Une intégration continue intempestive peut avoir de graves conséquences sur
la disponibilité du système. Si les mécanismes d’édition de liens dynamique
ne sont pas parfaitement maîtrisés cela peut se traduire par des
comportements dégénératifs de la disponibilité du système, par des fuites de
mémoires, etc., sans parler des problèmes de sécurité.
Ces mécanismes ne doivent donc être mis qu’entre des mains expertes,
connaissant bien le fonctionnement des plates-formes sous-jacentes.
Une fois l’intégration réussie, les API nouvellement créées vont enrichir la
bibliothèque d’API générales, ce qui permettra une croissance fonctionnelle
beaucoup plus souple que par le procédé discontinu.
La condition pour que cela marche est que :
il existe préalablement une bibliothèque d’API stabilisées,
l’équipe ait un niveau de maturité suffisant, par exemple un niveau 4-5
dans l’échelle CMM.

Une maturité insuffisante fait courir le risque d’un chaos inextricable, car tout
devient dynamique, y compris la configuration.

6.7. Stratégie d’intégration pour la validation, la


vérification et l’intégration
Le but du processus d’intégration est d’amener le taux d’erreurs résiduelles
observé en sortie du processus de CODAGE-TESTS UNITAIRES (qui produit les
intégrats de rang 0) à un niveau tel qu’il permette l’exploitation sans risque,
compte tenu du contrat de service passé entre l’ingénierie et l’organisation
cible utilisatrice du système.
Les statistiques concernant la découverte des défauts sont connues[11],
comme le rappelle la figure 6.36.
Fig. 6.36 Présence et découverte des défauts

L’effort de test est scindé en trois parties, selon la nature des processus
concernés par cet effort. La stratégie de test consiste à trouver l’équilibrage
de façon à optimiser la somme des coûts, et non pas les coûts individuels,
comme indiqué sur la figure 6.37.
Conformément aux schémas 6.23, 2.29 et 6.32, tout retour arrière à un coût
additionnel matérialisé par les coefficients d’amplification α. Pour optimiser
la performance des processus, une métrologie est indispensable,
conformément aux approches qualité comme celles préconisées par le SEI
avec le modèle CMM/CMMI.
En entrée en intégration, selon la statistique, il n’est pas rare d’avoir un taux
de défauts de l’ordre de 5 à 10 défauts par millier de lignes source (KLS)
nouvelles intégrées. Pour que le système soit exploitable avec un niveau de
risque contrôlé, l’intégration doit ramener ce taux à 1-2 défauts par KLS. Les
statistiques du SEI montrent que ce taux peut descendre aux alentours de 0,5,
à effort constant, pour des organisations ayant un niveau de maturité de 4 ou
5 qui maîtrisent l’intégration continue dynamique.
Fig. 6.37 Répartition de l’effort de test

Ces statistiques sont élaborées après coup, et donnent un profil général


moyen. Dans un projet réel, on ne connaît évidemment pas le nombre de
défauts a priori, par contre on peut compter le nombre de défauts découverts
à l’occasion des tests. On peut gérer les rapports d’anomalies, jusqu’à un
certain point. Dans le cas d’une équipe d’intégration bien organisée, on peut
rapprocher le nombre de défauts découverts par l’équipe de l’effort consenti
pour les découvrir. On obtient ainsi, avec quelques précautions de
normalisation, une courbe de maturité du logiciel sous test.
L’effort de l’équipe d’intégration peut se répartir comme suit :
Effort pour produire des scénarios de test.
Effort pour effectuer les essais, analyser les résultats, formuler des
diagnostics, produire les rapports d’anomalies et les faits techniques.
Effort pour gérer la configuration d’intégration et produire la
documentation pour le MCO, les RA.
Effort pour développer des programmes bouchons et/ou des simulations
d’éléments (environnement d’intégration).
Effort perdu (coût de non-qualité, erreurs d’aiguillage, documentation
insuffisante, etc.).
Ce qui permet de découvrir les défauts sont les scénarios de tests et le nombre
d’essais effectués ; l’effort correspondant est une grandeur fondamentale. La
gestion de configuration est clairement un coût qualité.

N.B. : on remarquera que la stratégie d’intégration continue dynamique fiabilise les


mécanismes d’échanges et l’interopérabilité qui sont le fondement de l’environnement
d’intégration intégré.

L’effort pour développer des programmes bouchons, au-delà d’un certain


seuil, peut être le révélateur d’une mauvaise stratégie d’intégration, ou d’une
mauvaise architecture.
La corrélation la plus évidente est la courbe de découverte des défauts,
rapportée à la somme des efforts scénarios + essais. Plus cet effort est
important, plus on a de chance de trouver les défauts, d’où l’allure de la
courbe présentée figure 6.38.

Fig. 6.38 Courbe de découverte des défauts.

Cette courbe est croissante et il est naturel de penser que l’effort pour
découvrir le défaut suivant les n défauts déjà découverts va aller en
augmentant ; l’analyse devient de plus en plus difficile, la longueur des
scénarios s’allonge, etc. d’où la concavité de la courbe.
La pente de la courbe est fonction de l’outillage et du nombre d’essais que
l’on peut effectuer. Ceci étant, pour automatiser, il faut investir en outils, ce
qui consomme de l’effort qui ne sera pas disponible pour écrire des scénarios
de test. L’équilibre est donc loin d’être évident à trouver ; tout dépend de la
taille du système, du nombre de versions installées, de la durée de vie, de la
maintenance et des évolutions effectuées.
Une représentation plus fidèle du processus d’intégration serait une courbe en
S classique, où l’on retrouverait les trois phases principales du processus,
c’est-à-dire :
Phase 1 : préparation des scénarios et de la logistique des plates-formes
nécessaire à l’intégration (environnement d’intégration).
Phase 2 : début des essais et continuation de l’effort pour produire les
scénarios d’essais.
Phase 3 : essais systématiques de tous les scénarios, avec non-
régression, et compléments éventuels avec de nouveaux scénarios.

La courbe de découverte (elle est plus difficile à construire, car la métrologie


est plus complexe à établir et à normaliser) devient celle de la figure 6.39.

Fig. 6.39 Courbe en S caractéristique de l’effort d’intégration

N.B. : la courbe de découverte correspond aux phases 2 et 3, où l’effort de fabrication


des scénarios devient faible.
Le nombre de défauts résiduels est une constante qui dépend uniquement de
la qualité du travail fait par l’équipe d’ingénierie. La maturité de l’équipe
d’intégration fait que l’on découvrira plus ou moins vite les défauts.
Le nombre d’essais à effectuer est un paramètre dimensionnant de la bonne
rentabilité de l’effort d’intégration. Tout essai nécessite un travail de
préparation et d’analyse, même avec des automatismes poussés. Il faut donc
minimiser le nombre d’essais.
Dans la chaîne d’intégration de la figure 6.29, la logique d’assemblage est
calquée sur la structure de l’arbre produit résultant des choix architecturaux
du projet.
Par exemple, on peut avoir une architecture qui organise les tests comme sur
la figure 6.40.

Fig. 6.40 Arborescence des tests basée sur l’arbre produit.

La documentation de conception étant connue on peut produire l’ensemble


des scénarios de tests nécessaires à la vérification et à la validation de
l’intégrat final.
On peut représenter les essais à effectuer à l’aide du diagramme d’activité de
la figure 6.41.
Fig. 6.41 Diagramme d’activité des essais d’une arborescence de test

Tous les essais correspondant aux intégrats de rang 0 peuvent démarrer en


parallèle, en fonction des ressources disponibles. Les essais correspondant
aux intégrats de rang 1 ne peuvent démarrer que si tous les scénarios des
intégrats qui les précèdent sont passés avec succès.
La figure 6.41 montre trois rendez-vous logiques (notés RDV), ce qui
n’interdit pas, via des bouchons, de tester des scénarios de bout en bout,
jusqu’à S0, dès que l’ensemble des interfaces a été validé.
Il faut remarquer sur la figure 6.41 que tout défaut découvert lors des
passages des scénarios de rang 1 et 2 nécessite des corrections dans les
intégrats de rang 0 ; il faut donc exécuter à nouveau tous les scénarios
correspondant aux intégrats qui ont fait l’objet d’une correction ; c’est la non-
régression dont on reparlera dans les règles ci-après.
Sur cette base, on peut dresser le tableau de bord d’avancement de
l’intégration comme sur le tableau 6.1.

Tab. 6.1 Tableau de bord de l’intégration


Intégrat de rang 0
N° État
I1 I2 I3 … In Coût
RA (O/F)
RA-1 F C1
RA-2 F C2
RA-3 O

RA-x

RA-k
N-I1 N-I2 N-I3 N-In C

Un rapport d’anomalie peut être ouvert (O) ou fermé (F).


Seuls les intégrats de rang 0 font l’objet de corrections source. À chaque
rapport d’anomalie, on note dans la matrice des intégrats ceux qui ont
fait l’objet d’une correction. Un rapport d’anomalie peut révéler
plusieurs défauts.
À l’issue du kième RA, le nombre de défauts corrigés est donc N = NI1
+ NI2 + … NIn
Le coût des corrections C = C1 + C2 +… Ck
Le coût moyen d’une correction est égal à
On peut extraire du tableau des statistiques plus fines du type :
Nombre de RA ayant nécessité la correction de un intégrat, de deux
intégrats, etc.
Nombre de défauts découverts par KLS ou par PF.
Identité du scénario ayant permis de découvrir l’anomalie.
Nombre de défauts découverts en fonction du rang du scénario.

La cassure de la courbe de découverte des défauts est le signe que le potentiel


de découverte de défauts par les scénarios est épuisé. Il faut produire de
nouveaux tests, ou faire une expérimentation en vraie grandeur sur un site
d’exploitation, par exemple des béta-tests.
À titre d’exemple statistique, on peut donner des chiffres comme ceux du
tableau 6.2 qui émanent de Hewlett-Packhard[12], collectés sur un très grand
nombre de projets.

Tab. 6.2 Effort moyen de correction des défauts


Effort moyen de correction des défauts (chiffres H-P)
25 % des défauts sont diagnostiqués et corrigés en 2h
50 % des défauts sont diagnostiqués et corrigés en 5h
20 % des défauts sont diagnostiqués et corrigés en
10h
4 % des défauts sont diagnostiqués et corrigés en 20h
1 % des défauts sont diagnostiqués et corrigés en 50h

Soit un coût moyen par défaut découvert de 6,3 heures, soit environ 1 hj
(homme-jour) si on compte les temps physiologiques et la fatigue. En
intégration, on est plutôt dans le dernier décile.
Dans des systèmes complexes de grande taille, le coût de fabrication de
scénarios d’intégration réalistes peut nécessiter un investissement de
quelques hommes mois par scénario. Le chiffrage des scénarios peut se faire
sur une base de stimuli et/ou de messages à fournir en entrée et de réponses
obtenues et validées. Si le dépouillement des résultats n’est pas automatique,
ou assisté, le coût humain peut être considérable (quelques jours ne sont pas
rares !) avec en plus un fort risque d’erreur inhérent à l’activité humaine. Le
processus d’intégration est certainement celui ou le maximum d’automatisme
doit être recherché.
En synthèse, on peut représenter les flux de la dynamique de l’intégration en
faisant ressortir la gestion de configuration qui est le processus critique du
bon déroulement des opérations, comme sur la figure 6.42.

Fig. 6.42 Les flux de gestion de configuration associés à la dynamique d’intégration

Le schéma de la figure 6.42 fait apparaître quatre bases de données de gestion


de configuration qui sont interdépendantes. Tout part de la gestion de
configuration du développement qui contient toutes les informations
nécessaires à la bonne gestion de l’application (i.e. les articles de
configuration). La gestion de configuration de l’intégration est un extrait de
cette BD_Dev avec ce qui est spécifique à l’intégration (tests d’intégration,
scripts de paramétrage pour les installations, liste des rapports d’anomalies
RA et des actions correctrices AC, tests de non-régression, etc.). De cette
BD_Int est extrait ce qui est nécessaire à l’exploitation, par exemple pour tout
ce qui est nécessaire aux diagnostics en cas de défaillance. Les bases
BD_Dev et BD_Int alimentent la base nécessaire au MCO qui elle-même se
boucle sur la BD_Dev pour la prochaine version. Il est certain que si chaque
responsable de processus adopte une stratégie de gestion de configuration
sans concertation avec ses voisins, le résultat sera un grand désordre. En cas
de sous-traitance, la complexité s’accroît, surtout si le sous-traitant est laissé
libre de ses choix en matière de gestion de configuration. La mise en place
d’une telle infrastructure nécessite un haut niveau de maturité, et une très
grande discipline de la part de tous les acteurs impliqués dans ce processus.

6.8. Résumé des règles de la dynamique du processus


d’intégration
On remarquera que la plupart du temps, une « bonne » architecture induit une
structure de coût avec des ordres de grandeur en

c’est à dire, par approximation, en


avec ε petit, et parfois du

. Cependant, très peu de choses peuvent faire complètement déraper la


combinatoire vers de l’exponentiel.

6.8.1. Règle N° 1 – Vitesse d’écriture des tests


La vitesse d’écriture des tests (c’est une productivité) est fonction de la taille
de la documentation et de la structuration de cette documentation. Si
l’architecture de la documentation est hiérarchique, cette vitesse est en

, grandeur qui caractérise le temps d’accès moyen dans un arbre comportant n


éléments. D’où l’importance de faire une documentation concise et bien
structurée, si possible intégrée au logiciel de façon à éviter les manipulations
de documents intempestives.

6.8.2. Règle N° 2 – Nombre de tests


Le nombre de tests à produire est fonction de la taille du code (ou du nombre
de composants) et de la complexité des composants (relations entre les
composants). Une organisation hiérarchique en couches induira une
combinatoire en :

Une dépendance deux à deux des intégrats induira une combinatoire en

correspondant au produit cartésien des intégrats. Une dépendance plus


complexe (2 à 2, 3 à 3…) pourra induire une combinatoire en

correspondant à l’ensemble des parties que l’on peut former avec n intégrats.
Si les intégrats peuvent former des chaînes de liaisons de longueur n dans
lesquelles l’ordre d’occurrence des intégrats est significatif, i.e. il y a des
dépendances contextuelles, le nombre de chaînes à tester sera en :

le nombre de tests variera en conséquence et l’effort sera fonction de la


longueur des chaînes de liaisons. Dans tous les cas de figure, le nombre de
scénarios est supérieur au nombre d’éléments.
La taille du contexte des intégrats est un bon indicateur de ce type de
complexité, généralement préjudiciable au projet, voire fatal.
Pour les interfaces entre modules (c’est la complexité explicite rendue
visible), le nombre de tests à produire dépend des contraintes (i.e. le contrat
d’interface) auxquelles l’interface doit satisfaire. La spécification rigoureuse
des contraintes, pour chaque interface, optimise l’effort et le rendement des
tests.

6.8.3. Règle N° 3 – Effort de vérification des résultats


L’effort d’analyse des résultats de test est fonction de la quantité
d’information manipulée pour valider les résultats ; c’est une trace dont la
longueur dépend de la taille du graphe de contrôle et des données manipulées.
Cette quantité est au moins égale à celle qu’il a été nécessaire pour produire
le scénario et les résultats attendus, à laquelle il faut rajouter les traces et tous
les résultats intermédiaires permettant de valider le résultat final. Cet effort
intègre donc un aspect statique et un aspect dynamique qui dépendent des
enchaînements réalisés.
Tous ces efforts doivent être saisis dans la comptabilité analytique du projet,
en fonction des types d’activité répertoriés dans la nomenclature du projet. Là
encore, la taille de cette trace est un bon indicateur de la qualité de
l’architecture.

6.8.4. Règle N° 4 – Effort pour la gestion des


configurations
L’effort d’archivage est fonction du volume de tests et de résultats qui
doivent être gérés en configuration. La mise en place des liens définissant les
relations dépend de la structure des matrices d’interfaces (matrices dites N2
en ingénierie système[13]). L’organisation des bases de données de la gestion
des configurations (développement, intégration, exploitation et MCO) est un
paramètre dimensionnant. Il faut éviter les opérations manuelles redondantes
qui sont source d’incohérence, et automatiser tout ce qui peut l’être.

6.8.5. Règle N° 5 – Effort de non-régression


Pour garantir une maturité croissante consécutivement à l’état d’avancement
des tests, chaque modification effectuée dans la configuration induit une re-
exécution de tous les scénarios précédemment acquis – c’est la garantie de
non-régression – dont l’effort varie en

, n étant le nombre de scénarios à prendre en compte dans la non-régression.


La valeur de n dépend de l’architecture statique du système, c’est-à-dire de la
structure hiérarchique des intégrats. Par exemple dans une architecture client-
serveur comme celle de l’application générique des figures 6.5 et suivantes,
on aura une arborescence de scénarios comme suit (figure 6.43) :

Fig. 6.43 Hiérarchie de scénarios de tests

N est la somme de tous les scénarios.


N1 est le nombre de scénarios pour l’intégrat logiciel racine.
N11 est le nombre de scénarios pour l’intégrat élément client léger IHM.
N111 + N112 +… sont les tests pour les différents composants de l’intégrat
client léger.
Si l’on modifie un des composants de l’intégrat de l’élément IHM, il faut,
pour effectuer la non-régression du logiciel, repasser un nombre de scénarios
de tests = N1 + N11 + N111 + N112 + N113 + N114. Une bonne partition de
l’arbre produit peut donc notoirement faire baisser le nombre de tests à
exécuter lors des non-régressions.
Ceci n’est vrai que si les trois éléments de l’architecture sont parfaitement
confinés et qu’il n’existe aucun canal caché entre eux. C’est-à-dire que les
seules interfaces utilisées sont celles du bus d’échanges. S’il y a un doute et
que la traçabilité n’est pas garantie, il est prudent de re-exécuter l’ensemble
des scénarios.

6.8.6. Règle N° 6 – Automatisation des tests


Pour automatiser les tests, les scénarios de tests doivent constituer ce que
B. Beizer, dans son ouvrage Software Testing Techniques, appelle des
langages implicites[14]. C’est l’architecture qui garantit l’existence de tels
langages. Par exemple, vu du client léger IHM, le serveur de transactions est
une machine abstraite qui réagit au stimulus émis par l’IHM en fournissant
les réponses ad hoc. L’existence de canaux cachés qui sont des dépendances
implicites résultant de couplages entre les intégrats, soit par le contexte, soit
par des événements, interdit l’existence des langages implicites, du fait des
relations de dépendances fonctionnelles non explicitées entre les différents
éléments du logiciel. L’application rigoureuse des règles de modularité évite
la création de ces dépendances néfastes.

N.B. : en théorie des langages, la grammaire d’un tel langage n’est pas « context-
free », ce qui rend impossible la réalisation d’un traducteur automatique. Un opérateur
doit rester dans la boucle pour lever les ambiguïtés.

6.8.7. Règle N° 7 – Simplification et réduction de la


complexité du processus d’intégration
La tendance naturelle des concepteurs et des développeurs débutants/novices
est de fabriquer des combinatoires qui sont au mieux en

, et au pire exponentielles. Une première tâche des architectes sera de


s’assurer que les logiques plates-formes ne se combinent pas avec les
logiques métiers, y compris dans les situations d’erreurs. C’est l’essence des
principes de modularité établis par D. Parnas il y a bien longtemps et remis à
la mode par l’OMG avec l’approche dite MDA (Model Driven Architecture)
MDE (Model Driven Engineering). Cette approche préconise une architecture
pilotée par des modèles dans laquelle on distingue les modèles métiers
indépendants de la plate-forme sous-jacente (PIM, Platform Independent
Model) et les modèles d’exécution qui sont dépendants de la plate-forme
(PSM, Platform Specific Model). Entre ces deux modèles, il y a des interfaces
qui empêchent la logique plate-forme de remonter dans la logique métier, et
réciproquement. Si ce n’est pas le cas, il y a intrication des logiques et
explosion combinatoire. Un PSM est une machine abstraite dont l’interface
constitue le langage de programmation. Le PIM qui utilise le PSM ne connaît
le PSM que par les interfaces qui lui sont communiquées. C’est la
systématisation de l’approche des langages cachés de la règle 6, connue et
mise en œuvre depuis fort longtemps dans les systèmes d’exploitation, les
compilateurs, les SGBD, les protocoles de télécommunications, etc. C’est une
technologie éprouvée[15] qui requiert des architectes expérimentés
connaissant bien les domaines sémantiques à modéliser et les technologies de
machines abstraites et des langages associés, à ne pas mettre entre les mains
de débutants/novices.
Notes
[1] Cf. J.Printz, Écosystème des projets informatiques – Agilité et discipline,
Hermès, 2006.
[2] Cf. Th. Chamfrault, C. Durand, ITIL et la gestion des services, Dunod,
2006.
[3] Cf. M. Cusumano, R. Selby, Microsoft secret, Free Press, 1995.
[4] Voir respectivement : D.Parnas, « On the criteria to be used in
decomposing systems into modules », Communications of the ACM, Dec. 72,
Vol. 15 ; B.Meyer, Conception et programmation objet, Eyrolles, 1997 ;
J.Sassoon, Urbanisation des systèmes d’information, Hermès, 1998.
[5] Pour plus d’informations, voir J. Printz, Architecture logicielle, Dunod.
[6] Voir J. Printz, Architecture logicielle, Partie 4, Dunod.
[7] Voir bibliographie.
[8] Au sens littéral, c’est un terme de couture qui signifie « pièce », au sens
de rapiéçage d’un vêtement.
[9] Pour la notion de transactions, on se rapportera à la littérature technique
comme : J. Gray, A. Reuter, Transaction processing techniques, ou
P. Bernstein, E. Newcomer, Principles of transaction processing, tous deux
chez Morgan Kaufmann, ou, en plus simple, R. Orfali, D. Harkey,
J. Edwards, Client/server survival guide, Wiley & Sons, 1999.
[10] L’exemple du « bug » d’ARIANE 501 est encore dans toutes les
mémoires.
[11] Voir les ouvrages de B. Boehm sur le modèle COCOMO, ou ceux de
B. Beizer dans la bibliographie.
[12] Voir en particulier les deux ouvrages de R. Grady, Software metrics :
establishing a company-wide program et Practical software metrics for
project management and software improvement, tous deux chez Prentice
Hall.
[13] Cf. NASA Systems engineering handbook, la bible de l’ingénierie
système.
[14] Le terme anglais utilisé est « hidden language », c’est-à-dire caché, au
sens de non explicité. La plupart du temps de tels langages sont ambigus et
contextuels ; il est évidemment bien préférable de les expliciter, ce qui
permet de les rendre context-free, donc beaucoup plus faciles à manipuler. Il
est indispensable que l’architecte ait de bonnes connaissances en théorie des
langages.
[15] Cf. J. Printz, Architecture logicielle, Dunod.
Chapitre 7

Gérer les tests

Les tests sont un des moyens permettant l’amélioration de la qualité et de la


fiabilité des logiciels construits. Schématiquement, il s’agit d’augmenter le
temps moyen entre deux défaillances (MTTF) et de diminuer le temps moyen
de réparation (MTTR). Une possibilité d’obtenir ce résultat est de réduire de
façon aussi complète que possible des défauts résiduels dans le logiciel ; les
tests sont le moyen naturel d’y parvenir. Cependant, les tests peuvent aussi
être détournés de leur mission première pour permettre la détection « en
ligne » d’erreurs prévisibles rendant ainsi possible le retour du logiciel à un
état stable et cohérent. On notera qu’il s’agit là plus d’une activité de
conception (liée en particulier à la définition d’une architecture testable) que
d’une activité de tests à proprement dit, et nous n’aborderons pas ce sujet
dans ce chapitre.
Nous allons par contre essayer de définir brièvement quelles sont les bonnes
pratiques en matière de gestion des tests. Pour cela, il nous faut définir
comment organiser les tests en s’appuyant sur les différents acteurs concernés
et en choisissant les types de tests adaptés au contexte. L’étude de la
planification des tests va nous permettre de définir la notion de plan de tests
ainsi que les points importants dans l’enchaînement des différentes actions
liées au processus de test. Les critères d’arrêt des tests sont essentiels et nous
y reviendrons tout comme nous rappellerons les éléments fondamentaux de
l’estimation du coût et de l’effort associés aux différentes activités induites
par les tests. Enfin, nous évoquerons la nécessité de placer les tests sous
gestion de configuration comme toute action liée au développement amenée à
évoluer au cours du temps de façon contrôlée.

7.1. Organisation des tests et répartition des rôles


Les tests font partie intégrante du processus de développement. Il s’agit d’une
activité complexe à forte valeur ajoutée ; rappelons en effet que du point de
vue des coûts, il y a un rapport de 1 à 10 et de 1 à 100 selon qu’une erreur est
découverte lors des phases d’expression du besoin ou lors des phases de
développement ou lors de la phase d’exploitation.

Fig. 7.1 Phases de développement et activités de test

Quel que soit le modèle de développement choisi, il fait apparaître au moins


trois phases : l’expression des besoins (phase N° 1 sur le précédent
graphique), le développement au sens large (phase N° 2), puis la phase de
maintenance (phase N° 3). C’est principalement durant la phase de
développement que vont se dérouler les activités liées au test même si, lors de
la phase de maintenance, il peut être nécessaire de réaliser des tests de non-
régression ou de validation après une demande de correction ou d’adaptation.

7.1.1. Choix des types de tests à effectuer


Différents types de tests peuvent être réalisés à différents stades du processus
de développement du logiciel. Plutôt que d’offrir une réponse « clef en
main » à la question du choix du type de tests, réponse qui ne pourrait être
que partiale et inadaptée à tel ou tel cas particulier, nous préférons fournir les
critères de choix qui permettront de prendre la bonne décision.
En tout premier lieu, il convient de définir précisément quels sont les
objectifs des tests que l’on souhaite mener : découvrir des défauts, valider
une solution ou vérifier empiriquement une propriété non fonctionnelle
comme la bonne tenue en charge d’un serveur.
Ce premier axe de choix est évidemment corrélé au stade du développement
au cours duquel on souhaite mener ces tests. Aux stades de conception,
lorsqu’aucune ligne de code n’est encore produite, il ne peut s’agir que de
tests basés sur l’analyse des documents de conception à l’aide de revue ou
d’inspection. Lorsque le processus de développement avancera, il sera
possible de choisir entre une des techniques de test dynamique et une
technique de test statique (incluant les revues et les inspections).
Si l’on dispose d’un logiciel exécutable partiellement ou totalement, on
pourra mettre en place des tests dynamiques. Les critères de choix incluront :
L’accès au code en plus de l’accès aux spécifications ;
L’accès à des cas d’utilisation avec les spécifications ;
Un nombre de paramètres (au sens large) faible et avec un nombre de
valeurs possibles pour ceux-ci, faible ;
L’objectif des tests en termes de validation du comportement.

Selon le cas, il faudra ou non, procéder à une première phase d’analyse et


d’abstraction afin de réduire la combinatoire et se ramener à un nombre de
cas de tests compatible avec l’effort planifié. Cette phase est une étape
primordiale dans la qualité des tests produits : un excès d’abstraction
conduira à amalgamer des cas distincts et laisser une part du logiciel non
testé, un manque d’abstraction fera jouer et rejouer de nombreuses fois le
même test. Cette étape est nécessairement manuelle (au vu des connaissances
actuelles). Par contre, une fois les cas de tests sélectionnés et les valeurs
concrètes d’exécution choisies, on essaiera dans la mesure du possible
d’automatiser au maximum le jeu des tests (en prenant garde d’inclure
l’analyse des résultats dans le processus d’automatisation) à l’aide d’un des
nombreux outils dédiés au sujet.
Ensuite, selon l’objet visé, il faudra sélectionner le type de tests appropriés :
tests de performance, test de charge, tests d’intrusion, tests fonctionnels, etc.
Deux stratégies s’opposent : tester plusieurs caractéristiques avec un même
test ou spécialiser le plus possible chaque test. Dans le premier cas, la
factorisation permet de réduire le nombre de tests à passer, mais peut
conduire à masquer des défauts ou rendre difficile leur localisation. On
préférera donc la seconde stratégie qui peut augmenter sensiblement l’effort
initial, mais qui, s’avérera payante dans la durée en particulier si
l’automatisation a bien été menée.
Si par contre le logiciel n’est pas exécutable ou que l’on cherche à tester une
propriété qui ne relève pas du comportement dynamique (comme la facilité
de maintenance, le respect d’une recommandation officielle) il sera
nécessaire de mettre en place une revue ou une inspection.
De façon générale, une revue ou une inspection « coûte » relativement cher
car elle mobilise un nombre élevé de personnes (de cinq à dix, selon le degré
de formalisation de cette activité) pendant une période allant de quelques
heures à plusieurs jours voire plusieurs semaines. En contrepartie, lorsqu’il
est possible de choisir entre une inspection et des tests dynamiques, une
inspection apportera généralement une meilleure réponse en qualité qu’un
procédé de test dynamique.

Fig. 7.2 Impact des inspections sur le nombre de défauts découverts

Le graphique précédent (figure 7.2), détaille ainsi l’évolution typique du


nombre de défauts cumulés selon les différentes phases d’un projet
(Expression des Besoins, Conception Générale, Conception Détaillée,
Programmation et Tests Unitaires, Intégration). Le nombre cumulé de défauts
introduits croît en fonction de l’avancée du projet pour atteindre un palier lors
de l’intégration, phase où l’on ne modifie plus le logiciel. Le nombre de
défauts découverts croît également avec le temps pour atteindre une valeur
maximale qui dépend de l’efficacité du processus de test. Cette valeur
définira le nombre de défauts résiduels par différence avec le nombre total de
défauts introduits ; on notera qu’il ne s’agira généralement que d’une valeur
estimée car il est impossible de prédire avec exactitude le nombre de défauts
qui seront introduits et qui resteront présents lors de la mise en service.
L’utilisation de revues lors des différentes phases du projet permet de réduire
le nombre de défauts découverts par les tests dynamiques ; la
complémentarité des deux approches joue à fond : certains des défauts, plus
accessibles à une analyse statique, sont détectés lors d’une revue, d’autres,
moins accessibles à la pure analyse, sont trouvés lors d’un test dynamique.
Puisque les revues augmentent le nombre de défauts découverts, elles
diminuent mécaniquement le nombre de défauts résiduels, ce qui permet à
qualité constante de réduire les tests à passer. Le coût des revues et
inspections est alors compensé par la réduction des tests et des coûts induits.
Malheureusement, seule l’expérience du chef de projet permet de doser
l’effort relatif des deux stratégies.
Si les revues sont efficaces, elles ne sont cependant pas applicables à tous les
objectifs de tests. Ainsi, elles seront très difficiles à utiliser seules pour les
objectifs de test suivants : tests de charge, tests de performance, tests
d’acceptation et de façon générale tous les tests système. De même,
l’approche par revue n’est pas spécialement bien adaptée aux tests
fonctionnels et est complètement inadaptée aux tests d’acceptation.
Par contre, on privilégiera les revues pour la détection de défauts dans les
documents de conception, dans les spécifications (fonctionnelles ou non
fonctionnelles), dans les choix d’architecture, dans des choix algorithmiques,
de synchronisation ou de protection des données. On pourra également
utiliser un processus de revues pour évaluer la capacité d’un logiciel à être
maintenu simplement, ou à supporter d’éventuelles évolutions.

7.1.2. Les différents acteurs


De nombreux acteurs participent directement ou indirectement à la bonne
tenue des tests à différents niveaux et avec différents impacts.
En amont des phases de développement (voir chapitre 2) la notion de
« testabilité » doit être présente lors de la définition des exigences et doit
guider les choix d’architecture qui seront faits. Les acteurs concernés sont les
architectes du projet au sens large (expression du besoin, spécifications
fonctionnelles, conception générale), ce qui inclut le client.
La réalisation des différents tests (unitaires, intégration, système, validation)
sera sous la responsabilité d’un chef de projet qui aura pour rôle de planifier
les tâches, de répartir les moyens (humains et matériels). Il devra également
choisir les stratégies et les méthodes les mieux adaptées aux objectifs visés,
qui dépendent des types de tests menés et de l’étape à laquelle ils sont
réalisés.
Il faut ensuite citer les développeurs qui sont en charge des phases de
conception détaillée et de programmation. Ce sont eux qui mettent en place et
réalisent les tests unitaires. Des outils comme JUnit par exemple, pour le
langage Java, et des environnements de développement comme Eclipse
aident à automatiser au maximum cette tâche et à décharger le développeur
d’actions répétitives et consommatrices de temps et d’énergie. Ce qui ne
l’exonère pas de concevoir les « bons » cas de tests et les « bons » jeux de
valeurs (voir chapitres 3 et 4). La programmation par paire, comme
préconisée dans les méthodes agiles, permet d’optimiser la qualité des tests
menés et donc des composants développés. Leur rôle est fondamental car les
tests d’intégration et les tests systèmes ne pourront être correctement menés
que si les tests unitaires ont permis d’éliminer le maximum de défauts
présents dans les composants élémentaires du logiciel.
L’équipe d’intégration, qui sera de préférable indépendante, aura pour rôle de
vérifier que l’interaction des composants est conforme aux spécifications.
Cette tâche ne pourra être menée correctement que si, d’une part, chaque
composant a un comportement conforme à ses spécifications, et si, d’autre
part, les interfaces logicielles et matérielles ont été précisément définies (voir
chapitre 6).
L’équipe de validation sera nécessairement indépendante car les tests de
validation seront menés avec une vue « client » en fonction des besoins
métiers. Dans certains cas, ces tests de validation pourront être menés par le
client lui-même avec ou sans l’aide de la maîtrise d’œuvre. Dans le cas de
tests non fonctionnels, il faudra faire appel à une équipe d’experts du
domaine qui rendra compte au chef de projet.
On notera que ces derniers acteurs ne peuvent introduire directement des
défauts dans le logiciel, contrairement aux premiers acteurs mentionnés,
même si la mise en évidence de « faux » défauts peut induire indirectement
une régression en terme de qualité.
Enfin, il faut citer la direction en général qui devra allouer les moyens
nécessaires à la mise en œuvre des tests et qui pourra mettre en place une
stratégie de qualité visant à reporter une partie de l’effort mis sur le support et
la maintenance de premier niveau vers les différents processus de test.

7.2. Planifier les tests


Comme on l’a vu aux premiers chapitres de ce livre, l’effort de test ne doit
pas être porté de façon homogène dans le temps et dans l’espace : certaines
parties du logiciel devront être testées beaucoup plus en détail que d’autres
(règle des 80/20) et tous les types de tests ne pourront être employés à toutes
les phases de conception et de développement. De même il sera nécessaire de
déterminer précisément quels sont les critères objectifs qui permettront de
juger de l’avancement des tests et de déterminer l’arrêt ou la poursuite des
tests en cours.
La planification des tests a pour rôle de répondre à ces questions en fixant
une stratégie permettant d’atteindre les objectifs fixés. Elle impose en
particulier de définir ce qui doit être testé, et à quel niveau de détail, de
définir les types de test à mettre en œuvre, de définir des critères d’entrée et
de sortie. La planification vise également à aligner les ressources aux
différentes tâches définies. Enfin, lors de la planification des tests, on veillera
à préciser et mettre en place la structure et les modèles de documentation à
produire.
L’ensemble de ces données sera explicité dans un « Plan de tests » qui selon
les standards IEEE (IEEE Std 829-1998) contiendra :
Un identifiant qui permet de référer sans ambiguïté ce document. Il faut
garder à l’esprit que ce document est amené à être révisé afin d’évoluer
avec les versions du logiciel ; il est donc important qu’il possède un
numéro de révision et qu’il soit géré en configuration avec les autres
documents relatifs aux tests.
Les références aux documents mentionnés dans le plan de test comme
les documents de spécifications, les normes qualité ou les méthodologies
en vigueur. Il ne faut pas dupliquer ici ces documents mais simplement
préciser leur référence (avec le numéro de révision) afin de ne pas
alourdir l’effort de maintenance.
Une introduction décrivant l’objet du plan de tests et en faisant
référence, si nécessaire, à d’autres plans de tests liés à celui-ci.
Les éléments devant être testés à travers ce plan de tests au niveau
architecture technique (composants, modules, classes, interfaces, etc.).
Les fonctionnalités devant être testées du point de vue de l’utilisateur ; la
différence avec l’item précédent est le point de vue qui est ici utilisateur
et non technique : processus métier versus processus informatique.
Les fonctionnalités ne devant pas être testées avec, là encore, un point
de vue utilisateur mais incluant les différentes versions possibles. Les
raisons de ne pas tester une fonctionnalité peuvent être multiples comme
un risque associé faible, l’absence de la fonctionnalité considérée dans la
version du logiciel sous tests ou l’assurance par d’autres moyens de la
correction de la réalisation de cette fonctionnalité. Comme toujours, le
choix de ne pas tester une fonctionnalité doit être évalué par rapport au
risque encouru en cas de défaut non détecté.
La stratégie de test associée à ce plan de tests : en particulier il faudra
faire ici le lien avec d’autres plans de tests qui réfèrent celui-ci ou sur
lequel il s’appuie. Il faudra également définir les règles et les procédés
mis en œuvre à travers ce plan de test, le rythme et la forme des
réunions, les métriques utilisées, la façon de gérer en configuration les
tests, etc.
Les critères de sorties, c’est-à-dire les mesures et les conditions
associées permettant de décider s’il faut arrêter ou poursuivre les tests.
Les critères pouvant conduire à une suspension (arrêt temporaire) des
tests.
Les documents produits par ce plan de tests : les cas de tests, les jeux de
valeurs utilisés, les traces d’exécution, les problèmes détectés, en gros
tout ce qui peut être utilisé pour analyser les tests et prendre les
décisions appropriées ; le seul document qui n’a pas à être produit
comme un élément de ce plan de tests est le logiciel à tester lui-même.
Les activités de tests qui resteront à mener après avoir réalisé ce plan de
tests.
L’environnement nécessaire pour mener à bien ce plan de tests en
termes de matériel, logiciels et expertises humaines ; on détaillera ici
également non seulement les logiciels ou librairies nécessaires mais
aussi les versions de ceux-ci. Il faudra prendre garde de décrire aussi les
restrictions d’usage du système hôte lors des tests afin de créer les
conditions optimales d’interprétation des résultats.
La formation nécessaire à l’exécution de ce plan de tests
Les responsabilités au niveau de ce plan de tests à tous les points de
vue : évaluation des risques, décision de formation, clôture des tests,
validation de l’environnement de tests, l’action face à un point non traité
dans ce plan de tests, la résolution des conflits sur un partage de
ressources, etc.
L’ordonnancement des activités qui planifiera les différentes étapes de
tests. Il sera préférable de définir des dates relatives comme :
« L’activité de tests d’intégration débutera le jour d’après la livraison du
composant X » plutôt que de donner des dates fixes. En effet, de la sorte,
le retard d’une activité ne pourra pas être attribué à une tâche qui en
dépend. Cela permet de réduire, sans l’éliminer complètement, la
probabilité de l’abandon des activités de tests lors d’un retard du
développement.
La planification des risques et des contingences, en particulier sur le
manque de ressources humaines ou matérielles pour les phases de tests,
sur des retards induits par des livraisons tardives ou des formations
décalées, modification sur des exigences. Pour chacun de ces
évènements possibles (ou du moins les plus probables) il convient de
définir les actions à mener comme le décalage des livraisons si cela est
possible, le déplacement de ressources, l’augmentation du temps de
travail des équipes ou encore la réduction des objectifs du plan de tests.
La liste des personnes qui peuvent approuver le plan de tests et décider
de passer à une étape suivante.
Un glossaire qui précise les termes et les acronymes utilisés au travers
de ce document.

Il ne faudra pas oublier, lors de la conception et de la rédaction de ce plan de


tests, de prendre en compte le public visé. En effet, selon que le destinataire
est le client ou l’équipe de tests, l’accent sera plutôt mis sur les délais, sur la
stratégie utilisée ou sur les détails techniques. En effet, dans le premier cas,
l’objectif est un but d’information de la méthode de validation utilisée alors
que dans le second cas, il s’agit de permettre une mise en œuvre concrète des
tests.

7.3. Définir et évaluer les critères de sorties


Le test d’un logiciel ne peut être exhaustif et les ressources ne sont pas
infinies. L’équipe de test est donc conduite à faire des choix : choix des
composants à tester, choix du moment pour faire ces tests, choix des
techniques à utiliser, choix des scénarios de tests mais également choix, à
certains moments, de poursuivre ou d’arrêter les tests. La pertinence de ces
choix influence directement la qualité de l’activité de test ; en particulier,
décider de poursuivre les tests, alors qu’ils auraient pu être arrêtés, va
entraîner un effort inutile. A contrario, arrêter top tôt les tests conduira à
livrer pour l’intégration, pour acceptation ou pire, pour mise en service, un
logiciel contenant de nombreux défauts qui auraient pu être éliminés. Cela
entraînera par effet mécanique une perte de qualité et un coût au final plus
élevé (plus un défaut est découvert tard plus il coûte cher). Il est donc
important d’essayer d’arrêter au moment « optimum ». Bien qu’il n’y ait pas
dans ce domaine de « recette miracle », nous citons deux de ces critères
admis comme pertinents dans ce contexte et permettant de sortir
« positivement » de la phase de test.
Le premier de ces critères est le plus simple puisqu’il correspond à
l’achèvement du plan de tests : tous les tests prévus et planifiés ont été
correctement exécutés. Si la réflexion initiale était de qualité, en s’appuyant
par exemple sur une des méthodes évoquées aux chapitres précédents, il est
raisonnable de penser que la poursuite des tests n’améliorera pas forcément le
nombre total de défauts découverts.
Le second de ces critères correspond à l’accès à un palier prédéfini du
nombre de défauts découverts par unités de temps et normalisé vis-à-vis de la
taille de l’équipe de tests (pour réutilisation ultérieure de ces données). Ce
critère ne peut être utilisé qu’à la condition de maintenir des statistiques
précises du nombre de défaut mis en évidence au cours des tests. Pour qu’il
soit pertinent, il est nécessaire d’avoir une forte maturité sur ce type de suivi
et d’avoir un modèle d’estimation du nombre de défauts présents dans le
logiciel. Ce modèle peut être par exemple basé sur l’injection de fautes dans
le logiciel : on « injecte » dans le logiciel un certain nombre de défauts
(disons Ne), puis on compte le nombre de défauts injectés qui ont été détectés
(disons Nd). Une approximation du nombre de défauts présents dans le
logiciel est alors obtenue grâce au calcul du produit du rapport (Ne/Nd) par le
nombre de défauts déjà découverts ; le rapport (Ne/Nd) permettant d’estimer
la pertinence des tests vis-à-vis la détection de défauts. D’autres moyens,
basés sur des statistiques menées sur d’anciens projets pourront également
être utilisés.
Il existe bien d’autres critères de sortie dont certains correspondent plus à un
« abandon » qu’à une fin positive :
Expiration des délais et obligation de livrer le logiciel ;
Fin du budget ou déplacement des ressources sur un autre projet ;
Explosion du nombre de défauts trouvés signifiant un logiciel mal conçu
et ne pouvant visiblement pas être amélioré ; dans ce cas, le logiciel est
généralement abandonné ;
Acceptation dans l’état du logiciel par le client.

Dans chacun de ces cas, les tests sont arrêtés car il apparaît que d’une façon
ou d’une autre le projet devra évoluer et qu’il faudra passer d’une phase de
tests à une phase de maintenance ou d’archivage.

7.4. Estimer l’effort de test


Estimer les ressources à allouer pour la phase de tests est une étape
indispensable ; c’est évident si la validation est conduite en interne mais c’est
aussi primordial dans le cas où cette activité est externalisée afin de pouvoir
évaluer la pertinence des devis faits et des demandes complémentaires de
travaux.
La première chose à faire est d’estimer le coût global du projet, à l’aide d’une
méthode adaptée[1] comme COCOMO (COnstructive COst MOdel) de
Barry Boehm ou la méthode des Points de Fonctions.
Il est important d’éviter des efforts superflus en matière d’estimation des
coûts lorsque des résultats très approximatifs suffisent. Le schéma suivant
(figure 7.3) résume ce procédé. Dans celui-ci, le modèle d’estimation produit
et utilise des grandeurs « CQFD », dont la signification est rappelée
brièvement.
Coût : cette grandeur est généralement fixée par le client lui-même dès
le début du projet. Le coût détermine l’effort jugé nécessaire pour
réaliser le logiciel ; il s’exprime en « homme années » ou en « homme
mois ». Le paramètre coût peut être imposé par le MOA.

Fig. 7.3 Les paramètres de l’estimation

Qualité : elle dépend des actions du chef de projet MOE, et en


particulier de l’effort de vérification, validation et test (VVT) ; en
théorie, elle est fixée dès que le plan qualité est approuvé, généralement
en début de projet. Il est particulièrement malvenu et maladroit de
réviser la qualité à la baisse en cas de retard ! La VVT est fonction de ce
qui est réellement exécuté par la plate-forme (i.e. les instructions écrites
et celles générées)
Fonctionnalités : cette grandeur caractérise le service rendu (i.e. les
fonctions offertes) tel que proposé par le maître d’œuvre à son client ;
les fonctionnalités peuvent souvent être négociées en contrepartie du
coût et du délai ; s’expriment en nombre de points de fonctions (PF) ou
en nombre de milliers de lignes source (KLS). On ne compte que ce qui
est réellement écrit par les programmeurs.
Délai : cette grandeur est souvent fixée par le client qui en général
synchronise le travail avec d’autres projets ; le délai peut varier en cours
de projet. Pour tout projet, il existe un délai optimum dit aussi « temps
de cuisson ».

Cette première étape d’estimation des coûts conduit à un ordre de grandeur en


charge de travail et en délais de réalisation. Partant de cette donnée, il sera
nécessaire d’appliquer un ratio sur l’estimation du coût global pour obtenir
une première estimation du coût des tests ; les ratios communément admis à
ce jour font apparaître une valeur allant de vingt à quarante pour cent selon
les études. Il faut, bien entendu, prendre en compte les risques associés aux
différents composants ou fonctionnalités et pondérer l’effort de test en
fonction de ces risques.
Pour mémoire, dans le modèle initial COCOMO, l’effort en homme par mois
(152 heures de travail par mois) associé à un projet est estimé à l’aide d’une
formule de la forme :
Effort = k × (KLS)1+α
où k, qui est un facteur linéaire de l’estimation, désigne une constante
dépendant du type du projet[2], où KLS désigne le nombre de ligne du code
(par milliers, sans les commentaires et les lignes blanches) et où enfin, α
désigne le facteur d’intégration, valeur dépendant également du type de projet
(de 1,05 pour un projet de type S à 1,2 pour un projet de type E) ; on
remarquera que ce dernier terme intervient de façon non linéaire dans le
calcul de l’effort. Ce modèle permet également d’estimer le temps de
développement TDev (en mois) à l’aide de la formule :
TDev = 2,5 * (Effort)0,3±ε±ε
Si ce type de méthode basé sur la modélisation est reconnu, on pourra
également utiliser toute autre méthode adaptée à l’estimation des coûts
comme les méthodes basées sur l’analogie, sur l’expertise, sur le consensus
de groupe (comme la méthode du « planning poker » utilisée dans les
développements agiles), ou encore basée sur la loi de Parkinson[3] (un projet
coûtera ce que vous avez décidé de dépenser), sur le prix du client (un projet
coûtera ce que le client est disposé à dépenser), etc. Chaque technique a ses
avantages et ses inconvénients, mais le plus important, est qu’aucune
technique ne peut être appliquée de façon exclusive et que pour les grands
projets ; il est préférable d’en appliquer plusieurs en parallèle. Si celles-ci
prédisent des coûts radicalement différents, on en déduira qu’il n’y a pas
assez d’information.
De façon plus détaillée, le modèle COCOMO retient les valeurs suivantes
pour la répartition de l’effort en fonction de la phase du projet et de son type
(voir le tableau 7.1).

Tab. 7.1 Répartition de l’effort en fonction des types de projet


Taille du projet (en
Typologie Phase KLS)
32 128 512
Expression du besoin et
6 6
planification
Conception générale 16 16
S Réalisation 62 59
Conception détaillée 24 23
Codage et tests unitaires 38 36
Tests et intégration 22 25
Expression du besoin et
7 7 7
planification
Conception générale 17 17 17
P Réalisation 58 55 52
Conception détaillée 25 24 23
Codage et tests unitaires 33 31 29
Tests et intégration 25 28 31
Expression du besoin et 8 8 8
planification
Conception générale 18 18 18
E Réalisation 54 51 48
Conception détaillée 26 25 24
Codage et tests unitaires 28 26 24
Tests et intégration 28 31 34

Ainsi, selon ce modèle d’estimation, il faudra consacrer au moins 50 % de


l’effort total du développement aux tests pour un projet de type S (38 % pour
les tests unitaires et 22 % pour les tests d’intégration).
Une fois cette première estimation obtenue, il va falloir l’affiner à partir
d’éléments rationnels du projet puis essayer d’évaluer cet effort
dynamiquement au cours de l’exécution des tests. On cherchera à déterminer
si ceux-ci peuvent être réduits (par exemple, en cas de densité de défauts très
faible ou montrant une forte diminution au cours des phases de test) ou au
contraire doivent être revus à la hausse (densité de défauts stable par exemple
ou découverte de difficultés mal évaluées). On notera que dans ce dernier cas,
il peut être astucieux, non d’augmenter l’effort de tests, mais de réduire le
nombre de fonctionnalités livrées ou de prévoir une version « contrôlée » du
logiciel qui modifie son profil d’utilisation.

7.5. Gérer les tests en configuration


Les tests sont une production qui est amenée à évoluer au fil des versions du
logiciel (qu’elles soient évolutives ou correctives). Le logiciel étant géré en
configuration, il va falloir faire le même effort pour les tests. En effet, il peut
être nécessaire à tout moment de pouvoir reconstituer une version complète et
cohérente des tests pour une version donnée du logiciel. Cela implique de
pouvoir retrouver quels sont les environnements nécessaires en matériel et en
logiciel (avec les bonnes versions !). Seule une gestion sérieuse en
configuration des tests permettra d’atteindre cet objectif.
S’il est simple d’en affirmer le besoin, la mise en place de cette gestion pose
les mêmes problèmes que pour toute gestion en configuration :
Nombre d’objets à gérer ;
Variété des objets : scénarios, cas de tests, jeux de valeurs, rapports
d’inspection, paramètres des environnements d’exécution, etc.
Variété des supports d’archivage et de stockage ;
Organisation du développement et des tests ;
Les acquisitions en logiciel et matériel nécessaires à la mise en place des
tests.

La première étape va consister à identifier les éléments (articles) à placer sous


contrôle ; dans le cadre des tests, ces éléments seront les scénarios, les jeux
de valeurs, les objectifs ainsi que les liens vers les spécifications ou les codes
sources des tests pour une version donnée du logiciel. Il faudra également
préciser, si besoin, les environnements matériels nécessaires pour le
déroulement des tests. De plus, lorsqu’un défaut sera mis en évidence par un
test, il faudra également créer une fiche d’anomalie qui sera ouverte et qui
devra être clôturée par une annonce de modification corrective et un test de
confirmation de correction.
Une fois ces éléments définis, il faut préciser quels sont les acteurs possibles
vis-à-vis de ceux-ci et quels sont leurs droits.
Schématiquement, les solutions consistent à définir des espaces de travail
authentifiés (au niveau des individus ou des groupes), protégeant contre toute
évolution non autorisée. Ces solutions, bien outillées à ce jour, permettent
une reconstitution des données en cas de besoin et la gestion contrôlée de
différentes copies qui sont sous contrôle.
Les modifications des documents placés sous gestion de configuration ne
peuvent se faire qu’avec le respect des procédures prédéfinies par le chef de
projet. Ces modifications sont alors nommées révisions et possèdent un
identifiant unique. On associe presque systématiquement à une révision son
auteur, la date de celle-ci ainsi que la description de la cause à l’origine de
cette révision.

7.6. Conclusion
Si l’effort de test est variable selon le type de projet et la façon dont il est
mené, il semble acquis que la proportion des coûts associés aux tests ne va
pas aller en diminuant dans le futur. En effet, la réutilisation de composants
réduit le coût global, mais paradoxalement, conduit à augmenter le taux de
tests de non-régression et d’intégration ce qui, mécaniquement, conduit à
augmenter la proportion des tests dans le projet global. Le modèle
COCOMO2 prend d’ailleurs en compte spécifiquement cette façon de
procéder dans son modèle d’estimation.
La planification des tests est un des rôles essentiels du chef de projet en
charge des tests. Celle-ci prendra d’autant plus d’importance que le projet
reposera sur de nombreux acteurs et fera appel à différents équipements
spécifiques. Il faudra prendre garde en particulier à définir des critères précis
autres que l’épuisement du temps pour décider de l’arrêt des tests.
Par ailleurs, l’évolution des modèles de développement vers des démarches
basées sur l’agilité, qui procède par itération et incrément, fait que la gestion
en configuration des tests devient un enjeu crucial. Caricaturalement, on peut
affirmer que sans gestion de configuration des tests, il ne peut y avoir
d’agilité dans le développement !
Notes
[1] Voir par exemple l’ouvrage Coûts et durée des projets informatiques :
Pratique des modèles d’estimation, Jacques Printz , Christiane Deh, Bernard
Mesdon, Nicolas Trèves, Hermes, 2001.
[2] Pour un projet de type Simple, type S, k vaut 2,4. Pour un projet de type
semi détaché, type P, k vaut 3,0 et enfin pour un projet Embarqué, de type E,
k vaut 3,6.
[3] La loi de Parkinson fut exprimée en 1957 par Cyril Northcote Parkinson
dans son livre Les Lois de Parkinson (C. Northcote Parkinson, Parkinson's
Law, or The Pursuit of Progress, John Murray, London, 1957) et est basée sur
une longue expérience dans l’administration britannique et stipule que « le
travail s’étale de façon à occuper le temps disponible pour son achèvement ».
On trouve assez facilement cet ouvrage sous forme numérique.
Chapitre 8

Outils pour les tests

Comme pour toute activité humaine, l’utilisation d’un outil dans le cadre du
test d’un logiciel permettra de gagner en qualité et en efficacité (les tests
seront meilleurs et permettront de détecter plus de défauts) mais permettra
aussi de réaliser des gains en efficience (les tests seront menés avec la même
efficacité mais avec moins de ressources et en moins de temps).
Par ailleurs, on notera que si pour certains types de tests l’utilisation d’un
outil est une option elle devient une quasi-obligation pour toute une frange
des tests. C’est le cas d’une grande part des tests dynamiques : tests de
charge, de performances, de stress ou de robustesse ; c’est aussi le cas pour la
plupart des tests structurels qui sont basés sur une analyse automatique des
codes des programmes. C’est aussi le cas si l’on veut réellement mettre en
œuvre des tests de non-régression dont l’intérêt est de pouvoir être refait très
facilement dès que l’on modifie le logiciel pour corriger un défaut ou pour
ajouter une fonctionnalité.
Cependant, comme pour l’utilisation de tout outil, la transformation d’une
activité manuelle en une activité partiellement ou complètement automatisée
à l’aide d’un outil qui a sa propre logique et ses propres contraintes va induire
des transformations plus profondes au sein de l’entreprise que la simple
introduction de l’outil, transformations, positives ou négatives qu’il ne faudra
pas sous-estimer.
L’objectif de ce court chapitre est de faire le point sur ce domaine en
l’abordant sous ses différentes facettes.

8.1. Typologie attendue des outils de tests


Les outils de tests sont nombreux et ne cessent d’évoluer ; il est donc peu
utile de tenter d’en dresser une liste exhaustive qui sera, par nature, périmée à
peine définie. Pour autant, si les outils évoluent et se renouvellent au fil du
temps, les principes qui les définissent et les objectifs qui les sous-tendent
restent à peu près stables. Il s’agit en effet d’automatiser certains processus
manuels qui, dans le cadre des tests logiciels, ont relativement peu évolué.
C’est donc sous cet angle que nous explorerons ce domaine en essayant de
comprendre comment une activité de test peut se prêter à une automatisation ;
nous essaierons également de présenter brièvement les solutions qui, lors de
l’écriture de cette seconde version du livre, peuvent être vues comme les
références du domaine.
Mais avant cela, il nous faut lister les bénéfices que peut apporter la mise en
place d’un outil sans négliger les risques qui pourraient provoquer un rejet de
l’outil et une régression dans la qualité du travail mené.
Ainsi, les bénéfices attendus incluent :
La réduction de tâches répétitives en particulier dans le cas des tests de
non-régression.
Une meilleure qualité de tests produits : l’outil utilisé permet de faire
mieux car il « embarque » un savoir-faire et une expérience importante
et guide les activités par la mise en place de processus métiers ; il permet
également de se concentrer sur les tâches les plus importantes en
dégageant du temps sur la réalisation de tâches répétitives, techniques
mais sans réelle valeur ajoutée.
Une capitalisation plus simple et plus efficace : par nature un outil peut
aisément enregistrer ses actions et les résultats de celles-ci ; il peut
également faciliter l’ajout de commentaires sur ces actions de sorte à ne
pas commettre les mêmes erreurs lors des prochains tests ou de sorte à
conserver les raisons qui ont mené à réaliser tel ou tel test.
La définition de critères objectifs en particulier grâce au calcul de
mesure sur les parties de code testés, sur le nombre de défauts trouvés
par unité de code, par unité de temps ou par unité de réalisation ; on peut
également mesurer le temps moyen de correction d’un défaut.
Une meilleure communication entre les différents acteurs par l’aide à la
production de documents de synthèse ; différents outils, en particulier
ceux d’intégration continue, permettent d’offrir des tableaux de bords
complets sur les différentes facettes de l’état d’avancement d’un logiciel,
des équipes impliquées, des différentes échéances, etc.
Enfin, la réalisation de tests (quasi) impossible manuellement comme les
tests de charge ou de stress qui nécessitent la mise en œuvre d’actions
très techniques et/ou basées sur des notions statistiques avancées.

S’il est donc clair qu’un outil adapté et bien utilisé apporte de nombreux
bénéfices à la réalisation des différentes activités liées aux tests, il ne faut pas
sous-estimer les risques inhérents à l’introduction d’un outil dans une
organisation. Parmi les plus importants, nous pouvons citer :
La sous-estimation du temps nécessaire à la mise en place de l’outil et à
son utilisation de manière efficace ; il s’agit là d’un défaut d’optimisme
fréquent, encouragé par ailleurs par les ingénieurs d’affaires ou autres
commerciaux, qui peut conduire à un véritable désastre en termes de
mobilisation des équipes techniques et des services métiers.
Le mauvais choix d’outil ; bien que cela semble une erreur grossière et
simple à éviter, il peut arriver que du fait d’inadéquations techniques de
besoins mal estimés, ou en encore de décalage en terme de connaissance
nécessaires et maîtrisées, le choix se porte sur un outil inutile pour
l’entreprise ou très difficile à utiliser.
Une perte en qualité (valeurs générées, processus en place) ou une
désorganisation profonde des équipes ; en effet, la plupart des outils sont
conçus pour répondre aux besoins du plus grand nombre et supposent un
modèle d’organisation donné. Dans le cas où l’entreprise, du fait de son
histoire, de son savoir-faire ou de son marché, a mis en place un modèle
de fonctionnement spécifique, l’outil choisi peut se révéler être
inadaptable à ce modèle ; l’utilisation de l’outil risque alors de se heurter
au mode de fonctionnement en place et créer des tensions et des erreurs
qui vont faire régresser la qualité des tests.

Enfin, pour la plupart des besoins, l’on pourra se tourner vers une solution
« propriétaire » ou vers une solution « Open Source ». Il n’est pas nécessaire
de rappeler qu’ouvert ou libre ne veut pas dire gratuit et que payer cher une
solution garantit une adéquation aux besoins.

8.2. Les grandes familles d’outils


8.2.1. Outils pour les tests statiques
Les outils de tests statiques sont sans doute les plus anciens ; ils sont nés avec
les premiers compilateurs et ont tiré profit des avancées de la formalisation de
la sémantique des langages de programmation, en particulier avec
l’introduction du typage des données qui a permis d’offrir des moyens
simples de vérifier très tôt que le programme ne contient pas trop d’erreur.
Par exemple, la confusion sur le nom d’une variable (x = y au lieu de x = z)
sera plus facilement détectée avec les types qui limitent les « mélanges »
entre valeurs de types différents. De même les notions de déclaration et de
portée des déclarations aident le compilateur, ou un outil d’analyse de code, à
détecter d’éventuelles erreurs de codage, et donc d’éventuels défauts du
programme.
Ainsi, pour peu que le programme soit réalisé avec certaines règles qui aident
à sa compréhension, et que ces règles[1] soient conçues dans le but de faciliter
la détection des erreurs communes, un outil pourra analyser le code du
programme et vérifier que ces règles sont bien respectées et ainsi signaler un
certain nombre de problèmes potentiels à l’exécution du logiciel.
De nombreux efforts de recherche ont également permis d’étendre la notion
de test statique à la notion de vérification ou de preuve de propriétés du
programme dépassant alors les objectifs initiaux des tests en fournissant une
preuve effective du respect par le programme d’une propriété ou d’un
ensemble de propriétés. Cependant, très vite, la complexité intrinsèque à ces
vérifications rend difficilement utilisable en pratique ces outils sur des
programmes un peu complexes.
Dans cette grande famille d’outils d’analyse statique, il existe de nombreux
logiciels « libres », c’est-à-dire qu’ils peuvent être installés et utilisés
librement et qu’en plus il est possible d’en obtenir les sources et, si l’on en a
les compétences, d’adapter le logiciel utilisé à son contexte propre en
modifiant les sources. Parmi les plus utilisés, ou les plus connus, nous
pouvons citer les logiciels Lint, Slint, Blast ou encore Cocinelle pour les
langages C et C++, ou FindBugs et Checkstyle pour le langage Java[2].
Ce créneau est également bien occupé par les grandes sociétés du domaine
avec des outils comme Logiscope de TeleLogic (initialement conçu par la
SSII Verilog et maintenant distribué par IBM), DevPartner Code Review de
Borland ou encore les outils de la suite Rational d’IBM pour ne citer que les
outils les plus populaires.
Le principal souci de ces outils est la présence, parfois en très grand nombre,
de « faux positifs » c’est-à-dire d’éléments du programme indiqués par
précaution comme des potentielles erreurs. Ainsi parmi les messages d’alerte,
certains vont refléter de véritables erreurs alors que de nombreux autres
n’indiqueront que des éventuelles erreurs dont la survenue est impossible du
fait de contraintes d’exécutions non capturées par l’analyseur. Le testeur doit
alors faire le tri manuellement entre les faux et les véritables cas à problème
ce qui se révèle être une tâche relativement complexe. Néanmoins,
l’expérience montre que l’usage d’un tel outil est profitable dans le temps et
permet d’améliorer significativement la qualité du logiciel en réduisant
fortement les défauts de comportement[3].
Dans cette catégorie d’outils d’analyse statique, on peut trouver de très
nombreux produits qui permettent de cibler des caractéristiques particulières
du code à l’aide du calcul de métriques (voir le chapitre 6). Citons Logiscope
de Telelogic, ou la suite Visual Studio de Microsoft qui inclut de nombreuses
options de mesure du logiciel ou encore la suite d’outils d’analyse statique
« Klocwork insight » de la société canadienne Klocwork.
Enfin, les outils d’analyse statique sont également utilisés pour mesurer la
couverture du code exercé par des tests dynamiques et vérifier ainsi la
pertinence des cas de tests vis-à-vis de ce qui a été codé. Du code non couvert
lors des campagnes de test va mettre en lumière soit des parties de code
« mort » (i.e. du code qui ne sert pas), soit des parties de code défensif (utilisé
pour prendre en compte des comportements exceptionnels), soit encore le
manque de complétude des cas de tests imaginés (les tests n’exercent pas
certaines parties du code). Bien qu’il soit illusoire, et souvent inefficace, de
couvrir 100 % du code, cette notion de couverture permet de suivre
l’évolution d’une campagne de tests ou des différentes versions du logiciel.

8.2.2. Outils d’aide à l’exécution des tests dynamiques


Si les tests statiques ont montré leur utilité à travers le temps, ils ne
permettent de détecter que certains types d’erreurs pouvant être capturées par
la seule analyse du code. Par ailleurs le problème étant d’une complexité
théorique et pratique réelle, ces tests statiques ne peuvent être utilisés seuls
dans le cas d’un projet, et ils sont systématiquement complétés par des tests
dynamiques. Ces tests, basés sur l’exécution du programme pour certaines
valeurs bien choisies, sont plus pragmatiques et ont l’avantage d’ignorer la
complexité du code (et la façon dont il est conçu). Ils se concentrent sur la
manière dont le logiciel répond concrètement au problème pour lequel il a été
imaginé puis développé : répond-il aux exigences fonctionnelles, y répond-il
dans un temps raisonnable, est-il facilement utilisable, est-il robuste à la
charge ou à des conditions dégradées de fonctionnement, etc. On retrouve là
les objectifs des tests présentés au chapitre 2. Parmi ces objectifs, tester la
non-régression, c’est-à-dire être capable de vérifier que le comportement du
logiciel ne s’est pas dégradé après la correction d’une erreur ou l’ajout d’une
fonctionnalité est essentiel puisqu’il s’agit d’une des causes les plus
fréquentes de dysfonctionnement des logiciels. Pour ce faire, il est nécessaire
que le coût associé à l’exécution des tests soit maîtrisé et relativement faible ;
cela n’est pas le cas si l’exécution des tests nécessite une grande part
d’intervention humaine. L’utilisation d’un outil qui facilite l’exécution, et la
réexécution des tests est dans ce contexte tout à fait pertinent et peut
facilement justifier le coût de préparation des campagnes de tests et le
potentiel surcoût lié à l’usage d’un outil d’automatisation.
Il existe de nombreux outils adaptés aux activités de tests dynamiques
pouvant bénéficier d’une automatisation partielle ou complète : tests des
éléments de base lors des phases de développement avec les outils de tests
unitaires, tests lors des phases d’intégration en particulier avec les outils
d’intégration continue, tests de performance du logiciel en phase de recette ou
encore tests de stress ou de disponibilité avec des outils spécialisés.

Tests unitaires
Les tests unitaires se sont considérablement développés avec l’apparition des
outils xUnit, ou plus précisément des cadres de développements
(frameworks) xUnit : jUnit (pour le langage Java), jsUnit (pour le langage
JavaScript), cUnit (pour le C), cppUnit (pour le C++), phpUnit (pour le PHP),
etc. la lettre x faisant référence au langage ciblé. Ces structures logicielles
sont des évolutions de SUnit mis au point par Kent Beck en 1994 pour le
langage objet avant-gardiste Smalltalk et fournissent un canevas pour la
production automatisée de tests unitaires, principalement des méthodes dans
le cadre des langages objets. Cette automatisation poussée est la clef du
succès rencontré par ces technologies puisque toute l’architecture des tests est
fournie ou produite automatiquement.
Ainsi, avec un environnement de développement récent (Eclipse par
exemple) l’effort de test se résume à l’essentiel, i.e. choix des bons scénarios
et des bonnes valeurs pour mener les tests et construction de l’oracle pour ces
valeurs de tests à l’aide « d’assertions » qui seront utilisées dans les « tests
suites ». Ces assertions permettent de définir que l’on attend une valeur
donnée dans l’évaluation d’une expression ou qu’une exception doit être
levée dans les conditions de tests choisies. L’exemple suivant (figure 8.1)
illustre les différentes possibilités offertes par la version 4 de l’infrastructure
jUnit[4] (exemples tirés de la documentation associée à cette infrastructure) ;
on notera l’utilisation d’annotations (@Test) qui permettent de donner de
directives ou recommandations au compilateur ce qui simplifie encore la
conception des tests unitaires par rapport aux versions qui utilisent
uniquement les concepts objets (comme jUnit3). La première méthode permet
de tester qu’à la construction, un tableau dynamique est vide. Dans le second
test on utilise une annotation qui spécifie que l’exception de la classe
IndexOutOfBoundsException doit être levée durant l’exécution de la
méthode qui suit (méthode outOfBounds). Si l’exception n’est pas levée ou si
une autre exception est levée durant ce test, le test échoue. La troisième
possibilité illustrée dans cet exemple concerne la durée maximale d’exécution
d’une méthode. Au-delà de cette durée (dont la valeur en millisecondes est
passée en paramètre) la méthode est arrêtée et le test échoue.
public class Example {
@Test
public void method() {
org.junit.Assert.assertTrue( new ArrayList().isEmpty() );
}
}
@Test(expected=IndexOutOfBoundsException.class) public void outOfBounds() {
new ArrayList<Object>().get(1);
}
@Test(timeout=100) public void infinity() {
while(true);
}

Figure 8.1 Exemple de tests unitaires avec jUnit4

Cet exemple montre bien en quoi une infrastructure comme jUnit simplifie la
construction des tests unitaires. Couplée à un environnement de
développement comme Ecplise[5], cette infrastructure permet de plus de jouer
et rejouer les tests très facilement à l’aide de boîtes de dialogues qui
permettent de personnaliser l’environnement d’exécution des tests (par
exemple en initialisant un environnement spécifique d’exécution avant de
démarrer les tests). Les résultats d’exécutions des tests sont alors présentés
par une barre latérale qui permet de suivre la progression des tests comme
illustré sur la figure 8.2.
Fig. 8.2 Exemple d’utilisation de jUnit sous Eclipse

Sur la figure 8.2, on peut apercevoir la barre de couleur (rouge) sombre,


signifiant que les tests ne sont pas encore réussis et la précision que sur les
24 tests prévus, 24 ont bien été exécutés, 22 donnant lieu à une « failure »,
c’est-à-dire à une violation d’assertion, et 0 conduisant à une erreur
d’exécution non prévue (i.e. une exception non prévue a été levée). On peut
également distinguer les tests qui ont réussi (petit onglet « v ») et ceux qui
ont échoué (onglet « x ») ainsi que la durée d’exécution de ces tests.

Tests d’intégration et intégration continue


Une fois les tests unitaires réalisés, la phase d’intégration des différents
composants soulève généralement de nouveaux problèmes. Ces problèmes
ont pour cause principale une interprétation différente ou fluctuante des
spécifications fournies ; les tests unitaires dirigés vers le respect des
spécifications, ou plus précisément, sur la façon dont on a compris les
spécifications du composant, ne permettent donc pas de détecter facilement
ces défauts.
La découverte d’un défaut lors de la phase d’intégration nécessite de
reprendre le codage d’un des composants qui n’est pas nécessairement le
dernier intégré ; plus le défaut sera découvert tard plus il sera difficile à
corriger car il nécessitera de revenir sur du code réalisé il y a des semaines
voir des mois avec des intervenants qui ont pu migrer vers d’autres projets. Il
est donc important de vérifier aussi régulièrement que possible que les
corrections, évolutions ou complétions des modules ne posent pas de
problème avec les autres parties déjà réalisées.
Les outils de tests d’intégration vont tenter de répondre à ce problème en
facilitant l’intégration des composants au fur et à mesure de leur réalisation et
en automatisant le test des interactions entre les composants. Dans une
démarche d’intégration continue, dès qu’un module est prêt il est intégré à
l’ensemble et testé dans son environnement ; ce point est essentiel si l’on veut
mettre en place une démarche agile. On réduit ainsi les risques de réponse
tardive à un problème provoqué par la mise à jour d’un composant.
Un outil d’intégration va permettre de suivre l’assemblage progressif du
logiciel et de mesurer sa qualité par le calcul de métriques et par le passage
de différents tests qui sont réalisés de façon automatique lors de la mise à
disposition d’un composant. On ajoute donc à l’aspect technique un aspect
communication et collaboratif sur le développement du logiciel par ce suivi
régulier de l’état global. Le schéma d’intégration des composants peut suivre
une des stratégies évoquées précédemment : de haut en bas, de bas en haut ou
plus généralement dans une démarche agile dès qu’un composant est
intégrable.
De nombreux outils dédiés aux tests unitaires peuvent être détournés pour
aider aux tests d’intégration mais ne seront pas aussi efficaces que les outils
dédiés spécifiquement à ce type de tests. En effet, outre la spécificité de se
concentrer sur les interfaces et sur l’interaction des modules, les outils de
tests d’intégration doivent nécessairement intégrer un module de gestion de
configuration. Cette fonctionnalité comprend non seulement des capacités de
gestion de version mais également des capacités de gestion des liens entre les
différents éléments d’une version. Grâce à cela, un outil d’intégration permet
de mener des tests d’intégration mais également de produire une version
opérationnelle du système complet par des « builds » automatique des
versions complètes.
Fig. 8.3 Intégration continue

Le logiciel Selenium, cité précédemment et distribué sous la licence Apache,


permet de tester les interfaces d’applications web en définissant des tests au
niveau des interfaces. Cependant il n’intègre pas réellement de modules de
gestion de configuration ce qui ne le place donc pas exactement dans les
outils de test intégration. En effet, si l’on inclut au besoin de test des
interfaces et des interactions le besoin de gestion de configuration, il faut se
tourner vers un des deux logiciels libres phares de ce domaine : Continuum,
distribué sous licence Apache et Jenkins (fork de Hudson) distribué sous
licence MIT qui connaît un succès croissant de part sa simplicité d’utilisation
et des nombreux modules d’extension (plugins) intégrables à ces outils.

Tests de charge, tests de stress, tests de performance


Un des aspects les plus difficiles à prévoir lors de la conception d’un logiciel
ou à mesurer par la simple analyse du code réalisé est le comportement d’un
logiciel vis-à-vis de ses performances. Les tests, dans ce contexte, sont donc
non seulement utiles pour détecter d’éventuels défauts mais nécessaires pour
mesurer le comportement réel d’un logiciel dans un environnement donné
avec la prise en compte des contraintes matérielles, des interactions avec
d’autres applicatifs, des interactions avec des utilisateurs, etc. Par ailleurs,
dans ce type de tests, la préparation de l’environnement de test puis sa remise
en état initial peut nécessiter un travail complexe et technique. Sans outils, la
réalisation de tests de ce type peut se révéler difficile, voire impossible,
d’autant plus si l’on inclut la dimension de non-régression qui implique la
possibilité de repasser régulièrement les tests.
Les tests de performance peuvent être vus comme un modèle générique pour
un ensemble de tests proches : tests de charge, tests de stress, tests de montée
en charge, tests d’endurance. Tous ces tests vont mesurer le comportement du
logiciel vis-à-vis de propriétés liées à des notions techniques comme le temps
de réponse, le taux d’occupation des CPU, le taux d’occupation de la
mémoire, le nombre d’entrées sorties par unité de temps, etc. À la différence
des autres tests de cette famille, les tests de performance vont se concentrer
sur les caractéristiques intrinsèques de l’application dans un monde qui n’est
pas nécessairement totalement réaliste. Ces tests peuvent s’apparenter aux
mesures données des performances d’une automobile sur circuit dans des
conditions d’essai bien particulières. Ils sont utiles car ils permettent de
vérifier que l’architecture et le choix des algorithmes sont en phase avec les
attentes vis-à-vis de l’application et qu’il n’y a pas a priori de « ratés » sur le
plan des performances. Néanmoins, ces tests de performances ne donnent
qu’une image partielle du comportement du logiciel dans son futur domaine
d’utilisation ; on les complète généralement par des tests de charge ou de
stress ou de montée en charge selon que l’on veut observer le comportement
dans des cas d’utilisation « normaux » ou dans des cas dégradés ou encore
lors des évolutions des contextes d’utilisations.
Le domaine d’application le plus répandu actuellement pour ce type de tests
est la mesure de performance d’une application web de type n-tiers qui réagit
à des stimuli en provenance d’utilisateurs qui, par leurs actions, vont
déclencher des opérations sur des serveurs de base de données ou des
serveurs applicatifs. On cherche alors à vérifier que l’application sera capable
de « tenir » face à une montée du nombre d’utilisateurs. Les indicateurs
mesurés sont alors principalement le temps de réponse vis-à-vis du client.
Lorsque ce temps n’est pas bon, ou n’est pas conforme à ce que l’on espérait,
on peut chercher à comprendre ces mauvais résultats en mesurant d’autres
indicateurs comme la charge des processeurs, le taux d’occupation mémoire,
le volume de données échangées entre serveurs, etc.
Ce domaine d’application, en plein essor depuis quelques années, a rendu
populaire ce type d’outils autrefois dédiés à quelques projets techniques.
Parmi les très nombreux outils existants, on peut citer les outils de la société
HP, « HP Performance Center » et « HP LoadRunner », outils très complets
et couramment utilisés, l’outil « NeoLand » d’une jeune société française
Neotys ou encore le logiciel libre « JMeter » distribué par la fondation
Apache et qui propose de nombreuses possibilités d’analyse d’une
application web.
De façon sommaire, ces outils vont simuler une montée en charge des stimuli
sur l’application afin de mesurer son comportement à l’aide d’indicateurs
simples comme le temps de réponse, le débit mesuré, le nombre d’éléments
traités dans une unité de temps, etc. Le principe est de modéliser,
graphiquement ou à l’aide d’un langage de script, le comportement d’un
utilisateur puis d’écrire des scénarios de tests qui vont créer et faire agir un
certain nombre d’utilisateurs. C’est là que l’usage d’un outil et
l’automatisation de ces actions apportent réellement une aide par rapport à
une approche manuelle.
Fig. 8.4 Exemple de résultat produit par l’outil JMeter

Une fois les scénarios de tests définis, on les exécute puis l’outil recueille les
résultats qu’il présente soit sous forme de table, soit sous une forme
graphique comme présenté sur la figure 8.4.

Test fonctionnel des applications web


Les applications web sont en plein essor et si l’on s’intéresse à mesurer leur
performance et leur tenue à la charge avec des tests spécifiques, on peut
également s’intéresser à tester leur fonctionnalité comme une application
« normale ». Une des particularités de ces applications est qu’elles sont
entièrement conçues pour interagir avec un utilisateur à travers le
protocoleHTTP : dans le cas le plus courant, le navigateur client de
l’utilisateur envoie des « GET » et des « POST » au serveur en fonction des
actions de l’utilisateur (clic sur des boutons ou saisie d’information dans des
formulaires). Dans la majorité des cas le serveur répond par l’envoi de
données au format HTML après avoir exécuté quelques instructions (décrites
en PHP ou en Java à travers des JSP). Il s’agit donc par essence
d’applications réparties avec une interface graphique. Tester ce type
d’application nécessite donc de pouvoir jouer et rejouer facilement les actions
d’un utilisateur sur l’interface graphique, comme pour un test de
performance, mais cette fois-ci non pour mesurer le temps mis à fournir la
réponse mais pour vérifier que les données fournies sont bien celles attendues
dans ce cas. Il s’agit là d’une technique de test relativement ancienne et qui
s’est considérablement améliorée avec la substitution progressive des
interfaces graphiques type web aux interfaces graphiques plus complète
(comme AWT ou Swing en Java). La relative simplicité de ces interfaces
graphiques et le fait que qu’il soit possible de repérer un bouton ou un champ
de saisie de texte autrement que par le positionnement de la souris sur une
zone de l’écran rendent plus simple la mise en place d’outils qui capturent les
actions de l’utilisateur et les reproduisent lors des tests.
Sur ce segment on peut trouver de nombreux outils efficaces. Les deux outils
phares du domaine en 2013 sont « Selenium », qui est un logiciel libre et le
logiciel « HP QuickTest Professional » (inclus maintenant dans l’outil HP
« Unified Functional Testing software »).
Une seconde caractéristique de ces applications web est leur aspect
transactionnel obtenu par l’orchestration d’un ensemble de services web. La
réservation d’un séjour à l’étranger va faire intervenir une série de
transactions : choix puis réservation d’un billet de transport auprès d’une
compagnie aérienne ou ferroviaire, choix et réservation d’une chambre dans
un hôtel et potentiellement choix et réservation d’activités sur place. Il s’agit
alors de réaliser une série de transactions avec des opérateurs distincts, la
série de transactions élémentaires étant elle-même une transaction à part
entière ; un échec sur une de ces réservations doit entraîner un échec de
l’ensemble des transactions. Tester ceci est relativement complexe du fait des
différents mécanismes impliqués qui ne sont pas maîtrisés complètement par
le site principal et l’on pourra se référer au chapitre 9 pour un exemple
complet de test d’intégration de systèmes transactionnels complexes.

8.2.3. Outils d’appui à la gestion des tests


Les activités de tests sont nombreuses, monopolisent différents acteurs et
peuvent s’étaler sur une période longue. Par ailleurs les besoins en
communications, en interne des équipes projets, ou vis-à-vis de services tiers,
ont pris progressivement une grande importance. Pour toutes ces raisons, il
est indispensable de gérer les tests comme un autre projet et l’usage d’un
outil de gestion de projet est fortement recommandé.
Si tout outil de gestion de projet peut être utilisé, un point essentiel doit être
présent : la gestion des exigences qui permettra de tracer les liens entre les
exigences fonctionnelles ou techniques du projet et les tests qui ont été
conçus pour vérifier la bonne prise en compte de ces exigences. S’il manque
des tests en face d’exigences on peut penser que certaines facettes du logiciel
n’ont pas été ou ne seront pas testées correctement ; d’un autre côté, des tests
prévus qui ne correspondent à aucune exigence particulière peuvent
interroger sur l’intérêt de ces tests. Cela peut être également le signe d’une
possible surinterprétation des spécifications qui a conduit à la réalisation de
fonctionnalités non demandées, ou encore à la prise en compte de contraintes
non nécessaires. L’outil de référence pour la gestion des exigences est IBM
Rational DOORS et permet, entre autres, de maintenir la traçabilité dans le
temps entre les exigences, les éléments de conception et les plans et scénarios
de test.
Une autre facette essentielle de la gestion des tests qui pourra être outillée
efficacement est la gestion des plans de tests. Les plans de tests décrivent les
objectifs des tests, les configurations nécessaires pour les mettre en œuvre,
ainsi que les calendriers et les équipes associées. Ces plans regroupent
généralement des cas de tests en suites de tests ce qui permet de simplifier la
gestion des projets complexes. Par ailleurs, on associe également aux plans
de test les résultats des tests ainsi que le calcul de certaines métriques. Tout
cela constitue donc une importante documentation qu’il convient de gérer
correctement, à la fois dans un objectif de communication à destination des
développeurs, des testeurs ou des donneurs d’ordre, mais aussi dans un
objectif de suivi du projet. De nombreux outils sont disponibles dans cette
catégorie, mais le plus complet (et aussi sans doute le plus onéreux) est l’outil
distribué par Hewlett-Packard : HP Quality Center qui intègre l’ancien Test
Director de Mercury.
Enfin, différentes solutions peuvent être mises en place en ce qui concerne le
suivi et la gestion des anomalies. Les anomalies peuvent être présentées par
gravité (mineure, majeure, bloquante) ou par leur état (de signalée à clôturée)
ou encore par la ou les personne(s) en charge de résoudre l’anomalie. Par
ailleurs, le suivi des anomalies permet de remonter un certain nombre
d’indicateurs comme le nombre d’anomalies relevées par lot (qui peut donner
une indication quant à la qualité de la réalisation), les délais moyens de prise
en charge, de correction et de clôture (qui peuvent donner une indication sur
la réactivité de l’équipe en charge des tests).
On peut trouver de nombreux outils répondant à ce besoin, en particulier dans
le monde des logiciels libres ; les plus populaires à ce jour sont Bugzilla,
proposé par l’organisation Mozilla et utilisé par des sociétés très connues
(comme Facebook, Yahoo, la Nasa, etc.), le logiciel RedMine et qui a un
spectre un peu plus large que la gestion des anomalies et enfin, le logiciel
Mantis.

8.3. Conclusion
Un outil, bien choisi, permet sans conteste un gain dans la qualité et
l’efficacité du travail réalisé. Le domaine des tests est doté d’une grande
panoplie d’outils couvrant l’ensemble des activités de tests. Cependant avant
le choix et l’installation d’un nouvel outil il est important d’auditer les
processus et les pratiques existantes afin d’identifier les apports potentiels
d’un outil en terme d’amélioration et/ou d’optimisation des pratiques en
place.
Une fois les axes d’amélioration identifiés, il faut faire l’évaluation des
produits du marché en incluant des critères tels que la qualité de la formation
associée, la qualité du support technique, la communauté d’utilisateurs, les
retours d’expérience que l’on peut recueillir. L’évaluation des différents
logiciels disponibles se fera après avoir défini des critères objectifs et clairs
qui permettront l’évaluation des différents produits par rapport aux
améliorations et/ou optimisations visées. Assister à des démonstrations
d’outils pour mieux appréhender les apports et les difficultés prévisibles et
bien entendu efficaces dans cette phase de réflexion.
Une fois une liste restreinte de solutions retenues (dans l’optimal pas plus de
trois candidats) il va être intéressant de mettre en place un pilote sur un ou
deux projets afin d’avoir un retour concret de la solution envisagée dans le
contexte de l’entreprise. Une revue détaillée de ces quelques
expérimentations menées permettra de choisir de façon éclairée. Sans que le
choix donne lieu à une décision collective, il est important de mettre dans la
boucle tous les acteurs potentiellement impliqués dans l’usage au quotidien
de cet outil. Une oreille attentive pourra y trouver une confirmation que les
bénéfices attendus seront bien au rendez-vous et que les risques encourus ne
risquent pas de rendre caduc cet investissement.
Une fois l’outil retenu et installé puis configuré, il faut mettre en place une
stratégie d’accompagnement des différents collaborateurs impliqués. Cela
inclut de la formation à l’outil mais aussi la mise en place d’une cellule
d’appui aux utilisateurs qui saura conseiller et guider ces utilisateurs dans la
transformation de leur façon de procéder. À noter que cet accompagnement
est nécessaire même si l’outil semble accessible et convivial.
Enfin pour conclure ce chapitre, il ne faut pas oublier qu’automatiser une
partie des tests est un projet en soi avec des développements et qu’en partie
du fait des tests de non-régression, la durée de vie des tests peut être grande
et nécessite de les gérer dans le temps comme tout autre projet.
Notes
[1] Parmi ces règles on peut citer la structuration du programme en sous-
programmes ou modules ou classes, la déclaration des variables et des sous-
programmes, le typage fort, etc.).
[2] Les liens vers les logiciels cités, ainsi qu’une rapide description de ces
logiciels sont disponibles sur www.dunod.com/contenus-
complementaires/9782100706082.
[3] On pourra lire à cet effet le blog John Carmack, développeur de Doom et
Quakede, fondateur de la société Armadillo Aerospace, à l’url
http://www.altdevblogaday.com/2011/12/24/static-code-analysis/.
[4] http://junit.org
[5] http://www.eclipse.org
Chapitre 9

Génération automatique de jeux de


test

Tester revient à confronter par des moyens statiques (analyse de code, revue,
etc.) ou par des moyens dynamiques (exécution avec des valeurs
particulières) les spécifications du logiciel, c’est-à-dire ce qu’il doit faire et
éventuellement sous quelles contraintes (temps, utilisation de la mémoire,
etc.) à sa réalisation, c’est-à-dire de quelle façon il répond au besoin exprimé
en enchaînant différentes actions élémentaires.
Trouver des jeux de tests pertinents, c’est-à-dire permettant de trouver des
défauts dans la réalisation est, comme nous l’avons déjà dit, une activité qui
va donc viser à déterminer, à partir des documents de spécifications, quelles
valeurs intéressantes peuvent permettre de confronter la réalisation à celle
attendue dans l’absolu (la réalisation qui implémente exactement les
spécifications, spécifications qui sont supposées être sans défauts).
Générer automatiquement des cas de tests nécessite donc une analyse
automatique des spécifications pour déterminer quelles valeurs seront
pertinentes et lesquelles ne le seront pas. Les spécifications étant, dans la
majorité des cas, rédigées en langues naturelles, il est dans l’état actuel des
connaissances impossible d’automatiser de façon efficace cette activité sans
apports d’informations complémentaires. Nous omettons volontairement les
cas où le code est généré automatiquement à partir de spécifications
complètement exprimées à l’aide de langages formels (par exemple, dans le
cadre de l’utilisation de la méthode B (Abrial, 1996[1]).
Nous détaillons ici quelques pistes et travaux récents qui apportent une
réponse partielle à cette problématique et qui dans certains cas ont donné (et
donneront de plus en plus) de véritables résultats en termes d’amélioration de
la qualité des logiciels produits ainsi qu’en termes de réductions des coûts
engendrés par les tests. On trouvera une étude assez complète faite en 2013
dans Saswat Anand et al.[2] Chacune de ces stratégies va s’appuyer sur des
compléments d’informations provenant par exemple de :

l’utilisation de modèles plus ou moins formels décrivant le


comportement attendu du logiciel ou l’utilisation d’annotations dans le
code permettant de préciser des hypothèses sur les entrants ou les
sortants d’un composant ou encore des invariants sur l’état attendu du
logiciel à un point précis de son exécution ;
l’utilisation de versions reconnues comme « exactes » qui serviront de
référence en termes de spécifications ;
l’utilisation du code lui-même et de données de tests existantes pour
tenter d’améliorer la couverture du code par un complément de données
de tests.

9.1. Générer des tests à partir de modèles


9.1.1. Principes
L’utilisation de modèles, stratégie de test connue sous le terme « Model
Based Testing » consiste à utiliser une modélisation semi-formelle du
comportement et /ou des données manipulées par le logiciel à tester (un
composant, un système partiel ou complet) afin de générer des cas de tests
qui représentent une partie des séquences possibles d’exécution décrites par
le(s) modèle(s). Le logiciel à tester est alors défini comme le « système sous
test » (Système Under Test – SUT) et est vu comme une boîte noire qui
produit des données de sortie en fonction de données en entrée (et
éventuellement de son état interne au moment de l’exécution du test).
L’objectif dans ce contexte n’est pas de démonter que le logiciel implémente
exactement le modèle mais qu’il se comporte correctement dans des cas
précis décrits par le modèle, cas qui sont choisis à partir d’hypothèses
justifiants l’adéquation des cas de tests avec le modèle. La sélection peut se
faire en amont de l’exécution des tests ou lors de l’exécution des tests par des
procédures automatiques, ou semi-automatiques.
La difficulté de cette approche provient de la nécessité de fournir un modèle
adapté à la génération automatique de tests pertinents : trop abstrait, il ne
capturera pas certaines exécutions particulières et qui présentent néanmoins
un intérêt pour le test du système, trop détaillé, il sera à la fois complexe à
définir et offrira trop de précisions sur certains aspects ; précisions qui
nuiront à l’efficacité des tests qui seront trop importants en volume et sans
doute redondants ; voir le livre de Bruno Legeard et al. Industrialiser le test
fonctionnel, 2e édition chez le même éditeur pour aller plus loin dans
l’analyse du bon degré de modélisation pour une stratégie effective.
Les types de modèles que l’on peut utiliser sont nombreux et anciens pour
certains. Dès les années 70, de nombreux travaux concernant le test de
logiciel à l’aide de descriptions formelles voient le jour et le courant français,
mené par Marie-Claude Gaudel puis par Gille Bernot et Bruno Marre,
s’appuie sur les spécifications algébriques pour dériver des suites de tests en
fonction de certains objectifs de couverture. Ce courant a alimenté bons
nombres de recherches et fourni de nombreux résultats avec quelques
applications réussies dans le domaine de l’industrie[3]. Néanmoins, cette
stratégie n’a pas été réellement acceptée telle quelle dans l’industrie car jugée
trop complexe à mettre en œuvre.
D’autres voies sont également explorées dès les années 70 et ont alimenté
bons nombres d’approches et outils modernes. Parmi ceux-ci, les machines à
états finis (Finite State Machine – FSM), permettent de décrire le SUT à
l’aide d’états et d’actions (Chow 1978[4]) ; afin de faciliter la possibilité de
décrire des systèmes réels, les machines à états finis peuvent être étendues
(Extended State Finite Machine – ESFM) par l’ajout de données sur les états,
les entrants et les sortants et par l’utilisation de ces variables dans des gardes
qui conditionnent les actions de la machine à états. À partir de cette
description du comportement attendu du SUT, il est possible de générer des
suites de tests qui permettent d’explorer tous les états, toutes les actions ou
autres critères de couverture. Il est également possible de générer l’oracle qui
va déterminer si les séquences et les valeurs de sorties observées
correspondent bien au comportement attendu (Chen & al. 2015[5]).
Enfin, une troisième approche théorique, basée sur les systèmes de transitions
étiquetées (Labelled Transition System – LTS) a servi d’appui à l’approche
MBT. Dans cette approche, plutôt utilisée dans le cadre de tests de
protocoles, le comportement attendu est modélisé par un LTS. Par différentes
techniques de parcours de l’ensemble des états accessibles du LTS ou encore
des séquences d’exécution possibles, des cas de tests sont générés ainsi qu’un
oracle (sous forme de LTS) qui permet de confronter, sur les cas de tests
générés, le comportement du SUT au comportement du LTS, permettant ainsi
de détecter des divergences et donc des défauts d’implémentation (Tretmans
2008[6]).
Actuellement, le test guidé par les modèles est une voie qui continue son
essor et est supportée par de nombreux outils qui mettent en pratique les trois
stratégies évoquées précédemment en les combinant ou en les complétant par
des descriptions du comportement attendu par le logiciel à tester à l’aide de
scénarios (diagrammes d’activités, diagrammes de flots, cas d’utilisation,
etc.), de machine à états (le modèle le plus utilisé étant les diagrammes UML
états-transitions), ou encore plus généralement des descriptions à l’aide de
langage dédiés (Domain Specific Language), comme les langages de
descriptions de processus métiers (par exemple BPMN).

9.1.2. Outils disponibles


Les outils sont nombreux mais nous pouvons en mentionner quelques uns qui
ont été (et sont encore) concrètement utilisés dans des applications
industrielles :

TGV
TGV (Test Generation from transitions systems using Verification
techniques) est un outil qui fait partie de la suite d’outils CADP
(Construction and Analysis of Distributed Processes) développée par
l’INRIA depuis les années 90 et vise à fournir une solution à la génération de
suites de tests pour des protocoles ou des systèmes asynchrones embarqués
ou répartis. Cet outil se base sur une description du système à l’aide d’une
forme de système de transitions étiquetées[7].

Smartesting CertifyIt
L’outil CertifyIt[8] de la société française Smartesting[9] permet de générer
des suites de tests avec différents objectifs de couverture (couverture des
exigences, des transitions, etc.) à partir de différents types de modèles comme
les diagrammes d’états UML (Statecharts), des scenarios de comportement
décrits avec le langage BPMN ou encore des pre et post conditions sur les
actions modélisées à l’aide du langage OCL (Object Constraint Language).
L’outil offre aussi de nombreuses possibilités de suivi et de gestion des
campagnes de tests.

Conformiq Designer
Conformiq Designer est un outil permettant la génération automatique de
suites de tests à partir de diagrammes UML états-transitions et/ou de
description de comportement attendu à l’aide du langage Java. Les suites de
tests générées peuvent également être exportées dans différents langages
incluant le langage TTCN-3 et analysées à l’aide de diagrammes de
séquences de messages (Message Sequence Chart). Cet outil est
commercialisé par la société Conformiq[10] et est distribué en France par la
société VerifySoft[11].

Microsoft Spec Explorer


L’outil Spec Explorer 2010[12] de Microsoft est un outil mature qui est
intégré à la suite logicielle de développement Visual Studio (extension
gratuite). Le comportement attendu du SUT est décrit ici à l’aide du langage
de programmation C# dans l’environnement .NET et des scénarios de tests
peuvent être décrits à l’aide du langage de script Cord.

9.1.3. Avantages / Inconvénients


Les avantages à utiliser l’approche des tests dirigés par les modèles (MBT)
sont nombreux ; en particulier cette approche permet à la fois d’automatiser
la génération de cas de tests et l’oracle associé dans la plupart des cas.
L’effort de modélisation demandé permet de découvrir au plus tôt, à la fois
des erreurs dans les réalisations, mais également des défauts présents dans les
spécifications. De nombreuses études montrent un réel retour sur
investissement quant à la qualité des logiciels produits avec cette démarche
une fois l’appropriation de la démarche faite par les équipes impliquées.
Les difficultés que l’on peut rencontrer proviennent de l’apprentissage de
langages de modélisation et du fait que la modélisation est intentionnelle. Il
est ainsi parfois peu simple de trouver le bon niveau de modélisation ; il faut
abstraire, mais pas tout et ni trop ni trop peu. Il faut également prendre en
compte la transition nécessaire des pratiques des équipes impliquées.

9.2. Générer des tests à partir du code


Le code est une interprétation des spécifications et il contient généralement
des défauts. Il est donc souvent moins efficace dans le processus de test
d’utiliser le code à la place des spécifications pour générer les jeux de tests.
Néanmoins, d’un point de vue pragmatique, le code représente exactement la
façon, même imparfaite, dont les fonctionnalités seront ou pas réalisées et
prend en compte des détails concrets, utiles pour la réalisation, mais non
présents dans les spécifications.
Nous distinguons deux cas qui se présentent assez couramment :
l’équipe dispose d’une version de référence, par exemple une correction
dans le cadre de la formation, ou une version V0 que l’on fait évoluer
pour des raisons de supports techniques (évolution de matériel,
d’environnement logiciel, etc.),
l’équipe a une simple version de développement mais a déjà des jeux de
tests qu’elle souhaite faire évoluer ou compléter.

9.2.1. Utilisation d’une version de référence


Ce contexte est assez favorable puisqu’une version de référence est connue et
est, soit considérée comme « exacte », c’est-à-dire conforme en tout point aux
spécifications, soit imparfaite mais dans ce cas, les divergences vis-à-vis des
spécifications ont déjà été sans doute identifiées. Il est donc possible
d’utiliser cette version comme une description précise et non ambiguë des
spécifications, ce qui permet de générer à la fois des jeux de tests et l’oracle
ou plus généralement, de confronter de façon systématique les
comportements de la version en cours de développement avec les
comportements de la version de référence.
Pour ce faire plusieurs stratégies sont possibles mais la façon la plus effective
consiste à générer des jeux de tests en s’appuyant sur une combinaison
d’exécutions symboliques et concrètes (dites concoliques) de la version de
référence visant à assurer une couverture du code donnée (par exemple tous
les chemins, ce qui est assez fort, toutes les décisions, etc.).
Le principe est assez simple mais présente quelques subtilités : partant du
logiciel on transforme les chemins d’exécutions possibles en ensembles de
contraintes à satisfaire pour atteindre un point donné du programme (liées au
conditions de branchement), contraintes qui portent sur des variables
symboliques représentant les variables concrètes. Par exemple, si le logiciel
fait intervenir deux variables entières x et y, et une décision de branchement
« if (x > y) then … », deux variables symboliques sont introduites X et Y
ainsi qu’une contrainte symbolique de chemin « X > Y » pour la branche
d’exécution correspondant au cas où la décision est vraie (la variable x est
plus grande que la variable y) et une contrainte symbolique « X ≤ Y » pour la
branche où la décision est fausse. Les contraintes sont ainsi cumulées lors de
l’exécution symbolique du programme avec la couverture recherchée. À
certains points, l’ensemble de contrainte peut ne pas avoir de solution (par
exemple « X >Y && Y >3 && X <2 ») ; dans ce cas, la branche est coupée et
le chemin symbolique abandonné. Lorsque la couverture est obtenue, il
« suffit » de résoudre les systèmes de contraintes pour obtenir des valeurs
concrètes des variables qui correspondront donc à des jeux de tests
satisfaisant la couverture recherchée. Pour cela on utilise fréquemment des
solveurs de contraintes type SMT (Satisfaibility Modulo Théorie) qui
s’appuient eux-mêmes sur des solveurs de contraintes booléennes SAT
(Satisfiabilité booléenne) et permettent de décider si un problème admet une
solution dans un modèle donné (par exemple une solution au problème
3*X=1 admet une solution dans les nombres réels mais pas dans les nombres
entiers) et, si une solution existe d’en donner une valeur.
Les difficultés de cette approche sont néanmoins multiples et ont longtemps
freinées l’utilisation des outils associés sur des problèmes réels (difficultés
moins présentes actuellement du fait de l’avancée de la théorie sous-jacente
et des capacités de calcul et de mémoire maintenant disponible à faible coût).
Parmi ces difficultés, la première concerne « l’explosion » de la taille de
l’ensemble de contraintes et la « complexification » de cet ensemble en
particulier lors de la présence de boucles ou d’appels de sous-programmes.
Pour combattre ce problème, on peut remplacer des appels de sous-
programmes par des abstractions (forme de bouchonnage symbolique),
limiter la profondeur de déroulement des boucles (par exemple 3 tours
maximum) et / ou remplacer certaines valeurs symboliques par des valeurs
concrètes en s’appuyant sur une exécution concrète du programme.
L’autre problème provient de l’utilisation de librairies ou de code en
assembleur qu’il n’est pas facile de traduire automatiquement sous formes de
contraintes (puisque l’on ne dispose pas ou de façon peu utile le code source
impliqué) ; dans ce cas, un problème de divergence peut apparaître entre
l’exécution symbolique et le comportement réel du fait d’imprécisions dans
les contraintes. En détectant les zones où l’imprécision a un impact, il est
possible de demander au testeur de donner un modèle de la partie impliquée,
ce qui nécessite une opération manuelle et réduit un peu l’intérêt de
l’approche.

9.2.2. Utilisation d’une version incomplète ou


partiellement testée
Ce cas est encore plus fréquent que le précédent puisqu’il apparaît dès que
des tests « boîtes noires » ont été générés manuellement mais que la mesure
de couverture montre que l’objectif fixé (toutes les décisions, tous les
chemins, critère MC / DC) n’est pas atteint. Ce cas apparaît également
fréquemment dans le contexte de chaîne de produits logiciels[13] où l’on
développe des logiciels par assemblage et composition de différents
composants (ou versions de composants) ou encore dans le test d’une
nouvelle version d’un composant dans un développement incrémental.
Ce domaine connaît une activité de recherche importante et s’appuie sur les
techniques de propagation et de résolution de contraintes, d’exécution
symbolique et d’apprentissage pour combiner les jeux de tests existants, vus
comme un ensemble de contraintes initiales que l’on va chercher à compléter,
à des données de tests produites par une génération automatique de valeurs
dans le but d’obtenir une couverture donnée ou dans le but de trouver des
chemins « différenciant » c’est-à-dire présents dans une version et absents
dans l’autre ; ceci permet de tester les nouvelles caractéristiques du logiciel
ou au contraire de détecter des exécutions devenues impossibles. Nous
pouvons mentionner ici le prototype CAT développé à Paris Nanterre par
François Delbot et Valentin Bouquet avec l’appui de Souheib Baarir, Lom
Hillah et Sang Dao dans la nouvelle équipe de test et qualité du logiciel
dirigée par Pascal Poizat[14].

9.2.3. Outils disponibles


Là encore les outils sont nombreux mais nous en citons deux qui ont fait leurs
preuves aussi bien dans le contexte académique que dans le test et la
vérification d’applications industrielles.

PathCrawler
PathCrawler[15] est un outil ancien et robuste faisant maintenant partie de la
plateforme Frama-C et permet de générer des jeux de tests pour des
programmes écrits en langage C. Développé et maintenu conjointement par le
CEA List et l’INRIA Saclay, cet outil est disponible sous licence GPL ou
sous licence commerciale[16] ; une utilisation en ligne est également
disponible permettant de mesurer l’intérêt (ou pas) d’utiliser ce logiciel dans
un cas donné.

JavaPathFinder (JPF-SE)
JavaPathFinder est un outil développé par la NASA depuis de nombreuses
années dans le but de vérifier des programmes Java à l’aide de différentes
stratégies de vérification de modèles (Model Checking). Il a été étendu en
2007[17] par l’ajout d’un module d’exécution symbolique permettant ainsi de
générer des jeux de tests sur des programmes Java, incluant les programmes
multitâches. Cet outil est disponible gratuitement et peut être obtenu à partir
du site babelfish de la NASA[18] et peut être intégré dans les environnements
de développement Eclipse[19] ou NetBeans[20].

9.2.4. Avantages / Inconvénients


Les avantages à utiliser une génération automatique de jeux de tests à partir
de code sont nombreux : automatisation quasi complète, réduction des coûts
liés au test, amélioration des couvertures, détection rapide d’erreurs subtiles
dans la réalisation et peu de changements à introduire dans les procédures de
développement. Néanmoins, cela ne peut être la seule stratégie utilisée pour
tester un composant ou un sous-système puisque l’on se focalise sur ce qui
est fait et non sur ce qu’il aurait fallu faire.

9.3. Conclusion
La génération de jeux de test par des procédures automatiques est une volonté
ancienne des équipes projets. Longtemps inaccessible du fait de théories trop
complexes et difficiles à mettre en œuvre avec des moyens techniques
limités, cette approche est maintenant rendue possible par d’un côté l’accès à
des puissances de calculs et de mémoire pour un faible coût et par une grande
maturité des approches, en particulier l’approche basée sur les modèles
(approche MBT) qui apporte une véritable amélioration de la qualité des
logiciels produits moyennant une appropriation pas toujours évidente de
l’aspect modélisation.
Notes
[1] Abrial, J., Hoare, A., & Chapron, P. (1996). The B-Book: Assigning
Programs to Meanings. Cambridge: Cambridge University Press.
doi:10.1017/CBO9780511624162
[2] Saswat Anand, Edmund K. Burke, Tsong Yueh Chen, John Clark, Myra
B. Cohen, Wolfgang Grieskamp, Mark Harman, Mary Jean Harrold, and Phil
Mcminn. 2013. An orchestrated survey of methodologies for automated
software test case generation. J. Syst. Softw. 86, 8 (August 2013), 1978-2001.
DOI=http://dx.doi.org/10.1016/j.jss.2013.02.061
[3] P. Dauchy, M.-C. Gaudel, and B. Marre. 1993. Using algebraic
specifications in software testing: a case study on the software of an
automatic subway. J. Syst. Softw. 21, 3 (June 1993), 229-244.
DOI=http://dx.doi.org/10.1016/0164-1212(93)90025-S
[4] T. S. Chow. 1978. Testing Software Design Modeled by Finite-State
Machines. IEEE Trans. Softw. Eng. 4, 3 (May 1978), 178-187.
DOI=http://dx.doi.org/10.1109/TSE.1978.231496
[5] Chen, Z., Xu, B., Yang, R., & Zhang, Z. (2015). EFSM-Based Test Case
Generation: Sequence, Data, and Oracle. International Journal of Software
Engineering and Knowledge Engineering, 25, 633-668
[6] Jan Tretmans. 2008. Model based testing with labelled transition
systems. In Formal methods and testing, Robert M. Hierons, Jonathan P.
Bowen, and Mark Harman (Eds.). Lecture Notes In Computer Science, Vol.
4949. Springer-Verlag, Berlin, Heidelberg 1-38.
[7] http://cadp.inria.fr/, TGV
[8] http://www.smartesting.com/fr/certifyit/
[9] http://www.smartesting.com/
[10] https://www.conformiq.com/
[11] http://www.verifysoft.com
[12] https://msdn.microsoft.com
[13] Jabier Martinez, Tewfik Ziadi, Tegawendé F. Bissyandé, Jacques Klein,
and Yves Le Traon. 2015. Bottom-up adoption of software product lines: a
generic and extensible approach. In Proceedings of the 19th International
Conference on Software Product Line (SPLC '15). ACM, New York, NY,
USA, 101-110. DOI=http://dx.doi.org/10.1145/2791060.2791086
[14] http://dep-mathsinfo.parisnanterre.fr/
[15] http://frama-c.com/pathcrawler.html
[16] http://frama-c.com/download.html/
[17] Saswat Anand, Corina S. Păsăreanu, and Willem Visser. 2007. JPF-SE:
a symbolic execution extension to Java PathFinder. In Proceedings of the
13th international conference on Tools and algorithms for the construction
and analysis of systems (TACAS'07), Orna Grumberg and Michael Huth
(Eds.). Springer-Verlag, Berlin, Heidelberg, 134-138.
[18] https://babelfish.arc.nasa.gov/trac/jpf/wiki/install/start
[19] http://www.eclipse.org/
[20] https://netbeans.org/
Chapitre 10

Tester des systèmes interactifs

Les systèmes embarqués et les services Web sont utilisés dans des contextes
différents mais présentent, du point de vue des tests, des caractéristiques
communes : ils interagissent avec de nombreux systèmes extérieurs (variés et
ayant une grande variabilité), ils sont généralement composés de sous-
systèmes qui collaborent pour fournir les services pour lesquels ils ont été
conçus, les caractéristiques testées dépassent généralement le cadre
fonctionnel et incluent les problèmes de charge, de fiabilité et de sûreté. Plus
généralement, on peut aussi constater que c’est au niveau des interactions que
les défauts vont fréquemment apparaître et que les problèmes de temps de
réponse sont cruciaux dans ces deux univers.
Nous détaillons maintenant quelques aspects saillants des stratégies de test à
mettre en œuvre dans ces deux domaines.

10.1. Test des systèmes embarqués


Les systèmes embarqués sont de plus en plus présents dans le monde actuel.
Ils ont des missions variées (et souvent critiques), ils doivent être
relativement autonomes et ont des exigences fortes en termes de temps de
réponse (on les classifie dans la catégorie des systèmes « temps-réel » c’est-à-
dire qu’ils doivent travailler avec de véritables horloges et non des horloges
logiques). Ils sont réactifs (ils réagissent à des stimuli extérieurs), ils sont
globalement asynchrones (les horloges des différents éléments ne sont pas
forcément les mêmes) mais localement synchrones.
Cette hypothèse synchrone, qui stipule que les temps de calcul peuvent être
considérés comme nuls et donc que les valeurs d’entrées des composants ne
changent pas durant les calculs, est une hypothèse forte mais qui simplifie
grandement le test ou la validation des parties synchrones et a donné de belles
réussites, en particulier en France avec le développement du langage Esterel
par Gérard Berry et du langage Lustre par Nicolas Halbwachs, Paul Caspi et
al., ainsi que le logiciel SCADE proposé par la société Esterel Technologie[1]
(voir le cours du collège de France donné par Gérard Berry en 2013 et 2014[2]
pour une synthèse éclairée de ces travaux et de la nécessaire collaboration
entre le monde académique et le monde industriel sur des sujets complexes
pour obtenir des résultats effectifs).
Néanmoins si l’hypothèse synchrone est efficace elle est reste complexe à
mettre en œuvre et le test des systèmes embarqués va faire appel aux
techniques classiques de test des logiciels vues dans cet ouvrage avec toute
fois une attention particulière sur certains aspects : simulation nécessaire et
plus complexe de l’environnement lors du test des composants, prise en
compte de la différence entre l’environnement de développement et celui de
l’exécution du logiciel (système cible), prise en compte des ressources
souvent limitées (cadence processeur et capacité mémoire) sur le système
cible.
Nous revisitons l’approche classique du test d’un système avec un focus
particulier sur les spécificités de systèmes embarqués.

10.1.1. Isolation et test des composants ou des sous-


systèmes
La première étape consiste à isoler les unités composant le système et de
définir pour chacune de ces unités les points d’observations du comportement
ainsi que les paramètres d’entrée auxquels va réagir l’unité testée. Ceci va
permettre de procéder aux tests unitaires mais aussi de préparer les tests
d’intégration en désignant clairement les interfaces des composants et le
format des données échangées sur celles-ci. Les spécificités du monde
embarqué vont intervenir principalement sur l’utilisation de bancs de tests
mêlant matériels et logiciels avec des parties réelles et des parties simulées ;
on parle alors de simulation HIL (Hardware In the Loop) approche qui
permet de tester efficacement sous différents aspects un composant de
contrôle déjà réalisé ou d’approche MIL (Model In the Loop) si le composant
est encore en phase de spécification et que l’on veut tester son potentiel
comportement avant la phase de réalisation ; dans ce cas le composant est
souvent décrit à l’aide d’un langage dédié comme Matlab ou Simulink
développés par la société The MathWorks[3].
Chaque unité devra être testée en isolation la plus complète possible afin de
ne pas confondre un défaut du composant avec un défaut d’un autre
composant avec lequel le composant sous test interagit.
À ce niveau il est aussi important de préparer les mécanismes à mettre en
œuvre pour sauvegarder les différents résultats de tests afin de pouvoir faire
une post-analyse des résultats de tests (une analyse en ligne est en effet
souvent difficile pour ces systèmes du fait de leurs caractéristiques temps-
réel). La difficulté proviendra dans la capacité à sauvegarder le plus
d’éléments possibles sans introduire de modifications de comportement de
l’unité qui pourraient être induites par des écritures de logs trop coûteuses et
qui perturberaient les temporalités des actions de l’unité sous test.
La mesure de couverture sera fondamentale dans ce contexte et la mesure la
plus usitée sera sans doute la couverture MC / DC car elle offre un bon
compromis entre efficacité et exhaustivité mais, dans les cas moins critiques,
on peut se contenter de couvertures plus faibles comme la couverture « toutes
les instructions » ou la couverture « toutes les décisions ».

10.1.2. Test des interactions


Une fois les composants ou sous-systèmes testés en isolation, on va pouvoir
utiliser les points d’observation sur les interfaces pour tester les échanges sur
ces interfaces entre les unités afin de s’assurer que les protocoles d’échange
d’informations sont bien respectés. Dans cette étape, des bouchons logiciels
ou matériels (réels ou simulés) seront souvent utilisés car ils permettent de
tester efficacement les interactions. La réussite de cette phase sera d’autant
grande que les unités ont été ben isolées et bien testées en isolation et donc
que l’architecture du système a été conçue autant que possible dans cette
optique.
Là encore, il sera nécessaire de sauvegarder les données échangées sur les
points d’interaction pour permettre une analyse post-exécution. L’utilisation
d’architecture basée sur des bus physique ou logiciel simplifiera grandement
la démarche puisque les sondes seront assez aisées à mettre en œuvre et
qu’elles ne viendront pas perturber le fonctionnement au niveau des
interactions entre les composants sous test.

10.1.3. Test système et de validation


Les sous-systèmes assemblés, il convient de tester le système complet afin de
valider son comportement.
Par rapport à un système logiciel classique, les tests système et de validation
vont mettre l’accent sur des aspects de robustesse selon la norme IEEE
61012-1990[4] : tests de charge et de résistance aux pannes, comportement
face à des valeurs d’entrée incorrectes ou non attendues. Une étude récente[5]
montre que les tests de robustesse de systèmes embarqués sont globalement
bien acceptés dans de nombreuses entreprises mais pratiqués de façons
différentes et ad hoc.
Comme pour les tests unitaires des systèmes embarqués, l’utilisation de
simulateurs et l’instrumentation de code vont permettre de mettre le système
dans des conditions de fonctionnement proches de son fonctionnement réel et
permettront de détecter des défauts qui seraient restés non détectés lors des
phases précédentes mais qu’il faudrait résoudre avec un coût bien plus
important lors de la mise en production.

10.1.4. Normes et standards


Ces systèmes étant sensibles car pouvant potentiellement mettre en danger
des personnes ou impacter fortement la société (par exemple, dans les
secteurs de l’économie, des transports ou du médical), de nombreux
standards existent à travers le monde. Le standard « racine » est le standard
EC-61508 qui définit des processus et des recommandations pour réduire les
risques provenant de défauts logiciels ou de pannes de matériels.
Quatre niveaux de risques sont définis (Safety Integrity Level – SIL)
correspondant à un niveau de fiabilité attendu par le système, ou de l’unité
concernée, déterminé par l'analyse de sécurité ; SIL1 est le niveau le plus
faible et SIL4 le niveau le plus contraignant. La mesure est donnée en
probabilité de voir apparaître une défaillance dans l’exécution d’une
fonctionnalité ou de probabilité de panne par heure. Les niveaux d’exigences
peuvent aussi être donnés en termes de couverture de code par les tests et
plus généralement sur les processus de développement utilisés pour les
logiciels embarqués.
Dans certains référentiels, ces niveaux sont codés de A à D, A étant le niveau
le moins exigeant et D le niveau correspondant aux risques catastrophiques.
La norme ISO 26262:2011 (bientôt remplacée par la norme ISO/DIS 26262-
1) se focalise sur les aspects de sûreté dans les véhicules. La norme DO-
178B/C que nous avons déjà mentionnée est utilisée dans le contexte
avionique tandis que les standards européens EN 50128 ou EN 61375-3-2
décrivent les exigences en termes de développement et de tests pour assurer
la certification de systèmes logiciels et électroniques devant être utilisés dans
le cadre ferroviaire ; enfin le standard IEC/EN 62304 décrit les exigences en
termes de cycle de vie de développement des logiciels utilisés dans les
environnements médicaux.

10.2. Test des services Web


Un service Web peut être défini comme un logiciel (ou ensemble de logiciels)
permettant l’interaction de logiciels ou machines hétérogènes à travers un
réseau en fournissant un service, par exemple une opération arithmétique sur
des nombres ou la réservation d’une chambre d’hôtel ou encore la réservation
d’un voyage complet : transport, logement, visites sur place, etc. Le protocole
d’échange entre le service Web et ses clients est la plupart du temps le
protocole http ou https mais il est aussi possible d’utiliser le protocole ftp ou
tout protocole standardisé permettant l’échange de données. On distingue :
les services Web de type SOA (Service Oriented Architecture) qui
définissent à la fois une interface d’appel (un URI[6] – Uniform
Ressource Identifier, – les URL étant des URI – ) ainsi qu’une
description du service fourni par le service (avec le langage WSDL –
Web Service Description Language) combiné avec la description des
messages échangés à l’aide du standard SOAP (Simple Object Access
Protocol) et du format de représentation des données XML.
les services Web de type REST (Representational State Transfer) qui
s’appuient sur une architecture Web de type client serveur sans état et
qui, à la différence des services de types SOAP, découplent
complètement le client du serveur ; le client doit en effet mémoriser les
données utiles au traitement de ses requêtes et les présenter au serveur
dans ses demandes. Ceci peut induire un plus grand besoin de bande
passante mais permet la mise en place de caches efficaces au niveau du
serveur) et cela permet de remplacer plus facilement un service (ou un
serveur) par un autre ; lorsque cette façon de découpler le client et le
serveur est totalement respectée, on parle alors d’applications RESTful.

Comme pour les systèmes embarqués, les services Web sont donc des
applications relativement autonomes qui interagissent avec un monde qui
évolue en permanence. Elles vont donc pouvoir être testées par des approches
similaires, à la fois sur les aspects fonctionnels mais aussi sur les aspects
performance et robustesse.
La spécificité est ici que les services Web sont testés principalement sous la
forme de tests d’intégration sans faire appel à des notions de couverture de
code qui s’applique mal dans ce contexte.
Pour ce faire on décrira des scénarios que l’on exécutera de façon
automatique avec des outils comme :

Apache JMeter[7] qui permet de tester le service Web sous un aspect


fonctionnel en simulant différents utilisateurs, des tests de charge et de
robustesse ;
SoapUI[8] distribué sous forme de logiciel libre ou payante par la société
SmartBear[9] qui permet également de tester les différentes facettes d’un
service Web, qu’il utilise une architecture SOAP ou une architecture
REST ;
TestingWhiz[10] qui permet de tester les aspects fonctionnels, de
robustesse mais également de réaliser des tests d’intrusion ou de déni de
services ;
et bien d’autres outils qui élargissent leurs champs d’application au test
des interfaces de programmation (API) à l’aide de techniques similaires.

10.3. Conclusion
Nous avons vu dans ce court chapitre que le test des systèmes embarqués et
des services Web ont de nombreux points communs en particulier dans
l’approche méthodologique des tests : prendre grand soin de
l’environnement, se focaliser sur les interactions, les notions de sûreté et de
robustesse face à la charge et aux fautes. Les différences existent néanmoins
puisque les aspects de contraintes techniques pèsent peu sur les services Web
alors qu’elles sont prégnantes sur les systèmes embarqués.
On constate actuellement également une grande convergence de ces deux
mondes, en particulier dans le domaine de l’automobile où les systèmes
embarqués vont de plus en plus communiquer avec des services Web, à la
fois sur des questions de confort ou de guidage mais aussi sur des questions
de sécurité dans les sous-systèmes d’aide à la conduite ou de gestion
d’urgences.
Cette convergence va sans doute impliquer des changements dans la façon de
concevoir les systèmes embarqués et donc dans la façon de les tester avec la
mise en place de stratégies globales et d’outils avec une couverture
fonctionnelle plus large.
Notes
[1] http://www.esterel-technologies.com/
[2] http://www.college-de-france.fr/site/gerard-berry/course-2013-2014.htm
[3] https://fr.mathworks.com/
[4] “IEEE Standard Glossary of Software Engineering Terminology,” IEEE
Std 61012-1990, pp. 1–84, Dec. 1990
[5] S. M. A. Shah, D. Sundmark, B. Lindström, and S. F. Andler,
‘Robustness Testing of Embedded Software Systems : An Industrial
Interview Study’, IEEE Access, vol. 4, pp. 1859–1871, 2016
[6] https://www.ietf.org/rfc/rfc2396.txt
[7] Apache JMeter, http://jmeter.apache.org/
[8] https://www.soapui.org/
[9] https://smartbear.com/
[10] http://www.testing-whiz.com/web-services-testing
Chapitre 11

Les tests, une nouvelle mesure de


complexité

11.1. Introduction
Dans ce chapitre un peu prospectif nous voulons élever le débat et regarder
les tests comme une activité fondamentale de l’ingénierie des systèmes qui va
structurer le futur de nos sociétés hyper connectées, alors que les prévisions
font état de 50 milliards d’objets interconnectés via Internet vers 2030. Dans
les projets informatiques, la tendance vers de plus en plus d’intégration est
irréversible. Les projets dits d’intégration sont de plus en plus nombreux, et
dans ces projets l’activité IVVT est prépondérante. Le travail consiste alors à
élaborer des scénarios de tests, avec les données qui conviennent,
éventuellement obtenues par simulation. Dans ces projets, on comprend tout
de suite que la complexité ne réside évidemment pas dans les lignes de code
constitutives des modules que l’on intègre mais dans les interactions entre ces
modules compte tenu des nouveaux usages. Ce sont ces interactions qu’il faut
valider, et c’est pour cela que les scénarios de tests et l’effort consacré à leur
mise en œuvre sont un indicateur de complexité pertinent du point de vue du
chef de projet. D’où la définition que nous proposons :

Définition : Un système SA est plus complexe qu’un système SB si le coût IVVT de


SA est supérieur au coût IVVT de SB.

Notons que cette définition prend en compte les coûts d’ingénierie des
modules constitutifs du système qui entrent dans le processus d’intégration
décrit précédemment, lesquels peuvent être appréhendés via un modèle
d’estimation type COCOMO ou Points de fonctions. L’accent est mis ici sur
les interactions que les protocoles d’interfaces autorisent.
Intégrer l’information dans l’entreprise numérique, c’est mettre en cohérence
trois ensembles de trajectoires évolutives, bien distinctes mais étroitement
corrélées :

Les processus métiers et/ou industriels qui créent la valeur de


l’entreprise, compte tenu des missions que l’entreprise s’est assignées et
des nouveaux usages rendus possibles par l’innovation technologique.
De fait, une co-évolution des métiers, de la technologie et de
l’ingénierie.
Les programmes, c'est-à-dire le support informatisé, numérisé, des
règles et des comportements de tout ou partie de ces processus qui
représentent aujourd’hui des dizaines de millions de lignes de code et
des milliards d’enregistrements dans les bases de données.
La technologie numérique, c'est-à-dire les plates-formes et
infrastructures TIC, aujourd’hui extraordinairement diversifiées,
ubiquitaires, mobiles, microscopiques mais puissantes ... tant au niveau
des capacités de traitement que du stockage de l’information.

Chacune de ces trajectoires a sa dynamique évolutive et sa complexité propre.


Chacune a ses modalités organisationnelles mais toutes ont en commun la
contrainte de se transformer et de s’adapter en permanence. Le PROJET est
le moteur de cette co-évolution vitale pour l’entreprise.
Ce qui fait la complexité du numérique est la nécessaire cohérence de ces
trois trajectoires prises individuellement, mais surtout de rendre leurs
combinaisons deux à deux, et trois à trois également cohérentes, ce qui est
beaucoup plus difficile compte tenu de la taille des patrimoines applicatifs
des entreprises. C’est la recherche de l’équilibre et du bon compromis entre
ces trois trajectoires, de l’organisation du patrimoine applicatif, qui donnera
un avantage compétitif à l’entreprise qui saura comment organiser toutes ces
interactions. La clé de la découverte de ce nouvel équilibre est l’architecture
système, de tous les systèmes, industriels et/ou tertiaires.
Les architectes des systèmes numériques sont confrontés à deux grands types
de complexité :
1. Une complexité statique appréhendée de longue date par les mécanismes
de hiérarchisation qui sont au cœur de la technologie informatique
depuis son origine. Hiérarchiser, classer, rechercher, créer/effacer,
restructurer, ... sont les opérations au centre des technologies de
management de l’information.
2. Une complexité dynamique liée aux évolutions des environnements
organisationnels et humains qui demandent toujours plus d’interactivité,
aux évolutions du système lui-même qui se précise et s’adapte durant la
réalisation, et aux évolutions de la technologie qui aujourd’hui
permettent un asynchronisme massif des traitements, complexité qui se
matérialise par des flux de transactions qui se chiffrent désormais en
dizaines de milliers par seconde. Les Big Data et le Cloud Computing
sont l’image marketing de cette évolution irréversible qui exige fiabilité
et performance, sûreté de fonctionnement, au niveau global système.

C’est l’organisation de cette complexité dynamique, pour des systèmes


toujours plus sûrs, qui est aujourd’hui l’enjeu fondamental, le clivage décisif
entre les entreprises qui développeront la capacité à passer l’obstacle de cette
complexité en se formant sérieusement, et celles qui trébucheront. Le mot
d’ordre proclamé par tous les acteurs du changement est agilité, mais la
difficulté de l’agilité est dans le comment la mettre en œuvre concrètement.
Rendre les trajectoires cohérentes et sûres, améliorer le contrat de service,
c’est réaliser des couplages négociés entre tous les acteurs de ces trajectoires
par les interfaces contractualisées. Les interfaces sont les éléments stables du
système qui permettent l’échange et la transformation de l’information au
niveau de finesse requis par l’interactivité. Nous avons donc une suite
d’interactions causales :

Plus d’interactivité, plus d’agilité = Découpage plus fin des fonctions = Plus
d’éléments en interactions = intégration plus difficile, donc plus coûteuse.

Le but de ce chapitre est de montrer en quoi le processus d’intégration IVVT


qui est le socle fondamental sur lequel l’entreprise numérique et les usagers
du cyberespace pourront développer à la bonne vitesse les potentialités que
l’innovation technologique met à portée de leurs mains, nous donne un
indicateur de complexité qui traduit mieux la perception que s’en fait le chef
de projet, ce qui rend son action plus efficace.

L’architecture de l’information est la condition nécessaire de l’agilité et de


l’intégration réussie.

11.2. Terminologie
Nous utilisons le terme « numérique » pour caractériser l’état présent et futur
des systèmes informatisés qui gouvernent le fonctionnement de la société et
de ses grands équipements (énergie, télécommunications, transport, défense
et sécurité...), tant au niveau des entreprises et des administrations, que des
particuliers, où l’ordinateur est devenu un artefact quasi microscopique, « qui
ne se voit plus », mais omniprésent, dont on ne peut plus se passer. Le
meilleur indice de cette « numérisation » massive est la quantité de logiciel
que chacun de nous utilise quotidiennement comme par exemple utiliser son
smartphone, rechercher un itinéraire avec Google Maps ou son GPS, ou
simplement allumer la lumière, ou encore donner un bon coup de frein qui
active le dispositif ABS de sa voiture. Rappelons tout de même que le terme
« informatique » forgé par la fusion de information et automatique dans les
années 60, garde tout son sens, car il s’agit bien d’automatiser le traitement
de l’information. Sans ces automatismes, il n’y aurait ni Cloud Computing, ni
Autonomic Computing, ni Big Data, ni téléphone mobile, … car les flux
associés dépassent désormais de très loin les capacités humaines.
Au sortir du dernier conflit mondial, cet indice logiciel était strictement égal à
zéro ! Aujourd’hui, derrière nos gestes les plus élémentaires se cachent des
dizaines de millions de lignes de programmes, fruit du travail et de
l’intelligence de millions de programmeurs, logiciels qu’il faut concevoir,
développer, valider, entretenir, et retirer proprement du service lorsqu’ils
deviennent obsolètes, car on ne les trouve pas à l’état naturel comme les
matières premières. Les ordinateurs et les équipements informatisés nomades
qui permettent l’interaction en temps réel de millions d’usagers vont mettre
en exécution ces logiciels pour rendre à l’usager le service attendu, avec le
niveau de qualité requis par ces usagers qui ignorent tout de la complexité
sous-jacente. La puissance de traitement et de stockage de l’information est
fournie par des infrastructures regroupant des centaines de milliers de
serveurs qui rendent accessibles à tous le Software as a Service, [SaaS], un
peu comme l’électricité ou le téléphone, par un simple branchement à cette
nouvelle source d’énergie. Simplicité des usages, complexité des
infrastructures et des plates-formes, complexité de la programmation des
équipements et des interfaces, tel est le dilemme de l’intégration pour
l’entreprise numérique.
Dans le corps du texte nous serons amenés à parler de taille de programmes,
exprimée depuis les années 70-80 en nombre d’instructions source réellement
écrites par les programmeurs en COBOL, C, C++, Java, Python, ... [longue
liste], à l’exclusion de celles fabriquées par des outils, conformément aux
règles de comptage standardisées en vigueur[1] ; Ainsi 1.000 lignes de scripts
peuvent activer un progiciel de grande taille, mais seules les 1.000 lignes ont
été écrites. Pour rendre concrète cette notion de ligne source [LS, ou KLS
pour 1.000 LS] il est commode de les représenter au format imprimeur, c’est-
à-dire en nombre de pages (en moyenne, dans l’édition courante, 50 lignes de
texte par page), soit :
Le coût pour 1.000 lignes de code, c'est-à-dire 1 KLS dans le modèle
COCOMO correspondrait à 2 ou 3 hommes_mois de développement.
Une erreur dans un tel texte, c’est une erreur sur 1.000 LS, ce qui est
déjà considéré comme une bonne performance : c’est une unité de
compréhension qui respecte les règles ergonomiques humaines, en
particulier la capacité de mémorisation du programmeur, indispensable à
la qualité de son travail.
Pour 10.000 LS, c’est un livre moyen de 200 pages.
Pour 100.000 LS, c’est 2.000 pages, soit cinq « gros » livres de 400
pages, une taille d’ouvrage considérée comme une limite ergonomique,
à la fois pour l’auteur et pour le lecteur ; difficile à mémoriser, y
compris pour l’auteur qui doit avoir « en tête » tout le contexte. C’est
typiquement le fruit du travail d’une équipe projet agile.

Il est bon d’avoir ces chiffres à l’esprit pour comprendre la nature du travail
des programmeurs qui par certains cotés est analogue à un travail d’écrivain
et de traducteur, voire de mathématicien, mais surtout celui d’un créateur et
architecte de modèles.

11.3. Le puzzle de l’intégration


11.3.1. Le vrai sens de l’intégration
La plupart des entreprises disposent de cartographies applicatives qui
décrivent en grandes masses le contenu de leur patrimoine logiciel. Quelques-
unes d’entre elles disposent également de chiffrages de ce patrimoine, soit en
termes de Lignes de code Source [LS], soit en termes de Points de Fonctions
[PF, une mesure fonctionnelle associée aux données], unités utilisées pour
estimer les projets informatiques depuis les années 1980 (voir les réf.
bibliographiques [2] et [4]). Dans ce chapitre nous utiliserons de préférence
les lignes de code source, unité de comptage plus concrète, et mieux
comprise par quiconque a touché à un ordinateur et vu un bout de programme
ou un texte HTML/XML dans ses messages Internet.
Ces cartographies sont basées, soit sur l’architecture fonctionnelle des
systèmes informatisés, soit sur les processus métiers et/ou les équipements
qui les hébergent, soit un mélange des deux. Elles sont représentées à l’aide
de diagrammes que l’on trouve dans les outillages qui supportent les
méthodologies d’ingénierie, comme les langages UML, SysML, BPML, ...
pour les plus courants. Le résultat de ce qu’on appelle communément
urbanisation ou architecture d’entreprise est une cartographie du système
qui a été organisé et structuré en module [ou intégrat/ITG].
Il est important pour l’entreprise de connaître la taille du patrimoine logiciel
qui lui permet de fonctionner et de se développer, exprimé en lignes de code
source [LS]. Et plus encore de bien connaître celles et ceux qui entretiennent
ce stock dont la valeur n’est pas vraiment comptabilisée : les programmeurs
et les architectes. Aux Etats-Unis, programmeur est un métier noble,
correctement valorisé.
Cependant, peu d’entreprises ont une idée précise de la taille et de la valeur
de leur patrimoine applicatif.
Pour une grande banque, dont l’informatisation démarre en même temps
que l’informatique, disons dès les années 60, le patrimoine
programmatique peut monter jusqu’à 300 millions de lignes sources,
majoritairement encore en COBOL.
Pour des ministères régaliens comme le MinEFi ou le MinDef,
informatisés de longue date, on est a minima dans les 150/200 millions
de lignes source.
Pour des entreprises de création récentes comme celles qui gèrent par
exemple les diverses réservations de billets d’avions, de trains, d’hôtels,
etc. dont on a besoin dans la vie courante, ou bien les clients des
opérateurs de téléphonie mobile, ou encore le transport de l’énergie, …
nous sommes dans les 100/150 millions de LS.

Il est commode, pour bien appréhender ce qu’une telle quantité d’information


signifie à l’échelle humaine, de se la représenter aux normes de l’édition qui
nous sont familières depuis quelques siècles : le livre. Un livre de 400 pages,
à raison de 50 lignes par page, c’est l’équivalent d’un programme de 20.000
lignes sources.

Un patrimoine de 100 millions de lignes source c’est l’équivalent d’une bibliothèque


de 5.000 volumes.

Mais pour être complet, il faut ajouter à cette bibliothèque, le mode d’emploi,
c’est-à-dire. les référentiels système, les aides en lignes [souvent intégrées au
texte même du programme], et surtout les scénarios de tests qui permettent de
déclarer la bibliothèque « bonne pour le service » aux usagers. Ce qui
reviendrait à doubler sa taille !

Un patrimoine de 100 millions de lignes source, c’est un coût de développement


incompressible d’environ 25.000 homme_année, mais beaucoup plus en coût réel si on
introduit les facteurs de réussite bien connus (moins de 30% des projets), soit trois fois
plus.
Pour information les analyses statistiques faites sur des milliers d’entreprises
donnent comme productivité moyenne des programmeurs le chiffre de 4.000
lignes, à 10%, de programmes réellement écrites (et non fabriquées par des
outils) par programmeur et par année calendaire « normale », c’est-à-dire 220
jours ouvrés de 8 heures . Trois à cinq fois plus pour des programmeurs
chargés de la maintenance selon le taux moyen de modifications à effectuer.
Les programmes sont la composante « intelligente » qui permettent de
manipuler les données de l’entreprise grâce aux opérations basiques : CREER
une donnée, RECHERCHER/LIRE une donnée,
TRANSFORMER/MODIFIER une donnée pour la mettre à jour, ou encore
EFFACER une donnée qui n’a plus d’intérêt [résumé par l’acronyme CRUD :
CREATE, RETREIVE, UPDATE, DELETE]. Les programmes permettent
également l’échange d’information via les messages et événements
EMIS/REÇUS, par d’autres programmes et/ou l’opérateur du système
[opérations SEND / RECEIVE]. Les données de l’entreprise, encore plus que
les programmes, sont la vraie richesse de l’entreprise. Une immobilisation au
sens comptable du terme, plus précieuse qu’un stock.
On peut également se représenter les fichiers et les bases de données avec les
normes de l’édition. On parlera alors de lignes de données [LD]. Un grand
fichier comme celui des contribuables, des clients d’EDF, des assurés
sociaux, c’est au bas mot 25/30 millions de références clients. Si l’on compte
une page d’information par référence, soit environ 2.500/3.000 caractères, on
atteint facilement les 100 milliards de caractères. Si on édite ces fichiers sous
forme de tableaux de type Excel avec un taux de remplissage de 50% par
ligne compte tenu des blancs et des règles visuelles d’alignement, nous
arrivons [en prenant 50 caractères par ligne] à 2 milliards de lignes de
données soit 40 millions de pages, ou encore une bibliothèque de 100.000
livres.

Un grand fichier de 25 millions de références, c’est l’équivalent d’une bibliothèque de


100.000 volumes.

Des fichiers de ce type, il y en a quelques centaines dans un pays comme le


nôtre. Une grande administration comme la CNAM-TS gère plus de 1
milliard de bordereaux de remboursements par an, pris en charge par la
sécurité sociale et/ou les mutuelles pour ceux des français qui en bénéficient.
A supposer qu’il n’y ait que 250 caractères par bordereau, soit 10 fois moins
que précédemment, on aboutirait cette fois à une bibliothèque de 400.000
volumes, en une seule année ! Pour les fiches FADET de facturation du
téléphone, c’est 10 à 100 fois plus. A ce stade, nous entrons dans le domaine
des Big Data où les manipulations « à la main » ne sont plus possibles,
l’usage des outils devenant indispensable.
Si on s’intéresse à la qualité de ces données et aux erreurs éventuelles
qu’elles contiennent suite à des manipulations erronées, on est alors pris de
vertige, et il faut bien s’accrocher à la rampe … nous ne ferons pas le calcul
ici. Mais c’est une raison supplémentaire pour connaître ce patrimoine en
détail et être rigoureux sur les tests comme il est fortement recommandé dans
cet ouvrage.
Pour revenir à la cartographie, on peut donc séparer la partie programmes,
c'est-à-dire les procédures codées dans tel ou tel langage, et la partie
données, c'est-à-dire l’information transformée et exploitée par les
programmes (cf. figure 11.1). Du point de vue du comptage, l’entreprise
numérique doit comptabiliser séparément la partie procédurale du
patrimoine, les programmes proprement dits déduits des règles de
transformation et des contraintes à respecter, et la partie données, c'est-à-dire
les fichiers et bases de données, conformément à la logique de comptage des
modèles d’estimation aujourd’hui largement utilisés en management de projet
(voir réf. [4]).
Fig. 11.1 Données et Programmes

C’est une première cartographie, certes pas très utile, mais qui cependant
montre bien la nature des liens que cette cartographie va entretenir avec son
environnement. Là où les choses deviennent vraiment intéressantes est
lorsqu’il va s’agir de structurer cette « masse » par rapport aux organisations
qui l’utilisent et qui la gèrent (cf. figure 11.2).
Fig. 11.2 Interaction des organisations – Ecosystème

Selon que l’on prend le point de vue de l’engineering, du marketing (c’est-à-


dire des usagers), ou des technologies utilisées, on obtient des cartographies
très différentes. Pour ce qui concerne l’intégration, c’est la relation
engineering/patrimoine logiciel qu’il faut privilégier, mais en n’oubliant
jamais qu’elle est au service des usagers. C’est l’engineering qui intègre les
solutions, mais ce sont les clients usagers qui découvrent les erreurs
résiduelles qui ont échappé à la vigilance de l’engineering.
Du point de vue de l’engineering, le patrimoine logiciel se présente comme
un gigantesque puzzle (cf. figure 11.3), dont les « pièces » élémentaires sont
les blocs de code source et des blocs de données associés à ces blocs de
code ; d’où la terminologie souvent utilisée en intégration : building block.
Fig. 11.3 Le puzzle de l’intégration

A ce stade on peut comprendre que tout le problème de l’intégration, et donc


de l’architecture, sera de contrôler le nombre et la nature des relations que les
pièces entretiennent entre elles. Mais avant, il nous faut regarder du côté de
ceux qui sont en charge de l’ingénierie de ces pièces.

11.3.2. Unité de sens/compréhension – Performance


des programmeurs
Une ligne de code source, c’est-à-dire une instruction, n’a généralement
aucun sens pour le programmeur. Ce qui compte c’est l’agrégation des lignes
de code en blocs sémantiques, l’équivalent de phrases, qui traduisent une
action effectuée dans la réalité des métiers et/ou des équipements gérés par le
programme. Des études d’ergonomie ont montré que ce qu’un programmeur
correctement formé peut raisonnablement manipuler en termes de quantité
d’information dépend de la capacité de mémorisation et d’organisation qu’il a
su développer. On en connaît les limites statistiques :
Notre champ visuel nous permet d’appréhender sans trop de difficulté
deux pages de textes, c’est-à-dire un livre ouvert, soit une centaine de
lignes, avec des conventions typographiques dont nous sommes
familiers depuis l’enfance.
Pour des textes plus longs, il faut une structuration qui prenne en compte
le nombre de concepts qu’un cerveau correctement éduqué/instruit est
capable de mémoriser et de manipuler pour agir de façon pertinente. Ce
nombre, parfois qualifié de « magique », vaut 7±2 ; il est connu de tous
les ergonomes. Appliqué à nos deux pages, avec une table de matière
commentée nous arrivons à une unité de sens programmeur de l’ordre de
20 pages de texte, soit environ 1.000 lignes source/instructions [quel que
soit le langage].

C’est la raison pour laquelle l’unité de compte du modèle d’estimation


COCOMO est précisément 1.000 LS, ce qui représente un effort de
développement approximatif moyen de 2,5 hm, soit 10 semaines calendaires
[c’est évidement une grandeur statistique].

Un bloc de code d’environ 1.000 LS est ce qu’un programmeur correctement formé


est en moyenne capable d’appréhender de façon sûre et durable : c’est une unité de
compréhension programmeur [UCP], un quantum d’information validé qui définit le
« grain » sémantique ultime de son travail de modélisation. Tout dépassement de ce
seuil doit être géré comme un risque.

NB : En programmation objet, avec des langages comme Java, C#, Python, ...
c’est une classe de 8-10 méthodes, chacune comptant en moyenne 100-125
LS, soit deux pages de texte, c’est-à-dire une entité qui a du sens pour le
programmeur.
Quelques données ergonomiques qui structurent l’activité des
programmeurs :
Une lecture attentive de 20 pages de programme, c’est 2-3 heures de
concentration intense, sans distraction ni interruption.
On peut estimer qu’une reprise de ce code par le programmeur qui l’a
conçu et développé, après un an, c’est environ 10% de l’effort initial,
soit cinq jours de travail. Un bon programmeur gardera en mémoire la
structure générale du programme, mais oubliera les détails qu’il
reconstruira cependant sans difficulté.
Le même travail de reprise, par un tiers, sans connaissance préalable,
c’est 20-30%, soit 2 à 3 semaines d’appropriation, si la documentation
est bien faite, pour effectuer des modifications.
Une productivité de 20.000 LS par an est une performance atteinte par
moins de 10% des programmeurs [c’est 5 fois la moyenne statistique de
4.000 LS à ±10%]. Si le programmeur qui annonce de tels taux n’est pas
classé comme excellent, il est probable que plus de la moitié du travail a
été oublié ou omis : programmation peu rigoureuse sans respect des
règles de bonnes pratiques, absence de documentation, tests incomplets,
etc. ... d’où la notion d’âge « moyen » en Compétence/Expérience de
l’organisation de l’engineering [sous-traitants inclus] qui est une
moyenne pondérée, c’est-à-dire un barycentre, de l’expérience de
chacun.

On comprend pourquoi un turnover excessif dans une organisation


d’ingénierie peut vite devenir un handicap insurmontable. Un turnover de 20-
30% rend impossible l’atteinte des niveaux 4-5 sur l’échelle CMMI. Les
méthodes agiles insistent sur la régularité de l’effort, et en particulier l’effort
de test. Les meilleurs programmeurs sont des marathoniens, pas des sprinters.
Dans la Silicon Valley il est courant d’accorder une journée par semaine de
travail libre aux programmeurs pour les fidéliser.

11.3.3. Nombre de pièces à intégrer – Combinatoires


Le nombre de pièces du puzzle dépend de la taille des pièces élémentaires
que sont capables de fabriquer les programmeurs dans une organisation de
l’ingénierie (cf réf. [5]).
À titre d’exemple dans une équipe projet agile, c’est-à-dire 8-10 personnes
maximum, qui fonctionne sur des durées de 12-18 mois, on raisonne en
binômes programmeurs testeurs.
Un binôme va pouvoir gérer/produire, en moyenne, des blocs de code
d’environ 20 KLS, soit une vingtaine de pièces « usinées » en 12-18
mois.
Une équipe de 4-5 binômes va pouvoir gérer/produire, en moyenne, des
blocs applicatifs d’environ 100 KLS, soit une centaine de pièces.

Pour faire le dénombrement du nombre de pièces d’un patrimoine, nous


avons donc trois unités « naturelles » de comptages, faisant sens pour
l’organisation de l’ingénierie :

L’unité de compréhension programmeur UCP qui se réfère au


programmeur individuel qui in fine écrira le texte du programme de la
pièce, et le corrigera en cas de modification.
L’unité de compréhension du binôme programmeur testeur UCB,
environ vingt fois plus grosse que l’UCP. Dans les méthodes agiles il y a
deux rôles importants interchangeables : celui qui programme et celui
qui valide le programme, c’est-à-dire celui qui produit la preuve de bon
fonctionnement : les tests.
L’unité de compréhension équipe projet agile UCE, environ cent fois
plus grosse que l’UCP, à charge de l’équipe de s’organiser, ou de s’auto-
organiser comme le recommandent certains auteurs, selon les
compétences de chacun de ses membres, sous la responsabilité d’un
programmeur senior.

En prenant des patrimoines : PETIT, 1 MLS, MOYEN, 10 MLS, et GROS,


100 MLS, on a un nombre de pièces basiques qui sont les nœuds du graphe
correspondant du système informatisé de l’entreprise ; soit :
Nombre de pièces à intégrer :
Unité de comptage1 MLS10 MLS100 MLS
UCP 1.000 10.000 100.000
UCB 50 500 5.000
UCE 10 100 1.000
Dans certains systèmes temps réel critiques, l’unité de compréhension est
parfois l’instruction du langage de programmation, comme par exemple les
instructions qui permettent la synchronisation des traitements et des
événements, ou le partage des données [en programmation objet, ce sont les
bibliothèque RMI].
Le paramètre le plus important, du point de vue de l’intégration, sont les
relations que les pièces entretiennent les unes avec les autres. Une relation
existe entre la pièce P1 et la pièce P2 si un couplage quelconque existe entre
P1 et P2. Le couplage peut être fonctionnel, par exemple P1 et P2 ont des
données communes, ou organique, P1 et P2 sont hébergées dans un même
serveur, ce qui fait que si P1 bloque ou sature le serveur, P2 sera ipso facto
bloquée également.
L’étude des matrices de couplages, appelées matrice N2, est un aspect
fondamental de l’ingénierie système (cf réf. [3]), car le taux de remplissage
de la matrice va donner une première indication sur la quantité de travail à
effectuer sur le système pour valider l’intégration. Dans le cas le plus
favorable, avec N pièces, on aura à valider N-1 relations de couplage ; les
pièces constituent une simple chaîne, c’est-à-dire la diagonale de la matrice.
Dans le cas le plus défavorable, quand la matrice est saturée, chaque pièce est
couplée à toutes les autres, directement ou indirectement, on aura alors à
valider N(N-1) relations, avec l’hypothèse restrictive que lorsqu’une pièce est
sollicitée plusieurs fois, elle réagit toujours de la même manière. Une pièce
qui, du fait de sa programmation, ne se comporterait pas de la même façon à
chacune des sollicitations, comptera comme autant de pièces différentes
compte tenu des états possibles de la pièce en question, par exemple : état
NOMINAL, tout marche bien, état NON NOMINAL, la pièce ne rend plus le
service et le signale, un état intermédiaire avec MODALITE où une partie du
service a été fait. Dans ce cas, il faut analyser les chemins possibles qui
conduisent à cet état grâce à des traces ad hoc résultant de l’architecture.
Une pièce qui occasionne des « fuites de mémoire » sur le serveur qui
l’héberge va progressivement dégrader son contrat de service, premier
problème, mais surtout occasionner des dysfonctionnements aléatoires dans
les autres pièces qui partagent le même serveur. Un tel comportement est
catastrophique dans le cas du Cloud Computing, où la pièce doit pouvoir être
réallouée dynamiquement en fonction du niveau de saturation de
l’infrastructure.
Dans un univers simple, comme celui des instructions machines, on peut
raisonner Vrai/Faux, mais dès que la taille des pièces devient significative,
dès le niveau individuel UCP avec ses 1.000 lignes/instructions source, la
logique devient modale, en fonction du contexte.
La logique d’intégration, du point de vue de l’architecte, consiste donc à se
poser systématiquement trois questions :
1. Quel est le bon nombre de pièces à considérer, de quelle taille ?
2. Quels sont les couplages que la pièce entretient avec les autres pièces,
c’est-à-dire quelles sont les interfaces externes de la pièce [le contrat
d’interface], y compris l’environnement ? Et ce, pour toutes les pièces.
3. Quel est le degré d’indépendance [isolation, confinement] de la pièce
compte tenu des sollicitations ? Par défaut : être totalement indépendant, mais
c’est une propriété qui doit être vérifiée à la construction [architecture] et
validée, par exemple via les tests de performance et de fatigue, les tests de
charge, etc.

11.3.4. Ebauche d’une typologie des pièces à intégrer


La nature des pièces à intégrer a une grande importance du point de vue de la
combinatoire. Dans la figure 11.1, nous avons distingué la typologie la plus
fondamentale, la typologie données / programmes qui est le fondement du
modèle de Von Neumann, la base de tous nos ordinateurs, ce qui correspond
à la séparation programmes / bases de données dans tous les systèmes
informatisés.
Du point de vue de la combinatoire c’est insuffisant, et il faut aller un cran
plus loin dans la décomposition hiérarchique pour bien en mesurer
l’importance. Les critères de classification indiquent l’importance que
l’architecte attribue aux différentes entités qui constituent la classification.
Dans la figure 11.4, on a fait apparaître les métadonnées et les
métaprogrammes qui constituent une partie du référentiel système. Les
informations correspondantes sont particulièrement importantes car elles
doivent être partagées par tous les acteurs de l’ingénierie et de ceux des
métiers qui sont en interactions avec l’engineering [voir figure 11.2]. On a
également fait apparaître les messages et événements qui sont des interfaces
fondamentales devant être contractualisées. On a aussi fait apparaître la
distinction entre les programmes qui dépendent d’un équipement et/ou d’une
plate-forme d’exécution et ceux qui dépendent des processus métiers car leur
cycle de vie est totalement différent : on ne change pas les équipements tous
les jours, alors qu’un nouveau besoin métier peut exiger une réponse de
l’engineering dans un délai de quelques semaines. Cette dernière distinction
est cruciale pour l’agilité du système.

Fig. 11.4 Typologie

Vous noterez que sur l’arborescence, nous n’avons pas fait apparaître une
typologie actuellement en vogue, celle des « services », pour des raisons de
simplification. Un service, dans la mesure où il est partagé est astreint à des
règles strictes d’évolution/adaptation de même nature que celles des données
partagées entre plusieurs programmes nécessitant un service d’accès.
Dans tous les cas, c’est à l’architecte de définir ce qui est important pour le
cycle de vie du système et de le faire figurer comme tel dans l’arborescence
des entités constitutives du système. Ces entités, avec leurs attributs, sont des
types et doivent être rigoureusement documentées dans le référentiel du
système.

11.3.5. Le problème de l’intégration


Toute adaptation/transformation significative du système va se traduire par la
création de nouvelles pièces, la modification de pièces existantes en général
en restant compatible [Principe de compatibilité ascendante] pour ne pas
occasionner de régression auprès des usagers qui n’en aurait pas le besoin, la
suppression de pièces obsolètes. Cet inventaire définit le périmètre de
l’intégration. [cf figures 11.3 et 11.5]. Les pièces de cette nomenclature
seront appelés modules ou building blocks, parfois traduit en Intégrat.
Les pièces dépendantes d’un équipement ou d’une plate-forme sont la partie
émergée d’un « iceberg » d’interfaces système et/ou progiciel dont il convient
de bien mesurer la hauteur [voir figure 11.6].
C’est l’un des deux problèmes majeurs de l’intégration, le second étant la
validation des propriétés transverses globales : interopérabilité, performance,
disponibilité, sûreté de fonctionnement, facilité d’emploi, etc. pour ne parler
que des plus importantes.

Fig. 11.5 Modifier le puzzle

Cet inventaire ayant été fait, on peut dresser la liste des modules externes qui
sont en interactions directes [couplages], avec l’un quelconque des modules
appartenant à l’inventaire.
La gestion de configuration système est indispensable à ce stade.

Fig. 11.6 Pile des interfaces systèmes

Le problème fondamental de la pile des interfaces systèmes est la remontée


des événements en provenance des plates-formes et/ou des infrastructures,
progiciels compris, qui doivent être récupérées par les API métier, car ils
doivent être traduits en termes métiers pour pouvoir être exploités de façon
cohérente. Ce contrôle ne peut être que dynamique (cf. le concept
d’autonomic computing, introduit par IBM, et repris par tous : HP, Microsoft,
Oracle, ... et les outillages d’accompagnement en systems management que
l’on trouve dans ces offres).
11.4. L’organisation de l’intégration
Dans la pratique, le processus d’intégration consiste à rassembler les
nouveaux modules et les modules ayant fait l’objet d’adaptations dans un
environnement spécifique, c'est-à-dire la plate-forme d’intégration, qui
simule raisonnablement l’environnement d’exploitation réel. L’intégration ne
se fait jamais directement dans l’environnement d’exploitation pour des
raisons de sûreté de fonctionnement et de contrat de service évidentes.
La séquence qui conduit de la plate-forme d’intégration à la plate-forme de
production, au minimum trois étapes, est représentée par le schéma de la
figure 11.7.
En amont de la plate-forme d’intégration il y a la ou les plates-formes de
développement qui ne sont pas représentées sur la figure, mais dont le
responsable de l’intégration doit s’assurer d’une compatibilité raisonnable, en
particulier pour ce qui concerne la pile des interfaces systèmes rappelée par la
figure 11.6. C’est ce qui est parfois appelé à juste raison usine logicielle
[software factory] dont le rôle est de développer et valider toutes les pièces
logicielles constitutives des modules à intégrer de façon standardisée.
En entrée du processus d’intégration, le responsable dispose de la liste des
pièces/modules à intégrer et de la place de ces modules dans l’architecture du
système, tant au niveau fonctionnel qu’au niveau organique. Il dispose
également de la traçabilité de ces modules avec les exigences qui ont
nécessité ces adaptations, conformément au triangle d’or de l’ingénierie
système [voir les 12 principes de modélisation].
Fig. 11.7 Etapes du processus d’intégration

L’ordre dans lequel les modules vont pouvoir être intégrés dépend de la
qualité du travail architectural. En effet, comme il a été dit ci-dessus, si c’est
le laisser-faire qui prédomine, il faut s’attendre à ce que tous les modules
dépendent les uns des autres, ce qui va se traduire par la saturation de la
matrice de couplage. Au contraire, si l’architecte a mis en œuvre les bonnes
pratiques architecturales : architecture modulaire hiérarchique, architecture en
couches, architecture des interfaces, les relations entre modules vont pouvoir
être traduites dans la structure centrale qui pilote l’intégration : l’arbre
d’intégration (cf. réf. [4]). Cet arbre d’intégration est l’un des résultats
fondamentaux du processus de conception de l’architecture. Pour
l’intégration, la situation se présente comme suit [figure 11.8].
Fig. 11.8 L’arbre d’intégration

Chacun des modules entrant en intégration se présente en entrée du processus


avec un ensemble de tests dit de pré-intégration, requis par le responsable
d’intégration, et qui valident le niveau de qualité du module et son aptitude à
supporter les tests d’intégration proprement dits. Le but des tests
d’intégration est de découvrir les erreurs liées aux couplages des modules ;
ces tests ne sont pas un complément des tests fonctionnels du module,
lesquels font partie des critères d’entrée en intégration, ils matérialisent la
validation des aspects transverses.
Les N blocs qui constituent les modules feuilles de l’arbre d’intégration sont
regroupés par petits paquets, généralement aux alentours de 7±2, pour que
leurs interactions restent compréhensibles en cas de dysfonctionnement ; la
combinatoire de ces modules pouvant être décrite par des workflows ad hoc
(c’est-à-dire une grammaire des enchaînements autorisés). La taille moyenne
des paquets définit l’échelle de l’arbre d’intégration, et finalement sa hauteur
qui varie comme le Log du nombre de modules, comme indiqué sur la figure
11.8.
L’arbre d’intégration, déduit de l’architecture, traduit la mécanique de regroupement
et d’enchaînements des modules jusqu’à la racine de l’arbre qui est le système
complet.

La somme des tests à effectuer sur chacun des nœuds de l’arbre, en partant
des tests de pré-intégration est une bonne mesure de la complexité de
l’intégration, et la somme des coûts, à droite sur la figure 11.8, traduit le coût
de l’organisation de cette complexité.
L’un des principaux résultats qui émerge des études sur les tests, au sens
IVVT, a été en effet de valider que toute la remontée du cycle de
développement dans sa formulation en V doit, mais surtout peut être
anticipée dès la phase de conception du système. Après, il est trop tard, ou en
tout cas beaucoup plus coûteux, pour faire les réajustements indispensables.
La qualité du travail architectural doit donner suffisamment d’information
pour mettre en œuvre des modèles d’estimation comme ceux que nous avons
présentés dans nos ouvrages récents (cf [2] et [4]). Du point de vue de la
complexité et des coûts, on peut représenter la situation comme suit (figure
11.9).
Fig. 11.9 Complexité complication de l’arbre d’intégration

Dans un monde parfait, sans erreur ni défaut, la complexité et le coût suivent


la trajectoire 1 quasi linéaire. C’est ce que traduit la première relation R=k0×E
dans laquelle E correspond à l’effort (volume de tests) à fournir pour valider
tous les contrats d’interfaces des modules à intégrer.
Dans le monde réel raisonnablement organisé pour purger les erreurs, la
complexité va croître comme la taille de l’arbre d’intégration, d’où
l’apparition d’une loi de puissance (réf. [4]). L’arbre d’intégration matérialise
le coût d’organisation de la complexité, en fait la construction d’une
arborescence directement issue de l’architecture, ce qui permet d’anticiper la
nature des coûts. On pourrait ici introduire des distinctions faites par le
modèle d’estimation COCOMO II, dans sa version 2000, qui fait intervenir la
maturité de l’organisation.
Une maturité excellente, niveaux 4 ou 5, dans l’échelle CMMI se traduira par
un facteur d’échelle α légèrement supérieur à un, voire inférieur si
réutilisation. Les tests sont réutilisés au maximum ce qui fait que le coût
additionnel croît, mais cette croissance est faible.
Une maturité moyenne, niveaux 2 ou 3, se traduira par un coefficient α élevé,
typiquement 1,2 à 1,5. Le travail a été moins bien anticipé, on découvre plus
de problèmes au fil de l’eau, donc des reprises de travail que l’on croyait
acquis sont nécessaires, mais la bonne maîtrise des domaines clés du niveau 2
limite la casse.
L’absence de maturité se traduit toujours par des coûts d’intégration élevés et
un taux de retouches important après livraison à la production [SLA
médiocre, MCO coûteux]. Dans le cas pire, encore fréquent comme
l’indiquent les statistiques du Standish Group, on peut découvrir dans la
période d’intégration des problèmes graves liés à la nature transverse de
certaines exigences comme les performances ou la sûreté de fonctionnement ;
la valeur du coefficient α va tendre vers deux. Les projets d’interopérabilité
sont souvent dans cette catégorie par optimisme (et manque de lucidité !),
manque d’anticipation et absence de modèles sémantiques qui caractérisent la
nature de l’information qui s’échange entre les systèmes.
Ce qui caractérise le mieux l’absence ou le manque de maturité est la qualité
du travail effectué pour expliciter rigoureusement l’architecture des
interfaces. La raison d’être des interfaces est de découpler les modules ou les
systèmes qui sont de part et d’autre de l’interface, comme les API métiers de
la figure 11.6. Si l’interface ne joue pas ce rôle, alors il y aura
automatiquement des couplages non maîtrisés. Les projets correspondants ne
seront pas indépendants, ou beaucoup moins qu’ils pourraient l’être ; c’est
une situation typique des projets d’interopérabilité mal conçus. Dans ce cas la
trajectoire projet nominale de type 1, s’écartera de plus en plus pour aller vers
des trajectoires de type 2 ou 3, catastrophiques du point de vue des coûts et
du SLA.

11.5. Mesurer la complexité par les tests d’intégration


La pertinence d’une mesure de la complexité qui repose sur les tests
d’intégration est donc bien fondée. Ces tests sont directement issus de la
conception (rôle majeur des interfaces et des protocoles de mise en œuvre)
dont ils sont la traduction en termes de coûts.
Le mot complexité est doté d’une riche polysémie qui peut rendre son emploi
douteux si l’on ne prend pas quelques précautions[2]. Dans le monde des
systèmes informatisés on peut la définir en faisant une distinction de bon sens
entre le nombre d’éléments constitutifs du système, et le nombre de relations,
statiques et dynamiques, que ces éléments entretiennent entre eux et avec
l’extérieur.
On dira qu’un système est complexe s’il y a de nombreuses relations entre les
éléments constitutifs du système et avec l’environnement dans lequel il
s’intègre. Décompter les relations/couplages est un exercice plus difficile que
de compter les éléments car il y a des relations bien visibles, explicites, et des
relations cachées, implicites, qui ne se révéleront qu’à l’usage : c’est le
phénomène dit d’émergence , bien connu des théories de la complexité
[systèmes dynamiques]. La panne d’un système est un phénomène émergent
redouté qui résulte d’une incohérence dans l’état global du système, lequel
état n’a pas été visité lors de la validation, vérification et tests, c’est-à-dire
lors de l’intégration. On en donnera un exemple simple ci-après avec la
mutualisation et l’interopérabilité.
On dira qu’un système est compliqué s’il comporte beaucoup d’éléments.
D’où l’importance des analyses simplement volumétriques : on compte les
instructions des programmes, on compte les défauts constatés [RA/Rapports
d’anomalies] et les actions correctrices [mises à jour ponctuelles, patches, ...]
qui en résultent, on compte les équipements informatiques, on compte les
usagers, on compte les programmeurs, on compte les messages d’erreurs et
les aides en ligne, etc. ... etc. Mais on oublie souvent de dénombrer les états
du système qui est cependant le facteur prépondérant de la complication, les
états mémoire dont la combinatoire peut vite devenir immense.
Pour bien appréhender la complexité, il faut donc soigneusement distinguer
son aspect complication, c’est-à-dire un simple dénombrement (par exemple
le nombre de règles et/ou de contraintes, le nombre de lignes source, le
nombre de modules, etc.), et son aspect relations/couplages. Nous réservons
l’usage du mot complexité à l’aspect dénombrement des relations/couplages
qui prend en compte la dimension dynamique des interactions, lesquelles
seront matérialisées par des tests d’intégration, à un moment ou à un autre.
Par exemple, rendre deux systèmes interopérables c’est objectivement
augmenter la complication, par le simple fait que les lignes de code et/ou les
données (en y incluant les événements) des deux systèmes s’additionnent.
Mais c’est aussi et surtout augmenter la complexité, car les deux systèmes
vont échanger des informations et interagir de diverses façons. Il va donc y
avoir de nouveaux couplages qui par définition n’existaient pas avant
l’opération de fusion. Des éléments de chacun des systèmes vont ainsi se
trouver « couplés ». Ainsi se crée une nouvelle relation qui stipule que toute
modification de l’un des éléments couplés ne peut se faire sans l’accord de
l’autre. Si l’un des systèmes a besoin d’une fonction qui existe déjà chez
l’autre, il est inutile de la re-développer, il suffit de pouvoir l’utiliser en l’état
à l’aide d’un protocole ad hoc, là où elle est, par exemple avec un simple
workflow. C’est un nouveau type de couplage, c’est-à-dire une relation de
partage. Cette nouvelle situation est schématisée par la figure 11.10.
Le schéma met en évidence un aspect totalement contre-intuitif relatif au
nombre d’états résultant de ce couplage. Il faut en effet considérer l’ensemble
des parties des états de chacun des systèmes, d’où la combinatoire «
explosive » (si rien n’est fait, car fonction du nombre de pièces) en 2n1+n2,
c'est-à-dire 2 à 2, 3 à 3, ... etc., soit l’ensemble des parties.

Fig. 11.10 Influence du couplage sur le nombre d’états à valider


Le nombre de lignes de code est une grandeur additive : celles-ci
s’additionnent. Le coût moyen de ces lignes de code est une grandeur
intensive car le coût dépend de l’environnement, comme nous le précise le
modèle COCOMO. 1.000 LS seules ne sont pas équivalentes à 1.000 LS
parmi 500.000 LS car le facteur d’échelle α prend en compte ce contexte. En
se sens, le coût/effort « abstrait » selon COCOMO fonctionne comme une
« température » ou une « pression » (voir réf. [4]).

Des lignes de code isolées sont plus « froides » que des lignes de code intégrées, c'est-
à-dire moins coûteuses. Dans le cyberespace, par défaut, tout est intégré, tout est lié,
tout est plus « chaud », ce qui maximise la potentialité de découvrir de nouveaux
usages.

Dans une opération de mutualisation d’éléments d’un [ou plusieurs]


systèmes, on baisse objectivement la complication car le volume des textes
(code et/ou données mutualisés) se trouve factorisé dans une bibliothèque
et/ou une base de données. Mais on augmente corrélativement la complexité,
car là où il n’y avait pas de relation, il en existe nécessairement de nouvelles
(couplages par réutilisation, par partage de ressources, etc.), ne serait-ce que
pour utiliser/référencer/modifier l’élément mutualisé.
Pour que la mutualisation soit rentable il est impératif que le gain engendré
par la baisse de la complication (moins de code et/ou de données), soit
largement supérieur au coût de la mutualisation. Un élément mutualisé sera
par définition plus sollicité après l’opération de mutualisation qu’avant. Or
l’occurrence des pannes est une fonction monotone croissante de l’usage. Par
conséquent son niveau de maturité doit être très supérieur à ce qu’il était
avant mutualisation. Moralité : de nouveaux scénarios de tests seront
nécessaires pour « durcir » l’élément, car s’il tombe en panne, ce sont tous les
éléments appelants qui à leur tour ne rendront pas le service attendu. Si rien
n’est fait il y aura dégradation inévitable du contrat de service, conformément
à la loi générale d’augmentation du désordre (entropie du système). Le code
mutualisé doit être programmé en priorité à tout autre et intégré le plus vite
possible de façon à l’exposer le plus fréquemment possible via la mécanique
d’intégration continue.
Beaucoup de DSI ont été abusés par des décisions hâtives, sans une vraie
réflexion, souvent poussés « au crime » par les éditeurs et/ou leurs
consultants, vendant de la simplification sans s’intéresser à la complexité,
quand celle-ci n’est pas purement et simplement ignorée : le cas des EAI,
technologies au demeurant intéressantes, mais extrêmement dangereuses une
fois mises entre des mains inexpérimentées. Le non-dit étant avant tout
d’éviter de parler de ce qui fâche, et si cela ne marche pas, on rajoutera une
couche d’ add on censés régler le problème.
On peut illustrer ces différents phénomènes à l’aide du diagramme figure
11.11.

Fig. 11.11 Economie d’échelle et complexité

Ce qu’il faut absolument garantir dans une opération d’interopérabilité c’est


que le coût après fusion des systèmes S1/S2, reste linéaire, c'est-à-dire que la
baisse de l’indice de complication s’est accompagnée corrélativement d’une
baisse proportionnelle du nombre des relations (ingénierie des interfaces),
une fois les systèmes interopérés/fusionnés ; ceci est matérialisé dans la
figure par le point d’équilibre linéaire Eq-L.
Une opération réussie se caractérisera par une économie d’échelle mesurable,
d’où l’obtention d’un gain. Ce gain s’obtient grâce à un investissement en
architecture qui permet de faire chuter le nombre de relations et d’atteindre le
point Eq-G, grâce à l’architecture des interfaces entre S1 et S2.
L’interopérabilité de plusieurs systèmes est d’abord un problème
d’architecture qui doit être posé comme tel, indépendamment des
technologies utilisées, conformément aux objectifs de cette mise en
interopérabilité.
Une opération ratée, résultant de l’impasse sur l’architecture des interfaces,
va se traduire certes par une baisse de la complication dans un premier temps,
par exemple moins de lignes de code à gérer, partie visible de l’opération,
mais accompagnée d’une augmentation corrélative du nombre de relations
qui va se traduire par une augmentation du coût d’intégration et/ou du coût de
non qualité. Du fait de l’augmentation du nombre des relations, il y a une
augmentation du travail de vérification/validation indispensable au maintien
du contrat de service (SLA). En conséquence, on se retrouve au point Eq-P.
Si rien n’est fait ce sont les usagers qui paieront la note via le SLA médiocre
et le MCO coûteux.

La définition intuitive de la complexité : plus complexe = plus de tests = plus


coûteux, peut donc être considérée comme validée. Mais à une condition : expliciter
rigoureusement l’architecture du système, tant au niveau fonctionnel qu’au niveau
organique, et surtout les interfaces.
La structure du coût de cette complexité peut être anticipée et estimée comme un
résultat de l’architecture, en particulier par la connaissance des matrices de couplages
qui est un critère de terminaison du processus de conception du système.

11.6. Recommandations et bonnes pratiques


Il est contre-productif, voire futile, de continuer aujourd’hui à séparer
artificiellement l’ingénierie des systèmes d’information et l’ingénierie des
équipements massivement informatisés, anciennement baptisés systèmes
industriels. La frontière entre les deux est devenue si poreuse que la
distinction n’est désormais plus pertinente. Les langages de programmations
généraux se sont banalisés, il y a du Java partout, dans nos téléphones
mobiles, dans les systèmes de défense et de sécurité, dans tous les IHM des
systèmes d’information récents et dans leurs portails Internet, etc. ... etc., en
attendant d’autres langages, comme peut-être Python, dans la communauté
Internet. L’ingénierie des systèmes informatisés, quelle que soit leur nature,
est une : c’est celle de l’entreprise numérique qui doit savoir gérer toute
l’information qui en constitue l’intelligence même, et en exploiter la valeur.

Il ne faut plus penser ni plateforme, ni infrastructure, il faut penser flux d’


information.

La machinerie numérique, plates-formes et infrastructures, qui supporte


l’ensemble des processus est aujourd’hui complètement banalisée et
virtualisée, il n’y a plus de machines propres aux systèmes industriels, et
depuis longtemps, sauf dans quelques niches très spécifiques. Une grande
variété d’organes d’interactions, capteurs et effecteurs, entre les hommes et
les machines, entre les machines elles-mêmes dont certaines sont des robots
capables d’initiatives, ont vu le jour, s’adaptant de mieux en mieux aux
besoins de performance des acteurs, et mobiles de surcroît.
Les méthodes d’ingénierie sont fondamentalement les mêmes, ce qui se
traduit par des familles d’outils de plus en plus génériques, avec des langages
de modélisation à large spectre comme BPML, WSDL, UML, SysML, etc.
..., voire des DSL, permettant une description rigoureuse des systèmes et des
services, au bon niveau d’abstraction.

Les langages de modélisation sont désormais des instruments indispensables à une


bonne compréhension des comportements et de la dynamique des systèmes, mais la
notion fondamentale que le chef de projet doit mettre en œuvre au sein de ses équipes
est bien celle du savoir penser modélisation, c'est-à-dire la pensée systémique qui est
celle de l’ingénierie système.
Fig. 11.12 Unification des ingénieries

Tant pour l’organisation des processus métiers que pour l’agencement des
processus industriels l’architecture est le point de passage obligé d’une
ingénierie proactive, prédictive et durable, qui sait prévoir ce qui va se passer
et en mesurer l’avancement.

Il faut cesser de penser que l’architecture est un centre de coûts. Les bonnes pratiques
qualité comme la mise en œuvre intelligente du CMMI montrent à l’évidence que tout
investissement effectué en amont sera largement compensé par des gains en aval d’un
facteur 10 à 50 pour l’intégration, beaucoup plus (> à 100) après la mise en
production.

Une incohérence d’interface non détectée peut conduire à des retours en


développement / maintenance de centaines de pièces qui dépendent
directement ou indirectement de cette interface.
Le résultat visible du processus de conception du système est une famille de
modèles cohérents qui vont permettre aux architectes de répondre aux
questions de toute nature que pose la réalisation, de s’assurer que les pièces
du puzzle forment un tout qui satisfait aux exigences globales et que ces
pièces peuvent être assemblées de façon systématique :

Découpe fonctionnelle et organique permettant aux équipes projets de


travailler en parallèle : c’est le fondement de l’agilité.
Simultanément à la découpe, ingénierie des tests permettant de valider
fonctionnellement et organiquement le découpage, pour chacune des
pièces prises individuellement : c’est le concept d’architecture testable,
c'est-à-dire le Test Driven Development, fortement recommandé par les
méthodes agiles.
Contractualisation des interfaces à tous les niveaux et ingénierie de
ces interfaces : tout doit être explicité pour démarrer en parallèle les
scénarios de validation système, les pilotes et les « bouchons » pour le
monitoring des tests.
Arbre d’intégration qui est le protocole d’ordonnancement des pièces à
assembler et des tests d’intégration à appliquer à chacune des étapes
d’assemblage : c’est le concept d’usine système logiciel et
d’intégration continue [software factory, 6-Sigma], analogue à une
chaîne de montage, indispensable à la mise en œuvre de l’agilité.
Ingénierie des exigences, en particulier toutes celles qui intéressent la
globalité du système comme les performances, la sûreté de
fonctionnement, la sécurité, l’interopérabilité, l’évolutivité de façon à
disposer le plus tôt possible de scénarios de validation globale, de bout
en bout : c’est le préalable de la démarche « centrée architecture » qui
garantit que le système réalisé satisfera les exigences client.

Chacun doit se convaincre qu’il est désormais plus simple, moins coûteux,
plus sûr de raisonner sur des modèles partagés entre tous les acteurs et parties
prenantes que sur le système lui-même. L’arbre d’intégration qui en est le
résultat est l’instrument concret, pragmatique, qui permet de synchroniser et
de contrôler les trajectoires des différents projets qui contribuent à la
réalisation du système conforme aux besoins de ses usagers réels.
Les textes associés à ces modèles sont la matière première de la mesure de
complexité fondée sur l’activité IVVT.
Les bonnes pratiques de modélisation et leur mise en œuvre par chacun des acteurs
concernés est le sésame qui permet à l’entreprise numérique d’exploiter son bien le
plus précieux : l’INFORMATION, au service de ses usagers, et d’en apprécier la
valeur au sens économique du terme.

11.7. Bibliographie du chapitre


[1] Y.Caseau, Urbanisation, SOA et BPM, Dunod, 2011, 4e édition.
[2] B.Mesdon, Les points de fonctions en ingénierie logicielle, Hermès 2012.
[3] J.Printz, Architecture logicielle, Dunod, 2012, 3e édition.
[4] J.Printz, N.Trèves, B.Mesdon, Estimation des projets de l’entreprise
numérique, Hermès, 2012.
[5] J.Printz, B.Mesdon, Écosystème des projets informatiques, Hermès 2006.
Notes
[1] Fixées par le SEI ; voir http://www.sei.cmu.edu/reports/92tr020.pdf
[2] Voir notre étude sur le site du LIX, [laboratoire Informatique de l’Ecole
Polytechnique] :
http://www.lix.polytechnique.fr/~liberti/cal07/presentations/printz-
mesures_de_complexite.pdf
Conclusion

La conception de logiciels reste avant tout une activité humaine ; aussi, n’est-
elle pas exempte d’erreurs. Des erreurs seront commises lors de l’expression
des besoins et vont se traduire par des spécifications incomplètes ou encore
incohérentes. Des erreurs seront faites lors de la définition de l’architecture et
vont se traduire par une application inefficace, difficilement testable ou
encore non maintenable de sorte que toute correction d’anomalie en
entraînera de nouvelles. Enfin, des erreurs seront commises lors des phases
de codages. Toutes ces erreurs vont engendrer des défauts dans la réalisation
finale qui pourront conduire à des défaillances ou dans les cas extrêmes à des
pannes totales du système logiciel.
Quelles que soient les méthodes de conception utilisées, ces erreurs ne
peuvent être totalement évitées ; il convient donc à la fois de réduire leur
impact par la mise en place d’une architecture défensive et à la fois de viser à
leur élimination de façon aussi complète que possible, comme on peut le faire
dans le domaine chirurgical où toutes les précautions sont prises avant
l’intervention mais aussi pendant et après celle-ci. Pour cela il est nécessaire
de tester à tous les niveaux du cycle de vie des logiciels en employant une
stratégie adaptée. Lors des phases de spécification, on privilégiera des tests
dits statiques, c’est-à-dire basés sur l’analyse des différents textes produits
(au sens large). Une fois le logiciel réalisé et assemblé, on emploiera plus
fréquemment des tests dits dynamiques c’est-à-dire basés sur l’exécution du
logiciel. Parmi ces différentes étapes, la phase d’intégration est certainement
la phase la plus sensible et celle à laquelle il faudra apporter le plus grand
soin, en particulier du point de vue des tests (voir à cet effet les chapitres 6 et
11).
S’il est simple d’exprimer le besoin de tester aux différents stades de
développement, il est plus complexe de mettre en œuvre cette exigence. En
effet, tester est un problème difficile. Difficile au sens mathématique car des
résultats d’indécidabilité rendent caduc tout espoir de résoudre ce problème
de façon simple et purement automatique. Difficile également du point de vue
pratique car, même dans les cas « faisables » au sens théorique du terme, la
combinatoire associée aux différentes exécutions de n’importe quel logiciel
rend impossible une démarche brutale basée sur la seule énumération de cas
de test. Par ailleurs, les différents facteurs, humains et techniques, à prendre
en compte lors de la conception et l’exécution des tests demandent une
grande habilité aux chefs de projet et aux équipes en charge des tests.
Il faut donc mettre en place une démarche empirique, c’est-à-dire basée sur
l’expérimentation, qui permettra de définir des objectifs de test clairs (qui
seront principalement la découverte de défauts), des moyens d’observations
et qui, en s’appuyant sur des méthodes éprouvées, permettra de sélectionner
les cas de tests « pertinents ». Pour cela, le testeur pourra faire reposer son
raisonnement sur les seules spécifications, et l’on parle alors de tests boîtes
noires, ou se permettra d’utiliser en plus des spécifications des détails des
réalisations (comme le code) pour construire ses tests, et l’on parlera alors de
tests boîtes blanches. Dans ce dernier cas, il faudra prendre garde de n’utiliser
ces détails que pour exercer une instruction particulière ou parcourir un
chemin donné tout en fondant le choix de l’objet du test et du résultat attendu
sur la seule analyse des spécifications (l’expérience du testeur pourra aussi
bien entendu être utilisée avec profit). Si les détails de réalisation ne sont pas
utilisés pour déterminer les jeux de valeurs employés pour les tests, ils
peuvent être le moyen de mesurer la qualité des tests produits en caractérisant
les chemins parcourus lors de l’exécution des tests en fonction de leur
couverture des instructions, globalement ou sous certains critères liés à
l’accès aux variables. Dans certains cas particuliers, l’utilisation de code
permet néanmoins de générer des tests pertinents de façon automatique
(comme nous l’avons abordé au chapitre 9).
Tous ces aspects ont été étudiés à travers cet ouvrage ainsi que le nécessaire
besoin de mettre en place des procédures de gestion des tests incluant
l’estimation des coûts, la planification des activités, et point essentiel dans
une démarche agile de développement, une gestion en configuration des tests.
Il est en effet illusoire de vouloir employer avec profit une démarche basée
sur l’itération et l’incrémentation sans avoir une gestion de configuration
sérieuse et outillée.
Après de nombreuses années dans l’accompagnement d’industriels
confrontés à la problématique de la qualité des logiciels produits et dans le
constat que les tests demeurent un point essentiel et indispensable dans
l’amélioration ou le maintien de cette qualité nous pouvons retracer dans
cette conclusion quelques facettes saillantes de ces enjeux.
Historiquement, les tests ont eu un étrange destin dans le développement des
technologies de l’information. Dès le départ il était clair que l’on était sur un
point dur, comme on peut s’en convaincre en lisant l’histoire du projet
SAGE[1], et les conférences du NATO Science Committee qui fondèrent le
génie logiciel, en 1968-1969. Les modèles d’estimation des coûts/délais de
développement des projets logiciel, fondés sur l’analyse statistique des
données de centaines de projets, donnent dès les années 1970-1980 des
fourchettes de coût de 30-40 % pour la partie test. La NASA estime que pour
les projets spatiaux comme la navette, 70 % du coût est consacré aux tests.
On sait donc tout cela dès le départ, mais la communauté industrielle, et
surtout la communauté académique du génie logiciel, ne font rien, ou
presque. La préférence va à l’étude des langages de programmation, puis aux
outils de conception dont UML est une sorte d’aboutissement. Attitude
d’autant plus surprenante de la part de scientifiques, puisque le fondement de
la démarche scientifique est l’expérimentation. Les tests ne sont rien d’autre
que des protocoles expérimentaux dont le but est de rechercher les failles. La
validité d’une théorie – un programme est une théorie – est fondée sur
l’expérimentation. Un scientifique (cf. A. Einstein) propose une théorie, et
des dizaines, centaines, … d’autres essayent de la « falsifier », pour reprendre
la terminologie de K. Popper[2]. Le summum est atteint avec le LHC,
instrument colossal développé par le CERN, pour valider l’hypothèse de
l’existence du boson de Higgs, pierre angulaire du modèle standard des
particules et qui a donné entre l’écriture de la seconde et la troisième version
de cet ouvrage des résultats spectaculaires dans cette démonstration.
La communauté académique n’a pas initialement fait l’effort de
conceptualisation et d’abstraction concernant la validation, au sens large, des
grandes constructions que sont devenus les programmes, dès les années 1970-
1980. Les tests ont longtemps été vus comme un vaste bricolage informe dont
il vaut mieux se détourner. C’est tout le contraire de ce qui a été fait pour le
hardware, où dès le départ on s’est intéressé au « design to tests » comme une
activité indispensable et inséparable de la conception des circuits. Inutile de
concevoir ce que l’on ne saura pas valider ; on peut néanmoins noter que
depuis quelques années cette démarche a fait son chemin dans la conception
des logiciels et que la démarche théorique visant à ne voir les tests que
comme un sous domaine des preuves mathématiques est en train de laisser
place à une vision plus pragmatique tout en capitalisant sur ces efforts de
recherche anciens et variés ; voir à cet effet le chapitre 10.
Pour le logiciel, créé de toutes pièces par l’activité des programmeurs, la
présence de défauts est imputable à celui qui l’a conçu. Ce qui fait que le
statut de l’erreur est dans ce domaine complètement différent de ce que l’on
peut rencontrer dans les domaines de la mécanique ou de l’électronique. Les
matériaux que l’on trouve dans la nature contiennent des défauts, il faut faire
avec et il n’y a pas de discussion possible. De même penser que l’on peut
programmer sans erreur est une illusion que seuls ceux qui n’ont jamais
programmé peuvent imaginer. La différence entre un bon programmeur et un
mauvais programmeur n’est pas dans le nombre d’erreurs commises, mais
dans la vitesse avec laquelle les erreurs vont être diagnostiquées et
corrigées[3]. Poincaré, l’un des plus grands mathématiciens français, était
connu pour faire des erreurs, mais elles étaient faciles à corriger et ne
remettaient jamais en cause la logique générale de ses démonstrations.
La leçon à tirer est que les erreurs sont consubstantielles à l’acte de
programmation. Culpabiliser est contre-productif. Certes, il vaut mieux en
faire le moins possible, mais plus important, il faut surtout s’organiser en
conséquence. D’où les approches comme le CMMI dont nous reparlerons
plus loin.
Les seuls industriels, jusque dans les années 1980, qui se sont intéressés
sérieusement aux tests sont les constructeurs d’ordinateurs, les réalisateurs de
systèmes informatisés où les contraintes de sûreté sont fortes (défense,
spatial, aéronautique, nucléaire, etc.), les éditeurs de logiciels. Nécessité a fait
loi. Retirer un logiciel du marché parce que trop défectueux est une
expérience qui peut conduire à la faillite. La pression du risque incite à la
prudence, et finalement à la sagesse.
La démarche qualité que l’on voit se développer tout au long de la décennie
1980 met l’accent sur le préventif, en expliquant que c’est moins coûteux que
le curatif. On se souvient du titre provoquant du livre de Crosby, « Quality is
free ». Si l’on sait faire les tests qui vont éviter les défaillances lors de
l’exploitation réelle du système, c’est gagné ! Mais les industriels du milieu
défense, spatial, … sont minoritaires, et il ne parle pas le même langage que
ceux des services, banques, assurances, etc. L’informatique de gestion, les
systèmes d’information, sont souvent opposés à l'informatique industrielle,
jugée plus « scientifique ». Le message admis maintenant « qualité = test » ne
passe pas dans ces années.
Le basculement s’opère dans les années 1980 avec le développement de
l’informatique distribuée. En moins d’une décennie, les ordinateurs centraux
éclatent en centaines, puis milliers de serveurs, eux-mêmes environnés de
dizaines de milliers de postes de travail « intelligents » (des millions dans le
cas d’Internet) qui intègrent des millions de lignes de code. Le besoin
d’informaticiens explose, et il faut recruter bien au-delà des filières de
formation informatique. Le nombre d’informaticiens, dans une grande
banque, peut largement dépasser les 10 000, dont beaucoup ont été formés
« sur le tas » !
De façon subreptice, l’informatique des systèmes d’information, est devenue
aussi complexe que celle des systèmes industriels, pour d’autres raisons. Le
système d’information « vit » au rythme de l’entreprise, et il doit évoluer à la
même vitesse. Les systèmes d’information interopèrent entre eux, dans
l’entreprise, et hors de l’entreprise, formant ce que l’on appelle une
entreprise étendue. Mal maîtrisée, l’interopérabilité devient un
risque inacceptable : les pannes de l’un se propagent chez l’autre, fragilisant
les chaînes de valeur de l’entreprise. La vitesse de diagnostic des
défaillances, paramètre fondamental du contrat de service, est ralentie par
l’hétérogénéité des plates-formes de production.
Les DSI ont depuis accepté qu’il était essentiel de s’occuper sérieusement du
problème. On peut prendre comme exemple de cette prise de conscience
l’intérêt manifesté depuis quelques années de la démarche CMMI (ou de
démarches équivalentes comme COBIT, ITIL, etc.). Le cas du CMMI est
intéressant car la démarche a été initialement promue par le département
américain de la Défense, via le Software Engineering Institute, installé par le
DOD dans l’université Carnegie Mellon, à Pittsburgh. C’est une méthode, en
fait d’origine IBM, issue des milieux de la défense, qui met fortement
l’accent sur les processus d’ingénierie, et sur les actions qualité intégrées à
ces processus. Les processus de validation, vérification, tests y occupent une
place centrale. Le développement de la maturité est objectivé à l’aide
d’indicateurs permettant de mesurer les progrès accomplis. Les industriels
avec lesquels il nous a été donné de travailler (Bouygues Telecom, Orange,
PSA, pour n’en citer que deux qui ont participé ou participent à nos
enseignements au CNAM, à L’UPMC ou à Paris Nanterre) ont des processus
d’intégration, validation, vérification, test (IVVT) extrêmement fouillés et
rigoureux. C’est une condition nécessaire à la qualité des livraisons.
La relation entre l’architecture logicielle[4], et la capacité à découvrir et
corriger rapidement les erreurs commence à être mieux comprise. Les
promoteurs des méthodes agiles[5] dont un des courant est « l’eXtreme
Programming » préconisent le « Test Driven Development (TDD) » ou le
« Model Driven Development (MDD) » ou encore le « Test Driven
Development (TDD)» qui promeuvent le développement des tests avant celui
du logiciel. Dans le monde UP (Unified Process) qui accompagne UML, on
parle de processus de développement « Architecture Centric ».
L’architecture est une condition nécessaire au bon usage des outils d’aides à
la fabrication des tests. Là encore, il faut bien comprendre, et en être
convaincu, que les tests, comme les programmes, ne se fabriqueront jamais
de façon complètement automatique. Faire de bons tests est aussi difficile que
de faire de bons programmes, tant la combinatoire des cas possibles est
immense, comme on l’a vu dans cet ouvrage. C’est une autre logique qui doit
intégrer une connaissance approfondie de l’écosystème dans lequel le
programme sous test va opérer en particulier dans les systèmes embarqués de
plus en plus présents.
La profession elle-même s’organise. Les tests sont considérés comme un actif
des organisations de développement, au même titre que les programmes.
Dans une communication personnelle, la société Atos-Origin qui a réalisé le
système d’information des Jeux olympiques de Pékin, nous a communiqué
les chiffres de 200 000 heures de travail pour réaliser l’intégration du système
et 9 000 scénarios de tests pour la validation, pour garantir le bon
fonctionnement du système au jour J, le 8/08/2008, à 8h08.
Dans les projets d’intégration, très nombreux avec l’utilisation des progiciels
et/ou de la réutilisation de composants déjà développés par l’entreprise, la
part de l’IVVT devient prépondérante.
Le métier de testeur prend corps. Les organismes professionnels comme le
CIGREF, qui regroupe les DSI des grands groupes français, et le SYNTEC,
qui regroupe les sociétés de services, s’en préoccupent de plus en plus.
Ce présent ouvrage est le reflet de plus de vingt-cinq ans de pratiques et de
réflexions sur ce que l’on peut considérer comme les bases du métier de
testeur.
Notes
[1] K. Redmond, T. Smith, From Whirlwind to Mitre, The R&D story of the
SAGE Air Defense Computer, MIT Press, 2000.
[2] K. Popper, Logique de la découverte scientifique, Payot.
[3] J. Printz, Productivité des programmeurs, Hermès-Lavoisier.
[4] J. Printz, Architecture logicielle, 2e édition, Dunod, 2009.
[5] J. Printz, Écosystème des projets informatiques – Agilité et discipline,
chez Hermès-Lavoisier.
Exemple de QCM
Nous proposons dans ce chapitre quelques questions à choix multiples en
relation avec les différents chapitres du livre et couvrant le syllabus de
l’ISTQB ; ces questions peuvent être utilisées dans la préparation à la
certification ISTQB niveau fondation telle qu’elle est définie lors de la
parution de cet ouvrage. La certification, niveau fondation, contient une
quarantaine de questions auxquelles il faut répondre en 1 heure. Chaque
question ne contient qu’une bonne réponse et il n’y a pas de points négatifs.
Pour obtenir la certification il faut avoir plus de 65 % de réponses valides.
Pour le niveau avancé, il faut répondre à un questionnaire de 65 questions à
réaliser en 1 h 30 avec un niveau de difficulté associé à chaque question (de 1
à 3). Il faut obtenir plus de 65 % des points totaux.
Dans les questions qui suivent, le chiffre entre parenthèses et en italique
indiqué à la fin de l’énoncé de la question correspond au niveau de difficulté
de celle-ci. Les réponses commentées de ces questions sont disponibles à
l’adresse http://www.dunod.com/contenus-complementaires/9782100706082.

Q1) Pendant les tests, il est nécessaire de : (1)

a) Tester toutes les parties du système avec la même intensité,


parce que des anomalies peuvent être détectées n’importe où.

b) Tester l’interface utilisateur en priorité parce que ses


anomalies sont les plus dérangeantes pour l’utilisateur.

c) Tester en priorité les composants du système pour lesquels les


défauts génèrent les risques les plus importants.

d) Tester en priorité les accès aux bases de données de façon à


éviter des données erronées et des inconsistances dans la base de □
données.
e) Tester en priorité les performances de façon à améliorer les
temps de réponse.

Q2) Les tests statiques et les tests dynamiques : (1)

a) Sont deux familles de tests complémentaires. □


b) Sont incompatibles : il faut choisir avant de commencer la
phase de tests.

Q3) Les tests sont : (1)

a) Inutiles la plupart du temps du fait de l’amélioration continue


des techniques de développement et d’intégration.

b) Indispensables pour réduire les coûts et les délais tout en


augmentant la qualité.

c) Importants mais impraticables donc à éliminer. □


Q4) Quelle affirmation est exacte : (1)

a) L’activité de test nécessite d’être curieux c’est pour cela que


c’est préférable de la confier à des personnes sans expérience.

b) L’activité de test nécessite d’être curieux mais demande de


l’expérience.

c) L’activité de test ne nécessite qu’un bon sens de la


communication.

d) L’activité de test nécessite de prendre position quitte à


« grossir » ou extrapoler certaines données.

Q5) Une fonction calcule un résultat à l’aide quatre


paramètres entiers (codés sur 32 bits) ; il y a donc 232*4 (2)
= 2 128 ≈ 1 043 possibilités distinctes d’appel de la fonction :

a) Ce nombre est tellement grand qu’il est inutile d’essayer de


tester la fonction ; la tâche est impossible !

b) En y consacrant de l’énergie on pourra tester toutes les


possibilités.

c) En procédant avec méthode il suffit de tester la fonction avec


quelques valeurs pertinentes pour avoir une très grande assurance □
sur sa correction.

d) Ce cas n’arrive jamais, il est inutile de se poser ce genre de


problème !

Q6) Les tests d’intégration : (1)

a) Ne peuvent être fait correctement que si les tests unitaires ont


été faits correctement.

b) Remplacent les tests unitaires. □

c) Sont incompatibles avec les tests unitaires. □

d) Se font avant les tests unitaires. □

Q7) Les méthodes agiles : (1)

a) Mettent en avant la souplesse des programmeurs car ils


doivent programmer dans différentes postures pour maintenir □
une forte concentration.

b) Mettent en avant les tests qui doivent être réalisés très


régulièrement.

c) Rendent inutiles les tests car le code ne peut contenir des □
erreurs avec ces techniques.

d) Déconseillent l’utilisation des tests car ceux-ci risquent de


« casser » l’aspect agile des méthodes.

Q8) Quel terme ne désigne PAS une stratégie de tests


(1)
d’intégration :

a) Méthode incrémentale ascendante. □

b) Méthode incrémentale descendante. □

c) Méthode de la régression minimale. □

d) Méthode du big bang. □


Q9) La technique des tests aux limites consiste à : (1)

a) Pousser aux limites les équipes de tests en les mettant


fortement sous pression.

b) Essayer d’atteindre la limite des fonctions de maturité du


logiciel.

c) Faire fonctionner le logiciel aux limites de ses spécifications. □

d) Faire fonctionner le logiciel le plus longtemps possible. □


Q10) La technique de partitionnement en classes
(1)
d’équivalence :

a) Consiste à trouver des domaines sur lesquels le logiciel se


comporte de façon homogène.

b) Consiste à trouver des logiciels équivalant au logiciel à tester □
et à réutiliser les jeux de tests qui ont été faits pour ce logiciel.

c) Consiste à diviser l’équipe de test en groupe de tailles et


d’expériences équivalentes.

Q11) Comment désigne-t-on également les tests « boîtes


(1)
noires » ?

a) Tests unitaires □

b) Tests d’intégration □

c) Tests fonctionnels □

d) Revues de code □

Q12) Les tests « boîtes noires » utilisent : (1)

a) Le code du logiciel à tester. □

b) Les commentaires du logiciel à tester. □

c) Les spécifications du logiciel à tester. □

d) Les commentaires de l’équipe de réalisation. □

Q13) Les tests « boîtes blanches» utilisent (plusieurs


(1)
réponses possibles) :
a) Le code du logiciel à tester.

b) Les commentaires du logiciel à tester. □

c) Les spécifications du logiciel à tester. □

d) Les commentaires de l’équipe de réalisation. □

Q14) La notion de couverture dans les tests : (1)

a) N’est pas utilisée. □

b) Permet de « couvrir » une erreur faite lors des tests qui


endommage le logiciel à tester.

c) Sert à vérifier qu’un ancien jeu de valeurs peut être réutilisé


dans un nouveau contexte.

d) Sert à définir un objectif pour les tests. □

Q15) La couverture de « toutes les décisions » (dite encore


(1)
« toutes les branches ») :

a) Recouvre la couverture « tous les chemins ». □

b) Recouvre la couverture « toutes les instructions ». □

c) Recouvre la couverture « toutes les conditions ». □


d) Recouvre la couverture « tous les chemins ».

Q16) Combien de cas de tests sont nécessaires pour atteindre


le critère « toutes les instructions » (C0) sachant que les deux
conditions sont indépendantes :
if (condition 1)
then statement 1
else statement 2 (2)
fi
if (condition 2)
then statement 3
fi
...

a) Un cas de tests □

b) Deux cas de tests □

c) Trois cas de tests □

d) Quatre cas de tests □

Q17) Combien de cas de tests sont nécessaires pour atteindre


le critère « tous les chemins» sachant que les deux conditions
sont indépendantes :
if (condition 1)
then statement 1
else statement 2 (2)
fi
if (condition 2)
then statement 3
fi
...

a) Un cas de tests □

b) Deux cas de tests □

c) Trois cas de tests □

d) Quatre cas de tests □

Q18) L’effort de tests dans un projet : (1)

a) Est de l’ordre de 20 % de l’effort global, voire moins pour les


applications peu critiques.

b) Est proportionnel au nombre de lignes de code livrées. □

c) Inclut également le temps passé par le client dans le cadre de


cette activité.

d) Doit être évalué en début de projet. □

Q19) Rechercher les défauts : (1)

a) Est très coûteux en début de projet, cela mobilise beaucoup


trop de monde pour faire des inspections.


b) Il est plus efficace de rechercher les défauts le plus tôt
possible.

c) Pour un défaut donné, son coût de recherche est beaucoup plus


élevé en fin de projet qu’en début de projet.

d) N’a finalement qu’une bonne efficacité en fin de projet. □

Q20) Les défauts sont introduits : (1)

a) Tout au long du cycle du projet. □

b) Uniquement dès que l’on programme, les défauts ne sont


essentiellement que les conséquences d’erreurs de □
programmation.

c) Éventuellement en conséquence d’une spécification ambiguë. □

d) Essentiellement volontairement et de manière malveillante par


les équipes projet.

Q21) Que recommanderiez-vous à votre client ? (1)

a) De s’impliquer dans le projet dans les phases de validation. □

b) De faire totalement confiance à la MOE qui garantira la


qualité de l’application.

c) D’être vigilant et de contrôler régulièrement les livraisons


intermédiaires en fixant des jalons avec la MOE en début de □
projet.
d) D’être souple sur les délais de livraison, un retard peut
améliorer la qualité du produit livré.

Q22) Je suis chef de projet, mon projet est en retard, que


(2)
dois-je faire ?

a) Livrer tel quel, je négocierai avec mon client ensuite. □

b) Essayer de réduire au maximum le nombre de défauts, quitte à


renégocier à la baisse les fonctionnalités à livrer.

c) Demander au client une prolongation du projet. □

d) Adopter une démarche préventive, pour éviter de me trouver


dans ce type de situation.

Q23) À quel moment dans un projet dois-je penser à l’activité


(1)
de tests ?

a) Le plus tôt possible, les tests doivent être planifiés. □

b) Il est possible d’effectuer les scénarios de tests de recette dès


la phase d’expression de besoins.

c) J’ai tout mon temps, le cycle de vie que j’utilise est en V, je


commencerai l’activité de tests dès lors que mon équipe aura □
terminé le codage.

d) Je suis tellement sous pression que nous ferons les tests que si
nous avons le temps en fin de projet.

Q24) Quelle affirmation sur les outils de test statiques est
(1)
exacte :

a) Les outils de test statiques sont issus de technologies proches


de celles utilisées par les compilateurs.

b) Les outils de test statiques ne peuvent pas donner


d’information sur le comportement dynamique du programme.

c) Les outils de test statiques ne peuvent utiliser que lorsque tout


le code est finalisé.

d) Les outils de test statiques sont récents et donc encore


immatures.

Q25) Lorsque l’on introduit un nouvel outil dans une


(1)
organisation, il est vrai que :

a) Un outil « Open source » est généralement de moins bonne


qualité qu’un outil propriétaire.

b) Le développement de l’aide en ligne rend inutile la formation


des usagers.

c) L’impact sur l’organisation peut être important. □

d) L’outil étant amené à évoluer il n’est pas nécessaire de gérer


cette introduction comme un projet normal.

Bibliographie

Beck Kent, Test-Driven development, Addison-Wesley, 2003.


Beizer Boris, Software Testing Techniques, Van Nostrand Reinhold, 1990.
Binder Robert, Testing Object-Oriented Systems : Models, Patterns, and
Tools, Addison-Wesley Professional, 1998.
Burnstein Ilene, Practical software testing, Springer, 2003.
Caseau Yves, Urbanisation, SOA et BPM – Le point de vue d’un DSI,
4e édition, Dunod, 2011.
Cem Kaner, James Bach, Bret Pettichord, Lessons Learned in Software
Testing: A Context-Driven Approach 1st Edition John Wiley & Sons, 2011
Friedman Michael, Voas Jeffrey, Software assessment : Reliability, Safety,
Testability, John Wiley & Sons, 1995.
Gilb Tom, Graham Dorothy, Software inspection, Addison Wesley, 1996.
Hetzel William, The complete guide to software testing, John Wiley & Sons,
1988 (existe en version électronique).
Jorgensen Paul C., Software Testing : A Craftsman’s Approach, 4th Edition,
CRC Press, 2013.
Legeard Bruno, Utting Mark Practical Model-Based Testing: A Tools
Approach, Elsevier S&T, 2006
Legeard Bruno, Bouquet Fabrice, Pickaert Natacha, Industrialiser le test
fonctionnel – Des exigences métier au référentiel de tests automatisés,
2e édition, Dunod, 2011.
B.Mesdon, Les points de fonctions en ingénierie logicielle, Hermès 2012.
Myers Glenford, The art of software testing, 2nd edition, John Wiley &Sons,
2004.
Perry William, A structured approach to systems testing, 2nd edition, QED
Information Sciences, 1988.
Perry William, Effective methods for software testing, 3rd edition, John Wiley
&Sons, 2006.
Printz Jacques, Architecture logicielle – Concevoir des applications simples,
sûres et adaptables, 3e édition, Dunod, 2012.
Printz Jacques, Mesdon Bernard, Trèves Nicolas, Estimation des projets de
l'entreprise numérique, Hermès-Lavoisier, 2013.
Willcock Colin & alii, An Introduction to TCCN-3[1], John Wiley & Sons,
2005.
Notes
[1] TTCN signifie Tree and Tabular Combined Notation ; c’est un langage
de test utilisé dans le monde des télécommunications et normalisé par l’IUT,
en complément du langage de spécification SDL.
Index

all pairs, 83, 85


all singles, 82
analyse statique de code, 69
application client-serveur
déploiement, 130
architecture
critère de simplicité, 15
testable, 14
besoin
phase d’analyse, 11
phase d’expression, 10
Boîte
blanche, 47
grise, 49
noire, 48
bouchons, 29, 31
buddy check, 75
classes d’équivalence
construction, 89
invalides, 87
valides, 86
COACH de XP, 21
composants
à état, 95
notion de, 28
conception
détaillée, phase de, 16
globale, phase de, 13
coût, 140
CQFD, 139
critère de couverture
ACU, 114, 115
ACU + P, 120, 121
AD, 118, 119
ADUP, 126, 127
APU, 116, 117
APU + C, 122, 123
AU, 124, 125
LCSAJ, 111
MC/DC, 109
PLCS, 112
sévérité, 128
tous les chemins, 102
tous les i-chemins, 110
toutes les branches, 104
toutes les conditions, 105
toutes les conditions multiples, 107
toutes les conditions-décisions, 106
toutes les conditions-décisions modifiées (MC/DC), 108
toutes les décisions, 103
toutes les instructions, 101
cycle
de vie, 8
de vie (projet XP), 22
en V, 7
débogage, 54
délai, 143
développement
agile, 17
itératif « UP », 18
itératif « XP », 20
diagramme états transitions, 97
construction, 99
format général, 98
fonctionnalités, 142
graphe
de contrôle, 66, 100
de flots de données, 67, 113
indépendance métier et plate-forme, 129
inspection, 74, 77
intégrat, 131
aspect modulaire, 133
aspects fonctionnels, 134
attributs indispensables, 132
structure fine, 137
intégration
risques et difficultés, 135
verticale, 136
jeux de tests, 81, 84, 88
machine à état, 96
mesure du logiciel, 72
métriques, 70
mort par entropie (terminaison), 25
mutant, 61
phase
de conception, 9
de planification, 24
d’exploration, 23
pilotes, 30
Planifier les tests, 138
projet UP, 19
qualimétrie, 71
qualité, 141
rapport d’inspection, 78
résultats (contrôle des ~), 5
révisions, 144
revue, 73
souches, 32
spécifications fonctionnelles (phase de ~), 12
stratégie
du Big Bang, 35
incrémentale, 37
par lots fonctionnels, 36
stubs, 33
table de décision, 92, 93
format, 94
techniques
aléatoires, 58
Boîte blanche, 64
Boîte noire, 62
de tests, 56
statiques, choix, 80
test
alpha, 45
aux limites, 91
bêta, 46
Boîte noire, 63
concevoir, 3
conditions de, 4
de composants, 26
de confirmation, 53
de non-régression, 55
de validation, 38
dynamique, 57
dynamique, choix, 79
d’acceptation, 40
d’acceptation (contractuelle), 43
d’acceptation (opérationnelle), 42
d’acceptation (par les utilisateurs), 41
d’acceptation (réglementaires), 44
d’intégration, 34
fonctionnel, 50
non fonctionnel, 51
par mutation, 60
planifier, 1
spécifier, 2
statique, 68
statistique, 59
structurel, 52, 65
système, 39
unitaire, 27
tester aux limites, 90
traçabilité (matrice de ~), 6
walkthrough, 76
Table des matières
Avant-propos
Chapitre 1. Quelques idées essentielles sur les tests
1.1. Chaîne de l’erreur
1.2. Rôle des tests
1.3. Les sept principes généraux des tests
1.3.1. Principe 1 – Les tests montrent la présence de défauts
1.3.2. Principe 2 – Les tests exhaustifs sont impossibles
1.3.3. Principe 3 – Tester tôt
1.3.4. Principe 4 – Regroupement des défauts
1.3.5. Principe 5 – Le paradoxe du pesticide
1.3.6. Principe 6 – Les tests dépendent du contexte
1.3.7. Principe 7 – L’illusion de l’absence de défaut
1.4. Processus et psychologie liés aux tests
Chapitre 2. Tester à chaque niveau du cycle de vie
2.1. Les différents modèles de développement
2.2. Préparer les tests lors des phases de conception du cycle en V
2.2.1. Préparer les tests lors des phases d’expression et
d’analyse du besoin
2.2.2. Préparer les tests lors de l’écriture des spécifications
fonctionnelles
2.2.3. Préparer les tests lors de la conception
globaleconception:globale, phase de
2.2.4. Préparer les tests lors de la conception détaillée
2.3. Les tests et les modèles itératifs
2.3.1. Le développement itératif
« UP »développement:itératif « UP »
2.3.2. Le développement itératif
« XP »développement:itératif « XP »
2.4. Les différents niveaux de test
2.4.1. Le test de composantstest:de composants ou tests
unitairestest:unitaire
2.4.2. Le test d’intégrationtest:d’intégration
2.4.3. Les tests système et les tests de validation
2.4.4. Les tests d’acceptation, tests alpha et tests bêta
2.5. Les différents types de tests
2.5.1. Tests fonctionnels versus tests non fonctionnels
2.5.2. Tests liés au changement et tests de non-régression
2.6. Conclusion
Chapitre 3. Tester efficacement : les différentes stratégies
3.1. Aperçu des stratégies de tests dynamiques
3.1.1. Techniques aléatoirestechniques:aléatoires
3.1.2. Techniques Boîte noiretechniques:Boîte noire
3.1.3. Techniques Boîte blanchetechniques:Boîte blanche
3.2. Aperçu des stratégies de tests statiques
3.2.1. L’analyse statique de codeanalyse statique de code
3.2.2. L’utilisation de métriques
3.3. Revue de code, revue technique, inspection
3.3.1. Revue de type « buddy check »
3.3.2. Revue de type « walkthrough »
3.3.3. Revue de type « inspectioninspection »
3.4. Le processus d’inspection en six étapes
3.4.1. Plan type du rapport d’inspectionrapport d’inspection
3.4.2. Choisir un type de revue
3.4.3. Processus de revue : conclusion
3.5. Tests dynamiques versus tests statiques : synthèse
3.5.1. Choisir une technique de tests dynamiques
3.5.2. Choisir une technique de tests statiques
3.6. Conclusion
Chapitre 4. Concevoir efficacement des jeux de tests grâce aux
spécifications
4.1. Réduire le combinatoire avec les techniques All Singlesall
singles et All Pairsall pairs
4.1.1. Principes
4.1.2. Illustration
4.1.3. Commentaires
4.2. Tester grâce aux classes d’équivalence
4.2.1. Principes
4.2.2. Utilisation des classes d’équivalence
4.2.3. Construction des classes d’équivalenceclasses
d’équivalence:construction
4.2.4. Illustration
4.2.5. Commentaires
4.3. Tester aux limitestester aux limites
4.3.1. Principes
4.3.2. Prise en compte de contraintes liant les paramètres
4.3.3. Illustration
4.3.4. Commentaires
4.4. Tester grâce à une table de décisiontable de décision
4.4.1. Principes
4.4.2. Format d’une table de décisiontable de décision:format
4.4.3. Construction et simplification d’une table de décision
4.4.4. Illustration : le problème des triangles
4.4.5. Illustration : le problème du calcul du lendemain
4.4.6. Commentaires
4.5. Utiliser un diagramme « états transitions »
4.5.1. Principes
4.5.2. Format général d’un diagramme états
transitionsdiagramme états transitions:format général
4.5.3. Construction d’un diagramme états
transitionsdiagramme états transitions:construction
4.5.4. Construction des séquences de test
4.5.5. Commentaires
4.6. Conclusion
Chapitre 5. Utiliser les détails d’implémentation dans les tests
5.1. Définir des objectifs de couvertures par rapport au flot de
contrôle
5.1.1. Principes
5.1.2. Construire et utiliser un graphe de contrôle
5.1.3. Critère de couverturecritère de couverture:toutes les
instructions « toutes les instructions »
5.1.4. Critère de couverturecritère de couverture:tous les
chemins « tous les chemins »
5.1.5. Critère de couverturecritère de couverture:toutes les
décisionscritère de couverture:toutes les branches « toutes les
branches ou toutes les décisions »
5.1.6. Critère de couverturecritère de couverture:toutes les
conditions « toutes les conditions »
5.1.7. Critère de couverturecritère de couverture:toutes les
conditions-décisions « toutes les conditions – décisions »
5.1.8. Critère de couverturecritère de couverture:toutes les
conditions multiples « toutes les conditions multiples »
5.1.9. Critère de couverturecritère de couverture:toutes les
conditions-décisions modifiées (MC/DC) « toutes les
conditions – décisions modifiées (MC/DC) »
5.1.10. Critère de couverturecritère de couverture:tous les i-
chemins « tous les i-chemins »
5.1.11. Autres critères de couverture basés sur le flot de
contrôle
5.2. Définir des objectifs de couvertures par rapport au flot de
données
5.2.1. Principes
5.2.2. Construire et utiliser un graphe de flots de
donnéesgraphe:de flots de données
5.2.3. Séquences caractéristiques et utilisation statique de
l’étiquetage des nœuds
5.2.4. Critères de couverture associés aux flots de données
5.3. Trouver les jeux de valeurs satisfaisant un critère de
couverture
5.4. Conclusion
Chapitre 6. Processus et tests d’intégration
6.1. L’intégration dans le cycle de vie
6.2. Intégration dans une architecture client/serveur
6.3. Notion d’intégrat
6.4. Difficultés et risques de l’intégrationintégration:risques et
difficultés
6.4.1. Intégration verticaleintégration:verticale
6.4.2. Intégration continue
6.5. Mécanique du processus d’intégration
6.6. Dynamique du processus d’intégration
6.6.1. Rappel sur la mécanique du procédé de construction
6.6.2. La machine à intégrer
6.6.3. Retour sur l’intégration continue
6.6.4. Intégration et gestion de configuration
6.6.5. Intégration dynamique
6.7. Stratégie d’intégration pour la validation, la vérification et
l’intégration
6.8. Résumé des règles de la dynamique du processus
d’intégration
6.8.1. Règle N° 1 – Vitesse d’écriture des tests
6.8.2. Règle N° 2 – Nombre de tests
6.8.3. Règle N° 3 – Effort de vérification des résultats
6.8.4. Règle N° 4 – Effort pour la gestion des configurations
6.8.5. Règle N° 5 – Effort de non-régression
6.8.6. Règle N° 6 – Automatisation des tests
6.8.7. Règle N° 7 – Simplification et réduction de la
complexité du processus d’intégration
Chapitre 7. Gérer les tests
7.1. Organisation des tests et répartition des rôles
7.1.1. Choix des types de tests à effectuer
7.1.2. Les différents acteurs
7.2. Planifier les testsPlanifier les tests
7.3. Définir et évaluer les critères de sorties
7.4. Estimer l’effort de test
7.5. Gérer les tests en configuration
7.6. Conclusion
Chapitre 8. Outils pour les tests
8.1. Typologie attendue des outils de tests
8.2. Les grandes familles d’outils
8.2.1. Outils pour les tests statiques
8.2.2. Outils d’aide à l’exécution des tests dynamiques
8.2.3. Outils d’appui à la gestion des tests
8.3. Conclusion
Chapitre 9. Génération automatique de jeux de test
9.1. Générer des tests à partir de modèles
9.1.1. Principes
9.1.2. Outils disponibles
9.1.3. Avantages / Inconvénients
9.2. Générer des tests à partir du code
9.2.1. Utilisation d’une version de référence
9.2.2. Utilisation d’une version incomplète ou partiellement
testée
9.2.3. Outils disponibles
9.2.4. Avantages / Inconvénients
9.3. Conclusion
Chapitre 10. Tester des systèmes interactifs
10.1. Test des systèmes embarqués
10.1.1. Isolation et test des composants ou des sous-systèmes
10.1.2. Test des interactions
10.1.3. Test système et de validation
10.1.4. Normes et standards
10.2. Test des services Web
10.3. Conclusion
Chapitre 11. Les tests, une nouvelle mesure de complexité
11.1. Introduction
11.2. Terminologie
11.3. Le puzzle de l’intégration
11.3.1. Le vrai sens de l’intégration
11.3.2. Unité de sens/compréhension – Performance des
programmeurs
11.3.3. Nombre de pièces à intégrer – Combinatoires
11.3.4. Ebauche d’une typologie des pièces à intégrer
11.3.5. Le problème de l’intégration
11.4. L’organisation de l’intégration
11.5. Mesurer la complexité par les tests d’intégration
11.6. Recommandations et bonnes pratiques
11.7. Bibliographie du chapitre
Conclusion
Exemple de QCM
Bibliographie
Index

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