Joachim Du Bellay, Je Me Ferai Savant en La Phi

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à l’importance accordée à l’éducation.
Musset, "Les Capric…
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Léry, "Histoire
        Joachim Du Bellay (1522-1560) s’est intéressé très d'un
tôt àvoyage
l’art et à la
littérature. Grâce à un de ses oncles, il commence des études de Droit à
Maupassant, "Bel-Ami", 18
Poitiers. Il y rencontre alors Ronsard, qui l’incite à entrer au collège de
Coqueret, à Paris, pour suivre des études humanistes. Il se lie d’amitié avec
Mérimée, "Tamango
ceux avec lesquels il fondera la Pléiade, ardents défenseurs de l’usage de
Joachim du Bellay,
la langue « Je me
française, feraionsavant
comme en la philosophie… »,
peut le constater Les
dans Défense et Illustration
Molière, "L'Ecole des
Regrets, 1558 de la–langue
Corpus : Le modèle
française, social humaniste
véritable manifeste publié en 1549. proposé
Puis vientàun la
premier recueil poétique, L’Olive. Alors que ses troubles de santé s’aggravent – il 166
est atteint
Renaissance Molière, "Le Tartuffe",
d’une surdité précoce – son oncle cardinal se voit chargé d’une mission auprès du pape à
Rome, et lui propose de l’accompagner en tant que secrétaire. Du Bellay
Musset, "Les part en 1553, plein
Capric
d’enthousiasme, pour découvrir l’Italie, berceau de la Renaissance et patrie des
humanistes…
Son recueil, Les Regrets, comporte 191 sonnets composés pendant les quatre années que
Du Bellay passe à Rome. Avec leur découverte de l’Italie, les poètes de la Renaissance
découvrent aussi le sonnet, mis à la mode par le poète italien Pétrarque, ici en alexandrins.

DU BELLAY

Comment ce poème illustre-t-il le cheminement d’un poète humaniste ?

LES AMBITIONS HUMANISTES

Les humanistes sont convaincus que l’éducation est essentielle pour permettre le progrès
humain, ce que traduit la récurrence du verbe « apprendre » (vers 4 et 7), et l’anaphore de
« Je me ferai » : l’apprentissage représente un effort sur soi-même, qui doit permettre de
s’ « enrichir » (v. 10) jusqu’à une véritable métamorphose de soi. Mais quels
apprentissages ?

Sont d’abord mentionnés les savoirs de l’esprit, avec quatre disciplines citées. La «
philosophie » est placée en première position, comme la plus haute et la plus noble, selon
le modèle donné par les auteurs antiques, tels Platon ou Aristote. Puis vient « la
mathématique », car, à cette époque, les disciplines littéraires et scientifiques ne s’opposent
pas.

Lui succède « la médecine », importante au XVI° siècle : en mettant l’homme au centre des
préoccupations, l’humanisme cherche aussi à mieux le protéger en connaissant mieux son
fonctionnement physiologique. On redécouvre alors les médecins illustres de l’antiquité
(Hippocrate, Gallien), la chirurgie progresse avec Ambroise Paré, et l’on commence à
pratiquer, malgré leur interdiction par l’Église, des dissections. Enfin est mentionné le droit
(« je me ferai légiste »), pour pouvoir développer une réflexion sur les lois et l’organisation
politique. Ces choix sont marqués par la volonté de suivre les grands auteurs et savants de
l’antiquité. L’accumulation et le choix de l’adverbe d’ajout, « aussi », traduisent cet appétit de
savoir, caractéristique de la Renaissance.

Puis est citée le savoir qui touche à l’âme, « la théologie », science qui étudie la religion
et la parole divine, avec la précision « d’un plus haut souci » (v. 3) car, après ce qui relève du
monde terrestre, ici il s’agit du monde céleste. Du Bellay ne déroge pas à la foi très présente
au XVI° siècle, en exprimant, au moment même où il se rend à Rome, la cité du pape, sa
volonté de se rapprocher de Dieu. Cette discipline est d’ailleurs placée à la fin du premier
quatrain, comme pour souligner le fait qu’elle couronne les autres savoirs. Mais associée
aux « secrets » (v. 4), puisque, jusqu’alors, la théologie était réservée aux clercs, aux
religieux de façon générale, Du Bellay nous rappelle que l’humanisme revendique le droit
pour tous d’accéder à ce savoir.

Enfin le second quatrain, lui, traite des apprentissages qui concernent le corps, selon
le précepte essentiel, emprunté à l’antiquité : « mens sana in corpore sano ». Il s’agit de
développer toutes ses facultés physiques, placées en tête des vers, au début et à la fin de la
phrase, encadrant le verbe « ébatterai ».
D’abord est mise en valeur la pratique des arts, qui connaissent un important
renouveau sous la Renaissance, évoqués par les métonymies : le « luth »
représente la musique, le « pinceau » la peinture. Il leur est assigné un rôle de
divertissement (« j’ébatterai ma vie »), nécessaire à une vie harmonieuse. L’ «
escrime » et « bal » sont, quant à elles, des pratiques considérées comme
sportives, propres à donner un corps souple et élégant. En même temps, ces
qualités doivent permettre d’enrichir les relations sociales, car l’humaniste ne s’isole pas du
reste du monde, bien au contraire !

Cependant, les livres ne sont pas le seul moyen d’apprendre, le voyage aussi est source
de savoirs nouveaux. N’oublions pas que les humanistes du XVI° siècle ont été de grands
voyageurs. L’Italie est, pour eux, la patrie rêvée, car elle a été la source même du
renouveau. Ainsi on sent tout l’enthousiasme de Du Bellay avant son départ dans le choix
du futur, qui marque une certitude, confirmée par me choix lexical redondant « je me vantais
en moi ». De plus, même s’il y a une alternance pour l’œil entre les rimes embrassées des
deux quatrains masculines et féminines, sur le plan sonore le [e] reste muet, seul le son [i]
ressort, un son aigu, qui sonne comme un cri de joie.

Ainsi, en digne humaniste, Du Bellay a rêvé de ce voyage en Italie, qui lui est apparu
comme le meilleur moyen de s’enrichir des plus importants savoirs.Mais a-t-il réalisé
son rêve?

LA DÉSILLUSION DU POÈTE

En fait, nous observons une grande déception à partir du très net contraste entre la tonalité
joyeuse des deux quatrains, et celle, plus grave, des deux tercets, dans lesquels
prédominent des voyelles nasales, à la rime (« loin/soin ») ou dans le cours des vers :
« humains », « m’enrichir », « ennui », « voyageant », « harengs » « lingots ». Mais déjà
dans les tercets, nous pouvions trouver un indice avec le passage du futur à l’imparfait
(« discourais », « vantais ») qui suggère la fin de cet enthousiasme. De plus ce passage
correspond à une coupe forte à la césure du vers 6. Ainsi le poète exprime sa désillusion
avec force, en s’adressant d’abord (« je me vantais ») un reproche à lui-même : il avoue une
forme de naïveté. Mais il le généralise ensuite par l’exclamation nominale du v. 9 : tous les
hommes font des rêves, qui ne sont en fait que des illusions dues à leur vanité.

Dans ce poème lyrique, Du Bellay laisse donc libre cours, amèrement, à son émotion, mais
aussi, implicitement, adresse une critique à l’Italie, qui n’a pas correspondu à ses rêves
d’humaniste.

Le sentiment d’échec ressort nettement des deux tercets, qui soulignent le contraste entre
le voyage (« je suis venu si loin », « en voyageant ») et son résultat par une série
d’antithèses. La première oppose le lexique mélioratif (« m’enrichir ») et les trois termes qui
le complètent, tous péjoratifs : « ennui », « vieillesse » et « soin », qui signifie souci. La
deuxième oppose les deux verbes, « m’enrichir » et « perdre », ce second verbe étant
complété par une dernière antithèse avec son complément hyperbolique, « le meilleur »

Enfin, la comparaison finale, introduite par « Ainsi » et soulignée par « comme moi », met
en valeur cet échec par le choix des comparants. Le premier est « le marinier », qui affronte
les dangers de la mer parce qu’il espère une pêche abondante, illustrée par les rimes
centrales, imagées : « trésor », « lingots d’or ». Il correspond au poète qui, lui aussi, espérait
s’ « enrichir ». Le second comparant est « des harengs », c’est-à-dire des poissons de très
médiocre qualité, sans grande valeur. Ils symbolisent l’échec du poète qui a le sentiment
d’avoir perdu son temps en Italie. L’ensemble se conclut par une sorte de morale, fort
pessimiste : « un malheureux voyage »

Le sonnet s’est donc transformé en une sorte d’apologue pour dénoncer le rêve
humaniste, ici présenté comme une illusion.

CONCLUSION
La Renaissance, et très particulièrement l’œuvre des poètes de la Pléiade, est fondée sur un véritable mythe du

monde antique : Rome y apparaît à la fois dans toute la puissance d’un Empire, comme le cœur du monde

chrétien, et comme la capitale des arts et des lettres. Ainsi ce sonnet de Du Bellay est original puisqu’il représente

une démythification de cette image.

Nous voyons donc, dans ce sonnet lyrique, un rêve se briser, celui de l’humaniste qui a cru pouvoir,

par ce voyage, s’améliorer, et qui ressent, douloureusement, le poids de son échec. Faut-il en

conclure à la vanité du modèle proposé ? Ou s’agit-il seulement d’une expérience personnelle, due à

l’âge et à la maladie, impossible à généraliser ? (Cf. Les Regrets, « Heureux qui comme Ulysse… »)

Ou bien encore assistons-nous ici à une évolution dans la pensée humaniste, passant de l’optimisme

de la première moitié du siècle, à plus de doutes dans la seconde?


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