L’Encéphale 48 (2022) 148–154

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Article de recherche

Amélioration du contrôle impulsif chez les adolescents avec un

trouble de l’attention avec hyperactivité (TDAH) ayant suivi une
thérapie cognitive comportementale
Improvement of the impulsive control in adolescents with attention deficit
hyperactivity disorder (ADHD) after a cognitive behavioral therapy
A. Grandjean a , I. Suarez a , A. Miquée b , D. Da Fonseca b , L. Casini a,∗
a
Laboratoire de neurosciences cognitives, FR 3 C, Aix-Marseille Université, CNRS, Marseille, France
b
Service de Psychiatrie infanto-juvénile, Hôpital Salvator, Marseille, France

i n f o a r t i c l e r é s u m é

Historique de l’article : Au sein de notre service, nous travaillons avec un programme de thérapie cognitive comportementale
Reçu le 19 octobre 2020 centré sur les processus attentionnels. Les parents et éducateurs rapportent les effets positifs de celui-ci
Accepté le 12 février 2021 sur le comportement des adolescents avec un trouble de l’attention avec hyperactivité (TDAH) mais ses
Disponible sur Internet le 13 mai 2021
effets sur des processus cognitifs précis n’ont encore jamais été testés. Cette étude s’intéresse à l’impact de
ce programme sur le contrôle de l’impulsivité des adolescents avec un TDAH non traité. Nous avons utilisé
Mots clés : la tâche de Simon (connue pour générer un conflit entre une réponse automatique et une réponse dirigée
TDAH
vers un but) et interprété les résultats dans le cadre théorique du modèle « Activation-suppression ».
Tâche de Simon
Contrôle de l’impulsivité
Ce cadre expérimental et théorique nous fournit un outil puissant et précis pour étudier le contrôle de
Thérapie cognitive comportementale l’impulsivité en dissociant l’activation et la suppression des actions impulsives, ce qui n’est quasiment
jamais réalisé dans les études sur le contrôle de l’impulsivité. Vingt adolescents avec un TDAH non traité
ont suivi le programme pendant 12 semaines et nous avons comparé leur performance avant et après
la réalisation de ce programme. Les résultats montrent que l’amélioration du contrôle de l’impulsivité
observée en fin de session vient à la fois d’une diminution de la propension à déclencher des actions
impulsives et d’une augmentation de l’efficacité des processus inhibiteurs. Ce programme pourrait donc
se révéler une alternative pertinente à la médication stimulante, en particulier quand les parents sont
réticents face à la médication ou quand leurs enfants présentent des effets secondaires trop importants.
© 2021 L’Encéphale, Paris.

a b s t r a c t

Keywords: Aim. – MPH is the more often prescribed stimulant for Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD),
ADHD but it has been estimated that 30% of patients do not adequately respond or cannot tolerate it. Therefore,
Simon task some other therapies are needed, such as cognitive behavioral therapy. Cognitive behavioral therapy is
Impulsivity control an intervention proposed over several sessions and aimed at modifying behavior by teaching different
Cognitive behavioral therapy
techniques that participants can re-use to control their symptoms. In our Institute, we used a program
centered on attentional and metacognitive functions. It consists of a series of workshops performed in
group at the rate of one workshop of 90 minutes per week for 12 weeks. Positive effects on the behavior
of adolescents with ADHD have been reported by parents and educators, but the effects of the program
on specific cognitive processes have never been precisely investigated.

∗ Auteur correspondant. LNC, FR 3 C, Case C, 3, place Victor-Hugo, 13331 Marseille cedex 3, France.
Adresse e-mail : laurence.casini@univ-amu.fr (L. Casini).

https://doi.org/10.1016/j.encep.2021.02.009
0013-7006/© 2021 L’Encéphale, Paris.
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Method. – In the present study, we evaluated the impact of the program on impulsive control in adolescents
with ADHD who are known to present impaired impulsive control. Impulsive control is required each
time there is a conflict between an inappropriate prepotent action and a goal-directed action. At an
experimental level, impulsive control can be studied with conflict tasks, such as the Simon reaction time
task. Interpreted within the theoretical framework of the so-called « Dual-process activation suppression »
(DPAS) model, this task is a powerful conceptual and experimental tool to separately investigate the
activation and inhibition of impulsive actions, which is almost never done in studies about impulsive
control. Twenty adolescents followed the program and were tested before and at the end of the program
by using dynamic analyses of performance associated with DPAS model.
Results. – The results have shown an improvement of the impulsive control after three months of cogni-
tive behavioral therapy, and this improvement was due to both a decrease of the propensity to trigger
impulsive actions and an improvement of inhibitory processes efficiency.
Conclusion. – This program could be a relevant alternative to the stimulant medication, more particularly
when parents are reluctant with medication or when the adolescent suffers from important side effects.
© 2021 L’Encéphale, Paris.

1. Introduction controlatérale au stimulus (essais incongruents), la position et la

couleur activent chacune une route différente, ce qui est à l’origine
Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité d’un conflit et de l’effet d’interférence [6,7] (Fig. 1).
(TDAH) est un des troubles neurodéveloppementaux les plus fré- La taille de l’effet d’interférence a souvent été utilisée pour
quemment diagnostiqués chez l’enfant, avec un taux de prévalence mesurer l’efficacité du contrôle de l’impulsivité, mais elle ne
d’environ 5 % [1]. Il se manifeste dès l’enfance par les symptômes permet pas de dissocier l’activation de la réponse impulsive et
d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité [2]. Ces symptômes son inhibition, deux composantes indépendantes du contrôle de
entraînent des déficits dans les domaines cognitifs, comportemen- l’impulsivité. Cette dissociation n’est possible que si l’on utilise les
taux et relationnels conduisant souvent à de grandes difficultés analyses dynamiques de la performance développées dans le cadre
dans les apprentissages scolaires et les relations sociales et fami- du modèle de la « double -route avec suppression de l’activation
liales, pouvant aller jusqu’à des comportements à risque et l’abus automatique » (Dual-path activation suppression model, DPAS)
de substances illicites [3]. (Fig. 1b). Le modèle DPAS, proposé par Ridderinkhof [8,9], pos-
D’un point de vue comportemental, l’impulsivité est définie tule que, premièrement, la réponse activée automatiquement doit
comme la prédisposition à réagir de façon automatique à des sti- être supprimée et, deuxièmement, que cette suppression se met en
mulations internes ou externes bien que ces réactions ne soient pas place progressivement. Cette seconde hypothèse permet de faire
adaptées à la situation et puissent, par exemple, avoir des consé- des hypothèses précises sur l’évolution de la performance en fonc-
quences négatives [4]. Selon De Young et collaborateurs [4], une tion de la longueur des temps de réaction. En effet, si la suppression
action impulsive met en jeu deux processus indépendants : d’une de la réponse automatique est progressive, on suppose que pour
part, une « urgence à agir » que l’on pourrait définir comme la force les TR les plus courts, l’inhibition n’aura pas le temps de se mettre
nous poussant à déclencher une action et que l’on appelle égale- en place et on s’attend à une augmentation du nombre d’erreurs,
ment une impulsion ou une action impulsive et, d’autre part, une que l’on appelle les erreurs rapides. Au contraire, pour les TR les
incapacité à inhiber cette impulsion. Bien qu’il soit évident que pour plus longs, l’inhibition sélective aura le temps de se mettre en place
mieux comprendre le contrôle de l’impulsivité, ces deux proces- et donc l’effet d’interférence sera réduit. Pour observer ces effets,
sus doivent être étudiés de manière dissociée, ce n’est quasiment une analyse dynamique de la précision, d’une part, et de l’effet
jamais le cas, très probablement car cela nécessite de se placer dans d’interférence, d’autre part, doivent être réalisées (Fig. 1c, 1d) [8,9].
un cadre expérimental et théorique précis. Lorsque l’on représente graphiquement le taux de réponses cor-
Le contrôle de l’impulsivité est requis chaque fois qu’il existe rectes dans les essais incongruents en fonction de l’allongement des
un conflit entre une action automatique inappropriée et une action TR (Fig. 1c), le taux d’erreurs rapides est indiqué par la valeur du pre-
contrôlée dirigée vers un but. Sur le plan expérimental, ce type de mier point et est considéré comme une mesure fiable de la force des
situation est étudié grâce aux tâches de conflit, comme la tâche de actions impulsives [8–10]. Lorsque l’on représente graphiquement
temps de réaction de choix de Simon [5]. Dans cette tâche, les sujets l’effet d’interférence en fonction de l’allongement des TR (Fig. 1d),
doivent appuyer sur un bouton le plus rapidement possible en fonc- il est classiquement observé une courbe décroissante qui indique
tion d’une caractéristique donnée du stimulus (par exemple, sa une diminution de l’effet d’interférence avec l’allongement des TR.
couleur) tout en ignorant sa position qui est une caractéristique non La pente du dernier segment de la courbe est considérée comme
pertinente mais qui génère néanmoins l’activation d’une réponse une mesure fiable de l’efficacité de l’inhibition des actions impul-
automatique dans la main ipsilatérale au stimulus. Il est classique- sives [8–10]. Cette méthodologie a déjà été utilisée pour étudier
ment observé que les temps de réaction ralentissent et le taux de finement le contrôle de l’impulsivité aussi bien chez des popu-
réponses correctes chute lorsque la réponse requise est du côté lations contrôles [11,12] que dans certaines pathologies, comme
opposé à la position du stimulus. On parle d’effet d’interférence. Il par exemple la maladie de Parkinson [13–15] ou le syndrome de
a été proposé que la position du stimulus, bien que non pertinente Tourette [16]. Nous l’avons nous-mêmes utilisée récemment pour
pour la réalisation de la tâche, active la réponse ispilatérale par étudier l’effet du TDAH sur le contrôle de l’impulsivité chez des
des processus automatiques et rapides tandis que la caractéristique adolescents avec un TDAH [17] et nous avons pu observer que le
pertinente du stimulus, par exemple sa couleur, active la réponse TDAH dégradait le contrôle de l’impulsivité à la fois en augmentant
requise par des processus contrôlés et plus lents. Ainsi, dans les la force des réponses impulsives et en réduisant leur inhibition.
essais où la réponse requise est ipsilatérale au stimulus (essais L’objectif de la présente étude est d’utiliser cette méthodo-
congruents), la position et la couleur activent la même réponse, logie pour comprendre plus finement comment le programme
la facilitant. En revanche, dans les essais où la réponse requise est de thérapie cognitive comportementale que nous utilisons dans

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Fig. 1. Cadre théorique. (A). Tâche de Simon. (B). Modèle de la double-route avec suppression de l’activation automatique (Dual-path activation suppression model, DPAS)
proposé par Ridderinkhof [5]. (C). Analyse dynamique du taux de précision. Cette courbe représente le taux de précision en fonction de la vitesse de réponse dans les essais
incongruents. Elle est réalisée à partir de la fonction de précision conditionnelle (CAF) [5]. (D). Analyse dynamique de l’effet d’interférence. Cette courbe représente la taille
de l’effet d’interférence (TR moyen des essais incongruents–TR moyen des essais congruents) en fonction de la vitesse de réponse. C’est une courbe de différence construite
à partir des analyses de distribution des TR pour les essais congruents et incongruents [5].

notre service impacte le contrôle de l’impulsivité des adoles- Les adolescents étaient tous suivis pour leur TDAH dans le
cents avec un TDAH non traité. De manière générale, la thérapie service de psychiatrie juvéno-infantile de l’Hôpital Salvator à Mar-
cognitive comportementale (TCC) permet de modifier les compor- seille. Tous les enfants inclus dans l’étude présentaient les critères
tements en enseignant différentes techniques que les participants diagnostiques du DSM IV pour un TDAH de type combiné, ceci
peuvent réutiliser pour contrôler leurs symptômes [18–22]. Nous dans le but d’avoir un groupe le plus homogène possible. Tous les
avons adapté pour les adolescents le programme appelé PiFAM diagnostics ont été posés par un pédopsychiatre spécialisé dans le
(Programme d’intervention sur les fonctions attentionnelles et TDAH.
métacognitives) [23] qui a déjà fait ses preuves avec des enfants Les critères d’exclusion sont les suivants : trouble neurologique
de 10 à 14 ans. Le PiFAM, lui-même inspiré du programme Reflecto avéré, épisode psychotique, absence de consentement parental,
[24], basé sur la remédiation métacognitive, met l’accent sur les QI inférieur à 80. Le QI a été évalué avec la forme courte de
problèmes d’attention ou d’impulsivité, ainsi que sur la régulation l’échelle d’intelligence de Wechsler (WISC-V) [30] incluant 4 sous
des émotions nécessaire au bon développement des apprentis- tests : tests de vocabulaire, similarités, matrices et identification de
sages. Ses effets positifs sur le comportement des enfants et concept.
adolescents avec un TDAH ont été rapportés par les parents et édu-
cateurs mais les effets de ce programme sur des processus cognitifs
2.2. Protocole expérimental
précis n’ont encore jamais été testés. Comme le relèvent diffé-
rents auteurs [20,21,25], plusieurs programmes existent tels que
Tous les adolescents ont participé à deux sessions expéri-
les programmes Attentix [26], Reflecto [24], CogFun [27], ou encore
mentales, la première durant la semaine précédant le début du
plus récemment Cogmed [28,29], certainement tous très promet-
programme de TCC et la seconde durant la semaine suivant le der-
teurs mais il y a un manque certain de validation et, en particulier,
nier jour du programme de TCC qui a duré 3 mois. Dans chaque
d’études s’intéressant spécifiquement aux processus cognitifs amé-
session expérimentale, les participants ont réalisé la tâche de
liorés par ces programmes.
Simon.

2. Matériel et méthodes 2.2.1. Stimuli et dispositif

Les adolescents sont confortablement assis face à un écran
2.1. Participants d’ordinateur localisé à 80 cm de distance et sur lequel les stimuli
apparaissent. Les réponses sont données à l’aide d’un dispositif
Vingt adolescents avec un TDAH, n’ayant jamais eu de médica- constitué de deux boutons sur lesquels les participants doivent
tion, ont accepté de participer à notre étude, mais seulement 13 appuyer avec l’index droit ou gauche selon les essais. La délivrance
(âgés de 12 à 15 ans ; âge moyen = 12,9 ans ; 9 garçons) ont suivi des stimuli et le recueil des réponses sont contrôlés par un ordi-
le programme de TCC correctement et sont allés jusqu’au bout de nateur. Les temps de réaction sont enregistrés à la milliseconde
l’étude. près.

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2.2.2. Tâche et procédure monde avec différents points de vue, ce qui peut les aider à trou-
La tâche des sujets est d’appuyer sur le bouton de droite ou de ver de nouvelles solutions à un problème. L’« architecte » les aide à
gauche aussi rapidement et précisément que possible selon la cou- apprendre comment planifier un projet avant qu’il soit réalisé. Le
leur d’un stimulus. Chaque essai commence avec l’apparition d’un « charpentier » représente le traitement séquentiel de l’information.
point de fixation central que les participants doivent fixer durant Enfin, le « contrôleur » représente l’inhibition.
tout l’essai. Après un délai de 400 ms, un cercle de couleur rouge
ou verte apparaît à gauche ou à droite du point de fixation. Les
2.3.5. Étape 5
adolescents doivent appuyer brièvement sur le bouton de gauche
La dernière étape de la séance a pour but de leur faire utiliser tout
ou de droite selon la couleur, rouge ou verte, du cercle. Après que
ce qu’ils ont expérimenté et appris dans le cadre de la réalisation
l’expérimentateur a vérifié que toutes les instructions sont bien
d’un projet collectif.
comprises, les sujets réalisent d’abord 24 essais correspondant à
12 essais congruents (CG) et 12 essais incongruents (IG) randomi-
sés, pour se familiariser avec la tâche et stabiliser leur performance. 2.4. Analyses de la performance
Ensuite, 4 blocs de 48 essais sont présentés. Dans chaque bloc, il y
a 24 stimuli rouges et 24 stimuli verts. Pour chaque couleur, il y Les TR aberrants, c’est-à-dire trop rapides (< 150 ms) ou trop
a 12 essais CG et 12 essais IG. L’association couleur-réponse est lents (> 2000 ms) ont été exclus des analyses (en moyenne, moins
contrebalancée entre les participants. Les blocs sont séparés par d’1 % des essais par participant). Les différentes variables analy-
une pause de 2 minutes. L’expérience entière dure environ 25 min. sées sont le TR moyen, le taux de précision, l’effet d’interférence
(TR moyen ou taux de précision dans IG–TR moyen ou taux de
2.3. Description du programme de TCC précision dans CG), l’indice d’activation de la réponse impulsive et
l’indice d’inhibition. Une analyse de variance incluant les facteurs
Le programme utilisé dans le service de psychiatrie juvéno- Test (pré-TCC versus post-TCC) et Type d’essai (CG versus IG) a été
infantile de l’Hôpital Salvator de Marseille a été adapté par l’équipe réalisée sur le TR et le taux de précision. Des tests t de Student ont
de pédopsychiatres et neuropsychologues du service d’après le pro- été réalisés sur les indices d’activation et d’inhibition des actions
gramme PiFAM [23]. Comme d’autres programmes de remédiation impulsives, calculés à partir des analyses de distribution des TR et
cognitive [18,21], l’objectif de ce programme est de développer de la précision (pour détails de la méthode voir [8,31]).
des compétences d’auto-régulation à la fois au niveau comporte-
mental et cognitif. Il vise à renforcer le contrôle de l’impulsivité, la 3. Résultats
résistance à la distraction, la flexibilité mentale, la mémorisation, la
planification, la gestion temporelle et le respect de soi et des autres. 3.1. Mesures globales de la performance
Le programme consiste en une série d’ateliers suivis en groupe
de 15 enfants maximum, à la fréquence d’un atelier de 90 minutes 3.1.1. TR moyen
par semaine pendant 12 semaines. Les séances sont organisées en Comme illustré par la Fig. 2a, les adolescents sont plus rapides
5 étapes. après la TCC (541 versus 617 ms ; F1,12 = 11,9 ; p = 0,005) et plus
rapides dans les essais CG (558 ms) qu’IG (600 ms) (F1,12 = 69,5 ;
2.3.1. Étape 1 p < 0,0001). L’effet d’interférence (la différence de TR entre les essais
Présentation de l’ordre du jour, des règles de fonctionnement de CG et IG) est plus petit après la TCC (24 ms) qu’avant (60 ms) (Inter-
l’atelier et de la mission proposée aux adolescents pour la séance. action Test × Type d’essai : F1,12 = 5,5 ; p = 0,03).
Cette mission ou défi vise à améliorer et consolider ce qui a été
appris et expérimenté durant l’atelier.
3.1.2. Taux de précision
Comme illustré par la Fig. 2b, la TCC n’a pas d’effet sur la préci-
2.3.2. Étape 2 sion des adolescents (96,6 % versus 97 %) (F1,12 = 0,5 ; p = 0,5) mais
Dans cette partie de l’atelier, les adolescents sont invités à comme attendu ils sont plus précis dans les essais CG (98 %) qu’IG
découvrir et comprendre le fonctionnement du cerveau et les diffi- (96 %) (F1,12 = 12,4 ; p = 0,004). L’effet d’interférence tend à être plus
cultés et problèmes associés au TDAH. Par exemple, ils sont amenés petit après la TCC (0,9 %) qu’avant (3,5 %) (Interaction Test × Type
à découvrir leur propre profil de TDAH (c’est-à-dire leur sous-type), d’essai : F1,12 = 4,4 ; p = 0,06).
leurs forces et leurs faiblesses, et à réaliser qu’ils ont le pouvoir de
changer certaines choses.
3.2. Analyse dynamique de la performance
2.3.3. Étape 3
3.2.1. Indice d’activation des réponses impulsives
Durant cette étape, on entraîne les capacités de visualisation des
La comparaison des taux de précision des premiers quantiles des
adolescents par l’élaboration de représentations imagées ou la créa-
essais IG montre que les adolescents font moins d’erreurs rapides
tion d’images mentales ainsi que leurs capacités de verbalisation
après la TCC (11,8 %) qu’avant (20,2 %) (t12 = 2,2 ; p = 0,04) (Fig. 3a).
par le développement de discours internes et externes.
Ceci suggère que la TCC diminue la force des réponses impulsives.

2.3.4. Étape 4
Cette partie est centrée sur la compréhension, l’exploration et 3.2.2. Indice d’inhibition des réponses impulsives
l’entraînement des fonctions exécutives présentées sous la forme Comme on peut l’observer sur la Fig. 3b, l’effet d’interférence
de personnages métaphoriques. Avec le « gestionnaire », les ado- diminue avec l’allongement des TR après la TCC alors que ce n’est
lescents apprennent à estimer le temps nécessaire pour accomplir pas le cas avant la TCC. La comparaison de la pente du dernier seg-
une tâche et à l’organiser avec leur propre planification. Avec le ment des deux courbes révèle une différence significative (t12 = 2,5 ;
« détective », ils développent leurs capacités attentionnelles, le sens p = 0,03). La courbe diminue nettement après la TCC et devient
de l’observation et la recherche d’indices. Avec le « libraire », ils même négative, ce qui n’est pas le cas avant la TCC (0,12 versus
améliorent les processus de classification et de mémorisation de −0,18) ; ceci suggère que le programme améliore l’inhibition des
l’information. L’« artiste » leur apprend à être créatifs et à voir le actions impulsives.

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Fig. 3. Analyses dynamiques de la performance. Indices mesurant l’activation (A)

et l’inhibition (B) de la réponse impulsive avant (pré-TCC) et après (post-TCC) la
Fig. 2. Performances globales. (A) Temps de réaction moyen et (B) taux de précision
TCC. L’indice d’activation (A) correspond à la valeur du premier point de la courbe
pour les essais congruents (CG) et incongruents (IG) avant (pré-TCC ; carrés blancs)
représentant la fonction de précision conditionnelle (taux de précision en fonction
et après (post-TCC ; carrés noirs) la thérapie cognitive comportementale. Les barres
des TR) dans les essais incongruents. L’indice d’inhibition (B) correspond à la pente
d’erreur représentent l’erreur standard moyenne.
du dernier segment de la courbe delta représentant l’effet d’interférence en fonction
des TR.

4. Discussion
montrent une réduction de l’effet d’interférence pour les TR les
Le but de cette expérience était de comprendre comment un plus longs après la TCC, ce qui suggère une suppression efficace
programme de TCC axé sur les fonctions attentionnelles et méta- de la réponse impulsive et donc une amélioration nette des per-
cognitives [23] pour lequel il est rapporté un effet positif sur le formances d’inhibition après 12 semaines de TCC. Ces données
comportement des adolescents avec un TDAH pouvait améliorer les confirment celles d’études précédentes ayant montré que l’on pou-
processus impliqués dans le contrôle de l’impulsivité. Les résultats vait améliorer les processus inhibiteurs par remédiation cognitive
obtenus mettent plusieurs points en évidence. [18,35,36]. L’analyse dynamique de la précision, quant à elle, révèle
Premièrement, les analyses des TR moyens et des taux de pré- une diminution du taux d’erreurs rapides après la TCC, suggérant
cision montrent que les adolescents améliorent leur performance que le programme réduit la force des actions impulsives. Autre-
après avoir suivi le programme pendant 12 semaines. En effet, ils ment dit, les adolescents seraient moins susceptibles de produire
sont plus rapides sans faire plus d’erreurs ce qui exclut une expli- des actions impulsives en réponse à des stimuli saillants bien que
cation en termes de changement de stratégie (par exemple, les non pertinents. Pour résumer, nos données montrent que la TCC
enfants auraient pu choisir de privilégier la vitesse par rapport à améliore le contrôle de l’impulsivité des adolescents avec un TDAH
la précision) et confirme bien une amélioration de la performance. à la fois en réduisant l’expression des actions impulsives et en amé-
Deuxièmement, l’effet d’interférence diminue après la TCC, ce qui liorant l’efficacité de leur inhibition. Il semble donc que 12 semaines
suggère une amélioration globale de leur contrôle de l’impulsivité. de TCC permettent aux adolescents de mieux contrôler leur impul-
En revanche, ces données seules ne permettent pas de savoir si cette sivité.
amélioration est due à une diminution de la force des actions impul- Ces résultats sont particulièrement intéressants si on les com-
sives et/ou à une meilleure capacité à les inhiber. Seuls les indices pare à ceux obtenus lorsque nous avons étudié les effets du
issus des analyses dynamiques de la performance permettent de méthylphénidate (MPH) sur le contrôle de l’impulsivité en utilisant
préciser la nature des processus améliorés par la TCC. le même cadre théorique et conceptuel [17]. En effet, nous avons
L’analyse dynamique de l’effet d’interférence montre que, avant alors observé que le MPH améliorait l’inhibition sélective de la
la TCC, celui-ci ne diminue pas même pour les TR les plus réponse impulsive mais sans réduire la force des actions impulsives.
lents, ce qui indique un déficit d’inhibition des actions impul- Or, dans la présente étude, nous observons que la TCC améliore
sives et confirme nos résultats précédents [17] et les données à la fois l’expression et la suppression des réponses impulsives.
de la littérature [32–34] suggérant que les adolescents avec un Ainsi, bien que des études rapportent que la médication stimulante
TDAH présentent un déficit d’inhibition. En revanche, les données reste la plus efficace [37], nos résultats semblent plaider en faveur

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d’une meilleure efficacité de la TCC, au moins en ce qui concerne le Juvéno-infantile de l’Hôpital Salvator à Marseille pour avoir permis
contrôle de l’impulsivité. la réalisation matérielle de ce travail.
Il est possible que le programme de TCC améliore ce contrôle
en agissant de façon directe sur les processus mis en jeu, notam-
ment l’inhibition, ou de façon indirecte en agissant sur d’autres Références
processus cognitifs plus généraux pouvant eux-mêmes influencer
[1] Polanczyk G, de Lima MS, Horta BL, et al. The Worldwide Prevalence of ADHD:
le contrôle de l’impulsivité, comme par exemple l’attention. En A Systematic Review and Metaregression Analysis. American Journal of Psy-
effet, ce programme de TCC a été construit de manière à favori- chiatry 2007;164(6):942–8.
ser la compréhension et l’entraînement des fonctions exécutives [2] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of men-
tal disorders. In: DSM IV-TR. Washington DC. Traduction française : manuel
incluant certes l’inhibition mais également d’autres fonctions cog- diagnostique et statistique des troubles mentaux. Paris: Masson; 2004.
nitives telles que l’attention dont on pense qu’elle pourrait agir sur [3] Becker SP, Luebbe AM, Langberg JM. Co-occurring mental health problems and
le contrôle de l’impulsivité [31]. Des études de remédiation cogni- peer functioning among youth with attention-deficit/hyperactivity disorder:
a review and recommandations for future research. Clinical Child and Family
tive s’intéressant aux processus inhibiteurs ont déjà suggéré que Psychology Review 2012;15(4):279–302.
ceux-ci pouvaient être améliorés lorsqu’ils était ciblés directement [4] DeYoung CG, Cicchetti D, Rogosch FA, et al. Sources of cognitive explo-
[38,39] ou indirectement, l’attention ou la mémoire à court terme ration: Genetic variation in the prefrontal dopamine system predicts
Openness/Intellect. Journal of Research in Personality 2011;45(4):364–71.
étant alors plus directement ciblée [25,40].
[5] Simon JR. Reactions toward the source of stimulation. Journal of Experimental
Il nous faut évidemment maintenant confirmer ces résultats, Psychology 1969;81(1):174–6.
notamment en augmentant le nombre de sujets ; la grande difficulté [6] Kornblum S. The way irrelevant dimensions are processed depends on what
they overlap with: The case of Stroop- and Simon-like stimuli. Psychological
dans ce genre d’expériences étant l’abandon des sujets en cours
Research 1994;56(3):130–5.
d’expérimentation. Il pourrait également être utile de rajouter un [7] Kornblum S, Hasbroucq T, Osman A. Dimensional overlap: Cognitive basis
groupe contrôle dans lequel les sujets réalisent la tâche de Simon for stimulus-response compatibility–A model and taxonomy. Psychological
à 3 mois d’intervalles afin d’écarter un éventuel effet test-retest, Review 1990;97(2):253–70.
[8] Ridderinkhof KR. Activation and suppression in conflict tasks: empirical cla-
bien que nous ayons déjà utilisé la tâche de Simon dans différentes rification through distributional analyses. In: Prinz W, Hommel B, editors.
études incluant plusieurs sessions et sans qu’une amélioration des Common Mechanisms in Perception and Action Attention & Performance.
processus impliqués dans le contrôle de l’impulsivité d’une session Oxford: Oxford University Press; 2002. p. 494–519.
[9] Ridderinkhof KR. Micro- and macro-adjustments of task set: activation
à l’autre soit reportée [41]. Nous souhaiterions également évaluer and suppression in conflict tasks. Psychological Research 2002;66(4):
les corrélations entre l’amélioration du contrôle de l’impulsivité 312–23.
et celui des différentes fonctions exécutives (inhibition, attention, [10] van den Wildenberg WPM, Wylie SA, Forstmann BU, et al. To Head or to Heed?
Beyond the Surface of Selective Action Inhibition: A Review. Frontiers in Human
planification, notamment). Enfin, il serait opportun de réaliser de Neuroscience 2010:4.
nouveaux tests un mois et trois mois après l’arrêt de la TCC pour [11] Burle B, van den Wildenberg WPM, Ridderinkhof KR. Dynamics of facilitation
évaluer de potentiels effets à long terme car ceux-ci ne s’avèrent pas and interference in cue-priming and Simon tasks. European Journal of Cognitive
Psychology 2005;17(5):619–41.
toujours efficaces, comme l’a montré une étude récente évaluant les
[12] Wijnen JG, Ridderinkhof KR. Response inhibition in motor and oculomotor
effets du programme de remédiation Cogmed [42]. conflict tasks: Different mechanisms, different dynamics? Brain and Cognition
2007;63(3):260–70.
[13] Fluchère F, Deveaux M, Burle B, et al. Dopa therapy and action impulsivity:
5. Conclusion subthreshold error activation and suppression in Parkinson’s disease. Psycho-
pharmacology 2015;232(10):1735–46.
[14] van Wouwe NC, Kanoff KE, Claassen DO, et al. Dissociable Effects of
La méthodologie utilisée dans cette étude a permis une analyse Dopamine on the Initial Capture and the Reactive Inhibition of Impulsive
fine des processus impactés par une TCC suivie par des adolescents Actions in Parkinson’s Disease. Journal of Cognitive Neuroscience 2016;28(5):
710–23.
pendant trois mois. Les résultats ont montré que l’amélioration du [15] Wylie SA, van den Wildenberg WPM, Ridderinkhof KR, et al. Differential suscep-
contrôle de l’impulsivité observée était due à la fois à une diminu- tibility to motor impulsivity among functional subtypes of Parkinson’s disease,
tion de la propension à déclencher des actions impulsives et à une Journal of Neurology. Neurosurgery & Psychiatry 2012;83(12):1149–54.
[16] Wylie SA, Claassen D, Kanoff K, et al. Impaired inhibition of prepotent motor
augmentation de l’efficacité des processus inhibiteurs. Par consé-
actions in patients with Tourette syndrome. Journal of Psychiatry & Neuros-
quent, un tel programme pourrait être une alternative pertinente cience 2013;38(5):349–56.
à la médication stimulante, en particulier quand les parents sont [17] Grandjean A, Suarez I, DaFonseca D, et al. Dissociable effects of ADHD and
Methylphenidate treatment on the capture and the inhibition of impulsive
réticents face à la médication ou quand leurs enfants présentent
actions [Internet]. PsyArXiv 2020 [Disponible sur: https://osf.io/s8nqt].
des effets secondaires trop importants. A minima, elle pourrait être [18] Deforge H. Prise en charge des troubles attentionnels et exécutifs chez
utilisée en association avec la médication puisqu’il semble que les l’enfant. La remédiation cognitive : pratiques et perspectives. Développements
effets des traitements soient meilleurs quand la TCC est combinée 2011;2:5–20.
[19] Giroux S, Guay M-C. La remédiation cognitive et la remédiation métacognitive
à la prise de stimulants [37]. Cette association pourrait être une pour les personnes ayant un TDAH : deux stratégies d’intervention novatrices
façon de réduire le dosage et la durée du traitement pharmaco- et pourquoi pas complémentaires? Journal de Thérapie Comportementale et
logique [18,43,44]. Il est à noter cependant que les symptômes et Cognitive 2010;20(3):87–92.
[20] Marquet-Doléac J, Bange F, Franc N, et al. L’enfant agité et distrait : données
les performances cognitives d’enfants avec un TDAH ne sont pas actuelles sur le TDA/H. Les entretiens de Bichat 2017:1–7.
toujours améliorés par les programmes de remédiation lorsque les [21] Rigard C, Peyroux E, Morel A, et al. Remédiation cognitive en psychiatrie
enfants sont sous médication [29,45]. de l’enfant. Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant
2016:1–8.
[22] Parent V, Guay M-C. Données actuelles sur l’intervention auprès d’enfants pré-
sentant un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité [Current
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Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. [23] Lussier F, Giraudet Lelong F, CENOP CRAN. PIFAM : Programme d’intervention
sur les fonctions attentionnelles et métacognitives. Montréal: France: IRP;
2013.
[24] Gagné PP, Longpré L-P. Apprendre. avec Réflecto. Module 3. Chene-
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attention training for school-aged children with ADHD. Developmental cogni-
Nous souhaitons remercier les enfants ayant participé à
tive neuroscience 2013;4:16–28.
cette étude ainsi que leurs parents. Nous remercions également [26] Caron A. Programme Attentix : gérer, structurer et soutenir l’attention en classe.
l’Université d’Aix-Marseille, le CNRS et le Service de Psychiatrie Chenelière Education; 2001.

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