Les Notes de Musique Doivent Elles Etre
Les Notes de Musique Doivent Elles Etre
Les Notes de Musique Doivent Elles Etre
Alain Boudet
Dr en Sciences Physiques
www.spirit-science.fr
Résumé:
Depuis 1953, une norme internationale recommande d'accorder les instruments de musique à la fréquence de 440
hertz pour le LA. C'est une volonté récente, car dans le passé, on ne s'intéressait qu'aux intervalles entre les notes et
on ne savait pas mesurer leur fréquence.
Fixer un diapason à 1 Hz près a un sens purement technique car musicalement, les notes émises par les instruments
sont fluctuantes et varient avec la température et le souffle. Lorsque vous entonnez une chanson, vous ne vous
souciez pas du diapason. La nécessité d'un diapason commun est apparue pour des motifs pratiques et commerciaux,
afin de faciliter la musique professionnelle d'ensemble et la fabrication des instruments.
Au moins jusqu'au 18e siècle, le diapason des instruments variait d'un endroit à l'autre, d'une époque à l'autre et d'un
instrument à l'autre. Puis des tentatives de normalisation ont été effectuées, mais le choix des valeurs retenues a
suscité des controverses, qui ne se sont pas éteintes avec la normalisation internationale de 1953.
Le choix d'un diapason plus haut ou plus bas peut affecter le rendu sonore et la performance vocale des chanteurs
lorsqu'il s'agit d'interpréter des œuvres écrites dans le passé. L'essentiel est l'impact émotionnel et physique de la
musique sur l'auditeur. Il résulte de paramètres complexes qui dépassent de loin la question du diapason.
Contenu
annexes
• Hexacordes et solmisation au Moyen-Âge
• En savoir plus
Dans mes articles sur la musique, nous avons constaté que l'identité d'un mode musical repose sur la valeur des
intervalles entre les notes qui le constituent, autrement dit sur les rapports que les notes ont entre elles. Nous
indiquons par exemple que deux notes sont distantes d'une tierce ou d'une quinte (voir Défilés de modes). Nous avons
également précisé qu'il y avait plusieurs valeurs possibles de la grandeur de cette tierce ou de cette quinte, selon le
système d'intonation choisi, gamme tempérée ou autre (voir Ton et intonation juste).
Cela dit, à aucun moment nous n'avons défini une hauteur pour une note seule, isolée, un LA ou un DO par exemple,
sans la relier à une autre. Autrement dit, nous n'avons pas porté d'attention à la hauteur absolue des notes.
Elle n'est pas intervenue dans les définitions et les choix des modes musicaux.
Cette absence de référence à une hauteur fixe était de mise dans la pratique musicale du passé jusqu'au 18 e siècle,
qui ne considérait que les intervalles entre les notes. Mais il est apparu récemment le besoin pratique de fixer la
hauteur d'une note de référence, hauteur nommée le diapason, d'abord le DO puis le LA.
De nos jours, tout chœur, avant d'exécuter une œuvre, prend le ton, c'est-à-dire que le chef entonne la première note
qui sera chantée par chacune des voix, en se référant au diapason admis. De même, les musiciens d'un orchestre
règlent leurs instruments afin que leur LA ait la hauteur assignée.
Nous sommes tellement habitués à faire référence au diapason de fréquence 440 Hz, fréquence produite par l'objet
métallique en forme de fourche nommé également diapason, ou par son homologue électronique, que nous ne nous
demandons plus pourquoi et comment cette valeur a été déterminée. Il nous semble que cela fait partie des choses
normales qu'on ne discute pas.
Or c'est faux. Le diapason, au contraire, a été beaucoup discuté au moment où il est apparu dans l'histoire
et il se discute encore maintenant.
La normalisation du LA à 440 Hz est une recommandation internationale récente qui n'est pas obligatoire et n'est pas
forcément respectée. C'est pourquoi, dans le monde, les fréquences du LA adoptées par les orchestres s'étalent sur
une certaine plage. Elles sont souvent plus hautes que 440, par exemple 442 ou 444 Hz (voir le site de Franz Nistl,
accordeur de piano).
En contraste avec cette normalisation, l'accordage des instruments anciens au cours des 15e à 19e siècles s'étalait
sur une plage d'environ 3 tons.
Depuis deux siècles environ, certains musiciens ont milité, ou militent actuellement, en faveur d'une valeur bien
particulière du diapason. Les uns réclament un LA de 432 Hz, d'autres un DO de 256 Hz, d'autres un MI de 528 Hz,
etc., chacun estimant qu'il prône la meilleure valeur pour des raisons très éclectiques, parfois étayées, parfois
circonstanciées, parfois étranges ou imaginaires.
Cette situation nous amène à nous poser quelques questions:
• Comment est apparu le besoin d'une normalisation du diapason?
• Qu'est-ce qui a présidé au choix de la valeur de 440 Hz pour le LA? À partir de quelles données et de quels
critères?
• Cette valeur est-elle judicieuse, a-t-elle un fondement
musical ou humain?
• Devons-nous suivre cette recommandation, ou choisir
une autre valeur?
• Est-il même souhaitable d'imposer une quelconque
norme de diapason?
C'est ce que j'explore dans cet article. Je ne donne pas de
réponse définitive sur le choix d'une valeur ou d'une autre. Je
montre essentiellement la réalité de la pratique musicale et son
rapport avec les aspirations des êtres humains. Le reste est
affaire de gout personnel et de circonstances.
Un exemple de monocorde
Extrait de: La musique et les musiciens,
Albert Lavignac, 1938, p.7, édition numérique Gallica
Merci à Metronimo
Guido d'Arezzo, moine bénédictin italien (992 - apr. 1033) en étendit l'usage et trouva des procédures plus simples
pour déterminer les intervalles, qu'il décrivit dans son traité Micrologus de disciplina artis musicæ.
Selon Denis Diderot dans son Encyclopédie de 1765, Le monocorde ancien était composé d'une règle divisée et
subdivisée en plusieurs parties sur laquelle il y avait une corde de boyau ou de métal médiocrement tendue sur deux
chevalets par les extrémités; au milieu de ces deux chevalets, il y en avait un autre mobile par le moyen duquel, en
l'appliquant aux différentes divisions de la ligne, on trouvait en quel rapport les tons étaient avec les longueurs des
cordes qui le rendaient. […]
Lorsque la corde est divisée en deux parties égales, de façon que les parties soient comme 1 à 1, on les appelle
unisson; si elles sont comme 2 à 1, on les nomme octave ou diapason; comme 1 à 3 quinte ou diapente; comme
4 à 3, quarte ou diatesseron; comme 5 à 4, diton ou tierce majeure; comme 6 à 5, demi-diton ou tierce mineure;
enfin comme 14 à 25, demi-diton ou dièse.
Le son de la corde libre
Dans le monocorde, la hauteur du son émis par la corde entière en vibration n'est pas fixe. Elle dépend de plusieurs
paramètres.
La hauteur du son de la corde libre dépend de la longueur entre les deux chevalets extrêmes (longueur de
corde vibrante). Plus courte est la corde, plus haut est le son.
La hauteur dépend aussi de la grosseur de la corde. Dans les instruments où l'on a plusieurs cordes, la grosseur
peut varier d'une corde à l'autre et la comparaison des sons ne peut être faite que par les longueurs mesurées sur une
même corde.
Enfin, la hauteur dépend de la tension de la corde. La corde du monocorde est tendue au moyen d'un poids de
valeur donnée. La tension change d'un jour à l'autre ou d'un moment à l'autre en fonction des fluctuations des
caractéristiques physiques de la corde sous l'effet de la température et de l'humidité. Le son produit change donc
pareillement.
La corde ne fournit donc pas de son fixe de référence.
La corde divisée
Dans leurs expérimentations, ces érudits inséraient un chevalet mobile pour partager la corde en fractions simples. La
position du chevalet mobile était repérée sur une règle graduée au moyen de lettres (qui deviendront bien plus tard les
noms des clés), et on comparait le son émis par les deux fractions de corde en fonction du rapport de leurs longueurs.
Comme le dit Diderot, diviser la corde en 3 parties en plaçant le chevalet au 1/3 ou 2/3 de sa longueur produit la
quinte. La diviser en 5 produit la tierce. La tierce n'était pas prise en considération par Pythagore qui n'utilisait que les
quintes et le rapport 2/3 dans l'élaboration de ses modes. La tierce juste avec son rapport 4/5 sera introduite dans la
gamme par Gioseffo Zarlino, compositeur italien de la Renaissance (1517-1590) (voir article Ton et intonation juste).
Dans toutes les études rapportées depuis Pythagore jusqu'à la Renaissance, il n'est nullement question
de sons fixes de référence. On ne mentionne que des rapports de longueur de corde. La hauteur de la corde à vide
était fluctuante selon le moment. La notion de hauteur absolue était étrangère à la mentalité des musiciens. La notion
de fréquence n'existait pas encore.
Courbe de variation de la pression d'une onde sonore à l'échelle Écran d'un téléphone portable
des millièmes de seconde. Elle montre sa répétition périodique avec l'application "PitchLab
(fréquence). Réalisé avec le logiciel Audacity Instrument tuner" affichant la
fréquence d'un son et la note
correspondante
Les musiciens ont donc pris l'habitude d'exprimer la hauteur des sons en fréquence pour accorder leurs instruments.
Ils utilisent pour cela des diapasons électroniques qui sont mis à leur disposition. Les musiciens peuvent ainsi régler la
fréquence de leur LA avec une grande précision.
Toutefois, cette pratique d'accord de fréquence au diapason international issue de l'appareillage disponible ne doit pas
nous dispenser de nous interroger sur son sens et son intérêt musical.
Mesurer la fréquence des sons avec une précision de 0,1 Hz signifie-t-il pour autant que cela soit
nécessaire ou utile dans la pratique musicale? Et que l'esthétique musicale en tire avantage? La suite de
cette étude va nous permettre de nous rendre compte que tout est affaire de circonstances.
La plasticité des notes instrumentales
La rigueur mathématique de la valeur du diapason exprimée en hertz, typiquement 440 Hz, contraste avec la réalité
concrète de l'émission sonore des instruments. Examinons dans quelle mesure une précision de 1 Hz peut avoir
un sens musical pour les notes produites par un instrument?
Elle ne peut avoir un sens que si l'instrument produit des sons dont la fréquence reste fixe à 1 Hz près. C'est
effectivement le cas des instruments à synthèse électronique (synthétiseurs, pianos électroniques) dont
toutes les caractéristiques sonores (fréquence, timbre, volume) sont contrôlées. Cela ne concerne donc que ce type
d'instruments d'existence très récente.
Mais en ce qui concerne les autres instruments, la hauteur de leur émission fluctue. Elle n'est pas le résultat d'un
processus strictement mécanique. Le son nait de l'action, de l'énergie et de la pensée d'un instrumentiste en
symbiose vivante avec son instrument. En particulier, la hauteur du son d'une note varie avec la pression de l'air
exercée et avec la température de l'instrument.
La pression du souffle
Émettre une note fixe tenue en soufflant dans un instrument à vent ne produit pas un son fixe. Il s'étend sur une
certaine fourchette de fréquences liée à la façon dont on souffle (le jeu). Si on souffle plus fort, le son peut
monter ou baisser.
Interrogé sur cette question, René Caussé, directeur de l'équipe de recherche en acoustique musicale à l'IRCAM de
Paris (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique), m'a précisé: La fréquence [d'un instrument] peut
varier avec la nuance de jeu. Par exemple pour la clarinette, lorsque l’on joue plus fort, la fréquence de jeu diminue. Si
l’on remplace le musicien par une bouche artificielle et que l’on agit uniquement sur la pression dans la bouche, on
remarque que c’est le contraire qui se produit, la fréquence augmente avec la pression dans la bouche. En fait le
musicien pour jouer plus fort va agir sur plusieurs paramètres de contrôle: la pression dans la bouche, la force d’appui
de la lèvre sur l’anche et éventuellement la position de l’application de cette force.
Selon les études du professeur Émile Leipp (1913 - 1986) et de Michèle Castellengo (Groupe d’Acoustique
Musicale) effectuées dans les années 1970 - 80 avec des flutes traversières, le ton varie d'environ 4 à 6 Hz selon la
façon de positionner la bouche.
Prenons le cas d'un instrument ancien comme le cornet à bouquin. C'est un instrument à vent en bois de forme
allongée généralement courbe. Il résulte de l'évolution d'un instrument plus ancien fait d'une simple corne animale
percée de trous. Son corps est constitué de deux parties en bois, creusées en demi-perce conique, puis assemblées et
collées. Il est ensuite taillé extérieurement en 8 pans ou arrondi, et percé de 6 ou 7 trous. On ajoute une embouchure
séparée, en forme d'entonnoir. Enfin, il est entouré d'une gaine en cuir ou en parchemin. Le cornet à bouquin apparait
en Italie au 15e siècle, et se répand dans toute l'Europe. Il était très utilisé au 17 e siècle.
Cornet à bouquin
Merci à APEMUTAM
Interrogé, le facteur de cornets Damien Bardonnet m'a répondu ceci: Le diapason (au sens moderne du terme) est
une notion floue pour un cornet... Un même instrument, joué avec différentes embouchures, ou différents musiciens,
peut sonner à des diapasons variant de plus d'un quart de ton [...] Un même musicien [...] muni du même matériel
vous dira que le diapason change selon qu'il a mangé du poireau ou bu la veille... C'est dire si cette notion est vague !
Une simple mesure du LA [avec nos instruments scientifiques actuels], note flexible s'il en est, [...] est donc assez
aléatoire !
Pourtant, sur le marché, des cornets de fabrication récente sont labellisés aux diapasons bien précis de 392, 415, 440,
465, 490, ou 520 Hz. Damien Bardonnet explique qu'il ne s'agit pas là de la valeur précise de leur LA, mais d'une
nomenclature pour désigner le type de l'instrument. Un cornet en 440 permet de jouer avec les doigtés standards en
accord avec un clavecin accordé à 440 Hz.
Afin de préparer le lecteur à la multiplicité des diapasons que j'évoquerai plus loin, il faut préciser que le hautboïste
Bruce Haynes, chercheur minutieux sur les instruments anciens et leur diapason, (1994) rapporte ceci: Un joueur
chevronné, Douglas Kirk, me fit la démonstration d'embouchures de différentes tailles et différentes formes. L'écart de
fréquences obtenu en touchant l'embouchure avec la paume atteignait une quinte. Toutefois, sur l'instrument, et dans
les conditions réelles [identiques] de la représentation, [les joueurs professionnels] jouent exactement au
même diapason. De sorte qu'on peut définir un ton de cornet.
Des variations de fréquence d'émission ont lieu aussi avec les instruments à cordes. Selon l'enquête fouillée du même
Bruce Haynes (2002), quand un violoniste joue dans la nuance forte, le son est 5 Hz plus haut que lorsqu'il joue piano.
Quant aux chanteurs, leur voix oscille sur un intervalle de 5 à 7 Hz dans leurs vibratos.
Ce que l'on peut en déduire, c'est que les sons vivants, émis par des individus sensibles, sont malléables,
plastiques, et n'ont rien à faire avec des considérations mathématiques.
La température ambiante
Les instruments à vent, que ce soient des cornets, des hautbois, ou des orgues, sont sensibles à la température et à
l'hygrométrie de l'air.
Selon des données fournies par l'IRCAM, calculées avec le logiciel RESONANS (citées par le site web papiermusique), le
diapason d'un instrument à vent qui est de 440 Hz à 20°C, descend à 436 Hz à 15°C, et à 433 Hz à 10°C. Il monte à
444 Hz à 25°C et à 447 à 30°C. En Angleterre, dans les églises non chauffées, la variation de hauteur entre hiver et
été peut aller jusqu'à 18 Hz.
Note de physique: Les fréquences sont proportionnelles à la racine carrée de la température absolue.
Définition de la température absolue: voir mon article L'éther de la physique quantique.
Inversement, le diapason des instruments à cordes (clavecins, luths, violons) baisse lorsque la température ambiante
augmente.
La température d'un instrument à vent dépend non seulement de la température ambiante, mais aussi du souffle qui le
traverse. Pendant un concert, les instruments à vent chauffent. À propos des cuivres, René Causse précise que
généralement on considère que le musicien souffle un air plus chaud [que la température ambiante], de l’ordre de
28,5°C, ce qui fait une différence [de hauteur] de l’ordre de 16 cents (100 cents représentent 1/2 ton). On peut
rajouter aussi à ces variations l’influence de l’air soufflé qui est plus chargé en CO 2 et une concentration importante de
CO2 fait baisser la fréquence de jeu.
Dans un orgue, de surcroit, la température n'est pas homogène dans les tuyaux, et l'équilibre thermique est sans cesse
mouvant.
Lorsqu'on cherche à mesurer la valeur du diapason d'un instrument ancien, les appareils fournissent des résultats en
Hz, par exemple 415 Hz. Mais en réalité, à cause des fluctuations, c'est une moyenne qui sous-entend des variations
entre 410 et 420 Hz.
Émile Leipp et Michèle Castellengo ont effectué des mesures pendant des concerts de l'opéra de Paris dans les années
1970. Ils ont relevé des fluctuations du LA de l'ordre de 10 Hz. Ni les musiciens, ni les auditeurs ne sont conscients de
cette variation au cours de l'interprétation.
Contraindre une note à rester à un niveau fixe est une préoccupation récente qui est apparue avec les pratiques
modernes d'accordage influencées par les apports de la physique et de l'électronique, que j'ai exposés dans l'article
Histoire de la notion de fréquence sonore.
Quel est l'intérêt de fixer un diapason?
Si les sons sont "plastiques", comment expliquer le besoin moderne de définir un diapason très précis?
Nous allons nous transporter dans des contextes musicaux divers afin de nous rendre compte dans quelles
circonstances apparait l'intérêt ou la nécessité de définir un son commun de référence. Un son commun de référence
n'implique pas forcément qu'il soit normalisé universellement. Il peut être limité à une circonstance locale et
éphémère.
Je chante seul
Vous êtes seul(e) et l'envie vous vient de chanter spontanément Hallelujah de Leonard Cohen. Vous entonnez cette
chanson à la hauteur qui vous vient naturellement. La hauteur de la note de départ détermine toutes les autres. Même
si vous chantez la chanson plus haut ou plus bas que Leonard Cohen, Hallelujah reste Hallelujah, et les personnes qui
vous environnent la reconnaissent et pourraient la chanter avec vous. Le diapason n'intervient pas dans l'identité de la
chanson. Bien que le compositeur contemporain l'ait écrite dans un certain registre, la hauteur est secondaire.
Question: lorsque vous avez entonné la chanson, vous êtes-vous soucié de la valeur du diapason?
Probablement pas. Vous vous êtes peut-être soucié de la prendre ni trop haut, ni trop bas, pour qu'elle
corresponde à votre registre vocal. Cette hauteur de départ peut varier selon votre état, différente si vous chantez
le matin ou le soir, un jour ou un autre. Elle correspond à ce que vous êtes.
Le chanteur au Moyen-Âge
C'est exactement l'esprit dans lequel les chanteurs choisissaient leur hauteur chez les Grecs et au Moyen-Âge.
Au Moyen-Âge, avant que ne se répande l'usage des instruments à clavier, la musique sacrée et la musique profane
étaient uniquement chantées. Le chantre prenait la hauteur qui correspondait à sa voix, en rapport avec
l'étendue musicale (la tessiture) de la pièce à chanter.
La notion de diapason était complètement étrangère à la musique occidentale antérieure au 16 e siècle. Il est vrai
qu'une hauteur était parfois indiquée sur la "partition". Mais c'était, comme l'écrit Ludovico Zacconi à Venise en 1596
dans Prattica di Musica, pour avoir des égards pour ceux qui chanteront, afin qu'ils soient à leur aise avec la hauteur,
ni trop haut ni trop bas. (cité par Dolmetsch Online)
Il y a donc bien l'indication d'un ordre de grandeur de la hauteur. Mais elle reste indéterminée dans une certaine
fourchette, favorable à la voix du chanteur.
La solmisation
Cette indétermination se reflète dans la pratique de la solmisation. Elle consiste à chanter les notes avec des
syllabes.
Actuellement, nous solmisons avec les syllabes do, ré, mi, fa, sol, la, si. Pour nous, chacun de ces noms est associé à
une hauteur parfaitement définie. Or cela résulte d'une évolution récente. Auparavant, ces syllabes, qui se limitaient
à ut, ré, mi, fa, sol, la ne désignaient que des hauteurs relatives. N'importe quel nom de note pouvait être
associé à n'importe quelle hauteur. Ils appartenaient à des hexacordes, groupes de 6 notes définis par leurs
intervalles, comme nos modes contemporains à 7 notes. (voir l'annexe Hexacordes et solmisation)
En pratique, des chantres à la voix grave chantaient plus bas que ceux à la voix plus aigüe, sans pour autant
changer le nom des notes. Si la chanson commençait par un SOL, défini par son appartenance à un hexacorde, on
chantait SOL, quelle que soit la hauteur de la chanson. Les noms des notes définissaient des intervalles, pas
des hauteurs absolues (principe modal).
Cette solmisation qui emploie les noms de notes do, ré, mi, etc. pour désigner des hauteurs relatives mobiles a été
défendue en France par Pierre Galin (1786 - 1821) et ses idées ont été propagées par Aimé Paris et Émile Chevé
(Méthode Galin - Paris - Chevé, 1862).
La solmisation est pratiquée encore actuellement dans les pays anglophones avec les noms do, re, mi, fa, so, la, ti, qui
indiquent les degrés de la gamme, tandis que la hauteur absolue est désignée par les lettres A à G. C'est le système
Tonic Sol-Fa inventé par l'enseignante anglaise Sarah Anna Glover (1785 - 1867), élargi par John Curwen (1816–
1880). En Hongrie, la méthode d'éducation musicale développée par le compositeur Zoltán Kodály (1882-1967) inclut
également ce système.
La notation moyenâgeuse n'indique que des intervalles
L'attention qu'apportaient les musiciens aux intervalles entre les notes (hauteur relative) et leur indifférence vis-à-vis
de la hauteur absolue se reflètent dans la notation musicale écrite employée à partir du 9 e siècle et plus tard.
Celle-ci consistait en signes courbes ou carrés appelés neumes. Initialement, il n'existait pas de portée comme
actuellement. Puis une ligne horizontale a été introduite comme repère d'un son de base. Mais sa hauteur n'était pas
déterminée. Puis on employa deux lignes, puis 4, avant d'en arriver à 5. Dans tous les cas, elles n'indiquaient que des
hauteurs relatives.
Je chante en groupe
Vous êtes maintenant en groupe, à une fête d'anniversaire par exemple, ou en randonnée, et vous voulez chanter tous
ensemble. Quelqu'un entonne donc Hallelujah et votre voix se joint à la sienne. Vous chantez avec lui sur le même
ton, vous êtes en accord, même si ce n'est pas forcément la hauteur que vous auriez prise spontanément.
Question: La personne qui a initié le chant a-t-elle sorti un diapason de sa poche pour déterminer à quelle hauteur le
groupe devait chanter la mélodie? À moins qu'elle ne soit un professionnel, ou un amateur avancé, cela arrive
rarement. Vous avez pris spontanément le ton qu'elle a donné.
Donner le ton, c'est fixer la hauteur de la note de départ. Peu importe quelle hauteur, il est seulement recommandé
que la personne la choisisse de telle sorte que les hauteurs extrêmes de la mélodie restent accessibles à
tout le monde sans forcer la voix.
Cette pratique est employée dans des groupes populaires qui n'ont pas reçu d'éducation en solfège. C'est le cas dans
les groupes de chant Sacred Harp en Amérique du Nord. Des amateurs se rassemblent en se disposant en carré
(sans harpe ni autre instrument) et chantent a capella des chants répertoriés dans le livre Sacred Harp (d'où leur
nom), publié d'abord en 1844 par B.F. White et E. J. King. Ils mènent un chant chacun à leur tour. Pour commencer le
meneur donne le ton, choisi pour que le groupe soit à l'aise dans toute l'étendue en hauteur de ce chant particulier.
Accordages
Quel est donc son diapason? Tout dépend de l'instrument.
Imaginez que vous êtes accompagné à la guitare. Le guitariste a la possibilité d'ajuster rapidement chacune de ses
cordes, tout comme un violon ou d'autres instruments à cordes. Il peut donc choisir le diapason qu'il veut, par exemple
en choisissant le MI de la première corde. Ce qui est essentiel, c'est qu'une fois fixé ce MI, les intervalles avec les
autres cordes soient justes. Avec cette condition, vous vous régalerez de chanter même si vous n'êtes pas réglés sur la
norme internationale.
Dans l'histoire occidentale, cela se passait à peu près comme je viens de le décrire lorsqu'un chanteur ou une
chanteuse étaient accompagnés par un instrument tel que le luth. Le chanteur choisissait le ton adapté à sa voix, et
l'instrument se calait sur la voix du chanteur.
Transposition
Par contre, l'accordage d'un piano est une opération longue et délicate. Il faut faire intervenir un accordeur de métier
et le pianiste espère que cet accordage va durer suffisamment longtemps.
Toutefois, sans modifier son accordage, le pianiste a la possibilité de décaler la hauteur de la mélodie par degrés
multiples d'un demi-ton.
Un demi-ton, c'est le plus petit intervalle entre deux notes voisines de la gamme, par exemple entre le SOL# et le LA
(soit entre 415 Hz et 440 Hz selon les normes actuelles).
Lorsque le pianiste se décale de cette façon, il change la tonalité dans laquelle il joue. Par exemple il effectue un
décalage d'un ton en passant de la gamme de DO majeur à RÉ majeur. C'est ce qu'on appelle transposer.
Il en était de même avec les orgues d'église. L'organiste se calait sur la voix du chanteur en transposant.
Plus haut?
La montée du diapason inquiétait les facteurs d'instruments et les instrumentistes, car les anciens instruments ne
convenaient plus. Il fallait en fabriquer et en acheter de nouveaux, et cela revenait cher.
Mais pourquoi certains compositeurs et interprètes préféraient-ils des diapasons plus haut?
À l'époque romantique, les compositeurs et interprètes cherchent à exprimer leur état d'âme personnel, en opposition
par exemple au chant grégorien. La musique s'achemine vers la mise en valeur de la virtuosité de solistes et des effets
émotionnels et sensoriels (voir article L'évolution de la musique du Moyen-Âge à nos jours).
Aussi avaient-ils tendance à vouloir une plus grande brillance sonore. En s'accordant légèrement au-dessus de
l'accompagnateur, les solistes ressortent mieux, et se donnent une impression de brillance qui les flattent. Mais
l'orchestre à tendance à les rattraper, d'où un enchainement de montée.
Par rapport au temps de Mozart où les représentations avaient lieu devant un petit nombre de personnes, les concerts
du 19e siècle sont donnés dans de grandes salles pour un public plus nombreux. Les orchestres sont plus grands et
jouent plus fort. Cela renforçait le besoin d'un volume sonore plus éclatant, même pour les musiques antérieures du
18e siècle. Hausser le diapason était un moyen de l'obtenir. Ainsi, le compositeur italien Giovacchino Rossini (1792 -
1868) était insatisfait du ton de l'Opéra de Paris qu'il trouvait trop bas.
L'évolution technique des instruments contribuait à satisfaire ce besoin. Les cordes des instruments en boyau sont
remplacées par de l'acier et supportent des tensions plus grandes. Des soupapes sont ajoutées aux cuivres.
Toutefois, monter le diapason n'est pas forcément favorable à la sonorité. À la fin du 17 e siècle, le compositeur
allemand Georg Muffat (1653 - 1704) écrit: Le diapason sur lequel les Français règlent ordinairement leurs
instruments est plus bas d'un ton entier que l'allemand (appelé ton de cornet), et même, dans les opéras, un ton et
demi plus bas. Ils trouvent que le ton allemand est trop haut, trop criard, trop forcé. (cité par B. Haynes)
Tentatives de normalisation
1834, Allemagne, congrès de Stuttgart, 440 Hz
En 1834, le congrès des Chercheurs naturalistes et Médecins allemands réunis à Stuttgart propose de normaliser le LA
à 440 Hz. Ce choix vient des recommandations de Johann Scheibler qui mesura le ton des différents diapasons
d'Europe avec son tonomètre (voir article Histoire de la notion de fréquence sonore), et reconnut que le ton moyen
était d'environ 880 "vibrations simples" par seconde (440 Hz). Après avoir mené plusieurs expériences avec des
diapasons variés utilisés à Paris, Berlin et Vienne, Scheibler décida de choisir son LA à 440 comme milieu des extrêmes
entre lesquels le diapason des pianos viennois montent et descendent à cause du changement de température. Le
diapason des pianos fut déterminé par un monocorde, et le diapason 440 cps fut vérifié par son tonomètre. (Trevor
Pinch, Karin Bijsterveld, The Oxford Handbook of Sound Studies, 2012)
Note: À cette époque, on parlait de vibrations doubles et non de cycle, une vibration double étant
composée de 2 vibrations simples. Si nous nous référons à l'image du balancier, une vibration simple est
l'aller simple, une vibration double est l'aller et retour. Aussi les valeurs indiquées dans les rapports de
Scheibler et des autres savants et enquêteurs sont-elles le double de leur valeur en hertz.
1858-59, France, arrêté ministériel, 435 Hz
Le gouvernement français réunit une commission chargée d'examiner la possibilité de fixer un diapason pour prévenir
la montée du diapason des dernières années, surtout dans l'opéra (voir La Maîtrise, Joseph d'Ortigue, Question de
diapason, 1858). Menée par deux physiciens (Jules Antoine Lissajous et César Despretz), elle comprenait aussi des
musiciens, dont Hector Berlioz et Gioachino Rossini).
Diapasons utilisés en Europe en 1858. Les valeurs sont exprimées en "vibrations simples", soit le double de leur valeur
en hertz.
Extrait de L'Année Musicale ou la Revue Annuelle des théâtres lyriques et des concerts des publications littéraires
relatives à la musique, P. Scudo, 1859. Cité par Marie-Brigitte Duvernoy, Le diapason, site Piano & Sons
La commission mena une enquête internationale pour faire l'état des valeurs des diapasons. Elle révéla un écart de
plus d'un ton entre les LA, échelonnés de 434 (Londres) à 455,5 (Bruxelles). En France, de 437 au Conservatoire de
Toulouse à 452 à Lille.
Sur proposition de Lissajous et des résultats de la commission, un arrêté fut promulgué par le gouvernement en 1859,
fixant le LA à 435 Hz, pour tous les établissements musicaux d'état. Il est connu sous le nom de "diapason
normal".
C'est la première normalisation à l'échelle d'une nation.
Réactions en Europe
Des institutions étrangères suivent le mouvement impulsé par la France et adoptent le "diapason normal". En Italie,
c'est le cas de l'Instituto Musicale di Firenze (Institut musical de Florence) et du Teatro San Carlo (Théâtre Saint-
Charles) de Naples.
En Grande-Bretagne, la Philharmonic Society l'adopte d'abord, puis le modifie légèrement en 1896 pour un diapason de
439 (New Philharmonic Pitch), soit disant pour tenir compte des températures plus froides en Angleterre. Mais pendant
ce temps, subsistait le diapason ancien élevé de 452 Hz, conservé par les ensembles militaires, les orchestres
provinciaux, mais aussi par les orgues pour des raisons économiques. En effet, ils avaient déjà été réajustés quelques
temps avant à 452 et on ne voulait pas renouveler l'opération. Cette situation double dura plus ou moins jusque vers
1920 et même plus tard pour certains ensembles de cuivres.
Dans ses ouvrages, le musicologue belge Charles Meerens (1831 - 1909) se fait partisan d'un LA de 432 Hz, pour
des raisons mathématiques (voir section suivante), et se désole de l'adoption de 435. Analysant son ouvrage Le
Diapason et la notation musicale simplifiés (1873), le journaliste Arthur Heulhard écrit (La chronique musicale):
D'après [Charles Meerens], la commission réunie à Paris en 1858 pour déterminer un étalon sonore universel, loin
d'avoir atteint son but, n'a fait qu'augmenter la discorde dans le camp des musiciens. Le diapason ancien et le
diapason nouveau sont en querelle perpétuelle: telle société musicale s'en tient à l'ancien diapason parce qu'elle ne
croit pas à l'orthodoxie du moderne; tel virtuose, accompagné par un orchestre, est obligé de déposer au dernier
moment l'instrument qui lui est familier pour un instrument d'emprunt; tel chanteur perd la tramontane devant un la
qui lui paraît excentrique; tel facteur de piano se voit retourner l'envoi qu'il avait fait la veille: autre ville, autre
diapason.
Malgré la recommandation de 435 Hz, l'ascension du diapason se poursuivit, mais plus lentement. En 1917, la
fédération américaine des musiciens adopte 440 Hz. En 1938, des relevés indiquent une moyenne de 440 à 442 à
Paris, 445 aux États-Unis, 451 en Angleterre, 460,8 en Autriche, 467,5 à Prague.
Il propose donc de prendre SOL à 384 comme diapason, ce qui permet de ré-obtenir la même valeur de l’UT à 256 (ou
512) «à la fois dans le système de Zarlino et dans celui de Pythagore. (... ) Non seulement Ut serait plus stable, mais
le La3 =432 également, puisque le ton 9/8 est le même dans ces deux systèmes.»
Il ajoute :
"Les nombres 384 et 432 ont l’avantage de n’avoir d’autres facteurs premiers que 2 et 3. Ils sont plus logiques et d’un
emploi plus pratique que 435 (... ). Le La serait 8 savarts plus bas que le diapason actuel à 440 p/s, soit environ 1/6
de ton. Tel est le diapason demandé par les musiciens."
Cette proposition fut approuvée par les membres de l’Académie des sciences en 1950 qui en firent un vœu adressé au
Ministre de l’Éducation Nationale.
1939, le LA 440
En septembre 1938, le comité acoustique de la radio de Berlin demanda à l’ Association britannique de normalisation
d’organiser un congrès international à Londres en 1939. Il fut organisé par la Fédération internationale des
associations nationales de standardisation ou ISA, créée en 1926 (ancêtre de l' Organisation internationale de
normalisation).
Il décida de fixer le diapason officiel du LA3 à 440 Hz à une température de 20 °C, alors que le diapason français
précédent de 435 Hz était défini pour une température de 15 °C. C'était le diapason déjà utilisé par la radio allemande.
Ceux qui s'opposaient à cette hausse du diapason n'avaient pas été invités. La radio britannique BBC diffusa le signal
sonore de 440 Hz généré électroniquement à partir d'un cristal piezoélectrique.
La guerre fut déclarée peu après, et cette résolution ne fut pas officiellement confirmée.
Aux États-Unis, la vogue du jazz se développait, et avec elle, le diapason montait à 440, 445 et jusqu'à 470. Aussi, les
facteurs d'instruments à vent européens qui voulaient exporter leurs instruments choisissaient ce diapason haut de
440. Ces considérations commerciales ont contribué à renforcer le choix de 440 sur le plan international.
En 1953, la Conférence internationale de Londres de l'ISO ( Organisation internationale de normalisation) réaffirma la
valeur de 440 Hz comme diapason officiel du LA3. Les musiciens français qui soutenaient le projet du compositeur
Robert Dussaut pour un LA 432 ne furent pas invités. La norme du LA 440 a été rééditée en janvier 1975 (ISO
16:19757).
Le sentiment de l'auditeur
Il y a des musiques qui font du bien, revigorantes, dynamisantes, joyeuses, apaisantes, relaxantes, etc. et il y a des
musiques qui induisent des émotions d'angoisse ou de rage, d'autres qui assomment le système nerveux et
déstructurent la personnalité.
Quels sont les éléments de la musique qui concourent à procurer ces états? Est-ce le fait de fixer un diapason plus ou
moins haut?
Si c'était le cas, cela mettrait de côté toutes les musiques qui ignorent un diapason, toutes les musiques antérieures au
18e siècle, toutes les musiques traditionnelles.
Les paramètres qui concourent à procurer un sentiment spécifique sont nombreux. Ce sont: les rythmes, la couleur des
instruments et des voix (timbre), le volume sonore, le style de mélodie, son mode et sa tonalité, le choix des
harmonies entre voix polyphoniques.
L'ambiance sonore est bien différente selon que la musique est moyenâgeuse, baroque, classique, romantique,
contemporaine, dodécaphonique, concrète, africaine, chinoise, rock, jazz, techno, comédies musicales, etc. et ceci quel
que soit le diapason. (voir article Évolution de la musique du Moyen-Âge à nos jours)
Lorsqu'une musique vous semble assommante, pensez-vous qu'il suffit de faire varier le diapason un peu plus haut ou
un peu plus bas pour qu'elle se trouve miraculeusement harmonisante?
Pensées et intentions
Les considérations mathématiques sur la grandeur des intervalles ne doivent pas nous faire oublier que cela ne
concerne que les instruments à sons fixes. Pour les violons, par exemple, et surtout pour la voix, les intervalles sont
éminemment plastiques. Au lieu d'obéir à la règle mathématique, ils se rétrécissent et s'étirent en fonction du
sentiment exprimé.
Voici ce que j'ai écrit à ce sujet dans l'article Ton, tempéraments et intonation juste: "Lorsque l'artiste chante, il
emploie souvent d'instinct une justesse expressive, différente de la justesse naturelle (celle des gammes naturelle
ou de Pythagore) et de la justesse tempérée (gamme tempérée). La justesse expressive accentue le caractère
attractif, appellatif (ou résolutif) de la note naturelle afin de lui donner une valeur caractéristique bien déterminée,
mais variable selon les cas (E. Willems). Ainsi de SI à DO, le demi-ton se réduit parfois à un quart de ton dans certains
contextes expressifs, soit parce que le SI est attiré par le DO en DO majeur, soit parce que le DO est attiré par le SI,
en LA mineur."
Cette justesse expressive est donc guidée par le sentiment et l'intention. En fait, dans toute musique, une part
importante du rendu sonore et de son effet sur l'auditeur est dû aux pensées et aux émotions du compositeur, des
interprètes et des ingénieurs du son. Quelle intention mettent-ils dans le morceau de musique? Sont-ils portés par un
texte, une passion, une ferveur, peut-être des incantations, une foi?
Cela m'a fait penser à la musique des groupes soufis, africains ou amérindiens qui est capable de créer des états de
transe chez les danseurs. Je me suis demandé ce qui faisait la puissance de ces musiques. J'ai interrogé un spécialiste
de la musique arabe, M. Abdou Ouardi, joueur de oud international réputé.
Il me répondit que la transe soufie était très réelle. Les musiciens ne se préoccupent pas de diapason pour
induire une telle transe. Ce sont d'autres caractéristiques de la musique et des musiciens qui entrent en jeu, et
principalement le rythme. La musique est généralement produite par des instruments de percussions (tambours,
bendir..) et pas d'instruments à cordes. Dans un autre genre, au Maroc, on emploie le hautbois marocain (la gaïta)
associé à des percussions. On assiste à des phénomènes époustouflants. La transe est si puissante que le corps est
mis dans des états physiologiques non ordinaires. Certains Gnawa peuvent avaler de l'eau bouillante, se transpercer le
ventre avec des couteaux ou se frapper la tête avec un sabre sans dommages.
J'ajoute toutefois que ce sont là des traditions archaïques qu'il n'est pas nécessaire d'adopter pour arriver à des
guérisons. Il existe d'autres moyens pour créer des états modifiés de conscience, porteurs d'amour et de respect pour
notre temple corporel. Certains de ces moyens emploient des géométries et des sons sacrés (voir mes articles
Spiritualité et Développement personnel e t Les codes géométriques et sonores de l'être humain). J'ai cité ce
phénomène de transe dans le seul but d'alimenter notre réflexion sur les effets puissants de la musique et sur les
paramètres qui y concourent.
La musique est vivante. Elle transmet des énergies complexes qui dépendent de paramètres dépassant de loin la seule
valeur du diapason.
ANNEXES
Au Moyen-Âge, le moine bénédictin italien Guido (ou Gui) d'Arezzo (992 - après 1033) étend le tétracorde de deux
degrés vers le bas, créant un hexacorde. Il remplace les noms grecs des 6 degrés de l'hexacorde par les noms
syllabiques ut, ré, mi, fa, sol, la, quelle que soit sa hauteur.
Livres
• Syntagma Musicum, tome II: De Organographia, Michael Praetorius, 1619. La traduction anglaise des parties
III à V est disponible en numérique
• Die Lehre von den Tonempfindungen als physiologische Grundlage für die Theorie der Musik, Hermann von
Helmholtz, première édition 1863. Traduction anglaise de Alexander J. Ellis, On the Sensations of Tone as a
Physiological Basis for the Theory of Music, 1875
• A History of Performing Pitch: The Story of “A”, Bruce Haynes, 2002, The Scarecrow Press. Son analyse dans
Historic Brass Society Journal, 2003
8 aout 2016
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