DROIT DE LA SECURITE SOCIALE (Final)
DROIT DE LA SECURITE SOCIALE (Final)
DROIT DE LA SECURITE SOCIALE (Final)
PRESENTATION DU COURS
Le droit de la sécurité sociale est un droit omniprésent mais également un pilier de notre état
de providence, ainsi que dans notre manière d’organiser notre société.
La sécurité sociale c’est le système de redistribution des revenus qui est organisé par les
pouvoirs publics pour permettre à tous les citoyens de faire face à la survenance des grands
aléas susceptibles de survenir dans l’existence.
Quel est l’objectif du cours ? L’idée du cours est de nous transmettre toutes les informations
juridiques et factuelles qui forment l’entité de la sécurité sociale.
Tandis que le droit du travail est dans le droit privé, la sécurité sociale est organisée par le
pouvoir public pour permettre à chacun de faire face aux aléas qui sont susceptibles de
survenir durant une vie. Ensemble, ce sont les deux bases de notre modèle social.
Concernant l’examen, la matière est celle donnée oralement plus, le support écrit quand il y
en a un. Les questions seront : de la restitution, de la compréhension et de l’application. Il est
important d’expliquer la matière et pas juste la reproduire.
La première chose frappante est la mise en place de sécurité sociale qui est le fruit d’une
évolution conflictuelle longue de deux siècles. Elle a été « arrachée » par le mouvement
ouvrier.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Le paupérisme désigne le fait que l’immense majorité de la classe ouvrière vivait dans un état
de pauvreté total, permanent et épidémique. L’ouvrier n’a comme source de revenu que sa
force de travail. Ce statut se reproduisant de génération en génération. L’ouvrier nait et reste
pauvre. L’état de privation est extrême. A la fin du 18e siècle, Sieyès dira que le prolétariat
forme « une foule immense d’instruments bipèdes sans liberté ».
Dans ce contexte, on voit deux nouveaux aléas de l’existence faire leur apparition : l’accident
du travail et le chômage.
Avec le développement des usines, les accidents sur les lieux de travail se multiplient ainsi que
leur gravité. La difficulté étant, qu’à l’époque, les ouvriers étaient démunis juridiquement. Ils
pouvaient toutefois mobiliser 1382 du code civil. Mais pour obtenir une réparation, il faut, en
vertu de cette disposition, prouver la faute, le dommage et lien de causalité. Le problème était
de prouver à qui incombait la faute. Le droit de la responsabilité civile de l’époque était en
décalage par rapport à ce changement d’échelle.
A côté des accidents du travail, il y a le chômage. Que se passe t’il quand il y a trop de main
d’œuvre ?
Il existe également des nombreux risquent qui, même s’ils régnaient déjà, deviennent plus
présent : la maladie, la vieillesse et la charge d’enfant. L’évolution résulte dans le fait que ces
risques ont des conséquences plus graves. Pourquoi ? Parce-qu’en raison des transformations
sociodémographiques, les solidarités sociales sont estompées.
Quelles étaient les voies disponibles à l’époque pour se protéger contre l‘insécurité ? Deux
grandes voies :
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La question est : face à un tel désastre social, pourquoi les pouvoirs publics se sont abstenus
d’intervenir pendant si longtemps ? Peut-être au début, on n’avait pas mesuré l’ampleur de la
catastrophe sociale ? Mais cette explication ne tient pas. Notamment en raison des grandes
enquêtes sur les conditions de la vie ouvrière dans les années 40 qui ont mis en exergue la
situation sociale. On réitère : pourquoi s’est-on abstenu, pourquoi reste-t-on dans le dogme
de la non-intervention ? :
Comment la situation a fini par changer ? Après beaucoup de combats sociaux, on se trouve
aux prémices du système belge de sécurité sociale. Cela ayant permis d’ouvrir la voie à
l’interventionnisme public via un double déblocage :
Sur le plan politique, le tournant de cette situation d’insécurité sont les grèves
insurrectionnelles de 1986. A l’époque, la conjoncture économique n’était pas bonne, forçant
les patrons à procéder à des baisses de salaire ce qui sera la goutte d’eau. S’ensuivent des
grèves à caractère insurrectionnel pour exiger une amélioration des conditions ouvrières. Le
tournant étant la réprimande des grèves par l’armée dans le sang et par la force. Il s’agira du
détonateur.
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Sur le plan philosophique, d’un certaine manière la vision du monde libérale a été
déconstruite et décrédibilisée. A mesure que le paupérisme s’aggravait, il était absurde de
s’accrocher aux anciennes visions du bon père de famille. Pour que les politiques changent, il
fallait basculer de la responsabilité individuelle à la responsabilité collective. On ne peut pas
imputer la faute du paupérisme à chaque pauvre mais on ne peut pas non plus l’imputer aux
riches. La situation sociale est le fruit d’une responsabilité collective, de l’ensemble de la
société. Puisque la responsabilité est collective la réponse devra l’être aussi.
Depuis le milieu du 19e siècle déjà, le mouvement ouvrier a développé des tas d’initiatives
relavant de l’autoprotection : des caisses de secours mutuelles. On proposait de s’affilier à
une caisse, de verser une partie de son salaire dans cette caisse en contrepartie d’une aide,
un soutien, une allocation si un risque prédéterminé venait à se réaliser. Ces caisses ont vu le
jours dans 3 grands domaines : la vieillesse, le chômage et la maladie/invalidité.
C'est parce-que la protection était limitée que le mouvement ouvrier est revenu à la charge
au début du 20e siècle avec une nouvelle revendication : rendre l’affiliation à la caisse
obligatoire. Malgré cela, pour la majorité des partis catholiques et libéraux, rendre obligatoire
cette affiliation allait à l’encontre de l’idéal de la société post-révolution française d’une
société libre de ses choix. Ce principe a été arraché par le mouvement ouvrier, secteurs après
secteurs.
Le premier domaine où l’on a réalisé cette obligation est celui des dommages résultant des
accidents du travail avec la loi du 24 décembre 1903. Il s’agit du premier domaine dans lequel
on a abandonné 1382 au profit d’une réparation automatique.
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les pays voisins se battent avec le même problème sociétal devenu désormais un problème
politique qui demande une réaction de la société entière.
A l’époque, le pays exerçant le plus d’influence sur la Belgique était l’Allemagne qui avait mis
en place un ensemble de modèle d’assurances sociales obligatoires. Cela arrivera chez nous
en matière de pension de retraite en 1924/25. Une nouvelle étape sera franchie en 1930 au
sujet du risque de l’aléas de la charge d’enfants. L’affiliation sera obligatoire pour les
employeurs à une caisse d’allocations familiales (1930 pour les salariés et 37 pour les
indépendants).
Cependant, arrivés en 1939, il n’y avait aucune solution trouvée dans les branches du chômage
et maladie/invalidité. Cela veut dire que face à ces risques, les seules solutions sont les caisses
de secours mutuelles. Quand la guerre éclate, ce qui fait problème dans ces deux branches
ne sont plus tellement des réticences des catholiques et libéraux mais plutôt les dissensions
internes au mouvement ouvrier. Il y avait des divergences de vues quant à la forme à donner
aux couvertures, notamment au sujet de la place qui fallait réserver aux caisses de secours au
sein du mouvement ouvrier. Un service public devait-il être mis en place ?
En résumé, à la veille de la seconde guerre mondiale, qu’a-t-il été mis en place ? 3 choses :
Le second fameux épisode est la seconde guerre mondiale, il semblerait que la sécu soit née
après la seconde guerre mondiale. Cela est vrai et faux, notamment car les prémices étaient
déjà avec les mesures d’auto protection.
Pdt la guerre, des représentants des organisations syndicales et patronales se sont réunis en
secret, dans la clandestinité au sein de comités ouvriers patronal. L’idée est de discuter est
échange sur la base du fait qu’on s’affronte et qu’un jour ou l’autre la guerre finira et il faudra
pacifier le rapport de classes. Dans ce contexte, le comité, finit par accoucher en 1943 d’un
texte ; « le projet d’accord pour le solidarité sociale », que l’on appelle aussi le « Pacte social
»). On y trouve un grand compromis quant au modèle socio-économique que la Belgique devra
adopter après la guerre. Ce texte dessine les contours d’un compromis entre les ouvriers et
les patrons. Pour la première fois, les patrons acceptent que les ouvriers aient droit au partage
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des richesses. De leur côté, les représentants syndicaux acceptent le principe de l’autorité
patronale, ils acceptent la figure du marché.
À l’intérieur de ce cadre global, de ce grand compromis, toute une série de décisions sont
prises au sujet de la sécurité sociale. Ce qui est frappant est que cette partie va inspirer
directement le gouvernement revenant d’exil à Londres, et en décembre 1944 est adopté
l’Arrêté-loi du 28 décembre qui va fonder le système actuel de sécurité social. Ce que le
Gouvernement a voulu faire est très bien exprimé dans le rapport au Régent qui précède cet
arrêté-loi de 1944.
L’arrêt proprement dit est précédé d’un rapport dans lequel les autorité explicitent leurs
intentions ; le rapport au régent. Celui-ci s’ouvre par « Dans le mouvement général qui porte
les nations démocratiques à répartir plus justement les fruits du travail commun, la Belgique
tient à garder une place de premier rang. Le mot d’ordre de cette époque est de développer la
sécurité sociale (première fois que ce terme est utilisé dans un texte officiel) pour soustraire
aussi complètement que possible aux craintes de la misère les hommes et les femmes
laborieux. ». Cela traduit l’idée selon laquelle la sécurité sociale est la réponse de nos sociétés
au paupérisme.
Après ce rapport que trouve-t-on dans l’arrêté loi proprement dit ? La première mention de
la formule « sécurité sociale ». d’où cela sort ? Les autorités ayant passé la guerre en exile à
Londres, ils ont découvert le principe de social security venant de William Beveridge.
Dans l’arrêté-loi, on reprend les dispositifs antérieurs, on les range sous l’appellation «
sécurité sociale », mais il y a encore 2 évolutions supplémentaires :
Dans l’esprit des autorités, cette nouvelle législation était provisoire et l’idée était qu’au
moment venu (à la fin de la guerre), on allait adopter le système effectif et il était évident que
la sécurité sociale allait inclure les indépendants et les fonctionnaires. Pourtant, encore
aujourd’hui, ce système est d’application. Jusqu’aux années 50-60, les indépendants et les
fonctionnaires étaient donc exclus de la sécurité sociale.
En 1944, il y a 3 régimes de sécurité sociale qui coexistent puisque toutes les protections ne
sont pas inclues dans ce nouvel ensemble : les indépendants qui n’ont que les allocations
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familiales, la sécurité sociale des fonctionnaires qui ont des lois spécifiques et la sécurité
sociale des travailleurs salariés.
Section 4. De 1944 à 1974 : les Trente Glorieuses, âge d’or de la sécurité sociale
Entre 1944 et aujourd’hui, on a connu deux moments nettement différents. La sécurité sociale
a évolué dans un contexte social très différent pendant les trente premières années par
rapport à aujourd’hui. Durant les 30 glorieuses, nous sommes dans une période de forte
croissance économique mais également sociale.
De 1944 à 1974, on est dans un contexte de prospérité économique qui va de pair avec le
progrès social continu. Cette stabilité économique permet au système de sécurité sociale de
s’étendre avant de se stabiliser en 1980.
On a essayé à deux reprises de revoir les bases de la sécurité sociale en Belgique. Quant à la
sécurité sociale, ce qu’on avait dans l’esprit était du provisoire et le moment venu, on entrerait
dans un grand débat pour avoir une physionomie définitive. Il y a eu cependant des tentatives
de recodification de l’ensemble de la matière :
A. Première tentative
B. Deuxième tentative
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Une série d’aspect de l’avant-projet ont été repris en projet de loi et en proposition de loi qui,
eux, ont aboutis comme avant le code pénal social de 2010 ou les allocations pour les
personnes handicapées. Seules les avancées ponctuelles ont fonctionnées, tandis que le reste
a été un échec.
Ce que l’on constate c’est que plus on prend de la distance avec le système tel qu’il existe,
plus l’exercice est un échec. En effet, les piliers fondamentaux ne sont jamais bousculés du
jour au lendemain, ce sont des avancées ponctuelles.
Ces tentatives ont échouées mais il reste un enseignement pour la compréhension de notre
système de sécurité sociale qui s’en dégage : il y a une forme de paradoxe quand on regarde
le système, c’est un droit qui bouge tout le temps, il y a des lois programmes,… plus la réflexion
est approfondie, plus on s’éloigne des résultats des fruits de l’histoire, plus on est surs que les
propositions tomberait aux oubliettes. C’est un droit qui est très technique et sens cesse
modifié, mais c’est un droit où les fondamentaux sont très lourds et difficile à remettre en
cause. Notre système de sécurité sociale est donc assorti d’une forme de pesanteur
marquante, il y a des réformes mais les fondamentaux reste, au pire ne fait qu’évoluer.
A. Un clivage socio-économique
Le conflit capital/travail. C’est-à-dire le conflit de classe entre les représentants ouvriers et les
représentants patronaux. Cet affrontement s’est cependant apaisé au lendemain de la
seconde guerre mondiale.
Comment ce conflit a-t-il été reçu ? Par la mise en place de la gestion paritaire, la paritarisme
qui désigne le fait que chaque institution publique de sécurité sociale, sont administrées par
un comité de gestion. Ce comité est composé de représentants des travailleurs et de
représentants des patrons à parts égales. Pourquoi ? Car les assurances sociales sont
cofinancées par ces deux acteurs.
B. Un clivage philosophique
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- que les prestations de sécurité sociale doivent être universelles : elles doivent
concerner toute la population et pas uniquement les salariés ;
- ces prestations de sécurité sociale doivent être financées par la fiscalité, l’impôt (et
pas seulement par les travailleurs et les employeurs) ;
- puisque tout le monde devrait en bénéficier (et pas seulement les travailleurs) ces
prestations devraient être gérées par un service public unique de la sécurité sociale.
- le travail permet d’être couvert, les assurances sociales sont fondées sur le travail ;
- ils ne voulaient pas un service public unique de sécurité sociale, mais il fallait maintenir
les différents organismes intermédiaires entre les assurés sociaux et l’administration
(ex. : la mutuelle).
Globalement, c’est davantage la vision démocrate chrétienne qui l’a emporté. Pourquoi ? le
cœur des protections sociales sont toujours des assurances adossées au travail, le cœur du
financement sont toujours des cotisations versée par travailleurs et employeurs et ce sont
organismes intermédiaires qui gèrent le service public.
C. Un clivage linguistique
Il s’agit d’un petit zoom sur chacun des régimes constitutifs de notre système de sécurité
sociale.
Ce régime de sécurité sociale des travailleurs salariés a été mis en place par l’arrêté-loi de
1944. Tout au long des trente Glorieuses, on a un mouvement d’expansion continu, on a l’idée
d’une marche en avant vers le progrès de la sécurité sociale. Cela sur deux plans :
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- Mais il y aura aussi une expansion sur le plan matériel, sur le contenu de la protection
(exemple : conditions d’octroi, les calculs, les montants, etc.).
Ce régime est le plus ancien et continue d’exister. Il concerne les agents statutaires, les
fonctionnaires. Ce régime est hybride car pour certaines branches, les fonctionnaires sont
rattachés aux salariés or dans d’autres cas ils sont un régime propre.
Pendant longtemps, les indépendants sont restés hors de la sécurité sociales. Après la seconde
guerre mondiale, ce n’est qu’à partir des années 50 et 60 qu’un régime de sécurité sociale
propre aux indépendants a commencé à se constituer. On a connu un mouvement d’extension
de la couverture obligatoire en plusieurs étapes :
- Dans les années 50, couverture obligatoire contre les risques de la vieillesse, la pension
;
- Dans les années 60, les indépendants ont reçu une couverture obligatoire en matière
de soins de santé ;
- Dans les années 70, on consacre une couverture obligatoire pour l’invalidité.
Toutefois, les indépendants n’étaient pas protégés face au chômage et aux accidents du
travail. Il y a des écarts considérables entre salariés et indépendants. En effet, même dans les
branches qui se sont développées après la 2ème Guerre mondiale, il y a des écarts/retards
importants, le contenu étant moins généreux pour les indépendants par rapports aux salariés.
Aujourd’hui, ces écarts ont cependant tendance à se résorber.
D. L’aide sociale
On a 3 grands régimes de natures professionnels, à ces régimes s‘ajoute celui de l’aide sociale.
À partir de la fin des années 60, on redécouvre le problème de la grande pauvreté et
l’exclusion sociale. Qu’est-ce que c’est que ce nouveau régime ? C’est un régime qui s’adresse
aux personnes en situation de pauvreté. De fait, on s’est rendu compte que le but premier de
la sécurité sociale, à savoir abolir le paupérisme, n’avait pas été atteint. Les inégalités ont
certes diminuées, mais des poches d’exclusion persistaient ; une partie de la population
n’avait pas accès à la prospérité économique.
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Pour cette raison-là, on commence à mettre en place des minimas sociaux, des revenus
minimums qui présentent la caractéristique d’être des prestations non contributives. Et pour
cause, on cherche à atteindre ceux qui, pour une raison ou une autre, passent entre les mailles
du filet (ex : femme au foyer). Concrètement, il y a 5 prestations d’aide sociale qui ont été
mises en place :
- En 1969, le revenu garanti aux personnes âgées : on refuse de laisser les seniors qui
ne reçoivent pas de pension (pour une raison ou pour une autre) dans un état de
besoin et on leur garanti un niveau de vie minimum ;
En 1969, les allocations pour les personnes handicapées afin de permettre un revenu
minimum, un niveau minimum de vie pour les personnes qui, en raison de leur
handicap, ne peuvent pas bénéficier de secours car elles ne peuvent pas travailler.
- En 1976, l’aide sociale au sens strict : le droit à l’aide social permet au CPAS de venir
compléter le MINIMEX.
En résumé, durant les trente glorieuses, la sécurité sociale n’a cessé de grandir ; elle est
devenue un véritable pilier. Cependant, il n’y avait pas de sécurité sociale universelle, mais 4
régimes coexistaient : celui des fonctionnaires, celui des indépendants, celui des salariées, et
le régime de l’aide sociale. L’année 1974 est un tournant, avec le MINIMEX comme une forme
d’apogée de la sécurité sociale mais c’est aussi le début de la déglingue avec la
désindustrialisation.
Depuis la fin des 30 glorieuses, on est dans un contexte global très différent de la période
faste. Qu’est ce qui change ? dans le milieu des années 70, le quasi plein emploi est fini. Le
choc de la désindustrialisation arrive. Un certain nombre de pan de l’économie nationale
disparaissent. On passe dans un chômage de masse. Du jour au lendemain, c’est la fin du plein
emploi, et ça, c’est un problème pour l’État-Providence car le plein emploi que l’on connaissait
était la condition de possibilité des trente Glorieuses. C’est grâce à cela qu’on pouvait financier
les améliorations, les extensions de la sécurité sociale. À partir du moment où le chômage
explose, c’est beaucoup plus compliqué de financier les améliorations.
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Un autre changement est un changement idéologique. Dans les années 80, le discours néo-
libéral connaît un certain succès, surtout dans les pays Anglo-saxons. Cette pensée s’illustre
notamment en 1980-1985 avec la Commission royale chargée d’harmoniser la législation
relative à la sécurité sociale. En Belgique, ce succès reste néanmoins limité car ce n’est qu’un
épisode de diffusion de ces idées. Les néolibéraux flamands sont cependant parvenus à mettre
fin au consensus qui régnait jusque-là.
Malgré tout, depuis 1980, il y a aussi eu des avancées dont les deux principales sont :
- Le statut social des indépendants : le statut social des indépendants à partir des
années 2000 – on a cherché à revaloriser leur statut social et à aligner leur statut sur
celui des salariés.
Au début du 21ème siècle, on entre dans un nouveau modèle, celui de l’État social actif.
Les appréciations sont assez mitigées : certains disent que c’est une bonne chose, qu’il faut
davantage responsabiliser tandis que d’autres sont beaucoup plus sceptiques et disent que ce
discours de responsabilisation individuelle rappelle l’État Bismarck du 19ème siècle, que l’État
social est une remise en cause du système de sécurité sociale. On poserait des contraintes
trop lourdes sur les assurés sociaux.
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Définir la sécurité sociale n’est pas évident mais comme point de départ on peut dire que
spontanément on a tendance à essayer de capturer l’essence de la sécu sociale à partir de sa
finalité. Et l’objectif de la sécurité sociale est de sécuriser les conditions d’existence. Si on met
l’accent sur la dimension de construction collective on peut définir comme suit : « la sécurité
sociale est l’ensemble de dispositifs et mesures adaptées par une collectivité publiques
déterminée pour assurer la sécurité d’existence des personnes vivant sur son territoire. ».
Cette définition est en réalité beaucoup trop large et ne permet pas de saisir les contours de
la sécurité sociale. Car il y a beaucoup d’autres politiques publiques qui visent aussi à assurer
la sécurité de l’existence. Exemple : offrir un système d’enseignement vise également à
assurer la sécurité de l’existence ; la politique du logement également ; etc. Il ne faut donc pas
retenir cette définition, car elle est trop englobante.
Historiquement, il existe des législations sociales qu’on considère comme formant ensemble
un système : le système de sécurité sociale. La définition que l’on va voir cherche à montrer
ce qui est commun, ce qui est propre à ces législations sociales. On va proposer une définition
pragmatique partant du constat qu’il y a un nombre de législation et disposition qui forment
le système de la sécurité sociale.
La sécurité sociale est le système, qui grave à une certaine redistribution financière, garanti et
toute une partie de la population 3 types de revenus :
- Les revenus de complément, destinés à permettre de faire face aux charges qui
affectent le niveau de vie.
La sécurité sociale est une grande machine à allouer des revenus, redistribuer les richesses.
Voyons les 3 ensembles de revenus qui cherchent à pallier aux risques sociaux :
On chercher ici à pallier à la perte de revenu. Quels sont les risques de la vie qui peuvent avoir
pour effet d’altérer la stabilité des revenus professionnels ? Il y en a 2 : Le manque
(involontaire) de travail ; L’impossibilité physique de continuer à travailler.
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Ceux-ci n’ont pas pour but de remplacer un revenu perdu, mais visent davantage à augmenter
le revenu car on fait face à un certain nombre de charges qui affectent le niveau de vie, alors
que le revenu professionnel est inchangé.
Quelles sont ces charges ? Les problèmes de santé et les frais médicaux ; la charge d’enfant
et l’éducation d’enfants.
Quelles allocations permettent de faire face à ces deux risques sociaux ? Les allocations
familiales ; L’assurance soins de santé.
Quelles prestations incarnent cet ensemble ? La garantie de revenus aux personnes âges
(GRAPA) ; Les allocations de personnes handicapées ; Les prestations familiales garanties
(n’existent plus car les allocations familiales ont été universalisées) ; Le droit à l’intégration
sociale ; Le droit à l’aide sociale.
La Belgique offre bien ces prestations prescrites par la Convention, mais uniquement pour les
travailleurs salariés. Les indépendants, eux, n’ont pas de système de sécurité sociale au sens
de la Convention n°102 de l’OIT.
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Deux distinctions : la première sépare la sécurité sociale de ce qui lui est extérieur tandis que
l’autre sépare de l’intérieur.
Choisir de nous couvrir contre les grands risques de l’existence en recourant à la sécurité
sociale, ou à des assurances privées est un choix fondamental, mais ce sont 2 choses très
différentes :
Une différence de finalité : les assurances privées sont des sociétés et ont donc un but de
lucre, tandis que les organismes de sécurité sociale n’ont pas pour but de faire des bénéficies,
mais cherchent à organiser un système de solidarité. L’objectif est un objectif de
redistribution. Cette différence de finalité se manifeste par un certain nombre de différences
techniques, parmi elles :
o Du côté des assurances privées, on fait varier les primes en fonction du profil
de risque. C’est ce que l’on appelle la « segmentation tarifaire ». On ne paye
pas la même chose selon que l’on soit plus ou moins exposé de voir le risque
couvert se réaliser.
- Comment est-ce que l’on définit les prestations, à quoi donne droit les différentes
couvertures ?
En résumé, la sécurité sociale c’est « de chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins
».
La question qui est posée dans les années 90 est savoir si le droit euorpéen n’allait pas
remettre en question cette différence fondamentale ? Cette différence fondamentale entre
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la sécurité sociale et les assurances privées est maintenant reconnue dans la jurisprudence de
la CJUE, qui a du se prononcer sur question préjudicielle sur la compatibilité de la sécurité
sociale avec les règles sur le droit de la concurrence.
L’arrêt de principe est l’arrêt Poucet et Pistre de 1993. Monsieur Poucet et monsieur Pistre
sont deux travailleurs indépendants français, qui n’aiment pas la sécurité sociale car les
organismes de sécurité sociale ne laissent pas le choix, ils ont un monopole (on est obligés de
payer une cotisation sociale, on est obligés d’avoir une couverture soins de santé,...). Eux
veulent pouvoir s’affilier librement et aller vers les assureurs privés qui ont la couverture la
plus intéressante pour eux. Ces messieurs pensent avoir une idée de génie en attaquant une
décision de récupération de cotisation par l’organisme de sécurité compétent en disant « non,
non on ne payera jamais car votre mode de fonctionnement viole le droit européen de la
concurrence en imposant le payement de cotisation. Vous vous rendez responsables d’un
abus de position dominante. ». La question est arrivée devant la CJUE, qui en 1993, a rendu
une décision très importante.
Peut-on considérer que les organismes comme tels sont des organisme soumit au droit UE de
la concurrence ? La Cour a répondu négativement : « non les organismes en matière de
sécurité sociale ne violent pas le droit de la concurrence ». Pourquoi ? Car ces organismes de
gestion de la sécurité sociale n’abusent pas de leur position dominante. Surtout, la question
ne se pose pas car ils sont en dehors du champ du droit de la concurrence, ce ne sont pas des
entreprises (ils n’ont pas d’activité économique). Ces organismes sont des organismes qui
exercent pas une activité économique mais une activité fondée sur le principe de solidarité.
Puisque ce ne sont pas des entreprises, ils tombent en dehors du champ du droit de la
concurrence.
Cet arrêt a été confirmé par la CJUE le 11 juin 2020, dans l’arrêt « Dôvera ». Ce qui était en
cause était le système de soin de santé slovaque car ce système n’est pas organisé par un
service public unique, mais est géré par différents organismes (comme en Belgique) auxquels
la population doit s’affilier. Dans le système de soins de santé slovaque, il y a des organismes
privés et publics et reçoivent des aides financières s’ils couvrent des affiliés qui ont un mauvais
profil de risque (c’est-à-dire, qui ont plus de chance de recourir aux soins de santé). La société
Dovera (qui fournit des soins de santé) avait attaqué d’autres organismes de soins de santé
(le gestionnaire public Slovaque) en disant que ces compensations qu’ils reçoivent des
autorités sont des aides d’état proscrites par le droit européen de la concurrence. C’est arrivé
devant le Tribunal de première instance de l’UE et contre toute attente, le Tribunal a donné
raison à Dovera et a considéré qu’il s’agissait d’aides d’état, qu’on avait donc affaire à un
marché, à des entreprises, et que ces organismes entraient donc dans le champ de la
concurrence. On assiste à un revirement de jurisprudence par rapport à ce qui était établi
depuis l’arrêt Pistre et Poucet.
Cette décision du Tribunal a été annulé par la CJUE sur recours de l’État Tchèque en disant
que les organismes opèrent conformément au principe de la solidarité (car les financements
des autorités sont balisés par la loi) et ne fournissent pas une activité économique. La CJUE a
donc tout récemment confirmé sa jurisprudence antérieure. Elle a d’ailleurs accentué le
principe de solidarité en ajoutant que s’agissant du financement, les contributions ne sont pas
basées sur le profil de risque.
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On se trouve à l’intérieur de la sécurité sociale, dans laquelle on trouve deux sous ensemble.
C'est la summa divisio de la sécurité sociale.
- Prestations contributives : il faut avoir travaillé et cotisé un certain temps pour y avoir
droit. Il y a une exigence d’un « passé de contribution ».
- On ne fait pas référence à l’état de besoin. Autrement dit, prenons que l’on est
couvert pour les accidents de travail, on regardera si l’on a cotisé ou pas et pas notre
état de besoin personnel comme une éventuelle épargne. Ce qui est logique car on
cherche à maintenir un niveau de vie.
Les aides sociales, quant à elles, englobent les revenus minimums résiduaires mis en place
pour pallier aux limites des assurances sociales.
- Puisque ce sont des prestations non-contributives, elles sont financées par l’impôt,
par la solidarité nationale ;
- Les aides sociales font évidemment référence à l’état de besoin. Les prestations sont
ciblées. On fait une enquête sociale pour examiner l’état de besoin. C’est le prix à payer
de la non-contributivité.
Il y a cependant des cas hybrides, qu’on ne peut ranger ni dans les assurances sociales, ni dans
les aides sociales. Par exemple, les allocations d’insertion qui sont des allocations de chômage
dont on peut bénéficier quand on a moins de 25 ans et qu’on vient de finir ses études. Ces
allocations sont non-contributives car on sort des études, on n’a pas encore travaillé et cotisé.
Pourtant, on est dans l’assurance chômage. En outre, elles sont financées par voie de
cotisations, et ne sont pas subordonnées à un état de besoin.
Tous les pays ont leur propre système de sécurité sociale, les formes varient selon les États
qui sont héritière de l’histoire et clivages desdits pays.
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On distingue deux grandes manières de penser la sécurité sociale. Ces deux grands modèles
renvoient à une figure clé de l’histoire sociale : Bismarck et Beveridge.
Ce sont les systèmes marqués par la pensée de Otto Von Bismarck (chancelier de Prusse), qui
a généralisé à la fin du 19ème siècle, en Allemagne, les systèmes de sécurité sociale. Dans ce
schéma, la figure centrale est celle des assurances sociales. L’objectif est de stabiliser le niveau
de vie des ouvriers. Il y a 3 caractéristiques clé :
- Prestations : elles sont proportionnelles aux revenus professionnels perdus. Le but est
de maintenir les acquis, de stabiliser l’existence.
W. Beveridge a connu son heure de gloire en 1942 quand, en pleine guerre, il a publié un
rapport et a développé la notion de « social security ». Dans son schéma, la figure de référence
est l’idée de bâtir un service public national de la sécurité sociale.
Son idée allait plus loin que celle de Bismarck puisqu’il proposait que le service public de
sécurité sociale ait pour objectif d’égaliser les niveaux de vie (et pas seulement amortir les
chocs résultant des risques de l’existence). Les caractéristiques clé sont :
- Champ d’application personnel : le champ d’application est plus large car on va couvrir
l’ensemble de la population (et pas seulement les travailleurs) ;
- Financement : il y a un financement par l’impôt, ce ne sont donc pas que les travailleurs
qui financent ; la solidarité est universelle. Toute la population doit avoir accès au
même niveau de vie ;
- Prestations : elles sont alors forfaitaires car le but est de libérer tout le monde du
besoin, de garantir des mêmes standards de vie comparables. Un même niveau est
garanti pour tout le monde.
Cette tradition de penser a été incarnée dans les pays ango-saxons, mais surtout dans les pays
scandinaves.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Comment notre droit Constitutionnel encadre la sécurité sociale ? Notre droit constitutionnel
balise la sécurité sociale sous 2 angles très différents. Il y a 2 points de rencontre entre droit
constitutionnel et droit de la sécurité sociale : Y a-t-il un droit à la sécurité sociale ? (Section
1) Quels sont les niveaux de pouvoir compétents en matière de sécurité sociale ? (Section 2).
Dans notre Constitution, l’article 23 dit que chacun a droit à vivre une vie conforme à la dignité
humaine, et à cette fin, les législateurs ont pour mission de garantir les droits économiques,
sociaux et culturels (par contraste aux droits civil et politiques qui nécessitent avant tout une
abstention des pouvoirs publics en nous laissant nous exprimer, manifester,...) qui sont les
droits de l’état providence, qui appellent une intervention des autorités publiques (droit au
logement, droit à l’éducation,...). Sur papier, on a donc bien, dans l’article 23, §3, 2°, un droit
à la sécurité sociale, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Quelle est la portée de ce droit ?
Ce droit est-il une prérogative justiciable ? La réponse a cette question doit être nuancée ;
Tout d’abord, cette disposition est dépourvue d’effet direct, c’est-à-dire qu’elle n’est pas apte
à conférer directement, par elle-même, des prérogatives dont on peut prétendre en justice.
On ne peut pas en puiser directement des droits. Comment savoir si une norme est dotée
d’effet direct ? Il y a 2 critères : 1) la norme doit être suffisamment claire et précise et 2) il faut
qu’elle soit complète, qu’elle se suffise à elle-même, est-ce qu’elle nécessite des mesures de
mise en œuvre ?
Sur base de l’article 23 de la Constitution, il n’est pas possible de postuler quelque chose en
justice. Il faut que le législateur précise ce qu’est le droit à la sécurité sociale, il doit mettre en
musique le prescrit constitutionnel. Il existe cependant des mécanismes juridiques qui pallient
à l’absence d’effet direct de cet article 23 ;
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
ne pouvaient pas défaire les droits garantis, ils ne pouvaient pas amoindrir le niveau de
protection sociale. On ne peut pas revenir sur les acquis sociaux.
Cette obligation de standstill n’est cependant pas absolue ; elle est relative puisqu’il existe une
exception, une possibilité de diminuer le niveau de protection en place, sous certaines
conditions toutefois. Pour pouvoir, en dérogation au principe, amoindrir le niveau de
protection des droits sociaux, il y a 2 types de conditions :
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Constitutionnelle par la Ligue des droits humains et en 2020, la Cour a censuré cette réforme
car elle viole l’article 23 de la Constitution, elle viole le principe de standstill. La Cour constate
que. :
- Le législateur, dans les travaux préparatoires, dit que son but est d’éviter les abus et
de limiter les dépenses. Juridiquement, c’est un motif d’intérêt général. Cette
condition est donc remplie.
- Mais, est-ce que le recul opéré est approprié et nécessaire au regard des objectifs
poursuivis ? Et est-ce la mesure la moins attentatoire aux droits des personnes
handicapées ? Là, la Cour constitutionnelle dit que NON, ce n’est pas le cas,
notamment parce que le législateur n’avait que très peu motivé sa réforme. C’est pour
cette raison que la Cour a censuré la réforme.
Finalement, on voit que la réponse est entre les mains du législateur : c’est principalement
parce qu’il n’y avait que très peu d’éléments dans le dossier législatif que la Cour
constitutionnelle a considéré que la réforme n’était pas conforme au régime juridique de
l’obligation de standstill.
Le second palliatif à l’absence d’effet direct est la lecture combinée de l’article 23 avec les
articles 10 et 11 de la Constitution (principes d’égalité et de non-discrimination) : le législateur
n’est pas obligé d’avancer mais s’il décide d’avancer, il doit le faire d’une manière non-
discriminatoire.
Exemple 1 : Égalité entre homme et femme : lorsque le législateur met en place une pension
de retraite, il ne peut pas le faire différemment pour les hommes et pour les femmes. Ce
n’était pas le cas auparavant puisque les femmes atteignaient l’âge de la retraite à 60 ans,
tandis que les hommes l’atteignaient à 67 ans.
Exemple 2 : Interdiction des différences sur base de la nationalité : le législateur ne peut pas
accorder un revenu d’intégration du CPAS aux belges et pas aux étrangers, à moins qu’il n’y
ait une justification. Il faut que le législateur se prévale de considérations fortes.
Dans notre pays, les communautés et les régions (entités fédérées) sont compétentes pour
toutes les matières qui leur ont été expressément attribuées, tandis que l’Etat fédéral légifère
dans les matières qui lui ont été confiées et dans toutes les autres qui n’ont été attribuées à
personne (compétence résiduaire).
La sécurité sociale n’a pas été attribuée aux communautés et aux régions, il s’agit donc d’une
compétence résiduaire qui revient à l’Etat fédéral.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Lors de la réforme de 1988 (soit, la 6ème réforme de l’État), on est venu explicitement
préciser, dans la loi spéciale du 8 aout 1980 de réformes institutionnelles, que la sécurité
sociale est une compétence de l’Etat fédéral. La compétence résiduaire est donc devenue
expresse. Mais la sécurité sociale est mise comme étant une exception réservée à l’autorité
fédérale. Mais ce point de départ doit être tempéré par deux constats (§2).
Depuis 1980, les régions sont compétentes pour la politique de l’emploi et à ce titre-là, on a
régionalisé le placement des chômeurs (aide aux chômeurs pour intégrer le marché du travail).
L’articulation entre la sécurité sociale et la politique de l’emploi est que, dans la sécurité
sociale, on a une branche qui concerne les chômeurs : l’assurance chômage, tandis que le
placement des chômeurs ne fait pas partie de la sécurité en tant que telle. Il y a un lien étroit
entre l’indemnisation, et l’aide octroyée pour entrer sur le marché du travail.
Du côté des communautés, il y a plus de choses à dire. Elles sont compétentes pour
l’enseignement, la culture, et les matières personnalisables. Au titre de cela, certaines
compétences connexes ont été défédéralisées. Premièrement, la formation professionnelle
(des demandeurs d’emploi) liée au chômage : l’assurance chômage est une branche de la
sécurité sociale, mais la formation est une compétence communautaire.
La politique familiale est une compétence des communautés, tandis que les allocations
familiales (branche de la sécurité sociale) relèvent de la compétence fédérale.
Bref, pour toute une série de matières, il y a un lien étroit entre ce qui relève de la compétence
communautaire et ce qui relève de la compétence fédérale.
Attention, s’agissant la communauté française : elle ne s’est jamais très bien comportée sur le
plan budgétaire. Ce qu’il s’est passé c’est que quand ces matières ont été défédéralisées, la
communauté française a dit « financièrement, je ne pourrai pas assurer » et s’est défait de ses
compétences au profit de la Région wallonne et de la COCOF (les transferts de compétences
entre entités fédérées sont permis par la Constitution, article 138).
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Sur la base des compétences des communautés dans les matières personnalisables (article 5
de la loi spéciale du 8 aout 1980), cette proposition est adoptée par le parlement flamand.
Problème : la compétence en matière de sécurité sociale est une compétence fédérale ; la
Communauté ne devrait donc pas pouvoir adopter un tel décret.
En 2001, contre toute attente, la Cour constitutionnelle valide le décret flamand en disant que
la Communauté a fait un usage acceptable de ses compétences en matière d’aide aux
personnes. La Cour dit que ce qui aurait été contraire aux règles de répartition de compétence
aurait été que la Communauté flamande empiète sur une compétence attribuée à une autre
autorité.
Pourquoi cet arrêt a-t-il surpris du côté francophone ? Car dans l’article 5 de la loi spéciale du
8 aout 1980 qui énumère les matière personnalisables, on ne retrouve pas, en tant que tel, la
compétence en matière d’aide aux personnes en situation de dépendance. Dès lors, ça devrait
être une compétence résiduaire qui devrait revenir à l’État fédéral. Il y aurait alors, selon les
francophones, atteinte au principe d’exclusivité.
On n’est en toutefois pas resté là, dans la mesure où l’affaire a connu des rebondissements
qui ont jeté sur la problématique un brouillard non encore dissipé à ce jour.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
En 2004, la section de législation du Conseil d’Etat a été saisie d’une demande d’avis sur une
proposition de loi déposée par un sénateur francophone visant à instaurer à l’échelle fédérale
une prise en charge des soins liés à la perte d’autonomie, et ce par le biais d’un élargissement
de l’assurance soins de santé et indemnités organisée dans le cadre de la sécurité sociale. Le
Conseil d’État a alors estimé qu’en vertu du principe d’exclusivité, l’État fédéral n’était plus
compétent, puisqu’une Communauté avait déjà légiféré sur la question.
Quelques années plus tard, la Cour constitutionnelle a rendu un autre arrêt encore, dans
lequel elle a réaffirmé que la Communauté flamande pouvait légiférer en matière de prise en
charge de la dépendance, sans que cela n’exclue la compétence fédérale. Elle a ainsi pris le
contre-pied de la section de législation du Conseil d’Etat. Elle a considéré que chaque niveau
de pouvoir peut légiférer sur la base de ses compétences propres : le fédéral le fait sur base
de sa compétence en matière de sécurité sociale, et les Communautés agissent au titre des
compétences personnalisables.
Concrètement, cela signifie que si demain l’État fédéral mettait en place une assurance
dépendance au sein de la sécurité sociale, il pourrait le faire. Mais comment est-ce qu’on
règlerait le conflit de compétence ? Les individus devraient-ils payer 2 fois (une fois pour le
fédéral et une fois pour la communauté) ? A l’heure actuelle, aucune réponse n’a été apportée
à ces questions. Ce dernier arrêt de la Cour constitutionnelle a ouvert le flou sur le sujet.
On retient donc que la ligne de démarcation entre les deux ensembles est poreuse.
Depuis la sixième réforme de l’État, comme si ça ne suffisait pas, il y a des exceptions. Pourquoi
? Car lors de cette réforme, pour la première fois, la sécurité sociale a été tronçonnée : une
branche de la sécurité sociale (à savoir, l’allocation familiale) a été défédéralisée au profit des
Communautés. Cette compétence communautaire en matière d’allocations familiales est
désormais explicitement consacrée dans la loi du 8 aout 1980.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Comme dit supra, la Communauté française, fauchée comme les blés, n’a jamais exercé ses
compétences en matière de formation professionnelle, de politique de santé et de politique
des personnes handicapées puisqu’elle s’en est débarrassé au profit de la Région wallonne.
En 2014, on a répété la même opération : à peine la Communauté française avait-elle reçu la
compétence en matière d’allocations familiales qu’elle l’a transférée au profit de la Région
wallonne. Par conséquent, sont compétents pour légiférer en matière d’allocations familiales
:
En résumé :
Lors de la sixième réforme de l’État, on a, pour la première fois, scindé entièrement une
branche de la sécurité sociale : les allocations familiales, pour lesquelles on a désormais quatre
systèmes qui cohabitent.
Qui est compétent en matière de sécurité sociale ? Le point de départ reste valable : l’État
fédéral est compétent. Il y a cependant 2 nuances :
- Les matières proches de la sécurité sociale, qui ne font pas partie de la sécurité sociale
confiées aux Communautés et aux Régions ;
Il y a également une exception : les allocations familiales, qui ont été entièrement
défédéralisées au profit de la communauté flamande, la COCOM, la région wallonne et la
communauté germanophone.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
C’est la question : qui doit payer des cotisations de sécurité sociale ? Attention, il faut bien
garder à l’esprit que payer des cotisations est la principale manière de s’ouvrir des droits de
sécurité sociale.
§1. Premier principe : toute personne exerçant une activité professionnelle en Belgique doit être
assujettie à un régime de sécurité sociale (contributif)
- « Toute personne qui exerce une activité professionnelle en Belgique » : cela signifie
donc que le fait de fournir un travail est la condition nécessaire d’accès à la protection
sociale ;
§2. Deuxième principe : les dispositions légales relatives à l’assujettissement à la sécurité sociale
sont d’ordre public
Les dispositions en matière de sécurité sociale sont d’ordre public car elles protègent les
intérêts les plus fondamentaux de la collectivité. En conséquence, on ne peut donc pas
aménager ces dispositions par l’exercice de la liberté contractuelle. On ne peut pas négocier
ces normes.
§3. Troisième principe : pour une même activité professionnelle, une personne ne peut pas être
assujettie à plusieurs régimes de sécurité sociale
Pour une même activité, l’assujettissement à un régime est exclusif de l’autre régime : on est
soit salarié, soit indépendant.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
§4. Quatrième principe : si une personne exerce deux activités professionnelles distinctes, cette
personne peut être assujettie à deux régimes de sécurité sociale
On peut cependant être assujettis à deux régimes de sécurité sociale si on est dans une
situation de double activité professionnelle.
De plus en plus, on appelle ce régime, le régime de sécurité sociale général ; c’est le régime
de référence. La base légale qui régit la matière est une loi du 27 juin 1969, dite loi « ONSS »,
révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale. Cet arrêté-loi adopté
par les autorités à leur retour d’exil de Londres alors que la bataille des Ardennes fait encore
rage. C’est le texte qui s’ouvre par le rapport au Régent qui dit qu’il faut pérenniser la sécurité
sociale pour libérer les hommes et les femmes de la crainte de la misère.
Ce texte de 1969, texte typique des trente Glorieuses, est venu vider substantiellement le
texte originaire, l’arrêté-loi de 1944.
L’article 1er, §1, al. 1 de la loi du 27 juin 1969 (dite loi « ONSS ») pose le principe de base : «
sont assujettis à la sécurité sociale des salariés les travailleurs et les employeurs liés par un
contrat de louage de travail ». Tous les travailleurs et tous les employeurs liés par un contrat
de louage de travail sont donc assujettis au régime de sécurité sociale des salariés.
Attention, qui est assujetti au régime de sécurité sociale des salariés ? Les travailleurs salariés,
mais aussi leurs employeurs. En effet, l’assujettissement c’est la problématique de savoir qui
paye des cotisations sociales, et ces cotisations sont payées par les travailleurs ET leurs
employeurs.
Concrètement, quand un contrat de travail est établi, l’une des premières obligations de
l’employeur est d’adresser à l’ONSS une déclaration appelée la déclaration « Dimona » afin
que l’ONSS sache qu’une relation de travail subordonnée existe entre un employeur et un
travailleur.
Ce qui est important, c’est de lire entre les lignes, ce que l’article 1, §1er, al. 1 ne dit pas
explicitement. En effet, cet article ne dit rien à propos du statut juridique des employeurs. On
parle d’un contrat de travail entre travailleurs et employeurs, or il existe des employeurs
privés et des employeurs publics. Puisque l’article 1, §1er, al. 1 ne précise rien à propos du
statut juridique des employeurs, il en découle que tous les fonctionnaires contractuels,
engagés par leur autorité, dans le cadre d’un contrat de travail, sont assujettis au régime de
sécurité sociale des salariés (et pas au régime de sécurité sociale des fonctionnaires).
En outre, cette disposition ne rappelle pas qu’il existe, en droit du travail, toute une série de
présomptions, de situations dans lesquelles on présume l’existence d’un contrat de travail. La
loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail reprend ces présomptions, qui sont de 2 types :
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
o Les étudiants : a priori, le contrat qui lie l’étudiant et son employeur est un lien
de subordination. Il est toutefois possible de renverser cette présomption en
prouvant que l’étudiant est bel et bien indépendant ;
o Les intérimaires ;
Donc, ce dont il faut se souvenir en lisant l’article 1er, §1er, al. 1 c’est que la loi sur le contrat
de travail établit certaines présomptions pour lesquelles il y aura mécaniquement
assujettissement au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés. Par conséquence,
tombent dans le champ de la sécurité sociale des personnes qui ne sont pas salariées mais
seront comme des salariés.
L’article 2 de la loi ONSS autorise le Roi à étendre le régime général à d’autres personnes (§2),
à limiter (§3) et à soustraire les travailleurs au régime de sécurité sociale général (§4). À
l’inverse il peut exclure et limiter l’assujettissement. Le 28 novembre 1969, le Roi a agi et a
pris un arrêté exécutant la loi ONSS, appelé l’arrêté ONSS.
On se demande dans quel sens le pouvoir à fait usage de ces prérogatives. La première
hypothèse est le cas ou des personnes n’étant pas des salariés vont quand même profiter du
droit de sécurité sociale comme des salariés.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
A. Les extensions aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, fournissant
contre rémunération des prestations de travail sous l’autorité d’une autre personne
(articles 9 à 15 de l’arrêté d’exécution)
On vise ici les fonctionnaires statutaires, c’est-à-dire les agents des services publics engagés
dans le cadre d’une nomination statutaire. Ces agents travaillent contre une rémunération, et
sous l’autorité d’une autorité publique. Malgré l’absence de contrat de travail, ils peuvent être
englobés dans le régime de sécurité sociale des salariés. Toutefois, les fonctionnaires
statutaires ne sont pas engagés dans les liens d’un contrat de travail puisqu’ils sont nommés
unilatéralement par la personne qui les emploie.
Nous avions vu précédemment que notre système de sécurité sociale est constitué de 4
régimes parmi lesquels le régime des agents des services publics, alors pourquoi cette
extension ? Le régime de sécurité sociale est un régime hybride, c’est-à-dire que pour
certaines branches de la sécurité sociale, il contient des dispositions propres aux agents
statutaires, mais pour d’autres branches, les fonctionnaires statutaires sont simplement
rattachés au régime général. C’est cela qu’opèrent ici les articles 9 à 15 de l’arrêté d’exécution.
Notons que pour la plupart des fonctionnaires statutaires, ils sont reliés au régime général
pour ce qui concerne les soins de santé.
B. Les extensions aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, exécutent un
travail selon des modalités similaires à celles d’un contrat de travail
Il n’y a pas de contrat de travail, mais on fournit un travail selon des modalités proches de
celles d’un contrat de travail. À quoi est-ce que cela fait écho ? Ce qui est visé ce sont des
indépendants qui sont dans des situations de dépendance sur le plan socio-économique. Des
situations où il n’y a pas de lien de subordination sur le plan juridique, mais où on a à faire à
des personnes qui dépendent de fournisseurs d’activités et de revenus, et où il y a donc une
dépendance directe sur le plan socio-économique.
Cette idée d’inclusion vient des 30 Glorieuses, comment cela s’est fait en pratique ? L’arrêté
d’exécution de la loi ONSS met cette deuxième hypothèse en avant dans ses articles 3, 3bis et
15bis.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Exemple 2, les artistes : La loi ONSS, article 1bis (pas dans l’arrêté directement) – la
situation des artistes : un artiste peut être engagé par contrat de travail, et dans ce
cas, il est assujetti à la sécurité sociale des salariés en vertu de l’article 1er, §1, al. 1 de
la loi ONSS. Mais qu’en est-il de l’artiste qui n’a pas de contrat de travail ? L’article 1bis
de la loi ONSS étend la sécurité sociale des travailleurs salariés à « toutes les personnes
qui fournissent des prestations ou produisent des œuvres de nature artistique contre
paiement en dehors du cercle familial sont sujets à la sécurité sociale ». Au sein du SPF,
une commission administrative, appelée la commission « artiste » (composée de
représentants de différentes institutions sociales et de représentants sociaux) doit se
prononcer et déclarer si les prestations et/ou œuvres peuvent être qualifiées d’«
artistiques » afin de recevoir un visa artiste. Le but est de protéger une partie de la
population qui ne bénéficie pas de contrat de travail. Qui paye les cotisations ? LE
donneur d’ordre. Attention, c’est une présomption qui peut être renversée : l’artiste
peut dire « non, je ne fournis pas ces prestations/œuvres selon des modalités
semblables à celles d’un travailleur, je suis réellement indépendant ». Dans ce cas,
l’artiste sera soumis au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants.
- Exemple 3, les chauffeurs de taxi qui n’ont pas de contrat de travail : l’arrêté
d’exécution de la loi ONSS, art. 3, 5° a pour but de protéger le chauffeur de taxi qui n’a
pas de contrat de travail, en élargissant la protection et les soumet au régime de
sécurité sociale des salariés. Pourquoi ? Car malgré qu’il n’y ait pas de contrat de
travail, le chauffeur est dépendant sur le plan socio-économique. Toutefois, si 1) le
chauffeur est titulaire d’une licence d’exploitation et 2) le chauffeur est propriétaire
de son véhicule, on considère que sur le plan socio-économique le chauffeur est
indépendant et ne sera donc pas soumis au régime des travailleurs salariés.
- Exemple 5, les titulaires de bourses de doctorat : les doctorants ne sont pas engagés
dans un contrat de travail, il n’y a pas de lien de subordination entre l’université et le
doctorant. Sur le plan de la sécurité sociale, ils seront cependant entièrement intégrés
dans le régime de sécurité sociale des travailleurs salariés (article 3bis).
- Exemple 6, les services de nettoyage : les personnes qui prestent des services de
nettoyage sans contrat de travail seront intégrées dans le régime de sécurité sociale
des salariés sauf si 1) elles ne travaillent pas pour un seul donneur d’ordre, 2) elles
emploient leur propre matériel et 3) elles facturent elles-mêmes directement leurs
prestations sans passer par un intermédiaire (Loi ONSS, art. 2/2).
La logique est donc que pour toute une série de catégories, le Roi inclue des personnes qui
n’ont pas de contrat de travail sous le régime de la sécurité sociale.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Notons que, quand l’assujettissement est partiel, cela coute moins cher car on ne doit pas
payer les cotisations sociales dans les branches que ne sont pas applicables.
C’est-à-dire des situations où on a un contrat de travail, mais en vertu de l’usage fait par le
pouvoir exécutif de l’article 2 de la loi ONSS, il n’y a pas d’assujettissement.
C’est une hypothèse à manier avec beaucoup de prudence parce qu’il y a un contrat de travail,
mais pas de sécurité sociale (et donc pas de cotisations non plus). Comme cette hypothèse
peut mener à des situations problématiques, le Roi n’a pas été habilité à faire n’importe quoi.
Ce qu’il a été habilité à faire dans l’article 2 de la loi ONSS c’est soustraire à l’assujettissement
des travailleurs engagés dans les liens d’un contrat de travail, seulement si on a à faire à un
emploi accessoire ou à un emploi de courte durée.
Exemple, les étudiants jobistes : en règle générale, l’étudiant jobiste est engagé dans les liens
d’un contrat de travail, il y a donc un assujettissement plein et entier. Toutefois, dans l’arrêté
d’exécution, l’article 17bis dit, qu’en dérogation au principe, sont soustraits au régime général
les étudiants jobistes dont l’occupation est inférieure à 475 heures de travail au cours d’une
année civile. Les étudiants jobistes et leurs employeurs ne doivent donc pas cotiser. Si
l’étudiant dépasse ce plafond, il y aura assujettissement plein et entier et on retombe dans le
cadre général de la loi ONSS, art. 1, §1, al. 1 avec les avantages et les inconvénients.
Néanmoins, les étudiants jobistes doivent payer une cotisation de solidarité s’élevant à 2,7%.
Le texte applicable en la matière est un arrêté royal de pouvoirs spéciaux n°38 du 27 juillet
1967. Cet arrêté ne s’est substitué à aucun texte antérieur, il a été adopté au moment où on
a créé le statut social des indépendants.
Cet arrêté pose un principe de base : deux catégories de personnes sont soumises au régime
de sécurité sociale des indépendants, à savoir les travailleurs indépendants au sens strict
(majorité) (§1) et les aidants (§2). Notons que chez les indépendants, on ne mentionne pas les
employeurs, puisqu’il n’y en a pas. Cela signifie donc que seul l’indépendant cotise.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Un travailleur indépendant est toute personne physique qui exerce, en Belgique, une activité
professionnelle en dehors d’un contrat de travail ou d’un statut.
Il faut donc deux choses dans le chef de la personne physique : exercer une activité
professionnelle (2), et l’exercer en dehors d’un contrat de travail ou d’une nomination
statutaire (1).
o L’activité doit être habituelle, c’est-à-dire que l’activité doit reposer sur un
accomplissement régulier d’opérations liées entre elles, qui poursuivent un
même objectif. Comment est-ce mis en œuvre ? Cette condition est très large,
l’administration a tendance à vite considérer une activité comme habituelle.
Ces conditions sont entendues de manière large. Pourquoi ? Afin de protéger, au moins un
minimum. On cherche à réaliser le principe général selon lequel on ne preste pas d’acticité
professionnelle en dehors d’un assujettissement, sans avoir de couverture de sécurité sociale.
Ici, on a au moins la couverture la plus basse.
L’arrêté royal n°38, après avoir posé le principe de base prévoit des extensions (B) et des
exclusions (C).
A. Les extensions
Cette présomption a longtemps fait l’objet de débats car auparavant cette présomption était
irréfragable. La Cour constitutionnelle a cependant considéré que ce caractère irréfragable de
la présomption était inconstitutionnel, et depuis 2014, la présomption est devenue simple. On
peut donc la renverser soit en montrant que le mandat d’administrateur n’est pas utilisé à but
gratuit mais de lucre soit en prouvant que ce mandat est fictif.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
B. Les exclusions
Ce sont des situations où on a, en principe, à faire à des situations qui répondent à la définition
générique de l’activité professionnelle et où il devrait y avoir assujettissement au régime des
indépendants. Ces exclusions ont été mises en place par le Gouvernement Michel qui a créé
un système plus libéral.
Ce sont les personnes qui assistent ou qui suppléent un travailleur indépendant dans l’exercice
de sa profession sans être engagés envers lui par un contrat de travail (article 6 de l’arrêté
royal n°38).
Cela concerne une situation bien précise, à savoir celle des conjoints-indépendants (art. 7bis
de l’arrêté n°38). Ce sont les époux ou les co-habitants légaux d’un indépendant qui aident cet
indépendant, sans avoir un contrat de travail à l’égard du mari ou du cohabitant légal. Ce
statut de conjoint-aidant a été créé dans les années 2000 dans un but protecteur ; pour aider
les personnes (le plus souvent des femmes) qui ont pour époux un travailleur indépendant qui
exerce une profession libérale. Exemple : mon mari est notaire, moi je n’ai pas d’activité
professionnelle propre mais je passe pas mal de temps à venir en aide à mon mari, par
exemple en étant sa secrétaire.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Cette question est étroitement liée à l’assujettissement puisqu’on est dans un système de
nature bismarckienne. Qui sont les principaux financeurs du système ? Ceux qui contribuent,
qui payent des cotisations sociales. Chez nous, il n’y a pas de système unifié, plusieurs régimes
coexistent, donc les règles qui régissent le financement sont distinctes.
Pour rappel, le budget total de la sécurité sociale en 2019 était de plus ou moins 100 milliards
d’euros, soit 28% du PIB belge. Il s’agit, dans toutes les politiques publiques du pays, de celle
qui engage les sommes d’argent les plus significatives.
Entre mars 2020 et aout 2020, 8 milliards d’euros additionnels de dépenses ont été engagés
par rapport au budget habituel (de 100 milliards) et on a fait 6 milliards de non-recette
puisqu’à partir du moment où les travailleurs arrêtent de travailler, perdent leur boulot, ils ne
cotisent plus. À cause de la crise du Covid19, on va vers une situation très problématique,
qu’on ne sait pas encore comment résoudre.
Notre système de sécurité sociale est financé par 2 grands canaux : les cotisations sociales
(parafiscalité) et l’intervention de l’état (fiscalité).
Les règles sont très différentes dans le régime des salariés et le régime des indépendants, mais
on observe la même tendance des deux côtés : un recul de la part relative des cotisations
(parafiscalité), et une montée en puissance de la fiscalité (on est à 2/3, 1/3). Pourquoi cette
évolution ? Il y a 2 grandes raisons :
Un élément s’ajoute à ces deux facteurs : la 6e réforme de l’état car les morceaux de la sécurité
sociale sortis de la compétence fédérale pour les donner aux Communautés sont financé par
des dotations fiscales. Cette évolution contribue à augmenter la part de financement.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Il y a 2 grandes sources de financement dans le régime de sécurité sociale des salariés (ainsi
quand celui des indépendants) : les cotisations (§1) et la fiscalité, l’impôt (§2).
C’est quoi exactement les cotisations sociales ? Dans le régime des salariés, les cotisations
consistent en un pourcentage de la rémunération salariale.
La plus grande difficulté est de définir exactement l’assiette des cotisations, de définir ce
qu’est la rémunération salariale que l’on vient frapper par des cotisations, sur quel flux
financier précis on vient les prélever.
L’article 14 de la loi du 27 juin 1969 (ou loi ONSS) établit l’assiette des cotisations en disant
que c’est la rémunération salariale. Mais le législateur social n’a pas définit la notion de
rémunération. Il a simplement renvoyé à une loi autre : la loi du 12 avril 1965 concernant la
protection de la rémunération. Par conséquent, la définition de « rémunération » en droit du
travail est reprise pour le calcul des cotisations en sécurité sociale.
La loi du 12 avril 1965 définit la rémunération comme « englobant toutes les sommes d’argent
et tous les avantages que le travail reçoit de son employeur en raison de son engagement ».
Notons qu’en règle générale on est renvoyé à la définition de la loi de 1965, ce qui veut dire
toutes les sommes d’argent et tous les avantages que le travailleurs reçoit de l’employeur en
raison de son engagement, fait partie l’assiette de cotisation. Cette définition est très
extensive : tout flux financier entre un employeur et un travailleur, lié à l’exécution du contrat
de travail est frappé par les cotisations sociales.
Ensuite, le législateur, après avoir posé le principe, a habilité le Roi à déroger à la définition
donnée par la loi du 12 avril 1965. Dans l’arrêté d’exécution de la loi ONSS, on trouve donc
toute une série de dispositions qui spécifient que certains avantages doivent tantôt être
intégrés dans la notion de rémunération, tantôt doivent en être exclus. Deux exemples
d’avantages sortis de la notion de rémunération, et par conséquent de l’assiette des
cotisations :
- Exemple 1, les chèques repas : l’arrêté d’exécution de la loi d’ONSS prévoit qu’à
certaines conditions, les chèques repas sont exemptés du paiement de cotisations
sociales. Quelles sont ces conditions ? Il faut que le versement de chèques-repas ait
été prévu dans une Convention Collective de travail (qui est donc négociée entre
employeur et travailleurs) et que ces chèques repas soient octroyés en plus de la
rémunération de base, et pas à la place de cette rémunération.
- Exemple 2, les voitures de société : c’est l’avantage octroyé par l’employeur en plus
du salaire. Il y a donc la rémunération et en plus de ça, l’employeur met à disposition
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
un véhicule qui peut être utilisé pour des raisons autres que professionnelles. La loi
ONSS exonère cet avantage du paiement de cotisations sociales. Il y a quand même
une cotisation, non pas ordinaire, mais spéciale prélevée et qui varie en fonction du
taux d’émission de CO2 du véhicule (plus il pollue, plus la cotisation spéciale est
importante). Il n’empêche que cette exonération très large bénéficiant aux voitures de
société pose vraiment question car ceux qui bénéficient des voitures de société sont
les travailleurs à haut salaire ou à très haut salaire. Ces personnes bénéficient donc
d’un avantage qui ne donne pas lieu au paiement de cotisation sociale et n’alimente
pas le budget de la sécurité sociale ; ça désavantage la sécurité sociale. Parallèlement,
sur le plan environnemental, c’est très particulier d’avoir, en Belgique, 1 voiture sur 2
qui est une voiture de société.
Ces exemptions de cotisation sociale ont un caractère biface : d’un côté, c’est un avantage, du
pouvoir d’achat additionnel mais d’un autre côté, la multiplication de ces avantages dé-
financent la sécurité sociale puisque ce sont autant de rentrées qui n’entrent pas dans le
budget de la sécurité sociale.
- Les cotisations ordinaires sont les cotisations prélevées sur le salaire de tous les
travailleurs subordonnés au régime des salariés.
o Partie personnelle : part des cotisations qui pèse sur les travailleurs.
o Partie patronale : part des cotisations qui pèse sur les employeurs.
- Les cotisations spéciales sont des cotisations qui ne frappent que certaines catégories
de travailleurs et/ou certaines catégories d’employeurs ou qui sont reliées à une cause
bien précise.
o Exemple 1, les étudiants jobistes : bien que les étudiants ne soient pas
subordonnés au régime général des salariés (lorsqu’ils travaillent moins de 475
heures par année civile), ils doivent payer une cotisation de solidarité, qui est
une cotisation spéciale. Lorsqu’un étudiant reste en dessous du plafond, il n’est
pas assujetti à la sécurité sociale mais il y a quand même cette cotisation
souvent payée par l’employeur.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
C. Perceptions de cotisations
Comment on calcule les cotisations ? quelle est la démarche faites par l’employeur ? Comme
nous le savons, la première obligation qui pèse sur l’employeur est d’envoyer une « Demona
» (déclaration immédiates d’emploi, loi du 27 juin 1969, article 23 §1) à l’ONSS, et ainsi l’ONSS
est déjà au courant de l’existence d’une relation de travail donnant lieu à assujettissement.
L’obligation ultérieure qui pèse sur l’employeur pour que les cotisations soient calculées est
de faire parvenir tous les trimestres à l’ONSS une déclaration qui porte le nom de « DMFA »,
la Déclaration multifonctionnelle (loi du 27 juin 1969, article 23).
Pourquoi multifonctionnelle ? Car cette déclaration permet de calculer les cotisations sociales,
mais aussi les droits qui s’ouvrent aux travailleurs grâce aux cotisations. Après la déclaration,
il faut que les cotisations soient payées à l’ONSS, au plus tard à la fin du mois qui suit le
trimestre échu. Attention, le non-paiement des cotisations est une infraction pénale puisque
la loi sociale est d’ordre public.
Il est important de préciser que le calcul des cotisations sociales est fait sur la base de la
rémunération salariale pleine et entière, non-plafonnée. Plus le salaire est élevé, plus il y aura
des cotisations prélevées sur celui-ci.
Jusqu’au début des années 80, le salaire qui servait de base au calcul des cotisations était
plafonné. Tout ce qui dépassait ce plafond n’était pas frappé par les cotisations sociales.
Aujourd’hui encore, l’assiette est plafonnée dans le régime des indépendants. Ce
plafonnement était critiqué car il avait pour effet de rendre la parafiscalité dégressive et les
hauts revenus n’étaient pas suffisamment mis à contribution au regard de l’importance de
leur salaire total. Il faut garder en tête que la parafiscalité est une imposition de type linéaire,
tandis que la fiscalité des revenus est progressive. Qu’est-ce que ça veut dire ?
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Les cotisations ne sont plus progressives (elles n’augmentent pas au fur et à mesure que l’on
s’élève dans les tranches d’imposition), mais sont constantes (c’est X% sur l’intégralité du
salaire).
Chez les salariés : on regarde les cotisations sociales. En général le taux d’imposition est
linéaire (sur l’intégralité du revenu on prélève les cotisation a X%). Avant il y a avait un
plafond, ce qui rendait la parafiscalité régressive/ Ex : quelqu'un qui gagnait entre 0 et le
plafond était imposé à X% sur son revenu. Or, quelqu'un qui dépasse le plafond, il n’est pas
imposé pour ce qui dépassait. Pourquoi avoir changé celui après les années 80 ? Après les 30
glorieuse, on avait besoin d’argent et donc d’aller chercher dans les impositions.
Le taux nominal (c’est-à-dire, le taux théorique prévu par la réglementation) est de 13,7% du
salaire brut pour les cotisations personnelles. L’employeur doit y ajouter un taux nominal de
24,92% du salaire brut de cotisations patronales. Au total, le taux (théorique) global est de
37,99% du salaire brut. Attention, le taux nominal n’est que théorique, personne ne paye ce
taux-là en Belgique.
Comment établit-on les cotisations sociales ? Le point de référence est le salaire brut plein et
entier (100% de la rémunération) :
- De son côté l’employeur doit ajouter 24,92% de cotisations patronales au salaire brut.
Le coût salarial pour l’employeur est de 124,92%. À cela, il faut encore ajouter un peu
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Ceci a pour effet qu’il y a un écart significatif entre le salaire poche, et le cout salarial total :
c’est le poids de la fiscalité.
En Belgique, aucun employeur ne paye des cotisations au taux nominal (le taux prévu par le
législation) parce qu’il existe des mesures de réduction des cotisations qui sont de plus en plus
significatives. Il y a donc un écart important entre le taux nominal et le taux réel.
Il y a 2 types de réduction :
L’intervention de l’État augmente car on augmente les réductions des cotisations sociales. Elle
est constituée de 2 volets, deux postes de financement :
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Les subventions annuelles de l’État fédéral pour financier la sécurité sociale (plus ou
moins 10% du budget). Donation à charge de l’état pour les travailleurs salariés.
Il faut bien comparer le sort des salariés et le sort des indépendants. Il y a des différences
flagrantes et une question est de savoir si ces différences sont problématiques. Chez les
indépendants aussi il y a 2 sources de financement : les cotisations sociales (§1) et
l’intervention de l’État (§2).
L’assiette des cotisations est un pourcentage du revenu professionnel, après déduction des
éventuels frais professionnels (frais de GSM, frais de voiture, frais de l’équipement
informatique,...).
Attention, la possibilité de déduire les frais professionnels a pour intérêt que ça diminue
l’assiette des cotisations (donc les cotisations coûtent moins cher) mais ça fait autant d’argent
en moins qui entre dans les caisses de la sécurité sociale des indépendants. C’est donc une
arme à double tranchant.
Les notions de revenus et de frais professionnels sont définies par l’arrêté royal n°38 de 1967
(art. 11, §1, al. 1). Cet arrêté royal renvoie aux définitions que la législation fiscale donne de
ces notions. De ce renvoi, il résulte que les revenus professionnels sont tous les bénéfices et
profits réalisés dans le cadre d’une activité professionnelle assujettie au régime de sécurité
sociale des indépendants (moins les éventuels frais professionnels) .
Puisqu’il n’y a pas d’employeur, les indépendants assument seuls le poids de la parafiscalité.
En outre, une différence fondamentale avec les salariés est qu’il n’y a pas de retenue à la
source. L’indépendant touche donc son revenu professionnel brut, total et ensuite, c’est lui
qui soustrait de ses revenus professionnels bruts, les cotisations sociales et l’impôt.
Qui collecte les cotisations sociales ? Les indépendants doivent tous être affiliés à une caisse
d’assurance sociale pour travailleurs indépendants et c’est à cette caisse qu’il faut verser les
cotisations. Elles sont ensuite transférées par chacune des caisses à l’INASTI (qui est
l’équivalent, pour les indépendants, de l’ONSS). Ces cotisations doivent être versées tous les
trimestres, comme pour les salariés.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
C. Année de référence
Le calcul de la somme due se fait sur une base annuelle. C’est une autre différence importante
avec les salariés pour lesquels le calcul est ajusté sur une base trimestrielle. Pour les
indépendants, on prend comme point de référence une année civile entière. Pourquoi ? Car
pour les indépendants, le revenu varie énormément.
Mais sur les revenus de quelle année civile est-ce qu’on calcule les cotisations ? Dans l’ancien
système, mis en place après-guerre, les cotisations étaient calculées sur base du revenu
professionnel de la 3ème année précédant l’année en cours (exemple : on est en 2020, on
utilise le montant du revenu de l’année 2017). Pourquoi ? Parce que les revenus de l’année
moins (-) 3 (année N-3) sont les seuls à être établis avec certitude, ce sont ceux pour lesquels
le fisc a exercé son contrôle.
Exemple : l’année 2017 se termine, au cours de l’année 2018 on déclare les revenus de l’année
antérieure (de 2017) et en 2019, le fisc opère son contrôle. En 2020, les revenus de l’année
2017 sont définitivement fixés, ils sont connus avec certitude.
Cela suscitait cependant un certain nombre de difficultés, la principale étant qu’entre 2020 et
2017, beaucoup d’eau peut avoir coulé sous les ponts et il se peut que la situation financière
ait beaucoup évoluée (qu’on se porte financièrement mieux, ou moins bien). Un nouveau
système a été mis en place en 2015 sous le Gouvernement Di Rupo.
En 2015, on a cherché à établir un rapport plus direct entre les cotisations dues et les revenus
réellement perçus. Désormais, le principe est donc que l’année de référence au regard de
laquelle on établit le montant des cotisations dû est l’année en cours (art. 11, §2 de l’AR n°38).
Exemple : on est en 2020, qui correspond à l’exercice d’imposition 2021 et 2021 est l’année
dont le millésime désigne l’année civile suivant immédiatement l’année en cours.
Sur le plan des principes, c’est donc beaucoup plus simple mais ça ne règle pas la difficulté
technique qu’on a depuis toujours : comment connaître avec certitude les revenus de l’année
en cours ?
Ce qui a été mis en place lors de la réforme de 2015 est un système de cotisation provisoire,
c’est-à-dire que par défaut on continue à établir les cotisations sur la base des revenus de
l’année M-3, parce qu’on n’a pas le choix, c’est le seul revenu que l’on connaît avec certitude.
Mais l’indépendant peut demander à payer plus ou à payer moins car le business se porte
mieux ou moins bien. Attention, le législateur de 2015 a assez bien balisé cette possibilité car
ça peut être dangereux. Il faut donc transmettre à la caisse d’assurance sociale des éléments
objectifs qui prouvent que le revenu pour l’année en cours est significativement moindre que
le revenu établit avec certitude et obtenir un accord de la caisse pour payer moins que le
montant provisoire proposé par défaut.
Ces cotisations établies par défaut en fonction de l’année M-3 sont des cotisations provisoires,
que l’on paye provisoirement et 3 ans plus tard, on procède à une régularisation (on se fait
rembourser ce qui a été payer en trop, ou payer la différence entre ce qui a été payé et ce
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
qu’il faut réellement payer) une fois que les revenus sont connus avec certitude, que le fisc
est passé par là (AR n°38, article 11 §3).
Quid de ceux qui commencent une activité d’indépendant, puisqu’il n’y a pas d’année M-3 ?
Pendant les 3 premières années, les cotisations provisoires sont fixées au niveau du forfait
minimum. De fait, chez les indépendants, il y a des cotisations minimales, des cotisations
plancher. En tout état de cause, il y a régularisation 3 ans plus tard.
C’est ici que les différences avec les salariés sont les plus significatives. L’IPP (impôt des
personnes physiques) est une imposition progressive : plus le revenu est important, plus le
taux marginal supérieur est élevé. Dans la parafiscalité des revenus des salariés, l’imposition
est linéaire : c’est X% sur l’entièreté de la rémunération salariale.
Chez les indépendants, l’imposition n’est ni progressive, ni linéaire ; elle est dégressive, c’est-
à-dire que plus le revenu professionnel est élevé, plus le taux sera bas. Pourquoi ? Car il y a 3
taux qui se succèdent (20,5%, 14,16% et 0%).
Notons que le premier taux de 20,5%, s’est élevait auparavant à 22%. Dans le cadre de la
politique de tax-shift on a cherché à réduire les cotisations. On l’a fait chez les salariés en
augmentant très fort la réduction structurelle de cotisation, à tel point qu’en pratique les
cotisations patronales s’élèvent toujours à moins de 20%. Chez les indépendants, on a réduit
le premier des trois taux à 20,5%.
En sens inverse, il y a un plancher, des cotisations minimales que l’on paye en début d’activité.
Elles s’élèvent à 20,5% de 14 000€ par an. Donc, par exemple, si le revenu professionnel réel
s’élève à 2000€, on ne sera pas imposé à concurrence de 20,5% sur 10 000€ mais à
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
concurrence de 20,5% sur 14 000€ parce qu’on doit être imposé sur un revenu minimum : on
fait comme si, en tant qu’indépendant, on avait gagné au moins 14 000€ sur une année.
Actuellement les cotisations minimales chez un indépendant s’élèvent à 720€ par trimestre.
Quel que soit le revenu, il faut payer les cotisations minimales. L’imposition est ici dégressive.
Cela peut faire des naitre des discussions sous l’angle de la justice distributive : est-il normal
que quelqu’un qui gagne 150 000€ de revenu sur une année est taxé à 0% sur toute la partie
du revenu qui excède 90 000€ sur une année. Tandis que l’artisan qui gagne un revenu
beaucoup plus modeste est imposé à concurrence de 20,5% sur l’intégralité de son revenu (et
même plus que sur son revenu réel si son revenu est inférieur au revenu plancher).
Ça montre qu’entre indépendants, il y a moins de solidarité que chez les salariés, en particulier
peu de solidarité entre les petits indépendants (beaucoup mis à contribution) et les grands
indépendants (peu mis à contribution).
Une réforme va intervenir sous cette législature car l’accord de Gouvernement de Vivaldi
contient une ligne disant « le mode de calcul des cotisations sociales des indépendants va être
rendue plus solidaire ».
Il y a un correctif, une échappatoire lorsque l’indépendant connaît des difficultés. Ainsi, il peut
être exempté de tout ou partie des cotisations normalement dues. Le critère est qu’il faut se
trouver temporairement dans une situation financière ou économique difficile (art. 17 de l’AR
n°38). Il faut alors introduire une demande de dispense temporaire du paiement des
cotisations à l’INASTI, qui statue sur la question.
Si l’indépendant n’est pas d’accord avec la décision rendue, un recours est possible devant un
organe interne à l’INASTI : la commission de recours en matière de dispense de cotisations.
On ira pas devant le tribunal du travail car il ne regardera pas le fond (notre niveau de vie).
Quel est l’effet de l’octroi d’une dispense de cotisation ? Il n’y a pas d’effets sur les couvertures
sociales. Il y a un élément de solidarité dans le statut social des indépendants : si une dispense
est octroyée, ça n’a pas d’impact sur la couverture sociale, l’accès aux soins de santé,... SAUF
dans un secteur : le secteur des pensions. En effet, lorsqu’on bénéficie d’une dispense
temporaire du paiement des cotisations, il y a un « trou » dans le compteur de la carrière
professionnelle, et au moment du calcul de la pension, ce trou sera pris en compte.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Le financement alternatif (ce sont les mêmes ressources fiscales que pour les salariés)
;
On est dans un système bismarckien (>< système Bevridgien), il n’y a donc pas un organisme
qui dénommé « LA sécurité sociale » ; en Belgique, on a plusieurs organismes qui
interviennent.
A. Trois étages
- L’étage le plus bas est l’étage du paiement des prestations. Il s’agit de l’étage avec
lequel on interagit. Dans la plupart des branches, prévaut ce que l’on appelle le
pluralisme institutionnel : plusieurs organismes sont présents et il faut opérer un choix
(par exemple, dans la branche chômage, on choisit l’organisme qui nous verse les
allocations). Cela provient du clivage entre les socialistes et les chrétiens dont le
compromis du pluralisme provient.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Attention, dans deux secteurs précis il n’y a pas de pluralisme : les pensions et les maladies
professionnelles, on n’a pas trois étages mais seulement deux. L’ONSS tout en haut et une
institution unique qui s’occupe et du contrôle et du paiement des allocations.
Notons que d’un point de vie terminologique, on appelle les institutions publiques de sécurités
sociales ; IPPS.
Un trait partagé par les IPSS est que ces institutions obéissent à la gestion paritaire, elles sont
gérées paritairement par les interlocuteurs sociaux. Cette gestion paritaire est l’héritage du
clivage entre d’une part les capitaux et d’autre part, les travailleurs.
Ratio legis d’une telle gestion? Elle résulte de l’idée que ceux qui payent (employeurs et
travailleurs) doivent être ceux qui contrôlent. Une loi du 25 avril 1963 prévoit que les IPSS sont
administrées par un comité de gestion composé par des représentants des travailleurs et des
employeurs chacun pour moitié.
- Le comité de gestion de chacune des IPSS est toujours saisit pour avis sur tous les
projets de modification de réglementation qui les concerne. Cela veut dire que les
interlocuteurs sociaux jouent un rôle dans la fabrique de la sécurité sociale. Par
exemple, chaque fois qu’il est envisagé de modifier la réglementation en matière de
pension, le comité de gestion est saisi. À côté de leur rôle de gestionnaire, les comités
de gestion jouent un rôle dans la fabrique du droit de la sécurité sociale ; ils influent
sur la législation.
Il y a des débats pour savoir si la gestion paritaire va être préservée. Ce qui est remis en
question est le fait que l’on commence à défédéraliser la sécurité sociale : les allocations
familiales sont aujourd’hui totalement scindées et cette branche n’est plus financée par voie
de cotisation mais est entièrement fiancée par les entités fédérées qui en ont la compétence,
c’est-à-dire par des ressources fiscales. Cette évolution, le passage d’un financement
(majoritairement) par cotisation à un financement exclusivement par la voie fiscale remet en
cause la justification traditionnelle de la gestion paritaire qui est « qui paye, contrôle ». Pour
autant, est-ce que la gestion paritaire va disparaître ? On va voir... Ce qui est frappant en
matière d’allocations familiales c’est que les wallons et Bruxelles ont maintenu la gestion
paritaire tandis que les flamands l’ont largement démantelée.
Pour quelle raison on peut maintenir la gestion paritaire si ce n’est plus pour la raison
historique ? À Bruxelles et en Wallonie, la raison pour laquelle on maintient cette gestion est
que, par le passé, les interlocuteurs sociaux ont apporté la preuve qu’ils sont de bons
gestionnaires. Les institutions publiques de sécurité sociale sont des institutions bien gérées,
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
bien tenues et un élément explicatif à cela est le rôle des comités de gestion ; la vigilance des
organisations syndicales et patronales.
Il y a une seule branche qui échappe à la gestion paritaire : les allocations aux personnes
handicapées. Ces élections sont gérées par le SPF sécurité sociale, et c’est de très loin la
branche la moins bien gérée.
Son principal rôle est de collecter les ressources fiscales et de les redistribuer entre les
différents secteurs du régime général.
À l’origine (en 1944), l’ONSS répartissait les ressources entre les différentes branches en
fonction d’une clé prédéterminée par la législation. Pendant longtemps, il y avait des taux de
cotisations propres à chacune des branches et aujourd’hui encore, on retrouve ces taux dans
la législation. Un taux était fixé dans la loi par chacune des branches. Chaque branche recevait
en fonction du taux de cotisation qui lui était propre. Ce mode de gestion des moyens dit «
sectoriel » a commencé à s’avérer inefficace, problématique à partir de la fin des années 70-
début des années 80 avec l’entrée en crise de l’État Providence avec le choc de la
désindustrialisation. Ce que l’on a commencé à voir à partir de ce moment-là sont des
dépenses et des recettes qui variaient énormément d’une année à l’autre en fonction de
l’ampleur du choc. Exemple : explosion des dépenses du chômage, tandis que la branche «
famille » se portait plutôt bien. Que fallait-il faire pour combler le trou ? Il fallait voter des
transferts entre les branches qui se portaient bien et les branches en déficit. Bref, c’était un
peu chaotique.
En 1994, on a décidé de simplifier cela et de passer d’une gestion sectorielle à une gestion
globale des moyens : toutes les ressources continuent à être centralisées par l’ONSS et c’est
l’ONSS qui procède aux arbitrages, qui décide comment allouer les moyens entre les
différentes branches en fonction des besoins des différentes branches. Cela a fort renforcé le
rôle de l’ONSS. C’est plus particulièrement le comité de gestion de la sécurité sociale, au sein
de l’ONSS qui s’en charge.
Cet organe n’est pas composé de manière paritaire, mais de manière tripartite : on a un banc
syndical, un banc patronal, mais aussi une délégation du Gouvernement (représentants du
Ministre du budget, Ministre des affaires sociales,...). Cette évolution institutionnelle est le
reflet de la fiscalisation croissante du mode de financement. Puisque les ressources ne sont
plus uniquement parafiscales mais de plus en plus fiscales, il y a un sens à ce que les
représentants des autorités publiques aient leur voix au chapitre (ils ont un droit de veto et
jouent donc un rôle très important).
A. L’assurance chômage
Au sein de cette branche, on a une IPSS qui opère le contrôle : l’ONEm (office national de
l’emploi) qui prend des décisions, prend des sanctions, etc. mais ce n’est pas l’ONEm qui nous
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
verse les allocations, elles le sont par les organismes de paiements (O.P.) qui sont soit l’une
des 3 caisses syndicales (organisme privé), soit si certains ne veulent pas être affiliés à l’une
des 3 caisses syndicales, l’une des caisses de paiement des allocations de chômage (CAPAC qui
est la caisse publique). Ceci est une illustration du pluralisme institutionnel.
Au sein de cette branche, en dessous de l’ONSS, il y a une IPSS en charge du contrôle : l’INAMI
et en-dessous de l’INAMI, on a des organismes assureurs (O.A.) qui sont : L’une des 5
mutualités privées et La Caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité (CAAMI) ;
Il y a une IPSS qui supervise cette branche, à savoir un office bicommunautaire de la santé, de
l’aide aux personnes et des prestations familiales (Iriscare). En-dessous, on a des caisses
d’allocations familiales qui font intermédiaire entre le peuple et l’institution publique qu’est
l’Iriscare. On a le choix entre : 4 caisses d’allocations familiales privées ou Famiris, la caisse
d’allocations familiales publique.
Les 2 branches suivantes sont différentes car il n’y a pas la distinction entre l’organisme public
en charge du contrôle et les organismes entre lesquelles il faut faire un choix entre privé et
public :
D. Les pensions
Le schéma est un peu différent : on n’a pas 3 étages mais 2. En dessous de l’ONSS il n’y a
qu’une institution qui se charge ET du contrôle et du paiement. C’est le service fédéral des
pensions (SFP) qui gère le budget des pensions.
Le schéma est un peu différent : on n’a pas 3 étages mais 2. En dessous de l’ONSS il n’y a
qu’une institution qui se charge ET du contrôle et du paiement. C’est l’agence fédérale des
risques professionnels (FEDRIS, une institution publique de sécurité sociale) qui s’en charge.
Cette branche ressemble aux autres car à la tête de celle-ci on a une IPPS FEDRIS est, là aussi,
l’institution de référence pour le contrôle. Mais pour le paiement et la gestion, ce sont des
entreprises d’assurance commerciales. C’est tout à fait unique dans le paysage de la sécurité
sociale.
Formellement, dans le régime général, on a une dernière branche : les vacances annuelles des
ouvriers. Mais ce n’est pas une branche de la sécurité sociale (puisque le pécule de vacance
ne sert pas à faire face aux risques de la vie) ; elle relève davantage du droit du travail.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Là aussi, à la tête du régime, il y a un IPSS : l’INASTI. Son rôle est aussi de distribuer les
ressources (fiscales et parafiscales) entre les différentes branches du régime des
indépendants.
Une différence importante entre l’INASTI et l’ONSS est que l’INASTI n’est pas chargé de
collecter les cotisations. Ce sont les caisses d’assurances sociales qui s’en chargent, et qui les
transfèrent ensuite à l’INASTI qui les centralise et les redistribue ensuite.
Tout comme dans le régime des salariés, on est passé à un mode de gestion sectoriel, à une
mode de gestion global. Auparavant, les moyens étaient alloués en fonction de clé préétablies,
et 3 ans après qu’on l’ait fait pour le régime général, on l’a fait pour la statut social des
indépendants. Depuis 1997, l’INSATI centralise tous les moyens et procède aux arbitrages,
c’est-à-dire qu’il distribue les ressources aux différentes branches en fonction de leurs
moyens.
Qui se charge de faire cela ? L’équivalent du comité de gestion qui siège au sein de l’ONSS au
sein du statut social des indépendant est le comité général de gestion (CGG) qui est composé
d’organisations représentatives des travailleurs indépendants (les syndicats propres aux
indépendants, des classes moyennes). À côté de cela, des représentants du Gouvernement
siègent au sein du CGG.
En-dessous de l’INASTI, on a ces caisses auxquelles les travailleurs indépendants sont obligés
de s’affilier avant le début de l’activité professionnelle (AR n°38, art. 10, §1). On retrouve là
aussi le pluralisme institutionnel : il y a des caisses privées et une caisse publique (la Caisse
nationale auxiliaire d’assurances sociales pour travailleurs indépendants – CNASTI). Il y a
affiliation d’office à la CNASTI en cas de négligence (AR n°38, at. 10, §2, 3°). Ces caisses jouent
le rôle pivot dans le régime des indépendants.
Quel est le rôle des caisses ? Outre la perception des cotisations, les caisses d’assurances
sociales sont également en charge de l’information des indépendants, et de l’octroi de
certaines prestations.
Il y a trois branches historiques, et une quatrième branche qui est venue s’ajouter :
- Les allocations familiales (1937) : depuis 2014, il n’y a plus aucune différence entre
salariés et indépendants. À Bruxelles, Iriscare est donc l’institution publique de
sécurité sociale (IPSS) de référence. En-dessous, il y a des caisses d’allocations
familiales : on choisit l’une des caisses privées ou FAMIRIS.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Les pensions (de retraite et de survie) (milieu des années 50) : l’INASTI est celui qui
calcule les pensions, mais c’est le service fédéral des pensions qui se charge du
paiement.
- L’assurance soins de santé et indemnités (début des années 60 pour le volet soins de
santé et début des années 70 pour le volet indemnités) : il n’y a plus non plus aucune
différence entre salariés et indépendants. L’INAMI est la référence et en-dessous il y a
des organismes assureurs.
On ne trouve donc pas pour les indépendants de couverture contre le risque de chômage en
tant que tel, et pas de couverture contre les risques professionnels (c’est-à-dire contre les
accidents du travail et les maladies professionnelles).
Par contre, depuis 1997 on trouve une sorte d’équivalent à l’assurance chômage, une
quatrième branche est apparue : le droit passerelle. C’est une forme d’assurance chômage
propre aux indépendants. Les caisses d’assurances sociales pour travailleurs indépendants
sont compétentes en matière de droit passerelle.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Cette branche est à la fois pionnière (car l’assurance contre les accidents du travail est la
première branche de la future sécurité sociale et donc celle pour laquelle on bascule du code
civil vers la sécurité sociale) mais aussi à part (car ce secteur est géré par des entreprises
d’assurance qui ont caractère commercial).
L’indemnisation des accidents du travail est la branche par laquelle on commence car en 1993,
on a écarté, pour la toute première fois, l’application du droit de la responsabilité civile, le jeu
de l’article 1382 du Code civil au profit d’un mécanisme spécifique. C’est par la loi du 24
décembre 1903 qu’on a écarté le jeu de 1382 du Code civil au profit d’une régime de
responsabilité sans faute : on voulait une loi pacificatrice et donc dès qu’il y a accident travail,
il doit y avoir réparation (sans que l’on se pose la question de l’existence d’une faute).
Cela repose sur la notion de « risque du travail » : l’employeur doit être conscient du risque
qu’il fait courir à son employé car il tire profit de ce risque. Le compromis a été le suivant :
d’un côté, on a un système de responsabilité sans faute mais en contrepartie, la réparation
est forfaitaire. En contrepartie du caractère automatique de la réparation, on a rendu la
réparation prédéterminée par la législation. La réparation n’est pas intégrale.
Aujourd’hui, la loi qui régit la matière est la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
Cette loi a opéré une grande évolution : elle a rendu obligatoire la souscription à une
assurance contre les accidents du travail par les employeurs (art. 49 et 73). Cela a eu une
incidence sur le fonctionnement du système : depuis 1971, le débiteur de la réparation,
l’interlocuteur du travailleur accidenté est l’assureur-loi et lui seul, tandis que l’employeur sort
du jeu.
Cette branche est également à part et semble avoir un pied en dehors de la sécurité sociale.
Pourquoi ? Car elle est entièrement gérée par des sociétés d’assurance commerciales, ce qui
est tout à fait particulier dans la sécurité sociale.
Cela s’explique par des hasards de l’histoire : en 1944, lorsque les autorités sont revenues de
leur exil à Londres, elles ont commencé à préparer l’arrêté-loi du 28 décembre 1944, elles
entendaient ranger les accidents du travail dans la sécurité sociale et dépouiller les assureurs
de leur prérogatives au profit d’une institution publique de sécurité sociale. Ce projet n’a pas
plu aux entreprises d’assurance concernées et ces assureurs et les organisations patronales
ont bloqué ce projet. La guerre était encore en cours, les autorités voulaient aller vite et leur
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
idée était d’y revenir plus tard. Ce qui devait arriver arriva, on n’est jamais revenu sur
l’intention initiale de confier la gestion de ce secteur à une institution de sécurité sociale.
Encore aujourd’hui, ce sont des entreprises commerciales qui occupent la place.
C’est tout à fait particulier, dans la plupart des autres pays, ce sont des institutions de sécurité
sociale qui gèrent ce secteur. Un autre pays où les accidents du travail sont gérés par des
entreprises privées : les USA. La conséquence de cette situation est que les employeurs
doivent conclure, auprès d’un assureur-loi, un contrat d’assurance. Un contrat d’assurance ça
se négocie et ce qui doit notamment être négocié, ce sont les primes.
Dans la branche accident du travail, il y a une IPSS (FEDRIS), mais son rôle est assez limité :
son premier rôle est de contrôler les assureurs et son second rôle est d’être un fond de
garantie, un assureur de substitution en cas de défaillance de l’employeur (art. 58, §1er, 3° et
art. 60). Dans cette dernière hypothèse, FEDRIS joue le rôle d’assureur (et indemnise le
travailleur accidenté) et se retourne ensuite contre l’employeur.
Quelles personnes sont couvertes par l’assurance ? L’article 1er de la loi du 10 avril 1971 pose
un principe très simple : sont couverts contre le risque d’accidents du travail tous les
travailleurs assujettis au régime de sécurité sociale des salariés. Par conséquent, toutes les
extensions, c’est-à-dire toutes les personnes qui, alors même qu’elles n’ont pas de contrat de
travail, bénéficient d’un assujettissement à la sécurité sociale, bénéficient également d’une
assurance contre les accidents du travail.
Ce recoupement n’est cependant pas plein et entier car le législateur (article 3, 1° de la loi de
1971) a habilité le roi à étendre le bénéfice de la couverture à des personnes qui ne sont pas
assujetties à la sécurité sociale. Le Roi a fait usage de cette habilitation et a adopté l’arrêté
royal du 25 octobre 1971 étendant le champ d’application de la loi du 10 avril 1971 sur les
accidents du travail.
Exemple d’extension : les étudiants jobistes.
Les risques couverts sont les accidents du travail et les accidents sur le chemin du travail.
La grande question est : comment est-ce qu’on définit les accidents du travail et les accidents
sur le chemin du travail ? Où est la frontière entre les accidents de nature professionnelles et
les accidents de la vie ? Ce sont des concepts assez ouverts, que la législation ne cherche pas
à cadenasser : ils évoluent, ils sont largement modelés par la jurisprudence.
Il n’est pas défini en tant que tel par la législation mais de l’économie de la loi de très longue
date, la doctrine définit l’accident comme « un événement soudain qui cause une lésion ».
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Soudain : un évènement soudain est pendant un court laps de temps. il n’y a pas
beaucoup de discussion si on a à faire à une chute, à un coup,... mais l’évènement
soudain ne se limite pas à cela. C’est encore plus large que simplement un événement
« instantané ». Il ne faut pas que l’événement soit instantané, mais il faut que
l’évènement puisse être épinglé dans le temps et qu’il présente une certaine brièveté.
En l’état actuel de la jurisprudence, on admet qu’on a à faire à un événement soudain
dans des circonstances très larges.
Exemple 1 : un effort très marqué accompli pendant 2h peut parfaitement être qualifié
d’événement soudain, bien que ça ait duré 2h.
Exemple 2 : un policier qui est appelé pour une intervention très dure en plein milieu
de la nuit et qui, par la suite, est traumatisé psychologiquement. Le tribunal a considéré
que c’était un événement soudain, bien que l’intervention ait duré plusieurs heures.
2 remarques cependant :
Attention, il n’est pas requis que le geste soit anormal. Un geste parfaitement
banal peut être constitutif d’un événement soudain ; l’événement soudain ne
doit pas être anormal. Certains assureurs continuent de refuser d’indemniser
sous prétexte que l’événement soudain n’est pas anormal. Si l’élément anormal
était un critère, toutes les personnes faisant un métier dangereux auraient
moins de chance d’obtenir indemnisation. Exemple – un démineur : il prend des
risques mais il serait abject de dire, après qu’une mine lui ait explosé au visage,
« non désolé, c’est l’un des risques du métier ».
- Une lésion : toute atteinte à l’intégrité physique ou mentale. Il peut y avoir trois
manifestations possibles : Incapacité de travail ; Frais médicaux ; Décès.
Attention, il ne faut pas confondre l’événement soudain et la lésion, qui ne doit pas
nécessairement être soudaine. La lésion peut se manifester lentement, avec le temps.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
la lésion. Pourquoi ? Car le but initial en mettant en place un régime de responsabilité sans
faute était de faciliter la preuve de l’accident du travail. Cependant, cette présomption est
simple.
Tout accident (c’est-à-dire tout événement soudain causant une lésion) qui survient à un
travailleur dans le cours et par le fait de l’exécution du contrat de travail (article 7, al. 1 de la
loi de 1971).
Une fois encore, la Cour de cassation est très souple et considère que l’on se situe dans le
cours de l’exécution du contrat de travail, aussi longtemps que l’on se trouve sous l’autorité
de l’employeur (de près ou de loin). Dès lors, un accident pendant la pause peut être considéré
comme un accident du travail (car il a lieu alors que l’on se trouve sous l’autorité de
l’employeur). On ne se trouve pas dans le cours du contrat seulement lorsque l’on est en train
de faire son travail.
Imaginons que le lieu de travail organise une descente de la Lesse cela ne se trouve pas dans
le cadre du contrat de travail. Néanmoins, comme on ressent une sorte d’obligation d’y aller,
on se trouve dans le cours du contrat de travail. En revanche, aller voir une prostituée durant
ses heures de travail ne fait partie du contrat.
Il faut aussi que cet accident survenu dans le cours de l’exécution du contrat de travail, soit
survenu par le fait de l’exécution du contrat de travail. Il faut une concordance temporelle
entre l’exécution du contrat de travail et l’accident, mais aussi une causalité : il faut que
l’accident ait été causé par le fait que l’on exécute le contrat de travail. Là aussi, c’est entendu
de manière large : il faut que l’événement soudain provoquant une lésion ait un rapport avec
le milieu professionnel.
Exemple – une bagarre avec un collègue après qu’il ait reluqué son épouse à la journée
sportive annuelle de l’entreprise : on a à faire à un événement soudain produit au cours de
l’exécution du contrat de travail, survenu par le fait de l’exécution du contrat de travail. C’est
une situation liée au milieu professionnel qui a causé l’accident.
Cet élément est moins important que l’exigence d’un accident survenu « dans le cours » de
l’exécution du contrat de travail car un mécanisme vise à alléger l’administration de la preuve.
Le travailleur doit prouver un accident survenu « dans le cours » de l’exécution du contrat de
travail, et lorsqu’il prouve cela, l’accident est présumé être survenu par le fait de l’exécution
du contrat de travail. C’est à nouveau une présomption simple que l’assureur-loi peut
chercher à renverser. En pratique, ce n’est pas évident du tout pour l’assureur de chercher à
renverser cette présomption et les discussions se concentrent sur une situation bien précise :
les problèmes de santé préexistants.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Exemple plus problématique : une personne cardiaque est sur son lieu de travail, une porte
claque et la personne fait un infarctus. Il y a un événement soudain : la porte qui a claqué ; cet
événement a causé une lésion : le cœur a lâché et on était dans le cours de l’exécution du
contrat de travail : la personne était sur son lieu de travail. Est-ce que cet accident survenu
dans le cours de l’exécution du contrat de travail est aussi survenu par le fait de l’exécution
du contrat de travail ? L’assureur peut tenter de renverser la présomption, mais il faudra qu’il
démontre que l’infarctus aurait de toute façon eu lieu à un tout autre moment ; prouver que
l’infarctus n’avait aucun rapport avec le milieu professionnel et qu’il serait arrivé de toute
façon. C’est une charge de la preuve très lourde.
Dans les faits, on se fatigue plus à prouver l’évènement « dans le cours » de l’exécution du
contrat car il est présumé être survenu « par le fait ». et si l’assureur ne veut pas payer, il doit
prouver que certes il y a concordance temporelle mais pas de lien entre les deux.
Art. 8, §1, al. 1 de la loi du 10 avril 1971 : « Est également considéré comme accident du travail
l’accident du travail survenu sur le chemin du travail ».
Mais qu’est-ce le chemin du travail ? C’est le trajet normal que le travailleur doit parcourir
pour se rendre de sa résidence vers le lieu d’exécution du travail et inversement.
Exemple 1 : tomber dans les escaliers chez soi, alors qu’on s’apprête à sortir pour aller au
travail, ce n’est pas un accident sur le chemin du travail. Exemple 2 : tomber sur du verglas
une fois passé le pas de la porte de chez soi est considéré comme un accident sur le chemin
du travail.
Quid des détours ? Quand est-ce qu’on sort des limites d’un trajet normal ? Le législateur règle
lui-même 2 cas : Détour pour aller chercher un collègue sur le chemin ; Détour pour déposer
un enfant à l’école ;
Dans ces 2 hypothèses, le législateur a considéré que ces détours restaient dans les limites du
trajet normal (article 8 al2 1° et 2°). Les autres détours considérés comme peu importants ne
font pas sortir des limites du trajet normal. Ce qui est « important » se mesure par rapport au
trajet habituel : si le trajet habituel est de 10min et que l’on s’arrête 20min, le détour est
considéré comme important. À l’inverse, si le trajet normal est de 2 heures et que l’on s’arrête
20min, le détour n’est pas considéré comme important. Seuls les détours (même s’ils sont
importants) justifiés par un cas de force majeur ne font pas sortir des limites du trajet normal
(ex : un des enfants se blesse).
Section 4. L’indemnisation
La grande spécificité est que la prise en charge est automatique mais elle est également
partielle, forfaitaire et donc les contours de la réparation sont déterminés par la loi. La loi
relative aux accidents du travail prévoit 3 types d’interventions, payées par l’assureur-loi
auprès duquel l’employeur a été souscrire une police d’assurance : Les indemnités pour
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
répondre à l’incapacité de travail (§1) ; Les indemnités pour les frais médicaux (§3) ; Les
indemnités en cas de décès (§2).
C’est la période durant laquelle les lésions évoluent ou sont susceptibles d’évoluer. Attention,
le terme « temporaire » ne veut pas dire qu’on a à faire à une incapacité qui disparaît ensuite,
mais renvoie au fait que l’incapacité est évolutive, le problème ne se stabilise pas.
- L’incapacité temporaire totale (ITT) : les lésions sont importantes et, pour l’instant, il
n’est pas possible de reprendre le travail. Dans ce cas, on touche une indemnité d’ITT
égale à 90% de la rémunération (article 22). Le système est avantageux, mais en même
temps il est forfaitaire (on a droit à 90% et pas 100%) et la somme est plafonnée.
A un certain moment, les lésions n’évoluent plus, elles se stabilisent (ou il n’y a plus de lésions).
A ce moment-là, on est dans ce que l’on appelle « la consolidation des lésions ». S’il reste des
lésions, on va établir un taux d’incapacité permanente, et ce que le travailleur percevra (à
charge de l’assureur-loi) sera une indemnité égale à la rémunération plafonnée que le
travailleur recevait auparavant, multiplié par un certain pourcentage (article 24).
Pour le restant de nos jours, on est affecté à ce taux. Exemple : s’il y a 20% d’incapacité
permanente, le travailleur touchera une indemnité de 20% de la rémunération plafonnée
antérieure.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Mais comment on établit le taux ? Il est essentiel d’avoir en tête que l’objet de l’indemnisation
change assez nettement lorsqu’on passe de l’incapacité temporaire à l’incapacité
permanente. Après la consolidation, après l’entrée dans l’incapacité permanente, l’indemnité
ne cherche plus à compenser la perte de salaire réelle, mais à couvrir la perte de capacité
concurrentielle de la victime sur le marché du travail. On chercher à mesurer notre perte de
valeur marchande sur le marché du travail. Ce que l’assureur-loi va faire c’est prendre en
charge l’altération de la capacité économique, de la valeur économique sur le marché du
travail. Certains critères (d’origine prétorienne, dégagés par la Cour de Cassation) permettent
de jauger l’amoindrissement de la capacité concurrentielle sur le marché du travail :
Cependant, le plus souvent, c’est l’inverse qui se passe : le travailleur y perd. Exemple :
l’assureur-loi alloue une indemnité d’incapacité permanente de 45% et la victime trouve un
nouvel emploi à mi-temps très mal rémunéré. Il se peut qu’au total, le travailleur gagne moins
bien sa vie qu’auparavant et qu’il y ait une perte réelle de rémunération. Ici, on ne cherche
pas à neutraliser la perte de salaire réelle, on cherche à neutraliser l’altération de capacité
économique.
En pratique, qui décide du moment où les lésions sont consolidées ? Et qui fixe le taux
d’incapacité permanente ? C’est l’assureur-loi. Il fait une proposition d’indemnisation et
transmet un projet d’accord. Si la victime marque son accord, le projet d’accord soumis par
l’assureur-loi est transmis à FEDRIS (agence fédérale des risques professionnels) pour
entérinement (article 65). Si la victime ou FEDRIS ne marquent pas leur accord, c’est le tribunal
qui prendra le relais et désignera un expert pour évaluer la situation médicale de la victime.
Le fait que l’assureur-loi soit une structure commerciale prête à débat car l’objectif de la
compagnie d’assurance est de faire du profit. L’assureur-loi préfère donc que les séquelles
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
soient les moins importantes possible et on se rend compte que cela pose problème, surtout
lorsque les accidents donnent lieu à des séquelles graves.
En cas de décès, le risque social que l’on indemnise est la perte de sécurité économique qui
résulte du décès du travailleur pour sa famille. Ce que prévoit la loi est l’octroi d’une rente à
certains membres de la famille. 2 cas de figure :
À côté de l’incapacité de travail, il se peut que l’on doive effectuer certaines dépenses
médicales. L’assureur-loi prend en charge l’intégralité des dépenses médicales. C’est une
grande différence par rapport à l’assurance soins de santé générale. Il n’y a pas de ticket
modérateur, il n’y a pas de partie des dépenses à charge de la victime.
Cette branche suscite des réactions très contrastées, c’est la branche de la sécurité sociale la
moins populaire. Pourquoi ? L’explication intéressante donnée il y a quelques années est que
l’assurance chômage est la branche à laquelle on s’identifie le moins facilement.
Statistiquement, le risque de chômage est beaucoup plus concentré sur le bas de l’échelle
sociale. Face à cela, on peut, quand on se situe plus haut dans l’échelle sociale, se sentir moins
concerné.
Ce sont les syndicats qui ont mis en place les assurances chômage à la fin du 19ème siècle. Il
faut avoir cela à l’esprit pour comprendre le rôle que jouent, encore aujourd’hui, les
organisations syndicales dans le fonctionnement de la sécurité sociale. L’assurance chômage
vient tout droit des ancêtres des organisations syndicales et non des pouvoirs publics.
Pourquoi le mouvement ouvrier a-t-il mis en place l’assurance chômage ? Pas pour libérer la
population ouvrière de la valeur travail, mais pour protéger les chômeurs, pour offrir aux
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Historiquement l’assurance chômage a joué un rôle très important dans la mise en place d’une
protection aux travailleurs involontairement privés d’emploi, mais aussi dans la structuration
du marché du travail pour les travailleurs restés au travail. C’est pour cette raison que la
politique du chômage constitue un enjeu politique majeur. Depuis la seconde moitié du
20ème siècle, on se dispute entre mouvements ouvrier et patronal, entre droite et gauche au
sujet de la configuration de l’assurance chômage car elle a des répercussions sur la
structuration du marché de l’emploi.
Le siège actuel de la matière, le texte qui régit l’assurance chômage est un simple arrêté royal
du 25 novembre 1991, que l’on appelle dans le jargon le « Code du chômage ». Ce n’est donc
pas une loi. Le siège de la matière a une nature réglementaire mais pas légale. La hiérarchie
des normes est ici complètement décalée : cet arrêté-royal est exécuté par un simple arrêté
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
ministériel du 26 novembre 1991. Quand on a à faire à une loi, on a à faire au Parlement, aux
élus de la nation tandis que l’arrêté royal c’est le Gouvernement qui l’adopte. La
réglementation du chômage est entièrement et exclusivement entre les mains du pouvoir
exécutif.
Quelle est la base de cet arrêté royal ? L’unique base légale de la réglementation en matière
d’assurance chômage est l’article 7 du bon vieil arrêté-loi du 28 décembre 1944, adopté par
le pouvoir exécutif à son retour d’exil à Londres. Ce texte contenait, pour chacune des
branches de la sécurité sociale, une habilitation. La différence est que pour toutes les autres
branches de la sécurité sociale, dans les années qui ont suivi cet arrêté-loi, on a adopté une
loi supprimant la disposition originaire dans l’arrêté-loi de 1944... sauf en chômage.
C’est quand même très particulier, qu’en 2020, les élus de la nation, le pouvoir législatif n’ait
pas son mot à dire sur la politique de chômage et qu’il n’y ait aucun débat public (ce qui
implique également qu’il n’y a pas d’exposé des motifs, pas de débats à la chambre, pas
d’audition d’expert, pas de proposition d’amendements,...). Tout se fait par arrêté royal.
L’indemnisation des chômeurs est restée une compétence fédérale. Deux organismes
interviennent : d’une part, l’Office national de l’emploi, qui statue sur la demande de chômage
et prononce les sanctions quand on ne respecte pas les conditions et d’autre part, les
organismes de paiement qui versent les allocations de chômage, et auprès desquels on doit
constituer le dossier de demande d’allocation.
Pour ce qui concerne l’accompagnement, il faut se tourner vers les entités fédérées.
Pour rappel, les régions sont compétentes pour la matière du placement des chômeurs au
titre de la politique de l’emploi (qui est une compétence régionale) tandis que les
communautés se sont vues confier la matière de la formation professionnelle des demandeurs
d’emploi. Cette répartition des compétences est assez tordue puisqu’il se peut qu’un chômeur
ait besoin à la fois d’une formation et de conseils, d’un suivi ou d’un coaching. C’est
précisément par le biais de transferts de compétences entre les régions et communautés, que
l’on a reconstitué le lien historique entre le placement et l’accompagnement partout, sauf à
Bruxelles.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
En région de langue française, la région wallonne a créé son propre organisme de l’emploi : le
FOREM compétent pour le placement des chômeurs wallons et leur formation
professionnelle. Pourquoi ? Parce que, comme nous l’avons vu, la communauté française a
transféré sa compétence en matière de formation professionnelle à la région wallonne. Le
FOREM est donc compétent pour la placement (matière régionale) et pour la formation
(compétence communautaire transférée à la région wallonne).
À Bruxelles-capitale, Actiris est le service public de l’emploi créé par la région, et est
compétent uniquement pour le placement. La formation professionnelle dépend de 2 autres
organismes : le VDAB (organisme créé par la communauté flamande) ou Bruxelles-formation
(qui dépend de la COCOF) selon qu’ils sont néerlandophones ou francophones.
Le Code du chômage définit ces conditions comme étant « les conditions de stage qu’un
chômeur doit remplir pour bénéficier de l’assurance chômage » (article 27, 7° de l’arrêté royal
du 25 novembre 1991).
En Belgique, deux portes d’entrée sont possible : le travail salarié (§1) et les études (§2).
Il faut avoir presté un certain nombre de journées de travail au cours d’une certaine période
(la période de référence). Ces journées de travail c’est ce que l’on appelle « le stage ». De quel
type de travail parle-t-on ? Le travail assujetti au régime de sécurité sociale des travailleurs
salariés. On ne parle donc pas de travail indépendant.
!!! Il ne faut pas connaître la durée du stage, c’est simplement à titre informatif.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
La grande particularité en Belgique est que, depuis la seconde guerre mondiale, on a une
deuxième porte d’entrée : les études. On est indemnisable par l’assurance chômage quand on
sort des études, bien qu’on n’ait jamais travaillé et jamais cotisé. Depuis les Gouvernements
Di Rupo et Michel, ceci est en train d’être fort réduit.
Attention, l’article 36 du Code du chômage dit « il faut avoir terminé des études
» : « terminer » ne signifie pas « réussir ». Il faut donc avoir présenté tous les
examens, satisfait aux formalités à accomplir mais il ne faut pas forcément
avoir réussi. Sauf que, depuis 2014, si on a moins de 21 ans, ça ne suffit pas
d’avoir simplement terminé les études d’un certain niveau : il faut avoir
terminé et réussi le cycle supérieur de l’enseignement secondaire (peu importe
qu’il soit général, technique ou professionnel) pour être admis. L’argument du
Gouvernement Michel était « il ne faut pas donner d’incitant à arrêter ses
études », mais un contre-argument était « que faire des jeunes qui ont laissé
tomber les études ? ».
Donc quand on a :
- Moins de 25 ans mais plus de 21 ans : il faut simplement terminer ses études ;
Lorsqu’on est admis aux allocations sur la base des études, il faut ensuite accomplir le « stage
d’insertion professionnelle ». C’est une période de carence, un certain temps qui doit s’écouler
pour pouvoir toucher la première assurance chômage. Il y a donc déjà un bon incitant à ne pas
lâcher ses études puisque pendant 1 an, on ne touche pas un centime.
Les conditions d’octroi sont les conditions auxquelles il faut satisfaire lorsqu’on est admissible
aux allocations, pour pouvoir effectivement les obtenir (article 27, 8°).
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Le risque social pris en charge par l’assurance est le risque de chômage involontaire. Le seul
fait d’être privé de travail et de rémunération ne suffit donc pas à donner droit à des
allocations de chômage.
La question décisive est de savoir qui est le travailleur involontaire : on cherche à tracer une
ligne de démarcation entre le volontaire et l’involontaire.
A. La privation de travail
Le Code du chômage dit ce qu’il entend par « travail », incompatible avec l’octroi des
allocations. Pour savoir ce qui est qualifié de « travail », le texte opère une distinction entre 2
cas de figure :
- On effectue des activités pour son propre compte (article 45, al. 1) : cette activité est
constitutive d’un travail dès qu’elle ne se limite pas à la gestion normale de ses biens
propres. C’est-à-dire, dès qu’on effectue une activité dans un but de lucre. Exemple :
on profite d’une période de chômage pour effectuer des travaux chez soi. En tant que
chômeur, vous avez une liberté de mouvement minimale, mais si on fait des travaux
dans son grenier, qu’on y installe une petite kitchenette pour accueillir un étudiant et
lui louer le grenier, on poursuit un but de lucre et on dépasse la gestion normale de
ses biens propres.
- On effectue des activités pour le compte d’un tiers (article 45, al. 1, 2°) : toute activité
effectuée pour le compte d’un tiers est présumée, jusqu’à preuve du contraire,
procurer une rémunération en avantage matériel (article 45, al. 2), ce qui est considéré
comme du travail, incompatible avec la perception d’une allocation de chômage.
B. La privation de rémunération
La rémunération est le salaire mais aussi les indemnités compensatoires de préavis (article
46).
§2. Être au chômage suite à des circonstances indépendantes de la volonté (article 44)
On retrouve ici l’idée que le chômeur indemnisable est le chômeur involontaire. L’arrêté royal
du 25 novembre 1991 détaille ce qu’il faut entendre par « entrée ou maintien du chômage
suite à des circonstances dépendant de la volonté ».
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Article 51, §1er, al. 2 : par chômage par suite de circonstances dépendant de la volonté, il faut
entendre :
- Le refus d’un emploi convenable : le but de l’assurance est d’indemniser le temps que
l’on reprenne le boulot. De fait, si on nous propose une offre convenable on doit
l’accepter (tout comme une offre de formation convenable).
Cette notion est définie dans des termes assez restrictifs. Un emploi convenable est un emploi
qui répond à certains critères très basiques. Ce point n’est pas détaillé par le Code du chômage
lui-même, mais par son arrêté d’exécution : l’article 51, §2, 1° du Code du chômage habilite le
ministre de l’Emploi. C’est donc le ministre de l’emploi tout seul qui définit ce qu’est un emploi
convenable (bien qu’en pratique il faille des accords au sein du Gouvernement) (Cfr. l’arrêté
ministériel du 26 novembre 1991, articles 22 à 32quater).
- La rémunération : on n’a pas un droit au maintien du train de vie que l’on avait acquis
antérieurement. Le seul élément permettant de considérer qu’un emploi n’est pas
convenable sur le plan de la rémunération est si on gagne moins en travaillant qu’en
restant au chômage. Vu le montant de l’allocation de chômage, la rémunération est le
plus souvent supérieure.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
distance entre le domicile et le lieu de travailleur est inférieure à 60km, même ces
critères ne suffisent pas à considérer que l’emploi n’est pas convenable.
A. La disponibilité passive
Deux exigences :
- Article 58, §1, al. 1 : pour bénéficier des allocations, il faut être inscrit comme
demandeur d’emploi auprès d’un service public régional de l’emploi
- Article 56, §1, al. 2 : le chômeur doit être disposé à accepter tout emploi convenable,
c’est-à-dire ne pas fermer la porte à des emplois potentiels en soumettant sa remise
au travail à des réserves non justifiées au regard de la notion d’emploi convenable.
Cela signifie que le chômeur ne doit pas seulement s’abstenir de certains comportements, il
faut en plus de ça, qu’il s’abstienne de manifester une intention qui laisse entendre que si une
offre d’emploi était faite, le chômeur la refuserait. À partir de quoi on considère que le
chômeur n’est pas disposé à se rendre disponible pour le marché de l’emploi ? À partir de la
notion d’emploi convenable.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
B. La disponibilité active
Depuis 2004, la disponibilité ne doit plus seulement être passive mais doit aussi être active.
L’article 58, §1, al. 1 prévoit que, pour bénéficier des allocations, le chômeur doit rechercher
activement un emploi.
Lors de la 6ème réforme de l’État, le cadre normatif de la disponibilité active demeure une
compétence fédérale (articles 58/1 à 58/12), mais ce cadre normatif fédéral commun à tous
les chômeurs du pays est maintenant complété par les régions, qui peuvent prendre des
mesures d’exécution pour préciser les dispositions applicables et pour les mettre en œuvre.
On a donc désormais des variations d’une région à l’autre.
- Les demandeurs d’emploi indemnisés doivent être informés sur leurs droits et leurs
devoirs ;
- Le service public fédéral de l’emploi élabore avec chaque chômeur un plan d’action
individuel ;
Il faut être physiquement et mentalement apte à travailler. Pourquoi ? Car la sécurité sociale
est constituée de différentes branches et la branche chômage n’a pas pour fonction de
prendre en charge les personnes inaptes à travailler. Quand est-ce qu’une personne n’est pas
apte à travailler ? Lorsqu’elle est considérée comme telle au sens de la législation relative à
l’assurance maladie-invalidité. Le Code du chômage renvoie à législation relative à l’assurance
maladie-invalidité. La réglementation du secteur indemnité de l’assurance soins de santé et
indemnité considère que l’on relève de la mutuelle, que l’on est inapte au travail lorsqu’on a
une capacité de travail réduite des 2/3 (ou 66%).
Quel est le point de départ ? On n’est pas en âge de travailler tant que court l’obligation
scolaire (article 63, §1). Quel est le terminus ? On n’est plus en âge de travailler lorsqu’on
atteint l’âge de 65 ans (article 64).
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Section 4. L’indemnisation
Notre système d’assurance chômage n’a jamais été caractérisé par des montants
d’indemnisation généreux, en contrepartie de condition d’admissibilité plus larges que chez
nos voisins. C’était l’équilibre historique de notre système.
Dans les années 80 et 90, les montants moyens des allocations de chômage ont été fortement
réduits. Pourquoi ? C’est le moment de la crise de la désindustrialisation, du choc pétrolier,
d’une explosion du nombre de chômeurs, etc. Bref, il faut faire des économies et la branche
où on fait toujours des économies – car c’est là que ça rouspète le moins – c’est les allocations
de chômage.
Dans les années 2000, on est davantage revenu vers un modèle assurantiel, vers l’idée que
l’assurance chômage est une assurance ayant pour but d’octroyer un revenu de
remplacement, destiné à remplacer le revenu perdu avec un certain rapport proportionnel.
En 2012, sous le Gouvernement Di Rupo, le balancier est reparti dans l’autre sens : on a opéré
une double réforme (encore fortement contestée aujourd’hui) :
Cette évolution doit être corrélée avec le fait que l’on a augmenté la sévérité des conditions
d’admissibilité et des conditions d’octroi. La tendance est donc à la sévérité sur tous les
paramètres du système en ce qui concerne l’allocation de chômage.
Il s’agit de celles que l’on perçoit lorsqu’on a travaillé et cotisé pendant un certain temps. Ces
allocations évoluent en fonction de 2 critères :
- Les travailleurs ayant charge de famille (les chefs de ménages) : cette première
catégorie est assez étroite. Le travailleur ayant charge de famille est le travailleur qui
1) cohabite avec un partenaire de vie ou avec un ou plusieurs enfants et 2) le travailleur
est la seule source de revenu du ménage (article 110, §1er).
- Les travailleurs isolés : ce sont les chômeurs qui vivent seuls (article 110, §2).
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Les travailleurs cohabitant : ce sont les chômeurs qui ne sont ni chefs de ménage, ni
isolés (article 110, §3). Cette catégorie résiduaire englobe tous les chômeurs qui vivent
avec des personnes et/ou enfants, et qui ne sont pas la seule source de revenu.
De nouveau 3 mois plus tard, soit après 6 mois de chômage, le taux de remplacement reste
de 60%. Pourquoi ? Parce que, pour calculer l’allocations de chômage pendant les mois 7 à 12,
on va se référer à un plafond salarial un peu plus faible. C’est-à-dire qu’en assurance chômage,
comme dans les autres branches de la sécurité sociale, il y a un plafond salarial : le taux de
remplacement est appliqué sur la rémunération qui se trouve en-dessous du plafond. Si la
rémunération est très haute, le taux de remplacement ne sera pas appliqué sur l’entièreté du
salaire, mais uniquement sur la partie qui se trouve en-dessous du plafond.
Pendant les 6 premiers mois de chômage, on se réfère à ce qui s’appelle « le plafond salarial
supérieur », qui est fixé actuellement à 2 750€. Le chômeur aura droit à 65% de ce salaire les
3 premiers mois, et à 60% de ce salaire les 3 mois suivants. Ensuite, pendant les mois 7 à 12,
on se réfère au « plafond salarial moyen », qui s’élève à 2 550€ tandis que le taux de
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
remplacement reste de 60%. Si le salaire est supérieur au plafond applicable, il se peut que le
chômeur perçoive moins.
L’allocation continue d’être exprimée en % du salaire antérieur mais la durée de cette seconde
période varie en fonction de l’importance du passé professionnel.
Cette période est constituée d’une partie fixe (de 2 mois) et d’une partie variable (2 mois
additionnels pour chaque année de passé professionnel). Si vous avez le passé de travail
minimum pour rentrer dans l’assurance chômage et bénéficier des allocations de chômage
ordinaire (c’est-à-dire 1 an), la deuxième période d’indemnisation va durer 4 mois. Si vous
avez 10 ans de passé professionnel avant de tomber au chômage, la deuxième période
d’indemnisation va durer 2 mois de partie fixe + 10 fois 2 mois de partie variable (soit 22 mois).
On se trouve une marche plus bas (sur le schéma), même pour les travailleurs chefs de ménage
qui continuent de toucher 60%, car à partir de la deuxième période, on se réfère non plus au
plafond salarial supérieur, non plus au plafond salarial moyen mais à un plafond salarial
inférieur. Ce plafond s’élève actuellement à 2400€/mois.
L’allocation est de nature forfaitaire : elle n’a plus de rapport avec ce que l’on percevait
auparavant. Le forfait est de : 1342,12€ pour les chefs de ménage (> que le CPAS) ; 1099,54€
pour les isolés (> que le CPAS) ; 575,52€ pour les cohabitants (< que le CPAS) ;
Ces allocations d’insertion sont des forfaits qui varient uniquement en fonction de la situation
familiale et pas en fonction de la durée du chômage (article 124). Il y a 3 catégories : Les chefs
de ménage ; Les chômeurs isolés ; Les chômeurs cohabitants ;
Les allocations des chômeurs isolés et des chefs de ménages sont alignées au revenu
d’intégration, tandis que le forfait des chômeurs cohabitants est largement inférieur au
revenu d’intégration du CPAS.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Le revenu d’intégration est une spécificité de la Belgique : on peut toucher les allocations de
chômage en n’ayant pas encore travaillé et cotisé suffisamment pour s’ouvrir le droit à des
allocations de chômage contributives, mais ce à quoi on a droit c’est à des montants minimum.
Depuis 2012 (Gouvernement Di Rupo), les allocations d’insertion, en plus d’être forfaitaire,
sont également limitées dans le temps. Les allocations d’insertion peuvent être perçue
pendant 3 ans au maximum, mais ce crédit de 3 ans ne commence à s’écouler qu’à partir du
moment où :
- Les chefs de ménages et les isolés atteignent l’âge de 30 ans. Ils peuvent percevoir les
allocations jusqu’à leurs 33 ans au plus tard.
C’est la branche de la sécurité sociale la plus couteuse. Le budget alloué à cette branche
s’élève à 50 milliards d’euros (soit approximativement 10% du PIB).
- Le premier pilier englobe les pensions obligatoires organisées par la sécurité sociale
(ou « légales ») ;
Les pensions extralégales (deuxième et troisième piliers) sont financées par capitalisation,
c’est-à-dire qu’à échéance régulière, l’employeur et/ou le travailleur lui-même amassent de
l’argent placé sur les marchés financiers. C’est le schéma de la prévoyance.
A contrario, dans les pensions légales (premier pilier) on a à faire à un financement par
répartition. Cela signifie que les cotisations prélevées par la sécurité sociale servent à financier
les pensions de retraite. C’est une logique de solidarité entre les générations : chaque
génération finance les pensions de retraite de la génération précédente.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Quid s’il y a un déséquilibre entre la population qui cotise et la population à la retraite ? Cela
peut poser problème à long terme. Aujourd’hui, il y a un phénomène de vieillissement mais il
se peut qu’il se rééquilibre. On ne sait donc pas encore prédire ce qu’il se passera.
- Certains acteurs considèrent que le système est intenable et/ou n’est pas
souhaitable. Plutôt du côté patronal et du côté libéral, on considère que les pensions
de retraites légales doivent amener à une protection de base et l’idée est que chacun
doit compléter cette protection de base par une pension deuxième ou troisième pilier.
L’accent est surtout mis sur le développement des pensions par capitalisation. Le mot
d’ordre est : « il faut les soutenir, les alimenter ». Comment ? En multipliant les
incitants fiscaux (c’est-à-dire que les sommes investies dans les pensions deuxième et
troisième piliers sont déductibles fiscalement) et les incitants parafiscaux (c’est-à-dire
que les sommes d’argent investies par les employeurs au bénéfice de leurs travailleurs
dans des assurances groupe/pensions deuxième pilier sont exemptée de cotisations
sociale ordinaires et ça réduit le financement de la sécurité sociale légale).
- Le texte de base est un arrêté royal de pouvoirs spéciaux n°50 du 24 octobre 1967
relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés ;
- Cet arrêté n°50 est couplé d’un arrêté d’exécution : l’arrêt royal du 21 décembre 1967
portant règlement général du régime des pension de retraite et de survie des
travailleurs salariés ;
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Dans le secteur « vieillesse », les deux risques sociaux pris en charge sont : le risque de
vieillesse (pris en charge par le biais des pensions de retraite) et le risque de veuvage (pris en
charge par le biais des pensions de survie dont on peut bénéficier lorsque l’époux décède
avant d’arriver à l’âge de la retraite. Cette pension a pour objet de compenser la perte de
revenu, la perte de sécurité économique qui découle du décès du conjoint avant qu’il n’ait
atteint l’âge de la retraite – bien que cette pension soit en voie de démantèlement : on ne
pourra plus en bénéficier que si on se trouve entre 55 et 65 ans).
§1. Le principe
L’article 1 de l’AR n°50 donne le principe : tous les travailleurs assujettis au régime de sécurité
sociale des travailleurs salariés sont couverts par cette assurance vieillesse.
L’article 3, al. 1, 2° et al. 2 habilite cependant le roi à étendre le bénéfice de la couverture. Ces
extensions sont facultatives et nécessitent une démarche : il faut solliciter le bénéfice de
l’extension et payer des cotisations de régularisation.
L’âge est aujourd’hui à 65 ans autant pour les hommes que pour les femmes, comme le prévoit
l’article 2, §1 de l’arrêté d’exécution de 1996.
Pendant longtemps, l’âge du départ à la retraite était de 65 ans pour les hommes et 60 ans
pour les femmes. À salaire égal, une femme touchait une pension de retraite du même niveau
qu’un homme pour une carrière de 40 ans contre une carrière de 45 ans pour un homme. Une
année de travail ouvrait donc plus de droits si on était une femme, que si on était un homme.
La Belgique s’est fait condamner pour discrimination sur la base du genre par la Cour de
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Justice, et depuis 2009 cela a changé : l’âge de la retraite est de 65 ans pour les femmes et
pour les hommes.
Depuis 2019, les possibilités de retraite anticipée ont été très fort durcies : la retraite anticipée
est autorisée à partir de 63 ans, à condition de justifier d’une carrière « suffisante », soit une
carrière de 42 ans (a contrario, il n’y a pas d’exigence de durée de carrière lorsqu’on attend
l’âge légal).
L’un des grands chantiers du Gouvernement est de savoir s’il ne faudrait pas rendre les
conditions plus ou moins sévères en fonction du travail effectué. Dans quelle mesure faut-il
tenir compte de la pénibilité de la profession pour moduler les possibilités de retraite
anticipée ? Le Gouvernement sortant n’est pas parvenu à trouver une solution sur ce terrain.
Le nouveau Gouvernement a dit que c’est aux interlocuteurs sociaux de donner une solution.
De grandes négociations vont s’ouvrir entre le banc patronal et le banc syndical sur cette
question de l’aménagement des fins de carrière.
À côté de la retraite anticipée, un autre canal de sortie du marché de l’emploi est le chômage
avec complément d’entreprise, que l’on appelle parfois la « prépension ». Le taux d’emploi
des seniors est assez faible : l’âge moyen de la cessation effectives des activités
professionnelle est de 60 ans. En moyenne, les gens partent à la retraite bien plus tôt que ce
qui est prévu pour partir à la retraite à l’âge normal. Cela s’explique par la retraite anticipée
et par la prépension.
Le prépensionné est celui qui a été licencié et qui relève de l’assurance chômage, étant
entendu que s’ajoute à l’assurance chômage une indemnité (à charge de l’ancien l’employeur
ayant opéré le licenciement) égale à la moitié de la différence entre l’allocation de chômage
et le revenu antérieur au licenciement.
Cette formule de la « prépension » a vu le jour dans les années 70, dans le contexte de la
désindustrialisation et de mouvements massifs de licenciements collectifs dans un certain
nombre de secteurs. Cette mesure est donc une mesure d’amortissement du licenciement qui
concerne les travailleurs âgés.
C’est un élément qui a pu expliquer pourquoi le taux d’emploi des seniors est faible en
Belgique, mais ce facteur est de moins en moins explicatif car les conditions d’accès au
chômage avec complément d’entreprise se sont durcies. On a tendance à considérer que la
population doit travailler plus longtemps, et pour pousser la population à cela, on restreint la
possibilité de bénéficier de la retraite anticipée et du chômage avec complément d’entreprise.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Quid pour les travailleurs âgés qui ne trouvent plus de place sur le marché de l’emploi ? Avant
il y avait la retraite anticipée et le chômage avec complément d’entreprise, mais aujourd’hui,
il est de plus en plus difficile d’y accéder. Les travailleurs âgés qui ont plus d’expérience, mais
qui coutent plus cher doivent trouver un emploi si l’on veut qu’ils continuent à travailler. La
responsabilité de cela est partagée : si on coupe les vivres et qu’il n’y plus de travail, ni la
possibilité d’obtenir un revenu de remplacement financé par la sécurité sociale, ça devient
compliqué pour ces personnes-là. C’est tout le chantier de l’aménagement des fins de carrière
pour lequel la coalition Vivaldi annonce de grandes ambitions.
Auparavant, il fallait avoir cessé toute activité professionnelle, tandis qu’aujourd’hui, il faut à
tout le moins les avoir réduites. Cette condition est un peu en voie de disparition, et
certainement que d’ici quelques années, le seul déclencheur d’une pension de retraite sera
un critère d’âge.
Petite précision technique : cette exigence n’est pas une condition d’octroi de la pension de
retraite, mais une condition de paiement. C’est-à-dire que si vous ne la respectez pas, vous ne
perdez pas votre droit à la pension de retraite, mais le versement effectif de la pension sera
suspendu.
A. Le principe
Le principe qui apparaît toujours dans la réglementation, bien qu’il ne soit plus vraiment un
principe compte tenu de toutes les exceptions, est que la pension n’est pas versée si le
bénéficiaire exerce une activité professionnelle (art. 25, al. 1 de l’AR n°50).
L’activité professionnelle incompatible avec la perception d’une pension est retraite est «
toute activité susceptible de produire des revenus » (art. 64, §1, al. 1 AR de 1967). C’est
extrêmement large. Ce principe est cependant complété par une exception : en dérogation au
principe, on peut continuer à exercer une activité professionnelle alors qu’on touche une
pension de retraite, à condition que le revenu ne dépasse pas un certain niveau (art. 64, §2 et
3 de l’AR de 1967).
B. L’activité autorisée
Le bénéficiaire d’une pension est autorisé à exercer une activité professionnelle pour autant
que le revenu ne dépasse pas certains plafonds (art. 64, §2 et 3 de l’AR de 1967).
Attention à bien voir l’hypothèse visée ici : on peut continuer à travailler au-delà de 65 ans
sans encore prendre sa retraite pour continuer à faire grandir sa pension, mais ce n’est pas ce
dont on parle ici. On vise ici l’hypothèse où quelqu’un prend sa pension mais il continue une
activité professionnelle en plus de sa pension. Dans ce cas de figure, l’activité professionnelle
ne permet pas d’ouvrir des droits additionnels à la pension de retraite : le montant de la
pension a été calculé au moment où la personne a pris sa retraite.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Quelles sont les limites moyennant lesquelles on peut cumuler une pension et une activité
professionnelle ? Un système assez compliqué est fixé par la réglementation : des plafonds
qui varient en fonction de différents critères (selon que l’on poursuit une activité de salarié ou
d’indépendant, selon que l’on a des enfants à charge,..). Selon la combinaison des différents
paramètres, les plafonds varient entre 5000€ et 25 000€ bruts sur une année. En-dessous de
ces plafonds, il est possible de cumuler la pension de retraite avec une activité professionnelle
qui ne fait pas grossir la pension mais qui ramène un revenu qui peut être ajouté à la pension.
Si le plafond est dépassé, le paiement de la pension va être suspendu à concurrence du
dépassement prohibé.
Depuis longtemps, il y a un débat pour savoir s’il est opportun de maintenir ce système de
plafond. Le camp de ceux qui sont favorables au démantèlement de ces plafonds est
dominant. Leur argument est qu’il ne faut pas embêter les retraités qui ont atteint l’âge légal
de la retraite et qui ont l’occasion de poursuivre une activité professionnelle à côté. Ça leur
fait un revenu supplémentaire, ça les maintient occupés,... On est ici dans de la sécurité sociale
assurantielle qui ne se préoccupe pas des ressources personnes des individus.
A contrario, ceux qui sont défavorables au démantèlement des plafonds disent que l’idée est
que l’on ait suffisamment de quoi vivre avec sa pension de retraite. La crainte de ce camp est
si on démantèle les plafonds, implicitement le message pourrait être, « vous avez votre
pension de retraite mais merci de bien vouloir compléter votre pension de retraite en
travaillant à côté ». Or, on sait que les catégories socio-professionnelles ne sont pas égales sur
le plan de l’espérance de vie en bonne santé. C’est l’un des arguments en faveur d’un maintien
des plafonds.
Depuis 2015, il n’y a plus de plafonds pour tous les bénéficiaires qui ont atteint l’âge de la
retraite ou qui prouvent une carrière complète. Toutes ces personnes ne sont plus soumises
à aucun plafond et peuvent cumuler de manière illimitée par pension de retraite avec un
revenu.
Qu’est-ce qui entre en ligne de compte ? Les périodes d’activités professionnelles en tant que
travailleur salarié, mais aussi les périodes d’inactivité qui, pour les besoins de la pension de
retraite, vont être assimilées à de l’activité professionnelle (article 8 de l’AR n°50).
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Ces périodes d’inactivités assimilées à de l’activité professionnelle sont des périodes pendant
lesquelles un revenu de remplacement a été perçu à charge de la sécurité sociale (art. 34, de
l’AR de 1967). Exemple : congé de maternité, prépension, congés parentaux,...
S’ajoute encore à cela, la faculté de faire régulariser les années d’étude poursuivies au-delà
des secondaires. Attention, il ne s’agit pas de périodes assimilées. Les années d’étude ne sont
pas prises en compte, sauf si l’on va au service fédéral des pensions et qu’on demande à faire
comptabiliser ces années d’étude, moyennant le payement d’une cotisation de bonification.
À cette condition-là, les années d’étude entrent en ligne de compte.
B. La durée de la carrière
Pour ce qui est du calcul du montant des pensions de retraite, la durée de la carrière entre en
compte. Pour le calcul de la pension, une carrière complète est une carrière de 45 ans (14 040
jours) (art. 5, §1, al. 2 de l’AR de 1996). Ça signifie que chaque année de travail salarié ou
d’inactivité assimilée donne droit à 1/45ème de pension.
En pratique, la situation la plus fréquente est celle où l’on arrive à la retraite en ayant travaillé
moins de 45 ans. Actuellement, moins de 40% des travailleurs arrivent à la retraite avec une
carrière complète. Ce problème va s’atténuer pour nous avec le recul de l’âge de la retraite.
Nous allons devoir travailler jusqu’à 67 ans. On arrivera donc à la retraite avec une carrière
incomplète, dès lors qu’on continuera d’étudier au-delà de 22 ans, ce qui aujourd’hui est
fréquent. Beaucoup de personnes vont donc continuer à arriver à l’âge de la retraite avec une
carrière incomplète. Le problème est beaucoup plus marqué pour les personnes qui arrivent
à l’âge de la retraite avec une carrière très incomplète. Ce problème est inhérent au modèle
bismarckien et à la logique assurantielle que l’on a adoptés : plus on travaille et plus on
contribue, plus on se constitue des droits importants. A contrario, plus la carrière est marquée
par des trous, plus la rémunération est élevée.
Mais quid quand on a une carrière plus longue que 45 ans ? Jusqu’en 2019, on appliquait le
principe de l’unité de carrière, selon lequel la pension ne peut pas être calculée sur une base
supérieure à 45/45ème. Si vous vous constituiez une carrière supérieure à 14 040 jours, on
faisait tomber les journées excédentaires et on comptait uniquement les 14 040 journées les
plus favorables sur le plan de la rémunération. Ce n’est plus vrai depuis 2019 : si vous dépassez
la durée de la carrière complète par des journées de travail (on ne peut pas se constituer une
carrière supérieure à 45/45ème sur base d’inactivités assimilées). Le surcroit de travail génère
des droits de pension supplémentaires.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
§2. La rémunération
Il faut voir que la rémunération prise en compte pour calculer la pension de retraite n’est pas
la même selon que l’on parle d’une période d’activité professionnelle ou d’une période
assimilée.
Pour les périodes de travail, le calcul se fait sur la base de la rémunération réelle. Il n’y a donc
rien de particulier à signaler, si ce n’est qu’il faut faire attention aux avantages extra-salariaux
(comme les chèques repas, les voiture de sociétés) car 1) ça dé-finance la sécurité sociale et
2) ces avantages extra-salariaux n’ouvrent pas un rond sur le plan de retraite puisqu’ils n’ont
pas donné lieu au prélèvement de cotisations sociales.
Pour les périodes assimilées, ce que l’on prend en compte, en règle générale, ce n’est pas
l’allocation sociale perçue (suite à un accident par exemple) mais on se réfère à la
rémunération, au salaire perçu durant l’année civile précédant la survenance du risque (ayant
donné lieu à l’allocation sociale, aux indemnités). Pourquoi ? Car si on se référait aux
allocations sociales, cela ferait chuter le montant de la pension.
Attention, cette protection est sous pression : depuis 2012 (Gouvernement Di Rupo), les
troisièmes périodes de chômage sont valorisées pour le calcul de la pension non pas sur la
base du salaire perçu avant de tomber au chômage, mais sur la base d’un revenu fictif fixé au
niveau du revenu minimum (art. 24bis, point 6 de l’AR de 1967). Depuis 2019, il en va de même
pour les deuxièmes périodes de chômage (art. 24bis, point 6°bis de l’AR de 1967) ainsi que les
période de chômage avec complément d’entreprise (art. 24bis point 7°bis de l’AR de 1967).
B. Plafond
Pour le calcul de la pension, les rémunérations sont plafonnées. Cela veut dire que la partie
du salaire pour chaque année qui dépasse un plafond n’est pas prise en considération au
moment du calcul de la pension (art. 7, al. 3 de l’AR n°50). Ce plafond est fixé par la
réglementation pour chaque année civile : chaque année on inscrit le montant du plafond
salarial dans la réglementation. Pour 2020, ce plafond est fixé à 58 500€ bruts. Sur tout ce
qu’une personne gagne au cours de l’année 2020, il y a 58 500€ au maximum sur l’année qui
peuvent être pris en compte. Si la personne a un salaire de 58 500€, très bien on en tiendra
compte au moment du calcul de la pension. Mais si la personne gagne 175 000€, sa pension
sera calculée sur base d’une rémunération plafonnée à 58 500€ bruts. Ce plafond se situe aux
alentours du salaire moyen en Belgique. C’est un point de référence important.
Concrètement, ce plafond signifie que pour les bas salaires et pour les salaires moyens, la
pension est calculée sur l’intégralité de la rémunération salariale.
Ce système est plus ennuyeux pour le hauts salaires et les très hauts salaires puisqu’on tient
uniquement compte de 58 500€ bruts s’agissant de l’année civile 2020. Pour ces personnes,
le taux de remplacement réel va être moindre que le taux de remplacement nominal (= fixé
par la réglementation) : elles ne vont toucher que 60% d’une rémunération arrêtée à un
certain niveau inférieur à la rémunération réelle.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
C. Réévaluation
Ce mécanisme de réévaluation est fondamental car il a pour effet de neutraliser les effets de
l’inflation de manière à éviter que la pension de retraite soit calculée aujourd’hui sur la base
de revenus qui ne représentent plus grand chose en termes de pouvoir d’achat. C’est une
différence cruciale entre les pensions légales et les pensions extra-légales financées par la
capitalisation.
C’est un avantage significatif des pensions légales, des pensions sécurité sociale.
Dans la branche des pensions, on distingue 2 catégories (art. 5, §1, al. 1 de l’AR de 1996) :
- Le taux « ménage » : ce taux est accordé aux bénéficiaires mariés dont le conjoint a
cessé ses activités professionnelles et ne reçoit pas non plus un revenu de
remplacement. Concrètement, cela signifie que ce taux ne bénéficie qu’aux couples
mariés dans lesquels la pension est la seule source de revenu du ménage. Cette
pension s’élèvera à 75% du revenu moyen gagné au cours de la carrière.
- Le taux « isolé » : c’est le taux qui bénéficient à tous les retraités qui n’entrent pas
dans la catégorie « ménage » : les couples non mariés, ou les couples pour lesquels la
pension n’est pas la seule source de revenu (parce que l’autre conjoint continue de
travailler, ou touche aussi une pension). Cette pension s’élèvera à 60% du revenu
moyen gagné au cours de la carrière.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
A. Le calcul
Comment fait-on pour assembler les différents éléments vus ? Il y a plusieurs étapes
successive (art. 7, al. 1 de l’AR n°50 et art. 5, §1 de l’AR de 1996) :
- On additionne les résultats de chaque année et on divise la somme par 45. Pourquoi ?
Car la carrière complète est une carrière de 45 années. En faisant cette division, on
obtient la rémunération moyenne perçue au cours de l’ensemble de la carrière.
La réglementation des pensions garanti une pension plancher à tous les travailleurs salariés
qui ont une carrière égale à au moins les 2/3 d’une carrière complète (soit, entre 30 et 45 ans).
Si le résultat auquel on aboutit à la fin du calcul de la pension est inférieur à la pension
minimum, on rehausse la pension au moins jusqu’au niveau de la pension minimum. Il n’est
pas possible de percevoir moins. La pension minimum pour une carrière complète s’élève à
1290€/mois bruts. Si vous avez une carrière de 40 ans, vous êtes éligible à la pension minimum
mais le montant de la pension minimum est de 40/45ème de 1290€. Si vous avez une carrière
de 30 ans, vous avez droit à 30/45ème de 1290€ bruts par mois.
Conclusion
Est-ce que les pensions sont d’un montant suffisant pour vivre ? Quand on regarde les chiffres,
on peut dire plutôt « oui » pour les travailleurs pour qui le système a été conçu en 1945 et en
1967, c’est-à-dire les travailleurs qui ont eu une carrière complète rémunérée aux alentours
du salaire moyen. La difficulté est qu’une part importante des travailleurs ne répond plus à ce
schéma classique. La pension n’est pas suffisante pour vivre pour les travailleurs qui n’ont pas
une carrière de 45 ans et qui n’ont pas touché un salaire moyen.
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- Les travailleurs qui ont une carrière incomplète et/ou marquée par beaucoup de temps
partiels : compte tenu de la logique du système, la pension auxquelles ils auront droit
sera assez faible.
- Les employés supérieurs, les cadres : ils font des études qui durent un certain temps,
la carrière est donc déjà incomplète mais surtout, la carrière professionnelle peut être
très ascendante (le salaire peut monter très vite et très fort). La pension sera très
correcte mais en décalage avec le niveau de vie durant la carrière professionnelle.
Vers quoi est-ce qu’on va aller ? On retrouve les 2 scénarios présentés plus haut. Par rapport
au constat que l’on vient de faire, certains disent que les pensions légales n’offrent pas de
réponse satisfaisante et qu’il faut considérer les pensions légales comme une base et inciter
les travailleurs à se constituer des pensions complémentaires par capitalisation. D’autres,
partent des mêmes constats mais considèrent qu’il faudrait re-paramétrer les pensions légales
pour les revaloriser et faire en sorte que les pensions légales tiennent davantage compte de
la diversité des parcours de manière à offrir une couverture sociale satisfaisante pour les
travailleurs qui ne répondent pas au schéma classique également.
La matière est régie par une loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités
de 1994. Le point commun entre d’une part, l’assurance soins de santé et d’autre part, les
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indemnités est la prise en charge de problèmes de nature médicale. Mais au-delà de ça, ces 2
secteurs sont très différents :
L’assurance soins de santé est une assurance unique plus large, qui couvre presque toute la
population en Belgique, c’est-à-dire autant les salariés, que les indépendants et les
fonctionnaires. Vu cette logique plus bevridgienne (que bismarckienne) de la branche santé,
au niveau des structure, on a une seule institution administrative qui chapeaute le système :
Les organes décisionnels au sein de l’INAMI ont une composition tripartite ou quadripartite
(et non paritaire). On y retrouve une représentation syndicale et une représentation
patronale, mais aussi des représentants des organismes assureurs (composition tripartite) et
parfois, pour certains organes, il y a également des représentants des dispensateurs de soins
(composition quadripartite).
§3. Médecine libérale vs. Maitrise du cout des soins vs. Accessibilité
En Belgique, le principe de base est celui du libre choix du prestataire de soins par le patient
(art. 127, §1). Cela signifie qu’en règle générale, on va voir le prestataire de soin que l’on veut.
À côté de ça, le prestataire de soin dispose d’une liberté thérapeutique (art. 73, §1) : en règle,
les prestataires de soins soignent conformément à leur déontologie médicale. Aucune
réglementation ne prescrit la manière dont les soins doivent être prodigués.
Cette double liberté c’est ce que l’on appelle « le caractère libéral de l’organisation des soins
de santé » en Belgique. Cet élément bénéficie d’un fort soutien de la population, mais il faut
bien voir que dans un système de médecine libérale, la maitrise des dépenses de santé est
beaucoup plus compliquée. Certaines choses sont entreprises pour tenter de limiter les
dépenses en soins de santé, et c’est en particulier le cas de la « norme de croissance ». Chaque
année, la norme de croissance des dépenses fixe une fourchette disant que le budget des soins
de santé peut augmenter à concurrence de X% hors inflation maximum. Le Gouvernement
Michel avait fort réduit cette norme de croissance (à 1,5%). Entre temps, le COVID est passé
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Comment chercher à maitriser les dépenses, l’évolution du cout du système sans porter
atteinte à l’accessibilité des soins ou à la liberté de choix ? Il y a des équilibres à trouver, et en
général, un paramètre doit céder. Beaucoup d’observateurs considèrent que si on veut
prioriser l’accessibilité des soins tout en veillant à la maitrise des couts, il faudra revenir sur la
problématique de la médecine libérale.
Qui sont-ils ? Au départ, l’assurance maladie était destinée aux travailleurs salariés et à leur
famille. Au fil du temps, on a ajouté à cette catégorie initiale, toute une série de catégories
supplémentaires. C’est cela qui fait qu’aujourd’hui on a, à peu près, 99% de la population
considérée comme bénéficiaire de l’assurance soins de santé. L’article 32 donne une longue
liste de bénéficiaires. Cela nous amène à dire que les seules personnes qui ne bénéficient pas
de l’assurance soins de santé sont les étrangers en séjour illégal.
Les titulaires sont les personnes qui s’ouvrent des droits à eux-mêmes et aux personnes qui
dépendent d’elle.
A. Les travailleurs
- Les agents des services publics : dans le chapitre du cours sur l’assujettissement, nous
avons vu que l’assujettissement au régime général est déterminé, en règle, par
l’existence d’un contrat de travail mais qu’il existe toute une série d’extensions. Parmi
celles-ci, il y a le cas des fonctionnaires statutaires. Cette extension s’est surtout faite
dans le régime des soins de santé. Dans la loi INAMI, on prévoit que les travailleurs
salariés et les fonctionnaires statutaires sont bénéficiaires de cette loi.
- Les travailleurs indépendants : une évolution très importante a eu lieu : pendant très
longtemps, les indépendants avaient accès à une couverture maladie mais celle-ci ne
couvrait que les gros risques, à savoir les accouchements, les hospitalisations et
certaines maladies graves. A contrario, les petits risques relevaient uniquement de la
responsabilité de l’indépendant. Depuis 2008, les indépendants ont été intégrés dans
le régime unique qui existe désormais.
Dans la liste de l’article 32, on retrouve aussi les différents revenus de remplacement.
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Ces personnes s’ouvrent des droits alors qu’elles ne sont (provisoirement) pas assujetties à la
sécurité sociale, en train de cotiser.
Les personnes handicapées sont les personnes qui perçoivent des allocations de personnes
handicapées. Ces personnes ne sont pas en train de travailler et de cotiser, ne sont pas
bénéficiaires d’un revenu de remplacement puisque les allocations aux personnes
handicapées sont des allocations d’aide sociale, des allocations résiduaires. Malgré tout, c’est
particulièrement important lorsqu’on souffre d’un handicap de bénéficier d’une prise en
charge de ses besoins de santé donc, en vertu de l’article 32, les personnes handicapées sont
titulaires de l’assurance soins de santé.
Ce que couvre cette catégorie est la situation des étudiants qui ne sont pas à charge pour une
raison ou pour une autre. Ceux-là s’ouvrent le droit à titre propre, ceux-là sont eux-mêmes
titulaires de l’assurance soins de santé, à condition de payer à la mutuelle une cotisation
trimestrielle qui s’élève à peu près à 60€.
Cette dernière catégorie est extrêmement importante : c’est la catégorie résiduaire par le biais
de laquelle on fait entrer dans l’assurance santé toutes les personnes qui n’entrent dans
aucune des autres catégories. Ces personnes s’ouvrent des droits propres sur la seule base de
ce qu’ils sont inscrits au registre national des personnes physiques. Auparavant, on appelait
ce régime « le régime des personnes non encore autrement protégées ».
Ça concerne qui exactement ? Le Registre national des personnes physiques est un réseau
informatique qui reprend les données qui se trouvent dans les registres de la population tenus
par les communes. En Belgique, il y a 3 registres dans chaque commune : le registre de la
population (belges et les étrangers qui séjournent à durée illimitée en Belgique), le registre
des étrangers (autorisés à séjourner de manière limitée dans le temps en Belgique) et le
registre d’attente (qui reprend les demandeurs d’asile). Les données qui se trouvent dans
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chacun de ces registres sont interconnectées par ce que l’on appelle le « Registre national des
personnes physiques. Depuis 1998, toutes les personnes qui apparaissent dans le Registre
national des personnes physiques et qui n’entrent pas dans les autres catégories, bénéficient
de l’assurance soins de santé à condition de payer une cotisation. Le montant de cette
cotisation varie en fonction du seuil du revenu (montant dégressif) : la cotisation pleine et
entière est de 750€/trimestre tandis que la cotisation est nulle lorsque vous êtes bénéficiaire
du revenu d’intégration ou lorsque les revenus propres sont égaux ou inférieurs au revenu
d’intégration. Exemple : les rentiers peuvent avoir accès à l’assurance santé à condition de
payer une cotisation trimestrielle de 750€.
C’est par le biais de cette réforme qu’on a quasiment achevé d’universaliser la couverture
santé en Belgique en 1998 : 98% ou 99% de la population est couverte. Qui passe encore entre
les mailles du filet ? Les personnes qui n’apparaissent pas dans le registre national des
personnes physiques, c’est-à-dire les étrangers en séjour illégal ou les étrangers en séjour de
courte durée (séjour touristique, séjour de moins de 3 mois). Les personnes en séjour illégal
ne sont titulaires de rien en matière de soins de santé, si ce n’est de l’AMU (Aide Médicale
Urgente).
§2. Les personnes à charge d’un titulaire (article 123 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996)
Les personnes à charge sont : Le conjoint ou le partenaire de vie d’un titulaire ; Ses
descendants âgés de moins de 25 ans ; Ses ascendants.
Ces personnes, si elles ne sont pas elles-mêmes titulaires et qu’elles ne s’ouvrent pas un droit
propre à l’assurance soins de santé, elles s’ouvrent un droit par le fait qu’elles sont liées à un
titulaire. C’est la technique des droits dérivés. On attribue un droit social sur la base d’un lien
avec une personne.
Il y a deux conditions logiques pour que ces personnes soient à charge d’un titulaire du point
de vue de l’assurance soins de santé (art. 124, §1 et 2 de l’arrêté royal) : Il faut partager la
même résidence ; Ne pas disposer de revenu propre. Moyennant ces deux conditions, la
personne est à charge du titulaire. Attention, ces deux conditions ne s’appliquent pas aux
descendants, toujours considérés à charge du titulaire, même s’ils vivent ailleurs et même s’ils
ont un revenu propre.
Ce sont les conditions à satisfaire pour pouvoir effectivement bénéficier de l’assurance soins
de santé. Ces conditions sont au nombre de deux et sont très lâches dans le sens où il est facile
d’y satisfaire. C’est délibéré : le but n’est pas de tracer une ligne de démarcation entre le
méritant et le non méritant, mais d’assurer un accès le plus large possible aux soins de santé,
puisqu’on parle ici d’un droit extrêmement important qui matérialise en quelque sorte le droit
à la vie.
Auparavant, il fallait être assujetti à la sécurité sociale mais ce n’est plus le cas. Il n’y a plus
d’exigence de stage d’attente désormais (art. 121, §2). Dès lors que vous êtes titulaire de
l’assurance soins de santé vous pouvez bénéficier de l’intervention de la mutuelle.
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Attention, ces deux conditions ne s’appliquent qu’aux titulaires et pas aux personnes à charge.
Cela signifie qu’il faut être affilié à une mutualité privée (une des 5 unions) ou être inscrit à la
CAAMI. Attention, il n’existe pas (ce qui est un peu mystérieux) de mécanisme d’inscription
automatique à une mutuelle ou à la CAAMI lorsqu’on ne fait pas de démarche d’affiliation.
Il est donc possible d’être titulaire de l’assurance soins de santé, tout en ne pouvant pas
accéder au remboursement si on n’a pas fait la démarche de s’affilier à un mécanisme
assureur. C’est assez curieux.
Il faut être en ordre sur le plan du paiement des cotisations. C’est une exigence qui apparaît
toujours dans la législation, mais concrètement elle n’implique aucune démarche pour la
majorité des titulaires. Pourquoi ? Parce que les travailleurs assujettis à l’un des régimes
contributifs de sécurité sociale ne doivent rien faire car des flux électroniques sont établis
entre l’ONSS (ou l’INASTI) et la mutuelle. Il ne faut donc pas apporter un bon de cotisation en
format papier prouvant que l’on paye bien nos cotisations.
De même, il n’y a plus de démarche concrète à effectuer lorsqu’on est titulaire en qualité de
bénéficiaire d’un revenu de remplacement car ces personnes ont nécessairement dû, par le
passé, être affiliées à la sécurité sociale et payer des cotisations. Des flux électroniques ont
été mis en place entre l’institution publique de sécurité sociale dont la personne dépend et
les organismes assureurs ; il ne faut donc plus remettre le bon de cotisation.
Cette seconde condition implique une démarche effective pour les étudiants de
l’enseignement supérieur qui doivent payer une cotisation trimestrielle, mais aussi pour la
catégorie résiduaire des personnes titulaires en tant qu’elles sont inscrites au Registre national
des personnes physiques. Et encore, il faut nuancer car les personnes dont les revenus sont
nuls ou quasi nuls ne doivent pas payer de cotisation.
L’essentiel est d’identifier quel est le « panier de soins » auxquels on a accès. On va identifier
ces règles en 3 temps : quoi ? (qu’est ce qui donne lieu à une intervention de la sécurité
sociale), combien ? (la hauteur de l’intervention) et comment ? (les modalités)
L’article 34 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé énumère les grandes
catégories de prestations de santé, des différents types de prestations (soins courants,
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hospitalisations,...). La loi précise bien qu’en tout état de cause, l’assurance soins de santé
n’intervient pas dans les prestations accomplies dans un but purement esthétique. Ce que l’on
sait jusqu’ici c’est que l’assurance soins de santé intervient pour certains types de soins, mais
ça reste très vaste.
C’est pourquoi l’article 35 habilite le pouvoir exécutif à établir la nomenclature des prestations
de santé.
L’article 35 habilite le pouvoir exécutif à établir (par arrêté royal) la nomenclature des
prestations de santé, c’est-à-dire un catalogue qui détaille, pour chacune des catégories,
toutes les différentes prestations prises en charge. Cette liste est fermée. Pour quoi
l’assurance soins de santé intervient-elle ? Pour tous les différents actes médicaux et
paramédicaux repris dans la nomenclature. La nomenclature associe à chaque prestation de
santé un code unique à 6 chiffres et ce code permet de savoir de quelle prestation de santé
on parle très précisément. Depuis le COVID, une nouvelle prestation a fait son apparition dans
la nomenclature : les consultations chez le médecin généraliste par téléphone. Cette
prestation porte le code 101990 (pour info).
Par ailleurs, une lettre est mise dans cette nomenclature pour voir quelle est la prestation. De
plus, la nomenclature détermine la valeur relative de la prestation, c’est-à-dire que certaines
prestations valent 1, certaines valent 7, d’autres valent 200,... C’est un point de référence qui
permet de savoir combien coute la prestation. On associe à ce chiffre permettant d’identifier
la valeur relative, un quotient pour arriver à des euros.
Concrètement, la nomenclature est un arrêté royal. C’est donc le Gouvernement qui peut
décider de faire évoluer la chose et de prévoir de nouveaux remboursements ou de les
supprimer. C’est une compétence très importante.
Le but de la sécurité sociale est de garantir à la population un accès le plus large aux soins de
santé, car les soins de santé c’est la vie. Il est donc crucial qu’il existe une certaine stabilité
dans le tarif des soins de santé. Cependant, en Belgique, on est dans un système de médecine
libérale et pas dans un système de médecine d’état. Conséquence ? Les pouvoirs publics ne
fixent pas unilatéralement le tarif des soins de santé.
Le compromis qui a été trouvé pour arbitrer ces deux préoccupations concurrentes (garantir
l’accessibilité la plus large aux soins VS. les attentes des prestataires de soins de bénéficier
d’une certaine marge de manœuvre dans la détermination de leurs honoraires) par une loi de
1963 : dans chaque profession libérale, il existe un système de codétermination des tarifs, de
la valeur réelle des prestations. On essaye d’importer dans le milieu des prestations médicales
ce que l’on trouve dans les représentants de travailleurs et employeurs. Il y a, au sein de
l’INAMI, toute une série de commissions paritaires dans lesquelles on retrouve les
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représentants des prestataires de soins concernés d’une part, et d’autre part, les organismes
assureurs, c’est-à-dire les mutuelles qui représentent les patients.
De 2 ans en 2 ans, chacune de ces commissions paritaires négocie pour établir un accord (c’est
assez semblable à ce qui se fait dans le monde du travail) et pour déterminer à concurrence
de combien le cout des prestations de soin peut augmenter. Ce qui est fait tous les 2 ans quand
les syndicats de médecins et de patients négocient, c’est déterminer le coefficient par lequel
on multiplie la valeur relative. L’accord médico-mutualiste est le nom de l’accord conclu au
sein de la commission nationale médico-mutualiste qui rassemble de manière paritaire les
syndicats des médecins et des patients. Il y a un mécanisme équivalent pour chacune des
grandes professions médicales.
Puisque nous sommes dans un système de médecine libérale, les prestataires de soins sont
libres d’adhérer ou non à l’accord et d’appliquer les tarifs « conventionnels ». Cependant, le
but de la sécurité sociale est de pouvoir aller voir son médecin à un prix raisonnable. Le
système de compromis mis en place est donc système d’adhésion : de deux ans en deux ans,
la commission se réunit et adopte un accord. Cet accord est publié au Moniteur belge et à ce
moment-là, les médecins ont 30 jours pour signaler à l’INAMI qu’ils entendent ne pas
appliquer les barèmes qui résultent de l’accord (et dans ce cas, ils peuvent facturer autant
qu’ils veulent). S’ils ne font rien, ils sont présumés adhérer à l’accord.
Pour la population c’est un enjeu très important de déterminer s’ils font appel à un prestataire
de soin « conventionné » (qui respecte l’accord) ou « non-conventionné » (qui tarifie
librement ses prestations).
Lorsque les patients choisissent d’aller cher un médecin conventionné ou déconventionné, ils
exercent une influence sur le système.
a. Le régime général
La règle générale est que l’intervention est partielle. En Belgique, on ne garantit pas une
médecine gratuite. Pourquoi ? Pour responsabiliser les patients et éviter la surconsommation
médicale. C’est ce qui s’appelle le « ticket modérateur », « la quote-part personnelle ».
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Exemple 1 : Si l’on va chez un médecin non-conventionné qui nous facture 80€, on perçoit de
la mutuelle un remboursement de 75% de 27€ et donc on a, à notre charge, le ticket
modérateur (25% du tarif conventionnel) et les suppléments d’honoraires.
Il existe cependant deux correctifs car si une personne est malade et qu’elle a peu de revenu,
cette responsabilisation peut l’empêcher d’accéder aux soins de santé. Cette préoccupation
est d’autant plus importante qu’au cours des années 90, on a rehaussé le ticket modérateur
pour faire des économies.
L’intervention majorée est le taux de remboursement plus élevés pour certaines catégories.
Si on bénéficie de l’intervention majorée (BIM), on peut, par exemple, se voir rembourser 90%
plutôt que 75%. Qui sont ces BIM ? Il y en a deux types :
- Les BIM revenus : ce sont les personnes dont le revenu du ménage est inférieur à un
certain seuil (ce seuil est actuellement fixé à 20 000€ de revenus imposables par an).
Quel est l’enjeu ente les deux ? Pour les aides sociales, le BIM est attribué automatiquement.
Alors que, pour bénéficier de l’intervention majorée, il faut faire la demande à la mutuelle.
L’octroi n’est pas automatisé.
Ce correctif ne joue pas sur le pourcentage du remboursement comme pour le statut BIM,
mais sur les euros à votre charge. On plafonne le total des tickets modérateurs à notre charge
durant une année civile. Sur une année civile, on ne peut pas payer plus de X€ de ticket
modérateur (attention, on ne prend pas en charge les suppléments d’honoraires donc pas les
non-conventionnés). Ce plafond varie en fonction du niveau de revenu. Si vous avez des
revenus assez faibles qui donnent accès au statut de BIM, le MàF est fixé à 475€. Si au cours
d’une même année civile, vous atteignez 475€ de ticket modérateur, vous ne paierez plus un
euro supplémentaire pour le reste de l’année civile.
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On rembourse à posteriori et à l’acte. La règle générale est que l’on débourse d’abord
l’entièreté de la somme, et a posteriori, une part de la dépense médicale au tarif conventionné
est remboursée. En effet, on va chez le prestataire de soins, il nous fait payer la prestation et
ce n’est qu’ensuite, qu’on remet l’attestation de soins à la mutuelle et que celle-ci nous
rembourse la part due.
En outre, les modalités de facturation se font à l’acte. C’est-à-dire que chacune des prestations
mentionnées dans la nomenclature donne lieu à un paiement. Exemple : on va chez le
dentiste, on fait un détartrage, un plombage et une extraction de dent : sur l’attestation de
soin, il y a aura une ligne pour chaque prestation réalisée ainsi que le numéro de cette
prestation dans la nomenclature. Il n’y a pas de tarif de groupe.
Parfois, on applique ce que l’on appelle le « système du tiers payant ». Un tiers, la mutuelle,
va intervenir et prendre en charge directement le cout de la prestation de santé. Exemple :
dans ce cas, lorsqu’on va chez le médecin, on ne doit pas sortir les 27€ de notre poche, mais
payer uniquement le ticket modérateur.
Ce système du tiers payant est bien l’exception, tandis que le remboursement a posteriori est
la règle.
Dans quels cas le système du tiers payant est appliqué ? C’est un arrêté royal qui spécifie dans
quels cas le tiers payant, en dérogation au principe, est appliqué. Il y a deux grandes
hypothèses où on a généralisé le tiers payant, où il est obligatoire (article 53, §1 et l’arrêté
royal du 18 septembre 2015 portant exécution de l’article 53, §1, al. 9 de la loi relative à
l’assurance obligatoire soins de santé et indemnité, relatif au régime du tiers payant) :
- Les hospitalisations ;
- Les BIM qui se rendent chez le médecin généraliste. Ceci est le fruit d’une très longue
évolution, et ce n’est qu’en 2015 que l’on a généralisé le tiers payant pour les BIM qui
se rendent chez le médecin généraliste. Pourquoi ? Car on se rend compte que le
principe général est une barrière qui peut compliquer l’accès aux soins quand on a peu
de ressources.
Cette modification a été attaquée devant la Cour Constitutionnelle en 2015 et la Cour a rejeté
le recours. Le principe est désormais bel et bien pérennisé.
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Ce régime est caractérisé par le fait que les prestations d’aide sociale sont non-contributives
et résiduaires. Elles sont non-contributives, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas subordonnées au
paiement préalable de cotisations de sécurité sociale (contrairement à l’assurance des
travailleurs accidentés). Pourquoi ? Parce que ces prestations ont été créées, à la fin des
années 60, pour pallier aux limites des assurances sociales. La grande contrepartie est que ces
prestations sont résiduaires : il faut montrer que ses ressources sont inférieures à un certain
seuil. On n’y a droit que si on n’a pas de ressources propres.
On a 4 prestations résiduaires :
Qu’est-ce que c’est ? La GRAPA est un revenu minimum versé aux personnes âgées de plus de
65 ans et qui sont sans ressources.
C’est un MINIMEX, l’équivalent du CPAS pour les seniors. La GRAPA peut être alloué en
complément d’une pension contributive : si la pension est basse au point d’être inférieure à
la GRAPA, il est possible de percevoir la pension contributive plus une GRAPA partielle,
complémentaire de manière à amener la personne au moins au niveau de la GRAPA.
Quel texte est applicable ? La loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux
personnes âgées.
Quelle est l’administration compétente ? Le Service fédéral des pensions est compétent pour
statuer sur les demandes et pour octroyer la GRAPA. En pratique, quand le Service fédéral des
pensions calcule le montant de la pension, il regarde automatiquement si vous n’avez pas
également droit à une GRAPA complémentaire.
Qu’est-ce que c’est ? C’est un revenu minimum qui vise à remplacer l’impossibilité pour la
personne dont le handicap est d’une certaine importance de gagner sa vie par son travail.
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Quel texte est applicable ? La loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes
handicapées. Cette loi a très mal vieilli.
Qu’est-ce que c’est ? C’est une aide que les CPAS peuvent fournir, sous n’importe quelle
forme, pour permettre à tout un chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine.
Au titre de l’aide sociale, les CPAS peuvent prendre toutes les mesures possibles et
imaginables pour aider les personnes à mener une vie conforme à la dignité humaine. Exemple
: une assistance administrative, aide à la gestion de son budget, prise en charge partielle du
loyer,... Les contours de l’aide sociale sont beaucoup plus indéterminés et c’est aux CPAS
d’apprécier ce qui est requis pour permettre à une personne de vivre une vie conforme à la
dignité humaine.
Quel texte est applicable ? La loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action
sociale. Cette loi a créé les CPAS.
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Le droit à l’intégration sociale a une fonction symboliquement très forte dans notre système :
la fonction de dernier filet de sécurité d’existence. C’est l’aide sociale de dernier ressort.
Ce droit est organisé par une loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale.
Cette loi est une loi unique fédérale pour tous les CPAS, mais cette loi est concrètement mise
en œuvre de manière très décentralisée. Pourquoi ? Car les administrations compétentes sont
les centres publics d’actions sociales et on en trouve un dans chaque commune (art. 2, al. 2).
Il y a donc, en Belgique, 581 CPAS. Il y a 581 politiques locales de l’aide sociale, avec des
variations très significatives d’une commune à l’autre. Certains disent : « Oui mais la loi doit
quand même être respectée », deux éléments à ce propos : 1) la loi n’est pas toujours
respectée ; les CPAS prennent parfois quelques libertés par rapport à la législation et 2) la
législation elle-même laisse aux CPAS une marge d’appréciation assez importante. Telle est la
différence entre l’aide sociale et les assurances sociales (Code du chômage, arrêté pension,
loi 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé) qui ont des réglementations très
précises. Forcément, si on leur laisse une marge d’appréciation, il y a des fluctuations plus ou
moins importantes. Il est notoire que d’une commune à l’autre la couleur donnée à la politique
sociale ne soit pas la même : ça change selon qu’on est en territoire urbain ou rural, selon
l’environnement socio-économique, ou selon la majorité politique en place.
Pourquoi ? Parce que l’organe décisionnel dans un CPAS est le « conseil de l’action sociale »,
composé politiquement. Dans toutes les communes, le conseil de l’action sociale est composé
de mandataires politiques élus au second degré, c’est-à-dire désignés par les élus du conseil
communal. Le problème est donc qu’il y a des disparités très importantes d’une commune à
l’autre.
Enfin, un gros problème dans le monde de l’aide sociale, une évolution marquante est
l’augmentation très forte du nombre de bénéficiaires, notamment en raison de la politique
restrictive menée par le Gouvernement fédéral dans l’assurance chômage. Entre 2010 et
aujourd’hui, on est passés de 100 000 bénéficiaires à 160 000. On est dans un phénomène de
vase communicant venant de l’assurance chômage vers les CPAS.
On exige un certain degré de rattachement entre nous et le pays qui nous accueille. Le champ
d’application personnel est défini à l’aide de trois critères : il y a une condition de résidence,
une condition d’âge et une condition de nationalité. Il n’y a pas d’exigence en terme
d’assujettissement à la sécurité sociale or, c’était la condition clé dans toutes les autres
branches de la sécurité sociale. Précisément, le CPAS s’adresse aux personnes qui n’ont pas
ou pas beaucoup travaillé ou cotisé.
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§1. La résidence
Attention, l’arrêté d’exécution de la loi du 26 mai 2002 dit bien qu’on peut avoir sa résidence
effective en Belgique même si on ne dispose pas d’un logement et si on n’est pas inscrit dans
les registres de la population. « Résider » est une question de pur fait. Si vous dormez sur un
banc vous êtes résident effectif en Belgique au regard de la législation sur le droit à
l’intégration sociale. En pratique, cela présente beaucoup de difficultés.
§2. L’âge
- Soit, si on est mineur, être assimilé à une personne majeure. La loi indique dans quelles
circonstances on est assimilé à une personne majeure du point de vue du droit à
l’intégration sociale. Il y a 3 circonstances (article 7) : Être émancipé par mariage ;
Avoir des enfants à charge ; Être enceinte.
La préoccupation du législateur est d’éviter que les enfants qui naissent dans un ménage
pauvre d’un(e) mineur(e) ne soient pas eux-mêmes confrontés à une trop grande pauvreté.
Les parents sont mineurs mais ils seront éligibles au droit à l’intégration sociale malgré cela.
Au départ, en 1974, le MINIMEX était ouvert aux belges uniquement. On est ensuite venu
ajouter toute une série d’autres catégories :
- Soit bénéficier en tant que citoyen de l’UE, ou en tant que membre de sa famille, d’un
droit de séjour de plus de 3 mois (la personne ne sera éligible qu’après ces 3 mois) :
vous avez alors vous-même et les membres de votre famille (même s’ils ne sont pas
ressortissants d’un état membre de l’UE) potentiellement droit au droit à l’intégration
sociale. Mais attention, la personne doit avoir des revenus suffisants et ne pas être une
charge pour les systèmes d’assistance sociale du pays d’accueil. De fait, il pourrait être
éligible à regard de la sécurité sociale mais au regard du droit des étrangers si on est
une charge pour le système du territoire d’accueil, on perd son titre de séjour parce-
qu’on a fait appel au système social. Ce problème de « boucle » est récent.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Soit être inscrit comme étranger au registre de la population (celui dans lequel on
reprend les Belges + les étrangers autorisés à s’établir en Belgique et donc à demeurer
sur le territoire à durée indéfinie). Attention, pas les étrangers inscrits au registre des
étrangers. Ce sont donc les étrangers qui ont été autorisés à s’établir sur le territoire
du royaume qui sont visés. En règle générale, on est autorisé à s’établir, on passe du
registre des étrangers au registre de la population, après 5 ans en séjour régulier ;
Pour ces deux dernières catégories, cela signifie que la personne est arrivée en
Belgique et qu’elle a introduit une demande de protection internationale et que
le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA) l’a reconnue soit
comme réfugié, soit comme bénéficiaire de la protection subsidiaire. La
protection subsidiaire intervient lorsque la personne n’entre pas dans les
conditions très restrictives pour être considérée comme « réfugié », mais dont
on a de bonnes raisons de croire que si elle était renvoyée dans son pays
d’origine, elle pourrait subir des atteintes graves à son intégrité.
Quid si on ne respecte pas les conditions ? La sanction en droit à l’intégration sociale est le
refus d’octroi : vous ne recevez pas le droit ou vous le perdez. En chômage par exemple, la
sanction est la privation des allocations de chômage pendant un certain nombre de semaines.
Pour avoir droit au droit à l’intégration sociale, il faut se trouver dans un état de besoin, c’est-
à-dire avoir des ressources propres nulles ou inférieures au revenu d’intégration.
Le principe fixé par la législation est que toutes les ressources dont dispose le demandeur
soient prises en considération (article 16). Un élément clé du droit à l’intégration sociale est
que l’on procède à une enquête sociale ; c’est le prix à payer du caractère non contributif du
droit à l’intégration sociale (c’est-à-dire qu’il ne faut pas avoir travaillé et cotisé pour s’ouvrir
le droit à l’intégration sociale) (article 19 et AR du 1er décembre 2013). Le CPAS procède à une
enquête qui commence par une visite à domicile, pour voir votre lieu de vie et faire le point
sur la situation. L’aide sociale a un côté plus stigmatisant que les prestations de nature
assurancielle.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
Comme dit ci-dessus, le principe est que toutes les ressources sont prises en considération,
on analyse ces ressources lors de l’enquête sociale qui est le début de la procédure d’octroi.
Attention, il y a des exceptions au principe : le roi a été habilité à déroger à ce principe de la
prise en compte de toutes les ressources. Par exception au principe, quelques ressources sont
exonérées, sur lesquelles on ferme les yeux et qui peuvent être cumulées avec le revenu
d’intégration. Quelles sont-elles ? Les allocations familiales, les pensions alimentaires et les
bourses d’étude (article 22, §1, al. 1, b, c et g de l’AR).
Il ne suffit pas d’être dépourvu de moyens, il faut aussi être disposé à travailler à moins que
des raisons de santé ou d’équité l’empêchent (article 3, 5°). On demande aux candidats au
droit à l’intégration sociale d’être disposés à travailler car si vous pouvez gagner votre vie sur
le marché de l’emploi, vous devez aller sur le marché de l’emploi. L’aide sociale est résiduaire
et n’est pas là pour régaler ad vitam. Cette exigence fait toutefois débat et pose difficulté. La
difficulté récurrente est que on exige une disposition à travailler à des personnes qui, souvent,
sont éloignées du marché de l’emploi. Le CPAS est le dernier filer de sécurité d’existence, c’est
souvent ce à quoi on a droit quand on a droit à rien d’autre.
Qu’est-ce que ça veut dire « être disposé à travailler » ? C’est une notion peu définie, qui laisse
donc une marge de manœuvre assez importante aux CPAS. La jurisprudence encadre ceci
minimalement et pose 2 balises :
- Positivement : être disponible à travailler signifie être prêt à entrer dans un processus
de réinsertion professionnelle. Ça reste assez vague. Le grand acquis de la
jurisprudence en matière de droit à l’intégration sociale est que cette disponibilité à
travailler doit être appréciée en contexte, de manière individualisée, de manière «
raisonnable », c’est-à-dire au cas par cas en tenant compte du parcours de la personne,
de sa situation familiale, etc. De nouveau, on voit l’écart avec les exigences en
assurance chômage, qui sont plus sèches et qui ne se négocient pas. Si vous refusez un
emploi convenable, vous pouvez être sanctionné.
B. Les motifs exonératoires (« à moins que des raisons de santé ou d’équité l’en
empêchent »)
Il se peut que pour une série de personne ce ne soit pas raisonnable d’attendre une
disponibilité à travailler. Mais cela il faut pouvoir le justifier par :
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Des raisons de santé : ces raisons peuvent être d’ordre physique ou d’ordre
psychologique. L’assurance chômage, quant à elle, a un lien beaucoup plus proche
avec le retour sur le marché du travail. Le chômeur doit être apte au travail, sans quoi
il n’a pas droit à l’allocation de chômage. À l’inverse, même si on n’est pas apte au
travail, on peut avoir droit au CPAS.
- Des raisons d’équité : ces raisons ne sont pas définies. L’avantage est que le CPAS a de
la marge de manœuvre et peut faire des appréciations au cas par cas, mais
l’inconvénient est la relative incertitude juridique. Les appréciations ne seront pas les
mêmes d’un CPAS à l’autre. La jurisprudence est là pour baliser le travail de CPAS, mais
tous les bénéficiaires ne vont pas nécessairement introduire un recours devant le
Tribunal du travail s’ils ne sont pas contents avec les décisions prises par le CPAS. Dans
la pratique (que ce soit dans la pratique administrative des CPAS ou dans la
jurisprudence), les cas les plus récurrents sont :
Le CPAS et le demandeur peuvent être amenés à conclure un contrat qui contient un projet
individualisé d’intégration sociale. Lorsqu’un tel contrat est établi le CPAS et le demandeur
prennent des engagements réciproques : le demandeur s’engage à chercher un emploi dans
tel secteur avec telle fréquence, à trouver une solution pour la garde de ses enfants,... tandis
que le CPAS s’engage à offrir telle et telle aides.
Selon la situation et les besoins de la personne, le projet individualisé va porter soit sur
l’insertion professionnelle (dans ce cas, la priorité est mise sur le retour à l’emploi), soit sur
l’insertion sociale (plus particulièrement si la personne est dans une situation qui rend assez
peu plausible un retour sur le marché de l’emploi. Dans ce cas, l’accent est davantage mis sur
la résolution des difficultés telles que la non-maitrise du français, sur le traitement de
problèmes de santé mentale,...).
Depuis 2016, sous le Gouvernement Michel, le législateur a indiqué qu’en priorité, le type
d’insertion à poursuivre par le biais d’un projet individualisé est l’insertion professionnelle.
C’est la logique « état sociale actif », « retour sur le marché de l’emploi ». Une critique émise
par les CPAS est qu’une grande partie des personnes doit d’abord stabiliser une situation
problématique, en amont de l’intégration au marché du travail.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
pratique, le CPAS fait presque toujours la demande d’un projet individualisé pour les
bénéficiaires de moins de 25 ans.
Il faut bien voir l’articulation entre le projet individualisé et l’exigence générale d’être disposé
à travailler : lorsqu’un projet individualisé d’intégration sociale est établi, l’exigence d’être
disposé à travailler n’est plus une exigence formulée en termes généraux et abstraits. Dans ce
cas, être disposé à travailler signifie faire ce qui est inscrit dans le contrat (soit une voie
d’intégration professionnelle, soit une voie d’insertion sociale).
En règle générale, le non-respect des conditions d’octroi du droit à l’intégration sociale est
sanctionné par un non-octroi du droit à l’intégration sociale, mais lorsqu’un contrat est établi,
si ce contrat n’est pas respecté, la sanction est la suspension du versement du revenu
d’intégration pendant 1 mois maximum (article 30, §2). Le suivi du CPAS est plus serré, et en
contrepartie, la sanction est allégée.
Il faut, avant de toquer à la porte du CPAS, avoir fait valoir ses droits à toutes les autres
prestations de sécurité sociale. Concrètement, lors de l’enquête sociale, l’assistant social
examine la situation et vérifie si la personne est éligible à une allocation de chômage, si elle a
droit à une allocation personne handicapée, à la GRAPA,... Le CPAS est là pour aider la
personne : il ne la laisse pas en plan, mais aide à réaliser les démarches permettant de
percevoir les autres prestations de sécurité sociale auxquelles la personne est éligible.
De nouveau, l’idée est que le droit à l’intégration sociale est le droit le plus résiduaire.
§4. Faire valoir ses droits à l’égard des débiteurs d’aliments (le cas échéant)
Il peut être imposé à l’intéressé de faire valoir ses droits à l’égard de débiteurs d’aliments
(article 4, §1). Cette condition est facultative : le CPAS peut décider de vous renvoyer vers
votre débiteur d’aliments (conjoint, enfants ou parents), il n’y est pas obligé. Pourquoi ? Car
bien souvent, si on a quitté le domicile familial et que l’on se trouve au CPAS à 18 ans par
exemple, c’est qu’il y avait des raisons de le faire.
La loi du 26 mai 2002 a enclenché un changement important. Lors de l’adoption de cette loi,
l’idée était celle de l’État social actif, qui pousse à la réinsertion sociale et à la réintégration
professionnelle. On a donc mis le MINIMEX à la poubelle. De fait, depuis 2002, le droit à
l’intégration sociale ne se limite plus à un revenu minimum permettant de survivre.
Qu’est-ce que c’est alors ? C’est un droit qui peut prendre la forme d’un emploi et/ou d’un
revenu d’intégration assorti ou non d’un projet individualisé d’intégration sociale (article 2, al.
1). Le projet individualisé d’intégration sociale a un statut hybride : lorsqu’il est conclu, c’est à
la fois une condition d’octroi (puisqu’il faut respecter les exigences consignées dans ce
contrat) mais aussi une partie de la prestation.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
A. L’emploi
La grande nouveauté (sur papier) de la loi de 2002 est, qu’en principe, la mise à l’emploi est
prioritaire sur le revenu d’intégration (article 6, §1). Pourquoi ? Car on voulait éviter que les
jeunes s’enlisent dans l’assistance. Le principal instrument dont disposent les CPAS sont les
emplois dits « article 60 », c’est-à-dire les emplois donnés directement par les CPAS à l’un de
leurs bénéficiaires (article 60, §7 de la loi de 1976 qui a créé les CPAS). Ils deviennent alors
l’employeur du bénéficiaire et lui versent un salaire et un revenu d’intégration.
Ainsi, les CPAS contribuent à remettre leurs bénéficiaires à l’emploi. Attention, dans la vie
réelle, cette possibilité du CPAS est assez limitée car le stock d’emplois « article 60 » est très
réduit donc dans la jurisprudence il a été très vite clarifié que l’obligation de garantir le droit
à l’intégration sociale par le biais d’un emploi qui pèse sur les CPAS est une obligation de
moyen. En pratique, 90% des bénéficiaires du droit à l’intégration sociale n’ont pas un emploi
mais touchent un revenu d’intégration (comme les minimexés avant eux).
B. Le revenu d’intégration
Dans l’attente d’un emploi, ou si des motifs de santé ou d’équité ne rendent pas envisageable
le retour à l’emploi, la personne touche le revenu d’intégration, une somme d’argent (article
10).
On est en aide sociale, on est dans une logique assistancielle, les montants sont donc
forfaitaires : on assure un minimum. Ces revenus dépendent d’un élément : la situation
familiale. Pourquoi ? Car les besoins ne sont pas les mêmes selon qu’on vit dans le foyer
familial, dans un kot avec ses amis, etc. Il y a 3 catégories :
- Les personnes cohabitantes : cette catégorie est celle qui donne droit aux allocations
les moins généreuses. La cohabitation est la situation dans laquelle des personnes
vivent sous le même toit d’une part, et d’autre part, règlent en commun leurs
questions ménagères (art. 14, §1, 1°). 2 critères sont donc requis : un critère
géographique et un critère économique. Autrement dit, il faut former, sur le plan
économique, un ménage et mutualiser les principales ressources et dépenses de la vie
quotidienne. Cette situation est totalement déconnectée de la situation de la personne
sur le plan affectif et sexuel. Il est donc tout à fait possible de cohabiter avec un frère,
avec des connaissances,... sans pour autant avoir à faire à un « couple ». À l’inverse, ce
n’est pas parce que vous avez un compagnon que vous êtes cohabitants, à condition
que vous ne viviez pas ensemble. Le montant plein est entier pour les cohabitants est
de plus ou moins 639,27€
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
- Les personnes isolées (article 14, §1, 2°) : ce sont les personnes qui vivent seules, ou
qui vivent avec quelqu’un d’autre sans former un ménage avec cette personne.
Exemple : les cokotteurs. Ce revenu équivaut à 1,5 fois le montant « cohabitant » (soit
958,91€).
- Les personnes vivant avec une famille à charge (article 14, §1, 3°) : cette catégorie
comprend tous les ménages dans lesquels on retrouve au moins un enfant mineur. Ce
sont donc les familles monoparentales et les couples avec un ou plusieurs enfants à
charge qui entrent dans cette catégorie. Dans cette situation, la famille perçoit un
revenu d’intégration au taux « famille à charge ». Ce revenu équivaut à 2 fois le
montant « cohabitant » (soit 1295,91€).
2 remarques :
- Le revenu d’intégration est un revenu différentiel, donc c’est un revenu diminué des
éventuelles ressources propres du demandeur (article 14, §2). Exemple – une
personne isolée touche une petite indemnité d’accident du travail, ou a une petite
activité professionnelle qui lui procure un revenu de 400€ : puisque le revenu
d’intégration est différentiel, on va le réduire de 400€ : 950€ - 400€ = 550€. Ainsi, au
total, avec le revenu d’intégration et le revenu propre, la personne atteint le revenu
nécessaire pour vivre conformément à la dignité humaine.
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CHARLOTTE JOPPART MA1- 2021/22
En pratique, nombreuses sont les personnes qui ne touchent pas les montants pleins et
entiers.
Le montant plein et entier du droit à l’intégration sociale est de 1000€/mois pour les
personnes isolées, ce qui est largement en dessous du seuil de risque de pauvreté. Ce seuil est
le point de repère le plus récurrent, l’indicateur utilisé au niveau européen pour mesurer la
pauvreté. Le critère retenu au niveau européen est le suivant : on vit sous le seuil de pauvreté,
et on est confronté à un risque significatif de pauvreté lorsqu’on a des ressources inférieures
à 60% du revenu national médian. Quel est ce revenu national médian ? C’est le niveau de
revenu qui partage la population d’un pays en 2 moitiés exactement équivalentes ; 50% de la
population a moins et 50% a plus.
Aujourd’hui, en Belgique, ce seuil s’élève à 1200€ pour une personne seule. Le revenu
d’intégration plein et entier se trouve 200€ en-dessous de ce qui est considéré comme le seuil
de pauvreté. Est-ce que cela va changer ? L’accord de Gouvernement Vivaldi dit que le revenu
d’intégration va être relevé au seuil de pauvreté. Mais est-ce que ça va être fait ? On ne sait
pas... Dans chaque accord de Gouvernement, on dit que le revenu d’intégration sera rehaussé
et pourtant il n’en est rien.
Lorsque, dans la presse, on voit « il faut individualiser les montants », ce à quoi il est fait
référence c’est à la demande répétée dans les milieux associatifs, militants de supprimer la
modulation familiale et plus particulièrement, la catégorie « cohabitant ». Ils veulent rendre
les montants indépendants de la situation de vie personnelle, octroyer un même montant
plancher à tout le monde de manière à ne pas devoir s’immiscer dans la vie privée.
Auparavant, en 2002, il y avait une différence très importante entre les moins et les plus de
25 ans : la priorité était accordée à l’emploi pour les moins de 25 ans, tandis qu’il n’y avait pas
de priorité à l’emploi pour les plus de 25 ans. Depuis 2016, il n’y a plus de différence : pour les
plus de 25 ans également, l’intégration doit être réalisée en priorité par le biais de l’emploi,
sauf si c’est impossible (article 13, §1).
EXAMEN : On a 3h mais faisable en 2h. voir document sur les consignes pour l’examen sur l’UV
- Matière : tout le cours oral + les quelques parties pour lesquelles il y a des « bouts »
de syllabus (répartition des compétences, financement de la sécurité sociale, les
accidents du travail et les soins de santé)
- A prendre à l’examen : le code de sécurité sociale (on peut faire des renvois entre
dispositions et rien d’autre dans celui-ci)
- A faire : l’examen ressemblera à ceux des années précédentes (certains sont postés
sur l’UV)
- Exigences du prof : réponses rigoureuses et précises (expression la plus univoque
possible, le prof ne doit pas deviner ce que l'on a voulu dire), répondre à toute la
question mais rien qu’à la question (on doit retracer toutes les étapes qui conduisent/
qui justifient la réponse finale. Il faut que nos développements soient pertinents) et on
doit répondre en français correct (phrases complètes).
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Section 4. De 1944 à 1974 : les Trente Glorieuses, âge d’or de la sécurité sociale .......... 7
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§3. Troisième principe : pour une même activité professionnelle, une personne ne
peut pas être assujettie à plusieurs régimes de sécurité sociale ................................ 26
A. Les extensions aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail,
fournissant contre rémunération des prestations de travail sous l’autorité d’une
autre personne (articles 9 à 15 de l’arrêté d’exécution)......................................... 29
B. Les extensions aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail,
exécutent un travail selon des modalités similaires à celles d’un contrat de travail
29
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C. Année de référence......................................................................................... 41
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A. Le principe ....................................................................................................... 73
§2. La rémunération.................................................................................................... 76
B. Plafond ............................................................................................................ 76
C. Réévaluation ................................................................................................... 77
A. Le calcul ........................................................................................................... 78
Conclusion ....................................................................................................................... 78
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§3. Médecine libérale vs. Maitrise du cout des soins vs. Accessibilité ....................... 80
§2. Les personnes à charge d’un titulaire (article 123 de l’arrêté royal du 3 juillet
1996) ........................................................................................................................... 83
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Section 4. Le droit à l’aide sociale (ou aide sociale au sens strict) .................................. 90
B. Les motifs exonératoires (« à moins que des raisons de santé ou d’équité l’en
empêchent ») .......................................................................................................... 94
§3. Faire valoir ses droits aux autres prestations sociales .......................................... 96
§4. Faire valoir ses droits à l’égard des débiteurs d’aliments (le cas échéant) ........... 96
A. L’emploi........................................................................................................... 97
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