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LE LOUP ET L’ENFANT

Version de Gascogne (Gers)

Il y avait, une fois, un homme et une femme, qui n’avaient qu’un enfant de cinq ans. Un
jour, cet enfant dit à sa mère :

- Mère, laissez-moi aller tout seulet chez ma tante.


- Non, mon ami. Tu es encore trop petit, pour y aller tout seulet. Il faut traverser
un grand bois, et le Loup te mangerait.

Alors, l’enfant se mit à pleurer.

- Mère, je vous dis que je veux y aller. Je connais tous les chemins du grand
bois, et le Loup ne me mangera pas.
- Eh bien ! mon ami, puisque tu le veux, pars, et que le Bon Dieu te garde de
tout mal.

L’enfant partit donc tout seulet. Arrivé au milieu du grand bois, il trouva le Loup, qui s’était
vêtu en curé, et qui faisait semblant de lire son bréviaire.

- Bonjour, monsieur le Curé.


- Bonjour, mon ami. Où vas-tu ainsi ?
- Monsieur le Curé, je vais voir ma tante.
- Et où demeure ta tante, mon ami ?
- Monsieur le Curé, elle demeure là-bas, là-bas, dans une petite métairie, qu’on
trouve après avoir passé le grand bois.
- Oh ! la brave femme. Je la connais bien. C’est une de mes paroissiennes. Deux
fois par an, elle m’apporte en présent une paire de chapons gras. Souhaite-lui
bien le bonjour de ma part.
- Je n’y manquerai pas, monsieur le Curé.

L’enfant suivit son chemin, et le Loup se remit à faire semblant de lire son bréviaire.

- Bon ! pensa-t-il. Je vais manger la tante et le neveu.

Aussitôt, il jeta ses habits de curé, et partit au grand galop pour la petite métairie.
- Pan ! pan !
- Qui frappe ?
- C’est votre neveu, ma tante.
- Tire la cordelette, et le loquet se lèvera.

Le Loup tira donc la cordelette, sauta sur la pauvre vieille, et la dévora, sans en rien réserv-
er qu’un verre de sang. Cela fait, il prit la coiffe de la morte, et se mit au lit. A peine était-il
couché, que l’enfant frappait à la porte.

- Pan ! pan !
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- Qui frappe ?
- C’est votre neveu, ma tante.
- Tire la cordelette, et le loquet se lèvera.

L’enfant entra dans la chambre.

- Bonjour, ma tante.
- Bonjour, mon ami. Tu dois être las. Bois ce verre de vin qui est sur la table.
C’est du vin nouveau. Je l’ai tiré tout à l’heure. Maintenant, viens te mettre au
lit avec moi.

L’enfant se déshabilla donc, et se mit au lit.

- Ah ! mon Dieu ! Que vos jambes sont velues, ma tante !


- La vieillesse, mon ami.
- Ah ! mon Dieu ! Que vos yeux brillent, ma tante !
- C’est pour mieux te voir, mon ami.
- Ah ! mon Dieu ! Que vous avez de grandes dents, ma tante !
- C’est pour mieux te briser, mon ami. »

Alors, le Loup étrangla l’enfant, et le mangea.

Conté par Louis Lacoste, de Pergain-Taillac (Gers)


Jean-François BLADÉ, Contes populaires de la Gascogne. Tome III,
Maisonneuve, 1886 Les Littératures populaires de toutes les nations), pp. 189-191.

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