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30/09/2008

Utilisation du plutonium
dans les REP

par André BERTHET


Ancien chef du département combustibles à EDF Direction de l’équipement-SEPTEN

1. Présentation générale............................................................................. BN 3 120 - 2


1.1 Évolution ...................................................................................................... — 2
1.2 Motivations du recyclage du plutonium dans les REP d’EDF .................. — 2
1.3 Situation et perspectives industrielles internationales ............................ — 4
1.4 Stratégie de retraitement et économie du MOX....................................... — 4
2. Physique des REP recyclant le plutonium ........................................ — 4
2.1 Plutonium, évolution ................................................................................... — 5
2.2 Spécificités du plutonium ........................................................................... — 5
2.2.1 Caractéristiques énergétiques du plutonium.
Notion de plutonium équivalent ....................................................... — 5
2.2.2 Caractéristiques neutroniques du MOX ........................................... — 6
2.3 Mise en œuvre du chargement d’assemblages MOX .............................. — 7
2.3.1 Choix du type de gestion ................................................................... — 7
2.3.2 Dossiers d’études et les adaptations des tranches nucléaires ....... — 7
2.3.3 Radioprotection et conséquences radiologiques des accidents..... — 7
2.3.4 Incidence du MOX sur le cycle du combustible............................... — 8
3. Voies de développement........................................................................ — 9
3.1 Amélioration de la gestion actuelle ........................................................... — 9
3.2 Augmentation de la quantité de plutonium dans les cœurs.................... — 9
3.3 Maîtrise des masses de plutonium et d’actinides mineurs...................... — 9
4. Actions de recherche et de développement .................................... — 9
4.1 Évolution des actions de recherche et développement sur le MOX ....... — 9
4.2 Recherche et développement en support des études de cœur ............... — 10
5. Conclusion ................................................................................................. — 10

e combustible au plutonium mis au point pour les réacteurs à eau légère est
L aujourd’hui un produit industriel utilisé par les exploitants de centrales en
Belgique, en Allemagne, en Suisse et en France.
Le MOX (« Mixed Oxides ») est le nom couramment utilisé pour désigner ce
combustible. Il se présente sous la forme d’une céramique dans laquelle l’oxyde
de plutonium (PuO2) est intimement mélangé avec une matrice d’oxyde d’ura-
nium (UO2), cet uranium pouvant être naturel, appauvri ou issu du retraitement.
Le plutonium n’existe pas dans la nature. Il est formé en réacteur par capture
de neutrons. Une partie est consommée par fission in situ, le reste est présent
dans le combustible usé déchargé du réacteur.
Le plutonium est une matière fissile à fort potentiel énergétique. Un gramme
de plutonium dans le MOX produit la même quantité d’électricité qu’une tonne
de pétrole.
Initialement prévu pour être utilisé dans les réacteurs à neutrons rapides, le
plutonium peut se substituer à l’uranium 235 dans les réacteurs à eau. Cette uti-

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lisation, qui nécessite le retraitement du combustible irradié, contribue à la fer-


meture du cycle du combustible et valorise les matières fissiles récupérables.
Cet article n’a pas pour objet de traiter de façon exhaustive tous les aspects de
l’utilisation du plutonium dans les réacteurs à eau légère, mais seulement de
mettre en évidence les faits marquants.
Après un rappel de la démarche qui a conduit à la situation actuelle, les princi-
paux domaines techniques spécifiques au MOX sont développés et des voies
d’évolutions sont évoquées.
Pour des raisons évidentes, les études et développements présentés
s’appuient largement sur les réalisations en France. Sur le plan national, une
coordination efficace entre les acteurs principaux qui sont les laboratoires de
recherche, les industriels du nucléaire et l’exploitant EDF, a permis à l’utilisation
du plutonium dans les réacteurs de devenir une réalité industrielle.

1. Présentation générale Dans les années 1980 un ensemble d’événements a progressive-


ment modifié le contexte du développement du RNR :
— la réduction de la croissance de la demande mondiale en éner-
gie et l’important ralentissement, voire l’arrêt, de constructions de
centrales nucléaires aux États-Unis ont stoppé la hausse du prix de
1.1 Évolution l’uranium ;
— la réévaluation à la hausse des réserves minières mondiales
économiquement exploitables a modifié les données qui auraient
conduit au lancement d’un programme RNR.
Le MOX, Mixed Oxides oxyde mixte d’uranium et de plutonium
(UO2 - PuO2), est aujourd’hui un produit industriel utilisé comme Malgré cette situation, et compte tenu des contextes locaux,
combustible nucléaire par plusieurs exploitants de centrales dans le quatre pays d’Europe ont poursuivi leurs programmes de charge-
monde : Belgique, Allemagne, Suisse, France. ment de MOX dans les REP ; l’Allemagne en 1982, la Suisse en 1985,
la France en 1987 et la Belgique en 1995.
L’évolution du recyclage du plutonium en réacteurs électrogènes
s’est faite en même temps que le développement de cette industrie. Le Japon poursuit son programme de développement par le char-
gement d’assemblages de démonstration dans les réacteurs à eau
Très tôt, dès les années 1950, les scientifiques ont convenu que le bouillante (REB) Tsuruga 1 et REP à Mihama 1.
recyclage du plutonium dans les réacteurs à neutrons rapides (RNR)
était la meilleure solution pour tirer le meilleur parti des propriétés A noter aussi l’intérêt que peut présenter l’utilisation dans des
de cette matière fissile. REP du plutonium dit « militaire » dans le cadre du démantèlement
des armes nucléaires. C’est ainsi que le « Programme AÏDA »
Pendant la même période, un important programme international s’inscrit dans le souci du Gouvernement français d’œuvrer active-
d’utilisation du plutonium dans les réacteurs à eau pressurisée ment dans les domaines de la non-prolifération et du désarmement.
(REP) était lancé en particulier par EURATOM et l’AEC aux États- Ce programme est la mise en application des accords intergouver-
Unis. Ce programme visait à utiliser le plutonium disponible compte nementaux signés le 12 novembre 1992 entre la France et la Fédéra-
tenu des évolutions de consommation des RNR. tion de Russie.
Une étape significative était franchie en 1963 par le chargement
du premier assemblage MOX dans le réacteur belge BR3.
Jusqu’au milieu des années 1970, un important travail de 1.2 Motivations du recyclage
recherche et de développement, soutenu à la fois par l’intérêt tech-
nique du recyclage mais aussi par la crainte d’une pénurie du plutonium dans les REP d’EDF
d’uranium, mobilisait chercheurs et industriels en particulier en
Europe et aux États-Unis.
Durant cette période : La France est pauvre en ressources énergétiques. Les ressources
hydrauliques sont pratiquement toutes exploitées. Le charbon
— des assemblages expérimentaux contenant des crayons de
encore exploitable est en voie d’épuisement et son coût d’exploita-
combustible MOX ont été chargés dans au moins 19 REP (dont le
tion est élevé. La production de pétrole et de gaz est faible. Quant
réacteur de la centrale nucléaire des Ardennes, Chooz A) ;
aux énergies nouvelles renouvelables, elles sont encore très margi-
— des ateliers pilotes de fabrication de combustible MOX
nales.
voyaient le jour : à Dessel en Belgique, à Cadarache en France, en
Allemagne à l’usine Alken, en Grande-Bretagne avec le laboratoire Dans ce contexte et suite aux décisions prises lors des chocs
de Windscale, en Italie et aux États-Unis sur les sites de Nuclear pétroliers des années 1970, relatives à notre indépendance énergé-
Metals, Exxon Nuclear, General Electric, Gulf United Nuclear et tique, la part de la production d’électricité d’origine nucléaire est
Westinghouse. actuellement de près de 80 % de la production nationale.
A partir du milieu des années 1970, une décision politique de Dès l’origine la France avait opté pour une politique de fermeture
l’administration Carter conduisit à un gel des programmes de du cycle du combustible (figure 1). Les ressources en uranium
recherche et développement sur le recyclage du plutonium dans les connues à l’époque pouvaient laisser craindre une pénurie, aussi
REP. Cette décision aura des répercussions en Europe en particulier était-il nécessaire d’optimiser l’utilisation des matières fissiles. Un
en Italie. programme de construction de RNR associé à la construction de

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Extraction, Uranium Uranium Enrichissement


concentration de Conversion
l'uranium naturel naturel naturel en 235U

Uranium de retraitement

Fabrication
Retraitement des éléments
Plutonium combustibles

Combustible neuf

Entreposage Combustible Centrales


en piscine usé nucléaires
Figure 1 – Schéma simplifié du cycle
du combustible nucléaire

Piscine,
UOX Réacteur Transport
site

Entreposage

Fabrication assemblages
Retraitement Conditionnement
MOX URE

Conversion, Entreposage
enrichissement longue durée

Plutonium
Conditionnement
Actinides mineurs
Produits de fissions

Fabrication
Conditionnement
assemblages
des déchets
ou cibles

RNR ou Stockage
réacteur adapté définitif

UOX assemblages UO2 neufs


URE uranium de retraitement enrichi Figure 2 – Schéma simplifié de l’aval
du cycle

l’usine de La Hague pour le retraitement des combustibles irradiés Or, le combustible déchargé des REP contient du plutonium dont
était d’ailleurs à l’étude. Ceux-ci fonctionnant en surgénérateur les isotopes impairs sont fissiles dans les REP et de l’uranium dans
permettraient une économie importante d’uranium enrichi. lequel la proportion d’isotope 235 est supérieure à celle de
Au début des années 1980, l’ajournement d’un développement l’uranium naturel. Le retraitement du combustible usé permet
massif des RNR était décidé. Seuls les réacteurs rapides Phénix et d’extraire ces matières. Retraitement, MOX, utilisation de l’uranium
Superphénix seraient alors à même de mobiliser du plutonium issu du retraitement constituent un ensemble cohérent d’utilisation
sachant que des capacités de retraitement existaient. des matières valorisables.
Cette situation nouvelle a conduit EDF, en liaison entre autres L’utilisation du plutonium dans les REP permet à court terme :
avec ses partenaires industriels Cogema, Framatome et le CEA, à — d’économiser de l’uranium enrichi ; le plutonium avec ses
réexaminer sa politique du cycle du combustible. isotopes 239 et 241 présente de bonnes qualités neutroniques ;
Dans le cadre d’une recherche de politique cohérente du cycle du — d’utiliser comme support dans la fabrication du MOX de l’ura-
combustible et en particulier pour ce qui concerne la partie aval nium appauvri dont les stocks augmentent à la sortie des usines
(figure 2), retraitement et utilisation des matières fissiles récupéra- d’enrichissement ;
bles participent à la réduction du coût de production du kilowatt- — de diminuer le nombre d’assemblages à entreposer en piscine.
heure en valorisant ces matières. Dans la mesure où retraitement et MOX sont associés, le recyclage

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dans les REP conduit à diminuer d’un facteur d’au moins quatre le — les pays dont la politique n’est pas totalement arrêtée : Espa-
nombre d’assemblages à entreposer. En effet, pour disposer du plu- gne, Corée du Sud, Taiwan… ;
tonium nécessaire à la fabrication d’un assemblage MOX, il faut — les pays qui ont décidé de stocker les assemblages et de ne pas
retraiter environ quatre assemblages UO2. retraiter le combustible : États-Unis, Suède, Finlande.
Vis-à-vis de la non-prolifération et du contrôle des matières sensi- Début 1997, 25 réacteurs de type REP ou REB répartis dans quatre
bles, la position française, qui consiste à ne retraiter que la quantité pays contenaient des recharges avec assemblages MOX : 11 en
de combustible irradié strictement nécessaire à la fabrication du France (dont St Laurent B1 depuis 1987), 9 en Allemagne (dont Obri-
MOX utilisable à très court terme, évite la constitution de stock de gheim depuis 1972), 3 en Suisse et 2 en Belgique.
plutonium.
Aujourd’hui, les usines de fabrication à l’échelle industrielle des
Cette stratégie préserve le long terme : assemblages MOX sont à :
— une utilisation du plutonium dans les REP n’a pas d’incidence — Dessel en Belgique ;
sur le développement futur d’un parc de RNR, la qualité du pluto- — Cadarache et Marcoule (usine MELOX) en France ;
nium issu du retraitement d’assemblages MOX convenant parfaite- — Sellafield en Grande-Bretagne.
ment à un cœur RNR ;
— une tension sur le marché international des matières énergéti-
ques n’est pas à exclure. Dans ce cas, on pourrait assister à un redé-
marrage de l’énergie nucléaire pour la production d’électricité. Une
forte demande en uranium en découlerait, demande qui vraisembla- 1.4 Stratégie de retraitement
blement ne pourrait être assurée qu’après ouverture ou réouverture et économie du MOX
de gisements ce qui prendrait du temps. Le plutonium mais aussi
l’uranium issu du retraitement seraient alors fortement valorisés ;
— concernant l’environnement, l’utilisation du plutonium dans
les REP ne modifie pas sensiblement les choses : les quantités de L’économie du recyclage du plutonium dans les réacteurs, qu’ils
produits de fission sont du même ordre de grandeur qu’avec l’UO2 soient à neutrons thermiques comme les REP ou à neutrons rapides,
(figure 6), les quantités de plutonium sont légèrement diminuées est un sujet complexe. Le recyclage est en effet difficile à isoler de
(20 à 30 %) et les quantités d’actinides mineurs légèrement augmen- l’ensemble du cycle de combustible, jusqu’au stockage définitif des
tées. déchets, sans oublier évidemment le retraitement du combustible
usé. L’Agence de l’Énergie Nucléaire (AEN) de l’OCDE a comparé
Considérant que le recyclage des matières valorisables, pluto- l’ensemble des cycles avec ou sans retraitement et a conclu, d’une
nium et uranium issus du retraitement des combustibles irradiés part, que des incertitudes importantes (1 à 2 c/kWh) affectaient les
restait la voie privilégiée de l’aval du cycle du combustible, la déci- deux stratégies, d’autre part, que la différence de coût entre les
sion a été prise en 1985 de charger dans des REP du combustible au deux stratégies était inférieure à cette incertitude mais impossible à
plutonium. Certaines dispositions administratives avaient d’ailleurs chiffrer dans l’état actuel des connaissances.
été prises puisque les décrets d’autorisation prévoyaient cette
possibilité pour seize tranches REP de 900 MW : Tricastin 1 à 4, Comme rappelé précédemment, la France a choisi la stratégie de
Gravelines 1 à 4, Dampierre 1 à 4, St Laurent B1 et B2 et le Blayais 1 retraitement dans une perspective de valorisation des matières
et 2. fertiles (uranium appauvri) et fissiles (plutonium) dans les réacteurs
à neutrons rapides et s’est dotée des installations correspondantes.
Une telle décision prise après avoir pesé les réalités et les Aujourd’hui, les installations de retraitement existent, et le retraite-
contraintes politiques, techniques, industrielles, économiques, envi- ment est considéré aussi (d’abord ?) comme une des voies possi-
ronnementales et sociales a nécessité études et compléments bles de gestion des déchets non recyclables. Le plutonium produit
d’investissements : apparaît alors comme un sous-produit dont la seule valorisation
— au niveau des centrales en vue d’obtenir les autorisations de possible à court terme est le recyclage dans les REP.
recevoir et de charger du MOX puis d’assurer un fonctionnement C’est dans ce nouveau contexte que se font les évaluations
des tranches dans des conditions normales de sûreté et de économiques : d’un côté, le retraitement et la gestion des déchets
performances ; (conditionnement, entreposage, stockage), ce dernier poste faisant
— au niveau de l’industrie du cycle : conception de l’assemblage l’objet de provisions ; de l’autre le recyclage proprement dit,
mais aussi décision de construire à Marcoule l’usine de fabrication comprenant la conversion du plutonium et de l’uranium appauvri, et
de MOX appelée MELOX. Elle est conçue pour fabriquer dans un la fabrication du combustible.
premier temps de l’ordre de 120 t/an de MOX. Dans ces conditions, avec les coûts actuels d’enrichissement de
En 1987, la tranche St Laurent B1 divergeait avec en réacteur une l’uranium et de fabrication de l’un et l’autre combustibles, les coûts
première recharge contenant du MOX. de cycle seront pratiquement les mêmes, avec peut-être un léger
avantage pour le MOX, dès que les durées de séjour en réacteur
seront les mêmes – ce que l’on nomme « parité ». Ce n’est pas
encore le cas, comme nous le verrons (§ 3), les assemblages MOX
ne restant dans le cœur que pendant trois cycles au lieu de quatre
1.3 Situation et perspectives industrielles pour les assemblages UO2. Il en résulte, transitoirement, un surcoût
internationales d’environ (5 %) (0,25 à 0,3 centime) pour le cycle MOX.

Retraitement du combustible irradié et réutilisation des matières


valorisables, plutonium et uranium sont intimement liés. 2. Physique des REP
Les situations des pays qui possèdent des centrales électronu-
cléaires sont très dépendantes des politiques spécifiques. Aussi, en
recyclant le plutonium
examinant les approches de chacun, trois groupes apparaissent :
— les pays qui possèdent des capacités de retraitement en fonc-
tionnement ou qui les développent : France, Grande-Bretagne, Ce sujet est complété dans l’article, Retraitement du combustible
Japon, Russie, Chine ; [B 3 650].

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2.1 Plutonium, évolution


238U 239U 23 min 239Np 2,3 j 239Pu

A la différence de l’uranium, le plutonium n’existe pas dans la


nature.
242 241 240
Pu Pu Pu
En 1934, Irène et Frédéric Joliot-Curie démontraient la possibilité
de créer des radionucléïdes artificiels au moyen de faisceaux de 14,4 ans
particules bombardant des cibles. 241Am
Au début de la Seconde Guerre mondiale, le Président Roosevelt
conseillé par de prestigieux scientifiques tels que A. Einstein, décida
de lancer le projet Manhattan qui devait doter les États-Unis de Noyaux fissiles en REP
l’arme nucléaire. Captures neutroniques
D’importants événements jalonnent cette période :
Figure 3 – Formation du plutonium dans un REP
— aux États-Unis, la découverte et l’isolement du plutonium par
Glen Seaborg en 1940 et 1941, puis le programme Manhattan qui
devait aboutir à l’explosion de Nagasaki en 1945 ;
— en France, la production du premier échantillon de plutonium La longueur d’une campagne en réacteur (période de fonctionne-
en 1949, la mise en service d’usines de retraitement de combustible ment entre le chargement de combustible neuf et l’arrêt de la
à Marcoule en 1959, à la Hague en 1966, 1976 (HAO), 1990 (UP3), tranche pour renouvellement d’une fraction des assemblages)
1994 (UP2-800), et d’ateliers de fabrication de combustible MOX dépend de la quantité de matière fissile apportée dans chacune des
pour Phénix, Superphénix et les REP (MELOX en 1996). recharges. Cette quantité est fonction du nombre d’assemblages
neufs de la recharge et du taux d’enrichissement. Pour les assem-
blages à l’uranium, le taux d’enrichissement en uranium 235 est
facilement maîtrisable et reste constant pour un type de gestion.
2.2 Spécificités du plutonium
A partir d’hypothèses, de caractéristiques ou de contraintes tech-
niques et économiques, EDF a défini, pour chaque palier REP, un
mode de gestion adapté au parc de centrales et aux besoins du
Le plutonium présente des propriétés différentes de celles de
réseau électrique. Étudiée dans un premier temps sur la base du
l’uranium, liées d’une part à sa composition isotopique, d’autre part
combustible UO2, chaque gestion, illustrée par le tableau 2, est
à ses caractéristiques neutroniques.
caractérisée principalement par trois paramètres : la longueur de
Il importe cependant de souligner que le problème de l’utilisation campagne, le nombre de campagnes effectuées par les assem-
du plutonium dans les REP se pose en fait, en terme de quantité. En blages et la teneur en 235U de l’uranium enrichi.
effet, près du tiers de la production d’énergie dans un REP ne conte-
nant que des assemblages à l’uranium est produite par la fission du
plutonium. Tableau 2 – Caractéristiques des gestions des cœurs
actuellement mises en œuvre à EDF

2.2.1 Caractéristiques énergétiques du plutonium. Taux


Type de Longueur
Notion de plutonium équivalent Réacteur d’enrichissement
renouvellement de campagne
des assemblages

Dans un REP, la production de plutonium a pour origine la capture 900 MW 4 cycles annuelle 3,7 %
d’un neutron par un noyau d’uranium 238. Le processus se déroule 1 300 MW 3 cycles 18 mois 4%
en réacteur selon le schéma simplifié de la figure 3.
1 450 MW 4 cycles annuelle 3,4 %
La composition isotopique du plutonium utilisé pour fabriquer le
MOX sera celle du combustible irradié retraité pour en extraire ce
plutonium. En première approximation la composition du combus-
tible irradié dépendra du taux de combustion de l’assemblage Avec le MOX, le gestionnaire va rechercher la même longueur de
(tableau 1). campagne qu’avec l’assemblage UO2.
Une formule d’équivalence permet de définir, à partir de la
Tableau 1 – Composition du combustible irradié connaissance de sa teneur isotopique, la teneur en plutonium de
en fonction du taux de combustion l’assemblage MOX qui fournira la même énergie que l’assemblage
UO2 qu’il remplace.
Taux de combustion Cette teneur (t ) est définie comme le rapport entre la masse des
des assemblages Composition isotopique (en %) isotopes lourds contenus dans le dioxyde de plutonium et la masse
retraités des isotopes lourds contenus dans l’oxyde mixte :
(MWj/t) 239Pu 240Pu 241Pu 242Pu
masse (Pu + Am)
t = -----------------------------------------------------------
33 000 57,1 23,5 11,9 5,5 masse (U + Pu + Am)
45 000 53,2 24,2 12,5 6,9 L’enrichissement équivalent du combustible MOX sera celui du
60 000 49 24,9 13 8,4 combustible UO2 qu’il va remplacer dans la recharge (Ue).
Dans le combustible MOX, la matrice support est constituée
d’uranium appauvri en 235U (Uapp).
Les isotopes du plutonium évoluant hors réacteur, la proportion Ces différents paramètres peuvent se relier entre eux par la
de noyaux fissiles, donc la capacité à fournir de l’énergie, dépendra relation :
du « vieillissement » du MOX à la date de sa mise en réacteur. Ue = Uapp (1 – t ) + α t

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dans laquelle α dépend de la composition isotopique du plutonium :

α = ∑ αi pi
avec αi le facteur d’équivalence de chacun des isotopes,
pi la proportion massique de l’isotope i.
Les isotopes considérés sont : 238Pu, 239Pu, 240Pu, 241Pu, 242Pu,
241Am.

Du fait de l’évolution dans le temps, hors réacteur, de la composi-


tion isotopique du plutonium, la teneur équivalente va évoluer. La
date prévisible de mise en réacteur des assemblages MOX associée
au vieillissement du plutonium seront des paramètres très influents
sur la valeur de la teneur en plutonium à retenir pour la fabrication
des pastilles.

2.2.2 Caractéristiques neutroniques du MOX


t1 = 3,35 % - 64 crayons
Le plutonium présente des caractéristiques neutroniques qui t2 = 5,10 % - 100 crayons
diffèrent de celles de l’uranium. Elles vont avoir une incidence sur le t3 = 6,75 % - 100 crayons
comportement du cœur et, par voie de conséquence, sur la concep-
tion du cœur. tmoy = 5,30 % - 264 crayons

Le tableau 3 donne les valeurs des sections efficaces de fission et t teneur en plutonium
de capture des différents isotopes du plutonium et de l’uranium
pour un assemblage MOX enrichi à 5,3 % en Pu (calculs EDF- Figure 4 – Exemple de zonage d’assemblages MOX,
SEPTEN). dessin initial Saint Laurent B1

Tableau 3 – Sections efficaces de fission et capture


des différents isotopes du plutonium et de l’uranium UO2 MOX UO2 UO2 MOX UO2
pour un MOX enrichi à 5,3 % en Pu
Flux neutronique
Sections efficaces (en barns) pour les ø
neutrons thermiques
Isotopes
Fission σf Capture σc
Section efficace
238Pu 0 150 de fission
σf
239Pu 480 260
240Pu 0 140
241Pu 460 190 Puissance
k σf ø
242Pu 0 7
235U 190 35
238U 0 1 Sans zonage Avec zonage
241Am 3 497
Figure 5 – Incidence du zonage de l’assemblage MOX

Les sections efficaces de fission des isotopes impairs du pluto-


nium sont nettement supérieures à celles de l’uranium. Dans un Le coefficient modérateur du combustible MOX est, en valeur
cœur mixte où se trouvent côte à côte assemblages UO2 et assem- absolue, plus important à cause des grandes résonances des
blages MOX, un pic de puissance apparaîtrait aux interfaces. Ces sections efficaces dans le domaine thermique des isotopes du pluto-
points chauds ne seraient pas acceptables vis-à-vis des critères de nium.
sûreté, aussi a-t-on conçu un assemblage MOX avec trois zones Le coefficient de température « Doppler » du combustible MOX
d’enrichissement, l’enrichissement le plus faible étant situé en péri- est plus élevé suite aux résonances d’absorption du plutonium 240
phérie (figure 4). dans le domaine épithermique.
L’efficacité du zonage est schématisée figure 5.
La fraction de neutrons retardés est plus faible pour le pluto-
Les sections efficaces d’absorption σf + σc sont également plus nium 239 (212 pcm*) que pour l’uranium 235 (650 pcm) (valeurs
élevées que celles de l’uranium dans le domaine des neutrons ther- tirées des calculs EDF-SEPTEN).
miques. Cela a pour effet le déplacement du spectre neutronique
Nota : * pcm : pour cent mille (en 10–5).
vers les plus hautes énergies qui va entraîner une diminution de
l’efficacité des absorbants thermiques : grappes de contrôle en Les paramètres physiques d’un cœur mixte conduiront à un
argent-indium-cadmium et bore soluble. comportement cinétique différent de celui d’un cœur tout UO2.

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2.3 Mise en œuvre du chargement 2.3.2 Dossiers d’études et les adaptations


d’assemblages MOX des tranches nucléaires

L’analyse des performances et de la sûreté des tranches


2.3.1 Choix du type de gestion « moxées » est menée en prenant comme référence le dossier de
sûreté initial, basé sur un cœur chargé en assemblages UO2. Dans
ce dossier figure la liste des accidents dont les conséquences sont à
En 1985, la décision de recycler des quantités significatives de
étudier et les critères à respecter.
plutonium dans les REP conduisait à prendre en compte le MOX
dans un cadre industriel et non plus en terme d’expérimentation. Le MOX ayant pour effet de modifier certaines caractéristiques
physiques du cœur (cf. § 2.2.2), il est nécessaire de réanalyser
La parité du MOX vis-à-vis de l’UO2 était alors recherchée : sa
l’ensemble des accidents affectant la thermohydraulique du cœur et
mise en réacteur ne devait pas avoir d’incidence significative sur les
la réactivité. Les méthodologies d’études sont analogues à celles
performances de la tranche, sa sûreté et ses conditions d’exploita-
utilisées pour un cœur qui ne contient pas de MOX, la précision des
tion.
codes de calcul ayant fait l’objet de vérifications et validations expé-
A l’époque, les REP 900 étaient renouvelés par tiers de cœur. rimentales spécifiques.
Chaque année 52 assemblages neufs enrichis à 3,25 % en ura-
Compte tenu de la perte d’efficacité des absorbants et du bore
nium 235 étaient chargés. Des études menées tant en France qu’à
soluble dans un cœur « moxé », deux modifications ou adaptations
l’étranger avaient montré la faisabilité du recyclage du plutonium
des systèmes ont été effectuées. Elles concernent :
jusqu’à un taux de 30 %.
— la modification du schéma d’implantation de quatre grappes et
La décision a alors été prise de lancer les études de chargement
l’ajout de quatre autres grappes ;
d’assemblages MOX sur les bases suivantes :
— l’augmentation de la concentration en bore dans certains
— nombre d’assemblages UO2 par recharge .............................. 36 réservoirs.
— taux d’enrichissement des assemblages UO2 .................. 3,25 %
— nombre d’assemblages MOX par recharge ............................ 16 Ces adaptations ayant été réalisées, le calcul des paramètres clés
— teneur en 235U de l’uranium support du MOX............... 0,225 % des études de sûreté : facteurs de pics radiaux de puissance dans
différentes configurations des grappes dans le cœur, concentrations
La teneur en plutonium du MOX est définie de façon à avoir la en bore, efficacité du bore, coefficients de température du modéra-
même longueur de campagne qu’avec le cœur tout UO2. Elle teur, marge d’antiréactivité, etc., a permis de démontrer la sûreté du
dépend des caractéristiques de l’uranium retraité. Trois origines ont cœur dans toutes les situations. Le réglage des seuils de protection
été examinées, chacune correspondant à des plutoniums aux du cœur et l’actualisation des spécifications d’exploitation autori-
compositions isotopiques particulières (tableau 4). sent un fonctionnement des tranches dans des conditions nomi-
L’irradiation moyenne de décharge des assemblages UO2 était de nales.
l’ordre de 33 000 MWj/t, le taux de combustion des assemblages Les plans de chargement (figure 6) devront respecter les paramè-
MOX les plus irradiés voisins de 40 000 MWj/t. tres clés des études de sûreté avec cependant deux prescriptions :
En 1993, l’autorité de sûreté autorisait EDF à utiliser les assem- — afin de limiter la perte d’efficacité des absorbants, on évitera
blages UO2 jusqu’à un taux de combustion de 47 000 MWj/t. Afin de de placer des assemblages MOX dans les positions des grappes de
bénéficier de ces nouvelles possibilités, un nouveau type de gestion contrôle ;
appelé « hybride » a été retenu. Les assemblages UO2 restent — afin de ne pas augmenter la fluence des neutrons rapides sur
pendant quatre campagnes en réacteur. Les assemblages MOX sont la cuve, on s’interdit de positionner les assemblages MOX neufs en
déchargés après trois campagnes, leur taux de combustion n’ayant bout des médianes du cœur.
pas évolué.
Chaque recharge est constituée de :
— 28 assemblages UO2 enrichis à 3,7 % ; 2.3.3 Radioprotection et conséquences
— 16 assemblages MOX d’enrichissement équivalent à 3,25 % radiologiques des accidents
UO2.
Cela entraîne un gain, à chaque recharge de 8 assemblages UO2 , Les aspects radioprotection et les conséquences radiologiques
par rapport à la gestion initiale. des accidents en fonctionnement normal de la tranche et en situa-
Concernant la conception et la fabrication des assemblages MOX, tions accidentelles sont analysés en mettant en évidence les diffé-
on se reportera aux articles correspondants dans les volumes de ce rences par rapport au cœur entièrement chargé en combustible
traité. UO2.

Tableau 4 – Compositions isotopiques des plutoniums dans le MOX en fonction de leur origine
Composition isotopique (en %)
Origine du plutonium
238Pu 239Pu 240Pu 241Pu 242Pu 241Am Pu équivalent (**)
(%)
UNGG U naturel 5 GWj/t 0,2 72,7 22,2 4,1 0,8 < 0,1 4,04
REP e = 1,8 % (*) 10 GWj/t 0,6 66,6 21,1 8,1 2,6 1,0 4,38
REP e = 3,25 % 33 GWj/t 1,8 57,9 22,5 11 5,6 1,1 5,3
e : enrichissement en 235U.
(*) Combustible de la région la moins enrichie d’un premier cœur REP 900 MW
(**) Plutonium équivalent à de l’uranium enrichi à 3,25 %.
UNGG : Uranium naturel gaz graphite

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Rendement en masse de la fission (%)


10
N N N

N N Pu0 Pu1 Pu0 N N

N Pu0 Pu2 Pu2 Pu0 N

N Pu1 Pu2 Pu1 Pu1 Pu2 Pu1 N 1

N Pu0 Pu0 N 233U 239Pu

N Pu2 Pu2 N

N Pu0 Pu2 Pu1 Pu1 Pu2 Pu0 N 10–1


N Pu1 Pu1 N

N Pu0 Pu2 Pu1 Pu1 Pu2 Pu0 N

N Pu2 Pu2 N
10–2 235U
N Pu0 Pu0 N

N Pu1 Pu2 Pu1 Pu1 Pu2 Pu1 N

N Pu0 Pu2 Pu2 Pu0 N

N N Pu0 Pu1 Pu0 N N 10–3


60 80 100 120 140 160
N N N Nombre de masse du produit de fission

233
N UO2 neuf Figure 7 – Courbes de distribution des produits de fission des U-
235
Pu0 MOX neuf U - 239Pu dans un flux thermique
Pu1 MOX irradié 1 cycle
Pu2 MOX irradié 2 cycles En complément des études relatives au cœur évoquées précédem-
ment, l’encadré liste les principaux thèmes analysés et résume les
Figure 6 – Plan de chargement à l’équilibre principales conclusions.

Ces écarts proviennent, d’une part, de l’activité des assemblages Principaux thèmes analysés et principales conclusions
neufs, d’autre part, de la distribution des produits en fission Fabrication du MOX ●
(figure 7) modifiant ainsi le terme source dans le cœur.
La sûreté et les aspects radioprotection sont analysés dans le
Ces aspects sont traités dans l’article [B 3 655] Produits de fission.
cadre de l’autorisation du démarrage de l’usine MELOX.
Des dispositions particulières ont été prises au niveau de la manu- ● Transport des assemblages neufs
tention et de l’examen des assemblages neufs sur site, afin de mini-
miser l’exposition des intervenants. Les châteaux de transport ont été modifiés pour prendre en
Concernant l’activité du réfrigérant primaire, des spécifications compte les paramètres suivants :
— la puissance dégagée par les assemblages MOX ;
identiques à celles définies pour les cœurs UO2 ont été reconduites
— la radioprotection avec les débits de dose dus aux neutrons
en cas de rupture de gaine.
émis par le plutonium et aux γ en provenance, en particulier, de
Une attention particulière a été portée sur la production de tritium l’américium 241.
qui, dans un REP, a deux origines distinctes : ● Manutentions en centrale des assemblages neufs
— les réactions neutroniques sur les produits employés pour le
L’activité des assemblages MOX a nécessité l’installation
conditionnement chimique du réfrigérant primaire (10B, 6Li, 7Li),
d’une protection biologique dans le poste d’examen du combus-
dont les teneurs sont plus élevées dans un cœur « moxé » ;
tible. Les assemblages neufs sont stockés directement sous eau
— la formation par fissions dans le combustible et la diffusion dans la piscine et ne transitent pas par le bâtiment combustible.
d’une fraction minime au travers du gainage en zircaloy.
● Entreposage du combustible usé en piscine de désacti-
Bien que des études théoriques aient fait apparaître une augmen- vation
tation de la production de tritium avec le combustible MOX, le
retour d’expérience ne l’a pas confirmé. La puissance résiduelle du MOX décroît plus lentement que
celle de l’UO2. Alors qu’un assemblage UO2 peut être transporté
L’analyse des conséquences radiologiques des accidents entraî- au bout d’un an, il faut attendre deux ans et demi pour que la
nant des ruptures de gaine, voire la fusion du cœur, est menée en puissance de l’assemblage MOX atteigne la même valeur.
comparant les inventaires des produits de fission des cœurs tout
● Transport du combustible irradié
UO2 et des cœurs « moxés ». Les termes sources étant très proches
les assemblages MOX ne modifient pas l’ordre de grandeur des acti- Compte tenu des caractéristiques du conteneur de transport
vités. (TN12) et des assemblages irradiés, chaque transport contient
quatre assemblages MOX et huit assemblages UO2.
● Retraitement du combustible irradié
2.3.4 Incidence du MOX sur le cycle
du combustible Le retraitement du MOX est analysé dans le cadre des autori-
sations de fonctionnement de l’usine de la Hague. Des actions
La constitution des dossiers présentés à l’autorité de sûreté en de recherche et de développement spécifiques ont permis de
vue d’obtenir l’autorisation de mettre du MOX en réacteur a néces- vérifier que le MOX était retraitable. A ce jour, EDF n’a pas pris
sité un balayage de l’ensemble du cycle du combustible afin de la décision de faire retraiter les assemblages MOX. Ce sujet est
mettre en évidence les différences par rapport au cycle à l’uranium. développé dans l’article « Cycles du combustible ».

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3. Voies de développement un cœur contenant des assemblages UO2 et MOX présenterait des
contraintes importantes.
L’augmentation du rapport de modération du cœur, en retirant
Elles se situent dans deux directions : des crayons de combustible ou en modifiant le pas du réseau de
l’assemblage est une voie qui vise aussi à augmenter la consomma-
— recherche à court et moyen termes d’une utilisation plus éco- tion de plutonium. Le réacteur à modération accrue (RMA) présente
nomique du MOX ; cependant l’inconvénient d’avoir une puissance volumique plus
— investigations permettant de définir des voies qui permet- faible ce qui, à puissance de cœur équivalente, conduirait à une
traient une utilisation plus massive du plutonium en associant éven- augmentation des dimensions de la cuve.
tuellement le recyclage des actinides mineurs.
D’une façon générale, l’augmentation de la quantité de plutonium
dans le cœur ne peut qu’exacerber les phénomènes. Aussi l’effica-
cité du contrôle du cœur doit-elle être particulièrement examinée.
3.1 Amélioration de la gestion actuelle L’analyse de situations accidentelles fait apparaître certaines limita-
tions, par exemple sur la teneur en plutonium à ne pas dépasser, et
une grande sensibilité à la composition isotopique.
Baisser le prix de revient du kilowattheure, souci permanent du
producteur d’électricité, passe par la recherche d’une baisse de la
part du combustible (coût du cycle) dans ce prix.
Dans la gestion actuelle dite « hybride » les assemblages UO2
3.3 Maîtrise des masses de plutonium
restent pendant quatre campagnes en réacteur alors que les assem- et d’actinides mineurs
blages MOX sont déchargés au bout de trois. Ce déficit de l’ordre de
15 % du taux de combustion du MOX par rapport à l’UO2 conduit à
un coût de cycle supérieur d’environ 5 % au coût du cycle d’un cœur Le multirecyclage du plutonium et des actinides mineurs, dont la
tout UO2. faisabilité dans les réacteurs à neutrons rapides fait l’objet de
programmes dans le réacteur Phénix, fait également l’objet
Plusieurs méthodes ont été développées pour comparer sur le d’études pour les REP.
plan économique MOX et UO2 (études OCDE, AIEA, EDF…). Ces
études deviennent rapidement complexes dès que sont envisagées Sur le plan de la physique, le recyclage dans un réacteur à
différentes hypothèses sur l’aval du cycle (cf. § 1.4). neutrons thermiques est moins favorable que dans un RNR, du fait
que les isotopes pairs du plutonium n’y sont pas fissiles ; ceci a
En se limitant à l’amont du cycle et en considérant une production deux conséquences :
d’énergie égale les composantes du coût de cycle sont :
— la nécessité d’un surenrichissement pour compenser la perte
— le prix de l’uranium naturel, de la conversion, de l’enrichisse- de réactivité ; on atteint assez rapidement un taux de vide positif, ce
ment et de la fabrication du combustible ; qui est une limite de sûreté ;
— le coût de l’uranium appauvri converti en oxyde (faible) et le — une production accrue d’actinides mineurs, ce qui n’est guère
coût de fabrication (de l’ordre de 4 à 5 fois celui de l’UO2). favorable à leur incinération.
L’augmentation du taux de combustion du MOX fait, en relatif, Des études ont montré cependant qu’il n’était pas strictement
baisser le poste fabrication dans le coût du cycle. impossible de faire du multirecyclage et d’incinérer des actinides
Le projet « Parité MOX » initié par EDF est basé sur la recherche dans les REP, au moins en les diluant dans une matrice d’uranium
d’une utilisation des assemblages MOX dans les mêmes conditions légèrement enrichi ; l’économie d’une telle solution reste à étudier.
que les assemblages UO2. Tous les assemblages resteraient alors
pendant quatre campagnes en réacteur. Dans ces conditions, le coût
de cycle d’une gestion avec MOX rejoindrait celui d’une gestion tout
UO2 et pourrait même être inférieur.
Le taux de combustion des assemblages MOX doit être d’au
4. Actions de recherche
moins 50 000 MWj/t. La teneur en plutonium, équivalente à et de développement
l’uranium enrichi à 3,7 % des assemblages UO2, pourra selon les
caractéristiques du combustible retraité duquel sera issu le pluto-
nium, atteindre 7 %.
4.1 Évolution des actions de recherche
La mise en œuvre de cette nouvelle gestion suppose :
et développement sur le MOX
— la qualification d’un combustible MOX pour un taux de com-
bustion d’au moins 50 000 MWj/t ;
— l’aboutissement des études relatives à la chaudière (analyses La décision de recycler, à l’échelle industrielle, du plutonium dans
liées à la sûreté et au fonctionnement), une évaluation des inciden- les REP a été prise à une époque où l’essentiel de l’expérience fran-
ces sur l’ensemble du combustible. çaise sur la fabrication et le comportement du combustible était issu
de l’expérience sur le RNR.
L’étendue des connaissances et la richesse de l’expérience issues
3.2 Augmentation de la quantité des travaux sur les oxydes mixtes des RNR : techniques de fabrica-
tion, propriétés des oxydes d’uranium et de plutonium, comporte-
de plutonium dans les cœurs ment sous irradiation, retraitement…, ont constitué un héritage
appréciable.
Les taux de recyclage dans les REP est actuellement limité à 30 % En parallèle aux développements du combustible RNR, l’intérêt
d’assemblages MOX. Des études à caractère prospectif ont été pour le combustible MOX commençait à apparaître tant en France
entreprises afin d’évaluer les possibilités d’augmenter la proportion qu’à l’étranger.
de MOX. Dès 1963, le premier assemblage MOX fabriqué par Belgonu-
Le REP 100 % MOX a été particulièrement étudié. Un tel cœur cléaire était chargé dans le réacteur BR3 en Belgique.
présenterait l’avantage de ne pas nécessiter de zonage pour les En 1968, le réacteur bouillant italien de Garigliano recevait une
assemblages. Par contre, le passage d’un cœur tout plutonium vers recharge de combustible MOX.

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Suivait, sous l’égide d’EURATOM, un programme de recherches — qualifier la méthode de calcul des puissances locales à partir
destiné à valider les outils de calcul de neutronique. Les expériences des mesures internes dans certains assemblages ;
critiques réalisées dans les réacteurs Minerve et Eole du CEA, sur — valider le calcul des absorbants insérés dans des assemblages
différentes configurations d’assemblages ont permis de mesurer MOX ;
certains paramètres fondamentaux de la physique du cœur : distri- — conforter les moyens d’étude du coefficient de vidange.
bution de puissance, efficacité des absorbants, effet Doppler, coeffi-
cient de température… ■ Suite du programme EPICURE, le programme MISTRAL (MOX
Le programme EURATOM a mis en œuvre, dans le réacteur de la Investigation of Systems Technically Relevant of Advanced Light
centrale nucléaire des Ardennes, le chargement d’assemblages water reactor) est dédié à l’étude des cœurs 100 % MOX. Lancé en
MOX expérimentaux de deux types différents : « tout plutonium » 1996, il doit s’achever en 2000. Réalisé dans le réacteur Eole, il fait
(Westinghouse) et à « îlots plutonium » (association Belgonucléaire- l’objet d’une collaboration entre les trois partenaires français Fra-
CEA-RBU). Des crayons ont fait l’objet d’analyses isotopiques sur matome, CEA, EDF et le Nuclear Power Engineering Corporation au
l’uranium, le plutonium et les actinides mineurs ainsi que Japon.
d’examens destructifs en laboratoire chaud. Dans le cadre des études de stratégies envisageant des augmen-
En Europe, dès 1968, Alkeim en Allemagne fabriquait des assem- tations de quantité de plutonium dans les cœurs, il est important de
blages MOX dans son usine de Hanau. connaître la limite admissible vis-à-vis des critères de sûreté et, en
En Suisse, des assemblages MOX étaient chargés dans le réac- particulier, du coefficient de vidange.
teur Beznau 1. En France, une expérimentation était lancée dans la
CAP (chaudière avancée prototype) au CEA. Elle contenait deux ■ L’expérience VIPO (Void coefficient measurement In Plutonium
types d’assemblages fabriqués, les uns par Belgonucléaire, les mixed Oxyde lattice) avait pour but de compléter la qualification du
autres par le CEA au CFCa. schéma de calcul du coefficient de vidange pour des teneurs en plu-
Prise en compte de l’expérience sur le RNR, acquisition de tonium de 9,7 à 14,4 %. Ce programme réalisé dans la pile VENUS
connaissance en neutronique et sur le combustible ont contribué à (Vulcain Experimental Nuclear Studies) du Centre d’études nucléai-
conforter le dossier qui a conduit à la décision française de 1985 : le res de Mol en Belgique, en collaboration avec le Japon, l’Angleterre,
recyclage du plutonium dans les REP. la Belgique et la France complète le programme EPICURE.

■ La sûreté du combustible MOX en réacteur fait l’objet des


mêmes investigations que celles qui accompagnent le développe-
ment de l’UO2. Dans ce cadre, une attention particulière est appor-
4.2 Recherche et développement tée à la vérification du comportement du crayon en cas d’insertion
en support des études de cœur rapide de réactivité provoquée, par exemple, par l’éjection d’une
grappe de contrôle. L’étude de sûreté doit démontrer que l’enthalpie
déposée dans les crayons lors d’un tel accident reste inférieure à
celle qui conduirait à une dégradation du crayon pouvant aller
Bien que compatibles avec les assemblages UO2, les assem- jusqu’à une dispersion du combustible dans le réfrigérant.
blages MOX présentent, comme développé précédemment, des La vérification de la limite d’enthalpie admissible dans un crayon
spécificités et des conséquences qu’il sera nécessaire de bien MOX irradié de façon significative n’avait jamais été menée. Afin de
maîtriser par le calcul : hétérogénéité de la nappe de puissance, effi- pallier ce manque, trois essais sur des crayons irradiés dans des
cacité des absorbants, paramètres physiques du cœur, effet de réacteurs de puissance pendant deux, trois et quatre cycles ont été
vidange… réalisés. Décidés et exécutés dans un cadre coopératif IPSN - Frama-
Qualifier les schémas de calculs neutroniques et des études tome - EDF, ils ont été effectués dans l’installation CABRI de l’IPSN
d’accidents, préciser les incertitudes à associer aux résultats sont au Centre CEA à Cadarache.
les objets essentiels de cette R et D. Ils ont permis de s’assurer qu’une dégradation des crayons n’était
Le retour d’expérience des mesures effectuées dans les centrales pas à craindre s’ils étaient soumis aux enthalpies calculées dans les
constitue une base importante de données pour la qualification des études d’accidents relatives aux gestions actuelles.
chaînes de calculs. Il doit cependant être complété par des expéri-
mentations plus analytiques qui sont mises en œuvre dans des réac-
teurs de recherche.
Sans parler de l’important effort mené dans un cadre interna-
tional pour l’amélioration des bibliothèques de constantes neutroni- 5. Conclusion
ques de bases quelques réalisations particulièrement significatives
méritent d’être signalées.

L’utilisation du plutonium sous forme de combustible MOX dans


■ Le programme EPICURE a été lancé en 1988 dans un cadre tri-
les réacteurs à eau pressurisée est une réalité industrielle. Grâce à
partite CEA - FRAMATOME - EDF.
une très bonne coordination entre les différents acteurs : industriels,
Effectué dans les installations Eole et Minerve du CEA à Cada- laboratoires de recherches, exploitants de centrales, cette maîtrise a
rache, il devait fournir des résultats destinés à la qualification des pu être atteinte dans un délai très court. L’énorme activité déployée
outils et méthodes de calcul de cœurs mixtes (UO2 - MOX). dans les domaines divers tels que les études, les expérimentations,
les mises au points de procédés, les adaptations de systèmes équi-
Plus de 3 500 crayons ont été utilisés dans diverses configura-
pements ou spécifications, a permis de minimiser les contraintes
tions avec ou sans absorbants. Le taux d’enrichissement des
d’exploitation des tranches nucléaires et de les faire fonctionner
crayons UO2 était de 3,7 % celui des crayons MOX 4,3, 7 et 8,7 %.
sans altérer leurs performances et leurs niveaux de sûreté.
Les résultats ont permis de :
— réduire les incertitudes sur le calcul des puissances locales Les évolutions en cours devront permettre, en recherchant une
notamment à l’interface entre assemblages MOX et UO2 aux parité entre combustibles MOX et UO2 , d’améliorer l’économie du
mêmes valeurs que pour un cœur tout UO2 ; coût de cycle.

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Dans le cadre de recherches de solutions concernant l’aval du présentés à l’autorité de sûreté en vue de l’obtention des autorisa-
cycle, plusieurs voies d’investigation prenant en compte les REP tions de chargements du MOX et de l’exploitation des tranches.
sont explorées afin de réduire les masses de plutonium et d’acti- Ces dossiers analysés et critiqués par les Départements spécia-
nides mineurs. lisés de l’IPSN ont fourni les éléments présentés aux différents
groupes permanents chargés de donner avis et recommandations
sur la sûreté des tranches nucléaires et des installations du cycle,
■ Les informations techniques contenues dans cet article provien- qui se sont réunis plusieurs fois depuis 1986.
nent essentiellement des études menées en France dans le cadre de
l’utilisation du MOX en REP. Placées sous la responsabilité techni- Parmi les très nombreux documents sur le MOX, des synthèses
que du SEPTEN, de la Direction de l’Équipement à EDF, elles sont la récentes sont particulièrement intéressantes.
contribution de multiples acteurs : Citons les réunions techniques organisées par la Société fran-
— le CEA, FRAMATOME, FRAGEMA, COGEMA, Belgo- çaise d’énergie nucléaire :
nucléaire … — le 27 octobre 1995 : la R et D du combustible MOX dans les
— à EDF : les services chargés de la stratégie et des Études éco- réacteurs à eau sous pression ;
nomiques, la délégation aux Combustibles, l’Exploitation du Parc — le 17 juin 1997 : 1987-1997 10 ans de combustible MOX en
nucléaire, la Direction des Études et Recherches ; France ;
— au sein de la Direction de l’Équipement : le Service de la Qua- — et les articles parus dans la Revue Générale Nucléaire ;
lité des Réalisations, les Centres d’Ingénierie et les différents dépar- — le Plutonium : n° 1 - 1995 ;
tements du SEPTEN. — Cycle du Combustible - Recherches et Réalisations : n° 2 -
1996 ;
Ces très nombreuses études de faisabilité ou de réalisation ont — Les Avancées dans le Domaine du Combustible Nucléaire :
contribué à la réalisation de dossiers qui, pour la plupart, ont été n° 3 - 1997.

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