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L’espace de l’architecture moderne

Claude Vié, Henri Ciriani

To cite this version:


Claude Vié, Henri Ciriani. L’espace de l’architecture moderne. [Rapport de recherche] 563/89, Min-
istère de l’urbanisme, du logement et des transports / Secrétariat de la recherche architecturale (SRA);
Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville / Association Enseignement et Pratique.
1989. �hal-01905090�

HAL Id: hal-01905090


https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01905090
Submitted on 25 Oct 2018

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abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
L’ESPACE
DE L’ARCHITECTURE
MODERNE

Claude Vié
Henri E. Ciriani

RAPPORT FINAL DE RECHERCHE

MINISTERE DE L'URBANISME, DU LOGEMENT ET DES


TRANSPORTS.
DIRECTION DE L’ARCHITECTURE.
SECRETARIAT DE LA RECHERCHE ARCHITECTURALE

APPEL D’OFFRES 1980.


MARCHE n° 81 01 010. APPROUVE LE 22/12/1980

ASSOCIATION ENSEIGNEMENT ET PRATIQUE DE


L’ARCHITECTURE ECOLE D’ARCHITECTURE DE PARIS-BELLEVILLE
L’ESPACE
DE L’ARCHITECTURE
MODERNE

RAPPORT FINAL DE RECHERCHE

MINISTERE DE L’URBANISME, DU LOGEMENT ET DES


TRANSPORTS.
DIRECTION DE L’ARCHITECTURE.
SECRETARIAT DE LA RECHERCHE ARCHITECTURALE

APPEL D'OFFRES 1980.


MARCHE n° 81 01 010. APPROUVE LE 22/12/1980

ASSOCIATION ENSEIGNEMENT ET PRATIQUE DE


L’ARCHITECTURE
ECOLE D’ARCHITECTURE DE PARIS-BELLEVILLE
79 rue de Rebeval 75019 PARIS

DIRECTEURS DE RECHERCHE: C. VIE et H. E. CIRIANI

ONT PARTICIPE A CETTE RECHERCHE :

D. BALLENDRAS
J. L. BERTHOMIEU
I. BILLARD-MADRIERES
L. BOURGOIS
A. DERVIEUX
O. JEAN-ALEXIS
B . HELLIN
F. MAUFFRET
S. RAMI
H. SEBBAG

ET TOUS LES ETUDIANTS DES SEMINAIRES DE TROISIEME CYCLE DE UNO /


UP8 DE 1979 A 1984.

Tous droits de traduction, de reproduction et d ’adaptation réservés pour tous pays.


N ous tenons à.rem ercier M rs C. Lorenzo et J. Sautereau du Secrétariat de la Recherche
Architecturale, D irection de rArchitecture, M inistère de VUrbanisme du Logem ent et
des Transports, pour leur aide et leur compréhension, P. M adec pour ses conseils et sa
lecture vigilante, ainsi que les étudiants des cours et sém inaires de troisièm e cycle, qui
ont contribués au sein du groupe UNQAJP8, de 1979 à 1984, à l'avancem ent de cette
étude.
SO M M A IR E

INTRODUCTION

1- LA DETTE DE L’ARCHITECTURE A LA RECHERCHE PICTURALE


Le travail de Théo vaaD oesburg et De Stijl:
l’extension spatialeomnidirectionnelle

- -1. De Stijl, le corpus;


- 2. Etude des représentations axonométriques
- 3. La structure sous-jacente
- 4. Noyau et extension
- 5. L’espace en extension
- 6. Les apports des recherches de TVD
- 7. Des problèmes en suspens
- 8. Annexe: structure de la "Maison particulière"

2- MIES VAN DER ROHE : l’extension horizontale de l’espace

-1 . De l’anatomie structurale à la spatialité


- 2. Recherche et essais : le plan et le verre
- 3. L’exposé littéral: le Pavillon de l’Allemagne à Barcelone
- 4. Les apports
- 5. Particularités conceptuelles

3- LE CORBUSIER : l’extension spatiale ascendante

Introduction

31. La M aison COOK


L- Le travail en plan
Z- Le sens de déploiement de l’espace
3 - Les moyens de l’extension diagonale
4- Les prémices de la croix spatiale
5- Une structure fictive
6- Les apports

32. La V illa Meyer. Projets en 1925/1926


A. Le projet Meyer 2
B. Le projet M eyer 3
1. Décomposition du Plan
2. Décomposition volumétrique
3. Structure et lumière: le cube creux
4. La partition de l’équerre
5. Le rôle des opacités
6. Le thermos
7. En résumé
33S La V ilktSteinàG arches 1927
L.La promenade architecturale
21 Partition du carré en plan: une nouvelle structure

4- CONCLUSION

- BIBLIOGRAPHIE
INTKOUJUCiniON

ORIGINE

L'idée de cette recherche est née en 1980 des difficultés que nous avions, eh tant que groupe
pédagogique constitué1, à progresser dans l'enseignement du projet d'architecture.
"Enseigner le projet d'architecture" : cet objectif, face auquel la réponse courante est l'empirisme,
prend une tout autre dimension s'il est exprimé dans son ordre théorique : l'architecture et son projet à
enseigner.
Alors de quelle architecture s'agit-il ? Comment enseigner le projet ?

De quelle architecture s'agit-il ?


Nous partions du constat suivant : l'évolution accélérée des forces productives, les changements
survenus dans les systèmes politiques, idéologiques et culturels ont remis en cause d'une manière radicale
les concepts, les procédés et les objectifs d'intervention de l'architecture telle qu'elle se présentait au début
de ce siècle. A l'origine du Mouvement M oderne il y avait la nécessité de répondre et de s’articuler aux
nouvelles conditions de la société. Pour affirm er son identité face aux résistances conservatrices, cette
architecture devait exalter ses capacités par la publicité de projections utopiques et de démonstrations
affirmées comme universelles. Tous les excès de cette période probatoire doivent être considérés comme
des moyens d'asseoir et de développer la nouvelle architecture.
Après la seconde guerre mondiale, la reconstruction européenne a mis en évidence les carences
théoriques et pratiques des épigones dépassés par l’ampleur des problèmes à traiter, et ces carences ont été
et sont toujours2 prises comme les marques d'une faillite et d'une caducité. Ceci ne peut pas plus
longtemps masquer ce qui nous semble de la première importance : c'est-à-dire la valeur des apports et
l’actualité irréversible des acquis dans le domaine du savoir architectural dûs au Mouvement Moderne.
Aujourd'hui, malgré la crise de l'économie et la culpabilité des consciences, sont toujours présents,
avec la même acuité, les problèmes qui ont induit cette nouvelle architecture : le droit à de m eilleurs
logements, le développement du territoire en équipements, infrastructures et centres de production, la
m aîtrise (te la consomm ation d'énergie, l'utilisation et la recherche de produits du bâtim ent plus
performants etc...
Le débat architectural actuel ne peut ignorer ces problèmes et ces possibilités de les traiter. Nous
nous proposons d'y contribuer en procédant à une remise à jour. Nous refusons le refoulement suspect de
ce que nous considérons comme soixante années parmi les plus brillantes de l'histoire de l'architecture.
Nous devons y voir plus clair, c’est une condition décisive à l'avancement de nos connaissances théoriques
et au développement de notre enseignement

Comment progresser dans l'enseignement du projet ?


Nous sommes partis de la constatation qu'après six années d'expériences et de mise au point, les
premières années du cursus UNO3 étaient en place bien que perfectibles. En ce qui concerne les studios de
fin d'études, nous les avons organisé de telle manière que, parallèlement à la progressionpar catégories de
problèmes et notamment les problèmes urbains, existe un studio-laboratoire s'adressant à des étudiants
volontaires et perm ettaient de tester certaines hypothèses, de soulever des interrogations concernant la
manière d'organiser et de conduire la démarche projectuelle.
I
| Simultanément, lors de séminaires de troisièm e cycle4’ nous avons conduit des études visant à
! reconstituer, voire à im aginer, par quels moyens avaient pu être conçus des projets représentatifs (te
j l'architecture contemporaine. Intuitivement nous avions perçu qu'au début du Mouvement M oderne les
I leaders élaboraient, dans l'ignorance feinte de leurs apports réciproques, un réajustem ent des concepts
j fondamentaux de l'architecture et une manière de fabriquer le projet.

1 - Il s’agit du groupe UNO, constitué en 1979 par H.Ciriani, J.PJFortin, E.Girard et C.Vié. Voir le programme
pédagogique et des exemples dans "UNO" éditions AEPA. Paris 1983.

2 - 1 1 serait intéressant d'analyser pour quelles raisons les courants les plus tristement réactionnaires de
1architecture se sont associés à certains penseurs se proclamant marxistes, Haut la critique et la mise à mort du
Mouvement Moderne. Mais cela nous éloignerait trop de l'objet de étmfr».
3 - Voir livre-programme cité ci-dessus.

4 - Ces séminaires (1979/1984) étaient hebdomadaires et semestriels, une centaine d'oeuvres majeures ont fait
1objet de mémoires d'analyses, dans un champ historique au début très large puis progressivement projectu à
J l'époque contemporaine.
Pour mieux comprendre quels étaient les liens entre concepts et modes opératoires nous avons
décidé un travail d'approfondissement dont voici l'objet résumé :
"Au cours de ces soixante dernières années, une nouvelle architecture s'est développée en étroite
association à l'accélération des bouleversem ents socio-économ iques. Cette architecture, produite en
opposition à l'académ ism e, est un ensemble culturel ouvert qui échappe à tout traité. Dans le débat
architectural actuel il est nécessaire de constituer un savoir tenant compte tant des aspects négatifs que des
aspects positifs de cette architecture (...) Cette recherche vise à inventorier les élém ents constitutifs
essentiels générés par l'architecture du Mouvement Moderne, d'en démontrer la validité contemporaine et de
révéler les procédés et modes opératoires qui les articulent, ceci afin de les intégrer consciemment dans la
pédagogie et la pratique du projet"1

HYPOTHESES.

Avant-propos : LA DETTE.

Cette recherche est intitulée "L'espace (te l'architecture moderne" pour des raisons pratiques
d'appellation. Limitée à l'Europe, à ce qu'il a été convenu de nommer 1e Mouvement M oderne, son titre
devrait être "l’espace de l'architecture moderne européenne".
Car bien avant cette "avant-garde" des années 20, Frank Lloyd W right avait développé plusieurs
caractéristiques d'une nouvelle conception de l'espace de l'architecture. Ses premières œuvres importantes
ont été exposées à Berlin en 1911, l'élite européenne et en particulier les élèves de P. Behrens l'ont
sûrem ent visité avec attention. Une recherche plus conséquente aurait dû commencer par m ettre en
évidence les apports du maître américain, analyser les œuvres exposées, rechercher des traces dans les
mémoires des jeunes architectes Mies van Der Rohe et Charles-Edouard Jeanneret. Cela faisait partie de
notre objectif initial, mais cela a dépassé nos possibilités actuelles.
Nous reconnaissons donc à Frank Lloyd W right un rôle déterminant dans la genèse du Mouvement
M oderne, sans pour cela 1e prouver. Voici pourtant des extraits de l'introduction de C. R. Ashbee au
catalogue de l'exposition des travaux de W right à Berlin en 1911. Ce texte montre que certains européens
pressentaient dans ces œuvres ce qu'il y avait de nouveau.

" Une comparaison du travail de Wright avec les travaux modernes en Angleterre ou en
Allemagne m'emmenerait trop loin. M ais une certaine parenté est signifiante et peut être rapporté
au passé. En Allem agne, les noms d'O lbrich, Hoffmann, M oser, Bruno Paul, M ohring se
suggèrent à eux-mêmes.
En Angleterre, ceux qu’on appelle les hommes des Arts and Crafts sont Lethaby, Voysey,
Cluytens, Ricardo, W ilson, Holden, Blow, Townsend, Baillie-Scott. Nous sentons un lien entre
ces hommes et lui. Nous différons principalement dans notre manière d'expression, dans nos plans,
notre sensibilité, dans la façon dont nous habillons notre travail, dans notre sens des proportions,
mais aussi nos problèm es sont différents, nous sommes tous ensemble unis dans nos principes.
Nous gardons ensemble la "lumière de la vérité".
Nous apprenons avec Wright que la structure doit s'expliquer cteüe-même, que le fe r est au
service de l'homme, aussi doit-il apprendre à s'en servir correctement et ne pas apprendre à mentir, à
tricher avec lui, que les form es de l'ancien Monde, les traditions des "Beaux Arts" e t du vieux
colonialisme, même du “Purisme grec", ont leurs places, mais que ceUes-ci ne sont pas dans la
Prairie. Leurs places peuvent être le Connecticut, la Virginie, peut être le Boulevard Montparnasse
ou le Comté de Buckingham mais non les grands espaces ouverts du Nouveau M onde, on veut
quelque chose de plus. Ce pays, percé des grandes voies ferrées du Middle West, les nouvelles cités
des mineurs, les éleveurs de bestiaux, les exportateurs de cannes et de grains, les hommes d'idées et
d'intentions fo n t un nouvel appel. Les hommes qui ont créé cela, de quelle manière qu'on les voit,
luttent pour quelque chose de nouveau et le temps est venu pour une nouvelle manière d'exprimer la
vie qu'ils veulent ou à laquelle ils aspirent. E t cette vie est grande, elle a donné à Wright cette unité
d’idée, cette grandeur que révèlent ses plans et ces dessins. " 12

A l'origine du Mouvement Moderne européen, on assiste à une prise en compte (te l'espace comme
objet de l'architecture. C e st à dire qu'au courant "Art nouveau" qui luttait pour dégager des élém ents
formels (te la pression académique va succéder une tendance qui considérera tes reiations de proxknité des
constituants formels en tension dans l'espace. Ce changement "d'optique" au sens littéral du m ot, s'effectue
à travers une série de travaux que nous allons décrire par la suite. Sans développer les raisons de cette

1 - Réponse à la consultation de recherche : Théorie et projet architectural. S.R.A.Paris 1980. Recherche :


L architecture de l'espace moderne, ses éléments, ses modes opératoire!;'* responsables H. Ciriaai et C. Vié.
2 - Ed. Wasmuth Berlin; 1911.
objectivation de l'espace on peut aujourd'hui affirmer que ce n'est pas par simple réaction stylistique que ce
changement d'objet a eu lieu. 11 y a des raisons autres que formalistes. Henri Lefebvre est l'un des premiers
à s'interroger :
"Pour l'espace perspectif, l'espace de catastrophe sera l'espace capitaliste. L'un commence la
ruine de l'autre. Le phénomène est visible dans le cubisme analytique de Picasso ou dans la peinture
deKandinsky. L'aboutissement de cette ruine de l’espace perspectif est caractérisé par le fa it qu'un
monument, une architecture, un objet est situé dans un espace homogène et non plus dans un
espace qualifié, qualitatif. Il est situé dans un espace visuel qui permet de tourner autour. Picasso,
Klee et les membres du Bauhaus ont simultanément découvert qu'on peut tourner autour des objets
de l'espace et qu'ils n'ont plus de surface privilégiée. Ils ne s'orientent plus vers celui qu'ils
regardent ou qui les regarde. Ils sont dans un espace différent et sont indifférents à cet espace qui est
en voie de quantification complète." 1 Dans ce texte important H. Lefebvre donne ensuite les
caractéristiques form elles de l’espace sécrété par la société moderne, paradoxal car homogène et
fragm enté mais aussi logique par les règles de son développement.
"Quand et où, comment et pourquoi une connaissance négligée, celle d’une réalité
méconnue, à savoir l'existence de l'espace et de sa production a-t-elle été reconnue ? Oui, on peut
dater avec précision cette émergence. Ce fia le rôle "historique” du Bauhaus, que l'analyse critique
retrouvera à plusieurs reprises. Le Bauhaus n'a pas apporté une "position d'objet" dans l’espace, ni
des perspectives sur l'espace, mais une conception de l'espace, un concept gbbal.f...)
A cette date (1920-1930), au-delà des grands systèmes philosophiques, en dehors des
investigations mathématiques et physiques, la réflexion sur l'espace et le temps se lie à la pratique
sociale, et plus précisément à la pratique industrielle ainsi qu'aux recherches architecturales et
urbanistiques." 12

S'il revient au Bauhaus d'avoir articulé ses conceptions à la pratique industrielle, c'est à dire d'avoir
cherché à intégrer la production architecturale au système de production dom inait nous pensons plutôt, que
la production de l'espace architectural moderne s'est fait à partir d'une appréhension "artistique" de l'espace
de la société moderne en expansion. Appréhension qui a été traduite et transmise aux schitcctes par les
peintres. Pour traiter de l'espace, pour le "produire" il fallait reconsidérer la fonction et les relations des
élém ents form els non plus comme ensem ble produisant de la Forme m ais com m e un ensem ble
stru c tu ré d 'élém en ts en tension q u a lifia n t de l'esp ace.
C'est le groupe De Stijl et en particulier Théo van Doesburg (via Mondrian) qui jouera ce rôle. Par
sa démarche picturale, van Doesburg est plus directement lié à l'architecture par sa démarche picturale que
ne l’est Paul Klee pourtant membre du Bauhaus m ais m oins prosélyte et entièrem ent pris par le
développement de sa propre problématique.
C'est ici que commence le travail considérable de réduction du champ du vocabulaire architectural
indispensable à la m aîtrise de toute opération sur cet objet nouvellem ent considéré : l'espace de
l'architecture.3

D'une approche essentiellem ent empirique, par l'analyse d'une cinquantaine de projets importants
dans la genèse du Mouvement Moderne (cf. les mémoires de 3° cycle UNO/UP8), nous avons déduit qu’il
existait une progression suivant la chaîne Théo van Doesburg-M ies van der Rohe-Le Corbusier. Une
progression à la fois dans l'évolution de la conception de l’espace et à la fois dans la com plexité des
développements.
Une autre intuition nous a guidé : ce travail de développem ent, (te réarticulation, de
réinvestissem ent, de reform ulation des com posants fondam entaux de l'architecture a entraîné un
décollement des formes fonctionnelles de références, par exemple les types de logement. Tout ce travail a
renforcé une tendance socialement inscrite4, mais si nous ne traitons pas, sur le plan social, des raisons de

1 - Lefebvre H. "Introduction à l'espace urbain" Métropolis n® 22; octobre 1976.


2 - Lefebvre H. "La production de l'espace". Paris 1974. p. 146 et 148

3 - "nouvellement considéré" car s’il n'était pas désigné comme tel, le travail sur l'espace était un des desseins
par exemple de l'architecture baroque.

4 - H y a bien sûr interactivité et mais nous ne suivons pas entièrement H. Raymond et Marion Segaud :
La crise mondiale, et non française, qui se développe actuellement est, en grande partie, issue de la a
croissante de la contradiction entre:
- les exigences de l'espace dominant,
-1 ensemble des significations que l'architecture et l’architecte se sentent encore capables de communiquer, au
besoin en s'opposant à un espace dont la transparence ri est plus l’heureuse réalisation du projet, mais la
manifestation des lois coercitives d'une société elle-même en crise.
C est parce que tout l'espace urbain porte une marque architecturale, caractéristique de la modernité, que le rapport
entre architecture et société mérite d'être traité comme rapport actif et non comme seul objet d'une science
nommée Esthétique.”
Raymond H. et Segaud M.. "L'espace architectural : approche sociologique". Langage et communication. N°13
cette transformation radicale, nous n'en chercherons pas moins à mettre en évidence les modalités de son
apparition dans le domaine architectural.

LES OBJECTIFS

L'actualité de ces interrogations n'est pas à démontra-. Le débat actuel sur fond de crise, correspond
à une réorganisation en profondeur de la production en général, de l'économie et de l'organisation (te
l’industrie du bâtiment et donc de la fonction et de la place de l'architecture. L'accélération de la crise
pousse à une évolution rapide de la réflexion, nous en sommes partie prenante. Dans ce cadre, il est
indispensable de s'interroger en profondeur sur tes fondements de notre savoir. D'où cette intuition : à
l'origine du M ouvement M oderne il y a eu une "remise à zéro" qui, dans des conditions de crise
historiquement différentes, pouvait avoir quelques résonances avec notre situation présente. La période (te
remise en cause générale assumée par le Mouvement Moderne est pour nous privilégiée : elle nous permet
d'observer sur un petit nombre de cas la reconstruction d'un savoir architectural et plus particulièrement,
dans ce cadre limité, des exemples précis de production d'architecture.
Interroger cette période de "remise à zéro" devait nous apporter quelques enseignements et nous aider
à reconstituer le savoir architectural.

Cette recherche s'est basée dès son origine sur un ensemble d’objectifs qui ont été conservés même
si le champ d'investigation très large a dû être resserré au cours de l'avancem ent des études. Voici
l'énumération de ces objectifs par ordre d'importance.

UN OUTIL POUR L'ENSEIGNEMENT ET LA PRATIQUE DU PROJET

"Le refus de l'académisme com portait un refus des codifications réductrices. Cette condition
d'ouverture de la nouvelle architecture rend sa maîtrise difficile. Aussi le but de cette recherche est-il de
constituer un corpus de "modes de projeter" contemporains qui servirait d’outil pour tes enseignants du
projet et, nous l’espérons, pour les projeteurs en général."1

INVENTA IRE DES ELEM ENTS ET MOYENS DE TRAVAIL SUR L’ESPA CE


ARCHITECTURAL MIS AU POINT PAR LE MOUVEMENT MODERNE.

"Le M ouvement M oderne s'est fondé sur une démarche à caractère scientifique et
sociologique où l'adéquation et le respect de la fonction, de la structure et des matériaux étaient les
seuls critères de qualité.
■Les conquêtes techniques : liberté du rapport plancher!poteau, parois dégagées de toute
fonction porteuse, etc... ont permis un emploi architectural d’éléments structurellement autonomes;
éléments à l'origine purement plastiques (point, ligne, plan, couleurs, etc...).
Il s’estform é alors une catégorie architecturale nouvelle, celle d'éléments architecturaux qui
ne dépendent plus d'un corpus architectonique mais qui sont dégagés de toute règle combinatoire et
indépendants les uns des autres.
N ous devons en fa ire l'inventaire, les rendre explicites, comprendre comment ils
fonctionnent, les dégager de tout ce qui les a surchargés et a paralysé leur efficience. Il s ’agira
ensuite de découvrir comment s'opère la mise en relation de ces éléments, comment ils transforment
de l'espace.
(...) Ceci nous amènera à traiter en priorité l'œuvre de Le Corbusier et celle de M ies van der
Rohe, porteurs d'une manière de projeter qui n'est pas seulement remarquable mais qui a été d'une
influence capitale sur le développement de la nouvelle architecture. "?

Dans le rapport intermédiaire de juillet 1981 nous avons résumé ces objectifs en trois points :
1. Inventorier les éléments essentiels constitutifs de l'architecture de l'espace moderne.
2. Déceler les modes opératoires en vigueur dans les projets exemplaires du Mouvement Moderne.
3. Démontrer la validité de ces éléments pour la production architecturale contemporaine.

LIMITES DE CETTE ETUDE

Cette recherche concerne les m oyens de p ro jeter. Parmi ceux-ci des zones d'om bres persistent
e t persisteront encore à la fin de cette étude. Nous nous sommes situés à un niveau particulier du
*" ' .............................. .................................................... ■ - i i .................... ■■ ii ii ii ........................ ■
■ .........................

1 - Réponse à 1' appel d'offre 1980, page 6

2 - Op. cité page 5 et 6.


processus de la conception architecturale, celui où par expérience ou par inconscience se décident les
principes d'organisation de la forme architecturale, par exemple quelle forme, quelle structure de référence
choisir ? Comment, s'il y a lieu, la décomposer géométriquement ? Comment prendre en compte la
lumière naturelle ? Que considérer comme éléments formels primaires ? Quels moyens de représentation
employer pour projeter; géométral, axonométrie, perspective, descriptive? Nous n'aborderons pas des
champs tout aussi importants à l'origine de la démarche conceptuelle, comme les moyens d'intégration des
données sociales, culturelles, économiques ou techniques, ou la fabrication des intentions préalables.

METHODE.

Nous avons décidé de sélectionner parmi les projets reconnus comme instaurateurs de l'architecture
m oderne les plus synthétiques. C 'est-à-dire ceux dans lesquels le poids du contexte urbain ou
programmatique n'est pas une donnée exceptionnelle. Le développement de la forme globale du projet et la
conjugaison des élém ents qui la composent ne devaient pas être surdéterm inés par des contraintes
extérieures trop fortes. Nous avons choisi ce qu'il est convenu d’appeler les bâtiments-laboratoires.
Pour les examiner nous avons utilisés les outils de l'architecture -la géométrie et ses moyens de
représentation- car il s'agissait de mesurer des effets architecturaux constitués par un travail projectuel dont
nous n'avions parfois que peu de traces. Autrement dit pour exam ina' le résultat final, l'objet architectural
n'était pas suffisant, il fallait reconstituer, voire im agina, des phases du travail de constitution du projet,
phases qui en avaient été gommées.
Pour rechercha les éléments architecturaux essentiels nous avons été guidés par l'hypothèse suivant
laquelle, après "l'explosion de la forme", l'espace était devenu une préoccupation majeure. Il s'agissait de
reconnaître avec quels éléments les plus fréquents et par quels moyens était produit de l'espace.
LA DETTE DE L'ARCHITECTURE
A LA RECHERCHE PICTURALE.

LE TRAVAIL DE Théo van Doesburg ET DE STUL :


L'EXTENSION SPATIALE OMNIDIRECTIONNELLE
Dans la "Composition 13" de Théo van Doesburg datée de 1916 , et parue dans le numéro VI. 2.
1923, on lit un carré occupé par des groupes de segments orthogonaux, groupes dans lesquels Théo van
Doesburg avait teinté des aires contenues par certains angles droits, la teinte se dégradant vers l'extérieur
des angles.

Figure Ibis: T.v.D."Komposition 12" 1918.


Figure lter: Mondrian "Pier and Océan" 1917.

Sans faire l'analyse exhaustive de cette oeuvre, ni rechercher une antériorité possible chez
Mondrian12, nous voulons retenir ce qui est exprimé ici : la capacité d'une figure complexe, composée
d'angles droits, à s'approprier (à qualifier, à "contaminer") une portion d'aire du plan pictural. Il s'agit d'un
véritable saut qualitatif de la représentation abstraite : deux segments judicieusement disposés suggèrent,
induisent une qualité particulière de la surface picturale : sa spatialité, produite par la séparation du plan en
aires de stabilités et de fluidités. On peut voir ici un exemple clair d'une production d'effet par induction
de l'espace pictural au moyen d'éléments formels. Mais l'important est que cette étude fut publiée en
prélude à une série d'expositions du groupe De Stijl3 et de travaux qui, accompagnés de manifestes4 vont,
au cours des années 23 et 24 être diffusés en Allemagne et en France.

1 Datée de 1916 . Ce travail de l'espace pictural est plus intéressant pour la compréhension de la genèse de
1 espace moderne que la "Rythms o f a Russian Dance", davantage citée com m e référence.
2
Voir" Pier and Océan", Mondrian, daté de 1917 (Rijksmuseum Krôller-Müller).
O
Paris, Berlin, Weimar Bauhaus.

4 Essentiellement parus dans la revue De Stijl.


Ces travaux et manifestes constituent ce qui peut être qualifié de "degré zéro" de l'écriture
projecluelle moderne.

La: revue De Stijl présente en 1924 dans le numéro VI. 6/7. une série de dessins (ci-dessous)
exécutés en 1923 dits "ContraKompositie" considérés comme des études a posteriori des projets
présentés à la galerie "l'Effort Moderne" à Paris en 1923.

Figure 2 "Contre-composition de la Maison particulière", 1923;

Figure 3 " Contre-composition de la Maison particulière", 1923,


En examinant ces dessins, on constate :
- que ce sont des vues axonométriques, c'est-à-dire des objets picturaux autonomes, entièrement
contenus dans les limites du dessin.
- que ces dessins sont composés de plans rectangulaires de dimensions, d'épaisseurs, de proportions
et de couleurs variables**.
- que la juxtaposition de plans par une arête commune est exceptionnelle. Le cas courant étant celui
d'une simple mise en proximité, de ce fait les plans flottent, associés par des relations d’orthogonalité.
- que la densité de regroupement des plans varie dans chacun des cas présentés.

** Dans le cas de la "maison d'artiste"( Inv. nr. AB 513) le gris, le bleu, l'ocre, le rouge, le noir, et le blanc n o n t
com m e logique de disposition que celle d’éviter que deux plans contigus soient de la même couleur.
Dans la "Maison Particulière" (C.K. inv. nr. AB 5116.), la vue axonométrique présente un
étagement de plans horizontaux, plus larges à la base qu'aux niveaux supérieurs. L'effet pyramidal est
renforcé par l'insertion de plans verticaux étirés.

Dans cette autre version de la "Maison Particulière" l'assemblage des plans se déploie vers l'amère,
à partir d'un ancrage de plans verticaux, disposés en "paravent" depuis la partie avant de la figure.

Figure 6 : Contre-composition (inv. nr. AB 5121.)


Ici l'ensemble est composé autour d'une colonne de plans verticaux élancés. Ce dessin, associé à une
série de plans et maquettes concerne un projet d'architecture qui contient, en puissance, des moyens
fondamentaux constitutifs de l'architecture moderne.

r. ’r ; y-*

Figure 7 : "Contre-composition en couleurs primaires pour la Maison d'artiste"


1923, in DE STIJL, Mardaga, Paris 1985. (inv. nr. AB 5130).

Ce dessin de la "Maison d'artiste" est exposé dans la galerie "L'Effort moderne" en 1923 sous la
signature de Théo van Doesburg et C.van Eesteren est publié en 1924^ . Nous avons choisi de développer
l'analyse de ce projet parce qu'il est d'une part représenté par un ensemble cohérent de documents, et que
d'autre part, comme le souligne Y.A. Blois8, ceux-ci sont particulièrement descriptifs de la recherche des
moyens architecturaux essentiels menée par Théo van Doesburg .

2 - ETUDE DES REPRESENTATIONS AXONOM ETRIQUES : LA


STR U C T U R E SO U S-JA C E N T E .

En premier examen les axonométries de la "Maison d'artiste", aucune logique structurelle n'associe
les plans et les volumes, si ce n'est la forte présence d'un noyau vertical central. La couleur sert à renforcer
l'indépendance des plans et à rompre l'unité des volumes.
Pourtant si l'on superpose les plans des quatre niveaux, on constate que ces différents plans
s'organisent autour d'un point central par lequel passent deux axes orthogonaux (XX' et YY'). L'ensemble
est, à peu de chose près car nous analysons des reproductions et non les originaux, inscrit dans un carré
dont les quartiers, opposés diagonalement deux à deux, contiennent des subdivisions elles aussi carrées,
plus petites sur une diagonale que sur l'autre.

Figure 8: Plans des 4 étages.

Dans ces figures 8 et 9, les seuls éléments constants, communs à chaque niveaux, sont l'équerre de
la "colonne" verticale et la masse de la cheminée.

® voir supra pages 40 et 43.


Y

Figure 9: superposition des plans d'étages.

Si l'on intègre les deux axes reconnus en plan, à l'axonométrie^ (voir fig.7), on découvre que cette
axonométrie est inscrite dans un cube. L'axe central vertical de ce cube est arête commune à deux solides
verticaux majeurs: celui d'un escalier et celui d'une cheminée.

Elle est construite à 45°.


Figure 10: intégration des axes horizontaux XX' et YY' dans l'axonométrie, un axe vertical ZZ'
apparaît.

Figure 12: rappel de la figure 7

De ce dispositif on peut déduire une sorte de "modèle", dont la structure serait donnée par la découpe
dun cube dans les deux directions fondamentales: verticalement par deux plans verticaux en croix et
horizontalement par quatre nappes parallèles^ . Sur cette structure sont disposés les plans et les volumes
principaux.

Une m êm e quadripartition est constatée par Y ves-A lain B lois dans la "maison particulière , op. cit. page 44.
Si l'on compare la disposition des plans dans l'axonométrie et dans les dessins de projet (Figures 9,
10. 11), on voit que dans l'axonométrie ces plans verticaux ou horizontaux sont franchement dissocies
tandis que dans le projet tous les plans à quelques exceptions près sont joints par leurs arêtes.
Autrement dit, l'axonométrie veut exprimer la dissociation des plans qui n'a pu être réalisée dans le
cadre des contraintes du projet.
3 - NOYAU ET EXTENSION :
portions d'espaces associés. Un système de coordonnées : le trièdre.

Dans le dessin axonométrique ( Fig 7, AB 5130), que nous venons de citer, la relation de proximité
des plans orthogonaux.induit, une imbrication de dièdres et de triedres.

Figure 14 : détail de l'axonométrie.

Cette imbrication est analogue, mais cette fois-ci dans les trois dimensions, au jeu d angles dr
traité dans le plan pictural de l'étude "Komposition 13" citée plus haut.
Figure 15 : Rappel "Komposition 13" T.V.D.

Dans cette toile, Théo van Doesburg montrait que, dans une surface, des dispositions variées de
segments en angle droit qualifiaient différemment des portions de l'espace planaire sans qu'apparaissent des
aires fermées, autonomes. Dans raxonométrie, les dièdres et les trièdres suggérés par des plans non sécants
qualifient" des portions d'espace à trois dimensions, sans qu’il y ait de volume clos, de portion isolée
despace , de lieu franchement délimité. Il y a toujours une face d'un plan qui appartient à au moins deux
dièdres et qui assure donc une relation de continuité spatiale entre les dièdres11 . On peut voir l'analogie
avec la phrase de Bart van Leck (malgré leurs désaccords) :
"C'est désormais à la surface plane de transmettre la continuité de l'espace."*12

4 - L ’ESPACE EN EXTENSION.

Que signifie cette recherche de continuité spatiale ? De quel espace s'agit-il ?

Dans la revue De Stijl (VI. 5) de 1923 est publié un extrait en français de "Dernières pensées" de
H .Poincaré intitulé "Pourquoi l'espace à trois dimensions ? "l2 . Ce texte fournit la justification
scientifique aux intentions de Théo van Doesburg, on y lit notamment :
Mais il est une troisième géométrie (après la métrique et la projective) d'où la quantité est
complètement bannie et qui est purement qualitative : c'est iAnalysis situs. Dans cette discipline, deux
Jtgures sont équivalentes toutes les fois qu’on peut passer de l’une à l'autre par déformation continue,
qu elle que soit d’ailleurs la loi de cette déformation pourvu quelle respecte cette continuité."

et plus loin :
dime ^ ^ ro^ os^ on fondamentale de 1‘Analysis situs c’est que l’espace est un continu a trois

// ^ etle déformation pourrait être quelconque, elle devrait cependant être continue, c’est à dire être de
c o n ^ d ^ 1- lransf orment une figure en une autre équivalente au point de vue de VAnalysis situs. L'espace,
nsi erc indépendamment de nos instruments de mesure n’a donc ni propriété métrique ni propriété
11
On
i peutt_ considérer ce
D re m '' — dispositif
' f - v u j v u vcomm
v i i u u ve uhérité
v i u v . udu
u jsystèm
j j i c i 1e u du
u "passage"
p ao aagu pparticulièrement
a i u v u u v i v i i t v i i i em ployé
j dans la
tere phase cubiste par Picasso et Braque, (voir "l'Accordéoniste" 1911 S.G.M . par exem ple).
12
Y-A.B. supra page 32.

e texte est juxtaposé à un dessin en perspective de H. Richter représentant un jeu de plans dissociés, voir ftg I5
projective; il n’a que des propriétés topologiques (c'est-à-dire celles qu’étudie l'Analysis situs). Il est
amorphe, c'est-à-dire qu'il ne diffère pas de celui qu’on en déduirait par une déformation continue
quelconque...".

L'extrait se termine par une référence à de précédentes études dans lesquelles il expliquait:
"... comment l'intervention de nos instruments de mesure, et en particulier des corps solides donne à
l'esprit l'occasion de déterminer et d'organiser plus complètement cet espace amorphe; comment elle
permet à la géométrie métrique de mesurer les distances de ces points... "

Il conclut par :
"Notre seul objet ici est l’espace amorphe qu'étudie l'Analysis situs, le seul espace qui soit
indépendant de nos instruments de mesure, et sa propriété fondamentale, j'allais dire sa seule propriété,
c'est d'être un continu à trois dimensions."

Les idées de H. Poincaré14 sont exploitées dans le "Manifeste V" du groupe De Stijl, signé T.
vah Doesburg et C. van Eesteren, présenté à l'exposition à la galerie "l'Effort moderne"15 .

Nous citons entièrement ce texte important :


"I. En travaillant collectivement, nous avonsxxam iné l’architecture comme unité plastique de tous
les arts (exclusivement, technique, industrie) et nous avons trouvé, que la conséquence donnera un Style
nouveau.
II. Nous avons examiné les lois de l'espace et leurs variations infinies (c'est à dire les contrastes
d'espaces, les dissonances d’espaces, les compléments d'espaces, etc...) et nous avons.trouvé que toutes ces
variations de l'espace sont à gouverner comme une unité équilibrée.
III. Nous avons examiné les lois de la couleur dans l'espace et dans la durée et nous avons trouvé
que les rapports équilibrés de ces éléments donnent enfin une plastique nouvelle positive.
IV. Nous avons examiné le rapport entre l'espace et le temps et nous avons trouvé que l'apparition
plastique de ces deux éléments par la couleur dorment une nouvelle dimension.
V. Nous avons examiné les rapports réciproques de la mesure, de la proportion, de l'espace, du
temps et des matériaux et nous avons trouvé la méthode définitive de les construire comme une imité.
VI. Nous avons par la rupture de la ferm eture (les murs etc...) élevé la dualité entre l'intérieur et
l’extérieur.
VII. Nous avons donné la vrai place de la couleur dans l'architecture et nous déclarons que la
peinture séparée de la construction architecturale (c.à.d. le tableau) n'a aucune raison d'être.
VIII. L'époque de la destruction est totalement finie. Il commence une nouvelle époque :
LA GRANDE EPOQUE D E L A CONSTRUCTION."

Ces deux textes en se com plétant nous instruisent sur les intentions architecturales et
philosophiques des protagonistes du De Stijl.

Le point V résume l'essentiel de la doctrine :


" Nous avons examiné les rapports réciproques de la mesure, de la proportion, de l'espace, du temps
et des matériaux et nous avons trouvé la méthode définitive de les construire comme une unité."

D s’avère donc que :


a) l'espace continu à trois dimensions est le concept clé de l'architecture qui est en gestation, il en
^ le matériau de base, le ciment unitaire.
b) le temps, c'est-à-dire le déplacement, non pas de l'observateur, mais (tes points d'intérêt visuel,
coordonné, associé à l'espace à trois dimensions par la présence de la couleur.
c) la couleur est le moyen d'association de l'espace et du temps par les différences dynamiques et te
déplacement des centres d'intérêts qu'elle provoque.

voir le développement qu'en fait Badovici dans "l'Architecture vivante", automne hiver 1924.

Publié dans le n°VI. 6/7.1924 de la revue D.S. sous le titre ésotérique : - II +=R4, avec quelques
modifications.
La méthode pour atteindre l'Unité consiste à réduire les composantes architecturales et donc
techniques16 en un ensemble cohérent de concepts dont on contrôlera les origines, les modes d'association
et les significations relatives qui naissent de ces associations. Ce sont là les intentions que l'on peut
déceler à l'exposition de la galerie "l'Effort moderne" même si les projets présentés n'ont pas la force de
l’objectif théorique.
"L'espace amorphe continu à trois dimensions" doit devenir le concept opératoire de l'architecture. Il
offre, pour Théo van Doesburg, la séduisante possibilité de manipuler un objet théorique, l'Espace enfin
détaché- dés contraintes de la Forme. Forme dénoncée comme porteuse des valeurs à rejeter, gorgée
d'H istoire et d'idéologies condamnées1718. Il voit dans la continuité spatiale la possibilité de mettre en
correspondance sa conception de l'architecture avec son idéologie sociale1**.
Pour Théo van Doesburg cet objectif est techniquem ent difficile à réaliser, parce qu'il n'est pas
architecte. Son associé C. van Eesteren, possède lui une solide formation architecturale. Les projets qu'ils
conçoivent ensem ble à l'occasion de l'exposition de la galerie "L'Effort moderne", chacun avec sa
compétence particulière, sont d'abord l'expression de contraintes et des solutions inhérentes au savoir-
projeter d'un architecte. Aussi, sous l'effet de cette domination, T. van Doesburg est-il tenté d'exprim er
avec ses propres moyens, c’est-à-dire ceux d'un peintre, ce qu'il n'entrevoit qu'en théorie.
Il essaiera, d'abord sur les maquettes d'édifices présentées à l'exposition, de colorier différemment
chaque plan de façade afin de dissocia- une lecture trop évidente des volumes. Ce travail semble avoir été
précédé de dessins d'études en axonométries19. On est en droit de supposa que les calques ainsi obtenus,
détachés de leur référence directe à un édifice, l'ont décidé à s'engager dans une voie d'étude plus
systématique, au moyen de projecdons axonométriques20 et de textes commentaires de ses conceptions
théoriques212 .

Quelles que soient les développements théorico-polémiques ultérieurs, un pas historiquement décisif
pour l'architecture est opéré. Richard Padovan l'a remarqué dans un article de Décembre 1981:
"...à la faveur de cette exposition, M ies van der Rohe et Le Corbusier sortiront profondément
impressionnés de leurs échanges avec Théo van Doesburg et leur conception de l’objet même de
l’architecture en sera modifié 22"

Mais qu'est-ce qui a vraiment impressionné ces deux futurs leaders du Mouvement Moderne ?

Cela est d'autant plus difficile à savoir que ni l'un ni l'autre ne condescendront à reconnaître
L’influence d'un tel agitateur politique a artistique. Mies qui participe à l'exposition avec son projet de
Tour de verre, a eu connaissance du raz-de-marée provoqué par le passage de Théo van Doesburg au
Bauhaus et Le Corbusier insère quelques commentaires brefs et caustiques dans sa revue "L'Esprit
nouveau''2^ .

16. La couleur prend la charge de l'apparence. Les matériaux, la construction du bâti, la présence technique de la
Production perd tout droit à la signification architecturale.
^ voir courants philosophiques du début 20°,Allemagne, Hollande, France et rapports avec la nécessaire uni­
formisation des produits-marchandises.
18
voir étude sur l'idéologie de TVD dans

^ conservés au DROOGBAK à Amsterdam et placés sous la responsabilité de Mr. van Woerkom.


20 •
voir étude Yves Alain Blois sur les apports d'El Lissitsky: " Avatars de l'axonométne" in Images et
unaginaire d'architecture p. 129 à 134. Centre Pompidou. Paris 1984.
21
notamment dans "l'Architecture vivante" automne-hiver 1924: "L'évolution de l'architecture moderne en
Hollande".
22 „
Su i Corbusier and Mies were profoundly affected by their encounters with Van Doesburg and with De
hjl, and everything they designed in succeeding period, 1923-29, is in one way or another infected with the De
StlJ lclea-" in Architectural Review Dec. 1981.
23
^ ° us reviendrons plus loin sur la polémique épisodique entre L. C. et TVD . Mais dès oct. 1923 dans le
numéro 18 de” L'Esprit nouveau", dans 1”Angle droit" L.C. critique le vocabulaire "limité" de la nouvelle peinture
andaise (Mondrian); dans le n° 19, nov.1923 il publie un dialogue entre F. Léger et X.(L. C.?):" la
"PAri estaî1^ 1 intaTessante des hollandais se limite strictement à une question d'esthétique.. Dais l'article
« * j°8 ieW Ü fait allusion à TVD "...peintre, mais théoricien d'une jeune architecture dont l’eshétique
hafaude sur quelques principes brutalement simples (très intéressante du reste, puisqu'elle montre en tous cas
t0rce «*■» systèmes quels qu’ils soient)".Dans E. N. n°23 de 1924.
Pourtant Théo van Doesburg vient d’ouvrir un nouveau champ de réflexion en mettant en valeur, en
évidence, un matériau constitutif de l'architecture : son espace.

5 - LES APPORTS DES RECH ERCH ES DE Théo van D oesburg.

- L'apport capital est le dégagement d'un objet de l'architecture, l'espace, jusqu’alors confondu avec
les problèmes de la forme et de sa composition. L'espace est projeté comme objet d'architecture.
- Théo van Doesburg donne une représentation de cet espace qui est continu, par un enchaînement de
dièdres et de trièdies.
- Cet espace est en extension (centrifuge) à partir d'un noyau central (dans le cas de la "Maison
d'artiste” la cage verticale de l'escalier).
- La conformation de cet espace est produite par une radicalisation des formes de base, révélées
comme des élém ents prim aires autonomes : des plans-écrans verticaux et horizontaux. En m ettant ces
plans en évidences deux de leurs caractéristiques sont renforcées : d'une part leur surface que l'on devra
qualifier et d'autre;part. leurs arêtes qui limitent à la fois la forme et l'espace.
- La.nécessité. d!lme structure géométrique de croissance comme cadre d'inscription des éléments
primaires, structure déterminant leur mode de disposition.
- La radicalisation des formes de base entraîne le rejet du rôle et des effets architecturaux de la
construction. Ce rejet est appuyé par la dématérialisation des plans-écrans par leur coloration pure. La
couleur devient un moyen architectural autonome.
- L'abandon de la symétrie, de la ffontalité et plus généralement de toute composition à partir d’un
point de vue privilégié donne à toutes les faces de l'objet architectural la même valeur. On assiste à une
"dénaturalisation" de l'architecture non seulement en ce qui concerne les matériaux mais a i ce qui concerne
les références naturelles humaines : le bas, le haut, le dessus, le dessous.
Toutes ces notions, ces idées, tous ces moyens seront récapitulés- dans un texte en 17 points,
réellem ent fondateur de la conception moderne de l’espace architectural : "l'Evolution de l'architecture
moderne en Hollande" paru en 1925 dans "L'architecture vivante"24 , qui est un programme de
développement ouvert pour le Mouvement Moderne. On peut penser que ce texte fut lu a analysé par les
deux autres leaders, Le Corbusier et Mies van der Rohe, on verra plus loin comment ils en tinrent
compte.

L’architecture vivante", automne-hiver 1925. (pages 14 à 20) voir en annexe.


6 - DES PROBLEM ES EN SUSPENS.

Parallèlement à ces apports, les travaux de Théo van Doesburg laissent en suspens des problèmes
auxquels les architectes qui vont participer à la production de l'espace architectural moderne seront
confrontés :
- L'idée ou la conceptualisation d'un espace continu centrifuge, donc d'une forme en expansion, est
en contradiction avec la réalité sociale, économique et urbaine qui exige une lim itation de toute
intervention in situ. Et, de fait, on constate que dans les projets architecturaux de Théo van Doesburg
l'ensemble est fini, clos par un jeu de volumes parallélipipédiques fermés.
- Le percement des volumes de clôture par des baies ne participe pas du principe de l'extension. Au
contraire, ces ouvertures contiennent l'espace : les baies cadrent des vues vers l'extérieur, accentuait la
coupure intérieur/extérieur, "objectivent" le paysage.
- La lum ière naturelle, composante historique de l'architecture est réduite à sa seule faculté
d'excitation de couleurs primaires, elle ne joue pas sur les formes.
, - Le sujet-observant est à l'extérieur, c'est ce qu'exprime la représentation axonométrique. L'espace
perçu de l'intérieur n'est pas évoqué intentionnellement : c'est un épiphénomène.
La recherche de Théo van Doesburg montre aussi qu'elle ne peut pas être mise en parallèle avec les
travaux de Mies et de Le Corbusier par le fait même qu'elle met en évidence l'écueil de l'absence de savoir
propre à l'architecture : la difficulté de faire. La maison d'artiste en est l'exemple in vitro..

Une possibilité de grande liberté architecturale est pourtant révélée, même si des problèmes d'une
difficulté insondable se posent.
STRUCTURE DE LA "M AISON PARTICULIERE".

Nous présentons, ici, une étude basée sur le même principe que "la Maison d'artiste" (voir plus
haut).

12

Figures 16 : plans des étages de la "Maison particulière."

Le résultat n'est pas aussi concluant du point de vue de la structure globale. Cependant on peut
retrouver une disposition basée sur un carré divisé en neuf parties égales dans laquelle s'inscrivent les deux
massifs continus des cheminées.
MIES V A N DER ROHE:

L'EXTEN SIO N HORIZONTALE DE L'ESPACE.


Il peut sembler bizarre de placer immédiatement après une étude sur le rôle de Théo van Doesburg
dans l'éclosion de l'espace de l'architecture moderne, une étude sur le travail (te Mies van der Rohe plutôt
qu'une étude sur le travail de Le Corbusier.
Il faut avouer que, dans un prem ier temps, c'est bien l'idée d'une gradation dans nos effets
démonstratifs qui a guidé cette disposition. Le travail de Le Corbusier étant plus coniplexe, il semblait que
celui de Mies serait analysé comme une incidente dont il fallait certes souligna' les qualités, mais dont
l'importance quant aux problèmes soulevés paraissait moins évidente. Mais, dans un deuxième temps,
l'étude a révélé que la réflexion développée par Mies dans les années 20/30 reste encore nourricière de
l'architecture contemporaine et aussi très interrogative.

1. DE L ’A N A TO M IE STR U C TU R ELLE A LA SPA TIA LITE.

En 1923, Mies a 37 ans (TVD en a 40). Il a déjà conçu une dizaine de projets dont quelques uns de
maisons particulières ont été réalisés1. Des projets de tours de verre, un immeuble horizontal de bureaux
et un projet de maison en béton armé le placent au premier rang de l'architecture européenne.
A cette date tes constructions de béton et de verre sont les plus remarquées par leur transparence
"littérale". Nous avons adopté les définitions données par Colin Rowe^: la transparence littérale est,
comme son nom l'indique, celle qui permet une vision à travers un ou plusieurs vitrages. Il cite, à ce
Propos les ateliers du Bauhaus-Dessau. La transparence phénoménale, notion moderne, est produite par
l'intercalation dans l'axe de vue, d'objets architecturaux éclairés et disposés en profondeur du champ de vue.

Dans le cas de ces constructions de M ies, la transparence littérale découvre la structure et les
éléments essentiels à la fonction : planchers, poteaux et gaines de circulations verticales. Ce procédé
indique déjà l'un des axes de la recherche de Mies. Il écrit en Juin 1923 à Gropius :

"... Je voudrais bien être représenté, par ces trois projets... car je voudrais m ontrer comment on pourrait
utiliser le même principe constructif pour ces trois cas différents. Parce que je rejette le formalisme quel qu'il soit,
J essaie de trouver la solution à travers l'essentiel du problème, comme cela il n'y aura jam ais de parenté formelle
entre ces travaux."-1

Mais ce dépouillement constructif n'est pas le seul objectif qu'il poursuit Même s'il m et en avant
réflexion constructive comme rempart face aux spéculations formalistes, ce qui le fait désigner par TVD

la chronologie e t la liste, souvent très différentes, des projets v o ir


- Johnson P. MVDR. Londres 1975
- Blazer W. MVDR. Zurich 1973
] r,paeth D. Bibliographie de MVDR. New York 1978
egethoff. MVDR; Der Villen und Landhausprojekle. Essen 1981
2
» ..V° ^ .Rowe C-- "Transparency: literal and phénoménal" in " The mathemades o f the idéal villa and other
e«ays". M IT Press Chicago. 1976.

• P a r ^ f * ^ y ‘ op' clt* note 1 Pa8e 16. Lettre à W. Gropius du 14/6/23.


les troi® projets" M ies entend les deux tours, l'immeuble horizontal de bureaux et la maison en béton.
comme un architecte "anatomiste"1, on pressent déjà dans la succession des œuvres qui vont suivre que la
conception de la spatialité de ses projets est en train d'évoluer par paliers.

Au printemps 1923 "l'Immeuble horizontal de bureaux" et la "Maison de béton" sont exposés à


Berlin. Ces projets sont donc connus de l'avant-garde européenne dont cette ville est le centre. W.
Tegethoff qui en fait l'analyse comparée2 laisse même supposer qu'un autre projet, "la M aison de
campagne en briques", bien que n'étant pas présenté à l'exposition, était déjà étudié. On peut donc dire que,
malgré les difficultés de datation de ces derniers projets, TVD les avait sûrement vus au cours de l'année
1923 à l'Exposition de Berlin. Doit-on en conclure que ceux-ci auraient influencé l'orientation des projets
de "Maison d'artiste" et de "Maison particulière" en cours d'élaboration pour l'exposition à "l’Effort
Moderne" d'octobre 23 à Paris ?3
Bien qu'elle modifie l'idée répandue de l'antériorité du De Stijl, et qu'elle m ériterait pour cela un
développement, cette hypothèse ne paraît pas essentielle à notre recherche. Car ce que nous voulons faire
apparaître c'est la différence d'interprétation et de développement de l'intuition que TVD et Mies avaient
conjointem ent, dans l'ignorance feinte de leurs apports réciproques4, c'est-à-dire produire un espace
a rc h ite c tu ra l flu id e cen trifu g e.
A partir de cette base de recherche qu’ils ont en commun, l'écart sera creusé entre eux car la
démarche de Mies a été celle d'un architecte profondément ancré dans la condition professionnelle.

2. R E C H E R C H E ET ESSAIS. LE PLAN ET LE VERRE.

LA MAISON DE CAMPAGNE EN BETON ARME.

Avant 1923, ce que l'on connait de l'oeuvre de Mies, en dehors de ces cinq projets célèbres, évoque
l'architecture de Schinkel et Behrens. La rupture s e p nette avec la "Maison de campagne en béton armé"
qui est un projet expérimental.

Blake P. in "Four great makers of modem architecture". New York 1970. " A conversation with M ies".
-Sur leur polémique voir aussi Padovan R .'T he pavillon and the court".Architectural Review. Dec.81.
Traduction par les étudiants du groupe UNO/UP8: Arène, Bourdeau, Faivre, Hellin, Lange, Mosséssian,
Robinson, Schoeller. Paris 1980
-Voir aussi T egethoff op.cit. page 50.

Tegethoff. Op. cit.


3
Y. A. Blois indique dans son article du catalogue de l'exposition De Stijl à l'I. F. A. novembre 1985, que Mies
Qa pu envoyer de maquette à l'exposition étant donné les difficultés administratives et économiques que
traversait alors l'Allemagne. Mais on peut se demander si la mise en valeur des maquettes et des axonométnes de
TVD aurait été aussi forte si celles-ci avaient été juxtaposées aux plans et maquettes de la maison de béton et à
celle en brique!

Blake P. op. cité, page 101:


" ■Une partie des critiques d'art déclarent que votre travail est très influencé par De Süjl et van Doesburg?
P » 1 ^ ° n Cest 1111 non'*ens al>solu> w n* savez !
M- " ^ >ur9uoi n'expliquez-vous pas pour quelle raison ?
", Van Doesburg voyait les dessins du bâtim ent de bureaux. Je lui expliquais et je disais: "Ceci est
w chitecture de peau et d'os !". Après cela il m 'avait appelé un architecte- anatomiste. P aim ais van Doesburg,
■nais pas parce qu'il connaissait beaucoup l'architecture. Il concevait des maisons ou des immeubles avec van
M ondr'” ’ ** "C^ Planner - M ais principalem ent il était intéressé par son genre particulier d’art. Comme
(...)
j l . ® - : Et à propos des constructivistes- les russes-vous êtes vous intéressé à leur travail ?
tes: Non, je n'ai jam ais été intéressé par les idées form alistiques. Pétais fortement opposé même à M alévitch-
constructiviste. J'étais intéressé par la construction, mais pas par jouer avec des formes. ".
Figures 1,2: photos de maquette

Dans un article de 19231 Mies explique que si des bâtiments en béton armé ont déjà été réalisés, les
avantages de ce matériau n'ont pas été utilisés et ses désavantages n ont pas été évités. Comme avantage
cite l'économie du matériau par la réduction en points porteurs de faible section, et comme désavantage
fa faiblesse de l'isolation thermique et sonore. Il propose de résoudre ce désavantage par 1extérieur .
•lettre dehors ce qui crée l'écho", poser dans un montage rigoureux des sols en caoutchouc, des fenêtres et
portes coulissantes, et ainsi créer des "grands espaces". Mies est en train de désolidariser 1enveloppe de
la structure porteuse.
La Maison en B. A. est décrite par Tegethoff, d'après les photos de la maquette originale, comme
Un jeu de volumes rectangulaires de coques en béton portées à l'intérieur par une ossature poteaux/poutres.
Lette ossature permet des grandes portées et des porte-à-faux qui annoncent les grands débords de toiture
utilisés plus tard par Mies. Les coques sont percées ou plutôt découpées par des baies en longues bandes
horizontales prolongées par les débords de la dalle.
Le plan masse (reconstitué) montre une hiérarchie d'espat es extérieurs établie par le jeu des
volumes rectangulaires disposés suivant l'ensoleillement^ 12

1
Cité par Tegethoff: article de M ies dans "Bauen" 1923.
2
Comme le souligne T egethoff ce plan annonce celui du Bauhaus-Dessau par Gropius, nous pouvons ajouter que
Ce dem ier est le plan de la M aison de béton reto u rn é!.
Fig. 3: plan de la Maison de béton (reconstitution Tegethoff)

Fig. 4: plan du Bauhaus retourné!

çj-rj. découpage et le jeu des volumes rectangulaires de "la Maison en béton armé" installent des
l . « «-—
7 e s woovi.uwnta
essentiellesavo,
avec iclesystème
systèmemixte
mixte en
envolumes
volumesetetplans
plansverticaux
verticaux lamellaires
la de la "Maison de
techUC ajoute une autre différence: le système volumétrique du béton armé donne une rigidité
nique qui contraint le plan alors que le système des murs de brique laisse une plus grande liberté à la
c°nception du plan1.

Peuf31^ ,' ^ d c le de Bauen" 1923, M ies souligne m êm e que l’avantage de la construction en brique est que l'on
1 intervenir après construction.
R. Padovan décrit, avec enthousiasme, le bond qualitatif que représente le projet de maison de
campagne en brique1 :

"Pour Mies la boite n'existe pas : Wright l’a déjà détruite, c'est pourquoi il est inutile de continuer
à-la détruire. Il part d'un espace continu, sans interruption entre intérieur et extérieur jamais coincé entre
quatre murs et dirige son extension au moyen de plans qui, s'étendant au delà des plans du sol et du toit,
créent un dialogue continuel entre le bâtiment ouvert et l'environnement immédiat De Stijl ? Sans doute à
cause des dissonances planaires. Mais avec une variation méthodologique d'une importance incalculable :
une réorientation de la recherche créative de l'enveloppe vers le vide(...)."2

R. Padovan ajoute que :


" La Maison de brique expose le dilemme inhérent au concept De Stijl de la composition ouverte
déterminée only outwards front a centre et non par quelque carcasse ou "moule” : problème créé par
l'absence même d'interruption entre l'espace intérieur et l'espace extérieur que Zévi voit comme une
réussite. Les longs murs qui partent de la maison et qui remplacent les porte-à-faux des toitures et les
terrasses de Wright, sont théoriquement infinis. Dans le dessin le problème est facilement résolu : les
murs s'arrêtent au bord de la page, suggérant une extension infinie dans l'espace; en pratique ils doivent
bien s’arrêter quelque part mais où et comment ? ”3 .
Il développe ensuite l'idée qui sert de thème à son étude : Mies va hésiter, par la suite, entre deux
solutions : le pavillon isolé et la maison dans la cour.
Avant de revenir sur ce problème de la limitation de l'extension il est nécessaire de préciser les
remarques de Padovan concernant les moyens utilisés pour produire celle-ci.
Examinons la vue en perspective et le plan de la Maison de brique (d'ailleurs datée de début 1924-
Tegethoff: 3.1, 3.2).

Fig J : dessin en perspective de la "Maison de brique"

H Padovan Richard:"The pavillon and the court". Architectural review, décembre 1981.

aJoute plus loin:


"Le
n r <le M ies rassemble un certain nombre de thèmes nés d'expériences précédentes:
goût pour la maçonnerie qu’il avait acquis à l'atelier de son père maçon,
ass C n^°~classic'sm e libre du Charlottenhof de Schinkel, où la m aison est dissoute dans un arrangement
ymetrique de pavillons dispersés reliés par des terrasses et des pergolas (...).
insistance de Berlage sur l'intégrité des pans de murs nus: "Avant toute chose le mur doit être monté nu dans
sa, beauté pure..."
5v j Prairies houses" de Wright.
russe" P.f'ntUres Stijl, rapport évident entre le plan de M ies et le tableau de van Doesburg " Rythmes de danse

°P- c»t. p.365


Fig.6 : dessin du plan de la "Maison de brique".

Dans la vue en perspective on remarque que, par rapport à la dominante horizontale installée par les
murs littéralement sans fin, émergent des volumes juxtaposés en effet pyramidal. Il est important de
remarquer que les parties opaques de clôture sont de loin beaucoup plus étendues que les parties vitrées,
l'effet majeur est celui d'un assemblage de volumes de briques qui s'oppose à l'effet recherché de continuité
intérieur/extérieur. Par contre, pour renforcer l'autonomie des parois verticales, le plan vitré séparant deux
plans opaques orthogonaux est systématiquement employé.
On voit aussi apparaître le trièdre fondamental de l'espace moderne composé d un écran opaque
Perpendiculaire à un plan vitré et coiffé d'une dalle de toiture en débord.

En plan la fluidité spatiale est manifestement l'objectif à exprimer14 . L effet architectural de


fluidité est assuré par des agencements particuliers de plans verticaux simples:

voix la très belle description de l'espace intérieur de la maison de brique par H. Dearstyne , ancien éleve de
"lies au Bauhæ ,s, dans: " Four architects..." sa contribution: "Le concept miesan d espace dans 1 architecture
omestique", on y lit, page 132 et 133:
plans verticaux, placés maintenant en angle droit les uns des autres ou parallèles mais décales, servaient
upn seulement com m e murs de clôture mais aussi comme éléments pour diviser 1 intérieur en séries
emboitement d'espaces vivants. Certains de ces murs de clôture, s'étendant dehors au delà des limites de la
Propre m aison formaient un chaînon entre l'extérieur et l'intérieur.A travers eux, 1espace semblait couler parmi
es différentes parties, légèrem ent entravé, parfois, par une paroi de verre toute hauteur.
Ici c’est le plan ouvert de Wright reportant largement adapté à une maison entièrement com posée de p ans et
espaces coulants librement. C’était la première amorce d’un objectif qu'il a toujours visé: une architecture
d espace.
C était aussi la première fois que M ies avait proposé l'emploi du mur free- sta n d in g .
, 11 nous racontait une fois au Bauhaus que quand l'idée d'un tel mur lui apparut, il resta éveillé toute la nuit,
émerveillé, que ce soit une chose légitim e ou non à employer. Il décida, bien sûr,que cela 1 était.
Figure 8 : Disposition des figures élémentaires de stabilisation de portions d'espace.
- à partir de celui-ci s'associent des figures élémentaires de plans soit opaques soit vitrés,
orthogonaux et associés en L ou en T.

- la dalle horizontale de couverture, décalée par rapport à la clôture, provoque et renforce


1ambiguité intérieur /extérieur

En résumé :
1) l’extension centrifuge de l'espace intérieur à partir d'un noyau est interminable, comme l'est le
dessin.
Ce que Padovan appelle le dilemme entre le pavillon isolé et la maison dans la cour pourrait être
désigné comme un problème fondamental d'une architecture qui reconnait comme sienne le travail de
espace continu. C'est celui de la limitation de son extension, obligée et inévitable. Mies pressent ce
Problème, il en trouvera sa propre solution qu'il représentera spectaculairement avec le Pavillon de
Barcelone.
2) Mais ceci n’est pas sa seule préoccupation architecturale. Il doit mettre au point les moyens
concrets, réalistes, pertinents du point de vue des usages et de l'économie, d'assurer l'extension centrifuge.
Mies va progressivement, au cours de plusieurs projets mettre au point et tester un certain nombre
e dispositifs architecturaux qui permettront d'engendrer et de diriger l'extension spatiale. En examinant les
Projets que Mies conçoit de 1923 à 1929 nous allons mettre en évidence les étapes de cette démarche.

^ La MAISON DEXEL (1925), d'après les croquis publiés par Tegethoff, semble être l'objet d'une
ude sur l'assemblage pyramidal de parallélipipèdes et sur l'opposition d'un volume vertical central à des
0 urnes horizontaux, son plan est encore constitué de salles fermées traditionnelles.
La MAISON ELI AT (1925) présente en plan des dispositifs architecturaux assurant la continuité
spatiale, même si en masse elle se réfère à Schinkel (Charlottenhoff) et à Behrens (Haus Wiegand).

Figure 10 : plan et élévation de la maison Eliat.

Figure 11 : Système des U


On voit un système conjugant un U avec un pian vertical le pénétrant; ce dispositif qui va devenir
typique, sera repris dans le Pavillon de Barcelone il doit être considéré comme l'un des moyens de base de
production et d'orientation de l'espace continu.

LA. MAISON WOLF (1925) se présente sur sa façade Sud, en volume, comme une moitié de la
"Maison;de brique": on y retrouve un long écran opaque horizontal bas qui est un soutènement et un jeu de
volumes: verticaux et d'auvents regroupés à l'extrémité gauche.
En plan un enchaînement de U et de L (équerres) produit une continuité spatiale en lacet , de la
terrasse au vestibule et vice versa. Les baies vitrées apportent la lumière naturelle qui marque et oriente
chaque subdivision d'espace que l'on peut assimiler à des lieux.
Enfin Mies y fait apparaître la possibilité de rendre le parcours pratique lié au mode de vie
indépendant de la représentation qu'en donne l'espace architectural.
Du1point de vue théorique, cette observation est capitale. Mies établit une dissociation entre le
travail'.de l'espace continu, fluide et les nécessités dictées par l'usage de 1espace. Cette dissociation est
caractéristique de la problématique du Mouvement Moderne15 .

Figure 14 : Aires de stabilité et systèmes de continuité

15- N ous allons voir ch ez Le Corbusier la m êm e préoccupation, com m e lui, M ies réserve l'effet d extension
sPatiale à certains endroits de la m aison tels que hall, vestibule, séjour, salle à manger. Les autres e ements u
Pr°gramme gardent une disposition traditionnelle en pièces fermées.
LA MAISON ESTERS (1927/30) : le plan du rez de chaussée donné en esquisse, contient un jeu de
continuités par enchâssement d'équerres décalées qui permet d'installer une transparence importante.

Figure 15 : Plan de la Maison Esters

Figure 16 : photo extérieure montrant le développement du jeu


d'emboitement à partir du pignon.

La façade ouest exprime la transparence par l'intrication savante de volumes et de plans-écrans.


Parmi ceux-ci, figure déjà l'auvent horizontal flottant, à sous-face blanche, que l'on retrouvera dans le
avillon de Barcelone.
Figure 17 : enfilade intérieure

LA MAISON LANGE (1927/30) reprend les thèmes de continuité spatiale de la maison Esters.

LE GLASRAUM : LE VERRE, (on peut traduire GLASRAUM par "la salle de verre" ou "l'espace
de verre")
Ce pavillon a été conçu en 1927. H. Dearstyne décrit ainsi cette oeuvre16 :

" C'était en 28 ou 29, tandis que j'étais étudiant de H. Meyer, que je tombais sur une photographie de son
projet, le premier travail de M ies que je n'avais jamais vu. La photo montrait une exposition faite par M ies en
1927 pour l'industrie allemande du verre à l'exposition Werkbund à Stuttgart. M ies avait exp osé les produits
industriels sous la forme de 8 murs de verres (clairs ou sablés ou de teintes vertes) montants uniformément du
Plancher au plafond, ainsi arrangés ils formaient une salle ouverte sur une cour. Je me souviens bien com bien
j étais im pressionné par la beauté sombre de cette com position spatiale et ém erveillé par ce que représentait
M ies.".

Le mode de production de la continuité spatiale est ici celui de l'enchaînement, en spirale


orthogonale, de parois verticales vitrées disposées en équerres. Chaque paroi nuançant, suivant sa matière,
les relations visuelles : en verre clair, la transparence réelle; en verre teinté, à la fois la transparence et les
reflets; en verre sablé la translucidité. Mies teste là les systèmes de jeu des glaces teintées comme semi-
miroirs employés dans le Pavillon de Barcelone.

yoir op. cit.


Figure 18 : plan reconstitué

Figure 19 : vue intérieure


EN RESUME : Après la déclaration ostentatoire17 que représente le plan de la "Maison en
brique", Mies recherche les moyens réalistes et pertinents qui assureront la continuité spatiale centrifuge et
son contrôle.
Certains éléments sont testés, mis au point :
- horizontalement, un répertoire de schèmes producteurs de continuité est constitoé et leurs
combinaisons progressivement testées. La continuité spatiale est librement "shuntable" par un choix de
parcours. Le U et le L réservent des aires de stabilité dans lesquelles peuvent s'installer, "prendre place"
diverses pratiques de l’habitat
- verticalement le trièdre ouvert décelé dans la production De Stijl, est ici constitué : d'une part, du
débord de l'auvent au delà de la clôture climatique de l'intérieur (cette solution n'est bien sûr pas de Mies et
a déjà été employée par Wright, Oud, Gropius et Le Corbusier); et d'autre part, de plans-écrans soit
opaques, soit vitrés détachés par rapport à tout élément constructif secondaire. En dernière étape, dans le
Glasraum, les plans-écrans sont uniformes et autonomes du plancher au plafond.
- l'extérieur est contenu dans une enceinte composite, simulant à la fois l'enclos et son éventration.
Le Pavillon de Barcelone va donner la possibilité à Mies de rassembler, recomposer et démontrer
les possibilités exceptionnelles- de la combinatoire de ces thèmes dans un exposé global.

3. L ’E X P O S E L I T T E R A L : LE P A V I L L O N DE L ’A L L E M A G N E A
L ’EXPOSITION INT E RNAT IO NAL E DE BARCELONE.

Le Pavillon constitue un saut qualitatif du point de vue constructif, car Mies y abandonne, au profit
d'une ossature, le mur de brique qui assurait l'unité conceptuelle entre ce qui porte et ce qui divise l'espace.
Cependant on ne peut pour autant adhérer, à propos de ce travail, au culte d'un pur rationalisme constructif
miesan, une légende soigneusement entretenue par le Maître lui-même et par certains de ses monographes

C'est aussi un saut qualitatif du point de vue de la "gravitas", les éléments traditionnellement ancrés
au sol sont libérés de la charge (sans jeu de mots) de représenter la fonction porteuse. Les éléments qui
constituent l'espace ne sont plus ceux qui portent. On obtient une "image architecturale du construit”.

17
beaucoup plus expressive (pour ne pas dire "expressionniste") d'intentions, qu'efficace quant au déploiem ent
d’un espace architectural continu.

Dans son avant-propos sur M VDR (Zurich 1973) W. Blazer écrit d'emblée:
^es 'dées de M ies van der Rohe se fondent sur les principes de la construction, et cela se traduit, dans son
architecture, par une netteté constructive absolue. Ce livre se propose de démontrer que c'est en partant de cette
or'ception fondamentale que l'architecture de M VDR s’inscrit parmi les 'œuvres d’art les plus authentiques de
0tre époque; nous le ferons voir par des exem ples très divers, allant du simple appareillage de brique jusqu'à la
nstruction d'une façade transparente en acier et verre.".
0ur 1évolution ultérieure de M ies et notamment en Amérique, voir l'article de R. Banham "Presque rien c'est
P Archi. R eview, Août 62, p. 125 à 128, dans lequel il montre que ce n'est pas la Construction mythique qui
P1 occupe M ies mais plutôt le contrôle nécessaire du procès de production de l'édifice à la "lumière de
xPérience pour obtenir le résultat architectural souhaité.
Figure 20 : photo du chantier.

Où est la pure logique constructive ? Dans cet emploi de matériaux composites ? Dans les profils
métalliques boulonnés recouverts de chrome ? Dans les placages et revêtements luxueux et variés ? Dans
ta dissimulation des réseaux de poutres à l'intérieur d'un plafond en plâtre blanc parfaitement lissé ?
J. P. Bonta a étudié, d'une manière exhaustive, (dans " Mies van der Rohe. Anatomia de la
interprétacion".1^ ) l'évolution des interprétations du Pavillon afin de tenter d'en dégager une sémiotique.
Le travail de Bonta montre qu’à partir d'une oeuvre aussi reconnue se sont développés des commentaires
dépendants des différents courants idéologiques dominants les quarante dernières années (voir en particulier
la belle description de J.M. Fitch1920 et la mise en évidence de "l'idéal platonique"). Bonta montre, à juste
titre que:le signifié qui se dégage de ce phénomène historique que constitue le Pavillon est un ensemble
complexe et nom-fini.
Il ne s'agit pas ici d'ajouter une lecture supplémentaire, un "signifié" de plus ! Nous voulons
comprendre comment et par quels moyens Mies, dans l'évolution de son œuvre, a pris en charge un
problème inscrit dans les préoccupations architecturales des années 20 : le contrôle de l'extension spatiale.

: premiers croquis du Pavillon.

Comme le souligne R. Padovan21 , le Pavillon donne une solution au problème de la limitation de


l'extension de l'espace en incluant la partie couverte dans une semi-cour. Cette solution est clairement
donnée par Mies dès un des premiers croquis. Il s’agit de deux U en vis à vis reliés par un segment en
tension.

19 Barcelone 1975. Traduction française: L. Nussbaum et M. Pendanx.

20
Fitch J. M. "Architecture and the esthetics o f plenty". Columbia University Près. N ew York. 1961.
Le succès de ce bâtiment n'est pas dû à une innovation en plan, Wright et le Corbusier avaient déjà
em ployé le toit flottant, les murs écrans non-structurels, les glaces continues du plancher eu plafond.
...La grandeur du Pavillon reposait sur quelquechose de plus subtil: le fait qu'il parvenait à exprimer, dans
es termes les plus polis et le plus exacts, les plus hautes aspirations d'une Europe ruinée par la guerre et
mflation. Ici étaient la clarté, l'ordre, la paix tant désirée, ici étaient les espaces nobles, non pollués par aucune
connotation d'un passé féodal dicrédité; ici étaient les beaux matériaux libérés des motifs décadents et des
symboles m oisis, rayonnants de leur beauté intrinsèque. C'était une image catalytique qui allait dans l'avenier
Strier les problèm es de conception pour des générations entières."
J- M . Ficht donne par la suite une belldescription de 'T espace fluide continu”, page 157 et la suite.

v°ir article cité plus haut.


Comment est modulé, orienté l’espace "fluide” ainsi contenu? Y a-t-il un principe qui guide cette
continuité ? Y a-t-il des hiérarchies dans cette fluidité spatiale ? Si oui, comment sont-elles instaurées ?

UN RE-EXAMEN.

Rappelons que par ré-examiner nous entendons regarder et analyser avec des moyens de l'ordre de
l'architecture, le dispositif et les moyens architecturaux donnés par l'iconographie disponible. La méthode
consiste ensuite en un va et vient entre la représentation finale de l'objet et la reconnaissance des parties
qui le constituent. On identifie des éléments architecturaux qui en se combinant produisent un premier
niveau d'effets. Effets qui, à leur tour se combinent et en produisent de nouveaux à un stade plus
complexe.

tii!


l

Figure 22 : plan d'origine

giHnmim»'"»—
Figure 23 : vue de l'entrée principale montrant les portes vitrées.
Il l'*\|||M N |.| l ’ \l I I M M A I * l.’ l \ |M*vn 1m s II» |;\h( I I 0 \ |

Figure 24 : plan d'après A. Tuduri (Cahiers d'Art)

Les objets architecturaux utilisés sont clairement distincts :


- un socle général à environ 1 m du sol naturel,
- deux bassins.
Dans la partie principale :
- huit poteaux cruciformes,
- des parois opaques,
- des parois transparentes ou translucides,
- un coffre translucide,
- une dalle horizontale de toiture,
- en annexe, à un angle du socle général, un bâtiment de service sous une petite dalle horizontale.

Chacun de ces objets a une ou plusieurs fonctions architecturales :


- permettre l'extension de l'espace;
- contenir verticalement ou horizontalement cette extension;
- stabiliser l'extension pour la structurer, la mesurer;
- provoquer des tensions pour induire des déplacements, des parcours.

Ainsi ;
- le socle, franchement marqué, donne la limite basse du projet, comme un podium détaché des
contingences du sol.
- les bassins jouent plusieurs rôles en instituant des limites sans être des barrières visuelles. Ils
guident les déplacements; ils agissent comme des miroirs dont les reflets prolongent les parois verticales
qui les bordent (les deux U extrêmes) sous le socle; ils reflètent le ciel et sa lumière qui peut, suivant l'état
de la surface, jouer irrégulièrement.
- les huit poteaux cruciformes, chromés, répartis suivant une trame régulière de trois carrés
déterminent à l'intérieur trois aires particulières (voir Fig.25). Rien n'accuse la fonction porteuse des
colonnes, les reflets dans le chrome au contraire accentuent leur caractère d'objets précieux lumineux
servant à mesurer l'espace.
Figure 25: trame d'inscription des poteaux, cellules.

L'EFFET DE CONTENTION : le couple de U.

Les deux U limitent l'espace longitudinalement, et ceci malgré la nécessité de frontalité du Pavillon
Par rapport à la circulation généraie de l'Exposition. Le décalage des U permet l'inscription de
*emmarchement de l'accès principal. Nous verrons que leur rôle est de limiter le Pavillon suivant un effet
de clôture et d'orienter vers l'intérieur, l'espace qu'ils délimitent.
Les trois plans de longueurs inégales, parallèles au grand côté du socle, sont décalés et constituent
Par leur ensemble, une opacité complète qui relie les deux U, transversale au bâtiment.
( voir premier croquis de Mies)
Le plan le plus long, recouvert de travertin, est vu de l'accès secondaire comme un mur de clôture.
Aperçu de l'allée principale il assure à la fois une grande partie de la frontalité et à la fois la limite de la
Profondeur transversale. A ce plan s'adosse un grand banc qui assoit la frontalité.
Le deuxième plan, recouvert de marbre vert, s'adresse aux deux directions d'entrée : il se présente
*atéralement par rapport à l'accès principal. Le grand bassin oblige à le contourner (deux possibilités de
Passage sont offertes); par rapport à l'entrée arrière, il est aperçu frontalement, comme le plan le plus
Profond, le moins éclairé; servant d'obstacle, il renvoie à sa droite ou à sa gauche.

L'ANCRAGE.

Le troisième plan opaque, le plus court, revêtu d'onyx doré, n'est pas seulement le plus à l’intérieur
quel que sojt i'angie de vue ; jj esl> je substitut de ce qui était traditionnellement l'intérieur : le séjour, le
°yer (on retrouvera une semblable substitution dans le projet de maison exposé à Berlin en 1931 et dans
JJ Raison Tugendhat, 1928/30 (voir plans). Dans cet ensemble spatial fluide il est l'élément stable et
^hilisant, le plan d'appui de l'ameublement principal : la table et le tapis.
"M- ^)*an est *a réduction ultime du noyau de l’extension centrifuge tel qu'il a été décelé dans la
aiS0n d'artiste" de TVD ou dans la "Maison de Brique" de Mies.
Figure 26 : plan de la Maison d'artiste de TVD

LA COMPRESSION : effet centrifuge périphérique.

La dalle de toiture est un plan horizontal posé abstraitement sur les parois verticales et les
,° °nnes. Il est flottant car, bien qu'en contact avec ces dernières, aucune référence constructive (retombée
e poutre, reprise d'une trame, lien traditionnel) n'est marquée. Au contraire l'enduit de plâtre homogénéise
sa SOus-face. Cet enduit blanc et mat a pour effet d'extraire la sous-face du jeu des reflets réservés aux
eQl es parois verticales et aux bassins.
La dalle flottante donne, par sa bordure nette, la limite haute à l'espace. Cette limite est contrariée
par le non alignement des débords du socle, et par les parois opaques systématiquement en retraits ou en
débords. Par sa géométrie rectangulaire la dalle est le moyen d'évaluation de l'extension centrifuge. C'est
elle qui permet d'instaurer l'ambiguité dedans/dehors. En tant que couverture elle est la norme reconnue, le
signexulturei du couvert au delà duquel l'espace s'échappe dans les bassins et vers le ciel. La dalle est
strictement associée par parallélisme au socle qui est lourd, ancré, elle acquiert une légèreté. Ce rapport
contrasté assure à la fois l’effet de compression et un équilibre de tensions interne favorisant l’échappement
dé J'espace en périphérie.

L'effet de compression et d'équilibre de tensions internes entre la dalle de toiture et le socle doivent
être considérés comme une caractéristique fondamentale de l'architecture de Mies. Ce sera une constante, de
plus en plus affirmée jusqu'aux derniers projets tels le nouveau Muséum national à Berlin et la station
service à Montréal, alors que le mode de résolution de la continuité spatiale aura considérablement évolué.

LA PERCEPTION DYNAMIQUE.

Pour décrire le fonctionnement architectural des éléments du Pavillon nous adoptons la position de
l'observateur visitant.
En effet il n’est pas possible d’analyser globalement ce projet par un cadrage de l’extérieur. Aucune
inscription significative du plan dans une géométrie de référence n’a pu être trouvée22 . On peut, à ce
point de l'étude, affirmer que Mies s'est bien servi de plans-écrans (free-standing ) pour organiser un jeu
visuel complexe. Les éléments sont disposés suivant un strict point de vue de découverte perspective se
transformant au cours du déplacement d'un observateur. De plus il s'agit de la découverte d'une succession
de séquences instables qui conduisent et se renvoient les unes aux autres.
Contrairement à TVD qui représente l'espace continu vu de l'extérieur, au moyen de l'axonométrie,
(voir les raisons idéologiqués concernant "l'espace de la collectivité harmonieuse" que nous avons évoquées
plus haut) Mies renverse le propos De Stijl et redonne à l'individu-observateur la première place dans son
architecture en se servant de la représentation perspective. Mais, alors que la perspective de la Renaissance
est composée de séquences articulées, il y substitue des segments de vues perspectives au delà desquels le
regard se disperse vers plusieurs points d'attraction. La perspective architecturale de Mies induit le
déplacement de l’observateur non pas vers un objet ou un lieu ainsi sacralisé mais dans l'espace diffracté.

TRANSPARENCES.

Quels moyens architecturaux constituent ce parcours perspectif?


La méthode la plus simple pour le comprendre est de suivre le sens de la visite !

22
tix.v°*t
mémoire de III0 cycle:" Le mode de projétation de MVDR" I. Billard-Madrières et J.L. Berthomieu;
Un O /UP8. Paris 1982.
Figure 28 : Quatre directions de déplacement

Il y a quatre directions de déplacement A, B, C, D, franchement marquées et ponctuées de points de


découvertes particuliers que nous allons décrire.

Figure 29 : A

La direction A est celle de l'accès principal. Elle est marquée par l'escalier, accompagnée à gauche
^ un bord du socle et à droite par la paroi en glace et le bord de la dalle toiture. Cette direction est jalonnée
SUr lu droite par une découverte de plans parallèles, tangents au sens de déplacement.
Ces plans décalés invitent, par "curiosité", à voir ce vers quoi conduit l'espace qui les sépare :
l'intérieur. Les points de découverte (ils sont repérés 1,2,3) dégagent des vues chaque fois différentes. Au
Doint 4 on est invité à un retournement nour voir l'intérieur rjéià anercu en tran sp aren ce en m ontant
. ,.m c r .
C'i.ujuc point de découverte .'orreipoad t un .ont;
uüoti' ovctts'r dans !r ';<L. . :, âpre -
1

Figure 30 : B

La direction B est fortement constituée par l’alignement de quatre colonnes, parallèles à droite au
” ’riT»pe atir ’w d 0 d e la tr‘it,.ire e t d » o v l p et à tranche, à un nlftn on ^ o iie I e. traiet e st n o n c tu é nar u ne
scrie de découvertes. Entre les points 2 et 3 on découvre le plan-noyau ie plus intérieur.
Le parcours B sc dissout à l'intérieur, le visiteur a le choijj entre plusieurs
| passages.
1
a a a a a
D
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■ !;. : i‘ v. parallèle
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J- > üT.M
constituée
H .a' Jv -a
:a i-a
r;ôm^ ,iç«.is Üe *sr>ot,tj; d’un ic a lu v. uipusrv
••:.p!vVv%v ;r : ; ' • V U r 01 (li a u î f C > ,UiM C <UI iC cflU'U

La direction D de l'accès secondaire, est la seule qui soit perpendiculaire au système des plans. Elle
bute sur un plan profond opaque, mais presque simultanément en 1 et 2 se découvrent 1extension à droite
et à gauche.
I
h
..................................1
Figure 33 C: cheminement C
Si l'on recense tous les dispositifs provoquant un changement des vues en cours de déplacement, on
dégage quatre types qui peuvent être codifiés:
Le type 1 : la découverte. Un deuxième plan apparaît parallèlement à un prem ier plan, il se
dégage, se découvre ainsi un espace entre deux.
Le type 2 : le cadrage. Deux plans parallèles cadrent une vue, il s'agit d'une transparence
architecturale au sens moderne.
Le; type 3 : le centrifuge, de l'intérieur vers l'extérieur. Deux plans perpendiculaires non-sécants
etdécaiés;déienninent un dièdre concave et dégagent une vue qui est donc vers l'extérieur du dièdre.
Le:type 4 : le centripète, de l'extérieur vers l'intérieur. L'angle formé par les deux plans du type
3 est vudü côté convexe, la découverte s'opère donc vers l'intérieur concave.
Dans tous ces dispositifs on remarque un premier plan que l'on peut appeler le "masque" derrière
lequel se découvre progressivement un second plan "révélateur" qui oriente le dégagement de la vue.

C 'e st donc la position p erp en d icu laire relativ e des deux plans qu i en change la
fo n ctio n a rc h ite c tu ra le .

La combinaison de chacun de ces 4 types avec un troisième plan vertical éclairé donne, suivant
l’drthogonalité de celui-ci, un sens particulier de déploiement de l'espace, des types de transparences d'un
niveau plus complexe que la transparence littérale" (voir tableau), le changement d'orthogonalité traduit
le changement de fonction d'un pian.24

4 - LES A PPO R TS.

Le Pavillon peut être considéré comme un ensemble architectural démonstratif des possibilités
combinatoires d'élém ents prim aires : les plans opaques, les plans transparents, des segments verticaux
(les colonnes) entre un socle et la dalle horizontale de toiture. C ette dém onstration s'effectue
horizontalement "en sandwich” sous compression de la dalle supérieure.
Cet ensemble est aussi dém onstratif d'une économie architecturale produite par un système fini
d'éléments en équilibre que l'on peut qualifier de structure*

voir Rowe C.: "Transparency: literal and phénoménal" in " The mathematics o f the idéal villa and other
essays". MIT Press Chicago. 1976.

Tous ces éléments sont recouverts de matériaux précieux. Bien sûr on peut im agina que le luxe (tes matériaux est
Porteur d e sens notam m ent lorsqu'il est donné en représentation de la production industrielle de la République
jdltotande en pleine crise économique, mais ce luxe aurait pu être appliqué à une tome autre architecture.
Nous: avons déjà dégagé plusieurs raisons de ce choix. Pour affirm er la fonction architecturale des parois, les
Placages de m atériaux polis occultent toute référence constructive. Associés aux glaces tramées ils activent les jeux
reflets, la progression de la richesse des m atériaux, du travertin à l'onyx, accentue la progression
*xtérieur/intérieur vers le "noyau" .
Toutes les parois opaques sont revêtues de marbre poli qui participent aux jeux de reflets des glaces.

Jj“.es parois vitrées constituent une véritable "machine à reflets" qui se combinent entre eux et avec les transparences
directes à travers les glaces et les m arbres polis. Ces com binaisons accentuait illusoirem ent la continuité, le
fractionnement et la diffusion de l'espace. Nous ne traitons pas ici de ces effets qui, to n que savants, am plifient
Ceux> produits m oins artificiellem ent par les moyens fondamentaux m is en œuvre par M ies. M oyens que nous
s°uhaitons particulièrem ent mieux connaître.

coffre vertical en verre sablé est éclairé de jour par une trémie rectangulaire transversale qui apporte une tache
)®frneuse à l'endroit le plus sombre du Pavillon. La nuit, ce coffre translucide est artificiellem ent éclairé et m et en
idence le trièdre d'entrée. Fig.27: vue de nuit.

On pourrait ainsi m ettre en évidence Yanalogon du Pavillon et le com para aux {dans de la maison exposée à
driin en 1931 et à la maison Tugendhat, afin de v é rifia sa pratinence et sa permanence projectuelle, niais cela ne
^ a f a ir e l'objet que d'un développement ultérieur de cette étude.
4.1. LE PARCOURS LIBERE.

La recherche, quasiment exhaustive, de types différents de transparences et de leurs combinaisons,


est constante dans les autres œuvres du début des années trente. Elle pose problème : que signifie l'usage
systématique déT’é ffet de transparence ?
Dans ;le Pavillon les transparences permettent de mettre en évidence des endroits éloignés en les
faisant'découvrir à travers des angles creux formés par des plans, les transparences sont diagonales à
l'orthogonalité géométrique.
Des entrées, par une incitation de ces vues obliques, on découvre progressivement des parties de
l'ihtérieur, on est invité à s'engager plus avant Une vue large et profonde peuplée de transparence attire
alors le regard. On voit à travers to u t jusqu'à la limite extrême du bâtiment marquée par les deux U, qui
renvoient à leur tour vers l'intérieur. Cet espace est d'une part composé d'endroits stables, coins fabriqués
soit par les plans en équerre soit par la frontalité équilibrée du noyau d'onyx, et d'autre part de passages26
fuyants provoqués par des vues en transparences qui renvoient, conduisent le visiteur constamment
ailleurs, plus loin, vers une autre transparence à découvrir, au gré de son regard.
Mies propose un espace de randonnée au sens étymologique du terme c'est à dire un cheminement
non-obligé, hasardeux.

C'est ainsi que Mies traite de la continuité spatiale tant recherchée par Théo van Doesburg. Mais
dans une totale ambiguité, ou dans une synthèse de contrastes au sens de la critique esthétique moderne.
Car cette continuité est centrifuge du fait de la forte présence statique du plan-noyau d’onyx, (te
l'allongement des espaces vers l'extérieur, de la transparence de l'enveloppe et est aussi centripète par l’effet
de contention des U assurants la limite et le renvoi de l'extension spatiale.

Cette synthèse de contrastes n'est pas unique. La fluidité générale de l'espace s'oppose à la rigueur,
à la perfection, à l'équilibre de l'objet formel. L'objet platonicien évoqué par J. M. Ficht est traversé par
des remous proprement désordonnés d'espaces ! L'enchevêtrement des reflets et des transparences diffracte à
l'infini l'objet et son espace contenu.
Mies prend là en charge le concept moderne d'espace architectural en étroite symbiose avec l'espace
de la société industrielle en plein bouleversement

4.2. LES PARTICULARITES CONCEPTUELLES.

1°-LA LUMIERE NATURELLE.


La lum ière, fondem ent traditionnel de l'architecture, source de différences et de variations
architecturales, est encore utilisée comme telle dans le Pavillon. Moyen de l'extension, elle joue suivant
l'ensoleillem ent sur les murs des patios et marque les débords des parois opaques sous la dalle-toiture.
Elle se reflète dans les bassins. Elle est, par ses variations un facteur d'enrichissem ent de l'objet
architectural.
Mais déjà dans le projet, pourtant contemporain, de Tugendhat les débordements (tes parois
verticales hors du plan de couverture disparaissent à l'étage du séjour. Toute variation est refusée dans les
Projets des années 5 0 . La lumière est réglée par un large débord du plan de toiture et régulièrement diffusée
Par. une enveloppe vitrée parfaitem ent uniforme (cf. la Maison Famsworth 1945/50 ou la G alerie
Nationale deB erlin 1962/68).
Les traces: d’un emploi naturaliste de la lumière dans le Pavillon de Barcelone ont disparues, laissant
Place, par la suite, à une conception technico-scientifique : la lumière est une donnée architecturale
homogène, ses variations sont accessoires, épiphénoménales. Le site est homogène, la paroi aussi.

2° LEM PIRE DU PLAN.


Nous avons déjà souligné que Mies rend habitable l'espace fluide qu'il produit, soit en excluant
1effet de fluidité de lieux entiers d'activités, tels que les chambres ou les services, soit en réservant (tes
coins en équerre (voir les premières toiles de T. van Doesburg 1913) soit en utilisant l'effet de frontalité
®une paroi verticale isolée : le "noyau" (Pavillon, Tugendhat, maison de Berlin) génère des aires statiques.
Ce décollem ent de l'intention architecturale par rapport aux nécessités del'habitabilité est une
caractéristique du Mouvement Moderne. Mies effectue ce décollement par un travail de l'espace en plan,
c est l'angle comme contenant qui produit, par réaction/contraste avec les zones indifférenciées, à la fois
4ire de stabilité et à la fois la fluidité.
Il revient à Le Corbusier d'y avoir rajouté le moyen de l'extension en troisième dimension.

Comme les "passages" de la première période cubiste.


3° L'ENVELOPPE.

Si les parois en U sont les moyens de contention et de renvoie de la continuité de l'espace,


l’enveloppe transparente donne à voir l'extérieur. Grâce à elle, la forme et l'espace de ce qui entoure l'objet
architectural, dans le cas du Pavillon le site de l'Exposition Internationale de Barcelone, font partie du
projet et en deviennent le prolongement. Entre une solution massive (traditionnelle) provoquée par une
clôture opaque et la transparence visuelle totale, le Pavillon est un compromis. Deux modes de résolution
opposés se proposent ainsi à Mies (Padovan) :
- d'une part, celui de l'inclusion de la maison dans une enceinte continue opaque perm ettant le jeu,
le contrôle de l'extension intérieure et l'ignorance de tout extérieur autre que celui qui est artificiellem ent
créé par la cour, c'est cette voie qui va être développée dans les "Maisons su* cour" durant les années 30 et
40;
- d'autre part celui d'une enveloppe continue de verre permettant l'ouverture totale des vues : de
l'intérieur vers l'extérieur et de l'extérieur à travers l'intérieur et au delà; dans cette solution les éléments
opaques intérieurs sont des objets inclus qui dans tous les cas renforcent la fluidité de l'espace; cette
disposition caractérise les projets américains et le modèle en est le Crown Hall du IIT (1950.1956), le
dernier exemple en étant le nouveau Musée de Berlin.

Ces deux modes de résolution recouvrent une même attitude, dans les deux cas la périphérie du
bâtiment est donnée comme architecturalement homogène et neutre, seule compte sa texture. Mies refuse
de moduler chacune des façades suivant les différences du contexte, ne serait-ce qu'en tenant compte de la
différence d'orientation solaire. Il refuse toute action architecturale sur le site autre que celle consistant à
marquer la présence transparente de l'édifice. Le site est conceptuellement homogène dans sa forme, dans
son espace et dans le temps. Mies utilise les moyens classiques de la présence architecturale: la frontalité,
l'expression de la structure, la hiérarchie des façades, le temple sur son socle, mais réutilisés, exploités
dans le jeu des tensions formelles.
LE CORBUSIER :

L’E X TE N SIO N SPA TIA LE A SC E N D A N T E

... le ciel comme partie du site.


IN T R O D U C T IO N .

LA DETTE DE LE CORBUSIER
A L'ESPACE DE LA PEINTURE MODERNE.

Les rapports entre Théo van Doesburg et Le Corbusier précèdent de longue date la visite par ce
dernier de l'exposition De Stijl à la galerie "l'Effort moderne " en octobre 1923**. Les échanges tendus
entre ces deux fortes personnalités concernaient des problèmes décisifs pour l’avenir du Mouvement
Moderne même si, comme M ies, Le Corbusier n’a manifesté publiquement qu'un intérêt condescendant
pour le poète-peintre.
Pourtant le problème fondamental de l'extension de l'espace, que posait van Doesburg avec ses
propres moyens, n'a que progressivement été pris en charge comme problème théorique par Le Corbusier.
Il est vrai que celui-ci développait parallèlem ent un champ de recherche "tous azimuths": le logement
standardisé, les maisons "Monol", "Citrohan”, les imm eubles-villas, la "ville contemporaine". Il faut
ajouter à cela le travail de réflexion théorique, les articles dans "l'Esprit Nouveau”, l'ouvrage qui en est
tiré: "Vers une architecture" ainsi que par les écrits en collaboration avec Ozenfant dont " Après le
cubisme" (1918).

Dans "l'angle droit", un article paru (octobrel923) dans "l'Esprit Nouveau” n° 18 e t qu'il signe avec
Ozenfant, Le Corbusier attaque "un mouvement de peinture né récemment en Hollande... et qui nous
semble se soustraire aux conditions nécessaires et suffisantes de la peinture (l'intelligibilité e t le
2
mécanisme sensoriel), se servant exclusivement de quelques signes géométriques limités au rectangle.".
Comme le fiait remarquer Y.A. Blois, Le Corbusier attaque Mondrian :

"... vocabulaire limité à cette unique proposition: carré, carré rouge, carré bleu, carré jaune, carré
blanc, carré noir, petit carré blanc, grand carré blanc, petit, moyen, etc...", et à travers Mondrian, il attaque
Théo van Doesburg qu'il ne comprend pas.
3 ••
Dans le pseudo dialogue entre un M. X et F. Léger , qui est en fait le compte rendu de sa visite à
('exposition de la galerie Rosenberg, Le Corbusier (qui est Mr. X) reprend ses critiques contre TVD. Il
isole le problèm e de la couleur, comme le fait rem arquer Y.A. Blois, et il dissocie les champs
d'application de la polychromie. Il condamne l'emploi de la couleur à l'extérieur mais fait approuver par
Léger son emploi à l'intérieur, pourtant :

"X. reste en retrait, il n'admet l'équation (égalité entre surface murale et surface picturale) que parce
qu'elle ne va pas à l'encontre de l'unité architecturale. Q se refuse à comprendre que la fusion opérée dépend
d un principe général d'élémantarisatinn et d'intégration déhiérarchisée qui est au fondement de l'esthétique
de Stijl... Isoler la polychromie et du même coup la réduire à un simple effet décoratif, c'est s'interdire de
v°ir quel type de transformation s'opère sur les autres instances du projet architectural (pian et circulation
P** exemple), c'est ne pas vouloir prendre au sérieux la désanthropomorphisation de l'espace qui est tentée
d®s ces maquettes"4.
_ Il n'y a pas que de la mauvaise volonté dans ces critiques^. Les recherches qu'il effectue avec
T ^nfant, sous l'appellation de "Purisme", concernent autant la peinture que l'architecture. Dans l'article
déjà cité, "L'angle droit" (ocl 23) Le Corbusier propose l'hiératisme qui:

des publications sur les relations T.V.D et Le Corbusier, v o ir


* «lois Y-A. et Troy N.:" De Stijl et l'architecture à Paris”, in De Stijl. Paris 1985;
* Keichlin B. "Le Corbusier VS De Stijl". in De Stijl. Paris 1985;

2 Cité par YAJBlois, supra page 54.

^ * Esprit Nouveau" n° 19 décembre 1923.

4 Blois Y. A. opus c ité , page 52.


"s'exprime donc par des équivalents plastiques qui viennent d'un choix réfléchi d'éléments dont il
connait exactement les propriétés physiologiques et spirituelles.
"Ces éléments sont constitués par des objets ayant des propriétés sensibles particulières et ils sont
agencés suivant des ordonnances qui ont des effets particuliers spécifiques".
"Ces objets sont les objets types les plus banals "le standard (sic).
Deux ans plus tard, dans "la Peinture Moderne", il ajoute : "Le Purisme est issu du cubisme; il est
avant tout une technique basée sur l'étude de la sensibilité optique et de l'association (tes idées, aux
sensations".1 Cette interaction entre les formes, la perception et les idées (l'émotion) est au centre des
préoccupations plastiques de Le Corbusier :"le tableau est un dispositif destiné à émouvoir, (...), c'est
pourquoi, pour éviter un art purement psychologique, le purisme part d'éléments choisis parmi les objets
2
existants et dont il extrait les formes spécifiques."
Le Corbusier se situe à un niveau de recherche de vocabulaire formel différent de celui de TVD. Ce
dernier, appliquant à la lettre la remarque de Bart van Leck : "C'est désormais à la surface plane de
3
transmettre la continuité de l'espace.” , réduit au minimum le vocabulaire formel et donc le jeu dialectique
entre Forme et Espace. Le Corbusier, lui, refuse de renoncer à ces possibilités, car il y voit avant tout, la
stérilisation du vocabulaire formel. Mais ce danger réel lui cache le travail sur l'espace architectural
qu'essaie de développa' et de représenter TVD et l'ensemble du courant De S tijl
Les échanges de Théo van Doesburg et Le Corbusier sur le thème du vocabulaire de base ont été
4
étudiés par Allan Doig qui écrit notamment*

"Les élémentsprimaires et secondaires-


"Bien que les articles de Le Corbusier dans "l'Esprit nouveau"(...) n'aient pas été la source
originelle des idées de Théo van Doesburg, la manière dont il y fait réference et la vitesse à laquelle il les
utilise pour soutenir sa propre polémique montrent bien l'importance qu'ils ont eu sur lui.
"Les pensées économiques et l'utilisation des éléments primaires, comme réponse là plus directe
aux nouvelles questions posées par les besoins humains, forment la position de base de ces deux analyses
théoriques. Le rôle des éléments secondaires dans ces réponses ouvre, cependant un fossé infranchissable
entre les deux. Ils étaient d'accord sur le fait que les éléments prim aires, la surface, l'angle droit, les
couleurs primaires et les corps platoniciens soient les éléments universels de l'art, les éléments secondaires
étant variables: nuances individuelles, contenu culturel, hazard de la forme. Tandis que Théo van Doesburg
tentera toute sa carrière de peintre et d'architecte d'éliminer toute trace d'éléments secondaires de son travail,
•es puristes tiendront eux un langage opposé:
"(...) un art qui ne serait basé que sur les sensations prim aires par le seul emploi d'élém ents
Primaires, ne serait qu'un art prim aire, riche il est vrai d'aspects géométriques, mais dénué de toute
résonnance humaine suffisante: c'est l'art ornemental^."

A cette critique, Théo van Doesburg répond dans " Der W ille zum De Stil" publié dans la revue
"De Stijl" de Février 1922:

"les puristes ont, tout comme les cubistes avant eux, échoués en ce qui concerne la conclusion de
leurs principes. Ils plaident pour l'abstrait mais reconnaissent être séduits par le naturalisme par lequel ils
détruisent la valeur univoselle de leur an.".

Hors du plan vertical, fabrication parfaite de l'homm e, il y a le dom aine illim ité m ais
tnationalisable des formes. Des formes jouant inévitablement sous la lumière de la Nature.
Comment se situe Le Corbusier par rapport à ce point de la doctrine Moderne?

* ^ e n fa n t A. et Jeanneret CH. E. "La peinture moderne". Paris 1925 page 163

2 dito page 167

3 Cité par Y.A.B. dito page 14

1 Doig Allan. "Théo van Doesburg en le Corbusier" in "Wonen". TABK 15_16/1982. Traduction Sophie
Rousseau.

5 °zenfant A. et Jeanneret CH. E. "le Purisme", "l'Esprit nouveau".N° 4,p. 373.


LE M ASQUE DE SIM PL IC IT E .

Si l'on examine m aintenant les projets plutôt que les textes, on s'aperçoit, comme l'a fait B.
Reichlin à propos de la maison Laroche-Jeanneret ^ que l'influence des études de Théo van Doesburg se
manifeste chez Le Corbusier par une prise en compte progressive d'une autonomie relative de l'espace
comme objet d'architecture.

Lorque s'ouvre l'exposition De Stijl à la galerie de "l'Effort Moderne", Le Corbusier est en train
d'étudier la villa Laroche. B. Reichlin démontre qu'après le choc dû à la découverte des projets à
l'exposition, trois modifications importantes sont effectuées :

La forme en entonnoir sur la façade Est, se référant à un acacia, dans la version définitive, "tout
en assumant la même fonction (donner de l'espace à l'acacia) a été totalement intégrée dans le système
morphologique qui s'est peu à peu imposé.
- C'est au même système que se soumet également la grande fenêtre du hall v o s le square; dans ce
cas la décision d'ouvrir la fenêtre d'une paroi à l'autre a été arrêtée juste avant la réalisation de la maquette
exposée au Salon d'Automne.
- Comme les plans du projet n'ont bizarrement pas été conservés, l’évolution interne du hall reste *
dans le vague, mais l'aspect final, comme nous le montrerons par la suite, offre les exemples les plus
2
patents de décomposition en plans".
/
B. Reichlin fait bien rem arquer que les deux conceptions restent opposées au moins sur deux
points. D'abord qu'à l'extension et la m ultiplication illim itée des plans, Le Corbusier oppose que
"l'enveloppe externe décrit une pluralité de prismes: de grandes surfaces s'étendant de manière générale de la
base au sommet de l'édifice et en tous cas n'entam ent pas l'im age fermée des formes stéréotom iques
3
simples qui le com posent"
Le différend est fondamental quant au concept même de morphologie de l'édifice. A la nouvelle
architecture informe, sans schéma a priori, "anti-cubique, c'est-à-dire que les différents espaces ne sont pas
comprimés dans un cube fermé"**, Le Corbusier oppose dans un article à vocation pédagogique: "...viendra
le temps où l'on se rendra compte que la lumière est plus généreuse sur un prisme simple... Cette tendance
vers l'enveloppe pure qui recouvre la richesse d'un masque de simplicité ne peut être que consécutive. Nous
avons le temps d'attendre".^

Ce temps du masque de simplicité viendra bientôt sous la forme de la maison Code. M ais avant de
nous pencher sur ce que nous considérons comme un projet-clé, il est indispensable de bien montrer que
même si Le Corbusier ne fait pas référence à un travail sur l'extension de l'espace, celui-ci est présent dans
son œuvre.

LA DO UBLE HA UTEUR.

La double hauteur (la soupente du restaurant de cochers où Le Corbusier déjeunait souvent) est déjà
utilisée dans le salon de la villa de P. Poiret (1916), dans les projets"Citrohan" (1920-27), dans
: appartement de l'im m euble-villas (1922), dans les maisons en série pour artisans (1924), Ozenfant
(1922), (voir dessin œ. compl., p .28,31,42, 54, 56,66 ).
Dans les projets Laroche (1922-23), le modèle de la double hauteur est systématiquement exploité,
us plans verticaux des allèges s'intercalent dans les dièdres d'angles et manifestent la continuité de l'espace
au des concavités (voir étude de B. Reichlin).

l opus cité page 109 à 120.


^ B- Reichlin, opus cité; page 92.

3 idem page 106.

p dans "l'évolution de l'arch itectu re m oderne en H ollande". L 'architecture vivante. A utom ne-H iver 1925.

3 TVD dans "l’évolution de l'architecture moderne en Hollande". L'architecture vivante. Automne-Hiver 1925.
P18.
L'emploi de la double hauteur devient une nécessité fondamentale, c'est l'instauration d'un nouvel
échelon de grandeur relative, le début et la base de la future extension verticale.
Mais l'intégration théorique du problème de l'extension, c'est-à-dire la mise en place d'un cadre
géom étrique et volum étrique perm ettant à Le Corbusier de tester méthodi-quement ce problèm e,
n'apparaîtra clairement que dans le Pavillon de T'Esprit Nouveau"1 (l°sem estre 1925); ce mode opératoire
2
sera développé ensuite dans le deuxième projet Meyer daté d'avril 1926. Nous reviendrons plus loin sur ce
travail que nous considérons comme préparatoire, mais plus complexe et moins explicite que celui de la
maison Cook commandée le 28 Avril 1926.

OOOOOOOOOOO^OOOOOOOOO

1 Gresteri Giuliano. ”L ' Esprit Nouveau" Milano 1979.

M ^ J >rem*er P10^ 1 ^ J* rilla Meyer d'octobre 1925 et notamment les croquis qui illustrent la fameuse lettre à
"»adame Meyer montrent que le travail sur la continuité verticale de l'espace est devenu l'un (tes thèmes majeurs
°tr croquis P.15 AMC n°49 septembre 1979).
PETIT HOTEL PARTICULIER A BOULOGNE SUR SEINE (COOK) 1926-

"Ici sont appliqués très clairem ents, les certitudes acquises jusqu'ici; les pilotis, le toit-jardin, le plan
libre, la façade libre, la fenêtre en longueur coulissant latéralem ent. Le tracé régulateur est ici un "tracé
automatique" fourni par les simples éléments architecturaux à l’échelle humaine tels que la hauteur des étages, les
dimensions des fenêtres, des portes, des balustrades..."
2
L e Corbusier.

Nous ne pouvons pas rendre compte de l'analyse complète du bâtiment effectuée au cours des
3
séminaires derecfcerche du groupe UNO/UP8 de 1980 à 1984. Cette analyse , était associée à celle d'
autres projets contem porains de Le C orbusier ceux des villas Meyer 2 et 3 et de la villa Stein. Ces
analyses comparées: avaient permis de dégager un mode de partition en plan et a i coupe commun à chacun
de ceux-ci, basé sur le partage du carré en quatre. Pour vérifier cette hypothèse, le cas de la maison Cook
est celui dans lequel ce principe était le plus clairement exprimé est le plus démonstratif, c'est par lui que
nous commen-cerons. Nous examinerons les deux autres cas plus loin.
Et pour mieux comprendre ce fonctionnement formel et spatial dans le projet il fallait alto ' au delà
de la simple observation. Il fallait employer les outils du projet d'architec-ture, tels la géométrie et les
moyens conventionnels de repré-sentation, pour faire réapparaître des figures effacées dans l’objet final.
Pour cette raison ce qui va suivre sera constitué, avant tout, de figures commentées plutôt que d'un
discours illustré.

1 Sur l'histoire du projet v o ir Benton Tim."Les Villas de Le Corbusier" Paris 1984.

2 œuvres 1910-29. page 130.


2
' r°ir le compte rendu faisant partie des rapports intermédiaires remis en Juillet 1981 etl983:
J e t e u r s de recherche: H. Ciriani et C. Vié.
rcheurs: Alain Dervieux, Brigitte Hellin, Hilda Sebbag.
Figure 1: Plan de masse

Figure 2 : Elévation perspective de la façade principale


Figure 5: séjour Figure : Toiture terrasse
6

74
Les plans des quatres niveaux ont été construits suivant un déboitement de deux carrés, l'un des
carrés comprenant la façade avant, les deux mitoyens et la limite arrière des blocs de service, l'autre carré,
comprenant la façade arrière et les retraits en façade avant. Le centre du deuxième carré est occupé par un
Poteau. L'axe commun en profondeur divise nettement le projet en deux parties.

Figure : Géométrie du rez de chaussée


8 Figure 9: Géométrie du 1° étage

75
Figure 10: Géométrie du 2° étage Figure 11: Géométrie
Figure 12.1. Disposition de la structure et des parois direc-tionnelles.
Figure 12.2. Position du système de circulation dans le carré,
g . . Figure 12.3. Dispositif de partition: marquage par des re-tombées de poutres qui génèrent des plans
Vl(tés, virtuels et par des parois opaques analogues aux plans-écrans de TVD et Mies.
Figure 13 • Etudes des deux deniers niveaux supérieurs par croquis d’approche .

. Cette série de vues dans toutes les situations spatiales a permis d'avancer certaines hypothèses sur
e rôle des opacités dans l'organisation de l'espace, hypothèses qui seront étayées par la suite.

- VOLUMES DANS LE VOLUME : l'inscripdon de volumes pleins ou vides s'effectue dans un


S° réference semi-cubique;

.. - DIAGONALES ASCENDANTES : on constate la mise en valeur d’une première grande


tension diagonale ascendante du coin bas du séjour (avant droite) au coin supérieur de la bi eque a
10
l’étage (arrière gauche), et une deuxième diagonale ascendante du coin bas de la salle à manger (avant
gauche) au coin haut du séjour (arrière droit).

- OPACITES, SOUS-FACES et SURFACES : enfin, les directions ascendantes sont appuyées par
un. jeu d'opacités complexe composé d'écrans verticaux et des sous-faces de volumes en saillies ou en
creux.

Pénétrons à l'intérieur de ces deux niveaux au moyen de vues en perspectives. Le mouvement de


l’espace est appuyé par des jeux de percements qui tantôt assurent des continuités, tantôt établissent des
stabilités. On peut constater, en figures 14, 15, 16, 17, le développement de l'espace de la salle à manger
jusqu'au balcon haut derrière la forme courbe en surplomb. La modulation de la lumière installe les
séquences suivantes:

figure 14 : la fenêtre en longueur associe la salle à manger au séjour.


Fieure 15 : la porte fenêtre donne l'axe du séjour, la grande baie vitrée élève l'espace.

Figure 16 : deux percements verticaux éclairent tangentiellement le semi cylindre en surplomb, cet
effet suggère un volume creux : l 'extérieur, l'oblique de l'escalier invite indirectement a monter vers lui.
Le seul plan stable, non perturbé est le mur latéral mitoyen du séjour. Ce plan reçoit les diagonales
ascendantes et c'est le seul élément visible qui les met en relation comme s'il était lui même un plan de
translation.
L’idée est donc venue d'examiner l'intérieur du projet à travers ce plan, on pourrait ainsi repérer le
fonctionnement architectural des deux diagonales et des opacités.

Figure 18 : Représentation littérale en perspective.

Figure 19 : Les opacités déterminent des coins intérieurs, que l'on peut considérer comme
le début (la salle à manger) et la fin (la bibliothèque) des diagonales.
Figure 21 : Si l'on trace les angles de découvertes correspondant aux diagonales on refait apparaître
le décalage des deux carrés régulateurs, ils laissent une souplesse d'implantation des éléments secondaires.
On voit que les formes secondaires, le poteau du bas, la forme courbe et le balcon de la bibliothèque, sont
dans les aires de découvertes. L’escalier les associe obliquement

Figure 22 : Diagonales dans l'espace.

, Figure simplifiée, ne tenant pas compte du décalage du tracé régulateur. Les aires constituées par
es parties découvertes en diagonale, donnent le sens de déploiement de espace.
1 es peuven
^Présentées par des pyramides situées l'une sur le plancher l'autre collée au plafond, es compor
acune 3 faces planes. Celle du bas comprend un demi plancher, le plan entier du mitoyen du séjour, une
emi faça(}e celle du haut, un demi plafond et une quatrième face perturbée par les deux p ans
^gulaires médians opaques.
Chacune de ces pyramides a une arête verticale à l'extrémité du plan conunu du séjour.
E xrfU liie* o e i* Mise est xAiAms*/ e u n x v ili. eu naine. : m it £*/ esiA rio tf t U - A t i t /** iw u m c e
P e u . C Ei o tm o r o u ii OêS C A M É S : ST/tOCJtUU- T/U*NC.UU>ie.& i OE «SC .U E OC

Figure 23 : Disposition des pyramides d’espace.

Les pyramides associées aux deux plans opaques médians et sécants, donnent un premier modèle de
représen-tantation du travail de l'espace.

JaAeeni. Ceupt- ScÉÉn^i. Coupe

Figure 24 : Représentation en plans et coupes schématiques.


__ _

/
/

Figure 25 : Modèle du fonctionnement spatial.

regarH ne modélisation plus abstraite peut être donnée en élevant le point de vue de la perspective, en
t r i a n t" 1. "dans la boîte". On peut alors matérialiser les sens de l'extension de l’espace par des formes
Schéma,aires' dégage ainsi un moyen projectuel intéressant: la possibilité e repres i
tquement en "négatif' c'est à dire par des formes, une intention de développement spati .
PRO BLEM ES DE REPRESENTATION.
L'oblique de l'escalier et le volume semi-cylindrique (deux éléments secondaires ) ne peuvent avoir
qu'une fonction particulièrement justifiable, car l'analyse précédente tend à prouver que Le Corbusier s’est-
contraim; dans ce-projet, à une économie architecturale savante mais rigoureuse.

II a déjà été fait remarquer que par sa concavité le volume courbe était repoussé versl'inténeur.
Cette concavité et les deux raies de lumière qui l'encadrent, renforcent la tuite de espace e p
du volume, et accentuent la poussée à l'intérieur de la salle de séjour. Cette poussée engen e un so e 1

v*rtuel qui tend à occuper le quart supérieur haut de l'espace. , . •


L'escalier est, par sa forme oblique, orienté contre cette poussée, ce qui créé une ensi q
ass°cie..Le quart supérieur haut, lieu de cette tension, est potentiellement rempli.

UNE STR U C T U R E FICTIVE.

On peut représenter analogiquement l'ensemble des deux derniers niveaux par un demi cube. Dans
l^e u*'ci deux parties pleines, formalisées par le volume plein de la cuisine et le vo urne vir ue pe
auL jouent en diagonale par rapport aux espaces vides. „
. Cette représentation axonométrique est évocatrice du principe de travail de espac
p>ais e*le ne constitue pas, pour le moment dans l’état actuel de la recherche, un nouve ou i p J ■
eu*-t-on perfectionner cet outil ? Il semble que, d’après les premières approches effectuées,
P°ssible. Nous esquisserons par la suite une approche de ce problème, car une telle lecture sera retrou ée
(^ans *a logique des projets Stein ( 1927) et Shodan ( 1956) .I.

I . La doctrine De Stijl condamnerait leur emploi, ce ne sont pas des éléments primaires , c’est a dire des
Plans-écrans.
_ 1 a t i / . y u a u k / a u g ic â u c ic p iw t u u iiiu ii u c a ucüa u c n u c is u iv m u a ia * li . ,
vuel.
es points de vue symétriques 1 et 4 donnent une meilleure lecture, et en particulier e poin
3. LES A PPO R TS.

1) L'extension ascendante mais contenue de l'espace.


D'une part, contrairement à TVD, Le Corbusier traite de l'extension de l'espace en la contenant dans
un volume enveloppe de référence. D'autre part, différemment de Mies, il développe cette extension vers le
haut, diagonalement à l'intérieur d'un cube de référence.
Le Corbusier développe l'extension pour aboutir à une unité spatiale. Cette unité qui n'est pas
appréhendable visuellement dans sa totalité, l'est par reconstruction mémorielle.

2) La lumière naturelle est modulée et module l'espace.


Pour Mies la lumière homogène, issue d'une enveloppe entièrement ouverte, propulse l'espace vers
la périphérie. Pour Le Corbusier, l'extension spatiale est "dévoyée”, réfléchie à l'intérieur, par les
différentes orientations de la lumière sur une gamme formelle plus riche que pour Mies; ces variations
sont provoquées par les diverses formes de percements de l'enveloppe.

3) Le volume enveloppe de contention.


Ce volume est un sim ili-cube, support d'une structure clairem ent décomposée suivant la
géométrie du carré. Dans ce cadre de base vont être disposés des éléments architecturaux suggérant des
oppositions pleins/vides.

4) La progression en spirale.
Le jeu pleins/vides induit une progression en spirale de l'extension, spirale ascendante jusqu'à la
terrasse-balcon ouverte vers le ciel... et vers l'entrée de l'immeuble. C'est l'embryon de la promenade
architecturale.

5) La mémoire.
Le parcours est réel, pratiqué, mais il est aussi celui du regard qui mémorise des enchaînements
d'évènements formels et spatiaux présents ou suggérés (l’extérieur du cylindre), Le Corbusier oblige à une
reconstruction mentale. L'image synthétique n'est jam ais une représentation planaire, frontale, ni jam ais
uniquement ce que l'on regarde, mais une accumulation de faits mémoriels. L'espace produit n'est plus
l'espace statique.

6) Les plans-écrans verticaux.


Disposés en coupe, ils sont les moyens essentiels de partition de l'espace (éléments prim aires),
teais ces coupes sont intriquées, articulées sans pour cela que l'espace soit reconnu comme celui produit
Pte: une seule coupe.

7) Le rôle des éléments secondaires lait l'objet d'une démonstration précise. Leur économie d'emploi
dans la conformation de l'extension spatiale justifie leur présence et leur combinaison avec les éléments
Prunaires du Mouvement Moderne : les plans-écrans.
3.2. LA VILLA MEYER. PROJETS EN 1 9 2 5 -1 9 2 6 1

Le: cas de: la villa M eyer offre des possibilités démonstratives intéressantes. D'une part, quatre
2
projets différents: en ont été retrouvés , ils montrent une évolution significative dans la réflexion. D'autre
part,'une structure architecturale, véritable ossature du projet, s'affirme en cours de la progression des études
e t se révèle être une constante que l'on retrouve dans le plan de l'appartement de l'im m euble-villa, celui du
Pavillon de l'Esprit Nouveau. Cette structure présente une forte analogie avec celle de la villa Stein.
Bien que conçue antérieurement, nous avons placé l'étude de de la Villa M eyer après celle de la
Maison Cook pour des raisons de facilité démonstrative. La Maison Cook constitue un exemple clair
montrant un travail sim ple, élém entaire, de Le Corbusier sur l'espace, on peut parler d'un travail de
rationalisation des actes du projet. Dans le cas de la Villa Meyer, ce dernier découvre progressivement un
ensemble de problèmes qui l'obligera à élaborer quatre projets avant d'arriver à un dispositif, relativement
moins clair que celui de la Maison Cook, mais potentiellem ent plus complexe, plus riche, on peut donc
situer les projets Meyer parmi ceux dont la problématique est une ouverture et reste encore aujourd’hui à
explorer.
Dans le cadre limité de cette étude nous ne pouvons pas analyser complètement les étapes de cette
3
démarche à: travers les quatre projets successifs. Cependant les deux derniers , dits M eyer 2 et M eyer 3,
contiennent, à eux seuls, les grands thèmes architecturaux exploités, par fa suite, dans d'autres villas-
laboratoires des villas Stein et Shodan. L'analyse des projets Meyer fait apparaître non seulement des traits
communs avec la Maison Cook tel la partition en croix dans un cube-enveloppe de référence, mais aussi
une conception différente, novatrice du rapport intérieur/extérieur. Ici, Le Corbusier tente une véritable
opération topologique en décidant d'intégrer à l'intérieur de l'enveloppe du projet un volume creux
représentant l'extérieur.
Enfin, on constate dans ces deux projets un regroupement particulier des blocs techniques et
l'utilisation architecturale de leur opacité, conjointement avec les murs et cloisons qui n'apparaît pas aussi
nettement dans Cook. C'est sur ces thèmes que nous insisterons plus particulièrement.

* Avec la contribution de Alain Dervieux.

^ Jacques Lucan et Denis Lhoste:"Villa Meyer, 1925-1926" in A.M.C. page 13 à I9.n°49. Paris

P^m ier est appelé Projet"0", le deuxième: "Premier projet*. A.M.C. n® 49.
A. LE PROJET MEYER 2. (Daté 1925 dans les 'œuvres complètes" et Avril 1926 sur les
originaux de la Fondation Le Corbusier).

Figure 1 : Plan du Rez-de-Chaussée Bas


Figure 3 : Plan de l'Etage
Figures 5 et 6 : Photo de maquette, vue vers le patio.

95
Exception faite du rez de chaussée bas, la disposition générale des plans est analogue à celle du
Pavillon de "l'Esprit Nouveau" qui est, pour Le Corbusier, le prototype "le standard"(sic) à améliorer. Les
projets Meyer, Ocampo, Stein fourniront les occasions de mise au point et de développement.

Figure . 7 : Plans du Pavillon de ’T Esprit Nouveau".


Le principe de division est identique à celui du plan du Pavillon, mais plus développé dans le projet
Meyer 2. Dans ce dernier on peut modéliser le dispositif architectural par le schéma suivant:

Figure 10 : études axonométriques

a) Deux plans opaques en mitoyen (comme dans le cas de la villa Cook) déterminent un volume-
cadre ouvert Nord/Sud. Près de la façade Nord un bloc vertical opaque rassemble les services: escalier,
cuisine, salle de bain. Le niveau le plus bas est traité en socle et est hors du système de partition.
b) Un volume creux, étroit, toute hauteur, divise transversalement le volume-cadre. Il se croise avec
un plan vertical opaque séparant la partie hall, séjour, chambre principale, des services et des chambres
secondaires. La croix ainsi formée verticalement divise le volume général en quatre quarts inégaux, le quart
le plus grand est un quart creux ouvert au climat extérieur et couvert d'une terrasse.
c) Les trois autres quarts sont divisés en trois étages qui contiennent les différentes fonctions
domestiques. .
d) Trois ordres de façades prennent place. La façade Nord et la façade Sud limitent le volume
enveloppe général, une troisième façade en équerre s'insère entre celles-ci et délimite le creux qui devient a
la fois extérieur et intérieur.
Figure 12 : vue du patio-jardin, la façade pignon étant arrachée.
Figure 13 : patio-jardin, transparence vers le séjour.
"Nous avions fait un poème architectural d'une forme un peu "malle Innovation"... Ouvrez la
mallette', et dedans c'est la boîte à surprises.(...).
Nous avons rêvé de vous faire une maison qui fût lisse et unie comme un coffre de belle proportion
(...) Nous pensons que l'unité est plus forte que les parties (...) une enveloppe simple (...) une seule masse
limpide apparaît..."*

Le "coffre de belle proportion" est composé en plan à partir d'un carré dont on voit ci-dessous les
subdivisions.

A A A

Figure 14 : Divisions à partir du carré du plan.

Extraits d'une lettre à Madame Meyer. Octobre 1925. "œuvres complètes" 10/29, page 89.
------------------- V
/

____________ \
\ ......................: .......................................................
/

N
\
y

\
/
_______
/

\
\
/

\ \
/

V 7
\

\ \
\
\ ............. : - ■ / i / \
\
\ /
/
/ N
\
/■
X \ /
' X
/ X / _______ ^___ * ............................................
7 ---------------------------------------------------------- ^

X _________________________________________ X

Figure 15 : tripartition du carré (hypothèse).


B- PROJET MEYER 3.

Ce dernier projet est réduit en profondeur par rapport au précédent, la rampe a été remplacée par un
escalier, la partie abritée du jardin est plus petite et sa couverture ne touche pas le mitoyen. La subdivision
duLivolume-enveloppe: est différente bien que s’appuyant aussi sur celle du carré.

Figures 1, 2, 3, 4: Plans des différents niveaux.


Figure : La partition du plan s'effectue suivant une base binaire: en profondeur A B A, en largeur
6

A B A A.
On obtient une équerre regroupant les parties closes et un rectangle AAB/AB dont une partie carrée
AA sera couverte.
Figure 7: Le volume de référence est l'addition d'un cube parfait d arête AB A et d un parai e îpipède
^ largeur A. Dans ce volume est taillé un creux cubique à l'intérieur duquel sera posé 1auvent carre qui
marque à son tour un cube virtuel.
Figure : Le cube du patio couvert et le cube directeur de l'enveloppe ont une arête commune qui de
8

Ce fait devient une verticale particulièrement remarquable. Cette verticale est à la fois dans la partie la p us
éloignée de l'intérieur clos et le segment conjuguant un maximum d'effets formels et spatiaux.
Figure 9: On retrouve un système de partition en croix identique à celui du projet Meyer
ainsi que les deux plans mitoyens opaques et l'effet de socle.
Figure 10: Schémas axonométriques récapitulatifs.

3. STRUCTURE ET LUMIERE : LE CUBE CREUX.

Le cube creux, un quart du projet, sert de transition entre l'intérieur et 1extérieur. Il intègre à la
Raison un volume d'espace lumineux qui est à la fois du dedans et du dehors, comme creux bâti,
architecture. L'équerre du volume clos a sa propre façade sur cet espace, mais une autre façade tend à clore ce
dernier sur l'extérieur. Contrairement à Meyer 2 , cette façade ne ferme pas complètement 1espace cubique,
eüe est ouverte sur une travée de haut en bas, créant ainsi une fluidité ambiguë entre extérieur-jardin et le
1

creux, (voir figure 8). .


L'intérêt de ce système de partition et la raison de son choix par Le Corbusier, sont qu il donne les
Moyens de contrôler la pénétration de la lumière au coeur d’une densité projectuelle. Il permet un habile
dosage entre densité et lumière. , .
La couverture en auvent sur une partie du cube creux permet de créer des relations visue es
complexes depuis l’intérieur clos vers la terrasse et le ciel. Dans la mesure où ce projet précède ce ui de a
Raison Cook, on comprend mieux le rôle de la forme courbe émergeant dans le séjour de cette demiere.
Elle est le substitut de l'auvent de la cour intérieure de Meyer 3, et sa réduction sous des contraintes
te n s io n n e lle s qui ne permettaient pas le déploiement d'une réelle cour couverte.
Le quart creux est une part de l'extérieur absorbé, conquis, architecture. C est aussi un
Prolongement magnifique du séjour.

LA PARTITION EN EQUERRE.

La figure en équerre contient .es potentialités suivantes :

Figure 1 la : elle permet l'articulation de deux directions qu'elle hiérarchise : une direction privilégiée
et un sens prépondérant.
4 B

A B

Figure 1lb : la figure génère un jeu d'épaisseurs et des différences de statut d'espaces particuliers:
l'espace à la rencontre des deux corps de l'équerre, l'espace carré à l'extérieur.

3
1 • 4

Figure 11c : L’équerre permet de déplacer la centralité géométrique du carré d'inscription en lui
substituant d'autres pôles architecturaux. Ceci est obtenu, d'une part, par la création, dans des zones
excentriques, d'espaces reconnaissables comme ayant des statuts majeurs et possédants leurs centres propres
(voir ci-dessus) et d'autre part au moyen de l'inclusion d'un bloc technique opaque, composé d escalier, de
gaines et de services, bloc perturbant toute référence à la centralité géométrique.

d) le plan en équerre permet trois types de coupes suivant l’orientation bi-directionnelle induite par
deux murs-pignons opaques et les façades éclairantes Nord, Sud.

5. LE ROLE DES OPACITES.

"...on est accoutumé depuis des années à voir des plans qui sont si compliqués quils donnent
1impression d'hommes portant leurs viscères au-dehors. Nous avons tenus à ce que es viscères soien
dedans, classés, rangés et que seule une masse limpide apparût. Pas si facile que cela . A vrai ire cest a
Smnde difficulté de l'architecture: faire rentrer dans le rang."
L.C. extrait de la lettre à Mme. Meyer

Nous ne reviendrons pas, à propos de ces deux projets, sur le travail d extension spatiale à 1intérieur
d'un volume-enveloppe, dont la Maison Cook et la Villa Stein donnent des exemples suffisamment
atlalysés ici, et démonstratifs de sa manière de procéder. Il faut cependant souligner que e or usier
^cherche, au cours des différentes étapes de son travail sur les projets Meyer, à maîtriser e ro e es
°Pacités construites, nécessaires, par rapport au rôle qu'il veut faire jouer à la lumière et au travai es
dations spatiales. - ,
Pour ce faire, d'abord il regroupe, comme nous venons de le voir dans la partition en croix,^ a
P upart des services dans une tour fonctionnelle, véritable machinerie qu il appelle d ailleurs e t ermos e
*îui sert à instaurer une hiérarchie dans les bras de l'équerre entre la partie séjour et la partie es c am res.
., Les cloisons opaques sont systématiquement disposées perpendiculairement à la direction pnncip e
arrivée de lumière, comme un jeu d'écrans en quinconce, qui pondère l'afflux de lumière et rami îe e e
de fluidité spatiale.
Figure 12: Meyer 2. Plans opaques verticaux face au Sud .
Figure 13: Meyer 3. Plans opaques face au Sud.
"... Ah oui, le tambour de service! Au beau milieu, bien sûr! Pour qu'il serve à quelque chose. On le
fait avec, des briques des liège qui l'isolent comme une cabine de téléphone ou un thermos.(...) Le service
traversera maison.de haut en bas, comme une artère."
lettre à Mme Meyer.

Cette véritable colonne opaque devient un élément moteur des relations spatiales. Le noyau de
service se distingue par sa compacité, et sa présence opaque à tous les niveaux. Il est concentré pour
devenir à la fois un constituant fonctionnel et plastique. Obstacle massif, il est omniprésent, vue de la
plupart des espaces traversés, tantôt éclairé, tantôt en contre-jour, c'est un objet référentiel de orientation.
1

Figure 14: Meyer 2. Composition et emplacement du "thermos"


Figure 15. Meyer 3. Composition et emplacement du "thermos".

7. EN RESUME.
Les deux derniers projets de la Villa Meyer permettent à Le Corbusier de mettre en train des
Possibilités de réponses aux problèmes immanents de la conception moderne de 1espace arc ltectu^
- l’extension spatiale ne peut être traitée, maîtrisée, qu'à intérieur d un vo ume-enve oppe e
1

intention.
- ce volume doit posséder une géométrie facilement décomposable et permettant une répartition
^jaire des différents éléments du programme. C'est sans doute l'explication non-mystique e intere e e
Corbusier pour les solides platoniciens et en particulier le cube. Explication qui exclut de ces solides la
Pyramide et la sphère dont la décomposition géométrique intérieure est des plus complexes.
- ce volume donne un plan de l'ordre du carré dans lequel est tracé ici une équerre et son carre
residuel. L'équerre offre la possibilité d'une partition en croix. . , ,
. - L'équerre apporte une richesse et une variété de dispositions en coupe par rapport a amvee
‘hmière.
p - le carré résiduel, le quart creux permet l'arrivée de la lumière au plus près de angle de équerre.
1 1

tait Pénétrer, à l'intérieur du volume-enveloppe, de l’espace défini comme extérieur et une decouverte du
ciel.
,, - l'angle creux, aire névralgique de l'équerre, est exploité comme un lieu particulier de architecture.1

lendroit où se rencontrent deux façades d'ordre différent. On abandonne ici la soluuon classique des taçades
c°nçues d'abord pour leur frontalité, leur angle de rencontre n'étant en général étudie que comme passage aes
d é n a tu re s . .................................................
- Une colonne opaque regroupant l'essentiel des services, installée à 1intérieur de équerre près e1
son angle névralgique, sert à instaurer les hiérarchies principales exigées par le programme.

Le projet de la Villa Stein reprend ces solutions et les combine avec le déploiement spatial que nous
avons analysé dans les deux derniers étages de la Maison Cook.
3. 3 . L A V IL L A ST E IN A © A R C H E S. 1927.

” La villa que vous avez acheté à Monsieur Stein est, comme je vous l’ai dit, entrée dans
L’histoire de l’architecture. Elle est considérée comme l’un des jalons essentiels de l’architecture
contemporaine. (...) Cette maison a été conçue pour représenter une unité complète de l’extérieur, de
laLdisposition intérieure et le mobilier devrait être fait à l’unisson...”
Le Corbusier, lettre à M. Steen du 4 octobre 1935. Fondation Le Corbusier.

La V illa Stein, qui précède de deux ans la V illa Savoye, est la combinaison et la réalisation
démonstrative, m agistrale, des recherches amorcées dans les projets "Esprit Nouveau”, Cook, et Meyer.
Les problèmes soulevés coup par coup dans chacun de ces projets, les résolutions ponctuelles qui en
étaient trouvées, y sont ici rassemblés et articulés. Dans cette villa de campagne, Le Corbusier a pu se
libérer des contraintes de la parcelle de Cook et de la référence à l’immeuble-villa que contenait Meyer.
Comme le Pavillon de Barcelone pour Mies, la Villa Stein est le premier exposé littéral et théorique
des conceptions de l’espace architectural moderne de Le Corbusier.
Nous avons vu que ces conceptions de l’espace prennaient en charge le principe de la continuité, de
la fluidité et de l’extension décelé dans le travail de Théo van Doesburg et plus progressivement dans celui
de-Mies.
Nous avons vu que Le Corbusier contenait cette extension dans une enveloppe semi-cubique.
L’extension spatiale, du fait de cette contention se développant d’une manière ascendante, induisait un
mouvement en spirale vers le haut. Dans la V illa Cook, ce mouvement de l’espace était aussi celui d’un
parcours praticable de la salle à manger au balcon à travers le séjour, l’escalier, la bibliothèque et la
terrasse. Cette superposition de l’effet d’extension au parcours pratique, autrem ent dit de l’espace
émotionnel de représentation à l’espace de la pratique, recouvre, comme nous l’avons déjà dit, l’une des
préoccupations fondamentales des leaders du Mouvement Moderne. Comment développer, déployer,
l’espace de l’architecture moderne tout en tenant compte des modèles culturels de pratique ?
La maison bourgeoise était le cadre privilégié de cette recherche. Le Corbusier écrit à propos de la
Maison Laroche :
"Cette seconde maison sera donc un peu comme une promenade architecturale. On entre : le spectacle
architectural s’offre au regard; on suit un itinéraire et les perspectives se développent avec une grande
variété; on joue avec l’afflux de la lumière éclairant les murs ou créant des pénombres.”
M ais cette "M aison pour un célibataire” est celle d’un collectionneur, l’espace n’a comme seule
contrainte que celle d’offrir un parcours à la contemplation, étape par étape, des oeuvres d’art, il se prête
parfaitem ent à sa conversion en "promenade architecturale”. Sous les contraintes d’un programme plus
typique de logement fam ilial bourgeois, cette liberté est beaucoup moins évidente. La V illa Stein va être
l’occasion de résoudre ce problème.

LA PROMENADE ARCHITECTURALE.

Il nous faut d’abord parcourir cette villa, nous "promener architecturalement, pour pouvoir décrire et
faire apparaître des articulations particulières entre le parcours pratique et les effets spatiaux.

L. C. O. C. 1910/1929, page 60.


Figure A : Plan masse du terrain

La promenade architecturale s’étend à l’ensemble du terrain. La villa en occupe presque toute la


largeur, déterminant une aire avant, publique (de représentation) et une aire amère, privée.
Figure 1 : La Villa vue depuis l’entrée du jardin.

Un petit auvent, situé entre le portail d’entrée et la maison du gardien, marque la découverte de la
façade entière (point 1), il participe d’un axe central lié à la façade de la maison. Le recul est important, de
3,5 fois la largeur de la façade et 5,5 fois sa hauteur. Ce recul et la longueur du temps d’approche qu’il
entraine, permettent la reconnaissance progressive du travail de proportionnement de la façade au moyen des
tracés régulateurs.
Figure 2: Perspective rapprochée de la Villa.
La disposition de l’entrée du jardin, de l’allée,et de l’entrée principale du bâtiment fait passer,
successivement le promeneur, à droite puis à gauche puis à nouveau à droite de l’axe central. Si 1allée se
dirige vers l’entrée de service, en s’approchant un auvent, d’abord écrasé par la perspective, prend peu à peu
du relief et marque l’entrée principale. ,.
Des deux vues suivantes d’approche constituent une première séquence extérieure de a promena e
architecturale”, qui jusqu’ici correspondait au cheminement pratique d un piéton.
La totalité de l’avant du terrain a été appréhendée (sa largeur au même titre que sa longueur), mais la
maison n’est représentée que comme un écran qui, bien que savamment traité, ne laisse rien présumer e
l’agencement intérieur. Ce n’est qu’aprés avoir franchi l’épaisseur de cet écran que s’effectuera la decouverte
et la compréhension progressive de la maison.
rectangle de base

Figure B : Plan du rez de chaussée, séquences visuelles.


A première vue, le plan du hall d’entrée est d’une complexité incompréhensible. Initialement, dans
un projet intermédiaire de janvier 1927*, cette entrée était un rectangle parfait, sans double hauteur, dans
lequel l’escalier occupait une position quasi-centrale. Dans le projet Final, l’espace du hall est dynamisé par
des jeux d’oppositions.

voir T. Benton,"Les villas de Le Corbusier”. P. Sers, Paris 1984. pages 174 à 178.
Figure 3: De l’entrée en regardant vers la droite.
Une première opposition est provoquée par des mouvements contraires induits. D’une part, on entre
perpendiculairement à la façade écran et cette direction est marquée par l’auvent extérieur et par quatre
poteaux qui conduisent à une forme convexe (angle de vue 3), un mur en biais oriente l’espace vers cette
forme. Mais, d’autre part, cette forme convexe renvoie, réfléchie l’espace et dirige l’attention sur deux pôles
opposés: à droite,l’escalier et à gauche, le vide vers le haut.
Le regard est attiré par une échappée verticale, une double hauteur, d’où provient un flux de lumière.
A travers cette ouverture, on peut découvrir une partie du séjour au premier étage.
Figure 6 : Vue vers le séjour.
Le hall d’entrée est un espace dynamique où l’on ne peut rester, l’extension ascendante sur la gauche
montre que l’important est au-dessus, l’escalier est le moyen d’y accéder.

Il est important de souligner que si nous présentons actuellement des "découvertes” dans l’ordre d’une
visite, nous ne voulons pas pour autant donner l’impression que la promenade architecturale est un
parcours continuellement obligé. Nous suivons cet ordre parce qu’il nous a aidé à une approche
méthodique et à une meilleure démonstration des articulations. Nous verrons plus loin qu’il y a
d’importantes ruptures des séquences perceptuelles et que, ici aussi, Le Corbusier fait appel à un travail de
la mémoire pour la re-collection des évènements séquentiels.

Figure 7 : Perspective vue de la première volée de l’escalier, en regardant vers sa gauche.


On remarque dans cette vue que l’escalier longe une grande baie vitrée partant du plancher du premier
niveau. On découvre l’espace de la terrasse et plus particulièrement son sol.
Si au rez de chaussée le premier choc "émotionnel” est l’échappée visuelle dans l’espace provoqué par
la double hauteur; au premier niveau le choc est produit par l’immensité de la terrasse contenue entre deux
parois verticales.
Il existe un rapport diagonal entre ces deux espaces découverts dans la suite de la promenade (voir
point 6).
Découverte successive des espaces faisant partie de la promenade
architectur ale au premier niveau.

Figures C l : Plan de l’étage du séjour. Schémas d’organisation. Au cours de son déplacement,


différents points de vues s’offrent au visiteur, points situés à des nœuds clés. Découverte successive des
espaces faisant partie de la promenade architecturale à ce niveau.

Figure C.2 : Points de vue des perspectives au niveau du séjour.


Rapports diagonaux établis
-entre le R.D.C. et le premier
-entre les deux branches du L du
séjour

lit blio
3

Figure C.3 : Rapports diagonaux établis :


- entre le rez de chaussée et le premier étage;
Figure 8 : Vue perspective à partir de la deuxième volée de l’escalier, arrivée au premier niveau.
Les meubles-casiers incurvent la direction principale donnée par une file de trois poteaux et la fenêtre
en-longueur, première branche d’un L. Ces meubles infléchissent le parcours pratique et 1orientent vers la
branche majeure de l’équerre intérieure : le séjour.
Figure 9 : Vue perspective montrant la découverte du séjour et du volume de la salle à manger,
découverte appuyée par la courbe du meuble-bibliothèque.

L’extension et le déplacement sur la gauche sont renforcés par le flot de lumière arrivant des grandes
baies de la façade Sud deux fois plus hautes que celles, en longueur de la Nord.

Le séjour proprement dit est un espace directionnel s’ouvrant largement sur l’arrière du terrain, un
mur opaque le sépare de la terrasse. La seule vue sur celle-ci est donnée par une baie verticale située contre
la façade Sud. Cependant un volume convexe, isolant la salle à manger, provoque une pression, une
tension vers cette terrasse, vers l’angle creux.

Ici finit la deuxième séquence de la promenade, la séquence in térieu re pu b liq u e. Dans cette
séquence des cheminements sont induits par des tensions, des points de vues sont mis en evidence, mais le
parcours n’est déjà plus obligatoire, il ne "colle" pas au déploiement de l’espace.
L’image du parcours en spirale qui était effectivement constitué dans le premier projet (voir fig.D)
est encore sensible sous la forme de vestiges dans cet angle creux. Le Corbusier en a éliminé le parcours
même pour n’en conserver que le cadre et les relais visuels qui l’animent. Comme l’image d’un parcours
inaccessible.
Le premier relai visuel est le balcon intermédiaire (l’angle creux est sur deux niveaux), relai mis en
évidence par la grande ouverture dans le pignon Ouest. Un point de vue particulier est marérialisé par une
petite tablette qui se découpe dans cette transparence, nous reviendrons sur ce point important.
Figure 12 :Vue du balcon vers le bas.
On remarque ici aussi, la tablette situant le point privilégié des vues en transparence.

Figure 13 : Vue du balcon en regardant vers la terrasse-toiture.

On aperçoit un objet architectural singulier, ”le pont supérieur” relai visuel auquel on ne peut
accéder que de la terrasse en toiture par un escalier en colimaçon.
De la petite tablette du balcon qui invite à s’accouder et à contempler, on comprend, le plus
totalement l’espace déployé à partir de l’angle creux. Comme l’induisait la petite tablette à l’intérieur entre
la bibliothèque et le séjour, d’où l’on pouvait apprécier tout le jeu spatial de la séquence intérieure.
Figure 14 : Vue en arrivant sur le toit-jardin.

On découvre un nouvel objet singulier, à travers l’escalier en colimaçon :”l’objet-fenêtre”.

”L’objet-fenêtre” derrière lequel on s’assoit, le dos au jardin est fait installé pour regarder le cœur de
la maison, le débouché du quart creux dont la base est située au niveau du séjour, c’est la fin de la troisième
séquence qui se déroulait (épisodiquement) autour de ce quart creux.
”Le pont supérieur”, la dunette, est offert, au contraire, pour regarder au loin. C’est le dernier
élément de la promenade architecturale, mais c’est l’ouverture d’une nouvelle séquence dont les limites sont
celles de l’horizon à l’arrière du terrain.
Figure E : plan de l’étage supérieur..
Figure 15 Les contre-vues, vers l’extérieur, vers l’intérieur.
m u jK . — M o n r » u r î tracirttifl—
tui aaa H » l / C M l O « U t La
a niT la h l« m i i h -cai

Figures F. Répartitions des grandes séquences spatiales de la Villa Stein dans son terrain.
La Villa constitue une barrière dans le terrain déterminant une aire avant et une aire arrière. La façade
Nord-avant est à la fois un plan écran, dont on saisit l’épaisseur par les transparences de ses bordures
latérales, elle est aussi le début d’un système de séquences. Elle constitue un objet d’articulation entre
l’avant et l’arrière, à partir d’elle se développera un complexe comprenant l’organisation spatiale de la
maison et de sa zone extérieure privée.

L’un des objets du projet est de réaliser un mode de franchissement de cette façade-écran-obstacle au
moyen de la promenade architecturale, à travers un dispositif magique, véritable miroir d’Alice.
Le but est une appréhension séquencielle mais progressivement totale de la Villa et de son terrain.

LA PROMENADE E ST UNE CLEF DU PROJET.


2- ETU DE DE LA PA RTITIO N EN PLAN.

B 4-0+
_ê_

Figures 16 et 17 et 18 : schémas de partition géométriques de l’étage noble.


Sans approfondir l’étude comme cela a été fait" pour les projets précédents, on peut noter que comme
pour la Maison Cook et la Villa Meyer la partition en plan est basée sur celle d’un carré. Cette figure est
obtenue à partir de la division du rectangle de base en trame binaire sur le grand coté A B A B A dont le
premier couple A B comprend, à l’étage principal, les services, la salle à manger et une partie du séjour
défini par l’alignement sur la cage d’escalier de service^. Le deuxième côté est divisé en trois trames C C

voir étude sur la trame ABABA par T. Benton, op.cit. page 174.
C. Nous donnons, ci-joint, des tracés régulateurs qui montrent l’implantation du ”quart creux”, la grande
terrasse et de son pendant qu’est le vide du séjour vers le hall d’entrée, au rez de chaussée. Nous reviendrons

Figure 19 : Niveau entrée.


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Niveau 2.
RECHERCHE D’UNE DECOMPOSITION VOLUMETRIQUE.

Figure 23 : Structure à partir du cube enveloppe.

Nous analyserons cette décomposition, que Le Corbusier va reprendre dans plusieurs de ses œuvres
majeures, dans la conclusion.
En première approche l’axonométrie montre la balance diagonale des deux espaces creux par rapport
au niveau du séjour. On remarque que la diagonale de cette relation est celle d’un quasi-cube dans lequel
l’espace de la terrasse, sur plan carré A B et C C occupe lui aussi un cube. La trame centrale C partage par
le balcon la grande terrasse. Le volume du hall et le volume de la terrasse sont ainsi rendus équivalents.
La relation diagonale est déterminante pour la constitution et le développement des espaces contenus
dans l’équerre résiduelle intérieure, sans que pourtant, cette relation n’ait une existence visuelle
omniprésente.
Seul un parcours total, c’est-à-dire jusqu’au sommet de la "dunette”, peut permettre une
reconstitution globale de l’ensemble des séquences et de leurs articulations. Car ce parcours est discontinu,
on doit franchir des lieux à statuts public/privé différents, le hall, la bibliothèque, le séjour, la grande
terrasse, l’escalier et les chambres privées, la terrasse du ”pont supérieur”. La promenade architecturale ne
se reconstitue que par un travail de la mémoire, travail qui s’appuie sur deux espaces creux de réference: le
vide du hall et celui de la terrasse.
L’intérêt de ce développement des principes contenus d’une façon embryonnaire dans la Maison Cook
est capital pour comprendre le mode projectuel de Le Corbusier. Nous reprendrons ce thème dans la
conclusion de cette étude.
A N N EX E

L’ETAT PRIMITIF DE .LA PROMENADE DANS LES PREMIERS PROJETS DE LA VILLA


STEIN.

On constate, dans les premiers projets, une recherche et exposé littéral de thèmes possibles de la
promenade. Cette dernière est constituée d’une succession d^évenements” architecturaux: situation à cheval
entre l’extérieur et l’intérieur, parcours en balcons, tantôt à l’intérieur, tantôt à l’extérieur, rencontre d’objets
formels singuliers tels que cylindre, plan ondulé. Cette promenade est quasiment continue et explicite, dans
le projet réalisé, elle est devenue allusive.

Figure 24 : Plans des différents étages (version ancienne).


f?'*'

Croquis 1928 Î.J-h.-)»

Figure 25 : Croquis de Le Corbusier. extraits de O.C. 1910-1929.


DU LIEU A L’ESPACE.

Lorsque Brunelleschi, Bram ante ou Borromini concevaient leurs œuvres, ils associaient des
éléments de répertoire suivant-des régies de composition qui sont devenues, au cours des 16,17 et 18 ème
siècles, de plus en plus rigoureuses et codifiées en un système (d’ailleurs diversement form alisé) dit des
"ordres”. Ces éléments composaient des unités spatiales connues, expérimentées, liées à des traditions
constructives. Portiques, galeries, salles voûtées, rotondes, coupoles, constituaient de véritables types
architecturaux dont on connaissait parfaitem ent les capacités spatiales : mono ou bi-directionnalité, effet
centrifuge, centripète, etc... D ifférents lieux pouvaient être assem blés suivant des règles basées
essentiellem ent sur des axes (sym étries, enfilades). L’appréhension visuelle de ces organisations
s’établissait à partir des régies de la perspective qui en donnaient une vision unitaire du ou des lieux.
La Forme simple, cohérente conférait au Lieu une spatialité évidente. Ainsi, l’effet bi-directionnel
de salle voûtée en berceau était perçu quelle que soit la position de l’observateur, même en dehors d’une
position idéale sur l’axe principal de circulation.
Cette clarté de rapport entre la Forme et le Lieu caractérisait l’idéal classique. Cet idéal s’étiola à la
montée des bouleversements sociaux-culturels du 19° siècle. Les ordres architecturaux, les régies de
composition qui dictaient les proportions et la disposition en lieux architecturaux typiques furent & ranlês
par la pression des nouveaux programmes, l’exigence d’une nouvelle urbanité, l’évolution accélérée du
savoir technique et esthétique. Les m odalités de composition issues de la tradition classique furent
progressivement reléguées au rang de vétustes catégories archéologiques et perdaient leur capacité de
contrôle de la globalité du projet
L’éclectisme dominant de la fin du 19e et du début du 20” traduit une recherche de nouvelles formes
de réponses aux exigences de la Société industrielle en développement. M ais l’exubérance form elle
éloignait le concepteur de la maîtrise spatiale. Et même la rationalisation de cet éclectisme par P. H orta ou
H. van de Velde privilégiait d’abord le travail formel, stylistique. La perception claire du rapport entre la
Forme et l’Espace devenait de plus en plus difficile. La reprise en compte de ce rapport va se fane parm i
lent rhgmmoTnont à travers les oeuvres de W agner, Olbrich, Hoffmann, Loos et Perret*.

Rappelons la citation de H. Lefebvre:

"Pour l’espace perspectif, l’espace de catastrophe sera Pèspace capitaliste. L’un commence la
ruine de l’autre. Le phénomène est visible dans le cubisme analytique de Picasso ou dans la peinture
de Kandinsky. L’aboutissement de cette ruine de l’espace perspectif est caractérisé par le fait qu’un
monument, une architecture, un objet est situé dans un espace homogène «t non plus dans un
espare qualifié, qualitatif. Il est situé dans un espace visuel qui permet de tourner autour. Picasso,
Klee et les membres du Bauhaus ont simultanément découvert qu’on peut tourner autour des objets
de l’espace et qu’ils n’ont plus de surface privilégiée. Ils ne s’orientent plus vers celui qu'ils
regardent ou qui les regarde. Ils sont dans un espace différent et sont indifférents à cet espace qui est
en voie de quantification com plète. (...) Quand et où, comment et pourquoi une connaissance
négligée celle d’une réalité méconnue, à savoir l’existence de l’espace et de sa production a-t-elle été
reconnue?"2.

Ce texte garde toute sa pertinence même si nous ne sommes pas entièrem ent d’accord avec son
auteur sur la paternité de la "Ire-découverte” de l’espace architectural^. Nous pensons avoir démontré qu’il

1 voir K. Framton "Modem architecture, a critical history”. Londres 1980.


2 Lefebvre H ." Introduction à l’espace urbain" Métropolis n° 22; octobre 1976.
3 Le panhaw de W. Gropius comme celui de H. Meyer ont avant tout été des laboratoires d’essais et de
synthèse des ««irfnnrü* plastiques ainsi que de recherche pédagogique, plus que des moteurs de la recherche
architecturale.
revient à Théo van Doesburg, avec la dette que l’on sait à F. L. W right, d’avoir exposé dans ses
axonométries de la "Maison d’artiste” en 1923, le nouvel objet de l’architecture : l’espace continu en
expansion om nidirectionelle, et c’est bien ce dernier qui constitue "l’espace de la catastrophe" pour
l'architecture traditionnelle.
II est im portant de bien mettre en évidence que, autant par essence idéologique que par les effets
directsdie révolution du Mode de Production, cette reprise en compte de la spatialité est destructrice des
rapports jadis stabilisés entre la Forme et l’Espace. L’espace continu, centrifuge, construit par Théo van
Doesburg est à la lim ite de rupture du rapport Espace/Forme.
La mise en évidence qu’Espace et Forme ne constituent pas une entité obligée, va avoir pour
conséquence d’entraîner la prise de conscience, par les leaders du M ouvement Moderne naissant, de la
possibilité de séparer ces deux concepts 1. Le rapport entre Forme et Espace pouvait désorm ais être
considéré comme un objet d’interrogation, de définition et de travail. Théo van Doesburg allait plus loin,
il posait une question radicale qui était de savoir qu’elle était la lim ite maximale d’éloignement, la lim ite
de rupture, entre ce qui constitue la Forme et ce qui défini l’Espace? Cette question d’un poète-peintre,
apparemment d’ordre métaphysique^, est restée ouverte. A l’opposé de la liberté conceptuelle de Théo van
Doesburg, les architectes praticiens et constructeurs, tels que Le Corbusier, M ies van der Robe ou
Rietveld, qui eurent très tôt conscience de l’autonomie relative de l’espace architectural par rapport aux
formes typiques d’édifices, ont développé e t appliqué leurs recherches dans les conditions concrètes,
programmatiques, techniques et culturelles de leur époque qui évitait de répondre au radicalism e de Théo
vanEfoesburg.
Us tentaient de conformer un espace continu en expansion, d’en m aîtriser te déploiement, avec tes
moyens constructifs disponibles et 1e vocabulaire formel que ces moyens autorisaient & l’époque. On
pouvait donc attendre qu’à leur suite, une évolution de cette recherche, correspondant autant a u
développement, depuis considérable, des capacités techniques, qu’à l’augmentation de la commande sociale
et qu’à l’élargissement du champ culturel et artistique, soit sensible.
Or aujourd’hui la question est encore ouverte. A tel point que seuls quelques groupes d’architectes
dispersés sur la planète reconnaissent l’espace comme objet et champ privilégiés de l’architecture. Et si tes
conditions sociales, techniques et culturelles ont radicalem ent évoluées, offrant ainsi des possibilités
formelles nouvelles, paradoxalement la réflexion et te travail des pionniers du Mouvement M oderne n’ont
été poursuivis qu’en pointillé. Ces lacunes, ce quas/vide culturel dans 1e développement de la recherche
s’accompagnent d’une réaction prônant te retour aux formes tante-classiques. Les raisons de ce retrait sont
m ultiples^, nous pensons qu’il n’est pas nécessaire de tes développer entièrem ent ici. Cependant du point
de vue architectural nous les résumerons ainsi : 1a Forme a une inertie sociale et culturelle que ne possède
pas l’Espace. La Forme est celle de la matière produite, quantifiable, coôteuse, elle dora» l'apparence de
l’objet fabriqué, elle en porte tes signes, elle s’offre en prem ière lecture, c’est elle qui réfère te plus
directem ent à l’objet de consommation, au typique, à ce qui est connu, reconnu. A l’opposé l’Espace
architectural est une notion récente, un vide peuplé d'objets éclairés, peut être un concept m ais difïicile à
concevoir, à reconnaître, à analyser, à transm ettre, à enseigner. La pression socio^culturelle pousse
l’architecte à privilégier la Forme, et c’est pourtant par l’Espace et dans l’Espace que réade l’Architecture.
C’est pour cela que 1e travail de Mies van der Rohe et de Le Corbusier a tant d’importance. Car, non
seulement, ils ont créé des œuvres qui en première lecture séduisent par leur qualités formelles, m ais qui
ensuite retiennent l’attention en donnant à voir et à apprécier une "spatialité” complexe mais lisible. C’est
ce travail radicalement différent du fétichisme formel, caractéristique de l’architecture médiatique actuelle,
que nous avons voulu mettre en évidence dans cette étude.*

* Les architectes ne faisant, alors, que suivre les m athém aticiens, les physiciens, les peintres e t les
sculpteurs.
2 V oir les travaux de H. Lefebvre et ceux de H. Raymond et M. Segaud par lesquels & ont dém ontré que la
stratégie de développem ent du capitalism e est devenue de plus en plus “spatiale" (planétaire), alors q u e la
form e e t en particulier celle des objets de consom m ation, p erdait ses particularités locales pour se banaliser,
s’uniform iser, se norm aliser en tan t que représentation universelle d'une m archandise. Un frigidaire c est un
parallélépipède vertical de base 60 cmx60 cm, qui s’inscrit dans une série dite de Télectro-m énager dont trais
les com posants o n t pour base 60x60. Si l’espace est de l’ordre de la stratégie "géographique", la form e est
stable, répétée pour être facilem ent reconnue (par l'acheteur), la form e a une forte inertie.
* V oir note précédente et toute la littérature typa-m orphologique des années 70.
Nous avons vu que le travail de Mies prenait en compte les apports de Théo van Doesburg, mais
qu’à l ’extension centrifuge engendrant un espace architectural inim itable, M ies opposait la nécessité de
lim ites: obligatoires. Cette nécessité l’a conduit à contenir l’extension et à la guider par un ensemble
diélém ents form els prim aires : des plans-écrans, assem blés en L ou en U. Ce travail de contention de
l’èxtension: spatiale loi a permis, parallèlem ent, de mettre au point un véritable traité du jeu des opacités,
des transparences architecturales, d’utilisation des reflets.
Nous avons montré, à propos du Pavillon de Barcelone, que l’on pouvait dégager un répertoire de
différents types de transparences, non pas littérales, mais phénoménales au sens de Colin Rowe, c’est-à-
dire inductrices et indicatrices de la continuité en profondeur de l’espace.
Ces transparences se développaient dans un espace s’étendant horizontalement. Quelles sont les
raisons qui obligeaient Mies à travailler cette extension à partir de l’élévation littérale du plan, élévation
lim itée, contenue, entre deux plaques horizontales? L’espace architectural ainsi produit est tu » projection
orthogonale pure du plan au sol vers le h a u t Le dessin du plan donne la lecture imm édiate du projet.
Pourquoi cette dominance, cet "empire du Plan” sur la Coupe qui elle n’a, alors, de raison d’être que pour
indiquer la hauteur entre les deux plaques horizontales lim ites? Pourquoi l’auteur du Pavillon de Barcelone
va-t-il procéder, dans la suite de son œuvre à une réduction formelle telle que la représentation finale de son
évolution sera la boîte de verre subdivisée par quelques écrans, comme dans la M aison Famsworth ou le
M uséede Berlin?
Peut-être avons-nous approché une possible réponse. L’une des caractéristiques de l’architecture des
leaders du Mouvement Moderne est la tendance à dissocier l’espace de réalisation de l’architecture, de
l’espace de la pratique usagère, conforme au mode de vie, au/programme. B ne s’agit pas d’une rupture
totale mais plutôt d’un "décollement”. Comme si, parallèlem ent à la réponse nécessaire, adéquate, obligée
au programme et aux fonctions, l’architecte superposait l’espace réservé au libre exercice de son
architecture, ce "deuxième” espace englobant et sur-qualifiant l’espace de la pratique.
Mies a recherché ce "décollement” d’abord en localisant en plan les zones fonctionnelles dans des
"coins” (L ou U) puis en faisant déborder, horizontalement, par effet de continuité, l’espace du projet par
rapport a ces zones.
Peut-on dire que, en privilégiant l’extension horizontale, Mies estimait que ce qu’il entrevoyait dans
les oeuvres contem poraines de Le Corbusier : l’extension ascendante de l’espace architectural, son
décollement du plan du sol support de la pratique, avaient des conséquences décisives dont îi refusait
d’assum er la radicalité? Mies y voyait-il le danger que l'espace (te l’architecture ne s’autonomise trop
excessivement par rapport à l’espace requis par la pratique? Son souci contftent de faire correspondre son
architecture à ses conceptions morales et philosophiques de la Société ^ (cohérence de l’ordre social et de
l’organisation industrielle et technique), est peut être un début <fexplication.
En conquérant l’extension dans la troisièm e dim ension, c’est-à-dire la verticale ou l’oblique
ascendante, t’espace de l’architecture risquait d’être encore plus dégagé des contraintes sociales et techniques.
Le travail architectural de cet espace prenait une tournure à dominante culturelle, esthétique, dont M ies ne
voulait pas assumer, par principe, le risque et l’incertitude.

3 - LES A PPO R T S PR O JE C T U E L S D E LE C O R B U SIE R .

3.1. L’OBJECTIF PERMANENT DE L’ARCHITECTURE - . r


Pour Le Corbusier l’objectif fondamental de l’architecture est constant à travers l’histoire. L’ultime
objectif c’est le "pathétique*12 du Parthénon de Phidias ou de l’abside de Saint-Pierre par M ichel-Ange. En
homme moderne il actualise cet objectif en intégrant problèm es sociaux et capacités techniques

1 H faudrait peut-être approfondir les raisons de la fascination de Mies pour la philosophie ensem bliste de
Thom as d’Aquin.
2 L. C. "Vers une architecture’p. 132.
contemporaines. Il s’agit d’émouvoir avec les moyens permanents de l’architecture que sont le traitement de
la forme, de la lumière et de l’espace, mais dans le cadre des responsabilités séculières de l’architecture :
abriter des usages et des pratiques sociales.
La disparition de toute référence aux codes traditionnels, aux systèmes des ordres, aux modèles de
composition classique, permet à Le Corbusier de rechercher, à partir d’un niveau zéro, les moyens les plus
pertinents pour provoquer lT m o tio n ”.
Cette recherche de moyens essentiels va dépasser dans son œuvre cette finalité, elle aboutira à une
évolution qualitative de l’émotion même d’architecture. La force de ces qualités émotionnelles est ce qui
donne à son œuvre une valeur exceptionnelle 1. L’extension contenue de l’espace et le jeu des transparences
qui la modulent, sont à la fois les moyens pour provoquer l’émotion et à la fois la m atière émotionnelle^.

Libéré des régies traditionnelles, qui conduisaient à résoudre par séquences des parte du programme,
le projet d’architecture moderne pose alors, à tout instant, la question des objectifs émotionnels. Chaque
poteau, chaque paroi, chaque percement demande à être disposé suivant ces objectifs. Et du fait de ces jeux
de définitions constamment recherchées et articulées, le projet doit s’appuyer sur un ensemble rigoureux de
principes permettant d’éviter la disposition aléatoire des éléments, obligeant d’en assura’leur juste choix,
leur juste im plantation, la m aîtrise de leur mise en rapport en fonction d’intentions architecturales
précises.
La solution adoptée par Le Corbusier peut être résumée ainsi : la mise en forme des intentions doit
être hiérarchisée et l’interférence entre chaques effets contrôlée; ceci ne peut se faire qu’à l’intérieur d’un
, cadre volumétrique de réglage. Ce cadre est la structure géométrique enveloppe qui est à la fois la référence
unitaire à toute implantation d’éléments formels et le support de là partition hiérarchisée de l’intérieur.
Les différents principes d’organisation et de décomposition de ces structures prim aires nous sont
apparus par l’analyse de quelques exemples des projets corbuséens des années 20, nous allons les com para.

3.2. DONNER DU CHAMP À L’ARCHITECTURE : L’ESPACE DE DEPLOIEMENENT.

Mies van der Rohe s’était donné^ comme domaine de liberté l’extension continue horizontale. Le
Corbusier développa des conditions plus radicales pour dégager l’architecture du poids de son passé. Pour
que l’architecture à nouveau s’épanouisse il fallait lui donner un champ de déploiement plus ample que
celui dicté par le dessin en plan, dessin issu de schémas d’aménagement fonctionnel.
Pour donner du champ à l’architecture il fallait lui donner à part entière la dimension qui échappe le
plus radicalement à ces exigences pratiques : la troisième. Le champ de l’architecture occupait dès lors un
espace de dilatation possible, littéralem ent superposé à l’espace-sandwich contenant les lieux reconnus,
typiques.
Ainsi dans les villas-laboratoires, on trouve à la fois consignés les lieux conventionnels du modèle
d’appartem ent bourgeois : le hall, la salle à manger, le séjour, la bibliothèque, etc... et a la fois un
déploiement de l’espace qui échappe à ces conventions.
Cet espace de dilatation, relativement autonome, devient le domaine privilégié, libre, ouvert à la
recherche de l’émotion d’architecture. Cette liberté conquise offre plusieurs possibilités. D’une part en
gagnant l’extension ascendante, Le Corbusier se donnait la possibilité d’inclure des volumes flottants dans

1 E t si cette étude porte plus sur les m oyens de provoquer l'ém otion architecturale que sur 1 analyse de ses
qualités, nous avons commencé à étudier le fonctionnem ent des mécanismes ém otionnels q u i habitent son
œ uvre ( voir Séminaire, de fin d'études: C laude Vié "L’ém otion d ’architecture" 85/86, Ecole d architecture Paris-
B elle v ille ).
2 C 'est p ar ses oeuvres des années 20 que LC fait rejoindre à l'architecture, tes préoccupations m ajeures des
tendances artistiques les plus avancées. La musique de Schoenberg, la peinture de Ktee n appritea*» P0111”
ém ouvoir, que le jeu des rapports entre élém ents essentiels: l’intervalle entre deux sons e s td é d d é pour sa
particularité dynam ique, indépendam m ent des suites harm oniques typiques. C hezIQ ee, le ronge est
proportionné, disposé p a r et pour sa qualité, dans la partition générale hiérarchisée et totalem ent m tentkm nefle
du tableau.3

3 A quelques exceptions prés et tardives comme le siège de la Baccardi à M exico dans lequel fl pro d u it une
extension en double hauteur à partir de l'axe de symétrie.
un contenant plus ample que d’habitude, à l’intérieur d’une enveloppe dominante, d’autre part de moduler
l’éclairement de ces volumes, d’installer à travers eux des transparences horizontales ou vers le haut, vers le
ciel ainsi cadré dès lors incorporé à l’architecture.
La possibilité d’inclusion de formes éclairées dans un volume enveloppe et d’en contrôler l’espace
différentiel, est une conquête capitale. Le jeu architectural est contenu dans une enveloppe qui permet de
maîtriser les rapports avec l’extérieur, le site. Cette enveloppe est définie géométriquement par un solide
élémentaire, qui permet une partition intérieure simple (dans la plupart des cas un cube quadripartitionné)
mais offrant une possibilité de combinaisons d’opacités et de transparences très riches. Le Corbusier
poursuivra jusqu’à la Villa Shodan l’exploration des possibilités architecturales d’un tel dispositif ouvert.

3.3. DES MOYENS SUPPLEMENTAIRES POUR PROVOQUER L’EMOTION.

Dans le cadre de notre hypothèse sur l’objectif émotionnel qui sous-tend l’œuvre de Le Corbusier,
essayons de réordonner les données révélées par notre analyse.

331. Un cadre structurel géométrique simple.


La base du cadre est le carré à partir duquel est élevé un demi-cube. Guide du plan, le carré est divisé
en quatre dans le cas de la villa Cook, en neuf parties inégales dues au croisement de trames binaires ABA,
dans le cas de Meyer et de Stein.
Fîgurel: Plans et axonométries schématiques de Cook, M eyer et Stein.
Le dispositif typique est composé en volume d’un demi-cube dont deux côtés opposés sont des
parois opaques, la pénétration de la lumière est ainsi contrôlée par les deux autres faces et la face
supérieure. A partir de ce cadre on remarque deux variantes.
La première variante en date est la constitution d’un volume construit en équerre entourant un quart
réservé à une cour ou à une terrasse. Cest le cas de l’appartement de l’Immeuble-villa, du Pavillon de
l’Esprit Nouveau, de la Villa N.eyer.
La deuxième variante est celle du demi-cube conservé dans sa totalité comme espace intérieur, et
dans lequel jouent, en spirale, des volumes pleins et des vides. Le prototype de cette variante est la Villa
Cook repris à un stade ultime dans le Millowners Association Building et surtout dans la Villa Shodan*.

* La Villa Stein pouvant être considérée comme une recomposition de ces deux variantes.
Figure 2: Plans de l ’a ppartement de l’Immeuble-villa, du Pavillon de l ’Esprit Nouveau, de la Villa
Meyer.
332. UN JEU DE PARTITION PLEINS / VIDES SOUS LA LUMIERE.
Dans ces deux variantes, le cadre demi-cubique est divisé horizontalement en deux ou trois strates à
partir desquelles vont être disposés des plateaux installant les jeux de simple ou double hauteur.
Du fait de la pénétration de la lumière zénithale ou oblique, les plateaux jouent comme des plans
opaques qui viennent s’intercaler dans les vues ascendantes. Us fonctionnent comme les parois-écrans du
Pavillon de Barcelone, mais dans un déploiement tri-dimensionnel. Leurs combinaisons réalisent des
transparences dont la Villa Stein rassemble des exemples remarquables que nous étudierons plus loin (voir
”Foyer spatial”).
L’espace contenu dans le cadre est tantôt comprimé par la sous-face d’un plateau, tantôt dilaté en
double hauteur. Dans la Villa Cook, la double hauteur du séjour est le relais entre l’espace comprimé bas
de la salle à manger et celui comprimé au niveau supérieur de la mezzanine-bibliothèque.
Figure 3: Axonométries de trois cas: Cook, M eyer et Stein, montrant le déploiement de l ’espace et
le rôle des percements pour l ’éclairement.
Divisé en trois couches, et sur un plan quadriparti, le demi-cube offre beaucoup plus de
potentialités de conjugaisons d’oppositions d’espaces comprimés/dilatés.
La coupe de base est celle de la Villa de Carthage, dans la série compression/ dilatation/
étranglement/ dilatation.
Figure 4: Coupe de la Villa à Carthage

Mais cette coupe typique est déjà présente dans celle sur la terrasse de la villa Stein, mais sous lr
forme : compression / dilatation dans deux directions / étranglement / dilatation vers le ciel.

Cette utilisation d’une coupe particulière est une des préoccupations constantes au cours de l’œuvre
de Le Corbusier. Mais si dans le cas de la Villa de Carthage, la coupe génère l’organisation du bâtiment
sur sa longueur par projection orthogonale horizontale, dans les œuvres majeures ce principe de coupe
n’est qu’une section particulière, non systématique, non générative du projet, elle n’est que l’épiphénomène
des volontés du plan :
”Le volume et la surface sont les éléments par quoi se manifeste l’architecture. Le volume et la
surface sont déterminés par le plan. Cest le plan qui est le générateur. Tant pis pour ceux à qui manque
l'imagination !”1 .*

* Vers une architecture, P. 35.


En accord avec van Doesburg, Le Corbusier engendre l’espace en extension au moyen de plans-
écrans opaques horizontaux ou verticaux, mais contrairement à lui, il contient cette extension dans un
volume enveloppe et impulse l’espace, l’oriente à l’aide d’éléments qui étaient rejetés comme secondaires
par le théoricien du De Stijl.
Les formes secondaires autonomes, telles les poteaux-colonnes ou les volumes parties de solides

Figure 6: Disposition des éléments formels secondaires par rapport au déploiement de l ’espace dans
les trois villas.
Ainsi: <
- la portion de cylindre dans la V illa Cook indiqué l’interpénétration extérieur/lntérieur et occupe
virtuellement un quart du plan;
• les trém ies et les meubles courbes, la dunette de Stein ou le T herm os” quasi-cylindrique de
Meyer, des Millowners ou de Shodan, ont pour fonction d’instaurer des hiérarchies, des déplaramwn**» Am«
un espace constamment maintenu dans sa continuité.
Quant aux im pératifs de la construction*, ils sont dominés et asservis aux intentions
architecturales:
”11 est certain que l’architecte doit posséder sa construction au moins aussi exactem ent que le
penseur possède sa grammaire. Mais la construction étant une science autrement plus difficile et plus
complexe que la grammaire, les efforts de l’architecte y demeurent longuement attachés; ils ne doivent pas
s’y imm obiliser.”^

4 - V ERS D E N O U V EA U X M O Y EN S D E PR O JE T A T IO N .

Notre recherche s’était donné comme objectif initial de parvenir à développer les outils du projet,
car à l’origine de cette étude présidaient les difficultés d’un enseignement du projet d’architecture basé sur
une reconnaissance intuitive de l’importance décisive de l’espace moderne. Ce constat recouvrait à la fois
des problèmes pédagogiques : comment ordonner, illustrer et transmettre cette intuition? et à la fois des
•problèmes théoriques : cette intuition était elle fondée? Si oui,' comment la transform er en savoir
structuré? Qu’apporte, de ces points de vue, cette étude? y

La forme graphique d’analyse de projets instaurateurs du Mouvement M oderne a joué un rôle


particulièrement actif dans cette recherche. Elle perm ettait non seulement de révéler les moyens essentiels
de production de l’architecture moderne, mais elle posait continuellement le problème de la représentation
des résultats et surtout de leur confrontation. Tour à tour ont été employés les tracés en plan, coupes,
axonométries et perspectives.
Cette nécessité d’engager une telle gamme de moyens est significative : l’espace de l’architecture
moderne, "espace catastrophique”, fait d’extension, d’am pliations, est difficilem ent représentable. M ais
cette difficulté nous a poussé à isoler les particularités que nous avions décelées, elle a permis de mettre en
évidence des faits architecturaux fondamentaux en nous obligeant à les dégager de tous les effets
stylistiques caractéristiques des années 20.

41.TRANSPARENCES.

Parmi ces faits fondamentaux il a été souligné l’importance des vues en transparences, vues
î««taHA»« à travers des parties de l’édifice comme moyen de donner à voir la richesse du jeu spatial. Ces
vecteurs de transparences sont des volontés architecturales décidées en cours de projet, essayons de savoir
selon quel principe?.
Dans le Pavillon de Barcelone ces transparences étaient perceptibles à partir de points particuliers
situés sur des cheminements marqués. Pour Mies les vues en transparences s’enchaînaient soit au cours du
déplacement du visiteur soit par des découvertes panoramiques horizontales (tourner la tête). Nous avons
tenté une représentation en phase de ces successions, cette représentation est linéaire : on avance, on
découvre une vue en transparence qui invite à avancer à nouveau, on découvre une autre transparence et
«inci de suite. Ces séries sont interrompues : les chémins se dissolvait dans la zone centrale du Pavillon
où le visiteur à le choix entre le stationnement et d’autres cheminements. Dans le cas du projet de M ies les
transparences sont organisées sous une forme linéaire segmentée. Y aurait-il d’autres formes d’organisation
des transparences?

1 Pour la conception "moderne” de la Construction et de ses matériaux, Ove Arup en donne un résumé très
technique dans un article paru dans "Architectural Review" en nov.79 où U décrit les grands principes du’new
sty le".
* "Vers une architecture", p.177. r
Cette question nous a particulièrement intéressé, elle perm ettait d’imaginer qu’il était possible de
décider en cours de projet de la forme d’organisation des vues a i transparences. Le choix de la forme
d’organisation devenait un acte décisif du projet, c’est-à-dire un nouveau moyen projectuel possible. Au
m oxardfrfànaljw jsaphique il devenait nécessaire de rechercher s’il y avait d’autres fo rm a d’organisations
désrtransparences, .emparticulier dans l’œuvre de Le Corbusier qui, différemment de M a , développait d a
dimensions. ' -
LaM âison.Laroche, le Pavillon de "l’Esprit N ouvau", la Villa Stein, la V illa Savoye sont, parm i
les œ uvra des années. 20, l a édifices les plus "peuplés" de transparences savantes. Nous avons choisi,
dans cette conclusion^ de traiter de la V illa de Garches car elle contient d’une manière explicite un m ~ if
d’organisation des transparences remarquable.

42. LE FOYER SPATIAL.

Rappelons d’abord que nous appelons "transparences” des vues tangentes à des form es
architecturalem ent organisées, form es jouant sous la lum ière*. Une transparence peut donc être
schém atisée par un rayon visuel, horizontal ou plongeant ou ascendant, «m alts* par des obstacles
* formellement déterminés. Ces obstacles peuvent être éclairés, dans l’ombre ou à contre-jour. Le vecteur
visuel peut ab o u tira une forme opaque ou être illim ité vers le ciel ou le paysage.
Iliest possible de schématiser le vecteur visuel par une droite orientée tangentant d a formes dont la
géométrie est, enarchitecture, élémentaire.

Figures 7 et 8: vecteurs de transparences. y

O n | I
x------ ------------- —> I transparence limitée;
o I a I

O a |
x---------------------- > <x>transparence infinie;
o I a

Chaque vecteur, suivant la position de l’observateur devient bi-directionnel, il est porteur de deux
transparences opposées :
Figure 9: les transparences sont bi-directionnelles.

O n I
xa<---------------------- >xb
o I n

Par ce procédé d’analyse, on pourrait rechercher l a transparenca installées dans l a cas étudiés et en
retracer, sur les pians et les co u p a, les vecteurs qui en sont porteurs. Une codification semble donc
possible.

Dans la V illa Stein plusieurs faisceaux de vecteurs sont repérables en plan. On serait tenté de
penser que la V illa est ponctuée de points d’arrêts, dé contemplation, au cours de la visite, à partir desquels
des vecteurs donnant d a perspectives im portanta sont im plantés, comme c’a t le cas des parcours du
Pavillon de Barcelone ou du premier projet de Stein (voir fig. plus haut dans leprécédent chapitre).
En fait, dans le projet Stein réalisé, seul le palier d’airivée de l’escalier venant du r a de chaussée
(point 6 de la figure en plan, voir ci-dessous) est une étape de parcours marquée par des découverta en
transparence.

1 Ce sont celles que C. Rowe appelle “transparences phénoménales" en opposition aux transparences littérales:
la vue i travers un vitrage. Op. cité, p. 158 à 182.
ID
co

Figure 10: Villa Stein, plan du niveau séjour, tracé des transparences principales.

La première direction de vue est parallèle à la façade d’arrivée et bute sur l’opacité de l’escalier de
service. Cette vue est canalisée à gauche par un alignement de trois poteaux, à droite l’espace s’ouvre vers
le séjour. Si l’on regarde à gauche on découvre le jardin d’arrivée (transparence littérale), si l’on regarde à
droite on découvre le jardin arrière à travers les épaisseurs multiples de la terrasse couverte (transparence
complexe).

A cette exception près on peut conclure que dans le cas de Stein, ce n’est pas par rapport à un
parcours, à une promenade, que Le Corbusier à disposé les vues privilégiées, mais dans une autre logique,
laquelle?
Nous avons déjà remarqué, dans l’étude consacrée à cette villa, une tablette supportant une statue et
surplombant, depuis la bibliothèque, le vide du hall.

Figure 11: Photo vue de la bibliothèque vers la terrasse.

Tablette et sculpture sont à la croisée d’un ensemble de vecteurs visuels très importants que nous
avons retracés en figure 10:
1- statue/forme salle à manger,
2- statue/deux poteaux/fenêtre en longueur/jardin;
3- statue/fenêtreAerrasse/jardin;
4- statue/fenêtre/table de la terrasse;
5- statue/fenêtre/baie sous temasse/Jardin;
Il faut ajouter la vue longitudinale BB unidirectionnelle, le long de la bibliothèque vers le jardin et
lagrande transversale DD bi-directionnelle vers le jardin d’arrivée et vers le jardin privé arrière.
Ces relations visuelles fonctionnent dans les deux sens. De différents endroits de la villa on voit la
statue, à l’opposé si l’on est situé près de la statue on jouit des vues, en transparences inverses, vers ces
mêmes endroits. La photo ci-dessus, tirée des "œuvres 1910/29”, choisie par Le Corbusier, montre que la
tablette/statue est pour lui un point de vue remarquable et voulu.

Cette hypothèse est confirmée par l’existence d’une autre tablette, cette fois sans sculpture, située
sur le balcon de l’étage supérieur* et à partir de laquelle se déploie un faisceau de transparences complexes :
horizontales et obliques.

1 On retrouve le même principe dans le Pavillon de TEsprit Nouveau"


162
Figure 12: Villa Stein, plan de l ’étage des chambres

Ces tablettes matérialisent de véritables noeuds de convergence et de divergence des vues les plus
représentatives. Nous avons appelé un tel noeud : le FO Y ER SPA T IA L , car c’est à partir de lui que
s’organisent des représentations privilégiées de l’espace architectural.
Le FOYER SPATIAL peut être défini comme un point d’où l’on appréhende et donc d’où l’on
comprend l’espace de la représentation, c’est-à-dire l’organisation spatiale que l’architecte a voulu donner à
voir. Le foyer spatial est le foyer de l’espace de représentation moderne.
Ainsi dans la Villa Stein, aux effets de la dynamique de l’espace, Le Corbusier oppose deux points
stabilisés, deux points de greffe, à partir desquels explosent et implosent dans plusieurs directions des
transparences significatives. De chacun de ces points une recomposition de l’espace fractionnellement
perçu est alors possible.

A. la structure linéaire segmentée que Mies propose pour disposer les transparences, Le Corbusier
oppose:la focalisation, la polarisation des effets. Structure et polarisation sont deux modes de travail situés
en amont, dans: les zones obscures de la projétation, celles du ”méta-projet”.
Si la structure linéaire est de l’ordre narratif, la polarisation procède du contrepoint. Dans la Villa
Stein, la dynamique de l’espace est perceptible "quotidiennement” du hall, de l’escalier, de la bibliothèque,
du séjour, et de la terrasse, mais seul le foyer spatial-tablette permet la contemplation, la recollection
quasi-simultanée de l’ensemble des espaces en représentation parcourables.
On peut donc considérer que la manière d’organiser la perception et la représentation de l’espace
architectural, manière linéaire ou ponctuelle, constitue une caractéristique du mode de projétation et qu’à ce
titre elle peu.. devenir une phase connaissable du projet. Cette voie, que nous avons commencé à explorer
dans des studios expérimentaux d’enseignement du projets, fera, nous en sommes convaincu, l’objet d’une
autre recherche.

43. UN POINT DE VUE PROJECTUEL PRIVILEGIE.

Le travail projectuel d’extension, de dilatation de l’espace pose, nous l’avons déjà vu, le problème de
sa représentation. Axonométries, perspectives, plans, coupes, maquettes sont nécessairement employés au
cours du projet, chaque représentation est toujours fragmentée.

.
Cette difficulté à constituer un bon support au travail tri-dimensionnel doit être rapprochée d’un
comportement singulier de l’architecte en cours de projet, comportement, par ailleurs difficile à discerner
mais qui nous.a été révélé par l’étude de croquis préliminaires au projet, et par l’expérience pédagogique ’
Nous avons en effet constaté que l’approche volumétrique et spatiale du projet ne se fait pas, dans le
cas de l’architecture Moderne, globalement. Le développement projectuel de l’extension spatiale se fait à
partir d’un angle de vue privilégié. Si les difficultés d’appréhension globale de la spatialité et de sa
représentation ont une part de responsabilité dans cette orientation de l’approche, elles n’en sont pas les
seules responsables. En effet, l’espace de l’architecture Moderne n’est pas totalement isomorphe, plus
précisément, celui que projette Le Corbusier ne l’est pas, contrairement à celui de Théo van Doesburg
(voir sa Maison d’artiste).

Observons le fameux croquis de Le Corbusier:

CK JcK h'ctt^-+> < / I»


f.
“T -—
**

Figure 14: Croquis extraits de ”Vers une architecture”, "facile...très difficile... très généreux”.

Les quatre croquis de la colonne centrale schématisent quatre types d’édifices dont Le Corbusier
donne le degré de difficulté de projétation.
Le croquis 1: la Maison Laroche et le 4: la Villa Savoye offrent une représentation particulière de
l’espace contenu.
La Maison Laroche est représentée par une perspective, qui rend compte de l’espace défini par
l’équerre du bâtiment Les façades contenant cet espace et le qualifiant sont mises en évidence.
La Villa Savoye est montrée par une isométrie, l’espace creux de la grande terrasse est mis en
valeur par le carrelage de la terrasse et par le hachurage des parois opaques.

La figure 15 est la représentation à partir d’un angle de vue similaire, Le Corbusier y a rajouté le
sens de pénétration du soleil.

Figure 15 : Croquis en vue aérienne de la Villa Savoye. D ’après Précisions... ”.


Dans ces deux cas, la représentation du travail spatial principal est optimale, elle en condense le
maximum d’informations. Cest la plus performante, à tel point que l’on est en droit de se demander si le
travail projectuel de l’équerre (Laroche) et le travail en creux d’un volume sur plan carré (Savoye) ne
doivent pas être considérés comme des concepts formalisés, dont la représentation mentale, une sorte
d'imago, ne pourrait se faire autrement que sous la forme dessinée par Le Corbusier.
Cette notion d’im ago, pourrait, dans un développement ultérieur de cette recherche, avoir des
conséquences positives sur la connaissance des mécanismes obscurs de la projétation. On doit se rappeler
que la notion d’imago est employée en psychanalyse à propos de l’idéal affectif et de la représentation
parentale chez l’enfant.. En restant très prudent, on peut analogiquement constater que la gestation d’un
projet se fait à partir d’une image globale tridimensionnelle imprécise mais profondément ancrée dans le
mental, image à laquelle le concepteur adhère affectivement, image qui est pour lui le support intangible
au développement de son projet.

Y a-t-il une nombre infini d’images "imaginables”, c’est-à-dire de figures tridimensionnelles


architecturales mentalement représentables? A première vue leur nombre semble plutôt réduit. Il doit
dépendre des figures en plan capables de contenir de l’espace. Peut on recenser ces figures planaires ?
Autant de questions que, limités par le cadre de cette étude, nous ne pouvons aborder ici.

Pourtant ces questions concernent les fondements des actes du projet. On entrevoit un
développement de cette recherche qui procéderait au recensement des figures planaires (telles que'carré,
rectangle allongé ou équerre et leurs combinaisons) capables de contenir, d’engendrer une spatialité
particulière. On étudierait ensuite différentes formes de leur extension dans la troisième dimension. H serait
alors possible de rechercher:
- leur cadre géométrique structurel;
- les qualités spatiales potentielles contenues par chaque volume-enveloppe;
- les axes visuels majeurs (transparences potentielles) et leur disposition optimale que sous-tend
chaque organisation spatiale;
- les noeuds éventuels où se croisent ces axes visuels, on nourrirait ainsi la théorie du "foyer
spatial”;
- l’angle particulier à partir duquel la représentation de l’organisation spatiale est la plus
appropriable; on retrouverait ici l’hypothèse du "point projectuel”;
Cette étude pourrait être formalisée au moyen de graphiques analogues à ceux représentant "l’Espace
vectoriel” des mathématiques.
De ces études une gamme d’outils pourrait être dégagée, qui perm ettrait une meilleure m aîtrise de la
phase du projet d’architecture concernant le développement spatial. Les possibilités nouvelles et facilement
accessibles de traitem ent des informations (bases de données, systèmes experts et C. A. O.) nous en
donnent les moyens.

Il est nécessaire et urgent de développer ces outils pour l’enseignement et la pratique d’une
architecture maîtrisant son espace.

*********************
Janvier 1989
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