Adhérence Acier Béton

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Modélisation des effets de la corrosion sur

l’adhérence béton-armature à haute


adhérence
Anh Long Thang* − Slim Kammoun*** − François Buyle-Bodin*
− Olivier Maurel**

* Laboratoire de Mécanique de Lille, Polytech’Lille


CNRS/ University of Lille 1
59 avenue du Langevin, 59650 Villeneuve d’Ascq
Francois.Buyle-Bodin@ univ-lille1.fr
** LaSAGeC2, Université de Pau-Pays de l’Adour,
Allée du Parc Montaury, 64600 Anglet
olivier.maurel@univ-pau.fr

*** LGC, Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis


slim_kammoun_enit@yahoo.fr

RÉSUMÉ. Cet article présente un modèle de loi d’adhérence béton-armature utilisable pour les
structures en béton armé affectées par la corrosion. La loi d’adhérence du Modèle Code
CEB-FIP a été modifiée pour prendre en compte les effets de la corrosion. La contrainte
d’adhérence maximale s’exprime suivant la décomposition de (Cairns, 1979). Le glissement
correspondant au début de la phase de frottement constant est calculé en fonction de taux de
corrosion par extrapolation de résultats expérimentaux. Les contraintes d’adhérence
maximales sont fonction de la progression de la fissure de corrosion (mode de rupture), du
pourcentage de corrosion, du confinement et du mode de rupture d’adhérence. La loi
proposée est applicable aux barres à haute adhérence.

ABSTRACT. This paper presents an analytical method to calculate bond stress-slip relationship
of ribbed corroded bars embedded in reinforced concrete structures. The CEB-FIP Model
Code relationship is modified to take into account corrosion effects on bond. Maximal bond
stress given by (Cairns, 1979) is modified by corrosion. Percentage of corrosion,
confinement stress, modes of failure and crack widths are integrated in the calculation of
maximal bond strength. The characteristic slip (corresponding to constant bond stress) is
proportional to corrosion percentage according to experimental results. The law can be used
for ribbed bars.
MOTS-CLÉS : corrosion, adhérence, contrainte, modèle, confinement, béton armé.
KEYWORDS: corrosion, bond, bond stress, model, confinement, reinforced concrete.

25e rencontres de l’AUGC, 23-25 mai 2007, Bordeaux


2 25e rencontres de l’AUGC, 23-25 mai 2007, Bordeaux

1. Introduction

L’adhérence est considérée comme un frottement à la surface de contact béton-


armature. Elle est gouvernée par trois mécanismes principaux : adhérence chimique,
frottement et interaction nervures/béton. Ce mécanisme d’adhérence qui assure le
fonctionnement du matériau composite béton armé est très sensible à la corrosion.
La corrosion avec l’expansion de ses produits cause la fissuration de l’enrobage
du béton. Ces fissures, qui se forment aux surfaces des armatures corrodées et se
propagent à travers l’enrobage, peuvent altérer les états de service de l’ouvrage.
L’adhérence entre béton et acier est un phénomène complexe, souvent introduit
dans le mécanisme du béton armé sous forme simplifiée par le biais d’une relation
« contrainte d’adhérence–glissement ».

2. Relation contrainte d’adhérence-glissement

Une relation consensuelle entre contrainte d’adhérence et glissement n'est pas


encore disponible en dépit du grand nombre d'investigations effectuées.
Le Modèle Code CEB-FIP [CEB-FIB (1992)] propose une relation entre
contrainte d’adhérence et glissement pour des barres lisses et des barres nervurées.
Cette relation est à la base de ce modèle de calcul mais la contrainte maximale τmax
est modofiée afin d’intégrer les effets de la corrosion sur l’adhérence. La méthode de
(Cairns, 1979) sera utilisée.

3. Calcul de la contrainte d’adhérence maximale en fonction des modes de


rupture

Les barres utilisées en béton armé sont des barres à haute adhérence. Selon le
type d’interaction entre la barre et le béton, (Cairns, 1992) et (Andreasen, 1992) ont
distingué trois types de rupture d’adhérence. Le premier, illustré par la Figure 1.a,
est l’arrachement ou « pull-out ». Le béton est cisaillé sur les surfaces de nervure. Ce
mode apparaît quand la barre est confinée par le béton environnant. Cependant,
quand l’enrobage est inférieur à deux fois le diamètre des barres, la perte
d’adhérence a lieu par fendage du béton comme illustré sur la Figure 1.c. Dans le
Mode 2 (cf. Figure 1.b), la réaction sur les nervures cause un écrasement du béton
au-dessous des nervures et un cisaillement du béton à la surface du béton écrasé.
Dans les structures réelles, le mode de rupture par fendage est le plus fréquent. Pour
les structures saines, le mode 2 est prépondérant tandis que le mode 3 peut se
produire dans des structures corrodées à cause de la lubrification de l’interface due à
la corrosion. Dans cet article, seuls les modes 2 et 3 seront examinés. En effet, le
mode 1 n’est pas un mode de rupture de la liaison acier béton lorsque les barres sont
corrodées.
Modélisation des effets de la corrosion sur l’adhérence béton-armature à haute adhérence. 3

a) b) c
Figure 1. Mode de rupture d’adhérence : (a) Mode 1 pull-out ; (b) Mode 2 fendage
avec écrasement et/ou cisaillement du béton au-dessous des nervures ; (c) Mode 3
fendage avec glissement à la surface des nervures (Cairns, 1992).
La géométrie des nervures est caractérisée par l’aire relative de nervure, fr. L’aire
relative de nervure d’une barre fr est la proportion de l’aire des nervures, projetée sur
un plan perpendiculaire à l’axe de la barre, par rapport à la section nominale de la
barre :

Cairns (1979, 1995) a proposé des modèles d’évaluation de la capacité


d’adhérence. Ces modèles supposent que la résistance d’adhérence se décompose en
deux parties, l’une reliée à la résistance de fendage fournie par la section, l’autre
reliée au frottement à l’interface béton/acier.

3.1 Mode de rupture 2

L’état de contrainte est présenté sur la figure [2]. La résistance au cisaillement τv


sur la surface inclinée est évaluée d’après le critère de Morh-Coulomb :

τ v = f coh + σ n tan φ [1]

où fcoh : cohésion à l’interface béton/acier


σn : contrainte normale au plan de rupture d’adhérence
φ : angle de frottement
En supposant la surface de nervure lisse, la contrainte de réaction sur la nervure
est donnée par :
σ q = σ sp cot 2 Ω + 2 f coh cot Ω [2]
La contrainte développée dans la barre par l’adhérence est :
σ bs = σ q f r [3]
La force d’éclatement du béton est :
lb Fs r [4]
F= σ sp cot ΩI → σ sp =
sr lb cot ΩI
Fs r  Fs  [5]
σq = cot 2 Ω + 2 f coh cot Ω =  r + 2 f coh  cot Ω
lb cot ΩI  lb I 
4 25e rencontres de l’AUGC, 23-25 mai 2007, Bordeaux

 Fs   F nAr sin β  [6]


σ bs = σ q f r =  r f r + 2 f coh f r  cot Ω =  + 2 f coh f r  cot Ω
 lb I   lb d s πI 
La contrainte d’adhérence τbu peut donc être évaluée d’après l’équation :
 nAr sin β F  [7]
τ bu =  + 2 f coh f r  cot Ω = ( kpmax + 2 f coh f r ) cot Ω
 π I l d
b s 
π
+ F
où nAr sin β , 2
db et pmax = :
k=
πI I= ∫π hr
2
cos Θd Θ l d
b s

2

pmax est la contrainte maximale de confinement au moment de la rupture d’adhérence


déterminée par la méthode de (Tepfers, 1979) (« modèle de l’anneau de béton »).
Les paramètres k, fcoh, fr, cotΩ sont fonctions des propriétés géométriques des
nervures des barres et des propriétés de l’interface béton/acier.

(a) (b)

(c) (d)
Figure 2. Représentation des contraintes (a) contrainte d’adhérence [Tepfers
(1979)] ; (b) contraintes agissant sur la nervure (Cairns, 1979) ; (c) contraintes le
long de l’interface du béton écrasé selon l’angle α ; (d) contraintes radiales
Modélisation des effets de la corrosion sur l’adhérence béton-armature à haute adhérence. 5

3.2 Mode de rupture 3

Pour le mode de rupture 3, la barre glisse sur le béton car la corrosion a


provoqué une forte diminution de la hauteur des crènelures. La contrainte
d’adhérence ultime est évaluée par :

τ bu = kpmax + τ b0 [8]
π /2
, k = nAr tan(φ + δ ) , Ar =
nAr f coh cot δ + tan (φ + δ ) 
Où, τ =
0
b
π d b sr πI r
∫ h (θ )r dθ
−π / 2
r b

π /2
et I r =
∫ h (θ )cos(θ )r dθ .
−π / 2
r b

4. Loi d’évolution de l’adhérence en fonction de la corrosion

L’évolution de l’adhérence avec la corrosion comporte trois phases : phase de


pré-fissuration ; phase de fissuration et phase de post-fissuration.
Pour de faibles pourcentages de corrosion (inférieurs à 2%), il apparaît une
augmentation du frottement entre l’acier et le béton due à la formation d’une fine
couche de rouille stable et adhérente. A la fin de ce stade, l’apparition des fissures
primaires diminue l’adhérence, mais le confinement de la barre par le béton est
encore important. Le développement de la corrosion, produit une forte dégradation
de l’adhérence : l’émoussement des nervures affaiblit les interactions entre l’acier et
le béton. De plus, le confinement sera diminué par l’ouverture de fissures
longitudinales.
Dans le dernier stade, le confinement de la barre décroît fortement : une
augmentation de la corrosion n’aura plus d’effet sur la dégradation de l’interface. Il
demeure une contrainte résiduelle.
Le modèle développé est basé sur la relation contrainte d’adhérence–glissement
du [CEB-FIP (1992)]. Cependant, certains paramètres du modèle sont modifiés en
fonction de la corrosion :
• glissement s1 interpolé à partir de résultats expérimentaux
• contrainte d’adhérence maximale τmax déterminée par les modes de rupture
En raison de l’oxydation des barres, les contraintes de frottement et d’adhésion
agissant sur les surfaces inclinées des nervures vont évoluer et entraîner une
modification de la cohésion fcoh et de l’angle de frottement φ. De plus, la corrosion
affecte l’aire de nervure Ar en diminuant sa hauteur hr. Enfin, le transfert de
contrainte d’adhérence le long de la surface de barre entre les nervures est pris en
considération : la surface est rouillée et subit une pression de rouille prouille(p). En
considérant le coefficient de frottement à l’interface µ(p), une contribution
supplémentaire d’adhérence est ajoutée dans l’évaluation de la contrainte
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d’adhérence. La diminution de hauteur de nervure de barre hn est reliée à la


profondeur de pénétration de la corrosion p par l’équation [9].
hr (t ) = hr − p(t ) = hr − α c (t − t i )r [9]
Les diminutions de hauteur de nervure et de diamètre de barre sont aisément
calculables. L’aire relative de nervure, fr permet de quantifier l’influence du degré
de corrosion. L’adhésion fcoh est rarement reliée à la corrosion dans la littérature.
(Coronelli et al., 2002), propose une relation :
f coh ( p ) = 2 − 10( p − pcr ) [10]
Où p est la profondeur de pénétration à l’instant t de calcul, et pcr est celle
correspondant au début de la fissuration. L’intégration de la pression de rouille et du
coefficient de frottement µ permet d’exprimer la capacité d’adhérence en fonction de
la corrosion :
µ ( p ) = tan (φ ) = 0,3 − 0,2( p − pcr ) [11]
Les constantes des équations [10] et [11] sont issues d’une régression linéaire de
données expérimentales.
La contrainte d’adhérence τbu peut être évaluée en fonction de la corrosion
(représentée par la perte de rayon p) par les formules suivantes :
Mode 2 :
kAs f y [12]
τ bu 2 ( p ) = [k ( p ) ⋅ pmax + 2 ⋅ f coh ( p ) ⋅ f r ( p )]cot Ω( p ) + µ ( p ) ⋅ pi ( p ) +

Mode 3:
kAs f y [13]
τ bu 3 ( p ) = k ( p ) ⋅ pmax + τ b0 ( p ) + µ ( p ) ⋅ pi ( p ) +

Il est supposé que les armatures
transversales produisent une
contrainte d’adhérence indépendante
du taux de corrosion et égale à kA f .
s y


On évalue l’état de fissuration de
la gaine de béton autour de la barre
en fonction du pourcentage de
corrosion.
Ce taux permet de calculer, par
analogie au modèle de l’anneau de
béton (Tepfers, 1979), la pression de
rouille effective prouille puis de la
comparer à la pression de rouille
maximale pmax correspondant à la
fissuration complète de l’enrobage.

Figure 3. Organigramme de calcul


Modélisation des effets de la corrosion sur l’adhérence béton-armature à haute adhérence. 7

5. Validation du modèle de calcul

Les prédictions du modèle ont été comparées aux résultats expérimentaux issus
des travaux de (Rodriguez et al., 1990) et (Al-Sulaimani et al,. 1990).
Le modèle, basé sur des lois classiques adaptées pour prendre en compte la
corrosion, fournit une estimation correcte des effets de la corrosion sur la contrainte
d’adhérence. Cependant, en raison de sa simplicité, il présente certaines limites :
1. il ne tient pas compte de la position des barres dans la section.
2. il ne traduit pas le phénomène d’amélioration de l’adhérence pour de
faibles pourcentages de corrosion (< 2%). Ce modèle convient pour des
structures présentant une corrosion conséquente.
Cette loi de comportement de la liaison acier-béton établie pour des structures
endommagées par la corrosion des armatures a été implantée dans un modèle de
simulation du comportement global de poutres corrodées en béton armé ou béton
précontraint sous sollicitations de traction, flexion simple et flexion composée. Ce
modèle a été évalué « en aveugle » lors du Projet National « Benchmark des poutres
de la Rance » au cours duquel il a été modélisé les courbes charges-flèches de 10
poutres en béton armé et béton précontraint sollicitées en traction et flexion simple et
conservées pendant quarante ans en ambiance marine dans la zone de marnage. Le
principe du modèle de calcul est présenté par (Anh Long et al., 2007). Les effets de
la corrosion sur le comportement en flexion sont traduits par la diminution du
diamètre des armatures et de la section de béton et la loi d’adhérence fonction de la
corrosion.
Corrosion & Adhérence Corrosion & Adhére nce

7 6

6 expérimental
5
expérimental
Théorique
Théorique
5
Adhérence (MPa)

4
Adhérence (MPa)

3
3

2 2

1
1

0
0 50 100 150 200 250 300 350 400
0
µ m)
Pénétration (µ
0 5 10 15 20 25 30
Pénétration (%)

Essais de (Rodriguez et al., 1990) Essais de (Al-Sulaimani et al., 1990)


Figure 4. Evolution de l’adhérence en fonction de la corrosion

6. Conclusion

Cet article a présenté une loi contrainte d’adhérence-glissement prenant en


compte la corrosion par le biais du pourcentage de corrosion de l’armature haute
adhérence. La forme de la loi contrainte d’adhérence-glissement du Code Modèle a
été conservée mais ses paramètres ont été modifiés en fonction du taux de corrosion.
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Le glissement correspondant au début de la phase de frottement constant est calculé


en fonction du taux de corrosion à partir de résultats expérimentaux. La contrainte
maximale d’adhérence est fonction du mode de rupture de la liaison (fissuration de
la gaine d’enrobage) et de la progression de la fissure de corrosion (confinement) en
fonction de la pression de rouille. Le modèle a été utilisé dans une méthode
analytique d’évaluation du comportement global de poutres en béton armé ou béton
précontraint corrodées sous sollicitations de traction, flexion simple et flexion
composée évaluée lors du « Benchmark des poutres de la Rance ».

Bibliographie

Al-Sulaimani G.J., Kaleemullah M., Basundul I.A., Rasheeduzzafar, « Influence of corrosion


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Anh Long Thang., Maurel O., Buyle-Bodin F., « Numerical assessment of structural
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Cairns J., « Analysis of the ultimate strength of lapped joints of compression reinforcement »,
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Cairns J., Abdullah R., « An evaluation of bond pullout tests and their relevance to structural
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Comité Euro-International du Béton (CEB), CEB-FIP Model Code 1990: CEB Bulletin
d’information 213-214, Thomas Telford Service Ltd., London, England, 1992.
Coronelli D., « Corrosion cracking and bond strength modelling for corroded bars in
reinforced concrete », Struct. J., ACI, 99(3), 267-276, 2002.
Rodriguez J., Andrade C., « Load-bearing capacity loss in corroding structures », Proceedings
of ACI convention, Toronto, Canada, 1990.
Tepfers R., « Cracking of concrete cover along anchored deformed reinforcing bars »,
Magazine of Concrete Research, Vol. 31, n°106, pp. 3–12, 1979.

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