Les Leishmanioses 3

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Cours de Parasitologie Médicale Leishmanioses

Les Leishmanioses
Objectifs

1. Définir les leishmanioses.


2. Décrire les deux aspects morphologiques de l’agent pathogène.
3. Décrire les signes cliniques et le diagnostic biologique du kala-azar méditéranéen.
4. Décrire les signes cliniques et le diagnostic biologique du bouton d’Orient.
5. Citer les formes cliniques des leishmanioses viscérales, cutanées et cutanéo-muqueuses.
6. Décrire les principes thérapeutiques et prophylactiques des leishmanioses

1. GENERALITES SUR LES LEISHMANIOSES


1.1. Définition
Les leishmanioses sont des parasitoses communes à l’homme et à certains animaux, dues à
des protozoaires flagellés du genre Leishmania, parasites des cellules du système des
phagocytes mononucléés, et transmises à l’homme par des moucherons
hématophages appelés phlébotomes.
1.2. Intérêt
Les leishmanioses sont endémiques dans 88 pays et sur 4 continents : Asie, Amérique
centrale et du sud, Europe et Afrique. Des centaines de millions de personnes sont exposées
au risque de la maladie. Chaque année, on compte 500.000 nouveaux cas de leishmaniose
viscérale et le nombre de cas des diverses formes de leishmaniose dans le monde entier est
estimé à 12 millions ; un tiers seulement des nouveaux cas étant officiellement déclarés.
Elles touchent le Nord et l’Est de l’Afrique. Ce sont des affections mortelles ou responsables
de graves mutilations. Elles constituent un problème de santé publique dans les pays où elles
sont endémiques.
1.3. Epidémiologie
1.3.1. L’agent pathogène
Classification : les leishmanies sont classées dans :
- Embranchement des Sarcomastigophora,
- Sous embranchement des Mastigophora (ou flagellés),
- Ordre des Trypanosomatida,
- Famille des Trypanosomatidae,
- Genre Leishmania spp.
Morphologie : elles se présentent sous deux formes :

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- La forme amastigote (qui veut dire sans flagelle) : elle est ovoïde, mesure 2 à 3 µm de
diamètre ; possède un noyau et un kinétoplaste (blépharoplaste) d’où part une
ébauche de flagelle qui est le rhizoplaste intracellulaire. Elle est immobile et
intracellulaire obligatoire. Elle vit dans les histiocytes et monocytes où elle se
multiplie par scissiparité dans les vacuoles parasitophores du cytoplasme des
macrophages. Libérées par lyse du macrophage, elles sont phagocytées et évoluent
dans d’autres macrophages. Elle est présente chez l’hôte définitif vertébré. En culture
et dans l’intestin du vecteur, les formes amastigotes se transforment en formes
promastigotes.
Remarques : le kinétoplaste est une mitochondrie géante contenant de l’ADN ; le
cytosquelette est formé de tubules périphériques.
- La forme promastigote : elle est allongée ou fusiforme, mesure 8 à 24 µm sur 4 à 5
µm, possède un flagelle antérieur qui mesure 10 à 15 µm. Le kinétoplaste est situé à
la base du flagelle. Elle se déplace flagelle en avant. Elle est présente dans le tube
digestif de l’hôte intermédiaire insecte et en culture in vitro. Elle se multiplie par
scissiparité longitudinale.
La notion d’espèces est définie par la biologie, la biochimie (zymodèmes), la génétique, la
pathologie et la répartition géographique. Les espèces sont rassemblées en complexes
d’espèces. On distingue :
- Le sous genre Leishmania (les formes promastigotes sont attachées au proventricule
de l’HI) comprend :
 le complexe Leishmania (L) donovani responsables des leishmanioses
viscérales et comprenant L (L) donovani, L (L) infantum ;
 le complexe Leishmania (L) tropica responsable des leishmanioses cutanées
de l’ancien monde et comprenant L (L) tropica, L (L) major, L (L) aethiopica ;
 le complexe Leishmania (L) mexicana responsable des leishmanioses cutanées
du nouveau monde.
- Le sous genre Vianna (les formes promastigotes sont libres dans le pharynx de l’HI)
comprend :
 le complexe Leishmania (V) guyanensis responsable des leishmanioses
cutanées du nouveau monde ;
 le complexe Leishmania (V) braziliensis responsable des leishmanioses
cutanéo-muqueuses du nouveau monde.
En résumé : Principales espèces de leishmanies classées selon la répartition géographique et
le tableau clinique principal
Leishmaniose Leishmaniose cutanée Leishmaniose
viscérale cutanéomuqueuse
Ancien monde L. donovani L. tropica L. aethiopica
(Afrique, Asie, L. infantum L. major
Europe)
Nouveau monde L. infantum L. mexicana L. guyanensis L. braziliensis
(Amériques) L. panamensis L. amazonensis
L. venezuelensis L. peruviana

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1.3.2. Les vecteurs


Ce sont de petits insectes diptères, nématocères, psychodidés du groupe de phlébotomes. Ils
abondent toute l’année dans les pays tropicaux et n’apparaissent dans les pays tempérés
qu’à la saison chaude. Ils mesurent 1,5 à 3 mm et sont caractéristiques par leurs ailes
lancéolées et velues. La femelle seule est hématophage et sa piqûre est douloureuse. Les
phlébotomes ont une activité nocturne et crépusculaire : ils volent et piquent surtout la nuit.
Leur vol est silencieux, saccadé et de courte portée. On les trouve dans les gîtes humides (les
trous, les crevasses et les terriers) en bordure des bois où ils se reposent dans la journée. Les
femelles fécondées pondent leurs œufs sur le sol. Les larves se développent sur l’humus. Le
stade de nymphe dure 9 à 12 jours au terme desquels apparaissent des adultes ailés. Les
espèces vectrices appartiennent à deux genres :
- le genre Phlebotomus dans l’ancien monde avec :
 dans le bassin méditerranéen : Phlebotomus papatasi, Phlebotomus ariasi,
Phlebotomus perniciosis ;
 en Inde : Phlebotomus argentipes, Phlebotomus salehi ;
 en Chine : Phlebotomus chinensis ;
- le genre Lutzomyia dans le nouveau monde avec :
 dans toute l’Amérique du Sud : Lutzomyia longipalpis ;
 au Brésil : Lutzomyia wellcomei ;
 Lutzomyia umbralitis en Guyane.

1.3.3. Les réservoirs de parasites


Les leishmanioses sont des zoo-anthroponoses en général et des anthroponoses dans
certains foyers. C’est une maladie de rongeurs sauvages, ou du chien, selon le cas, transmises
accidentellement à l’homme. De très nombreux mammifères peuvent être infestés par les
leishmanies et certains constituent d’authentiques réservoirs :
- pour la leishmaniose viscérale : l’homme (dans certains cas), les canidés domestiques
et sauvages (chien, renard) ;
- pour les leishmanioses cutanées : les rongeurs, les félidés, les édentés (paresseux,
fourmiliers), les marsupiaux (opossums).

1.3.4. Le cycle évolutif


Les phlébotomes femelles s’infestent à l’occasion d’un repas sanguin sur un homme ou un
animal malade. Elles absorbent les formes amastigotes parasitant les monocytes sanguins et
les histiocytes dermiques. Ces formes amastigotes se multiplient dans l’intestin de l’insecte
sous formes promastigotes, puis remontent vers l’extrémité antérieure du tube digestif
(proventricule ou pharynx selon le genre) où elles deviennent infestantes entre le 8ème et le
15ème jour. Elles n’envahissent pas les glandes salivaires. La contamination de l’homme et des
autres vertébrés se fait par piqûre des phlébotomes qui regurgitent les formes promastigotes

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dans la plaie. La transformation en forme amastigotes endocellulaires est réalisée en


quelques minutes.
Parfois c’est l’écrasement du phlébotome qui libère les parasites contenus dans son intestin.
La transmission interhumaine directe est exceptionnelle. Elle peut se faire par les plaies et les
lésions muqueuses ou par la transfusion.
1.3.5. Les foyers épidémiologiques
Les leishmanioses se présentent sous trois types épidémiologiques :
- Dans les foyers dits primaires, la maladie atteint essentiellement les animaux
sauvages (rongeurs…) et les cas humains apparaissent sporadiquement avec des
poussées épidémiques locales dues à des modifications de milieu ou de
comportement.
- Dans les foyers dits secondaires, la maladie est encore animale, mais touche les
animaux proches de l’homme (chiens…). Elle passe chez l’homme sous un mode
endémique.
- Dans les foyers tertiaires, il s’agit d’une affection exclusivement humaine. Elle évolue
sur un mode endémique avec des poussées épidémiques.

1.3.6. Répartition géographique


Il s’agit d’une parasitose des zones intertropicales et tempérées chaudes signalées dans 88
pays et répartis en cinq foyers : méditerranéen, chinois, indien, africain et latino-américain.
La prévalence de la maladie est estimée à 12 millions et l’incidence annuelle à 2 millions.
Cette incidence annuelle est répartie en :
- 1,5 millions de leishmanioses cutanées, dont 90% en Algérie, Afghanistan, Arabie
saoudite, Brésil, Iran, Pérou, Syrie ;
- et 500.000 leishmanioses viscérales, dont 90% au Bangladesh, Brésil, Inde, Népal,
Soudan.
L’Europe du Sud fait partie du foyer méditerranéen dans la partie occidentale et
septentrionale. On y rencontre Leishmania infantum, dont le réservoir principal est le chien.
La leishmaniose viscérale méditerranéenne y est l’expression clinique dominante.
A la fin du 20è siècle, on notait 300.000 cas de leishmaniose viscérale en Inde et 100.000
morts au Soudan.
1.4. Physiopathologie
La salive du phlébotome favorise les premières étapes de l’infection car elle contient des
substances pharmacologiquement actives qui produisent une vasodilation et une
immunodépression locales. L’infection dépend d’une phagocytose rapide des promastigotes
et de leur transformation en amastigotes qui, dans une vacuole parasitophore, résistent aux
mécanismes de défense cellulaire. Le parasitisme entraine dans le macrophage une baisse
des capacités de production de dérivés oxygénés et nitrogénés, complétant ainsi les
mécanismes d’échappement des leishmanies à la digestion cellulaire.

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Dans un bon nombre de cas, l’infection reste asymptomatique mais des amastigotes
intracellulaires peuvent rester quiescents des années, expliquant les leishmanioses
opportunistes de l’immunodéprimé.
Lorsque la multiplication intracellulaire reste localisée aux macrophages et aux cellules
dendritiques du site d’inoculation, les réactions cellulaires générées et les diverses cytokines
produites entrainent le développement d’une lésion cutanée localisée. Les parasites peuvent
également être transportés aux ganglions lymphatiques, diffusant à d’autres sites cutanés
comme dans la leishmaniose cutanée diffuse, ou aux muqueuses de la face comme dans la
leishmaniose cutanéomuqueuse.
Dans d’autres cas, les parasites s’étendent à tous les organes du système des phagocytes
mononucléés, provoquant la leishmaniose viscérale. Dans cette forme, les organes le plus
couramment atteints sont la rate, le foie, les ganglions lymphatiques et la moelle osseuse.

2. LES LEISHMANIOSES VISCERALES


La leishmaniose viscérale a été décrite en Inde sous le nom de « Kala-azar » ou « fièvre
noire » en sanscrit (langue de l’Inde) à la fin du 19è siècle. Elle connait une distribution
géographique très large, allant de la Chine à l’Amérique du Sud. Les grands foyers
endémiques sont représentés par les foyers : chinois, indien, centre-asiatique, est-africain, et
sud-américain.
Du point de vue épidémiologique, on distingue 2 types de leishmanioses viscérales :
- le type méditerranéen qui comprend les foyers méditerranéen, chinois et américain
avec des lésions minimes ;
- le type indien qui comprend les foyers indien, centre et Est-africain avec des lésions
cutanées ou muqueuses très importantes.
L (L) donovani est responsable du kala-azar indien. Pays touchés : Inde, Népal, Chine de
l’Ouest, Moyen-Orient, Soudan, Ethiopie, Kenya. Le réservoir de parasite est humain.
L (L) infantum est responsable de leishmaniose viscérale infantile. Sévit sur le pourtour
méditerranéen (le RP est le chien), dans le centre de l’Asie (RP : canidés sauvages), en Chine
(RP : canidés domestiques), en Afrique de l’Est (RP : rongeurs).
2.1. La leishmaniose viscérale méditerranéenne
Elle touche principalement les enfants, mais également les adultes surtout immunodéprimés
HIV+ (50% des cas). Elle sévit sur tout le pourtour méditerranéen.
2.1.1. Pathogénie
A partir du point d’inoculation, le parasite gagne les ganglions lymphatiques. Les leucocytes
circulants vont ensuite le distribuer dans le système des phagocytes mononuclées (ou
système réticulo-endothélial). On le trouve dans les phagocytes mononucléés de la moelle

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osseuse, de la rate, du foie, dans le système lymphoïde. Le passage transplacentaire est


possible. La persistance du parasite après traitement explique l’immunité.
2.1.2. Les signes cliniques
La phase d’incubation est silencieuse et dure entre 10 jours et plusieurs semaines ou mois.
La phase d’invasion est insidieuse et marquée par une fébricule accompagnée d’asthénie et
de troubles digestifs.
La phase d’état est marquée par une triade symptomatique associant :
- une fièvre : elle est constante, irrégulière, anarchique avec 2 ou 3 clochers par jours,
et rebelle à tous les traitements ;
- une pâleur intense de la peau traduisant une anémie;
- une splénomégalie : sa taille très importante augmente au cours de l’évolution. Elle
peut atteindre la fosse iliaque gauche et dépasser la ligne médiane. Elle est lisse,
ferme et indolore.
A ces 3 signes s’ajoutent :
- une hépatomégalie modérée,
- un mauvais état général avec un amaigrissement des membres et un abdomen
distendu, une fatigabilité (enfant qui ne joue plus),
- des adénopathies inconstantes touchant les territoires axillaires, cervicaux et
inguinaux.
- Eventuellement des troubles digestifs, des complications rénales, pulmonaires ou
cardiaques.
Sans traitement, la mort survient en 1 à 2 ans dans un état cachectique.

2.1.3. Le diagnostic biologique


2.1.3.1. Les signes d’orientation
Ils sont sérologiques, hématologiques et immunologiques. Ils sont associés à la notion de
zone d’endémie :
- augmentation de la vitesse de sédimentation,
- l’électrophorèse des protéines sériques montre une chute de l’albumine et une
augmentation globale du taux des globulines avec surtout une
hypergammaglobulinémie.
- l’hémogramme montre un tableau de pancytopénie périphérique avec une anémie
sévère normocytaire normochrome arégénérative ; une leucopénie marquée portant
essentiellement sur polynucléaires neutrophiles ; et une thrombopénie.

2.1.3.2. Le diagnostic indirect ou immunologique


La recherche d’anticorps sériques par les réactions d’hémagglutination, de précipitation en
gélose, d’immunofluorescence, et d’Elisa permet de confirmer la suspicion clinique et
hématologique dans 95% des cas de leishmanioses viscérales. Elles utilisent les formes
promastigotes comme antigènes. Il existe parfois des réactions croisées avec les

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trypanosomes. Les réponses sont inconstantes chez les très jeunes enfants (moins de 6 mois)
et les sujets immunodéprimés (corticothérapie, HIV…). La positivité sérologique impose la
recherche minutieuse de l’agent pathogène.
PM : La recherche d’anticorps tissulaire par l’intradermoréaction à la leishmanine (Réaction de
MONTENEGRO) est sans valeur diagnostique.

2.1.3.3. Le diagnostic direct ou parasitologique


Il apporte la certitude diagnostique. Il consiste en la recherche directe des leishmanies dans
les cellules histio-monocytaires à la microscopie.
Le prélèvement est obtenu essentiellement par ponction médullaire, ou par ponction
ganglionnaire en cas d’adénopathies, ou par biopsie ostéo-médullaire. La ponction hépatique
et splénique, en raison du risque d’hémorragie ne sera utilisée qu’en cas d’échec de la
ponction médullaire. On réalise des frottis colorés au May-Grünwald-Giemsa (MGG) qui
permettent de voir les formes amastigotes endocellulaires. Il est également possible de
rechercher le parasite sur le sang total.
Ces différents prélèvements peuvent être mis en culture sur milieu NNN (Novy-McNeal-
Nicolle) ou équivalent à 25°C pendant 8 à 15 jours. On observe ensuite les formes
promastigotes dans le milieu de culture. Ce qui permet de confirmer le diagnostic
microscopique, d’isoler la souche, d’étudier sa sensibilité aux anti-leishmaniens, et de faire
son typage.
On peut aussi faire l’inoculation au hamster en intrapéritonéale (résultat après 2 mois), la
recherche d’antigènes circulants par immunotransfert, et la recherche d’ADN parasitaire par
PCR.
2.2. La Leishmaniose viscérale indienne
Elle touche plus volontiers l’adulte. Il est endémique dans toute la partie Est du sous-
continent indo-pakistanais. Cette forme est caractérisée par l’intensité des signes cutanés. Il
existe 3 types d’atteintes tégumentaires :
- une pigmentation diffuse, brûnatre, plus marquée dans les zones découvertes (kala-
azar ou fièvre noire),
- les lésions maculeuses hyper ou hypo pigmentées,
- des nodules indolores siégeant sur le tronc et au visage riches en parasites. Ils
apparaissent au cours du développement de la maladie ou après le traitement
(leishmanides post kala-azar).

2.3. Les autres foyers de leishmanioses viscérales


2.3.1. Le foyer Est-africain
Les enfants et les adultes sont touchés. Les réservoirs de parasites sont des rongeurs et des
carnivores sauvages. Les pays touchés sont : le Kenya, l’Ethiopie, la Somalie, les 2 Soudan, le
Tchad.

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Sur le plan clinique, c’est une forme grave avec altération sévère de l’état général, des lésions
cutanées et muqueuses associées. Les parasites sont retrouvés dans le sang et même dans la
peau saine.
2.3.2. Les foyers américain et chinois
Les manifestations sont très proches du kala-azar méditerranéen. Les réservoirs de parasites
sont les chiens et divers carnivores sauvages.
2.4. Traitement des leishmanioses viscérales
Non traité, le kala-azar a une évolution fatale. La mort survient dans un tableau de cachexie
et de pancytopénie. Le traitement est essentiellement une chimiothérapie antiparasitaire.
- En première intention : les sels pentavalents de l’Antimoine à 20 mg/kg/j en IM, IV ou
intralésionel (formes cutanées) pendant 4 semaines. Il s’agit de :
 Antimoniate de Méglumine : GLUCANTIME® pour les francophones et
hispanophones,
 Stibogluconate de Sodium : PENTOSTAM® pour les anglophones.
Ces produits doivent être administrés avec prudence car ils présentent de nombreux effets
secondaires notamment une toxicité neurologique, hépatique, rénale et cardiaque ainsi
qu’un risque de résistance. On observe parfois une mauvaise réponse des sujets HIV+.
- En deuxième intention : les sels de Pentamidine à 4mg/kg/j en IM, 1 jour sur 2
pendant 2 mois. Il s’agit de l’Iséthionate de Pentamidine : PENTACARINAT®. Il
remplace la Lomidine plus toxique. Il faut commencer progressivement par 1mg/kg,
puis 2mg/kg pour atteindre 3 ou 4mg/kg. L’injection est douloureuse. La toxicité est
cumulative avec des atteintes cardiaques, neurologiques et pancréatiques (diabète
définitif).
- En cas d’échec thérapeutique ou d’intolérance, on peut utiliser :
 l’Amphotéricine B Liposomale (AMBISOME®) à 3mg/kg/j en IV pendant 5 jours
puis une injection à la même dose au 10è jour,
 la Miltéfosine (IMPAVIDO®), premier traitement oral disponible à 2,5 mg/Kg
par jour sans dépasser une dose journalière de 150 mg.
 l’Aminosidine sulfate ou Paromomycine en IM ou IV,
- Traitement associé : transfusion sanguine, vitamines, toni-cardiaques.
En cas de succès, ce traitement a un effet rapide et spectaculaire. L’apyrexie est obtenue en 5
à 6 jours et l’état général s’améliore très vite. Mais il y a un stockage des parasites dans la
rate avec un risque de rechutes si le traitement est insuffisant. Chez les immunodéprimés, le
traitement peut être inefficace ou temporairement actif, nécessitant la répétition des cures
et des associations thérapeutiques. Cette persistance du parasite explique l’état d’immunité
observé vis-à-vis de la souche.

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3. LES LEISHMANIOSES CUTANEES ET CUTANEO-MUQUEUSES


Classiquement, on distingue entre
- les leishmanioses cutanées pures à évolution habituellement favorable,
- et les leishmanioses cutanéo-muqueuses responsables de graves mutilations mettant
en jeu le pronostic vital.
L (L) tropica présent en Asie Centrale, au Moyen-Orient, Maghreb, est responsable de la
forme sèche urbaine. Le RP est humain et canin.
L (L) major présent en Asie Centrale, au Proche et Moyen Orient, au Maghreb, est
responsable de la forme humide rurale. Le RP est constitué de rongeurs.
L (L) aethiopica présent en Afrique de l’Est, est responsable de la forme humide et diffuse. Le
RP est constitué de rongeurs et de chiens.
L (L) mexicana présent en Amérique Centrale et dans le bassin amazonien, est responsable
d’une forme humide. Le RP est constitué de rongeurs.
L (V) guyanensis présent en Guyanes est responsable d’une forme humide. Le RP est
constitué de rongeurs.
L (L) donovani présent aux Indes, est responsable de lésions post kala-azar. Le RP est humain.
3.1. Les leishmanioses cutanées localisées
3.1.1. Dans l’ancien monde
Classiquement appelés « Bouton d’Orient », mais leur vaste distribution est attestée par les
multiples noms locaux en Afrique du Nord et Asie méridionale : « Clou d’Alep », « Clou de
Jéricho », « Clou de Bagdad », « Clou de Biskra ». On distingue 2 formes :
 La forme sèche ou urbaine
C’est la forme la plus fréquemment rencontrée dans le foyer méditerranéen. Elle est due à
L(L) tropica et atteint indifféremment l’enfant et l’adulte.
L’incubation dure de 1 à 3 mois voire des années. La lésion est unique ou multiple, de
plusieurs centimètres de diamètre (maximum 10 cm), siégeant sur les zones découvertes et
exposées à la piqûre des phlébotomes (visages, mains, avant-bras, membres inférieurs).
Elle débute par une papule inflammatoire ou vésiculeuse, prurigineuse qui va se développer
lentement sous forme d’un nodule avec une infiltration en profondeur mais n’adhérant pas
aux plans sous-jacents. En quelques semaines, ce nodule s’ulcère et aussitôt se recouvre
d’une croûte épaisse. A ce stade la lésion est indolore, sans adénopathie satellite, sans
inflammation (ou très peu) et résiste aux antibiotiques.
L’évolution se fait vers la guérison spontanée par chute de la croûte en 8 à 12 mois, laissant
persister une cicatrice atrophique indélébile.

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 La forme humide ou rurale


Elle sévit dans les régions rurales semi-désertiques de l’Est-méditerranéen à l’Europe
orientale, en Asie centrale et en Afrique noire. Elle est due à L (L) major.
L’incubation est courte : 10 à 45 jours. L’ulcération est rapide et importante. L’inflammation
est importante et parfois accompagnée de lymphangite et d’adénopathies. L’évolution se fait
vers la guérison spontanée laissant persister une importante cicatrice.
Dans les deux formes, la surinfection spontanée ou après un traitement intempestif par des
corticoïdes augmente l’ulcération, l’inflammation et fait naitre la douleur. Par ailleurs, il est
pratiquement impossible de distinguer par la clinique la leishmaniose à L (L) major de la
leishmaniose à L (L) tropica.
3.1.2. Dans le nouveau monde
On décrit les formes cutanées pures, qui restent limitées au revêtement cutané superficiel et
donnent lieu à des manifestations très proches de celles décrites dans le Bouton d’Orient, et
les formes cutanées pures avec une extension lymphatique.
L’Uta : elle est faite d’extensions d’une lésion sèche du type Bouton d’Orient mais qui vont
gagner de proche en proche les muqueuses pouvant entraîner de graves mutilations au
niveau de la face. Elle est due à L. peruviana.
L’ulcère des Chicléros du Mexique ou d’Amérique Centrale est dû à L (L) mexicana. La lésion
siège sur les parties hautes du corps et particulièrement sur le pavillon de l’oreille. La
guérison spontanée est fréquente, mais il peut entraîner d’importantes destructions par
contigüité avec perte de l’oreille.
Le Pian-bois : les lésions cutanées sont le plus souvent ulcérées, évoluant sur plusieurs
années accompagnées de métastases dans le même territoire lymphatique ou à distance,
mais ces lésions secondaires restent exclusivement cutanées. Il est dû à L (V) guyanensis.
3.1.3. Diagnostic biologique
Diagnostic direct
La recherche de leishmanie constitue l’examen essentiel. Le prélèvement porte sur le
bourrelet périphérique entourant l’ulcération centrale : c’est la zone active de la lésion, riche
en macrophages parasités. Il est réalisé de plusieurs manières :
- par recueil du suc dermique après scarification de la périphérie de la lésion,
- par grattage au vaccinostyle ou à la curette du versant interne de l’ulcération après
ablation de la croûte,
- par apposition sur lame d’un fragment biopsique,
- par ré-aspiration de quelques gouttes de sérum physiologique préalablement
injectées dans le pourtour de la lésion.
Dans tous les cas, on réalise :

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- un frottis coloré au MGG ou au Giemsa pour une recherche des formes amastigotes
endocellulaires. Cet examen est souvent positif, mais peut être entravé par la
surinfection. Il faut traiter cette surinfection et refaire un nouveau prélèvement.
- la recherche d’ADN par PCR, est souvent plus sensible que la microscopie ; et permet
une identification rapide de l’espèce ;
- la culture sur milieu NNN ou milieu de Schneider, qui montre le parasite sous forme
promastigote mobile.
Diagnostic indirect
- Il n’y a aucune modification séro-hématologique notable.
- La recherche d’anticorps sériques par IFI, hémagglutination ou ELISA est possible,
mais les titres sont faibles. Elle est intéressante en cas de participation ganglionnaire.
- PM : Le test d’hypersensibilité retardée ou intradermoréaction de MONTENEGRO effectué
avec un antigène leishmanien de culture révèle en 48H une zone indurée d’un diamètre
supérieur à 5 mm en cas de positivité (70 à 100% des cas), mais le reste indéfiniment, ce qui
lui ôte toute valeur diagnostique en zone d’endémie. De plus le résultat n’est pas significatif si
le sujet a subi une vaccination par le BCG du fait de possibles réactions croisées.

3.1.4. Traitement
La leishmaniose cutanée évolue spontanément vers la guérison. De plus elle ne réagit pas au
traitement avec la même constance et la même efficacité que la leishmaniose viscérale. En
pratique cependant, en l’absence de contre-indications rénales, hématologiques ou
cardiaques :
- Les dérivés de l’Antimoine : Antimoniate de Méglumine (Glucantime® ou Pentostam®)
aux mêmes doses que dans la leishmaniose viscérale, limitent l’extension et
accélèrent la guérison des lésions. Risque de résistance, mauvaise réponse des sujets
HIV+, nombreux effets secondaires.
- Les sels de Pentamidine : Iséthionate de Pentamidine (Pentacarinat®) n’est utilisé
avec un grand succès que dans les infestations à L (V) guyanensis.
- Amphotéricine B Liposomale (AMBISOME®) : 3 mg/kg/j en IV pendant 5 jours plus
une injection à la même dose au 10è jour,
- Autres traitements : désinfection des lésions, cryothérapie et chirurgie réparatrice
après le traitement médical pour éviter les cicatrices indélébiles.
Dans tous les cas, aucun traitement des formes cutanées n’est efficace s’il n’a été précédé
d’un traitement anti-infectieux.
3.2. Les Leishmanioses cutanées diffuses
Elles sont peu fréquentes. Elles sont dues à L (L) aethiopica en Afrique de l’Est et à L.
amazonensis en Amérique du Sud.
La lésion élémentaire est un nodule non ulcéré de petite taille. Puis les nodules deviennent
très nombreux et disséminés sur tout le corps. Les nodules augmentent de taille, deviennent
confluents et forment de larges plaques infiltrées fourmillant de leishmanies et évoquant

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Cours de Parasitologie Médicale Leishmanioses

une lèpre lépromateuse. Il n’y a ni ulcération ni lésion muqueuse. Cette forme est rebelle au
traitement et évolue vers la mort.

3.3. Les leishmanioses cutanéomuqueuses


3.3.1. Clinique
Les leishmanioses cutanéomuqueuses sont surtout le fait de L. braziliensis. Cette affection
évolue en 2 temps : la lésion initiale cutanée pouvant être ultérieurement suivie par une
atteinte muqueuse secondaire, après une phase quiescente plus ou moins longue.
L’atteinte muqueuse, lorsqu’elle se produit, débute à la muqueuse nasale avec un granulome
qui siège souvent à la partie antérieure de la cloison nasale, qui est rapidement envahie et
détruite. La perforation qui en résulte est considérée comme un symptôme quasi
pathognomonique de leishmaniose cutanéomuqueuse.
Lorsque la destruction de la cloison s’étend à la partie osseuse, le nez du malade s’affaisse et
prend l’aspect de « nez de tapir ». L’extension peut ensuite se faire au niveau de la muqueuse
buccale et du larynx. Cette forme clinique, appelé « Espundia » peut aboutir à de
spectaculaires et gravissimes destructions du massif facial. La respiration et l’alimentation
sont considérablement entravées. La mort survient par bronchopneumonie et malnutrition.
3.3.2. Diagnostic biologique
- La mise en évidence des leishmanies à l’examen direct ou en culture est difficile dans
le cas de vastes mutilations et à cause de la surinfection. L’inoculation au hamster
donne une lésion ulcéreuse au point de piqûre, il n’y a pas de métastase.
- La recherche d’anticorps sériques donne des résultats inconstants. Dans la forme
« Espundia », leur persistance après le traitement fait redouter une reprise évolutive
(métastase cutanée et muqueuse après guérison et jusqu’à 30 ans plus tard).

3.3.3. Traitement
- Les dérivés de l’Antimoine restent la base du traitement.
- La Pentamidine en IM profonde est indiquée dans les infestations à L (L) guyanensis à
raison de 3 injections de 4 mg/kg à 2 jours d’intervalle.
- Dans les formes résistantes aux antimoniés et aux diamines, on peut utiliser
l’Amphotéricine B, le Kétoconazole, le Métronidazole, les antipaludiques…

4. PROPHYLAXIE DES LEISHMANIOSES


4.1. Prophylaxie collective
- La lutte contre les phlébotomes par des mesures de lutte antivectorielle semblables à
celles utilisées dans le paludisme : la pulvérisation intra et péri domiciliaire
d’insecticides. L’interruption de cette lutte entraine inévitablement une
recrudescence des leishmanioses.
- La lutte contre le réservoir de parasites :

AGBO Yao Joël, Médecin Biologiste 12


Cours de Parasitologie Médicale Leishmanioses

 S’il s’agit de l’homme, il y a nécessité de diagnostic et de traitement des cas


humains ;
 S’il s’agit du chien, abattage systématique des chiens errants en zone
d’endémie, ou diagnostic (clinique ou sérologique) des chiens parasités et
traitement. Mais le traitement des chiens est long, difficile et coûteux, avec le
risque de sélectionner des souches de leishmanies résistantes aux antimoniés.
 S’il s’agit d’animaux sauvages, il est pratiquement impossible de les éliminer. Il
convient de les éloigner de l’homme par : un labourage profond et
l’installation d’une ceinture de champ cultivés autour des habitations, et en
forêt un déboisement autour des habitations humaines.

4.2. Prophylaxie individuelle


Il faut éviter les piqûres de phlébotomes :
- Ne pas se promener à la tombée du jour en bordure de bois et de fourrés,
- Utiliser des insecticides intradomiciliaires et des moustiquaires à mailles fines compte
tenu de la petite taille des phlébotomes.
Les vaccins sont à l’étude mais le manque d’immunité croisée reste un problème.

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