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Controle optimal

des equations aux derivees partielles


Ecole Polytechnique
N. Burq et P. Gérard
2

Table des Matières

CHAPITRE I. Rappels et compléments sur les opérateurs linéaires

1.1. Théorèmes de prolongement ................................................................................ 1


1.2. Principe de la borne uniforme ............................................................................. 4
1.3. Le théorème de l’application ouverte et ses variantes ........................................... 5

CHAPITRE II. Semi-groupes d’opérateurs linéaires

2.1. Généralités .......................................................................................................... 9


2.2. Générateur infinitésimal ...................................................................................... 11
2.3. Construction de semi-groupes : le théorème de Hille-Yosida ................................ 19
2.4. Le cas des espaces de Hilbert .............................................................................. 26

CHAPITRE III. Problèmes variationnels. Equations d’ondes

3.1. Rappels sur la résolution du problème de Dirichlet .............................................. 32


3.2. Décomposition spectrale des opérateurs compacts auto-adjoints .......................... 34
3.3. Equations d’ondes ............................................................................................... 39

CHAPITRE IV. Problèmes de contrôle et de stabilisation

4.1. Stabilisation de l’équation des ondes ................................................................... 44


4.2. Contrôle de l’équation des ondes (méthode HUM) ............................................... 48

CHAPITRE V. Opérateurs pseudo-différentiels

5.1. Opérateurs diférentiels ......................................................................................... 52


5.2. Le calcul pseudo-différentiel ................................................................................ 54
5.3. Estimations L2 .................................................................................................... 60
5.4. Application : une inégalité de Gårding ................................................................ 61
5.5. Mesures de défaut microlocales ............................................................................ 62
3

CHAPITRE VI. Conditions de contrôle géométrique

6.1. Préliminaires géométriques .................................................................................. 67


6.2. Inégalités d’observation ....................................................................................... 70

ANNEXE. Un théorème d’unicité ......................................................................... 80


Introduction
Un problème fondamental dans plusieurs champs d’applications des Mathématiques
est le contrôle ou l’amortissement des vibrations de grandes structures. C’est ainsi que,
dans les trente dernières années, s’est développée, sous l’impulsion de J.-L. Lions et de son
école, une théorie mathématique du contrôle optimal pour les solutions de l’équation des
ondes dans un milieu non homogène. Plus récemment, un certain nombre de ces questions
ont trouvé des solutions géométriques remarquables grâce à l’utilisation ingénieuse de
l’analyse microlocale, développée à partir des années 1960 par L. Hörmander et son
école. Le but de ces notes est de présenter ces résultats, sous une forme accessible à un
élève connaissant un minimum d’analyse fonctionnelle et de théorie des distributions.
Dans une première partie, nous établissons quelques résultats classiques d’analyse
fonctionnelle, remontant pour l’essentiel au mémoire de S. Banach (1932) sur les
opérateurs linéaires.
Le second chapitre fournit un cadre abstrait à la résolution de nombreuses équations
d’évolution linéaires grâce à un célèbre théorème démontré indépendamment par E. Hille
et K. Yosida dans les années 1950. Il est suivi d’un court chapitre appliquant ces résultats
à l’équation des ondes.
Le chapitre IV présente les problèmes de stabilisation et de contrôle pour l’équation
des ondes, en particulier la méthode HUM (Hilbert Uniqueness Method) de J.-L. Lions.
Le chapitre V propose une introduction auto-contenue aux méthodes d’analyse
microlocale : opérateurs pseudo-différentiels, mesures de défaut microlocales.
Enfin, la combinaison de ces différents outils débouche au chapitre VI sur les
“théorèmes de contrôle géométrique” de J. Rauch, M. Taylor, C. Bardos et G. Lebeau,
que nous démontrons dans leur version la plus simple.
Il va de soi que ces quelques notes n’ont pu aborder beaucoup d’autres aspects
importants de la théorie du contrôle optimal, dépassant largement le cadre d’un tel cours.
Nous espérons néanmoins qu’elles fourniront au lecteur quelques clefs de compréhension
de l’interaction féconde de deux domaines importants de l’analyse mathématique.
Nous tenons à remercier chaleureusement Madame Antoinette Bardot, qui a assuré
la saisie de notre manuscrit avec une patience et une compétence exemplaires.

Orsay, Décembre 2002


Nicolas Burq
Patrick Gérard
5

CHAPITRE I
RAPPELS ET COMPLÉMENTS SUR
LES OPÉRATEURS LINÉAIRES

*****************

• Un espace vectoriel E sur K = R ou C, muni d’une norme, est un espace de


Banach s’il est complet.
• Si E, F sont des espaces vectoriels normés, on désigne par L(E, F ) l’espace vectoriel
des applications linéaires continues de E vers F , que l’on munit de la norme définie par

kT ukF
kT kE→F = sup .
u∈E\{0} kukE

On vérifie que, si F est un espace de Banach, alors L(E, F ) est un espace de Banach.
• Le but de ce chapitre est de passer en revue trois types de résultats importants
concernant les opérateurs linéaires, qui nous seront très utiles dans la suite du cours.

1.1. Théorèmes de prolongement

Théorème 1.1. Soient E un espace vectoriel normé, D un sous-espace vectoriel dense


de E, F un espace de Banach. Toute application linéaire continue de D vers F a un
unique prolongement linéaire continu de E vers F .

Démonstration. Soit T ∈ L(D, F ). Si u ∈ E, il existe une suite (un )n∈N d’éléments de


D convergeant vers u. Puisque

kT un − T up kF = kT (un − up )kF ≤ kT kD→F kun − up kE ,

la suite (T un )n∈N est de Cauchy dans F , donc converge puisque F est complet. La limite
lim T un ne dépend pas de la suite (un )n∈N choisie pour approcher u : en effet, si (u˜n )n∈N
n→∞
est une autre suite d’éléments de D approchant u, la suite (vn )n∈N définie par

v2p = up , v2p+1 = ũp , p ∈ N,


6

est une suite de D approchant u, donc T vn a une limite, ce qui assure

lim T up = lim T ũp .


p→∞ p→∞

Posons

(1.1) T u = lim T un .
n→∞

Alors on vérifie aisément que T ∈ L(E, F ) et prolonge T . Enfin, un prolongement continu


de T à E est nécessairement donné par la formule (1.1), ce qui assure l’unicité de T .
q.e.d.

Exemple 1.2. Intégrale de fonctions réglées à valeurs dans un espace de


Banach. Soit F un espace de Banach, et soit [a, b] un intervalle compact de R. On vérifie
aisément que l’espace vectoriel B([a, b], F ) des fonctions bornées sur [a, b] à valeurs dans
F , muni de la norme

(1.2) kf k∞ = sup kf (x)kF


x∈[a,b]

est un espace de Banach. Soit D le sous-espace vectoriel de B([a, b], F ) constitué des
fonctions en escaliers ; on dit qu’une fonction de [a, b] dans F est réglée si elle appartient
à l’adhérence E de D dans B([a, b], F ). On peut montrer qu’une fonction f : [a, b] → F
est réglée si et seulement si elle admet des limites à gauche et à droite en tout point de
[a, b]. Pour toute fonction en escaliers f : [a, b] → F , on définit aisément l’intégrale
Z b
f (x)dx ∈ F ,
a

de sorte qu’on dispose d’une application linéaire

T : D −→ F
Z b
f 7−→ f (x)dx
a

caractérisée par la formule


Z b Z b 
g(x)v dx = g(x)dx v
a a
7

pour toute fonction g : [a, b] → K en escaliers, et tout vecteur v ∈ F . La double inégalité


Z b Z b
(1.3) f (x)dx ≤ kf (x)kF dx ≤ (b − a)kf k∞
a F a

est, elle aussi, élémentaire.


On peut donc appliquer le théorème 1.1 et en déduire un unique prolongement de T
Rb
à E, ce qui définit, pour toute fonction réglée f de [a, b] vers F , l’intégrale a f (x)dx ∈ F ;
de plus, la double inégalité (1.3) se prolonge à de telles fonctions.
Un cas particulier très important de fonction réglée, que nous utiliserons à plusieurs
reprises dans la suite, est bien sûr celui des fonctions continues.

Théorème 1.3 (prolongement de la convergence). Soient E, F des espaces vectoriels


normés, D un sous-espace vectoriel dense de E et (Tn )n∈N une suite d’éléments de
L(E, F ). On suppose qu’il existe C > 0 tel que

(1.4) ∀n ∈ N , kTn kE→F ≤ C

et que, pour tout élément u de D, la suite Tn u a une limite T u quand n tend vers l’infini.
Alors l’application T : D → F ainsi définie est linéaire continue, et, si T admet un
prolongement T ∈ L(E, F ) (par exemple si F est complet) alors, pour tout u ∈ E,

(1.5) Tn u −−−−→ T u .
n→∞

Démonstration. La linéarité de T est immédiate, et sa continuité provient de l’inégalité

kT ukF = lim kTn ukF ≤ C kukE ,


n→∞

qui se déduit de (1.4). Supposons qu’il existe un prolongement linéaire continu T de T à


E. Soit u ∈ E. Pour tout ε > 0, il existe v ∈ D tel que ku − vkE ≤ ε. Alors, pour tout n,

kTn u − T ukF ≤ kTn u − Tn vkF + kTn v − T vkF + kT v − T ukF


≤ C ku − vkF + kTn v − T vkF + kT k kv − ukF

de sorte que
lim sup kTn u − T ukF ≤ (C + kT k)ε
n→∞
8

pour tout ε > 0, ce qui achève la démonstration. q.e.d.

Exemple 1.4. Soit p ∈ [1, +∞[, et soit E = Lp (R) l’espace des (classes de) fonctions
mesurables de R dans C, de puissance pième sommable. Muni de la norme
Z 1/p
(1.6) kf kp = |f (x)|p dx ,
R

E admet pour sous-espace dense l’espace D des fonctions continues à support compact.
Pour tout réel h, soit τh : E → E l’opérateur de translation défini par

(1.7) τh f (x) = f (x − h).

Alors τh est une isométrie de E et, pour toute fonction f continue à support compact

(1.8) kτh f − f kp −−−−→ 0 .


h→0

En appliquant le théorème 1.8 à la suite (Tn )n∈N définie par Tn = τhn , où (hn )n∈N est
une suite quelconque de réels tendant vers 0, on en déduit que (1.8) reste vraie pour tout
f ∈ Lp (R).

1.2. Principe de la borne uniforme


Théorème 1.5 (Banach-Steinhaus). Soient E un espace de Banach, F un espace
vectoriel normé, et (Tj )j∈J une famille d’opérateurs linéaires de E vers F vérifiant

(1.9) ∀u ∈ E , sup kTj ukF < +∞.


j∈J

Alors (1.9) a lieu uniformément sur la boule unité de E, i.e.

(1.10) sup kTj kE→F < +∞.


j∈J

Démonstration. Pour tout n ∈ N, posons


n o
An = u ∈ E , sup kTj ukF ≤ n .
j∈J

L’ensemble An est fermé dans E (c’est une intersection de fermés) et l’hypothèse (1.9)
assure que

[
An = E .
n=1
9

Puisque E est complet, il possède la propriété de Baire : une réunion dénombrable de


fermés d’intérieur vide est d’intérieur vide. En conséquence, l’un des An est d’intérieur
non vide. Comme An = nA1 , A1 est d’intérieur non vide. Puisque A1 est égal à −A1 et
◦ ◦
est convexe, A1 a les mêmes propriétés ; si u0 ∈ A1 , on a donc

1 1 ◦ ◦ ◦
0= (u0 − u0 ) ∈ (A1 − A1 ) ⊂ A1 .
2 2

Soit alors r > 0 tel que la boule fermée de centre 0 et de rayon r soit contenue dans
A1 . Pour tout élément u de la boule unité de E, on a donc ru ∈ A1 , et

∀j ∈ J , r kTj ukF ≤ 1

soit
1
∀j ∈ J , kTj kE→F ≤ .
r
q.e.d.

Corollaire 1.6. Soient E un espace de Banach, F un espace vectoriel normé, et (Tn )n∈N
une suite de L(E, F ) telle que, pour tout u ∈ E, Tn u ait une limite. Alors

sup kTn kE→F < +∞.


n∈N

En particulier, une limite simple d’applications linéaires continues de E vers F est


continue.

1.3. Le théorème de l’application ouverte et ses variantes


Théorème 1.7 (Banach). Soient E, F des espaces de Banach et T ∈ L(E, F ). On
suppose que T est surjective. Alors T est ouverte, i.e. l’image par T de tout ouvert de E
est un ouvert de F .

Démonstration. Notons BE , BF les boules unité fermées de E, F respectivement.


Puisque T est linéaire, il suffit de montrer qu’il existe r > 0 tel que

(1.11) r BF ⊂ T (BE ).

Pour tout entier naturel n, notons

An = T (n BE ).
10

Alors An est un fermé de F et



[
An = F
n=1
puisque T est surjective. Puisque F est complet, la propriété de Baire assure que l’un

des An a un intérieur non vide ; puisque T est linéaire An = n A1 , donc A1 6= ∅. De plus,
◦ ◦ ◦
A1 = − A1 et A1 est convexe, donc
1 ◦ ◦ ◦
0∈ (A1 − A1 ) ⊂ A1 .
2
Il existe donc R > 0 tel que
(1.12) R BF ⊂ T (BE ).
La deuxième étape de la démonstration consiste à passer de (1.12) à (1.11), quitte à
choisir r < R. En utilisant une fois encore la linéarité de T , on peut traduire la propriété
(1.12) sous la forme suivante :
(1.13) pour tout v ∈ F , pour tout ε > 0 , il existe u ∈ E tel que
1
kv − T ukF ≤ ε et kukE ≤ kvkF .
R
R
Appliquons cette propriété à v ∈ 2 BF . Il existe u1 ∈ E tel que
1 R
ku1 kE ≤ et kv − T u1 kF ≤ .
2 4
En appliquant la propriété (1.13) à v1 = v − T u1 , il existe u2 ∈ E tel que
1 R
ku2 kE ≤ et kv − T u1 − T u2 kF ≤ .
4 8
On construit ainsi par récurrence une suite (un )n≥1 d’éléments de E vérifiant
n
−n
X R
kun kE ≤ 2 et v− T uk ≤ n+1 .
F 2
k=1
n
P 
Puisque la série des kun kE est convergente, la suite des sommes partielles uk n≥1
k=1
vérifie le critère de Cauchy. L’espace E étant complet, elle est convergente. Posons

X
u= uk .
k=1

P
Alors kukE ≤ kuk kE ≤ 1 et, puisque l’application T est continue,
k=1
n
X
T u = lim T uk = v .
n→∞
k=1
R
On a donc montré (1.11) avec r = 2. q.e.d.
11

Corollaire 1.8 (théorème de l’isomorphisme). Soient E, F des espaces de Banach. Toute


bijection linéaire continue de E sur F a un inverse continu. En particulier, si deux normes
rendent un même espace vectoriel complet et sont comparables, elles sont équivalentes.

En effet, si T ∈ L(E, F ) est bijective et U ⊂ E est ouvert, (T −1 )−1 (U ) = T (U ) est


ouvert donc T −1 est continue. Si k k1 et k k2 sont deux normes sur un espace vectoriel E
qui le rendent complet et s’il existe C > 0 tel que k k2 ≤ C k k1 , l’application identique
(E, k k1 ) → (E, k k2 ) est une bijection linéaire continue. La continuité de son inverse
assure l’existence de D > 0 tel que k k1 ≤ Dk k2 , de sorte que ces deux normes sont
équivalentes.

Corollaire 1.9 (théorème du graphe fermé). Soient E, F des espaces de Banach et


T : E → F une application linéaire. Alors T est continue si et seulement si le graphe de
T est fermé dans E ×F , c’est-à-dire : pour toute suite (un )n∈N de E vérifiant un −−−−→ u
n→∞
dans E et T un −−−−→ v dans F , on a v = T u.
n→∞

Démonstration. Soit Γ = {(u, T u), u ∈ E} ⊂ E × F le graphe de T . Puisque T est


linéaire, Γ est un sous-espace vectoriel de E × F . Il est clair que la continuité de T assure
que Γ est fermé dans E ×F . Il s’agit donc de montrer la réciproque. Puisque E, F sont des
espaces de Banach, E × F est un espace de Banach. Si Γ est fermé, Γ est donc également
un espace de Banach. Soient p1 , p2 la première et la seconde projection de E × F sur
E, F respectivement. L’application p1 est continue et sa restriction à Γ est une bijection
linéaire continue de Γ sur E. Sa réciproque q est donc continue en vertu du corollaire 1.8 ;
en conséquence, p2 ◦ q = T est continue. q.e.d.

Exemple 1.10. Soit Ω un ouvert de Rd et soient E, F des sous-espaces vectoriels de


l’espace D0 (Ω) des distributions sur Ω. On suppose que E, F sont munis respectivement
de normes k kE , k kF qui les rendent complets, et telles que toute suite de E (resp. de
F ) qui converge vers 0 pour k kE (resp. k kF ) converge vers 0 au sens des distributions.

On suppose que E ⊂ F . Alors il existe C > 0 tel que k kF ≤ C k kE .

En effet, appliquons le théorème du graphe fermé à l’injection canonique j :


(E, k kE ) → (F, k kF ). Si (un ) est une suite de E convergeant vers u pour k kE et
telle que un converge vers v ∈ F pour k kF , alors un − u et un − v tendent vers 0 au sens
des distributions, donc v = u.
12

Plus généralement, on montre par la même méthode qu’une application linéaire


“naturelle” entre deux espaces de Banach de distributions est automatiquement continue.
Au niveau plus général encore des espaces de Banach abstraits, on peut montrer (travaux
de Solovay) que, sans l’axiome du choix, il est impossible de montrer l’existence d’une
application linéaire discontinue entre deux espaces de Banach !
CHAPITRE II
SEMI-GROUPES D’OPÉRATEURS LINÉAIRES
*****************

2.1. Généralités
Soit E un espace de Banach sur K = R ou C, dont la norme sera notée k k. On
note L(E) = L(E, E) l’espace vectoriel des opérateurs linéaires continus de E dans
E. Remarquons que, muni du produit de composition des applications, L(E) est une
algèbre dont l’élément unité est l’application identique. Pour cette raison, nous noterons
simplement T1 T2 le produit de composition T1 ◦ T2 des éléments T1 , T2 de L(E), et 1
l’application identique. Lorsqu’aucune confusion n’est à craindre, nous noterons

kT k = sup kT uk
kuk≤1

la norme sur L(E), qui en fait un espace de Banach. On vérifie aisément l’inégalité

(2.1) kT1 T2 k ≤ kT1 k kT2 k

pour tous T1 , T2 ∈ L(E). On traduit l’ensemble de ces propriétés en disant que


(L(E), k k) est une algèbre de Banach.

Définition 2.1. Un semi-groupe fortement continu d’opérateurs linéaires sur


E (en abrégé semi-groupe sur E) est une application

S : R+ −→ L(E)

vérifiant les propriétés suivantes :

(i) S(0) = 1.
(ii) Pour tous t1 , t2 ∈ R+ , S(t1 + t2 ) = S(t1 )S(t2 ).
(iii) Pour tout u ∈ E, l’application

t ∈ R+ 7−→ S(t)u ∈ E

est continue.
14

Remarque et exemple 2.2. On prendra soin de noter que la condition (iii) n’entraı̂ne
pas en général la continuité de l’application S : R+ → L(E) lorsque L(E) est munie de
sa norme naturelle. Cette distinction apparaı̂tra plus clairement au paragraphe suivant,
mais voici d’ores et déjà un exemple qui l’illustre bien.
Soit E = Lp (R), p ∈ [1, +∞[ et, pour tout t ≥ 0, S(t) = τt défini par

τt u(x) = u(x − t).

On a déjà vu (exemple 1.4) que τt était une isométrie de E et que la propriété (iii)
était vérifiée. Quant aux propriétés (i) et (ii), elles sont triviales. Soit t > 0, et soit u
la fonction indicatrice de l’intervalle [0, t[⊂ R. Alors τt u est la fonction indicatrice de
l’intervalle [t, 2t[, de sorte que

kτt u − ukpp = 2t , kukpp = t

et donc
kτt u − ukp
kτt − 1k ≥ = 21/p
kukp
ce qui contredit la continuité en 0 de l’application t ∈ R+ 7→ τt ∈ (L(E), k k).

Proposition 2.3 (estimation a priori). Soit S un semi-groupe sur E. Il existe C > 0 et


ω ≥ 0 tels que, pour tout t ∈ R+ ,

(2.2) kS(t)k ≤ C eωt .

Démonstration. Appliquons le principe de la borne uniforme (théorème 1.5) de Banach-


Steinhaus à la famille (S(t))t∈[0,1] . D’après la propriété (iii), pour tout u ∈ E,

sup kS(t)uk < +∞.


t∈[0,1]

En conséquence
sup kS(t)k = C < +∞.
t∈[0,1]

Soit alors t ∈ R+ quelconque ; désignons par n la partie entière de t, et τ = t − n ∈ [0, 1[.


Alors la propriété (ii) assure que

S(t) = S(τ )S(n) = S(τ )S(1)n


15

donc, d’après l’inégalité (2.1),

kS(t)k ≤ kS(τ )k kS(1)kn ≤ C · C n ≤ C eωt

en notant ω = Log C ≥ 0 (car C ≥ kS(0)k = 1). q.e.d.

2.2. Générateur infinitésimal


Commençons par clarifier la distinction introduite dans la remarque 2.2 en carac-
térisant les semi-groupes S sur E vérifiant de plus la propriété suivante, strictement
plus forte que (iii),

(iv) S = R+ −→ (L(E), k k) est continue .

Dans ce cas, on va voir que S a une forme très particulière. Pour cela, intégrons de 0 à
ε l’identité

(2.3) S(τ + t) = S(τ )S(t),

l’intégrale étant prise au sens de l’exemple 1.2. Il vient


Z ε+t Z ε 
(2.4) S(λ)dλ = S(τ )dτ S(t).
t 0

Toujours d’après l’exemple 1.2, on a


Z ε
1
S(τ )dτ −−−−→ S(0) = 1.
ε 0
+
ε→0

1

Pour ε > 0 assez petit, l’opérateur ε 0
S(τ )dτ est donc inversible dans L(E), en vertu
du lemme suivant :

Lemme 2.4 (série de Neumann). Soit T ∈ L(E) tel que k1 − T k < 1. Alors T est
inversible, et

X
−1
T = (1 − T )n .
n=0

Démonstration du lemme. D’après l’inégalité (2.1),

k(1 − T )n k ≤ k1 − T kn ,
16

donc la série de terme général (1 − T )n est convergente dans l’espace de Banach L(E).
Puisque !
XN XN
T (1 − T )n = (1 − T )n T = 1 − (1 − T )N +1 −−−−→ 1
N →∞
n=0 n=0
le lemme en résulte. q.e.d.
Rε 1

Revenons à la formule (2.4). Pour ε > 0 assez petit, 0
S(τ )dτ = ε × ε 0
(S(τ )dτ
est donc inversible, et
Z ε −1 Z ε+t 
S(t) = S(τ )dτ S(λ)dλ
0 t

définit une application de classe C 1 de R+ dans L(E). En posant B = S 0 (0) et en prenant


la dérivée de (2.3) en τ = 0, il vient

(2.5) S 0 (t) = BS(t).

Il est aisé de démontrer que l’équation différentielle (2.5) a une unique solution vérifiant
S(0) = 1. Celle-ci est donnée explicitement à l’aide de l’application exponentielle, définie
sur L(E) par

X Tn
(2.6) exp(T ) = .
n=0
n!

La convergence de la série ci-dessus est assurée par l’inégalité kT n k ≤ kT kn et le fait


que L(E) est complet. On vérifie alors, comme dans le cas matriciel, que T1 , T2 ∈ L(E)
vérifient T1 T2 = T2 T1 , exp(T1 + T2 ) = exp(T1 ) exp(T2 ). En particulier, pour tout t ∈ R,
pour tout A ∈ L(E),

d
(2.7) exp(tA) = A exp(tA) = exp(tA)A .
dt
En revenant à (2.5), on conclut, pour tout t ≥ 0,

d
(exp(−tB)S(t)) = 0
dt
d’où

(2.8) S(t) = exp(tB).


17

Réciproquement, si B est un élément quelconque de L(E), l’application S définie par


(2.8) vérifie les propriétés (i), (ii) et (iv).
Récapitulons ces résultats dans la proposition suivante.

Proposition 2.5. Les applications S : R+ → L(E) vérifiant les propriétés (i), (ii), (iv)
sont les applications de la forme (2.8), où B ∈ L(E).

Pour des raisons qui apparaı̂tront plus claires dans l’étude des semi-groupes de
contractions sur un espace de Hilbert, on a coutume d’introduire l’opérateur A = −B
et de l’appeler générateur infinitésimal du semi-groupe S vérifiant (i), (ii), (iv). La
formule S(t) = e−tA se traduit alors par le fait que, pour tout élément u de E, la fonction
u : R+ → E définie par u(t) = S(t)u0 est l’unique solution du “problème de Cauchy”

(2.9) u0 (t) + Au(t) = 0 , u(0) = u0 .

En d’autres termes, S(t) est la “résolvante” de l’équation différentielle u0 + Au = 0. C’est


cette interprétation qui sera notre point de départ pour l’étude générale des semi-groupes.
Elle débouche notamment sur la définition suivante.

Définition 2.6. Soit S un semi-groupe sur E (au sens de la définition 2.1). On appelle
générateur infinitésimal de S l’application linéaire A : D(A) → E, où D(A) est le
sous-espace vectoriel de E constitué des vecteurs u tels que l’application t ∈ R+ 7→ S(t)u
soit dérivable à droite en 0, avec

d
Au = − (S(t)u)|t=0+ .
dt

Exercice 2.7. Montrer que le générateur infinitésimal du semi-groupe des translations


sur Lp (R) (exemple 2.2) est donné par

D(A) = u ∈ Lp (R), u0 ∈ Lp (R) , Au = u0




(la dérivée étant prise au sens des distributions sur R).

Proposition 2.8. Soit A le générateur infinitésimal d’un semi-groupe S sur E. Alors,


pour tout t ≥ 0, D(A) est stable par S(t) et, pour tout u ∈ D(A),

AS(t)u = S(t)Au .
18

De plus, D(A) est dense dans E et le graphe de A est fermé dans E × E.

Démonstration. Soient t ≥ 0 et u ∈ D(A). Pour tout h > 0,

1 − S(h) S(t) − S(h + t)


S(t)u = u
h h
1 − S(h)
= S(t) u −−−−→ S(t)Au ,
h h→0+

puisque S(t) est continue. On en déduit la première assertion de la proposition. Les autres
assertions reposent sur le lemme suivant.

Lemme 2.9. Pour tout u ∈ E, pour tout ε > 0, posons


Z ε
1
(2.10) Jε u = S(t)u dt .
ε 0

Alors l’application Jε : E → E ainsi définie est linéaire continue, et Jε u −−−−→ u. De


ε→0+
plus, pour tout h > 0, on a l’identité

S(h) − 1 S(ε) − 1 S(ε) − 1


(2.11) Jε = Jh = Jh .
h ε ε

Démonstration du lemme. Le fait que Jε u −−−−→ u est conséquence de la continuité


ε→0+
en 0 de l’application t 7→ S(t)u. La linéarité de l’application Jε provient de celle de S(t)
pour tout t, tandis que sa continuité résulte de l’inégalité
Z ε
1
kJε uk ≤ kS(t)uk dt
ε 0

et de l’estimation a priori (2.2) (proposition 2.3). Enfin, si h > 0,


Z ε Z ε
S(h) − 1 1h i
Jε u = S(h) S(t)u dt − S(t)u dt
h εh 0
Z 0ε
1h ε
Z i
= S(h + t)u dt − S(t)u dt
εh 0 0
Z h+ε Z ε
1 h i
= S(τ )u dτ − S(t)u dt
εh h 0
Z h+ε Z h
1 h i
= S(τ )u dτ − S(t)u dt ,
εh ε 0
19

d’après la relation de Chasles. On constate alors que les rôles de h et de ε sont inversés
dans les deux dernières identités, ce qui conduit à la première partie de (2.11). La seconde
partie résulte de ce que Jh et S(ε) commutent pour tous h, ε. q.e.d.

Achevons la démonstration de la proposition 2.8. Soit u ∈ E. D’après le lemme 2.9


et la continuité de S(ε), on a pour tout ε > 0,
S(h) − 1 S(ε) − 1 S(ε) − 1
Jε u = Jh u −−−−→ u.
h ε h→0 + ε
On en déduit que Jε u ∈ D(A), avec
1 − S(ε)
(2.12) A Jε u = u.
ε
Puisque Jε u −−−−→
+
u, il en résulte que D(A) est dense. Notons que la deuxième partie
ε→0
de (2.11) et la continuité de Jh entraı̂nent, pour tout u ∈ D(A),

(2.13) Jh Au = AJh u .

Soit alors (un ) une suite de D(A) vérifiant

un −−−→ u , Aun −−−→ v .


n→∞ n→∞

Alors, pour tout h > 0, le passage à la limite quand n → ∞ dans la formule


1 − S(h)
Jh Aun = un
h
entraı̂ne
1 − S(h)
Jh v = u
h
d’où, en passant à la limite quand h tend vers 0+ , u ∈ D(A) et v = Au. Le graphe de A
est donc fermé. q.e.d.

Le résultat suivant montre en quoi un semi-groupe S peut être considéré comme la


résolvante d’une équation différentielle.

Théorème 2.10. Soit S un semi-groupe sur E, et soit A son générateur infinitésimal.


Soit u0 ∈ E, et soit u la fonction continue de R+ dans E définie par u(t) = S(t)u0 .

a) Si u0 ∈ D(A), alors u est de classe C 1 et, pour tout t ≥ 0, u0 (t) + Au(t) = 0.


Réciproquement, si v : [0, T ] → E est une fonction continue, dérivable sur ]0, T [ et
vérifiant, pour tout t ∈]0, T [,

(2.14) v(t) ∈ D(A) et v 0 (t) + Av(t) = 0 ,


20

alors v(t) = S(t)v(0) pour tout t ∈ [0, T ].


b) (On ne suppose plus u0 ∈ D(A)). Pour toute fonction ψ :]0, ∞[→ K de classe C 1 à
R∞
support compact, le vecteur 0 ψ(t)u(t)dt appartient à D(A) et
Z ∞  Z ∞
A ψ(t)u(t)dt = ψ 0 (t)u(t)dt .
0 0

Réciproquement, si v : [0, T ] → E est une fonction continue vérifiant, pour toute


fonction ψ :]0, T [→ K de classe C 1 à support compact,
Z T Z T  Z T
(2.15) ψ(t)v(t)dt ∈ D(A) et A ψ(t)v(t)dt = ψ 0 (t)v(t)dt ,
0 0 0

alors v(t) = S(t)v(0) pour tout t ∈ [0, T ].

Démonstration. Montrons d’abord la partie a). Si u0 ∈ D(A), on sait déjà par la


proposition 2.8 que u(t) ∈ D(A). Si h > 0,

u(t + h) − u(t) S(h) − 1


(2.16) = u(t) −−−−→ −Au(t),
h h h→0+

tandis que, pour t ≥ h,

u(t − h) − u(t) S(t) − S(t − h) S(h) − 1


= u0 = S(t − h) u0
(2.17) −h h h
= −S(t − h)Au0 + rh ,

où  S(h) − 1 
rh = S(t − h) u0 + Au0 .
h
Compte tenu de la proposition 2.3, pour t > 0 fixé et h ≤ t, on a kS(t − h)k ≤ M , donc

S(h) − 1
krh k ≤ M u0 + Au0 −−−−→ 0.
h h→0+

En revenant à (2.17), on observe que u est dérivable à gauche en tout t > 0, avec
u0 (t− ) = −S(t)Au0 , qui n’est autre que −Au(t) d’après la proposition 2.8. En comparant
avec (2.16), on conclut que u est dérivable sur R+ , avec

u0 (t) = −Au(t) = −S(t)Au0 ,

la dernière expression assurant que u est de classe C 1 . Pour montrer l’unicité, nous avons
recours au lemme suivant.
21

Lemme 2.11. Soit w une fonction définie au voisinage de t0 > 0, à valeurs dans E,
dérivable en t0 et telle que w(t0 ) ∈ D(A). Alors la fonction t 7→ S(t)w(t) est dérivable
en t0 , avec
d
(S(t)w(t))|t=t0 = S(t0 )(w0 (t0 ) − Aw(t0 )).
dt

Démonstration du lemme. Pour h 6= 0 assez petit, on écrit

S(t0 + h)w(t0 + h) − S(t0 )w(t0 )


(2.18)
h
w(t0 + h) − w(t0 ) S(t0 + h)w(t0 ) − S(t0 )w(t0 )
= S(t0 + h) + .
h h

Puisque w(t0 ) ∈ D(A), on vient de voir que le deuxième terme du second membre de
(2.18) tend vers −S(t0 )Aw(t0 ). Quant au premier terme, il s’écrit S(t0 + h)w0 (t0 ) + o(1),
en utilisant à nouveau l’estimation a priori sur kS(t)k. q.e.d.

Soit v : [0, T ] → E satisfaisant à (2.14), et soit t1 ∈]0, T [. D’après le lemme 2.11, on


a, pour tout t ∈]0, t1 [,

d
S(t)v(t1 − t) = −S(t)(v 0 (t1 − t) + Av(t1 − t)) = 0 ,
dt

donc, en comparant les valeurs de la fonction continue t 7→ S(t)v(t1 − t) en t = 0 et


t = t1 ,
v(t1 ) = S(t1 )v(0).
Cette identité, vraie pour tout t1 ∈]0, T [, se prolonge aux bornes de l’intervalle par
continuité.
Passons à la partie b) du théorème. On utilise la famille (Jε )ε>0 introduite au
lemme 2.9. Notons uε (t) = Jε u(t) = S(t)Jε u0 . Puisque Jε u0 ∈ D(A), on peut appliquer
la partie a) du théorème : la fonction uε est de classe C 1 et u0ε + Auε = 0. En intégrant
contre ψ ∈ C01 (]0, ∞[), il vient
Z ∞ Z ∞
ψ(t)Auε (t)dt = ψ 0 (t)uε (t)dt .
0 0

Mais uε (t) = Jε u(t) et

1 − S(ε)
Auε (t) = AJε u(t) = u(t).
ε
22

Il en résulte que
∞ ∞
1 − S(ε)
Z Z
ψ(t)u(t)dt = Jε ψ 0 (t)u(t)dt ,
ε 0 0

et la propriété voulue s’obtient en passant à la limite quand ε → 0+ . Réciproquement,


soit v : [0, T ] → E vérifiant (2.15) pour toute fonction ψ ∈ C01 (]0, T [). Posons, pour tout
t ∈ [0, T ],
vε (t) = Jε v(t).
Alors vε (t) ∈ D(A) pour tout t,
1 − S(ε)
Avε (t) = AJε v(t) = v(t)
ε
est une fonction continue de t, et
Z ∞ Z ∞ 
(2.19) ψ(t)Avε (t)dt = AJε ψ(t)v(t)dt
0 0
Z ∞ 
= Jε A ψ(t)v(t)dt
0
Z ∞ 
= Jε ψ 0 (t)v(t)dt
Z ∞ 0
= ψ 0 (t)vε (t)dt .
0

Introduisons alors la fonction continue wε : [0, T ] → E par


Z t
wε (t) = vε (t) + Avε (τ )dτ .
0

Alors (2.19) et une intégration par parties entraı̂nent, pour toute fonction ψ ∈ C00 (]0, T [),
Z T
(2.20) ψ(t)wε (t)dt = 0.
0

Appliquons l’identité (2.20) à la fonction ψδ définie par

1 t h  τ − t0   τ − t i
Z
1
(2.21) ψδ (t) = χ −χ dτ ,
δ 0 δ δ
où t0 , t1 ∈]0, T [, χ : R → R est continue à support compact d’intégrale 1, et δ > 0 est
assez petit. On obtient

1 T  t − t0  1 T  t − t1 
Z Z
(2.22) χ wε (t)dt = χ wε (t)dt ,
δ 0 δ δ 0 δ
23

soit, en faisant tendre δ vers 0,


wε (t0 ) = wε (t1 ).
La fonction wε est donc constante sur [0, T ], ce qui se traduit sur vε par
Z t
(2.23) vε (t) = vε (0) − Avε (τ )dτ
0

soit encore : vε est de classe C 1 et, pour tout t ∈ [0, T ],

vε0 (t) + Avε (t) = 0 .

En appliquant l’unicité de la partie a), il vient vε (t) = S(t)vε (0), et la conclusion s’obtient
en faisant tendre ε vers 0+ . q.e.d.

En conclusion, un semi-groupe sur E est nécessairement la résolvante d’une équation


différentielle u0 + Au = 0, comprise au sens faible indiqué dans le théorème 2.10 b), à
condition de considérer des opérateurs linéaires A définis sur des sous-espaces denses
D(A) de E. Un tel opérateur A est appelé opérateur non borné sur E. Un prototype
(exercice 2.7) en est l’opérateur de dérivation sur Lp (R), ou plus généralement un
opérateur différentiel sur Lp (Ω) si Ω est un ouvert de Rd .
Pour achever le parallèle avec la proposition 2.5, il reste à examiner une question
importante : étant donné un opérateur non borné sur E, à quelle condition est-il le
générateur infinitésimal d’un semi-groupe sur E ? La réponse à cette question fournira
des conditions suffisantes pour résoudre le problème de Cauchy pour des équations
différentielles du type u0 + Au = 0 qui, lorsque A est un opérateur différentiel, se
traduiront en équations aux dérivées partielles au sens des distributions.

2.3. Construction de semi-groupes : le théorème de Hille-Yosida


On dit qu’un opérateur linéaire T : E → E est une contraction si kT k ≤ 1.
Le but de ce paragraphe est de donner une condition nécessaire et suffisante sur un
opérateur non borné A : D(A) ⊂ E → E pour que A soit le générateur infinitésimal d’un
semi-groupe de contractions. Cette restriction par rapport à la question générale posée
à la fin du paragraphe précédent n’est pas très importante, comme le suggère le résultat
suivant.

Proposition 2.12. Soit S un semi-groupe sur E, de générateur infinitésimal A. Alors il


existe une norme équivalente k k0 sur E et ω ≥ 0 tels que A + ω engendre un semi-groupe
de contractions sur (E, k k0 ).
24

Esquisse de démonstration. Pour tout ω ∈ R, posons Sω (t) = e−ωt S(t). On vérifie que
Sω est un semi-groupe sur E, de générateur infinitésimal A + ω (avec D(A + ω) = D(A)).
D’après la proposition 2.3, il existe ω ≥ 0 tel que sup kSω (t)k < +∞. Pour tout
t≥0
u ∈ E, on pose alors
kuk0 = sup kSω (t)uk.
t≥0
0
Il est clair que k · k est une norme équivalente sur E. En effet, la sous-additivité et
l’homogénéité sont triviales, l’inégalité kuk0 ≥ kuk vient de ce que Sω (0) = 1, tandis que

kuk0 ≤ sup kSω (t)k kuk .


t≥0

Alors kSω (τ )uk0 = sup kSω (τ + t)uk ≤ kuk0 , donc Sω (τ ) est une contraction pour tout
t≥0
τ ≥ 0. q.e.d.

Le résultat principal de ce paragraphe est le suivant.

Théorème 2.13 (Hille-Yosida). Soit A : D(A) ⊂ E → E un opérateur non borné sur


E, de domaine D(A) dense dans E. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(i) A est le générateur infinitésimal d’un semi-groupe de contractions sur E.


(ii) Il existe λ0 > 0 tel que, pour tout λ ≥ λ0 , l’application A + λ : D(A) → E est
bijective, et son inverse vérifie, pour tout u ∈ E,

1
(2.24) k(A + λ)−1 uk ≤ kuk.
λ

Dans ce cas, pour tout λ ∈ K tel que Re(λ) > 0, l’application A + λ : D(A) → E est
bijective et son inverse vérifie, pour tout u ∈ E,

1
(2.25) k(A + λ)−1 uk ≤ kuk .
Re(λ)

Démonstration. Montrons d’abord (i) ⇒ (ii) sous la forme forte (2.25). Supposons donc
que A soit le générateur infinitésimal d’un semi-groupe de contractions sur E, noté S.
Soit λ ∈ K tel que Re(λ) > 0. Pour tout u ∈ E, posons
Z ∞
(2.26) Rλ u = e−λt S(t)u dt ,
0
25

l’intégrale dans le second membre de (2.26) devant être interprétée comme la limite dans
RT
E, quand T → +∞, de 0 e−λt S(t)udt. Cette limite existe car

(2.27) ke−λt S(t)uk ≤ e− Re(λ)t kuk

puisque S(t) est une contraction. Il suffit donc d’appliquer le critère de Cauchy.
L’application Rλ : E → E ainsi définie est linéaire, et l’estimation (2.27) entraı̂ne que

kuk
Z
(2.28) kRλ uk ≤ e− Re(λ)t kukdt = .
0 Re(λ)

Par ailleurs, pour tout ε > 0, calculons

1  ∞ −λt
Z ∞
1 − S(ε)
Z 
(2.29) Rλ u = e S(t)u dt − e−λt S(ε + t)u dt
ε ε 0
Z ∞ Z0 ∞
1 
−λt −λ(τ −ε)

= e S(t)u dt − e S(τ )u dτ
ε 0 ε
Z ∞
1 ε −λt
Z
1
= e S(t)udt + (1 − e ) λε
e−λt S(t)dt .
ε 0 ε ε

En passant à la limite quand ε → 0+ , on en déduit Rλ u ∈ D(A) et

(2.30) A Rλ u = u − λ R λ u .

Par ailleurs, (2.29) assure également que

1 − S(ε) 1 − S(ε)
R λ u = Rλ u
ε ε
donc, si u ∈ D(A),

(2.31) A Rλ u = Rλ Au .

On peut donc réécrire (2.30) et (2.31) sous la forme


(
(λ + A)Rλ u = u pour tout u ∈ E
Rλ (λ + A)u = u pour tout u ∈ D(A)

ce qui assure que λ + A : D(A) → E est bijective, et que Rλ = (λ + A)−1 . Compte tenu
de (2.28), on a montré la première implication.
Passons à la démonstration de (ii) ⇒ (i).
26

Pour tout λ ≥ λ0 , notons Rλ = (λ + A)−1 . Pour tout u ∈ D(A), on a donc

λRλ u = −Rλ Au + u −−−−−→ u ,


λ→+∞

compte tenu de (2.24) appliqué au vecteur Au. De plus, (2.24) assure que (λRλ )λ≥λ0 est
une famille de contractions sur E ; puisque D(A) est dense dans E, le théorème 1.3 de
prolongement de la convergence entraı̂ne, pour tout u ∈ E,

(2.32) λ Rλ u −−−−−→ u .
λ→+∞

Posons alors, pour tout λ ≥ λ0 ,

(2.33) Aλ = λARλ = λ − λ2 Rλ ∈ L(E).

D’après (2.32), on a, pour tout u ∈ D(A),

(2.34) Aλ u = λ Rλ Au −−−−−→ Au .
λ→+∞

Puisque Aλ ∈ L(E), on peut définir, pour tout t,

(2.35) Sλ (t) = exp(−t Aλ )

au sens de (2.6).

Lemme 2.14. Pour tout t ≥ 0, pour tout u ∈ E, pour tous λ, µ ≥ λ0 ,

kSλ (t)u − Sµ (t)uk ≤ t kAλ u − Aµ uk.

Démonstration du lemme. En utilisant le fait que Rλ et Rµ commutent, on a


Aλ Aµ = Aµ Aλ , donc

Sλ (t) − Sµ (t) = exp(−tAµ )(exp(−t(Aλ − Aµ )) − 1)


Z t
= − exp(−t Aµ ) exp(−τ (Aλ − Aµ ))(Aλ − Aµ )dτ
0
Z t
=− exp(−τ Aλ ) exp(−(t − τ )Aµ )(Aλ − Aµ )dτ
0

soit encore, pour tout u ∈ E,


Z t
(2.36) Sλ (t)u − Sµ (t)u = − Sλ (τ )Sµ (t − τ )(Aλ u − Aµ u)dτ .
0
27

Or Sλ (t) = exp(−t(λ − λ2 Rλ )) = e−λt exp(tλ2 Rλ ), donc, d’après l’inégalité triangulaire


dans (2.6)
2
(2.37) kSλ (t)k ≤ e−λt etλ kRλ k
≤1

compte tenu de (2.24). En revenant à (2.36) il vient, en tenant compte de (2.37),


Z t
kSλ (t)u − Sµ (t)uk ≤ kSλ (τ )k kSµ (t − τ )k kAλ u − Aµ uk dτ
0
≤ t kAλ u − Aµ uk .

q.e.d.

Nous pouvons maintenant achever la démonstration de (ii) ⇒ (i). Pour tout T > 0,
l’espace vectoriel FT des fonctions continues de [0, T ] dans E, muni de la norme

kf kT = max kf (t)k ,
0≤t≤T

est complet. Pour tout u ∈ E, pour tout λ ≥ λ0 , désignons par S̃λ u l’élément de FT
défini par

(2.38) S̃λ u(t) = Sλ (t)u .

L’application S̃λ : E → FT ainsi définie est linéaire, et vérifie

(2.39) kS̃λ ukT = max kSλ (t)uk = kuk


0≤t≤T

d’après (2.37) et le fait que Sλ (0) = 1. Enfin, le lemme 2.14 entraı̂ne

(2.40) kS̃λ u − S̃µ ukT ≤ T kAλ u − Aµ uk .

Soit alors u ∈ D(A). D’après (2.34), Aλ u converge quand λ → +∞, donc est de Cauchy,
et (2.40) implique que S̃λ u est de Cauchy dans FT , donc converge. Puisque D(A) est
dense dans E, le théorème 1.3 de prolongement de la convergence assure que S̃λ u a
une limite S̃u ∈ FT pour tout u ∈ E. Ceci étant vrai pour tout T > 0, on en déduit
l’existence, pour tout t ∈ R+ , d’une application linéaire S(t) : E → E vérifiant, pour
tout u ∈ E,

(2.41) Sλ (t)u −−−−−→ S(t)u


λ→+∞
28

uniformément en t ∈ [0, T ], pour tout T > 0. Puisque Sλ est un semi-groupe de


contractions, il en est de même pour S.
Il reste à montrer que A est le générateur infinitésimal de S. Désignons par à Ce
générateur infinitésimal. Pour tout ε > 0, l’identité
Z ε
1 1
(u − Sλ (ε)u) = Sλ (t)Aλ u dt
ε ε 0

devient, si u ∈ D(A) et λ → ∞,
Z ε
1 1
(u − S(ε)u) = S(t)Au dt .
ε ε 0

En faisant tendre ε vers 0+ , on en déduit que D(A) ⊂ D(Ã) et Ã|D(A) = A. Soit alors
u ∈ D(Ã). Puisque λ0 + A : D(A) → E est surjectif, il existe v ∈ D(A) tel que

(λ0 + A)v = (λ0 + Ã)u

soit encore (λ0 + Ã)v = (λ0 + Ã)u. Or, d’après l’implication (i) ⇒ (ii) déjà montrée,
λ0 + Ã : D(Ã) → E est injectif, donc v = u, et D(Ã) = D(A), Ã = A. q.e.d.

En combinant les théorèmes 2.10, 2.13 et en tenant compte du lien déjà observé
entre les générateurs infinitésimaux de t 7→ S(t) et de t 7→ e−ωt S(t), on obtient le résultat
suivant d’existence et d’unicité de solutions au problème de Cauchy pour des équations
du type u0 + Au = 0.

Corollaire 2.15. Soit A : D(A) ⊂ E → E un opérateur non borné de domaine D(A)


dense dans E. On suppose qu’il existe ω ∈ R et λ0 > ω tels que, pour tout λ ≥ λ0 ,
l’application
λ + A : D(A) −→ E
soit bijective et vérifie, pour tout v ∈ E,

1
(2.42) k(λ + A)−1 vk ≤ kvk.
λ−ω

Alors, pour tout u0 ∈ E, il existe une unique fonction u : R+ → E continue vérifiant


u(0) = u0 et, pour toute fonction ψ :]0, +∞[→ K de classe C 1 à support compact,
Z ∞ Z ∞  Z ∞
(2.43) ψ(t)u(t)dt ∈ D(A) et A ψ(t)u(t)dt = ψ 0 (t)u(t)dt .
0 0 0
29

Lorsque u0 ∈ D(A), on peut remplacer (2.43) par

(2.44) u ∈ C 1 (R+ , E) et ∀t ≥ 0 , u(t) ∈ D(A), u0 (t) + Au(t) = 0 .

De plus, pour tout t ≥ 0, on a l’estimation

(2.45) ku(t)k ≤ eωt ku0 k.

Remarque 2.16. Génération d’un groupe d’opérateurs. Il arrive que les hypothèses
du corollaire 2.15 soient vraies simultanément pour A et pour −A. Alors, en désignant
par S+ le semi-groupe engendré par A et par S− le semi-groupe engendré par −A, on
vérifie aisément que S− (t) et S+ (t) sont inverses l’un de l’autre. Dès lors, l’application
S : R → L(E) définie par
(
S+ (t) si t ≥ 0
S(t) =
S− (−t) si t ≤ 0

satisfait aux propriétés suivantes :


(i) S(0) = 1.
(ii) Pour tous t1 , t2 ∈ R, S(t1 + t2 ) = S(t1 )S(t2 ).
(iii) Pour tout u ∈ E, l’application

t ∈ R 7−→ S(t)u ∈ E

est continue.

Le corollaire 2.15 s’étend alors sans difficulté sous la forme suivante : pour tout
u0 ∈ E, la fonction u : t ∈ R 7→ S(t)u0 ∈ E est l’unique fonction continue de R dans E
satisfaisant à u(0) = u0 et, pour toute fonction ψ : R → K, C 1 à support compact,
Z ∞ Z ∞  Z ∞
ψ(t)u(t)dt ∈ D(A) et A ψ(t)u(t)dt = ψ 0 (t)u(t)dt ,
−∞ −∞ −∞

cette dernière condition pouvant être remplacée, si u0 ∈ D(A), par

u ∈ C 1 (R, E) et ∀t ∈ R , u(t) ∈ D(A), u0 (t) + Au(t) = 0 .

L’application S est appelée le groupe engendré par A. Un cas particulier intéressant est
celui où chaque S(t) est une isométrie de E (comme dans l’exemple 2.2) ce qui équivaut
30

au fait que S+ (t) et S− (t) soient des contractions pour tout t ≥ 0, c’est-à-dire, d’après
le théorème de Hille-Yosida, au fait que, pour tout λ ∈ R \ {0}, λ + A : D(A) → E soit
bijection et vérifie, pour tout u ∈ E,

1
k(λ + A)−1 uk ≤ kuk .
|λ|

Notation 2.17. Par analogie avec la proposition 2.4, si A vérifie les hypothèses du
corollaire 2.15 et S est le semi-groupe engendré par A, on note

S(t) = exp(−t A),

de sorte que la solution u de (2.43) vérifiant u(0) = u0 s’écrit

u(t) = exp(−tA)u0 .

2.4. Le cas des espaces de Hilbert


Dans ce paragraphe, on suppose que K = C et que E = H est un espace de Hilbert
(voir par exemple le cours de G. Lebeau, Théorie des distributions et analyse de Fourier).
Rappelons que H est muni d’une application

H × H −→ C
(u, v) 7−→ (u|v)

appelée produit scalaire, C linéaire en v, anti-C linéaire en u, et vérifiant les propriétés


suivantes :
a) (u|v) = (v|u) (symétrie hermitienne)
b) (u|u) > 0 pour tout u 6= 0.
On en déduit l’inégalité de Cauchy-Schwarz,

|(u|v)|2 ≤ C (u|u)(v|v)

qui assure que l’aplication u 7→ kuk = (u|u)1/2 est bien une norme. Nous supposons enfin
que H, muni de cette norme, est complet. Cette structure entraı̂ne plusieurs propriétés
remarquables (projection orthogonale sur un convexe fermé, décomposition orthogonale
associée à un sous-espace fermé, caractérisation des formes linéaires continues, ...) pour
31

lesquelles nous renvoyons au cours de G. Lebeau déjà cité. Nous nous contenterons ici de
rappeler sans démonstration l’une de ces propriétés, très utile en théorie des opérateurs.

Proposition 2.18 (lemme des opérateurs coercifs). Soit T ∈ L(H) tel qu’il existe C > 0
vérifiant, pour tout u ∈ H,
|(T u|u)| ≥ C kuk2 .
Alors T est bijectif.

Le but de ce paragraphe est de donner une nouvelle caractérisation des générateurs


infinitésimaux de semi-groupes de contractions sur H. Pour cela, introduisons une
définition.

Définition 2.19. Soit A : D(A) ⊂ H → H un opérateur non borné dans H. On dit que
A est accrétif si, pour tout u ∈ D(A),

Re(Au|u) ≥ 0.

On dit que A est maximal accrétif s’il est accrétif et s’il existe λ0 > 0 tel que λ0 + A
soit surjectif de D(A) sur H.

Remarque 2.20. Si A est accrétif, alors, pour tout λ > 0, pour tout u ∈ D(A),

(2.46) Re((λ + A)u|u) = λ kuk2 + Re(Au|u) ≥ λ kuk2 ,

de sorte que λ + A : D(A) → H est injectif. Ainsi, si A est maximal accrétif, il existe
λ0 > 0 tel que λ0 + A soit bijectif de D(A) sur H.

Par ailleurs, si A est maximal accrétif, D(A) est toujours dense. En effet, soit v un
vecteur orthogonal à D(A). Par hypothèse, il existe u ∈ D(A) tel que v = (λ0 + A)u.
Alors
0 = Re(v|u) = Re((λ0 + A)u|u) ≥ λ0 kuk2
donc u = 0, et finalement v = 0.

Théorème 2.21. Sur un espace de Hilbert, les générateurs infinitésimaux de semi-


groupes de contractions sont les opérateurs maximaux accrétifs.

Démonstration. Supposons que A soit le générateur infinitésimal d’un semi-groupe


de contractions S sur H. Alors D(A) est dense dans H (proposition 2.8), et, d’après
l’inégalité de Cauchy-Schwarz,

(2.47) Re(S(t)u|u) ≤ kS(t)uk kuk ≤ kuk2 .


32

Si u ∈ D(A),
d
Re(Au|u) = − Re(S(t)u|u)|t=0+
dt
kuk2 − Re(S(t)u|u)
= lim+ ≥0
t→0 t
en vertu de (2.47). L’opérateur A est donc accrétif. Enfin, d’après le théorème 2.13,
λ + A : D(A) → H est bijectif pour tout λ > 0.
Réciproquement, soit A un opérateur maximal accrétif sur H, et soit λ0 > 0 tel que
λ0 + A soit bijectif de D(A) sur H. Pour tout λ ≥ λ0 , considérons l’application linéaire
Tλ : H → H définie par

Tλ u = u + (λ − λ0 )(λ0 + A)−1 u .

On remarque que Tλ ◦ (λ0 + A) = λ + A, de sorte que λ + A est bijectif de D(A) sur H


si et seulement si Tλ est bijectif de H sur H.
De plus, pour tout λ > 0, pour tout u ∈ D(A), l’inégalité (2.46) combinée à l’inégalité
de Cauchy-Schwarz entraı̂ne

(2.48) k(λ + A)uk ≥ λ kuk ,

de sorte, si λ + A est bijectif de D(A) sur H, on a, pour tout v ∈ H,

1
(2.49) k(λ + A)−1 vk ≤ kvk .
λ
Compte tenu du théorème de Hille-Yosida (et de la remarque 2.20 assurant la densité de
D(A)), il nous suffit donc de montrer que Tλ est bijectif de H sur H pour tout λ ≥ λ0 .
En vertu de (2.49) pour λ = λ0 , Tλ ∈ L(H). De plus, pour tout v ∈ H,

(2.50) |(Tλ v|v)| ≥ Re(Tλ v|v) = kvk2 + (λ − λ0 ) Re((λ0 + A)−1 v|v).

Mais, en appliquant l’inégalité (2.46) à λ = λ0 et à u = (λ0 + A)−1 v, on constate que

Re((λ0 + A)−1 v|v) ≥ λ0 k(λ0 + A)−1 vk2 ≥ 0 ,

donc, en revenant à (2.50), pour λ ≥ λ0 ,

|(Tλ v|v)| ≥ kvk2 .

L’opérateur Tλ est donc coercif, donc bijectif d’après la proposition 2.18. q.e.d.
33

En tenant compte du théorème 2.21, le corollaire 2.15 et la fin de la remarque 2.16


se traduisent par les résultats suivants.

Corollaire 2.22. Soit A : D(A) ⊂ H → H de domaine D(A) dense dans H. On suppose


qu’il existe ω ∈ R et λ0 > ω tels que λ0 + A soit surjectif de D(A) sur H et, pour tout
u ∈ D(A),
Re(Au|u) ≥ −ω kuk2 .
Alors on a les conclusions du corollaire 2.15.

Corollaire 2.23. Sur un espace de Hilbert, les générateurs infinitésimaux de groupes


d’isométries sont les opérateurs non bornés vérifiant les deux propriétés suivantes :

(i) pour tout u ∈ D(A), Re(Au|u) = 0.


(ii) Il existe λ0 > 0 tel que λ0 + A et λ0 − A soient surjectifs de D(A) sur H.

Terminons ce chapitre par une remarque sur le problème inhomogène

du
(2.51) + Au = f , u(0) = u0 .
dt
Le cadre des espaces de Hilbert séparables se prête bien à des conditions raisonnablement
optimales sur la fonction f pour que (2.51) admette une solution u continue à valeurs
dans H.
Soit H un espace de Hilbert séparable, c’est-à-dire admettant une partie dénombrable
dense (c’est le cas de L2 (Ω) pour tout ouvert Ω de Rd ). Si I est un intervalle de R et
f une fonction I dans H, nous conviendrons de dire que f est mesurable si, pour tout
ϕ ∈ H, l’application

(2.52) t ∈ I 7−→ (f (t)|ϕ) ∈ C

est mesurable. Dans ces conditions, l’application

(2.53) kf k : t ∈ I 7−→ kf (t)k ∈ R+

est également mesurable, car

(2.54) kf (t)k = sup |(f (t)|ϕn )|


n

si (ϕn ) est une suite dense dans la boule unité de H.


34

On dira alors que f est intégrable sur I si


Z
(2.55) kf (t)kdt < +∞.
I

Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, il s’ensuit que chacune des fonctions (2.52) est
intégrable, et que la forme linéaire
Z
(2.56) L : ϕ ∈ H 7−→ (f (t)|ϕ)dt
I

vérifie Z 
|L(ϕ)| ≤ kf (t)kdt kϕk.
I
D’après le théorème de représentation des formes linéaires continues sur H, on en déduit
l’existence d’un élément unique J de H tel que, pour tout ϕ ∈ H, L(ϕ) = (J | ϕ). On
appellera J l’intégrale de f sur I, et on notera
Z
(2.57) J = f (t)dt .
I

Remarquons que
Z Z
(2.58) f (t)dt ≤ kf (t)kdt.
I I

A titre d’exercice, le lecteur pourra étendre à ce cadre les résultats classiques de théorie
de l’intégration : convergence dominée, complétude de l’espace L1 (I, H), théorème de
Fubini, ... Il pourra également vérifier que, si Ω est un ouvert de Rd , l’espace L1 (I, L2 (Ω))
ainsi défini s’identifie aux éléments f ∈ L1loc (I × Ω) vérifiant
Z Z 1/2
(2.59) |f (t, x)|2 dx dt < +∞,
I Ω

et que l’intégrale (2.57) n’est autre que l’intégrale usuelle par rapport à t.
Compte tenu de ces définitions, il est facile de démontrer le résultat suivant, dont
nous laissons également la démonstration au lecteur.

Proposition 2.24. Soit A le générateur infinitésimal d’un semi-groupe sur l’espace


de Hilbert séparable H. Pour tout u0 ∈ H, pour tout f ∈ L1 (]0, T [, H), il existe
u ∈ C([0, T ], H) unique tel que u(0) = u0 et, pour tout ψ :]0, T [→ K de classe C 1 à
RT
support compact, 0 ψ(t)u(t)dt appartienne à D(A) et
Z T  Z T Z T
0
(2.60) A ψ(t)u(t)dt = ψ (t)u(t)dt + ψ(t)f (t)dt .
0 0 0
35

De plus, u est donné par la “formule de Duhamel”


Z t
−tA
(2.61) u(t) = e u0 + e−(t−τ )A f (τ )dτ .
0

Terminons ce chapitre par quelques commentaires sur la régularité des solutions


de (2.60). Soit H1 un espace de Hilbert séparable. On suppose donnée une application
linéaire continue
j : H1 −→ H .
Il est facile de vérifier que, si f1 ∈ L1 (I, H1 ) au sens précédent, alors f = j ◦ f1 est dans
L1 (I, H), et
Z  Z
(2.62) j f1 (t)dt = f (t)dt .
I I

Supposons de plus j injective, et plaçons-nous sous les hypothèses de la proposition 2.24.


Supposons enfin que e−tA laisse invariante l’image de j. On définit alors une application
linéaire S1 (t) : H1 → H1 par j ◦ S1 (t) = e−tA ◦ j. D’après le théorème du graphe fermé,
S1 (t) ∈ L(H1 ). Supposons de plus que, pour tout élément v1 de H1 , l’application de
t ∈ R+ 7→ S1 (t)v1 ∈ H1 soit continue, de sorte que S1 soit un semi-groupe sur H1 .
Notons A1 son générateur infinitésimal. Alors, si u0 = j(u0,1 ), on conclut, en utilisant
par exemple la formule de Duhamel (2.61), que u(t) = j(u1 (t)), où u1 est donnée par la
proposition 2.24 en remplaçant H, A, u0 , f par H1 , A1 , u0,1 , f1 .
CHAPITRE III
PROBLÈMES VARIATIONNELS
ÉQUATIONS D’ONDES

****************

3.1. Rappels sur la résolution du problème de Dirichlet


Rappelons d’abord un résultat abstrait classique. Soit a(u, v) une forme sesquilinéaire
sur un espace de Hilbert H. On dit que a est coercive si et seulement si :

∃C > 0 ; ∀u ∈ H , |a(u, u)| ≥ Ckuk2 .

Théorème 3.1 (Lax–Milgram). Soit a une forme sesquilinéaire continue et coercive sur
un espace de Hilbert H. Alors pour toute forme linéaire continue ϕ sur H, il existe un
unique vecteur u ∈ H tel que

∀v ∈ H , a(u, v) = hϕ, vi.

Le théorème 3.1 est une conséquence immédiate du théorème de représentation des


formes linéaires continues sur un espace de Hilbert, et du lemme des opérateurs coercifs
(proposition 2.18).
Soit Ω un ouvert de Rd . On note

H 1 (Ω) = u ∈ D0 (Ω) ; u ∈ L2 (Ω), ∇u ∈ L2 (Ω) .




Alors H 1 (Ω), muni du produit scalaire


Z
(u|v)H 1 = (u|v)L2 + (∇u|∇v)L2 = (u(x) v(x) + ∇u(x).∇v(x)) dx

est un espace de Hilbert.

On note H01 (Ω) l’adhérence de C0∞ (Ω) dans H 1 (Ω) et H −1 (Ω) son espace dual.
L’application
ϕ ∈ H −1 (Ω) 7−→ Tϕ ∈ D0 (Ω)
37

définie par
C∞ H1
hTϕ , ψiD00 = hϕ, ψiH0−1 , ∀ψ ∈ C0∞
est injective puisque C0∞ (Ω) est dense dans H01 (Ω).
Cette application permet donc d’identifier H −1 (Ω) à un sous espace de D0 (Ω), ce que
nous ferons désormais.

Théorème 3.2. Pour tout f ∈ H −1 (Ω), pour tout λ > 0, il existe un unique u ∈ H01 (Ω)
tel que
(3.1) −∆u + λu = f dans D0 (Ω).
De plus, si Ω est borné, ce résultat est encore vrai pour λ = 0.

Preuve. L’équation (3.1) s’écrit


C∞ C∞
∀ψ ∈ C0∞ (Ω), hu, −∆ψ + λψiD00 = hf, ψiD00
C∞ C∞ C∞
⇐⇒∀ψ ∈ C0∞ (Ω), h∇u, ∇ψiD00 + λhu, ψiD00 = hf, ψiD00
H1
⇐⇒∀ψ ∈ H01 (Ω), (∇u|∇ψ)L2 + λ(u|ψ)L2 = hf, ψiH0−1
et le théorème de Lax–Milgram donne le résultat. Pour λ = 0, la coercivité est fournie
par le lemme suivant.

Proposition (Inégalité de Poincaré). Soit Ω un ouvert borné. Alors il existe C > 0 tel
que ∀u ∈ H01 (Ω)
kukL2 (Ω) ≤ C k∇ukL2 (Ω) .

Preuve. Les deux termes de l’inégalité étant continus pour la norme H 1 , il suffit de
démontrer cette inégalité sur un ensemble dense dans H01 (Ω), soit C0∞ (Ω).
Supposons Ω ⊂ {x = (x1 , . . . , xd ); |x1 | ≤ R} alors pour u ∈ C0∞ (Ω),
Z x1
∂u
u(x) = (t, x2 , . . . , xd )dt
−R ∂x1
et
Z Z Z x1 2
2 ∂u
|u(x)| dx = (t, x1 , . . . , xd )dt dx1 dx2 . . . dxd
Ω Ω −R ∂x1
Z Z R Z x1 2
∂u
≤ (t, x2 , . . . , xd dt × (x1 + R)dx
x1 =−R t=−R ∂x1
Z Z R 2
Z R
∂u
≤ (t, x2 , . . . , xd ) dt dx2 . . . dxd × (x1 + R)dx1
x2 ,...,xd t=−R ∂x1 x1 =t
∂u 2
≤ 2R2
∂x1 L2
38

ce qu’il fallait démontrer.

Exercice. Soit Ω un ouvert borné.


Montrer que −∆ est un isomorphisme de H01 (Ω) dans H −1 (Ω).
On munit H01 (Ω) de la norme

kuk2H 1 = k∇uk2L2
0

et H −1 de la norme
H1
kvkH −1 = sup |hv, ui|H0−1 = sup |hv, ϕi|.
kukH 1 =1 ϕ∈C ∞
0
0 kϕk 1 =1
H
0

Montrer que si v = −∆u, u ∈ H01 (Ω) alors kvkH −1 = kukH01 , c’est à dire

kvkH −1 = k∇∆−1
D (v)kL2

Que se passe-t-il si on munit H01 (Ω) de la norme kuk2H 1 = k∇uk2L2 + kuk2L2 ?

3.2. Décomposition spectrale des opérateurs compacts


autoadjoints
Définition Soient H1 , H2 deux Hilbert et T ∈ L(H1 , H2 ) un opérateur continu de H1
dans H2 . On dit que T est compact si et seulement si T (B(0, 1)) est un ensemble compact
dans H.

Exemple. Un opérateur de rang fini est compact. Plus généralement, une limite, pour la
norme d’opérateurs, d’une suite d’opérateurs de rang fini, est un opérateur compact. En
effet, montrons que toute limite en norme d’opérateurs compacts est compacte. Soient
Tn , T ∈ L(H1 , H2 ) tels que
kTn − T kL(H1 ,H2 ) −→ 0
avec Tn compact pour tout n. Fixons ε > 0 et Tn tel que kTn −T k < 2ε ; comme Tn (B(0, 1))
est compacte, on peut la recouvrir par un nombre fini de boules de rayon 2ε
N
[  ε
Tn (B(0, 1)) ⊂ B xi ,
i=1
2

donc
N
[
T (B(0, 1)) ⊂ B(xi , ε) .
i=1
39

On peut donc recouvrir T (B(0, 1)) par un nombre fini de boules de rayon ε > 0, c’est
donc un ensemble compact et l’opérateur T est donc compact.

Enfin, il est facile de montrer qu’une composée d’opérateurs continus dont l’un au
moins est compact, est un opérateur compact.

Voyons tout de suite un exemple d’opérateur compact.

Proposition. Soit Ω un ouvert borné. Alors l’injection i : H01 (Ω) → L2 (Ω) est compacte.

Preuve.
i) On remarque d’abord que le prolongement par 0 envoie isométriquement H01 (Ω) dans
H 1 (Rd ). En effet, si u ∈ H01 (Ω), alors il existe ϕn ∈ C0∞ (Ω) tel que

ϕn −→ u dans L2 (Ω)
∇ϕn −→ ∇u dans L2 (Ω).

La suite ϕn ∈ C0∞ (Ω) ⊂ C0∞ (Rd ) est donc de Cauchy dans H 1 (Rd ) et elle converge donc
vers ϕ ∈ H 1 (Rd ). Or il est clair que

ϕn −→ u dans L2 (Rd )

où
u(x) = u(x) si x ∈ Ω
= 0 sinon
donc u = ϕ ∈ H 1 (Rd ).
ii) ∀ψ ∈ C0∞ (Rd ), l’application j : u ∈ H 1 (Rd ) → u × ψ ∈ L2 (Rd ) est compacte. En effet,
supposons que ψ ∈ C0∞ (] − R, R[d ). Notons (uψ)# le prolongement par périodicité sur
Rd , de période 2RZd de ψu. Supposons (pour simplifier le calcul) R = 21 . Notons pour
α = (n1 , . . . , nd ) ∈ Zd
Z
Tα (uψ) = e−2iπ(x·α) uψ(x)dx
]− 12 , 12 [d

alors
X
(uψ)# (x) = e2iπα·x Tα (ψu)
α∈Zd
40

d 
− 12 , 12

et la série est convergente dans L2
X
k(uψ)# k2L2 (]− 1 , 1 [) = |Tα (uψ)|2
2 2
α∈Zd

X d
X
k∇(uψ)# k2L2 (]− 1 , 1 [) = |Tα (uψ)|2 × 4π 2 |αi |2 .
2 2
α∈Zd 1

Notons X
jN : u 7−→ e2iπα·x Tα (ψu) × 1x∈]− 21 , 12 [d
|α|≤N

d’après ce qui précède


C
kj − jN kL(H 1 (Rd );L2 (Rd )) ≤
.
N
Les opérateurs jN sont compacts (car de rang fini) donc j est un opérateur compact.
iii) Finalement, en choisissant ψ ∈ C0∞ (Rd ) tel que ψ|Ω = 1 l’injection i : H01 (Ω) ,→ L2 (Ω)
se décompose en

H01 (Ω) −→ H 1 (Rd ) −→ L2 (Rd ) −→ L2 (Ω)


u 7−→ u 7−→ ψu 7−→ ψu|Ω

et comme le composé d’un opérateur compact et d’un opérateur continu est compact, on
obtient la compacité de i.

L’un des avantages des opérateurs compacts est qu’ils possèdent une décomposition
spectrale très simple.

Théorème 3.3. Soient H un Hilbert et T ∈ L(H) un opérateur compact autoadjoint.


Alors les valeurs propres de T non nulles sont de multiplicité finie ; elles sont en nombre
fini ou forment une suite tendant vers 0. De plus, H admet une base hilbertienne formée
de vecteurs propres de T .

Preuve.

i) Si λ est une valeur propre non nulle de T , de sous–espace propre Eλ , alors l’application
identique de Eλ coı̈ncide avec T /λ, donc est compacte. Le théorème de Riesz assure alors
que Eλ est de dimension finie.

ii) Supposons que T admette une infinité de valeurs propres non nulles. Soit (λn ) une
suite injective de telles valeurs propres convergeant vers λ. Pour chaque n, soit en un
41

vecteur propre unitaire associé à λn . Alors les en sont deux à deux orthogonaux puisque
T est autoadjoint. Quitte à extraire une sous–suite, on peut supposer que T en converge ;
si on suppose de plus que λ 6= 0, alors en = T en /λn converge vers un vecteur e, qui
est donc lui aussi unitaire. Mais ceci est absurde, puisque (e|en ) est la limite de (ep |en )
quand p tend vers l’infini, donc est nul, de sorte que, en passant à la limite en n, on
conclut que e = 0. Il en résulte que 0 est le seul point d’accumulation possible des valeurs
propres de T , qui forment donc une suite tendant vers 0.

iii) Montrons d’abord que, si T 6= 0, alors T a au moins une valeur propre non nulle. En
effet, soient M = kT k et un ∈ B(0, 1) tel que kT un k → M (n → +∞). Quitte à extraire
une sous-suite, on peut supposer (puisque l’opérateur T est compact) que T un → v dans
H. On a kvk = M et

(T v|un )H = (v|T un ) −→ (v|v) = M 2 .

Notons un = pn + qn , pn = λn T v, (qn , T v) = 0. On a

|(v|T un )H | = |(T v|un )H | = |(T v|pn )| ≤ kT kkvkkpn k = M 2 kpn k

donc lim kpn k = 1 = lim kun k, donc lim kqn k = 0 et, quitte à extraire encore une
n n→∞ n→+∞
sous suite, on peut supposer que λn converge vers λ, de sorte que un → λT v. Il en
résulte que kλT vk = 1 et λkT vk2 = M 2 , d’où λ = 1/M 2 . Mais v = lim T un = λT 2 v et
n
v ∈ Ker(T 2 − M 2 ) = Ker(T − M )(T + M ) ; les deux opérateurs T ∓ M ne sont donc pas
tous les deux injectifs ; l’opérateur T a donc une valeur propre dont la valeur absolue est
M.

iv) Soit (λn ), la suite (éventuellement finie) des valeurs propres non nulles de l’opérateur
T . Notons En = Ker(T − λn Id). Les En sont orthogonaux deux à deux. Soit E =
Vect ⊕ En l’espace vectoriel engendré et F = E ⊥ son orthogonal. Alors F est stable

n
par T . En effet, si (u|v) = 0 ∀v ∈ En , alors

(T u|v) = (u|T v) = λn (u|v) = 0 .

De plus F est fermé et T|F ∈ L(F ) est autoadjoint compact. Par construction, T|F ne
peut avoir de valeur propre non nulle, donc, par iii), T|F = 0. Pour conclure il suffit
maintenant de prendre une base orthonormée dans chaque En , et une base hilbertienne
dans F . On obtient ainsi, d’après ce qui précède, une base hilbertienne de H. q.e.d.
42

Application : le spectre du laplacien de Dirichlet sur un ouvert borné. Soit Ω


un ouvert borné de Rd . On considère l’opérateur T , qui à u ∈ L2 (Ω) ⊂ H −1 (Ω) associe
l’unique solution T u ∈ H01 (Ω) ⊂ L2 (Ω) de l’équation

−∆(T u) = u dans D0 (Ω).

D’après l’inégalité de Poincaré, on vérifie facilement que

k∇T ukL2 ≤ CkukL2

donc T est continu de L2 (Ω) dans H01 (Ω). L’opérateur i◦T est donc un opérateur compact
sur L2 (Ω). On vérifie également (en revenant à la définition de T ) que i◦T est autoadjoint
et injectif. Il existe donc une base hilbertienne (en ) de L2 (Ω) formée de vecteurs propres
de i ◦ T ; notons T en = µn en . On remarque que

(en |T en )L2 = k∇T en k2L2

d’où
1 = µn k∇en k2L2
et µn > 0 pour tout n.
Considérons l’opérateur non borné sur L2 (Ω), de domaine
n o
D(−∆D ) = u ∈ H01 (Ω), −∆u ∈ L2 (Ω) ,

et défini par −∆D u = −∆u. Alors l’opérateur i ◦ T est l’inverse de −∆D et on a la


caractérisation suivante.

Proposition 3.4.
n o
L2 (Ω) = u ∈ D0 (Ω) ; u = Σun en , Σ |un |2 < +∞

n 1 o
H01 (Ω) = u ∈ D0 (Ω) ; u = Σun en ,
Σ |un | × 2
< +∞ .
µn
n 1 o
D(−∆D ) = u ∈ D0 (Ω) ; u = Σun en , Σ |un |2 × 2 < +∞ .
µn

Preuve. La première égalité provient du fait que (en ) est une base hilbertienne de L2 (Ω).
En remarquant de plus que, pour tout u ∈ H01 , (∇u|∇en )L2 = (u|en )L2 /µn , on en déduit
43


que ( µn en ) est une base hilbertienne de H01 , d’où la deuxième égalité. Enfin, la troisième
égalité découle du fait qu’un élément v de H −1 appartient à L2 si et seulement si
H1
Σ|hv, en iH0−1 |2 < +∞ .

La suite des λn = 1/µn décrit les valeurs propres de −∆D . C’est une suite de nombres
positifs tendant vers l’infini. Si Ω est connexe, on peut montrer de plus que λ1 est simple.

3.3. Equations d’ondes


Soit Ω un ouvert borné. On munit, comme ci–dessus, H01 (Ω) de la norme
Z
2
kukH 1 = |∇u|2 dx .
0

Par ailleurs, on désigne par a une fonction L∞ sur Ω, à valeurs réelles.

Théorème 3.5. Pour tout (u0 , u1 ) ∈ H01 (Ω) × L2 (Ω), il existe une unique fonction

u ∈ C 1 (Rt ; L2 (Ω)) ∩ C 0 (Rt ; H01 (Ω))

solution du système
 2
∂ ∂

 − ∆ + a(x) u = 0, D0 (Ω × Rt )
 ∂t2 ∂t


(3.1) u|∂Ω×Rt = 0




u
|t=0 = u0 , u|t=0 = u1 .

∂t
De plus, en notant
Z
1
(3.2) E(u, t) = |∂t u(t, x)|2 + |∇u(t, x)|2 dx ,
2 Ω

on a l’identité
Z tZ
(3.3) E(u, t) = E(u, 0) − a(x)|∂t u|2 dx dt .
0 Ω

 
0 − Id
Preuve. Notons H = H01 (Ω) × L2 (Ω) et A = de domaine
−∆ a(x)

D(A) = D(−∆D ) × H01 (Ω).


44

On munit H de la norme
 
u 2
= k∇uk2L2 (Ω) + kvk2L2 (Ω) .
v H

et du produit scalaire associé. On a alors


    
u u
A = (−∇v|∇u)L2 + (−∆u + a(x)v|v)L2
v v H
= −(∇v|∇u)L2 + (∇u|∇v)L2 + (a(x)v|v)L2
    
u u
⇒ Re A = (a(x)v|v) ≥ −kak∞ kvk2L2 .
v v H

Ainsi l’opérateur A + kak∞ est accrétif. Soit λ > 0. Etudions la surjectivité de (A + λ)


de D(A) sur H. Soient (f, g) ∈ H. Alors
(
− v + λu = f
     
u u f
A +λ = ⇐⇒
v v g − ∆u + (a(x) + λ)v = g

avec (u, v) ∈ D(A). Ce problème équivaut à trouver u ∈ H01 (Ω) tel que

−∆u + λau + λ2 u = g + (a + λ)f = k ∈ L2 (Ω).

On conclut par le théorème de Lax–Milgram, en remarquant que, pour λ > kak∞ , la


forme sesquilinéaire Z
b(u, v) = ∇u.∇v + (λa + λ2 )uv dx

1
est continue et coercive sur H0 (Ω). Il en résulte que A + kak∞ est maximal accrétif.
De plus, un raisonnement analogue montre de même que −A + kak∞ est maximal
accrétif. D’après le corollaire 2.22 et la remarque 2.16, l’opérateur A engendre un groupe
d’opérateurs sur H.
Nous allons montrer que l’unique solution du système (3.1) est la fonction u définie par
   
u −tA u0
=e .
∂t u u1

Soit u ∈ C(R, H01 (Ω)) ∩ C 1 (R, L2 (Ω)) vérifiant u(0) = u0 , ∂t u(0) = u1 . Un argument
élémentaire de théorie des distributions assure que l’équation

∂2u ∂u
− ∆u + a(x) =0
∂t2 ∂t
45

équivaut à
D ∂2u ∂u E
(3.4) − ∆u + a(x) , ψ(t)ϕ(x) = 0
∂t2 ∂t
pour tout ψ ∈ C 1 (R) à support compact et tout ϕ ∈ C0∞ (Ω). En notant
Z +∞  
u(t)
V = ψ(t) dt ,
0 ∂t u(t)

on constate que V ∈ H01 (Ω)×H01 (Ω) et que l’équation (3.4) équivaut à l’équation suivante
au sens des distributions sur Ω,
  Z +∞  
0 −1 0 u(t)
V = ψ (t) dt
−∆ a −∞ ∂t u(t)

soit encore à
V ∈ D(A)
et Z +∞  
0 u(t)
AV = ψ (t) dt .
−∞ ∂t u(t)
Le corollaire 2.15 et la remarque 2.16 complètent la démonstration.
 
u0
Il reste à établir l’identité d’énergie (3.3). Supposons d’abord ∈ D(A). Alors
u1
u ∈ C 2 (Rt ; L2 (Ω)) ∩ C 1 (Rt ; H01 (Ω) ∩ C 0 (Rt ; H 2 (Ω)) donc
Z
d d 1
E(u, t) = |∇u|2 + |∂t u|2 dx
dt dt 2 Ω
Z
= Re ∇u · ∂t ∇u + ∂t u · ∂t2 u dx

Z
= Re ∇u · ∂t ∇u + ∂t u(−a(x)∂t u + ∆u)dx

Z
∂ 2
=− a(x) u dx .
Ω ∂t
 
u0
L’identité (3.3) est donc vraie pour ∈ D(A) ; elle est donc vraie en général par
u1
passage à la limite et densité de D(A).
q.e.d.

Remarque 3.6. Le théorème 3.5 est susceptible de nombreuses généralisations.


D’une part, en utilisant la proposition 2.24, il est possible d’ajouter à l’équation (3.1) un
46

second membre f ∈ L1 (]0, T [, L2 (Ω)), l’identité d’énergie (3.3) devant être alors modifiée
en
Z tZ Z tZ
2
(3.5) E(u, t) = E(u, 0) − a(x)|∂t u| dx dt − Re f ∂t u dxdt .
0 Ω 0 Ω

Une autre généralisation, qui nous sera utile au chapitre 6, concerne le cas d’une équation
à coefficients variables, décrivant la propagation d’une onde dans un milieu inhomogène
occupant l’ouvert Ω. Soient ρ : Ω → R+ et kij : Ω → R, 1 ≤ i, j ≤ d, des fonctions
mesurables vérifiant, pour presque tout x ∈ Ω, pour tout ξ ∈ Rd ,
X
(3.6) a ≤ ρ(x) ≤ b, kij (x) = kji (x), α|ξ|2 ≤ kij (x)ξi ξj ≤ β|ξ|2 ,
1≤i,j≤d

où a, b, α, β sont des constantes strictement positives. On désigne par K(x) la matrice
symétrique définie positive de coefficients kij (x). En raisonnant comme au paragraphe
3.1, on montre que l’opérateur
u 7→ div(K∇u)
est un isomorphisme de H01 (Ω) sur H −1 (Ω), et possède sur L2 (Ω) une décomposition
spectrale analogue à celle du laplacien de Dirichlet. Enfin, on considère, sur l’espace de
Hilbert H = H01 (Ω) × L2 (Ω) muni de la norme
  Z
u 2
k kH = K∇u.∇u + |v|2 ρ(x) dx,
v Ω

l’opérateur  
0 − Id
A= 1 a
− ρ div(K∇u) ρ
de domaine
D(A) = {u ∈ H01 (Ω), div(K∇u) ∈ L2 (Ω)} × H01 (Ω).
On étend alors sans difficulté le théorème 3.5 à l’équation
∂ 2 (ρu) ∂u
(3.7) 2
− div(K∇u) + a(x) = 0.
∂t ∂t
Nous laissons au lecteur le soin de vérifier, à titre d’exercice, les détails de la
démonstration, et achevons ce chapitre en énonçant une dernière généralisation du
théorème 3.5, pour des données moins régulières.

Théorème 3.7. Avec les notations ci–dessus, pour tout (u0 , v1 ) ∈ L2 (Ω) × H −1 (Ω), il
existe une unique fonction u vérifiant

u ∈ C 0 (Rt ; L2 (Ω)), ρu ∈ C 1 (Rt ; H −1 (Ω))


47

solution du système
 ∂ 2 (ρu) 
− div(K∇u) = 0 dans D0 (Ω × Rt )
∂t2

u|t=0 = u0 , ∂t (ρu)|t=0 = v1
et u|∂Ω×Rt = 0 au sens suivant
Z +∞
∀ψ ∈ Cc1 (Rt ), ψ(t)u(t)dt ∈ H01 (Ω).
−∞

Schéma de preuve. La faible régularité de la fonction ρ nous obligent à définir un groupe


d’opérateurs légèrement différent du précédent. On désigne par TK : H −1 (Ω) → H01 (Ω)
l’opérateur inverse de − div(K∇) : H01 (Ω) → H −1 (Ω). On munit l’espace L2 (Ω)×H −1 (Ω)
de la norme   Z
u 2
H −1
= hv, TK viH 1 + |u|2 ρ(x) dx .
v H 0

2 −1 1 2
Soit B  × H (Ω) de domaine D(B) = H0 (Ω) × L (Ω) défini par
 l’opérateur sur L (Ω)
0 −1/ρ
B = . On vérifie alors, comme à la preuve du théorème 3.5, que
− div(K∇) 0
±B est maximal accrétif sur L2 (Ω) × H −1 (Ω), et que le système étudié est équivalent à
   
u −tB u0
=e .
∂t (ρu) v1

q.e.d.
CHAPITRE IV
PROBLÈMES DE CONTRÔLE
ET DE STABILISATION

****************

Le but de ce chapitre est de présenter quelques problèmes de contrôle sur l’équation


des ondes ainsi que la méthode H.U.M. qui permet d’en aborder l’étude. Dans toute la
suite, on désigne par Ω un ouvert borné de Rd .

4.1. Stabilisation de l’équation des ondes


On se donne une fonction a ∈ L∞ (Ω) à valeurs positives ou nulles. Nous avons vu
au théorème 3.5 comment résoudre le système
 2
∂ ∂

 − ∆ + a(x) u = 0 , D0 (Ω × Rt )
 ∂t2 ∂t


(4.1) u|∂Ω×Rt = 0




1
u
|t=0 = u0 ∈ H0 (Ω), u|t=0 = u1 ∈ L2 (Ω) .

∂t

Nous allons maintenant étudier le comportement de l’énergie E(u, t) d’une solution u de


ce système lorsque t tend vers +∞. Rappelons l’identité d’énergie : en notant
Z
1
(4.2) E(u, t) = |∂t u(t, x)|2 + |∇u(t, x)|2 dx ,
2 Ω

on a l’identité
Z tZ
(4.3) E(u, t) = E(u, 0) − a(x)|∂t u|2 dx dt .
0 Ω

Notons que, puisque a ≥ 0, l’énergie E(u, .) est une fonction décroissante du temps.

Théorème 4.1. (Stabilisation forte). On a équivalence entre :

i) il existe f : R+ → R+ , lim f (t) = 0 telle que, pour toute solution u de (4.1),


t→+∞

(4.4) E(u, t) ≤ E(u, 0) × f (t).


49

ii) Il existe T > 0, C > 0 tels que, pour toute solution u de (4.1),
Z T Z
∂ 2
(4.5) E(u, 0) ≤ C a(x) u dx dt .
0 Ω ∂t

De plus si i) (ou ii)) est vérifiée, alors il existe A et α > 0, tels que l’on puisse choisir
dans (4.4)
f (t) = A e−αt .

Preuve.
i) ⇒ ii). Soit T tel que f (T ) < 1 ; d’après (4.3), on obtient
Z T Z
E(u, 0)(1 − f (T )) ≤ a(x)|∂t u|2 dx dt .
0 Ω

ii) ⇒ i). D’après l’identité d’énergie (4.3), on obtient

E(u, T ) ≤ E(u, 0)(1 − C −1 )


≤ B E(u, 0) avec 0 < B < 1

en appliquant cette relation entre t = 0 et T puis entre T et 2T, . . . , (n − 1)T et nT , on


obtient
E(u, nT ) ≤ B n E(u, 0)
−`nB
Comme l’énergie est décroissante, on vérifie que α = T et A = B −1 donnent

E(u, t) ≤ A e−αt .

q.e.d.

Théorème 4.2. (Stabilisation faible). On a équivalence entre :


i) Pour toute solution u de (4.1), lim E(u, t) = 0.
t→+∞
 
u0
ii) ∀ vecteur propre de l’opérateur A, de valeur propre λ, la solution u de (4.1)
u1
vérifie lim E(u, t) = 0.
t→+∞
 
u0
iii) ∀ vecteur propre de l’opérateur A, a(x) × |u1 |2 = 0 ⇒ u0 ≡ 0, u1 ≡ 0.
u1
50

iv) ∀u vecteur propre de l’opérateur −∆D sur L2 (Ω), de domaine

D(−∆D ) = u ∈ H01 (Ω) ; ∆u ∈ L2




alors au ≡ 0 ⇒ u ≡ 0.

Preuve.
i) ⇒ ii) est évident
     
u0 −tA u0 −tλ u0
ii) ⇒ iii). Pour un vecteur propre de A, e =e et
u1 u1 u1
Z Z
d 2 −2t Re λ
E(u, t) = − a(x)|∂t u(t, x)| dx = −e a(x)|u1 (x)|2 dx ,
dt Ω Ω

ce qui montre que E(u, .) est constante si au1 = 0. Mais E(u, t) → 0 donc E(u, 0) = 0 et
u0 = u1 = 0.

iii) ⇒ iv). Soit u un vecteur propre de l’opérateur −∆D associé à la valeur


 propre
 z et
√u
vérifiant a(x)u(x) ≡ 0 . On sait que z > 0 et on voit facilement que est un
i zu
√ √
vecteur propre de A associé à la valeur propre −i z, qui vérifie za(x) × |u1 |2 = 0 ; il
en résulte que u ≡ 0.
 
u0
iv) ⇒ i). On remarque tout d’abord qu’il suffit de démontrer i) pour ∈ D(A), le
  u1
u0
résultat pour ∈ H s’en déduisant par densité de D(A) dans H.
u1
Supposons que i) ne soit pas vérifié. Alors il existe tn → +∞ tel que E(u, tn ) 6→ 0. On
remarque, comme l’énergie est décroissante, qu’alors

lim E(u, s) = α > 0.


s→+∞
   
u(tn ) −tn A u0
Ecrivons =e . Cette suite est bornée dans D(A). En effet,
∂t u(tn ) u1
 
u(tn ) 2
= 2E(u, tn ) ≤ 2E(u, 0)
∂t u(tn ) H01 ×L2

et  
u(tn ) 2
A = 2E(ũ, tn ) ≤ 2E(ũ, 0)
∂t u(tn ) H01 ×L2
51

où ũ désigne la solution de (4.1) avec les données


   
ũ0 u0
=A .
ũ1 u1

En vertu de la proposition 3.4,  l’injection  →


 D(A)  H est compacte, donc il existe
u(tnk ) v0
une sous–suite (tnk ) telle que → dans H. On a alors, si on note
    ∂ t u(t n k
) v1
v(t) −tA v0
=e ,
∂t v(t) v1
     
−tA v0 −tA u(tnk ) −(tnk +t)A u0
e = lim e = lim e
v1 k→+∞ ∂t u(tnk ) k→+∞ u1

et, comme E(u, t) est décroissante, on en déduit

(4.6) E(v, t) = lim E(u, s) = E(v, 0) = α > 0.


s→+∞

a(x)|∂t v|2 (t) = 0. La fonction v est donc solution de


R
On obtient ainsi, pour tout t > 0,

(∂t2 − ∆) v = 0

v|t=0 = v0 , ∂t v|t=0 = v1
v|∂Ω = 0.
Décomposons v sur une base hilbertienne de L2 (Ω) formée de vecteurs propres de −∆D :

+∞
X √ √
(4.7) v(t) = (vν,+ eit λν
+ vν,− e−it λν
)
1

avec −∆D vν,± = λν vν,± , λν 6= λµ si ν 6= µ, et


X X
v |t=0 = (vν,+ + vν,− ) = v0 = vν,0

et X p X
∂t v |t=0 = i λν (vν,+ − vν,− ) = v1 = vν,1 .
Enfin, u0 ∈ H01 (Ω), u1 ∈ L2 (Ω) se traduisent par

+∞
1X
(kvν,+ k2L2 + kvν,− k2L2 )λν = kv0 k2H 1 + kv1 k2L2 < +∞
2 1 0
52

RT √
Fixons ν0 ≥ 1 et posons w(T, x) = 1
T 0
∂s v(s, x)e−is λν0
ds ; notons ω = {x; a(x) > 0}.
La condition ∂s v|ω = 0 implique
w|ω = 0 .
Par ailleurs,
√ √ √
X i λν
(eiT ( λν − λν0 ) − 1)vν,+
p
w(T, x) =i λν0 vν0 ,+ (x) + √ p
ν6=ν0
iT ( λν − λν0 )
∞ √ √ √
X i λν −iT ( λν + λν0 )
− √ p (e − 1)vν,−
ν=1
iT ( λν + λν0 )
p
ce qui implique que w(T, x) − i λν0 vν0 ,+ tend vers 0 dans L2 (Ω) quand T tend vers
l’infini. Comme w|ω = 0, on en déduit vν0 ,+ = 0 sur ω, donc vν0 ,+ = 0 d’après iv). On
obtient de la même façon vν0 ,− = 0, et finalement v = 0, ce qui contredit (4.7). q.e.d.

Remarque 4.3. Les théorèmes 4.1 et 4.2 se généralisent sans difficulté au cas de
l’équation des ondes inhomogène (3.7). De plus, lorsque la fonction K n’est pas
trop singulière (lipschitzienne), on peut montrer qu’une fonction propre de l’opérateur
−ρ−1 div(K∇) qui est nulle dans un ouvert connexe ω de Ω, est nulle dans la composante
connexe de ω dans Ω. Une démonstration d’une propriété un peu plus faible (suffisante
pour les applications du chapitre VI) est donnée en appendice. Au vu du théorème 4.2,
il en résulte que, si chaque composante connexe de Ω contient un ouvert non vide sur
lequel la fonction a ne s’annule pas, l’énergie de toute solution de (3.7) tend vers 0 quand
t tend vers +∞.

4.2. Contrôle de l’équation des ondes (méthode HUM)

Soient T > 0, ω ⊂ Ω et θ(x, t) = 1]0,T [ (t)1ω (x). On considère le problème d’évolution


suivant
( 2
(∂t − ∆) u = θ × g
(4.8)
u|t=T = 0, ∂t u|t=T = 0 .

L’existence et l’unicité d’une solution u ∈ C 1 (R; L2 (Ω))∩C 0 (R; H01 (Ω)) de (4.5) découlent
des résultats du chapitre III (voir remarque 3.6). En outre, il est facile de constater, à
l’aide de la formule de Duhamel (2.61), que l’opérateur

R : g ∈ L2 (]0, T [×ω) 7−→ u|t=0 , ∂t u|t=0 ∈ H01 (Ω) × L2 (Ω)



53

est continu.

On s’intéresse alors au problème de contrôle suivant : quelle est l’image par


l’opérateur R de L2 (]0, T [×ω) ? Autrement dit, quelles sont les données (u0 , u1 ) ∈ H01 ×L2
pour lesquelles qu’il existe g ∈ L2 (]0, T [×ω) tel que la solution u ∈ C 0 (R; H01 (Ω)) ∩
C 1 (R; L2 (Ω)) de

(∂t2 − ∆) u = g × θ(x, t), u|t=0 = u0 , ∂t u|t=0 = u1

vérifie u|t=T = 0, ∂t u|t=T = 0 ( et donc u|t≥T ≡ 0) ? Nous allons voir que cette
question se ramène à l’étude d’un problème dual. Soient (v0 , v1 ) ∈ L2 (Ω) × H −1 (Ω)
et soit v ∈ C 1 (Rt ; H −1 (Ω)) ∩ C 0 (Rt ; L2 (Ω)) la solution de l’équation

(∂t2 − ∆) v = 0, v|t=0 = v0 , ∂t v|t=0 = v1 , v|∂Ω×Rt = 0

donnée par le théorème 3.7.


Notons S(v0 , v1 ) = v × θ(x, t). Alors S est continu L2 × H −1 → L2 (]0, T [×ω).
L’estimation clé de la méthode HUM (Hilbert Uniqueness Method) est le résultat suivant
de dualité entre les opérateurs S et R.

Théorème 4.4. Soit g ∈ L2 (]0, T [×ω) et soit (v0 , v1 ) ∈ L2 (Ω) × H −1 (Ω). Alors, en
notant Rg = (u0 , u1 ) ∈ H01 (Ω) × L2 (Ω) on a
Z TZ
H −1 L2
(4.9) hu0 , v1 iH 1 − hu1 , v0 iL2 = g × S(v0 , v1 )dt dx.
0
0 ω

Preuve. Il suffit de démontrer cette relation pour g ∈ Cc0 (]0, T [; H01 (Ω)) et (v0 , v1 ) ∈
H01 × L2 . En effet ces espaces sont denses dans L2 (]0, T [×ω) et L2 (Ω) × H −1 (Ω) et
on peut passer à la limite dans l’égalité (4.9). Pour g ∈ Cc0 (]0, T [; H01 (Ω)), on vérifie
facilement que

u ∈ C 0 (Rt ; D(−∆D )) ∩ C 1 (Rt ; H01 (Ω)) ∩ C 2 (Rt ; L2 (Ω))

et, pour (v0 , v1 ) ∈ H01 × L2 ,

v ∈ C 0 (Rt ; H01 (Ω)) ∩ C 1 (Rt ; L2 (Ω)) ∩ C 2 (Rt ; H −1 (Ω)).

Il vient
Z T hZ iT Z T
−1
2
h∂t u(t), v(t)idt = h∂t u(t), v(t)i − hu(t), ∂t v(t)i + hu(t), ∂t2 v(t)iH
H 1 dt
0 0
0 Ω 0
Z T
2 −1
= −hu1 , v0 iL H
L2 + hu0 , v1 iH 1 + u(t) × ∂t2 v(t)dt .
0
0
54

D’autre part
Z T Z Z T Z T
2 −1
−∆u v dx dt = h−∆u, viL
L2 dt = hu, −∆viH
H 1 dt . 0
0 Ω 0 0

Finalement, en regroupant les termes on obtient


Z T Z Z T Z Z T
−1
θ(x, t) × g × v dx dt = (∂t2 − ∆) u × v dx dt = hu, (∂t2 − ∆)viH
H 1 dt
0
0 Ω 0 Ω 0
2 −1 2 −1
−hu1 , v0 iL H L H
L2 + hu0 , v1 iH 1 = hu1 , v0 iL2 − hu0 , v1 iH 1 .
0 0

ce qui implique la relation (4.9).


Nous allons maintenant déduire du théorème 4.4, deux résultats de contrôle.

Corollaire 4.5. On a équivalence entre :

i) L’image de l’opérateur R est dense (on peut contrôler un ensemble dense de données
initiales (u0 , u1 )).
ii) Le noyau de l’opérateur S est réduit à {(0, 0)}.

Preuve. Soit F = =(R) ⊂ H01 (Ω) × L2 (Ω). Les espaces de Hilbert H01 × L2 et H −1 × L2
sont en dualité par l’application bilinéaire

H −1 ×L2
(u0 , u1 ), (v1 , v0 ) H01 ×L2
= hu0 , v1 i − hu1 , v0 i.

(Le signe − qui change par rapport aux conventions habituelles simplifie l’exposition).

L’espace F est dense si et seulement si son orthogonal (pour cette dualité par
exemple) est réduit à {(0, 0)}. Or
n o
F ⊥ = (v1 , v0 ) ; ∀g ∈ L2 (]0, T [×ω), hu0 , v1 i − hu1 , v0 i = 0

donc d’après le théorème 4.4


n Z T Z o
⊥ 2
F = (v0 , v1 ) ; ∀g ∈ L (]0, T [×ω), g(x, t)S(v0 , v1 )dt dx = 0
0 ω

F ⊥ = {(v0 , v1 ) ; S(v0 , v1 ) = 0} = Ker S .


q.e.d.
55

Le deuxième résultat de contrôle est plus précis et donne une condition nécessaire et
suffisante pour que l’image de l’opérateur R soit l’espace tout entier : =(R) = H01 × L2 .

Théorème 4.6. On a équivalence entre :

i) =(R) = H01 × L2
ii) ∃C > 0 ; ∀(v0 , v1 ) ∈ L2 (Ω) × H −1 (Ω)
Z TZ
|S(v0 , v1 )|2 dxdt ≥ C kv0 k2L2 + kv1 k2H −1 .
 
0 Ω

Preuve.
i) ⇒ ii). On remarque d’abord, d’après le théorème de l’application ouverte 1.7, que si
=(R) = H01 × L2 , alors ∃η > 0 tel que

R B(0, 1)L2 (]0,T [×ω) ⊃ B(0, η)H01 ×L2 .

Fixons (v0 , v1 ) ∈ L2 × H −1 . Soit (u0 , u1 ) ∈ H01 × L2 tel que


a) ku0 k2H 1 + ku1 k2L2 = 1.
0

b) hu0 , v1 i − hu1 , v0 i = (kv0 k2L2 + kv1 k2H −1 )1/2 .


Soit g ∈ L2 (]0, T [×ω) tel que R(g) = (u0 , u1 ) et kgkL2 (]0,T [×ω) ≤ η1 . On obtient alors
Z T Z
(kv0 k2L2 + kv1 k2H −1 )1/2 = hu0 , v1 i − hu1 , v0 i = g(x, t)S(v0 , v1 ) dt dx
0 ω
≤ kgkL2 (]0,T [×ω) × kS(v0 , v1 )kL2 (]0,T [×ω)
1
≤ kS(v0 , v1 )kL2 (]0,T [×ω) .
η

ii) ⇒ i). Considérons l’opérateur R ◦ S, L2 × H −1 → H01 × L2 . Puisque S(v 0 , v 1 ) =


S(v0 , v1 ), on a
Z TZ
H −1 ×L2
R ◦ S(v0 , v1 ), (v 0 , v 1 ) H 1 ×L2 = |S(v0 , v1 )|2 dx dt
0
0
Ω
≥ C kv0 k2L2 + kv1 k2H −1 .


L’opérateur R ◦ S est donc coercif, donc bijectif et =(R) = H01 (Ω) × L2 (Ω). q.e.d.

Remarque 3.8. Comme dans la remarque 4.3, il n’est pas difficile d’étendre les théorèmes
4.4 et 4.6 au cas d’une équation des ondes dans un milieu inhomogène (ρ, K).
CHAPITRE V

OPÉRATEURS PSEUDO-DIFFÉRENTIELS

****************

Dans ce chapitre, Ω désigne un ouvert non vide de Rd .

5.1. Opérateurs différentiels


Un opérateur différentiel sur Ω est une application linéaire P : D0 (Ω) → D0 (Ω)
de la forme
X
P u(x) = aα (x)∂ α u(x)
|α|≤m

où les fonctions aα sont C∞ sur Ω. Le plus grand entier m tel que les fonctions aα ,
|α| = m, soient non toutes nulles est appelé ordre de P , et la fonction p : Ω × Rd → C
définie par
X
p(x, ξ) = aα (x)(iξ)α
|α|≤m

est appelée symbole de P . On remarquera que p est caractérisé par l’identité

(5.1) P (eξ )(x) = p(x, ξ)eξ (x),

où eξ (x) = eix·ξ . On a coutume d’introduire le multivecteur symbolique D = (D1 , . . . , Dd )


par Dj = 1i ∂j , de sorte que l’opérateur P s’écrit, en posant bα = i|α| aα ,
X
P = bα (x)Dα = p(x, D).
|α|≤m

La formule (5.1) se généralise alors sous la forme suivante : pour tous (x, ξ) ∈ Ω × Rd ,
pour toute distribution u ∈ D0 (Ω),

X ∂ξα p(x, ξ)
(5.2) p(x, D)(eξ u) = eξ p(x, ξ + D)(u) = eξ Dα u ,
α
α!

la somme précédente étant finie puisque p est polynomiale dans la variable ξ.


57

Proposition 5.1. Si P = p(x, D) et Q = q(x, D) sont des opérateurs différentiels sur Ω,


d’ordres m, n respectivement, alors le composé P Q est un opérateur différentiel d’ordre
au plus m + n, et son symbole est donné par
X 1
(5.3) p#q(x, ξ) = ∂ξα p(x, ξ)Dxα q(x, ξ),
α
α!

la somme étant finie.

Démonstration. Si P, Q sont des monômes différentiels a Dα , b Dβ , P ◦ Q est un


opérateur différentiel à cause de la formule de Leibniz, qui fournit la formule (5.3) dans
ce cas. Le reste de la proposition s’en déduit par bilinéarité. Si l’on préfère, on peut aussi
déduire (5.3) de (5.2), puisque

P ◦ Q(eξ )(x) = p(x, D)(q(·, ξ)eξ ) = eξ p(x, ξ + D)(q(·, ξ))


X ∂ξα p(x, ξ)
= eξ Dxα q(x, ξ).
α
α!

q.e.d.
On dispose d’un résultat analogue pour l’adjoint formel.

Proposition 5.2. Si P = p(x, D) est un opérateur différentiel d’ordre m sur Ω, alors


il existe un opérateur différentiel P ∗ d’ordre m sur Ω tel que, pour toutes fonctions
u, v ∈ C ∞ (Ω) dont l’une est à support compact,

(5.4) (P u | v)L2 (Ω) = (u | P ∗ v)L2 (Ω) .

Le symbole de P ∗ est donné par la somme finie


X 1
(5.5) p∗ (x, ξ) = Dxα ∂ξα p(x, ξ).
α
α!

Démonstration. Là encore, il suffit de traiter le cas où P = a Dα , et la proposition


résulte de la formule d’intégration par parties et de la formule de Leibniz. La formule
(5.5) se déduit également de (5.2) comme suit,

(P ∗ (·, ξ) | u) = (P ∗ (eξ ) | u eξ ) = (eξ | P (u eξ ))


X 1 α 
= 1| ∂ξ p(·, ξ)Dxα u
α
α!
X 1 
= Dxα ∂ξα p(·, ξ) | u . q.e.d.
α
α!
58

Si P est un opérateur différentiel d’ordre au plus m, de symbole p, on appelle


symbole principal d’ordre m de P , et on note σm (P ), la partie homogène de degré
m en ξ de la fonction polynomiale p(x, ξ), soit
X
(5.6) σm (P ) = aα (x)(iξ)α
|α|=m

aα (x)∂ α .
P
si P =
|α|≤m

Les propositions 5.1, 5.2 ont alors le corollaire suivant.

Corollaire 5.3. Si P est d’ordre au plus m, et Q d’ordre au plus n, alors

(5.7) σm+n (P Q) = σm (P )σn (Q),

1
(5.8) σm+n−1 ([P, Q]) = {σm (P ), σn (Q)},
i

(5.9) σm (P ∗ ) = σm (P ).

Si f, g sont des fonctions C ∞ sur un ouvert de Rnx ×Rnξ , la quantité {f, g} intervenant
dans (5.8) est définie par

d 
X ∂f ∂g ∂f ∂g 
(5.10) {f, g}(x, ξ) = − .
j=1
∂ξ j ∂xj ∂xj ∂ξ j

On l’appelle le crochet de Poisson des fonctions f et g.


Les formules (5.3), (5.5), (5.7), (5.8), (5.9) permettent de décrire les opérations clas-
siques sur les opérateurs différentiels (produit, commutateur, adjoint) en termes de leurs
symboles (principaux). On les appelle couramment formules de calcul symbolique.
Notre but est d’étendre ces formules à des opérateurs associés à des symboles non poly-
nomiaux.

5.2. Le calcul pseudo-différentiel


Commençons par une remarque exprimant le lien entre opérateurs différentiels et
transformation de Fourier. Si u ∈ C0∞ (Ω), on a bien sûr

D
d α u(ξ) = ξ α û(ξ)
59

aα Dα est un opérateur différentiel de symbole p(x, ξ) =


P
de sorte que, si P =
α
aα (x)ξ α , on peut écrire
P
α
Z
1
(5.11) P u(x) = eix·ξ p(x, ξ) û(ξ)dξ .
(2π)d Rd

L’intérêt de la formule (5.11) est qu’elle a un sens pour tout u ∈ C0∞ même si p n’est pas
polynomiale en ξ. En effet, puisque û est à décroissance rapide, il suffit que p(x, ξ) soit
à croissance tempérée en ξ pour que l’intégrale converge. Pour obtenir des théorèmes de
calcul symbolique, nous aurons besoin de propriétés supplémentaires.

Définition 5.4. Soit m ∈ R. On appelle symbole d’ordre au plus m dans Ω une fonction
a : Ω × Rd → C de classe C ∞ , à support dans K × Rd où K est une partie compacte de Ω,
et vérifiant les estimations suivantes : pour tous α ∈ Nd , β ∈ Nd , il existe une constante
Cαβ telle que

(5.12) |∂xα ∂ξβ a(x, ξ)| ≤ Cαβ (1 + |ξ|)m−|β| .

On note Scm (Ω × Rd ) l’espace vectoriel des symboles d’ordre au plus m dans Ω.

Exemple 5.5.
a) Si p est polynomial en ξ à coefficients C0∞ (Ω), alors p ∈ Scm (Ω × Rd ).
b) Si h = h(x, ξ) est homogène d’ordre m en ξ, de classe C ∞ sur Ω × (Rd \ {0}), à
support dans K × (Rd \ {0}) pour un compact K de Ω, alors, pour toute fonction
χ ∈ C ∞ (Rd ) valant 0 près de 0 et 1 au voisinage de l’infini, la fonction a définie par

a(x, ξ) = χ(ξ)h(x, ξ)

appartient à Scm (Ω × Rd ).

Proposition 5.6. Si a ∈ Scm (Ω × Rd ), la formule


Z
1
(5.13) Au(x) = d
eix·ξ a(x, ξ) û(ξ)dξ
(2π) Rd

définit, pour tout u ∈ C0∞ (Ω), un élément de Au de C0∞ (Ω).

Démonstration. Il suffit de remarquer que û(ξ) est à décroissance rapide, ∂xα a(x, ξ)
est à croissance tempérée en ξ, et d’appliquer le théorème de dérivation sous le signe
somme. q.e.d.
60

La formule (5.13) définit donc une application linéaire A : C0∞ (Ω) → C0∞ (Ω) qu’on
appellera opérateur pseudo-différentiel de symbole a. On prendra garde au fait
que, si Ω n’est pas tout Rd , l’application a 7→ A n’est pas injective (le fait que A = 0
équivaut à a(x, ξ) = e−ixξ b(x, ξ), où b a une transformée de Fourier en ξ nulle sur Ω).
On ne peut donc pas parler du symbole de A, mais d’un symbole de A (si Ω 6= Rd ). En
revanche, la notion de symbole principal est plus intrinsèque, grâce à la proposition
suivante.

Proposition 5.7. Soit A un opérateur pseudo-différentiel de symbole a ∈ Scm (Ω × Rd ).


On suppose qu’il existe une fonction am ∈ C ∞ (Ω × (Rd \ {0})), à support dans
K × (Rd \ {0}), où K est un compact de Ω, telle que, si χ ∈ C ∞ (Rd ) vaut 0 près
de 0 et 1 près de l’infini,

(5.14) a(x, ξ) = am (x, ξ)χ(ξ) + r(x, ξ),

où r ∈ Scm−1 (Ω × Rd ). Alors, pour tout u ∈ C0∞ (Ω), pour tout ξ ∈ Rd \ {0}, pour tout
x ∈ Rd ,

(5.15) t−m e−itx·ξ A(uetξ )(x) −−−−→ am (x, ξ)u(x).


t→+∞

Démonstration. Après un changement de variables dans l’intégrale (5.13), il vient

t−m
Z
1 −itx·ξ
e A(u etξ )(x) = eix·η a(x, η + t ξ) û(η)dη
tm (2π)d Rd

et, compte tenu de (5.14),

t−m a(x, η + t ξ) −−−−→ am (x, ξ)


t→+∞

en restant uniformément borné par un terme à croissance tempérée en η, indépendant de


t. La proposition résulte donc du théorème de convergence dominée. q.e.d.

Définition 5.8. Dans les conditions de la proposition 5.7, on dit que A admet un
symbole principal d’ordre m ; la fonction am caractérisée par (5.15) est appelée le symbole
principal d’ordre m de A, et notée σm (A).

Remarquons que, d’après l’exemple 5.5. b), toute fonction h ∈ C ∞ (Ω × (Rd \ {0}))
à support compact en x et homogène de degré m en ξ, est le support principal d’ordre
m d’un opérateur pseudo-différentiel sur Ω.
61

Nous pouvons maintenant énoncer et démontrer les théorèmes de calcul symbolique.

Théorème 5.9. Soit A un opérateur pseudo-différentiel de symbole a ∈ Scm (Ω × Rd ),


et soit χ ∈ C0∞ (Ω) valant 1 près de la projection en x du support de a. Il existe un
opérateur pseudo-différentiel A∗χ sur Ω tel que, pour tous u, v ∈ C0∞ (Ω),

(A(χ u) | v)L2 (Ω) = (u | A∗χ v)L2 (Ω) .

De plus, A∗χ admet un symbole a∗χ ∈ Scm (Ω × Rd ) vérifiant, pour tout N ∈ N,

X 1
(5.16) a∗χ − Dα ∂ α a ∈ Scm−N −1 (Ω × Rd ).
α! x ξ
|α|≤N

En particulier, si A admet un symbole principal d’ordre m, il en est de même de A∗ , et

(5.17) σm (A∗χ ) = σm (A).

Remarque. L’introduction de la troncature χ dans l’énoncé ci-dessus tient au fait que


nous avons délibérément choisi de travailler avec des symboles à support compact en x, ce
qui simplifie notablement les démonstrations. Le seul inconvénient est que cette propriété
ne se transmet pas à l’adjoint : il faut donc tronquer le symbole de l’adjoint de A pour
rester dans la classe Scm . Cela dit, comme le montre la formule (5.16), l’introduction de
χ n’est pas sensible sur les termes du développement de a∗χ , de sorte qu’elle ne sera pas
gênante dans les applications que nous avons en vue.

Théorème 5.10. Soient A, B des opérateurs pseudo-différentiels de symbole


a ∈ Scm (Ω × Rd ), b ∈ Scn (Ω × Rd ) respectivement. Alors le composé A B est un opérateur
pseudo-différentiel admettant un symbole a#b ∈ Scm+n (Ω × Rd ) vérifiant, pour tout
N ∈ N,
X 1
(5.18) a#b − ∂ α a Dxα b ∈ Scm+n−N −1 (Ω × Rd ).
α! ξ
|α|≤N

En particulier, si A admet un symbole principal d’ordre m, et si B admet un symbole


principal d’ordre n, alors AB admet un symbole principal d’ordre m + n, et [A, B] admet
un symbole principal d’ordre m + n − 1, donnés par

(5.19) σm+n (A B) = σm (A)σn (B)


62

1
(5.20) σm+n−1 ([A, B]) = {σm (A), σn (B)} .
i
Démonstration du théorème 5.9. Compte tenu de la formule (5.13), il vient
Z Z
dξ dx
(A(χu) | v) = eixξ a(x, ξ) χ
cu(ξ)v(x)
d d (2π)d
ZR ZR
dξ dη
= cu(ξ) v̂(η) â(η − ξ, ξ)
χ
Rd Rd (2π)2d
où â(ζ, ξ) désigne la transformée de Fourier de a(x, ξ) par rapport à x. On en déduit
Z
(A(χu) | v) = u(y)A∗χ v(y)dy ,
Rd
avec Z Z
χ(y) dξ dη
A∗χ v(y) = eiy·ξ
â(η − ξ, ξ) v̂(η)
(2π)2d Rd Rd (2π)2d
Z
1
= d
eiy·η a∗ (y, η) v̂(η)dη ,
(2π) Rd
où
Z
∗ χ(y)
(5.21) a (y, η) = eiy·(ξ−η) â(η − ξ, ξ)dξ
(2π)d Rd
Z
χ(y)
= eiy·ζ b
a(ζ, η + ζ)dζ .
(2π)d Rd

Notons que les applications successives du théorème de Fubini ci-dessus sont justifiées
par le fait que â(ζ, ξ) est à décroissance rapide en ζ et à croissance tempérée en ξ, du
fait des estimations (5.12). Précisément, on a

(5.22) |∂ξβ â(ζ, ξ)| ≤ CN,β (1 + |ζ|)−N (1 + |ξ|)m−|β|

pour tous N ∈ N, β ∈ Nd . Il résulte alors de la formule (5.21) que a∗ est une fonction
C ∞ sur Ω × Rd , à support dans supp(χ) × Rd , et vérifiant, pour tous α, β ∈ Nd , N ∈ N
Z
α β ∗
|∂y ∂η â (y, η)| ≤ Cα,β,N (1 + |η + ζ|)m−|β| (1 + |ζ|)−N dζ .
Rd

Le fait que a∗ ∈ Scm (Ω × Rd ) provient alors du lemme suivant (appliqué avec t = 1).

Lemme 5.11. Soient m ∈ R, N > d + |m|. Alors il existe C > 0 tel que, pour tout
η ∈ Rd , pour tout t ∈ [0, 1],
Z
(1 + |ζ|)−N (1 + |η + t ζ|)m dζ ≤ C(1 + |η|)m .
Rd
63

Démonstration. On découpe l’intégrale en deux morceaux, correspondants aux zones


|ζ| < 21 (1 + |η|) et |ζ| ≥ 12 (1 + |η|). Dans la première zone,
1 3
(1 + |η|) ≤ 1 + |η + t ζ| ≤ (1 + |η|)
2 2
de sorte que l’intégrale correspondante est majorée par C(1 + |η|)m si N > d.
Dans la deuxième zone, si m ≤ 0, (1 + |η + t ζ|)m ≤ 1, et l’intégrale correspondante
est majorée par
C(1 + |η|)d−N ≤ C(1 + |η|)m .
Si m ≥ 0, (1 + |η + tζ|)m ≤ C |ζ|m et l’intégrale correspondante est majorée par

C(1 + |η|)d+m−N ≤ C(1 + |η|)m .

q.e.d.
Il reste à vérifier les formules (5.16) et (5.17). Ecrivons la formule de Taylor pour ba

dans l’expression (5.21) de a :

eiy·ζ α b
Z
∗ χ(y) X
a (y, η) = ∂ξ a(ζ, η)ζ α dζ
(2π)d d α!
|α|≤N R
Z 1Z
χ(y) X eiy·ζ β b
+ (N + 1) ∂ξ a(ζ, η + t ζ)ζ β dζ dt .
(2π)d 0 Rd β!
|β|=N +1

Compte tenu des estimations (5.22) et du lemme 5.11, le terme de reste ci-dessus
appartient à Scm−N −1 . Par ailleurs, le terme de rang α dans le développement n’est
1
autre que α! Dxα ∂ξα a, compte tenu de la formule d’inversion de Fourier et du fait que
χ = 1 près du support de a en y. Enfin, la formule (5.17) découle de (5.16) avec N = 0.

Démonstration du théorème 5.10. Elle est analogue à la précédente. De la formule


(5.13), on déduit Z

Bu(ξ)
c = b̂(ξ − η, η) û(η)
Rd (2π)d
de sorte que Z

ABu(x) = eix·η c(x, η) û(η)
Rd (2π)d
avec
Z
1
(5.23) c(x, η) = d
eix·(ξ−η) a(x, ξ) b̂(ξ − η, η)dξ
(2π) Rd
Z
1
= eix·ζ a(x, η + ζ) b̂(ζ, η)dζ .
(2π)d Rd
64

Les estimations (5.12) pour a et b entraı̂nent, pour tous α, β, N ,

∂xα ∂ηβ (a(x, η + t ζ) b̂(ζ, η)) ≤ Cα,β,N (1 + |ζ|)−N (1 + |η + tζ|)m (1 + |η|)n

de sorte que le lemme 5.11 assure que c ∈ Scm+n . La formule (5.18) pour c = a#b s’obtient
alors par développement de Taylor de a(x, η + ζ) en variable ζ, et on conclut à nouveau
par le lemme 5.11 pour le reste, et à l’aide de la formule d’inversion de Fourier pour
chaque terme du développement. Enfin, (5.19) et (5.20) sont conséquences de (5.18) avec
N = 0 et 1 respectivement. q.e.d.

5.3. Estimations L2
Jusqu’ici nous avons fait opérer les opérateurs pseudo-différentiels sur C0∞ (Ω). Il est
en fait possible d’étendre leur action aux espaces de Sobolev. Pour tout compact K inclus
s
dans Ω et tout s ∈ R, on note HK (Ω) l’espace des distributions à support dans K, dont
le prolongement par 0 est dans H (Rd ) ; on pose Hcomp
s s
(Ω) = ∪ HK s
(Ω) lorsque K décrit
K
les compacts de Ω.

Théorème 5.12. Soit a ∈ Scm (Ω × Rd ), et soit K la projection sur Ω du support de a.


Alors, pour tout réel s, l’opérateur A défini par (5.13) se prolonge de façon unique en
s s−m
une application linéaire continue de Hcomp (Ω) dans HK (Ω).

Démonstration. Compte tenu de la densité de C0∞ (Ω) dans Hcomp


s
(Ω), il suffit de
montrer l’inégalité
kAukH s−m ≤ C kukH s
pour tout u ∈ C0∞ (Ω). Par définition de la norme H s à l’aide de la transformation de
Fourier, cette inégalité s’écrit
Z Z 2
Z
2 s−m
(1 + |ξ| ) â(ξ − η, η) û(η)dη dξ ≤ C (1 + |η|2 )s |û(η)|2 dη .

D’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz,


Z 2
Z Z
â(ξ − η, η) û(η)dη ≤ |â(ξ − η, η)|dη × |â(ξ − η, η)| |û(η)|2 dη .

Compte tenu des inégalités (5.22) sur â et du lemme 5.11,


Z Z
|â(ξ − η, η)|dη ≤ CN (1 + |ζ|)−N (1 + |ξ + ζ|)m dζ ≤ C(1 + |ξ|)m .
65

De même,
Z
(1 + |ξ|2 )s−m (1 + |ξ|)m |â(ξ − η, η)|dξ
Z 
≤ CN (1 + |ξ|)2s−m (1 + |ξ − η|)−N dξ (1 + |η|)m

≤ C(1 + |η|)2s ≤ C̃(1 + |η|2 )s .

Le théorème 5.12 est donc démontré. q.e.d.

5.4. Application : une inégalité de Gårding


Théorème 5.13. Soit A un opérateur pseudo-différentiel d’ordre 0 sur Ω, dont le
symbole principal σ0 (A) existe et est une fonction ≥ 0 sur Ω × Rd . Alors il existe C > 0
et, pour tout δ > 0, Cδ > 0, tels que pour toute fonction v ∈ L2comp (Ω),

(5.25) Re(Av|v)L2 ≥ −δ kvk2L2 − Cδ kvk2H −1/2

(5.26) |=(Av|v)L2 | ≤ C kvk2H −1/2 .

Démonstration. Soit χ1 ∈ C0∞ (Ω) valant 1 près de la projection en x du symbole a de


A, 0 ≤ χ1 ≤ 1. Soit χ ∈ C0∞ (Ω) valant 1 près du support de χ1 .
La fonction b = χ1 (σ0 (A) + δ)1/2 est C ∞ sur Ω × Rd \ {0}, à support compact en
x, homogène de degré 0 en ξ. Soit B un opérateur pseudo-différentiel d’ordre 0 tel que
σ0 (B) = b. Alors l’opérateur Bχ∗ Bχ est pseudo-différentiel d’ordre 0 sur Ω d’après les
théorèmes 5.9 et 5.10, et

σ0 (Bχ∗ Bχ ) = |σ0 (b)|2 = χ21 (σ0 (A) + δ) = σ0 (A) + δ χ21

car χ1 σ0 (A) = σ0 (A). Il en résulte que

R = A + δ χ21 − Bχ∗ Bχ

est un opérateur pseudo-différentiel d’ordre ≤ −1 sur Ω. Mais alors

(Av|v)L2 = −δ kχ1 vk2L2 + kB(χv)k2L2 + (Rv|v)L2

soit encore

(5.27) Re(Av|v)L2 ≥ −δ kχ1 vk2L2 + Re(Rv|v)L2


66

(5.28) |=(Av|v)L2 | = |=(Rv|v)L2 |.

En utilisant l’inégalité (5.24) démontrée au théorème 5.12,

|(Rv|v)L2 | ≤ kRvkH 1/2 kvkH −1/2 ≤ Cδ kvk2H −1/2

et (5.25), (5.26) découlent de (5.27), (5.28) (avec δ = 1), respectivement.

Remarque. On peut montrer (c’est beaucoup plus dur) que (5.25) a lieu avec δ = 0
pour une certaine constante C0 > 0. Nous n’en aurons pas besoin dans ce cours.

5.5. Mesures de défaut microlocales


Soit (un )n∈N une suite bornée de L2loc (Ω), i.e. telle que sup |un (x)|2 dx < +∞,
R
K
n
pour toute partie compacte K de Ω. On suppose que un converge faiblement vers 0, au
sens où, pour toute fonction f ∈ L2comp (Ω),
Z
un (x)f (x)dx −−−−→ 0 .
Ω n→∞

On se propose de décrire l’obstruction à la convergence forte de un vers 0 (i.e.


|un (x)|2 dx −−−−→ 0 pour tout K) au moyen d’une mesure de Radon positive sur
R
K n→∞
Ω × S d−1 .

Théorème 5.14. Il existe une sous-suite (uϕ(n) ) et une mesure de Radon positive µ
sur Ω × S d−1 telles que, pour tout opérateur pseudo-différentiel A d’ordre ≤ 0 sur Ω
admettant un symbole principal d’ordre 0, pour toute fonction χ ∈ C0∞ (Ω) telle que
χ σ0 (A) = σ0 (A), on a
Z

(5.29) A(χuϕ(n) )|χuϕ(n) L2 −−−−→ σ0 (A)(x, ξ)dµ(x, ξ).
n→∞ Ω×S d−1

Remarque. Comme on le voit dans (5.29), la troncature χ n’est là que pour donner un
sens au premier membre, mais n’a pas d’influence sur la limite.

Démonstration. Elle est basée sur le lemme suivant.

Lemme 5.15. Si σ0 (A) ≥ 0, alors


 
= A(χun )|χun −−−−→ 0 et lim inf Re A(χun )|χun ≥ 0 .
n→∞ n→∞
67

Démonstration. Puisque un est bornée dans L2loc (Ω) et converge faiblement vers 0, on
a

(5.30) kχun k2H −1/2 −−−−→ 0.


n→∞

En effet, rappelons que


Z
−d
kχun k2H −1/2 = (2π) (1 + |ξ|2 )−1/2 |χu
dn (ξ)|2 dξ .
Rd

Or Z
χu
dn (ξ) = χ(x)un (x)e−ix·ξ dx
Rd

tend vers 0 pour tout ξ ∈ Rd et reste bornée uniformément en ξ, n grâce à l’inégalité


de Cauchy-Schwarz. D’après le théorème de convergence dominée, on a donc, pour tout
R > 0, Z
dn (ξ)|2 dξ −−−−→ 0 .
|χu
|ξ|≤R n→∞

Par ailleurs, d’après le théorème de Plancherel,


Z
−d 1
(2π) dn (ξ)|2 (1 + |ξ|2 )−1/2 dξ ≤
|χu kχun k2L2
|ξ|>R R

donc
1
lim sup kχun k2H −1/2 ≤ lim sup kχun k2L2
n→∞ R n→∞
ce qui entraı̂ne (5.30), puisque R est arbitraire. Appliquons alors à v = χ un les inégalités
(5.25) et (5.26) du théorème 5.13, et faisons tendre n vers l’infini en tenant compte de
(5.30). On obtient

lim inf Re(A(χ un ) | χ un ) ≥ −δ lim sup kχ un k2L2


n→∞ n→∞

=(A(χ un ) | χ un ) −−−−→ 0,
n→∞
d’où le lemme, puisque δ > 0 est arbitraire. q.e.d.
Une conséquence du lemme 5.15 est que, pour tout A d’ordre ≤ 0 ayant un symbole
principal, pour tout χ ∈ C0∞ vérifiant χ σ0 (A) = σ0 (A),

(5.31) lim sup kA(χ un )kL2 ≤ C(χ) max |σ0 (A)|.


n→∞
68

En effet, par l’inégalité de Cauchy-Schwarz,

|(A(χ un ) | χ un )| ≤ kA(χ un )kL2 kχ un kL2

et
kA(χ un )k2L2 = (A∗χ A χ un | un ).
L’opérateur A∗χ Aχ a pour symbole principal |σ0 (A)|2 ≤ M 2 |χ|2 , où M = max |σ0 (A)|.
L’inégalité (5.31) résulte donc du lemme 5.15, avec C(χ) = lim sup kχ un k2L2 .
n→∞
∞ d−1
Pour toute partie compacte K de Ω, notons CK (Ω ×S ) l’espace vectoriel des

fonctions C sur Ω × S d−1 d−1
, à support dans K × S , muni de la norme L∞ . Cet espace
est séparable : c’est un sous-espace fermé de C0∞ (Ω × U ), U = ξ ∈ Rd , 21 < |ξ| < 2


que l’on peut lui-même plonger dans C ∞ (T2d ) qui est séparable d’après la théorie des

séries de Fourier. Soit donc (aj ) une suite de CK (Ω × S d−1 ) telle que Vect{aj , j ∈ N}

soit dense dans CK (Ω × S d−1 ). Fixons par ailleurs, pour tout j, un opérateur pseudo-
différentiel Aj tel que σ0 (Aj ) = aj , et χ ∈ C0∞ (Ω) valant 1 sur K. Par le procédé diagonal
de Cantor, il existe une sous-suite (uϕ(n) ) telle que les quantités (Aj (χ uϕ(n) ) | χ uϕ(n) )
aient des limites pour tout j. Par linéarité et prolongement de la convergence, en vertu

de l’inégalité (5.31), il existe une forme linéaire LK sur CK (Ω × S d−1 ) vérifiant, pour

tout A tel que σ0 (A) ∈ CK (Ω × S d−1 ),

(5.32) A(χ uϕ(n) ) | χ uϕ(n) −−−−→ LK (σ0 (A))
n→∞

(5.33) |LK (σ0 (A))| ≤ Cχ max |σ0 (A)|.

De plus, LK ne dépend pas du choix de χ, car, si χ χ̃ = χ,

(A(χ̃ un ) | χ̃ un ) − (A χ un | χ un ) = (A((χ̃ − χ)un ) | χ un ) −−−−→ 0


n→∞

car σ0 (A(χ̃ − χ)) = 0 d’après le théorème 5.10. Enfin, en faisant varier K parmi une
suite exhaustive de compacts, et en utilisant le procédé diagonal, il existe une sous-suite
(uϕ(n) ) et une forme linéaire L sur C0∞ (Ω × S d−1 ) telle que l’on ait (5.32) pour tout K
avec L|CK ∞ = LK . Compte tenu de (5.33) et du lemme 5.15, L se prolonge en une mesure

de Radon ≥ 0 sur Ω × S d−1 . Le théorème 5.14 est donc complètement démontré.

Définition 5.16. Dans la situation du théorème 5.14, on dit que µ est la mesure de
défaut microlocale de la suite (uϕ(n) ).

Remarques. Le théorème 5.14 assure donc, pour toute suite bornée (un ) de L2loc (Ω)
convergeant faiblement vers 0, l’existence d’une sous-suite admettant une mesure de
69

défaut microlocale. Notons que, si l’on spécialise (5.29) au cas où A = f ∈ C0∞ (Ω), il
vient
Z Z
2
(5.34) f (x)|uϕ(n) (x)| dx −→ f (x)dµ(x, ξ)
Ω Ω×S d−1

de sorte que uϕ(n) converge vers 0 fortement si et seulement si µ = 0.

Exemples 5.17. Voici quelques exemples de suites (un ) et de leurs mesures de défaut
microlocales (les calculs sont élémentaires et peuvent être faits à titre d’exercice).
a) un (x) = b(x)einx·ξ0 , b ∈ L2loc (Ω), ξ0 ∈ Rd \ {0},
 ξ0 
µ(x, ξ) = |b(x)|2 dx ⊗ δ ξ − .
|ξ0 |

b) un (x) = nd/2 f (n(x − x0 )), f ∈ L2 (Rd ), x0 ∈ Ω,

µ(x, ξ) = δ(x − x0 )h(ξ)dσ(ξ),

où Z +∞
h(ξ) = (2π) −d
|fˆ(r ξ)|2 rd−1 dr
0
d−1
et dσ est la mesure superficielle sur S .
2
c) un (x) = nd/2 f (n(x − x0 ))ein x·ξ0
, f ∈ L2 (Rd ), x0 ∈ Ω, ξ0 ∈ Rd \ {0},
 ξ0 
µ(x, ξ) = kf k2L2 δ(x − x0 )δ ξ − .
|ξ0 |

Pour terminer, voici deux résultats fondamentaux concernant les mesures de défaut
microlocales (MDM) associées aux suites de solutions d’équations aux dérivées partielles.

Théorème 5.18. Soit P un opérateur différentiel d’ordre m sur Ω, et soit (un ) une
suite bornée de L2loc (Ω) convergeant faiblement vers 0 et admettant une MDM µ. Les
conditions suivantes sont équivalentes :
−m
(i) P un −−−−→ 0 fortement dans Hloc (Ω).
n→∞

(ii) supp(µ) ⊂ {(x, ξ) ∈ Ω × S d−1 , σm (P )(x, ξ) = 0}.

Théorème 5.19. Soit P un opérateur différentiel d’ordre m sur Ω, vérifiant P ∗ = P ,


et soit (un ) une suite bornée de L2loc (Ω) convergeant faiblement vers 0 et admettant une
70

1−m
MDM µ. On suppose que P un −−−−→ 0 fortement dans Hloc (Ω). Alors, pour toute
n→∞
fonction a ∈ C ∞ (Ω × (Rd \ {0})) homogène de degré 1 − m en la seconde variable et à
support compact en la première,
Z
(5.35) {a, p}(x, ξ)dµ(x, ξ) = 0 .
Ω×S d−1

Démonstration du théorème 5.18. La propriété (i) équivaut, pour tout χ ∈ C0∞ (Ω),
au fait que P (χun ) −−−−→ 0 dans H −m ; soit encore
n→∞


(5.36) B P (χun )|P (χun ) −−−−→ 0
n→∞

où B est l’opérateur de symbole χ̃(x)(1 + |ξ|2 )−m , χ̃ ∈ C0∞ (Ω) valant 1 sur le support
de χ. Alors P ∗ B χ̃ P est un opérateur pseudo-différentiel d’ordre 0, de symbole principal
|ξ|−2m |σm (P )|2 , de sorte que la limite du premier membre de (5.36) n’est autre que
Z
I= |χ(x)|2 |σm (P )(x, ξ)|2 dµ(x, ξ)
Ω×S d−1

qui est nulle pour tout χ si et seulement si (ii) est réalisée. q.e.d.

Démonstration du théorème 5.19. Soit χ ∈ C0∞ (Ω) vérifiant χa = a, et soit A


d’ordre ≤ 0 vérifiant σ0 (A) = a. Alors le second membre de (5.35) n’est autre que
  
J = lim [A, P ](χun )|χun = lim (A(χ P un )|χun ) − (A(χun )|χ P un ) .
n→∞ n→∞

Or χ P un → 0 dans H 1−m par hypothèse, tandis que A envoie H 1−m dans L2 et L2 dans
H m−1 . Il en résulte que chacun des deux produits scalaires ci-dessus tend vers 0, donc
J = 0. q.e.d.

Remarque. Il existe plusieurs variantes du théorème 5.19 ci-dessus, notamment avec un


opérateur P non auto-adjoint, mais à symbole principal réel.
CHAPITRE VI
CONDITIONS DE CONTRÔLE GÉOMÉTRIQUE
*****************

6.1. Préliminaires géométriques


Soit Ω un ouvert de Rd , et soit p ∈ C ∞ (Ω × (Rd \ {0})) une fonction à valeurs réelles.
On appelle champ hamiltonien de p le champ de vecteurs sur Ω × (Rd \ {0}) défini
par
 ∂p ∂p ∂p ∂p 
(6.1) Hp (x, ξ) = (x, ξ), . . . , (x, ξ) ; − (x, ξ), . . . , − (x, ξ) .
∂ξ1 ∂ξd ∂x1 ∂xd

La dérivée de Lie d’une fonction f par rapport au champ Hp est donc, avec les notations
du chapitre V,

(6.2) Hp (f ) = {p, f }.

Une courbe hamiltonienne de p est une courbe intégrale du champ de vecteurs


Hp , c’est-à-dire une solution maximale s ∈ I 7→ (x(s), ξ(s)) du système d’équations
différentielles ordinaires
∂p ∂p
(6.3) ẋ = (x, ξ), ξ˙ = − (x, ξ),
∂ξ ∂x

I étant un intervalle ouvert de R.


De l’identité {p, p} = 0 découle que la fonction p garde une valeur constante le
long de chacune de ses courbes hamiltoniennes. On dira qu’une telle courbe est une
bicaractéristique de p (ou, le cas échéant, de l’opérateur pseudodifférentiel dont p est
le symbole principal) si cette valeur est nulle.
Soit λ une fonction C ∞ sur Ω × (Rd \ {0}), à valeurs réelles non nulles. Puisque

Hλp = λHp + p Hλ = λ Hp si p = 0,

il résulte que les bicaractéristiques de λp et de p coı̈ncident (modulo une reparamétri-


sation). Nous pouvons maintenant traduire les théorèmes 5.18 et 5.19 du chapitre V en
des termes plus géométriques.
72

Théorème 6.1. Soit P un opérateur différentiel d’ordre m sur Ω, auto-adjoint, de


symbole principal p. Soit (un ) une suite bornée de L2loc (Ω), convergeant faiblement vers 0,
−(m−1)
de mesure de défaut microlocale µ. On suppose que P un tend vers 0 dans Hloc (Ω).
ξ(s) 
Alors le support de µ est une union de courbes du type s ∈ I 7→ x(s), |ξ(s)| , où
s ∈ I 7→ (x(s), ξ(s)) est une bicaractéristique de p.

Démonstration. Tout d’abord, le théorème 5.18 assure que le support de µ est contenu
dans l’ensemble {p = 0}. De plus, le théorème 5.19 précise que, pour toute fonction
a ∈ C ∞ (Ω × Rd \ {0}), à support compact en la première variable, homogène de degré
1 − m en la seconde variable,
Z
(6.4) {a, p}dµ = 0.
Ω×S d−1

Notons q(x, ξ) = |ξ|1−m p(x, ξ), et désignons par (φs ) le flot du champ hamiltonien Hq
de q. Puisque q est homogène de degré 1, il résulte du système d’équations
∂q ∂q
(6.5) ẋ = (x, ξ), ξ˙ = − (x, ξ),
∂ξ ∂x
que, pour tout s, l’application

(6.6) (x0 , ξ0 ) 7−→ φs (x0 , ξ0 ) = (xs (x0 , ξ0 ), ξs (x0 , ξ0 ))

vérifie, pour tout λ > 0,

(6.7) xs (x0 , λ ξ0 ) = xs (x0 , ξ0 ), ξs (x0 , λ ξ0 ) = λ ξs (x0 , ξ0 ).

Ainsi, si a = a(x, ξ) est homogène de degré 1 − m en ξ, il en est de même de a ◦ φs .


On a alors
d d
(a ◦ φs )(x, ξ) = (a ◦ φs+σ )(x, ξ)|σ=0
ds dσ
d
= (a ◦ φs ◦ φσ )(x, ξ)|σ=0

= {a ◦ φs , q}(x, ξ)
d’où, pour s assez petit de sorte que a ◦ φs est définie sur tout Ω × S d−1 ,
Z Z
d
a ◦ φs dµ = {a ◦ φs , q} dµ
ds Ω×S d−1 Ω×S d−1
Z
= {a ◦ φs , p}dµ
Ω×S d−1
=0
73

d’après (6.4) et le fait que Hq = |ξ|1−m Hp sur le support de µ. Il en résulte que le support
de µ est invariant par la projection du flot φs sur la sphère unité, donc est une union de
projetées de courbes bicaractéristiques de q, ou encore de p, puisque q = |ξ|1−m p. q.e.d.

Terminons ce paragraphe en examinant le cas de l’équation des ondes dans un milieu


inhomogène étudiée aux chapitres III et IV. Le symbole principal de l’équation est alors

(6.8) p(t, x, τ, ξ) = K(x)ξ · ξ − ρ(x)τ 2

où t ∈ R, x ∈ Ω ⊂ Rd , (τ, ξ) ∈ Rd+1 , ρ ∈ C ∞ (Ω; R), 0 < a ≤ ρ(x) ≤ b < +∞, et


K(x) = (kij (x))1≤i,j≤d est une fonction C ∞ sur Ω à valeurs dans les matrices symétriques
réelles, vérifiant
α |ξ|2 ≤ K(x)ξ · ξ ≤ β |ξ|2
pour 0 < α < β < +∞.
Décrivons les bicaractéristiques de p. Celles-ci ne changeant pas si l’on multiplie p
par une fonction non nulle, étudions plutôt les courbes hamiltoniennes de

1  K(x) 
(6.9) p̃ = ξ · ξ − τ2 .
2 ρ(x)

Il vient

K(x) 1 K 
(6.10) ṫ = −τ , ẋ = ξ, τ̇ = 0, ξ˙ = − ∇ (x)ξ · ξ .
ρ(x) 2 ρ

K(x) −1
En introduisant la matrice G(x) = ρ(x) , les équations en (x, ξ) deviennent

1
(6.11) ξ = G(x) ẋ , (G(x) ẋ)˙ = ∇G(x) ẋ · ẋ .
2

De plus, G(x) ẋ · ẋ = K(x) 2


ρ(x) ξ · ξ = τ est constante sur la courbe. La dernière équation
(6.11) s’écrit donc encore

d G(x) ẋ 1 ∇G(x) ẋ · ẋ
(6.12) p = p
ds G(x) ẋ · ẋ 2 G(x) ẋ · ẋ
p
soit encore, en posant L(x, ẋ) = G(x) ẋ · ẋ,

d ∂ ∂
(6.13) L(x, ẋ) = L(x, ẋ),
ds ∂ ẋ ∂x
74

qui est l’équation d’Euler-Lagrange associée à L, c’est-à-dire l’équation des géodésiques


pour la métrique G de Ω. Réciproquement, si α 7→ x(α) est une géodésique pour la
métrique G sur Ω, en reparamétrant la courbe x suivant l’abscisse curviligne σ définie
par

dσ p
(6.14) = G(x(α)) ẋ(α) · ẋ(α),

l’équation (6.12) devient

d  dx  1 dx dx
(6.15) G(x) = ∇G(x) ·
dσ dσ 2 dσ dσ
dx dx
avec G(x) dσ · dσ = 1. On retrouve donc (6.11) et (6.10) en posant par exemple s = − στ .
dt
On notera qu’alors dσ = 1.
En conclusion, on a montré la :

Proposition 6.2. A un changement de paramètre près, les bicaractéristiques de (6.8)


sont les courbes de la forme
  K(x(t)) −1 
t 7−→ t, x(t), τ, −τ ẋ(t)
ρ(x(t))

K −1

où t 7→ x(t) est une géodésique de la métrique G = ρ sur Ω, paramétrée par
l’abscisse curviligne.

6.2. Inégalités d’observation

Dans ce paragraphe, nous montrons comment le théorème 6.1 peut être utilisé pour
résoudre les problèmes de contrôle optimal posés au chapitre IV.
Dans tout ce paragraphe, on désigne par Ω un ouvert borné de Rd . On note
ρ ∈ C ∞ (Ω, R) une fonction vérifiant

(6.16) 0 < a ≤ ρ(x) ≤ b < +∞, ∀x ∈ Ω

et K = (kij )1≤i,j≤d une fonction C ∞ sur Ω, à valeurs dans les matrices symétriques
réelles, et vérifiant

(6.17) ∀x ∈ Ω , ∀ξ ∈ Rd , α |ξ|2 ≤ K(x)ξ · ξ ≤ β |ξ|2 ,


75

pour 0 < α < β < +∞.


Commençons par donner une condition suffisante de stabilisation pour l’équation
des ondes.

Théorème 6.3. Soit a une fonction continue sur Ω, à valeurs dans R+ , satisfaisant aux
hypothèses suivantes :

(i) ∀x ∈ ∂Ω, a(x) > 0.


K −1

(ii) Pour toute géodésique t ∈ I 7→ x(t) ∈ Ω de la métrique G = ρ , avec 0 ∈ I, il
existe t ≥ 0 tel que a(x(t)) > 0.
Alors il existe C, α > 0 tels que, pour toute solution u ∈ C(R, H01 (Ω))∩C 1 (R, L2 (Ω))
de l’équation

∂2u
(6.18) ρ − div(K ∇u) + a ∂t u = 0,
∂t2
on ait, pour tout t ≥ 0,

(6.19) E(u, t) ≤ C e−αt E(u, 0).

Remarque. On notera que, si K ≡ Id et ρ ≡ 1, la condition (i) entraı̂ne la condition (ii),


puisque les géodésiques sont alors des segments de droite (figure 1). En revanche, pour
une métrique générale, (i) peut très bien être vérifiée sans que (ii) le soit, si par exemple
G admet une géodésique fermée (figure 2).

figure 1 : K = Id, ρ = 1 (a > 0 dans la région grisée)


76

figure 2 : (a > 0 dans la région grisée)

Dans ce cas, sachant que (i) est vérifiée, on peut montrer que (ii) est également une
condition nécessaire à la stabilisation forte (6.19) (voir la remarque 6.4 ci-dessous).

Démonstration. En vertu du théorème 4.1, la stabilisation forte (6.19) est équivalente


à l’existence de C > 0 et T > 0 tels que pour tout u, on ait
Z T Z
(6.20) E(u, 0) ≤ C a(x)|∂t u(t, x)|2 dt dx .
0 Ω

Nous allons montrer l’inégalité d’observation (6.20) à l’aide d’un raisonnement par
l’absurde.
Supposons que l’inégalité (6.20) soit fausse pour tout T . Il existe alors une suite (un )
de solutions de (6.18) satisfaisant à

(6.21) E(un , 0) = 1

Z T Z
(6.22) ∀T > 0, a(x)|∂t un (t, x)|2 dt dx −−−−→ 0 .
0 Ω n→∞

1ère étape. Identification de la limite faible


Compte tenu de (6.21), la suite (un ) est bornée dans L∞ (R+ , H01 (Ω)), et la suite
(∂t un ) est bornée dans L∞ (R+ , L2 (Ω)). L’injection canonique de H01 (Ω) dans L2 (Ω) étant
compacte (cf. chapitre III), le théorème d’Ascoli assure l’existence d’une sous-suite, que
nous noterons encore un , convergeant uniformément sur tout compact de R+ vers une
fonction u ∈ C(R+ , L2 (Ω)). De plus, pour tout t ∈ R+ , u(t) ∈ H01 (Ω). En utilisant
de même la compacité de l’injection de L2 (Ω) dans H −1 (Ω) (même démonstration), et
d’autre part le fait que ∂t (ρ∂t un ) est borné dans L∞ (R+ , H −1 (Ω)) (à cause de l’équation
77

(6.18)), on conclut de même que ∂t (ρu) ∈ C(R+ , H −1 (Ω)), avec, pour tout t ∈ R+ ,
∂t u(t) ∈ L2 (Ω). Enfin, en passant à la limite au sens des distributions dans (6.18), on
obtient, compte tenu de (6.22),

∂t2 (ρu) − div(K ∇u) = 0 , t > 0, x ∈ Ω .

Il résulte alors de l’unicité dans le théorème 3.7, (et de l’existence dans le théorème 3.5
avec a = 0) que u ∈ C(R+ , H01 (Ω)) ∩ C 1 (R+ , L2 (Ω)), et que E(u, t) = E(u, 0) pour
tout t ≥ 0. De plus, puisque a ∂t u = 0 sur R+ × Ω en passant à la limite dans (6.22),
u est également solution de (6.18). Puisque a > 0 au voisinage de ∂Ω, le résultat de
l’appendice, combiné au théorème 4.2, assure la stabilisation faible pour toute solution
de (6.18), c’est-à-dire E(u, t) −−−−→ 0. On conclut que E(u, 0) ≡ 0, donc u = 0.
t→+∞

2ème étape. Réduction à une information locale sur (∂t un )


Montrons que, si la suite (∂t un ) de L2loc (]0, +∞[×Ω) converge vers 0 fortement dans
L2loc , alors E(un , 0) −−−−→ 0, ce qui fournira bien entendu une contradiction au vu de
n→∞
(6.21). Compte tenu de (6.22) et de l’hypothèse (i),
Z δ Z
(6.23) ∂t un −→ 0 dans L2loc (]0, ∞[×Ω) =⇒ |∂t un |2 dt dx −−−−→ 0
γ Ω n→∞

dès que 0 < γ < δ < +∞. Choisissons χ ∈ C0∞ (]0, +∞[) à valeurs ≥ 0 telle que
χ(t) = 1 pour t ∈ [1, 2]. En multipliant l’équation (6.18) par χ(t)u(t, x) et en intégrant
sur ]0, +∞[×Ω, il vient
Z +∞ Z Z +∞ Z
(6.24) χ(t)K ∇un · ∇ un dt dx = χ(t)ρ(x)|∂t un (t, x)|2 dt dx
0 Ω 0 Ω
Z +∞ Z
∂t un (t, x)un (t, x) χ0 (t)ρ(x) − χ(t)a(x) dt dx
 
+
0 Ω

et le second membre de (6.24) tend vers 0 compte tenu de (6.23) et de la borne L2 sur
un . Il en résulte que ∇un tend vers 0 dans L2 ([1, 2] × Ω). En utilisant à nouveau (6.23),
on conclut que
Z 2
(6.25) E(un , t)dt −−−−→ 0.
1 n→∞

Enfin, compte tenu de (3.3) et de (6.22), E(un , t) − E(un , 0) → 0, donc (6.25) assure que
E(un , 0) → 0.
78

3ème étape. Utilisation de l’hypothèse géométrique


En vertu de l’étape précédente, il nous suffit, pour obtenir une contradiction, de
montrer que la mesure de défaut microlocale de (∂t un ) est nulle sur ]0, +∞[×Ω. Les
résultats du chapitre V assurent que, quitte à extraire une sous-suite, on peut supposer
que la suite (∂t un ) admet une mesure de défaut microlocale µ sur ]0, +∞[×Ω. En dérivant
par rapport à t l’équation (6.18), il vient

ρ∂t2 (∂t un ) − div(K ∇(∂t un )) = fn ,


−1
où fn = −∂t (a ∂t un ) tend vers 0 dans Hloc compte tenu de (6.22). Il résulte alors du
théorème 6.1 et de la proposition 6.2 que le support de µ dans (]0, +∞[×Ω) × S d est une
union de courbes du type
 ±1 ∓G(x) ẋ 
(6.26) t ∈ I∩]0, +∞[7−→ m± (t) = t, x(t), p ,p
1 + |G(x) ẋ|2 1 + |G(x) ẋ|2
où t ∈ I 7→ x(t) ∈ Ω est une géodésique pour la métrique G. Par ailleurs, la propriété
(6.22) assure que µ est supportée dans l’ensemble {(t, x, τ, ξ), a(x) = 0}. Soit t0 ∈]0, +∞[,
et soit x une géodésique de G définie près de t0 . En appliquant l’hypothèse (ii) à la
géodésique t0 7→ x(t0 + t0 ), il existe t ≥ t0 tel que a(x(t)) > 0. On en déduit, avec la
notation (6.26), que m± (t) n’appartient pas au support de µ, et donc que m± (t0 ) n’y
appartient pas non plus. Le temps t0 et la géodésique x étant quelconques, on conclut
que supp µ est vide, ce qui achève la démonstration. q.e.d.

Remarque 6.4. La méthode de démonstration ci-dessus suggère également une stratégie


pour montrer l’optimalité de la condition géométrique (ii) sous l’hypothèse (i). Supposons
en effet que (ii) ne soit pas vérifiée. Il existe alors une géodésique t ∈ I 7→ x(t) de la
métrique G sur Ω, telle que 0 ∈ I et telle que a(x(t)) = 0 pour tout t ∈ I ∩ R+ . Puisque
a > 0 près de ∂Ω, on en déduit que, pour t ∈ R+ ∩ I, x(t) reste dans un compact de Ω,
donc x est définie sur R+ . On montre alors qu’il existe une suite (vn ) de solutions de

ρ ∂t2 vn − div(K ∇vn ) = fn ,

avec fn → 0 dans L2 ([0, T ] × Ω) pour tout T > 0, vn ∈ C(R+ , H01 (Ω)) ∩ C 1 (R+ , L2 (Ω)),
telle que sup sup E(vn , t) < +∞ pour tout T > 0, et telle que ∂t vn * 0 dans L2loc ,
0≤t≤T n
avec une mesure de défaut microlocale non nulle et contenue dans {m+ (t), t > 0}, où m+
est associé à x par (6.26). On constate alors que a ∂t vn tend vers 0 dans L2 ([0, T ] × Ω)
pour tout T > 0, donc que la suite wn solution de
( 2
ρ∂t wn − div(K ∇wn ) + a ∂t wn = −a ∂t vn
wn (0) = ∂t wn (0) = 0, wn|R×∂Ω = 0
79

satisfait à
E(wn , t) −−−−→ 0
n→∞

pour tout t. Il en résulte que un = vn + wn est solution de (6.18), vérifie E(un , 0) 6→ 0 et


(6.22), ce qui contredit la stabilisation forte. q.e.d.

On peut, bien entendu, se poser également la question de la pertinence de l’hypothèse


(i). Pour simplifier la discussion, supposons que K ≡ Id, ρ ≡ 1. Dans le cas d’ouverts
Ω ayant une géométrie simple (ouverts étoilés), il est possible d’établir des inégalités
d’observation avec des fonctions a qui sont nulles au voisinage de certains points de
∂Ω. Il existe en fait une condition nécessaire et suffisante entièrement géométrique à
la stabilisation forte, mais celle-ci, pour être établie (et même énoncée !) nécessite des
préparations plus substantielles. Grosso modo, si par exemple le bord de Ω est analytique,
on remplace la notion de géodésique (ici, des segments) par la notion de rayon qui indique
comment prolonger un tel segment lorsqu’il atteint le bord de Ω. On montre qu’un tel
prolongement est entièrement déterminé par les règles suivantes : (figure 3)
a) Si le rayon atteint le bord transversalement, il est réfléchi suivant la loi de Descartes.
b) Si le rayon atteint le bord et si son prolongement en un segment entre à nouveau
dans Ω, il suit ce segment tant qu’il reste dans Ω.
c) Si le rayon atteint le bord et si son prolongement en un segment sort de Ω, il suit
une géodésique du bord de ∂Ω, jusqu’à pouvoir entrer à nouveau dans Ω en suivant
un segment.

figure 3

Par des méthodes analogues (mais plus difficiles à mettre en oeuvre), on montre
alors que la stabilisation forte équivaut au fait que tout rayon rencontre dans le futur la
zone où a est non nul.

Notre dernier résultat concerne l’équivalent du théorème 6.3 pour la méthode HUM.
80

Théorème 6.5. Soient T > 0, ω un ouvert de Ω, et θ(t, x) = 1]0,T [ (t)1ω (x). On suppose
que

(i) L’adhérence ω de ω dans Rd contient ∂Ω.


K −1

(i) Pour toute géodésique t ∈ I 7→ x(t) de la métrique G ρ sur Ω telle que 0 ∈ I, il
existe t0 ∈ [0, T [ tel que x(t0 ) ∈ ω.
Alors, pour tout (u0 , u1 ) ∈ H01 (Ω) × L2 (Ω), il existe g ∈ L2 (]0, T [×ω) tel que la
solution u ∈ C(R, H01 (Ω)) ∩ C 1 (R, L2 (Ω)) de
 2
 ∂ (ρu)
− div(Ku) = θg
(6.27) ∂t2
u(0) = u0 , ∂t u(0) = u1

vérifie u(t) = 0 pour tout t ≥ T .

Démonstration. D’après le théorème 4.6 (généralisé au cas des milieux inhomogènes,


voir remarque 4.7) il revient au même de montrer l’inégalité
Z T Z
(6.28) kv0 k2L2 (Ω) + kw1 k2H −1 (Ω) ≤C |v(t, x)|2 dt dx
0 ω

où v ∈ C(R, L2 (Ω)), ρv ∈ C 1 (R, H −1 (Ω)) est la solution de


( 2
∂t (ρv) − div(K∇v) = 0,
(6.29)
v|t=0 = v0 , ∂t (ρv)|t=0 = w1

conformément au théorème 3.7. Rappelons (voir la démonstration de ce théorème) que


le problème (6.29) équivaut à

(6.30) V (t) = e−tA V0 ,

− ρ1
     
v(t) 2 −1 v0 0
où V (t) = ∈ C(R, L (Ω)×H (Ω)), V0 = , et A =
∂t (ρv)(t) w1 − div K∇ 0
est un opérateur maximal accrétif sur H = L2 (Ω) × H −1 (Ω), de domaine D(A) =
H01 (Ω) × L2 (Ω). Ici, H est muni de la norme
  Z 1/2
v 2 H −1
(6.31) = |v| ρdx + hw, TK wiH 1
w H Ω
0

où TK : H −1 (Ω) → H01 (Ω) est caractérisé par − div(K∇w) = w. Enfin, on rappelle que
−A est également maximal accrétif sur H, de sorte que t 7→ e−tA est un groupe à un
paramètre unitaire sur H, i.e. ke−tA V0 kH = kV0 kH pour tout t ∈ R.
81

L’inégalité (6.28) à démontrer s’écrit alors


Z T
2
(6.32) kV0 kH ≤ C kv(t)k2L2 (ω) dt ,
0
 
−tA v(t)
pour tout V0 ∈ H, avec e V0 = .
∂t (ρv)(t)

Première étape. Nous montrons tout d’abord une inégalité plus faible que (6.32), à
savoir
Z T 
2 2 −1 2
(6.33) kV0 kH ≤ C kv(t)kL2 (ω) dt + k(1 + A) V0 kH .
0

Pour établir (6.33), on raisonne par l’absurde comme dans la preuve du théorème 6.3.
On construit ainsi une suite (V0n ) de H vérifiant

(6.34) kV0n kH = 1 ,

Z T
(6.35) kvn (t)k2L2 (ω) dt −−−→ 0,
0 n→∞

(6.36) k(1 + A)−1 V0n kH −−−→ 0,


n→∞

en notant
 
−tA vn (t)
(6.37) e V0n n
= V (t) = .
∂t (ρvn )(t)

(6.34) et (6.36) assurent que (vn ) est bornée dans L2 (]0, T̃ [×Ω) pour tout T̃ > 0, et
converge faiblement vers 0 dans ce même espace. Désignons par µ une mesure de défaut
microlocale de (vn ) sur ]0, +∞[×Ω. Compte tenu du théorème 6.1 et de la proposition 6.2,
le support de µ est une union de courbes du type (6.26) où t ∈ I 7→ x(t) est une géodésique
de la métrique G sur Ω. De plus, (6.35) assure que supp(µ) ⊂ {x ∈ Ω \ ω}. Notons que
l’hypothèse (i) équivaut au fait que Ω \ ω est un compact. En conséquence, il existe
δ > 0 tel que l’hypothèse (ii) soit encore vraie en remplaçant T par T − δ. Soit alors
m0 = m± (t0 ) un élément de supp(µ) avec t0 ∈]0, δ[. Il existe alors t1 < T tel que
x(t1 ) ∈ ω, donc m± (t1 ) ∈/ supp(µ), et m0 ∈ / supp(µ). Il en résulte que µ|t∈]0,δ[ = 0, puis,
en tenant compte une nouvelle fois de (6.35),
Z ε1 Z
(6.38) |vn (t, x)|2 dxdt −−−→ 0
ε0 Ω n→∞
82

pour 0 < ε0 < ε1 < δ. En multipliant (6.29) par χ(t)TK ∂t (ρv(t)), avec χ ∈ C0∞ (]0, δ[),
χ = 1 sur 3δ , 2δ

3 ], et en intégrant par parties on obtient également
Z
(6.39) χ(t) TK ∂t (ρvn )(t), ∂t (ρv n )(t) dt −−−→ 0
R n→∞

d’où finalement
δ
(6.40) E(V0n ) −−−→ 0
3 n→∞

ce qui contredit (6.34). L’inégalité (6.33) est donc démontrée.

Deuxième étape. Désignons par N (T ) l’espace des V0 ∈ H vérifiant

(6.41) (e−tA V0 )(x) = 0 pour t ∈]0, T [, x ∈ ω .

En reportant dans (6.33), on a, pour tout V0 ∈ H,

(6.42) kV0 k2H ≤ Ck(1 + A)−1 V0 k2H .

En introduisant le spectre (µn ) de l’opérateur compact (1 + A)−1 , on déduit du fait


que µn → 0 et de (6.42) que N (T ) est de dimension finie. Nous allons en fait montrer
que N (T ) est réduit à {0}. Pour cela, observons tout d’abord que, si δ > 0 est tel que
l’hypothèse (ii) est encore vérifiée en remplaçant T par T − δ (cf. la première étape),
l’espace N (T − δ) défini par (6.41) pour t ∈]0, T − δ[, x ∈ ω, vérifie encore une inégalité
du type (6.42). Si V0 ∈ N (T ), il est clair que e−εA V0 ∈ N (T − δ) si 0 < ε < δ. Mais

1 − e−εA 1 − e−εA
(1 + A)−1 V0 = (1 + A)−1 V0 → A(1 + A)−1 V0 .
ε ε
−εA
Il en résulte que la famille 1−eε V0 est de Cauchy quand ε → 0+ pour la norme


V 7−→ k(1 + A)−1 V kH

sur N (T − δ), donc aussi pour la norme V 7→ kV kH par (6.42). Il s’ensuit que V0 ∈ D(A).
Ainsi N (T ) ⊂ D(A). En revenant à (6.41), on en déduit que, pour tout V0 ∈ N (T ),

∂t (e−tA V0 ) = 0 si (t, x) ∈]0, T [×ω ,

donc N (T ) est stable par A. Puisque N (T ) est de dimension finie, s’il n’est pas nul,
il contient un vecteur propre pour A. Compte tenu de (6.41), un tel vecteur propre V0
83

vérifie de plus V0|ω = 0, ce qui est absurde compte tenu du théorème 4.2 et du résultat
de l’appendice. On a donc

(6.43) N (T ) = {0} .

Troisième étape. Il est maintenant facile de déduire (6.32) de (6.33) et de (6.43). En


effet, si (6.32) est fausse, soit (V0n ) une suite de H telle que
Z T
(6.44) kV0n kH = 1, kvn (t)k2L2 (ω) −−−→ 0 .
0 n→∞

Puisque (1 + A)−1 est compact sur H, il existe une sous-suite, notée encore (V0n ) pour
simplifier, telle que
(1 + A)−1 V0n −−−→ (1 + A)−1 V0
n→∞
dans H, avec V0 ∈ H. En notant
 
−tA v(t)
e V0 = ,
∂t (ρv)(t)

on déduit de (6.44) et de (6.33),


Z T
−1 2
(6.45) 1 ≤ C k(1 + A) V0 k , kv(t)k2L2 (ω) dt = 0,
0

ce qui est absurde compte tenu de (6.43). Le théorème 6.5 est donc complètement
démontré. q.e.d.
ANNEXE
UN THÉORÈME D’UNICITÉ

*****************

Soit K = (kij )1≤i,j≤d une fonction C ∞ sur Rd à valeurs dans les matrices symétriques
définies positives. Soit m une fonction C ∞ sur Rd . On se propose, dans cette annexe, de
démontrer le résultat suivant.
n
∂ ∂ ∞ d
P
Théorème. Soit P = ∂xi kij (x) ∂xj + m(x). Si u ∈ C (R ) est solution de P u = 0
i,j=1
et s’il existe ω, un ouvert de Rd tel que u|ω = 0, alors u ≡ 0 sur Rd .

Remarque. Les hypothèses de régularité sur les coefficients et sur la solution peuvent
être affaiblies. D’une part, si les coefficients sont C ∞ , les méthodes du chapitre V
permettent de montrer que toute solution distribution de P u = 0 est en fait C ∞ . De
plus, la démonstration que nous allons donner s’adapte au cas où K est localement
lipschitzienne, m est localement bornée et u est localement H 1 (on montre alors qu’elle
est localement H 2 en tant que solution H 1 de P u = 0).
La méthode de démonstration que nous utiliserons est très proche de la preuve
initiale de Carleman.

Démonstration. On procède par l’absurde. Soient x0 ∈ ω, R0 = sup r ≥ 0 ; u|B(x0 ,r) ≡
0 ; alors 0 < R0 < +∞ par hypothèse et ∃x1 , |x1 − x0 | = R0 et x1 ∈ supp(u). Nous
allons, pour obtenir la contradiction, montrer que u est nulle au voisinage de x1 . On est
dans la situation suivante :

figure 4
85

On fait alors un changement de variables qui nous ramène à la situation suivante :

figure 5

Dans ce nouveau système de coordonnées, où l’on peut supposer que x1 = 0, l’opérateur
P a la forme suivante
X ∂ ∂
(1) P (x, Dx ) = bij (x) + Q1 (x, Dx )
∂xj ∂xj

où Q1 est un opérateur de degré 1 et (bij (x))  0.


Soit ϕ(x) = eαxn où α > 0 est une constante à fixer.
Pour tout τ > 0, considérons l’opérateur différentiel Pτ,ϕ = eτ ϕ(x) P e−τ ϕ(x) . On a
alors la proposition suivante.

Proposition. Soit K un compact de Rd . Il existe A > 0, α > 0, τ0 > 0 tels que ∀τ > τ0 ,
∀v ∈ C0∞ (Rd ) à support dans K

(2) τ 3 kvk2L2 + τ k∇vk2L2 ≤ AkPτ,ϕ vk2L2 .

Nous admettons dans un premier temps la proposition. On en déduit alors le


théorème comme suit.
On fixe χ ∈ C0∞ (Rd ), égale à 1 près de 0. On applique la proposition à

v = χeτ ϕ u .

On obtient

(3) τ 3 kχeτ ϕ uk2L2 + τ k∇(χeτ ϕ u)k2L2 ≤ AkPτ,ϕ (χeτ ϕ u)k2L2 = Akeτ ϕ P (χu)k2L2
≤ Akeτ ϕ [P, χ]uk2L2
86

ce qui implique, ∀ε > 0,

(4) τ 3 kχeτ (ϕ(xn )−ϕ(−ε)) uk2L2 ≤ Akeτ (ϕ(xn )−ϕ(−ε)) [P, χ]uk2L2 .

On prend alors ε > 0 assez petit de telle façon que, sur le support de [P, χ]u, qui est
contenu dans supp u ∩ supp ∇χ, on ait xn < −ε.

figure 6 : ∇χ est supporté dans la région grisée

Sur le support de [P, χ]u, on a donc ϕ(xn ) − ϕ(−ε) < 0 et, quand τ → +∞, le terme
de droite dans (4) tend vers 0, ce qui implique que dans le terme de gauche, on a
supp(χu) ⊂ {ϕ(xn ) − ϕ(−ε) ≤ 0}, donc χu ≡ 0 près de 0 et u ≡ 0 près de 0.
q.e.d.

Revenons à la preuve de la proposition : on remarque d’abord que si la proposition


est vraie pour un opérateur P , et si P̃ = P +Q1 (x, Dx ) où Q1 est un opérateur différentiel
d’ordre 1, alors la proposition est aussi vraie pour P̃ : en effet

(5) P̃τ,ϕ = Pτ,ϕ + eτ ϕ Q1 e−τ ϕ = Pτ,ϕ + Q1 + τ Q0 (x)

et τ 3 kvk2L2 + τ k∇vk2L2 ≤ AkPτ,ϕ vk2L2 ,

≤ A kP̃τ,ϕ v − Q1 v − τ Q0 vk2L2

(6)
≤ AkPτ,ϕ vk2 + 4kQ1 vk2 + 4τ 2 kQ0 vk2L2
87

ce qui implique

(τ 3 − C τ 2 )kuk2L2 + (τ − C)k∇uk2L2 ≤ AkP̃τ,ϕ uk2L2

d’où le résultat si τ est assez grand. On peut donc supposer dans la suite que P =
P ∂ ∂
∂xi bij (x) ∂xj . On a
i,j
X
(7) Pτ,ϕ = P + τ 2 ϕ02 bn,n (x) − τ (ϕ0 bn,j ∂j + ∂j bn,j ϕ0 )
j

où
Re Pτ,ϕ = P + τ 2 ϕ02 bn,n (x)
et
1 X 0
=Pτ,ϕ = − τ (ϕ bn,j ∂j + ∂j ϕ0 bn,j )
i j

sont auto-adjoints.
On calcule

(8) kPτ,ϕ vk2L2 = k Re Pτ,ϕ vk2L2 + k=Pτ,ϕ vk2L2


−i(=Pτ,ϕ v| Re Pτ,ϕ v) + i(Re Pτ,v v|=Pτ,ϕ v)

une intégration par partie donne :

(9) kPτ,ϕ vk2L2 = k Re Pτ,ϕ vk2L2 + k=Pτ,ϕ vk2L2



+i (=Pτ,ϕ Re Pτ,ϕ − Re Pτ,ϕ =Pτ,ϕ )v|v L2
.

On a
X ∂ ∂ 2
(10) k=Pτ,ϕ vk2 = τ 2 bn,j ϕ0 v + bn,j ϕ0 v
j
∂xj ∂xj
X ∂ 2
≥ 2τ 2 ϕ0 bn,j v − τ 2 Oϕ (kvk2 )
j
∂xj

(où, par convention, on note Oϕ (kvk2 ) une quantité majorée en module par Ckvk2 avec
C dépendant de ϕ mais pas de τ ).
Calculons

i [=Pτ,ϕ , Re Pτ,ϕ ]v|v = 4τ 3 ϕ02 ϕ00 b2n,n (x)v|v + τ O(ϕ0 ∇v|∇v)


 
(11)
 X 
+τ Oϕ k∇vk bn,k ∂k v + τ 3 O(ϕ03 v|v) + τ Oϕ (k∇vk kvk + kvk2 ).
k
88

Pour absorber le premier terme d’erreur on calcule


X ∂ ∂ 
(12) −(Re Pτ,ϕ v|ϕ0 v) = ϕ0 bij v v − τ 2 (ϕ02 v|v) + Oϕ (kvk k∇vk).
i,j
∂xi ∂xj

On en déduit (avec ε > 0 à choisir plus tard)

(13) |τ (ϕ0 ∇v|∇v)| ≤ τ k Re Pτ,ϕ vkkϕ0 vk + τ 3 kϕ0 vk2 + τ Oϕ (kvk k∇vk)


C 2τ 3 0 2
≤ εk Re Pτ,ϕ vk2 + kϕ vk + τ Oϕ (kvk k∇vk).
ε

Pour contrôler le deuxième terme d’erreur dans (11), on utilise (10) et (13) et on obtient
 X  X 2
(14) τ Oϕ k∇vk bn,k ∂k v ≤ C τ 1/2 k∇vk2 + C τ 3/2 bn,k ∂k v
≤ C(ϕ)τ 1/2 (Re Pτ,ϕ v|ϕ0 v) + τ 2 (ϕ02 v|v) + Oϕ (kvk k∇vk)
 
 k=P vk2
1/2 1
 h
τ,ϕ
+C(ϕ)τ 3/2 + O ϕ (kvk2
) ≤ C(ϕ)τ k Re Pτ,ϕ vk2 + τ kϕ0 vk2
τ2 i τ
+τ (ϕ v|v) + Oϕ (kvk k∇vk) + C(ϕ)τ −1/2 k=Pτ,ϕ vk2 + τ 3/2 Oϕ (kvk2 ).
2 02

Finalement, on obtient

kPτ,ϕ vk2 ≥ k Re Pτ,ϕ vk2 + k=Pτ,ϕ vk2 + (4τ 3 ϕ02 ϕ00 b2n,n (x) − τ 3 B ϕ03 )v|v


C 2τ 3 02
−C εk Re Pτ,ϕ vk2 − (ϕ v|v) + τ Oϕ (kvk k∇vk)
ε
 1   1 
+Oϕ 1/2 k Re Pτ,ϕ vk2 + Oϕ 1/2 k=Pτ,ϕ vk2 + Oϕ (τ 5/2 kvk2 ).
τ τ

D’après (13), on peut rajouter à droite τ (ϕ0 ∇v|∇v), quitte à changer C ε en (C + 1)ε
3
et − C 2τ
ε en − (C+1)2τ
ε . On prend (C + 1)ε < 21 pour absorber le terme −(C +
1)εk Re Pτ,ϕ vk2 , puis α (avec ϕ(x) = eαxn ) assez grand pour que

2(C + 1)ϕ02 ϕ02 ϕ00


ϕ02 ϕ00 b2n,n (x) − B ϕ03 − > .
ε 2
Enfin, ϕ étant fixé, on fait tendre τ vers l’infini, ce qui permet d’absorber tous les autres
termes de reste en utilisant simplement qu’ils sont d’homogénéité plus petite en τ . On
obtient ainsi la proposition. q.e.d.

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