Paquet 2021
Paquet 2021
Paquet 2021
Paquet, A., Fenouillet, F., & Paquet, Y. (2021). Quelle place pour la motivation dans la
réussite des élèves ? In C. Martin-Krumm & C. Tarquinio (Eds.), Grand manuel de la
psychologie positive : Fondements, théories et champs d’intervention (pp. 481–497).
Sommaire
1. La motivation en quelques lignes
2. La théorie de l’autodétermination et réussite scolaire
3. La bienveillance de l’enseignant : son impact sur la motivation et la réussite
scolaire
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
La motivation de l’élève est associée à sa réussite scolaire. Ce chapitre souligne
l’interdépendance motivationnelle élève-enseignant. Il met l’accent sur la bienveillance de
l’enseignant, tant sur ses manifestations (sous l’angle de la TAD) que sur ses processus.
Résumé long
La motivation de l’élève est associée à sa réussite à l’école. Cette évidence empirique est ici
approfondie via la littérature existante sur différents concepts et théories motivationnels. Après
une vue d’ensemble de la motivation, telle qu’est est présentée dans le modèle intégratif de la
motivation (Fenouillet, 2016), la théorie de l’autodétermination (TAD, Deci & Ryan, 1985), dans
ses rapports entre motivation et réussite, est exposée. Ces rapports ne peuvent être
appréhendés que sous l’angle d’une interdépendance motivationnelle entre l’élève et son
environnement qui crée (ou pas) les conditions propices à la réussite. L’enseignant devient alors
la pierre angulaire du rapport entre la motivation de l’élève et sa réussite. En effet, il transmet un
cadre motivationnel en même temps qu’il en est constitutif. C’est toute la complexité de la notion
de bienveillance de l’enseignant, qui favorise la motivation autonome de ses élèves, en incarnant
lui-même ce qu’il souhaite transmettre, et concourt parallèlement à la satisfaction des trois
besoins fondamentaux de l’élève.
Mots-clés : motivation, réussite scolaire, motivation autodéterminée, bienveillance, besoins
fondamentaux.
Questions
•En quoi la motivation apparaît-elle comme un concept à plusieurs facettes ?
•Quelles sont les conséquences d’une motivation autodéterminée de l’élève à l’école ?
•Dans le cadre de la TAD, comment peut-on définir un enseignant bienveillant ?
Motivation et réussite scolaire… deux termes tellement indissociés qu’ils en deviennent presque
synonymes pour de nombreuses personnes. Il est désormais clair que la motivation de l’élève est associée à
sa performance (Mo, 2019 ; Koca, 2016). Ce constat reste à relativiser de par la présence de plusieurs
éléments. Le premier réside dans la pluralité des motivations décrites dans la littérature et notamment dans
la théorie de l’autodétermination (TAD, Deci & Ryan, 1985) ainsi que dans le modèle intégratif de la
motivation (Fenouillet, 2016). Les différentes formes de motivation de l’élève ont des conséquences
différentes sur les résultats scolaires (performances, bien-être, orientations de but, etc., Howard, Bureau,
Guay, Chong & Ryan, 2020). Le second est relatif aux relations sociales dans le système scolaire. La
motivation et la réussite sont dépendantes d’autres facteurs tels que l’enthousiasme des parents et de
l’enseignant (Jungert, Levine & Koestner, 2020) ou une relation élève-enseignant positive (Koca, 2016) ou
encore les émotions ressenties par l’élève, les émotions positives entraînant une spirale ascendante vertueuse
à de nombreux points de vues (Frederickson, 2001). Or, ces émotions si personnelles ou singulières qu’elles
soient, sont corrélées avec le support apporté par l’enseignant (Lei, Cui & Chiu, 2018). Ces facteurs non
exhaustifs démontrent, si besoin était, l’étendue de la complexité de la relation entre motivation et réussite
scolaire.
Tout d’abord, une vue d’ensemble sur la motivation sera exposée, différenciant la motivation considérée
comme un état, de la motivation considérée comme un processus, telle qu’est est présentée dans le modèle
intégratif de la motivation (Fenouillet, 2016). Ce modèle permet d’expliquer le rapport entre les concepts et
les théories motivationnelles. La suite du chapitre sera consacrée à l’une d’entre elles, la théorie de
l’autodétermination (TAD, Deci & Ryan, 1985). La dernière partie du chapitre est consacrée à une attitude
importante pour la motivation de l’élève : la bienveillance. Cette dernière est mise en relation avec les apports
de la TAD et permet d’apporter des éléments de compréhension sur les processus sous-jacents de la réussite
scolaire.
Le concept d’instinct a cessé peu à peu d’être utilisé par les psychologues mais reste un concept majeur de
la psychologie animale. Vers le milieu du XXe siècle, de nombreux autres concepts ont émergé comme celui
très connu de besoin (Maslow, 1943) et d’autres un peu moins comme le drive (Hull, 1954). L’utilisation du
terme motivation n’a pas marqué d’une croix blanche une nouvelle découverte en psychologie humaine,
mais, plutôt, l’émergence, à partir des années 1950, d’une conception commune à différentes notions. Il
existe actuellement de nombreux concepts et théories dans ce qu’il est possible d’appeler, le champ de la
motivation. En plus de notions d’instinct et de drive, on peut citer l’intérêt, le but, la valeur, le flow, les motifs
ou encore la volonté. La motivation est donc un terme valise qui peut être utilisé en lieu et place d’autres
termes qui visent à expliquer la même chose avec des approches différentes. La conception de la motivation,
en tant qu’état, conduit à se dire que les nouveaux concepts introduits suite aux instincts correspondent à
différents états, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Les années 1950 ont été marquées par l’émergence de la
psychologie cognitive ce qui a sans doute contribué à mettre en évidence une articulation possible entre ces
états pour expliquer un processus. La motivation en tant que processus introduit l’idée qu’elle évolue en
fonction des situations. De plus, alors que la motivation état est uniquement liée à l’individu, la motivation
processus peut prendre son origine dans les paramètres de la situation. La motivation état suppose, en quelque
sorte, de « relever le compteur » motivationnel de l’individu afin d’évaluer sa motivation. La motivation
processus considère que la motivation est fluctuante et situationnelle, il est donc possible d’agir sur les
paramètres de la situation pour agir sur elle. Les théories les plus anciennes, comme celles qui expliquent
que la motivation est un besoin ou un instinct, considèrent que la motivation est un état. Pour ces théories,
l’essentiel est de repérer le niveau de la ou des différentes formes de motivations qui sont définies par la
théorie. Les théories plus récentes vont prendre en compte certaines variables qui participent au processus
motivationnel et qui peuvent être internes ou externes à l’individu sans qu’elles puissent être qualifiées d’état
motivationnel. Par exemple, le type ou niveau de récompense, la probabilité d’échec ou de réussite, la
difficulté de l’activité vont expliquer la fluctuation de la motivation ou d’une variable qui est supposée lui
être fortement liée, telle que la performance. Bien entendu, il existe des théories qui vont combiner les deux
conceptions.
On peut comptabiliser actuellement plus d’une centaine de théories motivationnelles (Fenouillet, 2016).
Certaines ont un poids plus important que d’autres mais aucune ne rend compte de tous les aspects de la
motivation. Le modèle intégratif est une synthèse possible de ces 101 théories motivationnelles en s’appuyant
sur les concepts qu’elles utilisent pour expliciter la nature de la motivation. En articulant ces concepts, il est
possible de mettre en évidence qu’ils ne se situent pas tous au même niveau (instinct et besoin par exemple)
et qu’ils sont ordonnables en fonction d’un ordre d’apparition. Par exemple, le besoin préexiste au but qui
lui-même est supposé se « produire » avant le choix. Il devient donc possible d’établir une sorte de processus
motivationnel permettant d’articuler les concepts motivationnels entre eux.
En procédant de la sorte, il serait cependant difficile de mettre en évidence un processus résumant la
motivation dans sa globalité. Par ailleurs, on peut facilement s’apercevoir que les théories ne réinventent pas
la roue à chaque fois. Elles font des emprunts à d’autres pour nombre d’entre elles. Il est ainsi possible de
regrouper les concepts par famille ou ensemble conceptuel.
Le modèle intégratif repose sur sept ensembles conceptuels qui sont articulés pour former un processus. La
figure 23.1 permet à la fois de présenter ces sept ensembles mais aussi leur articulation.
Les deux premiers ensembles, celui des motifs, représente le cœur de la motivation. En effet,
fondamentalement, la motivation explique pourquoi l’individu fait ou ne fait pas quelque chose. Les motifs
donnent cette explication. Les motifs permettent donc de caractériser la motivation, de lui donner un nom. Il
existe d’innombrables motifs à nos actions mais les théories motivationnelles permettent d’établir des
catégories de motifs qui peuvent définir une forme de motivation particulière.
Les motifs primaires comprennent deux grandes catégories, les instincts et les besoins qui sont postulés par
les théories comme étant préexistants à d’autres motifs considérés comme secondaires. Les douze motifs
secondaires du modèle intégratif sont, là aussi, des catégories qui vont permettre d’assembler des concepts
différents qui parlent d’une réalité psychologique assez proche. Par exemple, la valence peut être considérée
comme une forme de valeur, concept qui fait partie des douze motifs secondaires.
Cependant, il ne suffit pas d’avoir un motif pour agir et encore moins pour parvenir au résultat. Dans le
domaine scolaire, on pourrait dire qu’il ne suffit pas d’être motivé pour réussir. Du motif au résultat,
différentes théories motivationnelles ont mis en évidence la présence de variables intermédiaires qui sont,
elles aussi, affichées sur la figure 23.1. Il serait trop long de présenter ces différents ensembles dans le cadre
de cette courte présentation du concept de motivation, les lecteurs intéressés peuvent se reporter à Fenouillet
(2016). Ces différents ensembles permettent cependant de mettre en évidence que s’il est important d’établir
la motivation/le motif, celui-ci ne produira l’effet escompté qu’à travers un processus.
Cette brève introduction du concept de motivation ne doit pas faire perdre de vue qu’il s’agissait ici
principalement d’introduire ce concept pour mieux comprendre son implication dans le monde scolaire. La
théorie de l’autodétermination s’avère être une théorie particulièrement intéressante à ce niveau. Elle
propose un éclairage particulièrement pertinent des besoins ainsi que des motifs intrinsèque et extrinsèque.
En tant que théorie moderne de la motivation, elle permet également d’expliquer comment l’environnement
est à même de modifier ces motifs et d’atteindre de nombreux résultats.
Il existe donc des évidences théoriques et empiriques reliant directement motivation autonome de l’élève
et réussite scolaire. Ce lien n’étant plus à démontrer, il s’agit de se demander comment nourrir cette
motivation autonome ?
Certes, la théorie de l’autodétermination postule que l’être humain est motivé de manière intrinsèque à
apprendre, à découvrir, à se développer. Mais force est de constater que l’enfant n’est pas toujours motivé
comme élève. Quels pourraient donc être les déterminants de la motivation de l’élève ?
Dans un premier temps, la motivation de l’enseignant peut être prise en considération. D’après l’étude de
Radel, Sarrazin, Legrain et Wild (2010), il existe une sorte de contagion motivationnelle de l’enseignant vers
l’élève. Leur étude s’intéresse aux motivations intrinsèques vs extrinsèques. Elle montre que l’élève fait des
inférences sur le type de motivation de l’enseignant qui transmet un contenu de cours. À partir du moment
où il suppose une motivation intrinsèque chez l’enseignant, il a tendance à adopter lui-même le même type
de motivation et plus encore, à propager cette motivation à un nouvel élève à qui il doit transmettre le même
contenu.
Dans un second temps, l’influence de l’environnement doit être prise en compte, plus particulièrement,
l’impact du soutien à l’autonomie des parents, de l’enseignant et des pairs (Guay et Lessard, 2016). Soutenir
l’autonomie de l’élève, c’est reconnaître et considérer son point de vue et ses sentiments, c’est aussi lui
procurer des informations utiles et signifiantes et enfin, lui offrir la possibilité de faire des choix (Moreau &
Mageau, 2013). S’appuyant sur des travaux antérieurs, Sarrazin, Cheval & Isoard-Gautheur (2016) décrivent
des « styles relationnels » de l’intervenant opposant un « style soutenant l’autonomie » favorisant des
motivations autonomes et un style « contrôlant » favorisant des motivations contrôlées qui seraient des styles
indépendants. Cependant, favoriser la motivation intrinsèque dans les activités scolaires semble plus
complexe car « force est de reconnaître que la plupart des tâches scolaires ne sont pas intrinsèquement
intéressantes » (Sarrazin, Tessier et Trouilloud, 2006). Ces auteurs plaident donc pour le développement
d’une motivation autodéterminée, regroupant les motivations intrinsèques, identifiée et intégrée. Cette
motivation autodéterminée semble pouvoir être catalysée par trois attitudes de l’enseignant : 1) soutien de
l’autonomie de l’élève en lui offrant des choix 2) justification de l’utilité des activités scolaires et 3)
reconnaissance des émotions et ressentis des élèves en faisant preuve d’empathie envers eux et de chaleur
(Assor, Kaplan et Roth, 2002 ; Ryan et Grolnick, 1986, cités par Sarrazin et al., 2006). Ces trois types de
comportements pourraient alors être des caractéristiques des enseignants appelés « bienveillants » ?
3. La bienveillance de l’enseignant : son impact sur la
motivation et la réussite scolaire
La bienveillance de l’enseignant est devenue un terme incontournable depuis la loi de Refondation pour
l’école de 2013. De manière générale, la bienveillance est une valeur qui vise le bien-être d’autrui ; elle crée
un état motivationnel appelé altruisme ; elle se manifeste ensuite par des actes de gentillesse (Binfet, Paquet
et Paquet, 2019). Dit autrement, la bienveillance est une croyance personnelle, dérivée de croyances sociales,
qui oriente l’individu vers l’action prosociale et lui accorde une valence positive. Ces actions prosociales
sont des actes de gentillesse. Dans le domaine scolaire, ces actes de gentillesse sont multiformes. Avec Réto
(2017), c’est un ensemble de petits signes concrétisés par une expression, le plus souvent du visage (un air,
un sourire, un regard). C’est aussi un ensemble de petits gestes caractérisés par l’ouverture à l’autre. C’est
enfin un ensemble de petits « mots » caractérisés dans le langage par un ton particulier ou plus franchement
par une parole gentille. Marsollier (2018, p 66-67) fait de son côté une liste d’exemples d’attitudes de
bienveillance. C’est, par exemple, « formuler une parole chaleureuse d’accueil et de bienvenue » lors de
l’accueil en classe des élèves. C’est aussi « adapter sa voix aux interventions individuelles ». C’est encore
proposer des exercices de mobilisation de l’attention.
Définition
La bienveillance est une croyance personnelle, dérivée de croyances sociales, qui oriente l’individu vers l’action
prosociale et lui accorde une valence positive. Ces actions prosociales sont des actes de gentillesse (plus
consensuellement appelées attitudes ou comportements bienveillants). Appliquée à l’enseignant, elle nourrit les
besoins fondamentaux des élèves dans le cadre de la TAD (Deci & Ryan, 1985).
La bienveillance scolaire est dans la lignée de l’éducation positive et entretient des relations étroites avec
la théorie des besoins fondamentaux de Deci et Ryan (2014). En effet, Shankland, Bressoud, Tessier et Gay
(2018) la définissent comme une « disposition inconditionnelle de l’enseignant à prendre en compte les
besoins d’autonomie, de compétence et de proximité sociale de leurs élèves » (paragraphe 12). Les trois
attitudes de l’enseignant favorisant la motivation autodéterminée se retrouvent ici. L’enseignant bienveillant
conforte le besoin d’autonomie de son élève. Il favorise le sentiment de l’élève d’être acteur (et non un pion
ou simple exécutant) de son apprentissage. L’enseignant bienveillant développe également le sentiment de
compétence de son élève. Par exemple, il annonce clairement les objectifs de l’activité et les critères de
réussite. Cela amène l’élève à mettre du sens sur la tâche et à se sentir efficient face la demande, lui trouvant
alors une utilité. Enfin, l’enseignant bienveillant favorise le besoin d’affiliation de l’élève. En s’adaptant à la
singularité de chaque élève (voir le chapitre 24 de Oger et al. dans cet ouvrage), en prenant en considération
les affects de chaque élève et en leur accordant un regard inconditionnellement positif (c’est-à-dire,
spécifiquement, en croyant à sa capacité d’apprendre et de progresser, et plus globalement en voyant en lui
un « alter ego » (Giron, 2018)).
Tableau 23.1 – Comportements de gentillesse sous-tendus par la bienveillance de l’enseignant nourrissant les besoins fondamentaux, inspiré de Martin-Krumm & Boniwell
(2015, p 153), Marsollier (2018), Shankland et al. (2018), Sarrazin et al. (2006) et Sarrazin et al. (2011)
Temps Autonomie Compétence Affiliation
1. Offrir la possibilité de faire des choix. 1. Adopter un langage simple, clair, adapté. 1. Sourire.
2. Préférer des formulations telles que « je te 2. Donner du sens aux activités. 2. Parler chaleureusement.
suggère », « il est possible de » plutôt que « tu 3. Formuler des encouragements. 3. S’intéresser à chaque élève de manière
devrais » ou « il faut ». 4. Accueillir sans jugement la parole de l’élève. singulière.
3. Éviter les dates butoirs. 5. Faire respecter les temps de parole de chaque élève, 4. Prendre en compte les singularités de chaque
De
Permettre aux élèves de prendre des décisions. l’écoute mutuelle. élève.
manière
4. Prévoir une plage horaire de travail en 6. S’adapter au rythme de chaque élève. 5. Considérer positivement l’élève.
générale
autonomie. 7. Énoncer le fait qu’on a confiance en lui, l’encourager dans 6. Moduler le ton de sa voix.
son engagement. 7. Manifester des marques d’affection et de respect.
8. Proposer des tâches variées 8. Se préoccuper des soucis de chaque élève.
9. Faire des demandes explicites « j’attends de toi/vous
que… ».
1. S’appuyer sur les intérêts ou préférences des 1. Anticiper les difficultés éventuelles. 1. Faire preuve d’empathie pour chaque élève (se
élèves. 2. Structurer son enseignement en définissant des objectifs à préoccuper de ses besoins à partir de ses
2. Mettre en place les conditions favorables au chaque activité. compétences notamment).
développement de l’autonomie comme le matériel 3. Anticiper les différentes procédures à adopter pour être en
En amont de
à disposition. réussite.
l’activité
4. Différencier qualitativement et quantitativement sa
pédagogie pour que chacun soit dans une situation
représentant un défi.
5. Proposer une tâche adaptée à l’âge et aux compétences.
1. Permettre un temps de travail en autonomie. 1. Faire le lien avec les connaissances déjà acquises. 1. Offrir la possibilité de travail en groupe ou
Pendant 2. Éviter de donner trop vite la solution. 2. Être ouvert à des questions éventuelles. collaboratif.
l’activité 3. Expliquer clairement les objectifs concrets de l’activité 2. Encourager les échanges.
3. Favoriser la coopération.
4. Donner des encouragements et expliciter les procédures
pour réussir.
5. Aider à expliquer les succès et échecs en termes de cause
interne, contrôlable et instable.
1. Encourager le tutorat. 1. Dédramatiser les éventuelles erreurs en disant par exemple 1. Rechercher la validation des pairs.
2. Demander quelle est l’activité suivante en qu’il est normal d’être mal à l’aise quand on apprend, 2. Féliciter le groupe classe pour leur attention et
fonction de l’emploi du temps. discuter des erreurs communes. engagement.
Après
3. Proposer des activités de réinvestissement de la 2. Faire des feedbacks positifs en valorisant ce qui est acquis 3. Proposer des situations de tutorat.
l’activité
notion abordée en autonomie. et les efforts consentis ; préférer dire « et » plutôt que
« mais ».
3. S’assurer de la compréhension de « tous ».
Si les définitions de la bienveillance scolaire sont encore éparses, ses bénéfices sont consensuels.
L’enseignant qui fait preuve de bienveillance favorise le bien-être et la réussite scolaire de ses élèves (Giron,
2018 ; Masson, 2018 ; Shankland et al., 2018 ; Jellab, 2018). « La bienveillance est une attitude
fondamentale pour soutenir les élèves dans leurs apprentissages disciplinaires et transversaux, et contribuer
à leur bien-être et leur réussite » (Marsollier, 2018, p 58). Comment expliquer cet impact ?
Selon Masson (2018), il existe différentes pistes pour expliquer la relation entre la bienveillance scolaire
(celle de l’enseignant) et le bien-être et la réussite de l’élève. Masson (2018) commence ses propos en
soutenant que la bienveillance influence directement la motivation. Il fait ensuite appel au concept de
sentiment d’efficacité personnel (SEP qui est la croyance de l’individu en sa capacité à réussir les actions
nécessaires pour parvenir à un but). Selon Masson (2018), la bienveillance, de par sa nature même, nourrit le
SEP, ce qui a pour effet de l’augmenter et d’impacter par la suite la réussite scolaire, le lien entre SEP et
performances scolaires n’étant plus à démontrer (par exemple, Masson & Fenouillet, 2013). Masson (2018)
poursuit en exposant le concept d’estime de soi scolaire qui peut se définir comme la valeur que l’on s’accorde
comme élève. La bienveillance suppose d’être exigeant envers les élèves pour les valoriser s’ils réussissent
et pour protéger leur estime scolaire s’ils échouent. Ainsi, la bienveillance augmente l’estime de soi scolaire
par des tâches exigeantes qui nécessitent toutes les ressources cognitives des élèves. Masson (2018) enchaîne
ses propos en faisant la relation entre bienveillance et but poursuivi par l’élève dans l’apprentissage. La
bienveillance, en donnant un statut positif à l’erreur, en donnant un feed-back positif aux élèves sur leurs
performances et sur eux-mêmes, en favorisant le travail en groupe (ce qui nécessite coopération plutôt que
compétition), oriente les élèves vers un but de maîtrise de l’activité plutôt que vers un but orienté vers la
compétition avec autrui. De plus, à travers l’attitude positive portée à l’élève et l’exigence qu’on a envers lui,
la bienveillance améliore les compétences psychosociales, ce qui a un effet sur l’apprentissage des élèves.
D’autre part, la bienveillance selon Masson (2018) a un impact sur le climat scolaire par le biais :
1. de la coopération qui est mise en place (qui augmente par ailleurs la bienveillance des élèves entre eux) ;
2. de la pédagogie différenciée qui crée les conditions pour que tous les élèves progressent ;
3. de comportements qui permettent aux élèves de se sentir sécurisés.
Enfin, la bienveillance suscite des émotions positives chez les élèves comme la joie ou la fierté et limite
les émotions négatives. En cela, elle a des conséquences indirectes sur leurs capacités cognitives (attention,
motivation, créativité et plus généralement apprentissages).
Ainsi, plaider pour un enseignant bienveillant devient une évidence dans la mesure où l’on distingue la
bienveillance du laxisme. Le laxisme est « l’attitude de quelqu’un qui est excessivement indulgent, tolérant »
(Larousse en ligne). Or, être bienveillant, c’est permettre à l’élève d’évoluer dans un cadre sécurisant car son
bien-être est en jeu. Réto (2017) définit quatre dimensions dans la bienveillance :
1. Une dimension intentionnelle qui correspond à la volonté de faire apprendre et de faire progresser l’élève.
La dimension intentionnelle correspond à la volonté que les élèves se développent « bien » dans leurs
dimensions physiques, émotionnelles, sociales, culturelles et académiques.
2. Une dimension interactionnelle qui signifie qu’il y a un ajustement constant entre distance et proximité
entre l’enseignant et ses élèves.
3. Une dimension affective qui correspond à la prise en compte par l’enseignant de ses propres affects et de
ceux de ses élèves.
4. Une dimension attentionnelle. Être bienveillant, c’est prêter attention à chacun de ses élèves. Donc la
bienveillance, c’est le contraire du laxisme car elle suppose une volonté forte et permanente de « bien-
veiller » au développement de l’élève dans toutes ses sphères. De plus, la bienveillance fournit à l’élève
des ressources externes et internes le protégeant d’éventuels effets délétères d’évènements stressants (voir
le chapitre 24 Oger et al.).
Le législatif ne s’y est pas trompé et a fait de la bienveillance de l’enseignant une compétence
professionnelle à part entière (référentiel de compétences des professeurs des écoles). Cette injonction
« louable » reste à prendre avec précaution. En effet, cette incitation externe (suscitant une motivation
contrôlée) peut ne pas avoir les effets escomptés. S’intéressant aux effets d’une motivation
autonome vs contrôlée des actes prosociaux, Weinstein et Ryan (2010) montrent que les actes prosociaux ont
les effets positifs attendus sur l’émetteur et le bénéficiaire si et seulement si la motivation est autonome. Cette
dernière impacte positivement le bien-être de l’émetteur et augmente l’estime de soi et l’affiliation du
bénéficiaire, ce qui n’est pas observé dans le cas d’une motivation contrôlée.
Il est temps aujourd’hui de se demander comment chacun, individuellement, personnellement, peut
participer au développement d’une motivation autonome chez l’élève. Sarrazin, Tessier et Trouilloud (2006)
offrent des pistes intéressantes mais les travaux sur la bienveillance de l’enseignant viennent enrichir ces
perspectives et les effets et mécanismes de la bienveillance scolaire présentés ici s’avèrent être des pistes en
continuité des travaux précédents sur la TAD. En effet, dans une enquête sur les pratiques autour de la
bienveillance scolaire, Saillot (2018) met en évidence que les professionnels répondant à l’enquête sont
convaincus de l’importance de la bienveillance. Ce résultat est éminemment réconfortant. Néanmoins deux
éléments sont à soulever :
1. Comment inciter les enseignants les moins convaincus à faire preuve de bienveillance ? L’enseignant doit
lui-même internaliser cette valeur, être persuadé de son bien-fondé autrement que par motivation
contrôlante au risque de ne pas avoir les effets escomptés ;
2. La bienveillance demande encore à être pensée (Réto, 2016). Il faut poursuivre les efforts de définition de
la bienveillance en éducation et distinguer ses manifestations de ses mécanismes (Réto, 2016). Il s’agit
donc désormais de conforter les effets positifs de la bienveillance à travers des études empiriques, de
recenser davantage et de catégoriser les comportements de gentillesse de l’enseignant émanant de sa
bienveillance et enfin d’investiguer comment développer la bienveillance tant chez les convaincus que
chez les sceptiques.
Conclusion
Pour conclure, les recherches sur le lien entre la motivation et la réussite scolaire se poursuivent et
s’affinent. Récemment, en 2020, Howard, Bureau, Guay, Chong et Ryan, montrent que c’est la motivation
liée aux valeurs personnelles (et non pas la motivation intrinsèque) qui est reliée le plus fortement aux
résultats scolaires. Ils expliquent leur découverte par le fait que la motivation intrinsèque est dépendante de
l’état émotionnel, donc fluctuante ; alors que la motivation identifiée (les auteurs ne mentionnant pas la
motivation intégrée) concerne à la fois des tâches intéressantes et inintéressantes, ce qui est important pour
la persistance des comportements socialement désirables. Cette observation paraît fondamentale dans la
perspective d’une contagion motivationnelle décrite ci-dessus. La relation causale entre motivation et réussite
scolaire s’estompe, au profit d’une boucle vertueuse incluant motivation de l’enseignant (et probablement
celle d’autres autruis significatifs dont les parents), motivation de l’élève, valeurs personnelles des uns et des
autres, et réussite de l’élève ; avec en toile de fond, la question du bien-être de chacun, notion au cœur de la
bienveillance (Paquet, Binfet & Paquet, 2019).
Bibliographie
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