Es 328
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chaussée de Haecht 579 - boîte postale 40, 1031 Bruxelles. Crédit photo : Fotolia
du tabac
UN MENSUEL AU SERVICE
Christian De Bock
www.educationsante.be
contre le lobby
40 ans de lutte
328
INITIATIVES
40 ans de lutte contre le lobby du tabac
Christian De Bock
Le 5 octobre, notre compatriote Luk Joossens, expert de renommée mondiale en prévention tabac, a pris sa retraite.
La Fondation contre le Cancer a organisé en son honneur une séance académique relevée par la présence de plusieurs
de ses collègues experts européens en matière de décryptage des stratégies souvent très subtiles de l’industrie du tabac
pour contrer toute entrave à son développement.
De l’émotion
Impossible de mettre des bâtons dans les
roues à Big Tobacco sans l’appui de politiciens
insensibles aux sirènes et aux chantages divers
(économie, emploi, liberté, etc.).
Louis Vanvelthoven, ancien parlementaire
socialiste flamand, nous raconta ensuite
la bataille pour instaurer l’interdiction de la
publicité en faveur des produits du tabac dans
notre pays. Récit très vivant d’un ancien fumeur
1 Dont l’auteur déplore le rôle qu’il a joué dans la désinformation de l’opinion publique au moment où l’interdiction de fumer dans les cafés était en débat. Au crédit des politiciens socialistes francophones, Joossens place en
tête du palmarès des Ministres de la Santé (période 1977-2016) Rudy Demotte (de 2003 à 2007), auquel il accorde une grande distinction : « Il a déjà un plan tabac après 6 mois. Il instaure l’interdiction de fumer dans les
restaurants. Il fait en sorte que la Belgique soit le premier pays européen à imposer sur les emballages des photos choc des conséquences du tabagisme. »
Ce rendez-vous annuel incontournable pour quelque 20.000 professionnels de l’éducation a pris place à Charleroi
à la mi-octobre. Le Salon Éducation, ce sont 5 jours, 200 exposants du monde de l’édition scolaire et pédagogique,
de la culture, du voyage organisé, du multimédia, de la prévention, de la formation, etc. Ce sont aussi des conférences
et ateliers animés par des chercheurs et experts sur les thématiques, cette année, de l’éducation positive, des enfants
à besoins spécifiques, de la violence et du harcèlement, et bien d’autres thèmes encore.
Depuis trois ans, un projet de réduction des risques (RdR) liés à la surconsommation d’alcool en milieu étudiant est mis
en place par l’asbl Modus Vivendi avec le soutien de la COCOF.
Les Presses de l’Université Laval, à Québec, viennent de publier un ouvrage collectif intitulé La santé communautaire en 4 actes.
Lecture attentive (mais non exhaustive 1) d’un ouvrage foisonnant.
Dès les premières lignes du prologue, Bernard campagne, les sentiers non battus.
Roy situe les enjeux en évoquant sa conviction, Anne Plourde (pp. 24-28) fait appel à deux
il y a vingt ans d’ici, « qu’une distinction modèles de prestation des soins de santé nés au
fondamentale existait entre santé publique et Québec au tournant des années 60-70 : celui de
santé communautaire ». (Houlà, ça va déplaire la Clinique Communautaire, initiative citoyenne
à certains.) Il travaillait alors comme infirmier caractéristique d’une contestation du système
auprès d’habitants dans une réserve indienne, et de la culture médicales, et celui des CLSC 4,
au Canada. Mais, un jour, le vieux William « initiative bureaucratique et gouvernementale ».
lui demande : « Pourquoi me nommes-tu La Clinique Communautaire de Pointe-Saint-
Montagnais, Indien ou Amérindien ? Ce sont Charles, qu’étudie plus particulièrement l’auteure,
les Blancs qui nous nomment ainsi. Je suis un se caractérise par quatre traits spécifiques : une
Innu. C’est ainsi que nous nous nommons entre critique radicale de la médecine libérale, une
nous... Innus ! » remise en question de l’organisation hiérarchique
Quelque chose d’essentiel est déjà dit : le du travail, un mode de gestion résolument
travail communautaire, ça commence par se démocratique, et surtout un refus de la
décentrer, prendre distance avec son statut de médicalisation des problèmes de santé, qui sont
professionnel ou d’expert, se demander à qui situer mon point de vue, les fidèles lecteurs de envisagés dans une perspective socio-politique.
on s’adresse, comment on leur parle, à ‘ces cette revue fouilleront dans leur collection pour Oufti, ça ne nous rappellerait pas les débuts des
gens-là’, habitants, patients, usagers. Comment y trouver un article que j’ai publié jadis (no 153, maisons médicales en Belgique ? Mais l’auteure
on parle d’eux. Comment ils parlent d’eux et novembre 2000, pp. 10-12) et dont je ne renie pointe que les initiatives communautaires elles-
entre eux. S’interroger. Écouter. « Je prenais la pas une syllabe. Ah, désolé : il n’est pas sur le mêmes ont leurs limites, s’institutionnalisent et
mesure de mon ignorance envers ces gens que, site...2 En revanche, on peut en trouver deux tendent à perdre leur caractère radical.
sans discernement et assurément bien à l’aise, autres, plus récents, sur bruxellessante.org 3. Amélie Perron (pp. 29-33) note d’emblée que
je nommais autochtones. J’ignorais tout de leurs Précisons quand même que, pour moi, l’adjectif la confusion persiste entre les termes de santé
rêves, de leurs espoirs et désespoirs, de leurs ‘communautaire’ ne renvoie pas à un ensemble communautaire, santé publique et santé des
souffrances, de leurs victoires et défaites, de identitaire prédéterminé et fermé, mais à une populations. Ce qui me ramène en 1998 : l’asbl
leurs obligations, de leurs plaisirs et déplaisirs, dynamique collective qui se construit dans un Question Santé m’avait confié le dossier ‘santé
de leur humour, de leurs amours... J’ignorais espace social donné sur base d’intérêts ou de communautaire’ et je ne savais pas trop de quoi
leur quotidien, l’odeur du repas qui mijote, la buts communs, se développe et vit pendant une il s’agissait. Il m’a fallu deux ans de lectures,
famille attablée... » durée variable. rencontres, travaux, interventions, pour que ‘mon
D’emblée, la barre est donc placée très haut. franc tombe’, comme on dit à Bruxelles, et qu’à
Les 350 pages qui vont suivre (une cinquantaine Des repères Grande-Synthe, aux Premières Journées de
de contributions, plus de 70 auteurs) tiendront- L’introduction générale cite, pour définir la l’Institut Renaudot, je me fasse ma petite idée. Je
elles cette promesse implicite ? On va voir. Mais, santé communautaire, des « repères largement pensais que ça s’était éclairci depuis. Pas sûr.
ce genre d’ouvrage étant impossible à résumer, véhiculés » (p. 1), mais peut-être qu’ils ont été Le constat dont je suis parti en 2004 pour
je me permettrai d’aller picorer çà et là ce qui a trop véhiculés, justement : c’est l’autoroute, tout construire un module de formation/sensibilisation
retenu plus particulièrement mon attention. Pour le monde y roule ! Allons voir sur les routes de à la santé communaire (35 heures) 5 et que je
1 Je ferai notamment l’impasse sur la troisième partie, qui décrit non moins de 17 démarches de « santé communautaire » à travers le monde. À chaque lectrice ou lecteur d’y piocher selon ses centres d’intérêt.
2 Ce n’est pas tout à fait exact. La base de données des articles d’Éducation Santé a démarré en janvier 2001 (numéro 155), mais vous pouvez retrouver l’intégralité des numéros 1 à 154 en PDF via l’option Recherche-
Archives de la page d’accueil de www.educationsante.be. Y compris le texte d’Alain Cherbonnier (ndlr).
3 ‘Pratiques communautaires aujourd’hui à Bruxelles’, dossier en deux parties paru dans Bruxelles Santé à la fin 2010 (taper le titre de l’article dans le moteur de recherche du site).
http://questionsante.org/nos-publications-periodiques/bruxelles-sante/anciens-numeros/bs-59/pratiques-communautaires-aujourd-hui-a-bruxelles
4 Centres Locaux de Services Communautaires. Nous ne connaissons pas d’équivalent en Belgique francophone.
5 Ce programme, initié dans la Vienne à la demande du CRES de Poitou-Charentes, a été reconduit à cinq reprises, d’abord à Poitiers, puis deux fois à Bruxelles et deux fois dans le Brabant wallon.
VU POUR VOUS
Évaluation de la campagne ‘Partager sa vie
avec une personne séropositive, c’est possible’
Carole Feulien, d’après un rapport de la Plate-forme prévention sida
Au cours de l’hiver 2015-2016, la Plate-forme prévention sida a lancé une campagne pour plus de solidarité
et de lutte contre les discriminations envers les personnes séropositives, qu’Éducation Santé a mise en évidence
dans son numéro de janvier 1.
Aujourd’hui, elle nous propose une analyse (compréhension, lisibilité et acceptabilité des produites par la Plate-forme (à savoir la
et une synthèse de l’évaluation de cette grande messages). La visibilité globale de la campagne prévention et la sensibilisation au VIH-sida
campagne. a également été évaluée ; et autres IST).
--analyser et partager les enseignements de Pour ce faire, un post-test de la campagne a
Objectifs et méthodologie cette évaluation avec l’ensemble du secteur été effectué, par la diffusion d’un questionnaire
afin d’améliorer les processus de création et les à destination du grand public via le site internet
Objectifs d’évaluation productions des campagnes à venir. et via un envoi à toutes les personnes ayant
L’évaluation réalisée vise deux objectifs commandé un ruban rouge lors de la dernière
principaux : Méthodologie campagne. Ce questionnaire comprenait
--évaluer les outils produits dans le cadre Cette évaluation concerne les outils créés pour principalement des questions fermées et
de cette campagne, et en particulier la la campagne et d’autre part le thème de celle-ci, aussi quelques questions ouvertes. Les autres
satisfaction des bénéficiaires à leur égard qui diffère des campagnes habituellement éléments d’évaluation ont pu être récoltés
1 Voir l’article de la Plate-forme prévention sida dans Éducation Santé no 318, janvier 2016, ‘Partager sa vie avec une personne séropositive, c’est possible’ :
http://educationsante.be/article/partager-sa-vie-avec-une-personne-seropositive-cest-possible/
Les objectifs combinée aux personnes vivant avec le VIH Les outils :
--amener le public à mieux accepter la tout en leur adressant un message de soutien --7 affiches
séropositivité et en donner une image plus et de solidarité. --7 cartes postales déclinaison des affiches
positive ; Le public cible : diffusées via le réseau Boomerang
--informer le public sur les notions de prévention --grand public --1 spot radio
combinée et de charge virale indétectable ; --jeunes et adultes --1 spot vidéo
--expliquer que l’on peut avoir une vie --personnes séropositives et séronégatives. --1 dépliant avec deux visuels.
affective et sexuelle avec une personne Le message : Ces différents supports ont une double
séropositive qui suit un traitement, qui le En vivant avec une personne séropositive, vocation : d’une part, la communication
prend correctement et régulièrement, avec un on prend surtout le risque d’être amoureux, d’un message fort à travers les visuels
risque quasi nul de contamination ; d’avoir de merveilleux enfants, de vieillir et les slogans ; d’autre part, le renvoi vers
--amener le public à intégrer sans crainte les ensemble, ou encore, tout simplement, de le site internet pour avoir plus d’informations
personnes vivant avec le VIH dans la vie de prendre son pied. En d’autres mots, rejeter sur le sujet.
tous les jours ; une personne parce qu’elle vit avec le VIH,
--donner de l’information sur la prévention c’est se priver d’une belle rencontre !
grâce aux données transmises par les régies --Distribution du matériel dans le secteur
publicitaires (IP-RMB) et par le biais d’une revue sida : chacune des 7 versions de l’affiche a été
de presse relevant les articles traitant du projet. offerte en 500 exemplaires aux associations
du secteur sida.
Évaluation quantitative --Réseau publicitaire : 195.000 exemplaires
de la diffusion et de la visibilité des cartes postales ont été diffusés dans
--Spots TV et radio : en concertation avec l’asbl le réseau Boomerang via les bars, cafés,
Question Santé 2, un plan média a été proposé restaurants et cinémas de Bruxelles et
à la Commission ‘campagnes radiodiffusées’ de Wallonie. Ces cartes rappelaient les
du Conseil supérieur de promotion de la santé messages de la campagne et invitaient le
ainsi qu’à la ministre compétente. Il prévoyait public à surfer sur le site de la Plate-forme
quatre vagues de passage des spots TV et des afin d’en savoir plus. Les messages de la
spots radio, aux heures de grande écoute, de campagne ont aussi été diffusés dans le
novembre 2015 à mai 2016. réseau des métros bruxellois (290 affiches)
--Échos dans les médias : la campagne a été et le réseau des bus en région wallonne
lancée à l’occasion de la Journée Mondiale (330 affiches).
de Lutte contre le sida 2015, ce qui lui a
permis de bénéficier d’un large écho dans Évaluation qualitative
les médias. Au-delà des passages accordés auprès du grand public
traditionnellement par les radios et télévisions, Le questionnaire d’évaluation a été envoyé
une dizaine de diffusions supplémentaires du par mail à 1742 adresses de personnes ayant
spot a été offerte à la Plate-forme prévention animateurs de Radio Contact. Des articles commandé un ou plusieurs ruban(s) rouge(s)
sida sur les chaînes du groupe RTL (RTL-TVI, rédactionnels et les visuels de la campagne ont suite à la diffusion de la dernière campagne. Il a
Club RTL et Plug RTL). Des rubans rouges aussi été largement diffusés sur internet et via également été mis en ligne sur le site internet
ont également été mis à disposition de tous les réseaux sociaux. Une nette augmentation de la Plate-forme prévention sida du 6 avril
les journalistes du groupe afin de permettre à du nombre de personnes suivant la page de au 10 mai 2016. Enfin, un Sidaflash (lettre
chacun d’affirmer son soutien de façon visible. la Plate-Forme a du reste pu être observée d’information électronique hebdomadaire)
Les messages ont par ailleurs été fortement pendant cette période. Enfin, des espaces incitant les destinataires à répondre au
véhiculés sur les ondes, via le plan média mais publicitaires gratuits dans la presse ont été questionnaire a été envoyé à 1809 personnes.
aussi grâce aux capsules audio contenant un négociés pour la diffusion des visuels et Le sondage a été clôturé le 10 mai 2016 après
message de prévention, enregistrées par les d’articles de fond. avoir recueillis 290 réponses au total.
Rétention, compréhension
et acceptation du slogan
--On constate une bonne reconnaissance
du slogan de la campagne : 73 % des
personnes (n= 180) ayant déclaré avoir vu la
campagne ont pu identifier son slogan parmi
Profil des répondants 4 propositions ; --Près de 65 % des répondants (n=231) se
Caractéristiques : --Il y a également une très bonne acceptation sentent concernés par le message véhiculé par
--59 % de femmes et 41 % d’hommes ont du message : 95 % des répondants (n=232) la campagne ;
répondu au sondage ; affirment être « beaucoup » ou « plutôt » en --44 % des répondants (n=199) disent n’avoir
--sur l’ensemble des répondants, 91 % ont accord avec le message véhiculé. Toutefois, si rien fait de particulier après avoir vu un ou
déclaré être séronégatifs ; 5 % séropositifs et les répondants se sentent majoritairement en plusieurs outil(s) de la campagne ; 36 % ont
3 % ont répondu ne pas connaître leur statut accord avec celui-ci, ils émettent une crainte parlé de la campagne autour d’eux ; 25 %
sérologique ; particulière : celle que ce type de campagne ont visité le site de la Plate-forme prévention
--58 % ont entre 25 et 45 ans ; 22 % ont plus de banalise la transmission du VIH et favorise la sida ; 18 % ont recherché des informations
45 ans et 19,5 % ont moins de 25 ans ; baisse de l’utilisation de mesures préventives ; supplémentaires.
--83,5 % des répondants sont des personnes --Au niveau de la compréhension du message, Ces chiffres permettent de mettre en évidence
privées et 16,5 % sont des professionnels du 98 % des répondants (n=213) affirment le fait que la campagne a eu un impact sur plus
secteur de la santé. « plutôt » ou « tout à fait » comprendre le d’une personne sur deux l’ayant vue.
slogan de la campagne. Le message est
Visibilité de la campagne qualifié de « très clair » par un grand nombre Connaissance et compréhension
--67,5 % des répondants au questionnaire de répondants. des messages
en ligne (n=288) 3 affirment avoir vu et/ou Afin de tester leurs connaissances et leur
entendu la campagne en général ; compréhension du message, les répondants ont
--Le spot TV est l’outil le plus vu par le grand été invités à répondre par « vrai » ou « faux » (ou
public. Cela peut facilement s’expliquer par le La campagne semble « je ne sais pas ») à plusieurs affirmations 4.
fait que celui-ci a été diffusé via des canaux à globalement avoir rencontré Les réponses nous apprennent que si les
grande audience ; du succès auprès de ceux répondants affirment bien comprendre la
--Ce sont ensuite les 7 affiches et le spot radio qui l’ont remarquée. campagne et estiment, pour la plupart, que
qui ont été les plus vus/entendus avec des taux le message est clair, la méconnaissance et la
de plus de 65 % (n=179) ; confusion persistent quant à la notion de la
--Les dépliants et les cartes postales sont les Impact charge virale indétectable. Le traitement semble
outils qui ont été les moins vus. --Plus de la moitié des répondants (60 %, être perçu, pour beaucoup de personnes,
n=232) estiment que la campagne leur principalement dans ses fonctions curatives et
Appréciation générale a « beaucoup » ou « plutôt » apporté des non dans ses aspects préventifs.
--94 % des répondants (n=232) affirment que informations nouvelles, contre 40 % estimant
la campagne leur plaît « beaucoup » ou « plutôt qu’elle leur en a « plutôt pas » ou « pas du tout »
oui », alors que 6 % seulement affirment qu’elle apporté ;
3 Les réponses aux questions n’étaient pas obligatoires pour passer à la question suivante, afin d’éviter l’abandon du sondage. Ainsi chaque question a un taux de réponse qui lui est propre.
4 Par exemple : « Une personne séropositive qui a une charge virale indétectable n’a, grâce aux traitements, presque plus de virus dans son organisme » ou « Une personne séropositive peut avoir un enfant séronégatif ».
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