Shalom Schwartz
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Shalom H. SCHWARTZ
RÉSUMÉ
Le concept de valeur en sciences sociales a souffert d’une absence de consensus, que ce
soit sur la définition des valeurs, sur leur contenu ou sur la structure des relations qu’elles
entretiennent les unes avec les autres ; il a également souffert de l’absence de méthodes
fiables permettant de mesurer les valeurs. Pour valider une théorie destinée à combler, du
moins partiellement, cette lacune, cet article présente des données provenant de plus de
soixante-dix pays et utilisant deux instruments de mesure différents. On traite ici des valeurs
de base que les individus reconnaissent comme telles dans toutes les cultures. La théorie dis-
tingue dix valeurs de base différentes et décrit la dynamique des oppositions et des compati-
bilités entre elles. Cette dynamique détermine une structure des relations entre valeurs,
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structure commune à des groupes appartenant à des cultures différentes, ce qui conduit à
penser qu’il existerait une organisation universelle des motivations humaines. Les individus,
comme les groupes, se distinguent par les priorités qu’ils donnent à ces valeurs. On examine
ici d’où proviennent les différences de priorité que les individus accordent aux valeurs, et les
conséquences en termes d’attitudes et de comportements qui découlent de ces différences de
priorités. On traite ainsi des processus qui influent sur les valeurs, et de ceux par lesquels
elles influent sur l’action.
Les valeurs sont un concept central des sciences sociales depuis leur
origine. Pour Durkheim (1893, 1897) comme pour Weber ([1905] 1958), les
valeurs sont fondamentales pour expliquer l’organisation et le changement, au
niveau de la société comme à celui des individus. Les valeurs ont joué un rôle
important non seulement en sociologie, mais aussi en psychologie, en anthro-
pologie et dans l’ensemble des disciplines connexes. On les utilise pour carac-
tériser les individus ou les sociétés, pour suivre le changement au cours du
temps, et pour expliquer les motivations de base qui sous-tendent attitudes et
comportements.
Malgré, ou peut-être à cause de ce très large usage des valeurs, beaucoup
de conceptions différentes de cet objet de recherche ont émergé (par exemple
celles de Boudon, 2001 ; Inglehart, 1997 ; Kohn, 1969 ; Parsons, 1951 ;
Rokeach, 1973). Quoiqu’il en soit, l’utilisation des valeurs en sciences
sociales a souffert de l’absence de consensus concernant la conception des
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« hiérarchies » ou « priorités » de valeurs.
Cet article présente une théorie des valeurs de base de la personne et décrit
deux instruments différents qui permettent de mesurer les valeurs qu’elle
définit. Les données recueillies avec ces instruments dans plus de soixante-
dix pays ont permis de valider à la fois la nature des valeurs proposées et la
structure postulée par la théorie. J’examinerai également certaines sources des
variations observées dans l’importance accordée aux différentes valeurs, et
certaines conséquences en termes d’attitudes et de comportements qui décou-
lent de l’importance que l’on accorde à telle ou telle valeur. Ce faisant, je
décrirai les processus qui influent sur les valeurs, et ceux par lesquels les
valeurs influent sur l’action.
Quand nous pensons à nos valeurs, nous pensons à ce qui nous semble
important dans la vie. Chacun de nous accorde des degrés d’importance
divers à de nombreuses valeurs (par exemple la réussite, la sécurité, la bien-
veillance). Une valeur particulière peut être très importante pour une personne
et sans importance pour une autre. La théorie des valeurs (Schwartz, 1992,
930
Shalom H. Schwartz
2005a) adopte une conception des valeurs qui leur attribue six caractéristiques
principales, implicites dans les écrits de nombreux auteurs (1) :
1) Les valeurs sont des croyances associées de manière indissociable aux
affects. Quand les valeurs sont « activées », elles se combinent aux senti-
ments. Les personnes pour qui l’indépendance est une valeur importante sont
en état d’alerte si leur indépendance est menacée, désespérées quand elles ne
parviennent pas à la préserver, et heureuses quand elles peuvent l’exercer.
2) Les valeurs ont trait à des objectifs désirables qui motivent l’action.
Les personnes pour qui l’ordre social, la justice et la bienfaisance sont des
valeurs importantes sont motivées pour poursuivre ces objectifs.
3) Les valeurs transcendent les actions et les situations spécifiques.
L’obéissance et l’honnêteté, par exemple, sont des valeurs qui peuvent être
pertinentes au travail ou à l’école, dans la pratique d’un sport, dans les
affaires, en politique, au sein de la famille, avec les amis ou les étrangers.
Cette caractéristique permet de distinguer les valeurs de concepts plus
restreints comme les normes ou les attitudes, qui on trait généralement à des
actions, des objets ou des situations particulières.
4) Les valeurs servent d’étalon ou de critères. Les valeurs guident la
sélection ou l’évaluation des actions, des politiques, des personnes et des
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événements. On décide de ce qui est bon ou mauvais, justifié ou illégitime, de
ce qui vaut la peine d’être fait ou de ce qui doit être évité en fonction des
conséquences possibles pour les valeurs que l’on affectionne. Mais l’impact
des valeurs sur les décisions de tous les jours est rarement conscient. Les
valeurs deviennent conscientes quand les actions ou les jugements que l’on
envisage conduisent à des conflits entre différentes valeurs que l’on
affectionne.
5) Les valeurs sont classées par ordre d’importance les unes par rapport
aux autres. Les valeurs d’une personne peuvent être classées par ordre de
priorité, et cette hiérarchie est caractéristique de cette personne. Accorde-
t-elle plus d’importance à la réussite ou à la justice, à la nouveauté ou à la
tradition ? Le fait que les valeurs soient hiérarchisées chez un individu permet
aussi de les distinguer des normes et des attitudes.
6) L’importance relative de multiples valeurs guide l’action. Toute
attitude, tout comportement, implique nécessairement plus d’une valeur. Par
exemple, aller à la messe peut exprimer et promouvoir des valeurs comme la
tradition, la conformité et la sécurité, au détriment des valeurs d’hédonisme
ou de stimulation. L’arbitrage entre des valeurs pertinentes et rivales est ce
qui guide les attitudes et les comportements (Schwartz, 1992, 1996). Les
valeurs contribuent à l’action dans la mesure où elles sont pertinentes dans le
contexte (donc susceptibles d’être activées) et importantes pour celui qui agit.
(1) Voir Allport (1961) ; Feather (1995) ; (1951) ; Morris (1956) ; Rokeach (1973) ;
Inglehart (1997) ; Kohn (1969) ; Kluckhohn Schwartz et Bilsky (1987).
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global qu’elle exprime, préciser de quelle(s) nécessité(s) universelle(s) elle
découle, et recenser les valeurs qui s’y réfèrent. Pour rendre la signification
de chaque valeur plus concrète et explicite, je ferai figurer entre parenthèses
la liste des items qui se trouvent dans le premier questionnaire utilisé pour
mesurer les valeurs (Schwartz Value Survey [SVS], voir infra) et qui corres-
pondent à cette valeur de base. Certains items utilisés pour approcher des
valeurs importantes (par exemple l’amour-propre) ont des significations
multiples : ils correspondent à plusieurs valeurs de base. Ces items figureront
alors entre crochets.
Autonomie. Objectif : indépendance de la pensée et de l’action – choisir,
créer, explorer. L’autonomie comme valeur est ancrée dans les besoins vitaux
de contrôle et de maîtrise (voir, par exemple, Bandura, 1977 ; Deci, 1975) et
les exigences d’interactions nécessaires à l’autonomie et à l’indépendance
(voir, par exemple, Kluckhohn, 1951 ; Kohn et Schooler, 1983 ; Morris,
1956). (Les items utilisés pour approcher cette valeur de base sont : créativité,
liberté, choisissant ses propres buts, curieux, indépendant ainsi que [amour-
propre, intelligent, droit à une vie privée]).
Stimulation. Objectif : enthousiasme, nouveauté et défis à relever dans la
vie. Les valeurs de stimulation découlent du besoin vital de variété et de
stimulation ; elles permettent de maintenir un niveau d’activité optimal et
positif tout en écartant la menace qu’amènerait un niveau trop élevé de stimu-
lation (voir, par exemple, Berlyne, 1960). Ce besoin vital est probablement en
relation avec ceux qui sous-tendent les valeurs d’autonomie (voir Deci,
1975). (Items associés : une vie variée, une vie passionnante, intrépide).
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(Parsons, 1951). Une dimension domination/soumission apparaît dans la
plupart des analyses empiriques des relations interpersonnelles, que ce soit à
l’intérieur d’une même culture ou entre les cultures (Lonner, 1980). Pour
justifier cet aspect de la vie sociale et pour faire en sorte que les membres du
groupe l’acceptent, le pouvoir doit être traité comme une valeur. Les valeurs
de pouvoir peuvent aussi découler des aspirations individuelles au contrôle et
à la domination (Korman, 1974). Le pouvoir est également mentionné par les
auteurs qui ont étudié les valeurs (par exemple Allport, 1961). (Items asso-
ciés : autorité, richesse, pouvoir social ainsi que [préservant mon image
publique, reconnaissance sociale]).
Le pouvoir et la réussite sont deux valeurs qui visent la reconnaissance
sociale. Cependant, les valeurs de réussite (par exemple, ambitieux) mettent
l’accent sur la démonstration d’une compétence effective lors d’une inter-
action concrète, tandis que les valeurs de pouvoir (par exemple autorité,
richesse) concernent plutôt le fait d’atteindre ou de conserver une position
dominante à l’intérieur d’un système social plus global.
Sécurité. Objectif : sûreté, harmonie et stabilité de la société, des relations
entre groupes et entre individus, et de soi-même. Les valeurs de sécurité
(2) Bien qu’il s’agisse d’une valeur impor- (3) Les valeurs de réussite se distinguent de la
tante, le bonheur n’y figure pas, parce que motivation « accomplissement » de McClelland
chacun y parvient par des voies différentes, et (1961). Sa conception de l’accomplissement traite
en a une définition différente : le bonheur des critères d’excellence que l’on se définit soi-
découlera du fait qu’une personne aura atteint même, et qui sont une des composantes de la
une valeur importante pour elle, et ceci quelle valeur de base « autonomie ».
que soit cette valeur (Sagiv et Schwartz, 2000).
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responsable]).
Tradition. Objectif : respect, engagement et acceptation des coutumes et
des idées soutenues par la culture ou la religion auxquelles on se rattache.
Partout, les groupes développent des pratiques, des symboles, des idées et des
croyances qui représentent leur expérience et leur destin commun et devien-
nent ainsi les coutumes et les traditions du groupe, qui leur accorde beaucoup
de valeur (Sumner, 1906). Ces coutumes et traditions deviennent l’expression
de la solidarité du groupe, expriment sa valeur singulière et contribuent à sa
survie (Durkheim, 1912 ; Parsons, 1951). Elles prennent souvent la forme de
rites religieux, de croyances, et de normes de comportement. (Items associés :
respect de la tradition, humble, religieux, acceptant ma part dans la vie ainsi
que [modéré, vie spirituelle]).
Les valeurs de tradition et de conformité sont particulièrement proches en
termes de motivation ; toutes deux ont pour objectif la subordination du sujet
aux attentes imposées par les autres. Cependant la nature de cette subordina-
tion diffère d’un type à l’autre : la conformité subordonne le sujet aux
personnes avec lesquelles il est fréquemment en interaction – parents, profes-
seurs, patrons ; la tradition subordonne le sujet à des objets plus abstraits –
coutumes, idées religieuses ou spécifiques d’une culture. Corollairement, les
valeurs de conformité amènent à répondre à des attentes présentes, qui
peuvent varier. Les valeurs de tradition, elles, exigent que l’on se conforme à
des attentes immuables, qui proviennent du passé.
(4) Cet adjectif renvoie à la notion de propreté. Le libellé complet de l’item « propre » est
propre (net, soigné) [NdT].
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à l’endogroupe pour les valeurs de bienveillance. Les valeurs d’universalisme
proviennent du besoin de survie des individus et des groupes. Mais ce besoin
n’est pas identifié tant que l’individu n’a pas été en contact avec d’autres
groupes que celui de ses proches, et tant qu’il n’a pas pris conscience du
caractère limité des ressources naturelles. L’individu peut alors réaliser que le
fait de ne pas accepter que les autres soient différents et de ne pas les traiter
de manière juste va provoquer un conflit mortellement dangereux. Il peut
aussi réaliser que le fait de ne pas protéger l’environnement va conduire à la
destruction des ressources dont la vie dépend. Les valeurs d’universalisme
peuvent être divisées en deux sous-catégories, celles qui concernent les êtres
humains (y compris les plus éloignés) et celles qui concernent la nature.
(Items associés : large d’esprit, justice sociale, égalité, un monde en paix, un
monde de beauté, unité avec la nature, sagesse, protégeant l’environnement
ainsi que [harmonie intérieure, une vie spirituelle]).
Une version antérieure de la théorie des valeurs (Schwartz, 1992) émettait
l’hypothèse d’une onzième valeur de base quasi universelle : la spiritualité.
L’objectif des valeurs de spiritualité est le sens, la cohérence et l’harmonie
intérieures, obtenus en transcendant la réalité quotidienne. Si la question du
sens ultime est un besoin humain de base (voir, par exemple, Niebuhr, 1935),
alors la spiritualité doit être une valeur de base que l’on doit retrouver dans
toutes les sociétés. Des items permettant d’approcher la spiritualité, recueillis
dans des travaux très variés, ont donc été intégrés à l’enquête sur les valeurs.
Les voici : une vie spirituelle, sens de la vie, harmonie intérieure, détache-
ment ainsi que [unité avec la nature, acceptant ma part dans la vie, religieux].
Comme on le verra plus loin, les données empiriques montrent que la spiritua-
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lité n’est pas une valeur dont la signification est comprise de façon similaire
dans toutes les cultures.
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tradition). En revanche, les valeurs de tradition sont compatibles avec les
valeurs de conformité. Toutes deux impliquent que l’on réponde à des attentes
extérieures.
Une action visant telle ou telle valeur a des conséquences pratiques,
psychologiques et sociales. Du point de vue pratique, choisir d’effectuer une
action particulière conforme à une valeur (par exemple se droguer dans le
cadre d’un rituel païen – visant la stimulation) peut clairement transgresser les
prescriptions d’une autre valeur (suivre les préceptes de la religion –
conforme à la tradition). Du point de vue psychologique, au moment de
choisir une action, la personne peut se rendre compte que les deux actions
qu’elle envisage sont psychologiquement dissonantes. Et du point de vue
social, les autres peuvent la sanctionner en mettant en lumière la contradiction
pratique et logique entre l’action choisie et les valeurs contraires que la
personne professe. Bien sûr, les individus peuvent avoir (et ont) des valeurs
antagonistes, mais ils ne cherchent pas à les atteindre ensemble dans un seul
et même acte. Ils poursuivent plutôt des valeurs antagonistes dans des actes
différents, à des moments différents et dans des contextes différents.
La structure circulaire de la Figure I (Annexe) décrit l’ensemble des rela-
tions d’antagonisme et de compatibilité entre valeurs. La tradition et la
conformité sont situées dans la même région parce que, comme nous l’avons
noté plus haut, elles partagent le même grand type d’objectif motivationnel.
La conformité est située plus vers le centre de la figure, et la tradition plus
vers la périphérie. Ceci signifie que les valeurs de tradition sont plus forte-
ment opposées aux valeurs qui leur sont antagonistes. Les attentes liées aux
valeurs de tradition sont plus abstraites et plus absolues que celles qui sont
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explique la structure circulaire. Pour rendre plus claire la nature de ce conti-
nuum, je vais préciser les motivations communes à deux valeurs adjacentes :
a) La motivation commune au pouvoir et à la réussite est la recherche de
reconnaissance sociale ;
b) La motivation partagée par la réussite et l’hédonisme est de mettre en
avant la satisfaction personnelle ;
c) Le point commun entre l’hédonisme et la stimulation est que ces deux
valeurs amènent à rechercher des sensations excitantes et des émotions
agréables ;
d) La motivation conjointe de la stimulation et de l’autonomie est l’intérêt
intrinsèque pour la nouveauté et pour la maîtrise ;
e) La motivation que partagent l’autonomie et l’universalisme est le fait de
se fier à son jugement personnel et d’être à l’aise avec la diversité ;
f) L’universalisme et la bienveillance accordent tous deux la priorité aux
autres et relèvent tous deux du dépassement des intérêts égoïstes ;
g) La motivation commune à la bienveillance et à la tradition est l’impor-
tance accordée au dévouement envers le groupe d’appartenance (l’endo-
groupe) ;
(5) Il s’agit de poursuivre ses propres (6) Il s’agit ici de dépasser ses propres
intérêts sans tenir compte de ceux des autres, intérêts et de faire passer les intérêts des autres
y compris si c’est à leur détriment [NdT]. avant les siens propres [NdT].
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des conséquences importantes sur les liens qu’elles entretiennent avec
d’autres variables. Cela implique que les relations des dix valeurs de base
avec n’importe quelle autre variable suivent un schéma intégré ; je dévelop-
perai ce point plus loin.
L’inventaire de Schwartz
(7) Ceci reprenait l’idée de Rokeach (1973) nente (Schwartz, 1992). Un item du SVS en
selon laquelle les valeurs fonctionnent diffé- 56 items a été abandonné, et deux nouveaux ont
remment si elles constituent une fin ou un été ajoutés à la version en 57 items révisée en
moyen. Les résultats de ma recherche laissent 1994.
penser que cette distinction n’est pas très perti-
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varie de trois (hédonisme) à huit (universalisme), ce qui reflète la largeur du
champ conceptuel associé à chaque valeur de base. Seuls les items dont on a
pu démontrer la quasi-équivalence en termes de signification d’une culture à
l’autre, grâce à des analyses utilisant l’échelonnement multidimensionnel
(Smallest Space Analysis [SSA] ; Schwartz, 1992, 1994, 2005a) et l’analyse
factorielle confirmatoire (Confirmatory Factoriel Analaysis [CFA] ; Schwartz
et Boehnke, 2004) sont conservés pour le calcul de la moyenne. Sur 212
échantillons (échantillons nationaux représentatifs, échantillons de profes-
seurs, échantillons d’étudiants) la valeur moyenne des alphas de Cronbach
pour les dix valeurs est de 0,68 (ils varient de 0,61 pour la tradition à 0,75
pour l’universalisme) (Schwartz, 2005b).
(8) Schwartz (1994) explique pour quelle raison il est préférable de donner une note à chaque
item plutôt que de demander à la personne interrogée de les classer.
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attention sur les aspects de l’autre qui sont effectivement décrits dans le
portrait. Dans ce cas, on aura donc tendance à se centrer, au moment d’effec-
tuer la comparaison, sur les éléments du portrait qui font référence implicite-
ment aux valeurs.
Les portraits décrivent chaque personne selon ce qui est important pour
elle. De ce fait, ils permettent d’approcher les valeurs sans identifier claire-
ment celles-ci comme étant le sujet de l’investigation. Le PVQ traite de
ressemblance avec une personne qui a des objectifs et des aspirations (autre-
ment dit des valeurs) particuliers, plutôt que de ressemblance avec une
personne qui aurait une personnalité particulière. Le même terme peut faire
référence aussi bien à une valeur qu’à un trait de personnalité (par exemple
l’ambition, la sagesse, l’obéissance). Cependant, les personnes qui valorisent
un objectif n’ont pas nécessairement le trait de personnalité correspondant.
Par exemple, on peut valoriser la créativité en tant que principe directeur dans
la vie et ne pas être créatif. Inversement, il peut arriver que des personnes qui
sont créatives n’accordent pas une grande importance à la créativité en tant
que valeur qui puisse les guider.
Le nombre de portraits pour chaque valeur va de trois (stimulation, hédo-
nisme et pouvoir) à six (universalisme), ce qui témoigne de la largeur du
champ conceptuel associé à chaque valeur de base. La note qui détermine
l’importance d’une valeur de base est obtenue en faisant la moyenne des notes
(9) Brocke et Bilsky (2005) et Oishi, paire, fondés sur le SVS pour mesurer les dix
Schimmack, Diener et Suh (1998) ont ensuite valeurs de base.
développé des instruments de comparaison par
940
Shalom H. Schwartz
mises à chacun des portraits que l’on a défini a priori comme correspondant à
cette valeur. Les techniques d’échelonnement multidimensionnel (Smallest
Space Analysis [SSA]) montrent que tous ces portraits ont des significations
quasi équivalentes dans les différentes cultures. Sur la base de quatorze
échantillons, venant de sept pays différents, la consistance de chacune des
valeurs de base, mesurée par l’alpha de Cronbach, varie de 0,47 pour le type
tradition à 0,80 pour le type réussite, la valeur moyenne des alphas étant de
0,68 (Schwartz, 2005b).
Les concepteurs de l’Enquête sociale européenne (European Social Survey
[ESS] : www.europeansocialsurvey.org) ont choisi la théorie décrite ici et le
PVQ comme base pour mettre au point une échelle des valeurs humaines à
inclure dans l’enquête. La version utilisée dans l’ESS comprend vingt-et-un
items, pour la plupart tirés du PVQ, quelques-uns ayant été légèrement modi-
fiés pour améliorer l’outil. Avec ce questionnaire, posé à vingt échantillons
nationaux représentatifs, l’alpha de Cronbach, qui permet d’évaluer la consis-
tance de chacune des échelles, est en moyenne de 0,56 (il varie entre 0,36
pour le type tradition et 0,70 pour le type réussite). Ces chiffres reflètent le
fait que les différentes valeurs ne sont approchées qu’au travers de deux items
(trois pour le type universalisme). Contraints de travailler avec très peu
d’items, nous avons sélectionné des items permettant de couvrir au maximum
le champ conceptuel varié de chaque valeur plutôt que d’augmenter la consis-
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tance interne de chaque mesure. Comme on le verra plus tard, bien que les
niveaux des alphas soient assez bas, ces valeurs sont de bons prédicteurs des
comportements et des attitudes.
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Pour valider la théorie, j’utilise les données obtenues avec le SVS et avec la
version du PVQ intégrée dans l’enquête ESS. Les données obtenues avec le
SVS ont été recueillies entre 1988 et 2002 dans 233 échantillons de 68 pays
appartenant à tous les continents (au total 64 271 personnes). Ces échantillons
sont extrêmement variés en termes de localisation géographique, de culture,
de langue, de religion, d’âge, de sexe et de profession. Il s’agit soit d’échan-
tillons représentatifs d’un pays ou d’une région d’un pays (16), soit d’échan-
tillons d’enseignants du premier et du second degré (74), soit d’échantillons
d’étudiants du premier cycle de différentes disciplines (111), d’adolescents
(10), ou encore de divers échantillons d’adultes (22).
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Pour chacun de ces échantillons, j’ai calculé la matrice des corrélations de
Pearson des 56 ou 57 valeurs. J’ai ensuite effectué sur cette matrice une
analyse des plus petits espaces (Similarity Structure Analysis [SSA] ; Borg et
Shye, 1995 ; Guttman, 1968). Cette technique d’échelonnement multidimen-
sionnel non métrique représente les items comme des points dans un espace
multidimensionnel, de telle sorte que les distances entre ces points rendent
compte des interrelations entre items. Plus deux items sont similaires en
termes conceptuels, plus ils doivent être liés d’un point de vue empirique et
donc plus ils doivent être proches dans l’espace multidimensionnel. La SSA
fournit des représentations graphiques à deux dimensions des relations entre
les valeurs semblables à la Figure II (Annexe), mais sans lignes de séparation.
On trace ces lignes de séparation en s’aidant de la répartition a priori des
items dans les valeurs de base.
Si c’est bien le contenu motivationnel des valeurs qui est le principe le plus
puissant qui structure la hiérarchie des valeurs des individus, les relations
entre items dans un espace à deux dimensions devraient refléter ce contenu.
Plus particulièrement, il devrait être possible de diviser l’espace en régions
distinctes qui contiendraient les items représentant chacune des dix valeurs de
base. Si la théorie décrit de manière pertinente la structure des relations entre
les valeurs, alors ces régions distinctes devraient s’agencer selon une struc-
ture circulaire similaire à la structure théorique représentée par la Figure I.
Les valeurs formant un continuum, l’emplacement exact des frontières est
arbitraire. Des items appartenant à deux valeurs adjacentes qui seraient tous
deux proches de la frontière entre ces deux valeurs de base seraient nécessai-
rement proches en termes de signification. De ce fait, il arrive souvent, quand
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Shalom H. Schwartz
on analyse un échantillon de réponses, que l’on accepte que les items corres-
pondant à deux valeurs adjacentes soient mélangés plutôt que totalement
séparés dans deux régions distinctes. On trouvera les règles pour effectuer
cette partition dans Schwartz (1992, 2005a).
La Figure II présente les résultats d’une SSA menée sur l’ensemble de
l’échantillon multinational pour les 57 items correspondant aux 10 valeurs de
base. Les items « repères » sont représentés en gras. La position des items sur
la carte est conforme à nos hypothèses sur le contenu de chaque grande valeur
de base ainsi que sur la structure circulaire des relations entre valeurs.
Lorsque l’on conduit le même genre d’analyse sur les échantillons un par un,
on observe généralement de légères variations par rapport à cette configura-
tion, par exemple des interversions d’items appartenant à deux valeurs adja-
centes, ou des localisations différentes de tel ou tel item dans une région
voisine. Lorsque l’on effectue ce type d’analyse sur chacun des 233 échantil-
lons, cependant, on constate que, pour 96 % d’entre eux, chaque valeur de
base constitue soit une région à part, soit forme une région commune avec
une valeur de base adjacente. Les items constituant le type spiritualité ne
forment une région distincte que dans 38 % des cas. Le plus souvent, les
items appartenant au type spiritualité apparaissent dans les régions correspon-
dant aux valeurs tradition, bienveillance, universalisme ou sécurité.
Ces données montrent que, dans la plupart des cultures, on peut distinguer
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les dix valeurs de base, et que les types de valeurs plus larges constitués par le
regroupement de valeurs adjacentes peuvent, eux, être distingués de manière
presque universelle. L’étude des données tirées de l’ESS, utilisant le PVQ en
21 portraits, donne les mêmes résultats. Une SSA sur les réponses des 35 161
personnes appartenant à vingt pays interrogées dans le cadre de cette enquête
permet d’établir une représentation graphique de ces items que l’on peut
diviser en dix régions distinctes, regroupant chacune les items affectés a
priori à chacune des valeurs de base. De plus, l’ordre dans lequel apparaissent
les régions correspondant à chaque valeur de base est conforme à la structure
circulaire annoncée par la théorie. Si l’on conduit des analyses séparées pour
chacun des vingt pays concernés, on trouve des structures très semblables à
celles de la Figure II. Dans quinze pays, les dix valeurs de base forment dix
régions distinctes. Dans les cinq pays restants, huit valeurs de base forment
des régions distinctes, et les items de deux valeurs de base adjacentes sont
mélangés.
La SSA donne donc des résultats graphiques qui confirment la validité de la
théorie à travers différentes cultures, et ceci en mesurant les valeurs avec
deux méthodes bien différentes. Des analyses factorielles confirmatoires
permettent de tester la validité de la théorie d’un point de vue statistique,
aussi bien en ce qui concerne l’agrégation des items en valeurs de base qu’en
ce qui concerne leur structure. Schwartz et Boehnke (2004) ont montré l’inva-
riance d’une configuration à dix facteurs latents correspondant aux dix
valeurs de base dans vingt-trois pays, en utilisant le SVS. Davidov, Schmidt et
Schwartz (2005) ont dû regrouper des variables proches du point de vue de la
motivation pour constituer sept facteurs latents invariants en termes de confi-
943
Revue française de sociologie
guration et de métrique dans les vingt pays de l’ESS. On peut supposer qu’il a
été nécessaire d’opérer un tel regroupement en sept facteurs parce que l’outil
utilisé dans l’ESS en 21 items mesurait chaque valeur avec très peu d’items.
Une autre question qui se pose est celle de savoir si les dix valeurs de base
identifiées par la théorie sont exhaustives. Y a-t-il ne serait-ce qu’une valeur
de base, à laquelle les personnes accordent au moins une importance modérée
dans les différentes sociétés, qui serait oubliée par la théorie ? Il est difficile
de rejeter définitivement la possibilité que certaines valeurs universelles
manquent. Mais d’après nos résultats, cela est peu probable. Dans de
nombreux pays, des chercheurs associés à cette recherche ont ajouté des items
dont ils pensaient qu’ils manquaient dans le SVS. Quand on les inclut dans la
SSA, ces items se retrouvent de façon caractéristique dans des régions qui
correspondent à leur signification (par exemple l’identité nationale dans la
sécurité, la chasteté dans la conformité). On n’a donc pas identifié de
nouvelles valeurs potentiellement universelles.
Si de grands types de valeurs manquaient, on devrait trouver des régions
vides sur les cartes de SSA. Pour tester le fait que les analyses étaient assez
précises pour que l’on puisse identifier de possibles valeurs de base
manquantes, j’ai réalisé des SSA sur les données du SVS après avoir volontai-
rement retiré certaines valeurs. C’est seulement après avoir retiré tous les
items correspondant à deux valeurs adjacentes qu’une région vide apparais-
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sait. Le fait que l’on ne trouve pas de région vide dans les cartes SSA
complètes montre qu’aucun grand groupe de valeurs ne manque. Il est
possible que les développements futurs de la théorie amènent à intégrer des
valeurs additionnelles spécifiques, de faible largeur conceptuelle. Il est
probable, cependant, que les valeurs de la théorie couvrent l’ensemble des
valeurs quasi universelles dont le champ conceptuel est large (10).
(10) Wach et Hammer (2003) ont ajouté au expriment l’objectif. Les seconds ont formé une
PVQ deux séries d’items afin de mesurer la région entre pouvoir et sécurité. Toutefois, ces
« vérité rationnelle » et la « vérité non ration- items sont plutôt formulés comme des
nelle » lors d’une enquête portant sur un échan- croyances que comme des valeurs.
tillon représentatif de la population française. (11) Schwartz et Bardi (2001) ont procédé à
Les premiers items sont apparus dans la région un examen détaillé de cette question, dont nous
de la valeur de base autonomie, dont elles donnons ici un résumé.
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Shalom H. Schwartz
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société dans son ensemble. Il y a peu de chances pour que des valeurs
contraires à la nature humaine aient un rôle important.
La fonction sociale de base des valeurs est d’inspirer et de maintenir sous
contrôle les comportements des membres du groupe (Parsons, 1951). Deux
mécanismes sont cruciaux. Tout d’abord, les valeurs constituent des modèles
que les individus ont intériorisés ; ils évitent ainsi au groupe de devoir exercer
sur eux un contrôle social en permanence. Ensuite, les individus invoquent
telle ou telle valeur pour prouver que tel ou tel comportement est approprié,
pour justifier leurs exigences vis-à-vis des autres, et pour susciter les compor-
tements désirables. Consciemment ou non, les agents de socialisation cher-
chent à inculquer des valeurs qui permettent la survie du groupe et la
prospérité. Pour expliquer le fait que la hiérarchie des valeurs soit similaire
dans de nombreuses cultures, on doit expliquer pourquoi, quelle que soit la
société, certaines valeurs particulières sont perçues comme plus ou moins
désirables (12).
Trois exigences de la nature humaine indispensables au fonctionnement
social permettent d’expliquer cette régularité dans la hiérarchie des valeurs
que l’on peut observer empiriquement. 1) La plus importante est la nécessité
de mettre en œuvre et de préserver la coopération et le soutien entre les
(12) Ceci ne veut pas dire que cette bilité sociale n’est pas corrélée de manière
hiérarchie pan-culturelle reflète les tendances consistante avec l’importance que les individus
individuelles à répondre de manière socia- donnent aux valeurs haut placées dans la
lement désirable aux enquêtes sur les valeurs. hiérarchie pan-culturelle (Schwartz et al.,
La variable de personnalité mesurant la désira- 1997).
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Revue française de sociologie
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groupe doivent entrer en relation avec d’autres auxquels ils ne s’identifient
pas facilement, à l’école, au travail, etc. L’universalisme peut aller jusqu’à
mettre en péril la solidarité interne au groupe en cas de conflit avec un autre
groupe. C’est la raison pour laquelle l’universalisme arrive derrière la bien-
veillance.
La sécurité (4e) et la conformité (5e) débouchent toutes deux sur
l’harmonie des relations sociales. En effet, elles contribuent à ce que les
conflits soient évités, et à ce que les normes du groupe ne soient pas trans-
gressées. Mais ces valeurs sont généralement acquises en réponse à des
exigences et à des sanctions destinées à éviter les risques, à contrôler
certaines pulsions et à imposer des limites aux individus. Ceci réduit leur
importance, parce que cela entre en conflit avec la satisfaction des besoins et
des désirs individuels. De plus, le fait que ces valeurs soient destinées à main-
tenir le statu quo entre en conflit avec l’innovation nécessaire à la recherche
de solutions nouvelles pour mener à bien les tâches du groupe.
Promouvoir la tradition (généralement en 8e position) peut aussi améliorer
la solidarité au sein du groupe et de ce fait faciliter le fonctionnement et la
survie du groupe. Mais la tradition s’exprime rarement dans des comporte-
ments d’importance cruciale pour les différents acteurs en présence. Elle
concerne bien plus souvent l’engagement vis-à-vis de croyances abstraites ou
de symboles.
Rechercher le pouvoir (10e) peut faire du tort aux autres, les exploiter et
détériorer les relations sociales. Le pouvoir a tout de même de l’importance
en tant que valeur parce qu’il peut donner aux individus la motivation
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Shalom H. Schwartz
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nécessairement l’harmonie des relations sociales positives (13).
Après avoir montré que la structure des relations entre valeurs pouvait être
universelle, nous examinons maintenant plus précisément quels en sont les
fondements. Jusqu’à présent, nous avons identifié un premier principe dyna-
mique qui organise leur structure : il s’agit des relations de compatibilité et
d’antagonisme entre valeurs qui interviennent simultanément dans les déci-
sions. Un examen attentif de la structure suggère l’existence d’autres prin-
cipes dynamiques (voir Figure III, Annexe) (14).
Un second principe réside dans le type d’intérêt qui motive les différentes
valeurs. Les valeurs qui figurent en haut de la Figure III (pouvoir, réussite,
hédonisme, stimulation, autonomie) traitent principalement de la façon dont
on exprime les intérêts individuels. Les valeurs qui figurent en bas (bienveil-
lance, universalisme, tradition, conformité, sécurité) traitent principalement
du type de relations sociales que l’on entretient avec les autres et de la façon
(13) Schwartz et Bardi (2001) invoquent ces (14) La théorie des valeurs donne l’ordre
mêmes principes pour expliquer l’important des dix valeurs de base. Les Figures I, II et III
écart que l’on constate entre les échantillons correspondent au même ordre, mais avec un
d’Afrique subsaharienne et cette hiérarchie pan- sens de rotation différent. Ceci ne change pas la
culturelle, les valeurs de conformité étant extrê- signification de la structure.
mement importantes dans ces échantillons.
947
Revue française de sociologie
dont on influe sur leur réussite dans la poursuite de leurs intérêts. La Figure I
montre que l’universalisme et la sécurité se situent au contact de ces deux
groupes de valeurs. Elles traitent en premier des intérêts des autres, mais les
objectifs qu’elles permettent d’atteindre concernent également les intérêts
personnels.
Les rapports entre les valeurs et l’anxiété sont un troisième principe orga-
nisateur de la structure des valeurs. Les valeurs qui figurent sur la gauche de
la Figure III permettent de gérer l’anxiété générée par l’incertitude qui existe
dans le monde de la nature et dans la société. On cherche à éviter le conflit
(conformité), à maintenir l’ordre existant (tradition, sécurité) ou à juguler les
menaces (pouvoir). Les valeurs qui figurent sur la droite (hédonisme, stimula-
tion, autonomie, universalisme, bienveillance) expriment des motivations
d’où l’anxiété est absente. La réussite peut figurer dans ces deux catégories :
on peut contrôler son anxiété en réussissant socialement, on peut aussi
confirmer par cette réussite son sentiment de compétence.
Cette lecture de la structure des valeurs en termes d’anxiété fait écho aux
deux formes fondamentales d’autorégulation que Higgins (1997) a proposées.
La première gouverne le fait d’éviter les sanctions et de faire en sorte, de
façon plus générale, d’éviter les pertes. Les besoins de sécurité, les obliga-
tions, ainsi que la menace de possibles pertes activent ce système. Les valeurs
qui figurent sur la gauche de la Figure III, et plus spécifiquement la sécurité et
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la conformité, mettent en œuvre cette forme de régulation. Elles concentrent
l’attention et l’action sur le fait d’éviter ou de surmonter les dangers, réels ou
potentiels. La seconde gouverne la recherche de récompenses et, de façon
plus générale, incite les individus à rechercher des gains. Les besoins de
s’occuper des autres, les idéaux, les aspirations intellectuelles et les possibi-
lités de gain activent ce système. Les valeurs qui figurent sur la droite de la
Figure III, et plus particulièrement l’autonomie, mettent en œuvre cette forme
d’autorégulation. Elles concentrent l’attention et l’action sur les possibilités
intrinsèques de « récompenses » sociales, intellectuelles ou émotionnelles.
La structure des relations entre les dix valeurs peut également avoir des
fondements biologiques et génétiques. Les dix valeurs concordent avec les
quatre pulsions innées proposées par Lawrence et Nohria (2002). Vraisembla-
blement, ces pulsions, au cours de l’évolution, se sont dégagées comme un
ensemble de règles pour la décision, et elles sont au cœur de la nature
humaine. Ces quatre pulsions sont :
1) Acquérir – rechercher, prendre, contrôler et conserver les ressources
matérielles, les signes de statut social, et les expériences gratifiantes ;
2) Relier – nouer des relations sociales et développer l’engagement mutuel
dans des relations d’entraide ;
3) Apprendre – savoir, comprendre, croire, apprécier et appréhender son
environnement et soi-même, en exerçant sa curiosité ;
4) Défendre – se défendre soi-même et défendre les réalisations que l’on
valorise chaque fois que l’on a l’impression qu’elles sont menacées.
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Shalom H. Schwartz
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Cette correspondance entre valeurs et pulsions laisse penser qu’un fondement
inné peut aider à expliquer la quasi-universalité de la structure des valeurs.
949
Revue française de sociologie
peuvent pas atteindre (Schwartz et Bardi, 1997). Ainsi, les personnes dont le
travail rend possible la liberté de choix se mettent à accorder plus d’impor-
tance à l’autonomie au détriment de la conformité (Kohn et Schooler, 1983).
La propension à donner plus d’importance aux valeurs accessibles et moins
aux valeurs inaccessibles s’observe pour la plupart des valeurs, mais pas pour
toutes. On observe le contraire pour les valeurs qui concernent le bien-être
matériel et la sécurité. Quand ces valeurs sont inaccessibles, leur importance
augmente, quand on peut les atteindre facilement, elle diminue. De ce fait, les
personnes qui souffrent de difficultés économiques et de perturbations
sociales accordent plus d’importance au pouvoir et à la sécurité que celles qui
vivent dans un confort et une sûreté relatifs (Inglehart, 1997).
L’âge, le niveau d’éducation, le sexe, le revenu et les autres caractéristi-
ques sociodémographiques ont un impact sur les relations que l’on noue, sur
les expériences d’apprentissage, sur les rôles sociaux que l’on tient, sur les
aspirations que l’on a, sur les sanctions que l’on rencontre, et sur les capacités
que l’on développe. De ce fait, les différences entre caractéristiques socio-
démographiques déterminent largement les différences dans les circonstances
de la vie des uns et des autres, ce qui, ensuite, a un impact sur leur hiérarchie
de valeurs. On étudie ici dans quelle mesure les variables sociodémographi-
ques les plus importantes sont des déterminants majeurs des différences dans
la hiérarchie des valeurs des individus.
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Âge et cycle de vie
En vieillissant, les gens ont tendance à être plus impliqués dans des réseaux
sociaux, plus engagés dans la reproduction de schémas comportementaux
(habitudes), et moins exposés à des changements stimulants ou à des défis
passionnants (Glen, 1974). Ceci implique que les valeurs de continuité (tradi-
tion, conformité, sécurité) devraient prendre de l’importance et que les valeurs
d’ouverture au changement (autonomie, stimulation, hédonisme) devraient en
perdre. À partir du moment où les individus fondent une famille, procréent, et
disposent d’une position sociale stable, ils ont tendance à être moins préoc-
cupés par leurs propres efforts et plus par le bien-être des autres (Veroff,
Reuman et Feld, 1984). Ceci implique que les valeurs de dépassement de soi
(bienveillance, universalisme) devraient augmenter avec l’âge et que les valeurs
d’affirmation de soi (pouvoir, réussite) devraient décroître (15).
La première colonne du Tableau I (Annexe) présente les corrélations entre
l’âge et les valeurs dans les 20 pays qui ont participé à l’ESS. Le nombre de
pays dans lesquels les corrélations sont dans le même sens que celle observée
sur l’échantillon global apparaît entre parenthèses. Toutes les corrélations
observées confirment les hypothèses sur le sens des corrélations ce qui étaye
les hypothèses faites sur les processus probablement en œuvre. Toutes les
associations sont monotones.
950
Shalom H. Schwartz
Sexe
Différentes théories traitant des différences entre sexes amènent les cher-
cheurs à supposer que les hommes mettent en avant des valeurs instrumen-
tales concernant l’« agir » comme le pouvoir et la réussite tandis que les
femmes défendent des valeurs d’expression et de communauté comme la
bienveillance et l’universalisme (Schwartz et Rubel, 2005). La plupart des
théoriciens pensent que ces différences sont faibles. La colonne 2 du
Tableau I confirme ces hypothèses, aussi bien sur le sens que sur la force des
relations entre valeurs et sexe dans l’enquête ESS. On trouve le même type de
résultat lorsque l’on analyse les données recueillies dans 68 pays avec le SVS
ou avec le PVQ. Les différences entre sexes sont statistiquement significa-
tives et de faible importance pour huit valeurs ; on n’observe pas de diffé-
rences pour la conformité et pour la tradition. On peut l’expliquer aussi bien
par la théorie de l’évolution que par la théorie des rôles sociaux, en montrant
comment l’adaptation aux circonstances de la vie préhistorique et de la vie
actuelle a pu les produire (Schwartz et Rubel, 2005).
Niveau d’éducation
On peut supposer que le fait de bénéficier d’une éducation donne une plus
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grande ouverture d’esprit, une flexibilité et une largeur de vue essentielles
aux valeurs d’autonomie (Kohn et Schooler, 1983). Cela permet aussi d’être
plus ouvert aux idées ou aux activités qui sortent de l’ordinaire, ce qui est
essentiel pour les valeurs de stimulation. En revanche, cela remet en cause
l’acceptation aveugle des normes, des attentes et des traditions, ce qui devrait
affaiblir la conformité et la tradition. L’éducation, du fait qu’elle permet
également de mieux faire face aux difficultés de la vie, peut réduire l’impor-
tance des valeurs de sécurité. La colonne 3 du Tableau I montre que l’on
observe en effet des corrélations positives entre le niveau d’instruction
(exprimé en nombre d’années d’études) et l’autonomie et la stimulation, et
des corrélations négatives avec la conformité, la tradition et la sécurité.
De plus, on observe des corrélations positives entre niveau d’instruction et
réussite. L’habitude de noter et de comparer les performances à l’école, en
mettant l’accent sur le fait de se conformer à des normes imposées par
d’autres, pourrait expliquer cela. Les relations entre le niveau d’éducation et
les valeurs sont généralement linéaires, à l’exception des valeurs qui relèvent
de l’universalisme. L’importance de l’universalisme ne commence à
augmenter que dans les dernières années de l’enseignement secondaire. Elle
est encore plus grande parmi ceux qui entrent à l’université. Ceci peut refléter
aussi bien l’élargissement des horizons qu’apporte l’enseignement universi-
taire qu’une tendance pour ceux qui accordent une importance très grande à
l’universalisme à souhaiter une éducation supérieure.
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Revue française de sociologie
Revenu
La plupart des recherches portant sur les causes ou les conséquences des
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valeurs ont traité des relations empiriques que l’on observait entre quelques
valeurs « cibles » et une variable sociodémographique particulière, une atti-
tude ou un comportement (par exemple les liens entre classe sociale et obéis-
sance – Alwin [1984] – ou ceux entre égalité et droits civiques – Rokeach
[1973]). La théorie des valeurs permet de prendre en compte le fait que le
système de valeurs des individus a une structure cohérente. Cela permet de
faire le lien entre l’ensemble des valeurs et d’autres variables d’une façon
organisée et intégrée.
L’idée-force est la structure circulaire des valeurs. Elle a deux implications
pour les relations avec les valeurs : 1) deux valeurs adjacentes dans la struc-
ture devraient avoir des relations similaires avec les autres variables ; 2) les
liens entre valeurs et autres variables devraient décroître de façon monotone
dans les deux directions, si l’on suit le cercle des valeurs, en partant de la
valeur la plus proche jusqu’à la plus opposée. Autrement dit, les corrélations
observées entre une variable et les valeurs ont une forme que l’on peut
prédire. Si une variable sociodémographique, un trait, une attitude ou un
comportement a la plus forte corrélation positive avec une valeur et la plus
forte corrélation négative avec une autre, on peut déduire de la simple struc-
ture circulaire la forme des corrélations entre cette variable et toutes les autres
valeurs.
Le Tableau II (Annexe) illustre cela. Les variables y figurent dans l’ordre
qu’elles occupent le long du cercle des valeurs (voir Figure I). Les corréla-
tions qui figurent dans le Tableau II ont généralement les deux caractéristi-
ques prédites. Les valeurs adjacentes présentent des liaisons très similaires
avec les variables sociodémographiques, et les liaisons entre valeurs de base
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Shalom H. Schwartz
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La hiérarchie des valeurs des individus influence-t-elle leur comportement
de manière systématique et prévisible ? J’examinerai tout d’abord les
processus par lesquels les valeurs peuvent influer sur le comportement. Je
donnerai ensuite des exemples d’études ayant pour objet les relations entre
valeurs et comportement.
Les valeurs n’ont un effet sur le comportement que lorsqu’elles sont acti-
vées (Verplanken et Holland, 2002). L’activation peut ou non impliquer que
l’on pense consciemment à cette valeur. Une part importante du traitement de
l’information se fait sans que l’on en soit conscient. Plus une valeur est acces-
sible, c’est-à-dire plus elle peut facilement venir à l’esprit, plus il est probable
qu’elle soit activée. Parce que les valeurs les plus importantes sont les plus
accessibles (Bardi, 2000), leurs liens avec le comportement sont plus forts.
(16) Par exemple, Sagiv et Schwartz (1995) Israël modifie les liens entre hiérarchie des
montrent comment l’aspect très particulier des valeurs et acceptation des contacts avec les
relations entre juifs, musulmans et chrétiens en exogroupes.
953
Revue française de sociologie
Les situations qui ont un sens au regard de certaines valeurs les activent.
Par exemple, une offre d’emploi peut activer la réussite, un accident de
voiture peut activer la sécurité. Même le hasard peut augmenter la probabilité
d’activation d’une valeur : ainsi, par exemple, si l’on rencontre des mots asso-
ciés à une valeur dans une grille de mots-croisés, cela augmente les chances
que cette valeur soit activée. S’il s’agit d’une valeur très prioritaire, cela peut
induire un comportement. Si l’on se concentre sur soi-même, cela peut égale-
ment augmenter les relations entre valeurs et comportement, parce que cela
active les valeurs qui sont centrales dans l’image de soi, les valeurs de grande
importance. Verplanken et Holland (2002) l’ont montré dans le cadre d’expé-
riences où ils ont fait varier l’accessibilité des valeurs dans un cas et le
centrage sur soi dans l’autre. Ces expériences d’activation sont particulière-
ment importantes parce qu’elles montrent que l’activation des valeurs induit
le comportement. Les études portant sur les relations entre valeurs et compor-
tements dont nous ferons état plus loin ne peuvent pas démontrer l’existence
d’un tel lien de causalité. Bien que le raisonnement soit causal, ces études ne
mettent en évidence que des corrélations.
Les valeurs des individus, comme leurs besoins, induisent les valences
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d’actions possibles (Feather, 1995). En d’autres termes, les actions devien-
nent plus attirantes, elles ont une plus grande valeur subjective si elles
promeuvent l’accomplissement d’objectifs eux-mêmes valorisés. Les
personnes qui valorisent la stimulation seront probablement attirées par une
offre d’emploi qui comporte des défis et amène à prendre des risques, tandis
que celles qui valorisent la sécurité peuvent trouver la même offre d’emploi
sinistre et repoussante. Les valeurs les plus importantes sont fondamentales
pour l’image de soi. Si l’on sent qu’il y a une opportunité d’atteindre ces
valeurs, on met en place une réponse automatique, positive et affective aux
actions qui vont dans ce sens. Si l’on sent que l’atteinte de ces valeurs est
menacée, on réagit négativement sur le plan affectif.
Les valeurs peuvent influencer l’attrait d’une action même si l’on n’en
pèse pas consciemment les conséquences. Nous nous rendons rarement
compte de l’influence de nos valeurs lorsque nous choisissons ce que nous
allons regarder à la télévision, par exemple. La pensée consciente peut, par la
suite, modifier l’attrait de telle ou telle action en nous faisant prendre en
compte leurs multiples conséquences (par exemple celles pour la famille d’un
changement de travail). Les valeurs de base ont également une influence sur
l’action à travers les attitudes spécifiques qu’elles sous-tendent. Même quand
ils sont poussés par une valeur, les individus ont peu de chance d’agir s’ils ne
croient pas qu’ils ont la capacité de mener à bien cette action et qu’elle a des
chances de produire le résultat escompté (Feather, 1995).
954
Shalom H. Schwartz
Les valeurs les plus importantes sont des objectifs permanents qui amènent
les personnes à rechercher, dans une situation, les aspects touchant à ces
valeurs, et à s’en occuper (Schwartz, Sagiv et Boehnke, 2000). Une femme
peut s’intéresser aux possibilités d’autonomie d’une offre d’emploi, une autre
aux contraintes que cet emploi fera peser sur sa vie sociale. Chacune perçoit
la situation selon ses propres valeurs. Chaque type d’interprétation laisse
penser que telle ou telle stratégie est désirable. Le système des valeurs a
également une influence sur le poids que l’on donne à tel ou tel problème
ayant trait aux valeurs. Même si chacune des deux femmes détecte les mêmes
opportunités et les mêmes contraintes en termes de valeurs, l’importance
qu’elles leur donneront dépendra de leur hiérarchie des valeurs.
Plus les objectifs sont importants, plus grande est la motivation à les
programmer avec soin (Gollwitzer, 1996). Plus une valeur est élevée dans la
hiérarchie des valeurs d’une personne, plus cette personne concevra des
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projets qui conduiront à l’exprimer dans son comportement. Faire des projets
incite les gens à se centrer sur les aspects positifs des actions qu’ils envisa-
gent plutôt que sur leurs aspects négatifs. Cela renforce leur croyance dans
leur capacité à atteindre les objectifs qu’ils valorisent et augmente leur capa-
cité à persister s’ils rencontrent des obstacles ou s’ils sont distraits dans leur
effort. La hiérarchie des valeurs d’un individu, du fait qu’elle amène les gens
à programmer des actions liées aux valeurs les plus importantes pour lui,
favorise du même coup les comportements qui sont en accord avec ces
valeurs.
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1996) illustre l’idée fondamentale selon laquelle, au moment de choisir un
comportement, des arbitrages entre valeurs rivales s’opèrent. Typiquement,
les conséquences d’un comportement permettent d’exprimer ou d’atteindre un
groupe de valeurs au détriment des valeurs figurant de l’autre côté du cercle.
Pour prédire un comportement, il faut prendre en compte les valeurs qui
seront malmenées par ce comportement aussi bien que les valeurs que ce
comportement promouvra. La probabilité que l’on adopte un comportement
dépend des priorités relatives accordées par l’individu aux valeurs rivales
pertinentes.
Les participants qui avaient rempli le SVS étaient appariés avec un autre
étudiant pour jouer à un jeu. Ils devaient choisir parmi trois possibilités et
partager une somme d’argent entre eux-mêmes et un membre de leur groupe
dont on ne connaissait pas l’identité. Chacun devait recevoir la somme
d’argent qu’il s’était attribuée plus la somme que son partenaire lui avait
attribuée. Le choix coopératif consistait à prendre l’équivalent de 1 euro pour
soi-même et de donner 80 centimes à l’autre. Comparé aux autres choix, cela
représentait un petit sacrifice sur ses propres gains (20 centimes) et un don
maximal à l’autre. Les deux autres choix n’étaient coopératifs ni l’un ni
l’autre, ils maximisaient soit le gain absolu (individualisme) soit le gain
relatif (compétition).
L’analyse des conséquences du comportement de coopération et de non-
coopération en fonction des objectifs des dix valeurs de base a suggéré que la
bienveillance et le pouvoir, opposés sur le cercle, étaient les valeurs les plus
pertinentes. Dans ce cas, la coopération était plus une question de décence
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qui s’y opposent (le pouvoir) soient faibles.
Le vote
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Comme nous l’avions supposé, la corrélation avec l’universalisme est la
plus négative, et la corrélation avec la bienveillance est également négative.
Les corrélations positives avec sécurité, pouvoir et réussite sont également
significatives. La Figure IV représente la forme des corrélations, qui corres-
pond à la courbe sinusoïdale attendue et reflète le continuum des valeurs en
termes de motivations. Pour mettre en perspective la force de ces corrélations,
on peut noter que les corrélations observées entre les variables sociodémogra-
phiques (revenu, profession, niveau d’éducation, sexe, statut matrimonial et
âge) et le vote étaient toutes inférieures à 0,08. De plus, les valeurs expliquent
presque trois fois plus la variance du vote que n’a pu le faire le questionnaire
de personnalité connu sous le nom de « Big Five » (Caprara et al., 2006).
Pour illustrer les effets des valeurs de base sur le comportement, étudions un
dernier exemple : le cas de l’activisme politique. Les données sont tirées des
réponses des 1 244 personnes représentatives de la population française ayant
participé à l’enquête ESS de 2003. Le PVQ en 21 items a été utilisé pour
mesurer les valeurs. L’activisme politique a été mesuré par le nombre d’actions
légales, politiquement pertinentes, choisies dans une liste qui en comportait
neuf, et que les personnes interrogées disaient avoir effectuées au cours de la
dernière année (par exemple contacter un homme politique, participer à une
manifestation, boycotter un produit). Étant donné que l’universalisme promeut
la justice sociale et la préservation de l’environnement – objectifs de nombreux
activistes – on devrait observer les plus fortes corrélations positives entre cette
valeur et l’activisme. Du fait que l’activisme comporte des risques et est orienté
vers le changement, on devrait observer les plus fortes corrélations négatives
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centre ici sur l’échantillon des 1 125 Français nés en France (18).
S’opposer aux immigrés « différents » dans le contexte français actuel
traduit probablement un désir de préserver le statu quo – améliorer la sécurité
personnelle et la sécurité au sein de la société, préserver les traditions laïques
et catholiques françaises, et maintenir des normes largement répandues. Ceux
pour qui la sécurité, la tradition et la conformité sont particulièrement impor-
tantes devraient s’opposer plus fortement à l’immigration. Inversement, ceux
qui valorisent l’ouverture au changement devraient se sentir moins menacés
et pourraient y voir un enrichissement de leur société. De ce fait, les
personnes pour qui l’autonomie, la stimulation et l’hédonisme sont particuliè-
rement importants devraient s’opposer moins à l’immigration. De plus, ceux
qui chérissent l’universalisme, avec son objectif d’acceptation, d’appréciation
et de souci du bien-être de tous, y compris de ceux qui sont différents,
devraient être ceux qui s’opposent le moins à l’immigration.
La forme des corrélations observées confirme totalement ces hypothèses.
Les corrélations positives les plus fortes sont observées entre sécurité et oppo-
sition à l’immigration (+ 0,39) tandis que les corrélations les plus négatives
sont observées entre universalisme et opposition à l’immigration (– 0,28). Les
(17) Schwartz (2007) analyse les diffé- (18) Schwartz (2007) analyse les diffé-
rences individuelles ainsi que les différences rences entre les individus et aussi entre les pays
entre pays en ce qui concerne l’activisme en ce qui concerne l’opposition à l’immigration
politique dans les 20 pays dans lesquels dans 15 pays d’Europe de l’Ouest.
l’enquête ESS a eu lieu.
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*
* *
Cette théorie des valeurs a identifié dix valeurs de base, distinctes en
termes de motivations, et reconnues implicitement dans presque toutes les
cultures. La validité de cette théorie ne dépend pas de la manière dont nous
mesurons les valeurs. Les dix valeurs apparaissent aussi bien lorsque les
personnes interrogées répondent à des questions portant explicitement sur
leurs valeurs (SVS) que lorsque nous déduisons leurs valeurs indirectement
des jugements qu’elles portent sur le fait que telle ou telle autre personne leur
ressemble (PVQ). La théorie des valeurs s’applique à des populations ayant
reçu une éducation de type occidental, mais aussi à des populations ayant reçu
peu ou pas d’éducation. Nous ne savons pas encore si cette théorie s’applique
à des tribus plus isolées, ayant été très peu exposées à l’urbanisation, aux
médias et à l’économie de marché.
L’émergence de la même structure circulaire représentant les relations
entre valeurs quels que soient les pays et les outils de mesure est particulière-
ment frappante. Partout, les gens font l’expérience du conflit entre la pour-
suite de valeurs d’ouverture au changement et de continuité. Ils font aussi
l’expérience du conflit entre le dépassement de soi et l’affirmation de soi. Les
oppositions entre valeurs spécifiques (par exemple pouvoir contre universa-
lisme, tradition contre hédonisme) sont également quasi universelles. J’ai
décrit quelques processus dynamiques qui peuvent expliquer cette structure
circulaire que nous observons. Ces processus peuvent constituer des jalons
pour une théorie unifiée des motivations humaines.
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simple présentant les effets séparés et linéaires de quelques variables socio-
démographiques. Dans les recherches ultérieures, il faudra également se
préoccuper des possibles interactions entre ces variables.
Les valeurs ont une influence sur la plupart, sinon tous les comportements
motivés. La théorie des valeurs procure un cadre permettant de relier le
système des dix valeurs de base au comportement qui enrichit l’analyse, la
prédiction et l’explication des relations entre valeurs et comportement. Elle
montre clairement qu’un comportement entraîne un arbitrage entre des
valeurs concurrentes. Presque n’importe quel comportement a des implica-
tions positives pour exprimer, défendre ou atteindre certaines valeurs, et des
implications négatives pour les valeurs situées de l’autre côté du cercle des
valeurs. Les gens ont tendance à se comporter de manière à équilibrer leurs
valeurs opposées. Ils font les choix qui profitent aux valeurs les plus impor-
tantes au détriment de celles qui ont moins d’importance à leurs yeux. De ce
fait, l’ordre des associations positives et négatives entre n’importe quel
comportement spécifique et les dix valeurs de base a tendance à suivre l’ordre
du cercle de valeurs.
Cet article donne quelques exemples de la manière dont les valeurs sont
liées au comportement et aux attitudes. Des chercheurs de plus de trente pays
ont utilisé le système des dix valeurs de base pour comprendre et parfois
prédire d’autres différences individuelles. Parmi les comportements étudiés
figurent la consommation d’alcool, l’utilisation de préservatifs, la consomma-
tion de drogue, la délinquance, le vol à l’étalage, la compétition, la chasse,
différents comportements concernant l’environnement, différents comporte-
ments de consommation, des comportements moraux, religieux et sexuels, les
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Revue française de sociologie
Shalom H. SCHWARTZ
Department of Psychology
The Hebrew University of Jerusalem
Jerusalem 91905 – Israel
msshasch@mscc.huji.ac.il
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ANNEXE
TABLEAU I. – Corrélations entre les valeurs et l’âge, le sexe, le niveau d’éducation et le revenu dans
les 20 pays participant à l’European Social Survey
Niveau
Âge Sexe (féminin) Revenu
Valeur d’éducation
(N = 35 030) (N = 35 165) (N = 28 275)
(N = 34 760)
Sécurité 0,26 (20) 0,11 (20) -0,20 (20) -0,12 (20)
Conformité 0,32 (20) 0,02 (13)* -0,22 (20) -0,14 (20)
Tradition 0,33 (20) 0,08 (20) -0,22 (20) -0,16 (20)
Bienveillance 0,13 (20) 0,18 (20) -0,04 (11)* -0,05 (15)
Universalisme 0,15 (19) 0,12 (20) 0,06 (16) -0,01 (14)*
Autonomie -0,08 (15) -0,06 (19) 0,19 (20) 0,10 (18)
Stimulation -0,37 (20) -0,09 (20) 0,16 (19) 0,11 (18)
Hédonisme -0,33 (20) -0,06 (18) 0,08 (15) 0,08 (19)
Réussite -0,26 (20) -0,12 (20) 0,14 (20) 0,12 (19)
Pouvoir -0,09 (18) -0,14 (19) 0,02 (13)* 0,08 (19)
* la corrélation n’est pas significativement différente de zéro.
Note : Entre parenthèses figure le nombre de pays où la corrélation va dans le sens indiqué.
Du fait de données manquantes, le nombre de répondants varie légèrement par rapport aux N indiqués.
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Shalom H. Schwartz
Vote pour
Comportement Coopération centre-droit vs Activisme
dans différents contextes dans un jeu centre-gauche politique
(SVS) (SVS) (PVQ) (PVQ 21)
Valeurs Israël Israël Italie France
Auto- Évaluation de
évaluation l’entourage
N = 293 N = 141 N = 90 N = 2 849b N = 1 244b
-0,14***
Pouvoir 0,52*** 0,25*** -0,37*** 0,14**
(-0,14***)c
0,38*** -0,19* 0,08** -0,07*
Réussite 0,20**
(-0,10**)
0,11***
Hédonisme 0,55*** 0,29*** -0,18* 0,01
(0,09**)
0,21***
Stimulation 0,64*** 0,35*** -0,08 -0,03
(0,15***)
0,17***
Autonomie 0,47*** 0,29*** 0,06 -0,08**
(0,12***)
0,51*** 0,32** -0,28** 0,28***
Universalisme 0,24***
(0,26***)
0,10***
Bienveillance 0,43*** 0,18* 0,38*** -0,18**
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(0,12***)
0,70*** 0,12 0,07** -0,16***
Tradition 0,42***
(-0,13***)
-0,19***
Conformité 0,40*** 0,18* 0,01 0,10**
(-0,14***)
0,31*** -0,08 0,20** -0,31***
Sécurité 0,1
(-0,22***)
a
Les valeurs sont centrées par individu, afin de corriger le biais lié aux façons de noter différentes
(voir texte).
b
Certaines données étant manquantes, le nombre de répondants varie légèrement.
c
Entre parenthèses figurent les corrélations partielles obtenues après avoir contrôlé l’âge, le sexe,
le niveau d’éducation, le revenu et la situation matrimoniale.
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Revue française de sociologie
FIGURE I. – Modèle théorique des relations entre les dix valeurs de base
Stimulation
Bienveillance
Hédonisme Tradition
Conformité
Réussite
Pouvoir Sécurité
AFFIRMATION
DE SOI CONTINUITÉ
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Continuité
Dépassement de soi
Focus sur le social Sécurité
Régulation de la façon Universalisme
dont on est relié aux
autres et de l'impact Conformité
que l'on a sur eux Bienveillance
Tradition
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FIGURE IV. – Valeurs prioritaires et conduites
0.4
0.3
0.2
0.1
Correlations
0
-0.1
-0.2
-0.3
-0.4
Pow Ach Hed Sti SDir Uni Ben Tra Con Sec
Values
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