Le Système C'est Important
Le Système C'est Important
Le Système C'est Important
com - 202009/240858/612251
S o m m a i re
Ça commence ici…
Édito
Systèmes de combat
See Page XX
Se tenir au courant
Les ebooks Places to go, People to be (VF)
Crédits
2
Ça commence ici…
Mention légale importante :
Si vous souhaitez partager cet ebook, nous vous encourageons à mettre un lien vers la page de notre site (ptgptb.fr)
plutôt que de le pomper honteusement.
En effet, tous les textes contenus dans cet ebook demeurent la propriété de leur(s) auteur(s) et de PTGPTB (version
française). Toute reproduction de texte en dehors de cet ebook et qui dépasse la longueur raisonnable d’une citation (c’est-à-
dire, en règle générale, un ou deux paragraphes) est donc strictement interdite.
Si vous reproduisez une grande partie ou la totalité du texte de cet ebook sans l’autorisation écrite de PTGPTB (version
française), et que vous diffusez ladite copie publiquement (sites Web, blogs, forums, imprimés, etc.), vous reconnaissez que
vous commettez délibérément une violation des lois sur le droit d’auteur, c’est-à-dire un acte illégal passible de poursuites
judiciaires.
P.S. : Si vous avez des remarques ou suggestions concernant cet ebook et les autres (le précédent, les suivants), une seule
adresse : esteriane626@gmail.com.
4
J e n ’a i p a s d e m o ts e t j e d o i s c ré e r
© 1994 Greg Costikyan
Un article de Greg Costikyan, tiré de Costik, et traduit par Atma, David Mauqui et Romain Pichon-Sintes
Cet article a été publié en 1994 dans Interactive Fantasy #2, un journal anglais, et mis à jour en 2002 sur le site de
l’auteur.
La diplomatie
La couleur
Simulation
Diversité des rencontres
Identification de la position
Interprétation (roleplaying)
Socialiser
La tension narrative
Il y a un paquet de jeux de toutes sortes autour de nous. Un sacré paquet. Consoles, ordinateurs, CD-ROM , jeux online,
arcade, jeux par correspondance (courrier ou mail), wargames, jeux de cartes, jeux de rôles sur table, Grandeur Nature, sans
règles. Et, bon sang, n’oubliez pas le paintball, la simulation virtuelle, les sports et les courses hippiques. Tout ça c’est du
jeu.
M ais est-ce qu’ils ont tous quelque chose en commun ? Qu’est-ce qu’un jeu ? Et comment faire la différence entre un bon
Dans Art of Computer Game Design, Chris Crawford (1) différencie ce que l’on appelle “jeux” des “puzzles”. Ces casse-
têtes sont statiques ; ils mettent le “joueur” face à une structure logique à résoudre à l’aide d’indices. Les “jeux”, par
opposition, ne sont pas statiques : ils changent en fonction des actions du joueur.
Certains casse-têtes sont aisément repérables ; personne n’appellerait une grille de mots croisés un “jeu”. M ais, selon
Crawford, certains “jeux” sont simplement des puzzles – Zork (2) de Lebling et Black, par exemple. L’unique objectif du jeu
est la résolution des énigmes : trouver des objets et les utiliser d’une certaine façon pour parvenir aux changements voulus
dans l’état du jeu. Il n’y a pas d’opposition, il n’y a pas de roleplay et il n’y a pas de ressources à gérer ; la victoire est
simplement la conséquence de la résolution du casse-tête.
Pour être exact, Zork n’est pas entièrement statique ; le personnage se déplace de décor en décor, les actions réalisables
varient à chaque décor, et l’inventaire change avec l’action. Nous devons penser casse-tête et jeu en termes de continuité et
non d’opposition ; si une grille de mots croisés est du casse-tête à 100 %, Zork est 90 % de casse-tête et 10 % de jeu.
Presque chaque jeu contient de la résolution d’énigme à un certain degré ; même un jeu de pure stratégie militaire demande
par exemple aux joueurs de résoudre le casse-tête qui consiste à attaquer de manière optimale à tel endroit avec telles unités.
Pour éliminer complètement la partie puzzle, il vous faut un jeu qui soit presque entièrement de l’exploration : un bon
exemple serait Just Grandma and Me, un CD-ROM d’histoires interactives avec des éléments ludiques de décisions à
prendre et d’exploration (3). Cliquer sur des objets à l’écran crée des sons et des animations, mais il n’y a rien à “résoudre”,
en fait, aucune stratégie quelle qu’elle soit.
Selon Will Wright [créateur de The Sims, entre autres (NdT)], son Sim City n’est pas du tout un jeu, mais un jouet. Wright
propose, pour nous éclairer, la comparaison avec une balle : elle offre plein de comportements intéressants, que vous
pouvez explorer. Vous pouvez la faire rebondir, la faire tourner, la lancer, dribbler avec. Et, si vous le voulez, vous pouvez
l’utiliser dans un jeu : foot, basket-ball, ou ce que vous voulez. M ais le jeu n’est pas intrinsèque au jouet ; il est un ensemble
d’objectifs définis par des joueurs et surimposé au jouet.
Tout comme Sim City. Comme beaucoup de jeux d’ordinateur, il crée un monde que le joueur peut manipuler, mais à
l’inverse d’un vrai jeu, il ne fournit pas d’objectifs. Bien sûr, vous pouvez en choisir un : essayer de construire une ville sans
quartiers pauvres, peut-être. M ais Sim City en lui-même n’a pas de conditions de victoire, pas d’objectifs. C’est un
“logiciel-jouet”.
Encore et toujours, on entend parler d’histoire. De littérature interactive. Créer une histoire à travers le roleplay. L’idée
que les jeux ont quelque chose à voir avec les histoires a une telle emprise sur l’imagination des créateurs qu’elle ne pourra
probablement pas être effacée. Elle mérite au moins d’être défiée.
6
Les histoires sont linéaires par essence. Peu importe combien les personnages pourront hésiter sur les décisions à
prendre, ils les prendront toujours de la même manière à chaque fois que vous relirez l’histoire, et le dénouement sera
toujours le même. En réalité, c’est une force : l’auteur choisit précisément tels personnages, tels événements, telles décisions
et tel dénouement, parce qu’ils renforcent l’histoire. Si les personnages font quelque chose d’autre, l’histoire ne sera pas
aussi intéressante.
Les jeux sont non-linéaires par essence. Ils dépendent de la prise de décision. Les décisions doivent proposer des
alternatives réelles et plausibles, ou elles ne sont pas des vraies décisions. Il doit être tout à fait raisonnable pour un joueur
de prendre une décision d’une certaine façon dans une partie, et d’une autre manière dans la partie suivante. À tel point que
plus vous construisez votre jeu comme une histoire – plus linéaire, avec moins de vraies options – moins vous en faites un
jeu.
Imaginez : vous achetez un livre, ou voyez un film, parce qu’il a une histoire géniale. M ais comment réagiriez-vous si
votre maître du jeu vous disait : “Je ne veux pas que vous fassiez ça, parce que ça ruinerait l’histoire” ? Il aura peut-être bien
raison, mais il est à côté de la plaque. Jouer n’est PAS raconter des histoires.
Ceci dit, les jeux empruntent souvent, et fructueusement, des éléments à la fiction. Les JdR dépendent des personnages ;
les aventures sur ordinateur et les GN suivent généralement une intrigue. L’idée d’une tension dramatique croissante est utile
à n’importe quel jeu qui débouche sur une fin précise. M ais essayer de trop coller à une histoire limite la liberté d’action des
joueurs et leur capacité à prendre des décisions conséquentes.
Le mouvement littéraire de fiction hypertexte (4), est intéressant dans ce cas. L’hypertexte est intrinsèquement non
linéaire, de telle sorte que la narration traditionnelle est totalement inappropriée à un tel travail. Les écrivains d’hypertexte
de fiction essayent d’explorer la nature de l’existence humaine, comme le font les histoires traditionnelles, mais d’une
manière qui leur permet de multiplier les points de vue, les sauts temporels, et la construction par le lecteur de son
expérience de lecture. La fiction hypertexte partage quelque chose avec la narration traditionnelle, et quelque chose – bien
plus que se l’imaginent les écrivains hypertexte – avec la conception de jeu ; mais si l’hypertexte de fiction réussit un jour
artistiquement (rien de ce que j’ai lu ne l’a été), ce ne sera qu’à travers la création d’une nouvelle forme narrative, quelque
chose que l’on aura du mal à appeler “histoire”.
Ça demande de la participation
Dans une forme traditionnelle d’art, l’audience est passive. Lorsque vous regardez une peinture, vous pouvez y imaginer
des choses, vous pouvez y voir autre chose que ce que l’artiste avait prévu, mais votre rôle dans l’élaboration de
l’expérience est ténue : c’est l’artiste qui a peint. Vous voyez. Vous êtes passif.
Lorsque vous allez au cinéma, ou regardez la télévision ou une pièce de théâtre, vous êtes assis, vous regardez et vous
écoutez. Là encore, vous interprétez, jusqu’à un certain degré ; mais vous êtes le public. Vous êtes passif. L’art est créé par
les autres.
Les formes d’art traditionnelles jouent sur un public passif. Les jeux requièrent une participation active.
J’utilise ce terme dans un effort pour détruire l’inutile et très en vogue mot “interactif”. Le futur, nous dit-on, sera
interactif. Vous pouvez tout aussi bien dire : “Le futur sera fnurglewitz.” Ce sera tout aussi éclairant.
Un interrupteur est interactif. Vous le levez et la lumière s’allume. Vous l’abaissez et elle s’éteint. Ça c’est de
l’interaction. M ais ce n’est pas franchement amusant.
Tous les jeux sont interactifs. Le jeu établit des changements en fonction des actions des joueurs. Sans quoi ce ne serait
pas un jeu : ce serait un casse-tête.
M ais l’interaction n’a pas de valeur en elle-même. L’interaction doit avoir un but.
Supposons que nous avons un produit qui soit interactif. À un certain moment, vous êtes face à un choix : vous pouvez
choisir de faire A, ou alors de faire B.
M ais qu’est-ce qui fait que A est meilleur que B ? Ou bien est-ce que B est meilleur que A à certains moments mais pas à
d’autres ? Quelles ressources doivent être gérées ? Quel est l’objectif ultime ?
Aha ! M aintenant nous ne parlons plus d’“interaction”. M aintenant nous parlons de prise de décision.
Ce qui fait d’un jeu un jeu est la nécessité de prendre des décisions. Considérez les Échecs : il y a peu de choses qui
rendent les parties attirantes – pas d’éléments de simulation, pas de roleplay et sacrément peu de couleur. Ce dont il s’agit
est l’importance de prendre des décisions. Les règles sont étroitement définies, les objectifs évidents, et la victoire vous
demande de penser plusieurs coups à l’avance. L’excellence dans la prise de décision est ce qui apporte le succès.
Que fait un joueur dans n’importe quel jeu ? Certaines choses dépendent du moyen utilisé. Dans certains jeux, il lance des
dés. Dans d’autres, il discute avec ses amis. Ailleurs, il tape frénétiquement sur un clavier. M ais dans tous les cas, il prend
des décisions.
À chaque instant, il examine l’état du jeu. Cela peut être ce qu’il voit à l’écran. Ou ce que le M aître de Jeu vient juste de
lui dire. Ou l’arrangement des pions sur le plateau de jeu. Alors, il vérifie ses objectifs, les marqueurs du jeu et les ressources
qui lui sont disponibles. Puis il considère l’opposition, les forces contre lesquelles il doit de battre. Il essaye de décider du
meilleur plan d’action.
Et il prend une décision.
Quelle est la clef ici ? Les objectifs. L’opposition. La gestion des ressources. L’information. Nous allons parler de tout ça
dans une seconde.
Objectifs
8
Sim City n’a pas d’objectifs. N’est-ce pas un jeu ?
Non, comme son propre concepteur l’affirme. C’est un jouet.
Et le seul moyen de rester accroché pour longtemps est d’en faire un jeu – en fixant des buts, en définissant des objectifs
pour vous-même. Construire la mégapole la plus majestueuse possible ; maximiser votre cote de popularité ; construire une
ville qui repose entièrement sur les transports en commun. Peu importe l’objectif que vous choisissez, vous l’avez
transformé en un jeu.
M ais même là, le logiciel ne supporte pas votre objectif. Il n’a pas été conçu avec ce dernier en tête. Et essayer de faire
quelque chose avec un bout de logiciel qui n’a pas été prévu pour ça peut être terriblement frustrant.
Dès lors qu’il n’y a pas d’objectifs, Sim City devient très vite lassant. Par opposition, le Civilisation de Sid M eier et
Bruce Shelley’s, un produit dérivé évident, a des objectifs explicites – et est beaucoup plus entraînant et attachant.
“M ais qu’en est-il des jeux de rôles ?” me direz-vous. “Ils n’ont pas de conditions de victoire.”
Pas de conditions de victoires, c’est vrai. M ais des objectifs, ça ils en ont ; un bon paquet, vous n’avez qu’à choisir.
Amasser le plus d’expérience. Ou accomplir la quête que votre ami le M J viens juste de vous imposer. Ou reconstruire
l’Imperium et empêcher l’effondrement final de la civilisation. Ou s’approcher de la perfection spirituelle. Peu importe.
Si, pour quelque raison, vos personnages n’ont pas d’objectifs, ils en trouveront rapidement un. Sans quoi ils n’auront
rien de mieux à faire que de s’asseoir dans une taverne et grommeler sur la médiocrité de la partie… Jusqu’à ce que vous en
ayez marre et qu’une horde d’orques se montre pour leur refaire le portrait.
Hé, maintenant ils ont un but. La survie personnelle est un bon objectif. Un des meilleurs.
Si vous n’avez pas d’objectif, vos décisions n’ont pas de sens. Choisir A est aussi bien que choisir B ; piochez une carte,
n’importe laquelle. Qui s’en soucie ? Qu’est-ce que ça change ?
Pour que ça compte, pour que le jeu signifie quelque chose, vous avez besoin de quelque chose vers quoi vous diriger.
Vous avez besoin d’objectifs.
Quels sont les objectifs des joueurs ? Le jeu peut-il supporter différents types d’objectifs ? Quelles facilités
existe-t-il pour que les joueurs suivent leurs différents objectifs ?
Opposition
“Oh !” disent les gens politiquement corrects. Ces mauvais jeux, ces jeux répugnants. Ils sont tellement compétitifs.
Pourquoi ne peut-on pas avoir des jeux de coopération ?
Ces “jeux de coopération” semblent généralement être des variantes de “Allez, lançons tous la balle entre nous.” Bon
Les décisions triviales ne sont pas intéressantes. Vous vous souvenez de Courageuse Petite Angleterre ? Il n’y avait pas
vraiment de décision, n’est-ce pas ?
Ou prenez Talisman de Robert Harris. À chaque tour, vous lancez un dé. Le résultat donne le nombre de cases dont vous
pouvez vous déplacer. Vous pouvez aller vers la gauche ou vers la droite, le long du circuit.
10
Bon, c’est un petit peu mieux que les jeux de parcours traditionnel : j’ai un choix. M ais 99 fois sur 100, soit il n’y a pas
de différence entre les deux cases d’arrivée, soit l’une est meilleure que l’autre de manière évidente. Le choix est truqué.
Un moyen de créer des choix qui soient significatifs est de donner aux joueurs des ressources à gérer. Ces “ressources”
peuvent être n’importe quoi. Des divisions blindées. Des points de ravitaillement. Des cartes. Des points d’expérience. La
connaissance de sorts. La possession de fiefs. L’amour d’une femme. Des faveurs du patron. La bonne volonté d’un PNJ.
L’argent. La nourriture. Le sexe. La gloire. Une information.
Si le jeu contient plus d’une “ressource”, les décisions deviennent soudainement plus complexes. Si je fais ceci, j’obtiens
de l’argent et de l’expérience, mais Lisa m’aimera-t-elle encore ? Si je vole la nourriture, j’aurai à manger, mais je pourrais me
faire attraper et couper la main. Si je déclare la guerre aux Valois, Edouard Plantagenêt m’offrira le Duché de Gascogne, mais
le Pape pourrait m’excommunier, mettant en péril mon âme immortelle.
Ces décisions ne sont pas uniquement complexes ; elles sont intéressantes. Et les décisions intéressantes font des jeux
intéressants.
Les ressources en question doivent avoir un rôle dans le jeu ; si votre “âme immortelle” n’a aucune importance, alors
l’excommunication n’en a pas non plus (À moins qu’elle ne réduise la loyauté de vos paysans, ou que cela rende plus
difficile le recrutement des armées, etc. M ais ce sont des fonctions de jeu, n’est-ce pas ?). Finalement, la “gestion de
ressources” signifie gérer des éléments du jeu dans la poursuite de votre but. Une “ressource” qui n’a pas de fonction de jeu
n’a rien à apporter à la réussite ou à l’échec, et au final n’a pas d’importance.
Quelles ressources le joueur doit-il gérer ? Y a-t-il assez de différences entre elles pour qu’il faille trancher lors de
la prise de décision ? Rendent-elles ces décisions intéressantes ?
Marqueurs de jeu
Vous effectuez vos actions dans le jeu au travers de vos marqueurs de jeu. Un marqueur est toute entité que vous pouvez
directement manipuler.
Dans un jeu de plateau, ce sont vos pions. Dans un jeu de cartes, ce sont vos cartes. Dans un jeu de rôle, c’est votre
personnage. Dans un sport, c’est vous-même.
Quelle est la différence entre des “ressources” et des “marqueurs” ? Les ressources sont des choses que vous gérez
efficacement pour parvenir à vos fins ; les marqueurs sont les moyens de les gérer. Dans un wargame sur plateau, la force de
combat est une ressource ; vos figurines sont des marqueurs. Dans un jeu de rôle, l’argent est une ressource ; vous l’utilisez
au travers de votre personnage.
11
Pour donner au joueur l’impression qu’il contrôle sa destinée, qu’il est en train de jouer à un jeu, vous devez avoir des
marqueurs de jeu. M oins il y a de marqueurs, plus ils doivent être détaillés ; ce n’est pas par hasard si les jeux de rôles, qui
ne donnent au joueur qu’un seul marqueur, ont des règles extrêmement détaillées pour dire ce que ces marqueurs peuvent
faire.
Quels sont les marqueurs des joueurs ? Quelles sont les possibilités de ces marqueurs ? Quelles ressources
utilisent-ils ? Qu’est-ce qui les rend intéressants ?
L’information
J’ai eu plus d’une conversation avec un designer de jeux vidéo dans lesquelles il m’expliquait toutes les choses fascinantes
que son jeu simulait – pendant que je restais planté là à dire “C’est vrai ? On ne se rend pas compte. Je n’ai pas remarqué
ça.”
M ettons que vous ayez un wargame informatique dans lequel le climat affecte le mouvement et la défense. Si vous ne
dites pas au joueur que le climat a un effet, à quoi ça sert ? Ça n’affectera pas le comportement du joueur, ça n’affectera pas
ses décisions.
Ou bien peut-être que vous lui dites que le climat a un effet, mais le joueur n’a pas de moyen de savoir s’il pleut ou s’il
neige ou quel est le climat à un moment donné. Une fois de plus, à quoi ça sert ?
Ou bien peut-être qu’il connaît le temps qu’il fait, mais qu’il n’a aucune idée de l’effet qu’a ce climat – peut-être que cela
divise le mouvement de toutes les unités par deux, ou peut-être que les mouvements au travers des champs sont
drastiquement diminués mais que les unités sur les routes ne sont pas touchées. C’est mieux, mais ce n’est pas encore ça.
L’interface doit fournir au joueur les informations intéressantes. Et il doit avoir assez d’informations pour prendre des
décisions intelligentes.
Cela ne veut pas dire qu’un joueur doit tout savoir ; cacher des informations peut être très pratique. Il est assez
raisonnable de dire “Vous ne savez pas quelle est la puissance de vos unités tant qu’elles n’ont pas combattu”, mais dans ce
cas, le joueur doit avoir une idée de l’éventail des possibilités. Il est raisonnable de dire “Vous ne savez pas quelle carte vous
allez avoir si vous piochez” mais seulement si le joueur a une idée des chances. Si je peux tirer la dame de cœur, ou la M ort,
ou le cuirassé Potemkine, je n’ai absolument aucune base sur laquelle m’appuyer pour prendre une décision.
Plus que cela, l’interface ne doit pas fournir trop d’information, particulièrement dans un jeu où le temps est important.
Si le climat, l’état des réserves, l’humeur de mes commandants, la fatigue des troupes et ce qu’a susurré Tokyo Rose à la
12
radio japonaise la nuit dernière peuvent tous affecter les conséquences de ma prochaine décision, et que j’ai cinq secondes
pour me décider, et qu’il me faudrait cinq minutes pour trouver toutes les informations en parcourant des menus et en lisant
des écrans, l’information est toujours inadéquate. M ême si je peux y accéder, je ne peux pas l’utiliser raisonnablement.
Parlons des aventures sur ordinateur ; elles pêchent souvent par leur présentation de l’information. “Oh, pour passer par
la Porte de Thanatos, vous devez trouver une épingle à chapeau pour crocheter la serrure. Vous pouvez trouver l’épingle à
chapeau sur le sol de la bbliothèque. Elle fait à peu près 3 pixels sur 2 pixels, et vous pouvez la voir, si votre vision est
bonne, entre les douzièmes et treizièmes lattes du plancher, à peu près à dix centimètres du haut de l’écran. Comment ? Vous
l’avez ratée ?”
Ouais, je l’ai ratée. Dans une aventure, il ne devrait pas être ridiculement difficile de trouver ce dont vous avez besoin,
pas plus que la victoire ne devrait se révéler impossible à cause d’une erreur que vous avez faite trois heures et trente-huit
décisions auparavant. De la même manière, les solutions aux casse-tête ne devraient pas être arbitraires ou absurdes
Prenez sinon les Grandeur Nature. Dans un GN, un joueur a souvent un but, et pour l’atteindre il doit découvrir plusieurs
choses – appelons-les Faits A, B, et C. Le créateur du GN ferait sacrément bien de s’assurer que A, B et C sont présents
quelque part – connus d’autres personnages, ou sur une carte qui circule dans le jeu – quoi qu’il en soit, ils doivent être là.
Sinon, le joueur n’a aucune chance d’arriver à ses fins, et ce n’est pas marrant.
En fonction des décisions que les joueurs doivent prendre, de quelle information ont-ils besoin ? Est-ce que le jeu
leur fournit cette information de manière adéquate et au bon moment ? Des joueurs raisonnables seront-ils capables
de déduire ou deviner le type d’information dont ils besoin, et la manière de se la procurer ?
Parvenir à un but est insignifiant si cette victoire est sans effort, s’il n’y a pas d’opposition ; mais cela ne veut pas dire
que toutes les décisions doivent être à somme nulle (8). À chaque fois que plusieurs joueurs sont impliqués, les jeux sont
renforcés s’ils permettent, et encouragent, la diplomatie.
Les jeux permettent la diplomatie si les joueurs peuvent s’épauler l’un l’autre – peut-être directement, peut-être en
s’alliant contre un ennemi commun. Tous les jeux à plusieurs joueurs ne permettent pas cela ; dans le Monopoly de Charles
B. Darrow, par exemple, il n’y a pas de moyen efficace d’aider ou de bloquer un autre joueur. Il n’y a aucun intérêt à dire
“Tous contre Joe” ou “Tiens, tu es un débutant, je t’aide maintenant, mais tu me devras une faveur plus tard”, car là encore
le jeu ne le permet pas.
Certains jeux permettent la diplomatie, mais pas beaucoup. Dans le jeu Axis & Allies de Lawrence Harris, les joueurs
peuvent s’aider mutuellement dans une certaine mesure, mais tout le monde est membre soit de l’Axe ou des Alliés de
manière permanente, donc la diplomatie n’est jamais un élément clé du jeu.
Une manière d’encourager la diplomatie est de fournir des buts non-exclusifs. Si vous cherchez l’Arche d’Alliance, et si
moi je veux tuer des Nazis, et si les Nazis ont l’Arche, nous pouvons nous entendre. Peut-être que notre alliance se
terminera quand la Résistance française récupérera l’Arche, et nous nous retrouvons dans des camps opposés, mais en fait,
c’est ce qui rend les jeux rigolos.
13
Comment les joueurs peuvent-ils s’aider ou se gêner mutuellement ? Quels sont leurs intérêts à le faire ? Quelles
ressources peuvent-ils échanger ?
La couleur
14
La couleur compte pour beaucoup : en tant que simulation de la Seconde Guerre mondiale, le jeu Axis & Allies de
Lawrence Harris est un effort pathétique. Ah ! M ais la couleur ! Des millions de petits avions et de bateaux et de tanks en
plastique ! Le tonnerre des dés ! Le monde en guerre ! Le jeu fonctionne presque uniquement grâce à sa couleur.
Prenez sinon Space 1899 de Chadwick. Les règles ne font rien pour que l’univers de jeu évoque les merveilles
burroughsiennes (9), les sensations d’un pulp d’aventure, les charmes de l’ère victorienne à la Kipling. En dépit d’un système
propre et d’un monde détaillé, il est curieusement sans goût, et en souffre. L’apparat, les détails et le sens de l’organisation
peuvent ajouter énormément à l’impact émotionnel d’un jeu.
Ça n’a presque rien à voir avec le jeu proprement dit ; l’édition originale de Axis & Allies chez Nova était presque
identique à l’édition de M ilton Bradley. Sauf qu’elle contenait une carte en papier affreusement kitsch, quelques-uns des
marqueurs les plus laids que j’ai vus, et une boîte vraiment amateur. Je l’ai essayé une fois, l’ai reposé, et ne l’ai plus jamais
touché.
Cependant je sors encore de temps en temps l’édition M ilton Bradley, avec toutes ses petites pièces en plastique…
M ême jeu. Bien meilleure couleur.
De quelle manière le jeu invoque-t-il l’ethos, l’atmosphère et l’apparence de son univers ? Que pouvez-vous faire
pour le rendre plus coloré ?
Simulation
Nombre de jeux ne simulent rien. Le jeu populaire oriental de Go, par exemple : des petites pierres sur une grille. C’est
abstrait à la perfection. Ou le jeu Life de John Horton Conway ; en dépit de son nom évocateur, ce n’est rien de plus qu’une
exploration de l’espace mathématique.
Rien de mal à cela. M ais.
M ais la couleur ajoute au charme d’un jeu. Et la simulation est un moyen de fournir cette couleur.
Imaginons que je pense, pour une raison ou une autre, qu’un jeu sur Waterloo aurait un fort intérêt commercial. Je
pourrais, si je le voulais, prendre le Monopoly, changer “Champs-Élysées” en “Quatre Bras” et les hôtels en soldats en
plastique, et l’appeler Waterloo. Ça marcherait. M ais ne serait-il pas mieux de simuler le combat ? D’avoir des petits
bataillons manœuvrant sur le champ de bataille ? D’entendre le grondement des canons ?
15
Quelles choses les joueurs rencontrent-ils dans ce jeu ? Y en a-t-il assez pour eux à découvrir et explorer ?
Qu’est-ce qui génère la variété ? Comment améliorer la diversité des rencontres ?
Identification de la position
“L’identification au personnage” est un thème récurent de fiction. Les écrivains veulent que les lecteurs aiment les
protagonistes, s’identifient à eux, pour qu’ils se soucient de ce qui leur arrive. L’identification au personnage procure un
16
pouvoir émotionnel à une histoire.
C’est aussi vrai dans les jeux. Selon le degré avec lequel vous encouragez les joueurs à se soucier de leur “camp”, à
s’identifier à leur position dans le jeu, vous augmentez l’impact émotionnel de la partie.
Le cas le plus extrême est le sport ; dans les sports, votre “position” est vous-même. Vous êtes là sur le terrain de
baseball, gagner ou perdre est important, et vous le ressentez profondément lorsque vous marquez ou envoyez la balle hors
du terrain. C’est important pour vous.
Si important, que les bagarres et les insultes ne sont pas rares, dans tous les sports. Si important que nous avons inventé
une tradition culturelle entière de “comportement sportif” pour essayer de prévenir ces sentiments déplaisants quand ils
prennent le dessus.
Les jeux de rôles sont un peu plus abstraits ; votre personnage n’est pas vous, mais vous investissez beaucoup de temps
et d’énergie en lui. C’est le seul indicateur au bout du compte de votre présence dans le jeu. Des insultes, et même des
bagarres, ne sont pas inconnues parmi les joueurs, bien qu’elles soient plus rares que dans les sports.
Faire en sorte que des joueurs s’identifient à leur position dans le jeu est facile quand un joueur n’a qu’un seul référent.
Les choses se compliquent quand il en contrôle plusieurs. Peu de gens ressentent une grande tristesse à la perte d’un cavalier
aux Échecs ou d’une division d’infanterie dans un wargame. M ais même là, le pouvoir émotionnel d’un jeu est amélioré si le
joueur peut être amené à ressentir une identification avec un “camp”.
Un moyen d’y parvenir est de clarifier le point de vue du joueur. La confusion des points de vue est une des faiblesses
classiques des concepteurs de jeux de plateaux. Par exemple, Les Campagnes d’Afrique du Nord de Richard Berg prétend
être une simulation extraordinairement réaliste des campagnes de l’Axe en Afrique. Toutefois, en tant que joueur, vous
passez une grande part de votre temps à vous soucier de la localisation de pilotes isolés et de la quantité d’eau disponible
pour chaque bataillon. L’entourage de Rommel aurait pu s’occuper de telles choses, mais certainement pas Rommel lui-
même. Qui êtes-vous supposé être ? La justesse de la simulation est, en un sens, altérée, et non renforcée, par le niveau de
détail.
Que pouvez-vous faire pour que le joueur se soucie de sa position ? Y a t-il un marqueur de jeu plus important
que les autres pour le joueur, et qui puisse servir à renforcer l’identification à celui-ci ? Si ce n’est pas le cas, quel
est l’attrait émotionnel global de la position, et que peut-on faire pour l’accroître ? Qui “est” le joueur dans le jeu ?
Quel est son point de vue ?
Interprétation (roleplaying)
HeroQuest [le jeu de plateau, 1989, collaboration entre M B et Games Workshop (NdT)] a été qualifié de “jeu de rôle sur
plateau”. Et, comme dans un jeu de rôle, chaque joueur contrôle un seul personnage qui, dans le cas d’HeroQuest, est une
figurine en plastique sur le plateau. Si vous êtes un seul personnage, n’êtes-vous pas en train de “jouer un rôle” ?
L’appellation de ce jeu en tant que jeu “de rôle” est-elle justifiée ?
Non, aux deux questions.
Ces questions trahissent la confusion entre “identification à la position” et “interprétation”. Je peux m’identifier
intimement avec un marqueur de jeu sans avoir l’impression d’être en train de jouer un rôle.
L’interprétation apparaît quand, dans un sens, vous endossez la personnalité de votre position. Différents joueurs, et
différents jeux, peuvent arriver à cela de différentes manières : peut-être essayez-vous de parler avec le langage et le rythme
de votre personnage. Peut-être parlez-vous comme si vous ressentiez les émotions dont parle votre personnage. Peut-être
parlez-vous comme d’habitude, mais attachez-vous une grande importance à “ce que ferait mon personnage dans cette
situation” par opposition à “ce que je veux faire ensuite”.
17
Comment les joueurs peuvent-ils être amenés à interpréter ? Quelle sorte de rôle le système permet ou
encourage ?
Socialiser
Historiquement, les jeux ont surtout été utilisés comme un moyen de socialisation. Pour les joueurs de Bridge, de Poker et
de charades, le jeu est secondaire à la socialisation qui se déroule autour de la table.
Une bizarrerie actuelle est que les jeux qui ont le plus de succès commercial sont tous solitaires dans leur nature : jeux
d’arcade, jeux vidéo sur CD-ROM . Autrefois, notre conception des joueurs était des gens réunis autour d’une table et
jouant aux cartes ; à présent, c’est un adolescent solitaire, tripotant une manette de jeu devant un écran scintillant.
Pourtant, en parallèle, on observe le développement de l’interprétation de rôle, que ce soit sur table ou grandeur nature,
qui repose entièrement sur la socialisation. Et nous voyons que les jeux de plateaux les plus populaires sur le marché,
comme le Trivial Pursuit et Pictionnary sont joués presque exclusivement dans un contexte social.
Je dois admettre que la nature solitaire de la plupart des jeux vidéo est une aberration temporaire, une conséquence de la
technologie, et qu’avec l’extension des réseaux et de l’amélioration des vitesses de connexion, la norme historique va se
rétablir d’elle-même.
Quand on conçoit n’importe quel jeu, cela vaut la peine de penser aux usages sociaux de celui-ci, et comment le système
encourage ou décourage la socialisation. De fait, presque tous les réseaux ont en ligne des jeux classiques comme le Poker et
le Bridge. Et dans presque tous les cas, ces jeux ne sont pas parvenus à attirer beaucoup d’utilisateurs.
L’exception : America Online, qui permet un chat en temps réel entre les joueurs. Leur version du Bridge en réseau
autorise les conversations de table. Et il a été assez populaire.
Ou, autre exemple, de nombreux jeux de rôles sur table consacrent bien trop d’efforts à se soucier du “réalisme” et trop
peu à l’usage qu’en ont les joueurs. Quel est l’intérêt d’un système de combat extraordinairement réaliste, si terminer un
simple tour de combat prend quinze minutes et toute une bataille prend quatre heures ? Ils ne passent dès lors plus leur
temps à socialiser, à parler et à sortir de leurs gonds ; ils passent leur temps à lancer des dés et à consulter des trucs sur des
tableaux. À quoi ça sert ?
Tension narrative
Pat M urphy, lauréat du prix Nebula, dit que l’élément clé d’une intrigue est “d’accroître la tension”. C’est-à-dire qu’une
18
histoire doit devenir de plus en plus prenante au fur et à mesure de son déroulement, et ce jusqu’au point culminant de la
résolution finale.
Supposez que vous soyez un fan du Stade français. Bien sûr, vous voulez voir cette équipe gagner. M ais si vous allez voir
un match au stade, voudriez-vous réellement les voir mener de 7 points à la première passe et repartir gagnant 21 à 2 ? Oui,
vous voulez qu’ils gagnent, mais cela ne constitue pas forcément une partie très intéressante. Ce qui va vous faire vous lever
de votre siège d’excitation et de joie est de les voir revenir dans les dernières secondes du jeu en marquant un essai depuis les
60 mètres. La tension rend les jeux amusants.
Idéalement, une partie devrait être tendue tout du long, mais particulièrement à la fin. Les problèmes les plus difficiles, les
obstacles les plus grands doivent être gardés pour celle-ci. Vous ne pouvez pas toujours la garantir, particulièrement dans les
jeux de compétition directe : une partie d’Échecs entre un grand maître et un débutant de base ne générera pas beaucoup de
tension. M ais, dans les jeux vidéo solitaires en particulier, il doit être possible de garantir que chaque niveau du jeu implique
un lot d’épreuves, et que le travail du joueur ne soit accompli qu’à la fin.
En fait, un des défauts les plus communs des jeux est l’anti-climax. La période de tension maximale n’est pas la
résolution, mais quelque part à mi-chemin de la partie. Après un temps, l’opposition est en déroute, ou la position du
joueur est imprenable. Dans la plupart des cas, c’est parce que le concepteur du jeu n’a jamais envisagé la nécessité de la
tension narrative.
L’auteur souhaite saluer les contributions de Chris Crawford, Will Wright, Eric Goldberg, Ken Rolston, Doug Kaufman,
Jim Dunnigan, Tappan King, Sandy Peterson, et Walt Freitag dont il a largement volé les idées.
19
(3) NdT : Inspiré du livre de Mercer Mayer, le CD fait partie de la série Living Books, souvent utilisé en France dans les petites classes pour enseigner
l’ anglais. [Retour]
(4) NdT : genre de littérature informatisée, développé majoritairement aux États-Unis, où le lecteur se déplace dans l’ histoire et peut en modifier la
construction. [Retour]
(5) NdT : Compositeur contemporain américain, célèbre notamment pour sa composition 4’33’’ qui ne comporte aucune note. [Retour]
(6) NdT : Dérivé de la Poétique d’ Aristote, il se fonde sur une histoire où les protagonistes ou autres personnages risquent leur vie ; il reste la base de la
fiction littéraire traditionnelle aussi bien que la pierre angulaire dans l’ écriture de scénarios hollywoodiens. [Retour]
(7) NdT : Distribué par Maxis en 1990, le joueur contrôle cette fois de développement d’ une planète entière ; un peu à la Sim City. [Retour]
(8) NdT : Référence aux jeux dits “ à somme nulle”, où un gain chez un participant implique une perte équivalente chez un autre participant. [Retour]
(9) NdT : Edgar Rice Burroughs (1875-1950), créateur de Tarzan, mais aussi auteur des aventures de John Carter du cycle de Mars. [Retour]
(10) NdT : “ the willing suspension of disbelief”, l’ illusion théâtrale. C’ est l’ idée que l’ on accepte de mettre de côté son esprit critique et d’ accepter une
illusion, ici ludique, comme réalité temporaire, le meilleur exemple étant le cinéma. [Retour
20
Suivez le guide
M aintenant que nous en savons plus sur la définition d’un jeu au sens large, penchons-nous sur
le jeu de rôle en particulier. Non pas en narrant par le menu les différents systèmes possibles – la
tâche en serait autant titanesque que rébarbative – mais en tâchant de déterminer si, pour un
objectif donné, tous les systèmes sont pertinents. Pour ce faire, Ron Edwards, à l’origine du
célèbre modèle LNS, tâchera de démontrer en quoi le choix d’un système plus qu’un autre est
important. Puis, afin de prolonger cette réflexion, Pourquoi les fous se déplacent en diagonale et
autres questions stupides abordera le rôle des règles au sein du système de jeu. Un rôle qui n’est
pas forcément celui auquel on pense de prime abord.
21
Un article de Ron Edwards, tiré de The Forge, et traduit par Christophe Boeckle et JMS
(Ce qui suit se fonde sur les idées présentées sur le modèle à trois volets (ptgptb), mais j’étends assez largement leur
champ d’application).
On a suggéré que les joueurs avaient trois visées ou perspectives distinctes, en ce sens qu’un joueur donné envisagera une
situation de JdR suivant l’une ou l’autre de ces perspectives (2). Et si des mélanges sont possibles, ils restent limités.
Le ludiste. Ce joueur est satisfait si le système implique un conflit qu’il a une chance de remporter. Habituellement,
il opposera le personnage et un PNJ, mais le ludiste peut aussi être un Exploiteur de règles ou un rôliste du genre
dominateur. Rifts et Shadowrun sont des JdR particulièrement adaptés aux ludistes (3).
Le narrativiste. Ce joueur est satisfait si une séance de JdR donne une bonne histoire [avec des conflits
dramatiques et des choix moraux NdT)]. Over the Edge, Prince Valiant, The Whispering Vault et Everway (4) sont
des JdR pour narrativistes.
Le simulationniste. Ce joueur est satisfait si le système “crée” un univers de poche sans insuffisances. Une des
sous-catégories bien connue du simulationniste est le Réaliste. GURPS et Pendragon (5) sont de bons jeux pour
simulationnistes.
22
Je soutiens ici que la conception d’un système de JdR ne peut répondre à la fois à ces trois attentes (6). Par exemple,
combien de temps réel faut-il pour résoudre une action de jeu ? Le simulationniste accepte que cela prenne du temps si la
précision s’en trouve améliorée, le narrativiste déteste les longues résolutions, le ludiste n’accepte que cela prenne du temps
ou qu’une méthode complexe soit utilisée que si le joueur peut l’exploiter.
Où encore, qu’est-ce qui constitue un succès ? Le narrativiste veut une résolution dramatiquement intéressante, mais le
ludiste veut surtout savoir qui s’en est le mieux sorti [et le simulationniste veut que le résultat soit crédible et cohérent avec
le genre (NdT)].
Ou bien, comment doit-on équilibrer l’efficacité des personnages-joueurs ? Le narrativiste s’en fiche, le simulationniste
veut que cela reflète le système social de l’univers de jeu, et le ludiste demande simplement que les règles soient les mêmes
pour tous.
Un des plus gros problèmes que j’ai observés dans les systèmes de JdR survient lorsqu’ils essayent de satisfaire ces trois
approches à la fois. M alheureusement, on peut alors être sûr que presque tous les joueurs seront irrités à un moment ou un
autre de la partie par un aspect du système. Le temps du M J sera alors consacré, comme dans l’exemple de Vince, à éliminer
les différents aspects qui ne s’accordent pas avec un groupe donné. Un “bon” M J est alors défini comme celui qui est
capable de faire cette opération de tri. Pourquoi ne pas éliminer cette étape laborieuse et permettre (par exemple) à un M J
ludiste, d’utiliser un JdR ludiste et de ne pas perdre de temps ? Je soutiens que la première priorité lors de la conception
d’un JdR est de construire un système en accord exprès avec une de ces trois perspectives.
(Remarquez alors que je peux applaudir un système donné car il correspond superbement à l’une de ces
perspectives, même si je ne partage pas celle-ci et que je pourrais bien détester jouer à ce jeu. C’est un point
important car il me donne un critère pour juger, au lieu de simplement aboyer sur “ce que j’aime”).
23
Je ne peux pas pour autant dire ce qui est trop ou pas assez – mais je soutiens que si ces deux temps ne sont pas adaptés
aux perspectives des joueurs envers le jeu (ludiste, narrativiste, simulationniste), les joueurs vont se plaindre, à raison, que
le système “rame” (narrativiste), est “déséquilibré” (ludiste), ou n’est pas “réaliste” ou “précis” (simulationniste). Un bon
système de résolution doit faire son boulot en ne prenant que le temps nécessaire. De quel boulot il s’agit, et quel est le
temps approprié pour le faire, dépend de la perspective adoptée. Un nouveau système de JdR n’a aucune excuse pour se
reposer sur le vieux paradigme enchaînant (1) jet d’initiative, (2) jet d’attaque, (3) jet de défense, (4) jet de dommage, (5)
vérifier l’étourdissement etc. C’est un reliquat du wargame et correspond à une perspective strictement simulationniste +
ludiste. Le JdR qui vous convient pourrait être très, très différent. Dans Zéro (grog), par exemple, l’ordre des actions, le
succès de chacune, le degré de succès pour chacune d’entre elles (y compris les dommages) et tous les autres aspects de la
résolution sont déterminés par UN SEUL jet de dé par joueur et UN SEUL jet par le M J, et ce dans tout les cas, même pour
des combats impliquant de nombreux participants. Ce système de jeu ouvre vraiment les yeux aux joueurs habitués aux
méthodes plus vieilles.
(Je le répète, il se trouve que je suis un narrativiste pur et dur, qui apprécie surtout les systèmes fondés sur le
karma avec un léger saupoudrage d’aléatoire. M ais d’après les principes énoncés ci-dessus, je peux maintenant juger
un système en fonction de ces priorités, plutôt que de m’en tenir à “ce que j’aime”.)
Une autre question intéressante à propos des méthodes de résolution : qu’est-ce qui est effectivement résolu en termes de
système avec plein de chiffres ? Il faut considérer trois dimensions : l’événement lui-même (“Est-ce que je touche ?”),
l’énergie que cela prend de le faire (“Réduis de 4 ton endurance”) et la récompense (“Tu fais 18 de dommages, ça fait 18 PX,
marque-les”). Pensez-y : peut-être qu’un JdR n’a besoin que de l’une de ces dimensions, deux au plus et peut abandonner la
troisième – et peu importe laquelle. Je réfléchis toujours à cette question, et pour le moment c’est juste une piste et pas une
conclusion.
En conclusion
Pour résumer, je soutiens qu’un bon système est un système qui connaît sa perspective et n’alourdit pas inutilement ses
mécanismes avec les deux autres. Sa méthode de résolution est adaptée à cette perspective, elle a un temps de recherche et
de manipulation qui fonctionne pour celle-ci, à la fois en ce qui concerne ce que les joueurs doivent faire et ce qui arrive aux
personnages (7).
Peut-être que le débat en cours entre “systèmes légers” et “systèmes lourds” est une perte de temps. Un système n’est
pas forcément meilleur selon sa plus ou moins grande complexité. Le degré de complexité acceptable vient de la perspective
du jeu et doit être jugé sur ce seul critère. Un jeu simulationniste fondé sur de l’aléatoire se doit d’être complexe mais un jeu
narrativiste fondé sur le karma est plus satisfaisant avec un système plus simple.
M erci de prendre le temps de comparer vous-mêmes quelques systèmes avant de réagir trop vivement à cet essai. Je
respecte votre opinion, mais il est logique de prendre en compte le nombre de JdR auxquels vous avez vraiment joué. C’est-
à-dire avec de véritables histoires et des séances avec des personnages que les joueurs avaient créés et auxquels ils tenaient,
pas des démos dans une convention ou bien le fait d’avoir fait tourner vite fait un combat. Je soutiens que ceux d’entre nous
qui ont joué à plus de cinq ou dix JdR à fond seront d’accord pour dire que “le système n’est pas important”, c’est une
24
légende.
(1) NdT : Un glossaire datant de 2004 précise : “ Le Système ( comprenant, mais pas limité aux “règles” [dans le sens traditionnel]) est défini comme
étant le moyen par lequel les joueurs [y.c. le MJ] se mettent d’accord sur les événements imaginés au cours de la partie.” Cet article n’ illustre donc
qu’ une facette du Système. Des réflexions similaires peuvent être faites quant aux autres composants du Système. P ar exemple, le pouvoir décisionnel du MJ,
l’ importance du background, etc. doivent eux aussi concorder avec ce que va décrire cet article, à savoir les objectifs de jeu. [Retour]
(2) NdT : C’ est-à-dire des priorités d’ ordre “ esthétique” ou des éléments auxquels on accorde de l’ importance dans le jeu de rôle. Le but est donc ici le désir
l’ exploration de ces priorités, que le système est ensuite censé faciliter. [Retour]
(3) NdT : Ou encore Savage Worlds, INS/MV 4, Deadlands et COPS. [Retour]
(4) NdT : Des JdR presque sans règles, aussi : Dying Earth, Hero Wars… [Retour]
(6) NdT : Il est bien entendu possible de changer de point de vue, si l’ on change de jeu par exemple, mais il vaut mieux reconnaître les distinctions et bâtir
un système selon elles, afin de créer un jeu cohérent, que de faire un amalgame insipide. Les systèmes hybrides ne sont actuellement pas exclus, mais cela
dépasse la portée de cet article. [Retour]
(7) NdT : Certains suggèrent même que la méthode doit aussi être adaptée au thème du jeu, comme les billes [jeu de mots avec to lose one’s marble (perdre ses
billes) = perdre la tête] dans Asylum [où l’ on joue des fous] et les cartes dans Castle Falkenstein (grog) . L’ idée est séduisante mais ce n’ est pas absolument
nécessaire. [Retour]
25
26
P o u rq u o i l e s fo u s se d é p l a c e n t e n d i a go n a l e e t
a u tre s q u e sti o n s stu p i d e s
© 2001 Jesse Burneko
Un article de Jesse Burneko, tiré de PTGPTB n°17 ( mai 2001), et traduit par King Rod
J’espère sincèrement que cette conversation vous semble d’une bêtise extrême. Si elle ne l’est pas, vous
pouvez arrêter de lire tout de suite parce que ce que je vais dire vous laissera indifférent. Si elle vous
paraît stupide, alors je veux que vous vous arrêtiez pour réfléchir une minute et prendre conscience que
c’est ce type de questions qui façonne l’avenir du jeu de rôle. En particulier, je crois que c’est le genre de
conversation qui a guidé la conception de la 3e édition de Donjons et Dragons.
Beaucoup de gens semblent penser que la 3e édition a été conçue pour satisfaire les grosbills. Ils
soutiennent qu’en retirant les limites de niveaux, en permettant aux humains de se multiclasser et en standardisant la table
des points d’expérience, les personnages sont maintenant des forces indestructibles ou que certaines classes deviennent
avantagées aux dépens d’autres. J’écris cela pour montrer que vous ne pouvez blâmer personne d’autre que vous-même. La
3e édition n’est rien de plus que le produit d’une série de questions trop intellectuelles à propos d’un jeu bien équilibré.
Commençons par l’exemple classique de “Sword OR Sorcery (1)”. Dans la 1re édition, les magiciens ne pouvaient pas
utiliser d’épée. Un point, c’est tout. Cela amena évidemment la question “Pourquoi ? Si je suis attaqué et que la seule arme
disponible est une épée, comment je vais m’en servir ?”. D’accord, cela semble raisonnable. Ainsi, dans la 2e édition vint la
27
La 3e édition est construite autour de ce genre de raisonnement. En parcourant les livres, j’ai noté que tout ce qui indique
clairement que X est comme Y, ou que Z peut seulement faire W est suivi d’un paragraphe qui donne soit une explication
tirée du monde réel – et rationalisant sur pourquoi c’est ainsi –, soit une description des conditions où il peut y avoir des
exceptions. M alheureusement, la 3e édition n’arrêtera pas le questionnement et je crois qu’aucun système n’empêchera
l’interrogation.
La question logique suivante dans la discussion Sword OR Sorcery est : “Eh bien, pourquoi l’intelligence n’est-elle pas un
facteur de l’obtention de dons ? Pourquoi un personnage avec une intelligence de 3 obtient le même nombre de dons que
celui avec une intelligence de 18 ?”. Si vous pensez que c’est un peu poussé, eh bien regardez la discussion que j’ai lue sur
un forum de Donjons et Dragons.
La 1e et la 2e édition avaient des limites de niveaux pour les non-humains. Les gens pensaient bien sûr que ce n’était pas
réaliste. Encore une fois, même si c’était vrai pour 99 % de n’importe quelle population d’une race, il n’y avait pas de
bonne réponse concernant la raison pour laquelle un personnage en particulier ne pourrait être une exception. Donc, la 3e
édition a enlevé les limitations de niveaux. Donc, maintenant que disent les gens ? Sans les limites de niveaux, les elfes
devraient dominer le monde. L’argument est que les elfes vivent tellement plus longtemps que les autres races, qu’ils
devraient à la fin obtenir une puissance inégalée.
À ces questions de nouvelle génération, je n’ai qu’une seule réponse. C’est une réponse qui aurait pu suffire aux
questions de la 1e édition. Elle répond même aux questions du type “Pourquoi les fous se déplacent seulement en
diagonale ?”. M a réponse est “C’est un jeu. Ce sont les règles.”
En posant tous ces “Pourquoi ?”, vous demandez en fait “Pourquoi cette règle existe-t-elle ?”. Et encore une fois ma
réponse s’applique 100 % du temps. M a réponse est : “Les règles existent pour une raison d’équilibre.” Les auteurs tentent
toujours de rendre le jeu équilibré.
Dans la 1re édition, un magicien ne pouvait manier l’épée, donc le guerrier et le magicien pouvaient être aussi puissants
dans deux domaines différents. Dans la 2e édition, le magicien était autorisé à utiliser une épée de temps à autre mais recevait
un malus pour qu’il ne fasse jamais d’ombre au guerrier. Et dans la 3e édition, le magicien échange simplement un pouvoir
pour un autre afin de maintenir l’équilibre. Tout est une question d’équilibre.
28
Contrairement à ce que bien des gens semblent penser, les jeux de rôles ne sont pas des simulateurs du monde réel. Ce
sont des jeux, et les jeux ont des règles. Sans aucun doute, il y a des situations exceptionnelles où les règles n’ont pas de
sens ou bien où une règle n’existe même pas, mais c’est à ça que sert le M J. M ais pour les situations où IL Y A une règle, je
dis pourquoi discutailler ? Pourquoi ne pas se fier au fait que les auteurs savaient ce qu’ils faisaient en rédigeant les règles et
rester simple ? Après tout, les mêmes limitations s’appliquent aux méchants.
La 3e édition ne s’occupe pas du grosbillisme. C’est une tentative de conserver l’équilibre dans le jeu tout en répondant à
toutes vos questions. Et si vous avez l’impression qu’en répondant à vos questions et réclamations, l’équilibre a été brisé,
eh bien vous n’avez personne d’autre à blâmer que vous-mêmes. La prochaine fois que vous vous retrouverez en train de
mettre en cause une règle dans un jeu de rôle, souvenez-vous de cette réponse simple : les fous se déplacent en diagonale et
les magiciens ne manient pas les épées !
Article original : Why Do Bishops Move Diagonally And Others Stupid Questions
(1) NdT : Jeu de mots avec l’ autre nom du genre heroic-fantasy : Sword AND Sorcery. [Retour]
29
Un article de Robin D. Laws, tiré de See p. XX, et traduit par Antoine Drouart
présente
30
Des règles finement définies, claires et détaillées ajustent l’équilibre du pouvoir en faveur de la volonté commune des
joueurs. Ici, le M J n’est qu’un participant adressant des requêtes au système et espérant obtenir le résultat escompté. Les
systèmes souples, sans dés ou focalisés sur l’histoire donnent au M J plus de flexibilité pour déterminer les issues possibles.
Ils lui offrent de nombreuses opportunités de décider des résultats selon son bon vouloir et de les orienter vers ses buts.
Tandis que les systèmes rigoureusement déterminés distribuent le pouvoir de façon équitable dans le groupe de jeu, ils
augmentent l’imprévisibilité des résultats : plus le nombre d’éléments de règles impliqués dans la résolution est important –
caractéristique des personnages, effets des sortilèges, capacités des créatures, compétences et ainsi de suite – plus il devient
difficile de prévoir ou de contrôler le résultat final.
Le système donne une solution au compromis entre les désirs. Le dénouement peut être surprenant, bancal et même
arbitraire dans sa distribution des récompenses et punitions. Comme dans la vraie vie.
Dans un système déterministe, le M J a peu de marge une fois que la rencontre a commencé. Il a posé verticalement la
moitié des dominos. Les autres joueurs et vous avez placé l’autre moitié, même si ce n’est pas nécessairement de façon
coordonnée. Lorsque le dé roule, les dominos commencent à tomber. Plus vraisemblablement, je pourrai tuer des orques,
vous réussirez votre truc avec le singe et Bérénice pourra lancer quelques boules de feu. M ais il est possible que les boules
de feu réagissent de façon imprévue avec le pouvoir étrange d’une créature, tuant instantanément tout le monde sauf le singe.
Les systèmes qui laissent la résolution précise dans les mains du M J lui permettent d’imposer sa volonté au groupe, s’il
est un M J égoïste et inattentif aux autres. Toutefois s’il est sensible et astucieux, il travaillera à prendre la place des règles de
compromis inhérentes à un système déterministe. Il s’assurera non seulement que la rencontre soit assez intéressante et
rapide, mais il me laissera aussi tuer des orques, il vous laissera faire vos combines avec votre singe et Bérénice pourra
cramer quelques fesses avec ses terribles boules de feu.
Les systèmes faiblement déterministes permettent au M J d’inclure un semblant d’ordre dans le déroulement des choses.
Les issues des actions rassurent par leur pertinence, comme lors d’une narration correcte, et ont moins le côté aléatoire et
incontrôlé de l’expérience réelle.
Cela nous mène à deux questions, l’une philosophique et l’autre pratique.
31
(1) NdT : Que ceux qui s’ étonnent du rapprochement entre bourrins et conteurs lisent Les narrativistes, une nouvelle race de grosbills (ptgptb) . [Retour]
32
Pause publicitaire
Après ces bases théoriques, rendons votre cerveau disponible avec un récit de ce qui se passe
quand un système mal conçu, basé sur un concept majoritairement marketing et accompagné d’un
scénario bancal, rend bien nulle une partie de jeu de rôle. Le tout dans un jeu écrit par Gary
Gygax, après avoir été viré de TSR !
33
Un article de Jonny Nexus, tiré de Critical Miss n°3 ( été 1999), et traduit par Antoine Drouart
34
Le système
En fait, le système a des points intéressants. Le mécanisme de base du lancer de dés est le D10X. Cela signifie que vous
lancez deux dés à dix faces et les multipliez ensemble. Ça donne une courbe de probabilité intéressante (un ensemble de 1 à
100, avec la majorité des résultats regroupés dans le tiers inférieur) et évite les problèmes de devoir “choisir quel dé
représente les dizaines.”
Eh oui Bubba, je n’ai pas oublié ta réponse tristement célèbre de “Cela n’a pas d’importance” lorsqu’on t’a demandé ça à
la moitié de la session.
35
Le jeu “Avancé”
Il y avait une option avancée, qui donnait une liste bien plus détaillée de compétences, parmi lesquelles – tenez-vous bien
– le sexe !
Votre cerveau avait été retiré de votre corps et implanté dans le torse d’un corps robotique en métal. Pour quelle foutue
raison pourriez-vous vouloir une compétence sexuelle ?
Et le scénario ?
Le scénario
M auvais. Très M auvais.
La chose la plus bizarre dans tout ça, c’est qu’il commençait par un texte dense de trois pages A4 (le “briefing”), que le
M J était censé lire aux joueurs et qui expliquait ce qui se passait avant que l’aventure commence. Ça dépassait la brève
introduction – le texte décrivait ce qui aurait pu être une aventure complète en soi. Nous nous attendions tout du long à ce
que le M J (Général Tangente) arrête de lire et nous demande ce que nous voulions faire, mais il continuait simplement à lire
(sa voix était plutôt enrouée à la fin).
Je pense qu’ici je peux tout aussi bien citer l’e-mail que j’ai envoyé à quelqu’un à l’époque:
“Le scénario a commencé avec un monologue de trois pages (durant à peu près dix minutes) qui décrivait
comment nos cyborgs étaient briefés à San Francisco à propos d’une bombe ou d’un astéroïde qui avait détruit une
base au Pôle Sud, étaient témoins d’une dispute entre le major de briefing et un ami PNJ de notre équipe, partaient
pour l’Amérique du Sud en avion, s’écrasaient en Bolivie, marchaient jusqu’au Cap Horn, puis au fond de l’Océan
Austral, puis de la côte Antarctique au Pôle Sud, rencontraient d’autres cyborgs une fois là-bas, acceptaient de
travailler avec eux, inspectaient les décombres et découvraient qu’en fait ça avait été une bombe nucléaire,
revenaient à pied en passant par le fond de l’Océan Austral jusqu’en Amérique du Sud et découvraient qu’il y avait
eu une invasion extraterrestre, parcouraient plusieurs villes et trouvaient les bases locales dévastées, trouvaient
finalement une base quelque part au Mexique où un genre de militaire leur donnait des instructions d’aller quelque
part en Californie du Sud où ils trouveraient des camions remplis de matériel essentiel qu’ils devraient escorter
jusqu’à une nouvelle base qui était mise en place juste au sud de San Francisco, allaient à cet endroit et trouvaient
les camions.”
Alors l’aventure a vraiment commencé. Je répète – tout ce qu’il y a ci-dessus n’était qu’un récit que le M J devait lire. Ce
qui a rendu la chose encore pire, c’était qu’après que le pauvre Général T ait lu la première section où notre commandant
nous expliquait pourquoi nous étions envoyés en Antarctique, nous l’avons interrompu, notre raisonnement étant que nous
devions planifier un peu. Nous avons alors passé à peu près une demi-heure à réfléchir à l’équipement, à sélectionner le
matériel résistant au froid, les compteurs Geiger, les radios, etc.
Ce n’est que lorsqu’il lut l’entièreté de nos aventures au Pôle Sud que nous réalisâmes pourquoi Général Tangente s’était
montré si grincheux et impatient lorsque nous rassemblions notre équipement.
L’aventure elle-même était bien moins intéressante que le briefing. À la base, nous devions conduire notre convoi de
camions sur le Pacific Coast Highway. De temps à autre, un “rocher” se transformait en extraterrestre.
On nous avait prévenus que les extraterrestres ne savaient pas que nous arrivions (il ne leur est sans doute pas venu à
36
l’esprit de prendre des images à partir d’un satellite). Nous devions donc nous assurer qu’aucun extraterrestre ne
s’échapperait pour donner l’alerte.
En d’autres termes, conduire sur l’autoroute jusqu’à ce qu’un extraterrestre saute en face de nous. Sortir. Exploser le
minable. Rentrer dans les camions et reprendre la conduite. Répéter jusqu’à l’ennui.
Nous avons abandonné après le troisième extraterrestre.
Que disiez-vous à propos d’une exécution ?
L’exécution
*Hum*. J’espérais que vous aviez oublié ça. Enfin…
C’est arrivé juste au début de l’aventure quand nous étions encore hébétés par le briefing. Bon, du moins c’est mon
excuse, même si elle a l’air plutôt vaseuse maintenant. Seriez-vous prêts à croire que nous étions des rôlistes suivant la
Méthode Stanislavski jouant des adolescents frustrés jouant des cyborgs ?
C’est ce que je pensais.
Voici ce qui est arrivé. Nous sommes arrivés en Californie du Sud au lieu indiqué, la maison d’un acteur de cinéma, où
nous devions récupérer les camions. Là nous avons trouvé trois camions avec leurs chauffeurs. Alors que nous allions partir,
une autre personne (un bandit quelconque) s’est faufilée dans un des camions laissés sans surveillance et a démarré.
Nos cyborgs se sont lancés immédiatement à sa poursuite, deux d’entre nous courant (à la Steve Austin), l’autre (peut-
être) dans une jeep, et nous l’avons finalement rattrapé. L’un d’entre nous a soulevé l’arrière du camion pour l’arrêter,
pendant que les autres sortaient le type de la cabine. Puis des coups de feu éclatèrent d’un des bas-côtés de la route. Nous
supposions que c’était quelques-uns de ses complices et nous lui avons donc ordonné, un pistolet sur la tempe, de leur dire
de lâcher leurs armes et de sortir de leur abri. Ce qu’ils ont fait.
Il s’est avéré que c’étaient des civils affamés (du moins c’est ce qu’ils disaient) qui avaient pensé que les camions
contenaient de la nourriture. Je ne sais pas d’où est venue cette notion, mais l’idée fut émise qu’en tant que “traîtres”, qui
avaient attaqué un convoi “militaire” transportant du ravitaillement “vital” pendant une période de “loi martiale”, la
sentence appropriée était la mort.
J’ai demandé au M J si je pouvais faire un jet d’intelligence pour voir si j’étais suffisamment stupide pour croire ça. J’ai
lancé un 3 (sur 100). Apparemment, c’était le cas.
Voila où ça devient embarrassant
Nous avons donc réuni les trois types ensemble près de la route, leur avons donné des pelles et leur avons dit de
commencer à creuser. Et eux, pauvres andouilles innocentes qu’ils étaient, ont plutôt joyeusement obéi, pensant qu’il
s’agissait d’une sorte de travail d’intérêt général en punition. Finalement quand le trou fut assez profond, nous leur avons
demandé d’y descendre et avons commencé à essayer les réglages de nos armes intégrées.
À ce moment, ils ont réalisé ce qui se passait et ont commencé à paniquer, plus ou moins. Un scénario gênant a été
transformé en situation grotesque par le mécanisme du système d’initiative. L’ordre des actions était le suivant :
1. Prisonnier A
2. Nous, les trois cyborgs
3. Prisonniers B et C
Aussi, pendant que le Prisonnier A courait désespérément vers la crête, et pendant que nous tirions au petit bonheur la
chance, ses deux imbéciles de camarades se contentaient de rester silencieusement à nos côtés. Et bien sûr, en tant que
nouveaux personnages, nous ne valions rien. Il nous fallut deux tours entiers, à nous trois, pour enfin réussir à l’abattre.
Après ça quand nous nous sommes tournés vers les deux autres, nous avions commencé à nous demander quel était l’effet
des autres armes.
37
Le camion volé disparaît en rugissant au loin. Nous lui courons après. Finalement nous le rattrapons et le
stoppons. Nous sommes dans un paysage désert et vide, où la route sinueuse s’enfonce dans une profonde vallée
comme nous en avons vu dans des milliers de films de cow-boys. De derrière des broussailles sur une des crêtes
avoisinantes, les deux tireurs ouvrent le feu…
Cependant, ce n’était pas la vision correcte, un fait qui devint horriblement évident après l’exécution.
Nous : “Nous sommes trop gros pour rentrer dans la cabine du camion n’est-ce pas ? Donc ce qu’on va faire,
c’est prendre la jeep et retourner à la maison, prendre un des conducteurs, le reconduire ici, et lui demander de
ramener le camion.
MJ (perdu) : De quoi vous parlez ?
Nous : Nous avons besoin d’un conducteur pour ramener le camion !
MJ : Ramener où ? Vous n’êtes jamais allés nulle part !
Nous : Huh ?”
Il est apparu alors que le bandit n’avait parcouru qu’une demi-douzaine de mètres avant que nous stoppions le camion.
La totalité de l’atroce exécution avait eu lieu devant les trois conducteurs et le fameux acteur de cinéma. En fait dans l’allée
de la villa de l’acteur.
J’ai cette horrible image mentale d’un conducteur qui s’ennuie assis dans son camion en fumant une cigarette, regardant
avec un vague intérêt alors que nous abattons des prisonniers dans le dos et perçons des trous dans les têtes de gens – juste
devant lui.
Voici quelle a été notre expérience de Cyborg Commando. Vous pourriez dire que nous ne lui avons pas fait justice, mais
je ne sais pas qui pourrait le faire. Si n’importe lequel d’entre vous a joué à ce jeu alors écrivez-nous s’il vous plaît. Nous
adorerions savoir comment vous vous êtes débrouillés.
Ah Gary, si tu lis ça…
À quoi est-ce que tu pensais ?
Sélection de commentaires
Commentaire de Cazes
j’ai lu cet article en me marrant à chaque phrase. M ais sur le fond, je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir du
mal à voir en quoi le jeu est responsable de la catastrophe (si je fais exception de la conversion en système
métrique et du scénario évidemment).
Commentaire d’Orichalque
Je ne suis pas fan d’histoires de cyborg, mais là ça me plaît beaucoup. Le commentaire précédent rejoint mon
avis : généralement le même résultat est attendu quel que soit l’univers lorsque l’on a un M J mou, suiviste et
sans capacité de roleplay.
38
Et je dois confesser que je m’y connais en matière de ratage tant mes premiers essais en tant que M J ont été
catastrophiques… Je ne parle même pas de mes créations de système de jeu tellement bancal que leur évocation
est encore l’occasion de fous rires plusieurs années après… D’où mon angoisse concernant le contenu de ce
post : j’imaginais déjà un de mes joueurs révélant l’étendue de mon incompétence… Ouffff… Le M J fou peut
continuer à œuvrer dans l’ombre.
39
40
L e s p ro b a b i l i té s m a gi q u e s
© 2011 Steve Darlington
En ce moment, il y a encore un débat sur RPGNet pour savoir si “une chance de réussite de 50 % ne
serait pas trop faible”. Cette fois, c’est sur ORE (One-Roll Engine) (1) mais ça peut aussi concerner
Warhammer, L’Appel de Cthulhu ou encore Unknown Armies. Cette question est souvent posée et va
toujours dans le même sens : un glissement vers la question de ce qu’un jet de dés simule exactement.
Est-ce faire une action dans une situation de stress ? Peut-on accorder des bonus au fil du temps ? Est-
ce que [l’on accorde un bonus] à un PJ professionnel ou [même à] un non-amateur ?
M ais tout ceci, en quelque sorte, passe à côté de la vraie question.
Car l’essentiel se trouve tout d’abord dans la continuité d’un autre sujet de préoccupation : c’est le pourcentage de succès
de jets de dés que les gens aiment avoir.
J’ai toujours eu tendance à considérer les chiffres qui suivent comme à peu près justes, mais j’en ai eu récemment la
confirmation d’une manière assez spectaculaire ; quand j’ai lu un article sur l’excellent jeu de rôle en ligne massivement
multi-joueurs (M M ORPG) City of Heroes. À savoir que : le jeu [où on joue des super-héros (NdT)] est configuré de telle
façon que toutes choses étant égales par ailleurs, si un PJ attaque un ennemi de même niveau, il a 75 % de chances de
toucher ; et si l’ennemi riposte, il a environ 50 % de chances de toucher le même PJ.
Quoi qu’il en soit, vous pouvez vous fier aux concepteurs de jeux vidéo pour faire les bons calculs, ils sont très, très bons
pour rendre le tout amusant (2). Et si vous regardez de plus près les JdR les plus populaires, bon nombre d’entre eux ont
tendance à utiliser des critères assez semblables. Les gens ont un penchant pour les jeux où la chance de réussite de leur
perso, dans un domaine où il est bon, est d’environ de 70-80 % (s’il est seulement moyen, 50-60 % reste correct).
Au final, la simulation n’importe pas vraiment.
Par exemple : dans la 2e édition de D&D, un perso commencera probablement avec un TAC0 (Toucher une Armure de
Classe zéro) de 19, le kobold moyen aura une CA (Classe d’Armure) de 7, donc vous devez faire 12 ou plus pour toucher,
soit 45 %.
Cependant, dans la 3e édition, un combattant a probablement +4 au toucher et sa cible une CA de seulement 12, donc
vous n’avez besoin que d’un 8 pour toucher, soit 65 %.
Dans la 4e édition de D&D, le kobold de niveau 1 a une CA de 15 et votre perso commence avec environ +7 au toucher,
soit encore 65 % de chances d’atteindre sa cible (3). Le jet de base de White Wolf par exemple, avec 2 dans l’attribut et 2
dans une compétence, vous fait quatre dés en tout. La probabilité d’avoir un succès est de 76 %.
Il y a des JdR qui ne respectent pas cette règle, comme Warhammer, dans lequel, s’il est bon, votre personnage
commence autour de 45 % ; et s’il est nul, sa compétence est autour de 25 %. Ceci aide à renforcer le thème et le style de
Warhammer.
De même, la probabilité de toucher avec un fusil de chasse dans L’Appel de Cthulhu se situe aux environs de 40 %, 70 %
si vous avez augmenté la compétence parce que le PJ est un Grand Chasseur de Tigres, alors que la plupart des personnages
universitaires auront Archéologie et Bibliothèque à 95 %.
41
Notes de conception
Dans mon JdR [maison] Famous Five, je me sers de 2d6. À l’origine, j’avais fixé les seuils de difficulté à 5+, 7+,
9+ pour facile, moyen et difficile mais ça me laissait avec un test difficile à 27 % de réussite et un test modéré à
seulement 58 % de réussite. Lors des parties de tests, ça rendait le jeu un peu brutal. J’ai donc tout déplacé d’un
rang vers la gauche, ce qui donnait 4+, 6+, 8+ pour des pourcentages de 92 %, 75 % et 42 %. J’ai atteint le chiffre
magique de 75% pour un test standard. Ça permettait à mes braves petits joueurs de se sentir plutôt en sécurité, et
aux experts de se sentir imbattables.
Ainsi, si vous voulez simuler un genre en particulier, vous devrez déterminer vos pourcentages. Si vous voulez une partie
avec des personnages super-puissants, votre test standard devra réussir aux alentours de 85 % ou plus. Si vous voulez
rendre votre partie amusante et pas trop difficile, visez grosso modo les 75 %. Si vous voulez que votre partie donne
l’impression d’être un peu dure, visez les 50 %.
Bien entendu, c’est pour quelqu’un de doué dans ce domaine. Quand je parle de jet standard, je parle de la compétence
que le joueur teste le plus souvent, autrement dit sa spécialité, pas nécessairement “la difficulté moyenne” d’une tâche dans
le jargon de la simulation. Parce que au final, la simulation n’importe pas vraiment. Ce que les joueurs remarqueront avant
42
toute chose, c’est la fréquence à laquelle ils réussissent leurs jets pendant la partie. S’ils sont motivés par un style de jeu
réaliste et dur, ils ne se plaindront pas si c’est 50 % ; mais dans le cas contraire, vous devez viser les 75 %.
Si vous ne le faites pas, vous devrez peut-être baratiner une clause échappatoire simulationo-machin-chose à la mords-
moi-le-nœud pour l’expliquer, comme dans Wild Talents et vous vous retrouverez avec des fils de discussions enflammés
dans les forums.
(1) NdT : Le système ORE a été inventé par Greg Stolze et est utilisé entre autres dans Godlike (grog) et Wild Talents (grog) . P our résoudre une action, on
lance entre 2 et 10d10, et on recherche les paires. Ceci permet en particulier lors des combats de résoudre en un seul jet l’ initiative, les dommages et la
localisation des attaques (d’ après le Grog). [Retour]
(2) NdT : L’ auteur fait ici référence à 5 creepy ways video games are trying to get you addicted ( 5 moyens effrayants par lesquels les jeux vidéo tentent de
vous rendre accro). [Retour]
(3) NdT : Piège de facilité (ptgptb) trouve que cela va trop loin et regrette le temps où les personnages en “ bavaient”. [Retour]
(4) NdT : Cette opposition réalisme/plaisir se retrouve aussi dans les Justifications Manifestement Absurdes (ptgptb) . [Retour]
43
Un article de Mike Holmes, tiré de The Forge, et traduit par Mathieu Rivero
Les jeux de rôles (je parle de tous les jeux, pas juste un ou deux) n’ont pas besoin de système de combat. Je vais répéter
pour que ça rentre un peu mieux. Les JdR n’ont pas besoin de règles pour le combat, quelles qu’elles soient. Règle de
combat ? Nada. Niet.
Ça ne veut pas dire que je pense que les règles de combat n’ont pas leur place au sein du jeu de rôle. Certains JdR
peuvent en avoir besoin, certains même désespérément. Néanmoins elles sont un héritage du wargame. Leur inclusion est
quasi-automatique – mais pas nécessaire.
Ce que ces règles montrent au joueur, c’est que le jeu auquel il joue est surtout orienté vers le combat. M ême si elles sont
peu nombreuses et qu’elles se fondent dans le système. L’idée qu’il soit nécessaire d’inclure des règles de combat est si
répandue que trop de jeux de rôles en comportent. C’est un des vices des créateurs de JdR. Cela ne devrait pas être un
automatisme. Jamais. Il y aura toujours des gens chez qui ça ne rentrera jamais.
C’est une notion difficile à ébranler, me libérer de la M atrice m’a pris des années. M ais croyez-moi, si vous vous vous
concentrez dessus et que vous y regardez objectivement, juste quelques minutes, vous aurez soudain une révélation et vous
aussi, vous serez libre.
44
Prenons mon exemple type. Jetons un œil à la liste de compétences de GURPS ; je prends une compétence lambda :
photographie. On va dire que, pour les besoins de l’article, je crée un JdR sur les photographes. Hmm. Des photographes
paraplégiques dans leurs fauteuils roulants. Je le base sur l’expérience de ce que serait vivre cette vie – un concept très Sim.
Le traditionaliste, encore prisonnier de la M atrice, introduirait un système de combat. Au cas où “ils décideraient de
lancer leur appareil photo”, ou toute autre absurdité du genre. C’est vrai, un conflit physique doit pouvoir être représenté
dans une simulation. M ais a-t-on besoin de règles spéciales ? Je parie qu’il y aura un système de résolution des actions, et je
parie que si vous l’utilisez pour résoudre un affrontement physique, ça fonctionnera. Tout comme pour prendre une photo.
Joueur : “Je prends une photo de cet arbre. J’ai fait quinze.
MJ : Bien, ta photo va faire la une et gagner le Pulitzer.”
Joueur : “Je balance mon appareil sur l’arbre. J’ai fait quinze.
MJ : Tu touches l’arbre, mais c’est un bon vieux chêne, alors tout ce que ça fait, c’est que ça bousille ton appareil
photo.”
Ou
Joueur : “Je balance mon appareil photo sur ce connard de Bob. J’ai fait quinze.
MJ : Bien joué, l’appareil s’écrase sur le front de Bob, qui tombe raide en arrière, un filet de sang coule sur son
visage.”
Incroyable, une résolution de combat sans règles spéciales ! Notez que ce dont j’aurais vraiment besoin de faire dans ce
JdR, ce sont des règles spécifiques pour la photo. C’était mon but de simuler le monde de la photographie, non ? Je devrais
avoir des techniques de cadrage, des règles pour l’éclairage. Des listes d’appareils, de lentilles, de trépieds, différentes sortes
de pellicules et de matériel pour développer les films. Des compétences différentes pour le Noir et Blanc et la couleur. Des
règles spéciales pour le développement, et peut-être même des trucs pour l’encadrement. Et une tonne de trucs que je ne
sais pas encore comment inclure, puisque je ne sais presque rien de la photographie. Et tout ça ne dit rien sur l’aspect
“fauteuil roulant” du jeu, que je connais encore moins.
Comprenez que toutes les simulations se focalisent sur des détails particuliers plus que sur d’autres. Ce que votre
système détaille devient automatiquement un des aspects-clefs du jeu.
Si ne voulez pas que le combat soit la priorité de votre JdR, n’y mettez pas de règles spécifiques le concernant,
tout particulièrement si vous ne mettez pas de règles spécifiques pour quelque autre sujet.
Fin de la gueulante.
Sélection de commentaires
Joshua Neff
M ike, je suis totalement d’accord avec toi. […] M ais pendant que je suis là, je vais un peu gueuler et grogner
moi-même. Après la déconstruction retentissante du système du Conteur par Jess (c’est là les gars :
http://indie-rpgs.com/forum/viewtopic.php?t=1989), j ’ai commencé à réfléchir un peu plus sur le storytelling,
et ai trouvé quelques trucs de plus qui m’ont fait me demander “Pourquoi ont-ils fait ainsi leur soi-disant
système du Conteur ?”.
Il y a deux compétences séparées pour Bagarre et Arts martiaux. Pourquoi ? Leur mécanisme est
identique (Dex + Bagarre ou Dex + Arts martiaux pour toucher). Pourquoi ne pas avoir juste une seule
compétence de Combat, et laisser le joueur décider si le personnage pratique les arts martiaux ou non ?
Pour un JdR sur le développement des personnages et le conte, il y a au moins cinq compétences
différentes liées au combat (Bagarre, Arts martiaux, M êlée, Armes à feu et Esquive), mais une seule
pour l’Art (Expression artistique). Bon, je sais quelle est la différence entre étudier la peinture et
étudier la sculpture (et étudier les beaux-arts). Alors dites-moi, sur quoi le jeu vous dit-il qu’il se
concentre ? Et je veux dire, vous dit vraiment, pas ses commentaires fleuris sur “l’histoire avant tout”,
45
Et là s’arrêta sa gueulante
Mike Holmes
Le point intéressant que tu peux voir dans les tentatives de simplifier les règles de combat, c’est que les gens
comprennent intuitivement que des règles de combat ne sont pas nécessaires. D’où seulement cinq
compétences pour le Conteur, au lieu de toute une page. M ais il semble que l’on s’accroche toujours aux
derniers vestiges. Cela se ramène toujours à la protection du personnage-joueur. Le truc c’est que, si le M J est
de votre côté (c’est-à-dire, pas dans le cas d’une rivalité joueur/M J), alors pourquoi le personnage a-t-il besoin
d’être protégé ? Ou plutôt, si vous donnez au joueur ou au M J le pouvoir de protéger un personnage, où est la
menace ?
Sans doute s’agit-il des vestiges de quelques parties ludistes dysfonctionnelles. Ou comme je l’ai dit avant,
juste la tradition.
Cela ne veut pas dire que les règles de combat ne peuvent pas être une bonne chose. Je voudrais le répéter. Si
le JdR est vraiment et réellement sur le combat, alors mais certainement, en avant les règles spéciales ! M ais je
vois si souvent un JdR sur l’exploration psychologique, ou des histoires d’amour, ou de ce genre, qui a plus de
règles pour le combat que pour cette exploration.
Great Wolf
À mon avis, on en revient à un principe de base de la création. Ce à quoi un système de règles donne de
l’importance, sera important dans les parties qui en résulteront. Si vous voulez mettre l’accent sur un aspect,
alors créez des règles spéciales pour cela. Sinon, utilisez des règles générales.
Laissez-moi vous donner un exemple. […]
J’ai lu une fois un reproche fait à Unknown Armies (grog), à savoir que c’est un système aux règles assez
légères, jusqu’à ce que vous arriviez à l’Échelle de Folie. Tout d’un coup il y a plein de règles. Bon. Bien que je
pense que l’on pourrait discuter de la mesure de la “lourdeur” de l’Échelle de Folie, c’est un fait qu’il y a plein
de place et d’attention accordée à l’Échelle de Folie. Toutefois c’est un choix créatif délibéré. Stolze et Tynes
voulaient mettre l’accent sur ce mécanisme. Après tout, il reflète (en grande partie) les conséquences des choix
que vous faites pendant la partie. Donc ils attirent l’attention vers l’Échelle de Folie en concentrant les règles
autour d’elle.
Comparez cela à la folie dans D&D3. Bon, je ne suis pas un expert des règles de D&D, mais je doute qu’il y
ait des règles de folie détaillées dans les règles principales. Pourquoi ? Ce n’est pas un des thèmes principaux du
jeu. Je parie qu’on fera un simple jet de sauvegarde de Volonté (ou quoi que ce soit), avec quelques
conséquences fâcheuses si le jet est raté. Toutefois, D&D3 apporte beaucoup plus d’attention aux règles de
combat. C’est parce que le combat est un sujet important à D&D, et donc y dédie plein de règles pour résoudre
le combat.
On pourrait argumenter que la tendance à inclure des règles de combat dans tous les JdR est moins un choix
inconscient de création, et davantage une indication de ce que la plupart des rôlistes cherchent dans leur parties.
M ais c’est peut-être un sujet pour une autre fois.
Mike Holmes
[…] M ais l’impact sur d’autres systèmes est plus prononcé. Par exemple, les gens qui jouent à GURPS
devraient se rendre compte qu’en introduisant toutes les règles avancées pour le combat et toutes les listes
d’armes, etc., tout ce à quoi vous jouez avec GURPS se terminera probablement par un combat à un moment.
Ce sera bien pour certaines parties, mais constituera une erreur pour d’autres. Les responsables évidents, D&D
et ses imitateurs, posent problème quand ils essayent d’être quelque chose d’autre que des JdR sur le combat
(ma parole, les premières éditions n’avaient pas de règles pour grand-chose d’autre)
Alors oui, il y a tout un éventail d’abus. M on exemple favori est que Conspirations/Over The Edge (grog)
inclut des règles de combat presque à contrecœur. L’auteur indique quelque part qu’il n’inclut une règle
d’armure que parce que l’on s’y attend.
46
En tout cas, mon intention avec cette gueulante est de dire à quiconque créerait un système, de réfléchir sur le
fait de ne pas suivre la tradition, qui est de s’assurer de fournir des règles spéciales pour le combat. Si vous
n’arrivez pas à vous forcer à rompre la tradition, envisagez au moins ce que Ron [Edwards, dans Sorcerer
(NdT)] a fait, et faites juste du combat une autre application intéressante des règles générales. Cela a de
nombreux avantages évidents.
[…] Ce n’est pas le combat qui est mauvais, c’est l’attention mal placée […]
Là où je veux en venir, c’est que la perception d’un système va différer, mais il est bon de former votre
propre opinion en tant que joueur. De façon à voir s’il y a eu un “Appâte et détourne” à la Vampire. En tant que
créateur, vous devez faire en sorte de créer des mécanismes qui soutiennent votre thème. Ce dernier point
général est vraiment très évident, on dirait juste qu’il est oublié quand cela concerne les systèmes de combat.
Ainsi, un problème typique est que vous avez des systèmes qui se concentrent sur deux thèmes ; l’un sur le
sujet approprié, et l’autre sur le combat sans bonne raison particulière. Voyez un bon exemple avec Ars
Magica (grog). [Le jeu est] soi-disant sur la magie, le système dit qu’il s’agit de tuer avec la magie. Le pire
problème est tout entier l’attention mal placée. Traveller est un bon exemple. Il est censé être sur l’exploration
de l’univers mais finit bien trop souvent en fusillades mortelles. Voilà un JdR qui aurait gagné à larguer le
système de combat tout entier.
L’ironie, c’est que j’ai commencé à distinguer des systèmes “légers” dans des JdR qui sont supposés être sur
le combat, mais qui n’ont pas ce que je pense suffire pour soutenir ce thème.
Joshua Neff
Il y a une grande différence entre des règles spécialisées (pour le combat, la magie, le débat, ce que vous
voulez), parce que ces choses “veulent dire quelque chose” pour ce jeu, ou bien parce que “Ben on doit en
mettre, non ?”.
C’est vrai, les règles de combat sont de rigueur. Il doit y en avoir dans chaque système. Le niveau que cela
atteint ressemble pour moi à du lavage de cerveau. C’est pourquoi j’ai fait référence à Matrix. On dirait presque
que les Satellites de Contrôle d’Esprit travaillent à s’assurer que les gens mettent un système de combat dans
chaque JdR. On dirait que les gens ont du mal à changer de situation. M ais c’est important.
Xiombarg
Une version plus insidieuse de ceci est le “système de santé”. Le combat peut être géré par les mécanismes
de base, mais il y a des règles pour les dommages et/ou la santé, ce qui implique toujours que les PJ vont être
blessés, ce qui implique habituellement le combat.
Mike Holmes
Oui, le “système de santé” est le dernier vestige du système de combat qui reste une fois que le reste a été
excisé. À nouveau, je pense que la raison en est quelque notion profondément ancrée, qu’en l’absence d’un tel
système, votre personnage est à un jet de dé de vous être arraché. Si vous jetez un œil à Inspectres [un JdR
humoristico-fantastique, proche du film Ghostbusters (NdT)], ceci est en fait rendu impossible, par un système
de combat (le stress), dans lequel il est impossible de mourir, car le joueur définit le résultat en terme de stress.
Le pire qui arrive est que le personnage a besoin de vacances. Voilà comment bien se centrer sur son sujet.
De nombreuses personnes comprennent de quoi parle cette gueulante implicitement (elle est vieille et peu
originale, une de celles que j’ai été fatigué de répéter). De nombreux JdR sont maintenant créés avec ces idées en
tête. M ais ce n’est pas pour ces créateurs que j’ai écrit cette gueulante. C’est pour les nombreux, nombreux
autres créateurs-en-herbe là-bas qui sont encore piégés dans la M atrice.
J’espère qu’il y a des gens là-bas en ce moment qui prennent la bonne pilule.
[…] Le fait est toujours qu’il n’y a pas de raisons valables d’avoir un système de combat, si le combat n’est
pas au coeur du JdR considéré.
Cela me semble un bon moment pour pousser plus loin. L’univers criminel ; l’espionnage ; le space opera (ou
la plus grande part de la SF), et de nombreux autres thèmes comme ceux-ci sont des genres que beaucoup de
gens considéreront centrés sur le combat. À nouveau, je dirais que la simple présence de violence latente ne la
met pas pertinemment au centre.
47
1. Décider de créer un JdR, et par la suite “s’apercevoir” qu’il aura automatiquement un système de
combat
2. Décider d’une prémisse qui tourne autour du combat, pour que l’insertion d’un système de combat soit
logique.
3. Créer un JdR avec un système de combat.
Et plus comme :
1. Décider de créer une prémisse de JdR sur le combat et n’importe quoi d’autre
2. Décider de se concentrer sur le combat pour permettre la prémisse
3. Créer un JdR avec un système de combat.
La plupart du temps, le choix de prémisse à la première étape n’imposera pas de centrage sur le combat, et
donc ne devrait inclure aucun système de combat. Suis-je clair, ou est-ce que je suis en train d’insister
lourdement ?
(1) NdT : Ajoutons qu’ une guerre des gangs – ou une guerre secrète – réaliste mène logiquement à l’ annihilation mutuelle. [Retour]
(2) NdT : P rémisse ≈ principe de base. Lisez au moins le premier chapitre du LNS (ptgptb) . [Retour]
48
Pour aller plus loin…
Vous désirez découvrir les autres articles de Mike Holmes traduits par nos soins ? Cliquez ici (ptgptb) pour accéder
directement aux annexes concernés.
49
50
U n e rè gl e , u n e d e sc ri p ti o n
© 2006 Ben Robbins
Un article de Ben Robbins, tiré de Ars Ludi, et traduit par Grégoire Diet
Les règles ne devraient pas surprendre les joueurs. Plus précisément, si vous décrivez une situation aux joueurs, et puis
décrivez les règles ou les modificateurs qui s’appliqueront en fonction de cette situation, les joueurs ne devraient pas faire
“Quoiiiii ??”
S’ils sont étonnés, c’est peut-être parce que vous avez stipulé un mécanisme bizarre (un jet de sauvegarde de Volonté
pour résister au poison) ou un modificateur vraiment invraisemblable (- 6 au toucher pour utiliser un pied de table comme
arme improvisée).
En tant que maître de jeu (M J) vous pourriez penser qu’une règle ou un modificateur est le bon même si les joueurs
n’approuvent pas. Cela arrive parfois, parce que transposer les règles à une situation est subjectif. Cela relève plus de l’art
que de la science. Plus important, ce pourrait être un signe que les joueurs ne visualisent pas la situation de la même manière
que vous (vous pensez décrire la mer démontée par la tempête, et les joueurs la perçoivent agitée et trouvent qu’il s’agit
d’une nuit agréable pour prendre un bain).
Vive la cohérence !
D’autre part, si vous utilisez pour la même chose des règles différentes à deux occasions différentes, il est difficile, d’en
saisir la logique – que vous soyez M J ou PJ. Ceci pourrait être juste le résultat d’incohérences (oups) ou vous pourriez
intentionnellement employer une autre règle pour obtenir un avantage.
Le monde de jeu est imaginaire. Il n’existe pas, sauf dans la tête des participants. Chacun a son propre cerveau et son
imagination, ce qui rend important de s’assurer qu’il y a un consensus, que vous opérez tous dans le même monde de
fiction, et en accord sur la façon dont les choses fonctionnent. La cohérence rend ce partage plus facile, l’incohérence le rend
plus difficile.
Pour prendre un exemple de Mutants and Masterminds (M&M), les joueurs sont sous le feu d’une mitrailleuse utilisant
un jet d’attaque normal, puis plus tard ils font face à une autre mitrailleuse qui dispose à la place d’une attaque de zone
(dommages automatiques, seul un jet de sauvegarde de réflexe peut réduire les dommages). Conceptuellement les deux
mitrailleuses sont identiques – l’une est plus grande mais c’est la seule différence.
Un joueur voit la seconde mitrailleuse avant qu’elle tire et dit “Ha ha, je vais esquiver pour augmenter ma Classe
51
La même description ne devrait jamais être modélisée avec deux règles différentes.
Si vous voulez employer une règle différente, cela devrait être accompagné d’une description différente.
Dans le cas de l’éclair, soulignez que le test de Vigueur a une apparence complètement différente : c’est une vague
d’énergie statique pulsante, pas un éclair. Est-ce que cela semble un changement insignifiant ? C’est mineur mais pas du tout
insignifiant. Une petite modification comme celle-là peut rendre l’expérience de jeu plus cohérente, et maintenir l’immersion
des joueurs.
Sélections de commentaires
Russel
Par exemple “le tunnel est haut d’environ quatre-vingt-dix centimètres à un mètre vingt, ce qui signifie que
vous vous déplacez à la moitié de votre vitesse et que dans une mêlée vous attaquerez à -2 avec les armes
légères, -4 avec les armes à une main, et que vous ne pourrez pas utiliser les armes à deux mains.” à la différence
de “Le tunnel est haut de quatre-vingt-dix centimètres à un mètre vingt, vous vous déplacez assez lentement”.
Peut-être que j’aurais juste dû faire s’accroupir les participants autour de la table, en-dessous d’un mètre
vingt…
Ben
Bon exemple. Je pense que ce qui a vraiment causé la confusion dans ce cas était que le dessin sur la grille de
bataille semblait se rétrécir à un point mais s’élargir à nouveau, laissant les joueurs penser qu’ils avaient
dépassé la partie étroite. Nous aurions dû demander.
52
C ré e z v o tre j e u d e rô l e p ré fé ré
© 1996 Lou P rosperi
Un article de Lou Prosperi, tiré de The Oracle of RPGnet et traduit par Marina et Esthane
Remarque : Cet article a tout d’abord été publié dans le magazine Shadis [magazine américain de JdR (1990-1998),
fondé par Jolly Blackburn (NdT)] puis sur le site web de l’auteur.
Introduction
Avez-vous déjà regardé une série télé ou un film, ou fini un roman ou une BD en vous disant “Bon sang, ça ferait un
SUPER jeu de rôle !” ?
Je suppose que c’est arrivé déjà à la plupart des rôlistes comme vous et moi au moins une fois, voire plusieurs fois
comme dans mon cas. Donc, comment transforme-t-on sa série télé/film/livre/BD préféré en jeu de rôle ? C’est une bonne
question, à laquelle nous allons répondre dans cet article.
L’objectif de cet article est de proposer des pistes en prenant une source – que ce soit une émission ou série télé, un film,
un livre – et en l’utilisant comme base pour un jeu de rôle.
Avant d’aller plus loin, j’aimerais signaler qu’il existe déjà plusieurs JdR basés sur des séries, des films, etc. Ce sont des
jeux sous licence, produits par des éditeurs avec l’autorisation des propriétaires de la fiction. Star Wars : Le jeu de rôle de la
Guerre des Étoiles (grog), édité par West End Games, est un bon exemple. West End Games a obtenu l’autorisation de
Lucasfilm Ltd, propriétaire de la licence Star Wars, pour créer un jeu de rôle basé sur Star Wars. Je souligne ce point pour
rappeler que le but de cet article est de créer un JdR dédié à votre usage privé uniquement.
N’utilisez pas les conseils de cet article pour créer un JdR basé sur Star Trek : The Next Generation (wiki) (Star Trek :
TNG), et essayer de le publier et de le vendre sans la permission des propriétaires de la licence Star Trek (à savoir
Paramount Pictures). Tout ce que vous obtiendrez c’est un procès. Et ne m’en voulez pas, je vous aurai prévenu.
Vue d’ensemble
Le processus décrit dans cet article contient quatre étapes simples :
Définir la source ;
Déterminer le style de jeu ;
Concevoir le jeu ;
Jouer à ce jeu.
Chacune de ces étapes est détaillée ci-dessous. Cet enchaînement peut sembler excessif de prime abord, mais le but est de
recréer l’esprit de la source originale le plus fidèlement possible, afin d’en capter l’essence. Après tout, la source est la
raison pour laquelle vous vous lancez dans ce projet. Autant la simuler le plus fidèlement possible.
Ce processus est aussi similaire à ce que font les créateurs de jeu lorsqu’ils commencent à concevoir un nouveau jeu de
rôle. Bien que cet article aborde l’analyse d’une source donnée, les étapes suivantes s’appliquent également à la création de
nouveaux JdR. J’ose espérer que vous utiliserez cet article pour ça aussi.
Remarque : Bien que les idées de cet article puissent s’appliquer aussi bien à une série télé, un film ou un livre,
j’utiliserai le terme de “série” lorsque je ferai référence à la source qui est à la base de votre JdR.
P re m i è re p a rti e : d é fi n i r l a so u rc e
53
L’abrégé peut aussi être comparé à celui d’un jeu de rôle. Établir l’abrégé d’une série est essentiellement la même chose
que l’établir pour un jeu de rôle ; cela consiste à décrire ce dont parle le jeu.
L’abrégé d’une série télévisée pourrait aussi être comparé à ce qui est parfois appelé l’esprit d’un jeu de rôle – tout
simplement ce dont traite le jeu. Cela va plus loin qu’une simple description de l’univers de jeu ou des personnages : cela
englobe également les mécanismes et le système de jeu, et comment les règles encouragent les types d’histoires que l’on veut
jouer dans les campagnes (3).
Tout au long de cet article, je donnerai des exemples à chaque étape du processus, en décrivant la série X-Files.
Cet exemple d’abrégé nous fournit de nombreuses idées-clés concernant X-Files. Premièrement, c’est un univers
contemporain, mais dans lequel les ovnis, les pouvoirs psys et d’autres événements paranormaux sont réels. Deuxièmement,
les personnages sont définis comme des agents du FBI. Cela ne nous dit pas seulement qui sont les protagonistes, mais
limite également l’univers de la série aux États-Unis. Troisièmement, nous savons que l’action principale dans chaque
épisode est une enquête, dont le but est de comprendre la vérité derrière les événements de l’affaire.
Ainsi, ce simple abrégé décrit les bases de la série, et nous donne également un bon aperçu de X-Files en tant qu’œuvre de
fiction.
54
La prochaine étape consiste à définir la source en termes qui pourront être ensuite traduits dans un système de jeu. Il y a
trois éléments de base communs à tous les styles de fiction : le décor (setting), les personnages et les actions. En les
définissant clairement, vous aurez une meilleure compréhension de votre source, et de la façon dont les histoires racontées
sont structurées.
Une des meilleures façons que j’aie trouvées pour comprendre les détails des éléments de fiction est tout simplement de
poser des questions sur ces éléments, puis de répondre à ces questions en m’appuyant sur les œuvres étudiées. Dans
chacune des sections suivantes, je vous présente quelques questions pour vous aider à définir les aspects spécifiques de
chacun des éléments de fiction.
Le décor est peut-être le plus facile des éléments de fiction à décrire, mais il est aussi le plus global. Très simplement,
c’est l’endroit et l’époque où se déroule la série. Le décor comprend le monde où se produisent les événements ; mais même
s’il est parfois facile à décrire, le décor englobe également bien des aspects différents, tels la période historique, le niveau de
technologie, les contextes politiques et sociaux, et bien d’autres.
Les réponses à certaines des questions suivantes fourniront des informations spécifiques à l’univers de la série.
C’est un élément important du décor. Une série qui se déroule dans le Far West (comme Brisco County) sera très
différente d’une autre qui se déroule à l’époque moderne.
L’époque historique d’une série détermine également de nombreux autres aspects, dont certains sont traités ci-dessous.
Par exemple, comme on pourrait s’y attendre, la plupart des séries de science-fiction se déroulent dans le futur, quand la
technologie a progressé au-delà de celle d’aujourd’hui. L’époque est également importante pour comprendre le climat
politique et/ou sociologique en cours.
Définir l’époque vous permet également d’appréhender l’histoire de l’univers de la série ou, en termes plus simples, les
événements qui se sont succédés pour arriver où on en est. Bien sûr, une série dans le monde contemporain, le vrai, aura une
histoire identique à la nôtre, et très probablement une situation politique similaire.
Comme on peut s’y attendre, la plupart des séries ont quelques aspects qui diffèrent du nôtre. Par exemple, une série
comme X-Files a une histoire commune avec la nôtre mais elle part aussi du principe que certains événements passés
impliquent des ovnis et d’autres phénomènes paranormaux. Bien que ces événements ne soient pas connus du public, ils
sont très importants dans l’univers de X-Files.
Dans le cas d’une série futuriste, “l’histoire du futur” est un aspect important du décor, qui offre une bonne
compréhension de la situation présente de la série. Par exemple, dans la série SeaQuest Police des Mers (wiki), l’exploration et
la colonisation des océans de la Terre a conduit à la formation d’un certain nombre de confédérations, chacune en
compétition pour un domaine océanique. Après avoir évité de justesse un conflit nucléaire, plusieurs de ces confédérations
ont formé l’Organisation des Terres/Océans Unis, dont le rôle est de maintenir la paix entre les confédérations. Le
submersible SeaQuest est le fleuron de la flotte de l’O.T.U. et est chargé de résoudre les conflits qui surviennent entre les
nombreuses confédérations.
55
Est-ce sur Terre, sur une autre planète ou système stellaire, ou dans un pays ou ville donné ?
Comme pour l’époque, déterminer la localisation géographique du décor est important pour appréhender la série. Une
série qui se tient sur une planète sera différente à bien des égards d’une qui se déroule dans toute une galaxie. De même, une
série située dans une ville ou un pays diffère de celle qui couvre le monde entier.
Cet aspect du décor détermine un certain nombre d’éléments de la série. Il définit les types de situations susceptibles de
survenir, ainsi que qui ou quoi pourrait être rencontré.
Par exemple, Earth 2 (wiki) se déroule sur une seule planète, à de très très nombreuses années-lumière de la Terre. L’équipe
de colons de cette série doit faire face aux défis d’un monde nouveau, armée seulement de ce que les colons ont apporté avec
eux. Ils ne sont pas ravitaillés et ils ne peuvent pas non plus demander des conseils ou obtenir l’aide de qui que ce soit.
Le niveau technologique détermine la plupart du temps les types d’équipement et de gadgets utilisés par les personnages.
Est-il le même que le nôtre ? M oins avancé, comme dans Brisco County, ou plus avancé, comme dans Star Trek: Voyager ou
Babylon 5 (wiki) ? Les spécificités de la technologie sont importantes et sont étroitement liées à ses personnages (voir ci-
dessous). Ses conséquences sont-elle importantes dans la série ? Les différents types de technologie sont-ils facilement
accessibles ?
La technologie peut généralement être décomposée en quatre catégories de base : armement, communications, transports,
et divertissement/confort. Chacune d’elles est assez explicite, mais il pourrait être utile de s’y intéresser de plus près.
L’armement indique le niveau technologique des armes et armures utilisées dans la série. La plupart des armes
sont-elles de simples armes à feu, comme nous en avons aujourd’hui, ou plutôt des lasers ou blasters ? Quels autres
types d’armes inhabituelles sont utilisés, comme les pistolets soniques paralysants de SeaQuest, ou les sabres laser
de Star Wars ?
Les communications n’impliquent pas seulement les téléphones ou les visiophones, mais également les systèmes
d’échange d’informations et les réseaux informatiques comme Internet. Quels systèmes de communication sont
utilisés dans la série ? Y a-t-il des téléphones, téléphones portables, visiophones, ou des communicateurs
personnels ? Y a-t-il un réseau mondial (ou galactique) d’information ? En combien de temps une information peut-
elle être trouvée et/ou envoyée ?
À titre d’exemple, la combinaison portée par les membres de l’équipe du Projet Eden sur Earth 2 leur permet de
communiquer à la fois visuellement et oralement et offre également une forme de réalité virtuelle. Cet équipement
permet à des membres de l’équipe de partir en éclaireurs, tout en restant en contact avec le reste du groupe.
Les transports couvrent les appareils technologiques qui permettent aux gens de se déplacer, comme les
automobiles, les avions, etc. Quels progrès ont été réalisés au niveau des transports dans la série ? Y a-t-il des
aéroglisseurs, par exemple ?
Toutes les différentes séries de Star Trek utilisent la technologie de la téléportation, par laquelle le corps d’une
personne est converti en énergie, envoyé à un autre endroit, puis recomposé. Ceci est un excellent exemple d’une
avancée technologique notable dans le domaine des transports. Quelles sont les autres formes exceptionnelles de
transport dans la série, s’il y en a ? Dans SeaQuest, le voyage sous-marin est très commun et majoritaire. Cela
tombe sous le sens, puisque cette série parle essentiellement d’activités sous-marines.
Le divertissement est le domaine où la plupart des avancées technologiques de notre monde sont les plus
évidentes. Les innovations comme la réalité virtuelle, les consoles de jeux (telles la Playstation ou la X-box), et les
home cinema sont de bons exemples de technologie du divertissement. Quels types de technologie du
divertissement trouve-t-on dans la série ? Est-ce que la réalité virtuelle existe ? Et les simulations holographiques,
comme celles des holodecks (wiki) de Star Trek: TNG ?
Enfin, les éléments de confort sont ceux utilisés dans la vie quotidienne, par à peu près tout le monde. Les produits
comme les fours à micro-ondes et les assistants numériques personnels (comme l’iPad) entrent dans cette catégorie.
Bien que ce type de technologie ne soit généralement pas aussi important pour les histoires que les catégories
précédentes, il est toujours utile d’examiner la façon dont la technologie est utilisée pour le divertissement et le
confort dans une série.
L’action se situe-t-elle dans un environnement politique (relativement) stable ou ce dernier est-il instable, sous la menace
56
d’une guerre qui se profile à l’horizon ? Y a-t-il des ennemis politiques bien définis ? La base de nombreuses anciennes séries
télé reposait sur une divergence politique et la présence d’un ennemi très clairement identifié.
Star Trek : Deep Space Nine (DS9) et Babylon 5 se déroulent toutes deux dans un environnement politique quasi-instable,
qui alimente la plupart des conflits. Dans le cas de Star Trek : DS9, la tension entre l’Empire cardassien et la planète Bajor,
avec l’implication de la Fédération des Planètes Unies et de Star Fleet, forme l’abrégé de la série. De même, [dans le huis-
clos de la station spatiale] Babylon 5, l’état de paix incertaine entre les M inbaris, Centauris, Narns, les Terriens et les
Vorlons offre une situation idéale pour un conflit dramatique.
La dimension sociale est un autre sujet important. Quel est le climat sociologique de la série ? Est-il comparable à notre
situation actuelle, ou les choses se sont-elles améliorées ou détériorées ? Dans l’univers des différents Star Trek, par
exemple, la situation sociale est bien meilleure que la nôtre. La Fédération a pratiquement éradiqué la pauvreté, la faim et de
nombreux autres problèmes d’aujourd’hui. En revanche, Earth 2 imagine un univers où la Terre est devenue presque
inhabitable, et où la majorité de la population a déménagé dans d’immenses stations spatiales en orbite autour de la Terre.
Gouvernée par le méfiant et omniprésent Conseil, la société est devenue très stratifiée, avec un quasi-système de castes
séparant les ouvriers, des politiciens, des nantis. Ajoutez à cela le syndrome qui a commencé à toucher les enfants des
habitants des stations, et l’instantané social du décor de Earth 2 apparaît manifestement des plus sinistres.
Y a-t-il des gens avec des capacités spéciales ou inhabituelles (magie, pouvoirs psychiques, etc.) ?
Dernier aspect à considérer : les capacités ou pouvoirs spéciaux ou paranormaux. De nombreux univers de fantasy et de
science-fiction incluent différents types de capacités spéciales, comme les pouvoirs magiques ou psychiques – telles la
télékinésie ou la Perception Extra-Sensorielle (PES). Cet aspect, qui fait certes partie de l’univers de la série, est également
important lors de l’examen des personnages et des actions, qui seront traités plus bas.
Pour l’instant, notre souci est de savoir si de telles capacités sont présentes dans l’univers de la série, et si oui, comment
elles sont utilisées. Il faut aussi réfléchir à la rareté de ces pouvoirs. Sont-ils communs ou uniques ? S’agit-il d’aptitudes
naturelles, ou est-ce le produit d’une sorte d’étrange traitement ou d’expérience médicale ?
Par exemple, dans l’univers de SeaQuest, des médiums et des télépathes sont connus ; l’un d’eux est même membre de
l’équipage du sous-marin. De même, dans les Star Trek, de nombreuses races sont connues pour avoir des pouvoirs
télépathiques, comme les Vulcains ou les Betazoïdes. Dans le cas de SeaQuest, ce sont des aptitudes naturelles, et elles sont
présentées comme très rares et difficiles à maîtriser. Elles ont également un pouvoir quelque peu limité. Plusieurs épisodes
de X-Files ont suggéré des pouvoirs magiques et psychiques, bien qu’on ne connaisse jamais la vérité sur ces éléments.
Les personnages
Après avoir défini et décrit le décor de votre série, le prochain élément fictif à prendre en compte est : les personnages. Il
y en a trois grands types : les personnages principaux, les adversaires et les seconds rôles. Bien que tous ces types de
personnages soient importants, cet article se concentre sur les personnages principaux, puisqu’ils sont par nature, les
personnages-joueurs de la série.
Avant de pouvoir discuter des problèmes spécifiques à chaque PJ, nous allons d’abord regarder leurs points communs.
Lorsque vous définissez les personnages, il faut prendre en compte ces idées-clés :
leur identité (ce qu’ils sont),
leurs actions (ce qu’ils font),
et leurs motivations (pourquoi ils le font).
57
Tous les personnages ne savent pas faire la même chose, et c’est même préférable. La plupart des personnages ont un
talent ou une compétence qu’ils sont les seuls à posséder. C’est ainsi que les auteurs et créateurs créent des personnages
uniques et singuliers. Dans le même temps, les personnages ayant des professions identiques ou similaires peuvent avoir
certaines compétences en commun.
Par exemple, dans X-Files, Fox M ulder est un fin psychologue spécialisé dans le profilage de suspects à partir des
éléments de leurs crimes passés. Dana Scully est médecin, spécialisée en médecine légale. Les deux personnages seraient
capables d’établir le profil d’un tueur en série, mais seule Scully pourrait réaliser une autopsie. M ulder n’essaierait même
pas d’en faire une, car cela relève d’un domaine au-delà de son expertise.
Lorsque vous définissez les capacités des personnages, pensez à des domaines généraux de savoir-faire et d’expertise,
plutôt que de vous limiter à des compétences précises. Pour poursuivre avec l’exemple précédent, M ulder aura
probablement les compétences suivantes : Enquête criminelle, Psychologie et Connaissance du paranormal ; Scully en
revanche aura plutôt Enquête criminelle, M édecine, et M édecine Légale. Ces capacités communes leur permettent de
travailler ensemble sur certains aspects de l’enquête, alors que leurs compétences spécifiques et propres les aident à
résoudre les enquêtes.
Personnages principaux
Les personnages principaux, ou protagonistes, d’une série sont les vedettes de l’émission. Blague à part, c’est la façon la
58
plus simple de déterminer quels personnages sont importants dans la série.
La première étape est facile ; déterminer qui sont les personnages principaux. Une fois qu’ils sont identifiés, il faut définir
les personnages en fonction des idées-clés ci-dessus, c’est-à-dire leur identité, leurs actions et leurs motivations. Les
capacités et compétences des personnages font autant partie de l’identité que des actions ; ainsi il vous faudra en même
temps définir leurs capacités.
Vous avez deux manières de déterminer les personnages principaux. La première, de façon générale, en les définissant à
travers un type de personnage, avec des actions et motivations classiques. La seconde consiste à les définir en tant
qu’individus, avec une identité et des motivations qui leur sont propres.
Cette distinction (définition générale/spécifique) sera utile lorsque vous devrez déterminer le style de jeu que vous
souhaitez obtenir (voir la section Déterminer le style de jeu ci-dessous.) Si vous choisissez un style de jeu dans lequel
chacun des joueurs joue un des personnages principaux de la série, il vous faudra définir très précisément ces personnages
pour que les joueurs puissent les interpréter le mieux possible. Par contre, si vous choisissez un style de jeu où les
protagonistes sont proches des personnages principaux [de la série, mais ne sont pas ceux-ci], vous devez les appréhender
de façon moins spécifique ; vous devez plutôt décrire des [arché]types de personnage, ainsi que leurs motivations générales.
Cela permettra aux joueurs de créer des personnages-joueurs qui s’accorderont avec le décor imaginaire de la série.
Vous trouverez ci-dessous plusieurs questions pour vous aider à déterminer qui sont les personnages principaux de votre
série, de façon spécifique et générale, à travers les domaines cités précédemment (identité, actions, motivations et
compétences) et des exemples de séries télé ou de films.
Les personnages principaux dans Star Trek : TNG font partie de l’équipage du vaisseau spatial Entreprise. Il y a
notamment le capitaine Jean-Luc Picard, le commandeur William Riker, le docteur Beverly Crusher, l’ingénieur-en-chef
Geordi LaForge, la conseillère Deanna Troi, le chef de la sécurité Worf et l’officier scientifique le commandeur Data.
Les personnages principaux travaillent-ils pour une organisation précise, pour un gouvernement ou une agence gouvernementale ?
Les personnages principaux du film Les Experts (wiki) [de 1992] travaillent ensemble comme consultants spécialisés dans
la protection des données privées. Dans Seaquest, les personnages principaux font partie de l’équipage du Seaquest, le
vaisseau amiral de la flotte de l’O.T.U.
Les personnages principaux de X-Files, les agents Fox M ulder et Dana Scully, travaillent pour le FBI. Ils sont motivés
par leurs désirs de vérité et de justice.
Tous les personnages du film Les Experts sont des spécialistes dans différents domaines liées à la sécurité, physique ou
électronique. L’équipage dans Star Trek : TNG est composé d’officiers de StarFleet, formés pour accomplir des tâches
variées dans des fonctions diverses en rapport avec l’exploration spatiale.
Les adversaires
Les adversaires des personnages sont les méchants de la série, ou, pour utiliser des termes moins défavorables, les
antagonistes. Ça ne veut pas toujours dire qu’ils sont maléfiques ou mauvais, simplement qu’ils représentent une force
opposée d’une façon ou d’une autre à celle des personnages principaux (4). Très souvent, l’intrigue d’une histoire débute par
une action du ou des adversaires. Par exemple, la base de l’intrigue dans Les Aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8e
dimension (wiki) est l’évasion du Dr. Emilio Lizardo (Lord John Worfin) et le kidnapping du Dr. Hikita qui s’ensuit. Les
différents crimes et incidents étudiés dans X-Files sont souvent commis par l’un ou l’autre des adversaires.
À moins que vous ne prévoyiez de jouer des scénarios directement basés sur des épisodes de votre série, vous devrez
probablement définir les adversaires dans les grandes lignes seulement.
Bien sûr, il vous faudra définir les méchants plus en détails si ce sont des adversaires récurrents. Vous pouvez utiliser les
questions ci-dessus pour définir les adversaires et les seconds rôles de vos héros (voir ci-dessous).
59
Actions et intrigue
Les actions et l’intrigue sont les derniers éléments à approfondir de la fiction. L’intrigue d’une histoire se définit
simplement par la suite d’incidents ou d’événements qui composent cette histoire. Incidents et événements sont quasiment
tous des conséquences des actions des personnages, qu’ils soient les protagonistes (personnages principaux) ou
antagonistes (adversaires). Dans certains cas, les événements de l’intrigue sont le résultat des actions des seconds rôles, mais
c’est assez rare.
Les actions, se rapportent à ce que les personnages font dans l’histoire. Les résultats de ces actions sont les événements
et incidents qui composent l’intrigue de l’histoire. Cet aspect de la fiction est, naturellement, très proche de celui des
personnages, puisque sans personnage, la plupart des actions ne peuvent avoir lieu.
La meilleure façon de définir cet aspect de votre série est de le faire de façon plutôt générale, en définissant le type
d’actions plutôt que les actions précisément. Par exemple, plutôt que de noter que Scully fait une autopsie sur le corps de
Ray Roames dans tel épisode, il serait plus utile de simplement noter que Scully pratique souvent des autopsies durant les
enquêtes.
Pour définir le type d’actions des personnages de la série, il suffit simplement de regarder des épisodes et de noter les
actions qu’ils entreprennent. Dans Earth 2, les personnages voyagent dans un continent appelé New Pacifica, où ils vont
établir une nouvelle colonie. En chemin, les personnages recherchent de la nourriture et de l’eau, survivent à un
environnement extraterrestre, et rencontrent les autres habitants de ce monde, les autochtones et ceux implantés par le
Conseil.
60
Une fois que vous avez une idée de toutes ces actions, vous pouvez ensuite réfléchir au résultat de leur combinaison,
c’est-à-dire l’intrigue.
L’intrigue est une suite d’événements et d’incidents qui créent une histoire. Elle permet aussi de positionner la série par
rapport à ses éléments les plus fréquents. Lorsque vous définissez les actions et l‘intrigue, vous définissez donc le genre
d’événements et d’incidents les plus fréquents, et les intrigues qui en résultent.
Une bonne façon de faire consiste à prendre des notes sur les intrigues des épisodes que vous considérez comme les plus
représentatifs. Par exemple, beaucoup de fans de X-Files trouvent que les épisodes Compressions (wiki) et Les Hybrides (wiki)
sont les plus caractéristiques de la série. De même, beaucoup de fans de Star Trek : TNG trouvent que les meilleurs épisodes
de la série sont L’Enterprise viendra d’hier (wiki) et Le Meilleur des deux mondes (wiki) (épisodes 1 & 2).
Vous pouvez utiliser ces épisodes pour vous guider et identifier les intrigues qui, d’après vous, collent le mieux à la série.
Ces notes pourront aussi vous aider à créer vos propres intrigues, comme je l’expliquerai plus loin dans cet article.
Cela signifie-t-il qu’on ne peut créer qu’un nombre limité d’intrigues et d’histoires en se basant sur une série ? Bien sûr
que non ! En fait, il peut être aussi bienvenu de changer de style. Par exemple, certains des meilleurs épisodes d’une série
sont ceux qui offrent un type de récit légèrement différent. Dans ces cas-là, l’histoire est plus souvent centrée sur les
personnages eux-mêmes plutôt que sur leurs actions. Un bon exemple est l’épisode En Famille (wiki) de Star Trek : TNG,
centré sur les vies privées du capitaine Picard et du lieutenant Worf, plutôt que sur leurs actions et celles de l’équipage.
Techniques et Accessoires
À ce stade, nous avons abordé l’abrégé de la série, son décor, ses personnages, et les actions et intrigue. M ais ces idées
décrivent-elles la série de façon exhaustive ? Pas du tout. Il en faut beaucoup plus pour une œuvre de fiction (que ce soit une
série télévisée, un film ou un livre). Si vous voulez avoir une compréhension approfondie de la série, un autre aspect,
englobant de nombreux éléments et idées, a besoin d’être décrit. C’est ce que j’appelle les Techniques et accessoires.
“Techniques et accessoires” est une catégorie fourre-tout qui regroupe tous les éléments de fiction permettant de
structurer l’histoire ainsi que d’autres aspects importants, propres à la série mais qui n’entrent pas dans les catégories
définies précédemment. L’ensemble permet de formuler une définition plus aboutie des composants de la série.
M algré les apparences, les techniques et accessoires ne sont pas une sous-catégorie. Ils ne sont pas simplement regroupés
parce qu’ils ne sont pas importants. Au contraire, ils représentent des éléments trop variés pour être examinés séparément,
et trop importants pour être minimisés ou ignorés. En outre, tous les éléments des Techniques et accessoires n’apparaissent
pas toujours dans tous les types de fiction – certains apparaissent fréquemment, d’autres moins – alors qu’ils ont tous par
exemple un décor, ou des personnages, des actions et des intrigues.
Enfin, à l’opposé des autres éléments déjà vus, ceux qui composent les techniques et accessoires dépassent le cadre de la
plupart des règles et systèmes de JdR, qui ne peuvent pas, ou peu, les définir. Ce sont plutôt des méthodes, procédures et
astuces à utiliser pour mieux capter l’essence de la source.
Les techniques et accessoires d’une série décrivent le contenu des histoires, la façon de les raconter, et les aspects
spécifiques des autres éléments (décor, personnages etc.) qui la rendent unique. Les Techniques sont des méthodes de
narration, c’est-à-dire différents types de procédés et astuces, tels que l’humeur, le ton, les flashbacks, les histoires
parallèles, etc. Les accessoires se réfèrent à la manière dont les histoires sont racontées, à leur thème ou leur morale, autant
d’éléments qui aident à agrémenter les histoires, et à leur donner plus d’importance (5).
Le premier aspect clé des techniques et accessoires concerne le sujet de la série et englobe deux domaines fondamentaux :
le contenu et le thème.
Le contenu se réfère à des types spécifiques d’événements et de circonstances, susceptibles d’être au centre des histoires.
Par exemple, les intrigues dans X-Files traitent toutes de phénomènes paranormaux ou inexpliqués, les histoires de Star
61
Le contenu des histoires est très étroitement lié à l’idée des actions décrites plus haut. Seulement, là où notre discussion
était centrée sur les personnages, elle se préoccupe plus ici du genre d’événements susceptibles de se produire. C’est un
détail, mais de taille. Il ne suffit pas d’énoncer simplement les actions les plus fréquentes. Vous devrez également décrire les
types d’événements communs à l’ensemble de la série.
Par exemple, dans la partie des actions et intrigue de X-Files, j’ai dit que les agents M ulder et Scully enquêtent sur des
phénomènes étranges ou paranormaux. Cependant, en ce qui concerne le contenu de X-Files, je décrirais également les
différents types de phénomènes paranormaux, comme les ovnis, les enlèvements par des extraterrestres, les pouvoirs
psychiques, etc.
Le second domaine fondamental concerne le thème. Un thème est en substance, le message ou la morale d’une histoire.
M ême si toutes les séries n’ont pas de thème, la plupart en ont généralement un, même s’il n’apparaît qu’en filigrane.
Plusieurs séries comme Star Trek : The Next Generation, ont exploré des thèmes différents au cours de leurs nombreux
épisodes.
Dans certaines séries, les épisodes pris individuellement peuvent ne pas avoir de thème, mais la série dans son entier, si.
Dans ce cas, il est fréquent que la plupart des épisodes particuliers servent à renforcer le(s) thème(s) de la série plutôt que
d’offrir l’un des leurs. On a un excellent exemple dans X-Files, où chaque épisode sert à renforcer l’idée centrale de la série,
“The Truth is Out There” (6). Dans chaque épisode de X-Files, M ulder et Scully recherchent la vérité, et à chaque épisode le
public entrevoit de nouveaux fragments de cette même vérité.
La prochaine étape aborde la façon de raconter ces histoires. Cet aspect de la série implique deux idées principales : la
structure de base des histoires, et les types de techniques et astuces de fiction.
La structure du récit renvoie à la manière dont les événements (ou scènes) de l’histoire sont présentés aux spectateurs.
Est-ce que chaque épisode de la série suit une même séquence d’événements, ou est-ce différent d’un épisode à un autre ? La
plupart des séries suivent une certaine forme de structure. Si vous regardez suffisamment d’épisodes d’une série, vous
finirez par reconnaître la façon dont les histoires se déroulent. La structure du récit est étroitement liée aux différents types
62
d’histoires qui composent une série, et à leur contenu. Différents types de récits nécessitent des structures différentes. Par
exemple, la mission-type de Star Trek : TNG est très différente de la mission d’exploration et de survie des histoires
d’Earth 2.
Les histoires de Star Trek : TNG sont souvent basées sur une mission, que ce soit cartographier un système stellaire
reculé ou enquêter sur une anomalie ou une autre. Ces histoires montrent les efforts de l’équipage pour accomplir la mission,
et comment ils font face aux dilemmes et défis qui surviennent. Les histoires de Earth 2 se basent sur les efforts de l’équipe
du Projet Eden pour atteindre New Pacifica et établir une nouvelle colonie terrienne. Donc les histoires traitent le plus
souvent des difficultés des personnages lorsqu’ils sillonnent la planète et rencontrent ses occupants.
Quels types d’histoires rencontre-on le plus souvent dans la série ? S’agit-il d’enquêtes (comme dans X-Files), de
missions (comme dans Star Trek : TNG), de différents événements et situations de la vie des personnages centraux (comme
dans Star Trek : DS9) ? Connaître les types d’histoires récurrentes vous fournira un moule qui conviendra parfaitement à la
nature de la série et vous aidera à créer vos propres aventures.
M aintenant que vous avez une bonne connaissance de la structure de base des histoires de votre série, considérez le type
de techniques de fiction ou de narration qu’elle utilise. Il s’agit simplement des techniques et astuces des scénaristes (et les
vôtres aussi j’espère, en tant que meneur de jeu). Une fiction utilise beaucoup, beaucoup d’astuces narratives, telles que les
séquences de rêve, les flashbacks ou les histoires parallèles (7) En général, les romans utilisent davantage les techniques de
narration que les séries télévisées ou le cinéma. M ais le fait qu’elles soient relativement moins fréquentes renforce en réalité
leur impact, lorsqu’on les utilise.
Certaines séries utilisent des techniques qui leur sont propres, au moins dans la manière de les utiliser. Un bon exemple de
ce type de technique est celle du journal de bord du capitaine dans Star Trek. La présentation de ce journal de bord est une
forme de récit qui présente aux téléspectateurs les bases de l’histoire de l’épisode qui commence, et les éléments hors champ
indirectement importants pour l’intrigue. Le journal de bord du capitaine est également souvent utilisé sous une forme
d’épilogue, dans lequel le capitaine ou le commandant rend compte de la résolution de l’histoire.
Il existe des conventions narratives qui constituent la spécificité d’une série entière. Cette spécificité est tout aussi
importante que les descriptions du décor et des personnages.
Par exemple, dans X-Files, les téléspectateurs, ainsi que les agents M ulder et Scully, n’apprennent jamais toute la vérité
derrière les événements de chaque épisode. Cette très importante facette de X-Files est essentielle à la nature même de la
série, même si ce n’est pas une technique narrative “conventionnelle” (8).
Les derniers éléments à définir sont les types d’équipements ou d’organisations, ainsi que les
antagonistes ou les situations politiques, spécifiques à la série. Apportons donc maintenant plus
de détails et d’informations à chacun de ces éléments.
À ce stade, vous devriez décrire les véhicules et équipements utilisés dans la série. Par
exemple, si votre jeu est basé sur SeaQuest, vous devrez décrire le sous-marin SeaQuest lui-
même, ainsi que les autres véhicules et armes que les personnages utilisent. Si votre jeu est basé
sur l’une des séries Star Trek, vous devrez décrire les téléporteurs, les synthétiseurs de
nourriture, les phasers, et d’autres “articles” communs. Les éléments clés à retenir concernent en
particulier la technologie – parfois d’une importance primordiale dans l’abrégé – comme le sous-
marin de SeaQuest, ou les engins volants et tous les équipements de la Sécurité Internationale
dans les Thunderbirds.
Vous devrez aussi décrire les organisations et les antagonistes importants. Par “organisations”, on peut inclure les
gouvernements ou agences, tels que l’empire cardassien de Star Trek : DS9, ou l’O.T.U de SeaQuest. Ces organisations ont
probablement été décrites brièvement dans la partie décor, mais vous devez ici les décrire de la façon la plus détaillée
possible, ou du moins autant que nécessaire pour maîtriser une partie.
De même, il vous faudra détailler plus longuement les antagonistes, surtout les plus importants et significatifs de la série.
Par exemple, lors de la première saison de Loïs et Clark, le personnage de Lex Luthor est très important. Si vous créiez un
JdR d’après cette série, c’est à ce stade que vous décririez Luthor avec le plus de détails possible.
63
D e u x i è m e P a rti e : d é te rm i n e r l e sty l e d e j e u
Une fois que vous avez défini l’abrégé, les éléments de fiction et les techniques et accessoires de la série, il vous faut
déterminer le style de jeu que vous voulez maîtriser. On peut mener en gros deux styles d’aventures et/ou de campagnes sur
la base de séries télé, de films, ou autre. Le premier type consiste à “jouer la série”, c’est-à-dire jouer les personnages de la
série. Le second consiste à jouer des personnages inspirés de la série. Certaines séries ou sources conviennent mieux à l’un
de ces styles, tandis que d’autres peuvent aller aux deux. Examinons chacun de ces deux types, et voyons quels styles de jeu
conviennent le mieux aux genres de série.
64
backgrounds et les descriptions des personnages, ainsi qu’une introduction générale [à l’univers] de la série. Ces biographies
n’ont pas besoin d’être exhaustives. Elles doivent juste retranscrire la personnalité du héros et son historique (background)
de façon suffisamment détaillée pour qu’un joueur puisse l’interpréter correctement, ou du moins de façon assez proche du
personnage, pour que le joueur et vous profitiez de la partie.
Par exemple, il y a quelques années, j’ai maîtrisé une partie à la Gen Con (en 1992 plus exactement) en me basant sur Les
Sentinelles de l’air, créée par Gerry Anderson dans les années 60 en supermarionation (je sais que ce sont des marionnettes,
mais il y avait les véhicules les plus cools du monde !) Comme je ne pouvais pas savoir à l’avance si les joueurs
connaitraient la série (ce qui était peu probable), j’ai rédigé les descriptions des personnages, leur historique et les notes
pour l’interprétation ; ce qui permit à beaucoup de joueurs – dont certains n’avaient effectivement jamais vu la série – de
jouer leur personnage.
Une autre limite de ce style de jeu concerne le nombre de joueurs par rapport au nombre de personnages principaux de la
série. Certaines séries récentes qui pourraient servir de bonne base de jeu de rôle ont un nombre important de personnages,
parfois huit ou neuf. Autant de joueurs ferait une assez grande table, que beaucoup de M J ont des difficultés à gérer.
De plus, il est souvent difficile de rassembler un groupe de huit ou neuf joueurs à la même heure. S’il y a neuf
personnages principaux dans une série, mais seulement quatre joueurs, quels personnages laissez-vous de côté ? De même, à
moins que vous ne prévoyiez vos aventures/campagnes pour un sous-groupe spécifique de personnages principaux, il se
peut qu’un de vos joueurs ne choisisse pas un des personnages, bien qu’il soit important pour votre scénario. Ajoutez à cela
la tâche d’attribuer quel personnage pour quel joueur, et vous réaliserez qu’une telle organisation est pleine de défis.
Pour finir, même si vous avez suffisamment de joueurs, l’histoire implique-t-elle équitablement les personnages du début
jusqu’à la fin ? Beaucoup de séries passent d’un personnage à l’autre, ce qui fait que certains joueurs peuvent s’ennuyer,
alors que d’autres seront en permanence impliqués dans l’histoire.
Toutes ces difficultés sont surmontables, et aucune ne devrait vous empêcher de jouer. L’objectif n’est pas de vous
décourager mais de vous avertir des défis potentiels de ce style de jeu. La section “Jouer à ce jeu”, plus bas, aborde plus
longuement les défis des parties basées sur des sources externes, et propose quelques conseils pour les gérer.
65
66
série.”. C’est vrai, mais il y a une nuance. La clé de cette nuance tient dans cette question : l’abrégé requiert-il la présence
des personnages principaux, ou bien peut-on avoir d’autres personnages, similaires, sans modifier cet abrégé ?
Certaines séries, même si elles ont des personnages principaux, impliquent un certain type de rôle plutôt qu’un
personnage en particulier. Par exemple, dans X-Files, des agents du FBI enquêtent sur le paranormal. Les personnages de
M ulder et Scully ont certainement été essentiels au succès de la série, mais n’importe quel groupe d’agents du FBI pourrait
être les héros d’une partie de X-Files, sans trahir l’esprit, – ou l’abrégé – de la série.
Par contre, dans SeaQuest, avec son capitaine, son équipage et ses histoires dans les océans du XXIe siècle, il est
important de jouer les personnages principaux pour conserver l’abrégé de la série.
Il est toujours possible de jouer des personnages “inspirés de” dans des séries où il est préférable de jouer les
personnages originels. Par exemple, comme les séries Star Trek se situent dans un unique environnement (ou univers), il est
très possible de créer un JdR où les personnages sont l’équipage d’un nouveau vaisseau, dont la mission est d’explorer une
certaine partie de la galaxie (9). De fait, le jeu de rôle Star Trek publié par FASA Corporation suppose que la plupart des
groupes vont jouer leurs propres personnages dans leur propre vaisseau.
Une partie dans le monde de SeaQuest pourrait se dérouler 20 ans après la série, avec un tout nouvel équipage, mais dans
le même vaisseau. Dans un JdR sur Earth 2, les PJ pourraient être d’autres membres de l’équipe du Projet Eden (comme
ceux qui apparaissent brièvement dans certains épisodes). Autre exemple : les personnages pourraient être des colons qui
arrivent sur le vaisseau principal, 22 mois après l’atterrissage de l’équipe d’éclaireurs du Projet Eden.
Comme on vient de le voir, chacun de ces styles de jeu a ses avantages et inconvénients, et chacun fonctionne avec des
types de séries différents. Votre choix de style de jeu dépendra donc très probablement de la série que vous aurez choisie, et
de la mesure où vous voulez lui être fidèle.
T ro i si è m e p a rti e : c o n c e v o i r l e j e u
M aintenant que vous avez défini la série qui servira de base à votre JdR, et décidé du style de jeu que vous voulez, il est
temps d’en concevoir les mécanismes et le système de règles. En vérité, vous n’aurez pas à “construire” le système ex
nihilo. Vous pouvez utiliser l’un des nombreux systèmes de jeu de rôle disponibles sur le marché. Que vous construisiez ou
empruntiez le système de jeu, je vais utiliser uniquement le terme de “conception”, car c’est un bon moyen de décrire le
processus.
Avant d’entrer dans les détails de la création du système lui-même, nous devons d’abord examiner les rôles et buts d’un
système de jeu de rôle de façon générale. Une fois que nous aurons appréhendé cela, nous pourrons alors réfléchir au type
de système qui fonctionnera pour votre série.
67
Chacun des principaux éléments de la fiction – le décor, les personnages, les actions et intrigues – sera défini en niveaux
ou en catégories.
…leur permettant d’interagir de la même manière que dans les œuvres dont ils sont tirés…
La manière dont chaque élément de fiction est défini devrait lui permettre d’interagir avec les autres. Chaque élément
devrait être défini avec cohérence, ainsi qu’une certaine forme de concordance. Par exemple, si les caractéristiques des
personnages sont notées sur une échelle de 1 à 10, et que les pouvoirs psychiques s’évaluent selon des mesures de M oyen,
Bon et Excellent, une concordance entre les échelles 1-10 et M oyen / Bon /Excellent doit exister (10).
…et de déterminer les résultats des actions des personnages et des événements.
Il doit y avoir un moyen de déterminer le résultat de différentes actions et événements, que ces actions soient entreprises
par des personnages ou d’autres types d’événements, comme les phénomènes naturels.
Comment un système de jeu peut-il accomplir cela ? En fournissant un système permettant de 1) définir les différents
éléments du décor, 2) définir les personnages, et 3) capable de résoudre les actions. Ces trois critères correspondent aux
éléments de fiction évoqués ci-dessus. Comme nous l’avons vu, les techniques et accessoires sont généralement hors du
domaine des systèmes de règles.
La plupart des systèmes de JdR publiés déterminent les résultats des actions d’une manière ou d’une autre (sinon les jeux
seraient injouables). Pour nous, la question est “De quelle manière le système de jeu pourrait-il définir le décor, les
personnages et les actions et intrigues afin d’être fidèle à la série ?”. Examinons chacun de ces éléments.
Remarque
Je n’ai pas la place dans cet article pour entrer dans les détails des aspects spécifiques des statistiques, des
mécanismes [à base] de dés, et autres, et je n’essaierai pas ici d’aborder ces questions. Je vais plutôt insister sur ce que
vous devez prendre en compte lors de la conception, ou du choix, de votre système de jeu.
Définir le décor
Comme indiqué plus haut, le décor d’une série englobe de nombreux aspects, de la technologie aux capacités spéciales
telles que les pouvoirs magiques ou psychiques. Le système de jeu doit être en mesure d’expliquer comment ces choses
68
fonctionnent dans l’univers de jeu, en particulier la façon dont ils interagissent avec les personnages, et leurs conséquences
possibles.
En ce qui concerne la technologie, le système de jeu devrait être capable de définir les différentes catégories décrites ci-
dessus, en particulier l’armement, les communications et les transports. La définition de chacune de ces catégories sera plus
ou moins détaillée en fonction de leur importance dans la série. Dans certains cas, il suffit simplement de dire que tel type
d’équipement existe. Dans d’autres cas, comme pour la plupart des armes, il faut fournir des informations précises, comme
le nombre de dégâts qu’une arme inflige à sa cible, son coût, et le nombre de fois que l’on peut l’utiliser avant d’épuiser la
batterie ou les munitions.
En ce qui concerne les appareils de communication, il est important de noter leur portée et la durée de vie des batteries
(s’il y en a). Pour les véhicules, prenez en compte leur vitesse, leur manœuvrabilité, et d’autres facteurs, surtout si
l’utilisation des véhicules est importante dans la série.
Par exemple, les armes sont de deux types dans SeaQuest : pistolets soniques paralysants et pistolets laser. Comment
cela fonctionne-t-il dans le jeu ? Quels sont les effets sur une cible ?
Autre exemple ; dans la série Les Sentinelles de l’air, les véhicules et les véhicules
de sauvetage sont au cœur de l’action de la série. La série elle-même tient son nom
des vraies stars, les Thunderbirds, une flotte de cinq véhicules fantastiques, chacun
conçu pour un type de mission précis. Tout JdR basé sur cette série, devrait fournir
un système pour définir les caractéristiques des Thunderbirds, ainsi que la façon dont
les personnages les utilisent.
En ce qui concerne les capacités spéciales, comme les pouvoirs magiques ou
psychiques, vous devez définir la façon dont on les utilise dans la série. S’ils font
partie du décor et qu’ils sont une facette des personnages, alors c’est ici qu’ils
doivent être pris en compte. Quels types de capacités sont possibles ? Quelle est
l’étendue de ces pouvoirs ? Est-ce que ces pouvoirs sont communs ? Quelle est la
portée de ces pouvoirs ? Si ces pouvoirs peuvent blesser, combien de dégâts infligent-ils ?
Par exemple, les pouvoirs psychiques existent dans les séries SeaQuest et Babylon 5. M ais comment ces pouvoirs
fonctionnent-ils ? Sont-ils répandus ? Comment leur utilisation est-elle traduite en termes de jeu ?
Le système de jeu doit être en mesure de quantifier les caractéristiques des différents types de technologie et de pouvoirs
spéciaux qui existent dans le décor, et ce, d’une manière qui soit fidèle à leur utilisation dans la série. Par exemple, les
pouvoirs psychiques dans SeaQuest sont très limités, et difficiles à utiliser. Tout système de jeu dans lequel un personnage
pourrait utiliser ces pouvoirs facilement et régulièrement ne correspondrait pas à la façon dont ces pouvoirs sont dépeints
dans la série, et serait donc inapproprié.
Les attributs sont les qualités qui définissent fondamentalement un personnage. Ils représentent les capacités naturelles
qui ne proviennent pas d’un entraînement ou d’une formation. Les attributs décrivent généralement les prouesses physiques
d’un personnage, ses aptitudes mentales, et dans certains systèmes de jeu, ses qualités sociales ou spirituelles. Presque tous
les systèmes ont un ensemble d’attributs qui définissent ces aspects des personnages, mais pratiquement aucun n’utilise le
même ensemble d’attributs.
En outre, certains systèmes de règles définissent certaines capacités comme des attributs, alors que vous les verriez
comme compétences ou talents. Lors de la conception ou du choix d’un système de jeu, essayez de sélectionner un
ensemble d’attributs qui s’adapte aux personnages tels qu’ils sont dépeints dans la série.
Compétences ou talents
Les compétences (ou talents), représentent les capacités spécialisées, que les personnages ont apprises, d’eux-mêmes ou
via leur profession. Tous les systèmes de jeu ont une sorte de liste de compétences ou de talents. La différence se fait
69
Capacités spéciales
Comme indiqué précédemment, les capacités spéciales renvoient aux pouvoirs magiques ou psychiques vus dans la série.
Cela va de la capacité de lancer des sorts jusqu’à la télékinésie, en passant par les perceptions extrasensorielles. Le système
de jeu devra fournir une liste des pouvoirs disponibles, ainsi que la façon dont un personnage [tant PJ que PNJ] peut les
utiliser.
De nombreux systèmes de jeu ont des règles pour ces types de capacités, mais soyez prudent si vous choisissez de les
utiliser. La plupart des systèmes ont leur propre logique interne qui s’applique à ces pouvoirs, et il est peu probable que
l’un d’eux reflète fidèlement la façon dont la série représente les pouvoirs. Chaque concepteur de jeu (et producteur de série
TV) a sa propre idée sur la façon dont la magie et/ou les pouvoirs psychiques fonctionnent, et il n’est pas très courant que
les deux concordent parfaitement. Pour rappeler un exemple vu plus haut, les pouvoirs psychiques dans SeaQuest sont
rares et difficiles à utiliser. Le système de jeu que vous utilisez pour un JdR sur SeaQuest devra le refléter, et ne pas en
permettre une utilisation facile et commune.
Autres caractéristiques
Il y a d’autres types de caractéristiques que vous pouvez envisager. Les plus communes sont les Avantages et
Désavantages (ou Défauts). Ce sont des caractéristiques qui sont positives ou négatives pour le personnage. Ces
caractéristiques sont généralement naturelles ou innées, comme une mauvaise vue, une phobie, ou le talent d’ambidextrie –
mais peuvent aussi concerner des amis, des relations, des tics, et même des situations sociales. Comme mentionné
précédemment, certains systèmes utilisent ces types de capacités pour définir des aspects des personnages, alors que
d’autres systèmes les considèrent comme attributs ou compétences.
Très souvent, ces types de caractéristiques peuvent aller très loin pour différencier les personnages. En outre, lors de la
“création” des personnages centraux d’une série, l’utilisation de ces types de caractéristiques les définira plus précisément.
Par exemple, l’un des traits notables d’Indiana Jones est sa peur des serpents. Si vous créez un jeu sur les films d’Indiana
Jones et que vous faites la feuille de personnage d’Indy, vous devrez inclure cette phobie des serpents.
D’autres caractéristiques doivent être prises en compte pour définir un personnage mais beaucoup d’entre elles ne sont
pas directement liées au système de règles lui-même. Il s’agit notamment des traits de personnalité ; de la manière de
s’exprimer ; des mœurs et des croyances. Ces caractéristiques ou traits, qui dépassent souvent le cadre de nombreux
70
systèmes de jeu, sont importants et doivent être présents quand les personnages sont “adaptés” (pour les personnages
centraux d’une série) ou créés (pour des personnages originaux).
La dernière zone à définir pour un personnage est ce que j’appelle les caractéristiques “propres à la série”. Ce sont des
caractéristiques ou des traits, uniques ou importants, qui peuvent être liés à certains pouvoirs spéciaux, mais aussi
représenter les mœurs et croyances à l’égard de certains aspects du décor. Par exemple, l’une des idées clés dans X-Files est
la différence de croyance entre les agents M ulder et Scully concernant les phénomènes inexpliqués et paranormaux. M ulder
est un vrai croyant alors que Scully est plus que sceptique. Les personnages d’un JdR basé sur X-Files doivent décider de
leur comportement ou de leurs croyances par rapport au paranormal, car c’est un élément important de cette série.
Pour donner un autre exemple, dans SeaQuest, l’importance des pouvoirs psychiques pourrait vous amener à noter si un
personnage a un quelconque potentiel psychique (que la série appelle Facteur Psi). Alors que la plupart des personnages
n’en ont pas, il apparaît dans un épisode que le capitaine Bridger manifeste un Facteur PSI mineur. Pour tenir compte de
cette idée, chaque personnage dans un JdR SeaQuest devrait avoir un score reflétant son facteur PSI.
Comme pour les Avantages et Désavantages, les caractéristiques propres à une série peuvent aider à mieux définir les
personnages, et à ce qu’ils soient plus conformes à leur source.
Avez-vous déjà remarqué que, dans une série, les personnages réussissent toujours quand ils en ont besoin ou, devrais-je
dire, quand l’histoire a besoin qu’ils réussissent ? C’est un des avantages de l’écriture d’un roman sur celle d’un scénario de
jeu de rôle ; l’écrivain peut décider du moment où les personnages réussissent et échouent. Le meneur de jeu et les joueurs
ne sont jamais aussi chanceux. Le résultat de leurs actions est lié au système de jeu.
Si vous avez choisi (ou conçu) un système de jeu approprié, cela devrait fonctionner la plupart du temps. M ême si ça ne
marche pas, ne pas connaître à l’avance le résultat d’une action entreprise par un personnage fait partie du plaisir du jeu de
rôle. M ais il y a des moments où il serait bon qu’un personnage réussisse son action, ou (et cela devrait être assez rare)
doive réussir une action pour que l’histoire puisse continuer. Comment pouvez-vous vous en assurer ? Voici quelques
manières de procéder.
Tout d’abord, si le système de jeu dispose d’un mécanisme de points d’héroïsme, ou de karma, ou d’une règle similaire
qui permet aux personnages d’augmenter ses chances de succès, vous pouvez autoriser le personnage à les utiliser au-delà de
ce que les règles permettent normalement, dans l’espoir que ce coup de pouce permette au personnage de réussir l’action.
Ces points supplémentaires pourraient être appelés “points de Drame” ou quelque chose de semblable, pour refléter leur
importance.
Une autre solution, qui fonctionne tant avec les systèmes à “points d’héroïsme” que les autres, est ce que j’appelle les
“points d’histoire”. Ces points font réussir automatiquement toute action importante pour la continuité de l’histoire (11).
71
72
de votre propre création.
Faites de même pour les types de compétences ou de talents. Si vous préférez que ces capacités soient classées comme
celles de l’Art du Conteur, faites pareil. Ajoutez des types de caractéristiques d’autres systèmes si besoin, comme les
Avantages et Désavantages. Vous pouvez apporter les mêmes types de modifications quand il s’agit d’adapter le décor de la
série au système de jeu.
Ce qu’il faut retenir, c’est que le choix d’un système de jeu ne veut pas dire que vous devez adhérer à tous ses principes ;
ce que vous changez ou ajoutez doit surtout rapprocher le plus possible le système de jeu de la série. À cette étape de la
création du jeu, vous connaissez déjà les aspects les plus importants de votre série le point-clé est de vous en souvenir
lorsque vous concevez le jeu.
Q u a tri è m e p a rti e : j o u e r à c e j e u
La dernière étape de ce processus de création est, bien sûr, de jouer à votre jeu. Une fois que vous avez choisi un système
et l’avez modifié à votre convenance, il est temps de l’appliquer à vos parties. Vous devrez penser à un certain nombre de
choses en préparant votre partie : vous assurer que les joueurs connaissent la série d’origine (ou la base du jeu), créer les
personnages (vous-même ou le faire faire par les joueurs), et, bien sûr, vous aurez besoin de scénarios.
Création de personnage
En fonction du style de jeu choisi, vous devrez soit préparer à l’avance les fiches des personnages principaux de la série,
soit créer des personnages nouveaux mais prétirés, soit les créer avec les joueurs. Si vous Jouez la série, vous devrez prévoir
toutes les caractéristiques des personnages principaux. Si votre partie s’inspire de la série, vous pouvez créer des
personnages vous-mêmes, ou laisser les joueurs le faire. Si vous laissez les joueurs créer leur personnage, ils doivent
comprendre quel type de personnage est adapté à l’univers de la série.
Créer le scénario
La création du scénario est une tâche connue par tous les M J, aussi ne vais-je pas en rappeler les bases. Par contre,
voyons ce qu’il faut prendre en compte lorsque l’on rédige des aventures et des histoires basées sur une série.
En étudiant attentivement la série, vous découvrirez le genre d’intrigue qui convient le mieux à l’univers et aux
personnages. Il est primordial de le faire lorsque vous créez des scénarios : le plus souvent l’intrigue (et non le décor ou les
personnages) vous révélera si une adaptation est fidèle ou non à sa source d’inspiration.
En l’occurrence, si une série a duré plusieurs années, il y aura probablement un épisode ou deux qui ne vous “semblent”
pas bons : quelque chose dans cet épisode n’a pas été dans la continuité de ce que vous connaissez de la série. Cela arrive
souvent à cause d’une mauvaise intrigue, ou du moins d’événements mal conçus dans l’intrigue. Plus rarement, ce sentiment
d’incohérence survient lorsqu’un personnage dit des choses inappropriées ou agit bizarrement, ou si le décor est mal décrit.
C’est pour cette raison que vous devez prendre soin d’étudier les intrigues de la série. M ême si vos personnages et votre
décor “sonnent” juste, vos joueurs trouveront le scénario bizarre si l’intrigue est médiocre.
73
Les techniques et accessoires de votre série peuvent être des outils très importants ici, car ils décrivent la façon dont les
histoires sont racontées, et leurs thèmes. Cela inclut aussi la restitution de l’ambiance et de l’atmosphère de la série, ainsi
que les thèmes récurrents importants. Il faut toujours avoir cela en tête lorsque vous rédigez vos scénarios.
Gardez donc vos notes sur les techniques et accessoires à portée de main pour être sûr que les aventures restent fidèles à
la série. Ces techniques rendent souvent la série intéressante, par exemple quand elles concernent la nature de la série (les
enquêtes sur le paranormal dans X-Files, les véhicules cools des Thunderbirds, ou la lutte entre l’individu et la société dans
Le Prisonnier (wiki)). Ce sont donc elles que vous devrez reproduire dans vos parties, et qui vous guideront lors de l’écriture
des scénarios.
Problèmes potentiels
Toutes ces considérations ne sont pas là pour vous décourager mais pour vous sensibiliser aux problèmes potentiels qui
peuvent survenir. Tout d’abord, la série que vous trouviez si cool à adapter en jeu de rôle peut ne pas tant l’être que ça.
M algré vos efforts, ce qui rend la série si particulière et intéressante (pour vous) peut ne pas pas bien rendre dans les
parties (14). Ensuite, il se peut que vos joueurs ne trouvent pas la série aussi intéressante que vous, ou qu’ils aient des
difficultés à rentrer dans son état d’esprit. Beaucoup de séries qui selon vous feraient une chouette base pour un JdR
impliquent que les participants adhèrent à l’abrégé de la série, en acceptant ses principes de base et ses éventuels défauts.
Le style de jeu que vous aurez choisi peut également poser problème. Par exemple, si vous vous inspirez de la série, les
personnages créés ne seront peut-être pas tout à fait adéquats. Si vous “jouez la série”, le défi sera le nombre de
personnages par rapport au nombre de joueurs. Voici quelques pistes de solution.
Le “pool” de personnages permet à un groupe de joueurs de jouer un grand nombre de personnages, ce qui fournit aussi
un cadre permettant de changer de personnage entre les aventures. Attention, ce système n’est pas recommandé pour des
nouveaux joueurs.
Le principe de la réserve est que le groupe couvre l’intégralité du casting. Chaque joueur accepte de jouer un certain
nombre de personnages prédéfinis (entre deux et quatre) – le nombre exact dépend du nombre total de personnages requis
par la série et du nombre de joueurs. La meilleure méthode est que chaque joueur ait un personnage principal – impliqué
dans la majeure partie de l’histoire – et un personnage secondaire qui n’apparaît que pour les scènes où il est important.
74
Exemple de pool : Seaquest
Il y a onze personnages dans cette série, en incluant Darwin le dauphin. Bien sûr, vous ne devriez pas maîtriser
onze joueurs, car il serait difficile de conserver l’attention de tout le monde. Partons du principe que vous avez un
groupe de cinq joueurs, chacun jouerait deux personnages (et le MJ jouerait Darwin, qui a plus une stature de PNJ).
Classez chaque personnage dans un groupe “personnage principal” ou “personnage secondaire”. Ainsi, vous axez
votre scénario sur cinq de ces personnages : le capitaine Bridger, le docteur Wendy Smith, l’enseigne Henderson, le
lieutenant Brody et le marin Tony Piccolo. Chaque joueur choisira l’un de ces personnages, ainsi que l’un des cinq
autres personnages : Lucas Wolenczak, le lieutenant O’Neill, le commandant Ford, Dagwood, et le lieutenant Ortiz.
Pendant la partie, chaque joueur alternera entre le personnage principal et le personnage secondaire, selon le
scénario. Supposons par exemple qu’un joueur interprète à la fois le docteur Smith et le lieutenant O’Neill. Si le siège
de l’U.T.O envoie un message, le joueur interprètera d’abord le lieutenant O’Neill. Si plus tard, on a besoin du
docteur Smith, il jouera le docteur Smith. Chaque joueur alternera entre les personnages au fur et à mesure que
l’histoire avance.
Une autre façon d’exploiter le principe de réserve de personnages est de demander aux joueurs de changer de [paire] de
personnages à chaque partie. Par exemple, le même joueur décrit plus haut (celui qui jouait le docteur Smith et le lieutenant
O’Neill), pourrait jouer le capitaine Bridger et Tony Piccolo à la prochaine partie, et le commandant For et le lieutenant
Ortiz à la suivante. Cela permet aux joueurs de pouvoir jouer tous les personnages [au moins une fois] et de se changer les
idées de temps en temps.
J’expliquais au début de l’article mon objectif de proposer quelques indications pour l’adaptation d’une série, d’un livre
ou d’un film pour créer un JdR.
J’espère avoir atteint cet objectif et que vous trouverez utiles les différentes informations dans cet article, que ce soit en
vous permettant de créer un jeu d’après votre film ou série télé préféré, ou comme une nouvelle façon de voir les JdR.
(1) NdT : Nous avons choisi de traduire premise par abrégé, car dans d’ autres articles traduits, la prémisse désigne une proposition de partie de JdR, et non
le résumé des points essentiels. [Retour]
(2) NdT : De nos jours, dans chaque numéro du mensuel Knights Of The Dinner Table, la rubrique Gaming The Movies de James Davenport donne des
conseils pour adapter une œuvre (livre, film, série) en JdR. Dans le n°182 de décembre 2011, par exemple, c’ était le film Comment tuer son boss ?. [Retour]
(3) NdT : Avez-vous pensé à vous servir du générique d’ une série TV pour un abrégé ? P TGP TB vous propose un petit jeu pour vous rendre compte que le
générique résume la série. [Retour]
(4) NdT : Retrouvez la bible de l’ antagoniste avec ses propres raisons, et son interview dans Tout le monde veut être le maître du monde (ptgptb) . [Retour]
(5) NdT : Cela devrait vous rappeler que le style de maîtrise est à rapprocher de l’ Art du cinéaste : mais est-ce un Art? (ptgptb) . [Retour]
(6) NdT : Traduit par “ La vérité est ailleurs”, qui donne l’ impression qu’ elle est inaccessible, jamais où on la cherche et s’ échappe à chaque enquête. Une
autre traduction serait : “ La vérité est là-bas, quelque part” ; elle est là, à portée, pour qui se donne la peine de la chercher, de ratisser les possibilités et de
tirer les fil(et)s qui la ramèneront. Cela change un peu la perspective de la série et explique mieux l’ obsession investigatrice de Mulder. [Retour]
(7) NdT : Ici, on se référera à l’ encyclopédie des astuces narratives (en anglais) : tvtropes.org. Le flashback par exemple s’ y trouve. Cette ressource n’ existait
75
76
Publicité
S e e P a ge X X
L’article de Robin D. Laws vous a plu et vous lisez l’anglais dans le texte ? Dans ce cas, n’hésitez pas à vous plonger
dans son ebook See Page XX (PDF disponible au prix de 2,95 €) qui reprend les 24 premiers articles du webzine de Pelgrane
Press.
Tear Up Your Character Sheet, You’ve Been Voted Off the Island
Yes, but… part one ( Oui, mais… (ptgptb) )
Yes, But…The Scenario ( Oui, mais… – Le scénario (ptgptb) )
Pitches and Misses ( Méchantes vérités sur les boniments (ptgptb) )
Pardon Me, I Must Be Going ( Excusez-moi, je dois y aller (ptgptb) )
Make It A Gimme ( Faites un don (ptgptb) )
Roleplaying As Gestural Narrative
Driven in a Fiat ( Selon mon bon vouloir (ptgptb) )
Self-Control Freaks ( Les tarés du self-control (ptgptb) )
The Creeps and How to Get Them ( Comment donner la chair de poule (ptgptb) )
Kill Me and Take My Stuff If You Insist But At Least Let Me Tell You My Backstory First
W hen Planning Turns To Wrangling ( Quand la planification tourne à la baston (ptgptb) )
Points Of Distinction ( Facteurs de distinction (ptgptb) )
The Internet Is Your Cheat Sheet ( Internet est votre antisèche (ptgptb) )
Fear of Structure: The Diagnosis
Fear of Structure II: Exploratory Surgery
Red Herrings and Ticking Clocks ( Fausses pistes et comptes à rebours (ptgptb)
Don’t Do That
Kitting Out GUMSHOE
GUMSHOE Example Of Play
Fakebooking It
Consensus: Like A Fiat, But With More Passenger Room
How to Design for GUMSHOE
The Esoterrorists Scenario Design Notes
77
R e c e v o i r l e s d e rn i e rs a rti c l e s
78
Nos flux RSS :
Recevez directement nos mises à jour dans votre boîte mail ou votre lecteur RSS
79
# 01 – Le plaisir de la table
# 05 – Dirty PJ
# 13 – Fatal Fumble
Quatre-vingt-dix-minutes
80
Enfin, n’oubliez pas : chaque trimestre ( 1 er mars, 1 er juin, 1 er septembre et 1 er décembre), nous vous proposons un nouveau dossier thématique à partir
des articles publiés sur PTGPTB( vf). Alors restez connecté( e).
81
Textes : Greg Costikyan, Jesse Burneko, John Wick, Robin D. Laws, Ron Edwards, Jonny Nexus, Steve Darlington, M ike
Holmes, Ben Robbins, Lou Prosperi
Traducteurs : Atma, David M auqui, Romain Pichon-Sintes,King Rod, Antoine Drouart, Christophe Boeckle, JM S, Fabien
Deneuville, M athieu Rivero, Grégoire Diet, M arina, Esthane
Contributeurs : Benoit Huot, Esthane, Rappar, Tiamate (pour les dessins de l’hydre)
Ce livre numérique a été réalisé à l’aide de Sigil (un éditeur open source d’ePub) et Calibre (un gestionnaire de
bibliothèque et convertisseur d’ebooks).
Si vous souhaitez apprendre à réaliser des ePub facilement avec Sigil, vous pouvez vous procurer Créez des ebooks avec
Sigil aux éditions Walrus. Cet ebook a été rédigé par votre serviteur afin d’expliquer clairement et simplement comment
réaliser des ePub professionnels. Il est disponible au prix de 1,99 €, sans DRM .
Rappel : Tous les textes de ce livre numérique sont la propriété exclusive de leurs auteurs et ne peuvent être copiés en
dehors d’une autorisation écrite de PTGPTB(vf).
82
83
Sommaire 2
Ça commence ici… 3
Édito 4
Je n’ai pas de mots et je dois créer 5
Qu’est ce qu’un jeu, après tout ? 6
Ce n’est pas un casse-tête 6
Ce n’est pas un jouet 6
Ce n’est pas une histoire 6
Ça demande de la participation 7
M ais alors qu’est-ce qu’un jeu ? 8
Prendre des décisions 8
Objectifs 8
Opposition 9
Gérer les ressources 10
M arqueurs de jeu 11
L’information 12
D’autres choses qui renforcent les jeux 13
La diplomatie 13
La couleur 14
Simulation 15
Diversité des rencontres 16
Identification de la position 16
Interprétation (roleplaying) 17
Socialiser 18
Tension narrative 18
Conclusion : tous égaux devant le dé – ou ce que vous voulez 19
Le système EST important 22
Conception de système : première partie 22
Conception de système : deuxième partie 23
En conclusion 24
Pourquoi les fous se déplacent en diagonale et autres questions stupides 27
Selon mon bon vouloir 30
Le pire jeu de rôle jamais écrit ? 34
Le système 35
M étrique vs Anglais (Impérial) 35
Le jeu “Avancé” 36
Le scénario 36
L’exécution 37
Des perceptions différentes 38
Sélection de commentaires 38
Commentaire de Cazes 38
Commentaire d’Orichalque 38
Les probabilités magiques 41
84
Systèmes de combat 44
Sélection de commentaires 45
Joshua Neff 45
M ike Holmes 46
Great Wolf 46
M ike Holmes 46
Joshua Neff 47
Xiombarg 47
M ike Holmes 47
Une règle, une description 51
Sélections de commentaires 52
Russel 52
Ben 52
Créez votre jeu de rôle préféré 53
Introduction 53
Vue d’ensemble 53
Première partie : définir la source 53
L’abrégé (the premise (1)) 54
Les éléments de la fiction 54
Le décor [ou l’univers] 55
À quelle époque se déroule la série ? 55
Où se déroule la série ? 56
Quel est le niveau technologique de l’univers de la série ? 56
Le contexte politique ou social unique est-il inhabituel ? 56
Y a-t-il des gens avec des capacités spéciales ou inhabituelles (magie, pouvoirs psychiques, etc.) ? 57
Les personnages 57
Personnages principaux 58
Qui sont les personnages principaux ? 59
Les personnages principaux travaillent-ils pour une organisation précise, pour un gouvernement ou une
59
agence gouvernementale ?
Qu’est-ce qui motive les personnages ? 59
Quelles compétences ou capacités spécifiques ont les personnages ? 59
Les adversaires 59
Les seconds rôles 59
Actions et intrigue 60
Techniques et Accessoires 61
De quoi parlent les histoires ? 61
Comment les histoires sont racontées 62
Éléments uniques et spécifiques de la série 63
Deuxième Partie : déterminer le style de jeu 64
Jouer les personnages de la série 64
Jouer des personnages inspirés de la série 65
Alors, quel style choisir ? 66
Troisième partie : concevoir le jeu 67
Les fonctions d’un système de jeu de rôle 67
Définir les éléments de fiction dans un système… 68
85
86