LL N°3: La Mort de Raphaël
LL N°3: La Mort de Raphaël
LL N°3: La Mort de Raphaël
La jeune fille crut Valentin devenu fou, elle prit le talisman, et alla chercher la
lampe. Éclairée par la lueur vacillante qui se projetait également sur Raphaël et sur
le talisman, elle examina très attentivement et le visage de son amant et la dernière
parcelle de la Peau magique. En la voyant belle de terreur et d’amour, il ne fut plus
maître de sa pensée : les souvenirs des scènes caressantes et des joies délirantes
de sa passion triomphèrent dans son âme depuis longtemps endormie, et s’y
réveillèrent comme un foyer mal éteint.
« Pauline, viens ! Pauline ! »
Un cri terrible sortit du gosier de la jeune fille, ses yeux se dilatèrent, ses
sourcils, violemment tirés par une douleur inouïe, s’écartèrent avec horreur, elle lisait
dans les yeux de Raphaël un de ces désirs furieux, jadis sa gloire à elle ; mais à
mesure que grandissait ce désir, la Peau, en se contractant, lui chatouillait la main.
Sans réfléchir, elle s’enfuit dans le salon voisin dont elle ferma la porte.
« Pauline ! Pauline ! cria le moribond en courant après elle, je t’aime, je
t’adore, je te veux ! Je te maudis, si tu ne m’ouvres ! Je veux mourir à toi ! »
Par une force singulière, dernier éclat de vie, il jeta la porte à terre, et vit sa
maîtresse à demi nue se roulant sur un canapé. Pauline avait tenté vainement de se
déchirer le sein, et pour se donner une prompte mort, elle cherchait à s’étrangler
avec son châle. « Si je meurs, il vivra ! » disait-elle en tâchant vainement de serrer le
nœud. Ses cheveux étaient épars, ses épaules nues, ses vêtements en désordre, et
dans cette lutte avec la mort, les yeux en pleurs, le visage enflammé, se tordant
sous un horrible désespoir, elle présentait à Raphaël, ivre d’amour, mille beautés qui
augmentèrent son délire ; il se jeta sur elle avec la légèreté d’un oiseau de proie,
brisa le châle, et voulut la prendre dans ses bras.
Le moribond chercha des paroles pour exprimer le désir qui dévorait toutes
ses forces ; mais il ne trouva que les sons étranglés du râle dans sa poitrine, dont
chaque respiration creusée plus avant semblait partir de ses entrailles. Enfin, ne
pouvant bientôt plus former de sons, il mordit Pauline au sein. Jonathas se présenta
tout épouvanté des cris qu’il entendait, et tenta d’arracher à la jeune fille le cadavre
sur lequel elle s’était accroupie dans un coin.
3 mvts :
1. Une scène tragique (l.1 à 13)
2. Une scène entre mort et érotisme (l.14 à 24)
3. La mort du héros (l.25 à la fin)
Les premières phrases instaurent une scène en clair-obscur, ce procédé pictural qui
repose sur le contraste entre parties sombres et parties éclairées du tableau. De
plus, cette scène met en lumière les visages, celui de Pauline et celui de Raphaël, et
cet objet si particulier qu’est la peau de chagrin. Enfin, le visage de Pauline est très
expressif : « terreur » et « amour ». Pauline, malgré sa « terreur », reste raisonnable
et concentrée, elle cherche à vérifier son hypothèse (Valentin est devenu fou). Le
verbe « examina » et l’adverbe « attentivement », renforcé par « très » (superlatif
absolu) montrent qu’elle garde encore son sang-froid et veut comprendre. La
majuscule personnifie la Peau, mettant ainsi l’accent sur ses pouvoirs surnaturels.
● En la voyant belle de terreur et d’amour, il ne fut plus maître de sa pensée : les souvenirs des
scènes caressantes et des joies délirantes de sa passion triomphèrent dans son âme depuis
longtemps endormie, et s’y réveillèrent comme un foyer mal éteint.
● Un cri terrible sortit du gosier de la jeune fille, ses yeux se dilatèrent, ses sourcils,
violemment tirés par une douleur inouïe, s’écartèrent avec horreur, elle lisait dans les
yeux de Raphaël un de ces désirs furieux, jadis sa gloire à elle ; mais à mesure que
grandissait ce désir, la Peau, en se contractant, lui chatouillait la main. Sans réfléchir,
elle s’enfuit dans le salon voisin dont elle ferma la porte.
Bilan 1er mvt : Raphaël tente de lutter contre son désir pour rester en vie, mais
il ne peut résister face à la beauté de Pauline. Le texte suggère ainsi
l’impossibilité de l’ascèse préconisée par l’antiquaire au but du roman.
.
2. Une scène entre mort et érotisme (l.14 à l.24)
● Par une force singulière, dernier éclat de vie, il jeta la porte à terre, et vit sa
maîtresse à demi nue se roulant sur un canapé. Pauline avait tenté vainement de se
déchirer le sein, et pour se donner une prompte mort, elle cherchait à s’étrangler
avec son châle. « Si je meurs, il vivra ! » disait-elle en tâchant vainement de serrer le
nœud. Ses cheveux étaient épars, ses épaules nues, ses vêtements en désordre, et
dans cette lutte avec la mort, les yeux en pleurs, le visage enflammé, se tordant sous
un horrible désespoir, elle présentait à Raphaël, ivre d’amour, mille beautés qui
augmentèrent son délire ; il se jeta sur elle avec la légèreté d’un oiseau de proie,
brisa le châle, et voulut la prendre dans ses bras.
● Le moribond
Pour la 2nde fois, le narrateur désigne Raphaël par le mot « moribond » qui montre
Raphaël agonisant. L’emploi de ce terme accentue le pathétique et le côté macabre
du texte. Il n’est plus question de la Peau qui disparaît en même temps que le héros
meurt.
Conclusion :
Avec cette fin, c’est le romanesque qui triomphe : d’une part, ce passage réunit les
diverses ressources de la fiction (narration, description et dialogue) et d’autre part, il
propose une évolution rapide mais précise et détaillée vers la situation finale. Enfin,
il met en jeu des émotions très fortes.
Ce dénouement relève du romantisme (à l’image de Raphaël), différentes tonalités
sont mêlées, le fantastique, le tragique et le pathétique.