1-Difficultes Dapprentissage de Lenfant Et de Ladolescent
1-Difficultes Dapprentissage de Lenfant Et de Ladolescent
1-Difficultes Dapprentissage de Lenfant Et de Ladolescent
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Humaines, Paris, 1998
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Humaines, Paris
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
Les études méthodiques des phénomènes d’apprentissage ont conduit à deux sortes de conclusions fermes:
û elles ont permis de dégager un certain nombre de lois et d’identifier des processus de caractère général;
û elles ont conduit à élargir de façon importante la sphère où ces processus se retrouvent et à mettre en
évidence l’importance des apprentissages dans la genèse de nombreuses activités psychologiques humaines.
Mieux comprendre ce qu'est "apprendre" a conduit Jean Houssaye à définir la notion de triangle pédagogique :
savoir
enseigner apprendre
enseignant apprenant
former
L’échec de bien des pratiques pédagogiques antérieures tient à ce qu’elles ont accordé la priorité à deux
de ces composantes (par exemple, la seule relation maître-élèves, la seule relation enseignant-matière
enseignée) au détriment de la troisième qui, assumant alors le rôle du «fou», revient immanquablement
perturber le jeu d’où on l’avait imprudemment refoulée.
Behaviorisme
(=comportementalisme)
L’acte de naissance du behaviorisme est constitué par l’article intitulé «La Psychologie telle qu’un
behavioriste la voit», que John Watson publia en 1913 dans la revue qu’il dirigeait, la Psychological
Review. Il développa et précisa ensuite ses idées dans divers articles et dans plusieurs ouvrages, dont le
principal est Behaviorism , publié pour la première fois en 1925. Bien que Watson lui-même n’ait pas
apporté de découvertes empiriques considérables, l’influence des idées qu’il a ainsi exprimées et du
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
véritable manifeste qu’il a lancé en 1913 fut telle, aux États-Unis et par contrecoup dans le reste du
monde, que l’on a pu parler à ce sujet de «rupture» dans le champ de la psychologie.
Le premier principe de Watson est de rejeter toute référence non seulement à des entités
«métaphysiques» telles que l’âme ou l’esprit, mais encore à la conscience. Cela implique le refus de
considérer les états mentaux comme des objets d’observation. Watson décide de ne prendre en compte
que des observables objectifs , ceux qui apparaissent dans l’univers matériel : ce sont précisément ceux-
ci qui constituent les comportements.
Watson et ses continuateurs considèrent le plus souvent ce terme de comportement comme étant
l’équivalent de «réponse» ou de «réaction». Le comportement pris en considération se produit en
présence d’un événement défini de l’environnement, qui est appelé «stimulus».
De la concomitance on glisse aisément à la causalité et l’on pourra dire que le stimulus «produit»,
«provoque» ou «déclenche» la réponse. Cette façon de conceptualiser le comportement, qui est
étroitement apparentée à l’idée de «réflexe», bien que ce terme ne soit pas employé de façon extensive
par les behavioristes, conduit à ce que l’on désigne souvent par l’expression de «théorie S-R», ou
«stimulus-réponse». Dans cette conception, l’objet de la psychologie se trouve être précisément l’étude
des relations entre les stimulus et leurs réponses.
Des années trente aux années cinquante, se déroule un grand débat sur les théories de l’apprentissage, alimenté
par de nombreuses recherches expérimentales, soit chez l’animal, à partir de procédures de conditionnement, soit
chez l’homme, notamment au moyen des apprentissages par cœur.
Par contraste avec le comportement «répondant» qu’illustre le conditionnement pavlovien, dit aussi «classique»,
le comportement opérant n’est pas tant déterminé par le stimulus qui le précède que par celui qui le suit.
Ainsi, Skinner isole un troisième moyen par lequel l’environnement agit sur le comportement.
• le troisième est la modification du comportement par les stimulus qui le suivent, dont la récompense et sa
suppression sont deux cas typiques.
(On a pris l’habitude de détourner le terme pavlovien de «renforcement» de son sens primitif pour désigner ce
type d’effet du stimulus subséquent.)
Skinner a mis en pratique ces concepts en utilisant des machines à enseigner, puis des ordinateurs, pour
l’apprentissage humain. A chaque fois que la personne émet une bonne réponse, la machine lui fournit un
renforcement positif (message tel que « Exact, très bien, continuez… »). L’élève ne peut aborder une étape du
programme d’apprentissage que si la précédente est parfaitement maîtrisée.
Deux critiques principales ont été formulées à l’encontre de l’enseignement à fondements behavioristes :
Ø Cette méthode, utile pour l’apprentissage de notions codifiées, est inadaptée lorsqu’il s’agit de savoirs moins
formels. Par exemple, elle permet d’apprendre l’orthographe et les règles de grammaire, mais s’avère
limitée pour transmettre le savoir permettant d’écrire dans un style agréable.
D’une manière pratique ce constat est néanmoins pris en compte : en EAO, par exemple, l’enseignant laisse
à la machine la transmission d’un savoir formel et se focalise préférentiellement sur la réflexion relative à ce
savoir et l’enseignement de domaines plus « subjectifs », la définition des objectifs à atteindre, etc. Il peut
également consacrer ainsi plus de temps aux élèves en difficulté.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
Ø Ce type d’enseignement ne prend absolument pas en compte les représentations, projets, motivations, etc.,
des élèves. (Les approches cognitivistes de l’apprentissage s’efforcent en revanche de remédier à cette
carence.)
Sociologie de l'éducation
Dans une optique totalement différente, la sociologie de l’éducation s’intéresse aux effets des éléments extérieurs
sur la capacité d’apprentissage de l’individu, notamment en analysant les corrélations, voire les liens de cause à
effet entre les caractéristiques familiales et/ou socioculturelles et les performances individuelles.
Elle a ainsi pu montrer que l'enfant est soumis à un « apprentissage implicite » selon son milieu social. Les
familles de faible niveau socioculturel sont souvent caractérisées par un certain fatalisme, l’accent porté sur la
soumission aux normes plutôt que sur l’autonomie personnelle, l’importance accordée aux savoirs scolaires de
bases plutôt qu’à l’ouverture et à la culture de l’esprit, l’accent mis dans le choix professionnel sur des critères
de sécurité et d’avantages immédiats etc. Ces orientation sont contradictoires avec l’apprentissage implicite
véhiculé dans le milieu scolaire.
• Basile Bernstein a décrit deux codes linguistiques inégalement utilisés selon le milieu social : les classes
populaires utilisent un « code restreint » ou « langage commun » stéréotypé, constitué d’un vocabulaire
limité avec des concepts peu précis, peu différenciés, à signification souvent implicite ; en revanche les
calsses aisées se servent d’un « code élaboré » ou « langage formel » plus abstrait, riche en nuances et à
signification explicite. La transmission du code linguistique des élèves issus de milieux défavorisés serait
responsable d’un retard de développement. Ce handicap culturel serait de plus renforcé à l’école, qui utilise
préférentiellement le code linguistique élaboré.
• Une étude de Jacques Lautrey, montre les liens entre l’ambiance familiale et le développement cognitif de
l’enfant. Il a classé les pratiques éducatives familiales en trois catégories : milieu faiblement structuré,
caractérisé par l’absence de règles sociales explicites ; milieu souplement structuré, dans lequel existent des
règles modulées par les circonstances ; milieu rigidement structuré, dans lequel les règles s’appliquent
quelles que soient les circonstances.
Les résultats montrent que l’attitude souplement structurée, typique d’une éducation « démocratique » est en
relation avec une meilleur réussite des enfants à des épreuves intellectuelles, quel que soit le milieu
d’origine. On la rencontre cependant plus fréquemment dans les milieux de niveau socioculturel élevé.
Remarque :
Depuis quelques décennies ont été élaborées, particulièrement dans les pays anglo-saxons, des programmes
d’éducation familiale visant à améliorer les habiletés éducatives des parents dans les milieux défavorisés.
Modèle innéiste
Au cours des années 1930-1960, les théoriciens de la psychologie de la forme (gestaltistes) s’opposent
radicalement aux behavioristes. Ils s’attaquent notamment à la théorie de E. L. Thorndike sur l’apprentissage par
essais et erreurs, et lui substituent celle de l’insight. Des expériences effectuées avec des singes mettent en
évidence que la résolution d’un problème est le fruit d’une période de tâtonnement de longueur variable, d’une
phase très courte de réflexion, puis d’une soudaine compréhension (l’insight) de la solution.
Max Wertheimer affirme que les apprentissages proposés aux élèves dans les écoles sont ennuyeux et ne font pas
assez appel à la compréhension par insight et donc à une pensée véritablement créatrice.
Une autre version innéiste de l’apprentissage est fournie par les recherches du linguiste Noam Chomsky sur la
« grammaire universelle », visant à dégager les règles universelles du langage. Le cerveau humain possède, selon
lui, une disposition inné à acquérir un langage dans des environnements radicalement différents.
Du point de vue formel, Chomsky considère un langage comme un ensemble infini E d’énoncés virtuels
engendrés par un système G de règles ou «grammaire», qui serait universel. Chaque langue particulière
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
réalise d’une certaine manière les transformations de G : ainsi, toutes les langues connaissent des
opérations négatives, passives, etc., que chacune exprime à sa façon.
Du point de vue psychologique, la théorie postule l’innéité de G. Ce que l’enfant apprend, ce n’est pas
G, mais la façon dont son milieu linguistique le réalise. Le modèle du L.A.D. (language acquisition
device ) serait celui d’une machine préprogrammée où la grammaire innée G permet le décodage des
inputs (les phrases entendues) et, une fois connus le lexique et les modalités propres à la langue
considérée, la production d’outputs qui, très vite, ne se limitent pas à la simple répétition d’énoncés
effectivement entendus et retenus passivement. La performance d’un sujet, à un moment donné de son
évolution, est un sous-ensemble de la compétence E, délimité par le lexique d’une part, d’autre part par
des facteurs fonctionnels (mémoire, perception, etc.), qui évoluent avec l’âge alors que la «grammaire»
proprement dite est donnée dès le départ.
Cette théorie a été généralisée au développement cognitif, et certains auteurs affirment que les
«opérations élémentaires» sont innées : l’évolution des performances ne tiendrait pas à l’évolution de
ces opérations, mais au développement de l’«espace de mémoire» ou de l’«espace de calcul» et à la
construction d’heuristiques – au sens même de ces termes dans le langage des machines et des
simulateurs.
Pédagogie de l'autonomie
Un autre type d’approche insistant sur les facteurs internes à l’individu, représenté par le courant pédagogique dit
de l’Ecole Nouvelle et par les travaux contemporains sur l’autoformation, met, lui, l’accent sur l’autonomie de
l’apprenant.
Les thèmes de l’autonomie de l’enfant et de sa spécificité par rapport à l’adulte constituent un leitmotiv chez les
représentant de l’Ecole Nouvelle. Le rôle de l’enseignant consiste essentiellement à aider l’enfant à se construire
lui-même en lui fournissant les moyens d’agir, d’observer, d’expérimenter. Il importe de ne pas imposer à
l’enfant une existence artificielle qui soit déjà par certains côtés, une vie d'adulte, il faut le laisser vivre sa vie
d'enfant. L'éducation doit être non pas une "préparation à la vie" mais une "vie". C'est en vivant sa vie d'enfant
que l'enfant sera le mieux préparé à sa vie d'homme.
Cette pédagogie populaire, née au cours des années 1920 dans une école primaire des Alpes-Maritimes,
repose sur un certain nombre de principes qui se sont progressivement clarifiés :
û la motivation,
û l’expression,
û la socialisation,
û le tâtonnement expérimental,
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L’autoformation désigne une approche parallèle, bien que plus modeste et plus récente, issue de recherches en
sociologie de l’éducation. Des enquêtes d’observation ont permis de mettre en évidence les caractéristiques des
autodidactes. De nombreuses études ont été effectuées, notamment aux Etats-Unis, sur les moyens à mettre en
œuvre pour faciliter cette appropriation personnelle du savoir. En France, cette approche concerne les élèves
scolarisés (introduction de PAE, initiation à la pratique documentaire au CDI…) et les adultes (ateliers
pédagogiques personnalisés).
Le modèle cognitiviste
Le modèle cognitiviste s’est développé durant les années 1960 et a progressivement détrôné la théorie
béhavioriste. Pour un béhavioriste, l’apprentissage est une modification du comportement consécutive à un
conditionnement. Pour un cognitiviste, il s’agit d’une modification des structures mentales, en lien direct avec
la mémorisation. Le sujet ne se contente pas d’assimiler des données brutes ; il les sélectionne et les met en
forme.
Le modèle cognitiviste s’intéresse donc particulièrement aux représentations véhiculées par l’élève.
L’enseignant doit tenir compte du savoir antérieur de l’individu afin de le confronter judicieusement avec des
informations nouvelles en vue de l’élaboration de nouvelles représentations.
Ce modèle s’intéresse également à la métacognition : connaissance qu’une personne a de ses propres processus
cognitifs, de leurs produits et de la procédure qu’elle emploie pour les réguler. La finalité pratique est de
permettre à l’individu d’apprendre à apprendre : instaurer chez l’individu un meilleur emploi de ses capacités,
une amélioration de ses stratégies et des possibilités de transfert de celles-ci.
Ø Valorisation de la cognition
Ces méthodes valorisent la cognition plutôt que l'affectivité. Les facteurs de motivation tels qu'une image de
soi positive ou le sentiment de sa propre compétence ne sont pas pris en compte comme source potentielle
de réussite. Puisqu'il y a interaction entre affectivité et cognition, on pourrait très bien envisager de faciliter
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
le développement cognitif en agissant sur les processus affectifs, par exemple en incitant le sujet à procéder
à des attributions internes ou en restaurant l'image qu'il a de lui-même. Mais les concepteurs des méthodes
d'éducation cognitive ont préféré considérer que c'est essentiellement au moyen d'exercices cognitifs que
l'on pouvait faciliter le fonctionnement et le développement intellectuels. Ils ont aussi estimé que les effets
positifs éventuels des méthodes sur la personnalité des sujets (par exemple une meilleure image d'eux-
mêmes) n'étaient que la conséquence des progrès cognitifs.
Orientation spatiale :
q Distinguer l’implicite de
l’explicite
description, utilisation d’un
vocabulaire permettant de
définir la position spatiale
q Acquérir un système de
référence spatial
devant / derrière / gauche /
droite
individu / environnement
q Créer des procédure pour
reproduire une organisation
spatiale de points
Tanagra Entraînement individuel au Adultes apprenant une nouvelle 5 à 10 journées de formation.
raisonnement logique puis technique faisant appel à la
discussion en groupe logique informatique
(comptabilité…)
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
L'appréciation des méthodes doit être fondée sur des travaux présentant un minimum de garanties
méthodologiques. Or, ces travaux sont assez peu nombreux. Pour de nombreuses méthodes, pourtant
fréquemment utilisées, on ne dispose même d'aucune étude évaluative. Il existe cependant une méthode, le PEI,
pour laquelle a été réalisée une série d'études évaluatives fiables. Cette méthode présente, en outre, l'avantage
d’être un bon prototype de l'ensemble des méthodes d'éducation cognitive et les quatre caractéristiques des
méthodes présentées ci-dessus s'appliquent parfaitement à elle. Il paraît donc raisonnable, du moins dans un
premier temps, de généraliser à l'ensemble des méthodes d'éducation cognitive les conclusions des études
conduites sur le PEI. Dans un second temps, le développement des travaux empiriques conduira éventuellement
à nuancer ces conclusions pour des méthodes particulières.
Les conclusions que l'on peut tirer des études évaluatives du PEI sont claires. Le programme a un effet positif
modéré sur les résultats à quelques tests d'intelligence proches des exercices proposés (le plus souvent ceux qui
évaluent la capacité à effectuer des opérations sur les nombres, la représentation spatiale, plus rarement ceux qui
évaluent des capacités verbales). Il semble donc que, contrairement au projet de son initiateur, ce programme
développe des capacités assez spécifiques et non des capacités générales. Il n'a pratiquement pas d'effet sur les
apprentissages scolaires ou professionnels, qu'il devait pourtant faciliter Ajoutons que les effets du programme
sur la personnalité sont faibles et inconstants selon les études (sur l'estime de soi, les attitudes vis-à-vis de l'école,
le comportement en classe, l'attribution de contrôle ... ), que ses effets positifs sur les résultats aux tests tendent à
disparaître au bout de quelques mois et ne sont pas plus marqués chez ceux qui ont le plus de difficultés. Cet
ensemble de résultats montre clairement que l'éducation cognitive, malheureusement, ne tient pas ses promesses.
Ces résultats sont décevants, mais ne remettent pas en cause le principe même de l'éducabilité de l'intelligence.
En effet, les travaux sur les effets des pratiques éducatives familiales et sur les enfants adoptés ont largement
démontré que l'intelligence est éducable. En revanche, ces résultats mettent en cause les moyens pédagogiques
utilisés pour la développer ainsi que l'idée d'une intelligence générale. Elles peuvent susciter deux types de
réactions. On peut continuer à s'appuyer sur les postulats qui fondent ces méthodes et tenter d'améliorer celles-ci.
Une autre démarche, plus ambitieuse, consiste à s'interroger sur ces postulats, ce qui conduit à un
renouvellement de la problématique de l'éducation cognitive.
Si l'on adopte la première attitude, plusieurs voies peuvent être suivies pour améliorer les méthodes existantes.
On peut, par exemple, augmenter la durée de leur application. On peut aussi systématiser et formaliser davantage
l'aide au transfert vers les apprentissages scolaires ou professionnels. On peut encore améliorer la médiation en
précisant davantage ses modalités et en formant mieux les enseignants. Il semble cependant qu'il y ait peu à
attendre de ces diverses possibilités, étant données les conclusions peu encourageantes des études évaluatives
réalisées sur le PEI.
L'autre approche consiste donc à réexaminer les postulats sur lesquels repose l'éducation cognitive :
Ø Le premier d'entre eux préside au choix de faire porter l'entraînement sur des contenus quelconques pour
faire apprendre des procédures cognitives générales dont on estime qu'elles pourront se transférer à tout
contenu. Ce postulat correspond bien à l'état de la psychologie cognitive des années 50-60, lorsque l'on
pensait qu'il existait de vastes structures cognitives indépendantes des contenus de pensée.
Ces conceptions se sont heurtées à la résistance des contenus de connaissances. On s'est aperçu, par
exemple, que le niveau de développement cognitif des individus n'était pas le même selon le domaine de
connaissances considéré, ou encore que les capacités de mémorisation n'étaient pas les mêmes selon le
contenu des connaissances à mémoriser. Aussi a-t-on été conduit à établir des liens étroits entre les
procédures cognitives et les connaissances auxquelles elles s'appliquent. Il est donc nécessaire que
l'éducation cognitive porte sur des situations plus riches en contenu. Du coup, on ne chercherait plus à
développer une intelligence générale dont l'existence est problématique, mais des compétences cognitives
relatives à un domaine, compétences que l'on pourrait ensuite étendre à des domaines voisins.
Ø Le second postulat discutable est de considérer que l'évolution de la personnalité (par exemple, l'image de
soi) est déterminée par les aspects cognitifs, et qu'inversement, l'évolution cognitive dépend faiblement de la
personnalité. Ce postulat correspond lui aussi à un certain état, aujourd'hui dépassé, de la psychologie
cognitive. Il ne s'agit pas d'inverser le sens de la relation entre cognition et personnalité, mais de mieux
articuler ces deux aspects dans la démarche de remédiation.
Bien que les résultats de l'éducation cognitive aient été jusqu'à maintenant plutôt décevants, il semble possible de
les améliorer. Les méthodes d'éducation cognitive progresseront d'autant plus que l'on sera soucieux d'évaluer
leurs effets et de les coordonner aux résultats de la recherche fondamentale.
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Psychologie différentielle
La psychologie différentielle s’intéresse également à la manière dont les facteurs conatifs (motivation, intérêts,
attitude) influent sur l’apprentissage. Quelle corrélation y a-t-il entre motivation et performances
d’apprentissage ?
La motivation
Condition essentielle de la réussite
Rolland Viau
Devant l'ampleur du problème de la démotivation des élèves et des étudiants dans les pays occidentaux,
les recherches sur la motivation à apprendre ont pris un essor considérable depuis une décennie. Il n'est
donc pas surprenant que dans les banques de référence informatisées, on répertorie chaque année plus
de 700 écrits scientifiques sur la motivation à apprendre. Dans cet article, nous verrons comment les
recherches contemporaines permettent de répondre à deux questions importantes : pourquoi certains
élèves sont-ils démotivés ? Sur quels facteurs de la classe peut-on intervenir pour influencer la
motivation des élèves ?
Les chercheurs d'approche humaniste estiment, au contraire, que la réponse à cette question ne réside
pas dans des phénomènes extérieurs aux élèves, mais dans leur besoin intrinsèque d'apprendre et de
s'épanouir en tant qu'être humain. Pour eux, un élève est démotivé parce qu'il n'a pas l'occasion de
combler ses besoins et de s'actualiser en tant qu'apprenant.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
De nos jours, sous l'influence de l'approche cognitiviste, les chercheurs ont mis un terme au débat en
situant la motivation dans la relation entre la personne et son environnement. Les diverses théories
convergent vers la même idée: la motivation prend son origine dans les perceptions et les attentes d'une
personne à l'égard des événements qui lui arrivent.
Notre analyse des travaux de chercheurs, dont ceux du professeur Paul Pintrich, professeur à l'université
du Michigan, nous amène à préciser la relation entre les sources de la motivation et ses conséquences
sur l'apprentissage (voir schéma page suivante).
La motivation de l'élève prend son origine dans la relation entre ses perceptions et le contexte de
formation. L'image qu'un élève a de lui-même est si importante que Bemard Weiner a affirmé que ce ne
sont pas tant les capacités réelles de l'élève qui comptent pour qu'il apprenne mais bien celles qu'il pense
avoir.
Des perceptions de soi générales, comme l'estime de soi et le concept de soi, influencent la motivation
de l'élève. Cependant, les recherches contemporaines, comme celles d'Albert Bandura, professeur à
l'université Stanford en Californie, montrent que ce sont plutôt des perceptions spécifiques au contexte
de classe qui sont les sources les plus importantes de motivation. Trois de ces perceptions ont d'ailleurs
fait l'objet de recherches intenses depuis deux décennies : la perception qu'a un élève de la valeur d'une
activité, la perception de sa compétence à l'accomplir et sa perception du contrôle qu'il exerce sur cette
activité.
La perception de la valeur d'une activité est le jugement qu'un élève porte sur l'importance et l'intérêt
d'une activité d'apprentissage en fonction des buts qu'a poursuit. Sans but, un élève peut difficilement
valoriser une activité. Les travaux de Carole Ames démontrent que les élèves démotivés n'ont que des
buts de performance, c'est-à-dire qu'ils accomplissent une activité non pas pour acquérir de nouvelles
connaissances mais pour obtenir une note élevée, des félicitations ou la reconnaissance de leur
professeur. Willy Lens et son équipe ont démontré que les élèves aux aspirations claires et aux buts bien
étalés dans le temps, ce que les auteurs nomment la perspective future, sont plus en mesure de percevoir
la valeur d'une activité. La perception de sa compétence à accomplir une activité est particulièrement
utile à l'élève placé devant une activité qui soulève chez lui un degré élevé d'incertitude quant à sa
réussite. Plusieurs études révèlent l'influence de la perception de sa compétence sur le type
d'engagement cognitif de l'élève.
Par exemple, les travaux de Thérèse Bouffard-Bouchard, professeur à l'université du Québec à
Montréal, révèlent que les élèves qui ont une bonne perception de leur compétence utilisent des
stratégies d'apprentissage plus élaborées (dont l'auto-évaluation) que celle qui consiste simplement à
mémoriser.
La perception de la contrôlabilité est la perception du contrôle que l'élève croit exercer sur le
déroulement et les conséquences d'une activité d'apprentissage. Les élèves qui en font preuve abordent
la matière plus en profondeur, créent des liens entre les différentes parties et tentent d'en dégager la
structure. A l'inverse, ceux qui estiment avoir peu de contrôle sur leur apprentissage se limitent à
essayer de mémoriser le plus de matière possible. En résumé, un élève motivé a des aspirations claires
qui l'amènent à percevoir l'importance et l'intérêt des activités qu'on lui propose; il se perçoit capable de
les accomplir et, enfin, il perçoit qu'il a un certain contrôle sur leur déroulement. Mais le « portrait-robot
» de l'élève motivé ne serait pas complet si nous ne nous attardions pas à examiner ses comportements
en classe.
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motive lui-même. En revanche, l'élève démotivé se limite à utiliser des stratégies de mémorisation
comme se répéter régulièrement la définition d'un concept ou relire plusieurs fois le même texte pour se
souvenir du contenu.
Conséquence de la motivation, la réussite en est également une source. En effet, un succès mérité
influence positivement la perception que l'élève a de sa compétence, le conduit à valoriser l'activité qu'il
a accomplie avec succès et l'amène à penser qu'il a un certain contrôle sur son apprentissage. C'est
souvent le cas des adultes qui reviennent à l'école après une absence prolongée. Autrefois sceptiques sur
leurs capacités, ils ont été rassurés par leurs succès et se perçoivent ainsi capables d'apprendre.
Connaissant mieux les causes et les conséquences de la motivation et de la démotivation, les chercheurs
ont tenté de savoir comment on peut influencer cette dynamique motivationnelle.
C. Ames repère quatre facteurs agissant sur la dynamique motivationnelle de l'élève au sein même de la
classe: les activités d'apprentissage, l'évaluation, le système de récompenses et de punitions, enfin
l'enseignant lui-même.
Dans les écoles des Etats-Unis, les enseignants exécutent en moyenne dix mille actes d'évaluation par
an, qui vont du simple fait de dire à un élève que sa réponse est inexacte jusqu'à la correction d'un
travail.
Cette ambiance évaluative conduit certains élèves à considérer les institutions de formation non comme
des lieux d'apprentissage mais comme des cours de justice où ils sont constamment sur le banc des
accusés.
Martin V Covington, professeur à l'université Berkeley, a constaté que la comparaison entre pairs et la
compétition engendrée par l'évaluation nuisent à la motivation des élèves faibles et moyens, alors
qu'elles motivent les plus forts. Souhaitant que l'évaluation favorise la motivation des élèves faibles et
moyens, ce chercheur recommande de :
- choisir des objets d'évaluation qui permettent de constater le progrès accompli (le portfolio) plutôt que
des objets qui mesurent seulement l'état des connaissances ou l'atteinte des objectifs (les examens);
- commenter les travaux des élèves plu tôt que de se limiter à les noter;
- inciter les élèves à s'auto-évaluer;
- reconnaître l'effort qu'ils ont déployé; - susciter la collaboration entre élèves plutôt que la compétition
et la comparaison.
Dans plusieurs écoles primaires d'Amérique du Nord, on utilise des systèmes de jetons, d'autocollants
ou de prix pour motiver les enfants. Au secondaire, on a plutôt tendance à récompenser les élèves en
réduisant leurs devoirs et à les punir en leur faisant faire des pensums ou en les mettant en retenue.
Plusieurs auteurs, dont Edward L. Deci, de l'université de Rochester, doutent que ces comportements
motivent réellement les élèves.
Des chercheurs estiment même que récompenser des élèves pour une activité qu'ils jugent d'emblée
intéressante entraîne chez certains une baisse de motivation. Pour sa part, C. Ames croit que les
récompenses peuvent avoir un effet positif à court terme, mais qu'elles nuisent à la longue à la
motivation, car elles empêchent les élèves d'expérimenter et de prendre des risques dans leur
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apprentissage. Certains élèves, dont les meilleurs, ne font que le strict nécessaire de peur d'être
réprimandés s’ils échouent. L'encouragement et la reconnaissance du travail accompli demeurent les
stratégies les plus efficaces pour motiver les élèves à manifester de la curiosité intellectuelle. La
formation d'adultes est également touchée par les systèmes de récompenses et de punitions mis en place
par les enseignants. Bien qu'à ce niveau d'étude les punitions se limitent à l'attribution d'une mauvaise
note ou à un échec, les récompenses sont répandues (par exemple, les certificats de réussite).
Pour Raymond J. Wlodkowski, l'utilisation de récompenses pour motiver les adultes est une épée à
double tranchant, car elles risquent dans certains cas de les démotiver et parfois même de les offusquer.
Pour qu'une récompense, telle qu'un prix ou un certificat d'excellence, ait un effet favorable, il faut que
l'adulte qui la reçoit estime qu'il la mérite, et non qu’il l'ait obtenue facilement ou qu'on la lui ait donnée
par gentillesse. De plus, il ne faut pas qu'une remise de prix en public gêne la personne à laquelle
celui-ci est destiné ou vienne amoindrir la valeur du travail des autres. Même à ces conditions,
Wlodkowski émet des réserves quant à l'importance des systèmes de récompenses dans la formation
d'adultes; il suggère plutôt aux enseignants de donner des commentaires pertinents et favorables sur les
apprentissages.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
• L’accomodation
Lorsqu’un individu rencontre une difficulté, il doit adapter ses structures mentales pour pouvoir assimiler à
nouveau les données qui lui sont proposées.
Toute l’œuvre de Piaget tendra à montrer que l’on construit ses connaissances par ses propres actions : c’est le
constructivisme. Un tel mécanisme ne peut donc se réduire à la seule innéité (bien que Piaget ne nie pas la
présence de structures préexistantes dans le cerveau), ni à une simple accumulation des connaissances. Piaget
décrira le développement comme « une autorégulation, c’est à dire une suite de compensations actives du sujet
en réponse aux perturbations extérieures et d’un réglage rétroactif (feed-back) et anticipateur constituant un
système permanent de telles compensations ».
En conséquence, la modification des comportements observés chez les enfants ne peut plus s’interpréter en
termes quantitatifs d’accumulation des connaissances. Piaget est amené à découper le développement intellectuel
en grandes périodes, ou stades, dont l’ordre de succession est constant, et dont chaque étape résulte de la
précédente par processus intégratif.
Critiques et controverses
Langage et interactions sociales.
En 1957, un débat célèbre l'oppose au linguiste Noam Chomsky, pour qui les structures du langage sont innées
et la logique n'est autre chose qu'une syntaxe généralisée.
Pour Piaget, c'est la fonction symbolique dans son ensemble qui permet à la pensée de se développer. « La
pensée précède le langage, et celui-ci se borne à la transformer profondément (...) par une schématisation plus
poussée et une abstraction plus mobile. » Mais ce débat va rebondir, avec les recherches du psychologue
américain Jérome Bruner qui remet à jour l’œuvre du psychologue russe Lev Vygotsky.
Pour ce dernier, c'est par les interactions sociales avec le milieu environnent, dans lesquelles le langage tient une
place importante que se construisent les apprentissages. Or Piaget ne s'intéresse pas aux différences de milieu ou
de culture : son souci est de tenter d'établir des lois universelles du développement. Il se limite à mentionner que
« l'affectivité constitue l'énergétique » des conduites et si elle est « essentielle comme moteur», elle ne peut
expliquer comment se construisent les structures qui correspondent aux fonctions cognitives.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
Pour étudier le développement des fonctions psychiques supérieures, il postule une interaction entre le
développement naturel, lié à la maturation organique, et le processus d'acquisition culturel, dû à l'apprentissage,
tout en insistant sur ce deuxième aspect.
Lev S. Vygotsky estime que les instruments de développement psychologique que sont le langage, surtout écrit
(textes, graphiques, cartes, schémas, etc.), les théories scientifiques, les procédés mnémoniques, etc., ne sont
accessibles à l'enfant « que dans le cadre de la communication avec l'adulte et de la collaboration avec les
camarades ». L'apprentissage permet la maîtrise de ces instruments par l'enfant, ce qui augmente ses possibilités
d'action et ouvre ainsi de nouveaux cycles de développement en restructurant son fonctionnement intellectuel.
Selon Vygotsky, chaque fonction supérieure apparaît deux fois au cours du développement de l'enfant :
Ø Elle se manifeste tout d'abord dans une activité collective soutenue par l'adulte et le groupe social.
Ø Elle apparaît ensuite lors d'une activité individuelle et devient alors une propriété intériorisée de la pensée de
l'enfant.
Il illustre son propos par l'exemple du langage. Celui-ci apparaît d'abord comme moyen de communication. C'est
seulement dans un deuxième temps, en se transformant en langage intérieur, qu'il devient un mode de pensée
fondamental de l'enfant lui-même.
Vygotsky affirme que « ce que l'enfant est en mesure de faire aujourd'hui à l'aide des adultes, il pourra
l'accomplir seul demain ». Vygotsky distingue ce que l'enfant peut accomplir seul (« développement actuel de
l'enfant») et ce qu’il peut faire avec l'aide d'un adulte ou de pairs (« capacité potentielle de développement »).
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
Entre ces deux types d'activités se constitue la « zone proximale de développement », l'espace où le
développement est en devenir. Celle-ci « nous aide à connaître les pas futurs de l'enfant et la dynamique de son
développement en prenant en considération non seulement les résultats déjà obtenus, mais aussi ceux en voie
d'acquisition ». La médiation sociale ne permet un véritable apprentissage que si elle se situe dans cette zone.
La tâche de l'enseignant consiste donc à comprendre comment se structurent les différentes connaissances pour
chaque enfant particulier, à découvrir ce « réseau interne souterrain, génétique, des sujets scolaires ». Il pourra
ensuite solliciter efficacement l'élève dans la zone proximale de développement qui lui est propre. De fait, la
pensée de Vygotsky accorde la primauté à l’apprentissage social, au développement cognitif dans et par le
groupe, car cette médiation détermine l’appropriation et l’individualisation des acquisitions intellectuelles du
sujet.
De multiples recherches contemporaines en psychologie sociale, inspirées par les théories de Vygotsky ont
montré que l'interaction sociale conduit l'enfant à bâtir de nouveaux instruments cognitifs permettant, à leur tour,
de participer à des interactions plus élaborées, favorisant de nouveaux progrès intellectuels.
C'est la mise en synergie des pôles collectif et individuel de l'intelligence qui provoque l'apprentissage. Des
expériences font apparaître notamment que non seulement des groupes d'enfants confrontés à un problème
utilisent des stratégies supérieures à celles de chaque individu mais aussi que ces progrès peuvent être appropriés
de manière stable par chacun. Cette appropriation advient si les points de vue des participants s'opposent de
manière à créer un débat, un « conflit sociocognitif ». Ceci permet à l'enfant qui se trompe de prendre
conscience de son erreur et de l'existence de solutions alternatives. En outre, les expériences réalisées montrent
que ce processus peut réduire les différences de niveau entre enfants issus de groupes sociaux variés.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
L’évaluation
CHARLES HADJI
Dans le monde de l’éducation et de la formation, le concept d'évaluation a fait l'objet, depuis une
trentaine d'années, d'un engouement qui est allé en s'accroissant. On prône même, aujourd'hui, une
véritable « culture de l'évaluation », C'est-à-dire « l'émergence d'un état d'esprit, d'habitudes, de
réflexes même, grâce auxquels sont appréciés régulièrement l'état courant et les actions conduites pour,
en retour, infléchir ces dernières si nécessaire »1. Quels sont donc les pouvoirs de l'évaluation, pour ce
qui concerne la transmission des savoirs et des compétences ? Que sommes-nous en droit d'attendre
d'elle, aujourd'hui?
La première difficulté est de pouvoir caractériser les pratiques d'évaluation : un même terme convient-il
pour désigner des activités diverses, telles que noter, comparer, s'interroger sur le sens, et portant sur
des objets aussi différents que des élèves, des connaissances, des actions ou des systèmes? Prendre
l’évaluation pour objet, c'est tout autant poser la question du sens des pratiques abordées (approche
compréhensive), que tenter de décrire et d'analyser ces pratiques (approche descriptive) et, enfin, tenter
de contribuer à l'amélioration de ces pratiques (approche prescriptive). Ces trois grandes orientations
peuvent offrir une entrée commode pour tenter un bilan des acquis de la recherche des dernières
décennies.
L'évaluation peut être implicite : par exemple l'auto-élimination d'un grand nombre d'étudiants qui ne se
présentent même pas à l'examen. L'évaluation implicite précédant les multiples décisions que prend tout
sujet humain, est ainsi un «acte social universel», mais qui est demeuré, en fonction de sa dimension
cachée, relativement peu étudié. Seule l'évaluation instituée constitue «un acte délibéré et socialement
organisé» qui s'exprime essentiellement selon deux directions. La première s'oriente plutôt vers le
quantitatif (estimer la valeur d'un bijou). La seconde privilégie un point de vue qualitatif : apprécier la
valeur d'une action. C'est dire si elle peut être jugée bonne ou non.
Cette dichotomie met également en jeu le domaine de référence de l’acte évaluatif. « Quand l'évaluation
porte sur un comportement ou sur une production, elle est tentée de les appréhender en tant que
performances. On pourra se contenter de mesurer la performance, ce qui peut être facile lorsqu’il s'agit
de performances physiques ou de réalisations matérielles, mais déjà beaucoup plus difficile pour une
production intellectuelle. C'est pourquoi on peut apprécier ce qui aura été tout d'abord mesuré, ou
estimé, en le situant par rapport à un barème de performances jouant le rôle de «norme». Les réponses,
les performances d'un sujet sont jugées par comparaison à celles
d'un groupe de référence. C'est la distribution des résultats de la population de référence, à laquelle
appartient l'apprenant, qui donne sens à la performance individuelle. Mais si ce sens est recherché, non
pas dans l'affectation d'un rang, mais dans la comparaison avec un critère de contenu, on parlera
d'évaluation à «référence enterrée ». On situe alors le sujet par rapport à une «performance cible », qui
est de l'ordre de l'objectif à atteindre.
L'évaluation a ici pour but de fournir des informations sur l'écart à la cible (comportement visé) et le
degré de maîtrise des acquisitions attendues.
Les pratiques d'évaluation sommative sont celles par lesquelles on s'efforce de faire un bilan des
acquisitions d'un élève, ou d'une action de formation, à la fin d'un apprentissage ou d'une formation. On
fait la somme de ces acquisitions. Souvent une telle évaluation est certificative : le bilan effectué permet
de délivrer (ou non) un diplôme, tel que le baccalauréat. Ce sont ces pratiques d'examen qui ont été
1
C. Thélot, “L’évaluation du système éducatif”, Nathan, 1993
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
l'objet premier de la docimologie, précisément définie par Henri Piéron comme "la science des
examens», à laquelle il donne pour objectif général, en 1963, de contribuer au perfectionnement des
méthodes destinées à assurer les « classements humains ». Car la scientificité des analyses
docimologiques est vue comme un garant de l'efficacité future des pratiques. Se centrant sur l'examen,
la docimologie est amenée, en fonction même du résultat de ses recherches, à remettre en cause les
formes et les modalités de l'examen traditionnel. Car ce que la « science des examens » révèle en
premier lieu, c'est que l'examen n'est pas une science !
Partie avec l'ambition d'assurer la mesure, la docimologie montre abondamment que l'activité de
l'examinateur n'est en rien comparable à celle du physicien mesurant un phénomène naturel. La notation
des copies par exemple, est toujours aléatoire. Des examinateurs différents n'évaluent pas de la même
façon les mêmes objets, n'utilisent pas de manière identique les échelles de notes, et produisent des
jugements qui n'ont pas de stabilité dans le temps.
Des travaux ultérieurs viendront préciser certains mécanismes à l'origine des errements constatés.
Trois principales causes de biais ont été étudiées: la possession a priori d'informations sur le producteur
de la copie, l'ordre des copies, la dynamique du recueil de l'information dans la correction d'une copie.
Plutôt que de succomber au mythe de la note «vraie», ne vaut-il pas mieux se centrer sur ce à quoi sert
(ou devrait servir ! ) l'évaluation, quand elle s'intègre au processus de formation?
Ainsi se justifie la notion d'évaluation formative, proposée en 1967 par Michael Scriven à propos de
l'évaluation des curricula puis étendue en 1971 par Benjamin S. Bloom à l'évaluation des élèves et des
étudiants. On désigne comme formative une évaluation qui joue un rôle de régulation des
apprentissages. Qu'il s'agisse de programmes d'études, ou d'apprentissages scolaires, l'objectif essentiel
est de les améliorer. L'évaluation contribue, par les informations qu'elle apporte, à une bonne régulation
du processus concerné. S'il s'agit d'un processus d'apprentissage, le but est de guider l'élève, de lui
permettre de reconnaître, de comprendre et de corriger lui-même ses erreurs (fonction corrective), de
l'informer sur les étapes franchies ou non, tout en informant l'enseignant sur les effets réels de son
action pédagogique (fonction régulatrice).
L'évaluation décrite comme formative présente ainsi trois caractères principaux. Elle s'inscrit dans la
durée d'une action pédagogique (intégration au processus). Elle se met délibérément au service de la fin
poursuivie dans le contexte de sa mise en œuvre (subordination à l'action éducative et de formation).
Elle se propose moins de dire la réalité telle qu'elle est que de l'aider à devenir ce qu'elle pourrait être
(visée transformatrice).
Cependant «rien n'est joué». Et l'ambition fondatrice de l'évaluation formative - qui est de se centrer sur
l'élève pour mieux le connaître, afin de mieux l’aider à apprendre - ne s'est pas vraiment traduite dans
les faits. L'évaluation formative correspond à des pratiques qui sont davantage prônées, et rêvées, que
réelles.
Le modèle de l'évaluation formative est un modèle idéal. Et sans doute parle-t-on d'autant plus de cette
forme de pratique que l'on déplore que tant de formateurs ou d'enseignants se refusent à l'adopter...
En effet, si l'essentiel est d'aider l'élève à repérer, analyser et comprendre ses erreurs pour ne plus les
commettre, l'évaluateur doit disposer d'un modèle théorique rendant possible cette analyse et, plus
généralement, d'un modèle du fonctionnement cognitif de l'élève. Les progrès de l'évaluation sont de ce
point de vue suspendus aux progrès de la science cognitive. Il devient nécessaire de maîtriser des
savoirs nombreux et complexes pour bien évaluer. Le discours sur l'évaluation formative n'est
précisément qu'un discours pédagogique. Son intérêt est sans doute moins de décrire ce qui doit être
absolument réalisé, que d'offrir une perspective pour penser la pratique.
En troisième lieu, l'objectif de l'évaluation formative est de progresser vers la transparence, qu'il s'agisse
des comportements analysés aussi bien que des procédures utilisées.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
Mais un excès de transparence ne risque-t-il pas d'être dommageable Pour le sujet ainsi mis à nu?
Faut-il vouloir tout analyser, et tout dévoiler? Enfin, de cette manière, ne va-t-on pas perdre son temps ?
Si l'évaluation est au service de la pédagogie, au lieu de passer son temps à évaluer, ne faudrait-il. pas
mieux agir? C'est la question du sens même de l'acte d'évaluation qui se trouve posée. Cette question a
été au cœur des recherches « compréhensives ».
L'évaluation est un acte qui se situe dans le cadre d'un rapport social de communication. On peut alors
décrire les différents usages sociaux de cette activité. Mais la question a d'emblée une dimension
théorique, ou analytique.
En effet, pour évaluer il faut soit posséder, soit construire à cet effet, un référent, constitué pour
l'essentiel par un ensemble de critères qui spécifient ce que l'on estime être légitimement en droit
d'attendre de l'apprenant; et lire ce réel à partir de cette grille en recherchant des signes (les indicateurs)
susceptibles de témoigner de la satisfaction de l'attente, et dont l'ensemble constituera le référé de
l'évaluation. Par exemple, on attend d'un élève de 6e qu'il sache tirer des informations ponctuelles d'un
écrit (référent), et on constate qu'il a exécuté de façon satisfaisante un exercice l'invitant à retrouver
dans le texte des indicateurs de lieux et de temps, et à dresser une liste de personnages (référé).
L'évaluation est bien ainsi une opération de lecture orientée de la réalité, qui suppose une série
d'impératifs. L'enseignant ou le formateur ont à préciser leur projet en termes de compétences attendues,
dont la légitimité s'appréciera d'un triple point de vue : scientifique (l'attente est-elle conforme à ce que
la psychologie cognitive du développement nous apprend d'un élève de cet âge?) ; institutionnel (respect
des textes réglementaires et institutions officielles ?) et idéologique (est-ce bien cela qu'il faut
socialement souhaiter?).
Le processus évaluatif, c'est-à-dire l'ensemble des activités et démarches décrites ci-dessus, pourra être
mis au service :
• d'un acte de certification comme valider des acquis ou accorder un diplôme (l'évaluation, dite alors
certificative, est le plus souvent terminale, bien qu'elle puisse reposer sur un contrôle continu; elle a
pour fonction de vérifier, afin de pouvoir l'attester, la « présence » des compétences visées);
• d'un acte d'orientation qui tend à harmoniser les particularités d'un individu et les exigences d'une
filière de formation (à cette fin, l'évaluation s'efforce d'être diagnostique, c'est-à-dire de faire un
bilan des difficultés et lacunes d'un côté, des acquis et potentialités de l'autre);
• d'un acte de régulation qui permet un ajustement ou une réorientation de l'action pédagogique
elle-même, ce qui n'est vraiment possible que dans la mesure où l'évaluation est devenue formative
On comprend, en fonction de la pluralité de ses usages sociaux possibles, que l'activité évaluative puisse
osciller entre le contrôle (simple vérification de la présence de ce qui était attendu) et l'interprétation
(effort fait pour rendre intelligible la réalité concrète examinée).
L'évaluation efficace est celle qui atteint son but. Bien évaluer, c'est en premier lieu comprendre ce que
l'on fait, pourquoi on le fait. La difficulté est de savoir de quel point de vue il faut se placer pour
trancher de la pertinence d'une pratique. Voilà sans doute un acquis fondamental des trente dernières
années : il n'y a pas d'évaluation correcte en soi dans l'absolu. Mais il y a des évaluations pertinentes, en
fonction d'une intention donnée et pour un usage social précis. C'est sans doute pourquoi le discours sur
l'évaluation formative est devenu dominant dans le champ de la pédagogie. L'évaluation formative est
l'évaluation que l'on pourra dire «pédagogiquement correcte» (comme on dirait «politiquement
correcte»), dans la mesure où les enseignants et les formateurs ont pour tâche de contribuer au
développement positif des élèves et des formés en facilitant leurs apprentissages. C'est cet objectif`
pédagogique qui donne son sens à l'évaluation formative comme objectif à atteindre, laquelle s'intègre
au processus pédagogique qu'elle éclaire. Et l'évaluation efficace est celle qui éclaire bien, d'où la
nécessité d'expliciter les attentes en termes de compétences, d'analyser et d'interpréter les erreurs,
d'identifier les caractéristiques des apprenants, de faire un diagnostic précis des acquis et des lacunes,
des forces et des faiblesses de chacun.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
Nous ne prendrons que les trois grandes questions «vives» autour desquelles se sont cristallisées les
interrogations, et qui correspondent, en fait, à trois grandes alternatives.
1. Mesurer ou interpréter?
A l'époque de la docimologie naissante, et encore pleine d'espoir, le dilemme paraissait être : mesurer
correctement ou disparaître. Faut-il dire aujourd'hui: interpréter correctement ou disparaître ? En ce
sens, avec l'évaluation formative, c'est bien ce second dilemme qui est d'actualité. Toutefois, beaucoup
de formateurs et enseignants, et encore Plus de parents, ont du mal à se détourner de l'idéal de la mesure
«objective». Si bien qu'aujourd'hui, les évaluateurs paraissent écartelés entre un fait et un impératif. Le
fait, c'est l'absence de fiabilité des notes, que de nouvelles recherches viennent constamment rappeler au
bon souvenir de ceux qui voudraient l'oublier. Et l'impératif, c'est d'apprécier le plus objectivement
possible le degré d'atteinte des objectifs pédagogiques ou sociaux assignés aux apprenants ou aux
formés. Il est toujours fréquent que des évaluations reposent ainsi sur des relevés quantitatifs
(pourcentages, notes, moyennes, etc.). Or, «avant d’interpréter ces résultats, il est toujours nécessaire
d'examiner s'ils méritent effectivement d'être pris en considération». Cependant, pour évaluer, il faut
bien à la fois observer, le plus rigoureusement possible, et interpréter, le plus pertinemment possible.
2. juger ou informer ?
Selon Jean Cardinet, à un paradigme décisionnel (mesurer, juger, décider), a succédé un paradigme
informationnel (apporter de l'information utile à l'apprenant pour faciliter ses apprentissages). Le
premier paradigme s'est incarné dans les figures de l'évaluation comparative (pratiques de classement
fondées sur des techniques psychométriques), puis critériée (régulation de la pédagogie par un retour
fonctionnel d'information). Le second, dans les figures de l'évaluation correctrice (on fournit un modèle
approprié), puis enfin conscientisante (on fournit des repères permettant à l'apprenant de s'auto-évaluer
correctement). A cette dernière figure correspond ce qui a été désigné comme «évaluation formatrice»,
laquelle fait pratiquement disparaître ce qui serait un jugement formulé par un évaluateur externe, au
profit d'une participation au mouvement d'autonomisation des apprenants. C'est pourquoi il y aurait heu
désormais d'«évaluer sans juger» (10), une évaluation descriptive étant la seule qui soit compatible avec
une relation d'aide: « L'évaluation formative souhaitable est un retour d'information multidirectionnel,
s'adressant à L'élève, au lieu de porter sur l'élève. » Non plus juger pour décider mais informer, pour
aider.
En premier lieu, il s'agit moins pour l'évaluateur de prendre l'élève comme objet, que de l'aider à devenir
sujet. En second lieu, et dans le même sens, le jugement de l'évaluateur a tout à gagner à s'éloigner de ce
qui ressemblerait au verdict rendu par un tribunal. L'évaluateur ne juge pas une personne, mais juge (ou
l'aide à juger) de la façon dont elle s'est rapprochée (ou non) d'un but.
3. Evaluer ou agir?
L'évaluation implique toujours, d'une certaine façon, un arrêt (même bref) dans le mouvement (de
réalisation d'un projet, de progression vers un but). Ne vaudrait-il pas mieux alors évaluer moins et agir
plus? Le glissement progressif de l'évaluation vers la pédagogie durant les trente dernières années, du
souci de saisir à celui d'aider, traduit bien cette relative désaffection pour une
évaluation perçue comme une inutile perte de temps au profit d'une activité didactique se mettant plus
rationnellement et efficacement au service des apprentissages. Mais le choix est-il vraiment entre
évaluation et pédagogie? Il convient en effet de se méfier de l'activisme évaluatif, et de refuser une
frénésie évaluative qui ne serait plus qu'un alibi pour l'inaction et l'immobilisme (plus on évalue, moins
les élèves progressent ... ). Mais une évaluation qui présenterait le triple caractère d'être
«compréhensive» (capable d'interpréter la situation «mesurée»), «conscientisante» (fournissant des
repères éclairants à l'élève au lieu de le tancer), et «formatrice» (préoccupée de donner les outils de la
réussite) ne serait-elle pas le plus bel auxiliaire et le premier moyen d'une pédagogie enfin efficace?
Quelques définitions
Concept
Les théories de la connaissance s’accordent généralement à reconnaître qu’il y a essentiellement, dans l’être
humain, deux modes de connaissances de la réalité :
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
• l’un qui porte directement sur le concret, saisi dans sa singularité : ce mode caractérise l’intuition.
• l’autre qui n’atteint le réel qu’à travers des déterminations de caractère abstrait (séparées des individus
concrets en lesquels elles peuvent éventuellement se trouver réalisées) : ce mode caractérise la connaissance
par concepts.
Kant définit l’intuition comme le mode par lequel la connaissance «se rapporte immédiatement aux objets et
auquel tend toute pensée comme au but en vue duquel elle est le moyen». On pourrait, en utilisant le terme
général de représentation pour caractériser la connaissance, dire que l’intuition est une représentation singulière
(c’est-à-dire portant sur le singulier) et que le concept est une représentation générale.
Les concepts se distinguent de l’intuition sensible, concrète et singulière, par leur caractère abstrait et universel.
Concepts et abstraction
Abstraire consiste à sélectionner, parmi les différents traits que peut posséder un objet, ceux qui sont pertinents
pour décider de l’appartenance ou de la non-appartenance de l’objet à une classe déterminée. Les différents
objets appartenant à la classe, qui est désignée par un symbole (ordinairement un mot), constituent l’extension du
concept. Les traits pertinents et les relations qui existent entre eux constituent la définition du concept.
Exemple :
On peut définir le carré par la conjonction de trois traits: avoir quatre côtés, avoir des côtés égaux, avoir quatre angles droits. L’examen de la
présence de ces trois traits est nécessaire pour décider si une figure donnée est ou non un carré. Un objet carré peut avoir bien d’autres traits:
il peut être grand ou petit, de telle ou telle couleur, construit avec tel matériau, être épais ou mince, etc. Tous ces traits sont dits non
pertinents par rapport au concept de carré: ils n’ont pas à intervenir pour décider si un objet est carré ou non.
Pour de nombreux concepts, les différents objets qui en sont des exemplaires ne sont pas équivalents pour
représenter le concept ; certains exemplaires sont prototypiques : Certaines propriétés ne sont pas nécessaires à la
définition du concept mais se trouvent plus souvent présentes que d’autres parmi les exemplaires du concept.
Exemple :
Le nombre de pieds n’est pas pertinent pour définir une table; néanmoins une table à quatre pieds est plus représentative d’une table qu’une
table à un seul pied.
Le prototype représente en quelque sorte le centre de gravité des exemplaires: c’est l’exemplaire dont la distance
moyenne aux autres est la moindre.
Beaucoup de concepts sont définis à partir d’autres concepts; c’est le cas, en particulier, des concepts
scientifiques. Les concepts mathématiques en sont les exemples les plus remarquables, puisqu’ils font l’objet
d’une définition constructive: ils sont définis à partir de primitives, d’éléments déjà définis et de relations entre
ces différents éléments. Les autres sciences procèdent de façon analogue.
Il peut y avoir de profondes divergences entre le concept scientifique et les conceptions spontanées, lesquelles
sont acquises à partir d’exemples et reposent en général sur des prototypes.
Exemple :
La division est souvent conçue comme une opération produisant une quantité plus petite (à cause du prototype du partage, alors qu’en
mathématiques la division exprime le rapport de deux quantités, de sorte que le quotient peut être supérieur au dividende: c’est le cas si le
diviseur est inférieur à 1).
Intelligence
L’intelligence représente la fonction par laquelle l’homme a essayé de se définir dans l’échelle des êtres, c’est-à-
dire de se situer par rapport à son inférieur, l’animal, et par rapport à son supérieur, la divinité. Dans la tradition
occidentale, l’homme s’est toujours considéré comme un entre-deux participant de deux règnes (l’ange et la
bête), mais, comme sa parenté avec le divin est moins manifeste que son appartenance au règne animal, il s’est
constamment efforcé de dégager ce qui le distingue de l’animal et ce qui le rapproche de la divinité. C’est dans
ce contexte que s’est développée la notion d’intelligence, conçue comme fonction spécifique de l’homme. Il en
résulte que, par rapport à l’animal et aux fonctions qui le caractérisent, l’intelligence a été définie par différence ,
tandis que vis-à-vis de la divinité l’intelligence a été définie par ressemblance .
L’héritage philosophique
Dans le contexte philosophique où l’on définit l’intelligence à la fois par différence et par ressemblance, on
oppose la plasticité de cette fonction à la stéréotypie de l’habitude :
• Aux circuits courts et rigides que met en œuvre l’instinct pour atteindre ses buts on oppose les circuits longs
et modifiables qu’élabore l’intelligence pour parvenir aux siens.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
• À la passivité de la perception subissant le réel qui impose la contrainte de sa présence on oppose la liberté
de l’intelligence qui, dans son activité d’abstraction, opère une sélection dans ce qui lui est livré par les sens
et isole ce qui est donné sous forme non dissociée dans la perception.
• À l’immédiateté de la perception qui fournit des images du réel comme par impression, on oppose la
capacité qu’a l’intelligence de construire des objets abstraits, qui ne sont pas des copies des objets réels, et
de composer ces objets en systèmes qui constituent des univers autres que celui du réel. Ces constructions
obéissent à des règles: les mathématiques et la logique en sont les exemples les plus achevés, mais les règles
sont présentes dans toutes les constructions abstraites, composition littéraire ou artistique, jeux de toutes
sortes dans lesquels s’exerce l’ingéniosité des humains.
On n’est pas en mesure de donner en psychologie une définition de l’intelligence. Il est possible en effet que les
mécanismes qui déterminent les différentes activités que l’on s’accorde à qualifier d’intelligentes constituent des
groupes de mécanismes indépendants, et il n’y aurait plus de sens alors à parler de fonction unique. (voir
Théorie des intelligences multiples – page 22 )
En fait, il y a un certain nombre d’activités entre lesquelles on s’est accordé jusque-là à établir une parenté : on
peut alors caractériser le plus précisément possible ces activités pour que l’on sache exactement de quoi on parle.
Cela n’est pas une définition de l’intelligence, mais une délimitation du champ des activités auxquelles on
accorde actuellement la dénomination d’ « intelligentes ». C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la
boutade attribuée à Alfred Binet : « L’intelligence, c’est ce que mesure mon test. ». On pourrait s’étonner que
l’on puisse prétendre mesurer ce que l’on n’a pas préalablement défini. Ce serait confondre la définition, qui
suppose une théorie et ne peut être donnée que lorsque la science est faite, et la délimitation du champ, laquelle
n’appartient pas à la science. On a commencé de guérir avant d’être en mesure de définir ce que sont la santé et
la maladie (définition que la médecine n’est pas encore en état de donner)…
Ø L’approche psychométrique est la plus ancienne. Elle consiste à définir les composantes de l’intelligence à
partir de l’étude des différences interindividuelles. Les données de base, les performances aux tests, sont
analysées au moyen de l’analyse factorielle, qui consiste à rechercher un système d’axes orthogonaux tels
qu’on puisse situer par rapport à eux les différentes épreuves d’une manière qui rende compte des
corrélations qu’elles ont entre elles. Les tests utilisent des questions simples, aisément quantifiables, et font
l’objet d’une analyse extensive et comparative.
Cette méthode a permis de dégager un certain nombre de composantes (ou facteurs) de l’intelligence:
û un facteur général, qui reflète le type de compétence commun aux différentes épreuves et qui est le
mieux représenté par des épreuves de découverte et de combinaison de relations,
û des facteurs spécifiques, par exemple les facteurs verbal, numérique, spatial.
L’approche différentielle de l’intelligence met l’accent actuellement sur ce qu’on appelle les styles cognitifs.
Ce sont des caractéristiques qui concernent le fonctionnement cognitif plutôt que des compétences
spécifiques. Ainsi, la notion de dépendance-indépendance à l’égard du champ définit une attitude globaliste
et une attitude analytique dans l’abord des situations. Dans le premier cas, l’attention est centrée sur la
configuration globale des éléments, lesquels ne sont pas considérés indépendamment du contexte des autres
éléments. La seconde attitude vise plutôt à distinguer, à isoler des éléments, dont on recherche ensuite
comment ils sont reliés.
Ø Selon la théorie structurale de Piaget , l’activité intelligente a sa source dans l’action : l’acte mental est une
action intériorisée, une action réalisée virtuellement, représentée. À l’égal de l’action matérielle, une action
mentale est une transformation qui fait passer d’un état de départ à un état terminal. Ce qui caractérise
chaque stade de développement, c’est la façon dont sont organisées les actions mentales. Le moment décisif
est celui où l’action mentale devient réversible, c’est-à-dire le moment où, à la transformation de la réalité
que définit cette action, est associée la transformation inverse qui permet de revenir mentalement au point de
départ. Cela suppose que les actions aient une structure analogue à la structure mathématique de groupe: il
faut composer l’action directe avec l’action inverse pour obtenir l’opération nulle, de même que, lorsqu’on
ajoute un nombre et son opposé, le résultat est équivalent à celui de l’opération nulle. C’est par l’existence
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
de cette structure que Piaget explique l’acquisition de la notion de conservation où l’action directe et l’action
inverse sont coordonnées entre elles et apparaissent comme les deux faces d’une même action.
Ø L’approche du traitement de l’information consiste à voir dans les conduites intelligentes des opérations de
traitement d’information et à rechercher, pour une tâche donnée, un ensemble d’opérations de traitement qui
simulent le comportement des sujets dans cette tâche. Généralement, on cherche à définir un équivalent de
ces opérations à partir des manipulations d’informations que fait un ordinateur. Cela permet de construire un
programme qui réalise une simulation sur un ordinateur; et l’on peut comparer les productions du
programme avec le comportement des sujets que l’on a observés. Si les sorties du programme sont
suffisamment proches des actions des sujets, on considère que les mécanismes de traitement introduits dans
le programme constituent un modèle plausible des mécanismes de traitement de l’individu.
Cette approche conduit à une analyse beaucoup plus poussée des opérations cognitives que dans la
psychométrie ou la perspective piagétienne. Ainsi, on a pu montrer que la sériation des longueurs et la
sériation des poids, qui selon Piaget relèvent des mêmes structures opératoires, ne requièrent pas en fait les
mêmes opérations de pensée, dans la mesure où les comparaisons entre éléments ne peuvent être réalisées
que successivement dans le second cas, alors qu’elles peuvent être faites de façon quasi simultanée dans le
premier. Des inférences supplémentaires sont nécessaires, ce qui permet d’expliquer, d’une part, que les
deux tâches ne présentent pas la même difficulté, d’autre part, que les procédures utilisées
préférentiellement pour les résoudre ne sont pas les mêmes.
Actuellement, l’analyse des tests et l’étude du développement de l’intelligence sont reprises dans la
perspective du traitement de l’information.
Une idée centrale de la théorie des intelligences multiples est que chacune d'elles est autonome, indépendante
des autres. Ce qui signifie qu'un individu peut avoir telle intelligence développée et telle autre faible.
L'intelligence musicale
L'autonomie de cette intelligence est mise en évidence par le cas de certains enfants autistes capables de très bien
jouer d'un instrument. Par ailleurs, certaines zones cérébrales, situées dans l'hémisphère droit, jouent un rôle
important dans la perception et la production de la musique.
L'intelligence kinesthésique
C'est l'intelligence favorisant une utilisation précise de son corps pour effectuer tel ou tel geste. Elle est
particulièrement présente chez des sportifs tels que les footballeurs ou les tennismen, ou chez des artistes tels que
les danseurs, les comédiens et les mimes.
L'intelligence logico-mathématique
C'est ce que l'on appelle habituellement l'intelligence, le raisonnement logico-mathématique constituant la base
des tests de QI. Elle est particulièrement présente chez les chercheurs scientifiques. Le cas des « idiots-savants »,
capables d'exploits en matière de calcul tout en étant fortement déficients dans d'autres domaines, démontre
l'autonomie de cette intelligence.
L'intelligence langagière
Poètes et écrivains sont très doués dans cette intelligence. Une zone particulière du cerveau, appelée " l'aire de
Broca » est le lieu de production des constructions grammaticales. Une personne présentant des lésions de cette
zone éprouvera de grandes difficultés à former une phrase un peu complexe, alors que ses autres facultés
mentales seront préservées.
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Parmi les ouvrages de H. Gardner traduits en français
• Les Intelligences multiples, Retz, 1996;
• L'intelligence et l'Ecole : la pensée de l'enfant et les crises de l'enseignement, Retz, 1996.
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Les difficultés d’apprentissage de l’enfant et de l’adolescent D/A1-2
L'intelligence spatiale
Cette intelligence est particulièrement présente chez des artistes tels que les sculpteurs et les peintres. C'est
surtout l'hémisphère droit qui gouverne les processus spatiaux. Ainsi, des lésions des zones postérieures de
l'hémisphère droit altèrent le sens de l'orientation.
L'intelligence interpersonnelle
C'est l'intelligence des personnes « intuitives », qui leur permet d'être très sensibles aux différences d'humeur, de
motivation et d'intention des autres. Le lobe frontal joue un rôle majeur dans cette compétence.
L'intelligence intrapersonnelle
Il s'agit de l'aptitude à la connaissance introspective de soi, la capacité d'analyse de ses émotions et sentiments,
ce qui permet de mieux orienter son comportement. Là encore, les lobes frontaux sont très actifs dans cette
intelligence. Des lésions de la partie inférieure des lobes frontaux provoquent souvent de l'irritabilité ou de
l'euphorie, tandis que des lésions supérieures produisent plutôt de l'indifférence et de l'apathie.
H. Gardner a récemment ajouté une huitième intelligence et émis l'hypothèse d'une neuvième :
L'intelligence naturaliste
Elle concerne la capacité de reconnaître et distinguer entre telle et telle plante, ou tel ou tel animal, par exemple,
entre une tourterelle et un pigeon. Ainsi, Darwin possédait une remarquable intelligence naturaliste.
L'intelligence existentielle
C'est la capacité humaine de poser des questions sur des problèmes fondamentaux de l'existence, tels que « d'où
venonsnous ? », « de quoi est constitué le monde ? », ou encore « pourquoi mourons-nous ? ».
H. Gardner n'a cependant pas encore pris en compte cette intelligence en raison de l'absence actuelle de preuves
concernant sa base neurologique.
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