Sociologie Politique: Philippe Braud

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Ce manuel, complété par un lexique de plus de 160 définitions,
a l’ambition d’être clair et accessible aux plus larges publics,
universitaires ou non. Philippe Braud
Les sujets essentiels de la discipline y sont tous abordés : le
pouvoir, l’État, la vie politique (élections, partis, groupes d’intérêt,
mobilisations sociales…), la communication politique, l’action
publique, la gouvernance européenne… Sont également présentées

manuel
les problématiques relatives aux rapports entre liberté individuelle
et contraintes sociales, comportements rationnels et dynamiques
émotionnelles, réalités matérielles de terrain et productions
symboliques, tandis qu’un dernier chapitre évoque les principaux
écueils méthodologiques de l’analyse savante.
L’auteur accorde toute leur importance aux grands auteurs classiques
mais il consacre également une large place aux renouvellements
récents de la science politique intervenus en France aussi bien

Sociologie politique
qu’aux États-Unis, au Canada et dans le reste de l’Europe.

Sociologie
Cette réédition met l’accent sur des exemples empruntés à l’actualité
politique la plus récente : Internet et démocratie (Twitter versus
Donald Trump), la crise des partis et le mouvement des Gilets jaunes,

politique
les effets d’une pandémie sur la stabilité des systèmes politiques.
Quant aux bibliographies, par chapitres et par domaines, elles ont
été systématiquement mises à jour.

Philippe Braud, ancien directeur du Département de science politique


de la Sorbonne, est professeur émérite des universités à Sciences Po
Paris. Il a été Visiting Professor de l’université de Princeton (Woodrow
Wilson School) de 2004 à 2017.

14 e édition

P. Braud

www.lgdj-editions.fr
ISBN 978-2-275-07590-7 37 e

MANUEL - Sociologie politique - 14e ed.indd 1 24/07/2020 12:02


Philippe Braud
Professeur émérite des universités
à l’Institut d’études politiques de Paris

SOCIOLOGIE
POLITIQUE

14e édition
© 2020, LGDJ, Lextenso
1, Parvis de La Défense • 92044 Paris La Défense Cedex
www.lgdj-editions.fr
ISBN : 978-2-275-07590-7 • ISSN 0990-3909
Avant-propos

Il existe probablement beaucoup de livres inutiles, qui déçoivent le lecteur


et tendent à discréditer l’écrit. Celui-ci contribuera à en allonger la liste s’il
manque son ambition principale : transmettre, de manière claire et acces-
sible, les acquis fondamentaux d’une discipline qui a beaucoup bougé.
Il est très complexe de faire simple et plus confortable, parfois, de se réfu-
gier dans une expression opaque qui protège l’auteur et intimide le lecteur.
Le langage adopté ici cherche à être facilement compréhensible par deux
types de publics. Ce sont d’abord les étudiants de premier et second cycle,
notamment ceux des filières IEP (Sciences Po), Droit, AES et Sciences humai-
nes. Ils sont crédités d’un minimum d’aisance intellectuelle dans le manie-
ment des concepts ; mais il est légitime de leur offrir, autant que nécessaire,
des illustrations concrètes des problèmes abordés.
L’autre public, aux frontières plus floues, est constitué par ceux qui ne se
satisfont pas entièrement des modes d’explication offerts dans les essais de
journalistes ou de personnalités politiques. Cette littérature, qui tend à privi-
légier l’actualité immédiate et le rôle déterminant des individus, a son irrem-
plaçable utilité sociale ; mais aussi ses limites. C’est là sans doute que se situe
l’intérêt de la sociologie politique. En proposant des catégories d’analyse, en
dégageant des tendances lourdes et des corrélations significatives, elle per-
met de penser la vie et l’action politique avec une plus grande profondeur.
Son approche fait émerger des interrogations plus exigeantes sur les mécanis-
mes complexes de l’action publique, sur le pourquoi et le comment de com-
portements d’acteurs apparemment « irrationnels » à l’aune du sens com-
mun ; elle attire aussi l’attention sur les « biais » qui conditionnent toute
entreprise de classement et d’interprétation des réalités politiques
observables.
Cet ouvrage a pour objet de dresser une sorte de tableau général de la
discipline1. Cela veut dire synthétiser les apports de différentes écoles de pen-
sée, et faire connaître les principales conventions de langage autour desquel-
les s’est construite une tradition scientifique originale. Des choix sont inévita-
bles qu’on a voulu gouvernés par un double souci d’utilité et d’équité. Il
convient en effet d’épargner au lecteur les effets de modes ou de coteries

1. Il en existe quelques autres, tous différents par leur approche, leur style d’exposition et le niveau d’ap-
profondissement retenu. Paul BACOT, Guide de sociologie politique, Paris, Ellipses, 2016 ; Bertrand BADIE, Jac-
ques GERSTLÉ, Sociologie politique, Paris, PUF, 2017 (en ligne) ; Antonin COHEN, Bernard LACROIX, Philippe
RIUTORT (Dir.), Nouveau manuel de science politique, Paris, La Découverte, 2009 ; Dominique CHAGNOLLAUD,
Éléments de sociologie politique, Paris, Dalloz, 2002 ; Dominique COLAS, Sociologie politique, 1re éd., Paris, PUF,
1994 ; Pascal DELWIT, Introduction à la science politique, Bruxelles, Édition de l’ULB, 2013 ; Jean-Yves DORMA-
re
GEN, Daniel MOUCHARD, Introduction à la sociologie politique, 1 éd., Bruxelles, De Boeck, 2007, avec la colla-
boration d’Alexandre DEZÉ à partir de la 5e édition ; Jacques LAGROYE, Sociologie politique, 1re éd., Paris, Pres-
ses de la FNSP/Dalloz 1991, avec la collaboration de Bastien FRANÇOIS et Frédéric SAWICKI à partir de la
4e éd. ; Jean-Philippe LECOMTE, L’essentiel de la sociologie politique, Issy-les-Moulineaux, Gualino, 2010 ; Patrick
LECOMTE, Sociologie du politique, 1re éd., Grenoble, PUG, 1990, 2 vol. ; Christophe ROUX, Eric SAVARESE, (Dir.),
Science Politique, Bruxelles, Bruylant, 2017 ; Yves SCHEMEIL, Introduction à la science politique, 1re éd., Paris,
Presses de Sciences Po, 2010.

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SOCIOLOGIE POLITIQUE

qui conduisent à surestimer l’importance de certains types d’analyse au des-


tin éphémère. À l’inverse, il faut rendre justice à des approches intellectuel-
lement solides quand bien même elles seraient parfaitement étrangères aux
préoccupations de l’auteur de cet ouvrage. L’équité commande également de
se défaire d’une attitude facile qui consisterait à focaliser l’attention sur les
insuffisances ou les manques des œuvres les plus fortes. Tout texte en effet
est toujours hautement discutable ; tout livre, même décisif, est troué d’insuf-
fisances et d’aveuglements. Ce manuel d’initiation veut demeurer sobre dans
la critique et mettre au contraire l’accent sur les points forts d’analyses qui,
en termes de fécondité scientifique, ont fait date intellectuellement. Est-ce à
dire qu’il faille inviter le lecteur à abdiquer toute capacité de discussion ?
Non, bien au contraire. Mais une entrée prématurée dans la controverse,
alors que manque un minimum de repères globaux, présente l’inconvénient
de violenter la liberté de jugement, favorisant ainsi la mise en place de lan-
gues de bois aussi préjudiciables dans une discipline savante que dans la vie
publique2.
Le plan comporte plusieurs niveaux. Après un premier chapitre qui pose
les « fondamentaux » de toute analyse scientifique du politique, les quatre sui-
vants sont consacrés à ces notions sur lesquelles la sociologie politique fonde
son objet : le pouvoir (chap. 2), les groupements sociaux (chap. 3), l’État
(chap. 4), les systèmes et régimes politiques (chap. 5) : ils se succèdent selon
une logique de déploiement, les phénomènes de pouvoir apparaissant à
chaque étape dans une complexité sociale et institutionnelle croissante.
L’axe des chapitres 6 à 11 est construit selon une logique inverse de resserre-
ment. On entend par là qu’il y a focalisation progressive sur des processus et
des acteurs de plus en plus spécifiques politiquement : la socialisation
(chap. 6) et l’action collective (chap. 7), puis la participation politique
(chap. 8), enfin les partis (chap. 9), les représentants et gouvernants
(chap. 10), les politiques publiques et le concept de gouvernance (chap. 11).
À un niveau tout à fait différent, se situe le dernier chapitre : « Décrire ou
construire le réel ? ». Sa justification tient au fait que l’originalité du discours
scientifique par rapport aux autres discours possibles sur le politique est de
s’interroger systématiquement sur les conditions méthodologiques de sa pro-
pre validité. On n’a donc pas voulu séparer la présentation des réponses et la
réflexion sur la manière de poser les questions.
Les bibliographies sont placées à la fin de chaque chapitre de manière à
faciliter une sélection plus précise et plus rapide des lectures, en vue d’éven-
tuels approfondissements. Dans un souci de valoriser les ouvrages qui ont

2. Sur la situation de la science politique en Europe, Klaus GOETZ, Peter MAIR, Gordon SMITH (Eds.), Euro-
pean Politics. Pasts, Presents, Futures, Londres, Routledge, 2013 ; Hans Dieter KLINGEMANN (Ed.), The State of
Political Science in Western Europe, Opladen, Budrich Publishers, 2007 ; aux États-Unis, Ira KATZNELSON, Helen
MILNER (Eds.), Political Science. The State of the Discipline, 2e éd., New York, Norton, 2003. D’un point de vue
polémique mais bien informé, Gabriel ALMOND, A Discipline Divided : Schools and Sects in Political Science,
Newbury, Sage, 1990. On consultera également avec profit : John ISHIYAMA, Marijke BREUNING (Eds.), 21st
Century Political Science. A Reference Handbook, Thousand Oaks, Sage, 2011.

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Avant-propos

résisté à l’épreuve du temps, se trouvent répertoriés à part ceux que l’on a


considérés, parfois subjectivement peut-être, comme des classiques. À l’in-
verse, pour ne pas désorienter le lecteur par des références trop touffues,
on s’est efforcé de bannir énergiquement les renvois non indispensables, ou
inspirés par la simple complaisance.
Enfin, a été placé en fin de volume un lexique élémentaire. Les définitions
proposées ne sauraient certainement pas combler le spécialiste mais elles
peuvent faciliter un premier contact avec les concepts courants de la
discipline.

7
Sommaire

Bibliographie générale . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 13
Introduction . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 17

Chapitre 1. Les « fondamentaux » de l’analyse politique . . . . . . . . . 25


Section 1. L’individu et la société . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 26
§ 1. Le dilemme de la poule et l’œuf . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 26
§ 2. Implications : les rapports sociologie/psychologie . . . .. . . . . . . . . . . . 36
Section 2. Le réel et le symbolique . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 43
§ 1. La réalité de la réalité . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 43
§ 2. La place du symbolique dans la réalité sociale . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 50
Section 3. La place du conflit . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 62
§ 1. Les conflits d’intérêts . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 63
§ 2. Les conflits de valeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 70
§ 3. Conflits larvés, conflits ouverts . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 80

Chapitre 2. Le pouvoir . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 91
Section 1. Caractéristiques de la relation de pouvoir . . . . . . .. . . . . . . . . . 92
§ 1. Trois approches théoriques . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 93
§ 2. Pouvoir d’injonction et pouvoir d’influence . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 104
Section 2. Contrôle social et domination . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 111
§ 1. Emprise et limites du contrôle social .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 111
§ 2. Les espaces du contrôle social . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 117
§ 3. Les leviers du contrôle social . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 122
§ 4. Le concept de domination . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 128

Chapitre 3. Les groupements sociaux . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 139


Section 1. Typologies classiques . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 140
§ 1. Communauté, association, institution . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 140
§ 2. Nation et citoyenneté . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 144
Section 2. Constructions identitaires . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 150
§ 1. Le débat sur l’ethnicité et le communautarisme . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 151
§ 2. La naissance des nations . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 157
§ 3. Quelle identité pour l’Europe ? . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 161
Section 3. L’impact de la mondialisation . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 164
§ 1. Un phénomène inédit . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 165
§ 2. Des effets majeurs sur la cohésion des groupements sociaux . . . . . 168
Chapitre 4. L’État . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 183
Section 1. L’État comme société juridique . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 184
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SOCIOLOGIE POLITIQUE

§ 1. La théorie des trois critères . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 185


§ 2. Centralisation, décentralisation, fédéralisme . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 194
Section 2. L’État comme pouvoir politique .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 200
§ 1. La genèse de l’État . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 201
§ 2. Le fonctionnement de l’État . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 209
§ 3. L’avenir de l’État . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 221

Chapitre 5. Systèmes et régimes politiques . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 235


Section 1. Le concept de système politique . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 235
§ 1. Modèle abstrait et dynamiques concrètes . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 236
§ 2. L’articulation du politique, de l’économique et du culturel . . . . . . . . 253
Section 2. Les régimes politiques . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 265
§ 1. Généalogie des classements . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 266
§ 2. Les démocraties pluralistes . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 271
§ 3. Les régimes autoritaires . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 285
§ 4. Les régimes totalitaires . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 292

Chapitre 6. La socialisation . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 309


Section 1. Repères théoriques . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 311
§ 1. Qu’est-ce que l’idéologie ? . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 311
§ 2. Qu’est-ce que la culture politique ? . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 318
§ 3. Le regard néo-institutionnaliste . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 326
Section 2. Processus pratiques . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 328
§ 1. Les degrés d’intériorisation des croyances, normes et valeurs . . . . 329
§ 2. Les vecteurs d’inculcation . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 335
Section 3. Le rôle des médias . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 339
§ 1. Presse écrite et audiovisuelle devant la liberté d’expression
politique . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 340
§ 2. Médias et socialisation politique . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 349
Chapitre 7. L’action collective et les groupes d’intérêt . . . . . . . . . . . . 371
Section 1. Les ressorts de l’action collective . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 372
§ 1. Insatisfactions et mobilisations . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 373
§ 2. Les théories explicatives de l’action . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 379
Section 2. Les groupes d’intérêt . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 392
§ 1. Les groupes d’intérêt et la formulation d’exigences . . . .. . . . . . . . . . . . 394
§ 2. Les groupes d’intérêt et leur insertion dans le mode
de gouvernement . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 402
Chapitre 8. La participation politique . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 423
Section 1. Les élections et le vote . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 424
§ 1. L’encadrement juridique et politique du comportement électoral 426

10
Sommaire

§ 2. L’analyse savante du comportement électoral . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 443


Section 2. Les mobilisations à caractère politique . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 465
§ 1. Les pratiques pacifiques de participation . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 466
§ 2. La violence politique .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 474
Chapitre 9. Les partis . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 505
Section 1. La représentativité des partis . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 508
§ 1. Partis politiques et clivages sociaux . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 508
§ 2. Partis politiques et logiques d’élections disputées . . . .. . . . . . . . . . . . 515
Section 2. Le rôle des partis . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 522
§ 1. Les partis en tant que machines électorales . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 523
§ 2. Les partis en tant qu’arènes de débat .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 528
§ 3. Les partis en tant qu’agents de socialisation . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 531
Section 3. Le fonctionnement des partis . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 533
§ 1. Les moyens d’action matériels . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 533
§ 2. Le potentiel militant .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 542
§ 3. Les modes de gouvernement . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 547

Chapitre 10. Représentants et gouvernants . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 561


Section 1. Le problème de la représentation . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 562
§ 1. La fonction de tenant-lieu . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 562
§ 2. La fonction de leadership . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 569
Section 2. L’accès à la classe politique . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 575
§ 1. Pouvoir faire de la politique . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 576
§ 2. Vouloir faire de la politique . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 579
§ 3. Faire carrière . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 583
Section 3. Le milieu décisionnel du pouvoir politique . . . . .. . . . . . . . . . 588
§ 1. Les trois sphères du milieu dirigeant .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 589
§ 2. Unité ou pluralisme de la classe dirigeante ? . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 595
§ 3. Synthèses contemporaines . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 598

Chapitre 11. Le métier et l’action politique . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 609


Section 1. L’exercice du pouvoir . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 611
§ 1. L’univers des pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 614
§ 2. Le politique et l’expert . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 620
Section 2. Communication politique et politique symbolique . . . . . . . 623
§ 1. Les enjeux de la communication politique . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 624
§ 2. Les stratégies de communication . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 638
Section 3. Politiques publiques et gouvernance . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 649
§ 1. L’analyse classique des politiques publiques . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 651
§ 2. L’émergence du concept de gouvernance . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 664
11
SOCIOLOGIE POLITIQUE

Chapitre 12. Décrire ou (re)construire la réalité ? . . . . . .. . . . . . . . . . . . 689


Section 1. L’élaboration du discours scientifique . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 690
§ 1. Les imperfections et limites de l’objectivation . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 690
§ 2. Les tyrannies de la méthode . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 701
Section 2. L’explication d’un phénomène politique . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 715
§ 1. Les dimensions de l’objet à étudier . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 716
§ 2. Les dimensions de la compréhension . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 725
Lexique . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 745
Index . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 765

12
Bibliographie générale

Notices bio-bibliographiques
DURKHEIM Émile. Né à Épinal le 15 avril 1858. Études de philosophie. Normale
Sup. Professeur à la Faculté des Lettres de Bordeaux où il enseigne le premier
cours de sociologie créé en France. Fonde en 1896 la revue : l’Année sociolo-
gique. Professeur à la Sorbonne à partir de 1902. Meurt à Paris le 15 novembre
1917.
– 1893 De la Division du travail social.
– 1895 Les Règles de la méthode sociologique.
– 1897 Le Suicide.
– 1912 Les Formes élémentaires de la vie religieuse.
PARETO Vilfredo. Né à Paris le 15 juillet 1848 dans une famille d’aristocrates
génois. Études scientifiques à Turin. Ingénieur puis professeur d’économie à
l’université de Lausanne. Nommé en 1923 sénateur du royaume d’Italie par
Mussolini. Meurt en Suisse le 19 août 1923.
– 1896 Cours d’économie politique.
– 1902 Les Systèmes socialistes.
– 1916 Traité de sociologie générale.
SIEGFRIED André. Né au Havre le 21 avril 1875 dans une famille d’hommes d’af-
faires alsaciens émigrés. Études de lettres et de droit. Thèse de Lettres soute-
nue en 1904 sur la démocratie en Nouvelle-Zélande. Professeur à l’École libre
de sciences politiques à partir de 1911, puis au Collège de France (1933).
Meurt à Paris en 1959.
– 1913 Tableau politique de la France de l’Ouest.
– 1949 Géographie électorale de l’Ardèche sous la IIIe République.
SIMMEL Georg. Né à Berlin en 1858 où il demeure jusqu’à 1914. Carrière uni-
versitaire médiocre mais, très tôt, grande notoriété. Il n’obtient une chaire
qu’à l’âge de 56 ans, à Strasbourg, à la veille de la Première Guerre mondiale.
Il y meurt le 26 septembre 1918.
– 1890 Sur la Différenciation sociale. Recherches sociales et psychologiques.
– 1892 Les Problèmes de la philosophie de l’histoire.
– 1900 La Philosophie de l’argent.
– 1908 Sociologie. Recherche sur les formes de socialisation.
TOCQUEVILLE Alexis (de). Né le 29 juillet 1805 à Verneuil, arrière-petit-fils par sa
mère de Malesherbes. Études de droit à Paris. Magistrat. Voyage aux États-
Unis en 1831-1832 et démissionne ensuite de la magistrature. Élu à l’Acadé-
mie des Sciences Morales et Politiques dès 1838. Député de la Manche de
1839 à 1851 dans la circonscription où se situe le château de sa famille. Minis-
tre des Affaires étrangères en 1849 pendant cinq mois. Meurt à Cannes le
16 avril 1859.
13
SOCIOLOGIE POLITIQUE

– 1835 De la Démocratie en Amérique. Tomes 1 et 2.


– 1840 De la Démocratie en Amérique. Tomes 3 et 4.
– 1850-51 Souvenirs.
– 1856 L’Ancien Régime et la Révolution.
TÖNNIES Ferdinand. Né en 1855 dans le Schleswig-Holstein en Allemagne. Étu-
des de philosophie et d’histoire. S’oriente vers la sociologie historique. Car-
rière universitaire. Meurt à Kiel en 1936.
– 1887 Communauté et Société.
– 1925-29 Études sociologiques et critiques.
– 1931 Introduction à la sociologie.
WEBER Max. Né le 21 avril 1864 à Erfurt en Allemagne. Son père juriste à
Berlin sera député à la Diète de Prusse (libéral de droite). Études de droit,
d’économie et d’histoire aux Universités de Heidelberg et Berlin. Professeur
à l’Université de Fribourg et, bientôt, Heidelberg (1896-1907). En dépression
entre 1897 et 1902. Grâce à son indépendance économique il peut se consa-
crer exclusivement à ses travaux scientifiques. Voyage aux États-Unis.
Reprend en 1919 une chaire à l’Université de Munich. Membre de la
Commission chargée de rédiger la constitution de Weimar. Meurt à Munich
le 14 juin 1920.
– 1896 Les Causes sociales de la décadence de la civilisation antique.
– 1904 L’Objectivité de la connaissance dans la science et la politique sociale.
– 1904-1905 L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme.
– 1913 Essais sur quelques catégories de la sociologie compréhensive.
– 1918 Le Métier et la vocation de savant. Le métier et la vocation de l’homme
politique.
– 1922 Publication posthume d’Économie et société, ouvrage inachevé entamé
dès 1909.

Orientation bibliographique
Classiques
ARON Raymond, Les étapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1967.
ARON Raymond, La sociologie allemande contemporaine (1935), Paris, PUF,
1981.
FREUND Julien, L’essence du politique (1965), 3e éd., Paris, Sirey, 1990.
GRAWITZ Madeleine, LECA Jean (Dir.), Traité de Science politique, Paris, PUF,
1985, 4 tomes.
NISBET Robert, La Tradition sociologique, Trad., (1984) rééd., Paris, PUF, 2011.

14
Bibliographie générale

Études contemporaines
ANSART Pierre, Les Sociologies contemporaines, 2e éd., Paris, Le Seuil, 1999.
BERTHELOT Jean-Michel (Dir.), La Sociologie française contemporaine, Paris,
PUF, 2000.
BOUDON Raymond, La Sociologie comme science, Paris, La Découverte, 2010.
BOUDON Raymond, BESNARD Philippe, CHERKAOUI Mohamed (Dir.), Dictionnaire
de la sociologie, 2e éd., Paris, Larousse, 2018.
BRÉCHON Pierre, Les Grands courants de la sociologie, Grenoble, PUG, 2000.
BRUHNS Hinnerk, DURAN Patrice (Dir.), Max Weber et le politique, Issy-les-
Moulineaux, LGDJ, 2009.
COLLIOT-THÉLÈNE Catherine, La Sociologie de Max Weber, Paris, La Découverte,
2014.
CORCUFF Philippe, Théories sociologiques contemporaines. France, 1980-2020,
4e éd., Malakoff, A. Colin, 2019.
DELAS Jean-Pierre, MILLY Bruno, Histoire des pensées sociologiques, 4e éd., Paris,
A. Colin, 2015.
GOODIN Robert (Ed.), The Oxford Handbook of Political Science, Oxford, Oxford
University Press, 2009.
HERMET Guy, BADIE Bertrand, BIRNBAUM Pierre, BRAUD Philippe, Dictionnaire de
la science politique et des institutions politiques, Paris, A. Colin, 2015.
KAESLER Dirk, Max Weber. Sa vie, son œuvre, son influence, Trad., Paris, Fayard,
1996.
KALBERG Stephen, Les Valeurs, les idées, les intérêts. Introduction à la sociologie de
Max Weber, Paris, La Découverte, 2010.
KAUBE Jürgen, Max Weber. Une vie entre deux époques, Trad., Paris, Éd. MSH,
2016.
LAHIRE Bernard, Pour la sociologie. Et pour en finir avec une prétendue « culture de
l’excuse », Paris, La Découverte, 2016.
LAHIRE Bernard, Dans les plis singuliers du social. Individus, institutions, sociali-
sations, Paris, La Découverte, 2013.
LAHIRE Bernard, Monde pluriel. Penser l’unité des sciences sociales, Paris, Seuil,
2012.
LAHIRE Bernard, À quoi sert la sociologie ?, Paris, La Découverte, rééd., 2010.
LAWSON Kay, The Human Polity. A Comparative Introduction to Political Science,
5e éd., Boston, Houghton Mifflin, 2003.
LEMIEUX Cyril, Pour les sciences sociales. 101 livres, Paris, EHESS, 2017.
MICHEL Johann, La Fabrique des sciences sociales. D’Auguste Comte à Michel
Foucault, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2018.
RAMEL Frédéric, Les Fondateurs oubliés. Durkheim, Simmel, Weber, Mauss et les
relations internationales, Paris, PUF, 2006.
RIUTORT Philippe, Les Classiques de la sociologie, Paris, PUF, 2020.
15
Introduction
1. La sociologie politique est un regard, un regard seulement parmi
d’autres possibles, sur l’objet politique. Le fait qu’il existe d’autres appro-
ches, parallèles voire concurrentes, est facile à mettre en évidence.
Parmi les principaux discours possibles sur l’objet politique, on retiendra
d’abord celui de l’acteur engagé. Militants, représentants, élus, dirigeants
mais aussi intellectuels impliqués dans des combats pour une grande
cause, élaborent des analyses qui ont toujours une ambition explicative.
À ce titre elles se situent sur un terrain semblable à celui de l’analyse
savante. Mais elles sont traversées par une logique fondatrice différente :
la justification de l’action. Cette dimension conduit à valoriser les faits et
les éléments d’appréciation qui ont, de leur point de vue, une utilité stra-
tégique. Ainsi la nécessité de ne pas affaiblir la cohésion du parti conduit-
elle à imposer un minimum de discipline dans l’expression. Il est inévi-
table de faire silence, délibérément ou inconsciemment, sur des faits sus-
ceptibles d’être excessivement démobilisateurs. Surtout peut-être, les exi-
gences du combat politique impliquent une recherche de causalité qui soit
productive de soutiens. Cela signifie imputer à son propre camp, autant
qu’il est plausible, la responsabilité d’événements positifs et rejeter sur le
camp adverse la responsabilité d’événements négatifs. Une approche qui
risque évidemment de faire perdre de vue la complexité réelle des rap-
ports de cause à effet. Cette logique qui gouverne les analyses du militant
ou du responsable politique a son utilité sociale ; elle ne saurait être
condamnée au nom d’une chimérique exigence d’intégrité intellectuelle
radicale. Simplement pour comprendre le discours de l’acteur engagé, et
pouvoir en peser les limites, il est important de savoir « d’où il parle ». Il
s’ensuit qu’il est problématique de demeurer un politiste rigoureux lors-
qu’on est en même temps un intellectuel mêlé aux combats de la vie poli-
tique.
Autre discours sur l’objet politique, celui du philosophe voire du prophète.
Sa logique fondatrice est dominée par l’accent placé sur la question des
valeurs. Alors que le politiste se demande trivialement comment ça fonc-
tionne, dans cette approche les questions centrales sont plutôt : qu’est-ce
qu’un bon gouvernement ? comment envisager un avenir collectif qui assure
la Solidarité, la Justice, le Bien commun, l’Intérêt général, etc. ? De Kant à
Ricœur ou à Rawls, mais aussi de Platon à Marx, le problème de l’Éthique
est au centre de leur appréhension du Politique même si parfois est recher-
chée la caution du prestige de la Science (Marx). L’éthique renvoie à des
choix de valeurs ; elle s’appuie sur des propositions qui ne sont pas nécessai-
rement démontrables1. Et même s’il existe dans nombre de philosophies poli-
tiques, un travail visant à identifier et promouvoir des valeurs universelles

1. Marc JOLY, La Révolution sociologique. De la naissance d’un régime de pensée scientifique à la crise de la
philosophie, Paris, La Découverte, 2019.

17
SOCIOLOGIE POLITIQUE

comme, aujourd’hui, les droits de l’Homme, la quête d’un absolu qui serait le
Bien politique reste toujours marquée par les caractéristiques culturelles de
son milieu d’origine (en l’espèce la civilisation occidentale).
Troisième discours sur l’objet politique, majeur aujourd’hui, celui des
médias. Par là on entend la manière dont les journalistes professionnels
sont conduits à rendre compte des événements politiques, à proposer des
interprétations, mais surtout à formuler des grilles de lectures et des systè-
mes de questions. Le discours médiatique met en avant l’exigence d’informer
(le citoyen) ; mais comme l’a très bien montré Jean Baudrillard, sa dyna-
mique interne est plutôt de communiquer pour communiquer, le but ultime
de la communication (éduquer le citoyen ? lui permettre de « choisir » ?) étant
devenu progressivement assez flou. La logique fondatrice du discours média-
tique est, de toute façon, dominée par la préoccupation de retenir l’attention
du lecteur, de l’auditeur ou du téléspectateur. Sans une audience minimale,
le médium en effet disparaît. Dès lors, l’analyse et l’interprétation seront sou-
mises à l’exigence première d’être attractives, séduisantes, compréhensibles
par le public ciblé ; il en résulte des choix draconiens en ce qui concerne le
niveau d’approfondissement retenu et l’outillage conceptuel utilisable.
Cependant l’autorité sociale des journalistes professionnels repose, en der-
nière instance, sur leur crédibilité. D’où l’engagement en première ligne des
meilleurs d’entre eux contre les fake news qui visent à manipuler l’opinion
publique. Il existe aussi des passerelles entre le travail du journaliste et
celui du politiste ou de l’historien. À la fois parce que les données d’actualité
établies avec rigueur constituent un matériel indispensable au travail du
savant, et parce qu’il y a toujours eu des journalistes qui ont su produire des
travaux d’analyse en recourant à des méthodologies scientifiques.
Si le discours savant sur l’objet politique ne peut se prévaloir d’une légiti-
mité sociale supérieure, il a une utilité spécifique dans la Société. Sa logique
fondatrice en effet est celle de l’élucidation. On peut la comprendre de
manière scientiste, comme une ambitieuse tentative de dévoilement du
vrai. Mais la Vérité est-elle accessible ? Existe-t-il un vrai en soi, objectivable,
opposable radicalement à ce qui serait l’erreur ? En fait il n’est pas facile d’ap-
privoiser l’idée de renoncer à la conquête d’une Vérité globale et définitive
qui serait opposable à tous. Cela met en jeu trop fortement l’angoisse (que
génère l’incertitude) et la volonté de puissance (qui alimente le prosélytisme
savant). La réponse à la question du Vrai comme absolu se situe au niveau
d’une exploration des mécanismes psychologiques de défense, plutôt qu’à un
niveau d’intelligence proprement rationnel. Le travail d’élucidation doit donc
être conçu, de façon plus appropriée, à la fois comme une entreprise d’affine-
ment du regard qui permet de voir plus, grâce à la mise en place de techni-
ques d’investigation et de concepts rigoureux, et comme une réflexion cons-
tante sur les conditions de validité des résultats. C’est à ce double titre que la
production savante n’est pas réductible à une autre démarche sur l’objet
politique.
Ces exigences supposent une fidélité constante à une certaine éthique,
dont il est vain de vouloir démontrer la justesse objective. Probité et lucidité
scientifiques sont des paris au sens pascalien du terme. Elles peuvent sans
18
Introduction

aucun doute engendrer des conséquences bénéfiques (mais pas nécessaire-


ment dans le court terme) sur l’évolution des systèmes politiques. Une meil-
leure connaissance de leurs mécanismes réels de fonctionnement est de
nature à faciliter la maîtrise des difficultés susceptibles de surgir. À l’inverse,
elles contribuent, pour reprendre une expression de Max Weber, au « désen-
chantement du monde » car l’analyse savante est intrinsèquement démytho-
logisante ; elle a pour effet de dissiper de fausses apparences, d’ébranler des
illusions fussent-elles socialement utiles2. L’élucidation ne sert donc pas
nécessairement les bons sentiments ni les « justes » causes. Mais on peut
concevoir qu’il y ait progrès moral dans le fait de pouvoir asseoir des convic-
tions authentiques sur moins de naïveté sociale.
Il n’y a pas unanimité sur les usages qui doivent être faits du savoir savant.
Certains, comme Raymond Boudon, ont dénoncé avec insistance les confu-
sions entre idéologie et science qu’ils croient pouvoir déceler chez les tenants
d’écoles adverses. D’autres, comme Alain Touraine, ont préconisé l’« inter-
ventionnisme sociologique », c’est-à-dire la mobilisation explicite des techni-
ques d’observation et d’analyse au service d’une Cause : par exemple la lutte
contre la xénophobie et le racisme. Cette conception est loin de faire l’unani-
mité. Non seulement les résultats concrets ne paraissent pas très probants
mais, en outre, on voit surgir le risque de confondre en permanence logiques
militantes et logiques savantes. Dans une formule célèbre, Pierre Bourdieu
avance l’idée que « le meilleur service que l’on puisse rendre à la sociologie,
c’est de ne rien lui demander », ce qui, manifestement, vise la conception
tourainienne. Parallèlement, il stigmatise les tendances à la réappropriation
des discours savants au profit de dominants désireux de consolider leur légi-
timité sociale. Parmi les domaines explicitement visés, les études d’opinion
publique à partir de sondages. Cependant, soucieux à la fois de rigueur
méthodologique et d’engagement aux côtés des « dominés », Pierre Bourdieu
veut croire à l’efficacité objective du « dévoilement » des réalités de la domi-
nation lorsqu’il oppose les « demi-vérités » de la science officielle aux vertus
révolutionnaires de la science véritable3. Philippe Corcuff, lui, remet au
moins partiellement en cause le principe webérien de neutralité axiologique
lorsqu’il plaide en faveur d’un « rapport dialectique » entre le savoir savant
soumis à des exigences méthodologiques précises et le savoir militant acquis
dans l’expérience de terrain4. Une voie dangereuse sans aucun doute, mais
qui permet de prendre en considération des faits négligés par d’autres appro-
ches plus académiques.
En dépit de ces points de vue contrastés, se dégage néanmoins un consen-
sus autour d’une conclusion. Les sciences sociales ne peuvent s’enfermer

2. Sur cette question centrale dans l’œuvre de Max Weber, Pierre BOURETZ, Les Promesses du monde. Philo-
sophie de Max Weber, Paris, Gallimard, 1996, avec une préface de Paul Ricœur.
3. Luc Boltanski a pris ses distances avec cette sociologie du dévoilement depuis son livre De la Justification
(1991). Plus récemment, Luc BOLTANSKI, De la Critique. Précis de sociologie de l’émancipation, Paris, Gallimard,
2009.
4. Philippe CORCUFF, « Sociologie et engagement. Nouvelles pistes épistémologiques », in Bernard LAHIRE, À
quoi sert la sociologie ?, Paris, La Découverte, 2002. Dans cet ouvrage Bernard Lahire s’intéresse, quant à lui,
surtout à ce à quoi « elle ne doit pas servir ».

19
SOCIOLOGIE POLITIQUE

dans un discours clos sur lui-même ni prétendre à une absurde « gratuité ».


Leurs usages politiques, culturels, administratifs existent, auxquels il est
impossible de n’être pas attentif. L’éthique de la recherche postule d’ailleurs
une véritable vigilance concernant les détournements possibles du discours
scientifique. Lorsqu’il sert à cautionner des analyses « engagées », il peut per-
mettre des effets d’intimidation qui tendent à empêcher les simples citoyens
de penser par eux-mêmes, alors que l’un de ses objectifs est précisément de
leur fournir les outils supplémentaires d’une réflexion autonome.
2. La sociologie politique est une branche de la science politique, qui
conquiert très lentement sa visibilité sociale à partir de la fin du XIXe siècle.
Pierre Favre en a soigneusement décrit les étapes. C’est d’abord une histoire
faite de « conflits pour l’appropriation de cette discipline dans le haut ensei-
gnement français »5. Emblématique à cet égard est la polémique en France
qui oppose, à la fin des années 1880, le fondateur de l’École libre des Scien-
ces Politiques, Émile Boutmy, et un juriste influent dans les instances de
l’enseignement supérieur, Claude Bufnoir. Le premier soutenait la forte
autonomie « des sciences politiques » qui sont en « en grande majorité expé-
rimentales et inductives » ; le second mettait l’accent sur l’étroite parenté de
celles-ci avec le droit public, notamment le droit constitutionnel. Ces escar-
mouches institutionnelles ont eu une importance à ne pas sous-estimer car
les lieux où la science politique a commencé d’être enseignée, ont long-
temps imprimé leur marque sur les problématiques, les méthodes et
même la définition de la discipline.
L’affirmation de la science politique sur le plan intellectuel soulève un
débat d’une tout autre ampleur théorique, qui est d’abord d’ordre généalo-
gique. Une conception longtemps influente l’inscrivait dans le brillant héri-
tage des grands philosophes politiques. Comme l’écrira Bertrand de Jouvenel,
avec quelque imprudente audace : « il faut retourner à Aristote, Saint Tho-
mas, Montesquieu. Voilà du tangible et rien d’eux n’est inactuel »6. Le prestige
de la philosophie politique, de Platon à Rousseau jusqu’à l’idéalisme allemand
du XIXe siècle (Fichte, Hegel) tend à une absorption pure et simple de la
science politique dans un discours spéculatif ou méditatif axé, selon la termi-
nologie kantienne, sur la question du Sollen (devoir être) plutôt que du Sein
(ce qui est). Cette sensibilité, très présente dans l’œuvre de Hannah Arendt,
débouche chez Leo Strauss sur une vision pessimiste de l’évolution occiden-
tale de la réflexion politique. L’abandon des fondements philosophiques de la
pensée grecque caractériserait selon lui « les trois vagues de la modernité »,
c’est-à-dire le rabaissement progressif de la question politique à une question
technique où le succès constitue le critère de vérité.
Cette manière de rapprocher intimement philosophie politique et science
politique méconnaît, on l’a dit, la profonde différence entre les logiques intel-
lectuelles d’un discours axé principalement sur les jugements de valeurs et
celles d’un discours orienté au contraire vers l’élucidation des processus

5. Pierre FAVRE, Naissances de la science politique en France, 1870-1914, Paris, Fayard, 1989, p. 83 et s.
6. Bertrand de JOUVENEL, Du Pouvoir. Histoire naturelle de sa croissance, Paris, Hachette, 1972, p. 510.

20
Introduction

politiques effectifs. Sans doute est-il juste de relever que certains ouvrages de
la tradition philosophique recèlent parfois des éléments d’analyse scientifique
au sens moderne. Chez Aristote par exemple, a fortiori chez Montesquieu, la
discussion purement spéculative n’exclut pas des développements fondés sur
une observation empirique rigoureuse. Mais ce qui nous intéresse ici c’est de
souligner les exigences propres à chaque logique intellectuelle7. L’éthique du
savant dans l’analyse politique requiert la suspension des préférences mora-
les ou idéologiques, à la fois parce qu’elles peuvent introduire des biais sup-
plémentaires dans l’analyse rigoureuse des faits, et parce qu’elles ne doivent
pas indûment mobiliser à leur profit l’autorité de la science. Réciproquement,
il est indispensable que la question de l’éthique en politique soit soulevée en
permanence et largement débattue ; mais dans la clarté, c’est-à-dire sur le ter-
rain des convictions authentiques et des croyances affichées comme telles.
En d’autres termes, science politique, strictement conçue, et philosophie poli-
tique sont deux modes d’approche à la fois nécessaires et parfaitement irré-
ductibles l’un à l’autre.
La conception dominante, aujourd’hui, s’inscrit dans une autre perspective
généalogique. Sans méconnaître l’importance d’influences plus anciennes,
Robert Nisbet situe entre 1830 et 1900 les années cruciales pour la formation
des sciences sociales. Outre Tocqueville et Marx, il cite Tönnies, Weber,
Durkheim et Simmel, « ces quatre hommes qui, de l’avis de tous, ont fait le
plus pour donner une forme systématique à la théorie sociologique
moderne »8. Leurs ouvrages selon lui ne doivent rien, ou presque, à la philo-
sophie des lumières, notamment à ses penchants pour un discours spéculatif
hypothético-déductif ; ils se nourrissent au contraire d’une forte ambition
d’examen empirique des réalités observables. Parmi les œuvres plus directe-
ment fondatrices de la perspective moderne, il faut citer d’abord celle
d’Émile Durkheim. Les Règles de la méthode sociologique, paru en 1895, déve-
loppe une vision déjà très aiguë des conditions auxquelles doit se plier l’inves-
tigation savante. Avec un petit nombre d’autres auteurs, il contribue de façon
définitive à jeter les bases du raisonnement scientifique en sciences sociales.
Mais ce qui frappe aussi, dans l’ensemble de ses ouvrages, c’est l’absence
d’une vision autonome de l’objet politique et, corrélativement, l’absorption
pure et simple d’une science politique, d’ailleurs jamais nommée, dans la
sociologie. Au contraire, Max Weber, dont la formation intellectuelle initiale
est plutôt marquée par le droit et l’économie, ne craint pas de placer les pro-
blèmes politiques au cœur de sa démarche scientifique, soit qu’il se préoc-
cupe de l’éthique du chercheur (Le Savant et le politique) soit qu’il développe
des analyses très élaborées sur des questions comme les modes de légitima-
tion du pouvoir ou la rationalité bureaucratique dans le fonctionnement des
États modernes. Plus que tout autre il aura contribué, par son legs de

7. Pour un développement de l’argumentaire, v. débat Ph. BRAUD/L. FERRY, « Science politique et philoso-
phie politique », in Pouvoirs 1983, no 26, p. 133 et s.
8. Robert NISBET, La Tradition sociologique, Trad., Paris, PUF, 1984, p. 10. À cette liste, Raymond ARON ajoute
PARETO. L’auteur du Traité de Sociologie générale (publié à Florence en 1916) aborde des problèmes théori-
ques très contemporains, mais avec un lexique qui ne s’est pas imposé et, de ce fait, paraît souvent obscur
in R. ARON, Les Étapes de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1967, p. 409 et s.

21
SOCIOLOGIE POLITIQUE

concepts et ses modes d’interrogations, à structurer intellectuellement la


science politique comme discipline. Son influence contemporaine demeure
aujourd’hui très sensible dans la plupart des écoles, et ce n’est pas à tort que
l’on peut parler de sociologues et de politistes « webériens ».
À la même époque en France, André Siegfried écrit son Tableau politique de
la France de l’Ouest (1913). Malgré son absence de postérité immédiate, cette
étude, remarquable pour l’époque par le souci systématique du recueil maxi-
mal de données et l’attention apportée au mode de raisonnement scienti-
fique, mérite encore d’être considérée comme une œuvre de référence pour
la sociologie électorale. Mais le fait majeur dans la sociologie politique euro-
péenne, aussi bien en France qu’en Angleterre, en Allemagne et en Italie,
c’est la montée en puissance de l’influence intellectuelle américaine. Les
années 1950 et, surtout, 1960 et 1970 sont une période de très grande fécon-
dité scientifique des politistes aux États-Unis. Le développement des enquêtes
empiriques, la constitution de nouveaux paradigmes, la construction de nou-
velles conventions de langages, le renouvellement de la réflexion épistémolo-
gique, tous ces phénomènes exercent une attraction presque irrésistible sur
nombre de chercheurs européens, quelle que soit d’ailleurs leur spécialité. Il
s’ensuit une nette tendance à l’unification transnationale des problématiques
et des écoles même si, bien sûr, subsistent de fortes spécificités dans chaque
pays. À noter également, en France, la pression intellectuelle féconde, exer-
cée sur la science politique, par les travaux d’historiens, d’anthropologues
et surtout de sociologues. Beaucoup de problématiques majeures leur ont
été empruntées, notamment à l’école de Pierre Bourdieu mais aussi à celle
de Michel Crozier ou de Raymond Boudon.
Dès lors, on peut se demander si la sociologie politique n’est pas une sim-
ple dimension de la sociologie ou, au contraire, une branche particulière de la
science politique. Pour y répondre, il est nécessaire de se dégager des logi-
ques purement corporatistes qui conduisent à des revendications mutuelle-
ment contraires, et symétriquement stériles. Le problème est de savoir si
l’on peut construire, sur des bases intellectuelles claires, un objet propre à la
science politique, dont la sociologie politique constituerait non pas un syno-
nyme comme il est écrit parfois, mais un sous-ensemble.
3. L’objet politique est-il accessible à une définition qui ne soit exces-
sivement arbitraire ? La difficulté de la réponse tient à l’extraordinaire
fluidité sémantique du mot politique. L’étymologie grecque indique une
référence : ce qui touche à la Cité, c’est-à-dire, par extension, ce qui
concerne le gouvernement de la collectivité. Mais en dehors de cet
ancrage, le mot politique véhicule des significations extrêmement diver-
ses, sans même parler de ses connotations qui, selon les contextes, peu-
vent être très dévalorisantes ou, au contraire, très idéalisatrices.
Comme adjectif le mot politique entre dans une série d’oppositions éclai-
rantes : décision politique/décision technique, ou encore : institution poli-
tique/institution administrative mais aussi promotion politique/promotion
fondée sur le mérite. Dans l’ordre international surtout, on notera l’anti-
nomie : solution politique/solution militaire et, plus largement, solution de
22
Introduction

force. Tous ces emplois montrent que le terme renvoie à une activité spécia-
lisée de représentants ou de dirigeants d’une collectivité publique, et tout par-
ticulièrement, de l’État.
Comme substantif, le mot fonctionne au féminin aussi bien dans le lan-
gage courant que dans le langage savant. On peut passer en revue diverses
significations banales :
– la politique comme espace symbolique de compétition entre les candi-
dats à la représentation du Peuple (entrer en politique) ;
– la politique comme activité spécialisée (faire de la politique) ;
– la politique comme ligne de conduite, c’est-à-dire enchaînement de pri-
ses de positions et séquence cohérente d’actions et de comportements
(la politique gouvernementale) ;
– une politique (publique), par dérivation du sens précédent, désigne
cette activité délibérée appliquée à un objet particulier (la politique
de santé, du logement).
Au masculin, le substantif est d’usage plus restreint, demeurant surtout
l’apanage de la littérature savante. Le politique renvoie à ce champ social
dominé par des conflits d’intérêts régulés par un pouvoir lui-même monopo-
lisateur de la coercition légitime. Aucun problème de société, aucun événe-
ment conjoncturel n’est intrinsèquement politique ; mais tous peuvent le
devenir dès lors qu’ils sont portés dans le débat public comme revendication
à satisfaire ou comme question à traiter par les pouvoirs publics. Cette défini-
tion, qui s’inspire de l’analyse webérienne, permet d’introduire directement
la question de l’objet de la science politique.
Il n’est pas arbitraire de considérer qu’aucune vie sociale n’est possible
sans réponses apportées à trois exigences irréductibles. Tout d’abord, pro-
duire et distribuer des biens grâce auxquels seront satisfaits les besoins maté-
riels des individus ; la division du travail à ce niveau économique est un extra-
ordinaire ciment des solidarités collectives. En second lieu, mettre en place
des outils de communication qui permettent l’intercompréhension. On
entend par là aussi bien des langages que des croyances partagées et des sym-
boliques communes ; les individus y recherchent le sentiment de leur appar-
tenance collective (in-groups) par rapport ou par opposition à d’autres allé-
geances (out-groups). À côté de ces deux types d’exigences que Lévi-Strauss
appelait « l’échange des biens » et « l’échange des signes », il en existe un troi-
sième non moins décisif pour l’existence collective : c’est la maîtrise du pro-
blème de la contrainte. Comme l’a fortement souligné Hobbes, la violence de
tous contre tous est la négation même de la vie en société. La question poli-
tique centrale est donc la régulation de la coercition. Elle opère par margina-
lisation tendancielle de la violence physique et mise en place d’un ordre juri-
dique effectif. Il existe un système d’injonctions (donner, faire et, surtout
peut-être, ne pas faire) qui fait l’objet d’un travail politique permanent de légi-
timation, en même temps que son effectivité s’appuie, en dernière instance,
sur une tendance à la monopolisation de la coercition au profit de gouver-
nants. Dès lors, à côté de l’économie et de la sociologie, la science politique
23
SOCIOLOGIE POLITIQUE

voit se dégager un objet propre qui la constitue comme science sociale à part
entière.
Celle-ci peut être subdivisée commodément en quatre branches : théorie
politique incluant l’histoire des doctrines et mouvements d’idées ; relations
internationales ; science administrative et action publique ; sociologie poli-
tique. Sans exagérer la portée de ces distinctions, assez claires néanmoins
en pratique, on soulignera que le domaine propre de cette dernière est la
dynamique des rapports de forces politiques qui traversent la société globale,
étude envisagée à partir d’une observation des pratiques.

24
CHAPITRE 1

Les « fondamentaux »
de l’analyse politique

4. Depuis l’Antiquité, la philosophie politique a médité sur un certain


nombre de questions capitales qui ne sont pas étrangères aux préoccupa-
tions de la science politique contemporaine. Certes, les réflexions relati-
ves à la conception du « bon gouvernement », centrales dans ce type de
littérature, relèvent d’une démarche qui n’est pas celle de la sociologie
politique. Elles s’intéressent en effet à un système idéal, explicite ou
implicite, à l’aune duquel sont jugés les faits existants ; elles impliquent
des choix éthiques plutôt que scientifiques à proprement parler. En
revanche, beaucoup de problématiques qu’analysent de façon synthé-
tique Jean-Marie Donégani et Marc Sadoun sous forme de couples
conceptuels, ne sauraient être ignorées par la sociologie politique. Ce
sont, selon leurs termes, les rapports entre « l’individu et le tout », « l’éga-
lité et la différence », « le pouvoir et la domination », « l’intérêt et la
volonté », « Eris et Philia » c’est-à-dire la relation ami/ennemi1. De telles
oppositions notionnelles, surtout les trois premières, ont toujours consti-
tué l’architecture intellectuelle sous-jacente à toute analyse savante du
politique. Néanmoins leur énumération et surtout la manière de les abor-
der doivent être adaptées au regard du sociologue. Par ailleurs, il est
important de ne pas négliger la part d’imaginaire et d’émotionnel, d’agres-
sivité et de conflit, qui traverse en permanence l’activité politique. L’in-
troduction des concepts de « politique symbolique » et de « conflictualité »
semble donc indispensable pour autoriser une meilleure mise en lumière
de cette dimension majeure de la politique.
Dans la mesure où l’on réserve à un chapitre ultérieur l’étude du pouvoir
et de la domination, les problèmes de macro-analyse qui dominent le champ

1. Jean-Marie DONÉGANI, Marc SADOUN, Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Gallimard, 2007.

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