Synthese-Rapport Bianco
Synthese-Rapport Bianco
Synthese-Rapport Bianco
Le rapport « Lire pour comprendre et apprendre : quoi de neuf » a été commandé par le Cnesco pour
la préparation de la conférence de consensus Cnesco-IFE/ENS de Lyon : « Lire, comprendre,
apprendre : comment soutenir le développement de compétences en lecture ? » qui s’est tenue les 16
et 17 mars 2016, à Lyon. Il a été rédigé par Maryse Bianco, maître de conférences à l’université
Grenoble Alpes.
Les évolutions
Les chercheurs considèrent aujourd’hui que les deux voies de la lecture se développent
simultanément et de manière interactive sous l’influence de la construction explicite des règles de
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correspondance graphophonologiques et de l’apprentissage implicite des régularités de
l’orthographe. L’apprentissage de la lecture passe à la fois par un apprentissage implicite et un
apprentissage explicite.
L’apprentissage implicite est une forme d’apprentissage élémentaire très puissant qui survient sans
intention d’apprendre de la part de l’individu, du simple fait de l’attention qu’il porte à son
environnement.
Le système scolaire français a appris à former des élèves déchiffreurs mais qui ne deviennent pas
pour autant des lecteurs experts (des lecteurs qui lisent et comprennent suffisamment bien pour
être à même d’apprécier l’activité de lecture et d’apprendre à partir des textes qu’ils lisent). Les
enquêtes de la DEPP estiment à 20 % environ, le nombre d’élèves de 15 à 18 ans ne maîtrisant pas
suffisamment la lecture pour participer activement à la vie scolaire puis sociale. La dernière enquête
de l’OCDE montre que les écarts entre les meilleurs élèves et les plus faibles se sont creusés en
même temps que s’est renforcée la relation entre niveau de performances et niveau socio-
économique des familles.
Le rapport de 2003 soulignait que si la compréhension doit s’enseigner, il est difficile de donner des
indications claires sur la manière de s’y prendre.
La compréhension d’un texte sollicite dans un temps bref et souvent simultanément, quatre
grandes catégories d’habiletés :
l’identification des mots est un préalable et supposent que les mécanismes de
reconnaissance des mots écrits soient construits et automatisés ;
les connaissances stockées en mémoire : connaissances sur le langage et connaissances plus
générales sur le monde ;
les capacités cognitives générales : la mémoire de travail et les capacités de raisonnement
et de planification ;
des habiletés propres au traitement des textes qui permette la construction de la
cohérence des textes : savoir établir des relations entre les idées exprimées et expliciter les
relations laissées implicites dans les énoncés successifs ; contrôler sa compréhension, c’est-
à-dire savoir ce que l’on comprend ou ne comprend pas et initier le cas échéant, des
régulations au moyen de stratégies.
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Les évolutions : stratégies et automatismes de la compréhension
Comprendre un texte est une activité qui sollicite à la fois une activité délibérée, stratégique, et la
mise en œuvre d’automatismes qui dépassent largement ceux de l’identification des mots sur
lesquels insistait la conférence de 2003.
Les difficultés repérées concernaient toutes l’apprentissage initial de la lecture (lecteur centré sur
le code graphophonologique centré soit sur le sens, soit sur le code mais qui ne combine pas les
deux, qui combine code et contexte écrit sans vérification) et très logiquement les indications d’aide
aux élèves renvoyaient aux techniques à utiliser pour conduire les élèves vers une identification
précise des mots. Cependant l’apprentissage continué de la lecture va bien au-delà.
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Les catégories de lecteurs selon un modèle simple
Pour aider les élèves, il est donc nécessaire de savoir identifier et analyser les obstacles associés à la
compréhension.
Les enfants et les adolescents qui comprennent mal ce qu’ils lisent éprouvent trois difficultés
particulières :
Les faibles compreneurs disposent de connaissances langagières moins étendues et moins
approfondies. le vocabulaire, son étendue (le nombre de mots potentiellement connus par
un individu) et sa qualité (la richesse des informations formelles et sémantiques associées à
chaque mot), la maitrise des structures syntaxiques formelles, les capacités à comprendre,
rappeler et produire oralement des histoires, à effectuer des inférences, sont autant de
capacités dont la construction débute à l’oral avant même l’entrée à l’école primaire et qui
favorisent la compréhension en lecture dès le cours préparatoire mais aussi plusieurs années
après. Des difficultés précoces dans ce domaine ont des répercussions immédiates mais aussi
à plus long terme sur les performances de compréhension en lecture.
Les compreneurs faibles ne parviennent pas à une lecture suffisamment fluide des textes
qu’ils lisent, malgré des capacités correctes d’identification des mots.
Les faibles compreneurs ont des difficultés à contrôler et à réguler leur lecture.
Evidemment, un même individu peut cumuler ces trois difficultés ou se trouver en échec sur l’une ou
l’autre seulement
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L’enseignement continu de la lecture : lire et comprendre les textes
Les recherches se sont fortement développées depuis 15 ans et ont confirmé que l’enseignement
de la compréhension passe par :
un enseignement explicite et très structuré au moins pour les élèves jeunes et tout au long
de la scolarité pour ceux qui rencontrent des difficultés ;
l’utilisation du langage oral du fait de la continuité et de la parenté des mécanismes de
compréhension utilisés et du fait que la verbalisation peut rendre perceptible des processus
ou mécanismes d‘ordinaires non perceptibles.
Ces travaux s’inscrivent dans le domaine des recherches « fondées sur des données tangibles »,
autrement dit des travaux qui cherchent à estimer et comprendre. L’impact d’un dispositif
pédagogique et d’en établir les effets sur les apprentissages.
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des textes complexes et en lui proposant des raisonnements pour les surmonter. Cet enseignement
propose également des moments d’entraînement afin que les mécanismes et les stratégies appris
soient intégrés au bagage cognitif des élèves.
Par exemple, un enseignement explicite de stratégies avec des collégiens peut être conduit en deux
phases :
2. Entraînement dans le cadre d’un dispositif collaboratif : au sein de petits groupes chaque
élève joue tour à tour un rôle qui lui est attribué avant l’exercice. par exemple, un élève
conduit la séance et joue le rôle de l’enseignant ou du leader, un autre prend en charge les
stratégies de pré-lecture, un autre les stratégies à mettre en œuvre pendant la lecture, un
autre sera rapporteur devant la classe du travail effectué par le groupe…
La question de l’oral
Le travail oral est incontournable dans l’enseignement continué de la lecture pour plusieurs raisons :
acquérir une lecture fluide nécessite un entraînement oral et permet de réduire les écarts
entre les lecteurs à l’heure et les lecteurs en difficulté à l’entrée au collège (De la Haye &
Tual, 2014) ;
les mécanismes de la compréhension n’étant pas directement observables, l’oralisation est
nécessaire pour les rendre perceptibles.
- Pour l’enseignant, la verbalisation de ses propres raisonnements permet de montrer et
de guider l’élève vers l’appropriation des mécanismes. Les verbalisations des élèves lui
permettent en retour d’avoir un regard sur ce qui est acquis et sur ce qui a encore
besoin d’être renforcé et/ou révisé.
- Pour l’élève, les verbalisations de l’enseignant offrent une perception directe de ce
qu’est une expertise de lecture et de ce que sont les mécanismes et raisonnements qu’il
doit solliciter lorsqu’il est lui-même engagé dans une lecture.
- La modalité orale permet de développer la maîtrise du langage formel.
Pour être efficace et améliorer la compréhension, la discussion doit posséder des caractéristiques
précises. Elle doit être centrée sur l’analyse des textes et sur l’objectif d’enseignement poursuivi
(identifier les idées principales, intégrer et comparer des informations …). Elle doit comprendre des
questions incitant les élèves à réfléchir de manière approfondie au contenu du texte (Pourquoi ? Que
pensez-vous de..?...) et à utiliser les stratégies de compréhension qu’ils connaissent (Qu’est-ce qui
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vous fait dire cela ? En relisant, est-ce qu’on peut trouver une information qui nous aidera à résoudre
ce problème?). C’est donc évidemment, la qualité et le contenu du dialogue engagé qui importent.
Il est désormais établi que toutes les habiletés concourant au développement de la compréhension
de la lecture émergent très tôt, dès les premières années d’acquisition par l’enfant de sa langue
maternelle, mais se développent aussi sur un temps long, leur maîtrise n’étant souvent effective qu’à
la fin de l’adolescence. En outre, certains secteurs du langage – le vocabulaire par exemple –
évoluent tout au long de la vie en fonction notamment des opportunités de lecture. Ces constats ont
conduit nombre d’auteurs à soutenir que les mécanismes et procédures de la compréhension en
lecture doivent être enseignées très tôt, dès l’école maternelle et tout au long de la scolarité,
parallèlement à l’enseignement de la lecture – identification.
Apprendre en lisant
Dès la troisième année de l’école élémentaire, les activités de lecture proposées dans le cadre
scolaire ne concernent plus exclusivement la lecture pour elle-même, ni même la lecture pour
comprendre, mais elles représentent un support pour l’acquisition de connaissances nouvelles. À
mesure que l’on avance dans la scolarité, l’activité de lecture sollicite de plus en plus fortement, des
capacités d’analyse, d’évaluation, de jugement et de comparaison, autrement dit, des raisonnements
qui dépassent le cadre du traitement d’un texte unique.
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Conclusion
Finalement, les recherches conduisent aussi à pointer un aspect crucial pour l’enseignement, celui de
la différenciation, pour lequel des recherches supplémentaires sont encore nécessaires.
Il reste d’autres zones d’ombre que les recherches à venir devront tenter d’éclairer. Nous en
signalerons deux pour terminer. La première concerne la description des relations existant entre la
compréhension et la production du langage. La seconde a trait aux relations entre les aspects
cognitifs des apprentissages scolaires et les aspects dynamiques ou conatifs de la personnalité.