HIST 324 - La Politique Etrangere Du Cameroun
HIST 324 - La Politique Etrangere Du Cameroun
HIST 324 - La Politique Etrangere Du Cameroun
Introduction
La notion de politique étrangère semble difficile à définir, compte tenu de son
caractère ambivalent et enchevêtré. Le terme est employé à toutes les sauces par les dirigeants
politiques, les experts qui étudient leurs comportements, et par le public en général qui juge
les premiers en écoutant les seconds. En dépit de leurs perspectives relativement
différenciées, toutes les tentatives de clarification du concept de politique étrangère
s’accordent sur l’idée suivant laquelle la politique étrangère est une activité internationale des
Etats. Ainsi, le politologue français, Marcel Merle, dans son ouvrage intitulé La politique
étrangère, nous propose une définition plus précise permettant de faire abstraction de toutes
les autres.
Selon Marcel Merle « La politique étrangère est … la partie de l’activité étatique qui
est tournée vers le dehors, c’est-à-dire qui traite, par opposition à la politique intérieure, des
problèmes qui se posent au-delà des frontières ». Le concept de « politique », premier terme
de la notion de politique étrangère, renvoie aux actions, aux objectifs et aux décisions des
autorités politiques. C’est dire que, d’après le droit international public, la pratique de la
politique étrangère relève uniquement des gouvernements (et uniquement de ceux qui ont le
mandat de mener une politique étrangère). Une telle précision permet d’écarter, de la
conception à l’implémentation de la politique étrangère, les acteurs non étatiques. Cela ne
veut pas dire que le rôle de ces acteurs non étatiques sur la scène politique internationale est
marginal, qu’ils n’ont aucune incidence significative sur la ligne de conduite des
gouvernements à l’étranger.
L’exclusivité de la pratique du droit de la politique étrangère aux seuls Etats
souverains a deux implications sur le statut du Cameroun sur la scène internationale. La
première implication fait référence à l’objectivation du Cameroun, à travers trois indicateurs
d’analyse : la traite négrière, la colonisation (conférence de Berlin) et le processus biaisé de la
décolonisation. La deuxième implication renvoie à l’accession à l’indépendance (souveraineté
nationale et internationale) du Cameroun. Celle-ci lui confère le statut d’acteur des relations
internationales. A ce titre, le Cameroun peut se doter d’une politique étrangère en fonction de
ses intérêts, de son (ou ses) idéologie (s), de ses préoccupations de politique intérieure, de sa
taille et de ses traditions historiques.
En mobilisant les canons méthodologiques et analytiques propres aux sciences
historiques, ce cours se propose de décrypter les modalités d’usage par l’Etat camerounais de
ses compétences externes ainsi que ses finalités. Une lecture critique du cadre principiel de la
politique étrangère du jeune Etat camerounais nous servira d’indicateur d’analyse, notamment
dans ses relations avec la France et la Grande-Bretagne. Mais avant d’y parvenir, il
conviendrait de ressasser quelques éléments doctrinaux de la politique étrangère.
Plan du cours
Première partie : Eléments doctrinaux de la politique étrangère
Deuxième partie : Déconstruction de la lecture du monopole français et britannique sur la
politique étrangère du Cameroun (1960-1990)
****************
Pour atteindre ces trois objectifs, il faut : le pouvoir, la capacité, l’influence. Cela signifie que,
un Etat qui veut atteindre un objectif dans le concert des nations, doit pouvoir avoir du
pouvoir, être capable d’exercer une certaine influence. Le pouvoir, c’est l’avantage
comparatif qu’a un Etat sur l’autre dans un domaine précis. Cela veut dire que le pouvoir, en
politique étrangère, n’est pas absolu ; il est relatif. L’influence c’est la capacité que vous avez
à prendre telle ou telle décision. Ces trois objectifs de la politique étrangère se résument en un
seul concept : l’intérêt national.
B) Les instruments nécessaires à l’atteinte des objectifs d’un Etat sur la scène
internationale
La politique étrangère se fait à travers un certain nombre d’instruments : l’instrument
politique, l’instrument économique, l’instrument militaire et l’instrument diplomatique.
1) L’instrument politique
En politique étrangère, le principal instrument politique est la propagande. Elle consiste pour
un Etat (A) à chercher à passer par l’opinion publique d’un Etat (B) pour que celui-ci (l’Etat
B) adopte les positions qui lui soient favorables.
2) L’instrument économique
Il regorge deux éléments : l’aide et les sanctions. L’aide correspond à deux types de figures :
on aide par nécessité ; on aide aussi pour créer la dépendance, donc pour contrôler.
Pour ce qui est des sanctions économiques, on peut noter : l’embargo, le boycott, la
manipulation de la parité financière, les listes noires (certains produits sont interdits), la
manipulation des avoirs extérieurs, les expropriations, la nationalisation, etc.
3) L’instrument militaire
Il comporte deux catégories : les actions clandestines (opérations menées de façon secrète) et
les interventions militaires officielles. Le militaire est un instrument dont l’action est
d’atteindre les visées politiques.
4) L’instrument diplomatique
Il cherche à résoudre tous les problèmes par la négociation. On a, par exemple, la diplomatie
préventive comme moyen d’empêcher l’éclatement d’un conflit.
Le lien de dépendance généralement évoqué dans l’analyse des relations du Cameroun avec
ses anciennes puissances tutélaires est bien réel. Toutefois, en matière de politique étrangère,
ces relations sont marquées, depuis 1960, par l’expression d’une quête permanente de
l’autonomisation du processus décisionnel de l’Etat camerounais. Ainsi observe-t-on que, sur
des questions de politique internationale qui engagent l’intérêt national, le gouvernement
camerounais a souvent eu une attitude qui contrarie les vues de la France et de la Grande-
Bretagne. Par contre, quand l’intérêt national n’est pas menacé, ce même gouvernement peut
alors s’aligner sur les positions de Paris et de Londres. Cette deuxième option donne lieu à
une surévaluation analytique du monopole franco-britannique dans le processus décisionnel
du Cameroun et sous-estime sa capacité à agir sur la scène internationale en dehors du joug
néocolonial. Cette deuxième partie de notre enseignement montre qu’il est possible de
déconstruire l’influence franco-britannique sur le Cameroun en sacralisant l’intérêt national.
Cet extrait sur l’état des relations camerouno-britanniques montre à quel point la
libération totale de l’Afrique du colonialisme et de l’apartheid, constituait un axe important de
la politique étrangère du Cameroun de 1960 à 1990. C’est précisément sur cette question que
le Cameroun s’opposa diamétralement aux vues britanniques. En effet, la complicité de la
Grande-Bretagne avec le Portugal et les minorités racistes blanches d’Afrique australe fonda
l’irritation du Cameroun envers son ancienne puissance tutélaire. Cette complicité fut
régulièrement dénoncée par les autorités camerounaises qui, par voie de communiqués
officiels ou d’interventions au sein des organisations internationales, tenaient la Grande-
Bretagne pour responsable de ce qui arrivait aux populations noires de la Rhodésie du Sud.
Critiquant l’attitude de Londres après la proclamation unilatérale de l’indépendance de la
Rhodésie du Sud, en 1965 par la minorité blanche, le gouvernement camerounais publia un
communiqué officiel indiquant que « rien ne saurait diminuer la responsabilité de la Grande-
Bretagne en cette affaire ». Il est donc clair que, malgré le facteur historique que constitue le
Cameroun occidental, et qui aurait pu renforcer les relations entre les deux pays, l’attitude
néfaste de Londres dans la lutte de libération totale de l’Afrique ne pouvait que les opposer.
Conclusion
L’étude de la politique étrangère du Cameroun, dans ses relations avec ses anciennes
puissances tutélaires (France et Grande-Bretagne), met en exergue l’influence de ces
dernières sur le jeune Etat camerounais. C’est pour cette raison que bon nombre d’analystes
n’hésitent pas à affirmer que les prises de position du Cameroun sur la scène internationale,
tout au moins durant les deux premières décennies de son indépendance, sont décidées depuis
Paris ou Londres. Cette approche du comportement du jeune Etat camerounais sur la scène
internationale, non moins pertinente, a souvent la faiblesse d’occulter des situations où le
Cameroun s’est affirmé à l’international en opposition aux lignes directrices tracées par ses
anciennes tutelles. Pourtant, la réalité des relations camerouno-françaises et camerouno-
britanniques présente de nombreux moments d’émancipation de l’Etat camerounais dans le
champ des relations internationales. On peut également observer sa distanciation progressive
et raisonnée de la tutelle de ses anciens « maîtres ».
Bibliographie indicative