Les Caractères, La Bruyère

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Les Caractères, La Bruyère : fiche de

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Qui est La Bruyère ?
La Bruyère présente ses Caractères comme la simple continuation des Caractères de Théophraste,
auteur grec du IVème siècle avant Jésus-Christ.

Mais La Bruyère enrichit et dépasse le texte source pour élaborer un véritable chef d’œuvre. Comme
le souligne le sous-titre « Les Mœurs de ce siècle », ses remarques dressent un tableau des mœurs et
des hommes du XVIIème siècle, mais elles tendent aussi à l’universalité et à l’intemporalité car
derrière chaque portrait se cache la peinture d’un type humain.

Les caractères est une œuvre qui s’inscrit dans le courant du classicisme

Né en 1645, Jean de La Bruyère est un écrivain du XVIIème siècle, auteur d’une œuvre unique, Les
Caractères, qui connaît un succès retentissant dès sa publication en 1688 et connaît plusieurs
éditions augmentées jusqu’en 1696.

Moraliste du Grand siècle qui peint l’âme humaine, il s’inscrit dans le sillage de Montaigne, Pascal et
La Rochefoucauld.

Dans la célèbre querelle des Anciens et des Modernes, il prend parti pour les Anciens dont il prône
l’imitation.

Comment résumer les livres V à X des Caractères ?


Dans De la société et de la conversation (livre V), La Bruyère évoque l’art d’être en société. Il dresse
le portrait de personnages contraires aux valeurs de civilité, de politesse et d’honnêteté.

Dans Des biens de fortune (livre VI), le moraliste met l’accent sur le rôle de l’argent qui déstabilise
l’ordre social et crée des différences de fortune ne reposant pas sur le mérite.

Dans De la ville (livre VII), il dépeint la ville comme un théâtre où tout est caché, masqué. Les
hommes sont rattachés les uns aux autres par le « regard », instrument de comparaison, de
malveillance et de moquerie.

Dans De la Cour (VIII), La Bruyère présente le tableau satirique de la cour de Louis XIV. Il s’agit d’une
société superficielle, soumise au culte des apparences. Il décrit un monde impitoyable où les
destinées sont soumises aux lois du hasard et où le destin d’un favori peut être brisé soudainement.

Dans Des Grands (IX), le moraliste dresse le portrait des hommes de la haute noblesse, orgueilleux,
vaniteux, imprévisibles et corrompus. L’auteur oppose le rang social et le mérite.

Dans Du Souverain ou de la République (livre X), il critique la guerre et adresse des conseils aux
dirigeants et au roi.
Quels sont les thèmes importants dans les livres V à X des Caractères de La
Bruyère ?
L’honnête homme
Dans Les Caractères, La Bruyère fait le portrait de l’honnête homme (idéal de l’homme au XVIIème
siècle) : un homme mesuré, convenable, cultivé, qui n’essaie pas de paraître pour ce qu’il n’est pas.

Ainsi, les portraits satiriques sont à lire comme des contre-modèles de l’honnête homme.

Par exemple, Théodecte (V, 12) est trop théâtral. Il veut être le centre de tout et a des gestes et des
tons de voix excessifs, qui manquent de discrétion. Narcisse (VII,12) ne se soucie que de lui-même.

L’honnête homme, au contraire, se caractérise par sa modestie, sa mesure et sa maîtrise des


relations sociales et de la conversation (livre V, « De la société et de la conversation »).

Le théâtre du monde
La Bruyère représente le monde comme un théâtre, thème traditionnel dans la littérature moraliste
du XVIIème siècle.

Le monde est théâtral car chacun met en scène sa richesse et sa fortune, dans une société régie par
l’artifice et la superficialité.

Ainsi, le regard est omniprésent dans Les Caractères. Tout est spectacle et destiné à être vu : « “L’on
se donne à Paris (…) pour se regarder au visage et se désapprouver les uns les autres” » (VII,
remarque 1). La Bruyère décrit même un « “spectateur de profession” » (VII, remarque 13) qui passe
sa vie à fréquenter la Cour et la ville pour voir et être vu.

Sur cette scène, chaque courtisan est un acteur « “maître de son geste, de ses yeux et de son visage”
» (VIII, remarque 2).

Cette comédie sociale est néfaste car l’art de la dissimulation détruit le « naturel », très important au
XVIIème siècle

La Cour et la ville
Dans le livre VIII, La Bruyère s’intéresse particulièrement à deux espaces qui amoindrissent les vertus
de l’homme et font ressortir ses vices : la Cour et la ville.

Pour La Bruyère, ce sont les lieux du changement perpétuel. Rien n’y est stable, tout y est en
mouvement, ce qui ne peut que déplaire au moraliste qui souhaite l’équilibre, la raison, et la
perpétuation de la tradition.

Le champ lexical de l’agitation caractérise par exemple le portrait de Cimon et Clitandre qui « portent
au vent, attelés tous deux au char de la fortune, et tous deux fort éloignés de s’y voir assis ». (VIII,
remarque 9)

La Cour et la ville sont également dominées par la figure de la Roue de Fortune qui fait et défait les
destins à l’aveugle.

Celui qui vient d’être placé à un nouveau poste en sera rapidement déchu (VIII, remarque 32).

Dans ces espaces, les hommes sont en esclavage : « “Qui est plus esclave qu’un courtisan assidu, si ce
n’est un courtisan plus assidu” » (VIII, remarque 69)
L’argent
Dans le livre VI « Des biens de Fortune », La Bruyère dénonce la supériorité de l’argent sur la vertu.

En effet, l’argent perturbe l’ordre social censé être régi par le mérite aristocratique.

Ainsi, Giton représente l’allégorie des fortunés se donnant tous les droits sur les autres en raison de
sa richesse (VI, remarque 83). Celle-ci ne semble pourtant pas le fruit d’un travail abondant : « « il
dort le jour, il dort la nuit » !

L’argent est devenu un instrument de décadence. Dans une société où l’argent est le fondement de
l’individu, celui qui n’en possède pas est exclu, comme Phédon que la pauvreté rend inapte à toute
interaction sociale (VI, remarque 83).

L’art de gouverner
Dans le livre X « Du Souverain ou de la République », La Bruyère réfléchit au meilleur gouvernement
possible.

Il critique la tyrannie, « “manière la plus horrible et la plus grossière de se maintenir” » (X, 2) ainsi
que la guerre et le désir de conquête de certains princes (X, remarques 9 et 10).

Le roi doit être le « “Père du peuple” » (X, remarque 27) et assurer la paix et la tranquillité publique
au lieu de poursuivre sa gloire personnelle (X, remarque 24).

Dans la remarque 29, La Bruyère représente même le Roi comme un berger qui conduit son peuple
avec justice, fermeté mais surtout sobriété et humilité. Le prince idéal doit avoir « “une parfaite
égalité d’humeur », « le cœur ouvert et sincère” » (X, 35), le sens de la mesure, le souci de tous et de
chacun. On reconnaît aisément dans cette remarque la transposition de l’idéal de l’honnête homme
en politique.

Le Roi doit aussi savoir s’entourer. Quand il sélectionne ses ministres, c’est en songeant à ceux
qu’aurait choisis son peuple (X, remarque 23) : « “C’est un extrême bonheur pour les peuples quand
le Prince admet dans sa confiance et choisit pour le ministère ceux qu’ils auraient voulu lui donner
s’ils avaient été les maîtres” ».

Que signifie le parcours « La comédie sociale » ?


Dans Les Caractères, La Bruyère dénonce la comédie sociale : sur le théâtre du monde, chacun essaie
de paraître pour ce qu’il n’est pas. Les hommes vivent dans l’hypocrisie permanente et s’éloignent de
l’idéal de l’honnête homme.

Le monde est un théâtre


La Bruyère invite le lecteur à être le spectateur amusé d’une comédie sociale.

Cette comédie a une scène : la Cour et la ville. Ce sont les lieux de la superficialité et de l’artifice.

Quand Arfure, dont le mari s’est enrichi, arrive à l’église, c’est dans « un char » et en portant une
robe à « lourde queue », comme dans une scène de spectacle baroque. (VI, remarque 16)

Cette comédie possède également ses acteurs, les courtisans, « “vrais personnages de comédie” »
(IX, 50) qui maîtrisent leur rôle à la perfection.
Le champ lexical du regard, omniprésent dans Les Caractères, suggère que les hommes sont tous
respectivement acteurs et spectateurs de leur propre vie.

Une écriture théâtrale


Pour mieux dénoncer la comédie sociale, l’écriture de La Bruyère se fait volontiers théâtrale.

C’est ainsi que certaines remarques adoptent la forme de dialogues, comme dans le portrait d’Acis :
« “Que dites-vous ? Comment ? Je n’y suis pas ; vous plairait-il de recommencer ? J’y suis encore
moins. Je devine enfin : vous voulez, Acis, me dire qu’il fait froid” ». (V, remarque 7)

D’autres portraits s’apparentent à de véritables saynètes de comédie, tel celui d’Arrias qui se termine
par un coup de théâtre : Arrias énonce des erreurs qu’il affirme avoir apprises de Séthon alors que
Séthon se trouve justement en face de lui ! (V, remarque 9)

La satire sociale
Derrière la comédie sociale, se cache néanmoins la satire sociale.

L’hypocrisie, la rivalité, la jalousie pointent sous l’artifice et la superficialité.

« “L’air de Cour est contagieux” » écrit La bruyère dans la remarque 14 du livre VIII. Cette métaphore
de la maladie suggère que ce théâtre du monde, amusant à regarder, n’en reste pas moins un espace
de corruption et de déchéance
Quelques Textes :
Portrait de Pamphile

Pamphile ne s’entretient pas avec les gens qu’il rencontre dans les salles ou dans les cours :
si l’on en croit sa gravité et l’élévation de sa voix, il les reçoit, leur donne audience, les
congédie ; il a des termes tout à la fois civils et hautains, une honnêteté impérieuse et qu’il
emploie sans discernement ; il a une fausse grandeur qui l’abaisse, et qui embarrasse fort
ceux qui sont ses amis, et qui ne veulent pas le mépriser.
Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa
grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses
pièces, s’en enveloppe pour se faire valoir ; il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l’étale ou
il le cache par ostentation. Un Pamphile en un mot veut être grand, il croit l’être ; il ne l’est
pas, il est d’après un grand. Si quelquefois il sourit à un homme du dernier ordre, à un
homme d’esprit, il choisit son temps si juste, qu’il n’est jamais pris sur le fait : aussi la
rougeur lui monterait-elle au visage s’il était malheureusement surpris dans la moindre
familiarité avec quelqu’un qui n’est ni opulent, ni puissant, ni ami d’un ministre, ni son allié,
ni son domestique. Il est sévère et inexorable à qui n’a point encore fait sa fortune. Il vous
aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit ; et le lendemain, s’il vous trouve en un
endroit moins public, ou s’il est public, en la compagnie d’un grand, il prend courage, il vient
à vous, et il vous dit : Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir. Tantôt il vous quitte
brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis ; et tantôt s’il les trouve avec
vous en conversation, il vous coupe et vous les enlève. Vous l’abordez une autre fois, et il ne
s’arrête pas ; il se fait suivre, vous parle si haut que c’est une scène pour ceux qui passent.
Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le faux, et qui
ne haïssent rien tant que d’être naturels ; vrais personnages de comédie, des Floridors, des
Mondoris.
Les Caractères, IX, 50

Giton, Les Caractères, La Bruyère

Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l'oeil fixe et assuré, les épaules
larges, l'estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance ; il fait répéter
celui qui l'entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu'il lui dit. Il déploie un
ample mouchoir et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort haut. Il
dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie. Il occupe à table et à la
promenade plus de place qu'un autre. Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il
s'arrête, et l'on s'arrête ; il continue de marcher, et l'on marche : tous se règlent sur lui. Il
interrompt, il redresse ceux qui ont la parole : on ne l'interrompt pas, on l'écoute aussi
longtemps qu'il veut parler ; on est de son avis, on croit les nouvelles qu'il débite. S'il
s'assied, vous le voyez s'enfoncer dans un fauteuil, croiser les jambes l'une sur l'autre,
fronner le sourcil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever
ensuite, et découvrir son front par fierté et par audace. Il est enjoué, grand rieur, impatient,
présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps ; il se croit du
talent et de l'esprit. Il est riche.
Portrait de Giton, Les Caractères, VI, 83.

Phédon, Les Caractères, La bruyère

Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre ; il dort peu, et
d'un sommeil fort léger ; il est abstrait, rêveur, et il a avec de l'esprit l'air d'un stupide : il
oublie de dire ce qu'il sait, ou de parler d'événements qui lui sont connus ; et s'il le fait
quelquefois, il s'en tire mal, il croit peser à ceux à qui il parle, il conte, mais froidement ; il ne
se fait pas écouter, il ne fait point rire. Il applaudit, il sourit à ce que les autres lui disent, il
est de leur avis ; il court, il vole pour leur rendre de petits services. Il est complaisant,
flatteur, empressé ; il est mystérieux sur ses affaires, quelquefois menteur ; il est
superstitieux, scrupuleux, timide. Il marche doucement et légèrement, il semble craindre de
fouler la terre ; il marche les yeux baissés, et il n'ose les leviers sur ceux qui passent. Il n'est
jamais du nombre de ceux qui forment un cercle pour décourager ; il se met derrière celui
qui parle, recueille furtivement ce qui se dit, et il se retire si on le regarde. Il n'occupe point
de lieu, il ne tient point de place ; il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur ses yeux
pour n'être point vu ; il se répond et se renferme dans son manteau ; il n'y a point de rues ni
de galeries si embarrassées et si remplies de monde, où il ne trouve moyen de passer sans
effort, et de se couler sans être aperçu. Si on le prie de s'asseoir, il se met à peine sur le bord
d'un siège ; il parle bas dans la conversation, et il articule mal ; libre néanmoins sur les
affaires publiques, chagrin contre le siècle, médiocrement prévenu des ministres et du
ministère. Il n'ouvre la bouche que pour répondre ; il tousse, il se mouche sous son chapeau,
il crache presque sur soi, et il attend qu'il soit seul pour éternuer, ou, si cela lui arrive, c'est à
l'insu de la compagnie : il n'en coûte à personne ni salut ni compliment. Il est pauvre.

Phédon, « Des Biens de fortune », Les Caractères (VI, 83), La Bruyère


Irène, Les Caractères, La Bruyère

Irène se transporte à grands frais en Epidaure, voit Esculape dans son temple, et le consulte
sur tous ses maux, D’abord elle se plaint qu’elle est lasse et recrue de fatigue ; et le dieu
prononce que cela lui arrive par la longueur du chemin qu’elle vient de faire. Elle dit qu’elle
est le soir sans appétit ; l’oracle lui ordonne de dîner peu : elle ajoute qu’elle est sujette à
des insomnies, et il lui prescrit de n’être au lit que pendant la nuit : elle lui demande
pourquoi elle devient pesante, et quel remède ; l’oracle répond qu’elle doit se lever avant
midi, et quelquefois se servir de ses jambes pour marcher : elle lui déclare que le vin lui est
nuisible ; l’oracle lui dit de boire de l’eau ; qu’elle a des indigestions, et il ajoute qu’elle fasse
diète. « Ma vue s’affaiblit, dit Irène. — Prenez des lunettes, dit Esculape. — Je m’affaiblis
moi-même, continue-t-elle, et je ne suis ni si forte ni si saine que j’ai été. — C’est, dit le dieu,
que vous vieillissez. — Mais que moyen de guérir de cette langueur ? — Le plus court, Irène,
c’est de mourir, comme ont fait votre mère et votre aïeule. — Fils d’Apollon, s’écrie Irène,
quel conseil me donnez-vous ? Est-ce là toute cette science que les hommes publient, et qui
vous fait révérer de toute la terre ? Que m’apprenez-vous de rare et de mystérieux ? et ne
savais-je pas tous ces remèdes que vous m’enseignez ? — Que n’en usiez-vous donc, répond
le dieu, sans venir me chercher de si loin, et abréger vos jours par un long voyage ? »
Les Caractères, La Bruyère, livre XI « De l’Homme », remarque 35

Introduction : La Bruyère, Les Caractères


Le XVIIème siècle est le siècle de l’absolutisme. Les courtisans se pressent à Versailles, pour essayer
d’obtenir les faveurs des rois. Ce comportement ne réussit pas à tout le monde, et certains, comme
Fouquet, intendant du roi Louis XIV, s’approcheront trop près du soleil et se brûleront les ailes. Les
courtisans sont aussi soumis au regard perçant des portraitistes, dont le plus célèbre sera La Bruyère.
Tout comme d’autres moralistes de son temps tels que Jean de La Fontaine, La Bruyère tente
d’instruire l’honnête homme et ne se prive pas de critiquer la société de son temps. Dans Les
Caractères qu’il publie anonymement en 1688, l’auteur dépeint les grands de son temps et se met
lui-même en scène. Dans…

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