Epiphysiolyse
Epiphysiolyse
Epiphysiolyse
Ostéoarticulaire
§
Épiphysiolyse de hanche
Slipped capital femoral epiphysis
L. Mainard-Simarda,*, P. Journeaub
Disponible en ligne sur
a Service de radiologie, hôpital d’enfants, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France
ScienceDirect b
Service de chirurgie orthopédique pédiatrique, hôpital d’enfants, allée du Morvan, 54511
www.sciencedirect.com Vandœuvre-lès-Nancy, France
Summary Résumé
The usual definition of slipped capital femoral epiphysis (SCFE) is a La définition habituelle de l’épiphysiolyse de hanche ou épiphysio-
postero-inferior slip of the femoral head relative to the neck in an lyse fémorale supérieure (EFS), correspond à un glissement postéro-
overweight adolescent. Its prevalence has increased sharply and inférieur de la tête fémorale par rapport au col chez un adolescent en
progresses with body mass index (BMI) as a function of age. The surpoids. Sa prévalence est en nette augmentation et progresse avec
current classification is clinical, describing two features, stable or l’indice de masse corporelle (IMC) moyen en fonction de l’âge. La
unstable SCFE, related to the risk of osteonecrosis. Radiological classification actuelle communément retenue est clinique en deux
exploration has three phases. First, diagnosis is hampered by the types, stable ou instable, rendant compte du risque d’ostéonécrose
nonspecific initial symptoms and the subtle radiological signs. Well- secondaire. L’exploration radiologique comprend trois volets. Le
trained radiologists can establish the diagnosis at the pre-slip stage. volet diagnostique requiert un radiologue entraı̂né, car la sympto-
Second, morbidity of surgical treatment and the subsequent func- matologie initiale est peu spécifique et les signes radiologiques sont
tional outcome vary inversely with the size and rapidity of the slip. subtils, mais c’est à ce stade de préglissement que le diagnostic doit
When SCFE is obvious, imaging seeks to determine the slip angle, être porté. La morbidité du traitement chirurgical et le pronostic
the neck deformity, and the potential for residual modeling in order fonctionnel ultérieur varient de façon inverse avec l’importance et la
to define the most appropriate surgical management. The follow-up brutalité du glissement. Quand l’épiphysiolyse est patente, l’imagerie
phase includes a search for signs of contralateral involvement, post- s’attache à déterminer l’angle de glissement, la déformation du col, le
treatment monitoring and identifying potential complications such as potentiel de modelage résiduel afin de définir la prise en charge
osteonecrosis or chondrolysis. chirurgicale la plus adaptée. Le troisième volet comprend la
ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. recherche de signes d’atteinte controlatérale, la surveillance
§
Cet article est paru initialement dans l’EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Radiologie et imagerie médicale (musculosquelettique – neurologique – maxillofaciale),
31-145-A-10 (2011). Nous remercions la rédaction de l’EMC-Radiologie et imagerie médicale pour son aimable autorisation de reproduction.
* Auteur correspondant.
e-mail : l.mainard-simard@chu-nancy.fr (L. Mainard-Simard).
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Figure 1. Radiographie de face (A) et de profil (B) d’une épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS) bilatérale en varus symptomatique à droite : D 288, G 88.
branche du nerf obturateur qui chemine dans le ligament fémorale en place ou en cours de déplacement. Le tableau
rond. Le glissement produit un étirement nerveux et l’arc clinique est celui d’une fracture du col avec impotence fonc-
réflexe douloureux se propage dans tout le territoire sensitif tionnelle totale, raccourcissement, rotation externe et adduc-
du nerf obturateur, expliquant ainsi l’irradiation à distance de tion du membre inférieur [4,5,21]. Les deux tiers de ces
la hanche, parfois jusqu’au genou. Chez un adolescent, une adolescents avaient des douleurs depuis 1 à 3 mois avant
cruralgie ou une gonalgie qui n’a pas fait sa preuve doit l’acutisation (Fig. 3).
conduire impérativement à la réalisation d’une radiographie
du bassin de face et des hanches de profil. La faible spécificité Forme bilatérale
du tableau clinique initial est la principale explication du délai
La prévalence de l’atteinte bilatérale est très variable selon les
moyen au diagnostic, qui est de 8 semaines dans une série
séries, allant de 18 % à 63 %, et semblant dépendre des
récente sur 196 patients [18]. Le délai entre les premiers signes
moyens mis en œuvre pour les rechercher, car elle est le plus
cliniques et le diagnostic est directement corrélé à l’impor-
souvent asymptomatique. Cinquante pour cent des atteintes
tance du glissement, lui-même corrélé à la morbidité de la
controlatérales sont découvertes lors du diagnostic initial, les
pathologie [19], d’où l’importance de rechercher soigneuse-
autres se révèlent dans les 18 mois suivants.
ment une épiphysiolyse de hanche chez tout adolescent se
Les facteurs prédictifs sont le jeune âge, un cartilage en Y
plaignant d’une douleur de la hanche ou du genou, et ce
encore ouvert et un acétabulum profond [15,22–24].
d’autant qu’il est en surpoids.
Lorsque le glissement s’accentue, la rotation interne et
Diagnostic différentiel
l’abduction de la hanche diminuent et la flexion ne peut se
faire qu’accompagnée d’une rotation externe [20]. La gamme diagnostique est vaste car la symptomatologie est
La plupart des adolescents présentent une boiterie d’esquive peu spécifique. Elle couvre toutes les pathologies de la han-
autorisant cependant un appui pour le passage du pas, ce qui che, du genou et du rachis lombaire chez un adolescent avec
définit l’EFS stable (cf. infra) ; d’autres, ayant une EFS dite des étiologies se répartissant entre causes tumorales, infec-
instable, ne peuvent plus prendre appui sur le côté patholo- tieuses et inflammatoires, sans oublier toutes les pathologies
gique. abdominales ou rétropéritonéales pouvant engendrer un
Quinze pour cent des EFS sont des décollements épiphysaires psoı̈tis. Il est néanmoins possible de s’attarder sur quel-
totaux correspondant à un glissement brutal massif, qui peut ques-unes des pathologies orthopédiques de l’adolescent
survenir à tout moment et à très faible énergie sur une tête ayant un spectre clinique très voisin :
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l’épiphysiolyse aiguë de la classification ancienne, mais aussi chondrolyse, encore appelée coxite laminaire, et l’ostéoné-
lors d’une réduction spontanée du déplacement, qui s’effec- crose de la tête fémorale. Ces deux pathologies sont traitées
tue le plus souvent au cours de l’intervention chirurgicale dans le paragraphe Imagerie, ainsi que les conflits fémoro-
même en l’absence de manœuvres de réduction ; cela oblige à acétabulaires liés à la fixation in situ.
prendre des précautions particulières lors de l’installation sur
table opératoire.
Le risque d’ostéonécrose est proche de 0 % dans les formes Explorations radiologiques d’une EFS
stables.
Cette classification ne prend pas en compte le degré de Radiographie
glissement des formes stables dont dépend le type de prise
en charge chirurgicale et le risque de conflit métaphyso- C’est l’examen clé pour le diagnostic et l’évaluation du glis-
acétabulaire secondaire. sement et, par conséquent, pour le choix thérapeutique
[28,29].
Complications
Les complications des épiphysiolyses se répartissent en trois Incidences indispensables (Fig. 4)
groupes : tout d’abord les complications iatrogènes inhéren- Le bassin de face : le patient est en décubitus dorsal, les pieds
tes à tous gestes chirurgicaux, représentées par les infections en rotation interne d’environ 15 à 208 afin de corriger l’anté-
et les ruptures de matériel, mais non spécifiques de la version fémorale, lorsque cela est possible, c’est-à-dire en
pathologie ; puis les complications précoces spécifiques : la l’absence de glissement aigu.
Figure 4. Épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS) droite de faible glissement. Bassin de face couché, profils en incidence de Lauenstein.
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Résultats
Au stade de préglissement et de glissement minime, les
signes radiologiques sont subtils et seuls des clichés d’excel-
lente qualité et une analyse minutieuse permettent de faire le
diagnostic [4,5,28].
Sur le bassin de face
Quatre signes traduisant le décollement, puis le déplacement,
sont à rechercher par ordre d’apparition (Fig. 5) :
l’élargissement de la physe, qui prend un aspect
« feuilleté » ou dédoublé ;
la diminution de hauteur relative de la tête fémorale par
rapport au côté opposé ;
la visualisation progressive du bord postérieur de la tête
fémorale en arrière du col, le metaphyseal blanch sign [30] ;
la réduction du débord de la tête fémorale par rapport à la
ligne de Klein qui est tangente au bord supérieur du col. Ce
dernier signe, paradoxalement le plus cité, est le plus tardif.
Une ligne de Klein coupant l’épiphyse n’élimine pas le
diagnostic. Cette construction est à faire de façon compara-
tive [31].
La déminéralisation de la hanche pathologique par rapport au
côté sain par défaut d’appui est plus difficile à apprécier sur
des clichés simples, alors qu’elle devient évidente sur un
scanner. Ce signe n’a cependant aucune spécificité.
Sur l’incidence de profil
Le glissement est souvent plus évident et est quantifié par la
mesure de l’angle de glissement, ou angle de Southwick Figure 5. Signes à rechercher sur un bassin de face. A. Épiphysiolyse
(Fig. 6) : fémorale supérieure (EFS) droite, élargissement de la physe avec droite, la
ligne de Klein coupe encore le bord latéral de la tête fémorale. B. EFS
comme sur la radiographie de face, un élargissement du gauche, blanch sign, recouvrement postérieur du col par le bord
cartilage de croissance est recherché ; postérieur de la tête. C. EFS droite, diminution de hauteur de la tête
puis on trace un angle formé par l’intersection entre une fémorale, blanch sign, la ligne de Klein ne coupe plus le bord latéral de la
tête fémorale, cartilage en Y ouvert.
ligne parallèle au col fémoral et une ligne passant par les
bords supérieur et inférieur du versant capital de la physe : cet
angle est normalement de 908, il augmente en cas tridimensionnel, mais est communément admis pour définir
d’épiphysiolyse du fait du déplacement antérieur du col. trois stades prédictifs des possibilités thérapeutiques et des
Une variation de plus de 58 est pathologique ; séquelles attendues. Plus le glissement est important, moins
l’angle de glissement correspond à l’angle tête col - 908. l’angle mesuré est représentatif de la réalité tridimension-
Cet angle ne reflète pas la réalité du déplacement, qui est nelle [32–34] :
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Âge osseux
L’âge osseux est un élément clé dans l’EFS. Selon l’âge civil,
l’EFS survient entre 9 et 16 ans, avec un âge moyen de 13,5 ans
chez le garçon et 12 ans chez la fille [5,15]. Or environ 90 % des
adolescents sont à Risser 0 au moment du diagnostic d’EFS et
65 % ont un cartilage en Y encore ouvert. Le cartilage en Y se
ferme à 14 ans chez le garçon et à 12 ans chez la fille.
La connaissance exacte de l’âge osseux de l’adolescent est un
élément important pour la prise en charge chirurgicale. En
effet, le risque d’atteinte controlatérale et les possibilités de
remodelage de la métaphyse en cas de vissage in situ en
dépendent [23].
La méthode la plus pertinente est d’étudier l’âge osseux au
niveau du site pathologique. Il est donc important de préciser
Figure 7. Épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS) chronique gauche,
voussure du bord antérosupérieur du col bump, réaction périostée au
l’aspect du cartilage en Y, ainsi que le stade de Risser sur le
niveau du bord postéro-inférieur, déminéralisation de la hanche gauche. compte rendu radiologique d’une EFS.
Le risque d’atteinte controlatérale est de 4 % quand le carti-
lage en Y est fermé [2].
stade 1 : de 0 à 308,
stade 2 : 30 à 508, Échographie
stade 3 : le glissement est supérieur 508 ; ces formes sont Elle appartient au bilan de débrouillage de la boiterie en
qualifiées de sévère, elles peuvent être stables ou pédiatrie, au même titre que la radiographie standard ; elle
instables ; a donc toute sa place dans le diagnostic positif de l’EFS.
Dès 1991, Kallio et al. [35] montrent que l’échographie est
un angle de 508 est la limite actuellement retenue pour les supérieure à la radiographie pour visualiser les faibles glisse-
épiphysiolyses sévères stables ou instables à très haut risque ments et analyser les signes de remodelage du col dans
de séquelles et pour lesquelles la prise en charge chirurgicale l’épiphysiolyse évoluée.
est spécifique : une arthrotomie après ostéotomie du grand La visualisation d’un épanchement avec ou sans signe de
trochanter est proposée pour repositionner sans tension la remodelage du col signe le caractère instable de l’EFS. Inver-
tête fémorale sur le col et éviter ainsi la réduction spontanée sement, l’absence d’épanchement et la présence de signe de
brutale (techniques de Dunn ou de Ganz) [4,5] ; remodelage du col assurent du caractère stable [36].
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Figure 8. A. Échographie montrant l’épanchement intra-articulaire et le glissement de la tête fémorale. En cartouche : échographie du côté controlatéral
avec la tête fémorale en place. B. Épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS) instable, angle de Southwick de 368.
Figure 9. IRM. Épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS) bilatérale, instable à droite, préglissement à gauche. A. Séquence en écho de spin T1 montrant
l’élargissement des physes. B. Séquence fast spin echo (FSE) T2 Fat Sat (FS) montrant l’épanchement intra-articulaire et l’œdème du col à droite.
Cependant l’échographie peut être de réalisation difficile chez L’épanchement, quand il existe, est habituellement minimisé
ces adolescents souvent obèses. Elle requiert un opérateur du fait de la compression exercée par la sonde quand le
entraı̂né connaissant bien la pathologie. Une voie antérieure facteur pariétal est conséquent.
dans l’axe du col est utilisée, dégageant la tête fémorale, la L’appréciation du remodelage est plus subjective.
physe, le col et le récessus articulaire antéro-inférieur. En Au stade de préglissement vrai, l’échographie peut être faus-
raison du morphotype des adolescents souffrant d’EFS il est sement négative.
rare de pouvoir utiliser des sondes de fréquence supérieure à
5 MHz, ce qui diminue la résolution spatiale. Quand le glisse-
ment a commencé, on mesure la distance entre le bord IRM
supérieur métaphysaire et la tête fémorale (Fig. 8) [35–37] : L’IRM (Fig. 9) est l’examen le plus sensible au stade de pré-
une distance inférieure ou égale à 7 mm équivaut à un glissement [37]. En pondération T1, l’élargissement de la plaque
angle de Southwick inférieur à 308 ; de croissance est facilement identifiable ; il correspond au stade
entre 7 et 11 mm, l’angle est inférieur à 508 ; de décoaptation de la tête fémorale ; en pondération T2 on
au-delà de 11 mm, l’angle de glissement est supérieur à 508. visualise l’œdème du col et l’épanchement intra-articulaire
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Scanner Traitement
Le scanner ne devrait plus avoir de place dans le diagnostic de Il y a urgence à mettre l’enfant en décharge car, à tout
l’EFS, la radiographie standard et l’IRM dans les cas litigieux moment, pour un traumatisme minime, voire un simple
sont les seuls examens indispensables. changement de position, un glissement aigu peut survenir
Dans cette indication, l’irradiation du pelvis d’un adolescent et compromettre la vitalité de la tête fémorale.
n’a pas de justification. Le but est de stopper le glissement, d’accélérer la fusion de la
Toutefois, lors d’un glissement chronique important, il peut physe et de limiter les séquelles arthrogènes [5,25].
être nécessaire, avant le traitement chirurgical, de réaliser un Les options thérapeutiques dépendent du caractère stable ou
scanner afin d’apprécier l’angle de Southwick, l’importance de instable et du stade de glissement.
la réaction périostée postérieure, le pont d’épiphysiodèse, la
déformation antérieure du col et les signes éventuels de lésion Au stade I, glissement inférieur à 308
acétabulaire, afin de planifier au mieux les corrections angu- Il y a un consensus thérapeutique. Un vissage in situ à l’aide
laires susceptibles d’être réalisées [38] (matériel supplémen- d’une vis est réalisé. Il a été démontré qu’un remodelage du
taire, Fig. S1). col s’effectue et que le risque arthrogène à long terme n’est
pas supérieur à celui de la population normale [44] (matériel
Scintigraphie osseuse au Tc99m supplémentaire, Fig. S2).
De même que le scanner, la scintigraphie n’a plus d’indication
Au stade II, glissement entre 30 et 508
dans le diagnostic de l’EFS ; elle conserve une place dans le
diagnostic des complications ostéonécrose et chondrolyse [42] Il n’y a pas de consensus même si la majorité des équipes
quand l’IRM n’est pas réalisable pour des raisons techniques. chirurgicales réalise un vissage in situ, qui est d’autant plus
Mais actuellement la présence de vis ne gêne plus l’examen difficile et soumis à un risque de complication accru que
IRM [43]. l’angle de glissement est important. À ce stade, le remodelage
300
Épiphysiolyse de hanche
n’est que de 50 %, ce qui augmente le risque de conflit ment vers une dégénérescence arthrosique précoce (matériel
acétabulaire antérieur et le risque arthrogène précoce. supplémentaire, Fig. S4).
Elle survient dans les 6 mois suivant la prise en charge d’une EFS.
Au stade III, glissement supérieur à 508 Des phénomènes immuno-allergiques sont évoqués à l’origine
Le pronostic fonctionnel est péjoratif, même en l’absence de la chondrolyse, mais aucune cause formelle n’est établie. La
d’ostéonécrose secondaire ; le recours à la réduction chirurgi- situation intra-articulaire du matériel a été retrouvée comme
cale de la tête fémorale sur le col, à ciel ouvert par arthrotomie facteur favorisant, mais des cas ont été décrits lors d’une
avec ostéotomie du grand trochanter première, afin de pro- immobilisation prolongée sous plâtre sans vissage et chez
téger le périoste postérieur et les vaisseaux, semble être une des adolescents ayant un conflit fémoro-acétabulaire significa-
option de plus en plus retenue [45]. tif.
Le caractère instable nécessite des précautions particulières Elle se traduit sur les radiographies standards par une dimi-
lors de l’installation du patient afin d’éviter une majoration nution de plus de 2 mm de l’interligne articulaire par rapport
brutale du glissement ou une réduction toute aussi brutale, au côté sain ou par un interligne de moins de 3 mm dans la
qui peuvent être toutes deux préjudiciables pour les vaisseaux tranche d’âge concernée [4,5]. La hanche est déminéralisée et
(matériel supplémentaire, Fig. S3). une fusion prématurée des plaques de croissance fémorale et
trochantérienne apparaı̂t.
L’IRM confirme le diagnostic et permet de visualiser une
Traitement préventif de la hanche synovite très inflammatoire [37].
controlatérale
Ostéonécrose aseptique de la tête fémorale
Le vissage controlatéral n’est plus systématique pour la Elle est l’apanage des formes instables. La réapparition des
majorité des équipes, mais dépend des facteurs de risque douleurs est le premier signe de l’ostéonécrose. Initialement, les
de bilatéralisation, que sont le très jeune âge ou un terrain radiographies standards sont normales, puis progressivement
métabolique ou endocrinien favorisants. apparaissent une déminéralisation hétérogène avec des plages
La compliance supposée de la famille au suivi intervient en de condensation, une fracture sous-chondrale et une déforma-
particulier quand le cartilage en Y est ouvert, ces adolescents tion de la tête fémorale. La séquence séméiologique n’a rien de
étant à haut risque de bilatéralisation [5,46]. spécifique à l’EFS. En cas de suspicion d’ostéonécrose, les signes
IRM sont plus précoces, avec un œdème médullaire et un défaut
Place de l’imagerie dans le suivi de l’EFS de captation du produit de contraste [37].
Avec des séquences adaptées, il n’est plus nécessaire de retirer
Surveillance post-chirurgicale (matériel la vis au préalable (matériel supplémentaire, Fig. S5).
supplémentaire, Annexe 3)
Place du conflit métaphyso-acétabulaire
En l’absence de réapparition de la douleur ou d’un enraidis-
sement, la surveillance simple recherche la survenue d’une En raison de la fixation in situ de l’EFS, il persiste normalement
EFS controlatérale, contrôle l’intégrité des implants et évalue une saillie de la partie antérieure du col fémoral, qui peut être
la progression de l’épiphysiodèse afin de retirer les vis dès que à l’origine d’un conflit avec le bourrelet acétabulaire. Quand le
possible. Le contrôle s’effectue par une radiographie standard glissement est inférieur à 308, cette voussure antérieure
de face et de profil des deux hanches. La périodicité dépend de disparaı̂t progressivement dans 90 % des cas par remodelage
l’âge de l’enfant (matériel supplémentaire, Annexe 4). du col. Le remodelage ne survient que dans 50 % des cas entre
L’apparition d’une douleur controlatérale sans signe formel 30 et 508 et il est toujours insuffisant au-delà de 50. Cette
d’EFS sur les clichés simples doit conduire à la réalisation déformation est à l’origine de douleur par conflit fémoro-
d’une IRM, les vis habituellement utilisées ne gênant pas acétabulaire, puis par dégénérescence arthrosique [44,47–49].
l’étude controlatérale. Il faut attendre la consolidation, c’est-à-dire la fin de la
période de remodelage normal avant d’explorer un éventuel
Mise en évidence des complications précoces conflit fémoro-acétabulaire. L’IRM et, mieux, l’arthro-IRM avec
spécifiques [47] des coupes radiaires dans l’axe du col, est la technique
d’imagerie à privilégier par rapport à l’arthroscanner, car elle
Chondrolyse ou coxite laminaire est performante dans cette indication et non irradiante.
C’est une complication rare, de l’ordre de 1 % à 2 % des cas,
mais grave, car seule la moitié des patients retrouveront un Conclusion
interligne articulaire de qualité satisfaisante après environ
6 mois d’évolution. Certains patients verront apparaı̂tre une L’épiphysiolyse de hanche n’est plus une pathologie rare, et il
ankylose douloureuse, d’autres évolueront plus progressive- faut savoir la rechercher chez un adolescent en surpoids
301
L. Mainard-Simard, P. Journeau Feuillets de radiologie 2014;54:292-303
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accompagnent la version en ligne de cet article disponible Acute slipped capital femoral epiphysis: the importance of
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