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Introduction à la théorie spectrale

ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 1 / 49


1. Spectre d’un opérateur borné
ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 2 / 49


Rappels algébriques

En dimension finie un endomorphisme est injectif si et seulement s’il est surjectif. Les valeurs
propres d’un endomorphisme A sont les λ ∈ K tels que Aλ − id n’est pas injectif, i.e. il existe
x 6= 0 tel que A(x) = λ x (auquel cas x est appelé un vecteur propre de A pour la valeur
propre λ).

Si A est un opérateur symétrique (resp. hermitien) d’un R-espace vectoriel (resp. C-espace
vectoriel) de dimension finie dans lui-même, il existe une base orthonormée de l’espace
constituée de vecteurs propres de A. Les valeurs propres d’un opérateur hermitien sont réelles.

Preuve. Si A(x) = λx et si x 6= 0, alors

λ hx, xi = hλx, xi = hA(x), xi = hx, A(x)i = hx, λxi = λ̄ hx, xi.

Ainsi λ ∈ R. 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 3 / 49


Vocabulaire et notations en dimension infinie
On va s’intéresser maintenant aux applications linéaires entre espaces vectoriels normés de
dimension infinie. Pour avoir une chance de mener à bien des réductions d’endomorphisme
analogues à celles précédemment mentionnées, il faut faire des hypothèses supplémentaires.

Fixons un peu de terminologie.

Soient E1 et E2 des espaces vectoriels normés et A : E1 → E2 . On dit que A est un opérateur


(linéaire) si A est une application linéaire. On dit que A est un opérateur borné si A est une
application linéaire continue, i.e. s’il existe C > 0 telle que

kA(x)kE2 6 C kxkE1 pour tout x ∈ E1 .

Si H est un espace de Hilbert complexe (resp. réel), on dit que A : H → H est un opérateur
hermitien (resp. symétrique) si on a A∗ = A ; autrement dit, si

hA(x), y i = hx, A(y )i pour tous x, y ∈ H.

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 4 / 49


Opérateurs inversibles

Définition
On dit qu’un opérateur borné A : H1 → H2 est inversible s’il existe un opérateur borné
B : H2 → H1 tel que A ◦ B = idH2 et B ◦ A = idH1 .

Attention : les deux égalités sont nécessaires en dimension quelconque.

Exemple : considérons sur `2 (N) les opérateurs bornés


 
S (x0 , x1 , x2 , . . .) = (0, x0 , x1 , x2 , . . .) et T (x0 , x1 , x2 . . .)) = (x1 , x2 , x3 , . . . .

On a T ◦ S = id`2 (N) , mais par contre S ◦ T (x0 , x1 , x2 , . . . = (0, x1 , x2 , . . .).

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 5 / 49


Notion de spectre d’un opérateur

Définition
Soit A : H → H un opérateur borné.
(i) On appelle spectre de A, et on note sp(A), l’ensemble des λ ∈ C tels que A − λidH n’est
pas inversible (un tel λ est appelé une valeur spectrale de A).
(ii) L’ensemble des valeurs propres de A, noté vp(A), est encore l’ensemble des λ ∈ C tels
que A − λidH n’est pas injectif, i.e. l’ensemble des λ ∈ C pour lesquels il existe
x ∈ H − {0} tel que A(x) = λx (un tel x est encore appelé un vecteur propre de A pour
la valeur propre λ).

On a toujours vp(A) ⊂ sp(A), mais on n’a pas forcément égalité.

On vérifie que sp(A) est un fermé de C, de sorte qu’en fait on a :

vp(A) ⊂ sp(A).

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 6 / 49


Un spectre en dimension infinie : espace de suites
Exemple : on définit l’application Λ : `2 (N; R) → `2 (N; R), par

Λ (xn )n>0 := (λn xn )n>0 ,
où (λn )n>0 est une suite réelle bornée.

On vérifie facilement que vp(Λ) = {λn }n∈N .

Si λ ∈
/ vp(Λ), l’opérateur  
 xn
Λ̃ (xn )n>0 :=
λn − λ n>0

est borné de `2 (N; R) dans lui-même et


(Λ − λid) ◦ Λ̃ = Λ̃ ◦ (Λ − λid) = id.
Donc
sp(Λ) = vp(Λ).
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 7 / 49
Un spectre en dimension infinie : espace de (classes de) fonctions
Exemple : soit A l’endomorphisme de L2 (S 1 ; C) (opérateur borné de L2 (S 1 ; C) dans
lui-même) défini par
A(f )(t) := cos(t) f (t).
Si A(f ) = λ f alors cos(t) f (t) = λ f (t). Donc f = 0 dans L2 (S 1 ; C). Conclusion

vp(A) = ∅.

Mais pour λ ∈ C, l’opérateur A − λ id est inversible si, et seulement si, λ 6∈ [−1, 1] ; dans ce
cas l’inverse est donné par

f (t)
(A − λid)−1 (f )(x) := .
cos(t) − λ

Donc
∅ = vp(A) ⊂ sp(A) = [−1, 1].

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2. Transformation de Fourier dans L2
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Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 9 / 49


Prolongement d’opérateurs dans les espaces de Hilbert

Théorème
Soient H1 et H2 des espaces de Hilbert et soit E ⊂ H1 un sous-espace dense. On se donne
A : E → H2 un opérateur tel que

sup kA(x)k < +∞.


x∈E , kxk=1

Alors A se prolonge en un opérateur à : H1 → H2 (i.e. il existe un opérateur à dont la


restriction à E coı̈ncide avec A) tel que kÃkL(H1 ,H2 ) = sup kA(x)k.
x∈E , kxk=1

Preuve. Soit x ∈ H1 et xn ∈ E tels que x = lim xn . Par hypothèse et linéarité de A, on a :


n→+∞

kA(xn ) − A(xm )k 6 C kxn − xm k. Ainsi A(xn ) n>0 est une suite de Cauchy dans H2 , qui est

complet. La suite A(xn ) n>0 converge dans H2 et l’on peut définir Ã(x) := lim A(xn ), car la
n→∞
définition de Ã(x) ne dépend pas du choix de (xn )n>0 . 
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 10 / 49
Un résultat de densité en norme sup

Lemme
Pour tout k > 1, l’espace Cck (RN ; C) des fonctions de classe C k à support compact est dense
dans Cc (RN ; C), muni de la norme k · kL∞ .

Remarque : on peut aussi contrôler en mesure le support des fonctions de Cck (RN ; C)
approchant une fonction f ∈ Cc (RN ; C) donnée, en montrant qu’il existe une suite de
fonctions fn ∈ Cck (RN ; C) telle que

kfn − f kL∞ 6 1/n et |{fn 6= 0}| 6 |{f 6= 0}| + 1.

La preuve de ce résultat se fait en utilisant la notion de convolution.

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 11 / 49


Preuve de densité en norme sup par convolution
Preuve. On note g : RN → [0, +∞[ la fonction définie sur B(0, 1) par
|x|2

g (x) = αN e 1−|x|2 ,
et prolongée par 0 en dehors de B(0, 1). On choisit la constante αN > 0 de telle sorte que
kg kL1 = 1. La fonction g est C ∞ et à support dans Bf (0, 1). Pour tout n > 1, on note
gn (x) := nN g (nx).
La fonction gn est C ∞ , à support dans Bf (0, 1/n) et
Z Z
N
kgn kL1 = n g (nx) dx = g (x) dx = 1.
RN RN

Si f ∈ Cc (RN ; C), on note Z


fn (x) := gn (x − y ) f (y ) dy .
RN
Alors, par dérivation sous le signe somme on a : fn ∈ Cc∞ (RN ; C).
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 12 / 49
Preuve de densité en norme sup par convolution, fin

Écrivons par changement de variable :


Z Z
fn (x) := gn (x − y ) f (y ) dy = gn (z) f (x − z) dz.
RN RN

On remarque que Z

f (x) − fn (x) = gn (z) f (x) − f (x − z) dz,
RN
donc Z 
|f (x) − fn (x)| 6 sup |f (x) − f (x − z)| gn (z) dz .
z∈Bf (0,1/n) RN

Le support de f étant compact, on utilise le théorème de Heine pour conclure que la suite
(fn )n>1 converge uniformément vers f . 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 13 / 49


Un résultat de densité en norme L2

Lemme
Pour tout k > 1, l’espace Cck (RN ; C) est dense dans L2 (RN ; C) pour la norme k · kL2 .

Preuve. Soit f ∈ L2 (RN ; C) et n > 1. Il existe gn ∈ Cc (RN ; C) telle que kf − gn kL2 6 1/2n.
Choisissons fn ∈ Cck (RN ; C) telle que
Z 1/2
kgn − fn kL2 6 kgn − fn kL∞ 1{fn 6=0}∪{gn 6=0} dx
RN
1
6 kgn − fn kL∞ (1 + |{gn 6= 0}|)1/2 6 .
2n
Finalement kf − fn kL2 6 1/n, et on a donc construit une suite de Cck (RN ; C) qui converge vers
f pour la norme k · kL2 . 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 14 / 49


Transformation de Fourier dans L1 , rappels

La transformation de Fourier F : L1 (RN ; C) → L∞ (RN ; C) est définie par


Z
F(f )(ξ) := fb(ξ) = e −ix·ξ f (x) dx.
RN

Définissons la transformée de Fourier normalisée de f par


Z
1
Φ(f )(ξ) := e −ix·ξ f (x) dx,
(2π)N/2 RN

et la transformée de Fourier inverse normalisée de fˆ par


Z
1
Ψ(fˆ)(x) := e +ix·ξ fˆ(ξ) dξ.
(2π)N/2 RN

Les applications Φ et Ψ sont définies sur L2 (RN ; C) ∩ L1 (RN ; C), et à valeurs dans L∞ (RN ; C).
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 15 / 49
Transformée de Fourier dans L2 : définition par prolongement

Théorème
Les applications Φ et Ψ s’étendent en des isométries bijectives de L2 (RN ; C) dans lui-même et
leurs extensions, encore notées Φ et Ψ, vérifient

Φ ◦ Ψ = Ψ ◦ Φ = IdL2 .

Le fait que Φ et Ψ sont des isométries se traduit par kΦ(f )kL2 = kΨ(f )kL2 = kf kL2 pour toute
f ∈ L2 (RN ; C).

Preuve. Soit f ∈ CcN+1 (RN ; C), on sait (théorème de Riemann-Lebesgue) que


ξ 7→ (1 + |ξ|)N+1 Φ(f )(ξ) est bornée, et donc

Φ(f ) ∈ L1 (RN ; C) et Ψ ◦ Φ(f ) = f .

L’espace CcN+1 (RN ; C) est dense dans L2 (RN ; C) pour la norme L2 . Le théorème précédent
permet donc de prolonger Φ (et Ψ) à L2 (RN ; C).
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 16 / 49
Transformée de Fourier dans L2 : adjonction

Vérifions que Ψ est l’adjoint de Φ, i.e. ∀f , g ∈ L2 (RN ; C) on a hΦ(f ), g iL2 = hf , Ψ(g )iL2 .
Si f , g ∈ CcN+1 (RN ; C), alors
(x, ξ) 7→ f (x) g (ξ)
appartient à L1 (R2N ; C) et par Fubini on peut écrire :
Z Z 
1 −ixξ
hΦ(f ), g iL2 = e f (x) dx ḡ (ξ) dξ
(2π)N/2 ZRN Z RN
1
= e −ixξ f (x)ḡ (ξ) dx dξ
(2π)N/2 RN RN
Z Z 
1 ixξ g (ξ) dξ
= f (x) e dx
(2π)N/2 RN RN
= hf , Ψ(g )iL2 ,

d’où le résultat par densité.


Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 17 / 49
Propriétés de la transformée de Fourier dans L2 : fin de preuve

Nous venons de voir que


hΦ(f ), g iL2 = hf , Ψ(g )iL2 .
Donc
hΦ(f ), Φ(g )iL2 = hf , Ψ ◦ Φ(g )iL2 = hf , g iL2 .
De même
hΨ(f ), Ψ(g )iL2 = hf , Φ ◦ Ψ(g )iL2 = hf , g iL2 .
Conclusion, les extensions de Φ et Ψ à L2 (R; C) sont des isométries et

Φ ◦ Ψ = Ψ ◦ Φ = id,

d’où le théorème. 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 18 / 49


Diffraction de Fraunhofer : problème physique

Y y

Cache Ecran

dS Pupille
Onde plane
M(x,y)
+

X x

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 19 / 49


Diffraction de Fraunhofer : mathématiques
Si r  1, en première approximation l’onde diffractée par la pupille P au point M de
coordonnées (x, y ) de l’écran est égale à 1c
P (x, y ), la transformée de Fourier de 1P , la fonction
indicatrice de la pupille.

Le problème : on suppose que P est un ensemble borné, d’intérieur non vide, mesurable, du
plan. On suppose connue 1c P , la transformée de Fourier de 1P , la fonction indicatrice de la
pupille. Malheureusement, on a
P ∈
1c / L1 (R2 ; C)
(autrement on pourrait appliquer la tranformée de Fourier inverse et l’on pourrait conclure que
1P est p.p. égale à une fonction continue).

La solution : la transformation de Fourier définie sur L2 permet de résoudre le problème. On


1 c
suppose connue Φ(1P ) = 1P . On remarque que 1P ∈ L2 (R2 ; C) et que l’on peut écrire

Ψ(Φ(1P )) = 1P .

Ainsi en appliquant Ψ à 1c
P , on retrouve 2π 1P .
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 20 / 49
3. Opérateurs compacts
ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 21 / 49


Notion d’opérateur compact
Définition (opérateur compact)
Un opérateur A : H → H est dit compact si l’image par A de toute suite bornée admet une
sous-suite
 qui converge, i.e. dès que (xn )n>0 est une suite bornée, on peut extraire de la suite
A (xn ) n>0 une sous-suite qui converge.

Reformulation : l’opérateur A est compact si, et seulement si, l’adhérence A BH (0, 1) de
l’image par A de la boule-unité de H est compacte dans H.

Exemples.
1. Un opérateur borné de rang fini est compact. Par exemple, l’opérateur de projection
orthogonale sur un sous-espace vectoriel de dimension finie est un opérateur compact.
2. L’application f 7→ I (f ) de L2 ([0, 1]; C) dans lui-même définie par
Z
I (f )(x) := f (t) dt,
[0,x]
est compacte.
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 22 / 49
Exemples d’opérateurs compacts, preuve

Preuve. Par Cauchy-Schwarz, on a :


Z

|I (f )(y ) − I (f )(x)| = f (t) dt 6 kf kL2 |y − x|1/2 .

[x,y ]

Ainsi, l’image par I d’une suite bornée de L2 ([0, 1]; C) est une suite équicontinue sur [0, 1] et
bornée dans C([0, 1]; C). Donc, par Ascoli, si (fn )n>0 est une suite bornée de L2 ([0, 1]; C), on
peut extraire de la suite I (fn ) n>0 une sous-suite qui converge dans C([0, 1]; C) pour la norme
de la convergence uniforme k · kL∞ . Or

kf kL2 ([0,1]) 6 kf kL∞ ([0,1]) ,

donc la sous-suite extraite converge dans L2 ([0, 1]; C) pour la norme k · kL2 . 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 23 / 49


Propriétés des opérateurs compacts
Un opérateur compact est borné (i.e. continu) : en effet, si A : H → H est compact, alors

A Bf (0, 1) est compacte, donc contenue dans une boule fermée de rayon assez grand puisque
la fonction k · k est continue.

Proposition
Si B : H → H est un opérateur borné et A un opérateur compact, alors B ◦ A et A ◦ B sont
des opérateurs compacts.

Ceci se prouve par des arguments analogues à ceux ci-dessus.

Proposition
Une limite d’opérateurs compacts pour la norme k · kL(H) est un opérateur compact.

Exercice : un opérateur est compact si et seulement s’il est limite d’une suite d’opérateurs
(bornés) de rang fini.
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 24 / 49
Limites d’opérateurs compacts, preuve

Preuve. On va utiliser un argument de procédé diagonal. Soit (An )n>0 une suite d’opérateurs
compacts qui converge vers A pour la norme des applications linéaires continues, et soit
(xn )n>0 une suite d’éléments de Bf (0, 1).
(i) Puisque A0 est 0
0
 compact, on peut extraire de (xn )n>0 une sous-suite (xn )n>0 telle que la
suite A0 (xn ) n>0 converge.
(ii) Puisque A1 est 0 1
1
 compact, on peut extraire de (xn )n>0 , une sous-suite (xn )n>0 telle que la
suite A1 (xn ) n>0 converge.
(iii) On poursuit ainsi par récurrence et, en utilisant le fait que Ak est compact, on extrait
(xnk−1 )n>0 , une sous-suite (xnk )n>0 telle que la suite Ak (xnk ) n>0 converge.
Définissions la suite extraite diagonale xϕ(n) = xnn . Par construction, pour tout k ∈ N, la suite
Ak (xϕ(n) ) n>0 converge.

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 25 / 49


Limites d’opérateurs compacts, preuve (fin)

On peut écrire
kA(xϕ(m) ) − A(xϕ(n) )k 6 kA(xϕ(m) ) − Ak (xϕ(m) )k

+ kAk (xϕ(m) ) − Ak (xϕ(n) )k

+ kAk (xϕ(n) ) − A(xϕ(n) )k.



Pour tout ε > 0, choisissons k > 0 tel que kA − Ak k 6 ε/3. La suite Ak (xϕ(n) ) n>0 converge,
il existe donc n∗ > 0 tel que pour tous m, n > n∗ , on ait :

kAk (xϕ(m) ) − Ak (xϕ(n) )k 6 ε/3.



Ainsi kA(xϕ(m) ) − A(xϕ(n) )k 6 ε pour tous n, m > n∗ . La suite A(xϕ(n) ) n>0
est une suite de
Cauchy dans H qui est un espace complet, donc elle converge. 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 26 / 49


4. Convergence faible
ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 27 / 49


Convergence faible
Définition
On dit qu’une suite (xn )n>0 d’un espace de Hilbert H converge faiblement vers x dans H si

∀y ∈ H, lim hxn , y i = hx, y i.


n→+∞

La convergence pour la norme (notée xn → x) est appelée convergence forte lorsque l’on veut
éviter toute ambiguı̈té et la distinguer de la convergence faible (qui notée xn * x).
Lemme
Si xn → x alors xn * x.

Preuve. Pour tout y ∈ H, on a, grâce à l’inégalité de Cauchy-Schwarz :

|hxn , y i − hx, y i| = |hxn − x, y i| 6 ky kkxn − xk.

Donc, si xn → x on conclut que lim hxn , y i = hx, y i. 


n→+∞
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 28 / 49
Convergence faible : exemple des bases hilbertiennes
Exemple fondamental : Soit (en )n>0 une base hilbertienne d’un espace de Hilbert H (de
dimension infinie). Alors en * 0 dans H.

Preuve. On utilise l’égalité de Parseval


X
|hx, en i|2 = kxk2 < +∞,
n∈N
donc lim hx, en i = 0. 
n→+∞

Remarque : c’est ainsi qu’on prouve le théorème de Riemann-Lebesgue pour les fonctions
dans L2 (S 1 , C), avec la base hilbertienne donnée par les fonctions exponentielles t 7→ e inx .

Exemple : la suite de fonctions définies pour tout n ∈ N par

en (t) := e int ,

converge faiblement vers 0 dans L2 (S 1 ; C).


Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 29 / 49
Convergence faible : exemple des décalages
Exemple : soit f ∈ Cc (R; R), ou plus généralement f ∈ L2 (R; R). Alors la suite de fonctions
définies par
fn (t) := f (t − n),
pour tout n ∈ N, converge faiblement vers 0 dans L2 (R; R).

Preuve. On suppose que f ∈ Cc (R; R) et que le support de f est inclus dans [a, b]. On a
Z Z
hfn , g iL2 = f (t − n) g (t) dt = f (t − n) g (t) dt.
R [a+n,b+n]

Par Cauchy-Schwarz, on a alors :


Z !1/2 Z !1/2
2 2
|hfn , g iL2 | 6 |f (t)| dt |g (t)| dt ,
[a,b] [a+n,b+n]

qui tend vers 0 quand n tend vers l’infini. 


Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 30 / 49
Compacité séquentielle pour la convergence faible

Théorème
Soit (xn )n>0 une suite bornée dans un espace de Hilbert séparable H. Alors (xn )n>0 possède
une sous-suite (xϕ(n) )n>0 qui converge faiblement dans H.

Preuve. Soit (ej )j>0 une base hilbertienne de H. On décompose


X
xn = hxn , ej i ej ,
j>0

On remarque que
|hxn , ej i| 6 sup kxm k.
m>0

Donc, pour tout j > 0, la suite (hxn , ej i)n>0 est bornée.

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 31 / 49


Compacité séquentielle pour la convergence faible, preuve

(1) Par le procédé diagonal on extrait de la suite (xn )n>0 une sous-suite (xϕ(n) )n>0 telle que :

pour tout j >0 la suite numérique (hxϕ(n) , ej i)n>0 converge.


X
On note x j la limite et on vérifie que x := x j ej appartient à H.
j>0
Justification : pour tout k > 0, on a

k Xk
X
j

x ej = lim hxϕ(n) , ej i ej
sup kxm k.
6 m>0
n→+∞ j=0

j=0

Donc x ∈ H et kxk 6 supm>0 kxm k.

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 32 / 49


Compacité séquentielle pour la convergence faible, preuve (suite)
(2) On vérifie que (xϕ(n) )n>0 converge faiblement vers x dans H.

Justification : soit y ∈ H. Pour tout k > 0, on a


k
X +∞
X
j
hx − xϕ(n) , y i = (x − hxϕ(n) , ej i) y j + (x j − hxϕ(n) , ej i) y j .
j=0 j=k+1
X
où y = y j ej . Déjà par Cauchy-Schwarz, on a :
j>0
1/2
+∞
X +∞
X
j j 2

j
(x − hxϕ(n) , ej i) y 6 kx − xϕ(n) k |y |

j=k+1 j=k+1
1/2
+∞ j 2
X
6 2 sup kxm k
|y | .
m>0 j=k+1
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 33 / 49
Compacité séquentielle pour la convergence faible, preuve (fin)

(3) Ensuite pour ε > 0 donné, on peut fixer k  1 tel que


1/2
+∞ +∞
X j X j 2
j
(x − hxϕ(n) , ej i) y 6 2 sup kxm k |y | 6 ε/2.
m>0

j=k+1 j=k+1

Enfin il existe nk tel que, pour tout n > nk



k
X
j

(x − hxϕ(n) , ej i) y (j) 6 ε/2.

j=0

Donc |hx − xϕ(n) , y i| 6 ε pour tout n > nk . 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 34 / 49


Propriétés de la convergence faible
Théorème
Si xn * x alors
kxk 6 lim kxn k.
n→+∞

Preuve. Écrivons, grâce à l’inégalité de Cauchy-Schwartz,


|hx, xn i| 6 kxk kxn k.
On passe à la limite pour conclure que kxk2 6 kxk lim kxn k. 
n→∞

Proposition
Si xn * x dans H et si A : H → H est un opérateur borné, alors A(xn ) * A(x).

Preuve. Écrire
hA(xn ), y i = hxn , A∗ (y )i,
et faire tendre n → +∞. 
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 35 / 49
5. Théorème spectral pour les opérateurs
compacts
ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 36 / 49


Énoncé du théorème spectral (opérateurs hermitiens compacts)

Nous pouvons enfin revenir à la question du début du cours, à savoir la réduction de certains
endomorphismes hermitiens d’espaces de Hilbert.

Théorème
Soit H un espace de Hilbert séparable de dimension infinie et soit A : H → H un opérateur
hermitien compact. Alors :
(i) Il existe une base hilbertienne de H, disons (en )n>0 , constituée de vecteurs propres de A,
i.e. A(en ) = λn en .
(ii) Les valeurs propres de A sont réelles et tendent vers 0.
(iii) Les valeurs propres non nulles sont de multiplicité finie (i.e. les espaces propres des
valeurs propres non nulles sont de dimension finie).
(iv) On a : sp(A) = vp(A) ∪ {0}.

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 37 / 49


Théorème spectral – preuve
Preuve. Comme en dimension finie, on vérifie que les valeurs propres de A sont réelles (cf le
début du cours) et que deux sous espaces propres Eλ et Eµ , associés à des valeurs propres
distinctes λ 6= µ sont orthogonaux : en effet, si A(x) = λx et A(y ) = µ y , on a
λ hx, y i = hA(x), y i = hx, A(y )i = µ hx, y i.
Enfin, l’orthogonal d’un sous-espace invariant par A est invariant par A : en effet, si E est
invariant par A et y ∈ E ⊥ , alors hx, A(y )i = hA(x), y i = 0 pour tout x ∈ E .

Si Eλ est de dimension
 infinie, on peut trouver une suite (xn )n>0 orthonormée de vecteurs de
Eλ . La suite A(xn ) n>0 n’admet pas de sous-suite convergente car

kA(xn ) − A(xm )k = kλ(xn − xm )k = |λ| =


6 0,
ce qui contredit la compacité de A. Conclusion Eλ est de dimension finie, d’où (iii).

On montre de même que l’ensemble des valeurs propres de A n’a pas d’autre valeur
d’adhérence que 0.
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 38 / 49
Théorème spectral – preuve (fin, modulo un lemme)
On note Eλ l’espace propre de A associé à λ et
M
F := Eλ .
λ∈R

Le sous-espace F est invariant par A, donc F ⊥ l’est aussi. On montre enfin (grâce au lemme
suivant) que A restreint à F ⊥ est identiquement nul puis que F ⊥ = {0}. 
Lemme (caractérisation variationnelle des valeurs propres)
Soit A un opérateur hermitien et compact, défini sur un espace de Hilbert E non réduit à {0}.
On note
λ := sup hA(x), xi et µ := inf hA(x), xi.
kxk=1 kxk=1

Si λ > 0, alors λ est une valeur propre de A ; si µ < 0, alors µ est valeur propre de A.

La preuve de ce lemme utilise précisément la notion de convergence faible, introduite dans la


section précédente.
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 39 / 49
Caractérisation variationnelle des valeurs propres, preuve

Preuve. On suppose que λ > 0. Soit (xn )n>0 une suite d’éléments de E de norme 1 tels que

lim hA(xn ), xn i = λ.
n→+∞

On peut extraire de la suite (xn )n>0 une sous-suite telle que A(xϕ(n) ) →
 z (par compacité de
l’opérateur A) et xϕ(n) * x∞ . On sait que kx∞ k 6 1 et que A(xϕ(n) ) n>0 converge
faiblement vers A(x∞ ) et fortement vers z, ce qui entraı̂ne que A(x∞ ) = z. Comme

|hA(xn ), xn i − hA(x∞ ), xn i| = |hA(xn ) − A(x∞ ), xn i|

6 kA(xn ) − zk kxn k 6 kA(xn ) − zk,

on en déduit que
λ = lim hxϕ(n) , A(x∞ )i = hx∞ , A(x∞ )i.
n→∞

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 40 / 49


Caractérisation variationnelle des valeurs propres, preuve (fin)

x∞
Comme λ 6= 0 on a x∞ 6= 0 et en posant y = , on trouve que hA(y ), y i > λ ; ainsi le
kx∞ k
maximum est atteint en y .

L’application x 7→ hA(x), xi restreinte à la sphère-unité atteint son maximum en y . Donc, pour


tout w (de norme 1) orthogonal à y , nous pouvons considérer la fonction

1
t 7→ hA(y + tw ), (y + tw )i,
1 + t2
qui admet un maximum en t = 0. En dérivant par rapport à t en t = 0, on trouve que
<hA(y ), w i = 0. En changeant w en iw , on conclut que hA(y ), w i = 0. Donc A(y ) est
colinéaire à y ce qui permet de conclure que A(y ) = λy . 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 41 / 49


6. Opérateurs à noyaux
ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 42 / 49


Le cas des opérateurs à noyaux
Si K ∈ L2 ([0, 1]2 ; C), on note
Z
AK (f )(x) := K (x, y )f (y )dy .
[0,1]

Lemme
L’opérateur
AK : L2 ([0, 1]; C) → L2 ([0, 1]; C)
est un opérateur compact.

Preuve. On note F l’espace des combinaisons linéaires de fonctions de la forme


(x, y ) 7→ g (x) h(y ),
où g et h sont des fonctions continues sur [0, 1]. Par Stone-Weierstrass, F est dense dans
C([0, 1]2 ; C) pour la norme de la convergence uniforme. Donc F est dense dans L2 ([0, 1]2 ; C)
pour la norme L2 .
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 43 / 49
Compacité des opérateurs à noyaux, preuve

Si X
K̃ (x, y ) = gi (x) hi (y ),
finie

alors !
X Z
AK̃ (f )(x) = hi (y ) f (y ) dy gi (x).
finie [0,1]

est un opérateur de rang fini. On a vu que

kAK − AK̃ kL(L2 ,L2 ) 6 kK − K̃ kL2 .

Ainsi l’opérateur AK est compact, au titre de limite d’une suite d’opérateurs de rang fini. 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 44 / 49


Adjoint d’un opérateur à noyau

Lemme
L’adjoint de l’opérateur AK est donné par
Z
A∗K (f )(x) := K (y , x) f (y ) dy .
[0,1]
En particulier, AK est hermitien si et seulement si K (x, y ) = K (y , x) p.p. sur [0, 1]2 .

Preuve. Par Fubini, et en posant K̃ (x, y ) := K (y , x), on a :


Z Z !
hf , AK (g )iL2 = f (s) K (s, t) g (t) dt ds
[0,1] [0,1]
Z Z !
= K (s, t) f (s) ds g (t) dt
[0,1] [0,1]
= hAK̃ (f ), g iL2 

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 45 / 49


Réduction des opérateurs à noyaux auto-adjoints

Proposition
On suppose que K ∈ L2 ([0, 1]2 ; C) vérifie K (x, y ) = K (y , x) pour presque tout (x, y ) ∈ [0, 1]2 .

Alors, il existe (λn )n>0 une suite de réels qui tend vers 0 et (ϕn )n>0 une base hilbertienne de
L2 ([0, 1]; C) telles que
AK (ϕn ) = λn ϕn .

Lemme
Sous les hypothèses précédentes, on a l’égalité
X Z
2
λn = |K (x, y )|2 dx dy .
n∈N [0,1]2

Ce résultat montre que la suite des valeurs propres de AK tend vers 0 assez rapidement.
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 46 / 49
Réduction des opérateurs à noyaux auto-adjoints, preuve

Preuve. Par Fubini, la fonction y 7→ K (x, y ) est dans L2 ([0, 1]) pour presque tout x ∈ [0, 1].
La famille (ϕn )n>0 est une base hilbertienne de L2 ([0, 1]) donc par Parseval, on a :
Z X
|K (x, y )|2 dy = |hK (x, ·), ϕn iL2 |2
[0,1] n>0
Z
La fonction x 7→ |K (x, y )|2 dy est intégrable ; par Fubini puis convergence monotone, on
[0,1]
en déduit :
ZZ Z ! !
X X Z
2 2 2
|K (x, y )| dx dy = |hK (x, ·), ϕn iL2 | dx = |hK (x, ·), ϕn iL2 | dx .
[0,1]2 [0,1] n>0 n>0 [0,1]

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 47 / 49


Réduction des opérateurs à noyaux auto-adjoints, preuve (fin)
Or, par construction
hK (x, ·), ϕn iL2 = AK (ϕn )(x) = λn ϕn (x).
Donc ZZ X
|K (x, y )|2 dx dy = |λn |2 ,
[0,1]2 n>0
ce qui démontre l’égalité. 

Sous les hypothèses précédentes, on montre également que


X
K (x, y ) = λn ϕn (x) ϕn (y ).
n∈N

On retrouve que
X Z
AK (ϕm )(x) = λn ϕn (x) ϕn (y ) ϕm (y ) dy = λm ϕm (x).
n∈N [0,1]

Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 48 / 49


Analyse d’un opérateur différentiel d’ordre 2
Exemple : l’application A : L2 ([0, 1]) → L2 ([0, 1]) définie par
Z Z
A(f )(x) := (1 − x) y f (y ) dy + x (1 − y ) f (y ) dy
[0,x] [x,1]
Z
peut aussi s’écrire A(f )(x) = K (x, y ) f (y ) dy , pour K (x, y ) := min{x(1 − y ), y (1 − x)}.
[0,1]

Les valeurs propres de cet opérateur sont données par λj = π21j 2 et les fonctions propres

associées sont données par fj (x) = 2 sin(πjx), où j ∈ N − {0}.

Remarque : si f ∈ L2 ([0, 1]; C) vérifie A(f ) = λ f et si λ 6= 0, alors f est de classe C ∞ et


satisfait
λ f 00 + f = 0
sur [0, 1] avec f (0) = f (1) = 0.
Introduction à la théorie spectrale Bertrand Rémy 49 / 49

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