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La difficile genèse
de l’Autoroute du Sud
par Jean-Luc France Barbou
Il y a cinquante ans, le 12 avril 1960, était inauguré le premier tronçon de l’Autoroute du Sud, entre Paris
et Corbeil. C’était l’aboutissement d’un long processus, puisque le projet en avait été lancé en… 1934 !
Certes, il y avait eu entre-temps la Seconde Guerre mondiale : mais ce n’était pas la seule raison
de cette durée inhabituelle. Nous allons évoquer ici ces trois décennies de controverses, de polé-
miques… et de retouches, à partir des archives de la Direction des Routes et du « Service Spécial
des Autoroutes », conservées au Centre d’Archives Contemporaines à Fontainebleau.
Le lecteur souhaitant en savoir davantage pourra se procurer l’ouvrage portant le même titre paru
à l’été 2010 aux Presses de l’École Nationale des Ponts et Chaussées.
\VgYZVjmZmigb^ih!ZmZbeiZYZXgd^hZbZcih
La « question |c^kZVjZiY»VXXhedjgaZhg^kZgV^ch2¯.
des autoroutes »
Tandis que l’état mussolinien entame la réalisa-
L’industrie automobile, qui naît en France à tion d’un réseau interurbain, plusieurs projets
la fin du XIXè siècle, trouve un réseau routier sont présentés en France (ouest de Paris : 1927,
alors en voie de déchéance, réservé au tra- Paris-Lille : 1929…). Au début de 1933, le CSTP3
fic hippomobile d’intérêt local : les transports examine même un projet de réseau national…
à longue distance s’effectuent alors par che-
min de fer, pour les hommes comme pour les Autant de projets prématurés, d’autant plus
marchandises. Cependant, des travaux d’adap- que la situation financière du pays n’est pas
tation (rectifications de tracés et de profils, brillante, comme le montrent ces déclarations
élargissements, suppressions de passages à ministérielles :
niveau, goudronnages…) donnent aux Français
de l’entre-deux-guerres – et à leurs élus – le ®>a[VjYgVnVgg^kZgjc_djg!bV^hedjgaZbdbZci!
sentiment d’avoir ®aZeajhWZVjghZVjgdji^Zg \g}XZ | a»Vba^dgVi^dc hVch XZhhZ edjghj^k^Z 1
AIPCR : « Association
Internationale permanente des
YjbdcYZ¯. YZcdigZVYb^gVWaZghZVjgdji^Zg!XZhZgV^iYj Congrès de la Route », fondée
hjeZgÄj fjZ cdh XgY^ih cZ cdjh eZgbZiiZci en 1909, devenue aujourd’hui
« Association mondiale de la
Au même moment, le concept autoroutier naît eVh¯ (Gaston Gérard, septembre 1931). route »
en Allemagne (1909, mais mise en service en ® EVh YZ gdjiZh YZ bjc^ÃXZcXZ! eVh Y»Vjid" 2
Sur l’invention de l’autoroute,
1921), aux USA (1914), et est théorisé en Italie : gdjiZh0^a[VjiVba^dgZgY»VWdgYXZfj^Zm^hiZ0 voir : G. Reverdy « Les routes de
France du XXè siècle Tome I ».
c’est au congrès de l’AIPCR1,à Milan en 1926, que edjgaZgZhiZ!dckZggVeajhiVgY¯ Press des Ponts 2007 (p. 101/113,
137/144 notamment)
l’autoroute est définie comme une ® gdjiZ he" (Albert Bedouce, 1936). 3
CSTP : Conseil Supérieur des
X^VaZ ghZgkZ Vjm VjidbdW^aZh! XdcXYZ eVg Travaux Publics, en activité de
aZhedjkd^ghejWa^Xh!hdjb^hZ|eV\Z![ZgbZZi 1917 à 1940
« L’autoroute contre
le chômage »
En mai 1934 est présenté le « Projet d’Amé-
nagement de la Région Parisienne » (PARP),
Le « Plan Prost » 22 mai 1938 communément appelé « Plan Prost » : c’est le
premier plan intéressant toute la région pari-
sienne. Il prévoit un réseau de « cinq radiales
De son côté, le Touring-Club (TCF), parte- nouvelles », rejoignant les routes nationales en
naire traditionnel des Ponts et Chaussées dans grande banlieue, et reliées par une « rocade
l’amélioration du réseau routier, proclame son forestière ».
indifférence : « L’autoroute n’intéresse pas le
tourisme »… Au même moment, le ministre du Travail
A partir de 1937, l’Allemagne hitlérienne Adrien Marquet lance un « Programme de
met en chantier le vaste projet autoroutier Grands Travaux contre le chômage ». La
conçu sous la République de Weimar (1929) : liste en est arrêtée en juillet 1934 : elle com-
7 000 km d’autoroutes, à raison de 1 000 km prend les autoroutes de l’Ouest, du Sud,
par an, et 250 000 hommes mobilisés. et vers Le Bourget (voir plan ci-dessus). Le
financement est prévu au moyen des dispo-
Cet effort gigantesque n’est pas sans inquiéter nibilités des Caisses d’Assurances Sociales et
le monde politique français, ainsi que le mon- des dispositions sont prises afin d’accélérer
trent les débats de janvier 1937 à la Chambre : les procédures, ce qui permet au chantier de
®A»6aaZbV\cZXdchigj^ijcghZVj[dgb^YVWaZ l’Autoroute de l’Ouest d’être ouvert dès l’an-
Y»VjidgdjiZhfj^!^a[VjiW^ZcaZXgV^cYgZ!c»Zhi née suivante 5 .
eVhYZhi^c|aVhZjaZhVi^h[VXi^dcYZhdcigVÃX
ZciZbehYZeV^m4¯#Mais la nécessité de l’imi- En ce qui concerne l’Autoroute du Sud, prise en
ter ne s’impose pas pour autant : ®AZghZVj charge par les Ponts et Chaussées de la Seine
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RGR février 1937 p. 30/32 [gVcV^h Zhi hj[ÃhVbbZci YZchZ edjg gZcYgZ et de la Seine-et-Oise, le projet est examiné par
5
Son tracé est alors entièrement
en Seine-et-Oise, et un seul hjeZgÄjZ aV XgVi^dc Y»jc ghZVj XdbeaZi le CGPC 6 en octobre 1935 : l’autoroute part de
ingénieur (Michel de Buffévent) en Y»VjidgdjiZh¯. la Porte d’Italie, sur la RN 7, contourne l’hôpital
a donc la responsabi-lité. De plus,
il traverse essentiellement des de Bicêtre, puis se dirige plein sud, à égale dis-
forêts domaniales (parc de Saint- Malgré l’ouverture du chantier de l’Autoroute tance des RN 20 et 7, à travers le plateau encore
Cloud et forêt de Marly).
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CGPC : Conseil Général des
de l’Ouest et l’étude très avancée de l’Auto- rural (Villejuif-Morangis). Après la délicate tra-
Ponts et Chaussées. route du Sud (voir plus loin), la « question versée de la vallée de l’Orge, elle traverse le
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Compte-rendu de la réunion
MTP/MRU du 10 avril 1947, en
présence de André Prothin,
directeur général de l’Urbanisme,
des deux ICPC concernés, de
Pierre Moch, chef du SEANF, et
des représentants des STVP
(Ville de Paris)
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À la demande du SARP (Service
d’Aménagement de la Région
Parisienne), l’emprise du tracé
En rouge : le tracé de l’Autoroute du Sud décidé en décembre 1952. Remarquer la abandonné vers la porte d’Italie
est conservé, ce qui permettra la
« branche RN 5 », non réalisée, la jonction avec la RN 7 au Sud de Ris-Orangis, et la construction de l’A6-B autour
déviation de Corbeil. Tracé brun, rayé de croix rouges : l’ancien tracé de 1935, ainsi de 1970.
que plusieurs axes prévus au PARP et supprimés en 1952. Extrait du plan au 1/50 000e 10
Étude de P. Moch du
(origine : SARP) – Dossier : Modification du PARP (décembre 1952) 12 septembre 1947.
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Rapport de la sous-commission
Photomontage du magazine « Regards » (PCF) Décembre 1950. Photo aérienne au-dessus du « lotissement du Plateau », du SARP présidée par de Segogne
à Arcueil (1950).
(TCF, CCP, URF, AdP…), le SSA est conduit à la défense de la grande pelouse du Parc
étudier, en solution de repli, un renforcement Montsouris n’ait pas alors suscité la même
du raccordement au boulevard périphérique. unanimité.
Une réunion décisive a lieu en mai 1956 en L’entrée du souterrain ayant été réservée, on
présence du ministre des TP16, qui persiste à eût sans doute pu, quelques années plus tard,
®Zhi^bZg^cY^heZchVWaZaVecigVi^dcYVchaV entamer les travaux : mais la nécessité de la
k^aaZ¯, et accepte la prise en charge financière « pénétrante » n’était sans doute plus aussi
par l’État de l’ensemble du projet : les STVP évidente…
sont chargés d’étudier plusieurs « variantes ».
L’une d’elles, accolée à la ligne de Sceaux et
descendant sur la place Denfert-Rochereau à Entre parcs et châteaux,
l’emplacement de la gare, est enfin acceptée
par le conseil municipal en mars 1957. Mais les de Chilly-Mazarin à
difficultés financières du gouvernement Mollet
conduisent alors à ® Y^[[gZg _jhfj»| cdjkZa
Savigny-sur-Orge
dgYgZ aZ aVcXZbZci YZ idjiZ degVi^dc cdj"
kZaaZ¯ : on se contentera donc de « réserver » Après la traversée du plateau agricole,
l’entrée du souterrain… l’Autoroute du Sud (version 1952) retrouve à
partir de Chilly-Mazarin et la vallée de l’Yvette
C’est en fait le point final à ce projet de une zone où se mêlent lotissements récents et
« pénétrante », pourtant jugé indispensable anciens parcs aristocratiques.
par les responsables et les concepteurs de A Chilly-Mazarin, le passage de l’autoroute
l’Autoroute du Sud, et justification majeure de est prévu sur une pièce d’eau agrémentée
son point de départ à Gentilly. Porté à bout de d’un « nymphée », vestiges de l’ancien parc du
bras par le SSA, il doit affronter l’opposition château : ce qui provoque l’intervention de l’ar-
des habitants du « bon » XIVè arrondissement, chitecte des Bâtiments de France, en juin 1951. 15
Services Techniques de la Ville
bien relayés au niveau du Conseil Municipal Moch étudie alors une modification du tracé, de Paris.
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de Paris : on peut cependant s’étonner que avec allongement de 135 m : d’où supplément C’est alors Auguste Pinton
La traversée de la vallée de
l’Essonne (cliché Durandaud
- 1959)A droite, la rivière et
la route déviée ; le remblai
transversal, au milieu des
marais ; à gauche, la voie
ferrée Corbeil-Malesherbes
(sans le pont), et le coteau
d’Ormoy, très argileux.
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