La Bruyere Les Caracteres Livre V 9
La Bruyere Les Caracteres Livre V 9
La Bruyere Les Caracteres Livre V 9
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Puis expliquez-le.
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9 (VIII)
Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c'est un homme universel1, et il se
donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque
chose. On parle à la table d'un grand2 d'une cour du Nord : il prend la parole, et l'ôte à ceux
qui allaient dire ce qu'ils en savent ; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en
était originaire ; il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et
de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et
il en rit le premier jusqu'à éclater3. Quelqu'un se hasarde de le contredire, et lui prouve
nettement qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend
feu au contraire contre l'interrupteur : « Je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne
sache d'original4 : je l'ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour,
revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort
interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance. » Il reprenait le fil de sa narration
avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des conviés lui dit : « C'est
Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade. »
2. Un grand : un prince.
CONSEILS
1. Le texte
■ Faites sentir la pédanterie d'Arrias dans le passage au discours direct : « Je n'avance […]
aucune circonstance. » (l. 13-17).
■ Il s'agit d'un portrait satirique, qui utilise la caricature : étudiez les moyens employés par La
Bruyère pour créer cet effet.
■ La Bruyère utilise ici l'anecdote : montrez comment cette saynète illustre la pédanterie
d'Arrias et constitue un portrait en action.
2. La question de grammaire
■ Vous devez relever quatre formes négatives. Pour chacune, identifiez la nature des mots
de négation utilisés.
1. L'explication de texte
Introduction
[Présenter le contexte] Dans Les Caractères, collection de textes brefs de genres variés, La
Bruyère peint les défauts humains, conformément à l'idéal classique qui entend « plaire pour
instruire ». Il propose notamment une série de portraits satiriques acérés.
[En dégager l'enjeu] Dans le caractère 9, La Bruyère met en scène un personnage dénommé
Arrias dans une conversation qui en révèle sa pédanterie.
Un pédant (l. 1 à 4)
■ L'hyperbole de la première phrase définit Arrias comme le type même du pédant : il « a tout
lu, tout vu ». Le parallélisme de construction renforce la prétention à un savoir « universel ».
D'emblée, la réalité de ce savoir est mise en doute puisqu'Arrias cherche à en « persuader » les
autres et qu'« il se donne comme tel ». Le personnage est donc présenté, dès le début du
caractère, comme quelqu'un qui feint et joue un rôle.
MOT CLÉ
Le pédant étale un savoir mal maîtrisé et suscite l'ennui. Il est une figure repoussoir à
l'époque classique, qui valorise l'esprit, la vivacité et la finesse.
■ La Bruyère met ensuite Arrias en situation, dans une saynète emblématique de la vie
mondaine : une conversation « à la table d'un grand ». Le comportement du personnage, tel que
dépeint par de nombreux verbes d'action (il « prend », « ôte », « s'oriente » …), permet d'illustrer
et d'animer son portrait.
L'« honnête homme » du XVIIe siècle est cultivé, raisonnable ; il fait preuve de savoir-vivre et
de modération en toute circonstance.
■ Le lexique utilisé (« discourt », « récite ») suggère qu'Arrias parle pour ne rien dire, au
contraire de ceux qui auraient pu « dire ce qu'ils en savent ». C'est donc à la fois sa manière
d'utiliser la parole et le contenu de son discours qui sont disqualifiés. Le terme « historiettes »
renforce cette perception et la fin de la phrase (« il les trouve plaisantes ») sous-entend que seul
Arrias prend plaisir et intérêt à ses propos. Il se montre donc indifférent ou insensible à ceux qui
l'entourent. Le portrait du pédant se précise : Arrias veut montrer qu'il sait et les autres
convives ne lui servent que de faire-valoir.
■ Le dernier mouvement du texte s'ouvre sur l'intervention d'un personnage (« quelqu'un »), qui
se détache du groupe désigné par le « on » initial pour « contredire » le monologue d'Arrias. Le
lexique employé place explicitement cet intervenant du côté de la raison et de la vérité : il
« prouve nettement » à Arrias « qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies ».
■ La réaction d'Arrias montre qu'il est incapable de se remettre en question et qu'il n'entend pas
perdre contenance : la métaphore « [il] prend feu » indique qu'il contredit à son tour son
« interrupteur ». Ce dernier terme renvoie à ce qu'Arrias pense de son interlocuteur, et
témoigne de sa conception de la conversation : elle n'est pour lui qu'une occasion de « briller »
devant un auditoire captif.
■ Formulée au discours direct, pour donner plus de vie au portrait, la réponse d'Arrias à son
contradicteur fait appel à un argument d'autorité (« je l'ai appris de Sethon, ambassadeur de
France »). L'accumulation d'expansions du nom « Sethon » – en particulier, la succession de
trois propositions subordonnées relatives – montre la volonté d'Arrias de réduire au silence
l'importun en faisant valoir ce qu'il « connaît », comme l'atteste le lexique du savoir
(« interrogé », « caché »), et la proximité affichée avec celui qui lui sert d'alibi.
MOT CLÉ
L'argument d'autorité fait référence à une personne ou une œuvre à la légitimité incontestée,
afin d'achever de convaincre l'interlocuteur.
■ La dernière phrase, qui constitue la chute de l'anecdote, ridiculise Arrias, pris en flagrant délit
de mensonge. Contrastant avec le passage narratif à l'imparfait (« Il reprenait le fil de sa
narration […] »), le discours direct final inverse brutalement le cours de la conversation grâce à
l'intervention de « l'un des conviés » : celui-ci révèle qu'Arrias parle à celui-là même qu'il prétend
connaître « familièrement » ! Cette chute comique témoigne du talent de La Bruyère qui, en
quelques lignes, réussit à mettre en scène le pédant et sa punition, tout en nous faisant rire.
Conclusion
[Faire le bilan de l'explication] Dans ce portrait, Arrias apparaît comme la caricature du pédant,
à l'opposé de l'idéal du « bel esprit ». Le caractère plaisant de cette anecdote à chute fait écho
au projet, qui relève de l'esthétique classique, de « châtier les mœurs par le rire ».
[Mettre le texte en perspective] Cette opposition entre le pédant et le bel esprit se retrouve
dans des comédies de Molière, dont Les Femmes savantes où Trissotin apparaît comme
l'incarnation du pédant fâcheux et ridicule.
2. La question de grammaire
Je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Sethon,
ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais
familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance.
■ Elles sont toutes construites avec l'adverbe de négation « ne » ou sa forme élidée « n' ». Cet
adverbe forme une locution avec :
- le pronom « rien » dans les deux premières négations, « rien » étant sous-entendu dans la
première occurrence (« Je n'avance [rien] ») ;
■ Dans ce cas, il s'agit de négations partielles, puisque c'est un aspect particulier et non le fait
entier qui est nié. En revanche, la portée de la négation est totale dans : « que je ne sache (pas)
d'original ».
Lors de l'entretien, vous devrez présenter une autre œuvre lue au cours de l'année.
L'examinateur introduira l'échange et vous posera quelques questions. Celles ci-dessous sont
des exemples.
1 Sur votre dossier est mentionnée la lecture cursive d'une autre œuvre, Les Lettres
persanes de Montesquieu. Pouvez-vous la présenter brièvement et en expliquer le titre ?
3 Selon vous, quel est l'intérêt de passer par un regard étranger pour faire la satire de la
société française ?