Vicat
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Note technique
INTRODUCTION
La méthode scientifique de formulation des bétons développée par le LCPC est basée sur des
concepts granulaires [1] mis en œuvre dans le logiciel BétonlabPro [2]. C'est pourquoi
l'utilisation de ce logiciel nécessite la connaissance de la compacité de l'ensemble des
fractions granulaires élémentaires, et notamment celle des poudres minérales (ciments,
additions etc.). Pour ces dernières et jusqu'à présent, une mesure visuelle de demande en eau
était préconisée, par recherche d’un changement d’état entre pâte lisse et mélange de boulettes
humides. Cette note présente des résultats d’essais validant une nouvelle méthode, plus
objective, préconisée par Lecomte et al. [5], et basée sur l’utilisation de la sonde de Vicat.
TRAVAUX ANTERIEURS
Deux méthodes sont actuellement utilisées pour évaluer la compacité des constituants. Elle
est déterminée à sec [3], pour les matériaux dont le diamètre des grains est supérieur à 80 µm.
Par contre, elle est évaluée par un essai de demande en eau pour les éléments fins, comme les
liants et les additions minérales. Ceci permet de prendre en compte l'influence de l'eau sur le
comportement des poudres mais également celle d'un adjuvant de type superplastifiant, si
nécessaire. L'essai de demande en eau, retenu jusqu'à présent dans BétonlabPro [2], se déroule
de la façon suivante. A l'aide d'un malaxeur à mortier tel que décrit dans la norme NF EN
196-1, on mélange une masse M p de poudre avec de l'eau (et le superplastifiant, le cas
échéant). Par essais successifs, on détermine la quantité M e d'eau pour laquelle le mélange
obtenu a un aspect bouleté de terre humide, et pour lequel l'addition d'un petit incrément,
ΔM e , fait passer le mélange à l’état de pâte homogène. La compacité de la poudre est alors
déterminée par la formule suivante:
1000
C=
Me
1000 + M v
Mp
où M v est la masse volumique de la poudre, en kg/m3.
La compacité d'un matériau dépend de l'énergie utilisée pour le compacter. Ceci est pris en
compte dans le Modèle d'Empilement Compressible (MEC [1]) utilisé dans BétonlabPro, par
l'intermédiaire d'un scalaire K, appelé indice de serrage, qui augmente avec l'énergie de
compactage. Ainsi, à un mode opératoire de compactage donné correspond un indice de
serrage fixé.
1
Note technique – acceptée pour publication au BLPC
Ce dernier n'est pas directement mesurable ; il est calé par autocohérence. Comme on peut le
voir sur la figure 1, la compacité théorique selon le MEC d'un mélange binaire évolue suivant
une courbe de plus en plus « pointue », lorsque la valeur de l'indice de serrage augmente, pour
des valeurs constantes de la compacité réelle des deux constituants élémentaires. Pour un
essai de compacité donné, il est donc possible de caler la valeur de l'indice de serrage, sur la
base de données expérimentales relatives à des mélanges binaires. C'est ainsi qu'ont été
déterminés les indices de serrage correspondant au compactage à sec et à l'essai de demande
en eau, soit 9 et 6,7 respectivement [1, 4].
0,8
K=1
K=3
0,75
K=6,7
K=10
0,7
K=1000
Compacité
0,65
0,6
0,55
0,5
0 20 40 60 80 100
Pourcentage de gros
Figure 1: Influence de la valeur de l'indice de serrage K sur la compacité d'un mélange binaire, pour des
valeurs constantes des compacités élémentaires.
La mesure de demande en eau sur pâte homogène, telle que décrite plus haut, présente une
difficulté principale : l'appréciation du changement d'état est visuelle, ce qui peut être source
d'une faible reproductibilité (bien que pour un opérateur donné, la répétabilité soit bonne).
Cela peut être notamment vrai lorsque le changement d’état est progressif, comme c'est le cas
en l'absence d'adjuvant ou en présence d'ultrafines. Par ailleurs, cette mesure n’est pas
normalisée. Elle est donc rarement effectuée, et encore moins souvent communiquée au client
par le fournisseur du constituant en question.
1
En fait, il apparaît que les modes opératoires à faible énergie de mise en place ne conduisent pas toujours aux
mêmes valeurs de β, en particulier pour les sables. C’est pourquoi, pour les mesures à sec relatives aux granulats,
on recommande de pratiquer des compactages énergiques [7].
2
Note technique – acceptée pour publication au BLPC
Afin de contourner cette difficulté, Lecomte et al. [5] ont récemment proposé d'utiliser la
notion de consistance normale des pâtes telle que décrite dans la norme NF EN 196-3. La
demande en eau correspond dans ce cas à la quantité d'eau nécessaire pour que la sonde de
Vicat s'enfonce jusqu'à 6 mm du fond du moule contenant la pâte. Outre le fait que cet essai
est normalisé, il présente l'intérêt de faire référence à une mesure quantitative, a priori non
affectée par la subjectivité de l'opérateur. Ces auteurs ont montré, par calage sur mélanges
binaires de ciment et d'additions minérales, que l'indice de serrage valait 4,8 pour cet essai.
L'objet de la campagne expérimentale présentée ci-dessous est de vérifier, à titre de validation
complémentaire et afin de s'assurer de la cohérence des deux méthodes de mesure de demande
en eau, que l'on peut déduire la compacité donnée par l'une de la seconde.
PROGRAMME D’ESSAIS
Le tableau 1 présente les matériaux retenus pour les essais. La granulométrie du ciment de
Saint Pierre La Cour a été mesurée à l'aide d'un granulomètre laser Mastersizer 2000. La
même granulométrie a été adoptée pour les deux autres ciments. Cette approximation n'a que
peu d'influence dans les calculs effectués avec le MEC pour la présente étude, car ces deux
ciments ont été employés purs. En effet la connaissance précise de la granularité n'est
indispensable que pour les mélanges avec plusieurs constituants de granularités proches, pour
lesquels les interactions granulaires (de desserrement et de paroi) sont importantes. La
granularité de la fumée de silice a été déduite de la fiche technique pour la partie grossière, et
extrapolée pour la partie fine [2, 4] à partir de la valeur de surface spécifique donnée par le
fournisseur (14 m2/g), en faisant l'hypothèse de grains sphériques et d'une granularité linéaire
en log (d), d étant le diamètre des grains.
Le dosage de saturation en superplastifiant, Sp*, mesuré par la méthode des coulis [6] s'est
avéré égal à 0,3% d'extrait sec par rapport à la masse de ciment, pour les trois ciments.
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Note technique – acceptée pour publication au BLPC
La campagne expérimentale a consisté à mesurer la demande en eau pour une pâte homogène
et la demande en eau pour la consistance normale :
- des trois ciments, pour des dosages en superplastifiant Sp tels que Sp/Sp* soit égal à 0 -
0,25 - 0,5 - 0,75 - 1 - 1,25 - 1,5;
- des mélanges binaires dosés à 95/5, 90/10 et 80/20 (en pourcentages pondéraux) de ciment
Saint Pierre la Cour et de fumée de silice, respectivement. Les mélanges étaient
additionnés de façon forfaitaire de 0,6 % d'extrait sec de superplastifiant par rapport au
poids total (ciment + fumée de silice), afin d’assurer la saturation.
Par souci d'homogénéité, nous avions décidé de fixer un protocole unique de demande en eau
à la consistance normale, que celle-ci soit mesurée en présence ou non de superplastifiant. Ce
protocole a été déterminé sur la base des essais de Lecomte et al. [5] et après des essais
préliminaires. Cependant, nous verrons que ce n'est finalement pas exactement ce protocole
qui sera retenu, pour des raisons opérationnelles. Cet essai est réalisé à l'aide d'un malaxeur
normalisé (décrit dans la norme NF EN 196-1) et de l'appareil de Vicat muni de la sonde de
consistance de diamètre 10 mm, tel que décrit dans la norme NF EN 196-3.
On réalise ensuite des mesures d'enfoncement pour différentes teneurs en eau, selon les
indications de la norme EN 196-3. On obtient alors un graphe comme indiqué sur la figure 2,
où h est la distance entre le fond du moule et le bout de la sonde.
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45
40
35
A
hA 20
15
10
6
5 B
0
MeA Me6
La quantité d'eau M e6 permettant d'obtenir une hauteur h = 6 mm peut être déterminée par
essais successifs. Afin de limiter le nombre d'essais, il est possible de déduire par
interpolation la quantité d'eau M e6 à partir de deux points encadrant la consistance normale.
Toutefois afin de minimiser l'erreur réalisée, les points A et B devront vérifier les conditions
suivantes :
h A ≤ 30 mm
h B ≥ 2 mm
M eB - M eA ≤ 5g
1000
C=
Me
1000 + M v
Mp
où M e = M e6 , M v étant la masse volumique en kg/m3 de la poudre. M e est la quantité d'eau
totale ajoutée (eau d'ajout plus eau de l'adjuvant).
Pour chaque ciment et chaque dosage en superplastifiant, les valeurs de β ont été calibrées
sur la base des essais de demande en eau sur pâte homogène, avec K = 6,7. On a alors calculé
l'indice de serrage correspondant à la valeur de compacité obtenue pour l'essai de demande en
eau sur pâte normale (voir figure 4). La valeur moyenne obtenue, égale à 4,7, est très proche
de la valeur de 4,8 obtenue par Lecomte et al. En appliquant une valeur de 4,8, on a ensuite
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Note technique – acceptée pour publication au BLPC
recalculé les compacités théoriques pour les pâtes normales. Comme le montre la figure 5, la
correspondance avec l'expérience est satisfaisante, et l'erreur moyenne est limitée à 0,011 en
valeur absolue. Une autre façon de présenter les résultats (voir tableau 4) est de comparer les
valeurs de β obtenues à partir des essais sur pâte homogène (K = 6,7) et celles obtenues à
partir des essais sur pâtes normales (K = 4,8). L'écart moyen entre les deux valeurs est
également de 0,011.
0,600 0,600
Compacité
Compacité
0,580 0,580
0,560 0,560
0,540 0,540
0,520 0,520
0,500 0,500
0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50
Sp/Sp* Sp/Sp*
Le Havre
0,640
pâte homogène
0,620 pâte normale
0,600
Compacité
0,580
0,560
0,540
0,520
0,500
0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50
Sp/Sp*
Figure 3: mesures des compacités des ciments par les deux méthodes de demande en eau.
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Note technique – acceptée pour publication au BLPC
3
St Pierre La Cour
2 Lumbres
Le Havre
1
0 0,5 1 1,5
SP/SP*
Figure 4: valeurs de K calculées pour la demande en eau sur pâtes normales à partir des β calées sur la
demande en eau sur pâtes homogènes.
0,6
St Pierre La Cour
0,59
Lumbres
0,58
Le Havre
C théorique pour K=4,8
0,57
0,56
0,55
0,54
0,53
0,52
0,51
0,5
0,5 0,51 0,52 0,53 0,54 0,55 0,56 0,57 0,58 0,59 0,6
Com pacité expérim entale sur pâtes norm ales
Figure 5: comparaison entre les valeurs expérimentales de compacités mesurées sur pâtes normales et les
valeurs théoriques déduites des essais sur pâtes homogènes avec K=4,8.
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Note technique – acceptée pour publication au BLPC
0,8000
pâte homogène
0,7500 pâte normale
0,7000
Compacité
0,6500
0,6000
0,5500
0,5000
0 5 10 15 20 25
Fs/(FS+C) (%)
Figure 6: les points représentent les valeurs de compacités expérimentales, les traits en pointillés représentent
les simulations réalisées avec le MEC avec les β du ciment et de la fumée de silice calées sur les essais sur pâtes
homogènes. Les calculs ont été réalisés avec K = 6,7 et 4,8 respectivement pour les essais sur pâtes homogènes
et sur pâtes normales.
Dans la présente étude et par souci d'homogénéité, un cycle unique de malaxage a été
sélectionné pour l'ensemble des essais sur pâtes normales. Au contraire, Lecomte et al. [5],
avaient retenu des temps de malaxage différents pour les pâtes avec ou sans adjuvant :
- sans adjuvant : on malaxait 90 s à petite vitesse, on arrêtait le malaxage, puis on raclait la
cuve pendant 15 secondes à l'aide de la pale, et enfin on malaxait pendant 90 s à petite
vitesse ;
- avec adjuvant : le cycle de malaxage était appliqué deux fois de suite.
Après analyse des essais, on constate que cette différence de protocole de malaxage n'a qu'un
effet mineur sur les mesures de demande en eau, puisqu'on retrouve une même valeur de
l'indice de serrage dans les deux études. Toutefois, les protocoles de malaxage proposés par
Lecomte et al. [5] présentent un double avantage:
- pour les mesures sur ciment sans adjuvant, le protocole proposé est celui de la norme EN
NF 196-3 et les valeurs de demande en eau sont en général disponibles auprès du
fournisseur de ciment;
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Note technique – acceptée pour publication au BLPC
- l'adoption d'un double cycle de malaxage pour les mélanges adjuvantés conduit en général
à des courbes plus régulières que celles obtenues dans la présente étude (cf. figure 3). De
plus, pour certains ciments et pour des teneurs en eau très proche de la demande en eau, un
seul cycle de malaxage ne permet pas d'obtenir une pâte homogène.
CONCLUSION
REMERCIEMENTS:
Les auteurs tiennent à remercier chaleureusement André Lecomte pour ses conseils et les
échanges informels qu'ils ont eu avec lui lors de cette étude.
REFERENCES
[1] DE LARRARD F., « Structures granulaires et formulation des bétons », Collection Etudes
et Recherches des Laboratoires des Ponts et Chaussées, OA 34, 414 p, Avril 2000
[2] SEDRAN T., DE LARRARD F., « BétonlabPro 2, logiciel de formulation des bétons »,
2000, distribué par les presses de l'ENPC (http://pfe.enpc.fr/presse_enpc.asp)
[3] LEDEE V., DE LARRARD F., SEDRAN T., BROCHU F., « Essai de compacité des
fractions granulaires à la table à secousses. Mode opératoire », Méthode d'essai des LPC n°61,
juillet, 2004.
[4] SEDRAN T., « Rheologie et rhéométrie des bétons. Application aux bétons
autonivelants », Thèse de l'ENPC, 220 p, Mars 1999
[5] LECOMTE A., MECHLING J-M., DILIBERTO-JEANNOT C., « Indice de serrage des
pâtes cimentaires de consistance normale »,7ième édition des journées scientifiques du RF2B,
Toulouse, 19-20 juin 2006, disponible sur
www-lmdc.insa-toulouse.fr/RF2B/Actes-RF2B-2006/ActesRF2B2006.htm
[6] DE LARRARD F., BOSC F., CATHERINE C., DEFLORENNE F., « La nouvelle
méthode des coulis de l'AFREM pour la formulation des bétons à hautes performances »,
Bulletin des Laboratoires des Ponts et Chaussées n°202, pp 61-69, mars-avril, 1996.
[7] DE LARRARD F., LEDEE V., SEDRAN T., BROCHU F., DUCASSOU J.B., « Nouvel
essai de mesure de compacité des fractions granulaires », Bulletin des Laboratoires des Ponts
et Chaussées, N° 246-247, pp. 101-116, Septembre-Décembre, 2003.