Réception de La Novela de Mi Vida en France

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C.

 LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

Quelques éléments de réflexion autour de la


réception de La novela de mi vida (Leonardo
Padura) en France

CAROLINE LEPAGE
(AVEC LA COLLABORATION DE DIANA GIL HERRERO ET D'ÉLODIE PEETERS)
U N I V E R S I T É P A R I S N A N T E R R E –  UR É T U D E S R O M A N E S   /
CRIIA  /  HLH
c.lepage@parisnanterre.fr

1. Quand la traduction de La novela de mi vida (2002) sort en France,


en 2003, aux éditions Métailié, dans une traduction d’Elena Zayas et sous le
titre Le Palmier et l’étoile, l’auteur, Leonardo Padura n’est pas un inconnu,
loin de là. Avec sa fameuse tétralogie havanaise 1 et un premier sequel2, il a
déjà conquis une très enviable réputation. Aujourd’hui, 18 ans plus tard,
pour reprendre Émilie Guyard introduisant le colloque international
« Roman noir et journalisme : enquête de vérité », organisé par l’Université
de Pau et des Pays de l’Adour en 2019 : « […] on ne présente plus Leonardo
Padura, qui est aujourd’hui l’un des écrivains latino-américains les plus
célèbres » (en ligne : 2:26). Ce que confirme, entre autres critères, les prix
qui lui ont été décernés par les Français, notamment le Roger-Caillois 2011.
2. Les contours de la réception à la fois de son œuvre et de son statut
d’auteur, en tant que personne, écrivain et personnage public sont, en effet,
solidement établis, sans beaucoup de voix parasites.
3. On vante globalement chez Padura :
1) ses qualités en tant que personne.

Renée-Clémentine Lucien a évoqué « son naturel affable, sa chaleur et sa


tonicité d’homme caribéen », tandis qu’Adalberto Roque a rapporté une
anecdote « significative » de sa « façon d’être » dans les colonnes de La
Dépêche :

1 Passé parfait (2001) ; Vents de carême (2004) ; Électre à La Havane (1998), L’Automne


à Cuba (2000).
2 Mort d’un chinois à La Havane (2001).

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Aujourd'hui, il a rendez-vous avec un ami maçon pour réparer un auvent


prêt à s'effondrer [...]. La fin de journée sera consacrée à chercher du sable pour
réparer son auvent. Demain, il transportera des gravats avant de se pencher sur
l'entretien des quelques bananiers, corossoliers et citronniers de son petit jar-
din (2017).

2) Ses talents de plume :


• À la fois parmi les universitaires – Paula García Talaván, estime, par
exemple : « Il ne fait aucun doute que la clef du succès que connaît
Leonardo Padura réside dans la richesse de sa prose, extrêmement
soignée » (2017) ;
• parmi les journalistes – Michèle Gazier, de Télérama [reproduit sur le
site des éditions Métailié], s’émerveille devant « une écriture ample,
émouvante et sensuelle » (2003) ;
• et parmi les lecteurs lambda – Eminian a formulé l’avis suivant sur
Amazon : « Je ne suis pas très au fait du monde littéraire, […] en tout cas,
je vous le dis haut et fort, il faut lire Leonardo Padura ! […] il s’agit en fait
de pure littérature » (2019).
3) La création de personnages extrêmement réussis, avec un
franchissement clair de la frontière entre instances du texte et instances du
hors texte, personnages et personnes, en particulier s’agissant du
Lieutenant Mario Conde, autour duquel on peut sans exagérer parler de
véritable Condemania – il serait même question d’un « fans club »
(Mompontet, 2019).
Quelques exemples de ce que disent ces passionnés.
notre détective préféré, Mario Conde (Mompontet, 2019) 

notre cher Mario […] (Bazart, Babelio, 2019) ;

Conde […] est attachant (Carre, Babelio, 2012) ;

Conde est devenu mon copain (Tessier, Chantiers de Culture, 2019) ;

Tout d'abord, il y a eu un coup de foudre pour […] Mario Conde […] (Stel-


phique, Babelio, 2019) ;

4) La capacité à exprimer l’identité, voire l’âme cubaine.


Que de souvenirs, ces souvenirs qui me hantent et me laissent songeuse,
recherchant encore et toujours l'odeur, le bruit, la musique, de la Havane et de
Cuba… Merci, Monsieur Padura ! (Christine Beausson, Babelio, 2020) ;

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J’aime tout particulièrement tous les passages consacrés à ces soirées débor-
dantes d’amitié, d’amour, arrosées de rhum et nourries des plats savoureux de
Josefina (sur le blog La livrophage, 2014).

4. Au point que Padura devient le meilleur ambassadeur de l’île :


Chaque page est une poésie qui donne envie de s'envoler vers une Cuba
trouble et fascinante (Stéphane, Fnac, 2016).

Nul meilleur guide que Leonardo Padura et ses enquêtes policières pour
découvrir les recoins les plus secrets de la vie cubaine, et c’est avec l’inspecteur
Mario Conde qu’il faut absolument visiter le Barrio Chino de La Havane (Pierre
Laye, Pensée sur la planète, 2016).

5. Philippe Lançon résume : « l’œuvre de Padura incarne l’histoire de


l’île » (Lançon, 2016).
5) La construction d’un vrai portrait de la réalité sociale de l’île.
Pour Lizette Mora :
En la literatura de Padura, tenemos un medio de encuentro con lo real, con
aquello que tuvo “un efecto traumático… pero produjo un efecto beneficioso” en
las letras cubanas para proyectar la realidad cubana en el exterior… (Mora,
2017).

6) Le courage de formuler les critiques qu’il faut, et comme il faut, du


régime, que ce soit en tant que citoyen ou en tant qu’écrivain.
Thierry Clermont considère, pour Le Figaro, que : « Leonardo Padura […]
ne s'est jamais privé de critiquer le régime castriste, dans la presse
étrangère » (2015).
Dans une présentation sur France Culture intitulée « Pâte molle et
dissidence », Antoine Guillot estime : « C’est sûr que si Padura se contentait
d’écrire fadement sur du fromage de la même eau, il aurait moins
d’ennuis… » (2014).
Renée-Clémentine Lucien observe, elle :
[…] un indéniable rayonnement et sa liberté d’expression manifeste dans nos
échanges sur sa conception de la littérature et des spécificités de celle-ci à Cuba,
dans un pays où la presse est limitée ; ils ne se seraient pas épanouis sans un
franc-parler qui vous met à votre aise tout en vous plongeant dans une certaine
perplexité car il va à l’encontre même de l’idée qui prévaut communément que
les verrouillages à l’œuvre dans la société cubaine brouillent toute vision critique
du monde environnant (2017).

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À propos de la tétralogie, Néstor Ponce a fait l’analyse suivante :


Autour du Conde, nous retrouvons ses anciens camarades d’études. Chacun
d’entre eux fonctionne, du point du vue narratif, comme une clef pour aborder
les aspects traumatisants de l’histoire cubaine récente. Ces personnages, plus ou
moins intégrés à un moment de leur vie au système, qui partagent le même
“panthéon laïc”, ont comme point commun un regard critique vis-à-vis du
régime, la reconnaissance de ses réalisations mais aussi la conscience de ses
échecs, échecs aggravés par une version de l’histoire – et du présent – qui a été
faussée, l’utilisation d’un langage qui, jouant sur l’affectif, construit une critique
politique. Ils occupent ainsi un territoire de contestation dans la société cubaine,
contestation de l’intérieur qui revendique la mémoire comme source identitaire
populaire. Les rapports de Conde avec les autres policiers permettent de complé-
ter le visage de la société, voire de la démasquer (2010 ; §16).

7) son importance dans l’Histoire littéraire cubaine, en l’occurrence en


tant que père du néo-polar cubain. Julie Malaure estime, pour Le Point :
Padura, avec son Mario Conde, fait également figure de père d'un nouveau
genre, le polar social. À la façon de Jean-Patrick Manchette avec le “néopolar”
dans la France des années 70, repris par Paco Ignacio Taibo II au Mexique, l'ar-
rivée de Padura dans la sphère littéraire marque un cap (2015).

8) la profondeur lui permettant de mener une réflexion sur la littérature


dans ce qu’elle peut apporter à la compréhension du réel en général, au-
delà du seul cas cubain : « Desde la ficción Padura muestra los desafíos y
los límites en la búsqueda de la verdad, una impecable exploración de la
historia y sus modos de contarla » (Darío Villanueva, 2015). Dans Le
Nouveau Magazine Littéraire, Jacinta Cremades n’a pas hésité à aller
jusqu’au dithyrambe, estimant que Padura « parle certes de son pays,
mais, sous l'écume des Caraïbes, c'est toute l'humanité qui
frémit » (2019).

6. Une très enviable réputation, en effet, et, surtout, au début des années
2000 déjà, une voie confortablement tracée pour satisfaire un public désor-
mais captif. Sauf que Padura l’a dit lui-même : « Au début, l'unité de style et
de structure des romans de Mario Conde me convenait, mais à partir d'un
moment, c'est devenu une prison » (Padura – Paranagua, 2014).
7. Sensation d’enfermement, donc…, ambition légitime de se renouveler
et d’élargir ses horizons. Un défi pour soi-même en tant qu’écrivain et un
pari risqué vis-à-vis de son lectorat pour un auteur entré dans le monde des
lettres avec une série à succès, a fortiori dans un sous-genre aussi « popu-

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laire » que le roman policier, et ayant fait des lectrices et des lecteurs
adeptes.
8. Car que pouvait-il y avoir ensuite, en soi et alors qu’on quittait le pro-
tagoniste de la tétralogie arrivé au terme de son supposé dessillement sur la
réalité cubaine, enfermé chez lui à double tour, désormais bien décidé à
faire la sourde oreille aux fracas d’un monde en pleine destruction et à
écrire, enfin, une histoire « escuálida » et « conmovedora » ancrée dans ce
fameux passé parfait et autocentré ?
9. Voici comment se termine L’Automne à Cuba :
Et le Conde écrivait, confiant que cette histoire de policier, de jeune homme
blessé, de gamin qui avait voulu être un grand joueur de base-ball et était tombé
amoureux d’une femme qui avait dix ans de plus que lui, d’un type acharné à
réécrire l’histoire, d’une femme belle, mince mais avec des fesses de pierre, d’un
écrivain que son environnement avait transformé en pute, et de toute une géné-
ration cachée, pourrait être tellement dépouillée et émouvante que même le
désastre de ce jour d’octobre et de tous les autres jours de l’année, ne pourraient
vaincre l’acte magique consistant à extraire de son cerveau cette chronologie de
douleur et d’amour, vécue à une époque tellement lointaine que la mémoire
essayait de la dessiner avec des traits plus doux, jusqu’à la faire paraître presque
bucolique. Plus que parfait  : oui, c’est ainsi qu’il l’intitulerait, se dit-il, et un
autre bruit assourdissant, provenant de la rue, avertit l’écrivain que la destruc-
tion se poursuivait, mais il se contenta de changer de feuille pour commencer un
nouveau paragraphe, car la fin du monde était proche mais toujours pas là : il
restait la mémoire (Padura, 1999 ; 233) (c’est nous qui soulignons).

10. Une boucle bel et bien bouclée, l’automne et le présent imparfait de la


« fin » débouchant et se fondant sur / dans l’hiver et le passé parfait du
« début », désormais transformé en matière d’écriture… – d’aucunes et
d’aucuns pourront toujours se demander s’il s’agissait d’échapper aux
souillures de la réalité à venir.
11. Ce qu’il y eut ensuite pour la France, après le négligeable sequel que
représentait Mort d’un Chinois à La Havane (2001), ce fut justement
d’abord Le Palmier et l’étoile (Adiós Hemingway ne parut chez Métailié
qu’en 2005), dont Padura a affirmé, en 2014, qu’il restait son « ouvrage
préféré » (Padura - Paranagua, 2014)… Un monde fictionnel 1) sans plus de
Conde, de son groupe d’amis, de Josefina…, de ses collègues, les efficaces,
sympathiques et dévoués policiers ; 2) sans plus d’enquêtes-redressages de
torts et de punitions contre les divers « hijos de puta » (un leimotiv ; avec
pas moins de 44 occurrences pour l’ensemble de la tétralogie) du régime
castriste, les « méchants » dévoyeurs de Révolution et pervertisseurs de

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bons et braves révolutionnaires… et 3) sans plus d’addictives ritournelles


d’un univers dont le charme et la force reposent, en effet, en bonne partie
sur les personnages, mais aussi, plus globalement, sur la réduplication
constante, de l’ordre de ces rituels qui agrémentent les délices de la lecture
dans un rapport « sainement » enfantin avec la littérature.
12. Suppressions et « changements » qui, côté lectorat, devaient / doivent
logiquement faire réagir (aujourd’hui, il en ira de même pour ceux qui
auront découvert Padura avec la tétralogie).
13. Les attentes étaient (ou sont) parfois grandes et, dans certains cas,
plus surprenantes qu’attendu. Sur le Forum Des choses à lire, Chamaco a
ainsi écrit :
Avant d'entamer Le Palmier et l'étoile, j'ai une sourde inquiétude, quel sera
le Padura que je vais aborder, sera-ce celui d’Adiós Hemingway ou de Mort d'un
Chinois à la Havane, celui des touristes, qui n'aborde pas à fond les sujets, mais
les effleure, celui que j'appellerai le « mais presque » qui ne s'avance pas trop
dans la politique, se contente de faire des enquêtes sans trop en faire, qui n'est
pas policier « mais presque », ou bien aurai-je à faire à celui d'Électre à La
Havane  […] qui fouille son sujet, le documente et nous entraîne dans une his-
toire passionnante… (2016).

14. Certains avis ont été extrêmement positifs sur le roman : « Vers la fin,
on se surprend à le reposer pour ne pas le terminer trop tôt, pour rester
encore un peu sous le frémissement des palmes » (Stefek, Amazon, 2012) ;
15. D’autres moins.
16. Sur le site de la Fnac, Annie, par exemple, ne s’est guère montrée
enthousiaste : « Trop fouilli, je n'ai pas accroché. J'ai pourtant pris beau-
coup de plaisir à lire ses autres romans » (2013).
17. Sur Sens Critique, Henri Mesquida Jr avoue :
C'est bien trop long. Et finalement je me suis ennuyé, peut-être parce que
cette triple histoire tournant autour de la création de l'identité cubaine m'a sem-
blé trop… cubaine et que je n'ai pas pu y trouver d'universalité. J'ai fini par avoir
l'impression de lire une anecdote et par perdre l'intérêt (2015).

18. Mais, surtout, globalement, Le Palmier et l’étoile n’a clairement pas


emporté et continue de ne pas emporter la même adhésion que la tétralogie.
19. Sur Babelio, par exemple, on trouve à ce jour 128 évaluations et
30 avis pour Passé parfait, 79 évaluations et 18 avis pour Vents de carême,
102 évaluations et 13 avis pour Électre à la Havane, 79 évaluations et

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18 avis pour L’automne à Cuba… contre seulement 29 évaluations et 5 avis


pour Le Palmier et l’étoile. Significativement, Adiós Hemingway, qui
marque le « retour » de Conde pour le public français, en 2005, a comptabi-
lisé 100 évaluations et 23 avis, tandis que pour La transparence du temps,
publié en 2019, ce sont 110 évaluations et 43 avis.
20. À quoi il faut ajouter que certains lecteurs ont exprimé leur satisfac-
tion – voire quasiment leur soulagement ? – que la « parenthèse » Le Pal-
mier et l’étoile se referme : « Et voilà qu’enfin nous arrivent des nouvelles
de notre détective préféré, Mario Conde » (Momtpontet, 2019) (c’est nous
qui soulignons).
21. Cependant, la question que nous nous posons ici est la suivante : y a-t-
il autant de suppressions et de « changements » qu’il y paraît entre la tétra-
logie et Le Palmier et l’étoile ? Comprendre : le roman de 2003 marque-t-il
une rupture aussi radicale qu’on pourrait le croire d’avec l’univers condien ?
22. Pour Fabrice Parisot (2021b ; 1) et Sabrina Wajntraub, c’est bel et bien
le cas : « La rupture est claire, tant sur le fond que sur la forme […] La
novela de mi vida inaugure un style qui se diversifie et une structure qui se
complexifie » (2020a ; 4). Au point que : « le livre inaugure déjà à lui seul
un nouveau départ, un nouveau début dans la bibliographie de l’au-
teur » (2020b ; 1).
23. Renée-Clémentine Lucien parle, elle, d’une « inflexion », du moins sur
le plan de la construction de la diégèse (2020 ; 131).
24. D’autres repèrent toutefois de significatifs et signifiants points de
continuité.
25. Nelly Le Naour valorise le rôle unificateur joué par la ville de La
Havane :
[…] elle est le cadre référentiel de toutes les intrigues mettant en scène le
célèbre Lieutenant de police – qui deviendra vendeur de livres d’occasion –,
Mario Conde, et elle est un espace de prédilection dans La novela de mi
vida  (2002) puisque deux des trois récits qui constituent ce roman polypho-
nique s’y déroulent, en partie du moins (2020 ; 1).

26. Les rues havanaises jalonnent et construisent, en effet, partiellement


le sens de la tétralogie, à travers le contraste entre ce qu’elles étaient jadis, à
l’époque du « passé parfait », pour l’enfant et l’adolescent Mario, c’est-à-

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dire le lieu du bonheur absolu3, et ce qu’elles sont devenues dans le présent


(on le trouve dès la séquence 2 de Passé parfait4).
27. Elena Zayas explique, à propos de l’impact et du rôle que cette ville
aura eu sur le jeune Heredia :
[…] dès les premières lignes de ses mémoires, la fascination qu’exerça La
Havane sur l’adolescent est tout à fait remarquable. Grâce à sa toute nouvelle
liberté (il a une quinzaine d’années), il découvre la vie et la sensualité de la
ville (Zayas, 2020b ; 4).

28. Ce que l’on peut mettre en contraste avec le regard qu’Heredia porte
sur sa ville au moment de son ultime retour dans l’île :
Le soir commençait à peine à tomber et, pour passer le temps, je déambulai
dans la ville que je trouvai fort changée. […] En proie à l’incertitude, je dépassai
l’enceinte de la ville et là où s’était jadis élevée la maison de Madame Anne-Ma-
rie, je ne trouvai qu’un sinistre terrain vague à côté de ce qui était le début d’une
longue promenade en construction qui porterait le nom de Tacón. Désarmé par
l’absence des derniers vestiges de cet endroit vers lequel je m’étais toujours
acheminé comme vers un sanctuaire, je pris une quelconque direction et à
quelques pâtés de maisons je trouvai la structure déjà construite du nouveau
théâtre que le capitaine général avait fait édifier et qui, comme la promenade,
porterait aussi son nom. La ville que je connaissais si bien commençait à échap-
per à mes vieilles références, à me voler mes nostalgies et à me prévenir de ma
condition : je venais d’ailleurs et j’étais presque un étranger dans mon propre
pays (Padura, 2003 ; 323-324).

29. Si Conde évoquait modestement Mantilla dans « Los domingos » et si


le poète romantique naissant avait fait de La Havane la matière de ses pre-
miers écrits, pour l’Heredia devenant adulte, elle est sa première et plus
puissante muse, la poésie même. Pour Fernando Terry lecteur d’Heredia :
« La poésie a traduit La Havane / Cuba pour Fernando, la lui a fait perce-
voir et comprendre depuis son essentielle et profonde littéralité, comme si
la Havane était Cuba et comme si Cuba était la littérature » (Lepage,
2020c ; 13).

3 Dont la nouvelle autobiographique « Los domingos » était l’expression ; écrite par un


tout jeune Mario, elle narrait la frustration d’un garçon obligé par sa mère d’aller à
l’église le dimanche matin alors qu’il aurait tellement eu envie de s’enfuir de chez lui pour
« traînailler dans le quartier » (Padura, 2001 ; 54) et retrouver ses amis pour se lancer
dans d’interminables parties de base-ball.
4 « Avec une nostalgie qui ne lui était déjà que trop familière, le Conde regarda la Calzada,
les poubelles en éruption, les papiers des pizzas à emporter soulevés par le vent, le
terrain vague où il avait appris à jouer au base-ball transformé en décharge où le garage
du coin se débarrassait de tout ce qui ne servait plus. Et maintenant, où est-ce qu’on
apprend à jouer au base-ball ?… » (2001 ; 17).

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30. De ce point de vue-là, on mesure le lien existant entre Conde et l’Here-


dia de Padura. On voit de quelle façon cette version du poète constitue sur-
tout, c’est-à-dire par-delà le portrait d’un personnage historique, une étape
dans l’élaboration d’un protagoniste idéal pour l’auteur depuis l’archétype
d’Andrés dans le tout premier roman, Fiebre de caballos (1988), malheu-
reusement encore inédit en France…, dont on peut estimer que, d’une
manière ou d’une autre, tous les suivants n’auront jamais été que des décli-
naisons / peaufinements, Conde compris. Pour ne prendre que son cas, on
aurait tort, à notre avis, de considérer qu’il s’agit d’un personnage uniforme
et linéaire. Les étroites continuités – assurées par toute une série de leitmo-
tivs, des motifs ou des dialogues, en particulier – entre les différents volets
de la série et de ses prolongements ne devraient pas cacher qu’il y a, en réa-
lité, plusieurs versions de cette figure, pas seulement déclinée à travers la
distribution adolescent / adulte / adulte vieillissant, policier / vendeur de
livres anciens / écrivain frustré… Le nom, Conde, n’est sans doute qu’une
simple étiquette, plus ou moins cohérente, plus ou moins convaincante
dans sa fonction englobante et unificatrice – car il y a derrière « Conde »
autant de mutations du « je » auctorial qui s’y cherche, s’y exprime et fina-
lement s’y réinvente lui-même dans le mythe et la légende, en une pratique
autobiographique constante et originale.
31. Clara Dauler, Cécile Marchand, Benoît Coquil et Elena Zayas portent
justement une attention particulière aux liens qui unissent les personnages,
leur « activité », leur trajectoire et leur psychologie.
32. Clara Dauler retient que Mario Conde et Fernando Terry sont, l’un
comme l’autre, lancés dans une quête-enquête : « le doctorant Fernando
Terry assume le rôle du détective qui enquête sur la disparition des
mémoires de José María Heredia. Il fait ainsi écho à Mario Conde, le prota-
goniste des romans policiers de Leonardo Padura » (Dauler, 2020 ; 9).
33. Une quête-enquête générée par une obsession à l’égard de la
mémoire (« esta prevalecencia de la Memoria en esta novela [Le Palmier et
l’étoile] no es nada aislada en la narrativa paduriana [...] el máximo repre-
sentante de la afición al recuerdo es Mario Conde, figura fetiche de Leo-
nardo Padura… » [Marchand, 2020 ; 7]) et motivée par la recherche de la
vérité, comme le démontre Cécile Marchand :
La vérité, au cœur de toute enquête policière, constitue une préoccupation
constante du détective Mario Conde, personnage fétiche de l’écrivain cubain
Leonardo Padura, auquel sont consacrés bon nombre de romans de celui-ci.

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Cependant, il est une œuvre dans laquelle n’apparaît pas el Conde mais qui se
trouve traversée par la ligne conductrice de la vérité, intitulée La novela de mi
vida et publiée en 2002 […] (2015).

34. Benoît Coquil s’appuie sur l’élément complémentaire que Conde et


Terry appartiennent à la même génération : « Cette génération qui est la
sienne, mais aussi celle de plusieurs de ses personnages majeurs (Mario
Conde, Iván Cárdenas dans El hombre que amaba a los perros et Fernando
Terry) » (2020 ; 1).
35. Padura déclare d’ailleurs à ce sujet : « Fernando y Conde […] se cono-
cen incluso » (Parisot, 2021a ; 6). Une relation sur laquelle il prendra
d’ailleurs la peine de revenir pour la sceller encore plus étroitement dans
La Transparencia del tiempo ; Miki-Cara-de-Jeva déclare ainsi à Conde :
« “Antes, por saber que otro se iba y no decirlo, te cortaban la luz y el agua.
Si no, acuérdate de lo que le pasó a tu amigo Fernando Terry” » (Padura,
2018 ; 297).
36. Au-delà du seul Conde, ce sont, plus largement, les groupes d’amis de
l’un et l’autre qui se ressemblent… et peu importe, ou presque, que les per-
sonnages s’appellent, d’un côté, le protagoniste, Conde, un écrivain frustré,
ses amis d’enfance, Flaco, Conejo, Andrés, Candito el Rojo, Miki-Cara-de-
Jeva, et la « fille », l’inatteignable Tamara… et, de l’autre, le protagoniste,
Fernando Terry, un écrivain frustré, ses amis d’enfance, les « Socarrones »,
Arcadio, Enrique, Víctor, Tomás, Álvaro et la « fille », l’inatteignable Del-
fina… Un schéma et un système équivalents, destinés à porter les mêmes
représentations et le même message, à, donc, quelques variations circons-
tancielles près.
37. Padura a expliqué :
[…] je pense que la caractéristique de mes livres c’est celle d’une perspective
générationnelle de ce qu’a été la vie à Cuba très marquée, avec le personnage de
Mario Conde et dans les romans où il n’apparaît pas ; dans Le roman de ma vie,
L’homme qui aimait les chiens ou dans toute la partie de Hérétiques ou Mario
Conde n’est pas protagoniste, cette perspective générationnelle est toujours pré-
sente, il y a toujours ce personnage de ma génération lié à l’une ou l’autre évolu-
tion de la société cubaine et un concept que je continue à exploiter aujourd’hui
dans un roman en cours d’écriture, en ce moment même, qu’est la relation d’un
groupe d’amis, l’importance qu’a eu cette communauté d’intérêts, d’expériences,
de perspectives, que ma génération a vécu, qui a été grégaire comme nous le
sommes nous les cubains, ce qui est l’empreinte de notre généra-
tion (Padura – Palma Tejas, 2019).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

38. Elena Zayas décrit ce qui, à ce titre, rapproche tous ces personnages, à
savoir le trait commun d’une profonde mélancolie et d’un tenace désen-
chantement à l’égard des idéaux, de la Révolution entre autres ou, plus
exactement, de la Révolution comme symptôme le plus visible et le plus
extrême des illusions perdues de la jeunesse :
le personnage de Mario Conde se réfugie dans ses souvenirs d'une époque
idéalisée, non seulement parce qu’elle correspond à sa jeunesse, mais aussi au
rêve, en grande partie concrétisé dans les premières années, d’une société issue
du mouvement révolutionnaire où tout semblait encore possible […] Ce précé-
dent thématique dans l’œuvre de L. Padura va s'épanouir dans son roman La
novela de mi vida, où cette problématique de l'imbrication de deux territoires
rêvés se développe au point d’offrir une des lectures possibles du
roman (2020b ; 2).

39. Raison pour laquelle, selon Benoît Coquil, aussi bien Conde que Terry,
se retirent dans la littérature et dans l’hétérotopie de la bibliothèque comme
sanctuaire (Coquil, 2020 ; 11).
40. Et, sans doute le plus important : l’écriture. Comme le signale Cécile
Marchand : « y es de notar que como le pasó al héroe recurrente de las otras
novelas de Padura, Mario Conde, Terry vuelve a escribir en un momento
bisagra para él » (2020 ; 5).
41. Il faut ajouter la co-présence du thème de l’exil, que l’on trouve à la
fois dans la tétralogie (prioritairement dans Électre à La Havane) et, évi-
demment, dans Le Palmier et l’étoile, car comme l’explique Paula García
Talaván : « En cuanto al tema del exilio, cabe decir que es recurrente tanto
en la prosa literaria de Padura como en la periodística » (2021 ; 2).
42. À tout cela on pourrait ajouter une forme de continuité diégétique
extrêmement subtile et très intéressante, car, concrètement, Le Palmier et
l’étoile rapporte ce qui se passe dans la Cuba d’immédiatement après la
scène de clôture de L’Automne à Cuba : Terry revient dans l’île en 1998,
c’est-à-dire la date à laquelle Padura achève l’écriture de L’Automne à
Cuba. Et, plus encore, la date où il se plonge très précisément dans ce
qu’évoquait Conde comme seul temps et comme seule espace possibles
dans les dernières lignes de la tétralogie : ce qu’il « restait », à savoir « la
mémoire » (« il restait la mémoire » [Padura, 1999 ; 233]) – la mémoire du
protagoniste, des membres de sa génération et, encore plus globalement, du
peuple cubain. Avec, dans la ligne Fernando Terry un retour-quête-enquête
sur la jeunesse des enfants de la Révolution, et, surtout, dans les lignes José

Crisol, série numérique - 13 11


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

María Heredia et José de Jesús Heredia, un retour-quête-enquête sur plus


d’un siècle d’Histoire nationale, de 1803 – date de la naissance du poète – à
1938 – date où le manuscrit de ses mémoires est vendu à l’homme qui le
détruira.
43. Ce qui pose au moins trois questions-clés.
• Premièrement : pourquoi ne pas avoir fait mener cette enquête-là à
Conde, y compris – surtout ? – dans la position, autrement plus
confortable, d’ailleurs, de déserteur des rangs de la police au terme de
L’Automne à Cuba ? Pourquoi, en effet, ne plus avoir compté sur un
enquêteur, au sens littéral du terme, avec, de surcroît, des qualités
avérées dans son domaine ?
Pourquoi avoir, au contraire, opté pour un enquêteur amateur-déserteur,
Terry, éloigné de la réalité cubaine au point d’être quasiment devenu un
étranger, a fortiori peu lucide et légitime, aussi bien dans le passé que
dans le présent, car abondamment montré / démontré :
1) comme perturbé psychologiquement dans les interminables incipit de
Le Palmier et l’étoile, comme longtemps injuste et ingrat – en somme
bien moins aimable que l’« attachant » Conde – ;
2) comme systématiquement dans l’erreur (« un observateur
extrêmement problématique » [Lepage, 2020d ; 8]) quant à ses
déductions et ses accusations dans l’enquête qu’il conduit sur son propre
passé et dans la recherche inquisitoriale qu’il entreprend dans celui de
ses amis-représentants générationnels
et, finalement, 3) comme partiellement coupable (eu égard à son rôle
dans le destin tragique d’Enrique) ?
La réponse n’est certainement pas dans l’utilité d’un décalage
défamiliarisant que pourrait partiellement représenter Terry (avec une
double appartenance intérieure / extérieure) dès lors que c’est, au
contraire, à travers un lent processus de re-cubanisation et de dé-
étrangérisation qu’il retrouvera la lucidité pour voir, entendre et
comprendre de nouveau l’île, juste avant de repartir pour son exil
madrilène.
Pourquoi, donc, ce passage par Terry, tellement tributaire des Cubains de
Cuba pour poursuivre cette recherche dans ce qu’il « restait, la

12 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

mémoire » ?
Pourquoi, in fine, avoir différé à l’étape Les Brumes du passé, publié en
2006, que Conde y revienne ? Fallait-il un processus de métamorphose(s)
du protagoniste padurien idéal – ce que l’on a désigné sous l’étiquette
d’archétype – dans Le Palmier et l’étoile pour que cela devienne possible
depuis la perspective du premier protagoniste dans une autre version,
une sorte de Conde 2 ? Et alors quelle(s) métamorphose(s) ?
S’agissait-il « seulement » que l’auteur se libère de l’emprise de son
personnage par trop limité dans le périmètre de son champ d’action et,
surtout, de sa réception tétralogique ? Ou alors s’agissait-il, tout
simplement, que Conde commence à acquérir / afficher des nouvelles
compétences, notamment dans le domaine de l’Histoire littéraire (c’est
sans doute aussi à cela qu’a servi l’étape intermédiaire de Adiós
Hemingway) ? On pourrait alors considérer le Conde de Les Brumes du
passé et des volumes suivants, comme la mixtion du Conde de la
tétralogie et de Terry, avec un protagoniste, cette fois expérimenté aussi
en tant que chasseur et vendeur de livres anciens et d’Histoire littéraire…
et, dans le même temps, authentiquement cubain et de plus en plus
« attachant » ; Padura se défaisant au passage des velléités des pénibles
(en référence, entre autres, aux nombreuses récurrences du termes
« elucubraciones » présentes dans le roman pour évoquer les souvenirs,
pensées, hypothèses et autre réflexions de Terry) enquêteurs-
exilés / exilés-enquêteurs de retour dans l’île avec des comptes à exiger et
des comptes à régler. À ce titre, Fernando Terry aurait subtilement et très
habilement préparé l'ultime mue et l’ultime justification d’un Conde
mieux équipé, certes, mais aussi et surtout, débarrassé de sa tout de
même problématique identité de représentant des forces de l’ordre. On se
souvient que le Lieutenant a été amplement valorisé dans son rôle de
super flic, le plus efficace de tous et l’un des plus convaincus, malgré qu’il
en ait, de l’indispensabilité de son travail, un efficace rouage du régime,
considérant, par exemple, anodin / banal de solliciter le représentant
d’un CDR (Comité de Défense de la Révolution) pour obtenir des
informations utiles sur un témoin et son entourage. Conde 1 était
encombrant… bien moins fréquentable, sans doute, que Conde 2, que
Conde 3, que Conde 4, etc. Des Conde 2, Conde 3, Conde 4 aptes à
projeter une lumière avantageuse et décapante / décontaminante sur

Crisol, série numérique - 13 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

Conde 1. De ce point de vue-là, Terry occuperait par conséquent une


place et jouerait un rôle forts intéressants dans le continuum de l’univers
fictionnel de Padura.
• Deuxièmement : pourquoi, dans cette quête sur ce qu’il « restait, la
mémoire » avoir eu besoin d’un tel retour en arrière, jusqu’au début du
XIXe siècle ?
À croire que le passé individuel (l’époque du preuniversitario de La
Víbora) et l’action dans la réalité (avec Conde en Lieutenant de police)
ayant radicalement et définitivement montré leur incapacité à offrir non
tant des réponses – cela n’est-il pas secondaire ? – que l’horizon de
perfection recherché (n’est-ce pas le sens des dernières lignes de
L’Automne à Cuba ?), il faut reculer dans le temps bien davantage que
jusqu’à la seule histoire individuelle de l’enfance de Conde et un rapport à
la littérature et à l’écriture plus direct et plus concret pour espérer tracer
les contours stables et viables de cette utopie à laquelle Padura tient tant
et dans laquelle le but est à présent de loger un protagoniste idéal aux
contours mieux tracés. Bien davantage et, en l’occurrence, au sein de
l’Histoire collective, cependant toujours vue depuis une perspective
foncièrement individuelle et, conjointement, depuis une sphère malgré
tout plus confortable et plus aseptisée : la littérature. Une analyse étroite
de l’un et l’autre univers, celui de la tétralogie et celui de Le Palmier et
l’étoile, montre qu’en réalité, il y a clairement duplication, par simple
variation contextuelle et un simple recentrement…
• Troisièmement : à quoi sert, tout court, de déployer encore et encore le
même récit avec le vrai-faux décalage de vrais-faux personnages
nouveaux ? Que traduisent et trahissent ces vraies-fausses ruptures, ces
vraies-fausses continuités ?
Certainement pas un manque d’imagination et de « créativité » – de cela,
Padura ne manque à l’évidence pas. De notre point de vue, il faut les
interpréter comme le prétexte et le moyen de la redite, justement,
l’ambition étant de raconter, de se raconter à soi-même, la même
éternelle histoire, obsessionnelle, la même rengaine lénifiante. Avec, pour
assurer l’efficacité de cet auto-spectacle, l’usage d’une même langue,
extrêmement personnelle / intime5 : celle qui dit le passage du temps,
5 C’est vers cette interprétation que nous tirons la réflexion de Corinne Mencé-Caster à
propos de la langue parlée dans Le Palmier et l’étoile : « […] en définitive, il apparaît que

14 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

prioritairement de l’adolescence à l’âge adulte (avec, notamment, la


découverte des émotions, des émois affectifs et, amplement décrits, des
plaisirs charnels, etc.) et, plus secondairement, de l’âge adulte à la
maturité, imprégnée de la nostalgie à l’égard du bon vieux temps de
l'adolescence. C’était déjà le cas dans Fiebre de caballos. C’était ensuite le
cas dans Passé parfait, puis, itérativement, dans les autres de la série
– pas anodin, par exemple, que l’histoire de Vents de carême soit
localisée / centrée sur le lycée où Conde réalisa sa scolarité, etc. –… Et
c’est de nouveau le cas dans une bonne partie de la ligne Fernando Terry
et, plus encore – car le protagoniste padurien idéal dans le roman de
2003, ce n’est pas lui –, dans la ligne José María Heredia de Le Palmier
et l’étoile, qui s’ouvre, se déploie et se justifie précisément autour de cet
axe thématique et de cette sorte de scène primitive de l’imaginaire
auctorial. De sorte qu’au-delà de cette idée qu’un romancier n’écrit
finalement jamais qu’une seule histoire tout au long de sa vie, déclinée de
divers manières, à travers tel et tel personnage, dans tel ou tel espace et
dans telle ou telle époque, il y a là, à l’évidence, la recherche d’un refuge
où situer, individuellement, l’utopie de l’adolescence éternelle (de là à en
déduire à une forme de syndrome de Peter Pan…) et où loger,
collectivement, l’idéalisation absolue des « valeurs » et de la « culture »
cubaine « éternelles », manifestation d’un patriotisme forcené, exaltées,
ressassées par le castrisme et finalement partiellement trahies et
piétinées par trop de ses représentants (dont le modélique Morín, etc.). Si
cela n’est plus possible dans la Révolution, cela doit bien l’être quelque
part dans un point de l’Histoire de l’île (en l’espèce l’embryon d’une Cuba
indépendantiste) et dans une figure en particulier (en l’espèce le beau
poète romantique José María Heredia)… À telle enseigne que la véritable
hétérotopie padurienne réside, selon nous, dans cette Cuba fantasmée,
bâtie par / sur / grâce à la littérature (ce que l’on comprend à travers les
multiples références intertextuelles, réelles et fictives, qui parcourent et
structurent Le Palmier et l’étoile), dont le territoire et les paysages
bibliothèques ne sont jamais qu’un prolongement, plus exactement la
manifestation visible, en ce sens séduisante et rassurante, une splendide

La novela de mi vida de Leonardo Padura est écrite en padurien, selon une stratégie qui,
défiant les langues et variétés de langues réelles en relation, à savoir l’espagnol
“standard”, le parler cubain et l’anglais nord-américain, institue une autre langue que
nous avons désignée en tant que « polylangue intérieure » pour faire ressortir sa
dimension hétéropique, affective et nostalgique » (2021 ; 16-17).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

matrice. Où l’on comprendrait mieux pourquoi Padura insiste tant sur


son refus de faire de la littérature politique au bénéfice d’une littérature
sociale et, bien davantage encore, la réalité sociale n’étant qu’un élément
de décor contextuel et donc substituable, de la littérature
psychologique / psychanalytique…

44. Si le sens et les implications des continuités et discontinuités entre


Conde 1-Terry-Heredia (puis, dans la suite de l’œuvre, Conde 2, Conde 3,
Conde 4, etc.) n’ont pas été creusés plus avant par les lecteurs – alors qu’on
le voit, cela est du plus grand intérêt –, parmi les lecteurs lambda, les jour-
nalistes et les critiques universitaires français, la question de la structure du
roman, son montage très particulier en trois lignes narratives 6, a, en
revanche, suscité beaucoup de commentaires.
45. On observe ainsi des ruptures et / ou superpositions entre les lignes
narratives.
46. Pour Sabrina Wajntraub, cela s’affiche dès le début avec la composi-
tion des incipit différents, pour un « assemblage de trois débuts éparses
correspondant respectivement aux premiers épisodes de chacun des trois
récits imbriqués » (2020b ; 2) ;
47. Pour Elena Zayas, « l’auteur procède par ruptures successives, change-
ments de narrateurs et de temporalités en effectuant de fréquents passages
d’une époque historique à une autre et d’un espace géographique à un
autre (2020b ; 3).
48. Tout en s’intéressant aux continuités manifestes entre les trois lignes
narratives.
49. La même Elena Zayas écrit à ce sujet :
dans un jeu de miroirs, Padura fragmente ces mémoires du poète pour créer
un lien avec le récit de son deuxième protagoniste, Fernando Terry – person-
nage totalement fictionnel, cette fois, mais dont le destin est tout aussi indisso-
ciable de l’histoire cubaine […] L. Padura construit son roman sur une alter-
nance entre les fragments des mémoires du poète et la quête de Fernando qui,
tout en recherchant ce document, découvre Cuba en 1998, après 18 ans d’exil
(2020 ; 4).

6 « dans l’ordre d’apparition, un premier récit suit l’ex-universitaire cubain Fernando


Terry […] Puis un deuxième récit rend compte précisément du document que recherche
Fernando Terry c’est-à-dire de l’autobiographie fictive du personnage littéraire José
María Heredia […]. Enfin, un troisième récit s’ouvre sur le fils cadet du poète, José de
Jesús Heredia » (Wajntraub, 2020b ; 4).

16 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

50. Nous avons estimé, pour notre part, qu’il y avait là un objectif didac-
tique, « pour la démonstration sous-jacente que tout change sans véritable-
ment changer, sans véritablement savoir/pouvoir/vouloir changer »
(Lepage, 2020c ; 3).
51. Ce que l’on comprend en lisant les explications données par Padura au
sujet du difficile processus d’écriture qu’a représenté Le Palmier et l’étoile :
[…] el manuscrito crecía, crecía y amenazaba con tener 1500 páginas por lo
menos. Entonces decidí detenerme y revisar mis intenciones y… fue ese el
momento en que escribí la novela breve Adiós, Hemingway, y encontré la clave
de la solución de la estructura de La novela de mi vida: cada línea, cada
momento debía tener su propia entidad en todos los sentidos, incluso en la lon-
gitud de los capítulos, que solo debía responder a las necesidades dramáticas
propias. El resto era el ensamblaje de esas líneas para que se consiguiera el
efecto que yo buscaba, o sea, que el pasado y el presente estuvieran como mirán -
dose en un espejo, complementándose uno en el otro [...] (Padura – Ponce,
2020 ; §10).

52. Cette question de l’homogénéïté / hétérogénéïté couplée au « rafisto-


lages » diégétiques et discursifs (ce que Padura appelle ici « el ensem-
blaje ») incite à réfléchir davantage, d’un côté, au statut et à la catégorisa-
tion du texte dans son ensemble, de l’autre côté, à la façon dont cela
implique qu’il faut le lire.
53. Puisque chaque ligne narrative a finalement été écrite pour elle-même,
presque de manière indépendante, il y a bien là trois récits « brefs » (28
sections pour la ligne Fernando Terry, 22 pour la ligne José María Heredia
et 11 pour la ligne José de Jesús Heredia), rassemblés dans une sorte d’an-
thologie ; une anthologie à laquelle, ultérieurement, on aurait plus ou moins
donné la forme d’un roman. Plus exactement, puisque le mécanisme est
sciemment dupliqué, de deux romans (le premier = celui que contient la
première partie, « La mer et les retours » [12], le second = celui que conti-
nent la seconde partie, « Les exils » [205]), eux-mêmes cousus l’un à l’autre
par un « ensemblaje ». Mais, donc, avec des effets beaucoup plus puissants
et effectifs que dans un roman au sens conventionnel du terme, eu égard à
la multiplication et à la densification des « situations » de continuités et de
discontinuités, de surcroît savamment exposées comme telles, y compris
dans leurs déclinaisons / variations.
54. Une observation à la loupe de ces micro et macro effets anthologiques
au sein d’un roman combinant deux romans serait du plus grand intérêt.

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

55. Quelques questions à se poser à partir de l’interrogation centrale


consistant à savoir si l’ordonnancement est fortuit, comme l’affirme, par
exemple, Sabrina Wajntraub, qui parle d’une « alternance aléatoire d’épi-
sodes » (2020b ; 4). À notre avis, cela n’a justement rien de casuel (c’est
aussi la thèse de Renée-Clémentine Lucien – voir 2020 ; 133-135), car les
interruptions aussi bien que les voisinages engendrent, d’une part, de l’in-
formation diégétique nécessaire pour combler des lacunes sciemment
semées ici et là afin de donner davantage de relief à telle ou telle circons-
tance, à tel ou tel personnage, à tel ou tel lieu…, et, d’autre part, surtout,
construisent un discours autour du véritable enjeu de Le Palmier et l’étoile :
l’établissement des crédibilités et les légitimités des uns et des autres, en
tant que Cubains et en tant qu’écrivains cubains. Une scénographisation
hautement idéologique de l’identité cubaine, à partir de la fameuse cuba-
nité, et de l’Histoire de la littérature cubaine, à partir de ces figures emblé-
matiques, qui deviendra pleinement signifiante en regard des jeux d’échos
que font entendre les sections immédiatement avant et immédiatement
après (dans une même ligne, c’est-à-dire y compris, parfois, à de nom-
breuses sections d’écart – l’enjeu n’est-il pas encore plus grand quand l’es-
pacement est accentué ? – ou entre les différentes lignes), même s’ils
semblent parler de tout autre chose, à une tout autre époque, dans un tout
autre lieu ou avec des personnages différents. Là réside la grande subtilité
de l’auteur. De sorte qu’il faut justement partir du principe que rien n’est
livré à l’aléatoire, que rien n’est fortuit et que toute proximité et tout éloi-
gnement doit être examiné et analysé.
56. Le point de départ de ce travail pourrait être le schéma suivant.

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

En jaune : Fernando Terry. En bleu : José María


Heredia. En vert : José de Jesús Heredia

• Pourquoi, par exemple, une distribution identique des sections entre


Terry, Heredia père et Heredia fils de 1 à 9
(Terry/Heredia/Terry/Heredia père/Heredia fils/Terry/Heredia
père/Terry) de la partie 1 et de 32 à 40 pour la partie 2 (Terry/Heredia
père/Terry/Heredia père/Heredia fils/Terry/Heredia père/Terry) ?
• Que donne une lecture croisée des sections 9 et 40, les deux premières de
chaque partie à rompre l’adéquation ?
• Pourquoi alors que les sections Terry et Heredia père sont également
réparties entre la partie 1 et la partie 2 (14/14 – 11/11), y a-t-il
déséquilibre dans le cas de la ligne Heredia fils, avec 6 sections dans la
partie 1 et 5 seulement dans la partie 2 ? Une légère « imperfection »
mathématique à laquelle donner une interprétation symbolique quant à
son statut au sein du tout ?
• Pourquoi, eu égard à l’importance de la ligne Heredia père dans le projet
Le Palmier et l’étoile prévoir un total de 22 sections pour Heredia père
contre 28 pour Terry ?
• Le fait que la ligne Heredia fils ne compte que 11 sections contribue-t-il
aussi à en diminuer l’importance ou, par exemple, à ne lui attribuer qu’un

Crisol, série numérique - 13 19


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

rôle accessoire, purement articulatoire ? C’est ce que l’on semble devoir


effectivement conclure à la lecture de la très grande majorité de la
critique qui a travaillé sur Le Palmier et l’étoile, en France (Néstor Ponce
estime ainsi qu’elle est « de menor envergadura » [2020b ; 80]), et de
manière plus générale sur La novela de mi vida. La ligne José de Jesús
est, il est vrai, quasiment toujours absente de la réflexion alors qu’on
s’étend amplement sur les deux autres. Ce qui surprend dans la mesure
où si la figure dominante de la ligne 1998 est bien Terry (avec sa panoplie
d’imperfections et de limites), si la ligne consacrée aux mémoires
d’Heredia a évidemment pour héros le sublime poète, la ligne
« intermédiaire » a pour véritable protagoniste non pas un ou même des
personnages, mais rien moins que le manuscrit hérédien lui-même (les
hommes, finalement secondaires, entrent et sortent de la scène
diégétique en fonction de ce seul critère de la possession / transmission
du précieux texte), à la fois dans sa matérialité (les feuillets), dans son
importance en tant que legs pour l’Histoire littéraire et pour l’Histoire
tout court et dans sa très forte dimension métafictionnelle et
métalittéraire. Cette ligne pose notamment des questions essentielles
autour de la réception, la lecture (qu’est-ce que bien lire ?),
l’interprétation (qu’est-ce que bien interpréter ?) et, tout simplement, la
responsabilité du lecteur en légataire / transmetteur. À ce titre, elle a bien
plus qu’un strict rôle d’accessoire, purement articulatoire (ne serait-ce
que parce que, comme l’a démontré Renée-Clémentine Lucien [2020 ;
335-336], le personnage de José de Jesús Heredia reçoit et transmet
l’héritage maçonnique – ce qui n’est certes pas un détail – et mène, à sa
façon, une réflexion sur l’Histoire). Alors pourquoi n’occupe-t-elle que 11
sections et distribuées de cette façon-là ? En quoi les sections des lignes
Terry et Heredia père l’illustrent-elles, lui donnent-elles sens et la
justifient-elles (par exemple dans l’ultime boucle 58-59-60) ?

57. Autant de pistes de réflexions que nous soumettons ici.


58. De l’autre côté, c’est-à-dire concernant la lecture, cela supposerait un
processus très élaboré et long. Car il faudrait parcourir le roman comme il a
été écrit puis composé, à savoir une ligne après l’autre, indépendamment,
parcours 1, parcours 2 et parcours 3, avant de reprendre l’ensemble
fusionné, en particulier pour voir apparaître les instruments et le geste de la
couture et, au contraire, ceux destinés à laisser perdurer et voir la disjonc-

20 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

tion (sur ce point, nous sommes effectivement en désaccord avec Paula


García Talaván, pour qui Le Palmier et l’étoile offre « tres historias perfec-
tamente conectadas y entretejidas, a pesar de estar ubicadas en tres
momentos históricos diferentes » [2021; 4]), des béances et des parasitages
signifiants – au bénéfice et au détriment duquel des deux protagonistes,
Terry ou Heredia, par exemple ? Tout cela mettrait en réalité grandiose-
ment en co-présence rien moins que 5 Le Palmier et l’étoile « différents ».
• 1) Celui de la ligne Fernando ;
• 2) celui de la ligne José de Jesús ;
• 3) celui de la ligne José María ;
• 4) celui de l’entremêlement des trois lignes dans la partie 1 ;
• 5) et celui de l’entremêlement dans la partie 2…

59. Et cela conduirait à des rétrolectures et à des lectures-amalgames à la


convergence desquelles l’entièreté de l’information diégétique serait maîtri-
sée (par exemple la chronologie de récits qui s’étendent sur plus de deux
siècles d’Histoire cubaine), les rouages de la mécanique textuelle seraient
rendus davantage visibles (et, par là, d’autant plus admirables, sans doute)
et où l’intentionnalité de l’auteur (car n’en déplaise à certains courants
théoriques, il nous semble loisible et légitime de parler d’intention de l’au-
teur s’agissant des projets d’écriture tels que les conçoit un auteur aussi
ambitieux pour la chose littéraire que Padura) serait plus amplement per-
çue, dans ses intrigantes et finalement riches complexités et ambiguïtés.
60. La palette des étiquettes que l’on a attribuées à Le Palmier et l’étoile
est vaste7, avec la conclusion unanime d’une pratique du trans- particulière-
ment élaborée et efficace. Ce qui démontre bien, en soi, la dimension com-
7 Michèle Guicharnaud Tollis (2020), Cécile Marchand (2020) et Fabrice Parisot (2021b)
ont, par exemple, démontré l’importance de l’épistolaire – à telle enseigne que pour
Fabrice Parisot : « Si, dans la Bible, au commencement était le Verbe, nul doute que dans
La novela de mi vida, au commencement était la lettre » (2021b ; 3), les lettres jouant un
rôle structurant et « justifiant » de premier ordre : « De sorte que toute la narration,
aussi bien l’autobiographie apocryphe de José María Heredia que les récits consacrés à
Fernando Terry ou à José de Jesús Heredia, est constituée, pour ne pas dire sous-tendue,
de bribes de ces deux lettres que Padura a instillées à dessein dans le paratexte de son
roman. Plus encore, cette réflexion récurrente, qui revient à satiété dans le récit, montre,
à l’évidence, que le poète définit son existence comme un songe dont il voudrait se
réveiller et comme un roman dont il voudrait s’échapper afin de connaître la réalité,
comme si toute sa vie n’avait été qu’une pure fiction, d’où le souhait sans doute de
rédiger, à la fin de sa vie, “le roman de sa vie” » (Parisot, 2021b ; 4).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

posite (Renée-Clémentine Lucien décrit significativement Le Palmier et


l’étoile comme à la fois « polyphonique », « dialogique » et « hybride »
[2020 ; 131] et a soigneusement analysé la « multigénéricité » et ses enjeux
dans son ouvrage de référence), ou, peut-être serait-il porteur de l’envisager
de cette façon-là, hétérogène, de l’ensemble. À propos de l’incroyable plasti-
cité de Le Palmier et l’étoile et de la résonance qu’elle acquiert, Renée-Clé-
mentine Lucien n’a pas hésité à écrire que « La novela de mi vida invite le
lecteur à s’interroger sur le genre romanesque » (2020 ; 145). Le texte est si
complexe à délimiter et à décrire durablement – c’est-à-dire au-delà d’un
agglomérat de quelques sections – que cela contraint à examiner et, finale-
ment, à définir séparément les trois lignes narratives. Rien que pour la ligne
Heredia, on pourra parler à la fois de mémoires, de journal intime et de
confession…, avec cette subtilité supplémentaire que certaines sections
seront exclusivement l’un ou l’autre (choix taillé sur mesure en fonction de
la thématique traitée et / ou de l’intention discursive sous-jacente [à titre
d’exemple, qu’on se reporte à la section 31, pages 179-182, qui ferme la pre-
mière partie du roman : quand il s’agit d’opposer à l’incontournable et
gênante réalité des faits – le supposé contre-héroïsme d’Heredia – la toute-
puissance dépurative de l’aveu, à travers un bel exercice de confession litté-
raire, destiné à absoudre et, in fine, à tresser de nouveaux lauriers, encore
plus nobles]), tandis que d’autres seront, pour le même genre de raisons, la
combinaison de deux ou, le cas échéant, des trois de ces sous-catégories. À
quoi s’ajoute, également pour la ligne consacrée au poète romantique, la
dimension méta-. Cécile Marchand, entre autres critiques à s’être penchés
sur le sujet, parle d’une « narration métadiégétique » (2015 ; §2).
61. Or, le fait que la question générique ait suscité tellement de commen-
taires – parfois contradictoires, de surcroît – étaye précisément, là encore,
l’argument d’une foncière autonomie de chaque segment et celui de la
nécessité de s’interroger bien davantage qu’on l’a fait jusque-là sur le com-
ment et le pourquoi des sutures entre les uns et les autres, pris en bloc et
envisagés depuis des boucles (regroupements de sections, etc.) plus ou
moins larges.
62. À propos de l’étiquette roman historique associée par beaucoup à Le
Palmier et l’étoile, remarquons, par exemple, que pour démontrer que « La
rigueur historique, un autre principe cher aux romanciers de l’Histoire, est
observable dans la fiction de Leonardo Padura » ou qu’ « […] il appert que
Leonardo Padura respecte bien cette condition [pour le détail, voir Dauler,

22 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

2021 ; 7-8] dans La novela de mi vida, tout au moins dans l’instance nar-
rative assumée par José María Heredia » (c’est nous qui soulignons), Clara
Dauler doit recourir à l’argument que :
La présence d’une « Noticia histórica » à la fin du livre, ainsi que la mention
de spécialistes de la littérature et de la franc-maçonnerie cubaine dans la note
préliminaire, « Agradecimientos », garantissent la véridicité des faits rapportés
dans la fiction. Ces éléments font partie intégrante du paratexte et contri-
buent à nouer le pacte de lecture du roman historique (2021 ; 9) (c’est nous qui
soulignons).

63. Sur la même ligne, Fabrice Parisot écrit qu’avec Le Palmier et l’étoile,
Padura s’engage : « dans la voie du roman historique, puisque l’un des
trois récits qui structurent l’ensemble est consacré au grand poète roman-
tique cubain du XIXe siècle José María Heredia » (Parisot, 2021a) (c’est
nous qui soulignons).
64. D’où il semble ressortir que cette attribution générique à la famille du
roman historique reposerait surtout, en bonne partie, 1) d’une part, sur des
éléments du péritexte, qui, tout bien considéré, ne sont jamais que des
déclarations d’intentions – nul besoin de s’attarder sur ce que vaut ou ne
vaut pas la parole de l’instance auctoriale sur ses propres textes, d’aucunes
et d’aucuns considérant qu’il y a là une donnée parmi d’autres à prendre en
compte, ou pas, dans l’équation de l’analyse textuelle –, et certainement pas
le lieu où s’établit le « pacte de lecture » du texte (sans doute est-il néces-
saire de ré-établir des frontières entre livre, instance du livre, et texte, ins-
tances du texte)… 2) et, d’autre part, sur la ligne Heredia 8, c’est-à-dire 22
« chapitres » sections sur les 61 que comprend le roman, avec, en sus, le
paradoxe de rattacher le plus étroitement la ligne Heredia, en réalité pure-
ment fictive puisque ce manuscrit des mémoires n’a jamais existé, à l’ingré-
dient Histoire / accréditation historique dans la fiction.

8 Il n’est pas inutile de rappeler ce que Padura a expliqué à Néstor Ponce à propos de la
différence qu’il y a entre l’élaboration de la ligne narrative Heredia et des deux autres  :
« Lo que hice fue preparar una cronología de los hechos de la vida de Heredia y de los
acontecimientos importantes de la época con alguna relación con el poeta y con mis
intereses conceptuales. Después incluso pude publicar esa cronología, que me sirvió para
la escritura de la línea argumental del siglo XIX, porque las otras dos (principios y finales
del XX) empecé a escribirlas como siempre hago: con un vislumbre de adónde quiero
llegar, pero solo descubriendo cómo en el mismo proceso de la escritura » (Padura –
Ponce, in Ponce, 2020b ; 39).

Crisol, série numérique - 13 23


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

65. Il y a là une aporie initiale / consubstantielle et sans doute cela


explique-t-il que Le Palmier et l’étoile n’ait pas été unanimement lu comme
un roman historique, alors qu’en théorie,
• l’Histoire a inspiré l’écriture de ce roman, comme l’a dit Padura lui-même
en expliquant la façon dont il était né :
La lecture de Reinaldo Arenas m'a donné envie de mener une recherche sur
José Maria Heredia. J'ai été surpris de découvrir chez ce poète romantique et
indépendantiste les clés et les constantes de l'âme cubaine qu'on retrouve jus-
qu'à nos jours. J'en ai tiré mon premier « roman historique » (Padura – Parana-
gua, 2014).

• alors que c’est finalement en tant que roman historique que l’auteur le
présente dans les « remerciements », où l’on fait explicitement mention
de :
Nourri de faits historiques vérifiables et s’appuyant même textuellement sur
des lettres et des documents personnels, le roman de la vie du poète Heredia,
narré à la première personne, doit cependant être considéré comme une œuvre
de fiction. L’existence réelle du poète, tout comme celle des personnages qui
l’entourent – de Domingo Del Monte, Varela, Saco, Tanco au capitaine Tacón et
au caudillo mexicain Santa Anna, ou ses deux grands amours, Lola Junco et
Jacoba Yáñez – sont ici présentées à partir d’un discours fictionnel qui tisse
librement la trame où se croisent les péripéties historiques et romanesques.
Ainsi, tout ce qui est évoqué par Heredia est arrivé, a dû arriver ou pu arriver
dans la réalité, mais tout est toujours vu et reflété à travers le prisme roma-
nesque dans une perspective contemporaine (Padura, 2003 ; 389).

66. En somme ce que l’on entend traditionnellement et conventionnelle-


ment par roman historique… En dépit, d’ailleurs, de ce qu’a dit Padura à
Néstor Ponce (voir Padura – Ponce, 2020 ; §6), à savoir qu’il ne s’agirait pas
d’un roman historique parce que « la figura de Heredia y su época están
reflejadas desde una óptica contemporánea y responden a fines diría filosó-
ficos también contemporáneos ». Car n’est-ce pas en réalité toujours le cas
avec le roman historique ? Ce qui, purement et simplement, suscite chez un
auteur l’envie d’écrire un roman historique – faire une démonstration, par
fiction interposée, sur le présent depuis le passé et, réciproquement ?
• alors que c’est bien aussi en tant que roman historique que l’auteur
l’affiche dans le « rappel historique » (Padura, 2003 ; 389-390), où la
biographie réelle des personnages « réels » dans le roman a pour
vocation non de réaffirmer qu’il s’agit bien d’une fiction et d’Histoire
mêlées, mais qu’il s’agit d’une fiction racontée et pensée depuis de
l’Histoire véritable et véritablement documentée / contrôlée par les plus

24 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

fiables et respectées autorités scientifiques (la liste est longue et


savamment élaborée / distillée dans le péritexte auctorial).
• alors que la présence de nombreux personnages historiques constitue un
critère de rattachement architextuel solide : « […] otro recurso, a nivel de
la historicidad de esta línea narrativa, es la evocación permanente de los
personajes reales que rodearon a Heredia » (Zayas, 2020a ; 7).
• alors que la dissémination de quantité d'anecdotes historiques est tout
aussi identifiante :
las descripciones suelen remitir a un dato histórico. Para dar un ejemplo, nos
detendremos un instante en la escena que tiene lugar en el palacio de Aldama.
Podemos comprobar que esta anécdota es, entre otras, un perfecto ejemplo del
arte de entretejer historia y ficción (Zayas, 2020a ; 9).

• à l’instar d’un ensemble extrêmement documenté :


L. Padura consigue, sin embargo, dar una auténtica unidad a esta narración
aparentemente tan fragmentada, ante todo gracias a su gran conocimiento de las
épocas en las que ubica a todos los personajes, ya se trate del siglo XIX o de
finales del siglo XX (Zayas, 2020a ; 4)

[…] l’autobiographie fictive, très solidement documentée, du grand poète


cubain José María Heredia […] (Gimbert, 2011 ; 164).

a pesar de ser una obra de ficción, está construida sobre la base de un sólido
y minucioso trabajo de documentación en torno a la vida y obra del poeta
cubano José María Heredia y sobre el ambiente cultural y político de la primera
mitad del siglo XIX en Cuba. Es más, el trabajo de investigación que precede la
escritura de esta novela es tan extenso y exhaustivo que le sirve al autor para dar
forma posteriormente al ensayo José María Heredia. La patria y la vida (García
Talaván, 2021 ; 2)

67. Padura a même décrit en détail le travail préparatoire qu’impliquait la


mise en place de ce que l’on pourrait désigner comme un mimétisme stylis-
tique :
[…] para tener una atmósfera más verosímil, por supuesto que tenía que
poner a hablar a los personajes como pudieron haberlo hecho en su época, y
para ello trabajé mucho con diarios y correspondencias, buscando la coloquiali-
dad de sus expresiones, y también con textos novelescos de la época para inten-
tar crear un falso estilo romántico siglo XIX iberoamericano. Fue lo más duro de
la novela, en la que, estoy seguro, no existe una sola palabra que resulte anacró-
nica para su época histórica (Padura – Ponce, 2020 ; §6).

68. Clara Dauler retient encore l’exactitude historique de la reconstitution


du cadre : « quant au traitement de l’espace, il appert que La novela de mi

Crisol, série numérique - 13 25


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

vida livre une vision authentique de Cuba et de sa ville capitale » (2020 ;


10).
• alors que Le Palmier et l’étoile deviendrait historique en soi, eu égard à
son apport à l’Histoire littéraire :
[Padura] [...] se positionne cette fois-ci sur le roman historique pour écrire
en quelque sorte la genèse d’une littérature nationale à Cuba […] dès lors, la
valeur patrimoniale du roman historique de Leonardo Padura serait à prendre
en compte (Dauler, 2020 ; 2-3).

69. De fait, cette étiquette de roman historique est reprise par Sabrina
Wajntraub, implicitement entérinée quand elle écrit : « […] le septième
roman de Padura Fuentes signe […] le remplacement du roman policier par
un premier roman historique, Mario Conde cédant momentanément sa
place au personnage historique, José Maria Heredia » (2020a ; 4).
70. Elena Zayas, elle, estime :
si se puede calificar La novela de mi vida de histórica es, en un primer nivel
de lectura, porque el título y una de sus tres líneas narrativas se refiere a la vida
de José María Heredia […] En la segunda línea, aparecen personajes de ficción,
anclados siempre en la historia del último tercio del siglo XX (Zayas, 2020b ; 1).

71. Plus encore, c’est quasiment comme un roman historique parfait que
Michèle Guicharnaud-Tollis semble avoir lu Le Palmier et l’étoile :
Pour le bonheur du lecteur, réalité historique et fiction romanesque se
confondent : elles s'entremêlent, se répondant et se reflétant chacune dans le
miroir de l’autre, et à chaque « héros » elles redonnent son humanité et sa
vérité, en somme sa réalité. Une réalité chatoyante et multiple (2021 ; 24).

72. Si l’on en croit une grande partie de la critique, avec Le Palmier et


l’étoile, on se trouverait donc face à l’un de ces cas où Histoire et fiction
savent cohabiter et fusionner dans un juste équilibre et en toute harmonie.
Avec les atouts que cela constitue pour la forme roman, qui trouve dans
l’Histoire parmi ses meilleures « histoires » à raconter. Avec ce que le pas-
sage par la fiction apporte à la compréhension de l’Histoire, à travers, en
effet, une présentation « chatoyante » et « multiple ». Et, ici, avec l’impor-
tance que cela acquiert pour la découverte et la révélation d’une autre vérité
qui émerge de l’humanisation de la personne et du personnage public de
l’Histoire par personnages interposés.
73. La puissance de Le Palmier et l’étoile dans sa dimension historique
serait d’ailleurs telle que pour un Philippe Lançon, entre autres exemples,

26 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

on pourrait accepter de confiance et entériner « aveuglément » l’idée que


« l’identité cubaine s’est forgée dans le destin symbolique de cet
homme [Heredia] » (2003), c’est-à-dire accepter et entériner une stricte
théorie personnelle de l’Histoire (que l’on résumerait de la manière sui-
vante : l’homme-la personne avant l’Homme-le personnage public) couplée
à une séduisante, mais stricte légende-mythologie de l’Histoire de l’île
comme nouvelles réalité et vérités historiques.
74. En somme, la fiction s’impose ici, plus exactement encore, s’expose,
voire s’exhibe elle-même à travers un défilé de grandioses et admirables
scénographies (le jeu sur les temporalités, le système des combinaisons, les
gémellités, l’hybridation générique, le méta- sous toutes ses formes, etc.)
pour bâtir sa propre crédibilité et légitimité discursives dans l’imaginaire
collectif… Le cœur de cette nouvelle logique est une forme de paranoïa
généralisée voulant que désormais, l’Histoire ne peut plus s’écrire 1) depuis
les seuls « faits » ; 2) depuis les seuls historiens et 3) depuis la seule disci-
pline historique… voulant qu’en conséquence – n’est-ce pas, en effet, exac-
tement ce que démontre Le Palmier et l’étoile ? –, il faut urgemment voir
émerger une génération de romanciers-historiens justiciers définis et reven-
diqués en redresseurs de torts historiques (pour Michèle Guicharnaud-Tol-
lis : « dans ce climat de corruption politique, Padura s’applique à discrédi-
ter la vérité historique, soumise il est vrai à de mauvaises influences
[LNdMV, 36] » [2020 ; 23])… Des romanciers-historiens justiciers dont la
mission serait de révéler / dénoncer les supposés mensonges officiels, de
chasser et d’exhumer les supposées réalités / vérités officieuses, de distri-
buer les bons et les mauvais points, d’attribuer des couronnes et en dépos-
séder d’autres. Pour le bien de l’Histoire, évidemment.
75. Selon Paula García Talaván :
Ahora bien, la novela en su conjunto no intenta transmitir un mensaje definiti-
vamente negativo de la historia del país, ni menos aún de su tradición literaria;
más bien, parece insistir en la importancia de conservar la memoria para
superar los errores cometidos y, para ello, apela a las posibilidades que ofrece la
literatura (2021 ; 8).

76. Cela soulève n’en soulève pas moins quantité d’interrogations sur les
raccourcis et simplifications que suppose / exige de rendre un portrait de
personnage historique et brosser un tableau à la fois diégétiquement
attrayant, didactiquement clair et discursivement signifiant / rentable.

Crisol, série numérique - 13 27


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

77. Le meilleur exemple de ce phénomène est sans doute le traitement


caricaturalement dichotomique de la paire Heredia – Del Monte. Tandis
que l’un, Heredia, « incarne […] la bonne cubanité », avec tout ce que cela
suppose aux yeux de l’auteur, Del Monte, lui, « incarnerait son versant
négatif » (Lepage, 2020c ; 13). Si une telle dichotomie confère au Palmier
et l’étoile le souffle romanesque des grandes œuvres du XIX e, où, à l’instar
de Dumas (auteur très apprécié de Padura), il faut de très sublimes victimes
loyales et de très infâmes traîtres-bourreaux 9, du point de vue de la relation
de l’Histoire, cela devient nécessairement réducteur à l’excès. Le spéculari-
sation de l’écriture pour la bonne cause passe-t-elle nécessairement par ces
sortes d’« aménagement » ? La satisfaction de découvrir la / une « vérité »
lénifiante et compensatoire se paie-t-elle à ce prix ?
78. Des questions d’autant plus sérieuses si la ligne José María Heredia a
belle et bien vocation à apporter son capital génétique historique au roman
et si, à ce titre, elle doit être envisagée comme l’aune à partir de laquelle
percevoir et entendre le discours historique et, surtout, percevoir et
entendre le discours politique du reste de Le Palmier et l’étoile…
79. Sans compter que cela interroge encore plus sur l’identification des
deux autres lignes, notamment celle de Fernando Terry. Comment expli-
quer / justifier qu’elle ne relève pas, elle aussi, en priorité, du roman histo-
rique, en tout cas ne soit pas décrite et affichée comme telle, alors qu’elle est
supposée rapporter la réalité cubaine d’une génération qui a dû fuir, subir
ou défendre la Révolution ? Faut-il en déduire qu’il y aurait, au pire, une
déshistoricisation, au mieux, une sous-historicisation de cette frange du
roman ? Le cas échéant, pourquoi ? Et au bénéfice de quoi ? L’argument du
stratégique contournement de la « censure » et d’éventuelles représailles du
régime peut-il pleinement nous convaincre ? Surtout : l’argument qu’un
texte dit forcément plus que ce qu’il dit, parce que le lecteur souhaite qu’il le
dise, peut-il nous satisfaire dans la durée ?
80. On pourra considérer, comme le fait, par exemple, Néstor Ponce, que
les quelques éléments-clés donnés suffisent largement à inscrire la ligne
Terry dans l’Histoire :

9 Michèle Guicharnaud-Tollis estime : « en victimisant à l’extrême Heredia devenu martyr,


Padura accroît la démythification du clan familial des Delmonte » (2020 ; 23). Quant à
Renée-Clémentine Lucien, elle voit Del Monte « paré du sombre génie de Machiavel »,
exposé en un « ángel caído » destiné à « renforcer le mythe d’un Herédia génial, victime
de l’envie et de l’ambition » (Lucien, 2007 ; 23).

28 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

Aparecen jalones fundamentales del proceso: las nacionalizaciones (Taba-


Cuba), la educación (abierta al pueblo, como se observa con el ingreso a la uni-
versidad del astuto campesino –«guajiro lépero», p.39– Conrado Peláez, pero
también «parametrada» y bajo riguroso control ideológico, que hace que los
intelectuales «estén dormidos», como dice con pudor el maestro Mendoza,
p.52), la participación solidaria de tropas cubanas en las guerras africanas (que
los miembros de esa generación vivieron y sufrieron en carne propia), los exilia-
dos, las persecuciones homofóbicas, los bajos salarios, la corrupción de los fun-
cionarios del régimen, la imposibilidad de obtener un pasaporte para viajar al
extranjero («Estoy preso en las cuatro paredes de esta isla», p.134, le dice
Enrique à FT…) (Ponce, 2020b ; 86-87).

81. Avec cette conclusion qui, justement, laisse, à notre avis, bien des
brèches dans le raisonnement :
Ahora bien, cabe destacar que esta lista de críticas al régimen no se establece
en ningún momento bajo la forma de un discurso pamfletario anti-castrista sino
que, por el contrario, alterna con otros elementos positivos (la educación, el fin
de la explotación imperialista, la resistencia ante las medidas coercitivas de los
Estados Unidos, una forma de vivir inmutable a pesar de los contratiempos).
Podríamos afirmar que el autor nos presenta un listado de situaciones, de
hechos, y que deja carta blanca al lector para que se forme una opinión (Ponce,
2020b ; 87).

82. En réalité, ladite opinion aurait, pour se forger sur les bonnes bases,
un très solide tuteur : l’équation des Histoires qui établirait de fait, « natu-
rellement », l’équation des discours.
83. Pour beaucoup de critiques en tant qu’« historique », la ligne José
María Heredia a, en effet, en priorité pour vocation de déployer un discours
critique à l’égard des différents régimes autoritaires qui auront jalonné
l’Histoire cubaine, tout juste cela se ferait-il, pour la période castriste, par
contournements et allusions, « au détour des recherches que mène le per-
sonnage [Terry] » (Marchand, 2015 ; §1), parce que « sous ce premier
niveau critique, politiquement acceptable aujourd’hui, se profilent en creux,
dans le reste du roman, [des] éléments beaucoup plus subversifs relatifs à
Cuba, que retrouve et découvre Fernando Terry » (Marchand, 2015 ; §1).
84. Cécile Marchand écrit encore :
L’auteur […] utilise subtilement son retour et sa quête de vérité pour dévoiler
d’autres vérités sur la réalité politique cubaine, au passage. La recherche des
documents d’Heredia et celle du traître qui l’a dénoncé, croit-il, font diversion en
permettant à Leonardo Padura de brosser un tableau des difficultés socio-écono-
miques du pays et de revenir sur le contrôle des intellectuels. La présentation de
cette réalité, de cette vérité, s’opère posément, sans diatribe, mais la simplicité
du discours confère une authenticité et une crédibilité majeure à la vision de
Cuba, offerte par le détour de la fiction (Marchand, 2005 ; §10).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

85. Benoît Coquil tient la même ligne :


le récit de Terry, dans les analepses qui reviennent sur la période précédant
son exil, à la fin des années 1970, donne à lire une utopie révolutionnaire qui se
fissure : le régime devient répressif, traque les « éléments antisociaux » et pro-
page un climat de peur (2020 ; 13).

86. Idem pour Elena Zayas :


[si la ligne Heredia] […] apporte de nombreux éléments historiques authen-
tiques relatifs au parcours du poète, mais aussi à l’époque des indépendances
latino-américaines, sans jamais cesser de suggérer et de permettre au lecteur
d’effectuer certains rapprochements avec le régime castriste à Cuba (Zayas,
2020b ; 9).

87. Idem pour Clara Dauler : « […] les péripéties du personnage fictif Fer-
nando Terry, fondées sur l’exode de Mariel de 1980, dénoncent les répres-
sions perpétrées par le régime castriste à l’encontre de ses oppo-
sants » (2020 ; 7).
88. Idem pour Raúl Caplán :
el poder es constantemente anonimizado, y esto se consigue a través de
varias estrategias. La primera de ellas es el uso de una tercera persona del plural
extremadamente lábil (2020 ; 7) ;

si la designación directa de los dueños del poder es […] infrecuente en los


capítulos contemporáneos, en los capítulos históri-cos (siglo XIX y primera
mitad del XX) se teje toda una red de alusiones que va dibujando la figura del
poder revolucionario, y particularmente sus defectos (2020 ; 12) ;

[…] so pretexto de estar hablando de épocas pasadas (y sobre todo, de épocas


pre-revolucionarias), La novela de mi vida brinda en estas secciones múltiples
claves para entender las taras y lacras del presente (2020 ; 12-13).

89. Idem pour Philippe Lançon pour qui Padura écrit « drapant ses
paroles dans des silences dont sont faits, sinon les rêves avortés, du moins
les phrases dissimulées » (Lançon, 2003).
90. Argument dont la pierre angulaire est, d’une part, la fameuse « lecture
oblique du présent cubain » (Zayas, 2020b ; 9) ; d’autre part, la fonction
que Padura affirme vouloir attribuer et ne pas attribuer à la littérature, la
place qu’il veut et ne veut pas accorder à la politique dans la littérature :
[…] además de denunciar la adicción que provoca el poder, ilustra lo que
Padura defiende siempre: que la literatura no tiene por qué estar al servicio de
una ideología, pero sí atenerse a algunos valores primordiales y, para los escri -
tores, lo primero es la libertad de expresión (Zayas, 2020a ; 21).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

91. Raúl Caplán estime à ce sujet :


[…] si ese poder no se cita directamente, si no se dan nombres de respon-
sables políticos (del Partido, del MINFAR, etc.), no es solo por la prudencia
inherente a todo escritor-cubano-residente-en-Cuba; es también porque a
Padura no le interesa designar un chiv(at)o expiatorio (2020 ; 9).

92. Et Néstor Ponce de conclure :


Al terminar la lectura de la obra, retenemos dos ideas del posicionamiento de
Padura: la importancia de la memoria y de la historia y el sentido político de la
literatura. Todo ello sin sucumbir a la facilidad del panfleto. En la diégesis, Terry
reivindica la influencia de Gelman, cuya división podría ser: no se trata de politi-
zar la literatura, sino de literaturizar la política (Ponce, 2020b).

93. Certes, mais à ceci près que pour admettre cet argument que ce qui
n’est pas dit dans la ligne Fernando Terry se déverse naturellement et entiè-
rement depuis la ligne José María Heredia, 1) par tout un système de
canaux creusés dans la diégèse ; 2) par une subtile composition croisée via
des jeux de miroir et 3) par un savant maillage intertextuel, il faut tout de
même partir du principe qu’il y a, effectivement, duplication entre la ligne
José María Heredia et la ligne Fernando Terry, au-delà d’un habillage et de
détails circonstanciels.
94. Or, est-ce réellement le cas ?
95. C’est ce que semble nous inviter à comprendre le titre même du
roman, comme l’a analysé, par exemple, Néstor Ponce :
El posesivo «mi» antepuesto a «novela» nos dirige naturalmente al sujeto
JMH, pero también al otro protagonista del libro, el sujeto Terry, quien muchas
veces compara su existencia a la del poeta. En ese sentido, es «La novela de
“nuestra” vida» (Ponce, 2020b ; 50).

96. Pour Cécile Marchand : « La diégèse première qui constitue l’incipit
est consacrée au retour de Fernando Terry à Cuba, en 1998 » et à « “un rap-
port spéculaire” en établissant des parallèles dans les trajectoires de Fer-
nando et d’Heredia, à des époques différentes » (2015).
97. Le premier point de jonction est évidemment l’exil 10, vu dans les deux
cas comme une prison11, comme le résultat d’un « châtiment » (Gimbert,

10 « El exilio es el elemento más concreto del paralelismo entre las experiencias vitales de
Heredia y Fernando » (Zayas, 2020a ; 14).
11 « la vision de l’exil que Padura nous propose dans Le palmier et l’étoile est celle d’un
univers carcéral dans lequel le Cubain survit, séparé de son île par une mer qui
emprisonne encore davantage ceux qui ont dû la traverser » (Gimbert, 2011 ; 164).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

2011 ; 171) et avec d’identiques conséquences dramatiques12, y compris au


moment du retour, car l’idéalisation extrême de l’île pendant l’absence ne
peut que causer de terribles déceptions13, l’exilé étant devenu un étranger
dans son propre pays : « […] si de tels aménagements sont une marque de
progrès incontestable, ils rappellent au poète son statut d’exilé et d’étranger
dans son propre pays » (Le Naour, 2020 ; 6).
98. Renée-Clémentine Lucien creuse encore davantage la relation entre
les deux personnages : « D’après la fiction de Padura, le syndrome des
frères rivaux déchirés par la haine et la rancœur nées de leur relation avec
l’existence même de la nation cubaine et de leur cubanité contribue à faire
de Fernando Ferry une projection spéculaire de Heredia » (2007 ; 6).
99. Pour Elena Zayas :
Les deux figures romanesques, Fernando Terry, né dans les années cin-
quante à La Havane (génération de L. Padura) et le poète romantique
J. M. Heredia, né à Santiago de Cuba en 1803, illustrent les liens particuliers qui
peuvent s’établir entre la création littéraire et la relation personnelle avec un ter-
ritoire dans un contexte historique donné (Zayas, 2020b ; 4).

100. Nous avons pour notre part écrit : « “Affinités poétiques” […] sont
d’autant plus manifestes et porteuses de sens qu’elles se cristallisent sur la
ville, La Havane en premier » (Lepage, 2020c ; 12).
101. Selon Elena Zayas encore : « La Habana es además uno de los muchos
elementos que vinculan a Heredia con el otro protagonista de la novela:
Fernando Terry » (2020a ; 9).
102. Ce que confirme Nelly Le Naour, pour qui : « La Havane en tant que
dénominateur commun permet d’unir Heredia à Terry par-delà les
époques » (Le Naour, 2020 ; 1). Nelly Le Naour a étroitement analysé la
place et le rôle de cette ville dans Le Palmier et l’étoile, son fort caractère
unificateur et même agglomérant pour les personnages et, au-delà, pour
tout le personnel du roman padurien, discours compris, un territoire-pay-
sage littéralement personnifié qui s’impose, dans des proportions plus ou
moins grandes selon la ligne narrative concernée :
• « un lieu de pouvoir et un espace social » (2020 ; 2). À propos de La
Havane du XIXe siècle, Le Naour écrit : « […] la description de la ville aux
12 « […] ne plus penser au retour que pour mourir ou se suicider, telles sont les
conséquences d’un exil destructeur à bien des égards » (Gimbert, 2011 ; 168).
13 « […] le pays natal restait un lieu d’existence par l’entremise de la mémoire, le pays
retrouvé devient un nouveau lieu d’errance » (Gimbert, 2011 ; 171).

32 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

tonalités costumbristas acquiert ici une portée politique clairement


dénonciatrice » (2020 ; 3). À propos de La Havane du XXe siècle, elle
écrit : « […] elle représente en somme cette “époque terrible” dont parle,
à la fin du roman, l’ex-policier qui avait piégé Terry dans les années 70,
l’obligeant à avouer que son ami homosexuel Enrique avait bel et bien
l’intention de quitter l’île » (2020 ; 7).
• comme « un espace personnel qui, parce qu’intimement lié au vécu, est
subjectif et empreint des émotions des personnages »  (2020 ; 9) / « un
espace intime, un lieu personnel où l’on projette ses souvenirs et sa
subjectivité » (2020 ; 2) / « l’espace du souvenir et de la nostalgie inscrite
dans la mémoire, et même, pourrait-on dire, dans le corps des
personnages » (2020 ; 11) ;
• comme « le lieu de l’expérience et de la connaissance puisque les deux
personnages qui nous occupent y réalisent leur formation académique,
participent à des cercles littéraires ou fondent des revues » (2020 ; 10) ;
• comme une muse, « “patrie poétique” dont parle Heredia » (2020 ; 2).

103. Pour Corinne Mencé-Caster, Heredia et Terry ont aussi en commun de


parler la même langue :
Padura paraît ainsi moins désireux de représenter le parler cubain dans son
roman que de manifester comment la douleur de l’exil amène ses deux person-
nages principaux – Fernando Terry et José María de Heredia – à construire
cette polylangue intérieure déjà évoquée […]. Prisonniers d’une subjectivité
enfermée elle-même dans le passé, incapables d’oublier leur pays natal, les per-
sonnages se mettent alors à parler la polylangue intérieure de la nostal-
gie (2020 ; 14).

104. Renée-Clémentine Lucien ajoute l’élément-clé de l’écriture :


Parmi les multiples indices par lesquels l’auteur raccroche sans cesse un récit
à un autre, à la grande surprise du lecteur, le registre élevé du récit autodiégé-
tique de Heredia devient parfois identique à celui de Fernando et des Socar -
rones (2020 ; 136).

105. C’est également tout un système de références culturelles et intertex-


tuelles qui réunissent et tissent les personnages et les univers fictionnels
entre eux. Sabrina Wajntraub évoque ainsi Narcisse : « l’incipit 1 de La
novela de mi vida livre une double variation cubaine du mythe de Narcisse,
née d’une résonance intertextuelle avec l’archétype que propose le récit
mythique : deux hommes, au bord de l’eau, y contemplent leur propre

Crisol, série numérique - 13 33


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

reflet » (2020b ; 18), Ulysse : « […] le croisement entre Terry et le poète


n’est pas sans rappeler celui raconté dès le prologue et le premier chant de
l’Odyssée entre Ulysse, de retour sur son île, Ithaque, pour reconquérir son
royaume, et son fils, Télémaque, qui s’en va sur le continent quérir auprès
des chefs d’expédition des informations sur le sort de son père » (2020b ;
18) et Télémaque… avec cette conclusion :
Terry se réfléchit dans José María Heredia, poète du XIX e , et tous deux se
réfléchissant ensuite individuellement dans Narcisse, Ulysse et Télémaque […]
Depuis cette perspective, Terry et Heredia incarnent le Doppelgänger […] et
l’épisode de l’incipit 1 est à la fois le Même dans le texte et l’Autre en renvoyant à
deux hypotextes différents, à savoir deux récits de la mythologie grecque repris
respectivement, pour la première fois, dans les Métamorphoses d’Ovide et
l’Odyssée d’Homère (2020b ; 19).

106. Effectivement, le texte ne ménage pas ses efforts pour poser et mon-
trer, parfois à grands et gros traits épais (par exemple l’épisode initial de
l’homme sur le voilier alors que Terry est de retour sur le Malecón après
dix-huit ans d’absence), les gémellations entre les deux personnages.
107. Mais se pose ici une question décisive : cela a-t-il réellement pour but
de créer une concordance entre les deux hommes, et, à travers eux, de tout
le reste, ou, au contraire, de mieux faire mesurer l’écart qui les sépare, alors
qu’en théorie, il avait justement tout pour être identiques, plus exactement
alors qu’en théorie, Terry avait pourtant tout pour être identique à Heredia.
108. Concernant, par exemple, « l’anecdote » très didactiquement signi-
fiante du voilier, tandis que Paula García Talaván estime :
No obstante, a pesar de sus diferentes circunstancias, la condición compar-
tida de exiliados sometidos a juicio por una autoridad injusta y manipuladora es
suficiente para que Terry se sienta identificado con Heredia, su modelo literario,
y para que Padura decida materializar esta identificación mediante el encuentro
especular de ambos personajes hacia el final de la novela, cuando Heredia, en el
barco que lo aleja definitivamente de la patria, y Terry, sentado en el Malecón
frente al mar que marca la distancia entre el dentro y el fuera de la isla, cruzan
sus miradas […] (2021 ; 6),

109. Nous avons écrit :


Et si l’on fait une lecture où l’homme sur le voilier figure effectivement Here-
dia, cela signifie que c’est du poète désapprobateur lui-même qu’il reçoit ce rejet,
avec une délinéarisation des deux instances, qui sont manifestement loin de la
symbiose et davantage dans la concurrence – il s’agit bien d’un duel qui se livre
ici, un duel de regards, certes, mais un duel tout de même… » (Lepage, 2020b ;
12).

34 Crisol, série numérique - 13


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

110. À notre avis, il serait possible et porteur de reprendre les éléments de


la supposée convergence et de la tout aussi supposée gémellation des prota-
gonistes et d’en inverser presque systématiquement le sens réel / profond,
avec le résultat du constat d’une disjonction et d’une dissemblance forte et
incidente, avec une ligne de partage qui s’allongerait très certainement de
plus entre Heredia et Terry, sur des points essentiels.
111. Quelques exemples :
• autour de la question de l’écriture… dans la mesure où si Heredia est né à
l’écriture à Cuba, y devenant un poète talentueux, le plus grand de sa
génération et rien moins que le père de la littérature nationale, Terry, lui,
dont l’œuvre passée n’est finalement guère évoquée (on s’attarde surtout
sur sa production universitaire), a cessé d’écrire bien avant son départ,
pris dans les obligations, les facilités et l’ambition de sa jeune carrière
d’universitaire… Dans cette perspective, c’est en effet une autre
interprétation que l’on donnera aux propos d’Elena Zayas cités plus
haut :
Les deux figures romanesques, Fernando Terry, né dans les années cin-
quante à La Havane (génération de L. Padura) et le poète romantique
J. M. Heredia, né à Santiago de Cuba en 1803, illustrent les liens particuliers qui
peuvent s’établir entre la création littéraire et la relation personnelle avec un ter-
ritoire dans un contexte historique donné (Zayas, 2020b ; 4).

À l’évidence, La Havane n’est une muse que pour Heredia.


Faut-il en déduire que le lien dont parle Elena Zayas n’a pas la même
étroitesse et la même force dans le cas de Terry et qu’à ce titre, toujours
suivant la logique mise en place, la relation avec le territoire cubain n’est
pas de la même nature, pas aussi viscérale, avec toutes les conséquences
que cela induit en matière de crédibilité et de légitimité pour la
cubanité ?
• autour de la question de l’engagement dans et pour Cuba… N’y a-t-il pas
un abîme entre le jeune Heredia enflammé pour la cause commune de
jadis et le jeune homme peu préoccupé de sa réalité sociale et politique ?
Cécile Marchand le dit clairement : « Cette militance ne se retrouve pas
chez Fernando Terry qui, bien que marielito, ne s’exprime pas sur la
politique de son époque » (2015 ; §9)
Plus loin : « Son engagement politique « n’a pas d’équivalent chez
Fernando Terry. Heredia prend position contre l’esclavagisme, pour

Crisol, série numérique - 13 35


C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

l'émancipation de Cuba et pour la démocratie » (Marchand, 2015 ; §7).


Nous avons pour notre part écrit à propos de Terry : « Rude réveil et rude
retour à la réalité pour celui qui ne connaissait que les rêves et l’horizon
de la littérature » (Lepage, 2020c ; 18).
De deux choses l’une :
1) soit Terry n’a, en effet, tout simplement pas une âme forte et le souci
du bien commun, ce qu’aurait pourtant exigé le contexte dans lequel il
évoluait, alors que, côté Heredia, les circonstances avaient fait naître
l’une et l’autre avec la vigueur que l’on sait et jusqu’au sacrifice de soi
chez un jeune romantique jusque-là plus préoccupé de son œuvre et ses
amours.
2) Soit, donc, l’époque castriste n’est décidément pas comparable à
l’époque des tyrans venus d’Espagne, ne nécessitant pas les mêmes
enrôlements et le même militantisme, de prendre ses responsabilités…
L’équation n’étant dès lors plus aussi claire entre la Cuba de Tacón et la
Cuba de Castro. Le personnage de Miguel Ángel, dont on ne retrouve
aucun équivalent sur le volet hérédien, constitue bien la preuve de cette
démarcation : nul héros du côté du régime et de son idéologie dans la
Cuba de Tacón, alors qu’il y en a de sublimes, comme El Negro, dans la
Cuba de Castro.
• autour de l’exil, avec une figure christique, du côté d’Heredia, victime de
toutes les trahisons et avec, du côté de Terry, un exilé victime et
bourreau, coupable de la seule trahison que narre finalement le roman.
Dans cette perspective, c’est une autre interprétation que l’on fera des
propos des nombreuses interprétations qui voient en Fernando Ferry une
projection spéculaire, point (« les destins d'Heredia et de Fernando se
reflètent et se comparent » [Lançon, 2003]). Une projection spéculaire
inversée ? Contrefaite ? Renée-Clémentine Lucien a justement précisé à
propos de Terry :
La biographie de personnage de double de Heredia qu'il s'est construite lui
impose de douloureuses confrontations entre les situations auxquelles ils ont été
confrontés. Peu à peu, il doit se rendre à l'évidence : les siennes ne sont que des
parodies sans éclat des situations de celui qu'il admire… (2020 ; 167).

Il y aurait un premier exilé – Heredia – qui, malgré la douleur et


l’amertume de l’exil, n’a pas cessé d’incarner et de porter haut les

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

couleurs et les valeurs de Cuba et de la cubanité éternelle jusque dans


l’exil (ce que pense Clara Dauler : « la fiction érige José María Heredia en
un personnage archétype capable de représenter l’ensemble des Cubains
et de la diaspora » [2020 ; 14] / « au-delà de l’exaltation du nationalisme,
le roman historique de Leonardo Padura propose de construire, à partir
de l’œuvre de José María Heredia, une mémoire littéraire capable de
sceller un socle fédérateur pour le peuple cubain et sa diaspora » [2020 ;
20]). Et il y aurait un second exilé – Terry ; Terry comme symbole (ce que
s’emploie à mettre en place la section 5, narrant le départ du marielito,
de la ligne consacrée à Fernando) – incapable de dépasser la douleur et
l’amertume de l’exil et de continuer à être pleinement cubain (en
témoignent les deux sections [2 et 3] consacrées au banquet de la
tentative échouée de recubanisation de Fernando), a fortiori de la
représenter et d’en assurer la pérennité.
Selon Zayas « Le retour de Fernando pose le problème du desexilio [...]
Car en arrivant à La Havane, dix-huit ans après son départ, Fernando est
projeté dans une société qu’il ne connaît plus vraiment » (2020b ; 7).
Nous avons écrit précédemment à ce sujet :
[…] le chapitre-incipit de la ligne de Terry installe l’exilé […] dans une posi-
tion de personnage malade, perdu, incapable de guérir par lui-même, qui
cherche sa « cubanité » et semble observer Cuba et des endroits iconiques
comme un simple touriste (2020b ; 10).

Faut-il en déduire, par conséquent, qu’il y a un « bon » exil et un


« mauvais » exil cubain ? À tout le moins que l’exil de maintenant ne
saurait se revendiquer de l’exil d’hier pour y tirer la crédibilité et la
légitimité d’une identité culturelle plus authentique et plus pure (ce que
font bien des romanciers de la diaspora [le roman de Daina Chaviano, La
isla de los amores infinitos (2006), est exemplaire de ce phénomène,
avec une tentative de récupération côté diaspora de Miami de toutes les
grandes figures de l’indépendance cubaine, José Martí en tête]) et donc,
une crédibilité et légitimité plus solides pour revendiquer la gouvernance
de la future Cuba post-révolutionnaire.
Philippe Lançon a écrit à propos de Padura : « L’homme qui a toujours
refusé de partir met en scène ceux qui l’ont fait. Ils sont ses modèles
négatifs. Il réfléchit à travers eux. Il s’interroge sur leurs raisons, leur
tristesse, les drames qu’ils ont vécus » (2003).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

N’est-ce pas que la partie émergée de cette représentation de l’exil et des


exilés ?
Dans ces conditions, on comprend de manière assez différente ce qu’écrit
Cécile Marchand à propos de la quête de vérité / justice d’un côté
d’Heredia (il s’agit pour lui « d’apaiser son tourment d’avoir été trahi,
dénoncé, selon lui » [2005 ; 1]) et, de l’autre côté, de Terry (« il s’agit de
laisser trace de sa vérité, de ses vérités, de les transmettre à son fils
illégitime, Esteban » [2005 ; 1]) : « Fernando Terry est mû par
l’obsession de trouver cette vérité ; non pour que justice lui soit rendue,
car il est trop tard » (2005 ; 1) (c’est nous qui soulignons).
Comprendre : il n’est pas trop tard pour Heredia, après un siècle passé
– et même, cela justifie de mettre sur pied le projet Le Palmier et l’étoile
–, mais il est « trop tard » pour Terry et il faut mettre sur pied un
fragment de roman, la longue ligne 1 de Le Palmier et l’étoile, pour le
montrer et démontrer, le faire homologuer comme si cela allait de soi.
Sans doute cette différence de traitement explique-t-elle aussi les
différences dans la relation que chacun des protagonistes entretient avec
La Havane.
Disjonction étudiée en détail par Nelly Le Naour.
Côté Heredia :
L’exil n’entame en rien cette relation d’appartenance […], La Havane étant
comme inscrite dans son corps. Même si la capitale est méconnaissable en 1836,
après les transformations décidées par Tacón, et même si l’un de ses repères les
plus chers, la maison d’Anne-Marie, a disparu, le poète cubain reconnaît malgré
tout sa ville… (Le Naour, 2020 ; 13).

Alors que le contraire se produit pour Terry, « Ce n’est pas le cas chez
Terry, pour qui l’exil de dix-huit ans marque une rupture profonde. Le
sentiment d’étrangeté perdure, jamais compensé » (Le Naour, 2020 ; 13).
Des interrogations qui jettent une lumière intéressante sur les
affirmations de Jacinta Cremades, pour qui Le Palmier et l’étoile offre
« une vaste méditation sur l’exil » (2016) et de Philippe Laçon, qui y voit
« une méditation sur la culture et l’histoire politique cubaine » basée sur
« une double malédiction [qui] se répète : celle de la trahison et de
l’exil » (2003).
Faut-il en déduire, finalement, tout court, qu’il y a un « vrai » bon Cubain

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

d’un côté, un « faux » mauvais Cubain de l’autre ?


Padura l’a dit et répété dans les innombrables interviews qu’il a
accordées, dans ses très nombreuses interventions lors de manifestations
scientifiques ou ses régulières prestations auprès de ses lecteurs, sur
internet ou au cours de rencontres dans des librairies, etc. : la crédibilité
et la légitimité du sol ou, à défaut, du cœur sont primordiales.
Michèle Gazier estime que Le Palmier et l’étoile pose ces questions-clés :
« Comment peut-on rester cubain ? Comment peut-on oublier Cuba ?
Comment peut-on être la voix d'un pays (c'est le cas de Heredia, devenu
figure nationale des décennies plus tard) après en avoir été exclu sa vie
durant ? » (Gazier, 2016).
Or, sur ces deux plans, les personnages se distinguent et s’éloignent l’un
de l’autre.
À se demander si cela n’explique pas le « privilège » dont bénéficie la
ligne narrative du poète, qui, comme l’a expliqué Renée-Clémentine
Lucien, « n’est assujetti[e] à aucun narrateur extérieur ; le triple statut
d’auteur, de narrateur et de personnage, puisqu’il met en scène, confère à
Heredia une autorité, une hégémonie dont ne bénéficient pas les
personnages des deux autres récits » (2020 ; 135), car dans son cas, il ne
s’agit pas de « diluer les effets produits par la parole des
personnages » (2020 ; 139).
En auteur et narrateur-auteur ayant sauvé la mémoire et le legs
d’Heredia, Padura peut alors marteler son refrain, que lui est le plus
crédible et le plus légitime au moment de s’exprimer sur Cuba, les
Cubains et la cubanité parce que lui, il y a vécu et parce qu’il y vit, en
dépit de tout, au point, pour certains, d’en être presque une émanation,
décrit en symbiose avec son île comme lui-même décrit le poète
romantique en symbiose avec sa patrie de choix… et de cœur : « On sent
chez ce Cubain prolifique [...] la même énergie qui parcourt La Havane.
Dans ces rues où la chaleur vous colle à la peau, dans le vacarme des
voitures, les contorsions des femmes, les cris des hommes, Leonardo
Padura puise son inspiration » (Cremades, 2016) et d’ailleurs, « […]
l'auteur assure qu'il ne quittera jamais son île, et ce pour une raison
simple : « “l'écrivain Leonardo Padura n'existerait pas sans Cuba” »
(Roque, La Dépêche, 2017).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

Padura a écrit à ce sujet :


J’écris, non pas en espagnol, mais en cubain ; je vis en cubain ; je voyage en
cubain ; je fais tout en cubain. Mais encore plus qu’en cubain, en havanais, et
encore, plus qu’en havanais, en mantillais, parce que je suis de ceux qui ont cette
étrange relation tellurique avec un petit bout de terre de La Havane, assez laid,
assez détérioré, qui s’appelle Mantilla, où sont nés mon arrière-grand-père, mon
grand-père, mon père, ou je suis né moi-même [...]. Et oui, je vis toujours
(Padura – Cremades, 2016).

La conclusion semble s’imposer d’elle-même : impossible d’écrire vrai sur


Cuba autrement qu’en y résidant, comme lui, et / ou, comme son Heredia,
en ayant Cuba dans le sang14.
Ce qui faire dire à Sabrina Wajntraub :
Padura est capable de livrer sa réalité vraie de la société cubaine contempo -
raine non seulement parce qu’il y vit – le motif des origines est alors réactivé
dans une nouvelle perspective de justification de la qualité et de l’authenticité de
son travail –, mais également parce que lui aussi, précisément en 1989 – tel un
reflet inversé de 1998 –, a perdu ses illusions et a accédé à la Vérité (2020 ; 27).

Un élément qui renforce encore l’idée que Le Palmier et l’étoile construit et


assure la solidité / viabilité d’une glorieuse fiction autobiographique. Quand
Sabrina Wajntraub écrit à propos de la relation d’Heredia avec La Havane :
« sur les racines de La Havane, sont nés puis ont poussé : d’une part, le
ramage de l’intime constitué par les branches amoureuse, familiale, cordiale
et amicale ; d’autre part, le ramage public de l’écrivain dont les branches se
confondent avec le ramage intime […] L’homme et le poète puisent leurs
origines dans la même terre et les mêmes filiations » (2020b ; 10), il faut en
réalité considérer que Padura dresse là un autoportrait. Ce qui, d’ailleurs,
nous semble rendre discutable l’idée que Le Palmier et l’étoile renverrait à
la post-modernité du fait qu’il s’appuie sur la multiplication des points de
vue et sur la plurivocité dans la relation de l’histoire et de l’Histoire 15…, car
14 « Bien que j’aie mis des années à le découvrir, je suis maintenant sûr que l’odeur de La
Havane fait toute sa magie. Qui connaît la ville doit admettre qu’elle possède une lumière
qui lui est propre, dense et légère à la fois, et une couleur exubérante qui la différencie de
mille autres villes au monde. Mais seule son odeur est capable de lui donner cet esprit
incomparable qui rend son souvenir si vivace. Car l’odeur de La Havane n’est ni plus
agréable ni pire qu’une autre, elle n’est ni parfumée ni fétide, et, surtout, elle n’est pas
pure : elle s’élabore à partir du mélange fébrile suintant d’une ville chaotique et
hallucinante. Cette odeur s’empara de moi la première fois que j’arrivai à La Havane à un
âge où j’étais capable d’en prendre conscience » (Padura, 2003 ; 18).
15 Renée-Clémentine Lucien a résumé le point de vue de la critique à ce sujet : « […] la
pensée, la condition et la littérature post-modernes dont relève l’œuvre de Padura
récusent une vision et une compréhension du monde fondées sur l’univocité, le point de

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

– et à notre avis, cela ne rend l’œuvre que plus intéressante encore – cela
peut, finalement, être vu et interprété comme un simple effet du texte, en
somme une performance (en lien avec ladite « complexité dans les straté-
gies narratives et discursives ») dans les miroirs de laquelle projeter un seul
et même point de vue, une seule et même voix (en lien avec lesdits « la poly-
phonie et le dialogisme ») et un seul genre, celui, en effet, de l’auto-fic-
tion / de la fiction autobiographique.
112. Finalement, pour comprendre pleinement le pourquoi et le comment
de la présence de l’Histoire dans le roman, on en revient à la théorie d’un
Padura autofictionnalisé dans tous ces personnages et toutes ses histoires
pour jouer et se rejouer, dans tous les décors possibles, sa scène primitive
fétiche et, en l’occurrence, cette fois, pour l’intégrer à la fois dans la réalité
collective et dans sa propre trajectoire personnelle.
113. À ce sujet, il nous semble utile de rappeler ce qu’explique Fabrice Pari-
sot :
En 2020, lors du Salon International Carlos Fuentes de la Foire du Livre de
Guadalajara tenu à Mexico, à l’occasion de la remise de la médaille Carlos
Fuentes en reconnaissance de son œuvre, Leonardo Padura Fuentes devait expli-
quer s’être engagé dans la voie du roman historique pour essayer de comprendre
la nature intime de son pays, les clés d’une appartenance, mais aussi pour mieux
se comprendre lui-même ; car il avait conscience qu’entre les mains d’un roman-
cier, l’Histoire pouvait être utilisée pour révéler depuis un angle intime, drama-
tique, subjectif même, l’existence d’un vaste processus visible dans et à travers
l’Histoire, d’une façon viscérale, que la science historique ne permet pas tou-
jours d’appréhender […] (2021b ; 1)

114. Pas étonnant, d’ailleurs qu’on lise, toujours dans l’article de Fabrice
Parisot :
Le romancier a rapporté deux anecdotes qui ont motivé l’écriture de ce
roman. La première, en 2020, à l’occasion du discours inaugural de ce même
Salon […], dans lequel il devait raconter que c’est la découverte d’un lien gastro-
nomique, le quimbombo, partagé avec le poète romantique José Maria Heredia,
qui lui a donné l’idée de faire d’abord des recherches sur ce fondateur de la litté-
rature cubaine, puis de lui consacrer un roman : « Encontrar a través de un ele-
mento representativo de la culinaria cubana un nexo entre el fundador Heredia,
muerto en México poco después de concretado su breve regreso a Cuba, y mi
propia persona, casi dos siglos después, fue un hallazgo esencial a la hora de

vue unique, et remettent en cause la linéarité du récit romanesque. La postmodernité


introduit donc de la complexité dans les stratégies narratives et discursives, en
privilégiant la polyphonie et le dialogisme, les formes multigénériques et hybrides et une
haute de dose de réflexivité métafictionnelle… » (2020 ; 131-132).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

estudiar, primero, y proponerme, escribir la novela de la vida del poeta » (Pari-


sot, 2021b ; 1-2).

115. Sabrina Wajntraub en déduit :


au-delà de la biographie fictive du poète cubain, La novela de mi vida abrite-
rait la biographie autofictionnelle de Padura lui-même, qui se réfléchirait
notamment dans la biographie fictionnelle de José María Heredia (2020b ; 20)

la première de couverture des éditions Métailié apparaît donc comme le


résultat d’un compromis entre marketing, réception d’une œuvre et réception
d’un livre, un compromis qui semble satisfaire l’auteur pour qui […] sa biogra-
phie autofictionnelle semble être le niveau de lecture le plus important (2020a ;
17).

116. Ce qui pourrait être prolongé en se demandant pourquoi, justement,


s’agissant au départ de se découvrir à travers l’autre, le grand personnage
historique inscrit au firmament de son panthéon des idoles personnelles, et
donc l’aune absolu de l’identité culturelle et, plus encore, de la crédibilité et
légitimité littéraires, on finit surtout par s’écrire soi-même à travers lui… et,
en un extraordinaire rapt historique, à l’écrire, lui, à travers soi (en réfé-
rence à la fameuse scène primitive padurienne). Pourquoi, en somme, le
besoin d’un vis-à-vis de cette nature pour construire l’autobiographique sur
ce qu’il n’est pas exagéré de décrire comme une déconstruction du biogra-
phique.
117. Pour nous, la réponse la plus convaincante est la suivante : l’enjeu
tient moins à bâtir une autofiction, y compris une biographie autofiction-
nelle (ce qui a déjà été fait dans Fiebre de caballos et dans les romans de la
tétralogie) que d’asseoir la validité et la viabilité d’une véritable fiction auto-
biographique, base indispensable de l’élaboration de son propre mythe per-
sonnel… Ce qui explique bien, d’ailleurs, pourquoi après avoir un temps
envisagé de narrer Heredia depuis un roman épistolaire (commode pour la
fabrication de l’effet de réel nécessaire à pareille entreprise de « reconstitu-
tion » ; pour Philippe Lançon, la ligne José María de Heredia constitue une
représentation d’un temps et d’un espace qui « collent de près aux nom-
breuses lettres du poète » afin de « donner le parfum littéraire de l’île au
début du dix-neuvième siècle » [Lançon ; 2003]), il ait finalement opté pour
une forme hybride du récit de soi – mémoires, journal intime et confes-
sion –, évidemment bien plus apte au dépliage et à l’étalage du « je » aucto-
rial. Où Heredia, aussi admiré soit-il, se résume si ce n’est au rôle de simple
faire-valoir, du moins à celui d’accessoire pour montrer-démontrer qu’en

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

seul et unique héritier digne du poète, il est lui-même un grand auteur


cubain, authentiquement grand et authentiquement cubain.
118. N’est-ce pas exactement à cela que sert en réalité la rédaction de
longues mémoires fictives et présentées à l’envi comme telles, en quelque
sorte moins destinées à souligner et marteler que faute d’avoir pu conserver
les « vraies », il faut nous contenter des « fausses », qu’à montrer que grâce
à Padura nous avons des mémoires tout court d’Heredia (« tout en s’inspi-
rant des éléments biographiques recueillis, il imagine les mémoires fiction-
nelles du poète qui donnent son titre au roman » [Zayas, 2020a ; 3]), que
grâce au talent de psychologue historien et de mime stylistique de Padura,
nous avons des mémoires absolument jumelles de ce qu’elles auraient été si
elles avaient existé… ? Autant dire que même, on devrait remercier l’auteur
d’avoir concrétisé ce qu’Heredia n’a pas pu fait, n’a eu que l’intuition et le
désir de faire (en référence à la lettre écrite à son oncle le 20 mai 1827 :
« ¿Por qué no acabo de despertar de mi sueño? ¡Oh! ¿Cuándo acabará la
novela de mi vida para que empiece su realidad? »). Clara Dauler écrit :
« Leonardo Padura participe en quelque sorte à l’édification d’un patri-
moine littéraire national en s’appuyant sur l’œuvre de José María Heredia,
une figure pionnière des lettres cubaines » [2020 ; 5]).
119. Finalement, plutôt que de s’interroger sur les questionnements (nous
venons d’en énoncer quelques-uns) et, encore plus riche à notre avis, sur les
profonds enjeux autobiographiques / autofictionnels que posent les para-
mètres et le périmètre de Le Palmier et l’étoile en tant que roman histo-
rique, nombre de critiques préfèrent à l’évidence partir du principe qu’il
s’agit de cela et, dans le même temps, de tout autre chose – et cela devient
un atout : Le Palmier et l’étoile saurait être un roman historique et bien
plus.
120. Jacinta Cremades s’en tient à considérer que « Tous les romans de
l’écrivain sont, à leur façon, des récits historiques » (2016) (c’est nous qui
soulignons). Vague et labile à leur façon… D’autres avancent l’argument de
l’hybridité.
121. Renée-Clémentine Lucien considère : « […] le roman de Leonardo
Padura […] mêle des données génériques relevant de l’enquête policière et
du roman historique » (2007 ; 2).

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

122. Clara Dauler : « […] la fiction de Leonardo Padura intègre les méca-
nismes du roman noir (Vanoncini, 2002) pour remonter le temps du XX e au
XIXe siècles, afin de poser au lecteur des questions existentielles sur la réa-
lité cubaine » (2021 ; 9).
123. Julie Malaure : « À la croisée de l'Histoire et du polar, Le Palmier et
l'étoile tourne autour de la disparition du poète José Maria de Here-
dia » (2015).
124. Philippe Lançon, lui, se montre encore plus catégorique ; à ses yeux,
purement et simplement, Le Palmier et l’étoile « n’est pas un roman histo-
rique, mais une méditation sur la culture et l'histoire politique
cubaine » (2003).
125. Quant à Padura, il a lui-même affirmé, dans un entretien de 2020 avec
Néstor Ponce : « Digo que no es una novela histórica porque la figura de
Heredia y su época están reflejadas desde una óptica contemporánea y
responden a fines diría que filosóficos también contemporáneos »
(Padura – Ponce, 2020 ; §6).
126. Outre qu’il est intéressant de voir comment l’auto-glose padurienne se
déploie / évolue au fil du temps, dans de constantes rétro-lectures qui
posent autant de rétro-écritures (avec des romans dont le sens se démulti-
plient depuis un seul et même texte) et qui rendent l’œuvre éminemment
riche là où tant d’autres sont platement statiques, on pourra se demander si
regarder l’Histoire depuis et pour ici et maintenant n’est pas, précisément,
le capital génétique et la raison d’être du roman historique, y compris dans
sa définition la plus traditionnelle / conventionnelle ? Est-il vraisemblable
d’envisager qu’un romancier puisse écrire sur l’Histoire exclusivement dans
le but de renseigner sur l’Histoire ? L’Histoire n’est-elle pas plutôt toujours
l’un de ces miroirs facilement générateurs de défamiliarisations/d’étrangéï-
sations dans lesquels projeter le présent afin de le regarder et le faire regar-
der autrement ? Pourquoi, donc, avoir besoin de prendre de la distance à
l’égard de la catégorisation « roman historique » ?
127. Pour apporter des éléments de réponse, il faut remarquer que Padura
se montre coutumier de ce que l’on appellera la dénégation générique : il ne
faudrait pas lire les romans de la tétralogie comme des romans policiers au
sens littéral du terme (« no escribo novelas policiacas-policiacas, sino falsas
novelas policiacas » [Padura – Parisot, 2021b ; 2]) et il ne faudrait donc pas

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

non plus lire Le Palmier et l’étoile comme un roman historique au sens lit-
téral du terme : « […] yo no escribo […] novelas históricas-históricas, sino
novelas que utilizan la historia » (Padura – Parisot, 2021a ; 2).
128. La question étant de savoir quel est l’intérêt de ce refus de l’étique-
tage ? Pose ? Coquetterie ? Arrogance ? C’est en réalité beaucoup plus et
bien plus porteur.
129. À Fabrice Parisot, Padura a déclaré : « mi visión de lo genérico es muy
heterodoxa y eso me da una gran libertad a la hora de escri-
bir » (Padura – Parisot, 2021a ; 2).
130. Une grande liberté, en effet, au moment de combiner les outils de
toute une série de modalités de la narration, le roman historique, mais aussi
le roman policier ici, pour plus d’efficacité dans l’installation et dans le
déploiement de la diégèse, et également, surtout, une grande liberté au
moment d’être comptable du discours qui découle du texte… Car, rappe-
lons-le à toutes fins utiles : le genre n’est pas qu’une « forme » creuse, un
strict emballage, ou juste une fioriture pour faire joli – est-il besoin de le
rappeler ? –, c’est-à-dire pas seulement une machine à produire « pragma-
tiquement » du récit séduisant depuis des « efectos dramáticos ». Il s’agit
également, à travers le pacte de lecture que tel ou tel rattachement architex-
tuel scelle suivant des critères parfois très précis, un horizon d’attentes, qui,
selon les cas, peut y compris devenir un horizon d’exigences côté destina-
taire – en particulier s’agissant du roman noir, qu’il ne faudrait pas envisa-
ger à la légère comme un sous-genre parmi d’autres au sein des familles de
la littérature criminelle.
131. C’est cette seconde grande étiquette associée à Le Palmier et l’étoile à
laquelle nous allons donc nous intéresser ici, avec d’autant plus de curiosité
que Padura, donc, l’écarte tout en ayant recours au sous-genre (pour une
analyse détaillée de la reprise des mécanismes du roman noir chez Padura,
on se reportera aux pages très complètes écrites à ce sujet par Renée-Clé-
mentine Lucien (2020 ; 97-103).
132. Le roman noir, a fortiori suivant le schéma que pratique Padura dans
Le Palmier et l’étoile, à savoir une enquête menée dans le présent et dans le
passé, depuis non pas la voie et les instances conventionnelles (en l’occur-
rence la police), mais depuis un amateur situé à la marge / dans la margina-
lité pour découvrir et révéler ce que le système n’est pas en mesure ou se

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

refuse à admettre et à montrer, constitue une langue littéraire fortement


marquée d’un point de vue de la morale et, plus encore, de l’éthique. Cela
parce qu’un auteur se revendiquant de ce sous-genre (ce qu’a initialement
fait Padura, par exemple en 2001, dans un entretien qu’il nous avait
accordé, et où il disait, entre autres : « Conde est le petit-fils de Philip Mar-
lowe et le fils de Pepe Carvalho » [Padura – Lepage, 2001 ; 15]) s’inscrit
d’emblée, de fait, dans une généalogie d’auteurs, Hammett et Chandler en
tête, qui ont façonné leur écriture pour qu’elle devienne une arme de com-
bat. Pour eux, l’ambition est de dire une identité, de décrire une réalité le
plus crûment possible et de dénoncer sans complaisance les élites corrom-
pues et corruptrices, les dérives et vices d’un système perverti et pervertis-
seur. Haute responsabilité, on en conviendra…, mais, rappelons-le égale-
ment, proportionnelle à l’ampleur de la confiance que l’auteur acquiert de
fait auprès de son lecteur par le seul fait qu’il présente, implicitement ou
explicitement, son roman dans le sous-genre noir. Nous avons déjà signalé
à plusieurs reprises les ambiguïtés génériques des différents volets de la
tétralogie, y voyant pour résultat un ambigu et incident brouillage discur-
sif… Et dans la continuité des interrogations que cela avait soulevé dans
notre réflexion, nous nous demanderons ici si la migration / mutation de
l’univers Conde vers l’univers Terry n’était justement pas le moyen de la
dilution de ce brouillage générique et, donc, d’une suppression pure et
simple des confusions et des ambiguïtés que cela entraînait. Quand Padura
déclare de but en blanc à Néstor Ponce « […] no me considero ni escritor de
novelas policiales ni de novelas históricas » (Padura – Ponce, 2020 ; §14) et
quand il répond à Florence Noiville, pour Le Figaro, qui lui demande quelle
est la nature de ses romans : « “Policier, historique, social, tout ça en même
temps et rien de tout ça”, s’amuse-t-il » (Noiville, 2014), l’affaire semble
réglée : ne s’auto-catégorisant nulle part, il n’inscrit son roman nulle part,
et n’est alors plus tenu par aucun horizon d’attentes, a fortiori par aucun
horizon d’exigences… Dès lors, il n’a pas le moindre compte à rendre sur le
plan discursif et il peut se permettre d’exploiter les formes, au détriment du
fond, aussi bien du roman historique que, surtout, du roman noir, « con
conciencia y alevosía » (Padura – Ponce, 2020 ; §14), avec les arguments
imparables que « Los géneros son útiles para las definiciones críticas y los
estudios académicos. Pero utilizarlos estéticamente puede ser peligroso: se
convierten fácilmente en un esquema, un dogma » (Padura – Ponce, 2020 ;

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

§14), et que, finalement, « lo artístico debe estar por encima de esas
condensaciones » (Padura – Ponce, 2020 ; §14).
133. Reste à déterminer jusqu’à quel point le « pragmatisme » formel peut
prendre sur le pas sur la morale et l’éthique du contenu s’agissant de roman
noir.
134. Car, Le Palmier et l’étoile étant bel et bien identifié sous cette éti-
quette, même ponctuellement (cela concerne surtout la ligne Fernando
Terry), même périphériquement, impossible de ne pas se demander, même
ponctuellement, même périphériquement ce qui relève en effet du roman
noir – pourquoi ? – et ce qui n’en relève pas – pourquoi ?
135. Si l’on s’en tient à une description volontairement simplifiée du sous-
genre, comprendre à ses fameux trois piliers structurels (dimension identi-
taire, réalisme et dénonciation), on pourra se poser une série de questions :
• quelle identité cubaine construit une enquête très œdipienne – le
coupable se révélant finalement être l’enquêteur lui-même – qui s’appuie
sur la délimitation d’une frontière et d’une territorialisation distincte
entre Cubains de l’intérieur et Cubains de l’extérieur ?
• Dans une telle configuration, le complément « informatif » et « affectif »
des lignes José de Jesús Heredia et José María Heredia ne fait-il pas
office de support argumentatif pour enfoncer le clou avec une supposée
caution culturelle et historique ?
• Quelle extension et quelle portée pour un réalisme bâti à travers une
enquête menée depuis le point de qui, jadis, ne voyait guère au-delà de sa
carrière naissante d’universitaire et de ses conquêtes féminines – passant
notamment à côté du drame vécu par Enrique – et de qui, aujourd’hui,
est perdu dans de sempiternelles « elucubraciones », égoïstement rongé
par la rancœur et obsédé par des chimères (la recherche du manuscrit
d’Heredia) ?
• La réduction et la décrédibilisation / délégitimation du point de vue ne
constituent-elles pas une sérieuse entrave au processus « politique » que
suppose une enquête de roman noir ?
• Pour ce qui est de la dénonciation, elle est certes bien présente (la
surveillance, les brimades, les violences, l’isolement, etc. ne sont pas
passées sous silence) ; pour Paula García Talaván : « C’est justement sa

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

vision personnelle de la réalité cubaine, dissociée des intérêts politiques


et très critique envers certains aspects du processus révolutionnaire, qui
constitue l’un des aspects les plus attractifs de ses romans » [2015 ; §1]),
mais, outre que les responsabilités sont soigneusement partagées, d’un
côté et de l’autre (Terry reçoit sa part, en bonne quantité), cela engage-t-il
véritablement un système, en l’occurrence le régime, ou, une poignée
d’imbéciles (en référence à la direction de la revue TabaCuba, pour
laquelle travaille un temps Fernando) et un – un seul ? – bourreau,
Ramón, qui, à travers l’ultime confrontation au sein de la loge
maçonnique (l’endroit où l’on se dit les vérités vraies), apparaît moins
comme un idéologue rigide que comme un banal opportuniste, qui, de
surcroît, n’avait rien de particulier à reprocher à sa victime, ne voyant en
elle que le moyen de son ascension sociale. Où l’on en revient aux mêmes
conclusions que celles qu’il semblait falloir tirer à la lecture de Pasado
perfecto, etc. : à Cuba, comme partout, les « hijos de puta » dénaturent et
dévoient les plus belles utopies, d’autant plus coupables qu’ils
appartiennent à l’exemplaire Cuba, dépositaire des plus nobles
sentiments (à commencer par l’amitié) et des plus somptueuses valeurs
universelles (à commencer par la solidarité)… Là encore, les lignes José
de Jesús Heredia et José María Heredia deviennent des redondances
argumentatives et des caisses d’amplification, avec d’un côté des braves
et de l’autre, les « hijos de puta ». La conclusion ne tourne-t-elle pas à
une normalisation du cas cubain, avec, comme partout, effectivement,
des salauds profiteurs du système, quel qu’il soit ?
À ce compte-là, on comprend bien que n’ayant pas plus besoin que cela
d’une arme de dénonciation massive, Padura se soit finalement contenté
de la catégorie la plus anodine et la plus superficielle, de pure forme, du
roman policier, à savoir le roman d’énigme…, avec, « juste », une trame
s’appuyant sur une intrigue qui tient davantage du casse-tête pour
s’amuser avec ses « petites cellules grises » et dont la résolution amènera
la tombée des masques des coupables au sein d’un huis-clos réunissant
des happy few in fine réinstallés dans leur statut et dans leurs
prérogatives de happy few, délestés de l’influence des « méchants », alias
« los hijos de puta ».
Padura, d’ailleurs, semble assumer : « Es políciaca porque utilizo el
recurso de la encuesta, de la búsqueda, de la develación y la revelación. Y

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C. LEPAGE, « La réception française de La novela de mi vida… »

las respuestas van apareciendo al final de la novela, como soluciones a


enigmas » (Padura – Parisot, 2021 ; 2).
Information bien moins secondaire qu’il y paraît, car s’il convient par
conséquent d’associer Le Palmier et l’étoile au sous-genre du roman
d’énigme, cela ouvre immanquablement un sérieux questionnement sur
le rapport qui est concrètement tissé avec la réalité sociale et politique…,
ce sous-genre se caractérisant le plus souvent par sa propension à nier le
monde environnant, au bénéfice d’un repli / enfermement dans un îlot
construit sur mesure grâce aux « formes » de la littérature, artificiel et
artificiellement préservé à travers le remâchage d’un imaginaire british
éternel pour les reines du crime anglaises et, donc, d’une imaginaire
cubanía éternelle pour le roi du crime cubain. Le roman d’énigme aurait
alors offert à Padura le plus solide et rassurant des territoires
intertextuels hétérotopiques.

136. Quelques mots pour conclure notre dialogue avec la critique fran-
çaise / en France de Le Palmier et l’étoile. Ce roman nous semble, précisé-
ment à travers ses indéniables qualités, représentatif de la manière très par-
ticulière, et tout à fait singulière, dont, chez Padura, l’œuvre, d’une part,
génère et réinvente en permanence, obsessionnellement, les critères de sa
propre réception, d’autre part, complémentairement, trace avec un soin
extrême, à la fois dans les micro et dans les macro structures, le périmètre
de sa propre interprétation (qui, pour variée et contradictoire qu’elle
paraisse, tourne finalement autour d’un commode consensus) depuis un jeu
diabolique, y compris dans le recours à un apparemment limpide et banal
didactisme, avec les codes qui régissent habituellement la « relation » entre
auteur et lecteur… In fine, pour cette raison même, cela rend d’autant plus
nécessaire, selon nous, de trouver les outils susceptibles de permettre de
bâtir la nouvelle Histoire de la littérature (puisque, Padura, parmi d’autres,
juge cela indispensable) non pas depuis les seules injonctions et séductions
des auteurs, mais aussi depuis les exigences et, peut-être aussi (pourquoi
pas ?), les soumissions consenties – comprendre non soutirées – des lec-
teurs. Ne serait-ce que pour éviter que l’écrivain-historien redresseur de
torts soit juge et partie.

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« Leonardo Padura Fuentes », Des choses à lire, 05/12/2016. En ligne :


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« Leonardo Padura, la plume de Cuba », Chantiers de culture, 11/02/2019.


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« Le Palmier et l’étoile », Fnac, 09/01/2013. En ligne :


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Padura/dp/B0188OG332/ref=pd_sbs_3 ?
pd_rd_w=sMO4G&pf_rd_p=a9641ba0-ad74-4f54-9bb6-
b08451c5c320&pf_rd_r=VY3VNAENPY22WZB6GYNT&pd_rd_r=596186
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rReviews

« La transparence du temps », Babelio, 18/04/2019. En ligne :


https://www.babelio.com/livres/Padura-La-transparence-du-temps/11004
82/critiques

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