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THESE
en vue de l’obtention du titre de docteur ès sciences de gestion
Le 12 Juin 2007
Rapporteurs :
Isabelle MARTINEZ
Marc NIKITIN
Suffragants :
Robert DESCARGUES
Monique LACROIX
Fabienne ORIOT
Directeur de thèse :
Professeur Michèle SABOLY, Université Toulouse 1
REMERCIEMENTS
Je remercie Isabelle Martinez, qui a su se rendre disponible et m’a aidée de ses précieux
conseils pendant cette recherche. Je la remercie aussi d’avoir accepté la tâche de rapporteur.
Les échanges passionnés et riches avec mes collègues du laboratoire CIM sont toujours une
fort enrichissante source de réflexion.
1
Merci aussi à tous les doctorants du CRG Comptabilité Contrôle de l’université Toulouse 1,
avec qui j’ai partagé de nombreux ateliers, mais aussi des séances de travail et quelques
colloques dans une ambiance très sympathique.
Je remercie également de sa gentillesse et de ses relectures Nihel Chabrak, qui m’a donné de
précieuses indications, même à distance.
Je ne citerai pas tous ceux et celles, amis et proches, qui m’ont soutenue et encouragée
pendant ces années de thèse, mais je pense à eux et à elles (clin d’œil à Hervé Bout).
Rien de tout cela n’aurait été possible sans la présence et l’affection de l’ensemble de ma
famille, petits et grands. Merci du fond du cœur à mes parents, qui m’ont toujours fait
confiance, à Valérie et Olivier, à Pierre-Jacques, qui était déjà passé par ce chemin. Merci
aussi à mes beaux-parents et à Pascal. Ceux qui sont docteurs, comme ceux qui ne le sont pas,
ont toujours été attentifs et présents.
Je remercie Agathe, Bastien et Garance, qui ont parfois trouvé que ce travail de thèse occupait
beaucoup leur maman, mais qui m’ont si gentiment encouragée.
2
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS............................................................................................................................................ 1
SOMMAIRE ......................................................................................................................................................... 3
CHAPITRE 1 .................................................................................................................................................... 31
OBJET DE RECHERCHE ET DEMARCHE DE RECHERCHE ............................................................. 31
1 Définition des concepts de PRC et d’annonce de PRC ......................................................................... 32
2 Mise en œuvre des PRC : les objectifs et les outils ................................................................................ 51
3 Problématique et démarche de recherche ................................................................................................ 66
CHAPITRE 2 .................................................................................................................................................... 81
L’ANNONCE DE POLITIQUE DE REDUCTION DES COUTS (PRC) : UNE DIVULGATION
VOLONTAIRE D’INFORMATION FINANCIERE POUR LES ENTREPRISES COTEES .............. 81
1 Cadre théorique et revue de littérature sur les divulgations volontaires ............................................. 83
2 Le modèle de communication financière de Gibbins, Richardson & Waterhouse (GRW) adapté
aux annonces de PRC ...................................................................................................................................... 100
3 Méthodologie de l’étude empirique........................................................................................................ 114
4 Résultats de l’analyse de contenu ........................................................................................................... 130
5 Synthèse et interprétation des résultats .................................................................................................. 143
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 ............................................................................................................... 161
3
4
Introduction
INTRODUCTION GENERALE
« Power 8 », le plan de réduction des coûts d’Airbus, a récemment fait la une de nombreux
médias, jusqu’à s’inscrire au cœur des débats de la dernière campagne présidentielle. Symbole
de la réussite technologique européenne quelques mois plus tôt, Airbus apparait lors de
l’annonce du plan comme une entreprise devant inéluctablement réduire ses coûts pour
améliorer sa compétitivité. Le plan « Power 8 » a fait l’objet d’une communication intensive,
destinée d’une part aux parties prenantes concernées, et également à la communauté
financière.
Cette thèse a pour objet l’étude du discours des entreprises cotées sur leurs politiques de
réduction de coûts. Si les annonces de réduction de coûts, parfois accompagnée de réduction
d’effectifs, ont été nombreuses ces dernières années, ce phénomène est peu étudié jusqu’ici
par les chercheurs.
La plupart des managers rencontrés au cours des années consacrées à cette recherche se
sentaient immédiatement concernés par ce sujet, dans leur entreprise ou chez leurs clients.
Paradoxalement, la littérature est étonnamment peu abondante concernant les politiques de
réduction des coûts et leur place dans la communication financière des entreprises.
Avant de préciser les concepts de politique de réduction de coûts (ou PRC) et d’annonce de
réduction des coûts et de poser la démarche de recherche adoptée dans cette thèse (ce qui fera
l’objet du chapitre un), il convient de mettre en évidence préalablement le fait que :
• la PRC procède des activités de calculs de coûts que les entreprises développent pour
améliorer leur résultat. A ce titre, elle appartient à la sphère des pratiques
gestionnaires de l’entreprise.
5
Introduction
En conséquence, notre introduction se propose de préciser les deux pôles qui vont structurer
les annonces de PRC : le pôle « communiquer » et le pôle « calculer ».
Dans une première section de l’introduction, nous partirons à la recherche des fondements
de la communication financière contemporaine dans laquelle s’inscrivent les annonces
récentes de PRC. Cette communication financière décline ses messages aux différents acteurs
des marchés financiers. Elle développe des outils de marketing financier à partir
d’informations financières issues des systèmes comptables des entreprises cotées. Ces
systèmes comptables s’inscrivent eux-mêmes dans un modèle comptable particulier, celui de
la partie double. Dans une seconde section de cette introduction, nous verrons que ce modèle
est lui-même fortement dépendant du système économique dans lequel il s’est développé.
La communication financière des entreprises cotées a pris ces dernières années une place
considérable compte tenu du caractère concurrentiel des marchés financiers. Cependant, cette
communication financière est née avec l’émergence des marchés de capitaux (1.1), dans
lesquels les courtiers jouaient un rôle majeur de diffusion de l’information financière, ce qui
6
Introduction
n’a pas été sans entraîner quelques scandales. Depuis les années 1980, sous l’effet des vagues
successives de privatisations et de l’internationalisation des marchés financiers, la
communication financière des entreprises françaises cotées s’est transformée en un outil
stratégique (1.2) destiné à garantir à l’entreprise l’accès au meilleur coût aux ressources
financières. Cet accès aux ressources financières est favorisé par la confiance que les
investisseurs apportent à l’entreprise et à ses dirigeants (1.3), confiance entretenue par les
messages de la communication financière. La marge de manœuvre des entreprises cotées en
matière de communication financière est cependant contrainte par l’encadrement de
l’information financière, qui en est le socle principal, par un environnement règlementaire qui
se renforce à chaque nouveau scandale (1.4).
La communication financière naît en même temps que l’appel public à l’épargne, au moment
où les entreprises ont besoin de se faire connaître pour réunir les capitaux importants qui leur
sont nécessaires.
La première société française de capitaux est probablement la société des Moulins du Bazacle,
fondée en 1250 pour financer un moulin sur la Garonne. Cette exploitation collective prend la
forme d’une entité juridique originale dont le capital est composé de parts librement cessibles
avec responsabilité limitée des actionnaires, les pariers (Saboly, 2001, p.70). A sa création, il
n’existe pas encore de Bourse en France, donc pas encore de marché vraiment actif vers
lequel déployer une communication. La première Bourse sur le sol français n’apparaît qu’en
1462 à Lyon, sous l’influence des banquiers toscans, puis à Toulouse en 1469. La Bourse
trouverait son origine dans les « réunions de marchands que connurent très tôt tous les
grands centres de l’Orient et de la Méditerranée, et qui semblent attestées à Rome vers la fin
du second siècle après Jésus Christ » (Braudel, 1979, p.99). Au début du XVIIème siècle, la
place d’Amsterdam voit la création d’un marché des valeurs. « Les fonds publics, les
prestigieuses actions de la Compagnie des Indes orientales sont devenues l’objet de
spéculations vives, absolument modernes » (Braudel, 1979, p.101). La nouveauté à
Amsterdam ne réside pas dans l’émergence d’un marché des valeurs (déjà présent en Italie)
mais dans l’importance des volumes échangés, la publicité, la fluidité des transactions, la
7
Introduction
liberté spéculative1, mais aussi l’implication de petits actionnaires à côté des gros
investisseurs.
Les jeux spéculatifs à la hausse et à la baisse, sur des actions réelles (les actions sont
nominales) ou non (par des achats ou ventes « en blanc », donc à terme), se développent
ensuite au XVIIIème siècle, à Amsterdam et à Londres, avec « l’élargissement du jeu sur les
actions de la Compagnie anglaise des Indes orientales, de la banque d’Angleterre, de la Mer
du Sud2, et surtout les emprunts du gouvernement anglais » (Braudel, 1979, p.104), malgré
une publication officielle du cours des actions dès 1747. Les courtiers, intermédiaires
obligatoires, sont les dispensateurs d’information financière, et jouent un rôle essentiel dans la
circulation d’informations sur les entreprises ou sur les évènements susceptibles d’avoir un
impact sur le cours des titres.
Cet appel public à l’épargne est jalonné de scandales dans lesquels les investisseurs, banquiers
ou petits épargnants, sont attirés par une communication financière leur promettant des
rentabilités élevées, voire par des informations financières erronées ou manipulées. La faillite
de la banque de Law en 1720 fut probablement en France le premier scandale financier
historique, riche de conséquences. Il rend les Français méfiants vis-à-vis du papier monnaie et
de la banque, alors que les grandes bourses d’Amsterdam et Londres ont assuré le triomphe de
la monnaie de papier.
Au XIXème siècle, les changements profonds qui s’opèrent dans les modes de financement
des entreprises, avec la création de la société anonyme par le code de commerce en 1807,
développent un vecteur d’information en confèrant « à la comptabilité une dimension
nouvelle » (Lemarchand & Praquin, 2005, p.16). Du fait des règles mises en place, la
comptabilité, en tant qu’instrument de mesure du profit, sort du champ strict de l’entreprise et
devient « productrice d’informations susceptibles d’orienter les capitaux » (p.17). Le contrôle
de l’évaluation du profit devient ainsi un enjeu social majeur, ce qui est illustré par des
manipulations et des falsifications comptables nombreuses et variées.
1
La Hollande fut le théâtre de la première explosion de bulle spéculative connue avec la « tulipomania », qui vit
le prix des oignons de tulipe s’élever à des hauteurs vertigineuses, avant de s’effondrer « comme dans un
précipice » en 1637 (Gailbraith, 1992).
2
Qui fera l’objet du scandale du South Sea Bubble.
8
Introduction
A la même époque, Zola met en scène la Banque Universelle6. Il jette un œil très critique sur
le travail de Jantrou, chargé par Saccard de ce que l’on pourrait appeler la communication
financière de sa banque auprès des investisseurs potentiels, mais que Zola appelle « son agent
secret », chargé d’organiser une vaste publicité autour de l’Universelle.
«Parmi les petites feuilles financières qui pullulaient, il en avait choisi et acheté une dizaine. Les meilleures
appartenaient à de louches maisons de banque, dont la tactique, très simple, consistait à les publier et à les
donner pour deux ou trois francs par an, somme qui ne représentait même pas le prix de l’affranchissement ; et
elles se rattrapaient d’autre part, trafiquaient sur l’argent et les titres des clients que leur ramenaient le
journal. […] Mais la grosse affaire qu’il méditait, c’était d’acheter l’une d’entre elles « La Cote Financière »,
qui avait déjà douze ans de probité absolue ; seulement, ça menaçait d’être très cher, une probité pareille ; et il
attendait que l’Universelle fût plus riche et se trouvât dans une de ces situations où un dernier coup de
trompette détermine les sonneries assourdissantes du triomphe. Son effort, d’ailleurs, ne s’était pas borné à
grouper un bataillon docile de ces feuilles spéciales, célébrant dans chaque numéro la beauté des opérations de
Saccard ; il traitait aussi à forfait avec les grands journaux politiques et littéraires, y entretenait un courant de
notes aimables, d’articles louangeurs, à tant la ligne, s’assurait de leur concours par des cadeaux de titres, lors
des émissions nouvelles. Sans parler de la campagne quotidienne menée sous ses ordres par L’Espérance, non
point une campagne brutale, violemment approbative, mais des explications, de la discussion même, une façon
lente de s’emparer du public et de l’étrangler, correctement. » (Zola, 1972, p.233-234)
3
la Compagnie Universelle du Canal Interocéanique de Panama en 1880.
4
Tiré de l’article « Affaire de Panama » de l’Encyclopédie Universalis, www.universalis-edu.com.
5
Les « chéquards », qui se seraient laissés corrompre par des chèques.
6
L’Argent, paru en 1891, s’inspire assez fidèlement du krach de l’Union Générale en 1882, qui fut qualifié à
l’époque de « nouvelle banque de Law ». Le personnage de Saccard, qui reprend en partie les traits d’Eugène
Bontroux, fondateur de l’Union Générale, acquiert le contrôle de journaux financiers, dirigés par Jantrou.
9
Introduction
« écrire une brochure, une vingtaine de pages sur les grandes entreprises que lançait l’Universelle, mais en
leur donnant l’intérêt d’un petit roman, dramatisé en un style familier ; et il voulait inonder la province de cette
brochure, qu’on distribuerait pour rien, au fond des campagnes les plus reculées. Ensuite, il projetait de créer
une agence qui rédigerait et ferait autographier un bulletin de la Bourse, pour l’envoyer à une centaine des
meilleurs journaux des départements : on leur ferait cadeau de ce bulletin, ou ils le payeraient un prix
dérisoire, et l’on aurait bientôt ainsi dans les mains une arme puissante, une force avec laquelle toutes les
maisons de banque rivales seraient obligées de compter. » (p.236).
Si l’engagement de Zola contre la spéculation boursière lui fait dépeindre Jantrou sous les
traits outrés d’un manipulateur qui cherche à étrangler les petits actionnaires, de nombreux
ingrédients des pratiques actuelles de la communication financière sont là : le type
d’informations communiquées, leur forme (une brochure « dramatisée »), le rôle de la presse
d’information financière, l’appel à l’épargne publique ciblée vers de nombreux actionnaires.
Et aujourd’hui comme hier, la tentation est parfois grande pour les praticiens des affaires de
« transformer les documents comptables en publicité comptable7, pour utiliser une image
supposée fidèle de la marche de leurs affaires de manière à provoquer une augmentation
artificielle de la valeur boursière » (Villette & Vuillermot, 2005, p.77), et par là même
influencer le jugement social sur leur propre grandeur et leur réputation.
A la fin du XIXème s’ouvre en France une première forte période d’investissement boursier,
liée à l’internationalisation du capitalisme français. Cette période est brutalement interrompue
par le krach de 1929, qui fait émerger aux Etats-Unis l’impératif d’une réglementation des
marchés financiers, d’où la création de la Securities and Exchange Commission, le premier
« gendarme » boursier, en 1933. La reprise du financement des entreprises par la Bourse ne
reprend vraiment qu’après la seconde guerre mondiale, de façon lente dans les pays d’Europe
continentale. Si les règles de publication d’informations financières ont évolué au cours de
cette période, la communication financière joue encore en France un rôle limité. A la
naissance de la COB en 1967, elle se limite encore souvent à une approche essentiellement
guidée par un souci de conformité aux règles d’information financière.
7
Voir B. Chauveau (1989), «La comptabilité comme outil de publicité », Gérer et Comprendre, n°16.
10
Introduction
Les années 1980 marquent un tournant majeur dans les pratiques de communication
financière. D’un processus d’émission d’informations financières règlementées, on passe en
France - comme dans la plupart des pays occidentaux - à une communication stratégique,
volontaire et ciblée, sous l’effet des évolutions de l’environnement économique. Les vagues
successives de privatisation et le contexte récent d’internationalisation des marchés génèrent
en effet une concurrence accrue pour la recherche des ressources financières. Chaque
investisseur, petit actionnaire ou investisseur institutionnel, peut procéder à des arbitrages
rapides entre les différentes places boursières, grâce à la désintermédiation et au
développement rapide des outils technologique. La communication financière s’est ainsi
rapidement développée, avec pour cible privilégiée les acteurs des marchés financiers. Elle a
évolué en fonction de leurs attentes, et des objectifs stratégiques des entreprises cotées, qui
cherchent à obtenir des ressources pour se financer sur des marchés volatils.
Pour que le message soit bien interprété, il faut ainsi que les systèmes de signes des deux
individus soient les plus proches possibles. La communication est alors rendue possible par
l’existence de codes partagés, qui dépendent du contexte socio-culturel des acteurs.
8
déjà présents dans les modèles de communication mathématiques comme la théorie du signal de Shannon &
Weaver (1949).
11
Introduction
Bruit
Contexte de l’émetteur
Contexte du récepteur
Processus Encodeur Processus
centraux linguistique Transmission Décodeur centraux de
de pensée linguistique pensée
Dans cette déclinaison d’un message adapté à chaque cible, les entreprises cotées ont
multiplié les supports et les outils de communication. Au-delà des supports règlementés
(rapports et communiqués de presse) traditionnels, ces entreprises ont toutes aujourd’hui un
site internet avec des espaces réservés à chaque type de public, ainsi que des présentations,
« road shows » et assemblées générales « décentralisées » qui permettent d’ajouter au contenu
règlementé de l’information financière des messages de communication et une véritable mise
en scène propre à convaincre l’auditoire. Le rôle des dirigeants dans cette communication
financière est devenu crucial, certains dirigeants bénéficiant d’une médiatisation proche de
celle de certains acteurs ou sportifs.
12
Introduction
Ainsi en janvier 1995, le groupe Elf Aquitaine, privatisé depuis moins d’un an, fait face à
l’impact important de l’adoption d’une norme comptable américaine sur les résultats annuels
(plus de 5 milliards de francs), malgré un résultat opérationnel en hausse de 16%. Les attentes
des actionnaires sont contradictoires. Les petits actionnaires ne doivent pas avoir l’impression
d’avoir été trompés par une belle campagne de privatisation. Les salariés ont consenti de leur
côté des efforts pour accroître la rentabilité post-privatisation. Pour tenir compte de cette
diversité, un programme d’annonces sur 2 jours est élaboré, en tenant compte de deux
contraintes particulières : l’effet de surprise, car aucune communication antérieure sur le
changement de norme n’a été faite, et la double cotation des actions à Paris et à New York. Le
message financier est décliné en trois messages.
« Message de changement de norme et bons résultats intrinsèques grâce aux économies d’exploitation à
destination des investisseurs institutionnels ; accent sur le maintien du dividende et le redressement d’Elf
adressé aux actionnaires individuels avec une publicité sous le titre « Elf se redresse » ; un effort particulier de
communication interne, car le personnel avait fortement contribué à la réduction des coûts : « les économies
ont été réalisées grâce à vous » » (de Bruin, 1999, p.36).
Les travaux de Depoers (2000a) ont cependant mis en évidence l’importance de la cible
destinataire. Certaines études portent également sur les cibles privilégiées de l’information
9
financière volontaire. Les résultats sont contrastés : une étude de KPMG-Euronext classe
dans l’ordre les investisseurs institutionnels, les analystes financiers puis les clubs
d’actionnaires, et les autres parties prenantes. Plus récemment, une enquête par questionnaires
auprès de sociétés françaises du SBF 250 (Cauvin & al., 2006) donne dans l’ordre : les
actionnaires potentiels, les comités de normalisation comptable, le Conseil d’Administration
et les actionnaires majoritaires, les autres cibles apparaissant ensuite, sans mention
9
Etude synthétisée dans La Revue fiduciaire comptable, n°288, octobre 2002.
13
Introduction
particulière pour les analystes financiers10. Healy & Palepu (2001) rappellent que parmi les
acteurs intéressés par la divulgation d’information financière volontaire, les deux groupes
saillants sont : les intermédiaires financiers et les gestionnaires de fonds de pension d’une part
(pour conseiller leurs clients), les analystes financiers, agences de notation et la presse
financière d’autre part pour fournir une analyse pour les investisseurs. Une étude récente (les
Echos, 2006) auprès des gérants internationaux de portefeuille montre que la qualité de
l’information financière aux actionnaires est un critère important dans les décisions
d’investissements11. Malgré le développement des outils à destination des actionnaires
individuels, qui ont montré leur importance stratégique dans certaines « batailles boursières »
récentes, ces gérants estiment toutefois que les institutionnels restent parmi les actionnaires
ceux qui jouent le plus de rôle dans la création de valeur.
L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) insiste également sur l’importance de la perception
du marché.
«Une communication de bonne qualité est une communication qui réduit le différentiel entre la perception du
marché et la vision que l’entreprise a d’elle-même. Une telle communication, qui passe par différentes voies,
notamment par une actualisation régulière des informations communiquées lors de chaque rendez vous
périodique programmé, permet ainsi de limiter la volatilité du cours » (COB 2000, p.20).
14
Introduction
Cependant, si la confiance semble être une sorte de Graal moderne pour les entreprises cotées,
il est paradoxal de constater que les théories financières classiques reposent sur une possible
défiance entre les individus. « Défiance dans les hommes, confiance dans le marché, tel est le
prix de la liberté des individus. Toutes les polémiques porteront sur ce déplacement de l’objet
de la confiance et de la déshumanisation finale. Au point que la défiance est assurée comme
normale, et que la question que l’on amené à se poser devient : est-il rationnel d’avoir
confiance en autrui ? » (Gomez, 1995, p.30). Cependant, d’autres auteurs (Bradach & Eccles,
1989) ont montré que la confiance pouvait jouer le rôle d’un mécanisme de contrôle des
transactions. La confiance est alors définie comme un type d’attentes qui atténue la peur d’un
agissement opportuniste de la part du partenaire de l’échange.
A minima, la confiance attendue de la part des investisseurs est ainsi proche de la conception
de Mintzberg (1990): une confiance dans la volonté des managers d’atteindre effectivement
les buts économiques et sociaux de l’entreprise. Si les définitions de la confiance sont
nombreuses14, celle dont il est question sur les marchés financiers possède un caractère
collectif, qui la rapproche de la définition de Zucker (1986), comme un ensemble d’attentes
partagées par tous ceux qui sont concernés par un échange. Granovetter souligne la nature
sociale de la confiance dans le monde économique. « L’approche de l’encastrement
(embeddedness) du problème de la confiance et de l’ordre dans la vie économique se faufile
entre l’approche sur-socialisée de la moralité généralisée et l’approche sous-socialisée des
arrangements institutionnels impersonnels en suivant et en analysant les modèles concrets
12
Valeur d’usage d’une information pour un utilisateur (subjectif).
13
Qui garantit l’absence d’anomalie ou d’erreur, par l’application de normes standards prédéfinies et par l’usage
de l’objectivité.
14
En théorie des jeux évolutionnistes (voir par exemple Kreps, 1990, ou Axelrod , 1984), la confiance est mise
en évidence par la réputation des joueurs et envisagée de façon rationalisée et basée sur un savoir, donc
calculatrice, ce qui est une position différente de la nôtre.
15
Introduction
des relations sociales» (Granovetter, 1985, p. 493). La confiance entre les investisseurs et
l’entreprise passe donc par le tissage de liens, dans lequel la comptabilité va jouer un rôle
important. Le lien de confiance s’appuie en effet sur trois éléments fondamentaux qui
interagissent entre eux (Servet, 1994) : la foi (confiance et croyance), des éléments de
validation et de preuve de la parole donnée et la mémoire (individuelle).
La confiance des investisseurs passe donc par les informations, les éléments de preuves
fournies par les entreprises, issus de leurs systèmes comptables, avec tout leur potentiel de
rationalité intrinsèque. L’utilisateur de l’information financière doit pouvoir faire confiance à
la comptabilité. L’intégrité des informations comptables garantit leur crédibilité (Colasse,
2001). La légitimité d’un nombre comptable est obtenue en grande partie par sa
reconnaissance sociale. « En parallèle d’une légitimité « rationnelle », apportée par la
confiance dans la stabilité des standards établis, apparait une légitimation symbolique fondée
sur la confiance dans la pertinence des informations financières produites sous le contrôle
des préparateurs des états financiers » (Lacroix, 1998, p.103).
La confiance des investisseurs passe également par les éléments affectifs développés par la
communication financière, dans le choix des mots et du type de discours mobilisés pour
convaincre l’auditoire. Parmi les gages de bonne foi de nature à maintenir la confiance des
investisseurs figure en bonne place la transparence. L’exigence de transparence est fortement
inscrite dans l’environnement règlementaire de l’information financière, tout particulièrement
après l’onde de choc provoquée par le scandale d’Enron. En témoigne le nom d’une des
récentes directives européennes « directive transparence », destinée à réduire fortement les
délais de publication des résultats des entreprises. Nous reviendrons sur cette notion de
transparence et son fondement idéologique au chapitre quatre. La transparence affichée
contribue donc au maintien ou à la restauration de la confiance. Mais, si la construction de la
confiance prend du temps, la perte de confiance est très rapide et est souvent la conséquence
d’un seul évènement, « un point de catastrophe » (Wacheux, 1998).
La communication financière des entreprises cotées est ainsi destinée non seulement à mettre
en évidence la création de valeur pour l’actionnaire, mais aussi à faire preuve de transparence
sur sa gestion, ce qui contribue à maintenir la confiance des investisseurs. Cependant,
l’environnement règlementaire dans lequel évoluent les entreprises cotées ne leur laisse pas
toute latitude dans les messages diffusés pour garder cette confiance. En effet, la
16
Introduction
Créée par la loi n°2003-706 de sécurité financière du 1er août 2003, l’Autorité des marchés
financiers est issue de la fusion de la Commission des opérations de bourse (COB), du
Conseil des marchés financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la gestion financière
(CDGF). L’AMF est un organisme public indépendant, dont les missions sont de veiller à la
protection de l’épargne investie, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement
des marchés d’instruments financiers.
Compte tenu de l’harmonisation des marchés financiers européens, le CESR (Comité des
Régulateurs Européens) a également une influence sur la nature des informations financières
publiées. Ses recommandations ont été sensibles lors de la mise en place de normes IFRS
17
Introduction
«Tout émetteur doit, le plus tôt possible, porter à la connaissance du public tout fait important susceptible, s’il
était connu, d’avoir une incidence significative sur le cours d’un instrument financier » (article 4 COB 98-07).
«Tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à
l’article 621-1 et qui le concerne directement » (règlement du 15 avril 2005 de l’AMF (article 222-3).
Les entreprises ont néanmoins la possibilité de différer cette divulgation d’information afin de
ne pas porter atteinte à leurs intérêts dans des négociations par exemple. Ce différé n’est
possible que si cette non divulgation n’induit pas le public en erreur et si l’égalité d’accès à
l’information pour tous les acteurs des marchés financiers est respectée (le règlement précise
15
voir par exemple la publication de normes CESR sur la vérification de l’application des normes IFRS en
Europe (la norme n°2 a été publiée le 22 avril 2004).
16
Les représentants de la SEC et ceux de Commission Européenne sont convenus d’une « feuille de route »
visant à supprimer les équivalences requises entre les deux référentiels à un horizon situé entre 2007 et 2009.
18
Introduction
Ces avertissements ont fait l’objet d’un rapport spécifique en 2000, le rapport Lepetit.
« Lors de la publication de données financières prospectives, les entreprises indiqueront clairement s’il s’agit
d’objectifs ou de prévisions, quel est l’horizon retenu, et quelles hypothèses économiques spécifiques à
l’entreprise ou à son secteur sous-tendent éventuellement ces données. Elles devront également accompagner
ces prévisions de tous les avertissements appropriés sur la nature des aléas auxquels est soumise leur
réalisation (par exemple, les facteurs externes tels que le succès d’un nouveau produit ou la croissance du
marché) » (p.11).
Suite à la première annonce faite en matière d’objectifs et/ou de prévisions, l’entreprise doit
obligatoirement mettre à jour de l’information prospective communiquée. Cette mise à jour
recouvre :
19
Introduction
« l’annonce claire de toute modification de la stratégie et des objectifs précédemment affichés, la confirmation
ou l’infirmation périodique des tendances, ainsi que l’avancement par rapport au plan de marche, lorsqu’elles
ont communiqué des objectifs chiffrés, la mise à jour régulière des données prévisionnelles, lorsqu’elles ont
communiqué des prévisions détaillées » (COB, 2000, p.12).
La responsabilité des dirigeants est ainsi plus fortement engagée si les prévisions
communiquées sont très détaillées, ce qui devrait les inciter à ne pas être trop précis. Le
rapport Lepetit rappelle également pour l’entreprise l’obligation de publier un communiqué
officiel avant les conférences de presse ou réunions avec les journalistes ou analystes
financiers, lorsqu’une information susceptible d’avoir une influence significative sur le cours
du titre doit y être donnée17.
« d’une insuffisante explicitation de sa stratégie, de ses déterminants économiques propres ou de son degré de
sensibilité aux variables exogènes, elle doit intervenir le plus rapidement possible pour rétablir un niveau
satisfaisant d’information concernant ce ou ces éléments (..) Le contenu de cette communication devrait
privilégier les éléments qualitatifs et d’ordre stratégique plutôt que les explications ponctuelles. De plus,
l’entreprise devrait détailler les mesures qui vont être prises, afin que le marché puisse apprécier sa capacité à
maîtriser les évènements » (p.15).
Les dirigeants d’entreprises cotées ont ainsi une sensibilité plus grande à la performance
boursière du titre de leur entreprise. Les annonces de politiques de réduction de coûts, tout
comme les alertes aux résultats, ne sont pas obligatoires. Elles sont à la discrétion des
17
Vade mecum à l’attention des dirigeants, COB 1993.
18
D’après Stiehl N., Challenges, n°162, 20 septembre 2001, pp.84-88.
20
Introduction
Les annonces de PRC s’inscrivent dans une logique générale de systèmes comptables internes
permettant de calculer le coût des produits et des services. Ces systèmes sont eux-mêmes issus
et déterminés par le modèle comptable et financier dans lequel se trouvent les entreprises
cotées. Si comme nous l’avons vu la comptabilité apporte implicitement la confiance (1.3),
elle n’est pas pour autant un instrument de mesure objectif et neutre, car elle est déterminée
par les conditions socio-économiques dans lesquelles elle se développe.
Pour pouvoir mettre en place une politique de réduction des coûts, l’entreprise a tout d’abord
besoin de pouvoir calculer ses coûts. Elle va pour se faire utiliser des systèmes de calculs de
coûts intégrés dans son système comptable. En ce sens, la politique de réduction des coûts
(PRC) est sous-tendue par la représentation donnée de l’activité de l’entreprise par le système
comptable.
Le rôle de la PRC, dans le cadre économique classique, est de permettre une amélioration de
l’efficacité et de l’efficience de l’entreprise (2.1). Le modèle comptable de base, la partie
double, est lui-même fortement dépendant du système économique dans lequel il s’inscrit, à
savoir le modèle économique capitaliste (2.2). Et si ce type de politique a été pratiqué par les
entreprises depuis qu’elles peuvent calculer leurs coûts, le discours des dirigeants
contemporains sur leurs PRC entre en résonance avec la forme actuelle du capitalisme
financier (Batsch, 2002), avec une articulation du langage très centrée sur la création de
valeur actionnariale.
21
Introduction
Ainsi, les systèmes de calcul et de mesures de coûts - issus du modèle comptable - développés
par les entreprises traduisent les hypothèses H1 et H2. Ces hypothèses ne seront pas testées
empiriquement dans le cadre de cette thèse mais leurs implications seront discutées.
Les systèmes comptables au sens large (y compris ceux dédiés au contrôle de gestion et au
« pilotage de la performance »19) intègrent ainsi des indicateurs de performance, comptables
ou non. En deçà d’un certain seuil, le niveau de performance va être perçu comme insuffisant,
ce qui va entraîner une annonce de PRC pour améliorer la performance.
19
Nous reviendrons sur cette notion au chapitre quatre.
22
Introduction
engagements pris par les dirigeants, attentes des acteurs des marchés financiers…). Il s’agit
bien de performance perçue et non pas seulement de performance mesurée.
La représentation de la performance perçue par les acteurs des marchés financiers se fera à la
fois via l’utilisation d’indicateurs issus des systèmes comptables et via la mobilisation de
discours sur les performances de la part des dirigeants. Aux mécanismes liés aux systèmes
comptables s’ajoutent donc ceux liés au développement d’une activité discursive particulière
qu’il convient d’étudier en tant que telle dans le cadre de cette recherche. Cette activité
discursive sur les PRC, de l’annonce au résultat de la PRC fera l’objet du chapitre quatre de
cette thèse.
Systèmes de calculs de
Relative à la coûts Relative aux
FIN Issus du modèle comptable MOYENS
H1 (implicite) : H2 (explicite) :
« Réduire les coûts « Les coûts sont
améliore la performance » réductibles »
Niveau de
Déterminants performance Déterminants
internes et perçu comme de la perception
externes du niveau de
du niveau de insuffisant performance
performance
Annonce (s)
De PRC (1)
Le système de calcul des coûts 20est issu du modèle comptable général, sur lequel s’appuient
les systèmes comptables des entreprises françaises cotées.
20
Au sens de la comptabilité de coûts, c’est-à-dire de système de calcul de coûts intégrés dans la comptabilité en
parties doubles, comme le soulignent Boyns, Edwards & Nikitin (1996).
23
Introduction
Le modèle comptable de la partie double est un modèle formel, construit non pas sur une
axiomatique, mais sur un ensemble de concepts articulés entre eux. Ces concepts permettent
de représenter l’activité de l’entreprise, son patrimoine, ainsi que les événements
économiques appréhendés. Ils interagissent entre eux et sont déterminés par des procédés et
conventions qui permettent de les évaluer. Le fonctionnement du système économique ainsi
que les représentations qui en sont faites par les théories économiques générales influencent la
représentation de l’entreprise faite par la comptabilité. A son tour, le modèle comptable
influence la représentation que l’économie se fait de l’entreprise : il modèle la firme autant
qu’il est un modèle de la firme (Hopwood, 1987).
Dans le modèle de la partie double, la représentation de l’entreprise est celle d’une entité
économique qui, en combinant différents moyens de production, financés par du capital,
produit des biens et des services destinés à être vendus (ce qui suppose l’existence d’un
marché). L’élément essentiel qui sous-tend toute la construction du modèle est la transaction.
C’est au moment où les biens et services sortent de l’entreprise (par transfert de propriété ou
règlement du prix de ces biens et services) qu’ils prennent leur valeur définitive, évaluée par
rapport à une transaction sur un marché. Cette conception est profondément ancrée dans un
modèle d’économie capitaliste. Selon Schumpeter (1990), « le capitalisme se définit par
l’appropriation privée des moyens de production ; par la coordination des décisions à travers
les échanges, en d’autres termes par le marché ; enfin par l’accumulation de capitaux grâce
à des institutions financières, autrement dit par la création de crédit ». Le capital dans la
théorie économique classique n’est pas un bien unique, mais un ensemble de biens que l’on
peut approcher par agrégation du capital grâce à des estimations monétaires. En tant qu’outil
de quantification monétaire, le modèle comptable est donc à même de mesurer cet agrégat et
son évolution.
Rappelons les caractéristiques formelles du modèle de la partie double. Chaque écriture a
nécessairement sa contrepartie. L’équilibre qui est permis par la double transcription de
chacune des opérations (le total des emplois est égal au total des ressources) permet la double
détermination du résultat. Un jeu complet de comptes est utilisé : personnes, valeurs, débours,
capital et résultat. L’autorégulation du système n’est possible que lorsque ce jeu complet de
comptes est en place.
24
Introduction
La partie double est ainsi non seulement un modèle quantitatif, mais aussi « un système de
mesure, c’est-à-dire d’évaluation des éléments d’un ensemble par comparaison avec un
étalon » (Gensse, 1995). Au cœur du questionnement sur le rôle de la comptabilité se pose
inévitablement la question de la mesure, et de la capacité du modèle comptable et des états
financiers de produire une mesure objective ou subjective des réalités économiques mesurées.
Le problème de la quantification comptable a fait l’objet de nombreuses recherches théoriques
dans les années 1960-70 (Mattesich, 1964 ; Ijiri, 1967 ; Sterling, 1970). Le concept de mesure
sous-jacent au modèle comptable est d’ordre strictement quantitatif dans une approche assez
classique21 proche de la physique. La mesure se réduit à un processus d’attribution de valeurs
numériques permettant de représenter des propriétés décrites par des lois physiques.
Pour tenter de mieux éclairer les utilisateurs d’information comptable et financière sur les
hypothèses et les règles utilisées pour produire les états financiers, les normes comptables
récentes ont favorisé le développement de notes annexes importantes, destinées à permettre
une meilleure compréhension des états financiers et une analyse des données chiffrées par
application du modèle comptable. Cependant, ces éléments qualitatifs ne sont pas suffisants
pour nous aider à nous déterminer sur le statut des représentations comptables vis-à-vis de la
réalité économique.
21
C’est la « measure theory » selon Sterling (1970).
25
Introduction
Les conditions socio-économiques qui fondent le modèle comptable lui-même ne sont pas
neutres et correspondent aux rapports de forces économiques et sociales du moment. D’un
point de vue historique, on peut relever un parallélisme certain entre l’histoire du
développement du capitalisme et celui de la partie double. Si l’émergence de la partie double
n’est pas la révolution copernicienne22, newtonienne23 ou encore métaphysique24 qu’ont mis
en avant certains de ses fervents admirateurs, cet instrument de mesure figure au cœur même
du système capitaliste.
Pour Chatfield (1977), grâce à la partie double toute transaction peut être jugée simultanément
en fonction de son effet sur le résultat et sur les capitaux propres, ce qui répond à un des
objectifs fixés à la comptabilité dans la vision de la firme axée sur la théorie du propriétaire.
De plus, la partie double est un processus de calcul intrinsèquement continu, le profit et les
capitaux propres sont automatiquement et systématiquement calculés à chaque enregistrement
comptable. Bryer (1993) complète ce point et définit la partie double comme « un algorithme
pour une production automatique et continue des moyens de calculer la rentabilité du
capital ». Selon son argumentation, fondée sur une analyse marxiste de la socialisation du
capital, un des facteurs d’émergence de la partie double est une demande collective des
investisseurs pour des calculs fréquents du taux de rentabilité du capital, à un moment de
l’histoire (le Moyen Age italien) où ce capital devient « socialisé », mutualisé.
22
selon la position d’Oswald Spengler, qui met Luca Pacioli à la hauteur de Christophe Colomb et de Copernic
(Le déclin de l’Occident, 1948).
23
selon Werner Sombart.
24
C.A.Cooke (Corporation Trust and Company, 1950) affirme que « l’importance de la comptabilité en partie
double ne réside pas dans son arithmétique mais dans sa métaphysique ».
26
Introduction
Nikitin souligne que l’idée centrale de Werner Sombart selon laquelle « la comptabilité en
parties doubles est la méthode la mieux adaptée aux entreprises dont l’objectif essentiel est
l’accumulation du capital » (1992b, p.30) se trouve confirmée par l’usage fait par Saint
Gobain de la comptabilité en parties doubles. Créée en 1665, l’entreprise industrielle n’adopte
la comptabilité en parties doubles qu’en 1820, quelques années après avoir perdu les
avantages du monopole et de la tutelle royale. Sous la pression d’un environnement
économique et juridique en pleine mutation, les entreprises industrielles deviennent ainsi
véritablement capitalistes au XIXème siècle et adoptent la partie double.
Plus près de nous, le modèle de la comptabilité publique, proche en France du modèle initial
de la comptabilité « en finance » (malgré une expérimentation de la partie double sous la
Régence) se rapproche progressivement de celui de la comptabilité privée, par le biais du
développement d’outils de calcul de coûts et d’évaluation (Cossu, 1995) et de modifications
des règles de comptabilité publique25 Cette extension du modèle est également géographique,
parallèle au développement du capitalisme financier dont la référence première est l’efficience
vue comme la capacité à réaliser un profit avec économie de moyens (Rivière, 2004).
25
Introduction des charges calculées et de la comptabilité d’engagement dans l’instruction M14 pour les
collectivités locales et modifications des normes comptables dans le cadre de la LOLF.
26
Les bilans sociaux sont obligatoires en France pour les grandes et moyennes entreprises. La loi NRE (article
116) rend obligatoire pour les sociétés cotées la publication d’informations sociales et environnementales.
27
Conception initialement due à Georges Sorter (1969) « an Events approach to basic accounting theory », The
Accounting Review.
27
Introduction
Ce référentiel n’a pas seulement un impact technique mais également un impact économique
et social. La conception de l’entreprise qu’il véhicule n’est plus tant celle d’une institution qui
fabrique et commercialise une marchandise, que celle d’un « panier de marchandises, parmi
lesquelles les investisseurs pourront symboliquement faire leur marché » (Chiapello, 2005,
p.148). Cette conception va de pair avec l’idée selon laquelle l’objectif principal de
l’entreprise est la maximisation du profit, dont les actionnaires sont propriétaires. Les normes
comptables internationales reflètent ainsi une tendance croissante à la financiarisation de
l’économie mondiale (Capron, 2005). Le modèle comptable, les conventions et normes grâce
auquel il fonctionne sont donc à la fois déterminants, par la représentation de l’économique et
des rapports sociaux qu’ils alimentent, et déterminés par des jeux sociaux et politiques. « La
comptabilité change dans le temps à la fois sur la forme et dans son contenu, elle n’est ni
solide ni immuable » (Miller & Napier, 1993, p.631). Ce processus rend impossible toute
« vérité comptable » objective, alors même qu’en tant que base de la production d’information
économique, le système comptable contribue à la construction de la réalité économique.
Les systèmes comptables des entreprises cotées s’inscrivent donc dans ce modèle particulier,
et leur représentation de la performance est fortement dépendante de la conception dominante
sur les marchés financiers de l’entreprise en tant qu’entité maximisant son profit. La politique
de réduction des coûts est ainsi un outil de recherche d’une efficience économique qui se
28
Introduction
traduit par une focalisation sur le résultat net comptable et les indicateurs de création de
valeur actionnariale que sont la rentabilité de l’actif économique (ROA) et la rentabilité des
capitaux propres (ROE). La communication financière développée sur les politiques de
réduction des coûts, dont l’annonce de PRC est l’étape initiale, s’inscrit dans ce contexte
socio-économique.
Pour l’étudier, et présenter ainsi la démarche de recherche de cette thèse, il convient de définir
précisément le concept de politique de réduction de coûts et d’annonce de politique de
réduction de coûts, ce qui fait l’objet du chapitre un. Les différentes facettes de cet objet de
recherche complexe justifient une démarche de recherche qui mobilise plusieurs
méthodologies, de façon à répondre aux différentes questions de recherche posées. L’exposé
de la démarche de recherche fait ainsi suite à la clarification des concepts et des questions de
recherche de la thèse.
Le chapitre deux traite de l’annonce de politique de réduction des coûts comme élément de la
communication financière volontaire des sociétés cotées. Ce chapitre se situe à un niveau
« micro » du discours, celui du discours émis par les entreprises. La perspective est statique,
placée au moment de l’annonce de PRC.
29
Introduction
30
CHAPITRE 1
Résumé du chapitre un
L’objet de ce chapitre est tout d’abord de définir, à travers une revue de la littérature, le
concept de politique de réduction de coûts. Ce concept présente des liens avec d’autres
concepts présents dans la littérature (en particulier le recentrage et les restructurations) et une
clarification de ces liens et des frontières s’avère indispensable. Cette clarification mène à une
proposition de définition renouvelée du concept de politique de réduction des coûts, qui
intègre la dimension d’outil de communication de cette politique. L’universalité du concept
est mise en évidence à travers des exemples historiques de PRC. L’objet de la recherche étant
clarifié, le chapitre se consacre ensuite à une revue de la littérature sur les moyens et les
stratégies utilisées pour réduire les coûts pour cerner les objectifs et les outils susceptibles
d’être évoqués par les entreprises dans leurs discours sur leurs PRC. Ce sont donc les
pratiques managériales liées à l’objet de la recherche qui sont étudiées. Enfin, le chapitre
présente la problématique de la thèse ainsi que les questions de recherche posée par l’étude
des discours des entreprises sur leurs politiques de réduction des coûts. Un plan schématisé de
la démarche de recherche est présenté en conclusion de ce chapitre.
31
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Dans ce chapitre sont définis les concepts de politique de réduction des coûts (PRC) et
d’annonce de PRC (première partie). Dans une seconde partie, nous explorerons les
objectifs de ces politiques et les moyens utilisés pour réduire les coûts. Dans une troisième
partie, nous présenterons la problématique liée à notre objet de recherche, le discours des
entreprises sur leurs PRC, et les questions de recherche abordées dans les chapitres deux, trois
et quatre. Ce chapitre se termine par une synthèse du plan de thèse qui permet de situer
chaque chapitre dans la démarche de recherche (figures 7 et 8).
La littérature n’est pas très abondante sur le concept de politique de réduction des coûts.
Plusieurs définitions sont tout de même proposées (1.1). Le concept de PRC est un concept
connexe de différents concepts. Nous proposerons un schéma pour clarifier (1.2) les frontières
entre ces différents concepts. Ceci nous permettra de proposer une définition renouvelée de la
PRC. La réduction des coûts passe par la modélisation des coûts (1.3), qui s’est traduite par
des exemples variés de PRC illustrant l’universalité de ce concept (1.4). Enfin, nous
définirons spécifiquement l’annonce de PRC qui constitue le premier moment de notre objet
de recherche (1.5), le discours des entreprises sur leurs PRC.
Dans la littérature, les politiques de réduction des coûts sont souvent une réponse au déclin de
la performance de l’entreprise, qui l’amène à prendre des mesures de restructuration. Les
critères de mesure utilisés dans les études empiriques dépendent de la définition choisie du
déclin de la performance. L’étude de John & al. (1992) utilise comme mesure le résultat
négatif, malgré les possibilités de manipulations. Un résultat négatif est alors considéré
comme un signal négatif. Séverin & Dhennin (2003) considèrent que le critère de déclin de la
performance de l’entreprise est le critère boursier « car il met l’accent sur la baisse de
rentabilité et la destruction de valeur ». L’étude comparative entre des entreprises japonaises
et entreprises américaine de Kang & Shivdasani (1997) s’appuie sur un critère de mesure
fondé sur l’EBIT (évolution de l’EBIT et poids des frais financiers par rapport à l’EBIT). Les
faibles performances de l’entreprise et la destruction de valeur amènent le plus souvent les
firmes à engager des mesures de restructurations opérationnelles (plans de réductions de
32
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Les études empiriques (Séverin et Dhennin, 2003 ; Ofek, 1993) montrent que les entreprises
engagent un panel de mesures à la fois opérationnelles et financières. France Télécom avec
son plan « Ambition 2005 » (rebaptisé «15+15+15» pour ses objectifs de 15 milliards de
réduction des dettes, 15 milliards de réduction des coûts (plan « TOP ») et 15 milliards
d’augmentation de capital) en est une illustration récente. Dans ce contexte, le
désinvestissement est le plus souvent assimilé à une opération effectuée en réponse aux
difficultés rencontrées par l’entreprise, et tend à restaurer des marges de manœuvre
financières à la firme. Le plus souvent l’entreprise va réduire ses secteurs d’activité, dans une
série de mesures de « contraction » (John et al., 1992) de son champ d’activité et de sa taille.
Réduction des coûts et réduction d’effectifs sont parfois liées dans les plans mis en œuvre
mais pas de manière systématique. D’une façon globale, la réduction des coûts « peut se
traduire par la rationalisation des approvisionnements ou la renégociation des délais de
paiement pour réduire le besoin en fonds de roulement » (Séverin et Dhennin, 2003).
Pour être effectivement une PRC et non une mesure ponctuelle et conjoncturelle sur un seul
exercice, la réduction des coûts doit s’inscrire dans la définition d’une politique de la firme.
Elle doit faire partie des objectifs de base à long terme élaborés par l’entreprise. Elle fait alors
l’objet de plans d’exécution et se voit allouer les ressources nécessaires à leur réalisation
(Chandler, 1989). La politique de réduction des coûts est liée à la stratégie de l’entreprise, ce
processus par lequel les décideurs évaluent les possibilités offertes par l’environnement, ainsi
que les forces et ressources internes afin de définir les objectifs et les plans d’action qui
permettent de les atteindre (Mendoza et al, 2002). Les PRC sont souvent accompagnées
d’autres démarches comme les démarches de qualité. C’est le cas, par exemple, de la politique
de réduction des coûts adoptée par Renault en 1997 et poursuivie en 2001 qui s’articule autour
des 3 axes : coût qualité délai, reprenant en cela une démarche proche du « gemba kaizen »
japonais (Imai, 1997).
33
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
La définition de Deville & al. (2005) intègre la dimension d’annonce et de communication des
PRC. Elle limite néanmoins son champ aux PRC qui touchent la totalité de l’organisation. Or,
il peut être pertinent de s’interroger sur le lien entre l’intensité de la PRC (étendue à toute
l’entreprise ou localisée) et le mode de communication qui en est fait. Dans notre recherche,
34
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
nous tenterons de voir si l’intensité de la PRC (voire la situation de crise dans laquelle se
trouve l’entreprise au moment de l’annonce) a une influence sur l’annonce de PRC. Nous ne
retiendrons donc pas cette dimension dans notre définition de la PRC.
Les mesures prises dans le cadre des PRC peuvent être de différentes natures. Le concept de
PRC a ainsi des frontières communes avec d’autres concepts définis par la littérature : certains
sont des moyens de réduire les coûts, d’autres des situations dans lesquelles on réduit les
coûts, avec parfois un certain parallélisme. Il est donc utile de synthétiser les liens entre la
PRC et d’autres concepts de la littérature sur la gestion des coûts ou les situations de déclin
organisationnel.
La PRC a des caractéristiques communes avec des concepts comme le recentrage ou les
restructurations, et utilise des moyens pour réduire les coûts que peuvent constituer le
downsizing ou l’externalisation. Elle a donc des liens avec des concepts qui constituent des
situations ou des politiques qui induisent des PRC, et d’autres avec des concepts qui
constituent des moyens de gérer des réductions de coûts.
La restructuration est un concept proche de la PRC, assez difficile à définir. Dans une
première approche, restructurer signifie réorganiser et générer des changements.
Dubouloy & Fabre (2002) montrent que les restructurations s’inscrivent surtout dans une
logique de rationalisation. Elles sont alors définies par leurs objectifs de recherche
permanente d’une meilleure façon de produire, de s’approvisionner et de satisfaire ses clients.
Cette recherche s’accompagne souvent de réductions d’effectifs. Les travaux de Dubouloy &
Fabre (2002) montrant également que la mise en œuvre d’une restructuration diffère selon que
l’entreprise est ou non en situation délicate.
Séverin (2006) propose une définition issue de la vision contractuelle de la firme définie par
Jensen & Meckling (1976). «La restructuration peut être appréhendée comme le processus de
renégociation par lequel la firme change et adapte les termes de ses contrats avec les
différentes parties prenantes » (p.15).
35
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
On peut synthétiser l’ensemble des liens entre la PRC et le concept de restructuration, mais
aussi de recentrage et d’autres concepts proches ou liés à la thématique de la réduction des
coûts sur la figure 3.
Outils stratégiques
Reengineering De gestion des Externalisation
coûts
Downsizing
Qualité
totale
POLITIQUE
DE REDUCTION
DES COUTS
SYNERGIES
RECENTRAGE POST-FUSION
induisent
RESTRUCTURATIONS DECLIN
ORGANISATIONNEL
Pour certains de ces concepts, comme le downsizing (Cameron & al., 1991 ; Cameron &
Freeman, 1993) ou le recentrage, la littérature a mis en évidence l’existence de stratégies
défensives et de stratégies offensives. Ainsi, Batsch (2002) distingue quatre types de
recentrage : un recentrage défensif qui correspond à une réponse à la crise et à
l’internationalisation des années 1970 et 1980; un recentrage offensif pendant la période de
concentration des entreprises en quête de leadership (1980-1990); un recentrage
organisationnel qui passe par une extension de l’externalisation et une redéfinition des
missions de l’entreprise ; et enfin un recentrage financier, dans lequel l’entreprise est invitée à
réduire son propre risque sans diversifier ses activités.
36
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Compte tenu de la proximité de ces concepts, il est pertinent de s’interroger sur l’existence de
PRC défensives, correspondant à des situations conjoncturelles difficiles, et des PRC
offensives, mises en œuvre par des entreprises qui ne sont pas dans une situation
conjoncturelle délicate.
Une politique annoncée publiquement de réduction gérée des coûts, caractérisée par
l’élimination permanente de l’acquisition et de la consommation de ressources, et par
une amélioration de la liaison entre le coût et la valeur ajoutée ou une augmentation de
la valeur ajoutée par des renégociations des termes de ses contrats avec certaines parties
prenantes.
Cette politique de réduction des coûts peut être menée de façon défensive ou de façon
offensive par l’entreprise en fonction de sa situation.
Les politiques de réduction ne doivent pas être confondues avec les stratégies qui ne font que
déplacer les coûts d’un état à un autre pour donner une image d’efficience. Il s’agit aussi bien
de stratégies de volume, avec leurs effets d’économie d’échelle, qui consistent à augmenter le
volume produit sans faire diminuer les frais fixes, ce qui fait mécaniquement baisser le coût
unitaire. Les discours du management sur les coûts portent souvent sur le coût unitaire
(Mersereau, 1998). Les stratégies de baisse de la valeur du produit par ajustements successifs
ne sont pas des PRC. Il y a alors déplacement du rapport entre le coût et la valeur ajoutée.
Enfin, les politiques comptables de lissage de coûts sur plusieurs exercices font apparaître des
coûts en baisse sur une ou plusieurs périodes, ou des changements de clés de répartition qui ne
sont que des artifices de présentation.
Une politique de réduction des coûts est une formulation dans le cadre de la stratégie
d’objectifs de réduction des coûts et doit donc également être distinguée de réductions
obtenues passivement par l’effet de la courbe d’expérience. Ghemawat (1985) précise
néanmoins que les réductions de coûts liées à l’expérience ne sont pas automatiques et
37
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
nécessitent la mise en place de mesures d’incitation des salariés pour découvrir et mettre en
place des innovations permettant de faire des économies. L’effet d’entraînement
d’innovations technologiques adoptées non pas pour une baisse future des coûts, mais pour
améliorer la qualité ne constituent pas non plus des PRC.
Seules les situations dans lesquelles une gestion volontaire et directe des coûts a permis une
réduction, sans effet préjudiciable à la valeur ajoutée, relèvent donc de la politique de
réduction des coûts.
Le concept de réduction des coûts se distingue de la gestion stratégique des coûts de Shank et
Govindarajan (1995). La mise en place de la gestion des coûts accompagne l’importance
grandissante de la stratégie d’entreprise à partir des années 1970. La stratégie d’une entreprise
définit les critères à partir desquels celle-ci va construire son avantage concurrentiel, selon la
typologie définie par Porter (1986) : domination par les coûts, différenciation et
concentration. La stratégie de domination par les coûts correspond à la recherche d‘un niveau
de coûts systématiquement inférieur à celui de ses concurrents.
Cet avantage concurrentiel peut provenir d’une gestion de masse (dont les effets sur le coût
unitaire sont ceux précédemment évoqués) ou sur d’autres facteurs comme l’accès à une
ressource rare (matière première, technologie, savoir-faire..). Dans une stratégie de
différenciation, l’entreprise fournit un produit (service) avec une ou plusieurs des
caractéristiques perçues par le client comme uniques. Dans cette configuration, les coûts ne
sont pas une priorité, même s’ils ne sont pas négligés. Enfin la stratégie de concentration
s’adresse seulement à un segment particulier, pour lequel l’avantage concurrentiel peut être
fondé sur la différenciation ou sur une domination par les coûts.
La comptabilité de gestion, qui sert à calculer les coûts dans chaque organisation, procède
d’une vision contingente. Les caractéristiques du système de mesure varient selon la stratégie
envisagée, avec une nécessaire cohérence entre les outils de comptabilité de gestion mis en
œuvre et les choix stratégiques de l’entreprise. Ainsi Shank (1989) a mis en évidence le rôle
38
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
sensiblement différent des outils de calculs de coûts en fonction des stratégies retenues,
résumé par le tableau suivant :
Pour Porter (1986), le comportement des coûts dépend de la gestion de leurs facteurs
structurels d’évolution. Ames et Hlavacek (1990) insistent également sur l’intérêt d’une
utilisation stratégique de la gestion des coûts pour déterminer un avantage concurrentiel et
développer une conscience d’entreprise aux coûts et aux profits. D’autres auteurs comme
39
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Si les moyens mis en œuvre dans une PRC utilisent souvent des outils de compréhension du
comportement des coûts proches de ceux de la gestion stratégique des coûts, la PRC se
différencie de celle-ci par son objectif ultime. La gestion stratégique des coûts a pour objet
une compréhension des coûts telle qu’elle puisse aider à une maîtrise de ceux ci en conformité
avec la stratégie définie, mais ne relève pas d’une réduction systématique des coûts. La seule
exception est constituée par les compagnies aériennes à bas coût (« low cost ») pour lesquelles
gestion stratégique des coûts et réduction des coûts se confondent puisque le plus bas prix est
l’élément majeur de leur stratégie et de leur modèle économique.
La mise en place d’une politique de réduction des coûts passe on l’a vu par une nécessaire
mesure de ces coûts et par un processus de modélisation. On présuppose qu’il existe un
modèle qui permet de passer des actions à la réduction effective des coûts. L’un des objectifs
de la comptabilité de gestion (Bouquin, 1997) est de créer la représentation des processus qui
relient les finalités de l’entreprise aux consommations de ressources. Or se pose le problème
de la pertinence de la modélisation des coûts. En effet, le calcul des coûts repose sur des
choix, des conventions: les coûts n’ont pas de réalité intrinsèque. Ils offrent une représentation
construite nécessairement simplifiée et orientée du réel. Les « coûts cachés28 » (Savall et
Zardet, 1989) sont alors aussi bien ceux que l’on ne peut pas et ceux que l’on ne souhaite pas
faire apparaître.
D’autre part, un vif débat sur les méthodes de calcul de coûts est apparu depuis le milieu des
années 1980, en particulier avec la publication de l’ouvrage de Johnson & Kaplan (1987). Les
conceptions de Taylor et de l’Organisation Scientifique du Travail avaient fortement influencé
28
les coûts cachés proviennent des dysfonctionnements de l’entreprise. Ils ne sont pas visibles par défaut d’outil
de mesure mais aussi parce qu’étant diffus et dispersés dans toute l’entreprise ils « remettent en cause certains
comportements de tous les individus de l’entreprise » (Savall et Zardet , 1989, p.122).
40
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
les systèmes de contrôle de gestion industriels traditionnels (Bouquin, 2001; Lorino, 1996).
Ceux-ci sont fondés sur l’élaboration de coûts complets par allocation des coûts indirects aux
coûts directs (main d’œuvre productive), la distinction entre coût fixe et coût variable, et la
mise en place de standards.
Les critiques ont d’abord émané des Etats-Unis. Miller et Vollmann (1985) ont mis en
évidence la baisse structurelle des coûts directs de production et l’augmentation des frais
généraux indirects aux Etats Unis, ainsi que l’inadaptation des systèmes de comptabilité
analytique pour en rechercher les causes. Ceux-ci allouent en effet les frais généraux aux
produits selon des clés de répartition conventionnelles. Ils plaidèrent pour une gestion de cette
« usine cachée », qui de fait produit des activités immatérielles, par le biais d’une analyse des
processus et des transactions effectuées par l’ensemble de ces fonctions.
41
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Cooper et Kaplan (1988) prônent la mise en œuvre de la comptabilité par activité (Activity
Based Costing30) en réponse aux critiques sur le manque de pertinence des systèmes
traditionnels. En France, la méthode est également appelée comptabilité d’activités et fait
l’objet d’articles et d’ouvrages au début des années 199031 (Mévellec, 1990 ; Lebas, 1991 ;
Lorino, 1996). L’objectif affiché est de rechercher ce qui justifie la consommation des
ressources, quelles sont les activités de l’entreprise qui en sont à l’origine (notion d’inducteur
de coût, qui est une cause de coût, alors que l’unité d’œuvre traditionnelle est une variable de
corrélation qui permet de modéliser des calculs). L’activité, notion dont la définition diffère
d’un auteur à l’autre, est le support naturel de la mesure du coût et de la performance (Lorino,
1996, p.48). Le postulat de base de la méthode est que les produits consomment des activités
et (que) les activités consomment des ressources (Bescos et Mendoza, 1999, p.41). La
méthode introduit donc clairement une notion de causalité, liée à l’homogénéité des coûts.
Elle permet également de mettre en évidence le rôle de la complexité parmi les déterminants
structurels de coûts. Le management des coûts et donc a fortiori leur réduction passe par une
modélisation telle qu’elle mette en évidence les lois qui déterminent le coût à long terme des
activités de l’entreprise. Dans ce cadre, le rôle du comptable de gestion est essentiel car il doit
identifier la cause de l’existence de tous les coûts et, par conséquence, participer à la gestion
de ces causes (Lebas, 1995). Cependant, une lecture approfondie de la littérature académique
sur l’ABC « à la française » fait apparaître que, malgré les nombreux débats qui ont eu lieu
depuis l’apparition de cette méthode, des divergences subsistent « portant soit sur la
définition des concepts élémentaires (tâches, activités et processus) soit sur le mécanisme de
calcul des coûts » (Alcouffe & Malleret, 2004, p.173).
Pour le manager cependant, un coût pertinent est souvent celui qui apparaît au bon moment et
à la bonne place, qui parvient au bon utilisateur avec la précision souhaitée par ce dernier
(Alazard et Sépari, 1998) sans que la qualité de la modélisation ne soit un critère de choix.
Cependant comme nous l’avons vu, les entreprises ne choisissent pas nécessairement le
système comptable le plus précis et peuvent modifier de façon délibérée, à la hausse comme à
la baisse, les valeurs fournies par les calculs de coûts les plus détaillés et les plus élaborés
(Merchant & Shields, 1993). La notion de pertinence des coûts renvoie donc bien au contexte
de la décision et aux objectifs poursuivis par l’organisation autant qu’à la fiabilité des calculs.
La politique de réduction des coûts se heurte donc à la conception d’un modèle liant les
30
Voir au point 2.2 l’utilisation de cette méthode pour réduire les coûts via l’ABM, Activity Based Management.
31
Pour une revue détaillée de la littérature académique française, voir Alcouffe & Malleret (2004).
42
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
actions définies aux coûts constatés, qui est lui-même lié à la modélisation du calcul de coûts
dans l’entreprise considérée.
Pour que la PRC ne soit pas seulement une politique annoncée, mais aussi une politique gérée,
la mise en place d’un système de modélisation et de calcul des coûts doit s’accompagner de la
mise en place d’un système de mesure et de gestion de la performance homogène avec cette
modélisation. Ainsi, le contrôle de gestion « doit reposer sur une analyse conjointe de la
valeur et des coûts ainsi que sur une démarche d’apprentissage organisationnel se traduisant
par une amélioration continue des performances » (Mévellec, 1995, p .117). Les indicateurs
de pilotage doivent permettre de traduire la modélisation des actions prévues en
consommation de ressources et de suivre la performance en matière de réduction des coûts. Le
système de contrôle mis en place est alors conforme à la désormais classique définition
d’Anthony (1965) : « Le contrôle de gestion est le processus par lequel les responsables
s’assurent que les ressources sont obtenues et utilisées avec efficacité et efficience dans
l’accomplissement des objectifs de l’organisation ».
Ces indicateurs de pilotage diffèrent en fonction des moyens utilisés pour réduire les coûts. Ils
ont également varié dans le temps, puisque les PRC ne sont pas seulement un phénomène
contemporain.
Malgré les exemples récents de PRC, ce concept n’est pas d’apparition récente. La réduction
des coûts constitue une réponse universelle à un contexte de crise ou de pression
concurrentielle. Cette universalité du concept peut être montrée selon différents critères : le
temps, la taille, le secteur, le caractère public ou privé des entreprises …
Les historiens de la comptabilité ont montré que les calculs de coûts étaient probablement
aussi anciens que les autres formes de comptabilité, mais ils étaient réalisés indépendamment
du système comptable, avec une fréquence indéterminée et non systématique. Quelques
exemples montrent néanmoins une mise en place précoce de systèmes de suivi de coûts. Le
43
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
plus célèbre est sans doute celui de la manufacture de draperies de soie et de laine de la
famille Médicis qui créa un système de suivi des coûts dès 1431, établi en partie double à
partir de 144132. Il n’est cependant pas certain que dès cette époque la comptabilité ait été
efficace dans le contrôle des coûts. Mersereau (1998) propose qu’avant le XVIIIème siècle et
la révolution industrielle, le contrôle sur les coûts était exercé par différents mécanismes non
comptables : le contrôle par le marché, l’utilisation de technologies comme outil de baisse des
coûts, l’adoption de structures formelles et de règles de comportement détaillées et l’emploi
actif du contrôle social.
Le développement technique lié à la révolution industrielle permet ensuite une baisse des
coûts par économies d’échelle et par des avancées technologiques importantes. La révolution
industrielle provoque la naissance de la comptabilité industrielle proprement dite (Littleton,
1933). La présence d’actifs fixes dans les usines et les équipements fait évoluer conjointement
la comptabilité industrielle et financière (Chatfield, 1977, p.101) pour calculer les coûts,
allouer les frais généraux, et intégrer les deux comptabilités. L’état actuel de nos
connaissances ne permet pas d’affirmer si cette intégration de calculs de coûts dans le cadre
de la partie double est le résultat d’un processus continu dont la révolution industrielle a été
un accélérateur ou d’une rupture brutale sous l’effet d’un environnement radicalement
nouveau et fortement demandeur de nouvelles techniques comptables pour analyser les coûts,
les modes de production issus de cette nouvelle division du travail (Boyns & al., 1996). Un
facteur de rupture important, avec l’abolition des privilèges en France en 1791, est
l’introduction ou le renforcement de la concurrence. Ainsi la compagnie Saint Gobain créée
par Colbert au XVIIème siècle n’a commencé à calculer ses coûts que dans la première moitié
du 19ème suite à la perte de son monopole de la production de verre (Nikitin, 1992a).
L’appropriation du modèle comptable marchand de la partie double par l’univers industriel et
l’intégration des problématiques de contrôle des industriels et des financiers a ainsi fait
évoluer le modèle comptable initial vers un modèle contemporain, à même de produire des
informations plus lisibles (états financiers et calculs de coûts de revient) qu’une simple
balance (Lemarchand, 1993).
32
R. de Roover (1941), « A Florentine Firm of Cloth Manufacturers », Speculum, volume 16 n°1, janvier, pp.1-
33, cité par Bouquin H. (2001).
44
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Dans une approche sociologique de l’histoire, Elias émet l’hypothèse d’une émergence de ces
préoccupations d’économie parallèlement à l’émergence de la bourgeoisie et de ses valeurs
versus celles de l’aristocratie :
« Nous avons d’un côté l’éthos social de la bourgeoisie professionnelle. Ses normes obligent chaque famille
d’accorder ses dépenses aux recettes et de maintenir, dans la mesure du possible, la consommation au-dessous
du niveau des revenus, la différence pouvant être investie en vue d’augmenter les recettes futures. Dans un tel
système, la consolidation de la position de la famille, et, plus encore, le succès social, l’accès à un statut plus
élevé et plus considéré, dépendent de la stratégie à long terme en matière de dépenses et de revenus, et des
efforts de l’individu en vue de subordonner la satisfaction de ses besoins immédiats à la nécessité d’épargner
pour s’assurer des gains futurs (saving-for-future-profit ethos).
Ces règles de conduite de la bourgeoisie professionnelle sont incompatibles avec la notion de consommation de
prestige. Dans les sociétés où prédominent l’éthos de la consommation en fonction du statut social (status-
consumption ethos) la seule sauvegarde de la position sociale de la famille et plus encore l’accroissement du
prestige, du succès social, dépendent de la volonté d’accorder les dépenses du ménage et la consommation en
général avant toute autre chose au rang social, au statut, au prestige qu’on détient ou qu’on convoite » (Elias,
1985, p.48)
Pour les aristocrates de la cour, le mot « économie », lorsqu’il signifie harmonisation des
dépenses et des recettes ou limitation planifiée de la consommation en vue de l’épargne, a
jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, et parfois même après la Révolution française un relent de
mépris : c’est le symbole de la vertu des « petites gens » (Elias, 1985). Si dans les sociétés
industrielles, il existe une certaine pression sociale à la mise en avant des couches supérieures
de la société par des dépenses de représentation, elles sont d’ordre plus privé. Elles ne sont
pas directement liées à la lutte pour des positions plus puissantes, et ne servent plus
d’instrument de domination : la pression n’a pas alors le même caractère inéluctable. De plus
ces couches supérieures, comme les autres, épargnent voire travaillent.
Le souci de baisser les coûts devient alors un souci majeur, et bien souvent, la constatation de
pertes lors d’un exercice est l’occasion de mettre en place des outils de gestion telle que la
comptabilité analytique pour mesurer les coûts et pouvoir ainsi les réduire. Cette mise en
œuvre d’une analyse comptable destinée à faire baisser les coûts apparaît en Amérique du
Nord puis en Angleterre au XIXème siècle. Ainsi, après des pertes importantes en 1870, le
groupe de D.D. Calvin au Canada qui arme des navires commerciaux développe un système
de comptabilité de gestion par bateau (Mc Watters, 1995) pour suivre les coûts et les périodes
d’opérations de chaque vaisseau (nombre de voyages, temps passé..). Ce système lui permet
de déterminer quel vaisseau est le plus efficient, en termes de profit net et de nombre de
voyages effectués au cours d’une saison, et de mettre en place un ratio de suivi opérationnel
pour mettre en rapport les coûts opérationnels (maintenance, frais de vie de l’équipage) et les
45
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
recettes de chaque vaisseau. Par la suite, à partir des années 1890, Calvin met en place
plusieurs mesures de réduction des coûts : des investissements pour réduire la consommation
de charbon, des réductions des dépenses de maintenance, des réductions d’effectifs par
vaisseau puis des baisses de coûts d’assurance, supportant par là même un risque opérationnel
supérieur dans l’objectif d’une augmentation du profit. La plupart des leviers d’augmentation
de création de la valeur sont déjà en utilisés, dans une recherche affichée d’efficience.
Enfin, plus près de nous, les compagnies aériennes britanniques créées après la seconde
guerre mondiale eurent également à mettre en place une politique de réduction des coûts pour
faire face à la concurrence (Lyth, 1993). La stratégie adoptée par BEA (British European
33
Parker cite parmi les auteurs anglo-saxons qui prônent cette réduction des coûts : Donald & Powell (1931), le
National Industrial Conference Board (1931), Madden (1935), Cornell (1947), et Scott (1948)
34
Harrison, 1930, p.26 cité par Parker (2002)
46
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Airways) au milieu des années 1950 consista alors à baisser au maximum le coût unitaire de
chaque trajet en jouant sur un taux de remplissage maximum, tout en adoptant de nouveaux
avions qui faisaient baisser les coûts de près de 50% par rapport à ceux de 1948. Cette
politique ressemble à une technique de yield management avant l’heure.
Outre les cas cités précédemment, on rencontre également des politiques de réduction des
coûts dans des secteurs qui ne relèvent pas tous du secteur privé, et ce dans différents pays :
35
« Eddie Jordan réclame une réduction des coûts », dépêche AFP¨du 25 avril 2002, sur site cyberpress,
www.cyberpress.ca
47
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Ainsi les PRC ne sont pas réservées aux entreprises qui interviennent dans un secteur
concurrentiel, mais la généralisation des outils de contrôle de gestion dans le secteur public
depuis la mise en œuvre la LOLF peut laisser attendre de nouvelles PRC dans ces secteurs. En
effet, l’objectif affiché est d’améliorer la performance des programmes de l’Etat, en suivant
trois types d’indicateurs : des indicateurs d’efficacité socio-économique, des indicateurs de
qualité de service et d’efficience de la gestion38. Si les indicateurs d’efficience de gestion
s’avèrent insuffisants, des PRC seront probablement annoncées de façon comparable à celles
des entreprises du secteur privé, pour améliorer la performance.
36
Loi Organique relative aux Lois de Finances du 1er août 2001, mise en œuvre dans les administrations
dépendant du budget de l’Etat depuis janvier 2006.
37
Les Echos, 14/11/2003.
38
Source : site de l’Etat sur la mise en œuvre de la LOLF : www.performance-publique.gouv.fr, consulté le
8/01/07
48
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
En tant que processus stratégique, une politique de réduction des coûts ne va pas sans annonce
à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise. A cet égard, Mersereau souligne que « le
chercheur est souvent amené à accepter que la meilleure évidence d’une réduction des coûts
est l’affirmation des managers évoquant ce résultat » (1998, p.21). Bien souvent la définition
des objectifs de réduction des coûts s’accompagne du choix d’un nom particulier pour le plan
de façon à pouvoir communiquer sur les objectifs et les résultats des mesures de
restructuration prises. Deville & al. (2005) mettent également en évidence la dimension
d’outil de communication des programmes de réduction des coûts.
Dans un article très critique contre les plans sociaux, Chevalier & Dure (1994) dénoncent le
caractère rituel des annonces de ce type. Les licenciements économiques apparaissent selon
eux plus liés à des artefacts de gestion et à des procédures budgétaires qu’à la nécessité
industrielle. Les licenciements d’urgence présentent un caractère de rituel qui rassemble toute
l’entreprise, avec les caractéristiques suivantes : des licenciements décidés en début d’année,
à la fin de la période budgétaire, dans des annonces qui les associent à des pertes, suivant une
« règle de proportionnalité mécanique » et avec comme effet de rassurer la communauté
financière. Enfin « le pouvoir symbolique des chiffres joue à plein: la décision est elle même
résumée en chiffres la rigueur dont ils sont le symbole masque tous les doutes » (p.11).
Du point de vue des effets de ces annonces sur le cours des actions, la littérature s’est surtout
penchée sur les effets sur le cours boursier des annonces de suppression d’emplois. Tant en
France (Hubler & al., 2001) qu’aux Etats-Unis (Nixon & al. 2004), ces études d’évènements
montrent que ces annonces ont un impact généralement négatif, mais faible sur les marchés
financiers. Ces résultats empiriques vont à l’encontre des critiques sociales qui se sont élevées
contre les licenciements « boursiers ». L’effet des annonces de programmes de réduction des
coûts sur le cours de bourse a été observé de façon exploratoire sur des entreprises françaises
du CAC 40 par Deville & al. (2005). Leurs résultats montrent au contraire un effet positif et
significatif, mais la faible taille de l’échantillon ne permet pas une généralisation de même
nature que les études d’évènements sur les annonces de plans sociaux.
Cependant, certaines annonces font l’objet d’un véritable plan de communication de crise en
plusieurs étapes. L’entreprise annonce d’abord qu’un plan va être engagé pour faire face à la
49
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
crise, puis annonce globalement de quelle nature sera le plan, voire indique une enveloppe
globale de réduction des coûts. Le plan en lui-même n’est ensuite détaillé que dans un second
temps, avec un discours destiné à justifier le plan vis-à-vis des parties prenantes.
Ainsi le plan « Power 8 » d’EADS a récemment fait l’objet d’une communication en plusieurs
étapes, avec des informations qui circulent, volontairement ou non, progressivement dans la
presse économique. L’estimation des économies demandées et les suppressions potentielles
d’emplois, en France et en Allemagne, sont ainsi progressivement mentionnées « selon nos
informations » ou « selon des sources proches du dossier » pendant les jours les plus difficiles
de la crise.
Titres de l’article - Date Extraits de l’article
EADS dévoilera cette semaine le plan « La maison mère d’Airbus voudrait profiter de la crise provoquée par les retards
de restructuration d’Airbus de livraison de l’A380 pour lancer une réorganisation industrielle en profondeur
Les Echos, 02/10/06 de l’avionneur. Le conseil d’administration d’EADS, qui s’est tenu vendredi
dernier à Amsterdam, s’est terminé sans annonce, mais pas sans résultats. (…)
« Cette réorganisation se traduirait notamment pas une probable spécialisation
des sites d’assemblages et un recours accru à des partenaires extérieurs. Environ
30% du futur A350 – contre 15% de l’A380 – pourraient ainsi être confiés à des
partenaires extérieurs s’ils acceptent de supporter une part équivalente du
risques financier. »
EADS doit adopter demain le plan « Vendredi, les administrateurs allemands d’EADS ont voulu prendre un peu plus
de réorganisation industrielle de temps en vue d’étudier en profondeur le plan d’ensemble du nouveau patron
d’Airbus d’Airbus, selon des sources concordantes. Ils veulent notamment savoir si
La Tribune, 02/10/06 Christian Streiff n’a pas surévalué les problèmes d’Airbus pour disposer d’un
maximum de marge de manœuvre »
« Les mesures industrielles prévues par Christian Streiff sont impopulaires »
estime-t-on déjà au sein du groupe. Ce plan pourrait déclencher une tempête
politique et médiatique en France et en Allemagne. Christian Streiff est dans une
logique d’optimisation de l’outil industriel d’Airbus. Il préconise une
réorganisation en profondeur qui va s’accompagner d’un nouveau plan
d’économies « de plus de 1 milliard d’euros par an », pouvant aller jusqu’à deux
voire trois milliards pour réduire au minimum les surcoûts liés aux retards de
l’A380, l’A350 et l’A400M. Il va réduire le nombre de sous-traitants travaillant
en direct avec la société dans un mouvement de simplification, selon nos
informations »
Quelques jours plus tard, ce projet de réorganisation très sensible, qui implique les pouvoirs publics en France et en
Allemagne, devient l’objet de tensions entre les deux pays (à quelques jours d’un sommet bilatéral), et entre Airbus et sa
maison-mère et le nouveau PDG menace de démissionner si son plan n’est pas accepté par les actionnaires.
Airbus ; la tension monte entre le « Ce programme d’économies vise à compenser les lourdes pertes financières
PDG et son actionnaire EADS entrainées par les retards de livraison de l’A380. « M. Streiff n’a pas donné sa
Les Echos, 09/10/06 démission. Tout cela est de la spéculation » affirmait un porte parole du
groupe. »
« Le principe de la restructuration, dont les détails ne sont pas connus, a été
validé, mais Christian Streiff veut maintenant avoir les mains libres pour pouvoir
l’exécuter ».
Christian Streiff sur le point de A la même date, La Tribune indique pourtant , que :
quitter Airbus « des sources proches du dossier laissent entendre ce matin, selon l’AFP,
La Tribune, 09/10/06 qu’EADS serait sur le point d’accepter sa démission ».
Louis Gallois confirme le plan de « Le plan de restructuration d’Airbus, Power 8, commence « tout de suite »
restructuration d’Airbus malgré la démission de son PDG Christian Streiff a déclaré Louis Gallois. Il y
Le Monde, 10/10/06 aura « des suppressions d’emplois de structure et il faudra se poser la question
des sites ». Mais la mise en œuvre de ce plan destiné à redresser Airbus se fera
« après plusieurs mois de travail » et « dans le dialogue et l’équilibre » ».
50
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Dès son arrivée à la tête du groupe, Louis Gallois va faire un discours et se rendre à Toulouse
pour rencontrer les cadres et les représentants du personnel ainsi que les élus locaux et
« tenter de les rassurer »39. L’objectif de réduction des coûts de deux milliards d’euros par an
à partir de 2010 est confirmé. Quelques semaines plus tard, une partie des mesures de
réduction drastique des sous-traitants est dévoilée par la presse allemande qui reprend un
article de la revue interne d’EADS40.
Cet exemple récent permet d’illustrer les discours produits par une entreprise, par la voix de
ses dirigeants ou par d’autres vecteurs, concernant un plan de réorganisation important et
complexe – en particulier par ses implications politiques- qui comprend un volet de réduction
des coûts sur plusieurs années. L’annonce en elle –même est graduelle, et des informations
sont données avant l’officialisation du plan. Les parties prenantes concernées (salariés, sous-
traitants, élus locaux) font l’objet de discours particuliers et adaptés.
Pour fixer la date de la divulgation de la PRC, nous considèrerons que l’annonce se situe au
moment où un plan est annoncé, avec au moins un objectif global d’économies. Pour pouvoir
être observée, il faut que cette annonce fasse l’objet d’un communiqué de presse, et entre
donc dans le champ couvert par l’information financière règlementée. Si nécessaire, nous
étudierons l’annonce du plan et l’annonce des mesures du plan de réduction des coûts dans
deux communiqués successifs. Ces mesures font référence à des stratégies et des moyens
utilisés pour réduire les coûts. Les exemples évoqués pour illustrer l’universalité du concept
de PRC (point 1.4) nous ont permis d’en évoquer certains. La deuxième partie de ce chapitre
est consacrée à une synthèse de la littérature sur les moyens et stratégies utilisés pour réduire
les coûts.
Les moyens et stratégies utilisés pour réduire les coûts lors des mises en œuvre de PRC sont
variés. Certains outils sont assez classiques, comme la focalisation sur la baisse du coût
unitaire ou des frais généraux (2.1). D’autres sont plus stratégiques (2.2) et font appel à une
modélisation des coûts inspirée de l’analyse de la valeur déjà évoquée (1.3), dans une
39
« Louis Gallois tente de rassurer à Toulouse », Les Echos, 11/10/06
40
« Airbus réduit drastiquement ses sous-traitants », Le Monde, 08/11/06
51
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Selon les concepts classiques utilisés en économie industrielle (Chevalier, 2000), l’évolution
du coût résulte de l’évolution conjuguée du progrès technique (innovations, améliorations des
processus), des économies d’échelle (qui proviennent de l’augmentation de la production et de
la taille des unités plus de production) et des économies d’envergure (qui résultent de la
production conjointe de plusieurs biens différents , qui permettent de faire baisser les coûts de
distribution de chaque produit par exemple). Ces différents phénomènes permettent une
réduction des coûts unitaires. La recherche d’économies d’échelle est à l’origine de certaines
opérations de fusions acquisitions et fut à l’origine de l’intégration verticale des premiers
grands groupes américains (Chandler, 1989).C’est aussi sur ce type d’économies d’échelle ou
d’économies de gammes que reposent les nombreuses synergies mies en évidence lors des
fusions. Ces « synergies de coûts » reposent en général à la fois sur des économies de frais
commerciaux que sur des frais de structure mutualisés.
Copeland (2000) préconise une réactivation du processus budgétaire avec revue systématique
des investissements courants prévus. La réduction des coûts passe alors par une multitude de
petites économies et d’allongement de la durée d’utilisation des investissements existants, et
une utilisation systématique du système traditionnel de contrôle budgétaire. L’un des objectifs
traditionnels du contrôle budgétaire est en effet centré sur la maîtrise des coûts (Berland,
2002). De nombreuses entreprises parlent alors de « ciblage des investissements ».
Plus innovantes, les techniques de « yield management » mises en œuvre en premier lieu par
les compagnies aériennes américaines s’apparentent à une politique de baisse du coût total
unitaire du service rendu en optimisant le volume vendu. Cette optimisation de la gestion des
52
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
capacités – grâce à une tarification différenciée41 - se développe dans les secteurs où les coûts
fixes sont prédominants, les coûts variables unitaires faibles, où le prix constitue un fort levier
et où une gestion des ventes « périssables » (une chambre d’hôtel, une place sur un vol aérien)
se fait sur un système de réservation entièrement informatisé. Ce modèle d’optimisation est
cependant réservé à des secteurs d’activité offrant le même type de caractéristiques, et en
particulier une capacité de production fixe.
La réduction des frais généraux a été abordée avec différents outils. Une première politique
classique de réduction consiste en une baisse importante des frais généraux perçus comme
discrétionnaires. Fiat a ainsi baissé brutalement ses coûts de marketing et de publicité en
200242, pour faire face à une perte importante au 1er trimestre de l’exercice. Les budgets
publicitaires aux Etats Unis ont baissé de 4,5%43 en 2001par rapport à l’année précédente. La
baisse des coûts publicitaires et des frais de recherche et développement est une pratique
fréquente lors des mesures de réduction des coûts (John & al. 1992).
Une remise à plat totale de l’approche budgétaire par le biais du BBZ (Budget Base Zéro,
mise au point dans les années 1980) est également une manière de contraindre les services
administratifs à élaborer des plans d’action par unité de décision et éviter ainsi une approche
incrémentale naturellement inflationniste des budgets de fonctionnement. On peut ainsi
n’allouer des ressources qu’aux missions indispensables de chaque service, et rationaliser à
partir de critères de type « coût /qualité /pertinence stratégique ». Cette méthode a été
présentée comme un outil de réallocation de moyens et de redéploiement des activités de
support permettant d’améliorer la performance et la pertinence des prestations fournies par les
services fonctionnels. Elle a cependant le plus souvent été utilisée comme un outil de PRC,
une sorte de dispositif complexe et formel de justification de la suppression des ressources. Si
le BBZ a un effet à court terme sur les coûts, l’approche est lourde et n’empêche pas à moyen
terme une nouvelle routine budgétaire avec de nouveaux « slacks » (Malo & Mathé, 1998).
41
Dans le cas du secteur du transport aérien, le yield management revient à découper un même avion en classes
tarifaires différentes dans lesquelles l’offre et la demande sont optimisées grâce à des systèmes informatiques qui
modélisent la demande en fonction de la date, de l’horaire, de la date de réservation ….
42
A. Matthew, « Fiat cuts back global marketing budget », Marketing , 23 mai 2002, Londres.
43
issue de « Feeling Frugal », The Economist, 9 mars 2002.
53
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Les démarches d’analyse fonctionnelle ou analyse de la valeur – nées pendant la guerre aux
Etats-Unis (Bouquin, 1997) - considèrent le produit comme une combinaison de fonctions
plutôt que comme un assemblage de pièces (Malo & Mathé, 1998). A partir de cette analyse
fonctionnelle des produits (Meyssonnier, 2001), l’entreprise engage une nouvelle conception
du produit seule capable de « casser les coûts ». Les économies sont d’autant plus
considérables que les études sur le cycle de vie ont montré dès la fin des années 1970 que les
décisions prises au moment de la conception (qui représente 10 à 20% des coûts d’un produit)
déterminent 80 à 90% des coûts totaux dépensés44. Chaque produit fait l’objet d’une
attribution de fonctions, classées selon des scores. Ces scores servent à l’étude des
composants qui contribuent à ces fonctions. Un composant dont le coût (en pourcentage du
coût total) dépasse la contribution à la valeur fait l’objet d’une étude de réduction de coûts
(Horvàth, 1995). La réduction des coûts passe alors par une élimination de tout ce qui ne
relève pas des fonctions du produit et par une optimisation du coût des fonctions. Ce type de
démarche a été largement exploité par les entreprises fondées sur le modèle du low cost, qui
né dans le secteur du transport aérien, s’est propagé dans de nombreux secteurs économiques
(Perri, 2006). Ce modèle repose en particulier sur la recherche d’une simplification extrême
des fonctions pour réduire tous les coûts liés à la gestion de la diversité et de la complexité,
44
Voir à ce sujet la courbe des relations entre coûts décidés, coûts réalisés et cycle de vie du produit de Brimson
& Berliner (1988).
54
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
ainsi que sur un fort usage des nouvelles technologies, pour limiter au maximum les coûts de
distribution.
La démarche de l’ABM (Activity Based Management) se nourrit des informations issues des
systèmes ABC de comptabilité de gestion. Elle « rassemble l’ensemble des actions qui
peuvent être mises en œuvre par une entreprise pour améliorer l’efficience et l’efficacité de
ses activités et des processus » (Mendoza & al. 2002). L’architecture ABM peut donc être
schématisée sur la figure suivante :
Un des objectifs affichés de l’approche ABM est la réduction des coûts, qui passe par une
modification de la façon dont les activités sont réalisées ou utilisées. Au travers de l’objectif
de réduction des coûts, l’ABM propose en fait une démarche qui remet en cause
l’organisation des activités, et implique donc les opérationnels, l’analyse des coûts n’étant
qu’un outil d’aide à la décision. Ainsi, la réduction des coûts s’inscrit à la fois dans une
démarche ex post (réduction du temps nécessaire à l’exécution des activités, élimination des
activités non créatrices de valeur, partage ou sous-traitance de certaines activités et
réallocation des ressources) et dans une démarche ex ante (optimisation des processus de
fabrication définis au moment de la conception des produits).
55
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
La combinaison de ces démarches et outils de réduction des coûts a ainsi vu dans le secteur
automobile la mise en place de plans de réduction de la durée de conception des nouveaux
modèles, conjugués à la mise en œuvre industrielle de plateformes communes susceptibles de
réduire les coûts en diminuant les coûts de gestion liés à la diversité des références, tout en
insistant sur la modularité pour optimiser l’utilisation des capacités et faire ainsi également
baisser le coûts unitaire.
Les années 1980 et 1990 ont vu se développer aux Etats Unis puis se généraliser des
politiques de réduction des coûts inscrites dans une logique de rupture : reengineering (ou
réingénierie), et downsizing (étudié dans la littérature française principalement sous l’angle
des plans sociaux). Leur adoption successive ou simultanée a introduit une certaine confusion
entre les différents concepts, dont le principal point commun est un objectif de réduction des
coûts.
56
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Le reengineering (Hammer, 1990 ; Hammer & Champy, 1993, 2000) s’inscrit dans une
logique de rupture. C’est «une remise en cause fondamentale et une redéfinition radicale des
processus opérationnels pour obtenir des gains spectaculaires dans les performances
critiques que constituent aujourd’hui les coûts, la qualité, le service et la rapidité » (Hammer
& Champy, 1993, p.42). Les auteurs insistent sur le caractère radical du changement, la
rupture avec les modes de pensée et de fonctionnement précédents (Hammer, 1990) et parlent
de « réinvention de l’entreprise » (Hammer & Champy, 1993, p.43). Les économies promises
sont significatives.Les changements drastiques nés du reengineering sont justifiés par les
auteurs par le contexte économique du début des années 90 : une crise « qui ne finira pas »,
une prise de pouvoir des clients dans l’entreprise avec une pression concurrentielle forte et un
changement présenté comme incessant et inéluctable. Il s’agit d’« inverser la révolution
industrielle » (Hammer & Champy, 1993, p.60) pour trouver de nouveaux modes
d’organisation du travail et créer ainsi un « nouveau monde du travail ».
Les principes généraux reposent sur une réduction du nombre de niveaux hiérarchiques dans
les organisations, une reconfiguration complète des fonctions et des postes de travail et une
concentration sur les processus, concept qui est également au cœur de la méthode ABC. Le
défaut de compétitivité des entreprises américaines par rapport à leurs concurrents japonaises
dans les années 1980 a été un des facteurs justifiant la remise en cause de certaine méthodes
de management stratégiques, de pilotage et de contrôle de gestion, et partant de calcul de
coûts. De plus, le développement des NTIC joue un rôle de levier essentiel dans le
développement de cette approche.
Certaines études empiriques faites sur le reengineering (Jarrar & Aspinwall, 1999) mettent en
évidence l’universalité du concept ainsi que sa participation au phénomène de mondialisation
des outils de gestion, malgré des approches et des méthodes de mise en œuvre différentes.
D’autre part, malgré la différence d’optique entre les deux concepts (rupture brutale versus
amélioration continue) la synergie entre le reengineering et la démarche de qualité totale est
également soulignée, car l’effet d’expérience lié au management par processus et une culture
qui accepte le changement continuel et le travail en équipe facilitent la mise en œuvre de
politiques telles que le reengineering.
57
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
managérial américain, à la fois révolté contre l’engouement grandissant à l’époque pour les
outils de gestion et les techniques en provenance du Japon et ayant en partie assimilé ces
techniques (Grint & Case, 1998). Hammer & Champy utilisent en effet un discours violent et
quasi militaire pour évoquer les transformations indispensables que doivent opérer les
entreprises américaines. Malgré ces facteurs contextuels, le reengineering a su propager sa
logique de changement dans différents pays du monde, et le succès de l’ouvrage est quasi
planétaire dans les années 1990.
Les résultats attendus sont une augmentation de la valeur actionnariale, par une baisse des
frais généraux et de la bureaucratie, une amélioration de la rapidité des décisions et de la
communication (Cascio, 1993). Le downsizing peut être effectué selon deux approches
(Cameron & Freeman, 1993 ; Appelbaum & al. 1999). La première s’apparente à une
réorientation, qui implique une redéfinition radicale des missions de l’entreprise en fonction
de son environnement, dans une logique de rupture proche du reengineering. La seconde
s’apparente à une démarche d’amélioration continue, parfois couplée avec une démarche de
qualité totale. Les moyens utilisés seront alors différents : redéfinition des tâches,
automatisation des procédures, changement des structures de l’entreprise. Les systèmes
46
une association le NODE (National Oganization of Downsized Employees) a été créée aux Etats Unis en 1994
pour aider les salariés licenciés et plaider pour la défiscalisation d’une partie des indemnités versées.
58
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Ces réductions d’effectifs (ou « gestion des sureffectifs »48, que l’on retrouve plutôt dans la
littérature française) ont été effectuées aussi bien sous la forme de licenciements (plans
sociaux en France ou licenciements « secs ») que d’autres mesures de réduction des effectifs :
programmes de départ à la retraite anticipée, non remplacement de postes, partage du temps
de travail et utilisation du temps partiel, départs individuels négociés, gel des embauches,
outplacement… (Cameron & al. 1991 ; Beaujolin, 1999 ; Appelbaum & al. 1999). Les
licenciements ne sont pas le propre des sociétés en difficulté, ils peuvent donc être
« d’urgence », « de productivité » ou « sur mesure » (Chevalier & Dure, 1994) ; on a
également parlé à ce propos de « licenciements boursiers ». Le plan social est ainsi également
un outil de downsizing (Fabre, 1997).
Dans une perspective économique, on postule que les politiques mises en œuvre le sont pour
améliorer la profitabilité de l’entreprise ou pour répondre au déclin organisationnel. Ceci
47
cité par Cascio (1993), Appelbaum et al. (1999), Kets de Vries (2002).
48
titre de l’ouvrage coordonné par G. Schmidt (2001) : La gestion des sureffectifs : enjeux et pratiques.
59
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
présuppose que les dirigeants perçoivent et comprennent la relation entre leur méthode de
réduction des coûts (reengineering ou downsizing par exemple) et la performance financière
future, et que celle-ci constitue un outil rationnel et prévisible de manipulation de la
performance. Cependant, l’absence de preuve du lien entre un outil comme le downsizing et
la performance financière ultérieure (Mc Kinley & al. 2000) nous montre que la seule
perspective économique n’est pas suffisante pour expliquer l’adoption de telles politiques et
que d’autres mécanismes sont à l’œuvre.
La réduction des coûts, cité comme objectif premier de l’externalisation par les directeurs
financiers 51 repose sur trois grands mécanismes (Barthélemy, 2001, pp.44-45) :
49
« core competence », définies par Prahalad et Hamel (1990) : « The core competence of the corporation ».
50
entreprise organisée autour d’un noyau stratégique réalisé en interne (première feuille), entouré de prestataires
spécialisés (deuxième feuille), le reste des tâches étant effectué par de la main d’œuvre temporaire (troisième
feuille) (C. Hardy, L’age de la déraison, cité par Barthélémy, 2001).
51
Etude « le directeur financier face à l’externalisation » effectuée par la DFCG et Price Waterhouse Coopers
Consultants en 1997, 62% des entreprises attendent d’abord une réduction de leurs coûts dans la mise en place
d’externalisation.
60
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Selon une étude plus récente (2002), les enjeux de l’externalisation sont la réduction de 20% à
30 % des coûts complets opérationnels ou fonctionnels, obtenue à niveau de service
comparable, la « refocalisation » des énergies sur le cœur de métier, la flexibilité des moyens
et l’optimisation du capital employé.
Dans le cas des services fonctionnels, et dans un environnement dans lequel la plupart des
entreprises comparent en interne et en externe le coût de leurs services, la pression à la
réduction des coûts par la mise en œuvre de centre de services partagés (CSP) ou
d’externalisation est importante. « A défaut de bénéfice valorisable, la création de valeur sera
positive dès lors qu’il n’y a pas de meilleur option sur le marché (pas de destruction de valeur
par rapport aux meilleures pratiques commercialisées) ».52 Au-delà des services généraux, les
services informatiques, de gestion de la paie ou les services financiers sont donc concernés.
La recherche de coûts de main d’œuvre au plus bas prix peut ainsi entraîner des
délocalisations partielles ou totales d’entreprises, qui ont pu être analysées sur le plan
théorique comme une combinaison de la théorie générale des coûts comparatifs et de la
théorie des avantages compétitifs de la firme (Arthuis, 1993). Le gestionnaire cherche à
produire et acheter au plus bas prix et à vendre là où le pouvoir d’achat est le plus fort, cette
démarche ayant été favorisée dans de nombreux pays en voie de développement par la
combinaison d’une main d’œuvre moins chère et flexible et de politiques fiscales incitatives à
l’investissement. Ces transferts, longtemps limités aux activités productives, se sont beaucoup
développés ces dernières années pour les activités de service (saisie informatique, centres
d’appels pour la clientèle, voire centres de recherche). Une étude du cabinet Gartner (2006)
52
« CSP ou externalisation : deux options gagnantes pour la fonction finance », Echanges , novembre 2004, n°
215.
61
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Dans le domaine financier, un contrôleur financier du groupe Rhodia témoigne sur les actions
du groupe en matière de CSP et d’externalisation des fonctions support54 :
« Le groupe Rhodia a engagé un plan ambitieux d’amélioration de la « profitabilité » qui a conduit à évaluer
les enjeux de productivité et de rationalisation de chaque fonction par rapport aux meilleures pratiques
mesurées par le benchmarking. Les contributions des fonctions finance, ressources humaines, systèmes
d’information ou communication se sont traduites par l’engagement d’actions spécifiques comme la
mutualisation de moyens ou l’externalisation. (..)
Les activités transactionnelles ont été externalisées à Prague : comptabilité fournisseurs, et clients et
décaissements-encaissements. Les comptabilités générales ont été mutualisées par pays en centres de gestion
partagés. Le contrôle de gestion, qui contribue au pilotage de la performance, est réalisé en local pour les
patrons de business unit, plus proches du terrain. (..)
L’évaluation globale de la performance des fonctions a été intégrée dans le système de rémunération variable
des cadres du groupe. »
De plus, selon les études à destination des professionnels55, les directeurs achats ont un rôle de
plus en plus stratégique dans les organisations, du fait des potentiels importants d’économies.
« Les achats offrent encore des potentiels énormes de gains. Et ces marges supplémentaires
sont bien plus faciles à aller chercher dans les achats qu’ailleurs. Cela plait forcément aux
actionnaires » déclare le PDG d’un éditeur de logiciel de gestion des achats56. Ainsi les
groupes s’équipent de systèmes d’information spécifiques (de « datawarehouse ») qui leur
permettent de collecter, de consolider et d’analyser de façon centralisée tous les achats d’un
groupe, par nature, par fournisseur, par métier ….et contrôler ainsi le respect des contrats
cadres. Responsables logistiques et directeurs de la « supply chain » deviennent les
interlocuteurs qui assurent les relations avec fournisseurs et prestataires, assurent la réactivité
des entreprises à la demande tout en gérant l’abaissement des coûts. Ces fonctions sont
57
devenues « le centre nerveux » des entreprises. Ce type de démarche nécessite une
structuration et une homogénéisation des références achetées un peu partout dans un groupe,
53
L’étude souligne que les service informatiques sont prioritairement concernés par cet « offshore outsourcing ».
Voir l’article « Les entreprises européennes de plus en plus avides d’externalisation », l’Agefi, 26 avril 2006.
54
Echanges, novembre 2004, n°215 , p.25.
55
Etude Bearing Point / Microsoft, Les Echos, 23 juin 2004.
56
« De nouvelles armes pour la fonction achats », Les Echos, 29 septembre 2004.
57
Titre d’un dossier consacré à ces métiers par Le Figaro, 24 avril 2006.
62
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
car la standardisation des besoins est un des éléments qui permet de baisser le nombre de
références et de diminuer ainsi les coûts par une augmentation des volumes commandés. Le
secteur automobile a été parmi les premiers utilisateurs de l’ensemble de ces démarches
d’achat, qui sont maintenant au goût du jour dans de nombreuses entreprises publiques
(comme la Poste ou EDF). Autre moyen utilisé pour les achats : le e-sourcing, c’est-à-dire
l’utilisation d’un site internet sur lequel les acheteurs mettent en ligne les appels d’offre et les
besoins, et auxquels les fournisseurs répondent également en ligne. « Principal atout : ils
permettent de multiplier à moindre coût les fournisseurs contactés et tirent donc les prix vers
le bas, notamment grâce à des enchères inversées en ligne ». D’autres groupes ont recours à
des places de marché spécialisées dans l’achat de fournitures, stratégiques ou non
stratégiques, via internet et des catalogues électroniques, qui n’ont pas toujours l’effet espéré
sur la réduction des coûts58.
Bien souvent les entreprises qui annoncent des PRC jouent sur l’utilisation de plusieurs de ces
outils de réduction des coûts, certains ayant une action sur le court terme et d’autres sur le
moyen ou le long terme. Parmi les multiples outils, certaines entreprises ont mis en place un
outil de motivation proche d’un jeu de hasard pour augmenter la performance des salariés et
réduire les coûts. Ce programme de motivation fonctionne comme un casino en ligne grâce
auquel les salariés qui ont atteint leurs objectifs reçoivent des points utilisables dans de jeux
comme des machines à sous ou autres59. Tous les outils d’incitation et de contrôle sont donc
susceptibles d’être mobilisés pour réduire les coûts. Les travaux de Mersereau (2000) ont mis
en évidence une synthèse des mécanismes de contrôle potentiel sur les coûts lors de la mise en
œuvre des PRC, et les choix fondamentaux que peut faire une organisation quant à la
localisation de son contrôle (figure 5) . Systèmes de contrôle formels et contrôle informel par
la culture, selon le modèle du clan (Ouchi, 1980), coexistent dans les entreprises dans
lesquelles Mersereau (1998) a mené ses études de cas. L’implication du personnel et son
adhésion aux objectifs de l’organisation atténue alors la contrainte d’avoir à suivre les
performances de chacun, une partie du contrôle devenant de l’auto-contrôle dans un cadre de
régulation sociale. Parmi les moyens utilisés pour réduire les coûts dans ce contexte,
Mersereau (2000) relève une sensibilisation progressive des salariés à la nécessité de réduire
58
Selon le témoignage du PDG de Danone, « Les acheteurs se cherchent sur les places de marché », Les Echos,
29 avril 2002.
59
Le jeu « Snowfly » a été mis au point par des universitaires américains spécialisés en motivation du personnel,
avec des mécanismes d’incitation inspirés de la psychologie comportementale. Il est utilisé par des entreprises
américaines pour augmenter la productivité, réduire les coûts et réduire l’absentéisme. Voir à ce sujet l’article
« Quand le jeu incite les salariés à se dépasser », Les Echos, 30 octobre 2006.
63
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Inducteurs
2 : Mesurer ?
Cybernétique Points de décision :
3: Objet de Résultats 1 Gérer directement ou externaliser ?
contrôle ? 2 Mesurer l’objet ou gérer le contexte ?
1 : Gérer ? 3 Objet de contrôle: direct ou en amont ?
4 Formaliser la structure ?
5 Objet de contrôle : règles ou
Externaliser
Marché responsabilisation ?
Cette observation des pratiques en interne met en évidence l’importance des discours sur les
coûts et leur nécessaire réduction en préalable à la mise en œuvre de systèmes plus formels de
contrôle. Cette importance rejoint l’observation faite en externe de l’importante
communication faite par certaines entreprises cotées sur leurs programmes de réduction des
coûts. Cette communication est d’abord l’occasion de fixer des objectifs pour la politique
annoncée.
Nous avons défini la politique de réduction de coût comme une réduction gérée, liée à des
objectifs stratégiques. La périodicité des programmes de réduction des coûts définie par
Deville & al. (2005) est de trois ans. Cet horizon temporel rejoint les périodes d’observation
des études empiriques sur les restructurations et les réductions de coûts opérées par les
64
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
entreprises américaines (John & al. 1992) et françaises (Séverin & Dhennin, 2003). La
communication sur les PRC énonce des objectifs explicites, tels que:
• faire face à un environnement concurrentiel et à une pression sur les prix, et donc
améliorer la compétitivité et la productivité de l’entreprise (Cameron et al. 1991 ;
Appelbaum et al. 1999) ;
• répondre à une crise économique globale ou du secteur, par une réduction des
ressources voire de la taille de l’entreprise, dans une PRC de type défensif, proche
d’un recentrage;
• anticiper ou réagir à un changement technologique majeur pour pouvoir dégager des
ressources provenant de certaines activités pour pouvoir investir dans de nouvelles.
L’introduction des nouvelles technologies de l’information a été à cet égard un impact
important dans les services administratifs (Appelbaum et al. 1999) ;
• prévenir un rachat ou une OPA hostile, certaines entreprises ayant été
considérablement « amaigries »après rachat (voir l’exemple de Nissan après son rachat
par Renault). Il est important de montrer qu’il ne sera pas facile de faire des
économies importantes en cas de rachat, l’entreprise étant déjà engagée dans une
politique de réduction des coûts,
• faire face à un endettement important, souvent généré par une stratégie de croissance
externe lors des années précédentes (Cascio, 1993) ;
• plus globalement augmenter la valeur actionnariale (Cameron et al. 1991; Cascio,
1993 ; Appelbaum et al. 1999).
Dans le cas spécifique des réductions d’effectifs, les déterminants sont identiques selon le
recensement fait par Moulin (2001) dans la littérature: mondialisation, renforcement de la
concurrence, innovation technologique, contexte de flexibilité, déterminants financiers.
Au-delà de ces objectifs explicites, d’autres motifs implicites peuvent expliquer la mise en
place d’une politique de réduction de coût : l’arrivée d’un nouveau dirigeant, l’adoption d’un
comportement mimétique suivant un effet de mode managérial, volonté d’adresser un
message aux investisseurs financiers …
Ces objectifs s’accompagnent souvent d’une explication sur les modalités de réduction des
coûts, qui nous renvoient aux outils de réduction des coûts précédemment explicités. Les
65
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
délimitations des contours de l’objet étant tracées, dans une dernière partie de ce chapitre,
nous présentons les questions de recherche posées dans cette thèse ainsi que la démarche de
recherche élaborée pour y répondre.
Nous aborderons dans une première section la problématique et les questions de recherche
de la thèse. La seconde section sera consacrée à l’exposé de la démarche de recherche et à
l’articulation des différents chapitres de la thèse.
Nous avons vu que la politique de réduction des coûts (PRC) constitue un concept particulier,
inscrit dans une logique de rationalité économique dans un objectif de recherche d’efficience.
Elle se caractérise par la définition d’objectifs, à court terme et à moyen terme (fréquemment
dans le cadre d’un plan à trois ans), de réduction des coûts (et éventuellement d’effectifs). Ces
réductions de coûts programmées doivent permettre le retour au bénéfice ou une
augmentation du résultat, exprimée sous forme d’un ratio de profitabilité (résultat sur chiffre
d’affaires ou marge opérationnelle) ou de rentabilité (résultat sur capitaux propres).
La PRC est en conséquence un objet de recherche qui relève des activités de calcul
économique et comptable développées par les entreprises pour améliorer leurs performances.
En outre, en tant que politique gérée dans le temps, la PRC fait l’objet d’un plan stratégique
annoncé aux parties prenantes. Dans le cas des entreprises cotées, une information sur ce plan
est communiquée aux analystes financiers et aux journalistes économiques. C’est donc un
objet de recherche visible.
La mise en œuvre des PRC est dès lors souvent précédée d’une annonce de PRC. Cette
annonce de PRC suppose l’existence de destinataires de cette annonce et donc de marchés
66
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Du fait du caractère non obligatoire de l’information financière sur les réductions de coûts,
l’annonce de PRC constitue ainsi un élément de la communication financière volontaire des
sociétés cotées. Elle peut faire l’objet d’une communication spécifique ou faire partie des
commentaires sur les résultats financiers ou les prévisions. L’observation de la
communication financière des sociétés cotées fait apparaître une intensité de communication
sur le thème des PRC plus ou moins importante, qui semble dépendre de la situation
économique et financière dans laquelle se trouve l’entreprise.
Cette communication financière des entreprises cotées a tendance à s’intensifier ces dernières
années. La lecture de la presse économique, voire de la presse généraliste, fait par suite
apparaitre les PRC comme des politiques récurrentes de la part des grandes entreprises.
La place du discours des dirigeants au cœur de cette communication financière s’est par
ailleurs fortement accrue. Certains patrons d’entreprises du CAC 40 font l’objet d’une forte
médiatisation. Le discours des dirigeants est de plus en plus fréquemment cité et repris dans la
presse. Le discours des dirigeants apparaît alors comme un instrument de la visibilité
nationale et internationale des entreprises qu’ils dirigent.
Cette visibilité, entretenue par les discours, est même mesurée par différents baromètres de la
presse. Ainsi, le baromètre publié par Factiva60 - concernant les citations des patrons du CAC
40 dans la presse mondiale - met en évidence une visibilité importante des PDG d’EADS et
Renault-Nissan pour l’année 2005 (avec respectivement 3 370 et 3 039 citations dans la
presse internationale). Ce phénomène est encore accentué en 2006, avec une activité
discursive des dirigeants très variable en fonction des évènements auxquels leur entreprise
doit faire face, mais également en fonction de la personnalité de ces dirigeants.
Ainsi sur les premiers mois de 2006, les PDG d’EADS et de Renault-Nissan restent
incontestablement les plus visibles, mais d’autres dirigeants apparaissent ponctuellement
(Gérard Mestrallet dans le cadre du rapprochement entre Suez et Gaz de France) ou plus
longuement (Guy Dollé qui communique activement dans sa « bataille boursière » pour
60
Base de données d’articles de la presse économique et générale.
67
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Arcelor). Ce baromètre des citations de PDG sur les neuf premiers mois de l’année 2006 peut
être synthétisé sur le graphique suivant :
Tableau 3: Baromètre des citations des patrons du CAC 40 dans la presse mondiale (source : Factiva)
3500
3000
2500
Nombre de citations
1000
500
0
janv-06 févr-06 mars-06 avr-06 mai-06 juin-06 juil-06 août-06 sept-06
D’autres publications mesurent non seulement la visibilité du PDG et de l’entreprise dans les
médias, mais font également un lien manifeste entre la visibilité dans les médias et le cours de
bourse de l’entreprise. Ainsi Economie Matin et Datops61 publient un baromètre
hebdomadaire sur lequel figurent d’une part « les patrons dont on parle » avec un indice de
visibilité dans les médias et l’évolution du cours de bourse pendant la semaine, et d’autre part
« les sociétés dont on parle » avec un indice de visibilité dans les médias et la « tonalité » des
articles (favorable ou défavorable).
Or la presse économique constitue une des sources d’information importante des managers et
des dirigeants. Les articles sont à la fois une source d’information et créent également des
« interdiscours », des liens discursifs, avec d’autres discours plus généraux sur l’économie,
l’entreprise, sa place dans la société. Les articles se réfèrent à d’autres discours économiques
et contribuent également à l’élaboration du discours sur l’économie, les entreprises, les
pratiques managériales. Par suite, les discours des dirigeants apparaissent à la fois comme un
61
Le baromètre du n°78 d’Economie Matin, daté du 6 au 12 novembre 2006, indique que la visibilité mesurée est
une visibilité pondérée sur 600 sources médias français en ligne.
68
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Dans notre recherche sur les politiques de réduction de coûts, la place croissante du discours
des dirigeants et de leur visibilité dans la valeur perçue des entreprises qu’ils dirigent nous a
conséquemment conduit à nous intéresser non pas à une observation directe des pratiques,
mais à une observation du discours sur les PRC.
Ainsi, notre recherche ne porte pas sur une observation directe des pratiques, mais sur une
observation et une analyse des discours sur les pratiques. Cet angle d’observation nous permet
d’explorer non seulement le discours émis par les entreprises sur leurs PRC, mais aussi la
façon dont ces discours s’inscrivent plus généralement dans un discours produit par leur
environnement sur ces politiques de réduction de coûts. Il y a en effet des interactions et des
« encastrements » de discours (au sens de Granovetter (1985)), de l’intertextualité (nous
reviendrons sur cette notion au chapitre trois) entre le discours produit par une entreprise
particulière et le discours général qui l’entoure.
Ces deux niveaux de discours – discours particulier de l’entreprise versus discours général de
l’environnement- renvoient ainsi la distinction faite entre un niveau « micro » du discours,
celui qui est émis par les entreprises, et un niveau « macro », de métadiscours ou Grand
Discours, c’est-à-dire « l’étude du texte social (texte écrit et oral dans son contexte social
d’action) et l’étude de la réalité sociale qui est construite et entretenue par le discours (la
création de la réalité sociale par le langage) » (Alvesson & Karreman, 2000, p.1126).
L’étude des discours sur les PRC nécessite donc la mise en œuvre d’une observation sur
chacun de ces deux niveaux de discours.
69
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Quels discours les entreprises concernées ont-elles sur leurs PRC ? Cette question a
trait à la fois au contenu du discours (justifications, modalités, objectifs de la PRC) et
à la manière dont ce discours est tenu.
Quelles sont les caractéristiques des sociétés qui émettent des annonces de PRC ?
Cette question permet en particulier de traiter de l’intensité de la communication faite
en matière de PRC, en fonction de déterminants tels que la structure de l’actionnariat
des sociétés cotées, ou leur situation financière au moment de l’annonce.
Comment le discours produit par les entreprises cotées s’inscrit-il plus généralement
dans le discours de leur environnement direct sur les PRC ?
Quel est le discours tenu après les annonces : les objectifs sont-ils suivis ? les résultats
sont-ils commentés ? Le discours sur les PRC commence en effet au moment de
l’annonce de PRC et se poursuit ensuite jusqu’à la fin du plan divulgué, en général sur
trois ans. L’observation de discours nécessite donc une étude longitudinale.
Notre démarche vise donc à obtenir une compréhension de cet objet de recherche qu’est le
discours des entreprises sur leurs PRC. L’observation de ce discours commence au moment
de l’annonce pour se terminer à la fin du plan divulgué. Ce discours possède des
caractéristiques particulières en tant que discours sur la comptabilité, mobilisant le langage et
les chiffres comptables. Aux fonctions du discours s’ajoutent donc les fonctions et propriétés
70
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
particulières du langage comptable et de ses outils, avec tout leur potentiel de rationalisation
et de représentation de la réalité organisationnelle.
Pour synthétiser l’articulation des chapitres deux, trois et quatre au sein de la démarche de
recherche, on peut mettre en évidence les différentes dimensions du discours des entreprises
sur leurs PRC :
Ces chapitres sont donc des chapitres complémentaires, et non concurrents, qui éclairent
chacun un angle particulier de notre objet. Le chapitre trois permet de passer du niveau
« micro » au niveau « macro », et d’identifier ainsi dans le discours général sur les PRC les
éléments qui seront repris dans les discours émis par les entreprises pour commenter leurs
mesures de réduction des coûts. Après cette prise en compte de l’environnement, le chapitre
quatre traite en dynamique le discours des entreprises sur leurs PRC.
71
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Figure 6: Articulation des différents niveaux d’analyse et de la perspective temporelle dans la démarche
de recherche
Chapitre
Trois :
Discours de
Macro l’environnement
+ Prise en compte
Niveau de + Prise en compte du Temps
discours de l’environnement socio-
économique
Chapitre Chapitre
Deux : Quatre :
Micro Annonce = discours Discours de
de l’entreprise l’entreprise
Le chapitre deux de la thèse étudie les annonces de PRC en tant qu’élément particulier de
l’information financière volontaire des entreprises cotées. En tant que telles, elles relèvent de
déterminants stratégiques des entreprises et contribuent en partie, de par une certaine porosité
entre communication financière et communication institutionnelle, à leur image
institutionnelle. Cependant elles sont encadrées par la réglementation française concernant
l’information des acteurs des marchés financiers. L’évolution des pratiques en matière de
communication financière peut s’expliquer par le développement ces deux pôles, le pole
stratégique et le pole règlementaire, et le comportement des entreprises en matière de
communication peut également être lu à travers de cette première grille. La communication
financière des entreprises est un domaine de recherche qui reste encore relativement peu
exploré, et les recherches se concentrent essentiellement sur les rapports annuels (Smith,
2004). Dans ce chapitre, une revue de la littérature sur les divulgations volontaires de
l’information financière est proposée, dans le cadre théorique général de la théorie positive de
la comptabilité. La synthèse des études empiriques réalisées sur les divulgations volontaires
d’information financière permet de proposer des facteurs influençant la divulgation
volontaire. L’étude d’évènements constitue dans ce cadre théorique l’approche de recherche
la plus classique pour explorer l’effet des annonces sur les acteurs des marchés financiers.
72
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Cependant, nous n’avons pas suivi cette voie pour plusieurs raisons :
L’annonce de PRC est souvent concomitante d’un avertissement sur résultats. Il est
donc difficile de distinguer les effets liés à l’annonce du « profit warning » de ceux de
l’annonce de la PRC.
L’annonce de PRC constitue le premier moment d’un objet plus général, le discours
des entreprises sur leurs PRC. Ce discours se construit sur une durée qui en fait un
phénomène nécessitant une étude longitudinale pour laquelle l’étude d’évènements
n’est pas adaptée.
L’objet de notre recherche n’est pas seulement d’étudier l’annonce sous l’angle d’un
signal envoyé aux marchés financiers mais également de s’intéresser au contenu des
communiqués et à l’activité discursive développée par les entreprises à propos de leurs
PRC. Nous avons donc recherché un modèle permettant d’inscrire les annonces de
PRC dans le cadre plus global de la communication financière volontaire des
entreprises cotées.
Au sein de ce cadre théorique, le modèle de Gibbins, Richardson & Waterhouse (1990) nous
semble pertinent par rapport à la question de recherche posée. Il met en évidence deux
positions dans la communication financière volontaire : une position ritualiste et une position
opportuniste. Le modèle postule que la position de communication résulte de l’influence d’un
certain nombre d’antécédents internes et externes. Ce modèle, une fois adapté aux spécificités
des PRC, sera testé sur des données empiriques constituées de communiqués financiers
d’annonces de PRC. La position de communication est mesurée par un score. D’un point de
vue méthodologique, le score sera mesuré en fonction des caractéristiques des communiqués
financiers et en particulier à partir d’une analyse du contenu effectuée grâce au logiciel
Sphinx-Lexica.
Cependant, le modèle de Gibbins, Richardson & Waterhouse (1990) adapté aux PRC ne
permet pas de répondre à toutes les questions de recherche posées. Les auteurs évoquent les
motivations pour une entreprise d’adopter un comportement mimétique, mais les mécanismes
de ces effets de mimétisme ne sont pas explorés. La lecture des articles de presse et des
réactions des analystes aux annonces de résultats ou de plans stratégiques montrent une
attente des analystes et une pression vers l’adoption, réelle ou annoncée, de ce type de
politique. L’exercice de ces pressions et les mécanismes d’adoption de nature mimétique sont
73
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
Contrairement au cadre théorique du chapitre deux, la perspective se déplace alors vers une
approche constructiviste. Dans un tel cadre, les réalités sociales sont appréhendées comme des
constructions historiques et quotidiennes des acteurs individuels et collectifs. Cependant, la
perspective que nous retiendrons n’est pas celle d’un constructivisme « total », dans lequel la
réalité sociale ne serait « que » représentations. Par représentations, on désigne « les
opérations perceptives, imaginaires ou symboliques dont se sert l’être humain pour avoir à
l’esprit les réalités qui l’entourent » (Louart, 1999). Si elles contribuent à la création de la
réalité sociale, les représentations sont à notre sens loin d’épuiser cette réalité. Nous adoptons
donc une position intermédiaire que l’on pourrait également qualifier
d’«ontologiquement réaliste » comme le fait Fairclough (2003): si le monde social est
socialement construit (et en partie construit par le discours), à un point quelconque dans le
temps, les êtres humains sont confrontés à un monde pré-structuré qui a des propriétés réelles
et une structure réelle, qui ne peuvent pas être purement subjectives, et qui ne sauraient être
réduites, à la connaissance, aux croyances, aux représentations et aux discours que les
individus développent sur cette structure et ces propriétés.
Dans le chapitre trois, une première partie porte sur une revue de la littérature sur la théorie
néo-institutionnelle et plus particulièrement des travaux sur la gestion de la légitimité
organisationnelle et les systèmes comptables. La théorie néo-institutionnelle souligne
l’importance des règles institutionnelles dans la détermination des formes et des processus
organisationnels et dans leur persistance même en l’absence d’efficience. Pour mobiliser cette
théorie, il est nécessaire d’expliciter le champ organisationnel dans lequel évoluent les
entreprises qui font l’objet de notre observation. Ceci permet d’identifier les pressions
coercitives, normatives et mimétiques exercées par les acteurs de ce champ sur les entreprises
pour annoncer ou adopter une politique de réduction des coûts. La démarche de recherche
pour étudier les mécanismes d’institutionnalisation des PRC repose sur le modèle discursif
d’institutionnalisation de Phillips, Lawrence & Hardy (2004). Le modèle postule que les
institutions sont constituées à travers le discours, et que ce n’est pas l’action par elle-même
qui fournit une base pour l’institutionnalisation, mais plutôt les textes (au sens large) qui
74
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
décrivent et communiquent ces actions. Les discours, observables via un ensemble de textes
qui les constitue, apparaissent comme un élément fondateur des mécanismes
d’institutionnalisation. Dans cette optique, notre analyse de discours sur les PRC porte sur des
textes émis par les acteurs légitimes du champ institutionnel des entreprises françaises cotées
de façon à mettre en évidence les pressions isomorphiques exercées via les discours.
L’analyse se place alors dans l’observation des discours environnant les entreprises (un
niveau de discours « macro »).
Dans le chapitre quatre, une étude longitudinale du discours émis par les entreprises est
proposée. Dans cette étude, nous avons analysé le discours des dirigeants pour mettre en
évidence le caractère rhétorique ou la fonction performative (au sens d’Austin (1970)) du
message présidentiel, dans laquelle le discours est un outil du management, un levier d’action.
Dans leurs discours sur les PRC, les dirigeants demandent à certaines parties prenantes de
faire des sacrifices : aux salariés bien sûr, mais également aux fournisseurs et aux sous-
traitants, comme dans le cas d’Airbus par exemple. Le discours vise à convaincre, à faire agir,
à créer du sens (sensemaking de Weick). Le discours peut être utilisé comme une ressource de
mobilisation des membres de l’organisation, de transformation des comportements des
salariés. La justification des PRC fait également l’objet de discours qui mettent souvent en
avant des facteurs exogènes plutôt que la responsabilité des dirigeants.
Compte tenu de l’utilisation des outils de comptabilité de gestion dans le cadre des PRC,
certaines interrogations critiques peuvent être portées sur le discours sur les PRC. Les travaux
des auteurs critiques en comptabilité de gestion ont mis en évidence le fait que celle-ci n’est
pas un outil neutre destiné à améliorer l’efficacité de l’organisation, mais un outil de
légitimation d’intérêts partisans, contribuant au contrôle et à la domination des travailleurs.
Réduire les coûts, et en particulier les réduire les coûts du travail, est alors une attitude
« rationnelle » dans une économie capitaliste pour éviter la dépendance à un facteur de
production qui peut se rebeller contre sa propre utilisation (Covaleski & al., 1996). La
comptabilité est dans cette approche comprise dans un environnement sociopolitique plus
large dans lequel les gens sont rendus « calculables » et « gouvernables » (Miller & O’Leary,
1987). La PRC peut être alors vue comme un outil qui permet alors de « gouverner » le
comportement des salariés de l’entreprise, et le discours sur les PRC un instrument de
légitimation de ce type de politique.
D’un point de vue empirique, l’échantillon d’entreprises constitué au chapitre deux est repris
pour distinguer les entreprises qui se sont contentées d’une annonce « symbolique » de celles
75
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
qui ont continué leur discours sur la mise en œuvre de PRC. Celles qui ont effectivement
produit un discours sur leurs PRC pendant les trois ans de mise en œuvre de leur plan de
réduction des coûts constituent donc un nouvel échantillon. Une analyse de discours des
entreprises de ce nouvel échantillon a été effectuée. Cette analyse est destinée à mettre en
évidence l’utilisation stratégique ou rhétorique faite par les dirigeants des discours sur leurs
PRC. D’autre part, l’observation longitudinale des discours permet également de proposer une
typologie dynamique des discours sur les PRC, et de mettre en évidence dans certains une
institutionnalisation plus ou moins importante des PRC dans les entreprises dont le discours
est étudié.
Les trois chapitres dans lesquels est développée la démarche de recherche peuvent ainsi être
synthétisés dans le tableau suivant :
L’objet de recherche sur lequel porte notre thèse, le discours des entreprises cotées sur leurs
politiques de réduction de coûts, est un objet qui n’a pratiquement pas encore été étudié par
les chercheurs. Cette quasi-absence de travaux de recherche face à un phénomène que
l’observation de la pratique permet d’identifier comme assez fréquent nous semble justifier
une démarche de recherche en grande partie exploratoire. De par la combinaison des notions
de discours et les dimensions particulières de rationalisation et d’objectivation des outils
76
Chapitre 1 : Objet de recherche et démarche de recherche
comptables, cet objet apparaît comme un objet complexe, aux multiples facettes, dont la
compréhension passe par une mise en évidence du contexte socio-économique dans lequel il
s’inscrit et évolue.
Compte tenu des multiples facettes traitées dans la thèse, les chapitres deux, trois et quatre
comportent chacun une revue de littérature, une présentation de la méthodologie et une partie
empirique. Les chapitres deux et quatre ont en commun les entreprises cotées qui ont non
seulement annoncé, mais mis en œuvre des PRC, puisque l’échantillon du chapitre quatre est
extrait de celui du chapitre deux. Le chapitre trois porte d’un point de vue empirique sur des
textes qui n’émanent pas des mêmes acteurs, puisque ce chapitre traite des discours de
l’environnement direct ou indirect des entreprises cotées. Nous avons cependant vu que la
prise en compte de cet environnement socio-économique permet de comprendre le discours
construit par chaque entreprise sur ses PRC. Malgré la complémentarité de ces trois chapitres,
chacun peut ainsi être lu de façon assez indépendante des autres. La structure de la démarche
de thèse est synthétisée sur les figures 7 et 8.
La figure 7 présente le schéma d’articulation entre les évènements (annonces de PRC, mise en
œuvre et conclusion des PRC et les discours émis. La figure 8 complète ce schéma par le
positionnement de chacun des chapitres de la thèse, et par une synthèse de la méthodologie
développée dans chaque chapitre. La figure 8 sera reprise en introduction de chaque chapitre
pour suivre la progression de la démarche de recherche.
77
Figure 7: Présentation de la démarche de recherche : schéma du discours sur les PRC
Délai :
E Annonce (s) Mise en œuvre Délai : Résultat
V De PRC (1) quelques De PRC (2) de la PRC
E mois 2-3 ans
N
E
M
E
N
T
Interactions Interactions
Intertextualité Intertextualité
Entre discours entre discours
micro et macro micro et macro
78
Figure 8 : Schéma de synthèse de la démarche de recherche
Délai : Délai :
E Annonce (s) Mise en œuvre Résultat
V De PRC (1) quelques De PRC (2) de la PRC
E 2-3 ans
mois
N
E
M
E
N Chapitre Chapitre
T 2 4
Interactions
Interactions
Intertextualité
Intertextualité entre discours
Entre discours micro et macro
micro et macro
Chapitre
3
M
A DISCOURS EMIS PAR L’ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL (Niveau MACRO)
C Etude empirique
R
Communiqués de presse, présentations, articles de presse, livres de management, conférences..
O
Méthodologie
Analyse de discours
79
80
CHAPITRE 2
L’objet de ce chapitre est d’étudier l’annonce de politique de réduction des coûts des
entreprises cotées comme une divulgation volontaire d’information volontaire. Le cadre
théorique mobilisé par les travaux sur les publications volontaires est celui de la théorie de
l’agence et de la théorie positive de la comptabilité. Une revue de littérature des études sur les
divulgations volontaires d’information financière est proposée, d’un point de vue général puis
plus particulièrement en ce qui concerne la publication des avertissements aux résultats d’une
part et les réactions des analystes à ces annonces d’autre part. Cette revue de littérature permet
de valider les antécédents du modèle de communication financière volontaire de Gibbins,
Richardson & Waterhouse (1990). Le modèle est ensuite adapté aux annonces de PRC pour
pouvoir être utilisé dans nos travaux empiriques. Le modèle prédit deux positions de
communication, une position opportuniste et une position ritualiste, en fonction de
déterminants internes et externes. Ce modèle adapté est testé empiriquement sur un
échantillon constitué de communiqués financiers d’annonces de PRC entre 1999 et 2003. Les
caractéristiques des sociétés et leurs liens avec les positions de communication sont ensuite
observés.
81
Figure 9: Positionnement du chapitre 2 dans la démarche de recherche
Délai : Délai :
E Annonce (s) Mise en œuvre Résultat
V De PRC (1) quelques De PRC (2) de la PRC
E 2-3 ans
mois
N
E
M
E
N Chapitre Chapitre
T 2 4
Interactions
Interactions
Intertextualité
Intertextualité entre discours
Entre discours micro et macro
micro et macro
Chapitre
3
M
A DISCOURS EMIS PAR L’ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL (Niveau MACRO)
C Etude empirique
R
Communiqués de presse, présentations, articles de presse, livres de management, conférences..
O
Méthodologie
Analyse de discours
82
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Cette première partie du chapitre est organisée de la façon suivante. Dans un premier temps,
le cadre théorique général dans lequel se situent les modèles et études sur les publications
volontaires est rapidement présenté (1.1). Les modèles d’information (1.2) puis les études
empiriques sur les déterminants des publications volontaires (1.3) sont ensuite synthétisés.
Les divulgations volontaires les plus proches des annonces de PRC sont les profit warning,
dans lesquelles les facteurs d’image et de réputation des dirigeants interviennent (1.4). Enfin,
les travaux sur les réactions des analystes financiers à cette information volontaire (1.5) nous
permettront d’aborder les dimensions de fiabilité et de crédibilité des messages perçus par les
acteurs des marchés financiers.
83
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
des coûts de transactions qu’elle permet pour les transactions répétitives de biens ou services
définis.
Dans ce cadre théorique contractuel, Jensen & Meckling (1976)62 élaborent une nouvelle
approche de l’entreprise63, considérée comme un nœud de contrats explicites ou implicites
entre les acteurs, « une fiction légale qui sert de point focal à un processus complexe dans
lequel les conflits entre les individus (actionnaires et dirigeants par exemple) sont résolus par
la mise en place d’un réseau de relations contractuelles ». Les mandants (actionnaires)
passent un accord avec les mandataires (les dirigeants) pour que ceux-ci gèrent la firme au
mieux des intérêts des mandants. La relation d’agence est définie par Jensen & Meckling
comme « un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre
personne (l’agent) pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une
délégation d’un certain pouvoir de décision de l’agent » (1976, p.308).
Ces contrats, explicites ou implicites, sont réputés incomplets : ils ne peuvent pas prévoir tous
les états du monde possibles. Des conflits d’agence peuvent naître dans la mesure où les
intérêts du principal et de l’agent peuvent diverger, dans un contexte d’information imparfaite
et d’asymétrie d’information64 entre les deux parties. Les divergences d’intérêts entre
actionnaires et dirigeants peuvent trouver leur source dans une rationalité limitée, la poursuite
par les dirigeants d’objectifs personnels et une différence d’attitude face au risque. Des
comportements opportunistes sont susceptibles d’apparaître, liés à la sélection adverse – une
des parties peut cacher à l’autre sa situation réelle au moment de la signature du contrat- ou à
65
l’aléa moral – une des parties peut abuser de l’autre au cours de la réalisation du contrat
(Arrow, 1985). Ces conflits d’agence entre le principal et l’agent génèrent des coûts –
monétaires ou non – supplémentaires pour l’entreprise :
• des coûts de surveillance et d’incitation engagés par le principal pour orienter le
comportement de l’agent ;
62
s’appuyant sur les travaux de l’école de Chicago en finance de marché (en particulier ceux de Fama), sur
l’analyse des organisations (Alchian & Demsetz, 1972), sur le renouveau de l’analyse des droits de propriété
(Furubotn & Pejovich, 1972) et enfin sur les premiers travaux sur l‘agence (Ross, 1973).
63
Ils sont ainsi à l’origine de ce que l’on a pu appeler un nouveau paradigme de la « finance organisationnelle »
(Charreaux, 1997 ; Hirigoyen, 1997).
64
L’asymétrie d’information est également au cœur de la théorie du signal que nous verrons ultérieurement, et
des problèmes de sélection qui en découlent, mis en évidence par les travaux d’Akerlof (1970)
65
Williamson (1994, p.71) parle lui d’opportunisme « ex-ante » et « ex-post ».
84
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
• des coûts de dédouanement consentis par les dirigeants afin de consentir qu’ils
n‘entreprendront pas d’action de nature à porter préjudice aux actionnaires66, et les
mettre ainsi en confiance ;
• la perte résiduelle, coût d’opportunité qui correspond à l’écart inévitable entre le
résultat de l’action de l’agent pour le principal et ce qu’aurait donné un comportement
conduisant à une maximisation effective du bien-être du principal.
Jensen & Meckling montrent que l’organisation ne pourra survivre que si la relation d’agence
qui s’établit entre les propriétaires de l’entreprise et ses dirigeants permet de minimiser ces
coûts d’agence67. Elle aura alors atteint un équilibre organisationnel efficient, « au sens du
critère de « remédiabilité » selon lequel une situation existante est tenue pour efficiente à
moins qu’une alternative réalisable, permettant de produire un gain net, puisse être décrite et
mise en œuvre » (Charreaux, 1999, p.98).
C’est donc sur le système d’incitation et de contrôle interne, plus que sur le système
réglementaire, que repose la tâche de vérifier que les entreprises sont gérées efficacement
(Marois & Bompoint, 2004). Les mécanismes de gouvernement d’entreprise, internes et
externes, visent ainsi à délimiter l’espace discrétionnaire des dirigeants (Charreaux, 1997) et à
aligner leurs comportements sur les intérêts des actionnaires.
85
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Avec leur théorie positive de la comptabilité69, Watts & Zimmerman ont développé un
important courant de recherche en comptabilité, prenant le contre-pied des théories
normatives comptables jusqu’alors en vogue, pour expliquer «pourquoi la comptabilité est ce
qu’elle est, pourquoi les comptables font ce qu’ils font, et quels effets ces phénomènes ont sur
les gens et sur l’allocation des ressources » (Jensen, 1976), avec deux grands axes, la
normalisation comptable et les choix des dirigeants70.
La théorie de l’agence est un des piliers de la TPC, dont l’autre pilier est la théorie de la
réglementation71, selon laquelle « le processus politique est vu comme une lutte entre les
individus qui veulent maximiser leurs intérêts personnels par des transferts de richesse. Cette
théorie met en évidence l’existence de coûts politiques ou de lobbying, et de coûts fiscaux qui
seraient anticipés par les dirigeants dans leurs choix comptables » (Colasse & al., 2001).
Si la comptabilité joue un rôle prépondérant dans le mécanisme qui permet l’établissement de
contrats optimaux en minimisant les coûts d’agence, elle est également un enjeu pour les
managers : « les choix ne sont pas faits en termes de « meilleure mesure » (« better
measurement ») d’un quelconque construit comptable, comme le résultat. Les choix sont faits
en terme d’objectifs individuels et des effets des méthodes comptables sur l’atteinte de ces
objectifs » (Watts & Zimmerman, 1990, p.150).
L’apport de Watts & Zimmerman (1978, 1986) est donc de détacher l’analyse des choix
comptables des considérations de marché pour la relier aux contrats et à un processus
politique (Jeanjean, 2005). Dans ce cadre, l’approche positiviste de la comptabilité consiste
à « émettre des hypothèses sur tous les facteurs possibles qui influencent les choix des normes
comptables puis à vérifier empiriquement ces hypothèses » (Belkaoui, 1984, p.118), ce qui
explique l’important courant d’études empiriques généré par leur programme72. Cinq facteurs
sont considérés comme susceptibles d’augmenter la richesse des dirigeants : une baisse des
69
TPC, également nommée théorie politico contractuelle, avec la publication de leur article fondateur en 1978,
prolongé par un ouvrage en 1986 « Positive Accounting Theory »
70
La théorie considère que les individus agissent de manière rationnelle pour maximiser leur intérêt
71
La thèse de l’école du Public Choice et en particulier de Posner (1974) est que les lois ne sont pas l’expression
de l’intérêt général mais « des réponses aux demandes des divers groupes d’intérêt qui luttent entre eux pour
maximiser les profits de leurs membres » (Posner, 1974). Il est dans l’intérêt des hommes politiques de
sanctionner les firmes dont le comportement ou les résultats excessifs pourraient choquer l’opinion publique.
72
Malgré un certain nombre de critiques de nature épistémologique - rejetées par Watts et Zimmerman (1990)-
sur la contingence des hypothèses faites dans un contexte nord américain et sur la vision réductrice de
l’entreprise (voir Jeanjean ,1999, pour une critique détaillée).
86
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
impôts, une réglementation gouvernementale favorable, une baisse des coûts politiques, une
baisse des coûts de production de l’information comptable et enfin une augmentation de la
mesure du profit (en cas d’intéressement) dans le calcul de la rémunération des dirigeants.
Selon l’hypothèse dite de la taille, les grandes entreprises cherchent à réduire leur visibilité
politique, pour limiter le risque d’émergence de règlementations fiscales ou administratives et
ne pas attirer des concurrents dans le secteur, en privilégiant des méthodes comptables qui
vont leur permettre de minorer leur résultat (Casta, 2000). Les publications volontaires
permettent ainsi aux entreprises de réduire leurs coûts politiques. Elles vont chercher à se
rendre moins visibles, voire à publier volontairement de mauvaises nouvelles. Dans certains
contextes, ces publications volontaires peuvent également être destinées à retarder l’adoption
d’une législation, et renforcer ainsi l’idéologie libérale du législateur.
La théorie du signal repose sur l’existence d’une asymétrie informationnelle entre les
dirigeants (qualifiés d’insiders) et les investisseurs (qualifiés d’outsiders). Cette asymétrie
porte essentiellement sur les opportunités d’investissement et sur les cash-flows attendus, qui
constituent des éléments essentiels pour l’évaluation des perspectives de rentabilité de
l’entreprise. Comme l’a montré Akerlof (1970), ces asymétries d’information peuvent
conduire à sélectionner des biens de mauvaise qualité (anti-sélection ou sélection adverse) et
être à l’origine de l’absence de transactions. Des informations financières imparfaites ou
asymétriques peuvent ainsi être à l’origine d’une défaillance du marché financier (Leland &
Pyle, 1977). La législation et la certification par des tiers facilitent le fonctionnement des
marchés lorsqu’il y a des problèmes d’incitation (Akerlof, 1970 ; Ross, 1979), et la
normalisation comptable et la législation sur l’audit peuvent être considérés comme des
mécanismes de régulation de ce type, même s’ils sont imparfaits.
Les bonnes entreprises ont ainsi intérêt à se signaler au marché73, pour réduire les asymétries
informationnelles et réduire également le risque de sélection adverse. Pour être efficace, le
signal doit répondre à deux critères importants : il doit être observable, et coûteux à imiter74
par les autres entreprises. Deux types de signaux sont utilisés de façon traditionnelle par les
entreprises : la politique financière et la publication d’informations volontaires. De nombreux
modèles de signalisation ont été élaborés en finance d’entreprise pour mesurer les effets de
73
Tout comme les candidats ont intérêt à se signaler aux employeurs par leur formation (Spence, 1973).
74
pour une revue de ces critères, voir Ross (1977).
87
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Les stratégies de divulgation d’information financière sont pour les dirigeants un des moyens
importants de faire part de leur stratégie aux investisseurs, même si les marchés financiers
sont efficients76. Pour Healy & Palepu (1993), ce ne sont en effet pas les défaillances du
marché qui expliquent le rôle des publications intentionnelles, mais la coexistence, du fait
d’informations asymétriques, d’agents plus ou moins informés. Les agents les plus informés
(les dirigeants) divulguent de façon intentionnelle certaines informations pour améliorer la
connaissance des agents supposés moins informés (les investisseurs). Les publications
volontaires ont donc pour objectif de réduire l’écart informationnel entre les deux catégories
d’agents.
Les modèles issus de ce cadre théorique général (1.2) ainsi que les études empiriques
nombreuses (1.3) qui ont été développées vont permettre d’éclairer de façon plus précise le
comportement de communication volontaire des entreprises cotées, et en particulier ce qui
permet d’expliquer la divulgation des informations financières les plus proches des annonces
de réduction des coûts, et qui concernent soit les publications de résultats prévisionnels, soit la
publication d’alertes sur les résultats (1.4).
L’information, comptable ou non, devient un bien public à partir du moment où elle est
communiquée à des tiers non liés par contrat avec l’émetteur (donc hors du cadre de la
relation principal- agent). Le concept d’information volontaire n’est pas toujours bien défini
dans les études empiriques. A minima, la distinction entre informations volontaire et
obligatoire repose sur les obligations de publications issues des textes de lois et des
règlements (Depoers, 2000). Ce concept est souvent réduit à une mesure, souvent
75
Voir Ross (1977, 1979), Leland et Pyle (1977), Bhattacharya sur l’hypothèse de signalisation des revenus
présents et futurs par l’annonce du dividende (1979), Myers et Majluf (1984), en France Calvi-Reveyron (1999)
76
Généralement, les études reposent sur une hypothèse d’efficience semi-forte des marchés (Fama, 1976), selon
laquelle le marché est efficient si le cours des actifs reflète instantanément et en moyenne correctement toute
l’information publique disponible.
88
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
quantitative77 alors qu’il est multidimensionnel. Trois dimensions confèrent aux informations
financières leur caractère volontaire : le contenu (s’il dépasse, déroge ou n’est pas prévu par
une norme), la séquence chronologique (publication anticipée, retardée, plus fréquente) et le
vecteur choisi (internet, conférences téléphoniques, publications dans la presse..). « La
combinaison de ces trois dimensions révèle en fait une multitude de configurations
« volontaires » présentant des degrés discrétionnaires différents » (Pourtier, 2004).
Les tiers peuvent utiliser cette information de façon stratégique, éventuellement contraire aux
intérêts de la firme. Malgré les risques encourus, les directions d’entreprises diffusent de
façon discrétionnaire diverses informations dont la communication n’est pas requise par les
instances de régulation ou de normalisation (Cormier & Magnan, 2005).
Schipper (1989) souligne que les conditions qui « bloquent » la communication entre
managers et investisseurs sont importantes à expliquer pour le chercheur, les managers
n’ayant pas le droit de divulguer toute l’information qu’ils détiennent. De nombreux travaux,
modèles théoriques dérivés du cadre théorique général du signal et de l’agence, ont été
réalisés sur les publications volontaires. Certains mettent en avant les avantages attendus de la
divulgation (1.2.1), d’autres la stratégie de communication des dirigeants (1.2.2).
Les modèles d’information issus des théories de l’économie et de la finance suggèrent que
l’engagement d’une firme à augmenter le nombre de d’informations publiées doit faire baisser
le coût du capital, en réduisant la composante du coût liée à l’asymétrie d’information. Ces
modèles sont centrés sur les retombées économiques escomptées, et les études empiriques
font apparaître que les publications volontaires permettent à la fois d’augmenter la liquidité
des titres cotés en bourse et de réduire le coût des ressources de financement, grâce à la
diminution des coûts liés à l’asymétrie d’information et à une demande accrue pour les titres
(Diamond & Verrecchia, 1991 ; Welker, 1995 ; Botosan, 1997 ; Healy & al., 1999 ; Leuz &
77
La qualité de l’information est également importante mais très difficile à mesurer. En conséquence, la plupart
des chercheurs tendent à supposer que la quantité et la qualité des publications sont positivement corrélées. Cette
hypothèse semble justifiée (Botosan, 1997), compte tenu de l’importance de la réputation du reporting des
dirigeants et des contraintes légales qui pèsent sur les dirigeants, mais pose des problèmes de fiabilité des
résultats (Unerman, 1999). Elle nécessite la construction d’un indice pour mesurer la quantité de publications
figurant dans le rapport annuel. Nous reviendrons ultérieurement sur ce point.
89
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Verrecchia, 2000). En France, Declerck & Martinez (2004) obtiennent des résultats similaires
concernant l’accroissement des volatilités des rendements résiduels et des volumes de
transactions anormaux78.
D’autres recherches théoriques (Handa & Linn, 1993 ; Coles & al. 1995 ; Clarkson & al.,
1996) suggèrent que les publications volontaires réduisent le risque d’estimation, risque lié à
l’estimation par l’investisseur des paramètres de rentabilité de l’actif ou de distribution de
dividendes : une plus grande incertitude existe concernant les « vrais » paramètres
d’estimation lorsque le niveau d’information est bas. S’il n’est pas possible de faire baisser le
risque d’estimation en le diversifiant, les investisseurs exigent une compensation pour cet
élément additionnel de risque.
Le choix stratégique fait par les dirigeants entre les « bonnes » et les « mauvaises » nouvelles
qui seront publiées fait l’objet d’études empiriques s’appuyant sur des modèles décisionnels.
Revsine (1991) met en valeur les incitations du management pour contrôler l’information
divulguée. Les modèles décisionnels se placent du point de vue des managers, pour éclairer le
choix des gestionnaires en matière de présentation volontaire d’information. Les modèles
élaborés par Verrecchia (1983) et Dye (1985) font reposer la décision de publication sur un
arbitrage de type « coûts-bénéfices »79. Cette approche est issue directement des hypothèses
de la théorie des signaux (Ross, 1977, 1979 ; Milgrom, 1981). Verrecchia (1983) démontre
qu’en présence de coûts, seules les informations favorables (les « bonnes nouvelles ») seront
diffusées. Cet arbitrage entre les coûts et les avantages fait que seules les « très bonnes »
nouvelles (c’est-à-dire celles qui se situent au-delà d’un certain seuil) sont volontairement
publiées par les entreprises. Les investisseurs non informés ne peuvent pas distinguer les
78
sur un échantillon d’entreprises adhérant aux segments NextPrime et Nexteconomy en 2002.
79
Dye (1990) utilise ce type de modélisation pour comparer les publications volontaire et obligatoire sur les
externalités « réelles » et financières. En identifiant les diverses situations où les publications volontaire et
obligatoire coïncident, il plaide en faveur d’une systématisation des analyses coûts-bénéfices de la part des
normalisateurs comptables, qui consacrent des ressources importantes à l’élaboration de nouvelles règles.
90
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
mauvaises nouvelles des bonnes nouvelles inférieures à ce seuil. Dye (1985) propose que les
investisseurs ne savent pas si les managers détiennent de l’information privilégiée et ne
peuvent pas interpréter le silence du management comme une mauvaise nouvelle potentielle.
Les deux modèles impliquent que les gestionnaires divulguent seulement les bonnes
nouvelles, mais supposent implicitement que ces nouvelles sont toujours crédibles (Evans III
& Sridar, 2002). Hughes (1986) montre que les lois anti-fraude, les audits et les signaux
coûteux dissuadent les dirigeants de faire de fausses déclarations.
Cette activité stratégique de communication ne s’adresse pas seulement aux acteurs des
marchés financiers mais aussi à la concurrence. Le modèle de Feltham & Xie (1992) – qui
s’inscrit dans le prolongement du modèle de Darrough & Stoughton (1990) – articule la
stratégie de communication d’information autour d’un équilibre entre deux grands enjeux
contradictoires :
• vis-à-vis des marchés financiers, les dirigeants ont intérêt à communiquer de bonnes
nouvelles et à ne pas divulguer les mauvaises, car la communication de ces
informations diminue le coût du capital de la firme ; cet enjeu est conforme aux études
empiriques sur la divulgation et la réduction du coût des fonds propres ;
• vis-à-vis des concurrents, les dirigeants ont intérêt à communiquer de mauvaises
nouvelles – et à ne pas divulguer les bonnes – dans la mesure où ces informations
seront reprises par des concurrents actuels ou potentiels. Cette stratégie peut entraîner
à court terme une hausse du coût du capital et une réduction de la valeur pour les
actionnaires. A long terme néanmoins, cette stratégie limite l’entrée de nouveaux
91
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
concurrents et elle améliore donc la position stratégique de la firme dans son secteur
d’activité.
Bhojraj et al. (2004) ont testé empiriquement, à travers le cas de l’énergie électrique en cours
de dérégulation80, les conflits d’intérêts mis en évidence par Darrough & Stoughton (1990) et
Feltham & Xie (1992). Dans cette transition vers la dérégulation, la publication volontaire de
plans stratégiques pour faire face aux bouleversements de l’environnement est une
problématique essentielle pour les entreprises du secteur, mais les enjeux sont
contradictoires : les firmes ont intérêt à publier de l’information vis-à-vis des acteurs des
marchés financiers, mais n’ont pas intérêt à publier volontairement trop d’information vis – à
vis des autorités de régulation tant que le mécanisme de récupération de certains
investissements et dépenses passés n’est pas précisé. Les concurrents ne jouent un rôle dans
ces décisions que lorsque les problèmes de règlementation sont réglés.
Ainsi, pour définir leur stratégie de communication volontaire optimale, les dirigeants devront
mesurer les coûts et les avantages découlant de la décision de divulguer ou non une
information privée, selon les types d’intervenants externes qui seront affectés, et selon qu’ils
considèrent que cette information est une « bonne » ou une « mauvaise » nouvelle.
Les travaux académiques ont cherché à mettre en évidence les déterminants des publications
volontaires. Les principaux facteurs incitatifs mis en évidence par la littérature sont les
suivants :
80
Entre 1996 et 1997, en construisant un indice de publication sur la base des rapports annuels et des 10K de 81
entreprises du secteur, l’information volontaire étant essentiellement de nature stratégique et non financière.
81
Pour une revue détaillée des études empiriques voir Pourtier (2004) et Healy & Palepu (2001).
92
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
• la taille : Meek & al. (1995) étudient des multinationales aux Etats-Unis, en Grande
Bretagne et en Europe continentale, et scindent les informations volontaires en 3
groupes (stratégique, financière, non financière). Leurs résultats montrent une
influence variable des différents facteurs testés en fonction du type d’information,
mais l’hypothèse de la taille est confirmée pour l’information financière et non
financière quel que soit le pays ainsi que l’influence du type de cotation (national ou
international).
• la structure de propriété82 : l’étude de Ruland & al. (1990) sur des annonces de
prévisions entre 1980 et 1985 montre que ce facteur est significatif. El Gazzar (1998)
montre que la présence d’investisseurs institutionnels dans le capital incite à une
publication anticipée de résultat. Guo & al. (2004) mettent en évidence l’influence de
la participation au capital de sociétés de capital-risque avant l’introduction en Bourse
sur les publications volontaires des sociétés du secteur des biotechnologies. Labelle &
Schatt (2005) montrent que les dirigeants choisissent d’entretenir de bonnes relations
avec les investisseurs pour maximiser leur utilité. Leurs résultats diffèrent en partie de
ceux de Shleifer & Vishny (1997), l’actionnariat des entreprises américaines étant plus
diluée que celui des entreprises françaises qu’ils étudient. La qualité des relations avec
les investisseurs en France « n’est pas linéaire mais curvilinéaire » (p.100) : lorsque le
public détient une partie élevée des actions, les dirigeants communiquent bien pour
adjuger le soutien du public ; dans le cas contraire, ils le font pour favoriser la liquidité
du titre.
• le secteur industriel (Meek & al, 1995 ; Kaznik & Lev, 1995), et en particulier
l’appartenance à un secteur de haute technologie. La fréquence des publications
volontaires est associée à l’appartenance sectorielle. D’après Wallacer & al. (1994), le
niveau de publication diffère selon les industries.
82
Les firmes avec une plus grande proportion d’actionnaires extérieurs annoncent plus fréquemment des
prévisions, conformément à l’hypothèse de la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976) selon laquelle
lorsque le pourcentage de détention de la firme par les dirigeants diminue, les actionnaires extérieurs ont des
incitations accrues de mobiliser des ressources pour surveiller le comportement des dirigeants.
93
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
L’étude de Skinner (1994) montre que les dirigeants supportent des coûts importants si les
investisseurs sont surpris par l’annonce de mauvais résultats. Les actionnaires peuvent en effet
94
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
engager des poursuites83 si le cours de l’action baisse rapidement le jour de l’annonce, et les
investisseurs institutionnels peuvent se défier de dirigeants qui ont la réputation de manquer
de transparence. Ces investisseurs peuvent refuser de faire suivre les titres par leurs analystes
ou d’investir84 . Ces coûts de réputation ont une influence sur la décision de publication ou
non dans la mesure où les dirigeants ont un mécanisme d’incitation (quel qu’il soit) au
maintien du niveau du cours de bourse de l’action. Evans III & Sridhar (2002) mettent
également en évidence l’effet dissuasif des procès potentiels, mais soulignent les interactions
existantes entre les mécanismes qui « disciplinent » les publications volontaires : l’accès au
marché des capitaux, la concurrence sectorielle et le risque de procès. Selon Skinner (1994) et
Kaznik & Lev (1995), la réaction des marchés est plus importante en cas de mauvaise
nouvelle qu’en cas de bonne nouvelle. Les dirigeants diffusent donc des mauvaises nouvelles
avant l’annonce des résultats trimestriels, avec des commentaires de type qualitatif, pour ne
pas être accusés d’incompétence ou de manque d’anticipation. Ces mauvaises nouvelles
peuvent donc prendre la forme d’un « profit warning », un avertissement aux résultats, émis
comme un signal pour se démarquer des très mauvaises entreprises, caractérisées par des
mauvais résultats récurrents et une plus grande rétention de l’information. Les dirigeants
souhaitent aussi par la publication de mauvaises nouvelles montrer leur intégrité, donc leur
fiabilité en tant que dirigeants (Frankel & al., 1995), mais se dédouanent également auprès des
actionnaires « dans la mesure où les raisons invoquées pour justifier les révisions de
prévisions sont généralement des évènements ponctuels et extérieurs à l’entreprise »
(Martinez & Saboly, 2005).
Kaznik & Lev (1995) montrent que plus l’alerte est forte (c’est-à-dire plus le résultat est
éloigné des attentes), plus l’alerte sera formulée de façon quantitative et liée au résultat. Ils
constatent cependant que la moitié des firmes de leur échantillon n’ont pas fourni
d’avertissement au marché avant d’annoncer des résultats surprises85. Une des raisons de ce
silence tient peut-être à une relative surréaction des investisseurs, qui lisent dans les
avertissements un signal négatif non seulement sur les résultats courants mais aussi sur la
profitabilité future de la firme émettrice. Ceci confirmerait les résultats de l’étude de Kearns
83
Aux Etats-Unis, ce type de poursuites est rendu possible par le règlement SEC 10b-5 qui rend illicite le fait de
« faire une fausse déclaration d’un fait matériel ou d’oublier de mentionner un fait nécessaire pour ne pas
rendre les états financiers trompeurs, compte tenu des circonstances dans lesquelles ils ont été élaborés ».
84
Skinner cite à ce sujet plusieurs articles de la presse économique américaine sur le lien entre de mauvaises
surprises sur les résultats et la détérioration des relations de l’entreprise avec la communauté financière.
85
Une « surprise » est une annonce qui contient une nouvelle information. L’échantillon étudié ne comporte que
des entreprises qui ont annoncé des bonnes (186 entreprises) ou des mauvaises (436 entreprises) « surprises »
entre 1988 et 1990.
95
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
& Whitley (2002) : les profit warning permettraient aux entreprises d’informer le marché de
difficultés à venir.
Helbok & Walker (2003), s’appuient sur les travaux de Skinner (1994) et de Kaznik & Lev
(1995) sur le marché américain pour tester l’influence d’un autre environnement : le marché
financier anglais. Les principales différences avec le marché américain sont une moindre
menace de judiciarisation, des publications de résultats semestriels, ce qui devrait inciter à
publier plus fréquemment des alertes aux résultats, et un actionnariat des grandes entreprises
largement dominé par les investisseurs institutionnels86. Enfin, les règles de communication
des alertes aux résultats ont été modifiées en 199487, les nouvelles règles limitant la
communication privée avec les institutions financières et les analystes qui prévalait
précédemment. Leurs résultats confirment la forte valeur informationnelle des alertes aux
résultats pour les marchés financiers : « l’ampleur des changements de valeurs suggère qu’il
est important de gérer ces annonces avec beaucoup de soin de façon à préserver la confiance
des investisseurs en général, et la confiance de l’investisseur individuel en particulier »
(p.39).
Le changement législatif a eu un effet sur les publications, qui sont devenues plus fréquentes,
plus quantitatives que qualitatives, avec une plus forte motivation de publier une annonce
dans le cas d’un écart entre le consensus des analystes et les prévisions internes du
management. Certains managers, lorsqu’ils font face à des mauvaises nouvelles importantes,
se comportent de manière opportuniste en retardant de façon délibérée la publication de ces
nouvelles auprès des porteurs d’obligations et des investisseurs externes.
Tucker (2005) montre que la probabilité qu’une firme émette une alerte aux résultats, dans la
période que la presse américaine appelle « the confession season », est positivement corrélée
avec le nombre d’analystes88 qui suivent le titre et aux publications volontaires dans la
période précédant l’alerte. Les firmes qui émettent un avertissement augmentent également
dans les périodes suivant leurs publications d’information. Ces résultats montrent que les
avertissements « ne sont pas un phénomène exclusif concernant l’année fiscale décevante
86
En 1996, 75% du capital des entreprises cotées anglaises étaient détenus par des institutions financières,
majoritairement anglaises
87
Par le Guidance on the dissemination of price sensitive information (PSI) du London Stock Exchange
88
Le nombre d’analystes qui suivent le titre semble être un indicateur de la réputation de l’entreprise auprès des
marchés financiers, puisque la littérature montre un lien entre les notes accordées aux publications et le taux de
couverture par les analystes (Lang et Lundholm, 1996 ; Botosan et Harris, 2000)
96
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
mais qu’une vision qui couvre plusieurs périodes donne un meilleur éclairage sur ce
phénomène » (Tucker, 2005, p.19).
En France, seule une étude récente (Martinez & Saboly, 2005) a étudié des avertissements aux
résultats sur le marché français entre 2000 et 2002, à la fois pour faire émerger les raisons
pour lesquelles les sociétés avertissent volontairement le marché d’une déviance de prévisions
et pour mettre en évidence les comportements de communication des entreprises. Suite aux
résultats obtenus par Kearns & Whitley (2002), les auteurs supposent que les avertissements
sur les résultats ne témoignent pas seulement d’une déviance des anticipations, mais
annoncent la survenue de difficultés futures (à travers une dégradation des indicateurs
comptables et financiers). Deux modes de communication ont été identifiés : « la
confirmation de difficultés déjà apparues avant le profit warning et induisant une simple
révision des prévisions ; la révélation d’anticipations de détériorations financières »
(Martinez & Saboly, 2005). Dans le premier cas, le message est exprimé avec neutralité ou de
manière plus confuse, dans le second cas, l’annonce est soit très explicite, soit mise en scène
de façon à atténuer la nouvelle. Le comportement de communication semble différencié en
fonction du caractère confirmatoire ou surprenant de l’alerte émise sur les résultats.
Pour certaines entreprises, l’annonce d’un avertissement sur les résultats va s’accompagner
d’une annonce de politique de réduction de coûts dans le même communiqué. L’entreprise va
ainsi annoncer la mise en œuvre de mesures destinées à redresser la situation par rapport aux
difficultés rencontrées. D’autres entreprises profitent de l’annonce de leurs résultats
trimestriels ou semestriels pour annoncer une politique de réduction de coûts. D’autres encore
communiquent de façon spécifique sur leur politique de réduction de coûts. Les facteurs qui
devraient influencer les annonces de politique de réduction de coûts devraient donc être
semblables à ceux qui déterminent l’annonce de mauvaises nouvelles, mais aussi aux facteurs
qui influencent plus généralement la communication financière volontaire de l’entreprise,
puisque la réduction des coûts n’est pas réservée aux entreprises qui anticipent ou rencontrent
des difficultés financières, et que l’annonce d’une politique de réduction des coûts peut aussi
bien accompagner une mauvaise nouvelle (donc une alerte aux résultats) qu’une bonne
nouvelle. Pour être stratégiquement efficace, il faut enfin qu’une telle annonce soit jugée utile,
fiable et crédible par les investisseurs et les analystes financiers qui la reçoivent.
97
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
L’enquête de Fuller & Metcalf (1978) montrait que seuls 44% des analystes pensaient
souhaitable d’intégrer les prévisions du management – jugées trop optimistes – dans le
« Management’s Discussion and analysis of operations » des rapports annuels. Les études
plus récentes montrent une vision différente, avec un intérêt accu pour les prévisions et les
explications relatives aux résultats futurs, tout particulièrement dans les marchés asiatiques
émergents (Ho & Wong, 2004).
La plupart des travaux empiriques concluent à un contenu informationnel réel dans les
publications volontaires et à l’intégration par les marchés financiers de cette information. Les
analystes financiers américains mesurent l’ensemble des informations publiées (rapports
annuels, communiqués de presse, conférences avec les analystes) en les agrégeant dans un
rating89. Lang & Lundholm (1993) se servent de ce rating, basé sur la perception des
analystes, pour tester les variables mises en évidence par les travaux sur les publications
volontaires. Leurs résultats empiriques confirment que les meilleurs scores sont obtenus par
des entreprises dont la performance est bonne (en particulier en termes de revenu par action),
par les entreprises de grande taille, et pour celles qui émettent des titres ; les prévisions des
analystes sont plus fines et les révisions moins nombreuses en cas de publication volontaire de
prévisions par les entreprises (Lang & Lundholm, 1996).
Les résultats expérimentaux ou empiriques sur l’effet des bonnes ou mauvaises nouvelles sont
assez contrastés. Miller (2005) confirme empiriquement les conclusions de certaines
recherches expérimentales, qui montrent que les cours de bourse et les révisions des analystes
répondent plus fortement quand une annonce de résultats prévisionnels et une annonce de
résultats réels sont affectées toutes deux de « surprises » de même signe que lorsque ces
signes divergent. Libby & Tan (1999) suggèrent en revanche, de façon expérimentale, que les
réactions aux avertissements sur résultats ne sont pas toujours positives : l’impact positif des
croyances des analystes concernant les firmes qui émettent une alerte aux résultats semble
plus que compensé par les effets du processus séquentiel de traitement d’une alerte suivie de
l’annonce des résultats réels.
89
Report of The Financial Analysts Federation Corporate Information Committee ou FAF report
98
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
De façon générale, l’information n’aura un effet sur les individus que si elle est perçue
comme fiable. « Une information valide et fiable, si elle n’est pas perçue comme telle, aura
peu de chances d’avoir un quelconque effet sur le comportement du récepteur. » (Flamholt &
al., 1985). Jennings (1987) montre que la réaction des investisseurs à une publication
volontaire de la part des dirigeants est une fonction à la fois de la « surprise » contenue dans
cette annonce et de sa crédibilité, définie comme « la perception par les investisseurs de la
vraisemblance d’une publication particulière ». Cette crédibilité perçue d’une publication, qui
a été testée par des travaux expérimentaux et des travaux sur les données réelles de marché
(Mercer, 2004), est en partie influencée par la crédibilité du management lui-même, puisque
la crédibilité d’un message dépend en partie de la source qui l’émet. Les travaux empiriques
et expérimentaux (Williams, 1996 ; Hirst & al., 1999 ; Hodge & al. 2000) montrent que les
analystes et les investisseurs ont une meilleure perception de la crédibilité des publications
des managers lorsque ceux-ci ont précédemment publié des prévisions exactes, lorsqu’ils ont
confiance dans la capacité du management à réaliser ses promesses, et qu’ils comprennent la
stratégie menée (Holland, 2004b).
Plusieurs études académiques montrent que la publication de mauvaises nouvelles tend à être
plus crédible que la publication de bonnes nouvelles, entraînant des révisions de prévisions
d’analystes plus importantes ou des variations du cours de bourse plus importantes (Williams,
1986 ; Hutton & al. 2003). Les publications émises par des entreprises financièrement solides
sont plus crédibles que celles des entreprises en difficulté financière, parce que les firmes en
difficulté sont moins pénalisées que les autres si elles publient des informations erronées
(Frost, 1997 ; Koch, 1999). Ces travaux se rejoignent pour montrer l’influence des incitations
éventuelles du management à induire en erreur le marché sur la crédibilité de leurs
publications90.
Ont également une influence sur la crédibilité le degré d’assurance externe91 et interne92
relatif à l’entreprise et les caractéristiques mêmes de la publication. La crédibilité de la
90
Korn (2004) montre de plus que, si la législation sanctionne les fausses déclarations, les publications erronées
seront majoritairement détectées par les investisseurs quand les marchés sont bien informés; dans le cas où ils
n’ont qu’une information basique, les publications erronées entrainent des valorisations erronées et donc
trompent les investisseurs.
91
Les banquiers (Leftwich, 1983 ; Blackwell et al. 1998) et les analystes financiers (Hodge, 2001) croient que
les publications auditées sont plus crédibles que les données non auditées
92
Il est ici fait référence à la présence de comités d’audit et d’administrateurs indépendants (Wild, 1996 ; Xie et
al. 2003). Cependant, les modifications législatives introduites en France par la LSF et aux Etats-Unis par la loi
Sarbanes-Oxley sont susceptibles de modifier la portée de ces résultats en rendant obligatoires ces dispositifs de
gouvernance.
99
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
publication augmente en effet avec sa précision (Hirst et al., 1999), la quantité d’informations
supplémentaires et d’explications fournies (Hutton et al., 2003), qui augmente la possibilité de
vérifier ex-post les assertions du management. La dernière caractéristique significative est le
degré de plausibilité inhérente à la publication : plus l’écart entre les attentes des analystes et
la publication du management est important, moins la publication semble plausible, et donc
moins il sera probable que les analystes croient à cette information (Jennings, 1987 ;
Williams, 1996). Enfin, l’ensemble de ces facteurs ont des effets interactifs : pour prendre un
exemple, les mauvaises nouvelles ont une crédibilité inhérente plus forte que les bonnes
nouvelles pour les acteurs des marchés financiers, ce qui les exempte de l’obligation d’être
accompagnées d’explications et d’informations supplémentaires.
Ainsi, les études empiriques ont montré un contenu informationnel réel des informations
financières divulguées de façon volontaire. Si les résultats concernant les mauvaises nouvelles
sont contrastées, la réaction des analystes à une annonce de politique de réduction des coûts
sera déterminée en partie par la fiabilité de l’information donnée et en partie par la crédibilité
de l’annonce. Cette crédibilité est à la fois liée à la crédibilité du management mais aussi à la
crédibilité, définie comme la perception de la vraisemblance de cette communication par les
analystes, de l’annonce elle-même.
La plupart des travaux empiriques ont montré que les informations additionnelles, qu’elles
soient qualitatives ou quantitatives, ont un contenu informationnel (Hoskin & al. 1986,
Thompson & al. 1987), mais ne testent qu’une partie des facteurs influençant leur publication
volontaire, leur étendue ou leur crédibilité. En tant qu’élément de la politique de
communication financière de l’entreprise, l’annonce de PRC, qui peut être nous l’avons vu
une bonne ou une mauvaise nouvelle, une surprise ou une attente de la part des acteurs des
marchés financiers, s’inscrit dans un cadre plus global qui intègre les différents facteurs mis
en évidence par la littérature sur les divulgations volontaires. Un tel modèle de
communication financière a été élaboré par Gibbins, Richardson & Waterhouse (1990, 1992).
100
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Nous présenterons dans un premier temps ce modèle général et ses caractéristiques (2.1),
avant de proposer dans un second temps une adaptation de modèle aux annonces de PRC
(2.2) afin de pouvoir l’utiliser dans le cadre de nos travaux empiriques.
Le modèle de Gibbins, Richardson & Waterhouse (1990, 1992) s’inscrit dans le cadre
théorique général vu précédemment (1.1). Par une méthode inductive issue de la grounded
theory93, GRW ont élaboré un modèle susceptible d’expliquer et de prévoir la politique de
communication financière volontaire d’une entreprise, à partir de l’analyse des transcriptions
de 20 interviews et d’observations de personnes impliquées dans le processus de
communication de l’information financière au Canada94. Cette démarche leur a permis
d’inférer des construits et des variables pour décrire le processus de communication financière
et d’identifier les relations pouvant exister entre ces variables.
Nous aborderons tout d’abord la description et le schéma du modèle (2.1.1). Nous verrons
ensuite que les antécédents de ce modèle (2.1.2) rejoignent les résultats des études empiriques
sur les divulgations volontaires (vues en 1.3), et qu’il a été précédemment utilisé dans
plusieurs recherches sur les publications volontaires (2.1.3). Le modèle prédit l’existence de
deux positions de communication: ritualisme et opportunisme. La détermination de chacune
de ces positions passe par la mesure d’un score de l’information publiée (2.1.4).
93
Voir Glaser & Strauss (1967), Glaser (1978) et Locke (2001).
94
Soit de façon étroite (directeurs financiers, contrôleurs financiers, trésorier), soit comme consultants ou
analystes externes (auditeurs, analystes financiers, avocats, journaliste économique, consultant)
101
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
(2b)
Normes et opportunités
perçues et définies
(4)
Médiateurs externes
(auditeurs, consultants)
(6) Antécédents
Note : les flèches représentent les effets principaux ; les traits en pointillés mettent en évidence
les influences possibles entre les facteurs
102
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
L’output - ou extrant de communication- est figuré dans le rectangle 1. C’est lui qui permettra
de mesurer, grâce à un score, la position de communication. C’est le résultat observable du
processus de la communication volontaire.
La position de communication95, qui est centrale dans le modèle, résulte de l’influence d’un
certain nombre d’antécédents internes et externes que nous détaillerons ultérieurement. Cette
position peut varier entre deux dimensions : une dimension ritualiste et une dimension
opportuniste. La dimension ritualiste est définie comme « une propension à une adhésion
non critique aux normes prescrites pour la mesure et la publication d’information
financière » (GRW 1990, p.130). Elle implique une adhésion passive aux normes96 en
utilisant des routines procédurales développées au cours des années dans l’entreprise. Les
managers sont donc également passifs dans le processus de communication financière. A
l’inverse, l’opportunisme implique un rôle actif de la part des managers dans leur tentative
de rechercher certains avantages dans la communication d’informations financières. Ces
deux dimensions peuvent coexister dans une même entreprise pour différents types de
publications, mais la politique de communication de l’entreprise sera relativement stable, soit
globalement ritualiste, soit opportuniste. Les opportunités de publication sont « perceptuelles,
95
Ou « prédisposition de communication » selon Trabelsi (2005).
96
Normes adoptées par les normalisateurs comptables, recommandations de l’AMF, directives européennes …
103
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
et pas objectives ; elles sont les coûts et avantages que les dirigeants de l’entreprise croient
être associés avec certaines divulgations spécifiques » (GRW 1990, p.132). On retrouve donc
l’analyse en « coûts – bénéfices » des études empiriques évoquées précédemment (1.2).
97
Voir à ce sujet également Baginski & al. (2002)
98
Cette dimension, ainsi que l’influence des cadres légaux différents, a été empiriquement validée par une étude
internationale dans 34 pays par Francis & al (2005).
104
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
de marché, comme par exemple l’accès au marché financier pour émettre des titres, la
concurrence ou le type de secteur, influencent également le type et la quantité d’information
financière publiée volontairement par les entreprises, comme l’ont montré les études
empiriques présentées au début de ce chapitre.
A ces facteurs externes s’ajoutent des antécédents internes : l’histoire de l’entreprise, son
expérience99 en matière de communication et de publication, sa stratégie, la personnalité de
son dirigeant et la possibilité d’émergence d’un consensus interne au sein de la direction sur la
façon de communiquer un fait ou un évènement particulier. L’attitude du management vis-à-
vis de la communication volontaire est en effet souvent le reflet de l’attitude du dirigeant
envers cette communication.
Le modèle de GRW est donc fondé sur une synthèse de la littérature concernant la publication
volontaire. Il décrit de plus les comportements discrétionnaires des gestionnaires de façon
plus complète que la majorité des modèles analytiques de décision (Trabelsi & al., 2004). Il
tient compte en particulier de l’ensemble des vecteurs de communication possibles. Une
distinction est faite entre les rapports annuels, les documents de référence, les conférences
téléphoniques ou les communiqués de presse. Le choix d’un vecteur plutôt qu’un autre peut
être fait par l’entreprise parce qu’elle suppose que l’impact de la communication sera différent
en fonction du média choisi (GRW, 1992). Ce point a été confirmé par d’autres études.
Prodhan & Harris (1989) reconnaissent ainsi que l’acte lui-même de diffuser une information
volontaire a un sens. L’utilisation d’internet, pour les rapports ou les présentations de résultat,
permet de cibler à la fois les professionnels des marchés financiers et de toucher un public
plus large (Debreceny & al., 2002 ; Bushee & al., 2003). Le développement de conférences
téléphoniques régulières avec les analystes plutôt qu’une conférence annuelle est également
un acte de divulgation volontaire qui réduit l’asymétrie d’information (Brown & al., 2004).
99
Cette dimension a un effet non seulement sur les structures mises en place mais également sur les croyances
développées par les managers sur la diffusion d’informations financières, qui dépend en partie des rétributions
ou sanctions reçues par le passé.
105
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Richardson & Welker, 2001 ; Botosan & Harris, 2000 ; Adams, 1997 ; Holland & Stoner,
1996 ; Waterhouse & al., 1993).
100
Il s’agit des réunions en tête à tête (les one-on-one) avec les analystes financiers les plus réputés ou les
managers des principaux fonds institutionnels
101
Etats financiers, présentations aux analystes, annonces publiques entre 1997-2000, soit directement auprès des
entreprises via leur site internent soit via le Financial Times ; certains managers avaient également déjà été
interviewés sur les années 1993-1997 lors de précédents travaux de recherche
102
Marston (1996) identifie dans ce cercle : le PDG, le directeur général, le directeur financier et les
informateurs financiers
106
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Pour pouvoir utiliser le modèle de GRW de façon empirique, il convient de préciser les
composantes de l’extrant ou output de communication. Parmi les extrants du rectangle 1, donc
les informations publiées à l’ issue du processus, la littérature est abondante sur le contenu104,
mais le modèle identifie 5 autres composantes : le format de présentation des données
(existence d’un cadre standard que l’on a seulement rempli ou bien format spécifique), le
timing ou délai (qui recouvre à la fois la fréquence et la date des publications), la répétition de
la publication (redondance de la publication sur plusieurs vecteurs), et les interprétations
faites par le management. Les interprétations ex ante et concomitantes (en face à face) sont les
tentatives d’influence par l’émetteur des interprétations qui sont faites ou supposées être faites
des données. Le but est d’influencer la façon dont l’utilisateur comprend l’information
financière émise par la firme. L’interprétation ex post est toute tentative de la part du
management de corriger le sens donné par les utilisateurs aux informations financières
publiées (par exemple en suggérant que les prévisions d’analystes sont incorrectes ou en
commentant les articles de presse déjà parus).
La crédibilité de l’output peut de plus être modifiée par l’utilisation de la caution de tiers
(auditeurs, avocats), de slogans ou d’images de l’activité de l’entreprise, mais elle repose
également sur la réputation de la firme en matière de publication d’information. « La
103
Dans les réunions d’analystes, les entreprises étudiées reconnaissent avoir tendance à présenter une vision
optimiste de l’avenir et préférer ne rien divulguer (ou peu d’information) concernant des éléments risquant de
faire chuter les cours (la possibilité de pertes futures importantes par exemple) (Holland, 2004, p.10).
104
A noter que dans ce modèle, le contenu se réfère spécifiquement au nombre de mots utilisés dans la
publication, ce qui est une définition très spécifique du contenu (en général les études académiques se réfèrent au
type d’information divulguée lorsqu’elles parlent du contenu)
107
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
L’adaptation du modèle aux annonces de PRC passe par une définition de ce qui caractérise
une position opportuniste en matière de PRC par opposition à une position ritualiste (2.2.1).
Elle passe également par une définition des composantes du communiqué d’annonce de PRC
(2.2.2) et par une présentation des caractéristiques des entreprises qui seront testées
empiriquement (2.2.3).
Dans le cadre du modèle de GRW (1990), nos travaux portent sur une catégorie particulière
de fait à communiquer : une politique de réduction de coûts. Le support de communication,
l’output choisi pour notre étude, est le communiqué de presse. Ce support répond aux
conditions règlementaires de l’information financière permanente et qui garantit des données
sur un format homogène pour l’ensemble des entreprises concernées. L’étude de la
pratique105 montre également que c’est l’un des principaux vecteurs de la communication au
marché financier français. Nous nous appuierons sur le modèle de GRW pour établir une
typologie de nos annonces de politique de réduction de coûts, en fonction de la dimension
ritualiste ou opportuniste, qui est au cœur du modèle de GRW, des annonces étudiées.
105
Selon le rapport de l’Observatoire de la communication financière (2005) sur les entreprises cotées au SBF
120.
108
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
• Martinez & Saboly (2005) sur les avertissements aux résultats : deux modes de
communication sont mis en évidence, l’un où le message est exprimé avec neutralité
ou de façon confuse, qui correspondrait à une position ritualiste, et l’autre où
l’annonce est très explicite ou mise en scène qui correspondrait à une attitude
opportuniste ;
• Deville, Soulerot & Sponem (2005) sur les réactions du marché aux annonces de
programmes globaux de réduction des coûts de certaines entreprises du CAC 40 : ils
soulignent la dimension de communication avec les marchés financiers de ces
programmes, et font apparaître des annonces « substantielles » (décrivant les mesures
précises) et des annonces « symboliques » (plutôt évasives sur les politiques).
106
L’étude a été réalisée du 1er juin 2004 au 31 mai 2005 et souligne que les sociétés cotées ont été amenées ces
dernières années à communiquer de plus en plus par communiqués de presse, à la fois pour des raisons
règlementaires et pour accroitre leur visibilité sur le marché.
109
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Ces composantes relèvent des dimensions définies par le modèle : contenu, organisation des
données, timing, répétition et interprétations faites par le management.
Une fois ces composantes analysées pour chaque communiqué, il convient d’évaluer
l’information contenue dans ces annonces pour mesurer finalement la position de
communication. Cette mesure sera faite grâce à l’établissement d’un score pour chacune des
composantes testées des communiqués d’annonce de PRC.
Les antécédents du modèle de GRW (1990) rejoignent les facteurs déterminants testés par les
études empiriques sur la publication volontaire d’information financière, présentées au point
1.2.
Concernant les facteurs liés à la structure de l’actionnariat, nous nous appuierons sur la
composition de l’actionnariat des entreprises cotées de notre échantillon fourni par la base de
données Diane, complétées par une recherche documentaire dans la presse économique pour
déterminer les principaux actionnaires au moment de l’annonce de la PRC. Les études mettent
en effet en évidence une concentration de l’actionnariat entre les mains des familles ou de
certains grands groupes (Faccio & Lang, 2002), ce qui différencie le contexte français du
contexte nord américain dans lequel les modèles de divulgation volontaire sont généralement
élaborés. Labelle & Schatt (2005) ont montré que la qualité de la communication financière
110
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
des entreprises cotées françaises est fonction de leur structure de propriété, mais avec des
résultats différents de ceux des études américaines. Ils montrent que la qualité des relations
avec les investisseurs est curvilinéaire : la qualité est à la fois meilleure lorsque le public
détient une faible proportion des titres et lorsque la participation du public est élevée. D’autre
part, leurs travaux montrent que le rapport annuel « permet essentiellement aux dirigeants de
se dédouaner lorsque les entreprises font l’objet d’un suivi plus important de la part des
investisseurs- c’est-à-dire lorsque les entreprises appartiennent à l’indice CAC 40 » (2005,
p.101). Structure actionnariale et appartenance à l’indice CAC 40 font donc partie des facteurs
que nous nous proposons de tester.
Parmi les antécédents du modèle présentés au point 2.1.2, nous testerons ainsi l’influence des
facteurs externes et internes synthétisés sur le tableau 6.
Parmi les cibles de l’information financière, nous nous intéresserons à la réaction des
analystes, identifiés par la littérature comme un des destinataires privilégiés de cette
communication, même si l’on sait qu’ils ont à leur disposition aussi d’autres vecteurs
d’information que les communiqués de presse, voire un accès le cas échéant à des réunions
particulières, comme l’ont montré les travaux de Holland (1997, 1998, 2001).
111
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Les dimensions relatives aux normes, aux médiateurs externes et aux structures mises en
place pour gérer la communication financière ne seront pas testées empiriquement. Le modèle
de GRW peut ainsi être adapté aux annonces de PRC.
112
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Notre adaptation du modèle de GRW en fonction des composantes des communiqués et des
déterminants présentés peut ainsi être synthétisée sur la figure suivante.
FAITS A COMMUNIQUER
Position de communication
Normes
Structures internes 1. RITUALISME
Médiateurs OU
2. OPPORTUNISME
ANTECEDENTS
OUTPUT :
3. Facteurs externes
Communiqués de
et institutionnels
presse
• Indice CAC 40
• Contenu : analyse
de contenu
• Type d’actionnariat Analyse de Mesure
• Type de contenu d’un
communiqué SCORE
4. Facteurs internes
• Organisation des
• Expérience : autre données : place de
PRC préalable l’annonce dans le
CP
• Dirigeant : nouveau
• Répétition sur
dirigeant
d’autres vecteurs
• Performance :
résultat net • Interprétations :
citations des
• PRC globale ou
dirigeants
partielle
113
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
On attend généralement du chercheur qu’il livre à la fois ses résultats, mais aussi son
cheminement (Rouleau, 2003). Pour nos travaux empiriques, nous avons élaboré une mesure
de la position de communication des communiqués de notre échantillon fondée sur une
analyse de contenu. Ce type de méthodologie a déjà été utilisé par des chercheurs en
comptabilité pour intégrer la dimension quantitative et qualitative de l’information financière
(3.1).
114
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Les études empiriques ont par ailleurs montré l’importance des données qualitatives et en
particulier des commentaires qualitatifs dans le cadre d’alertes aux résultats (Skinner, 1994,
Kaznik & Lev, 1995). Certaines revues de la littérature ont souligné la nécessité de
développer des mesures de la qualité de l’information financière volontaire (Core, 2001). Une
des difficultés est liée au caractère complexe, contextuel et subjectif de la qualité de
l’information divulguée, certains la définissant en termes de précision des croyances de
l’investisseur sur la valeur de l’action après avoir reçu l’information (Diamond & Verrecchia,
1991), d’autres comme la facilité avec laquelle les investisseurs peuvent lire et interpréter les
informations (Hopkins, 1996). Les difficultés liées à la mesure de cette qualité ont été
discutées par Healy & Palepu (2001). Une des façons d’appréhender ces commentaires
qualitatifs et les problématiques liées aux méthodes d’analyse des représentations des acteurs
et de leurs discours107 est de développer une analyse de contenu.
Certaines études empiriques sur l’information financière et stratégique s’appuient ainsi sur
une analyse de contenu :
• Frazier et al. (1984) ont utilisé le logiciel Words, qui permet de développer une
analyse lexicale des occurrences et des cooccurrences des mots (Iker, 1974), pour
analyser les rapports de gestion de 74 entreprises. L’échantillon a été divisé entre les
entreprises avec une performance négative et positive d’une part, et entre les groupes
sous contrôle managérial ou actionnarial d’autre part. L’objectif était d’examiner les
différences dans les publications des rapports annuels en fonction des incitations
supposées du management à mal représenter la performance de l’entreprise : les
bonnes performances sont supposées être présentées sous une forme plus
compréhensible (Morton, 1974 ; Adelberg, 1979) ; les firmes sous contrôle managérial
sont d’autre part plus incitées que les autres à déformer la représentation de la
performance. Les résultats des analyses factorielles ne confirment pas les hypothèses,
dans la mesure où les thèmes mis en évidence ne distinguent pas clairement les
entreprises en fonction de leur type de contrôle.
• Breton et Taffler (2001) ont utilisé l’analyse de contenu sur les rapports des
analystes108 :« cette trace, étant écrite, bénéficie également du processus de
rationalisation qui va avec ce type de processus d’articulation formelle » (Breton &
Taffler, 2001, p.92). Leurs résultats indiquent que les facteurs qualitatifs non
107
Ce qui constitue une préoccupation récente des sciences de gestion (Allard-Poési et al. 1999).
108
Il s’agit des analystes « sell-side », tout comme dans l’analyse lexicale faite par Previts & al. (1994)
115
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
financiers (donc les parties narratives) sont les déterminants les plus significatifs du
jugement des analystes, exprimé dans leur rapport et dans leurs recommandations
finales, en particulier les commentaires sur le management et la stratégie, les
conditions du marché et la profitabilité. Ces résultats confirment les résultats de
Rogers & Grant (1997) qui, par une analyse de contenu de 187 rapports d’analystes,
codés et reliés aux différentes parties du document de référence des entreprises
concernées, montrent que les sections narratives des rapports annuels fournissent
presque deux fois plus de citations dans les rapports d’analystes que les états
financiers eux-mêmes.
• Plus globalement, la méthodologie de l’analyse de contenu a été fréquemment utilisée
par les chercheurs en comptabilité : Jones et Shoemaker (1994) ont par exemple
recensé un corpus de 35 études portant sur des supports assez variés (des rapports
annuels aux projets de normes comptables), et Smith (2004) souligne la diversité des
travaux en la matière et l’important travail de recherche qui reste à faire sur les aspects
qualitatifs de la communication financière.
• Beattie & al (2004), face aux critiques des instruments de mesure existants, proposent
un nouvel indice de mesure global des publications volontaires (Qc, indice composite
multi-dimensionnel de qualité), développé en utilisant une méthodologie d’analyse de
contenu des narratifs des rapports annuels via le logiciel QSR NU*DIST.
L’analyse des différentes composantes de nos données empiriques, pour tenter d’allier
indicateurs quantitatifs et qualitatifs s’appuie ainsi sur une analyse de contenu qui comprend à
la fois un dépouillement des communiqués selon une méthodologie proche des scores de
mesure développés sur la base de l’indice de Botosan et en incluant une dimension qualitative
proche de la méthodologie mises en avant par Beattie & al.(2004) via une analyse
lexicométrique.
Une description méthodique des différentes étapes de la recherche est tout particulièrement
importante pour une analyse de contenu, pour laquelle l’approche traditionnelle des
problèmes de validité externe est l’utilisation de plusieurs codeurs (Morris, 1994), ce qui n’est
pas approprié au cadre de notre recherche. De plus, la fiabilité formelle du codage réalisé par
116
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Dans son acception la plus simple, l’analyse de contenu est un ensemble de techniques
d’analyse des communications.
Un des auteurs fondateurs, Lasswell109, développe un schéma qui porte son nom en posant les
questions suivantes :
• qui parle ? (étude de l’émetteur)
• qu’est-ce qu’il dit ? (analyse du contenu proprement dit, « content analysis »)
• à qui ? (étude du ou des récepteurs, le public, « audience analysis »)
• par quel canal ? (analyse des moyens ou vecteurs des messages, « media analysis »)
• avec quel effet ? (analyse de l’effet)
Si l’examen des autres questions reste indispensable à une bonne compréhension, la question
centrale est celle de l’analyse de contenu. Selon Laswell, elle se décompose en une étude de la
teneur ou substance, et une étude du style ou de la forme, ce qui conduit à recourir le plus
souvent à deux types combinés de catégories d’analyse : les symboles et les signes. La
méthodologie de l’analyse repose sur une démarche heuristique, sur l’élaboration de grille
d’analyse et sur des interprétations. Pour Berelson (1952), « l’analyse de contenu est une
technique de recherche pour la description objective, systématique et quantitative du contenu
manifeste de la communication ». Cependant, cette approche d’une analyse qui ne serait
qu’une description analytique du contenu des messages semble incomplète. Le but de
l’analyse n’est pas seulement la description, mais aussi « l’inférence de connaissance
relatives aux conditions de production (ou éventuellement de réception), à l’aide
d’indicateurs (quantitatifs ou non) » (Bardin, 2003, p.43). Ainsi, l’analyse de contenu « vise à
définir des procédés mécaniques, ou mécanisables, permettant de découvrir l’organisation de
109
Dans Propaganda Technique in the World War (1927), New York, Knopf
117
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
textes relativement larges, ce qui exige que l’on sache reconnaître les diverses occurrences
d’une même idée sous des formes différentes. » (Ducrot et Todorov, 1972)
Quelle que soit la méthode utilisée, l’analyse de contenu repose sur le postulat que la
répétition d’unités d’analyse de discours révèle les centres d’intérêt, les préoccupations des
auteurs du discours. Le texte est découpé et ordonné en fonction des unités d’analyse que le
chercheur a choisi d’étudier, selon une méthodologie précise de codage. La méthode utilisée
par nous pour la collecte de données, compte tenu du type de documents étudié, est donc une
méthode documentaire. L’analyse s’appuie sur une approche lexicale, qui fait appel à la
statistique lexicale (lexicométrie), à l’analyse automatique du discours et à la sémantique.
Pour compléter l’analyse, une approche syntaxique, dans laquelle l’intérêt se porte sur la
construction dans lesquelles les unités se combinent, permet de mieux approcher la
signification que prennent les mots.
L’outil d’analyse de contenu choisi pour notre recherche est le logiciel Sphinx Lexica (V5),
conçu par Moscarola (1994). La logique d’ensemble du logiciel consiste à décrire chacun des
textes analysés grâce à une liste de mots qu’il contient, puis à repérer dans un second temps
les proximités entre les différents textes. Il permet donc à la fois d’analyser chacun des
communiqués et d’opérer des rapprochements entre des communiqués différents. Il est donc
possible d’élaborer des typologies, ce qui nous permet de répondre à l’un des objectifs de
118
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
notre recherche, mais également d’étudier les relations existant entre les catégories dégagées
par l’analyse et certaines variables descriptives. Le logiciel correspond donc à une application
du modèle factoriel, dans lequel le traitement statistique a pour objet d’appréhender
l’hétérogénéité des contenus, et de fournir des pistes de classification. Cependant, « l’analyse
factorielle effectuée ne permet que l’obtention d’un premier tri de données, impliquant de
facto, un « retour au texte », consistant en une vérification des analyses par la lecture ou la
relecture, non automatisée des textes étudiés » (Trebucq, 2006). Un travail d’analyse
« manuelle » est donc utile pour compléter les analyses effectuées à laide du logiciel. Nous
avons donc eu recours à ces deux niveaux d’analyse pour mieux cerner le contenu de nos
annonces de PRC. Les différentes étapes de constitution de l’échantillon et de l’analyse de
contenus sont ensuite abordées.
Quatre moments peuvent être distingués dans le déroulement d’une analyse de contenu : la
pré-analyse (3.3.1), la catégorisation (3.3.2), le codage (3.3.3) et le comptage et enfin
l’interprétation (Robert & Bouillaguet, 2002). La phase de pré-analyse permet d’élaborer
conjointement l’échantillon de communiqués financiers qui sera ensuite testé.
3.3.1 Pré-analyse
Cette phase correspond au moment où la problématique est dégagée, ainsi que les questions
de recherche, mais où le chercheur ne sait pas encore nécessairement ce qui constituera le
support de son analyse. Dans le cas de notre recherche, il était possible de s’interroger sur
différents supports qui constituent l’information financière émanant des entreprises :
publication dans la presse économique, communiqués de presse, présentation en assemblée
générale ou présentation aux analystes, lettre du président ou autres éléments du rapport
annuel (rapport de gestion par exemple), réunion d’analystes ….
Dans cette phase de pré-analyse ou de «lecture flottante » (Bardin, 2003), nous avons pris
contact avec ces différents matériaux possibles, en recueillant à la fois des articles de presse
économique, des communiqués d’entreprise, des extraits de rapports annuels ou de lettres aux
actionnaires, voire des supports de présentation aux analystes disponibles sur les sites internet
119
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
des sociétés cotées afin de déterminer celui qui serait le mieux à même de correspondre aux
différents critères en jeu. Notre choix s’est porté sur les communiqués financiers pour les
raisons suivantes :
• Le communiqué de presse constitue comme nous l’avons vu dans le chapitre 1 une
composante de la communication financière qui entre dans le cadre de l’information
financière règlementée, donc pour laquelle les dimensions de normes internes et
externes du modèle de GRW (1990) jouent à plein, tout en gardant la réactivité d’un
élément qui peut être produit ponctuellement (contrairement au rapport annuel ou à la
lettre aux actionnaires) et qui permet donc une annonce aux acteurs des marchés
financiers ;
• Le communiqué de presse constitue un matériau d’analyse homogène d’une société à
l’autre. La validité d’une analyse de contenu passe en effet par la constitution d’un
corpus homogène, de façon à n’avoir à comparer que des objets de même niveau de
discours ;
• La plupart des entreprises cotées archivent sur leur site internet les communiqués
financiers (en général disponibles à partir de l’année 2000), d’où une certaine
disponibilité de l’information (l’exception principale étant constituée par les groupes
qui ont fait l’objet d’une fusion entre la date de leur annonce de PRC et la date de
recueil de nos données) ; cette dimension relève donc d’un critère de faisabilité de la
recherche.
Le choix de cette période est justifié par le fait que la fenêtre d’observation choisie entre
l’annonce de PRC et la conclusion de la PRC est en moyenne de 3 ans. En effet, une revue de
la littérature nous donne en matière de fenêtre d’observation les périodes suivantes :
110
Dans le corps complet de l’article
120
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
• Etude sur 3 ans pour observer les performances financières des firmes après l’annonce
d’une stratégie de downsizing (Chalos et Chen, 2002),
• Performances sur 2 ou 3 ans pour la plupart des études sur les restructurations (John et
al., 1992 ; Kang & Shivdasani, 1997 ; Séverin et Dhennin, 2003),
• Périodicité de 3 ans pour les programmes de réduction des coûts étudiés de façon
exploratoire en France par Deville et al. (2005), ce qui correspond à la pratique usuelle
des groupes en matière de plans prévisionnels à moyen terme, ou de planification
opérationnelle (Bescos & al. 2004, p.121).
Pour pouvoir observer l’annonce de PRC et les mesures effectivement mises en œuvre le cas
échéant, il nous fallait donc remonter à 2002-2003 pour détecter les politiques de réduction de
coûts, dont l’annonce avait pu être faite à une date antérieure, ou à une date postérieure (dans
le cas où les articles de presse parlent de prévisions ou de comparaison avec des concurrents).
Seules les entreprises françaises (ou cotées à la bourse de Paris) ont été retenues dans cette
première étape de sélection, qui regroupait 80 entreprises. Pour maintenir une homogénéité de
l’échantillon en matière de contraintes et de pratiques de communication financière, seules les
entreprises françaises cotées au SBF 250 ont été conservées, ce qui a entrainé l’élimination de
23 entreprises. Pour les 57 entreprises restantes, l’ensemble des communiqués financiers des
années 2000111 à 2005 ont été collectés à partir de leur site internet, de façon à donner une
vision complète des résultats avant l’annonce, de l’annonce (ou des annonces) elle- même et
des communiqués ultérieurs sur les modalités de réduction et l’atteinte des objectifs. Dans
cette phase, 6 autres entreprises ont été écartées de l’échantillon, soit parce que la date
d’annonce de la PRC était postérieure à 2003, soit parce que les communiqués étaient non
utilisables. La liste des 29 entreprises écartées de l’échantillon initial, ainsi que les raisons
pour lesquelles elles l’ont été, est présentée en annexe 4.
Le corpus établi regroupe ainsi un total de 51 entreprises cotées au SBF 250, les dates
d’annonces de PRC se situent entre 1999 et 2003. Cette période recouvre des années
économiquement plutôt favorables (1999-2000, 2003) et d’autres plus difficiles (2001-2002).
Les annonces sont ainsi émises dans des environnements économiques assez différents.
111
Voire dans le cas de Total de 1999
121
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Au terme de la pré-analyse se trouve ainsi défini le corpus de nos 89 communiqués pour ces
51 entreprises : certaines entreprises de l’échantillon ont en effet annoncé successivement
plusieurs PRC, et dans certains cas, l’annonce de la décision d’une PRC et les mesures
définies figurent sur deux communiqués consécutifs, d’où un nombre de communiqués
supérieur au nombre d’entreprises.
122
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
123
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Sur ce corpus, une analyse de contenu systématique et informatisée peut être faite, en suivant
la démarche schématisée en figure 12 (page suivante).
La préparation des textes à l’analyse a nécessité une copie des textes des communiqués et une
suppression de l’ensemble des éléments de mise en forme : chaque communiqué a donc été
transformé en un fichier texte brut (format TXT), puis chacun a été inséré dans un fichier
texte global (format TXT) pour former le corpus à traiter avec le logiciel d’analyse.
Les communiqués de presse rassemblés relèvent d’autre part de deux catégories : les annonces
spécifiques (le communiqué ne porte que sur la PRC ou sur une opération particulière de type
fusion avec PRC conjointe) et les annonces non spécifiques, qui sont des communiqués
financiers concernant des résultats annuels, semestriels ou annuels. L’analyse de contenu peut
nécessiter la distinction entre le texte total (la totalité des documents supports) et le texte
pertinent (la partie des documents adaptée à la problématique et qui sera la seule traitée).
124
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Comptage de mots
Calculs de fréquence
Interprétation
Dans le cas de notre recherche, le texte pertinent a été défini de la façon suivante :
• Pour les annonces spécifiques : le texte pertinent est le texte total à l’exception de l’en-
tête qui porte la date et le lieu de la communication et des éventuelles mentions finales
(coordonnées de la direction des relations investisseurs, calendrier des futures
communications, et mention standard de présentation du groupe) ;
• Pour les annonces non spécifiques : ont été systématiquement supprimés du texte total
les éléments suivants : les tableaux comparatifs de chiffres consolidés (relatifs à
l’activité ou au bilan), qu’ils figurent dans le texte ou en annexe, et les mentions
obligatoires qui terminent les communiqués (mention standard de présentation du
125
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
groupe, avertissement sur les données prévisionnelles). Les notes de bas de page sur la
comparabilité des chiffres présentés ont également le cas échéant été écartées. Pour
deux communiqués, une sélection particulière a été faite sur les paragraphes
concernant les synergies de fusion : Air France (communiqué sur la fusion avec KLM
du 39/9/2003112), Crédit Agricole (communiqué sur l’OP mixte d’achat et d’échange
avec le Crédit Lyonnais du 16/12/2002113). L’objectif de ces sélections est de limiter
autant que faire se peut le corpus aux composantes en rapport direct avec la
problématique pour des résultats plus pertinents.
Le corpus une fois déterminé, on peut lui appliquer le schéma de Laswell, en considérant les
caractéristiques utiles à la recherche de l’émetteur (ici la société), et du récepteur (à
l’ensemble des acteurs des marchés financiers, aux investisseurs et plus particulièrement aux
analystes financiers). Avec les questions relatives au contenu du communiqué et à la façon de
dire les choses, on aborde la deuxième phase, qui est celle de la catégorisation.
3.3.2 La catégorisation
Les catégories de l’analyse de contenu doivent ensuite répondre à cinq qualités fondamentales
(Bardin, 2003) :
• la pertinence, qui se mesure à leur capacité de tenir un équilibre entre le reflet
scrupuleux du corpus et l’expression de la problématique,
112
Le communiqué comporte 14 pages
113
Le communiqué comporte 19 pages
126
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
• l’homogénéité,
• l’exhaustivité des catégories : tout le corpus pertinent doit être enregistré dans la grille,
• l’exclusivité, qui désigne le caractère discriminant des catégories entre elles,
• l’objectivité. Celle-ci ne peut être que tendancielle, et correspondrait au fait que
plusieurs codeurs, bien informés de la problématique enregistreraient les unités du
corpus dans les mêmes catégories. Dans l’impossibilité d’effectuer cette vérification, il
est important de présenter les indicateurs qui informent le lecteur des raisons qui ont
présidé au choix de classement des éléments de corpus aux endroits les plus ambigus.
Comme le souligne Berelson (1952), « les hypothèses doivent exprimer le problème le plus
adéquatement possible, de même les catégories les hypothèses, et les indicateurs les
catégories ». Dans une analyse quantifiée des textes, on présuppose que la description
quantitative d’une communication peut être révélatrice de son contenu et que l’analyse de la
fréquence de l’occurrence ou de la co-occurrence des termes entre eux permet d’éclairer le
sens des messages.
Pour mettre en évidence les composantes du modèle adapté aux annonces de PRC, nous avons
utilisé une double catégorisation dans la préparation des textes avant le traitement par le
logiciel Sphinx Lexica :
• pour pouvoir répondre à notre objectif de typologie des communiqués, nous avons
gardé la distinction de chaque communiqué au sein du corpus global, pour pouvoir
obtenir une analyse textuelle globale et une analyse par communiqué (dans le fichier
du texte global nous avons ajouté un « jalon » 114 pour chacun des 89 communiqués)
• pour pouvoir distinguer les messages issus des citations de dirigeants du reste du texte,
nous avons distingué dans ce même fichier tous les passages où figuraient des citations
(nous avons ajouté dans chaque communiqué une « marque » à chaque fois que le
texte passait d’une citation de « dirigeant » à un « texte » classique).
Ces deux catégories étaient indispensables pour le traitement statistique de notre corpus.
Les chercheurs de la statistique textuelle s’appuient en effet sur une méthode qui donne
préalablement des règles de « segmentation » des textes, puis qui confie à l’ordinateur le
114
Les mots « jalon » et « marque » sont les termes utilisés par le logiciel Sphinx Lexica, pour lequel le fichier
TXT dans lequel nous avons préparé nos données est ainsi «un texte annoté ».
127
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
repérage des unités linguistiques auxquelles sont appliqués les différents programmes
linguistiques.
De plus, dans une démarche d’analyse de contenu manuelle, nous avons également distingué
3 catégories de sens dans le corpus :
• les objectifs de l’organisation en matière de PRC (quantifiés ou non),
• les modalités et les mesures prévues pour la PRC (quantifiées ou non, et faisant
l’objet d’un calendrier ou non),
• les autres informations contenues dans les communiqués.
La structure de codification ne peut bien sûr pas être considérée comme objective, et sera
influencée par la familiarité du chercheur avec l’objet de recherche (Kelle & Laurie, 1995).
En analyse de contenu, le message peut être en effet soumis à une ou plusieurs dimensions
d’analyse, avec des critères de catégorisation qui peuvent être différents et ne mettent pas
l’accent sur le même aspect de la réalité (Bardin, 2003).
L’unité d’enregistrement désigne le segment déterminé de contenu que nous avons choisi de
retenir pour le faire rentrer dans la grille d’analyse. Parmi les six unités d’analyse définies par
Weber (1990), nous avons opté pour la plus classique : le mot115. L’unité de numération
désigne la manière dans l’analyste va compter lorsqu’il a choisi de recourir à la quantification.
L’unité d’enregistrement correspond donc à ce qu’il compte. Ces deux unités ont souvent
115
Jones & Shoemaker (1994) mettent en évidence dans leur revue de la littérature l’usage fréquent du mot en
tant qu’unité de comptage .
128
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
tendance à se confondre. Si l’unité d’enregistrement retenu est le mot, c’est le nombre qui
constituera l’unité de numération, l’un des objectifs poursuivis étant alors de repérer, dans une
approche proche de l’analyse lexicométrique116, le nombre d’occurrences sous lesquelles le
même mot se présente dans un corpus. Dans une approche qualitative en revanche, le
chercheur se passe d’unité de numération, en particulier si l’objectif est de repérer la présence
ou l’absence de certains mots, thèmes ou idées.
Ces critères sont fiabilisés par l’analyse textuelle statistique, la catégorisation thématique
étant la seule dans notre démarche qui relève d’une appréciation qualitative. Le logiciel
Sphinx Lexica nous a permis d’approcher à la fois le nombre de mots et le nombre de phrases
du corpus, et de faire apparaître des données statistiques sur ces deux unités d’analyse.
L’importance potentielle des mots peut être également mesurée par la somme des coefficients
116
La lexicométrie (ou lexicographie) est un ensemble de méthodes de statistique lexicale comparative. Ces
outils exploratoires concernent des logiques de comportement et de représentations. En portant l’attention sur des
mots pleins (mots pivots situés dans leur contexte), dont la fréquence est l’indice d’un noyau sémique, il est
possible d’en apprécier la signification.
117
pour le logiciel, une phrase est une unité de texte séparée d’une autre par un point, mais aussi par un espace et
deux points. Les phrases sont appelées « observations » dans le vocabulaire de Sphinx Lexica.
129
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
de corrélation (occurrence et co-occurrence) « que l’on choisisse les n mots les plus fréquents
ou les n mots avec le plus d’associations, le même ensemble de thèmes majeurs doit, en
général, être identifié » (Iker, 1975).
Dans le comptage informatisé des mots, une opération délicate est constituée par la réduction
du corpus. Celle-ci peut être faite par deux types d’opérations :
• la lemmatisation, qui consiste à ramener à de mêmes unités les formes graphiques
correspondant aux différents flexions d’un même lemme : les formes verbales sont
ainsi ramenées à l’infinitif, les adjectifs au masculin singulier. Si elle présente
l’avantage de permettre des comptages à partir d’unités bien définies du point de vue
de la langue, elle se heurte à des ambiguités lors du dépouillement. A chaque fois que
nécessaire, nous avons ainsi travaillé à la fois sur le corpus global et sur le corpus
«lemmatisé » et distingué ces deux modalités (le logiciel Sphinx Lexica crée une
variable distincte à chaque modification du corpus) ;
• la réduction du corpus, qui peut être automatique (par l’application du dictionnaire de
« mots-outils » qui permet d’exclure les articles ou certaines conjonctions de
coordination fréquentes, ou par la suppression des nombres) ou bien générée par le
chercheur, pour s’intéresser plus spécifiquement à certaines thématiques par exemple.
L’interprétation des résultats ne peut se faire sans préciser à quel type de corpus elle se
rapporte (global, « lemmatisé » ou « lemmatisé réduit »). Nous préciserons donc
systématiquement le type de corpus auquel il est fait référence en présentant nos résultats.
130
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
• 30 sont des communiqués spécifiques : 5 ont trait à des synergies post-fusion, 9 à une
réorganisation ou une restructuration profonde, 11 présentent un plan stratégique ou
un programme d’amélioration de la profitabilité, 5 des mesures conjoncturelles ou des
fermetures de site à l’étranger.
Une étude lexicométrique du corpus global a été effectuée de façon à faire apparaître les mots
les plus fréquents (4.1) et ceux qui se réfèrent spécifiquement à la politique de réduction des
coûts. Ensuite, l’analyse de contenu des différentes composantes des communiqués est
présentée (4.2 et 4.3). L’analyse et la mesure de chaque composante permet ensuite de
mesurer les scores de chaque communiqué (4.4), nécessaire pour déterminer la position de
communication, opportuniste ou ritualiste.
Le corpus ainsi traité comprend 88 036 mots, le lexique global est de 6 712 mots différents,
avec une répétition moyenne des mots de 13,12. Le nombre total de phrases (ou
« observations ») est de 4 634. Sphinx Lexica crée pour l’opération de lemmatisation une
variable « texte lemmatisé », dans laquelle chaque mot est remplacé par son entrée dans le
dictionnaire, tout en conservant dans une autre variable le corpus global non modifié. La
lemmatisation permet une première approche globale du lexique via les mots les plus
fréquents. De plus, les mots-outils, mots grammaticaux (articles et conjonctions usuelles)
peuvent être exclus des mots les plus fréquents.
Ainsi, l’analyse lexicométrique du corpus global lemmatisé et réduit118 fait apparaître les mots
les plus fréquents qui figurent sur le tableau 8. Hormis les mots usuels du vocabulaire
financier (groupe, résultat, chiffre d’affaires, marge, activité), on voit apparaître dans ce
lexique (en gras) quelques-uns des mots clés de la réduction des coûts : en plus de
« réduction » et de « coûts » apparaissent les mots « programme » et « plan » qui mettent en
relief que la réduction fera l’objet d’une politique définie et programmée , en vue d’une
« amélioration ».
118
sans mot-outils, sans nombres, et sans unités de comptage (euros ou EUR, millions et milliards) ; voir
l’extraction du corpus issue du logiciel, tableau 1 de l’annexe 3
131
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
119
Voir tableau 1 de l’annexe 3. Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre d’occurrences de chaque mot
ou de chaque lemme.
132
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
• le verbe le plus fréquemment représenté est l’auxiliaire « être », avec une utilisation
nettement plus fréquente de l’infinitif (94) que du futur (56) ou du passé (28). Ensuite,
les deux verbes les plus utilisés sont des verbes avec une connotation morale : les
verbes « devoir » et « permettre ». Ces verbes renvoient aux marges de manœuvre des
dirigeants. Un examen du lexique non lemmatisé fait en effet apparaître que la forme
verbale la plus fréquente du verbe « devoir » est le conditionnel : « devrait »(93) ou
« devraient » (40) donc son utilisation indique plutôt une projection prudente vers le
futur qu’un impératif moral. Les formes d’utilisation du verbe permettre sont plus
variées : futur (38), passé : « permis » (38) avec des phrases du type : « tous ces
120
éléments ont permis à Fimatex d’abaisser son point mort » , ou infinitif (33),
souvent dans ce cas en association avec « devoir », dans des formulations du type
«cette mobilisation devrait permettre la mise en place des accompagnements
nécessaires »121. Le corpus comprend naturellement de nombreux verbes plus
techniques destinés à décrire les évolutions des chiffre et des ratios : s’élever, établir,
enregistrer, représenter, atteindre (x millions d’euros), réaliser (un chiffre d’affaires
ou un résultat), augmenter, progresser. Le verbe « lier » (80) est la plupart du temps
utilisé au participe passé pour indiquer un lien de causalité entre une évolution
chiffrée et un fait (évolution du marché, stratégie de l’entreprise). Les verbes
« continuer », « rester », « renforcer » et « confirmer » ne sont pas utilisés de façon
récurrente avec des mots précis.
120
Observation n°95 du corpus
121
Observation n°683 du corpus
133
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Si l’on se penche sur le lexique associé à la politique de réduction des coûts, on peut mettre en
relief l’évidente corrélation entre les mots « réduction », au pluriel (19) et au singulier (134),
ou de « réduire »122 (27) avec ce que l’on va réduire : les coûts (70), les frais (13), les
dépenses, les charges. Ces réductions passent également souvent par des réductions des
effectifs (18), parfois qualifiées de « nécessaires ». Le tableau 3 de l’annexe 5 présente ainsi
les cooccurrences les plus nombreuses entre ces mots, ainsi qu’un verbatim issu du corpus
pour illustrer leur association. Si l’on regarde les mots qui précèdent la réduction, on retrouve
les politiques, les programmes, les plans, les mesures On va ainsi trouver des expressions
assez neutres : «des programmes de réduction de frais généraux ont commencé »123, ou
d’autres qui insistent sur la rigueur de l’entreprise dans le plan mis en œuvre : «des mesures
rigoureuses de réduction des coûts ont été mises en place »124 ou sur la réactivité face à une
situation de crise : « des mesures immédiates de réduction des effectifs sont prises »125.
Lorsque la situation de l’entreprise se dégrade encore, on parle « d’accélération du
programme de réduction des coûts »126, ou de « politique intensifiée de réduction des
coûts »127. Dans une moindre mesure, la réduction concerne les dettes, les investissements ou
les éléments du BFR.
Les « synergies » sont présentes 20 fois, dans 14 communiqués différents mais presque aussi
souvent associées aux coûts (5) qu’aux revenus (4) et sont parfois potentielles (3). En
revanche, les « restructurations » sont plus présentes dans le corpus : 89 occurrences, dans 32
communiqués différents128, avec des phrases comme : « par ailleurs, le Groupe intensifiera
les restructurations industrielles et les opérations de maîtrise des coûts de production et des
surcapacités » ou : « les problèmes récurrents de la branche Bois appellent à une profonde
restructuration des activités, pour supprimer tout facteur susceptible d’impacter négativement
la rentabilité du Groupe »129.
122
Le verbe apparaît également au participe passé (28), futur (2) et participe présent (5)
123
Observation n°477 du corpus
124
Observation n°2812 du corpus
125
Observation n°1058 du corpus.
126
Observation n°2480 du corpus.
127
Observation n° 4128 du corpus.
128
Observation n° 4730 du corpus.
129
Observation n° 2464 du corpus.
134
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Parmi les autres stratégies utilisées pour réduire les coûts, on retrouve :
• le recentrage (20 occurrences dans 14 communiqués) : « En se recentrant sur ses
forces, Air Liquide America est déterminé à augmenter sa rentabilité et le service à
ses clients » (observation n° 264) ;
• l’externalisation (7 occurrences dans 6 communiqués) : « par la rationalisation de sa
production et par une stratégie d’externalisation, Gemplus a l’intention de réaliser
des économies de 40 millions d’Euros par an » (observation n° 2197).
L’outsourcing (7 réponses) est plutôt une source de revenus qu’une façon de réduire les coûts
pour les sociétés de notre échantillon (prestations informatiques pour GFI Informatique ou
Cap Gemini E&Y). Après cette revue globale du lexique du corpus de nos communiqués, il
faut étudier spécifiquement le lexique de chacun d’entre eux pour pouvoir mesurer
l’importance et la spécificité du lexique utilisé dans les communiqués pour parler de réduction
des coûts.
L’utilisation du modèle de GRW (1990) adapté aux annonces de PRC passe en effet par la
mesure d’un score qui permet d’établir si la position de communication est ritualiste ou
opportuniste. Pour ce faire une grille d’analyse de contenu a été élaborée, dont la synthèse et
la mesure de score est présentée au point 3.2. Pour établir ce score, chaque dimension des
composantes des communiqués : aussi bien les différentes dimensions relatives au contenu
(3.1.2), que les autres composantes (3.1.3).
L’analyse du contenu des communiqués passe elle-même par l’étude de plusieurs dimensions
de ce contenu :
une dimension lexicométrique (4.2.1). Cette dimension se réfère à la question : quels
sont les mots spécifiques de chaque communiqué, et ces mots sont –ils en rapport
direct avec la PRC ?
une dimension quantitative (4.2.2), qui s’intéresse au nombre de mots présents dans le
communiqué ;
et une dimension plus qualitative. Cette dimension touche d’une part au degré de
précision apporté par le communiqué en termes d’objectifs et de modalités de la PRC
135
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Une étude lexicométrique de chacun des 89 communiqués nécessite pour des raisons de
lisibilité et d’interprétation des résultats de réduire le lexique étudié (on obtient dans le cas
contraire des tableaux avec plusieurs dizaines de lignes et 89 colonnes, difficilement
exploitables). Pour étudier les mots les plus saillants de chaque communiqué, nous nous
sommes appuyés sur une sélection des 62 mots les plus fréquents du lexique lemmatisé et
réduit qui figure en annexe 5 (tableau n°3).
A partir de cette liste de mots, nous avons extrait les « mots spécifiques » de chaque
communiqué grâce au logiciel Sphinx Lexica. Il s’agit des mots statistiquement
surreprésentés130 au sein d’une des variables lexicales créées, qui est un indicateur
statistiquement plus valide que le comptage simple de la fréquence des mots. De cette façon,
nous avons pu détecter les mots spécifiques particuliers à chaque communiqué, quelle que soit
sa taille (notre échantillon présente des communiqués de taille très diverse). L’analyse
nécessite en effet une grande vigilance sur les effets de taille : certains communiqués, en
particulier de présentation de résultats sont très longs, les résultats étant détaillés par branche
d’activité et d’autres au contraire sont très courts131 : le communiqué d’Alstom (CP 12) ne
comprend que 33 mots pour informer les marchés financiers de la nouvelle stratégie de
création de valeur.
La liste des mots spécifiques par communiqué (parmi les mots les plus fréquents du corpus
réduit lemmatisé) figure sur le tableau 5 de l’annexe 5. Parmi ces mots spécifiques, nous
avons mis en évidence (en grisé sur le tableau) les mots-clés les plus fréquemment associés à
l’annonce de politique de réduction des coûts : « réduction », « coût », « mesure », « plan »,
« programme », « restructuration », « synergie » pour déterminer l’importance du vocabulaire
spécifique des PRC parmi les mots spécifiques de chaque communiqué. L’objectif est de
pouvoir mesurer ainsi la place tenue par ce lexique spécifique dans chaque communiqué, et
donc d’évaluer une des dimensions du contenu des communiqués.
130
Extraits à partir du calcul d’un indice de spécificité égal au rapport entre la fréquence observée et celle
correspondant à une répartition des fréquences proportionnelle à la taille des corpus.
131
Voir en annexe 3 le tableau 6 qui met en évidence le poids de chaque communiqué dans le corpus.
136
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
De nombreuses études considèrent que les aspects quantitatifs sont une dimension importante
de l’étendue de la divulgation. Cependant, dans le cas de notre recherche, le volume de
l’annonce de la PRC dans les communiqués n’est pas systématiquement proportionnel au
volume du communiqué, c’est pourquoi cette dimension strictement quantitative a été
pondérée dans notre calcul de score de façon à ne pas peser de façon trop déterminante : en
effet, la taille importante du communiqué qui présente uniquement le plan « Ambition FT
2005 » de redressement de France Télécom (CP 43 – 1 335 mots) n’a pas la même
signification que celle du communiqué de Dexia (CP 37 – 1 439 mots) qui présente les
résultats trimestriels du groupe détaillés par activités.
D’autre part, l’outil lexical utilisé nous a permis, de la même façon que pour les
communiqués, et grâce au travail de catégorisation initial, d’extraire les mots spécifiques des
citations de dirigeant par rapport au reste du texte, dont nous supposions qu’ils permettraient
d’approcher les interprétations ou les convictions exprimées par le management quant aux
mesures envisagées et aux perspectives de l’entreprise.
La liste comparative des mots spécifiques les plus fréquents de chaque type de lexique
(tableau 6 de l’annexe 5) permet de confirmer notre hypothèse d’un lexique particulier utilisé
par les dirigeants dans leurs citations par opposition à la partie descriptive du texte. En effet,
au-delà de la présence, cohérente avec le corpus globale, du verbe être (je suis, nous sommes),
le vocabulaire utilisé par les dirigeants souligne la prégnance des marchés (marché
concurrentiel ou marchés financiers) et de la rentabilité. Les dirigeants aiment à définir ou à
rappeler les objectifs et la stratégie, et se définir par rapport à leur environnement souvent
difficile. Au-delà du marché, ils s’adressent également à leurs clients. En comparaison, les
mots spécifiques les plus fréquents du reste du texte sont beaucoup plus neutres : milliards,
euros, division, volumes, branches …Le vocabulaire utilisé par les dirigeants est donc bien
destiné à faire passer ce que le modèle de GRW appelle des « interprétations du
management ». La présence ou l’absence de citation d’un dirigeant, la place relative de cette
citation dans le corps du communiqué, sont bien un indicateur d’une volonté plus ou moins
137
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
marquée de transmettre cette interprétation. Cette intention est renforcée par le fait que ces
citations sont souvent reprises dans des supports extérieurs à l’entreprise comme les dépêches
Reuters.
Comme nous l’avions indiqué, l’analyse des différentes composantes de nos données
empiriques, pour tenter d’allier indicateurs quantitatifs et qualitatifs s’appuie sur une analyse
de contenu qui comprend à la fois un dépouillement des communiqués selon une
méthodologie proche des scores de mesure développés sur la base de l’indice de Botosan
(1997) et en incluant une dimension qualitative proche de la méthodologie mies en avant par
Beattie & al.(2004). Pour mesurer le degré de précision des communiqués en matière de PRC,
nous avons effectué une analyse thématique destinée à faire apparaître pour chacun d’eux les
objectifs et les modalités de PRC. Cette analyse thématique détaillée figure en annexe 7. Nous
avons ensuite établi un score en nous inspirant de la grille d’analyse de Botosan (1997) sur
laquelle se sont appuyées de nombreuses études empiriques, en décomposant les aspects
« qualitatifs » et quantifiés de l’information volontaire sur les PRC. Un score a ainsi pu être
établi sur cette dimension qualitative du contenu des communiqués.
Cette dimension, telle que définie par le modèle de GRW, est en partie couverte par la
distinction opérée au sein de l’échantillon entre les communiqués « spécifiques » et les
communiqués financiers « classiques » d’annonce de résultats financiers : les communiqués
spécifiques relèvent en effet tous d’une date de publication particulière. Nous l’avons donc
observée en nous appuyant sur cette catégorisation.
138
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Les communiqués d’annonce de résultats ont une forme assez standardisée, avec de nombreux
tableaux de synthèse de chiffres et des structures de présentation très similaires pour une
même entreprise d’un communiqué à l’autre. Nous avons appréhendé cette notion de format
en fonction de la place de l’annonce de PRC dans le corps du texte du communiqué. 3
modalités de format d’annonce de PRC sont possibles, qui ont été codées avec 3 mots :
« début », « milieu », et « fin », selon la place de l’annonce de PRC dans le communiqué
financier.
132
Communiqué Cap Gemini Ernst & Young du 26 juin 2001.
139
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
ans en combinant départs naturels, gestion des pyramides d’âge et tous dispositifs
adaptés et concertés avec les représentants du personnel. »133
• « Fin » : la PRC est annoncée dans le paragraphe qui figure en fin de communiqué,
intitulé le plus souvent « perspectives » ou « objectifs n+1 ». L’annonce de PRC figure
ainsi dans le texte sous forme de quelques phrases plus ou moins précises sur les
mesures, du type : « depuis plusieurs mois, pour adapter l’organisation de Sodexho à
la situation économique nouvelle, les équipes se sont mobilisées sur la suppression
des frais de fonctionnement inutiles. » 134
4.3.3 Répétition
Cette composante mesure le fait que l’annonce de PRC soit faite sur au moins un autre
vecteur de communication que le communiqué de presse. Ce vecteur peut être une conférence
de presse, une réunion d’analystes, une interview de dirigeant dans la presse économique ou
spécialisée du secteur, voire des annonces faites directement par voie de presse : la fermeture
par Renault du site de Vilvoorde en France en 1997 avait ainsi été annoncée, y compris aux
salariés de l’entreprise, par un article paru dans le quotidien les Echos. Pour déterminer cette
répétition, nous nous sommes appuyés sur des articles de la presse économique commentant
l’annonce de PRC pour déterminer si d’autres annonces ou présentations avaient été faites sur
la PRC, ou sur le site internet des entreprises mentionnant les présentations aux analystes et
investisseurs135.
133
Communiqué Total du 5 juillet 1999.
134
Communiqué Sodexho du 20 novembre 2001.
135
Dans le cas où cette information n’était disponible ni sur le site internet de l’entreprise, ni dans les articles de
presse de notre sélection initiale, une recherche grâce à la base de données Factiva a été effectuée sur les
annonces Reuters en français des 15 jours entourant la date du communiqué pour mettre en évidence les autres
vecteurs de communication (conférence de presse ou conférence téléphonique en particulier). La liste de ces
articles figure dans l’annexe 4.
140
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
En l’absence de grille d’analyse existante pour notre objet de recherche, nous nous sommes
inspirés de la démarche de Botosan (1997) pour décomposer les dimensions du modèle de
GRW en une liste d’items pour chacune des dimensions. Les études sur la divulgation
volontaire s’inspirent le plus souvent du rapport du FASB (2001), du rating effectué par
l’AIMR – Association for Investment Management and Research- (Lang & Lundholm, 1996,
1993 ; Welker, 1995) ou de l’indice développé par Botosan (1997).
Pour chaque item, un score a été attribué selon la procédure d’attribution décrite sur le tableau
3.
Tableau 9: Grille d'analyse de contenu et procédure d'attribution des scores
SCORE
MAXIMUM
CONTENU
Informations quantitatives : Taille du communiqué
Cette dimension est issue de l’analyse lexicométrique des communiqués.
Un score est attribué selon le nombre de mots, suivant l’échelle suivante : 0 de 1 à 99 mots, 1 de
100 à 299 mots, 2 de 300 à 499 mots, 3 de 500 à 699 mots, 4 de 700 à 899 mots, 5 au-delà de 5
300 mots
Information qualitative : présence de mots spécifiques 7
A partir de l’étude lexicométrique des mots spécifiques de chaque communiqué, nous avons
attribué 1 point à chaque fois qu’un des mots : réduction, coût, restructuration, synergie,
programme, plan, mesure, faisait partie des mots spécifiques du communiqué.
Informations qualitatives relatives à la PRC contenues dans le communiqué 4
Un score de 1 point est attribué à chaque fois que l’item suivant est présent:
• Un énoncé des objectifs organisationnels en matière de PRC est fourni
• Cet objectif est quantifié (en termes de montant d’économies ou d’objectif
d’amélioration de marge)
• Les modalités et les mesures de réduction des coûts envisagées sont discutées
• Ces mesures sont quantifiées
REPETITION 1
Un score de 1 est attribué si l’annonce est également faite sur un autre vecteur de
communication. Dans le cas contraire, le score est de 0
TIMING
Cette dimension recouvre le type de communiqué : communiqué spécifique (score de 2 points) 2
ou communiqué d’annonce de résultats (score de 0)
FORMAT : organisation des données
Cette dimension est mesurée en fonction de la place de l’annonce dans le corps du texte du
communiqué. Un score de 3 est attribué si elle est placée dans le titre ou l’introduction du
communiqué, de 2 si elle est placée en fin de communiqué dans la partie sur les perspectives et 3
les objectifs futurs et de 1 si elle est noyée dans le corps du texte
INTERPRETATIONS DU MANAGEMENT 2
Un score de 1 est attribué si le communiqué comprend au moins une citation d’un dirigeant
(PDG ou DG). Dans le cas contraire, le score est de 0.
Un point supplémentaire est attribué si la place de cette citation représente plus de 20% du texte
du communiqué (étude lexicométrique : nombre de mots des dirigeants rapportés au nombre de
mots du communiqué)
Score total maximum 24
141
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Ainsi, chacune des dimensions précédemment listées a été mesurée par un ou plusieurs items,
et le calcul du score total a été fait par sommation des scores de chacun des items de la grille
d’analyse. La grille d’analyse ainsi que la procédure de calcul du score de chacune des
dimensions est présentée en annexe 8.
Le nombre de points attribué à chaque composante est, compte tenu du caractère exploratoire
de notre instrument de mesure, en partie subjectif. Les aspects purement quantitatifs de type
lexicométrique sont ainsi pondérés par les scores donnés aux dimensions plus qualitatives des
communiqués. Il convient en effet de prendre en compte non seulement les mots spécifiques
présents dans les communiqués, mais également les relations entre eux. Carley136 (1990) a
ainsi démontré que des textes qui ont exactement le même nombre de concepts spécifiques
peuvent facilement avoir des significations très différentes, lorsque les relations entre
concepts sont prises en compte, et qu’une analyse « réseau » était ainsi requise. De ce fait, la
classification des communiqués entre une position « ritualiste » et « opportuniste » en
136
Cité par Miles & Huberman (2003)
142
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
fonction du score total sera revue au cas par cas en reprenant les éléments qualitatifs des
communiqués de façon à apprécier la cohérence des résultats.
La synthèse des résultats telle qu’elle est donnée par les scores des dimensions du modèle doit
être analysée avec précaution, tant du fait de l’utilisation de données en grande partie
qualitatives que du caractère essentiellement exploratoire de l’outil de mesure utilisé pour
évaluer les scores. Il est nécessaire de documenter tout particulièrement l’analyse qualitative
en tant que processus (Miles & Huberman, 2003) pour mettre en évidence les choix et les
options prises par le chercheur dans sa démarche, et apprécier la cohérence interne des
résultats.
L’analyse de contenu consiste à inférer les significations du discours par une analyse des mots
utilisés, de leur nombre d’occurrences ou de leurs associations (Allard-Poesi, 1999). Que
l’inférence se fasse sur la base d’indicateurs fréquentiels ou à l’aide d’indicateurs combinés,
on prend conscience qu’à partir des résultats d’analyse on peut remonter aux causes, voire
descendre aux effets, des caractéristiques des communications. « Toute analyse de contenu
vise, non l’étude de la langue ou du langage, mais la détermination, plus ou moins partielle,
de ce que nous appellerons les conditions de production des textes qui en sont l’objet. Ce
qu’on cherche à caractériser ce sont les conditions de production et non les textes eux-
mêmes. » (Henry & Moscovici, 1968). Nous avons donc revu les résultats quantitatifs de notre
procédure d’établissement de scores au regard des éléments plus qualitatifs de notre analyse
pour vérifier la cohérence des résultats et nous déterminer sur les éventuels cas limites (en
particulier les scores proches de la moyenne, analysés au point 4.1.4).
Ainsi, nos résultats portent dans un premier temps sur les positions de communication dans
les annonces de PRC (4.1). En plus des deux positions attendues, opportuniste et ritualiste,
nous avons mis en évidence une troisième dimension que nous avons qualifiée de position
instable. Chacune des 51 entreprises de notre échantillon est classée dans une de ces trois
positions de communication. Dans un second temps, nos résultats portent sur les
déterminants internes et externes des positions de communication (4.2).
143
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Le score moyen des 89 communiqués est de 10,5 (la synthèse des scores et la position de
communication par communiqué est présentée en annexe 9).
La synthèse par société des communiqués fait ressortir, conformément au modèle de GRW
(1990), une position de communication relativement stable dans le temps entre ritualisme et
opportunisme.
Sur les 51 entreprises, 20 ont ainsi une position opportuniste et 22 ont une position ritualiste :
les communiqués de l’échantillon reflètent globalement tous la même position. Enfin 9
entreprises relèvent d’une troisième catégorie que nous avons qualifiée de position instable
(discutée au point 4.1.3).
144
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
PERNOD RICARD X
PEUGEOT CITROEN X
PPR X
REMY COINTREAU X
RENAULT X
REXEL X
RHODIA X
SCHNEIDER X
SOCIETE GENERALE X
SODEXHO X
STMicroelectronics X
SUEZ X
THOMSON X
TOTAL X
VALEO X
VEOLIA Environnement X
VIVENDI UNIVERSAL X
Les 22 groupes dont la position de communication est ritualiste émettent des annonces de
PRC soit imprécises (« des mesures de réduction vont être prises »), soit assez standardisées.
Les communiqués du groupe Ciments Français par exemple comportent en fin de
communiqué, concernant les perspectives, des phrases du type : « pour faire face à
l’augmentation d’un certain nombre de facteurs d’exploitation le Groupe va renforcer son
programme de rationalisation des coûts »137.
Les 20 groupes dont la position de communication est opportuniste font une plus large place
aux PRC dans leurs communiqués de presse. Les plans ou programmes de réduction des coûts
annoncés sont précisés en terme de contenu (réduction des frais, fixes, optimisation des
achats, productivité industrielle …) et de calendrier (objectifs sur les 2 ou 3 années à venir).
L’exemple le plus frappant est ainsi le communiqué de presse de France Télécom pour
annoncer la mise en œuvre du plan Ambition FT 2005 et du programme de réduction des
coûts « TOP ». Le communiqué, qui reprend le discours prononcé par le PDG, est long,
précis, détaillé sur les objectifs et les mesures de réduction prévues. Il a fait l’objet de reprises
sur de nombreux supports, et également d’une mise en scène sur laquelle nous reviendrons au
chapitre 4.
137
Communiqué du 5 septembre 2000
145
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
financiers. Dans certains cas, le communiqué reflète la présentation faite aux analystes ou aux
actionnaires, et dans d’autres son contenu est moins circonstancié et plus formel.
De plus, 17 groupes parmi les 51 ont donné des noms spécifiques à leur plan de réduction des
coûts. Cependant, l’existence d’un nom spécifique pour les PRC apparaît comme non
corrélée à une position de communication particulière. On trouve des PRC avec un nom
spécifique dans l’ensemble de 3 positions de communication, les noms les plus singuliers
n’étant pas toujours le propre des sociétés opportunistes :
Nous avons revu les résultats du tableau des scores (annexe 8) en les comparant à l’ensemble
des données à notre disposition pour éclairer les annonces de PRC pour détecter des résultats
aberrants, ou divergents, pour mieux comprendre les positions « instables » et pour revoir les
cas des scores proches du score moyen (4.1.4), dans le but de confirmer ou d’infirmer ces
résultats. En effet, certaines entreprises de notre échantillon présentent un communiqué avec
un score divergent des autres communiqués (4.1.1). D’autres ont une position de
communication ritualiste au vu du score de leur communiqué alors qu’elles pratiquent une
communication volontaire active (4.1.2). Enfin, il est nécessaire de discuter de la troisième
position de communication, qualifiée d’instable (4.1.3). Ces différents cas sont discutés car,
dans l’approche exploratoire qui est la notre, les irrégularités par rapport au modèle138 sont
138
Dans une démarche qualitative, l’étude des cas critiques peut être aussi porteuse de sens que celle des cas
typiques.
146
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
aussi porteuses de sens que les cas, quantitativement les plus nombreux, qui sont conformes
aux résultats attendus.
Trois groupes sont concernés par ce cas de figure : Alcatel (un communiqué sur quatre),
Alstom (un communiqué sur trois) et Nexans (un communiqué sur trois).
Dans le cas d’Alstom, le seul communiqué relevant d’une position ritualiste est le
communiqué laconique concernant la nouvelle « stratégie de création de valeur »142. Or la
divulgation complète de la stratégie est réservée à la présentation aux analystes prévue à la
même date. La communication de cette stratégie et de la PRC qu’elle comprend est donc
gérée de façon stratégique par le groupe, qui répond à la fois à l’obligation règlementaire
d’information de l’ensemble des parties prenantes via la publication d’un communiqué de
presse, et à une communication financière proactive qui privilégie un autre vecteur de
139
Communiqué du 26 avril 2001 (CP n°9 du corpus).
140
Titre du communiqué du 26 juin 2002 (CP n°10 du corpus)
141
Titre du communiqué du 20 septembre 2002 (CP n°8 du corpus)
142
Communiqué du 14 mars 2002 (CP n°12 du corpus)
147
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Pour Nexans, le communiqué qui relève d’une position ritualiste est un communiqué
spécifique d’une nouvelle organisation « destinée à favoriser l’accélération du développement
des ventes et l’allègement des coûts de structure. Elle substitue à une organisation matricielle
par lignes de produit une organisation plus réactive et plus proche des clients et des marchés
et confie la responsabilité opérationnelle des ventes et de la production aux pays »143. La
suite du communiqué présente les nouvelles nominations. Si le contenu informationnel est
assez évasif en matière de PRC, ce communiqué permet de signaler de façon stratégique aux
marchés la transformation de l’entreprise en une organisation plus proche de ses attentes
supposées, probable reflet de la dernière mode managériale144.
Nous avons donc considéré que la position globale de communication d’Alcatel, Alstom et
Nexans concernant les PRC était opportuniste.
D’autre part, dans les sociétés dont la position relève de l’opportunisme figure le groupe
Canal +, dont les communiqués de résultats des années 2002-2004 sont plutôt courts et
impersonnels, donc semblent relever d’une gestion globalement plutôt ritualiste : le
communiqué du corpus concerne « le volet social d’un plan global de réorganisation des
activités »145. Le contexte particulier de crise dans laquelle se trouvait le groupe –
manifestation de salariés devant le siège de la maison mère Vivendi Universal, « rumeurs
infondées et agressions » selon le nouveau PDG de Vivendi Universal Jean-René Fourtou146,
anticipation d’un plan social supérieur à celui annoncé – explique probablement un
changement de position de communication dans ce cas particulier.
143
Communiqué du 12 juin 2003 (CP n°62 du corpus) ; les caractères gras sont marqués par nous
144
Nous reviendrons sur cette notion dans le chapitre 3
145
Communiqué du 12 mars 2003 (CP n°22 du corpus)
146
Selon Le Monde « Vivendi Universal remplace Xavier Couture par Bertrand Méheut à la tête de Canal + », 7
février 2003
148
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
réduction des coûts, faisant même figure d’exemple à suivre en la matière147. Cette position
semble expliquée par le vecteur de communication choisi, le communiqué de presse. En effet,
le plan de réduction des coûts sur 3 ans pour 2001-2003 qui figure dans le communiqué de
notre échantillon a été révélé de façon très anticipée par le groupe début 2000, selon un
scénario de dévoilement que l’on peut qualifier de stratégique :
Suite à cette annonce, l’action gagne 2,31% à 50,95 euros en début d’après midi, et « la
nouvelle est bien ressentie par le marché, mais il va lui falloir de plus amples explications »
selon un analyste cité par Reuters151. Le dévoilement du détail des mesures du plan viendra
ultérieurement, dans le communiqué de presse de notre échantillon et lors d’une présentation
du plan stratégique à 3 ans.
Dans une moindre mesure, Ciments Français apparaît dans notre échantillon comme ritualiste,
mais la communication active sur sa PRC passe par d’autres vecteurs que les communiqués,
car la reprise des objectifs et des mesures détaillées par la presse est plus complète que ce qui
figure dans les communiqués : en septembre 2000, annonce d’un « plan d’économies tous
azimuts »152 pour Italcementi et Ciments Français avec des mesures de réduction des coûts
d’énergie d’une part et des comparaison des performances des filiales et des sites industriels
« pour mettre en évidence les meilleurs élèves » en matière de frais fixes et de frais généraux
147
Nous reviendrons sur ce point en parlant des “meilleures pratiques” dans le chapitre 3
148
« Renault aims to continue scheme to reduce costs » , Financial Times, 12 janvier 2000
149
Dépêche Reuters « Renault efface ses pertes sur info plan d’économies », 12 janvier 2000 5h47
150
Dépêche Reuters « Renault confirme nouveau pan de 20 Mds FF d’économies sur 3 ans », 12 janvier 2000
8h54
151
Dépêche Reuters « Renault en vive hausse après nouveau plan d’économies », 12 janvier 2000, 10h16
152
« Italcementi et Ciments Français lancent un plan d’économies tous azimuts », Les Echos, 7 septembre 2000
149
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
d’autre part. De même en février 2001, la presse détaille les objectifs du plan de réduction des
coûts de 50 millions d’euros par an engagé par le groupe alors qu’aucun détail n’est donné
dans le communiqué, qui indique laconiquement : « un vigoureux programme de contrôle des
coûts industriels, en particulier énergétiques, devrait permettre en 2001 de neutraliser
l’impact d’un éventuel ralentissement153 ».
Cette position n’existe pas dans le modèle de GRW pour lequel un des deux pôles doit être
dominant. Après un réexamen pour chacune des 10 sociétés concernées des deux
communiqués de position divergente et du contexte dans lequel ils ont été émis, il apparaît
que 9 d’entre elles ont effectivement une position de communication véritablement différente
entre les deux communiqués : Air Liquide, Altran, Boursorama, Club Méditerranée, Danone,
Groupe Gascogne, Lafarge, Peugeot, et Rexel. On peut avancer comme facteur d’explication
pour ce changement de position de communication d’une partie de ces sociétés des situations
de crise, soit de nature économique (Boursorama, Club Méditerranée, Groupe Gascogne,
Rexel), soit de très forte exposition médiatique – comme celle mise en évidence pour Canal +
- qui entraine le passage d’une communication ritualiste à une communication opportuniste,
particulièrement détaillée et précise en vue de se justifier, d’apporter des précisions sur ces
actions ou des interprétations de la part des managers.
Ainsi, Altran communique d’abord de façon réactive sur ses nombreux problèmes de contrôle
interne mis en évidence en juin 2002, qui ont entrainé une forte spéculation sur les titres. Le
groupe communique ensuite sur les résultats de l’audit demandé et les changements
d’organisation mis en œuvre (d’où un communiqué « ritualiste » en matière de PRC154), puis
de façon plus exhaustive et précise sur les réductions de coûts lorsque ces dysfonctionnements
sont corrigés.
153
Communiqué du 16/02/2001
154
CP n° 15 du corpus, du 27 avril 2003
150
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Danone est un cas extrême : le score de chacun des communiqués est très divergent (de 5 à
18) et le communiqué très « opportuniste » est celui qui détaille les modalités de
réorganisation de sa branche biscuits155. On est bien ici dans une crise médiatique et sociale,
car on se souvient que les projets de restructuration de la branche ont d’abord filtré dans un
article du Monde156, provoquant une vive émotion dans le groupe et à l’extérieur. Cette
émotion s’est traduite par des débrayages organisés par les syndicats, par des actions de
boycott organisées par certains consommateurs en réaction à cette «affaire LU », par une
critique virulente de ces « licenciements boursiers »157. Dans un premier temps, Danone a
porté plainte, s’affirmant « victime d’une campagne de déstabilisation »158, avant de convenir
qu’un plan était à l’étude lors de sa présentation de résultats annuels fin janvier 2001, et de
finalement dévoiler son projet fin mars. Dans ces circonstances, le communiqué d’annonce de
PRC et de réductions d’effectifs ne pouvait être que précis, détaillé, circonstancié, donc
relever d’une dimension opportuniste. Séverin (2006, p.80) voit dans cette communication
défaillante une des raisons de l’échec de ce plan de sauvegarde pour l’emploi159 : « les
salariés se sont sentis « trahis ». Ce plan est mal perçu car il n’est compris ni par le grand
public, ni par les salariés. Certains ont alors adopté un comportement rigide en refusant
d’aller à la cellule de reclassement au motif que le faire « c’était accepter le plan »
considéré comme injuste ». Il est à noter que le communiqué de Michelin qui figure dans
notre échantillon dans la catégorie « opportuniste » est assez similaire et décline les
réductions d’effectifs qui avaient également défrayé la chronique en 1999.
Pour Peugeot, la situation semble proche de celle de son concurrent Renault, avec une
communication proactive mais qui utilise stratégiquement d’autres vecteurs que le
communiqué financier. Enfin, la position de communication peut devenir ponctuellement
opportuniste pour un fait précis à commenter (offre amicale de Lafarge sur Blue Circle ou
restructuration de la filiale américaine d’Air Liquide).
Dans le cas de Thomson, un des communiqués160 obtient un score de 10, mais comprend
néanmoins une reprise détaillée des réalisations de 2001 et 2002 en matière de
155
Communiqué du 29 mars 2001
156
du 10 janvier 2001
157
Voir Brender A. (2004), La France face aux marchés financiers
158
« Danone s’estime victime d’une campagne de déstabilisation », Les Echos, 18 janvier 2001
159
D’après les données citées, malgré des moyens financiers importants, 60% des personnes concernées avaient
bénéficié de mesures de reclassement en mars 2005.
160
CP n°82 du corpus, du 12 février 2003
151
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Compte tenu du caractère exploratoire de notre instrument de mesure, nous avons également
revu les cas des communiqués dont le score est proche du score moyen de 10,5, qui détermine
le classement dans l’une ou l’autre des catégories.
Les antécédents du modèle de GWR (1990, 1992) laissent supposer un lien entre certaines
caractéristiques des entreprises et leur position de communication. Il nous faut donc observer
le lien entre ces déterminants et les positions de communication en matière d’annonce de
PRC.
Compte tenu de la taille limitée de notre échantillon, les liens potentiels entre certaines
caractéristiques des entreprises et chacune des positions de communication (opportuniste,
ritualiste et instable) ne peuvent être mis en évidence que dans une approche exploratoire.
L’effectif de nos trois catégories varie en effet de 9 à 22 entreprises, ce qui ne permet pas de
161
CP n°55 du corpus, du 22 septembre 2003
152
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
tirer des conclusions statistiquement significatives sur les relations entre déterminants et
position de communication en matière d’annonce de PRC. Néanmoins, il est possible de faire
apparaître des surreprésentations de certaines caractéristiques dans une catégorie particulière,
ce qui pourrait permettre une vérification statistique ultérieure après une extension de
l’échantillon. Les antécédents suggérés par le modèle de GWR(1990) concernent la structure
de l’actionnariat, la taille de l’entreprise, son histoire, son expérience en matière de
communication et la personnalité de son dirigeant.
Pour chacune des 51 entreprises de l’échantillon, nous avons collecté les informations
relatives aux caractéristiques des sociétés à partir de plusieurs sources. Nous avons utilisé la
base de données d’informations financières Diane. Nous avons complété ces informations
grâce à une sélection d’articles de la presse économique sur chaque entreprise via la base de
données Factiva. En outre, nous avons consulté le site officiel des entreprises et les
informations financières disponibles dans les rapports annuels des entreprises de notre
échantillon. Cette collecte nous a permis de construire un tableau permettant de faire
apparaître les antécédents du modèle de GRW adapté aux PRC présentés au paragraphe 2.2.3.
La liste des articles de presse qui figure en annexe 1 présente donc non seulement les articles
concernant les annonces de PRC, mais aussi des articles antérieurs, utilisés pour affiner la
structure actionnariale, détecter une nomination de nouveau dirigeant ou l’indication d’une
PRC antérieure qui montre l’expérience de l’entreprise en matière de PRC.
Nous avons ensuite mis en évidence les facteurs surreprésentés pour chacune des trois
positions de communication (opportuniste, ritualiste et instable). Nos résultats présentent
d’abord ce qui concerne la structure actionnariale et l’indice de cotation des entreprises cotées
étudiées (5.2.2). L’influence potentielle des autres facteurs est ensuite présentée (5.2.3) :
performance, intensité de la PRC, présence d’un nouveau dirigeant. Un tableau de synthèse
des résultats est présenté en 5.2.4.
153
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Dans leur étude sur la structure de propriété et la qualité de l’information financière des
entreprises cotées françaises, Labelle & Schatt (2005) mesurent la dilution de l’actionnariat
grâce à la proportion des actions détenues par le public, collectée à partir des rapports annuels.
Pour notre mesure de l’indépendance de l’entreprise par rapport à ses actionnaires, nous avons
utilisé conjointement l’indicateur d’indépendance de la base de données financières Diane et
des données disponibles dans les rapports annuels des entreprises.
D’autre part, nous avons également collecté dans les rapports annuels et la base Diane les
actionnaires principaux identifiés. Notre objectif était de mettre en évidence le type
d’actionnaires « influents » (c’est-à-dire représentés au conseil d’administration et impliqués
dans les décisions, même pour les entreprises classées dans la catégorie A, entreprise
« indépendante » de ses actionnaires). Deux modalités principales nous ont intéressés : la
présence de l’Etat parmi les actionnaires influents, et celle d’un actionnariat familial souvent
lié ou issu des fondateurs de l’entreprise. Compte tenu de la forte proportion d’entreprises
ayant des investisseurs institutionnels parmi leurs actionnaires, nous n’avons pas considéré
162
Ces articles figurent donc dans l’annexe 1 qui reprend les articles de la presse économique utilisés dans ce
chapitre.
154
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
cette modalité comme susceptible de faire pencher vers une position de communication plutôt
qu’une autre.
Parmi les 51 sociétés cotées de l’échantillon, 29 (soit 56,9%) sont considérées comme
indépendantes de leur actionnariat avec un indice A (pas d’actionnaire avec 25% ou plus de
détention), 11 ont un indice B, 4 un indice C et 7 un indice D.
D’autre part, les sociétés comptant un actionnariat en partie familial (16 entreprises sur 51)
sont également plus largement présentes parmi les entreprises ritualistes en matière de PRC
(11 sur les 16 sont dans cette catégorie). Ceci semble confirmer l’absence de nécessité de
développer une communication particulière et proactive en matière de PRC lorsque les
décisions sont influencées par certains actionnaires particuliers.
155
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
stratégiques de la France sont alors souvent invoqués, comme nous le verrons dans notre
étude longitudinale du chapitre 4.
On peut également attendre des entreprises les plus importantes en termes de taille et de
réputation une attitude de communication plus opportuniste. La présence de l’entreprise, cotée
au SBF 250, au sein de l’indice CAC 40 est un médiateur à la fois de sa taille (exprimée par sa
capitalisation boursière), de sa réputation et du nombre d’analystes et d’observateurs qui
suivent l’évolution de son cours et sa communication financière. On s’attend donc à trouver
une majorité d’entreprises du CAC 40 parmi les entreprises opportunistes de notre
échantillon, et c’est effectivement le cas (70%). Les sociétés du CAC 40 sont en revanche
sous-représentées (44% pour une moyenne de 59% pour l’échantillon global) au sein des
entreprises dont la position de communication est instable.
Les déterminants suggérés par la littérature sont également liés à des caractéristiques
intrinsèques des entreprises.
Les facteurs internes considérés sont la profitabilité dans l’année de l’annonce de PRC
(influence de la performance), la portée de l’annonce (PRC qui implique toute l’entreprise ou
seulement une branche), l’expérience de l’entreprise en matière de PRC et la présence d’un
nouveau dirigeant (dans le trimestre précédant l’annonce). Différents facteurs internes ont été
testés.
156
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
à être opportuniste lorsque le nombre de personnes touchées par les mesures de PRC
annoncées est plus important.
D’autre part, la situation économique difficile dans laquelle est l’entreprise au moment de
l’annonce est également un facteur qui favorise une position de communication opportuniste :
55% des sociétés opportunistes (11 sur 20) ont un résultat déficitaire l’année de l’annonce,
alors que 77% des sociétés ritualistes ont un résultat net bénéficiaire la même année. Le fait
d’être dans une situation de crise semble donc favoriser une communication plus développée,
plus précise, susceptible de rassurer les marchés financiers et les autres parties prenantes sur
les mesures prises et les plans d’actions qui seront réalisés. Ceci rejoint les travaux sur les
alertes sur résultats , et en particulier ceux de Helbok & Walker (2003) soulignant
l’importance pour l’entreprise de gérer « avec soin » ces annonces pour préserver la confiance
des investisseurs, et en particulier des investisseurs individuels.
157
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
dans notre échantillon (40% versus 45,5%), mais avec un faible écart, et c’est parmi les
sociétés « instables » que la proportion de sociétés avec de l’expérience en PRC est la plus
importante, ce qui est une tendance difficile à interpréter.
Enfin, le dernier facteur interne testé est la présence ou non d’un nouveau dirigeant à la tête
du groupe (dans le trimestre précédant l’annonce de PRC). 10 entreprises de notre échantillon
ont en effet à leur tête un nouveau dirigeant au moment de l’annonce. Pour 2 d’entre elles,
Alstom et Gemplus, pour lesquelles plusieurs annonces de PRC successives ont été faites, le
changement de dirigeant est intervenu lors de l’échec des premières mesures annoncées. Ce
fait semble donc confirmer le fait que les contre-performances d’une entreprise sont souvent à
l’origine du départ d’un dirigeant (Pigé, 1996 ; Caby & Hirigoyen, 2001). Certaines études
empiriques (Bonnier & Bruner, 1989 ; Frydman & Singh, 1989) ont montré que les marchés
financiers saluent positivement le départ d’un dirigeant au sein d’une entreprise en difficulté,
alors que les travaux empiriques sur la perception du marché aux annonces du changement de
dirigeant concluent à une absence de réaction boursière significative ou à une réaction mitigée
(Beatty & Zajac, 1987, Lutbakin & al., 1989).
Au-delà de l’image instantanée que peuvent donner les études d’évènements qui sous-tendent
ces résultats, on peut mettre en évidence au le parcours particulier de certains dirigeants au
sein de plusieurs des firmes de notre échantillon :
Patrick Kron a ainsi passé de nombreuses années dans le groupe Pechiney, dont il a dirigé
la branche emballages jusqu’en janvier 1999. Membre du comité exécutif du groupe
depuis 1993, il a été aux première loges pour participer au programme Challenge. Il a
ensuite dirigé Imétal, devenue Imérys, où des « actions énergiques sur les coûts » sont
menées jusqu’en novembre 2002. Il est ensuite élu PDG d’Alstom après la démission de
Pierre Bilger suite au constat d’échec du plan « Restore Value » annoncé en mars 2002
Thierry Breton rejoint le groupe informatique Bull en 1993 et en devient le numéro deux.
Il travaille avec J.M. Descarpentries, « patron de choc », « redresseur de Bull »163 qui a
taillé largement dans les effectifs et l’a initié aux vertus du benchmarking (M.
Descarpentries préside Ingenico, autre entreprise de notre échantillon, de juillet 2003 à
163
« Le redresseur de Bull », La Tribune, 5/9/1997
158
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
Ces deux exemples permettent de s’interroger sur le rôle que jouent ces patrons sur le choix
de l’annonce et de la mise en œuvre d’une PRC. Sont ils choisis pour mettre en place une
PRC, comme des « patrons Zorro 165» chargés de sauver l’entreprise par les vertus de leur
propre image de redresseur d’entreprises, ou bien annoncent –ils, une fois nommés, une PRC
parce que c’est une politique qu’ils ont déjà vu appliquer et qu’ils reproduisent en utilisant
leur expérience passée en la matière ? Les analyses menées dans ce chapitre ne nous
permettent pas de répondre à ces questions, et nous les aborderons à nouveau au chapitre trois
lorsque nous nous tournerons vers un autre cadre théorique pour appréhender notre
problématique de communication en matière de PRC.
Nos résultats sur les liens entre caractéristiques des sociétés et les positions de communication
peuvent donc être synthétisés sur le tableau 11 (page suivante).
A l’exception de l’expérience en matière de PRC, pour laquelle les résultats sont difficilement
interprétables, tous les antécédents du modèle de GRW adapté aux annonces de PRC
semblent avoir une influence sur la position de communication. C’est le cas de la structure de
l’actionnariat, aussi bien en termes de concentration que de type d’actionnaires
majoritairement représentés. L’actionnariat dispersé semble ainsi favoriser une position de
communication opportuniste, ainsi que la présence de l’Etat au capital. Les sociétés qui
figurent au CAC 40 sont également surreprésentées au sein de la catégorie « opportuniste ».
Les sociétés contrôlées par un actionnariat familial semblent plus portées à une
164
« Ombres et lumière de Thierry Breton », L’Expansion, 1/10/2002
165
« Les nouveaux patrons Zorro », Yves de Kerdrel, Les Echos, 10/05/2002
159
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
L’étendue de la PRC (globale ou partielle) ainsi que la présence d’un nouveau dirigeant dans
l’entreprise joueraient également un rôle dans la position de communication de l’entreprise
qui annonce une PRC.
Position
Opportuniste Ritualiste Instable
Caractéristiques
Contrôle actionnarial Indépendance Contrôle Indépendance
Une extension de l’échantillon à une population d’entreprises plus importante devrait ainsi
permettre de tester statistiquement de façon plus fine l’influence de ces facteurs sur la position
de communication des entreprises en matière d’annonces de PRC.
160
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
Notre chapitre deux portait sur les annonces de PRC en tant qu’élément de la communication
financière volontaire des entreprises françaises cotées. Nous avons effectué une revue de
littérature des études portant sur la divulgation financière volontaire dans le cadre théorique
général de la TPC et de la théorie du signal, pour mettre en évidence à la fois les avantages
attendus par les entreprises et leurs dirigeants d’une information financière additionnelle et les
déterminants de ces divulgations volontaires.
Nous avons ensuite adapté le modèle de Gibbins, Richardson et Waterhouse (« GRW », 1990)
aux annonces de PRC. Ce modèle de communication financière volontaire est fondé sur une
synthèse de la littérature concernant la publication volontaire. Le modèle prédit l’existence de
deux positions de communication : ritualisme et opportunisme, influencées par des
antécédents internes et externes. La position de communication détermine le type de
publication émis.
Après avoir adapté le modèle au contexte français et aux annonces de PRC, nous l’avons testé
de façon empirique. Pour ce faire, nous avons constitué, à partir d’une collecte d’articles de
presse effectuée grâce à la base de données Factiva, un échantillon de 89 communiqués de
presse d’annonces de PRC pour 51 entreprises cotées au SBF 250. Pour établir la position de
communication de chaque entreprise, nous avons établi un score à partir d’une analyse de
contenu des communiqués financiers annonçant les PRC. La méthodologie de l’analyse de
contenu, effectuée en utilisant le logiciel Sphinx Lexica et une analyse plus qualitative, a été
détaillée de façon à garantir le caractère reproductible de nos travaux.
Ces travaux empiriques nous ont permis de mettre en évidence non seulement deux positions
de communication volontaires, qualifiées d’opportuniste et de ritualiste conformément au
modèle de GRW (1990,1992), mais également une troisième catégorie d’entreprises avec une
position de communication instable. Si le modèle laisse la place à des variations entre ces
deux pôles, il postule une position de communication dominante. Dans les cas concernés,
nous ne pouvons conclure, car nous sommes face à deux communiqués appartenant chacun à
161
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
un pôle, et il faudrait prolonger encore la période de l’étude sur le sujet des PRC pour pouvoir
déterminer une tendance plutôt opportuniste ou plutôt ritualiste des 9 entreprises concernées.
Ceci incite à privilégier une approche longitudinale du phénomène de la communication sur
les PRC, suivant les recommandations de Tucker (2005) sur les avertissements sur résultats.
Une vision limitée aux annonces ne permet pas d’éclairer suffisamment le discours des
entreprises sur leurs PRC, et nous étudierons ainsi au chapitre 4 le discours de ces entreprises
sur les réalisations effectives de ces politiques, en abordant une perspective dynamique et
longitudinale.
D’autre part, de manière similaire aux travaux sur le downsizing (Appelbaum et al. 1999 ; Mc
Kinley & al.1995, Cameron et Freeman, 1993), le recentrage (Batsch, 2002) ou les
restructurations (Séverin, 2006), nos travaux montrent que les annonces de PRC concernent
aussi bien des sociétés bénéficiaires que déficitaires. Le phénomène des PRC est bien de ce
point de vue comparable à des concepts voisins : une politique de réduction des coûts peut
être proactive ou réactive, et toucher tout ou partie de l’entreprise qui l’annonce.
Selon la situation dans laquelle se trouve l’entreprise, l’annonce d’une PRC est une mauvaise
nouvelle pour certaines parties prenantes, mais souvent une bonne nouvelle pour les marchés
financiers. Dans certains cas, l’annonce de PRC accompagne une alerte sur les résultats, ce
qui est souligné par la presse économique. Ainsi à titre d’exemple, un article titre : « Pechiney
166
tempère un avertissement sur résultats par des réductions de coûts » , avec le sous-titre
suivant : « De l’art de faire avaler aux investisseurs la pilule d’un avertissement sur
résultats ». Ce type de commentaire laisse entendre que les investisseurs considèrent les
réductions de coûts comme une bonne nouvelle susceptible de compenser au moins en partie
la mauvaise nouvelle constituée par un avertissement sur résultats, et que la communication
volontaire de Péchiney sur cette nouvelle PRC (il s’agit du programme Progrès Continu, qui
figure dans notre échantillon) correspond à une communication opportuniste.
162
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
ainsi qu’une situation déficitaire jouent également vraisemblablement un rôle favorable dans
l’élaboration d’une communication opportuniste sur les PRC. Les entreprises du CAC 40,
très soumises aux observations, penchent plutôt pour une communication opportuniste, ce
qui rejoint les résultats de Labelle & Schatt (2005) sur l’utilisation de la communication
financière des dirigeants de ces entreprises pour se dédouaner vis-à-vis des acteurs des
marchés financiers. Ce dédouanement passe également par un enchainement de communiqués
et de réactions des marchés financiers, relayés par les dépêches qui font circuler les
informations entre entreprises et analystes, comme nous l’avons vu dans le cas de Renault.
Enfin, la nomination d’un nouveau dirigeant semble de nature à favoriser une communication
opportuniste sur les PRC. Or la nomination de ces dirigeants va parfois de pair avec une
diffusion élargie des pratiques de PRC, ce qui pose la question de l’existence de phénomènes
de mimétisme à l’œuvre dans les entreprises concernées.
Malgré les résultats obtenus dans ce second chapitre, ce premier cadre théorique de la TPC et
de la publication volontaire ne permet pas d’éclairer toutes les questions posées au chapitre
un, et en particulier le pourquoi et le comment de l’adoption des PRC.
D’autre part, la lecture des articles de presse et des réactions des analystes aux annonces de
résultats ou de plans stratégiques montrent une attente des analystes et une pression vers
l’adoption, réelle ou annoncée, de ce type de politique. L’exercice de ces pressions et les
mécanismes d’adoption de nature mimétique sont au cœur des approches néo-
institutionnelles. Le chapitre trois s’intéresse donc à l’institutionnalisation des pratiques de
réduction des coûts, avec une observation de ces politiques à travers les discours sur les
pratiques. Le niveau d’analyse, passe ainsi d’un niveau de discours « micro » (discours émis
par les entreprises) à un niveau de discours « macro » (discours émis par l’environnement
institutionnel des entreprises cotées). La prise en compte de l’environnement socio-
économique dans lequel évoluent les entreprises cotées – via l’observation du discours sur les
PRC à un niveau « macro » - permettra ainsi une meilleure compréhension de notre objet de
recherche.
Une partie des mots ou expressions relevées dans notre analyse de contenu du chapitre deux
s’inscrivent en effet dans un discours plus large qui porte sur les performances des entreprises
et leurs pratiques en matière de PRC. Les discours des entreprises sur leurs PRC sont destinés
163
Chapitre 2 : L’annonce de PRC : une divulgation volontaire d’information financière
aux investisseurs et plus largement aux parties prenantes de l’entreprise, et constituent une
réponse aux pressions exercées sur elles par leur environnement institutionnel.
164
CHAPITRE 3
165
Figure 14: Positionnement du chapitre 3 dans la démarche de recherche
Délai : Délai :
E Annonce (s) Mise en œuvre Résultat
V De PRC (1) quelques De PRC (2) de la PRC
E 2-3 ans
mois
N
E
M
E
N Chapitre Chapitre
T 2 4
Interactions
Interactions
Intertextualité
Intertextualité entre discours
Entre discours micro et macro
micro et macro
Chapitre
3
M
A DISCOURS EMIS PAR L’ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL (Niveau MACRO)
C Etude empirique
R
Communiqués de presse, présentations, articles de presse, livres de management, conférences..
O
Méthodologie
Analyse de discours
166
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Le chapitre trois est organisé de la façon suivante : une première section présente le cadre
théorique de la théorie néo-institutionnelle (ou TNI) et une revue de la littérature concernant
la légitimité organisationnelle, le rôle des systèmes comptables ainsi que les effets de mode
managériale. Une seconde section présente la méthodologie de l’analyse des discours sur les
PRC, effectuée suivant le modèle discursif d’institutionnalisation proposé par Phillips & al.
(2004). La troisième section se consacre à la présentation des résultats de l’analyse des
pressions qui s’exercent sur les entreprises via les discours pour l’annonce et l’adoption de
PRC.
Les approches contingentes en théorie des organisations, qui prédominent dans la décennie
qui précède ces deux articles, expliquent l’émergence de la structure formelle rationnelle des
organisations par le fait que c’est la réponse la plus efficace pour contrôler et coordonner les
réseaux complexes de relations induites par l’environnement moderne. L’organisation est
efficace si elle parvient à rendre compatibles sa stratégie, sa structure, la technologie
(Woodward, 1965), les besoins de ses membres et le milieu environnant (Burns & Stalker,
1961 ; Lawrence et Lorsch, 1967).
Meyer & Rowan (1977) et DiMaggio & Powell (1983) opèrent une rupture avec cette
approche en tentant d’expliquer la propension des organisations à se ressembler et à adopter
des structures formelles similaires. Ils mettent en valeur d’autres phénomènes que la
recherche d’efficience dans les mécanismes d’adoption de pratiques ou de structures
organisationnelles. L’étude de ces phénomènes passe en particulier par une étude des
167
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
structures formelles et des mythes (1.1) et des pressions isomorphiques (1.2) que subissent les
organisations. Ces mécanismes permettent d’expliquer la diffusion et l’adoption de certaines
pratiques managériales comme les PRC à travers d’autres voies que la seule recherche de
l’efficience économique.
Meyer & Rowan (1977) soulignent le rôle prégnant des mythes générant des organisations
formelles rationalisées dans les sociétés modernes. L’environnement dans lequel une
organisation évolue n’est pas seulement un environnement technique, mais également un
environnement institutionnel. « L’environnement technique met l’accent sur une rationalité
qui vise à faire correspondre moyens et fins afin d’aboutir au résultat attendu.
L’environnement institutionnel implique une rationalité cognitive : fournir des éléments qui
permettent de rendre les actions passées compréhensibles et acceptables pour les autres et
qui rendent l’organisation comptable de ses actions passées » (Scott & Meyer, 1991, p.124).
Meyer et Rowan démontrent que les produits, les pratiques et les politiques institutionnalisées
fonctionnent « comme des mythes puissants, et que de nombreuses organisations les adoptent
selon le cérémonial d’usage » (1977, p.340), malgré le fait que cette conformité soit souvent
en conflit avec les critères d’efficacité. Du fait de la spécialisation progressive des institutions,
les univers institutionnels requièrent des légitimations d’ordre cognitif et normatif, c’est-à-
dire des formes symboliques qui permettent leur connaissance et qui leur donnent de la valeur.
Les institutions impliquent inévitablement des obligations normatives, mais elles entrent
souvent dans la vie sociale comme des faits dont les acteurs doivent tenir compte.
L’institutionnalisation comprend des mécanismes par lesquels les processus sociaux prennent
un statut de quasi-règle dans la pensée et l’action sociale. Ces règles peuvent être considérées
168
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Les institutions rationalisées créent ainsi des mythes de structure formelle169 qui façonnent les
organisations et en retour ces mythes donnent aux organisations de nouvelles opportunités de
développement. Cependant, si les mythes établis ont une certaine dimension statique, due à
leurs effets de stabilisation, les organisations sont aussi le lieu d’émergence ou de déclin de
certains mythes, ou encore d’une institutionnalisation incomplète (Tolbert & Zucker, 1996).
167
Ainsi, un signe « interdiction de fumer » est une institution avec un statut et des implications légales, aussi
bien qu’une tentative de réguler le comportement des fumeurs (Meyer & Rowan, 1977).
168
Une organisation étant ici un instrument technique élaboré pour mobiliser des énergies humaines, un outil
rationnel.
169
Par exemple, la professionnalisation de l’économie a conduit à l’incorporation de groupes d’économistes et
d’économètres dans les grandes entreprises. Même si elles ne sont ni lues ni utilisées, les analyses économiques
aident à la légitimation de l’entreprise et peuvent fournir aux managers des comptes-rendus rationnels en cas
d’échec.
170
D’après Weick (1976), le couplage lâche (« loose-coupling ») est une situation dans laquelle les éléments
s’affectent les uns les autres de manière négligeable et indirectement plutôt que directement et de manière
significative, tout en préservant des identités séparées.
169
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
L’étude de la diffusion et de l’adoption des PRC passera donc par une étude de
l’environnement institutionnel dans lequel évoluent les entreprises françaises cotées.
1.1.2 Le découplage
Les structures formelles doivent donc être distinguées de l’activité quotidienne des entreprises
et l’écart existant entre l’organisation formelle et les pratiques réelles au sein des entreprises
est appelé découplage171. Le découplage est une façon de résoudre les conflits inévitables
entre les exigences des éléments cérémoniels auxquels l’organisation souhaite se conformer et
les exigences techniques de contrôle et de coordination des activités réelles de l’entreprise. Il
permet aux organisations de maintenir des structures formelles standardisées et légitimées, et
d’avoir une réalité opérationnelle variée en fonction des services et des contraintes techniques
réelles. L’apparence est maintenue par des pratiques de management ritualisées, dans
lesquelles chacun agit en confiance et de bonne foi, et ne fait pas seulement semblant
d’adhérer à un cérémonial de façade.
Orton & Weick (1990) distinguent le découplage et le « couplage lâche ». Le découplage est
une situation dans laquelle à la fois les propriétés symboliques de l’organisation et les
processus de travail instrumentaux sont distincts et déconnectés l’un de l’autre, chacun
préservant son identité propre. Par contraste, ils définissent le « couplage lâche » comme une
situation dans laquelle les étalages symboliques et les processus de travail préservent toujours
leur identité propre mais sont aussi influencés l’un par l’autre. Le concept est donc un concept
dialectique. L’annonce d’une PRC n’impliquera donc pas nécessairement dans ce cadre la
mise en œuvre effective d’une PRC : il peut y avoir découplage total (annonce sans mise en
œuvre) ou couplage lâche entre l’annonce et la réalisation effective.
Une partie des études dérivées de la TNI s’intéresse aux mécanismes qui expliquent
l’adoption de structures similaires au sein d’un même champ organisationnel, notion
d’isomorphisme développée par DiMaggio & Powell (1983).
171
Egalement traduit en français par « dissociation », dans la version française de La société de l’audit de Power
(2005).
170
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Cette unité intermédiaire d’analyse est définie comme « les organisations qui, dans
l’ensemble, constituent un domaine de la vie institutionnelle : fournisseurs clés,
consommateurs de ressources et de produits, agences de régulation, et toutes les
organisations qui produisent des services ou des biens similaires » (DiMaggio & Powell,
1983, p.148). Cette notion doit permettre de couvrir l’ensemble des acteurs pertinents dans un
domaine, et pas seulement les firmes concurrentes comme dans la théorie de l’écologie des
populations de Hannan & Freeman (1977). Les pressions isomorphiques s’exercent
l’intérieur d’un champ organisationnel, et c’est à ce niveau que nous allons étudier les
pressions qui s’exercent sur les entreprises cotées pour adopter des « bonnes pratiques » et
annoncer des PRC.
L’idée de champ reconnaît l’importance à la fois des notions de connections172 entre les
entreprises qui peuvent être organisées en réseaux plus ou moins étroits et l’idée
d’équivalence structurelle173 (White & al. 1976). Lorsqu’un champ organisationnel se
structure, malgré les changements qui peuvent intervenir (nouveaux entrants par exemple), sur
le long terme, les acteurs organisationnels se construisent un environnement qui contraint leur
possibilité de changer dans les années futures.
Les champs organisationnels très structurés fournissent un contexte dans lequel les efforts
individuels pour agir de façon rationnelle face à l’incertitude et la contrainte entraînent
souvent l’homogénéité dans la structure, la culture et les résultats des organisations de ce
champ. En particulier, la légitimité organisationnelle est primordiale pour la performance de
la firme et sa survie (Barringer & Milkovich, 1998 ; Eisenhardt, 1988 ; Zucker, 1987). Son
172
Il est ici fait référence à la notion de « connectedness » de Laumann & al.(1978). Cette notion recouvre
l’existence de transactions qui lient des organisations, qu’elles soient issues de relations contractuelles, de
participations communes au sein d’organisations syndicales, professionnelles, de membres communs des
conseils d‘administration ou des liens informels et personnels entre les dirigeants ou les employés.
173
position similaire d’entreprises au sein d’un réseau organisé (si elles ont les mêmes liens avec le même type
d’organisations, deux entreprises seront structurellement équivalentes).
171
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
risque de faillite est moindre si elle se conforme par son comportement aux valeurs des
acteurs de son champ (Baum & Oliver, 1991 ; DiMaggio & Powell, 1983 ; Meyer & Rowan,
1977). L’isomorphisme institutionnel explique ainsi les dynamiques de structuration et
d’homogénéisation des champs organisationnels.
Pour gagner de la légitimité, les organisations répondent aux forces institutionnelles qui
émanent de sources telles que les apporteurs de capitaux, les clients, ou les agences de
régulation et de normalisation en adoptant la même forme organisationnelle (DiMaggio &
Powell, 1983 ; Greenwood & Hinings, 1996). Ce processus d’homogénéisation, connu sous le
nom d’isomorphisme (Hawley, 1950), pousse une organisation au sein d’une population à
ressembler aux autres organisations qui font face au même ensemble de circonstances
environnementales (DiMaggio & Powell, 1983).
174
Deux types d’isomorphismes existent : l’isomorphisme concurrentiel et l’isomorphisme
institutionnel. Ce dernier tient compte de la concurrence que se livrent les organisations non
seulement pour les ressources et les clients, mais aussi pour le pouvoir politique et la
légitimité institutionnelle, pour l’aptitude sociale aussi bien qu’économique. Trois
mécanismes sont à l’œuvre dans l’isomorphisme institutionnel : l’isomorphisme coercitif,
l’isomorphisme mimétique et l’isomorphisme normatif.
L’isomorphisme coercitif « résulte des pressions formelles et informelles exercées sur les
organisations par les autres organisations dont elles dépendent et par les attentes culturelles
de la société dans lesquelles les organisations fonctionnent » (DiMaggio & Powell, 1983,
p.150). Ces pressions peuvent provenir de contraintes légales ou politiques (Meyer & Rowan,
1977 ; Tolbert & Zucker, 1983). Ces pressions peuvent également être issues des attentes
culturelles d’une société (Huault, 2002), avec un mode de coercition plus subtil. En
conséquence, les organisations deviennent de plus en plus homogènes dans certains domaines
et de plus en plus organisées autour de rituels de conformité à des institutions plus larges.
174
C’est de ce type d’isomorphisme que traitent les travaux sur l’écologie des populations (Hannan et Freeman,
1977), qui posent un système de rationalité qui met l’accent sur la compétitivité des firmes au sein d’un marché
concurrentiel.
172
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Les processus mimétiques sont liés à l’incertitude. Les avantages d’un comportement
mimétique dans l’économie de l’action humaine sont considérables, face à un problème dont
les origines sont ambiguës et dont la solution est hasardeuse ou difficile à trouver. En effet,
comme l’ont montré les travaux de Cyert & March (1963), la firme est une organisation
complexe, lieu de processus de prises de décision qui relèvent d’un apprentissage collectif.
Face à des situations complexes, une structure organisationnelle donnée tend à améliorer
l’efficacité de ses décisions, donc à favoriser des modalités de prise de décisions plus rapides
et moins coûteuses. La modélisation est ainsi une réponse à l’incertitude. « Les organisations
tendent à se modéliser en copiant des organisations similaires de leur champ qu’elles
perçoivent comme plus légitimes ou plus prospères » (DiMaggio & Powell, 1983, p.152). Les
modèles peuvent se diffuser de façon non intentionnelle, indirecte, à travers le parcours
professionnel d’anciens managers de la firme ou le réseau interpersonnel dans lequel se
trouvent ces managers (Galaskiewicz & Wassermann, 1990), ou de manière organisée et
explicite par des cabinets de conseil ou des associations professionnelles. Le développement
de ces modèles présente des aspects rituels : les firmes adoptent ces innovations managériales,
devenues des pratiques et des procédures dominantes pour augmenter leur légitimité
organisationnelle. Cela les aide à acquérir ensuite des ressources et à survivre (DiMaggio &
Powell, 1983 ; Meyer & Rowan, 1977 et 1991). L’isomorphisme affecte les caractéristiques
organisationnelles comme les structures et les pratiques (Meyer & Rowan, 1977 et 1991 ;
Tolbert & Zucker, 1983).
175
La définition de la professionnalisation, dérivée des travaux de Larson (1979) et de Collins (1979) est la
suivante : « une lutte collective des membres d’une profession pour définir les conditions et les méthodes de leur
travail, de contrôler la « production de producteurs », et d’établir une base cognitive commune et une
légitimation de leur autonomie professionnelle » (DiMaggio & Powell, 1983, p.152).
173
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
particulièrement importantes (Collins, 1979). Dans la mesure où les managers et les dirigeants
sont issus des mêmes universités ou écoles, et sont filtrés sur la base d’un ensemble de
caractéristiques communes, ils auront tendance à avoir la même vision des problèmes, à
utiliser les mêmes règles, procédures et structures normatives et légitimées, et à approcher les
décisions d’une manière similaire.
Sous l’influence de ces trois types d’isomorphisme, les entreprises peuvent adopter certaines
formes organisationnelles, pour signaler leur légitimité, parce que les « organisations qui
intègrent dans leur structure formelle des éléments socialement rationalisés et légitimés
maximisent leur légitimité et accroissent leurs ressources et leur possibilités de survie »
(Meyer & Rowan, 1977, p.352). Parmi ces structures figure le conseil d’administration, dont
le prestige renforce la légitimité organisationnelle176. Pfeffer & Salancik notent que « des
personnes prestigieuses ou légitimes ou des organisations représentées dans le conseil
d’administration focal de l’organisation fournissent une confirmation au reste du monde de la
valeur et du mérite de l’organisation » (1978, p.145). Les dirigeants d’entreprise avec une
forte visibilité auront souvent leur stature renforcée par leur participation au conseil
d’administration d’autres organisations, à des organisations professionnelles ou leur
consultation par des agences gouvernementales.
Enfin, « on peut attendre de chacun de ces processus isomorphiques qu’il agisse même en
l’absence de preuves qu’il augmente l’efficacité interne de l’organisation » (DiMaggio &
Powell, 1983, p.153). L’efficacité de l’organisation peut être accrue parce que l’organisation
aura été récompensée d’avoir adopté une structure ou des pratiques similaires à celles de son
champ, par un accroissement de sa réputation ou de sa légitimité. Les trois processus ne sont
pas toujours faciles à distinguer de façon empirique, en particulier s’ils opèrent
simultanément.
Les articles fondateurs de la TNI ont parfois été très critiqués en raison du caractère jugé trop
« mécaniste » de l’adoption isomorphique des structures par les organisations. Mizruchi &
Fein (1999) montrent que la TNI est elle-même socialement construite par les travaux de
recherche américains : parmi les trois formes proposées d’isomorphisme, la plupart des
articles traitent de mimétisme, ce qui est en accord avec le discours dominant dans la
recherche organisationnelle américaine qui valorise l’approche cognitive et sous-évalue les
176
Les résultats empiriques sont cependant sur ce point parfois contradictoires (Certo, 2003), ce qui peut
s’expliquer par une opérationnalisation empirique parfois sommaire du prestige du Conseil
174
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Scott (1987), considérant que les arguments institutionnels seuls ne pouvaient expliquer tous
les comportements organisationnels, a plaidé pour une position de complémentarité de la TNI
avec d’autres perspectives organisationnelles. Une vue plus complète de l’action
organisationnelle permet de voir les organisations comme encastrées de façon inextricable
dans un système dynamique de processus économiques, institutionnels et écologiques, qui
interagissent entre eux (Granovetter, 1985 ; Oliver, 1996 ; Zukin & DiMaggio, 1990).
Deux niveaux d’environnement institutionnel peuvent ainsi être distingués (Scott, 1987), ce
qui peut aider à rendre opérationnelle la notion de champ organisationnel : l’environnement
large et l’environnement immédiat. Au niveau de l’environnement large, les normes et les
représentations collectives sont générales, et les pressions sont plus diffuses. Dans
l’environnement immédiat, les normes sont plus spécifiques, et les problématiques de
dépendance, de pouvoir et de politique sont prédominantes (Meyer, 1994). Cependant,
l’isomorphisme ne provient pas toujours de l’interaction entre les organisations, mais peut
trouver sa source dans les attentes sociales et culturelles plus larges, et l’effet de ces pressions
177
Ces résultats sont cohérents avec ceux de Usdiken & Pasadeos (1995), qui trouvent que les articles de la revue
européenne Organizational Studies traitent plus souvent de coercition et de pouvoir que la revue américaine
Administrative Science Quarterly.
175
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
peut varier dans le temps. Ces pressions sont particulièrement saillantes à la création des
sociétés, où elles cherchent à acquérir une légitimité du fait de leur nouveauté178.
178
Dacin (1997) montre par exemple que les pressions institutionnelles et les normes sociales ont plus influencé
la langue de publication choisie par les journaux finlandais à leur création que les pressions du marché.
179
Qui répondent notamment aux questions : Qui exerce les pressions ? Pourquoi ? Par quels moyens ? Où ?
Quand ? De quelles pressions s’agit-il ?
176
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
également d’un intérêt tout particulier pour la légitimité organisationnelle vue dans une
perspective managériale, dans laquelle les organisations manipulent de façon instrumentale
des symboles évocateurs propres à recueillir le soutien institutionnel (Pfeffer, 1981 ; Pfeffer &
Salancik, 1978). L’approche néo-institutionnelle adopte une posture plus détachée et souligne
la façon dont une dynamique de structuration des champs organisationnels génère des
pressions culturelles qui transcendent le contrôle calculé d’une seule organisation (DiMaggio
& Powell, 1983 ; Meyer & Rowan, 1991).
Suchman (1995) souligne que les préoccupations divergentes des chercheurs les ont amenés à
considérer que la légitimité se fonde soit sur des appréciations pragmatiques des relations
avec les parties prenantes (une certaine congruence entre l’organisation et son environnement
culturel), soit sur des évaluations normatives de propriété morale, soit enfin sur des définitions
cognitives de justesse et d’interprétabilité (Aldrich & Fiol, 1994). Il donne une définition de la
légitimité qui synthétise ces différents angles de vision :« la légitimité est la perception ou la
présomption généralisée que les actions d’une entité sont désirables, adéquates, ou
appropriées à l’intérieur d’un système social construit de normes, valeurs, croyances et
définitions » (Suchman, 1995, p.574).
Il se place ainsi à mi-chemin entre la vision stratégique de la légitimité comme une ressource
opérationnelle que les organisations extraient de leur environnement et qu’elles emploient
pour poursuivre leurs objectifs, et la vision institutionnelle dans laquelle la légitimité est un
ensemble de croyances constitutives. Mais cette définition large recouvre les trois grands
177
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
types de légitimité que l’on peut aborder, chacune reposant sur une dynamique différente : la
légitimité pragmatique repose sur une approche calculatoire de ses intérêts par le public
immédiatement touché par les activités de l’organisation, la légitimité morale reflète une
évaluation normative des activités de l’organisation (Aldrich & Fiol, 1994), et la légitimité
cognitive dont les soubassements sont souvent implicites. Ces légitimités reposent bien
souvent sur une évaluation discursive : « les auditoires arrivent à une évaluation coûts –
bénéfices et à des jugements éthiques largement à travers des discussions publiques
explicites, et les organisations peuvent souvent gagner la légitimité pragmatique et morale en
participant vigoureusement à ces dialogues » (Suchman, 1995, p. 585).
C’est la multiplicité des dynamiques de la légitimité qui procure une certaine latitude aux
managers pour manœuvrer de façon stratégique à l’intérieur de leur environnement culturel
(Ashford & Gibbs, 1990 ; Oliver, 1991). Les moyens qu’ils ont à leur disposition pour ce faire
sont à la fois substantiels et symboliques, et leur combinaison dépend de l’objectif de ces
managers : étendre, maintenir ou défendre la légitimité de l’organisation, en se gardant de
« manifester trop fort » pour ne pas être contreproductif (Ashford & Gibbs, 1990).
D’autre part, la gestion de la légitimité repose en grande partie sur la communication vers
différents auditoires (Elsbach, 1994), à la fois par des discours traditionnels et par une grande
variété d’actions chargées de sens et d’affichages non verbaux.
178
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Les managers des organisations sont engagés dans diverses activités qui peuvent être vues
comme symboliques : la restructuration des activités, les cérémonies de succession, le
développement d’un langage spécifique, et la conception de leur cadre de travail (Pfeffer,
1981). Les managers utilisent communément ces activités symboliques pour influer sur les
images de leur organisation et sur leurs membres en fournissant des « explications, des
rationalisations, des légitimations des activités entreprises par leurs organisations » (Pfeffer,
1981, p.4). La légitimité organisationnelle constitue une des images principales de ce
management symbolique.
Elsbach & Sutton (1992) suggèrent que la gestion de la légitimité repose à la fois sur la
légitimité organisationnelle et sur la légitimité personnelle des dirigeants. Ceux-ci agissent en
jouant activement des rôles, en expliquant publiquement leurs actions et celles de leur
organisation après certains évènements, dans des techniques quasi-théâtrales de « gestion de
l’impression » (Goffman, 1973 ; Schlenker, 1980 ; Tedeschi, 1981). Elsbach & Sutton (1992)
montrent comment les actions illégitimes attribuées aux représentants de certaines
associations (comme l’activisme des membres d’Act Up qui ont occupé illégalement des
bureaux de représentants gouvernementaux ou badigeonné en rouge des monuments pour
symboliser le sang des victimes du Sida) peuvent finalement permettre aux organisations
d’acquérir de la légitimité. Celle-ci s’appuie sur les récits élaborés, en faisant référence à des
structures et des procédures organisationnelles qui augmentent la crédibilité de leurs
interprétations. Cette conjonction de théories peut permettre selon Elsbach (1994) de
représenter les deux dimensions du modèle du symbolisme organisationnel de Daft (1983) :
• les théories de la gestion de l’impression se centrant sur la dimension « expressive »
qui sert « à clarifier et structurer les perceptions des actions managériales et
organisationnelles »,
179
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
L’étude des déclarations de trois organisations suite à des évènements controversés (Elsbach,
1994) suggère que les discours qui combinent la reconnaissance des faits avec des références
à des caractéristiques largement institutionnalisées sont les plus efficaces pour protéger la
légitimité organisationnelle. Les déclarations sont construites pour fournir des explications
jugées logiques, crédibles et adaptées aux attentes du public concerné.
Les systèmes comptables (au sens large) font partie des systèmes d’information dont se dotent
les organisations. Dans une vision traditionnelle du contrôle, l’information obtenue aide les
managers dans leurs prises de décision en réduisant l’incertitude (Anthony & Dearden, 1976).
Dans cette optique, « plus l’incertitude de la tâche est grande, plus grande est la quantité
d’information qui doit être traitée entre les preneurs de décision pendant l’exécution de la
tâche afin d’atteindre un niveau de performance donné » (Gailbraith, 1977, p.36). Cependant,
les systèmes d’informations fournissent souvent une masse d’informations qui n’est pas
systématiquement utilisée dans la prise de décision, malgré de nombreuses demandes
d’information supplémentaire (Feldman & March, 1981). Les aspects visibles de collecte et
de stockage d’information sont en effet utilisés par les managers comme des mesures
implicites de la quantité et de la qualité des informations détenues et utilisées. Ces symboles
de compétence sont simultanément des symboles d’efficacité sociale, et trouvent une partie de
leur justification dans ce rôle. « La croyance dans le caractère approprié de la décision, le
processus grâce auquel les décisions sont prises, et les rôles joués par les différents acteurs
sont un élément clé de notre structure sociale » (Feldman & March, 1981, p.178). La
reconnaissance rituelle des valeurs essentielles célèbre une interprétation partagée et
collective de la réalité de l’organisation (Berger & Luckman, 1966). L’information est ainsi
180
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
utilisée comme un signal, et sa signification symbolique est étroitement liée aux normes,
valeurs et croyances sociales qui comprennent un large engagement envers la raison et le
discours rationnel. Dans un tel cadre d’analyse, « les systèmes comptables sont parmi les
conventions les plus importantes connectant les systèmes de croyance institutionnellement
définis avec les activités techniques » (Scott, 2003, p.139).
Un examen de la littérature sur les systèmes comptables dans le cadre de la TNI fait apparaître
une diversité de thématiques qui conforte cette déclaration de Scott.
THEME AUTEURS
Carpenter & Feroz (1992, 2001)
L’élaboration et l’adoption de normes comptables Forgarty (1992)
Kadharoo (2005)
Mezias & Scarselletta (1994)
Touron (2002, 2005)
Abernethy & Chua (1996)
L’adoption de systèmes de contrôle de gestion Covaleski & al. (1993)
Covaleski & Dirsmith, (1988 a) et b))
Dambrin, Lambert & Sponem (2005)
Gehrke & Zarlowski (2003)
Modell (2003, 2004)
L’adoption d’outils de calcul de coûts Ahmed & Scapens (2003)
Lemarchand & Le Roy (2000)
Les publications d’informations financières Chalmers & Godfrey (2004)
Rahaman, Lawrence & Roper (2004)
Le reporting financier Mezias (1990)
Les analystes financiers Fogarty & Rogers (2005)
Carpenter & Dirsmith (1993)
L’audit Dirsmith, Fogarty & Gupta (2000)
Fogarty (1992, 1996)
Power (1996, 1997, 2003)
Une partie de ces travaux observent « la façon dont les systèmes comptables dans leur sens le
plus large fonctionnent souvent plus pour légitimer le comportement individuel et
organisationnel que pour appuyer une prise de décision efficiente et rationnelle » (Power,
2003, p.379).
Ils s’inscrivent dans une vision de la comptabilité différente de celle de la vision traditionnelle
vue au chapitre 2, celle d’une information utile pour la prise de décision économique de
181
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Dans cette optique, les systèmes comptables ne sont pas le reflet des besoins internes de
l’organisation, mais servent surtout à afficher une certaine rationalité qui permet d’être
légitime au sein de l’environnement institutionnel.
Abernethy & Chua (1996) montrent que le système de contrôle organisationnel n’est pas
seulement tributaire de l’environnement technique de l’organisation mais aussi de son
environnement institutionnel. Ce système est une combinaison de mécanismes de contrôle
conçus et mis en œuvre par le management pour augmenter la probabilité que les acteurs se
comportent d’une façon cohérente avec les objectifs de la coalition organisationnelle
dominante (Otley& Berry, 1988 ; Flamholtz & al. 1985). L’organisation étudiée par
Abernethy & Chua (1996) est un hôpital. Sous les pressions de son environnement, il change
de structure de gouvernance, puis fait la promotion d’une nouvelle culture de gestion des
ressources, intègre progressivement des problématiques budgétaires et finalement développe
un système de calcul des coûts. Ce système n’est pas utilisé d’abord pour améliorer
l’efficience de l’hôpital, mais comme un symbole de la légitimité du PDG, un signal vis-à-vis
du ministère que la gestion des ressources est devenue la priorité. Par un processus de
reconstruction et de rationalisation, « un changement comptable qui avait commencé sa vie
comme une réponse opportuniste à un encouragement institutionnel fut présenté comme un
choix rationnel ex ante » (Abernethy & Chua, 1996 ; p.592).
Modell (2004) s’intéresse au processus de changement de mythes dans le secteur public, dans
lequel le modèle multidimensionnel de la performance du Balanced Scorecard (Kaplan &
Norton, 1992, 1996) est un mythe émergent face au mythe de la rationalisation comptable des
services publics. Dans ce processus de changement, il est possible que des mythes
apparemment incompatibles coexistent dans l’organisation181, augmentant l’ambiguïté. C’est
« par l’interaction entre les « mythes fantômes » relativement fermement établis, émanant
180
C’est la vision exprimée dans le cadre conceptuel des normes IFRS par exemple
181
Voir Hedberg & Jönsson (1989) sur la dynamique de changement des mythes et le fait que les mythes ne sont
pas nécessairement découplés de l’action.
182
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
D’autres travaux mettent en évidence le poids de certains acteurs dans les processus
d’institutionnalisation de systèmes de calculs de coûts, plus prégnants que la stricte rationalité
économique des calculs, lors de :
• l’introduction de la méthode des sections homogènes dans le Plan comptable de 1947
en France (Lemarchand & Le Roy182, 2000), « résultat d’un processus
d’institutionnalisation dans lequel interviennent des industriels, des organisations
patronales et l’Etat » (p.102) ;
• la mise en place de calculs de coûts standards à la fin du XIXème siècle en Grande
Bretagne, dans un souhait de rendre l’environnement stable « à travers le pouvoir
collectif de l’industrie, liant ses membres par des accords collectifs et un ensemble de
règles comptables» (Ahmed & Scapens, 2003, p.186) 183.
Dans les deux cas, les pratiques comptables standardisées deviennent un modèle à suivre pour
toutes les organisations et reflètent des comportements cérémoniels encastrés dans une
construction sociale héritée de la guerre. L’utilisation par les groupes professionnels du
langage et des règles de la comptabilité leur ont permis d’exercer un contrôle sur différents
facteurs économiques. En conséquence, les règles et procédures comptables ont bien des
propriétés à la fois instrumentales et cérémonielles. Ils peuvent être mobilisés par certains
acteurs au sein d’un champ organisationnel pour transformer cet environnement et instituer de
nouvelles règles et de nouveaux modèles présentés comme rationnels.
182
A noter que ces auteurs mobilisent et le courant sociologique néo-institutionnel et certains auteurs du courant
économique comme North (1990).
183
Il faut cependant noter que le cadre théorique mobilisé par ces auteurs est celui de l’économie institutionnelle,
avec des auteurs s’appuyant sur les travaux de Commons (1931, 1950), et non pas la théorie sociologique néo-
institutionnelle. Dans cette approche, une institution est vue comme un ensemble de règles et de routines
organisationnelles (Nelson et Winter, 1982) qui permettent aux agents économiques d’agir et au système
économique de fonctionner.
183
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Des débats nombreux ont porté ces dernières années sur l’utilisation de la valeur historique ou
de la juste valeur pour valoriser les actifs des sociétés, avec en filigrane une remise en cause
de la pertinence du modèle comptable pour rendre compte de la valeur des sociétés face à la
montée du concept de « création de valeur ». Power (2001) souligne à cet égard qu’il y a
depuis plusieurs années « une dynamique considérable pour placer la comptabilité financière
à l’intérieur d’un reporting d’entreprise conçu de façon plus large, celui-ci permettant
d’intégrer des narratifs pertinents sur les projets futurs, le capital intellectuel, les relations
avec les clients, en dehors du regard contraignant de l’auditeur. En Grande Bretagne,
l’émergence de l’OFR (Operating and Financial Review) est symptomatique des pressions
croissantes des entreprises pour publier des informations sur les sources de valeur qui
184
FTM ou flow through method aux USA, incorporation en une seule année du crédit d’impôt ITC (crédit
d’impôt sur les investissements) à la date de l’investissement ; la méthode pratiquée précédemment était un
étalement du crédit d’impôt sur plusieurs années.
185
L’APB, Accounting Principles Board, qui sera remplacé par le FASB en 1973.
186
Dans ce modèle, la conception logique de la prise de décision est remplacée alors par un ordre plus temporel,
dans lequel un problème donné peut être résolu par une occasion de choix différente (en fonction des problèmes,
solutions, participants et occasions de choix qui se trouvent en présence à un moment donné).
184
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Ces études montrent donc comment les pressions de l’environnement font évoluer les règles
institutionnelles et les systèmes comptables. Dans ce cadre d’analyse des liens entre contexte
institutionnel et systèmes comptables, certains travaux vont plus loin en étudiant le rôle
potentiel des systèmes comptables en tant qu’instruments de découplage pour l’organisation.
Un des concepts centraux, dans l’approche de Meyer & Rowan est que la structure formelle
de l’organisation, avec son apparence hautement rationalisée est découplée de la pratique
réelle organisationnelle. La structure formelle a beaucoup plus trait à la présentation de
l’organisation en soi qu’à la façon réelle dont les choses arrivent au sein de cette organisation.
Quand le découplage est significatif, c’est-à-dire quand il y a une divergence importante entre
la structure formelle et la pratique organisationnelle, Meyer & Rowan (1977) peuvent
attribuer la diffusion de procédures et de règles rationalisées à des processus culturels plutôt
que techniques. Les procédures rationalisées ne peuvent pas améliorer la performance
organisationnelle si elles n’ont pas d’influence sur la façon dont les choses sont réellement
faites au sein de l’organisation, mais elles peuvent améliorer l’apparence organisationnelle.
Les facteurs techniques et les facteurs institutionnels sont donc considérés séparément, et les
relations entre ces facteurs sont au cœur d’une partie des recherches, qui mettent en évidence
les fondements culturels particuliers qui sous-tendent la rationalité occidentale.
Cette analyse peut être particulièrement pertinente en comptabilité si l’on s’interroge sur
l’utilité des comptes dans la prise de décision. Les théories comptables dominantes affirment
que la comptabilité et les états financiers peuvent aider à une meilleure prise de décision. Si
les comptes sont plus utilisés pour justifier des décisions que pour les générer, ou pour
présenter les décisions comme rationnelles au lieu de les rendre rationnelles, alors nous
pouvons dire que la forme rationalisée de la comptabilité est découplée de la prise de décision
185
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
organisationnelle réelle. Mais comme le souligne Carruthers (1995, p.319), « dans la mesure
où les états financiers sont manifestement manipulables, ou sont considérés comme une
vitrine symbolique, leur crédibilité en tant que mesures « neutres », « impartiales » ou
« objectives » de la performance organisationnelle est atténuée. Quelles que soient les
manipulations comptables pratiquées, elles doivent l’être en coulisses de façon à être
effectives. Il est difficile de maintenir les apparences si le découplage devient trop
transparent. »
Selon les travaux de Westphal & Zajac (1994, 1995, 1998, 2001, 2004), les managers
pourraient satisfaire les demandes des actionnaires en adoptant apparemment des structures de
contrôle externe dans l’intérêt des actionnaires, sans toutefois les mettre en œuvre et en
renforçant ces actions par l’utilisation d’un langage légitimant. Selon eux, dans une hypothèse
de semi-efficience187 des marchés, la valeur de l’action sur les marchés financiers peut être en
partie due aux effets des actions symboliques représentées par l’adoption (et le découplage) de
structures formelles légitimes et par l’utilisation d’un langage socialement accepté. Les
dirigeants gèrent symboliquement les attentes des actionnaires. La réaction des marchés à
l’adoption est positive « que la mise en œuvre soit effective ou pas » (Westphal & Zajac,
1998, p.147). De plus, cette action symbolique est renforcée par le message délivré par les
dirigeants. L’utilisation d’un langage de justification encourage les interprétations les plus
favorables des actions organisationnelles et préempte les interprétations négatives (Goffman,
1971, Pfeffer, 1981, Elsbach & Sutton, 1992). Zajac & Westphal (1995) ont également
montré que les entreprises utilisent couramment de longues explications dans leurs lettres aux
actionnaires en s’appuyant sur la logique de la théorie de l’agence, elle-même
institutionnalisée dans le champ organisationnel des marchés financiers. Là encore, la réaction
des marchés est plus favorable en présence d’explications utilisant la théorie de l’agence. Sur
le plan interne, ces annonces symboliques permettent de ne pas mettre en œuvre d’autres
modifications de gouvernement d’entreprise que les actionnaires pourraient souhaiter.
L’utilisation d’un langage socialement légitimé renforce ainsi l’effet du découplage.
187
les investisseurs sont considérés comme des agents calculateurs à la rationalité limitée qui cherchent à réduire
l’incertitude et donc valorisent les indications, dont la valeur est socialement légitimée, selon lesquelles les
problèmes de conflit d’agence sont pris en compte par l’entreprise.
186
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
à poursuivre rationnellement les buts valorisés par l’organisation (Friedland & Alford, 1991 ;
Strang & Meyer, 1994). Pour répondre aux pressions sociales et culturelles de leur
environnement, les outils et les pratiques de gestion mises en avant pour gérer cette légitimité
doivent être en phase avec les pratiques « dans l’air du temps ».
Barley & Kunda (1992) ont étudié les théories managériales américaines sur le contrôle.
Toute théorie de ce type a une composante idéologique188, puisque les théoriciens doivent
adopter une posture ontologique pour effectuer leur travail, en utilisant les objets de la
construction rhétorique que sont les entreprises, les employés, les managers et les outils et
moyens de contrôle. Barley et Kunda (1992) remettent en cause la vision historique
dominante de l’évolution des théories managériales (Bendix, 1956 ; Edwards, 1979) en
distinguant une succession de cinq phases alternativement normatives et rationnelles dans le
discours managérial, qui sont liées à des cycles économiques d’expansion et de contraction.
Les représentations et les pratiques qui sont au cœur de chacune de ces idéologies se sont
selon eux progressivement ancrées et institutionnalisées. L’oscillation se traduit par un va-et-
vient plus ou moins marqué des idées, croyances et pratiques de la communauté managériale
188
Leur définition de l’idéologie est assez neutre :« un courant de discours qui promulguent, même de façon
implicite, un ensemble d’hypothèses sur la nature des objets dont ils traitent » (1992, p.363).
187
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
entre les pôles suivants : la solidarité organique et le contrôle rationnel d’une part ou la
solidarité mécanique et le contrôle normatif d’autre part.
Ce va-et-vient manifeste parfois l’influence des modes managériales sur les pratiques et les
outils adoptés.
Les travaux des théoriciens des « modes managériales » tendent en à montrer l’existence d’un
cycle de vie dans les techniques de gestion, ou au moins dans leur diffusion active
(Abrahamson, 1991,1996 ; Abrahamson & Fairchild, 1999 ; Kieser, 1997). Ils ajoutent aux
groupes sociaux mentionnés par Alvarez (1998) les « gourous » du management189 et les
consultants qui œuvrent pour une diffusion large des discours.
Abrahamson parle initialement de « mode managériale » (1991) pour qualifier les oscillations
importantes dans les techniques managériales, dans lesquelles interviennent des créateurs de
modes, organisations ou individus qui se consacrent à la production et à la dissémination du
savoir en gestion. Pour Abrahamson (1996), l’intérêt porté aux techniques de gestion est
gouverné non pas par une alternance entre pôle normatif et pôle rationnel mais par la
conjonction des attentes normatives sociétales de rationalité et des progrès en matière de
gestion190. Le processus de création de mode managériale est ainsi « le processus par lequel
les créateurs de mode redéfinissent de façon continue à la fois leurs propres croyances et
celles des suiveurs de mode à propos des techniques de management les plus à même
d’obtenir un progrès rationnel en matière de management ». Une mode managériale constitue
« une croyance collective passagère191 diffusée par des créateurs de mode en gestion, selon
laquelle certaines techniques de management sont à la pointe du progrès rationnel en
gestion » (1996, p.257).
189
Cette catégorie fait essentiellement référence aux auteurs américains très populaires en gestion que sont
Michael Porter ou Peter Drucker, ou certains patrons considérés comme exemplaires comme Bill Gates ou Jack
Welsh.
190
On retrouve ici des pressions qui entrent dans le cadre de l’isomorphisme coercitif.
191
« relatively transitory ».
188
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Le processus de création de mode passe par l’articulation d’une rhétorique192 pour convaincre
de l’efficience inégalée de cette technique, selon plusieurs figures possibles : quelques cas
contemporains de réussite servent de justification à une efficience généralisée de la technique
pour améliorer la performance de toutes les organisations ; des postulats sont faits sur les
relations de causalité entre l’application de cette technique et l’amélioration de la
performance, à partir de travaux de recherche scientifique utilisés de façon plus ou moins
pertinente selon les cas (1996, p.268). La rhétorique doit également convaincre du caractère
innovant de la « nouvelle » technique. Le cycle de vie de ces modes managériales est
également couplé de façon lâche avec des facteurs techniques et économiques
environnementaux exogènes au marché de la connaissance en gestion (Abrahamson &
Fairchild, 1999), ce qui génère pour les entreprises la mise en évidence d’écarts de diverses
natures entre la performance désirée et la performance réalisée. Ce sont ces écarts193 qui les
poussent à adopter la dernière technique à la mode.
Le discours élaboré façonne les décisions d’adoption et la diffusion plus large des pratiques
managériales (Abrahamson & Fairchild, 1999 ; Strang & Meyer, 1994). L’importance de ce
discours est généralement mesurée par le nombre de publications, d’articles ou de conférences
relevés pendant une période sur le sujet (David & Strang, 2006 ; Benders & van Veen, 2001 ;
Abrahamson & Fairchild, 1999 ; Abrahamson, 1996).
Les travaux d’Abrahamson portent originellement sur les cercles de qualité. Ils ont ensuite
servi de base pour mettre en évidence les modes managériales qui ont concerné plusieurs
techniques de réduction des coûts vues au chapitre 1, en particulier le reengineering (Benders
& van Veen, 2001) ou le recentrage (Nicolai & Thomas, 2006). Les études portent également
sur d’autres techniques telles que la qualité totale (David & Strang, 2006), le management de
la connaissance (Scarbrough, 2003), voire plusieurs modes dans une approche comparative
(Carson & al, 2000). Les chercheurs qui ont observé ces phénomènes ont répondu à certaines
des critiques faites aux travaux d’Abrahamson. Ils viennent compléter les effets ou les
mécanismes de diffusion parfois considérés comme trop simplistes.
192
Abrahamson (1996) utilise la définition de la rhétorique de Barley & Kunda (1992) : un discours écrit et oral
qui justifie l’utilisation d’un ensemble de techniques pour gérer l’organisation et ses salariés.
193
Qualifiés de déclencheurs, de « triggers ».
189
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Ainsi pour Benders & van Veen (2001), les travaux d’Abrahamson présentent de façon trop
rapide le caractère «passager » des croyances relatives à une technique de gestion. Ils
proposent une autre définition des modes managériales intégrant une dimension de viabilité
interprétative (Ortmann, 1995), qui dénote la possibilité pour un concept d’être interprété de
façon différente par différents individus et d’accroître ainsi son potentiel de diffusion par des
réappropriations. Leurs travaux empiriques sur la diffusion du reengineering aux Pays-Bas
suggèrent une utilisation du concept par les managers et les consultants spécialisés à la fois
pragmatique et réflexive. Cette dimension tient pour une part à un phénomène de découplage
entre le discours sur le reengineering et les changements organisationnels qui ont
effectivement lieu. La viabilité interprétative permet des réinterprétations actives du concept,
qui conduisent les managers à profiter d’un concept à la mode pour remplir des objectifs
stratégiques personnels. Ce résultat rejoint celui de Kieser (1997) : les utilisateurs de mode
sont des acteurs qui utilisent leurs propres jugements et se fondent sur leurs propres intérêts
pour décider comment employer une rhétorique à la mode.
Green (2004) propose une théorie rhétorique de la diffusion des pratiques pour expliquer
l’émergence des phénomènes de mode. Une perspective rhétorique postule que les croyances
des managers face à de nouvelles pratiques de gestion sont formées de façon rhétorique et
sont promues par des acteurs organisationnels. Ces acteurs développent des justifications
discursives qui rationalisent194 et légitiment l’adoption de la nouvelle pratique. Plus le
discours est persuasif, plus il permet de produire des « évidences »195, des choses qui vont de
soi. Les justifications de la nouvelle pratique vont d’abord être nombreuses, s’appuyant sur les
postulats déjà acceptés comme « évidents », puis décroissent au fur et à mesure de
l’institutionnalisation de cette nouvelle pratique, lorsqu’elle va de soi pour une plus forte
proportion de la population concernée. Ce postulat est confirmé par l’idée de Suchman (1995)
selon laquelle la légitimité cognitive n’est pas justifiée d’abord de façon discursive, et que
cette légitimité cognitive196 est produite dans des phases ultérieures d’institutionnalisation
(Aldrich & Fiol, 1994 ; Greenwood & al. 2002). Cette approche dissocie la notion de
194
Contrairement à de nombreux modèles, la rationalité est vue ici comme un produit des discours (cf. Garfinkel
(1967) et Habermas (1987)), et être rationnel permet de créer du sens de façon plus convaincante. Ainsi, plus les
raisons discursives qui soutiennent une nouvelle pratique sont convaincantes, plus leur adoption est rationnelle.
195
Cette notion d’évidence renvoie à la notion d’institutionnalisation de Berger & Luckmann (1966) : il s’agit ici
d’accepter notre connaissance de certains états de faits comme « incontestablement plausibles jusqu’à nouvel
ordre ».
196
Cette notion de légitimité cognitive est très proche de la notion « d’évidence » dont nous venons de parler
(« taken-for-grantedness »).
190
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
diffusion et celle « d’évidence », alors que les travaux d’Abrahamson suggèrent souvent que
forte diffusion et forte institutionnalisation vont de pair.
L’institutionnalisation des pratiques, c’est-à-dire leur transformation d’un effet de mode à une
institution, requiert l’enracinement de nouvelles pratiques, de façon à ce qu’elles résistent
dans le temps, comme des arrangements naturels généralement admis (Suchman, 1995), qui
peuvent résister à des pressions pour le changement (Zeitz & al., 1999). La littérature sur les
modes managériales et ses prolongements suggère que les discours sur les techniques
managériales tiennent une place nodale dans le processus de diffusion, voire dans le processus
d’institutionnalisation lorsqu’il est à l’œuvre.
Les discours sur les PRC, le vocabulaire légitimé utilisé pour les présenter et les rendre
socialement rationalisées et donc légitimes tiennent ainsi une place majeure dans leur
processus d’institutionnalisation. Notre démarche de recherche passe donc par une analyse
des discours émis par l’environnement des entreprises cotées sur les PRC pour mettre en
évidence les mécanismes d’institutionnalisation de cette pratique et mettre en évidence les
pressions isomorphiques dont elles font l’objet.
Le cadre de la TNI suggère que l’adoption d’une PRC, en tant que nouvelle pratique
managériale par les entreprises françaises cotées peut s’expliquer par des effets isomorphiques
au sein du champ institutionnel dans lequel elles évoluent. Ces effets sont le fruit de pressions
à la fois coercitives, normatives et mimétiques qui s’exercent dans leur environnement. Ces
pressions peuvent entraîner l’adoption cyclique – sous l’effet d’une mode managériale – ou
prolongée – s’il y effectivement institutionnalisation – d’une telle politique.
Nous avons également vu que les travaux académiques basées sur des méthodes empiriques
mettent l’accent sur les discours sur les pratiques, discours produits par les entreprises ou
« consommés » par elles, facteur déterminant dans les mécanismes d’institutionnalisation.
191
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Nous observerons donc les discours sur les PRC, en nous appuyant d’une part sur les travaux
scientifiques sur la diffusion des techniques managériales, et d’autre part sur une analyse des
discours sur les PRC diffusés par les acteurs clés de l’environnement institutionnel des
entreprises cotées, selon le modèle discursif d’institutionnalisation proposé par Phillips & al
(2004).
Pour étudier la place des discours au sein des mécanismes d’institutionnalisation, Phillips,
Lawrence et Hardy (2004, 2006) plaident pour une utilisation conjointe de la TNI et d’une
analyse de discours sur les pratiques.
La thèse qu’ils développent est que les institutions sont constituées à travers le discours et que
ce n’est pas l’action par elle-même qui fournit une base pour l’institutionnalisation, mais
plutôt les textes (au sens large) qui décrivent et communiquent ces actions. Ils s’appuient sur
la définition de Parker (1992) du discours comme un « système d’affirmations (statements)
qui construisent un objet ». Les discours apparaissent comme des recueils structurés de textes
« signifiants » (Parker, 1992) ; le mot « texte » englobant toutes les formes de supports écrits
ou oraux, voire dessinés, qui rendent le discours accessible aux autres (Fairclough, 1995 ;
Grant et al., 2001 ; Wood et Kroger, 2000). L’analyse de discours développe des hypothèses
théoriques et un corps de recherche qui met en évidence non seulement l’importance des
processus linguistiques mais aussi le rôle du langage dans la construction de la réalité sociale
(Chia, 1996 ; Gergen, 1999). Elle comprend l’analyse d’un corpus de textes, l’étude de la
façon dont ils s’enchaînent avec d’autres discours, s’intéresse à leur méthode de production,
de communication et à la façon dont ils sont reçus et consommés par ceux qui les entendent
ou les lisent (Fairclough, 1992a, Phillips & Hardy, 2002, van Dijk 1997). Ce cadre théorique
est utile pour comprendre la production sociale de phénomènes organisationnels et inter
organisationnels (Alvesson & Kärreman, 2000 ; Grant & al. 1998 ; Mumby & Clair, 1997). Le
modèle discursif d’institutionnalisation proposé par Phillips & al. (2004) est destiné à éclairer
la relation entre les discours et l’action sociale à travers la production et la consommation de
textes.
192
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Reprenant l’analyse de Fairclough (1992) qui postule que le discours construit ses propres
conventions, donnant du sens à la réalité à travers sa façon propre d’autoriser ou d’interdire
certaines façons de penser ou d’agir, et qu’en ce sens une institution sociale est un « ordre du
discours »197, les auteurs considèrent que « les institutions peuvent être comprises comme les
produits de l’activité discursive qui influence les actions. » (Phillips & al., 2004, p.635).
Néanmoins, tous les produits du discours ne sont pas des institutions : nombre d’entre eux
n’ont pas les mécanismes de contrôle auto-régulateurs socialement construits qui caractérisent
les institutions (Jepperson, 1991).
Les discours ne peuvent pas être observés directement, ils peuvent seulement être explorés par
l’analyse des textes, pris comme des ensembles et non individuellement, pour pouvoir éclairer
la réalité sociale. Le processus d’institutionnalisation se fait donc non par simple imitation
d’une action, mais à travers la communication de textes à propos de cette action, textes qui
vont d’une conversation entre collègues relatant cette action à des formes plus élaborées de
textes à plus grande diffusion comme des manuels, des livres, des articles de magazines
(Phillips & al. 2004).
Ainsi leur postulat est que les actions affectent les discours à travers la production de textes.
Ceci est d’autant plus sensible que les actions concernées ont une influence sur la légitimité et
la création de sens dans les organisations. Les textes eux-mêmes auront plus de chance de
s’ancrer dans des discours s’ils émanent d’acteurs considérés comme légitimes198, s’ils
trouvent une résonance avec d’autres textes, et s’ils sont présents sous forme d’un genre
reconnaissable et utilisable par d’autres organisations. Enfin les discours auront d’autant plus
d’influence sur l’institutionnalisation qu’ils seront cohérents et justifiés par des discours plus
larges.
Cette perspective laisse également une place importante aux acteurs, qui peuvent par une
stratégie discursive influencer les processus d’institutionnalisation dans un champ donné.
197
D’après Foucault (1971). Nous reviendrons sur cette notion au chapitre 4.
198
Lok &Willmott (2006) dans un commentaire sur cet article reprochent aux auteurs une présentation encore
« trop timide » des problématiques de pouvoir qui se cachent implicitement derrière cette notion.
193
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Liens
Producteur Genre Textes et
de texte du texte discours
(1) (2) (2)
Contraignent
et rendent
possibles
(1) Le producteur du texte doit avoir une « légitimité discursive » (Hardy & Phillips, 1998) grâce à
laquelle son droit à la parole est « validé de façon consensuelle » (Taylor & al., 1996), une autorité
formelle (DiMaggio & Powell, 1983) ou une position centrale dans le réseau qui constitue le
champ institutionnel (Wasserman & Galaskiewicz, 1994)
(2) Les textes conformes à un genre seront reconnaissables, interprétables et facilement utilisables
dans d’autres organisations. Un texte pourra exercer d’autant plus d’influence sur le discours qu’il
se réfère, explicitement ou implicitement à d’autres textes ou discours légitimés (Fairclough,
1992) ; on retrouve la notion d’intertextualité.
(3) Les auteurs reprennent le « sensemaking » de Weick 199 : « le sens est généré par des mots qui
sont combinés en phrases de conversations qui communiquent quelque chose à propos d’une
expérience en cours » (Weick, 1995, p.106), ce qui génère des textes qui « laissent des traces »
199
Nous reviendrons sur cette notion au chapitre 4.
194
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Sur la base de cette proposition de modèle, nous allons donc observer et analyser le discours
sur les PRC à travers différents textes pour observer les mécanismes d’institutionnalisation de
cette pratique. Pour ce faire, il nous faut d’abord définir le champ institutionnel des
entreprises cotées (2.1.2), qui constitue le cadre global dans lequel nous pourrons positionner
les acteurs légitimes qui produisent des textes. Nos pourrons ensuite sélectionner des textes
sur les PRC pour notre analyse de discours (2.1.3)
Une première façon d’approcher le champ institutionnel qui nous intéresse serait de se limiter
à la dimension nationale et de définir le champ organisationnel comme l’ensemble des
sociétés françaises cotées sur le marché boursier parisien, sous le contrôle de l’AMF pour leur
information financière et du droit français pour leurs activités organisationnelles. Le
développement des produits d’épargne200 et la professionnalisation des marchés financiers
suite à la désintermédiation des années 80 a entrainé la montée des investisseurs
institutionnels qui gèrent l’épargne collective. Sous leur influence, l’information financière est
devenue plus fréquente, plus riche et plus orientée vers le futur : « les investisseurs demandent
aujourd’hui à recevoir des informations de nature prévisionnelle, à connaître les
conséquences attendues des orientations stratégiques des sociétés dans lesquelles ils
investissent, leurs objectifs de croissance et de rentabilité » (COB, 2000, p.3). Ils apparaissent
donc comme des acteurs pertinents susceptibles d’opérer des pressions coercitives sur les
entreprises de ce champ institutionnel.
200
La loi Monory en 1978 a introduit des avantages fiscaux sur l’épargne longue, et notamment les actions, qui
ont eu pour effet d’accroître les volumes de transactions. Les Sicav et les FCP, instruments de gestion collective
de l’épargne, se sont développés en 1981.
195
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
201
issu de la fusion des places boursières d’Amsterdam, Bruxelles et Paris, rejointes en 2002 par Lisbonne.
202
Un tiers en moyenne au premier semestre 1999, selon une étude publiée dans le Bulletin de la Banque de
France, n°69 – septembre 1999 ; 40 % en 2002 en moyenne pour les entreprises du CAC 40 (Plihon, 2003).
196
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
modernisateurs sociaux, libéraux et même éléments très critiques d’essence marxiste qui
centrent le débat sur le primat de l’économie. Ainsi, « l’esprit du capitalisme » actuel, cet
« ensemble de croyances associées à l’ordre capitaliste qui contribuent à justifier cet ordre et
à soutenir, en les légitimant, les modes d’action et les dispositions qui sont cohérentes avec
lui » (Boltanski & Chiapello, 1999, p.46) valorise le changement, la flexibilité, l’innovation,
la créativité et les réseaux. La place prise par les mots de la gestion dans le vocabulaire
courant est indissociable de l’importance accordée aux questions économiques, à la place
centrale qu’occupent aujourd’hui les entreprises. Le succès de certains mots, comme celui de
« gestion » lui-même, qui a investi les champs des organisations à but non lucratif, en font des
mots partagés par différentes catégories de locuteurs, ils ont pratiquement conquis l’ensemble
du corps social (Gouadain, 2001). Le succès d’expressions comme la « création de valeur »
ou le « gouvernement d’entreprise », même si les notions qu’elles recouvrent ne sont pas
neuves, « le changement du vocabulaire semble exprimer des préoccupations consécutives à
une évolution profonde du capitalisme contemporain, marquée notamment par la place
désormais occupée par les investisseurs institutionnels (les fonds de pension en particulier)
dans le financement des grandes entreprises cotées et par les exigences de ces nouveaux
propriétaires en matière d’information et de rentabilité » (Gouadain, 2001, p.76).
Ainsi notre champ institutionnel est –il un élément du capitalisme financier contemporain,
dans lequel l’environnement financier a fortement resserré ses contraintes sur les orientations
stratégiques des entreprises, en s’inspirant de la doctrine financière : « la « création de
valeur » est leur juge de paix » (Batsch, 2002, p.5). Dans ce contexte, et après les crises
générées par le scandale d’Enron, de Worldcom et d’autres groupes, ont émergé des critiques
sur la prééminence de la gouvernance d’entreprise actionnariale. Ce modèle de gouvernement
d’entreprise s’étend de façon croissante à d’autres champs sociaux (Pesqueux, 2000). Il va de
pair avec la « surreprésentation de la performance et de la communication financière à son
sujet qui devient non seulement reflet mais aussi objet de management. Au-delà du risque de
« court-termisme » déjà évoqué, un nouveau risque apparaît, celui de la tentation de jouer sur
l’instrument lui-même, c’est-à-dire sur le système d’information et sur les indicateurs de
représentations des performances ; dérive la crise du mode de gouvernance d’entreprise
« orientée actionnaire » a révélé » (Pérez, 2003, p.77).
197
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Ce thème de la gouvernance a émergé en France avec les deux rapports Viénot203 et le rapport
Bouton. La mise en œuvre de la loi NRE204 devrait faciliter l’extension de la gouvernance à
d’autres parties prenantes. Cependant, si cette gouvernance élargie se traduit par un
élargissement du reporting à des problématiques sociales et environnementales, elle est encore
trop émergente pour avoir un effet mesurable sur les pratiques réelles des grands groupes en
matière de PRC.
Le champ organisationnel dans lequel évoluent les entreprises françaises cotées comporte
donc à la fois une dimension nationale, en ce que l’autorité de régulation des marchés, les
comparaisons au sein de certains indices boursiers (CAC 40 en particulier), et une partie
importante des acteurs du champ, dirigeants ou managers des entreprises et des institutions
financières relève de cette dimension, mais aussi d’une dimension internationale. Cette
dimension est renforcée par l’influence internationale, souvent anglo-saxonne, sur une partie
des modes de gestion et des contenus de formation des écoles de commerce ou
d’ingénieurs205, et par l’ancrage des associations professionnelles nationales dans des réseaux
internationaux dans lesquels les associations américaines font preuve d’expérience et d’un
certain ascendant. La notion de champ recouvre en effet l’existence de réseaux inter
organisationnels, issus de relations contractuelles, de participations communes au sein
d’organisations professionnelles, de membres communs des conseils d‘administration ou des
liens informels et personnels (associations d’anciens par exemple) entre les dirigeants ou les
managers. La logique institutionnelle de ce champ comprend l’ensemble des systèmes de
croyances des acteurs de ce domaine, managers, investisseurs, analystes financiers, qui
orientent leurs activités et leur donnent du sens (Scott & al., 2000).
Ces acteurs produisent des discours qui, suivant le modèle d’institutionnalisation vu en 2.1,
vont contribuer à l’institutionnalisation des pratiques managériales et tout particulièrement
des PRC.
203
en juillet 1995 et juillet 1999, suite aux rapports Cadbury en Angleterre, « Code of Best Practice » en matière
d’organisation des pouvoirs dans les grandes sociétés en faveur d’un meilleur équilibre entre les actionnaires, le
conseil d’administration et les dirigeants. Le rapport Bouton est publié en septembre 2002, pour faire le point sur
l’application des rapports Viénot et dans le climat particulier suscité par l’affaire Enron aux Etats-Unis.
204
Loi sur les Nouvelles Règlementations Economiques du 15 mai 2001, avec de nouvelles obligations légales,
en matière de publicité de la rémunération des dirigeants et de responsabilité sociétale.
205
Voir le lean management, dont le « projet lean entreprise » destiné à fédérer les recherches et les pratiques est
abrité sur le site de l’ENST.
198
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Les discours ne peuvent pas, nous l’avons vu, être observés directement. Ils peuvent
seulement être explorés grâce à l’analyse des textes qui les constituent (Fairclough, 1992a ;
Parker, 1992). L’analyse de discours inclut donc l’analyse d’un recueil de textes, les façons
dont ils sont rendus signifiants à travers leurs liens avec d’autres textes, la façon dont ils
s’enchaînent avec d’autres discours, comment et à qui ils sont communiqués, disséminés, leur
méthode de production et la façon dont ils sont reçus et « consommés » (Fairclough, 1992 a ;
van Dijk, 1997). D’un point de vue méthodologique, les analyses de discours réalisées au
niveau de micro-analyses de textes particuliers sont ensuite placées dans un contexte social
plus large de formations discursives contemporaines (Prichard & al., 2004). Ceci permet
d’inscrire les analyses de textes particuliers dans un discours plus global qui porte sur la
pratique managériale concernée, ici les PRC.
Compte tenu de la taille et de la variété du corpus, l’un des points critiques consiste en une
sélection d’exemples du corpus global pour effectuer une analyse. En effet, il n’est pas
possible d’effectuer une analyse de tous les discours portant sur les PRC, même en se limitant
au contexte français. Fairclough plaide pour une focalisation sur des « moments de crise » qui
problématisent ou dénaturalisent les pratiques discursives, éclairant des points de changement
ou des luttes de pouvoir (1992, p.230). Ainsi pour notre démarche qualitative, nous avons
choisi des cas particuliers susceptibles d’illustrer les problématiques des pressions à l’œuvre
dans le processus d’institutionnalisation de la PRC au sein d’un corpus varié : articles de
presse, sites internet, livres de management, retranscription d’une présentation faite aux
analystes financiers.
L’ensemble des textes étudiés dans notre analyse de discours pour illustrer chaque grand type
de pressions exercées peut être synthétisé dans le tableau 13 (page suivante).
De plus, pour l’analyse de la diffusion des discours sur la PRC, nous nous sommes appuyés
sur un recensement du nombre de textes publiés sur le sujet, en accord avec la méthodologie
développée par la plupart des études faites sur les modes managériales. Ce recensement passe
par la collecte de l’ensemble des articles publiés dans la presse économique française (Les
Echos et la Tribune) entre 1998 et 2005 contenant les mots clés « politique de réduction des
199
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
coûts, « plan de réduction des coûts ». Un second recueil d’articles a également été réalisé en
utilisant seulement les mots clés « réduction des coûts » sur la même période.
Normative Associations Textes issus des sites internet (en particulier sur le
professionnelles benchmarking)
Mimétique Sites internet en PRC Textes et présentations issus des sites internet
206
Le détail des articles utilisés figure en annexe 8 bis.
207
idem
200
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
associations construites ici ne sont pas neutres au sens où elles portent la marque de la
subjectivité du chercheur. Dans ce cadre non positiviste, le chercheur peut en effet être défini
comme « un individu qui construit ses interprétations à partir de ses expériences du réel
connaissable, de ses intentions et de ses interactions avec les autres sujets » (Alvarez &
Oriot, 2007). L’intentionnalité du chercheur est au cœur de sa démarche de compréhension
(Girod-Séville & Perret, 1999). Les associations et analyses présentées simplifient également
une réalité sociale qui est toujours plus hétérogène que ce que l’archétype prétend décrire
(Bourguignon, 2003).
Ainsi, dans notre analyse de discours, nous relèverons l’intertextualité entre les discours des
dirigeants et ceux des analystes, ceux des auteurs des livres de managements et ceux de la
presse économique, l’articulation de l’ensemble de ces discours exerçant un ensemble de
pressions isomorphiques sur les entreprises pour qu’elles annoncent voire adoptent des PRC.
201
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Le champ institutionnel qui nous intéresse va être traversé par un double jeu de pressions
isomorphiques vers l’homogénéisation. L’un concerne les pratiques de communication
financières (3.1) et a un effet sur le type d’information et de format de communication, donc
sur l’annonce elle-même, l’autre porte sur le discours sur la PRC et sa légitimité (3.2 à 3.4).
Dans le cadre de la TNI, les processus de professionnalisation sont à l’origine des pressions
normatives. La définition de la professionnalisation (DiMaggio & Powell, 1983, p.152), outre
le volet sur la formation initiale, parle d’un groupe qui cherche par ce processus à « établir
une base cognitive commune et une légitimation de leur autonomie professionnelle ». Le
développement de réseaux professionnels, qui embrassent toutes les organisations et à travers
lesquels les modèles se diffusent rapidement, est donc une source importante de pressions.
Les responsables de l’information financière des sociétés françaises cotées ont créé en 1987 le
202
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
C’est donc bien un cadre dans lequel va pouvoir s’élaborer et se diffuser un modèle commun
aux professionnels de la communication financière. De plus, le CLIFF fait partie de la
Fédération Internationale des informateurs financiers (IIRF) depuis 1991, dont les objectifs
sont :
Objectifs de l’IIRF210 :
• « la promotion de la reconnaissance des informateurs financiers et l’incitation à la formation
d’associations professionnelles dans tous les pays avec des marchés financiers actifs
• la promotion des plus hauts standards de pratiques internationales et l’ouverture d’un lieu d’échanges
des meilleures pratiques, expériences et idées
• la collecte et la circulation d’informations importantes pour la pratique de la profession d’informateur
financier international et la concertation avec les organismes gouvernementaux, régulateurs et
professionnels sur les questions internationales. »
D’autre part, les professionnels de la communication financière ont également créé plus
récemment une association professionnelle, Procomfi, pour promouvoir la profession, être un
interlocuteur et un acteur dans les débats avec Euronext ou l’AMF, et participer plus
208
Cercle de Liaison des Informateurs Financiers en France.
209
Source : site du CLIFF : www.cliff.asso.fr, consulté le 20 juillet 2006.
210
International Investor Relations Federation, basée à Londres. Les objectifs cités sont notre traduction de ce
qui figure sur le site du Cliff sous l’onglet « Fédération Internationale ».
203
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
directement à la formation des professionnels211. Parmi les chantiers ouverts, certains seront
communs avec le CLIFF, comme la commission chargée d’établir une grille pour noter la
qualité de la communication financière. D’autres chantiers, comme la formation, intéressent
également la SFAF (Société Française des Analystes Financiers) avec laquelle le CLIFF
collabore étroitement.
D’autre part, le CLIFF s’inscrit dans une démarche commune avec une autre association
professionnelle, la SFAF. Cette association créée en 1961 regroupe 1700 professionnels de
l’analyse financière. Elle représente la profession au sein des instances nationales ou
européennes de normalisation comptable212, et fait partie des associations professionnelles
européenne et internationale. De plus, elle dispense de la formation à travers le Centre de
Formation à l’Analyse Financière, qui délivre un diplôme international. « Elle joue un rôle
actif auprès des autorités de la Place, dans les débats ayant pour objectifs l’amélioration de
la qualité de l’information financière et le rôle des analystes financiers dans ce domaine »213.
Ainsi, après avoir émis des recommandations communes, le CLIFF et la SFAF214 ont publié
une charte en avril 2003, dans un climat où la restauration de la confiance était une priorité
pour tous les intervenants sur les marchés financiers. La charte comprend cinq principes
fondamentaux, déclinés dans une petite brochure, comme la devise de la France sur le fronton
des écoles : « liberté, responsabilité, intégrité, égalité et qualité ». L’ensemble insiste sur
l’importance de la confiance entre les acteurs des marchés financiers et sur le respect de
l’éthique : « l’intégrité du marché est avant tout une question d’éthique que doit respecter
l’ensemble de la communauté financière » (principe n°3). Les recommandations ne font en
substance que rappeler les recommandations émises par la COB.
211
« La communication financière est devenue un enjeu majeur pour les entreprises », La Tribune, 31/08/04
212
Le Conseil National de la Comptabilité (CNC) en France et l’EFRAG (European Financial Reporting
Advisory Group) qui est l’organe technique mis en place par l’Union Européenne pour traiter des normes IFRS,
répondre à l’IASB et donner des recommandations techniques sur l’adoption des nouvelles normes
internationales.
213
Source : présentation sur le site de la SFAF : www.sfaf.com, consulté le 19 juillet 2006
214
en collaboration avec un cabinet d’avocats et un cabinet d’audit.
204
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Suite à cette charte commune, ces associations professionnelles, rejointes par Euronext, ont
fondé conjointement en juin 2005 l’Observatoire de la Communication Financière, pour
« apporter un regard pluridisciplinaire sur les principaux enjeux de la communication
financière » et pour « promouvoir les meilleures pratiques en termes de communication
financière »215. Les rapports216 sont disponibles sur le site internet des fondateurs, ce qui
devrait faire de ce nouvel observatoire un outil de comparaison et de diffusion des pratiques
de nature à homogénéiser la communication des groupes français et en particulier leurs
communiqués de presse. En plus de leurs rapports, les membres de l’observatoire souhaitent
également organiser des conférences pour « confronter l’opinion des émetteurs et du
marché » sur le sujet de la communication financière, et « accompagner, dans le cadre
d’ateliers de formation, les dirigeants des sociétés cotées dans la gestion de leurs différentes
problématiques de communication financière ».
215
Source : communiqué de presse « création de l’Observatoire de la Communication Financière » du 27 juin
2005, disponible sur le site internet des 5 membres fondateurs.
216
Un premier rapport sur les IFRS et un second sur l’analyse des communiqués financiers des sociétés du SBF
120 ont été publiés. Un lexique de la communication financière a été réédité en juin 2006.
205
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Enfin, les pratiques de communication financière des groupes français cotés sont également
soumises à la pression normative des comparaisons avec d’autres entreprises, qui se traduisent
notamment par l’attribution de prix de communication financière. Les travaux de Holland
présentés au chapitre précédent montrent que les managers des entreprises gèrent
prioritairement l’information publique, pour satisfaire les attentes du marché et être en phase
avec les meilleures pratiques en matière de communication financière. La comparaison avec
d’autres entreprises, les notations des associations professionnelles et les prix de
communication financière décernés jouent alors un rôle normatif. En France, le prix Cristal
récompense les « meilleures pratiques de communication de la Place à travers l’ensemble des
outils utilisés (rapport annuel, site internet, lettres, publicité financière,
217
communiqués …) », sous l’égide de la Compagnie Régionale des commissaires aux
comptes, de titres de la presse économiques et de l’association A.L.I.C.E. créée fin 2001:
Au-delà des associations professionnelles, la diffusion des modèles et des bonnes pratiques est
donc possible de façon transversale à travers ce type d’initiatives vers d’autres champs
institutionnels plus larges. La diffusion de modèles et de « discours de soutien » comme celui
de la création de valeur pour l’actionnaire est ainsi favorisée. Nous avons évoqué au point 1.4
les travaux de Westphal & Zajac (1995) sur l’utilisation faite par les dirigeants de la théorie
de l’agence comme outil de légitimation de leur stratégie. Ces travaux montrent une meilleure
217
Site prixcristal.org, consulté le 18 juillet 2006.
206
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
réaction des marchés financiers aux discours qui font référence à la théorie de l’agence,
fortement institutionnalisée dans le champ des marchés financiers.
Les pressions coercitives exercées sur les entreprises pour annoncer l’adoption de PRC sont à
la fois assez diffuses, émanant des valeurs et des attentes de l’environnement économique et
social général, et plus précises et directes, dans leurs interactions avec les investisseurs
institutionnels et les analystes financiers. Dans l’environnement immédiat, les normes sont
plus spécifiques, et les problématiques de dépendance, de pouvoir et de politique sont
prédominantes (Meyer, 1994). Dans les textes qui concernent les PRC se manifestent à la fois
de l’intertextualité et de l’intertexte, ce qui selon le modèle proposé par Phillips & al. (2004)
ne fait que renforcer les pressions favorables au processus d’institutionnalisation à l’œuvre.
Les analystes financiers employés par les sociétés de bourse jouent un rôle important sur les
marchés financiers, à travers les rapports qu’ils produisent, utilisés par de nombreux
participants. La pression exercée par ces acteurs est à la fois diffuse parce qu’ils ne
constituent qu’un des groupes acteurs intervenant sur les marchés financiers, et plus aiguë
parce que les analystes sectoriels suivent régulièrement le cours et la communication
207
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
financière d’une entreprise donnée. Ces pressions se manifestent via les textes oraux
(questions ou commentaires lors des réunions de présentation ou des « one-on-one ») et écrits
que sont leurs avis (repris dans les dépêches d’agences comme Reuters) et leurs rapports.
Ces rapports contiennent généralement l’une des trois préconisations suivantes destinées aux
investisseurs : « acheter », « conserver » ou « vendre ». Cependant, d’après les observateurs,
« conserver » est souvent simplement perçu comme une recommandation de « vendre »
(Dorfman, 1996). Les recommandations tendent à être optimistes : la proportion d’incitations
à « acheter » est supérieure à celle de « vendre » (Beneish, 1991), dans des proportions que
n’expliquent pas totalement les conditions des marchés, et qui pourraient provenir de la plus
grande audience des recommandations d’achat (Dugar & Nathan, 1995). L’optimisme des
analystes « sell-side » semble être particulièrement important face à des données négatives
(Amir & Ganzack, 1998). Les analystes employés par des firmes fournissant également des
services de banque d’investissement ont une tendance à produire des rapports plus favorables
(Hirst, 1995), ce qui a provoqué de nombreux litiges après le scandale d’Enron. Le rôle des
analystes a alors été remis en cause et la séparation des fonctions au sein de ces
établissements a été renforcée. Ces « murailles de Chine » ne semblent cependant pas
impénétrables, et les exigences de préservation d’une relation clients à long terme et de
génération de commissions pour la banque arrivent à les traverser (Dugar & Nathan, 1995),
sans qu’il soit possible à la lecture pour un investisseur d’avoir connaissance d’un potentiel
conflit d’intérêt.
Les travaux expérimentaux ne donnent qu’un éclairage restreint des situations réelles
d’évaluation de l’information comptable par les analystes (Schipper, 1991). L’analyse du
contenu des rapports d’analystes a montré (Rogers & Grant, 1997 ; Breton & Taffler, 2001)
l’importance des parties narratives (des rapports ou des communiqués d’entreprise) sur le
jugement des analystes, exprimé dans leur rapport et dans leurs recommandations finales. Les
analystes ne s’appuient donc pas seulement sur les données comptables mais sur un ensemble
d’informations sectorielles et économiques et sur leurs contacts avec le management des
grandes entreprises, ce qui leur impose d’avoir une certaine réputation auprès de ceux qui sont
susceptibles de leur fournir de l’information.
208
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Les résultats de Fogarty & Rogers (2005), reposant sur une analyse de contenu de 187
rapports218, confirment la dépendance des analystes envers l’information contrôlée par les
managers : « en conséquence, ils ne fonctionnent pas comme une opinion indépendante sur
les chances des entreprises » (p.349). Ils identifient notamment un biais favorable aux bonnes
nouvelles (ou aux projets futurs), et une croyance forte dans le fait que les performances
passées se reproduiront. Les auteurs mettent également en garde les chercheurs sur leur propre
rôle de légitimation : « dans son empressement à formuler une hypothèse générale, la
littérature académique favorise une croyance dans la valeur de vérité du travail des
analystes219. En ne réussissant pas à tenir les standards qu’elle établit pour elle-même, la
littérature académique contribue au processus de découplage. L’essentiel de cette littérature
suppose que les analystes financiers opèrent de façon constante à l’intérieur des préceptes
habituels de l’analyse financière. Elle n’examine généralement pas l’analyse textuelle
elle-même, préférant extraire seulement le sens de la dernière ligne (recommandation ou
prévision de résultat). Ceci perpétue l’idée selon laquelle la technologie de conversion
employée par les analystes est suffisamment bonne pour ne pas avoir à être sérieusement
investiguée. Le point de la présente recherche est que l’on ne doit pas présupposer l’existence
du niveau de technicité du travail des analystes » (p.350).
Ces travaux jettent donc également une interrogation sur l’utilisation réelle des données
comptables dans les analyses. Les données comptables ne semblent pas avoir un rôle premier,
mais avoir un rôle secondaire de support aux argumentations du management, puis aux
conclusions des analystes. On retrouve en revanche là encore de l’intertextualité entre les
communiqués ou les narratifs des rapports rédigés par les managers des entreprises et les
rapports des analystes. Dans un registre plus anecdotique, un ancien analyste témoigne des
pratiques d’utilisation des communiqués produits par les entreprises par des analystes toujours
pressés par le temps220 (Tréteau, 2005, p.176) :
«le «copier-coller» s’impose comme une évidence. Il n’est plus un outil d’analyse financière, mais un premier
réflexe. Le verbatim des entreprises cotées peut donc être efficacement et bruyamment relayé par la communauté
financière, sur les fils d’agences financières, les notes d’analystes et les articles de presse économique, les uns
218
sur les années 1993-1994, tirage aléatoire sur un échantillon de 1000 firmes américaines
219
Les auteurs citent par exemple le fait que le consensus des analystes soit devenu la méthode académique
préférentielle d’approcher l’incertitude sous-jacente des actions, sans beaucoup se préoccuper de la façon dont il
est élaboré, ou que le nombre d’analystes qui suivent une valeur (analyst following) soit devenu une variable
descriptive de certaines organisations dans les études empiriques.
220
Ce témoignage doit bien entendu être pris avec toutes les précautions d’usage, l’auteur ayant été licencié suite
à une note négative sur le groupe Vivendi Universal. La reprise de tout ou partie des communiqués d’entreprises
dans les dépêches est cependant une pratique assez commune.
209
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
se nourrissant abondamment des autres. Si le même message est relayé de toute part, il est déjà incontestable.
La référence circulaire n’est plus très loin (…). Sans verser dans le pur plagiat, la circulation rapide des notes
de recherches ou des estimations de résultats attendus permet aux analystes de prendre leurs inspirations à la
meilleure source : celle du consensus » .
Malgré le fait que les analystes ne peuvent pas garantir que leurs recommandations
permettront une appréciation du capital des investisseurs, « la légitimation sociale qui leur a
donné le droit de parler à propos de cette incertitude est une ressource clé qui doit être
perpétuée » (Fogarty & Rogers, 2005, p.338). Le rôle social des analystes financiers étant
ainsi légitimé, les textes qu’ils produisent, l’avis qu’ils expriment joue le rôle de pressions
coercitives dans l’annonce de l’adoption d’une PRC pour les entreprises cotées.
La presse économique constitue une des sources d’information importante des managers et
des dirigeants. Les articles de la presse économique sont des textes d’un autre genre
particulier, qui présentent de nombreux intertextes avec d’autres textes : commentaires de
dirigeants d’entreprises ou de dirigeants politiques, opinions de consultants ou positions de
représentants du monde académique, extraits de communiqués de presse des entreprises ou
des avis des analystes financiers. Ils sont à la fois être une source d’information et créent des
interdiscours avec d’autres discours plus généraux sur l’économie, sa place dans la société, en
rendant certains discours plus légitimes et en contribuant à en marginaliser d’autres. Ainsi la
place des entretiens avec des dirigeants est généralement plus importante que celle des
représentants des syndicats ou des salariés. La voix des actionnaires minoritaires se fait
surtout entendre lorsque ceux-ci se manifestent par le biais de leurs associations de défense.
Les textes de la presse économique participent ainsi à l’élaboration des représentations
sociales des managers et de leur cadre institutionnel.
210
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
regard similaire, en renforçant « l’évidence »221 des décisions d’annonce et de mise en œuvre
de PRC, leur caractère inéluctable.
La lecture d’une assez courte période (quelques semaines) d’un même titre de la presse
économique et financière (l’Agefi) fait ressortir les articles suivants sur les PRC :
ABN Amro accélère « La chasse aux coûts sera le dossier phare d’ABN Amro cette année. Le groupe va
son programme de supprimer 2400 postes dans le monde, soit 10% de ses effectifs (…) les réductions de
réduction des coûts coûts devraient atteindre 900 millions d’euros par an à compter de 2008. (..) Le
(27/04/06) durcissement de la discipline des coûts répond à un impératif martelé par les
marchés. «Les coûts sont encore trop élevés, ce qui montre que les efforts sont encore
nécessaires » a commenté l’analyste de Rabo Securities.
Intel remet tout à plat, « Le numéro un mondial des microprocesseurs Intel veut économiser un milliard de
se restructure et dollars sur ses coûts en 2006 et mène actuellement un passage en revue de ses activités
cherche un milliard de d’une ampleur inégalée « depuis le milieu des années 80 », a déclaré jeudi son PDG Paul
dollars d’économie Ortellini. Le groupe américain envisage un plan de restructuration d’ici l’été, a-t-il
(28/04/06) ajouté. « Chaque segment de l’entreprise sera inclus dans cette évaluation » a-t-il ajouté,
soulignant que la direction cherchait à identifier « les activités non performantes ». Le
groupe « veut se restructurer, repenser ses objectifs et sa taille » afin de devenir « plus
agile, plus efficace » a poursuivi Paul Ortellini.
Les résultats décevants « Pour redresser la barre, le groupe a lancé une série de mesures drastiques qui
de Volkswagen pourraient entraîner jusqu’à 20 000 suppressions d’emplois. Les analystes sont
confirment la nécessité convaincus que la firme a sciemment choisi une méthode comptable très
d’une restructuration conservatrice au premier trimestre, réduisant la hausse des résultats au minimum
(2/05/06) possible pour maintenir la pression sur le comité d’entreprise. »
Concernant les PRC, les articles de la presse économique contribuent à la fois à rendre
évidents les modèles d’organisation « légère », « réactive » et « flexible » en phase avec le
discours ambiant. Ils répétètent le fameux « impératif des marchés » qui rend pratiquement
inéluctable une PRC. Cependant, ces articles dévoilent parfois également l’utilisation
stratégique des résultats comptables par les dirigeants pour rendre ces réorganisations
incontestables par les autres parties prenantes en minorant le résultat net. La fréquence des
articles dans un petit laps de temps ne fait que renforcer la représentation « évidente » selon
laquelle toute organisation rationnelle – elle rationalise sa production- doit un jour ou l’autre
faire une PRC, surtout lorsqu’une organisation internationale majeure annonce avec ampleur
221
Au sens de « taken for granted », qui participe à l’institutionnalisation en cours par une sédimentation
progressive des savoirs et des pratiques.
211
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
une PRC d’un montant considérable. L’impact des annonces des entreprises très connues est
renforcé par leur reprise dans plusieurs titres de la presse économique, de la presse générale,
voire par leur déclinaison également dans la presse professionnelle, avec une forte
intertextualité et des discours en général convergents sur la présentation des faits.
Extraits de la presse économique (les expressions en gras sont accentuées par nous)
222
Avril 2004 – l’entreprise est en phase de restructuration :
« « Transformation 60 » a été lancé voila un an, mais ses détails n’ont été dévoilés qu’en octobre, et seules
quelques-unes de ses mesures ont été réalisées. Le plan, qui doit être achevé en mars 2006, s’organise autour
de deux axes : restructurer l’entreprise en interne, c’est-à-dire réduire les coûts fixes, et définir une nouvelle
stratégie de croissance. A la clé, l’objectif ambitieux d’atteindre une marge d’exploitation de 10% (elle était de
1,6% en 2003). Mais Sony est-il parti à temps ? C’est le seul groupe d’électronique qui prévoit encore
d’importants coûts exceptionnels.(…)
Depuis longtemps, les effectifs maintenus par Sony au Japon, en dépit des délocalisations massives opérées par
ses concurrents, étaient considérés comme anormalement lourds. « Non seulement Sony a un ratio d’employés
au Japon élevé par rapport aux autres groupes électroniques, si l’on considère la part de son chiffre d’affaires
réalisée à l’étranger, mais en plus ce ratio avait tendance à augmenter jusqu’à l’an dernier », fait remarquer
Y.F (analyste Goldman Sachs). « Le groupe a supprimé cette année 5000 emplois au Japon sur son objectif de
7 000 suppressions. Le plan prévoit d’en supprimer 20 000 dans le monde.
Mais le géant nippon n’a pas publié l’état d’avancement du plan de réduction d’un tiers de ses 200 bases de
production, ni sur la baisse du nombre de fournisseurs, qu’il veut ramener de 4700 à 1000. « La nomination
du « cost killer » Carlos Ghosn au conseil d’administration montre qu’ils ont conscience de manquer de cette
« patte » qu’ont les grands groupes comme Intel ou Samsung, qui savent maintenir une tension entre marketing
et logique industrielle. Nobuyuki Idei est très fort en marketing, mais il lui manque l’autre versant des grands
dirigeants, ceux qui gardent un œil sur les coûts » estime H.K., consultant spécialisé dans l’électronique »
Le cru 2004 des résultats de Sony ne devrait pas provoquer le choc de l’an dernier : sur la Bourse de Tokyo, les
investisseurs avaient alors paniqué, faisant s’effondrer le cours de l’action. »
« un plan pour le mois de septembre qui va reposer sur ces deux composantes : générer du profit et créer de la
valeur »223.
Le nouveau président a « une réputation de cost killer. Il a ainsi supprimé quelque 9000 emplois et abaissé les
coûts de 700 millions de dollars par an». Cependant « les analystes, hier, se montraient donc assez prudents
dans la capacité du nouveau président à, soudain, générer du profit et créer de la valeur. « Sony a jusque là
222
« Une vaste restructuration loin d’être achevée », La Tribune, 28 avril 2004.
223
« Le nouveau président de Sony se donne trois mois pour dévoiler son plan de relance », Les Echos, 23 juin
2005.
212
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
été sauvé par la force de sa marque qui lui permettait de vendre ses produits plus chers » estime T.Y., de
Yasuda Asset Management ».
Le 28 juillet 2005, le groupe revoit ses prévisions à la baisse pour 2005-2006224 :
« les investisseurs, qui gardent en mémoire le « choc Sony » provoqué il y a deux ans par l’annonce inattendue
d’une lourde perte trimestrielle, avaient cette fois-ci anticipé les mauvais résultats ».
En septembre 2005, la presse économique rappelle que l’annonce d’une restructuration est attendue225 :
« Le patron du groupe nippon devrait notamment dévoiler à cette occasion un plan destiné à redynamiser les
activités électroniques grand public ».
Reuters 226indique que les nouveaux dirigeants devraient annoncer le lendemain une « vague de suppressions
de postes et d’investissements ». Parmi les anticipations des analystes : « l’objectif clé de ce plan de
restructuration doit être au minimum de maintenir les ventes à leur niveau actuel tout en réduisant les coûts.
S’ils arrivent à faire passer un tel message, la réaction devrait être neutre, voire favorable » (Y.N. analyste
Deutsche Securities) ou encore « j’aimerais voir Sony réduire ses effectifs d’environ 10% » (F.O. d’UBS).
Le 22 septembre 2005, Sony annonce 10 000 suppressions d’emplois, soit 7% de ses effectifs
mondiaux, et annonce une révision à la baisse de ses objectifs annuels, avec une perte pour
l’exercice 2005-2006. La restructuration prévoit, outre la fermeture de 11 sites (17% de sa
capacité de production), des cessions d’actifs significatives, et des réductions de sa gamme de
produits. L’objectif affiché est une marge opérationnelle de 5% en mars 2008, comparable à
celle de son concurrent Matsushita Electronic Industrial qui vient d’achever une
restructuration. Le plan devrait dégager 2,35 milliards d’euros d’économies.
Le PDG déclare 227. :
« Sony et ses pairs sont tous confrontés à des pressions terribles sur le marché, mais nous avons un sens de
l’urgence et un but à atteindre. Nous nous battrons vigoureusement (…) Nous allons atteindre nos objectifs en
abattant les murs et en éliminant la structure hautement décentralisée qui avait été maintenue dans le passé»
En 2006, les choses semblent s’arranger pour le groupe japonais : en janvier, le groupe
annonce une hausse de 47% de son bénéfice d’exploitation trimestriel et relève sa prévision
de résultat annuel. En avril, le titre progresse après l’annonce d’un dépassement des objectifs
annuels (au-delà du consensus des analystes)229, malgré les perspectives pessimistes dues au
224
« Sony, dans le rouge, accroit son retard sur Matsushita », Reuters, 28 juillet 2005.
225
« Le PDG de Sony va dévoiler sa stratégie le 22 septembre », Les Echos, 13 septembre 2005.
226
« Sony – suppressions d’emplois et investissements attendus jeudi », Reuters, le 21 septembre 2005.
227
« Sony supprime 10 000 emplois, 7% de ses effectifs », Reuters, 22 septembre 2005.
228
« La filiale française ne devrait être que modérément concernée », Les Echos, 23 septembre 2005.
229
« Sony s’attend à une mauvaise année à cause de la PS3 », Reuters, 27 avril 2006.
213
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
coût du lancement de la nouvelle console PS3. En juin, les indicateurs sont au vert : « nous
sommes en phase avec tous les plans » déclare Howard Stringer lors de l’assemblée générale
des actionnaires, même si « le discours des dirigeants n’a pas convaincu tous les
actionnaires »230, certains ayant acheté des actions à un prix nettement supérieur à celui de
2006…
Le cas de Sony permet à lui seul d’éclairer un certain nombre des mécanismes de pression et
d’institutionnalisation de la PRC via les discours qui montrent bien l’intertextualité
permanente entre les articles de presse économique, les discours de dirigeants et les avis des
analystes. Son statut d’entreprise mondialement connue lui donne une image de « star » dans
le milieu des entreprises, celles dont on veut s’inspirer pour mettre en place les « meilleures
pratiques » de management évoquées en parlant des modes managériales. Le groupe a ainsi
suscité de nombreux éloges en matière de stratégie et d’innovation, et un ouvrage récent « Les
leçons du succès de Sony »231 - paru aux France avant les évènements dont nous parlons-
célèbre la qualité de ses techniques de gestion : « savoir faire preuve de patience sans
immobilisme » et « anticiper pour ne pas subir l’environnement232 ». L’entreprise a subi un
« choc » boursier en 2003 et a annoncé ensuite le lancement d’un grand plan de
restructuration, avec un nom à la connotation positive (Transformation 60). Les comparaisons
faites par analystes et journalistes entre les entreprises du même secteur agissent alors comme
des pressions coercitives : les attentes sociales du marché poussent à un plan de
restructuration de grande envergure pour que Sony fasse « comme les autres », puisse
annoncer un plan en accord avec les pratiques attendues et légitimées dans le secteur.
L’analyse stratégique organisationelle diffusée largement par la presse des affaires crée de
plus en plus de visibilité sur les pratiques des autres firmes, mais d’une façon potentiellement
biaisée qui a tendance à renforcer les effets de modes (Strang & Macy, 2001). Pour bien
afficher sa réponse à ces attentes sociales, Sony choisit non seulement d’annoncer ce grand
plan – même s’il semble au départ assez vague- mais aussi de nommer à son conseil
d’administration le « cost killer » le plus réputé233. La littérature académique sur les liens
créés par les administrateurs communs (« interlocks ») a rarement cherché à montrer la quête
de légitimité liée à ce type de nomination, mais « la littérature existante sur les nominations
230
« Sony compte bien atteindre 5% de marge sur 2007-2008 », Reuters, 22 juin 2006.
231
« Business the Sony Way », S.S.Luh (2003).
232
Source : Fiche de présentation de l’ouvrage par son éditeur.
233
Nous reviendrons ultérieurement sur cette figure du « cost killer ».
214
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Cependant, ces mesures ne sont pas suffisantes, et les résultats financiers étant toujours
décevants, Sony doit ensuite montrer des signes plus forts et plus crédibles de légitimité :
c’est à la tête de l’entreprise qu’un « tueur de coûts » doit être nommé. La première
déclaration du nouveau patron montre là encore l’adoption par Sony d’un cérémonial
institutionnalisé : lors de l’assemblée générale, le PDG de l’entreprise annonce à ses
actionnaires rassemblés selon le rituel d’usage qu’il va «générer du profit» et «créer de la
valeur», et qu’il dévoilera bientôt un «plan». Pour gérer sa légitimité et celle de son
organisation, le nouveau dirigeant utilise donc tous les symboles rituels qui permettent de
montrer que son organisation est bien tournée vers des buts mandatés collectivement : le
profit et la valeur. Pour satisfaire ceux qui lui confèrent sa légitimité (les actionnaires), il se
doit d’envoyer aux marchés financiers un message de crédibilité. La crédibilité se définit alors
comme l’ensemble des exigences auxquelles il faut satisfaire pour rassurer les marchés
(Lordon, 1997).
La structuration de ses actions futures sous forme d’un « plan » est également le signe d’une
structure formelle institutionnelle rationnelle de prise de décision et de poursuite d’objectifs
économiques. Dirsmith et al. (2000) montrent que les pressions institutionnelles incitent à un
étalage symbolique de pratiques rationnelles, mais que l’effet des pressions sur l’organisation
étudiée234 n’est pas limité à des « gestes simplement cosmétiques ». Elles ont un effet réel sur
les processus instrumentaux de travail des membres des équipes. Ceci rejoint les positions de
Suchman (1995) qui notait que pour gagner de la légitimité morale, les organisations
pouvaient choisir avec soin un étalage de symboles, pour signaler et afficher qu’elles
travaillent « du côté des anges », mais qu’il était exagéré de penser que « les organisations
gèrent hypocritement le symbolisme de façon à duper des auditoires naïfs » (p.588). Dans le
cas de Sony, il n’y a pas découplage total entre l’annonce de PRC et la réalisation d’un plan,
même s’il est possible de voir un couplage lâche entre les pressions institutionnelles et la
façon dont les tâches instrumentales sont perçues, effectuées et coordonnées dans
234
Le GAO, General Accounting Office, en charge de l’audit du budget fédéral américain et de la dette
nationale.
215
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
l’organisation, ainsi qu’une interdépendance entre ces pressions et la nature des travaux. Les
processus organisationnels semblent utilisés simultanément dans un but instrumental et
symbolique, pour répondre à la fois à des impératifs techniques et institutionnels. Cette dualité
est présente dans chaque facette de l’organisation, aussi bien dans les « éléments
infrastructurels, que socioculturels et superstructurels » (Suchman p.533). Avant même son
annonce, ce plan est soumis à une forte attente sociale (dans le champ social qu’est la sphère
financière à tout le moins) en faveur d’un plan de suppression d’emplois important, il n’est
donc même pas imaginable que l’annonce ne porte pas sur des réductions importantes
d’effectifs. Ces réductions seront en partie justifiées par l’existence de sureffectifs, notion
présentée comme une donnée objective et rationnelle.
Cependant, le sureffectif est une représentation construite par les membres d’une organisation,
définies par ses besoins, ses normes, ses objectifs (Fabre, 1997a ; Moulin, 2001). La
rationalité financière repose sur l’idée selon laquelle le niveau de compétitivité de l’entreprise
repose surtout sur sa productivité (Fabre, 1997b). Or cette notion complexe est bien souvent
réduite à la productivité du travail (Beaujolin, 1999), malgré de nombreuses recherches
faites235 pour concevoir de nouveaux critères d’investissement et de performance. Les
propositions d’évolution vers un nouveau paradigme de l’efficience productive (Pochet,
1998), intégrant niveaux de qualification et organisation du travail n’ont été suivies. La
productivité du travail reste ainsi la mesure quasi-exclusive utilisée dans de nombreuses
entreprises (Ginsbourger, 1998), et les outils utilisés pour la mesurer sont encore souvent des
ratios grossiers (Campinos-Dubernet, 1995) tels que le chiffre d’affaires rapporté à la masse
salariale. L’utilisation de tels ratios se poursuit en dépit de leur éloignement croissant des
modes de construction de la productivité réelle, privilégiant l’automatisation mais négligeant
souvent largement les coûts indirects liés à ce type d’investissements (Baraldi et Troussier,
1998). Si l’évaluation de la productivité est intégrée dans les calculs de sureffectif, à l’inverse,
toute économie sur la masse salariale est interprétée comme un gain de productivité. Du fait
du mode de calcul, les objectifs budgétaires de gains de productivité sont traduits en objectifs
de réduction d’effectifs. L’utilisation de ce type de calculs par les gestionnaires et les
analystes ne fait que rendre plus « inévitable » le constat d’un sureffectif, surtout lorsque le
calcul se fait en masse en comparant plusieurs entreprises comme pour Sony.
235
Travaux du groupe ECOSIP, modèle du CAM-I et de la comptabilité par activités …
216
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Devant les attentes sociales et les calculs rationnels qui poussent à une forte suppression
d’emplois, le plan annoncé par Sony est presque en retrait par rapport aux prévisions
exprimées par certains analystes, et certains investisseurs ont déjà acté le plan avant même
son annonce puisque le cours de la bourse a augmenté « par anticipation ». L’objectif de
marge affiché est néanmoins conforme à celui de l’organisation la plus légitime aux yeux des
acteurs de ce champ organisationnel (Matsushita) qui est déjà passée par ce processus de
PRC. La légitimité d’une pratique vient en effet augmenter sont adoption future par d’autres
organisations (Greenwood & al., 2002 ; Tolbert & Zucker, 1996). L’objectif du plan est donc
légitime et rationnel, et le vocabulaire du PDG est comme il se doit celui d’un guerrier qui va
affronter le marché et qui va « abattre les murs » à l’intérieur de l’organisation pour la
centraliser et appliquer une politique de concentration des achats et de produits conforme à
l’air du temps. A ce jour, Sony continue à gérer sa légitimité d’organisation efficiente et
rationnelle, en « phase avec tous les plans », qui suit donc comme prévu des desseins
parfaitement définis et qui créent de la valeur. Le seul petit actionnaire déçu cité dans le
dernier article de notre revue de presse se voit opposer l’absence de responsabilité du PDG
actuel sur la baisse des cours de Sony en 2003 et 2004. Pour l’actionnaire, l’entreprise est la
même, mais pour le PDG, les seuls résultats pertinents sont ceux de sa gestion, et le cours de
bourse a augmenté depuis sa nomination, conformément aux attentes du marché.
Le cas du groupe Lagardère Média illustre de façon intéressante également les pressions des
investisseurs institutionnels et des analystes et de l’intertextualité qui existe cette fois entre les
textes des analystes et ceux des dirigeants d’entreprises. Le 29 mars 2001, le groupe présente
217
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
ses résultats de l’année 2000, et la presse économique fait mention d’un plan de réduction des
coûts annoncé pour 2001-2003236. Cependant, le communiqué de presse n’en fait pas mention,
et sur le site internet, le support de présentation aux analystes non plus. En revanche, un
visionnage de la réunion de présentation aux analystes du 29 mars 2001 montre que les
dirigeants du groupe ont profité de ce vecteur de communication pour annoncer leur plan, et
répondre ainsi aux pressions des analystes. Les extraits de la retranscription de cette
conférence diffusée sur le site internet du groupe permettent de mieux comprendre
l’utilisation stratégique des symboles et du vocabulaire légitimé par un dirigeant qui cherche à
gérer la légitimité de son organisation (les passages en gras sont marqués par nous).
Introduction « Nous allons avoir une conférence en quatre temps : la première sera évidemment les
comptes 2000, décrits par D.D., ensuite je vous donnerai un état des lieux à la fois
(A.Lagardère)
économique et stratégique. Enfin en 3° étape, J.L. Allavena que vous voyez à la table ici
décrira ce que nous vous avions promis la dernière fois, c’est-à-dire un plan
d’amélioration de la rentabilité et de la croissance, et enfin on passera aux questions et
aux réponses. (…).
Avant de passer la parole à D.D., je voudrais simplement donner une petite note
d’ambiance, puisque tout le monde est un petit peu nerveux, les marchés financiers,
certains d’entre vous j’imagine, il y a quand même un décalage assez fondamental, je le
sens en tous cas, entre la bonne santé des entreprises, en tous cas la nôtre, et l’état
d’ambiance général , donc on apportera un petit peu de sérénité dans ce marasme
ambiant, j’y reviendrai à plusieurs reprises tout à l’heure, mais ce qui me semble
fondamentalement important c’est que c’est dans ces périodes d’incertitude pour ne pas
dire d’inquiétude que se font la différence entre les groupes, et c’est justement dans cette
position là qu’il faut être le mieux armé. Ce sera un petit peu le thème général de notre
conférence aujourd’hui ».
Stratégie et A plusieurs reprises, A. Lagardère dans ses commentaires sur les résultats des branches
indique que le groupe a été plus performant que le marché en restant insensible aux effets
perspectives
de mode en particulier dans le domaine de l’internet : « nous sommes restés concentrés sur
(A.Lagardère) nos objectifs », « vous savez que nous faisons ce que nous disons ». Il emploie également
le vocabulaire de son auditoire en parlant de « reprendre votre vocabulaire de : vendeur,
neutre, acheteur », dans ses explications. Commentant les résultats de la branche livre, il
indique que « depuis qu’il est en charge de la Hachette Livres, JLL a, année après année,
continué à améliorer sa marge d’exploitation. Je suis sûr que vous allez me dire que ce
n’est pas suffisant, je n’ai pas besoin de vous poser la question, c’est votre rôle d’ailleurs,
vous avez probablement raison, et nous allons essayer de continuer sur cette voie. »
Plus tard, parlant du maintien de la créativité et de la croissance interne, il déclare à
nouveau que « même si cela vous déçoit parfois nous sommes sur le bon chemin (…) ne
soyons pas stressés par la rentabilité à court terme (…) nous avons su être patients».
236
« Lagardère média se fixe un plan de rentabilité à 3 ans », Reuters, 29 mars 2001.
218
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
en ce moment qui annoncent des résultats tonitruants, nous n’avons d’ailleurs pas des
résultats mauvais, mais qui jouent énormément la carte de la bourse au quotidien ce qui à
mon avis est une erreur, et qui finissent par toucher à la capacité créatrice...on verra les
profit warnings dans un ou deux ans ». En conclusion de cette partie, il ajoute « nous ne
sommes pas des joueurs et nous ne sommes pas des spéculateurs, ce qui ne veut pas dire
que nous n’avons pas un plan extrêmement ambitieux d’amélioration de cette rentabilité
et de cette croissance, je le répète, extrêmement ambitieux qui vise d’une part à conforter
notre plan de marche, surtout dans une période qui est un petit peu délicate mais aussi à
l’améliorer ».
Croissance et Les 2 objectifs majeurs de ce plan : « augmenter la profitabilité des branches avec les
meilleurs benchmarks internationaux » et « accélérer la croissance interne ». C’est un
profitabilité
« nouveau degré d’ambition que l’on développe », des actions internes déjà faites dans les
(J.L. Allavena) différentes branches, et c’est « un pallier supplémentaire atteignable car la culture du
groupe « s’y prête, avec un objectif à 2-3 ans ». Cette notion de «benchmark au niveau
international » passera par la « définition d’un benchmark des meilleures pratiques »
mais en préservant la créativité. L’objectif du plan est un gain de 110 millions d’euros
d’impact à fin 2003 avec « 4 axes développés de façon systématique », 4 « moteurs pour
changer de braqué » :
• un recentrage du portefeuille sur des activités jugées stratégiques et rentables, avec un
« peignage régulier du portefeuille » qui entrainera des downsizing de sites internet ou
des cessions pour environ 10 entités de taille moyenne
• un « programme d’amélioration de la rentabilité dans chaque branche et sur chaque
nature de coût » (frais généraux, coûts de fabrication) par une « action en
profondeur » et une « amélioration continue à booster » pour « franchir un pallier
supplémentaire ».
• une concentration de ressources dans certains secteurs à fort potentiel pour stimuler la
croissance interne.
• une accentuation des « synergies concrètes » dans 3 ou 4 domaines : mutualisation des
achats, potentiel d’économies à intensifier, « optimisation », ces synergies
«s’intensifient facilement » avec la mise en œuvre d’un système de pilotage et d’un
dispositif de suivi et d’incitation.
Croissance et Parmi les actions « qui vont changer le groupe » :
• les « patrons de branche sont des entrepreneurs liés à leur métier » et chaque directeur
profitabilité
général aura un rôle proactif. « Notre reporting est trop comptable, décalé de la vie
(A.Lagardère) économique, il n’y a pas d’indicateur de benchmark », les activités médias seront
pilotées avec des indicateurs de benchmark.
• suivre les 100 principaux managers des médias en termes de mobilité professionnelle.
• le « Top management » sera directement intéressé à la réalisation du plan via des bonus
et des options.
Conclusion « Ce plan est une couche supplémentaire des améliorations quotidiennes que vous jugez
insuffisantes (...) et permet de conforter les objectifs d’augmentation du REX en 1999 sur
(A.Lagardère)
2001-2002 alors que l’univers a changé (…) Nous avons toujours réalisé ce que nous
avons dit ».
« On peut même faire mieux ».
237
« Lagardère Média se fixe un plan de rentabilité de 3 ans », Reuters, 29 mars 2001 9h07.
238
L’utilisation d’indicateurs, très à la mode à cette période, autres que le résultat net comptable participe d’une
rhétorique dans laquelle un indicateur plus favorable – et donc jugé plus pertinent – est utilisé pour mesurer la
performance de l’entreprise et la commenter.
219
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
intervention d’un dirigeant de groupe considéré comme pas assez rentable permet de
souligner que :
• Les pressions des analystes et des investisseurs sont perçues par l’entreprise qui y
répond de façon symbolique en utilisant les mots du vocabulaire légitime de la PRC.
On retrouve ainsi dans le discours d’A. Lagardère et de J.L. Allavena la quasi-totalité
des mots identifiés et analysés dans le chapitre 2 : réduction des coûts, downsizing,
synergies, optimisation, recentrage, amélioration continue. Tous les outils de gestion
à la mode au moment de ce discours sont donc convoqués comme autant de symboles
face aux investisseurs et aux analystes.
• Le discours du dirigeant suggère que cette pression est légitime : il ne remet pas en
cause l’exigence de rentabilité et la pression en faveur d’une PRC et indique que les
« suggestions » des analystes lui importent et qu’ils ont raison. Le discours construit
par le dirigeant fait apparaître des techniques de manipulation de son auditoire : il
anticipe les objections (« je n’ai pas besoin de vous poser la question »), il fait
s’approprier une partie de la gestion et les décisions au sein de l’entreprise aux
analystes financiers (« pas uniquement en suivant vos suggestions mais vos
suggestions nous importent »). Par la suite, son discours est plutôt une défense des
modalités de PRC choisie par le groupe qu’une justification de cette PRC. Ceci rejoint
les conclusions d’Elsbach (1994) : les discours qui reconnaissent les faits et qui font
références à des faits largement institutionnalisés sont efficaces pour protéger la
légitimité organisationnelle.
• Le dirigeant dans son discours tente à la fois de décrédibiliser la stratégie de certains
concurrents, qualifiés de « joueurs » ou de « spéculateurs », et de gérer en contraste
l’image de la sienne : solide, crédible, digne de confiance : « nous faisons ce que nous
disons », mais également ambitieux, mot répété à plusieurs reprises.
Par ailleurs, le reporting « trop comptable » - donc implicitement inapte à faire apparaître la
« vraie valeur » – est ici critiqué ; il sera complété par des indicateurs de « benchmarking »
plus susceptibles d’établir les causes de la valeur. Ces commentaires entrent en résonance
avec la montée de la remise en cause de la pertinence du modèle comptable à enregistrer la
création de valeur soulignée par Power (2001).
220
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
La réaction à cette annonce est tout à fait positive239 : « L’action Lagardère surperforme
nettement le marché français et le secteur des médias en Europe jeudi après la présentation
d’un plan d’amélioration de sa rentabilité et de perspectives publicitaires rassurantes pour
2001 déclarent des analystes interrogés par Reuters. (…) « leur plan de rentabilité
correspond aux attentes du marché » (N.M. analyste chez Aurel Leven) ». La légitimité du
groupe est rétablie à cet instant grâce au langage symbolique et à l’annonce d’une PRC, en
réponse aux pressions coercitives exercées par les analystes financiers.
Cependant, nous avons vu que, dans le cadre de la TNI, l’isomorphisme coercitif coexistait
avec un isomorphisme normatif et un isomorphisme mimétique. Parmi les mécanismes
d’isomorphisme normatif à l’adoption et à l’annonce d’une PRC figurent le « benchmarking
des meilleures pratiques », relevé dans le discours d’A. Lagardère. Ce mécanisme de
comparaison systématique entre les entreprises, ainsi que les ouvrages de littérature
managériale contribuent à ces pressions normatives.
239
« Lagardère dopé par ses perspectives rassurantes », Reuters, 29 mars 2001 15h45
240
Même si ce type d’ouvrages n’atteint pas les mêmes tirages qu’aux Etats-Unis, mais qu’un « bon » titre se
vend en France à 10 000 exemplaires environ (L’expansion, 1/12/04).
221
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
contrôle de gestion ou en gestion de production par exemple) qui sont non seulement
techniques mais constituent « un des principaux véhicules de diffusion et de vulgarisation de
modèles normatifs » (p.95), et dont la vocation est plus prescriptive que constatative. Pour la
PRC, il n’y a pas d’ouvrage aussi emblématique que « Le reengineering » ou « Le prix de
l’excellence ». En revanche, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, la PRC passe
bien souvent par l’utilisation d’un ou plusieurs de ces outils managériaux dont les modes
successives ont pu être analysées par la littérature : reengineering (Benders & van Veen,
2001), downsizing (Mc Kinley & al, 1995), qualité totale (David & Strang, 2006), recentrage
stratégique, lean management et externalisation.
Les pratiques proposées s’appuient sur un benchmarking systématique qui ne fait que
renforcer les pressions mimétiques pour adopter une PRC. Néanmoins, pour illustrer la
rhétorique qui s’est développée dans une partie des livres de management concernant la PRC,
nous avons relevé des extraits de textes relevant de cette problématique : d’abord dans un
ouvrage général de management destiné aux cadres dirigeants, puis dans une ouvrage
spécifiquement destiné à aider les praticiens à mettre en œuvre des PRC.
Dans ces ouvrages, la diffusion une technique de gestion est facilitée par la « théorisation »
(Strang & Meyer, 1994). Dans cette théorisation, les auteurs créent tout d’abord des
catégories abstraites: par exemple « les entreprises françaises » et « les entreprises
américaines ». Ils mettent ensuite en évidence un écart de performance entre ces deux
catégories : par exemple un manque de productivité. A partir de quelques cas observés, les
auteurs mettent ensuite en évidence une chaine de relations de causalité liant la réduction de
l’écart et l’adoption de ce nouvel outil de gestion. Dans notre exemple, les entreprises
américaines seront présentées comme plus productives que les entreprises françaises grâce à
l’adoption de telle technique de gestion. Ainsi le discours favorisera l’idée selon laquelle
l’adoption généralisée d’une technique de management particulière et accélérera sa diffusion.
Le premier ouvrage choisi est un ouvrage destiné à la formation continue241. Cet ouvrage a été
choisi en fonction du public auquel il est destiné - un public de dirigeants – ainsi que de
241
réédité pour la 6ème fois en 2006, ce qui dénote un certain succès depuis 1998.
222
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
l’origine de ses auteurs : des consultants de la Cegos qui ont publié plusieurs ouvrages de
management et utilisent des expériences de stages de formation de leur cabinet pour illustrer
leur théorisation.
Cet ouvrage répond ainsi aux caractéristiques relevées par Boltanski & Chiapello (1999) :
c’est un ouvrage à vocation prescriptive, véhicule de la diffusion et modèles normatifs de
pratiques de management. Il passe en revue « Les meilleures pratiques en management », de
la relation client à la gestion du changement. Chaque chapitre commence par un tableau qui
figure les principales tendances sur le thème choisi présenté en deux colonnes : « hier/
aujourd’hui » et « aujourd’hui/demain ». Cette présentation est adoptée pour faciliter une
diffusion revendiquée de certains outils de management :
« Cela signifie que des valeurs, des doctrines, des méthodes ou des outils de management sont en train
d’apparaître et de se diffuser. Mais rien en cette matière ne se fait en un jour. Il en est ainsi pour la plupart des
pratiques de management qui vont s’étendre à une grande population d’entreprises. Elles sont imaginées et
expérimentées par des entreprises audacieuses et créatives, il faut bien l’admettre. Elles sont repérées par des
consultants, des formateurs ou des professeurs d’université qui les font connaître à d’autres entreprises qui les
implantent à leur tour. Puis vient la notoriété de la méthode dans les médias et ma mode se transforme en
phénomène social. » (p.1).
Il s’ouvre sur un premier chapitre d’introduction intitulé «Un monde de changement » dans
lequel est résumé le contexte socio-économique mondialisé dans lequel se trouvent les
entreprises et auquel elles doivent s’adapter. L’accent est fréquemment mis sur la nécessaire
modernité des pratiques mises en exergue, avec des expressions comme « direction moderne
des entreprises ». Le sujet de la PRC intervient à deux moments dans cet ouvrage, tout
d’abord dans « Le management stratégique moderne ».
242
TITRE ou Sous titre Extraits (p.205-208)
STRATEGIE ET « Ce qui caractérise la situation de crise c’est le plus souvent soit des difficultés
GESTION DE CRISE de trésorerie soit des pertes qui deviennent importantes. Dans les deux cas, c’est
(p.205) le risque de cessation de paiements dans un proche avenir (..) et bien que l’on
parle de stratégie, le court terme l’emporte sur le long terme »
Une stratégie comptable à « Avoir en tête, lors du diagnostic financier cette loi universelle et toujours
pratiquer immédiatement vérifiée : avant que la crise soit affichée et le diagnostic établi, les pertes réelles
(p.207) sont toujours supérieures aux pertes comptables. Le redresseur interne ou
provenant de l’extérieur aura à cet égard toujours de mauvaises surprises. »
242
Les caractères gras proviennent du texte original.
223
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
les comptes peut être remise en cause. Il sera toujours temps de recréer des
fonctions qui ont surtout un intérêt à long terme. Toutefois il faut prendre garde
de ne pas se séparer de compétences rares ou difficiles à recréer, en particulier en
matière d’avantage compétitif futur (la R&D par exemple).
La liste des économies potentielles est longue. Quelques principes d’action
peuvent aider à faire des économies par exemple réduire la complexité dans tous
les domaines depuis la variété des business, la complexité des structures ou des
processus, le détail des reportings, la complexité de la comptabilité analytique.
Rien n’est plus générateur de coûts insidieux que la complexité. Dans ces cas il
faut bien souvent appliquer la méthode d’Alexandre et trancher le nœud gordien
au lieu de tenter de dénouer l’inextricable complexité. »
Présenter un plan de « Deux des plus grands groupes français faisaient l’objet en 2002 de plans de
redressement crédible redressement : Vivendi Universal sous la conduite de J.R. Fourtou et France
(p.209) Telecom sous la direction de Thierry Breton. Dans les 2 cas il est intéressant de
suivre les méthodes de ces redresseurs expérimentés qui ont à résoudre des cas
particulièrement difficiles qui intéressent des millions d’actionnaires et deux
anciens joyaux importants de l’économie française ».
Ainsi, dans une période de crise, tout est permis ou presque en matière de réduction des coûts
et d’emplois, y compris « des mesures impensables en temps normal ». La survie de
l’entreprise avant tout devient un argument utilisable pour renégocier et les contrats de travail
et l’ensemble des relations contractuelles avec les parties prenantes. La comptabilité est à
nouveau remise en question dans sa capacité à refléter la réalité économique, non pas en
minorant le résultat comme dans le discours sur la création de valeur mais en minorant les
pertes.
De plus, on retrouve une thématique devenue classique de la réduction des coûts, héritée des
réflexions sur le management par la valeur et la démarche de comptabilité par les activités : la
réduction des coûts par la réduction de la complexité. La formulation prend parfois une
connotation morale lorsqu’il s’agit d’éviter les coûts « insidieux » et de « trancher le nœud
gordien », en référence une fois encore à un valeureux conquérant, Alexandre. Celà rejoint les
constats de Boltanski et Chiapello (1999) sur l’utilisation de « sources nobles et antiques »
dans la littérature managériale. Dans le monde de l’entreprise tel qu’il est présenté, gestion et
simplicité vont de pair. Enfin, le recours à l’exemplarité de deux patrons redresseurs, à la tête
de « joyaux » de l’économie, vient faire appel à des pressions mimétiques pour l’adoption de
plans de redressement similaires.
Plus loin figure un chapitre intitulé « Benchmarking et reengineering » qui commence par un
plaidoyer en faveur du reengineering (Extraits p.335-336) :
« Quant au reengineering, il ne faut pas le considérer comme une mode mais comme une nouvelle approche
complète et fondée sur une stratégie de rupture.
Il s’agit d’une révolution dont l’aspect le plus difficile à gérer ne semble pas la créativité nécessaire pour
reconcevoir les nouveaux processus, mais la transformation humaine qui conditionne la réussite de la mise en
224
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Cette tentative de réhabilitation d’un outil de gestion très critiqué fait écho aux commentaires
des initiateurs de la méthode, qui ont reconnu que le reengineering n’avait pas été mis en
place de la manière « révolutionnaire » qui avait été originellement définie (Champy, 1995).
Champy, qui place aujourd’hui le consommateur au cœur d’une « démocratie de marché »,
prône un nouveau reengineering avec des modifications culturelles nécessaires au changement
et une meilleure appréhension des ressources humaines. Ce passage est suivi d’un tableau qui
présente la vision d’« hier » et celle de « demain », et met en évidence les pratiques
souhaitables dans le futur. Ce type de présentation soulignant une opposition est l’une des
figures courantes des argumentations rhétoriques.
Les définitions classiques de la rhétorique mettent l’accent sur les aspects structuraux ou
fonctionnels de cette discipline. Platon insiste sur l’importance de la contradiction dans
rhétorique, alors qu’Aristote la définit comme « la faculté de considérer, pour chaque
question, ce qui peut être propre à persuader » (Rhétorique, 1,2,1). Le discours rhétorique
s’adresse à l’homme réel, et non pas à un homme abstrait comme le discours dialectique. Cet
homme réel est doué de faculté de jugement, de passions et d’habitudes culturelles. Ainsi,
dans son acception classique, la rhétorique met en avant trois grands types d’arguments
destinés à produire la persuasion (Aristote, 1991) : l’éthos (par l’image de soi projetée par le
discours), le pathos (par l’émotion) et le logos (par la logique du récit et de l’argumentation).
Le pathos et le logos produisent de la légitimité pragmatique et font appel à l’intérêt propre de
l’auditoire, alors que l’éthos produit de la légitimité morale et fait appel à l’approbation
normative (Suchman, 1995).
225
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
en Europe
Benchmarking considéré comme un repérage des “best Benchmarking compris comme un autodiagnostic, puis
practices” la mise en œuvre d’une meilleure pratique. Une des
bases de l’entreprise apprenante.
On réinvente sans benchmarquer On benchmarque avant de réinventer
Les oppositions entre hier et demain ont tendance à biaiser le logos et à placer
l’argumentation, sous couvert d’une argumentation rationnelle et logique, dans le registre de
l’émotion en faisant appel à « la règle d’or », ou à des terminologies positives qui se réfèrent
à la sphère des ressources humaines comme « entreprise apprenante » et « implication ». La
préoccupation humaine est ainsi remise au centre des outils de gestion. Cette utilisation d’un
concept renommé de façon plus positive, ou accompagné de mots qui ont une connotation
positive ou neutre permet d’en assurer le soutien auprès d’un public sceptique voire mal
disposé à son égard.
Le reengineering ne sert plus à réduire les effectifs mais à satisfaire le client plus rapidement.
L’emploi du reengineering et du benchmarking sont présentées comme des innovations, un
challenge qui fait gagner (Kieser, 1997). L’opposition entre les deux parties du tableau rejoint
les constats relevés par Bourguignon (2003) dans ses travaux sur « l’ancien » et le
« nouveau » contrôle de gestion. Elle met en évidence un principe de construction des
discours qui vise à opposer l’ancien et le nouveau contrôle de gestion en parant celui-ci de
toutes les vertus : une reconstruction du passé avec de nombreux défauts ; une dichotomie
forte entre les caractéristiques du passé et celles de l’avenir, et un récit qui vient relater le
laborieux mais méritoire passage vers un avenir construit de manière positive, où tous les
acteurs seront plus satisfaits. Son analyse montre qu’en dépit de ces apparentes oppositions, le
contrôle n’a pas fondamentalement changé et que les procédés discursifs utilisés (oppositions
et métaphores) sont essentiellement là pour apporter de la légitimation au nouveau contrôle de
gestion. Le nouveau contrôle de gestion est en résonance avec les caractéristiques de l’esprit
actuel du capitalisme, qui valorise changement, flexibilité, innovation, créativité et réseaux.
L’analyse de Bourguignon située à un niveau d’analyse « micro » centrée sur les outils
complète l’approche de Boltanski et Chiapello (1999) à un niveau « macro », sociétal. « Le
nouveau contrôle de gestion incarne donc les nouveaux habits de l’esprit du capitalisme, et
contribuent à assurer la pérennité du capitalisme » (Bourguignon, 2003).
Malgré ces oppositions et ces argumentations, on peut ainsi s’interroger sur les différences
concrètes qui existent entre l’ancienne et la nouvelle version des outils de gestion proposés, et
226
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
se demander s’il ne s’agit-il pas là comme le diraient les anglo-saxons de « vieux vin dans de
nouvelles bouteilles »243 ? Faut-il écouter et croire ce discours ou celui d’auteurs plus
critiques ?
« Ce modèle du reengineering illustre de manière quasi mythique cette logique de régénération. Très en vogue
au milieu des années 90, la méthode qu’on croyait vouée aux gémonies, du fait de la brutalité de ses principes
n’a pas fini d’exercer son emprise, qu’on l’appelle prétentieusement « plan d’amélioration de la compétitivité
ou plus directement plan de licenciement ou encore plus pudiquement de reshaping (rebâtir). »
(de Kerorguen & Bouayad, 2004, p.17)
Critiqué ou réhabilité, le reenginering en tant qu’outil de réduction des coûts semble en tous
cas ne pas avoir disparu totalement du paysage des pratiques managériales en France.
Les managers ont également à leur disposition des ouvrages destinés à les aider à mettre en
pratique une PRC. Nous avons choisi pour analyser le discours qui leur est proposé de nous
appuyer sur l’ouvrage français de ce type plus récent est le « Guide pratique de la réduction
des coûts » (Brongniart & al., 2003). Les auteurs de ce guide sont à la fois consultants et
intervenants dans des écoles de commerce ou d’ingénieurs.
La préface de l’ouvrage est rédigée par un PDG d’entreprise244, qui est également président de
la FNEGE (Fédération Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises). Cette
institution joue un rôle important dans l’institutionnalisation des savoirs et des pratiques en
gestion puisqu’elle réunit universités (et IAE) et grandes écoles de commerce, pour
encourager la coopération entre les différents acteurs intervenant dans le dispositif
d'enseignement, développer la recherche en gestion et susciter des innovations pédagogiques.
Elle se positionne également comme une institution « proche des entreprises », qui « veille à
adapter les méthodes et les programmes de formation aux nouveaux modes de
management »245.
Cette préface résume bien la construction de réhabilitation des PRC auprès des managers (les
caractères en gras viennent du texte original) :
« L’expression « réduire les coûts » est aujourd’hui largement véhiculée : elle est même utilisée à l’envi dans le
quotidien sportif L’Equipe tant à propos de la santé des clubs de football, de la construction d’un voilier
hauturier que de l’organisation de coupes du monde variées et festives. Leur point commun : des enjeux
financiers considérables.
243
Cf l’article de Shank (1989): « Strategic Cost Management: New Wine or just New Bottles ? “.
244
Il s’agit de J.M. Descarpentries, PDG d’Ingenico.
245
Citation du site www.fnege.net/accueil, consulté le 21 juillet 2006
227
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Bien sûr, le domaine privilégié d’une telle démarche se trouve dans l’entreprise (et devrait se trouver également
dans les administrations !). Tel Monsieur, Jourdain, chacun sans le savoir fait à son niveau le nécessaire pour
trouver un optimum entre coûts salariaux, frais fixes, achats et ventes. Mais l’âge d’or de l’économie parait être
derrière nous. L’époque où l’on dépensait sans compter, où l’on embauchait facilement et où l’on facturait sans
vergogne est révolue. La mondialisation entraîne une compétition féroce et l’exigence de performance est
devenue un défi et un devoir incontournables pour chaque entreprise. On est prié de gagner plus en dépensant
moins ou mieux, c’est la raison d’être de la réduction des coûts. (…)
La suite de la préface contient pour résumer les outils de la réduction des coûts avec les mots
clés que nous avons déjà définis : le « benchmarking », « l’adaptation généralisée, rapide des
meilleures pratiques », la « simplification des procédures » et « l’externalisation », avec un
recours systématique aux « NTIC » et aux « cost killers » qui tuent les coûts mais « pas les
hommes ». L’introduction des auteurs reprend également ce panégyrique pour la réduction des
coûts, sur laquelle plane selon eux injustement un « sentiment de menace », alors qu’elle
constitue une démarche de progrès et d’innovation (p. 9) :
«Heureusement, ces craintes sont infondées et souvent liées à une méconnaissance totale de ce qu’est la
réduction des coûts, de façon pratique. On a longtemps utilisé un voile méthodologique, nommé « analyse de la
valeur », qui aboutit aujourd’hui à une confusion totale – mais bien confortable – sur le sujet. Pourtant si l’on
reprend de façon simple les fondements des outils de réduction des coûts, il s’agit bien d’une démarche de
progrès, remarquablement pragmatique, qui peut s’appliquer à la quasi-totalité des environnements
économiques.»
L’approche est fluide : elle consiste à faire en sorte que l’ensemble des acteurs de l’entreprise (bureau d’études,
acheteurs, méthodes, production, qualité, marketing, management, etc) et les acteurs externes (fournisseurs)
partagent les objectifs économiques de l’entreprise».
L’ouvrage s’adresse à des managers opérationnels de tous horizons, d’où une insistance forte
sur le caractère concret, pragmatique et simple de la méthode, loin des « voiles
méthodologiques » et des concepts élaborés souvent reprochés aux universitaires par ce type
de public. On place le lecteur dans l’univers rassurant de la simplicité, de la pratique et de la
« fluidité ». La démarche est applicable pour tous les secteurs et « remarquablement
pragmatique ». La suite de l’ouvrage reprend les bases de la comptabilité de gestion, décline
une méthode de diagnostic et d’analyse des coûts « dans une démarche d’amélioration de
compétitivité » (p.19), déclinée ensuite dans les différentes sphères opérationnelles possibles.
Ce souci de pragmatisme et de vulgarisation des méthodes d’analyse des coûts et de la valeur
pour mieux toucher les managers passe par une adaptation et une communication des concepts
académiques dans un univers plus managérial. Cette adaptation se fait d’autant plus
facilement que ceux qui l’opèrent sont à la fois consultants, formateurs, intervenants en écoles
de commerce ou d’ingénieurs comme les auteurs du « guide pratique », et participent à la
« recontextualisation » du discours managérial sur les PRC.
228
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
L’influence de ces ouvrages sur les processus d’institutionnalisation peut opérer grâce à des
références intertextuelles et plus spécifiquement grâce à la « recontextualisation » du discours
managérial (Thomas, 2003). Selon Bernstein (1996), le pouvoir et le contrôle déterminent les
champs dans lesquels les discours ont lieu, et la façon dont ces discours se déroulent (le
cadre). Pour pouvoir être enseigné, un discours pratique doit par exemple être relocalisé vers
un nouvel espace pédagogique de discours. Ce discours « non représenté » d’une pratique
sociale est alors transformé en représentation : il devient possible d’en parler à travers cette
représentation. Au cours de ce processus, pour pouvoir être représenté, et ensuite enseigné et
transmis, ce discours doit être modifié par un procédé « pédagogique », qui fonctionne
comme « un régulateur symbolique de conscience » (Bernstein, 1996, p.52), avec des règles
de distribution, d’évaluation et de recontextualisation. La recontextualisation se fait dans des
situations et par des moyens qui sont en accord avec les intérêts des acteurs dominants, en
fonction des conditions sociales et politiques de la nouvelle localisation, de la nouvelle
conjoncture. Le succès d’un discours ou d’un concept dépend donc de sa capacité à se
conformer aux conditions de cette nouvelle sphère.
Les frontières entre ces trois conjonctures ne sont pas toujours clairement définies ni étanches,
à la fois entre elles et vis-à-vis d’autres univers qui peuvent également influencer le discours.
Les discours sur la gestion et le management circulent entre ces trois conjonctures et sont
« recontextualisés », ce que Thomas illustre avec le succès du concept d’avantage compétitif
et de son caractère quasi-magique dans certaines organisations. Ces relations entre les textes,
229
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
cette intertextualité peuvent n’être qu’une simple copie de phrases ou de concepts d’un
univers à l’autre. Cette intertextualité se trouve dans le cadre de cours, en particulier lorsque
les enseignants sont à la fois pédagogues et consultants, ou dans certaines synthèses des
« meilleures publications en management » proposées aux managers pressés à « structurer
leurs réflexions »246. L’intertextualité peut être en revanche plus complexe et passer par une
nouvelle articulation du sens qui n’est pas la même que dans le contexte original (Fairclough,
1992b), transformant un concept en outil rhétorique ou en ressource idéologique pour les
gestionnaires.
246
Ce type de synthèse est proposé en français par Managéris qui publie des synthèses d’ouvrages de
management en 8 pages avec les idées clés, rédigées par des professeurs d’écoles de commerce parisiennes.
230
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
C’est également l’un des lieux où peuvent se faire une partie des comparaisons, des
« benchmarkings » qui jouent à la fois le rôle de pressions mimétiques, normatives et
coercitives.
Selon Briman & Hérard (2006, p.336), auteurs de l’ouvrage en management précédemment
étudié (les caractères gras viennent du texte original) :
« Le benchmarking est le processus qui consiste à identifier, analyser et adopter, en les adaptant, les pratiques
des organisations les plus performantes dans le monde en vue d’améliorer les performances de sa propre
organisation.
Le benchmarking implique d’être assez modeste pour admettre que quelqu’un d’autre est meilleur dans un
domaine, et assez sage pour essayer d’apprendre comment l’égaler et même le surpasser (…) Il est devenu très
populaire dans les pays les plus avancés en matière de management en particulier aux France. »
En plus des organisations professionnelles par secteur ou par métier, il existe des clubs
spécifiquement dédiés au benchmarking : l’International Benchmarking Clearinghouse, le
plus important aux France, comprend plus de 400 sociétés membres dont des groupes
européens ; en France, le Benchmarking Club de Paris rassemble plusieurs dizaines de
grandes entreprises françaises et quelques filiales de grands groupes internationaux. Il
présente ses activités et les bénéfices du benchmarking de la façon suivante247 :
« Le Benchmarking :
• accroît les profits et l’efficacité,
• accélère et oriente le changement,
• établit des buts ambitieux,
• permet de réaliser des sauts de performance,
• crée un sens de l’urgence,
• détruit le complexe du NIH (Not Invented Here),
• force à regarder ailleurs,
• oblige à comprendre les performances mondiales,
• aboutit à la satisfaction du client,
• crée un consensus sur les performances.
Le Benchmarking concerne la totalité des activités, des produits et services liés aux processus de l’entreprise :
conception, développement, production, commercial, organisation, systèmes d’information, administration,
financement, gestion des ressources humaines...
Le “Benchmarking” permet de réaliser effectivement des sauts de performance, en particulier de productivité et
de compétitivité.
Le Benchmarking de processus des meilleurs mondiaux dans son métier, et mieux encore dans d’autres métiers,
fait découvrir et crédibilise des niveaux de performance qui ne peuvent être atteints qu’en changeant
radicalement la manière de faire.
Le Benchmarking implique d’identifier, de comparer et d’adapter les “meilleures pratiques” détectées dans des
organisations situées partout dans le monde et dans tous les secteurs d’activités pour aider son entreprise à
améliorer ses performances.
Les entreprises fondatrices du “BENCHMARKING CLUB DE PARIS” veulent contribuer à l’information non
seulement sur les méthodes de Benchmarking, mais aussi sur les conditions de succès : volonté de progrès,
exigence de rigueur, notion d’intérêt réciproque, importance des applications pratiques, nécessité de maintenir
des partenariats durables, éthique des rapports de partenariat.
Comme ses homologues d’autres pays, américains notamment, avec lesquels il établira des liaisons, “LE
247
Extrait de la présentation du benchmarking sur le site du Benchmarking Club de Paris : www.bench-club-
paris.asso.fr, consulté le 18 juillet 2006
231
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
BENCHMARKING CLUB DE PARIS” aura pour principale activité la création d’un réseau étendu de contacts
et de possibilités de benchmarking, d’une base de données, la formation et l’appui méthodologique, la
définition d’une charte éthique »
Très axé sur des pratiques susceptibles de réduire les coûts par une accélération des processus,
l’Institut du Benchmarking a été créé en 1996. Il est aujourd’hui présidé par Edouard Salustro,
expert-comptable, fondateur du cabinet du même nom, qui siège comme membre ou comme
rapporteur dans de nombreuses instances professionnelles ou règlementaires.
« Benchmarking : Démarche permanente de recherche, d'évaluation des produits et pratiques les meilleures
et mise en oeuvre d'approches similaires visant à optimiser la performance de l'entreprise. »
Notre vision :248
« L'accélération du changement et des complexités qui l'accompagnent sont autant de défis pour les entreprises,
les états et les citoyens, qui appellent une réaction anticipée, concertée et ordonnée.
Face à cette nouvelle donne, le benchmarking est le vecteur incontournable d'une démarche globale
d'adaptation permanente ».
Parmi les thèmes des groupes de travail constitués figurent notamment le processus achat,
l’optimisation du processus budgétaire, l’accélération du processus de production, les centres
de services partagés, la performance de la fonction comptable. Il a rejoint en 2005 « afin de
rayonner » l’Académie des Sciences Comptables et Financières, elle-même constituée pour
rassembler les professionnels de la comptabilité, de l’audit, de la gestion et de la finance sur le
modèle de ce qui existe en Grande Bretagne. Les associations promouvant le benchmarking
ont donc une action active de constitution de réseaux sociaux susceptibles de renforcer les
pressions mimétiques et normatives en matière « d’adaptation permanente » et
« d’optimisation de la performance ».
Buchanan (1998) en étudiant le discours sur le reengineering distinguait les « prophètes », les
« disciples » et les « révisionnistes » : nous sommes clairement ici en train d’écouter un
prophète. Le benchmarking est uniquement paré de qualités, dans un argumentaire où pathos
(détruire le complexe), éthos (la désormais incontournable charte éthique) et logos (oblige à
comprendre les performances mondiales) sont adroitement mêlés. Bensedrine et Demil (1998)
ont montré que le benchmarking peut être appréhendé comme l’institutionnalisation d’un
processus mimétique, puisqu’il consiste à se comparer à ses concurrents et à s’inspirer de
leurs « recettes ».
248
Site : www.ibenchmark.org, consulté le 7 décembre 2006
232
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Les pressions mimétiques s’exercent à la fois via les textes lus et consommés dans la presse
économique et via les textes produits et diffusés par les consultants, commercialisant les
« meilleures pratiques » déjà mises en œuvre par les entreprises leaders.
233
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
la diffusion de la PRC, nous avons donc recueilli l’ensemble des articles publiés par les deux
titres les plus courants de la presse économique française, les Echos et la Tribune, entre 1998
et 2005 sur les PRC. Les mots clés choisis ont été «politique de réduction des coûts» et « plan
de réduction des coûts », dans la mesure où nous avons vu dans les chapitres précédents que
les entreprises utilisaient indifféremment « politique » ou « plan » voire « programme ». Cette
extraction d’articles a été faite avec la base de données Factiva. Les années antérieures à 1998
n’ont pas été retenues par manque d’exhaustivité, pour ne pas fausser la tendance. La courbe
de diffusion de la PRC mesurée de cette façon présente presque la forme de « cloche » définie
par Abrahamson, avec une nette pointe en 2001.
Figure 17: Nombre d'articles parus dans Les Echos et La Tribune concernant des PRC (1998-2005)
90
80
70
60
nombre d'articles
50
Les Echos
La Tribune
40
30
20
10
0
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
années
Une partie de l’effet de « pic » de la courbe en 2001 provient probablement d’un effet
conjoncturel : dans un contexte économique de retournement pour certains secteurs
(technologiques en particulier après l’explosion de la bulle internet) et dans une incertitude
consécutive aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 (pour les entreprises du secteur du
tourisme et du transport), une partie des entreprises a dû faire face à des difficultés.
L’incertitude et le risque de récession perceptible dès l’été 2001 « semble tétaniser les
directions générales »249, d’où le gel de certains investissements et la réduction des dépenses
de communication et de conseil, comme le souligne la presse à l’époque. Nous avons vu ce
249
« Tout est permis pour esquiver les coûts », Libération, 30/07/01
234
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
phénomène conjoncturel pour les entreprises figurant dans les annonces de PRC du chapitre
deux. Cependant, le niveau de diffusion des articles reste largement supérieur en 2005 à celui
de 1998.
De plus, compte tenu du fait que certains articles et certaines entreprises utilisent les termes
« mesures » ou « efforts » de réduction » des coûts pour désigner leur PRC, nous avons fait
une seconde extraction avec les mots clés « réduction des coûts »250 sur la même période et
sur les deux mêmes titres (figure 6). Les travaux de Cameron & al (2000) ont montré que les
relations entre les archétypes des modes managériales et les variables économiques étaient
assez faibles et avaient peu d’influence sur l’adoption de ces pratiques. Nous avons comparé
la courbe de diffusion de la « réduction des coûts » avec celle d’un indice pertinent dans le
champ organisationnel de notre étude : l’indice boursier du SBF 250. Pour pouvoir faire
figurer sur le même graphique le nombre d’articles et l’évolution de l’indice, celui-ci a été
calculé en prenant l’indice SBF 250 de clôture de chaque année et en le divisant par dix, pour
avoir une grandeur similaire à celui des articles dont le nombre va de 318 en 1998 à 562 en
2002251. Le cours de bourse a été choisi comme un indicateur de la valeur de l’entreprise
perçue par les acteurs des marchés financiers.
Figure 18: Nombre d'articles parus sur les réductions de coûts et évolution de l'indice SBF 250
Evolution de l'indice SBF 250 et du nombre d'articles sur les réductions de coûts
600
500
400
SBF 250
300
réduction des coûts
200
100
0
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
250
Dans le corps des articles
251
Ainsi l’indice SBF de clôture de l’année 2005, soit 3300,34 est-il devenu sur le graphique 330.
235
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
La courbe de diffusion donne ainsi une « cloche » moins marquée que la précédente, et l’on
constate à partir de 2000 un décrochage des deux courbes, la diffusion de la réduction des
coûts devenant plus importante au fur et à mesure que le SBF 250 descend. L’évolution
contrastée n’est bien entendu que la constatation d’une corrélation négative entre les deux
courbes et n’indique nécessairement pas de lien de causalité entre les deux éléments du
graphique.
Sur la période étudiée, on constate donc une montée de la diffusion de la PRC en 2001-2002,
qui correspond à la période sur laquelle se sont produites la majorité des PRC qui constituent
notre échantillon du chapitre deux. Cependant, la réduction des coûts existait avant cet effet
de mode et elle continue d’être présente252.
Au-delà de l’effet conjoncturel, qui entraine une annonce de PRC lorsque les conditions
économiques sont mauvaises ou incertaines, il semble possible de s’interroger sur une
institutionnalisation plus durable des PRC. On peut donc se demander si la PRC, plutôt qu’un
effet de mode managériale, n’est pas une institution, adoptée via l’utilisation des différents
outils de gestion destinés à réduire les coûts (qu’ont été dans les décennies précédents les
programmes de rupture d’origine américaine comme le reengineering et de downsizing253, ou
les programmes d’amélioration continue dérivés des outils de gestion japonais). Chacune de
ces « innovations managériales » successives ressemble à une redécouverte d’une
problématique de réduction des coûts récurrente, ce qui rejoindrait l’interrogation de Nikitin
(2003a, p.1) sur la permanence de certains problématiques de gestion redécouvertes
régulièrement tout au long de l’histoire et réinventées en fonction du contexte. Il apparaît
donc que la PRC, qu’elle porte ce nom ou celui de « programme d’amélioration de la
performance » qui semble être la nouvelle terminologie émergente, a fait l’objet d’une
institutionnalisation durable plus qu’un effet de mode passager. La démonstration en cours, et
en particulier l’étude longitudinale du chapitre quatre, nous permettra de voir si cette
institutionnalisation est totale ou bien seulement partielle.
252
Sur les 7 premiers mois de 2006, 190 articles ont été recensés de la même façon.
253
G. Schmidt (1999) s’interroge également sur la réémergence des plans sociaux des années 70 sous les noms
de reengineering et de downsizing.
236
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Parmi les pressions de diffusion active des pratiques de réduction des coûts qui participent à
l’isomorphisme mimétique figure en bonne place le rôle des consultants. Ils contribuent à la
diffusion des techniques de gestion pratiquées par les entreprises leader sur leur secteur.
Les consultants sont généralement associés par la littérature à une forme assez large et
éphémère de diffusion de la connaissance. Ils agissent au sein d’un secteur compétitif de
diffusion de nouveaux concepts et Fincham & Clark (2002) les définissent comme des
créateurs de mode dont les idées et les conseils ont couramment de l’ascendant sur les
managers et les organisations. Leur rôle est également de « recontextualiser » le discours, de
transformer la rhétorique parfois large et ambiguë autour des nouvelles techniques
managériales en des formes de changement plus pragmatiques, manifestes dans les outils
proposés aux clients, dans un processus que l’on pourrait qualifier de « marchandisation » des
modes managériales (Scarbrough 2003).
Depuis la fin des années 1980 se sont développés des cabinets spécialisés dans la réduction ou
l’optimisation des coûts, qui proposent de trouver des « gisements d’économie 254 » en matière
de frais généraux, qui concernent tous les secteurs d’entreprises et annoncent des économies
significatives: de 15% à 20% selon les postes255, voire un « dépassement des objectifs et des
économies en millions de dollars »256. Les techniques utilisées reposent sur quatre champs
d’action (Boéri et Bernard, 1998) pour réduire les frais fixes : l’amélioration de la productivité
des services administratifs et fonctionnels (par une « analyse fonctionnelle globale »),
l’amélioration de la productivité des structures (par une reconfiguration des processus), la
maîtrise des consommations et la renégociation de tous les contrats et le redéploiement du
portefeuille clients et produits (en cherchant à maîtriser les coûts indirects liés aux activités
opérationnelles de l’entreprise). Une partie du succès de ces cabinets s’explique par leur mode
de rémunération attractif (en « success fees »). Après avoir subi une certaine inflation, les
coûts des systèmes d’informations sont aujourd’hui la cible des managers en quête
254
« cost cutting – récupération des surpaiements » sur le site, www.services-entreprises.com , consulté le
22/06/04
255
ERA, Expense Reduction Analysts, « leader mondial de la réduction des coûts des entreprises », site
www.alarick.net, consulté le 20/03/04
256
Kepner –Tregoe, site : www.kepner-tregoe.com/fr/clientstories.
237
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
d’économies257. Certains cabinets se sont alors spécialisés dans la « réduction des coûts de
possession de l’informatique »258 et l’ensemble des centres de coûts transversaux (services
généraux, télécoms, système informatique), ou sur la réduction des coûts d’achat (en utilisant
sourcing, e-sourcing, dématérialisation des factures, plateforme259). D’autres sont plus
généralistes et proposent des missions « d’optimisation des coûts et des surcoûts »260, ou du
conseil et de la formation en « Création de valeur, Réduction des coûts, Amélioration de
l’efficacité »261. Ces cabinets spécialisés dans la réduction des coûts se font connaître
également à travers les publications destinées aux professionnels, via des articles ou des
insertions publicitaires dans des revues d’anciens ou de professionnels :
Extrait d’un bandeau publicitaire sur l’annuaire professionnel 2005 de l’association des Directeurs Financiers et
des Contrôleurs de Gestion :
IGC « pour contrôler vos coûts, maîtriser vos données et gérer vos investissements »
Deux pages extraites d’un numéro de la revue des anciens HEC 262 :
• « L’approche : actionner les principaux leviers d’amélioration de la profitabilité d’une entreprise ».
La page publicitaire comprend un schéma des différents leviers utilisés : « redesign to cost : 20 à 40%
des coûts », « sourcing dans des pays à bas coût : 20 à 30% des coûts », « optimisation des conditions
d’achat : 5 à 20% des coûts » et « optimisation des coûts industriels et logistiques : 5 à 10% des
coûts », l’ensemble ayant pour conséquence une amélioration du « retour sur capitaux investis (valeur
pour l’actionnaire) ». Suivent les noms des anciens HEC que l’on peut contacter dans ce cabinet.
• « notre métier : L’externalisation », avec dans une flèche dynamique les mots clés « Exigence de
qualité », « Technicité », « Optimisation des coûts », « Sécurité » (en gras et en jaune sur la publicité)
On peut relever dans l’ensemble de ces textes l’utilisation de tous les outils récents de la
réduction des coûts relevés dans le chapitre un, avec de préférence une utilisation des mots à
consonance anglo-saxonne. La PRC est présentée de façon positive grâce à une association
avec le mot « optimisation », ou avec une image proche de celle du « pilotage » qui est une
des images contemporaines du contrôle de gestion (Lorino, 1997 ; Bescos & Mendoza 1999 ;
Bescos & al. 2004; Bourguignon, 2003), avec l’utilisation des « leviers ».
On retrouve donc ici le double langage identifié précédemment dans les livres de
management, cette association d’un concept avec des mots à connotation positive pour les
257
1er Baromètre SAP des stratégies de l’information dans la Banque et l’Assurance, 15 mai 2002, « 83% des
dirigeants interrogés misent en priorité sur ces gains, devant l’optimisation des processus de back office ou de
gestion des achats ».
258
Cabinet corhofi, site www.corhofi.com; « réduction des coûts de gestion informatique » cabinet streamserve ,
site www.streamserve.fr., consultés le 23/03/04
259
Cabinet authentic, site : www.authentic-conseil.fr, cabinet Synerdeal, créé en 2000, qui travaille avec les
secteurs automobile et aéronautique, www.synerdeal.com.
260
Cabinet Adequate, site :www.adequate .fr.
261
Cabinet Exogène, site : www.exogène.fr.
262
Hommes et commerce, avril-mai 2005.
238
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
rendre plus séduisants, couplée avec une promesse de réduction qui semble indiscutable
puisque chiffrée. Les consultants spécialisés ne sont pas les seuls intervenants de ce marché
de la réduction des coûts et des cabinets de conseil en stratégie ou plus généralistes proposent
également leurs services et produisent des textes sur la PRC pour se signaler sur ce marché.
Next Generation cost reduction263 (traduction en français faite par nos soins)
« La plupart des 1000 compagnies globales ont réalisé des exercices multiples de réduction des coûts
ces dernières années. Beaucoup ont adopté des solutions de reengineering ou de recentrage
stratégique qui ont amélioré leur «bottom line» et créé de la valeur pour les actionnaires.
Cependant, le dilemme est souvent que ces initiatives seules ne suffisent pas à produire les
réductions que les compagnies espèrent atteindre.
L’environnement très concurrentiel dans lequel ils opèrent oblige les PDG à repenser la structure de coûts
de leurs entreprises, tout en s’interrogeant sur le fait de savoir si leur design organisationnel actuel sera
toujours viable demain. ATK propose une stratégie dont la valeur est prouvée, la réduction des coûts de
la prochaine génération (Next Generation cost reduction), qui permet à l’entreprise non seulement de
réduire ses coûts mais aussi de se préparer à la croissance et à la compétitivité dans le futur.
Notre réduction des coûts de la prochaine génération offre plus qu’un exercice d’efficience. C’est un
effort pour promouvoir des changements importants dans les structures de coûts et les business models. En
ciblant des améliorations des coûts de plus de 15% par an, nous produisons des résultats durables pour nos
clients »
La rhétorique développée s’appuie sur une logique du « toujours plus », et articule un logos
qui constate fort justement le fait que la plupart des grandes entreprises ont déjà réduit leurs
coûts avec un pathos qui s’appuie sur une peur implicite de l’environnement concurrentiel de
demain. Le thème de la création de valeur pour l’actionnaire et du résultat net (le « bottom
line ») figure comme un rappel des pressions financières de l’environnement qui ne peut en
toute rationalité (logos) qu’induire le recours à la PRC. Le recours aux émotions, le pathos,
est à nouveau activé dans la présentation du caractère innovant de la PRC, puisqu’à l’instar de
la plupart des nouveaux produits technologiques à l’obsolescence rapide, elle est de la « future
génération » et permet de se projeter dans le futur. Aucune autre précision qu’une promesse
chiffrée d’économie (logos) et une affirmation posée comme incontestable de la stratégie
proposée. On retrouve enfin le même type de discours, parfois avec un lyrisme
supplémentaire, sur les sites internet spécialisés dans les PRC.
263
Site internet du cabinet ATKearney, www.atkearney.com, consulté le 22/03/04.
239
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Une partie des textes et des discours sur les PRC circulent également via internet. Une
recherche sur internet avec les mots-clés « réduction des coûts » à différentes dates264 fait
apparaître systématiquement en premier le site « costkiller.net », « le portail de la réduction
des coûts pour les entreprises ». Créé en 2003, ce site propose des articles, toute une boite à
outils de méthodes d’analyse des coûts et de plans de réduction des coûts déjà appliqués par
certaines entreprises, présentés comme des « best practices ». On y trouve à la fois des
références académiques265, des liens avec des sites de cabinets de conseil spécialisés, et des
présentations – payantes – de « meilleures pratiques » classées par secteur d’activité pour
faciliter la diffusion par métiers. On retrouve sur ce site une illustration concrète de la
« recontextualisation » du discours managérial (Thomas, 2003) sur les PRC : du discours
académique (AFC) au discours de consultants, puis au discours de praticiens cherchant de
nouvelles actions pragmatiques pour réduire les coûts. Enfin, une dernière recherche sur
internet à la rubrique « réduction des coûts » 266 de l’encyclopédie « libre » Wikipedia permet
de lire un ardent plaidoyer pour la réduction des coûts et pour sa diffusion générale y compris
dans le secteur public :
Titre du Extraits de l’article
paragraphe
Réducteurs de « Puisque c’est écrit, la réduction des coûts se réduit donc aux licenciements et plans sociaux.
coûts pas de têtes Dans l’entreprise cette connotation de régression sociale s’accompagne d’autres perceptions
négatives telles que le retard technologique, le harcèlement commercial des fournisseurs ou
encore le sacrifice de la qualité. Difficile dans un tel contexte d’assumer un rôle de chasseur de
coûts (Cost Killer) au sein de l’entreprise. Pourtant, l’objectif de réduction des coûts répond à
une démarche de progrès qui entend pérenniser l’activité de l’entreprise et améliorer sa
productivité sur des marchés de plus en plus concurrentiels. »
La réduction des « Evidemment, certains préfèreront attendre le retour d’une croissance plus soutenue pour
coûts au cœur de la s’affranchir d’un éventuel chantier de réduction de coûts. Ce fatalisme n’est plus de mise au
gouvernance sein des grandes entreprises qui intègrent la réduction des coûts de manière permanente dans
d’entreprise leur politique de développement et non plus comme un remède homéopathique appliqué lors
d’une conjoncture difficile. Pour exemple, après un premier plan de réduction de coûts de 3
milliards d’euros mené entre 1998 et 2000, puis un second de même ampleur achevé fin 2003, le
groupe Renault persiste aujourd’hui dans sa quête vertueuse d’économies. »
Secteur public : « Dans un contexte de croissance hésitante, le gouvernement exhorte l’ensemble du secteur
haro sur les coûts public à faire des économies en commençant par une rationalisation des achats. La
nomination récente de P.D. à la tête du nouveau service des achats du ministère de l’Economie
264
Recherche faite avec le moteur Google, le 22 mars 2004, le 26 juillet 2005, le 12 décembre 2005 et le
23 juillet 2006.
265
un « état de l’art » sur les modèles et outils de contrôle des coûts à travers les actes de congrès de l’AFC
(Association Francophone de Comptabilité).
266
Statut de l’article : « ébauche - Economie » le 23 juillet 2006 sur www.wikipedia.org, cet article est rédigé par
le rédacteur en chef du site costkiller.net.
240
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
en témoigne. Ce cost killer doit réaliser 150 millions d’euros d’économies sur trois ans. Ce plan
de réduction de coûts aura valeur d’exemple ».
« Comme autre source d’économies, il faut également citer la dématérialisation des achats
Evangéliser la publics. »
réduction des coûts
Une mondialisation « Le Mur est tombé. La Chine s’éveille. Le monde tremble. Les entreprises délocalisent pour
irréversible ... garder l’équilibre. Le monde change ! (..) D’ailleurs, comment les entreprises pourraient-elle
résister à la mondialisation alors même que toute la chaîne commerciale du distributeur au
consommateur final tend à favoriser les produits low cost ? Cette fuite pour réduire le prix de
revient est un moyen parmi tous les processus de réduction des coûts. La fonction de Cost killer
a donc de beaux jours devant elle. »
Après un premier paragraphe destiné à rejeter les critiques et les connotations négatives
attachés à la réduction des coûts, l’article repose ensuite sur des mécanismes rhétoriques
proches de ceux mis en évidence concernant le reengineering (Grint & Case, 1998), avec
beaucoup de recours au pathos : la peur de l’avenir dans environnement présenté comme un
changement perpétuel et mondialisé. Le monde change et tremble et les entreprises ne
peuvent pas résister. Une fois encore, nous retrouvons l’environnement économique présenté
comme un champ de bataille dans lequel ne pas faire de PRC est faire preuve d’immobilisme
ou de fatalisme. Les entreprises qui montrent l’exemple sont à la fois dans une démarche de
progrès, et leur exemple peut servir à généraliser ces PRC dans le secteur public qu’il faut
exhorter à réduire ses coûts, et pour lequel il convient d’évangéliser la réduction des coûts. Le
vocabulaire se fait presque celui des missionnaires chargés de propager la foi.
Nous avions déjà croisé dans les textes sur la PRC la figure du valeureux conquérant dans la
guerre économique, mais nous changeons de registre, pour passer au chevalier croisé dont la
quête est celle de vertueuses économies. Cette figure va nous permettre de nous pencher sur le
dernier type de pressions mimétiques qui poussent à l’adoption de PRC : la présentation de
certains dirigeants de grands groupes comme des héros des temps modernes, qui réalisent des
exploits retranscris sous forme de « success stories » qui font florès dans le monde de la
gestion (Strang & Macy, 2001). L’exemple de ces « héros » va exercer conjointement une
pression mimétique et une pression normative.
La dimension mimétique est liée au fait qu’ils font figure d’exemples, et qu’ils sont observés
comme tels par les managers qui souhaitent leur ressembler. La dimension normative provient
de la diffusion de leurs savoirs ou de leurs techniques de gestion, faite de multiples manières
241
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
et à travers différents supports écrits ou oraux, y compris des biographies. On peut relever par
une sélection dans la presse économique de nombreux exemples de la généralisation du « cost
killer » (le tueur de coûts) dans les grandes entreprises françaises, même si ce titre est d’abord
décerné au plus célèbre d’entre eux : Carlos Ghosn, aujourd’hui PDG de Renault267.
La présentation qui est faite par la presse économique de ces figures de dirigeants est plutôt
positive, même si elle introduit quelques commentaires relatifs au caractère présumé dur et
froid de ce type de dirigeants. La presse anglo-saxonne avait parfois affublé les « cost killers »
de surnoms plus redoutables (« L’homme au couteau » pour Jack Welch268 ou « la
tronçonneuse » pour l’ancien patron de Scott Paper). Nous n’avons trouvé dans ce registre que
le surnom du PDG nommé à la tête de Canal + « Baygon vert »269) :
Dirigeant Ce qu’en dit la presse économique
Jean-Pierre Rodier, ancien Il doit « surtout accroître encore et toujours la rentabilité de Péchiney grâce à un
PDG de Péchiney. (en ambitieux plan d’amélioration de la performance des hommes et des outils. Un point sur
2002, après l’échec de la lequel les analystes lui font a priori confiance puisque, depuis son arrivée à la tête du
fusion avec Alcan et groupe, le nombre des salariés a été pratiquement divisé par deux et ramené à 34 000.
Algroup) Le tout sans diminution du chiffre d’affaires et sans gros remous sociaux.
Perçu par ses pairs comme un « cost killer » à l’anglo-saxonne – il s’exprime d’ailleurs
dans le franglais de rigueur – M. Rodier, 55 ans, est néanmoins un pur produit du cursus
français menant aux grandes écoles : Polytechnique, Mines de Paris. »270 .
Le nouveau PDG du «a été directeur général de Promodès et artisan de la fusion avec Carrefour en 1999, a la
groupe Carrefour, M. réputation d’un dirigeant de fer depuis son redressement de Marks & Spencer, à la
Vandevelde hussarde, en 2002. Devenu en 2000 PDG de l’enseigne britannique alors en plein
marasme, il n’avait pas hésité à se débarrasser de tous les magasins à l’étranger, dont
les magasins français, avec plus de 4 000 suppressions d’emplois. La presse britannique
le surnommait Luc-la main froide »271.
Eric Debry, patron de « Cet HEC, ancien consultant de Mc Kinsey, venait de s’atteler à la remise en ordre de
Nouvelles Frontières, Nouvelles Frontières, dont il avait négocié le rachat pour son employeur, l’allemand
héros dans le civil (il TUI. Entré chez Preussag en 1996, après avoir passé sept années chez Paribas Affaires
neutralisa le terroriste Industrielles, le « cost killer » français a participé à la mue du sidérurgiste de Hanovre
Richard Reid qui tentait de en géant mondial du tourisme. Homme de chiffres, ses collaborateurs le disent
faire sauter un Boeing « structuré, précis, avec une forte écoute ». Ils sont bien moins loquaces sur ses hobbies,
767) sinon pour laisser entendre que quelqu’un qui va sur la mer Baltique pour faire de la
voile a le bon profil pour inculquer le sens de la rigueur allemande à un vestige de
l’exotisme baba-cool »272
Agnès Audier, Havas «nommée chief performance officer, soit en bon français, chef de la performance. Un
267
Sur 26 articles parus dans les Echos entre 2001 et juin 2005 avec le mot clé « cost killer », (source : base de
données Lexis-Nexis), 17 parlent de Carlos Ghosn.
268
Son livre « Mes conseils pour réussir » figure en 2ème position des meilleures ventes de livres de management
en 2005 sur Amazon.fr ; après les licenciements, il a ensuite suivi (ou lancé ?) la mode de la qualité totale.
269
Selon Télérama « Vivendi nomme un nouveau PDG chargé de « réduire les coûts » » n° 2770, 12 février
2003.
270
« Jean-Pierre Rodier a trouvé pour Péchiney un avenir en solo », Les Echos, 23 mai 2002.
271
« Carrefour et Pinault-Printemps-Redoute changent de tête», Le Monde, 3 février 2005.
272
« Eric Debry », portrait paru dans Les Echos, 24 septembre 2003.
242
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
libellé passablement flou, même s’il correspond à une mission précise : faire appliquer
sans faiblir le plan de restructuration drastique annoncé en septembre par son président
et donc mettre en œuvre « tous les projets permettant d’augmenter la productivité et
l’efficacité », en traquant les coûts superflus et en multipliant les synergies. « Cost
killer », annoncerait plus brutalement un manager américain. »273
Gilles Michel, responsable « le « tueur de coûts » du groupe 274 (…)
du « programme De la réussite de ce plan dépendra l’avenir de celui qui fait d’ores et déjà figure de
d’amélioration de la dauphin potentiel de M. Folz ».
compétitivité » de PSA
Les « tueurs de coûts » sont donc entrés dans le paysage économique français et une fonction
particulière a parfois été développée275, ou bien couplée avec les achats : des postes de
« directeur des achats et de la réduction des coûts » ont été créés, comme à la Poste276, ou
chez Valéo277. Certains fonds d’investissements utilisent même cette évaluation des managers
pour gérer leur portefeuille. « Dorval Finance a créé un produit, fondé sur une évaluation des
managers. Les initiateurs de cet OPCVM d’actions françaises (..) ont classé les dirigeants en
trois catégories : « développeur », « cost killer », et « stratège » »278. Certains secteurs,
comme l’automobile, semblent particulièrement propices au développement de ce profil
compte tenu des évolutions du marché et des réseaux interorganisationnels formels et
informels (via des parcours de dirigeants passant d’un constructeur à l’autre ou d’un
équipementier à un constructeur). Opel et Volkswagen ont ainsi vu se succéder plusieurs
spécialistes de la réduction des coûts depuis les années 1980. GM Europe et Opel sont
dirigées depuis 2004 par deux patrons « de choc »279. Renault et Peugeot ont vu également se
développer ce nouveau type de manager, un nouveau combattant pour la « bataille
économique ». Dans certains secteurs, l’intensité de la concurrence semble donc renforcer
l’institutionnalisation de la PRC dans une approche mimétique. Et l’exemplarité de certains
d’entre eux en fait de véritables « héros managers ».
La littérature académique distingue parmi les « gourous » du management (Clark & Salaman,
1996) les « managers héros » qui, en tant que leaders médiatiquement exposés, peuvent jouer
273
“Agnès Audier”, portrait de V. Richebois dans Les Echos, 21 novembre 2003.
274
« Gilles Michel, le « tueur de coûts » du groupe », S. Lauer, Le Monde, 2 mars 2005.
275
Comme chez Cogéma, Les Echos, 21/11/2001.
276
Les Echos, 4/02/04.
277
Les Echos, 23/08/2.004
278
« Des thématiques larges et des niches pointues », Les Echos, 6 juin 2005.
279
selon le titre de Courrier International du 4/11/2004 ; M.Lopez qui dirigea Opel dans les années 80 fut un
tueur de coûts admiré avant d’être vivement critiqué. Dans sa biographie de Carlos Ghosn « Citoyen du
Monde », le journaliste P. Riès le qualifie de « Torquemada de l’industrie automobile. Un grand inquisiteur qui
ne faisait pas la chasse aux hérétiques mais s’était mis en tête de traquer le gaspillage et l’inefficacité » (p.138)
243
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
D’abord présenté plutôt négativement par la presse comme un « cost killer » lors de la
fermeture du site de Vilvorde par Renault en 1997280, Carlos Ghosn, alors président de Nissan
devient en 2002 une « star 281» médiatique pour avoir rétabli le profit du groupe avec une PRC
drastique qui a entraîné la fermeture de 5 usines et la perte de 23 000 emplois : le NRP
(Nissan Revival Plan282). Il devient ensuite un mythe au Japon, un personnage de manga283,
c’est la « Ghosn-mania » :
280
Carlos Ghosn rejoint Renault en 1996 où il sera responsable du premier plan de réduction des coûts et de
rationalisation de la production, le « plan 20 milliards » (de francs).
281
K. Inoue, « Nissan’s Ghosn swaps «cost killer » title for salesman », Bloomberg News, 25 avril 2002.
282
Le plan prévoyait également la diminution de moitié du nombre de fournisseurs, et la fermeture de 20% des
concessionnaires.
244
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
« En 2002, Nissan atteint ses objectifs en avance des délais fixés. Les analystes sortent transfigurés de la
conférence annuelle des résultats. La presse embraye comme un seul homme. De ce moment, Carlos Ghosn
devient le meilleur « homme-sandwich » de Nissan. Il devient un modèle pour tout le pays. C’est que Carlos
Ghosn énonce une série de credo encore peu entendus dans un Japon qui se cherche une sortie honorable à la
crise : « l’important c’est le bénéfice, pas la part de marché », « il faut soigner l’actionnaire » »284.
La communication sur le personnage de Carlos Ghosn passe mieux que celle sur le
redressement de Nissan et l’entreprise tente de transférer ce capital de notoriété à la marque,
avec un soin particulier pour les formules (« Nissan va mal » , puis « Nissan est de retour »,
p.306). Après le NRP, Carlos Ghosn enchaine sur le « plan 180 », dont les objectifs fixés à fin
septembre 2005 : « un million de véhicules supplémentaires vendus, 8% de marges
opérationnelle (elle est à 11,1%) et zéro dette » sont déjà atteints en janvier. Une première
biographie à succès285 « Comment Carlos Ghosn a sauvé Nissan » parait en 2003. Le genre
des biographies d’hommes d’affaires s’est beaucoup développé ces dernières années, et ces
récits de vie286 ou de reconstruction de l’histoire de la vie de dirigeants (Robichaud, 1995 ;
Richer et Harel-Giasson, 1997) sont en général : « à mi-chemin entre le réel et le normatif.
Elles sont généralement publiées et diffusées avec le moins possibles d’arrangement ou
d’analyse de la part de l’interviewer dans le but de sauvegarder l’essence du récit. La
richesse de ces récits réside dans le témoignage d’un acteur de pouvoir dans l’évolution
d’une organisation, voire d’une industrie. Toutefois lorsqu’un dirigeant ou un entrepreneur
qui a réussi se raconte, une part de son récit est d’ordre public et contribue à entretenir des
intérêts spécifiques en regard de la pérennité de son organisation » (Rouleau, 2003, p.138).
Ce genre spécifique possède les caractéristiques suivantes (Villette & Vuillermot, 2005) :
• Il est réaliste au sens où l’auteur s’efforce de convaincre le lecteur que ses assertions
sur la réalité ne sont pas le fruit de son imagination.
• Il est édifiant : « la rhétorique fonctionne moins comme persuasion que comme
confirmation : la lecture renforce l’adhésion du lecteur à la « bonne doctrine » et lui
fournit l’occasion de juger les actions des protagonistes selon ses propres critères, qui
sont aussi ceux du rédacteur de l’ouvrage(…). De façon générale, le développement
des entreprises de l’homme d’affaires est présenté comme un évènement qui contribue
283
« Renault démarre une année clé », La Tribune, 4 janvier 2005.
284
« Comment Carlos Ghosn a conquis Nissan », R. Arnaud, La Tribune, 22 avril 2005.
285
Elle est rééditée en 2005 avec une mention «15 000 exemplaires vendus en France ».
286
Selon Bertaux (1997), il y a récit de vie à partir du moment où une personne raconte à une autre son
expérience de vie en faisant la narration de celle-ci. Le récit de vie est donc un discours narratif dans lequel une
histoire « réelle » est improvisée au cours d’une relation dialogique.
245
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Une seconde biographie « Citoyen du monde » sort également en 2003287, qui est l’occasion
de réaffirmer les principes de ce manager et de cultiver son image de leader multiculturel avec
une vision claire de l’action et de l’avenir (p.392) :
« La responsabilité sociale du chef d’entreprise c’est d’abord d’en être le leader. Pas seulement vis-à-vis des
cadres dirigeants mais aussi de la hiérarchie intermédiaire et de ceux qui fabriquent le produit ou sont en
contact avec le client. Il faut s’assurer que la vision de l’entreprise, de son avenir est connue, comprise et
partagée, jusqu’à l’ouvrier qui travaille dans l’usine, jusqu’au vendeur dans les concessions. »
« Nous avons fait glisser la notion d’équité vers la contribution. Nous sommes passés de la notion d’effort à
celle de résultat »
Carlos Ghosn est ensuite nommé à la tête de Renault en 2005. Les journalistes le comparent
parfois à un samouraï, mais n’est ce pas plutôt le paladin du XXIème siècle qui nous est
présenté dans une nouvelle geste ? Ce chevalier moderne a en effet atteint les plus hauts
grades, passant d’une filiale de Michelin à la direction d’un groupe automobile mondial
bicéphale ; il siège au conseil d’administration de grands groupes internationaux comme Sony
et IBM, ce qui montre la reconnaissance de ses pairs. Il a montré de quels hauts faits il était
capable en redressant Nissan (grâce à la « destruction créative »288 qui accompagne les
restructurations drastiques) et a su se montrer à la fois inflexible et héroïque face à une tâche
que d’autres auraient refusé. Il est transparent, clair et a le sens de l’effort et du résultat, il ne
semble donc pas dénué de sens moral. Il fait remonter l’apprentissage de certaines de ses
valeurs fondamentales à son éducation chez les Jésuites, « la première multinationale du
287
Par C. Ghosn et P. Riès, rééditée en poche en 2005
288
Voir par exemple dans « Citoyen du Monde » p. 178-179.
246
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
monde » : « quand j’ai quitté les jésuites, j’avais un sens de la discipline, de l’organisation,
de la compétition, et puis le goût du travail bien fait » (p.45).
Dans ses discours, Carlos Ghosn mobilise en effet les ingrédients habituels d’une narration
associés à « deux éléments supplémentaires qui changent tout : une promesse liant le
locuteur290, et la référence à une instance qui le dépasse et qui dépasse l’action collective
qu’il dirige : la rationalité des chiffres » (Micu & al., 2005, p.156). La reconstruction
narrative de l’histoire de l’action passée pour démontrer que ce qui a été promis a été réalisé
permet de mobiliser vers les plans d’action futurs. « Ses discours sont, de fait, créateurs d’une
mystique managériale, ils sont aussi porteurs d’une identification affective » (Micu & al.,
2005, p.157). Certains de ses zélateurs vont assez loin dans les pouvoirs qu’ils lui attribuent :
certains l’imaginent à la tête du Liban résolvant les problèmes grâce à la « méthode Ghosn » –
ce que l’actualité récente rend malheureusement difficile à croire – et on peut aujourd’hui
participer à son fan club grâce à un « blog » sur internet291 qui titre « Carlos Ghosn : un
nouveau modèle de gouvernance ? ». Cependant, les mauvais résultats commerciaux du
groupe Renault fin 2006 faisait pronostiquer par certains « la fin de l’état de grâce pour
Carlos Ghosn 292». L’histoire nous dira si ce parcours se termine comme celui de Roland ou
de Galahad.
289
« Carlos Ghosn fait vœu de rentabilité », Libération, 10/02/2006.
290
Promesse de mener l’action collective de Nissan ou de se retirer.
291
http//carlosghosn-fanclub.blogspot.com.
292
Titre d’un article de La Tribune, 4 décembre 2006
247
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Les exploits successifs de ce paladin d’un nouveau type ne peuvent ainsi que renforcer les
effets mimétiques qui poussent les managers à vouloir ressembler à ce héros, et à rendre non
seulement justifiées mais même inéluctables et évidentes de nouvelles PRC.
Nous avons présenté les trois types de pressions qui poussent les entreprises à adopter ou à
annoncer des PRC en mettant en évidence les effets d’interaction entre ces différents
mécanismes d’isomorphisme. Ces pressions sont interdépendantes, même si nous les avons
présentées en les classant selon la typologie définie par DiMaggio & Powell (1983). La taille
et le poids économique des entreprises considérées comme des entreprises considérées comme
des exemples à suivre influencent bien entendu également l’acuité et l’importance des
pressions exercées sur les entreprises et sur le champ organisationnel tout entier. Ainsi la
réussite d’une entreprise gigantesque comme Wal-Mart est à la fois à l’origine de mécanismes
de mimétisme en tant qu’incarnation de la réussite mondiale du «Every day Low price » (le
plus bas prix chaque jour), leader mondial de la grande distribution, mais aussi de
conséquences économiques et sociales plus vastes que certains ont qualifié de
293
« walmartisation » de l’économie américaine. Cet « effet Wal-Mart » tient à la fois de
mécanismes économiques (exacerbation de la concurrence, position dominante du distributeur
face aux industries de biens de grande consommation…) et de mécanismes sociaux dont le
discours sur la réduction systématique des coûts n’est qu’une des multiples facettes.
293
« The Wal-Mart Effect » (2006), C. Fishman, Pinguin Press
248
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
Les textes produits et « consommés » sur les PRC recontextualisent le discours sur ces
politiques. Le rôle normatif des professions joue à tous les niveaux : au niveau des managers
qui décident les PRC - ou au moins décident d’annoncer des PRC-, au niveau des analystes
financiers qui observent et consomment les discours des managers, et enfin au niveau des
professionnels de la communication financière (« investor relations ») qui formulent les
294
Dans l’hypothèse d’un découplage partiel ou total.
249
Chapitre 3 : la PRC, une pratique institutionnalisée
Au fil des textes étudiés, nous avons mis en évidence que la PRC n’était pas seulement un
effet de mode managériale, mais que le discours se transforme progressivement au fur et à
mesure de l’émergence des critiques sur les outils utilisés pour réduire les coûts. Ainsi, les
chantres du reengineering ont dû faire face à des critiques virulentes, qui ont été suivies de
discours de réhabilitation. Les discours sur les techniques d’amélioration permanente le la
qualité et des processus (Total Quality Management) ont dans le même temps ouvert une voie
à la réduction des coûts via des démarches permanentes « d’amélioration de la
performance ».
Le processus d’institutionnalisation décrit par Berger & Luckmann (1966) passe par des
phases de sédimentation successive. On peut donc s’interroger sur le stade
d’institutionnalisation que la PRC atteint dans le champ organisationnel étudié. Nous avons
vu que l’institutionnalisation de la PRC dépasse le seul effet de mode du début des années
2000. Cependant, seule une étude longitudinale permet de mettre en évidence sur une plus
longue période les différentes phases d’institutionnalisation. C’est l’observation des discours
sur les pratiques de PRC qui permettra de voir si cette institution s’est solidifiée ou non.
L’objet du chapitre quatre est donc de présenter, à partir de l’échantillon d’entreprises cotées
constitué au chapitre deux, une analyse du discours sur les PRC entre 2001 et 2006, de façon à
mettre en évidence l’institutionnalisation de cette pratique. Nous explorerons également
l’usage éventuellement stratégique ou rhétorique que les dirigeants font de leurs discours sur
les PRC, en mobilisant les mythes rationnels sous-tendus par les chiffres, les systèmes
comptables de suivi des coûts, et les indicateurs de mesure des performances.
250
Figure 19: Système de production et de "consommation" de discours sur les PRC
Articles
Académiques Livres
Manuels
« Gourous »
Livres Et « héros »
Conférences
Sont
consommés
Intertexte Sont
consommés
Sont
Sont consommés
consommés
Sont
Intertexte
consommés
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consommés Sont
consommés
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Témoignages
Sont Rapports « Retours d’
consommés Communiqués Expérience »
Conférences
Intertexte Sont
aité consommés
Légende : Textes (oraux ou écrits) produits et « consommés » par les acteurs sur les PRC
Sont
consommés
251
252
CHAPITRE 4
LE DISCOURS DES ENTREPRISES COTEES SUR LEURS
PRC: DISCOURS STRATEGIQUE OU INSTRUMENT
RHETORIQUE DES DIRIGEANTS?
L’objet de ce chapitre est d’étudier désormais l’ensemble du discours des entreprises sur leurs
PRC, de l’annonce à la fin du plan de réduction des coûts. Le chapitre précédent a permis de
montrer le discours sur les PRC environnant les entreprises. Ce chapitre se situait donc à un
niveau « macro » du discours sur les PRC. Ce quatrième chapitre se focalise à nouveau sur le
discours produit par les entreprises cotées et leurs dirigeants. Il se place donc à un niveau
« micro », mais dans une perspective dynamique. D’un point de vue théorique, ce chapitre se
concentre sur le rôle que joue le discours d’une part et les systèmes comptables d’autre part
dans la création de la réalité organisationnelle. A travers l’usage du système comptable et du
discours approprié sur la performance et les résultats de l’entreprise, les dirigeants peuvent
justifier leur PRC, mobiliser les salariés vers l’atteinte des objectifs de réduction des coûts et
intégrer progressivement les mesures de PRC parmi les objectifs stratégiques indiscutables de
leur organisation. Le discours sur les PRC présente en effet la particularité d’être un discours
managérial qui porte sur des chiffres comptables et qui utilise tout le potentiel de rationalité,
d’objectivation voire de domination que recèlent les outils comptables. Après une revue de
littérature qui aborde ainsi aussi bien l’usage stratégique que l’utilisation rhétorique que les
dirigeants sont susceptibles de faire de leur discours sur les chiffres comptables, nous
observerons en longitudinal le discours tenu par les entreprises sur leurs PRC. Cette analyse
de discours permettra de mettre en évidence cette utilisation stratégique ou rhétorique du
discours. D’autre part, cette observation longitudinale des discours permettra de repérer le cas
échéant une certaine « sédimentation » de la PRC, signe de son institutionnalisation
progressive. Une typologie des profils de discours de PRC sera proposée en conclusion.
253
Figure 20: Positionnement du chapitre 4 dans la démarche de recherche
Délai : Délai :
E Annonce (s) Mise en œuvre Résultat
V De PRC (1) quelques De PRC (2) de la PRC
E 2-3 ans
mois
N
E
M
E
N Chapitre Chapitre
T 2 4
Interactions
Interactions
Intertextualité
Intertextualité entre discours
Entre discours micro et macro
micro et macro
Chapitre
3
M
A
DISCOURS EMIS PAR L’ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL (Niveau MACRO)
C
R Etude empirique
O Communiqués de presse, présentations, articles de presse, livres de management, conférences..
Méthodologie
254Analyse de discours
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Nous avons vu au chapitre deux que les annonces de PRC constituent un élément de la
communication financière des entreprises cotées, géré de façon stratégique. Nous avons
également observé au chapitre trois que ce discours des dirigeants sur les PRC décidées et
mises en œuvre dans les entreprises qu’ils dirigent s’inscrit dans un cadre économique et
institutionnel dans lequel une politique de réduction des coûts est une bonne pratique de
gestion. Le discours des entreprises sur les PRC est ainsi un outil de légitimité institutionnelle
et personnelle face à des intervenants sur les marchés en attente de gages de bonne conduite.
Cependant, les annonces de PRC ne se limitent pas toutes à un signal, que celui ci soit vu sous
l’angle de la théorie financière néo-classique, ou sous celui d’un signe de légitimité dans le
cadre de la théorie néo-institutionnelle. S’il est possible de trouver des cas de découplage
complet, dans lesquels l’annonce de PRC est purement symbolique, de nombreuses
entreprises continuent ensuite à communiquer sur leurs actions de réduction des coûts et
développent un discours sur cet outil de gestion spécifique que sont les PRC.
L’objet de ce chapitre est de présenter une étude longitudinale des discours des entreprises sur
leurs PRC, de l’annonce au suivi des réalisations. Le discours des dirigeants sur leurs PRC
présente la double caractéristique d’être un discours managérial, et de s’appuyer sur la
comptabilité et les systèmes comptables de calculs des coûts. En tant que discours managérial,
c’est un acte de langage spécifique émis dans un contexte organisationnel particulier. Il
contribue à façonner la réalité organisationnelle et à donner du sens aux actions de ceux qui
travaillent dans l’entreprise. En tant que discours utilisant la comptabilité, il s’appuie sur un
modèle comptable et des systèmes liés qui contribuent également à former une vision
particulière de la réalité sociale organisationnelle et de l’environnement économique dans
laquelle elle se situe. Les mécanismes de construction de la réalité organisationnelle qui sont à
l’œuvre procèdent donc de la combinaison de processus discursif et de l’utilisation
d’instruments de gestion issus du système comptable.
Dans une première section, nous nous intéresserons donc à la façon dont le langage et le
discours des dirigeants participent à la construction de la réalité organisationnelle, et à la part
importante que prend ainsi la création de sens dans le management, en éludant parfois la
problématique du pouvoir.
Dans une deuxième section, nous étudierons le rôle spécifique de la comptabilité et des
systèmes comptables de calculs de coûts dans la création de la réalité sociale de l’entreprise.
255
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Enfin dans une troisième section, nous examinerons le discours des entreprises de notre
échantillon du chapitre deux. Dans un premier temps, nous distinguerons les annonces de
PRC symboliques de celles qui sont suivies d’un discours sur la mise en œuvre. Pour les
sociétés qui continuent à communiquer sur les actions et les mesures de PRC réalisées, nous
analyserons l’utilisation stratégique ou rhétorique faite par les dirigeants du discours sur cet
outil de gestion spécifique qu’est la PRC. Enfin, nous proposerons une typologie des profils
de discours sur les PRC, qui nous permettra de revenir sur l’institutionnalisation de ces
politiques.
L’objectif de cette section est d’aborder une lecture théorique du langage et du discours en
tant qu’éléments fondateurs de la réalité organisationnelle pour les acteurs de l’organisation,
mais aussi comme instrument potentiel de pouvoir utilisé par les dirigeants.
Certains travaux de recherche sur le langage et son rôle dans la construction sociale de la
réalité adoptent une posture résolument constructiviste dans laquelle la réalité n’existe
pratiquement pas. Si nous aborderons certains travaux de recherche fondés sur une approche
psycho-sociologique des organisations, la perspective de recherche que nous retiendrons n’est
pas celle d’un constructivisme « total », dans lequel la réalité sociale ne serait « que »
représentations. Si elles contribuent à la création de la réalité sociale, les représentations sont
selon nous loin d’épuiser cette réalité.
Nous adoptons donc une position intermédiaire que l’on pourrait également qualifier
d’« ontologiquement réaliste » comme le fait Fairclough (1992): si le monde social est
socialement construit (et en partie construit par le discours), à un point quelconque dans le
temps, les êtres humains sont confrontés à un monde pré structuré qui a des propriétés réelles
et une structure réelle, qui ne peuvent pas être purement subjectives, et qui ne sauraient être
réduites, à la connaissance, aux croyances, aux représentations et aux discours que les
individus développent sur cette structure et ces propriétés.
256
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Dans cette conception, nous définirons dans un premier temps (1.1) le discours en tant
qu’acte de langage, inscrit dans un contexte organisationnel et économique particulier.
Nous verrons dans un deuxième temps comment appréhender, de façon théorique et à travers
une revue de travaux académiques empiriques, l’utilisation de ce discours par les dirigeants et
les managers pour créer du sens (1.2) au sein de leur organisation et pour les autres parties
prenantes. Nous verrons ensuite que la mobilisation des acteurs de l’entreprise peut passer par
un discours managérial en actes (1.3), selon la théorie des actes de langage d’Austin (1970) et
de Searle. Enfin, nous aborderons une vision plus critique de l’usage fait par les dirigeants du
discours en tant instrument potentiel de pouvoir au sein de l’organisation (1.4).
Pour les linguistes qui pratiquent l’analyse de discours, le langage apparaît comme un objet
multidimensionnel (Charaudeau, 1995a), avec une dimension cognitive, une dimension
sociale et psychosociale, et une dimension sémiotique. D’un point de vue sociologique, le
langage est d’abord, un des outils hérités des générations antérieures qui va permettre
d’appréhender et de connaître le monde social (1.1). C’est grâce au langage que les individus
nomment la réalité, et c’est grâce au stock commun de connaissances que les institutions vont
progressivement se solidifier. Grâce à sa fonction d’échange (1.1.2), le langage est un
véhicule de communication des représentations. Replacé dans son contexte socio-économique
d’énonciation, cet instrument d’échange et de fondement des institutions sociales peut enfin se
transformer en discours (1.1.3).
Les travaux du philosophe américain John Searle mettent en évidence le langage comme une
catégorie particulière d’institution sociale. John Searle enseigne la philosophie de l’esprit et
du langage à l’université de Berkeley (Californie). Ses travaux s’inscrivent dans le courant de
la philosophie analytique anglo-saxonne, qui privilégie une méthodologie de décomposition
des problèmes en concepts simples. La définition de ces concepts s’appuie sur des exemples
souvent très accessibles issus de la vie quotidienne. Nous aborderons de façon plus détaillée
dans la section 1.3 la contribution de Searle à la théorie des actes de langage, dans le
257
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
prolongement des travaux du philosophe anglais Austin dont il fut l’élève à Oxford. Dans ses
travaux les plus récents, Searle s’attache à rendre compte de la nature des faits sociaux et
culturels, et a publié un ouvrage relatif à « La construction sociale de la réalité » (1995), dans
lequel il s’oppose à certains postulats constructivistes.
Selon Searle (1995), trois éléments sont nécessaires pour décrire les mécanismes de la réalité
sociale : l’assignation de fonction, l’intentionnalité collective et les règles constitutives. La
réalité institutionnelle et les faits institutionnels demandent une reconnaissance collective de
ce qu’il appelle « des indicateurs de statut ». Par exemple, un morceau de papier peut être
utilisé comme monnaie seulement grâce à l’assignation d’un statut spécial qui est
collectivement reconnu. Les « indicateurs de statut » relèvent de fonctions symboliques, mais
aussi de l’attribution de nouveaux pouvoirs. La forme la plus importante de ces « indicateurs
de statut » est le langage. En effet, le langage fournit un moyen de représenter publiquement
tous les autres indicateurs de statut. Il facilite donc en cela la reconnaissance collective
permanente d’un statut particulier. De plus, le langage a la capacité unique de générer de
nouveaux faits institutionnels. Les faits institutionnels peuvent ainsi se développer de façon
itérative et développer des vastes systèmes institutionnels.
Utilisé par les dirigeants, le langage permet ainsi l’élaboration de nouveaux faits
institutionnels à l’intérieur ou à l’extérieur de l’organisation, et en particulier la représentation
d’une certaine vision de son métier et de l’environnement dans lequel elle évolue. Pour faire
partager cette vision et ces faits institutionnels, les dirigeants et les managers utilisent la
dimension d’échange du langage.
Bien souvent, ce sont des productions discursives qui permettent d’accéder aux
représentations. Celles-ci sont en général produites en situation, pour un auditoire, et visent à
argumenter et à convaincre (Grize 1982), tout en étant imbriquées dans des significations plus
258
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Les individus ne répondent en effet pas seulement aux données objectives d’une situation,
mais aussi au sens qu’ils lui donnent. Et une fois que ce sens est donné, leur comportement
ultérieur et une partie des conséquences sont déterminés par la signification assignée, qui
relève pour partie de la croyance. Certaines croyances, même non fondées, restent ancrées car
les faits semblent indiquer quelles sont vraies, ce que Merton (1948) a appelé une « prophétie
auto-réalisatrice ». Les croyances peuvent avoir de plus des fonctions non apparentes qui
contribuent à leur solidité. Selon Wittgenstein (1976), nos croyances les plus fondamentales
ne se fondent pas sur des raisons. Elles forment une « image du monde » qui fait sens pour
nous et pour les autres. «Je ne l’ai pas parce que je me suis convaincu de sa rectitude. Non,
elle est l’arrière plan dont j’ai hérité sur le fond duquel je distingue vrai et faux »
(Wittgenstein, 1976).
A l’issue des processus d’échanges entre les individus, dans lesquels le langage joue un rôle
clé, le mouvement aboutit à l’émergence d’un ensemble d’informations, d’opinions, de
croyances relatives à l’objet de représentation, qui finit par être suffisant pour donner au
groupe une connaissance pratique de l’objet et va se stabiliser. Les échanges qui ont lieu entre
dirigeants et salariés, ou entre dirigeants et analystes, rendent ainsi possible la représentation
de la stratégie de l’entreprise, de ses objectifs. Ils permettent de faire émerger et de stabiliser
le langage approprié pour décrire à la fois le métier de l’entreprise et ses pratiques. Ainsi,
utilisant ces notions pour mettre en évidence le caractère d’auto-réalisation de certains
modèles économiques, Ferraro & al. (2005) soulignent que « le langage produit une réalité
sociale qui renforce et valide la terminologie que nous utilisons. La diffusion des pratiques de
management rend ces pratiques cohérentes avec le langage dominant ».
Ce langage dominant s’inscrit dans un certain type de discours. Il convient donc à ce stade de
se pencher sur la définition du discours.
259
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Dans la linguistique selon Saussure, la question du discours n’est pas posée. Au sens le plus
général, pour les chercheurs en analyse de discours, le discours fait référence à des pratiques
d’écriture et de parole (Woodilla, 1998). Mais le concept de discours n’est pas toujours bien
circonscrit. Lorsque la dimension sociale du discours est mise en exergue, le discours devient
essentiellement un acte de discours accompli dans une situation. C’est un texte dont la
production est fonction de déterminations extralinguistiques. « Considérer la structure d’un
texte en le rapportant à ses conditions de production, c’est l’envisager comme discours »
(Grawitz, 1993, p. 345).
C’est cette conception du discours que nous utiliserons pour analyser le discours des
dirigeants, inscrit dans un contexte social particulier. Au sein des discours élaborés par les
groupes humains, certains ont de plus un statut particulier dans la mesure où ils donnent un
sens aux actes de la collectivité : ce sont les « discours constituants »295. Qu’ils soient
religieux, philosophiques, ou scientifiques, ces discours mettent en œuvre une même fonction
symbolique d’une société, qui « associe intimement le travail de fondation dans et par le
discours, la détermination d’un lieu associé à un corps d’énonciateurs consacrées et une
élaboration de la mémoire » (Maingueneau & Cossuta, 1995, p.113). Ils représentent un
monde, mais leur activité d’énonciation est indissociable de la représentation du monde qu’ils
donnent.
Ces discours ont un rôle constituant vis-à-vis des autres discours, qui seront élaborés en se
référant à leur autorité ou en les citant. On retrouve ici la notion d’intertextualité abordée au
chapitre précédent, qui pose à la fois la relation linguistique et littéraire des textes entre eux,
et la relation entre les textes et le langage de la société dans laquelle ils sont produits. Certains
discours de dirigeants d’entreprises, prononcés dans des conditions particulières, ont ce rôle
spécifique dans l’histoire et la culture de leur organisation.
Selon que l’on se focalise sur les mécanismes de création de sens et de mobilisation des
acteurs de l’entreprise, ou sur les dispositifs de contrôle et d’exercice du pouvoir par les
dirigeants, l’analyse peut mettre en évidence une utilisation stratégique (1.2) ou une utilisation
295
Par exemple La République de Platon ou la Déclaration des Droits de l’Homme.
260
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
rhétorique voire idéologique du discours par les dirigeants et les managers (1.3). Dans la
section suivante, nous aborderons une revue de la littérature inspirée d’une vision stratégique
du discours des dirigeants.
Les discours des dirigeants peuvent être vus dans cette optique stratégique comme ayant
différentes fonctions : une fonction de création de sens (Weick, 1995) dans l’organisation, et
une fonction performative au sens des travaux de la théorie des actes de langage (Austin,
1970).
Les travaux académiques qui cherchent à montrer la création de sens dans les organisations,
en particulier dans la gestion du changement, s’appuient en grande partie sur les travaux de
Weick, et sur les notions clés « d’enactment» et de « sensemaking ». Après avoir vu ces
notions théoriques (1.2.1), nous aborderons une revue des études empiriques sur le
management envisagé comme discours (1.2.2), voire comme récit (1.2.3).
La notion d’« enactment » de Weick (1979) combine plusieurs apports théoriques. Le cadre
général est constructiviste, avec l’apport des travaux du psychologue Piaget (1937, 1961) et,
de l’interactionnisme symbolique. D’une certaine manière, l’environnement auquel l’individu
fait face est créé par lui-même. Pour pouvoir envisager les situations complexes, l’individu
sélectionne certains éléments, en partie par des processus cognitifs décrits par Piaget296, et en
partie par un « cadrage », qui sélectionne par des règles de réduction de l’équivoque.
L’observateur prélève finalement une vision sélective de son environnement.
296
Les « évènements » sont ainsi séparés en éléments distincts, étiquetés, des distinctions et des connexions sont
établies entre eux. Ils deviennent par ces processus des faits intelligibles. Cette structure cognitive n’appartient
pas à la conscience mais au comportement, et l’individu n’en a qu’une connaissance restreinte.
261
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
orienté ou complété par l’individu ou l’organisation qui le perçoit ensuite » (Rojot, 2005,
p.360).
L’environnement est donc construit par l’individu, guidé par ses préconceptions de
l’environnement, et par son interaction avec lui. Les significations, les interprétations des
évènements sont construites rétrospectivement, en fonction des relations de causalité que
l’individu établit sur la base de ses expériences précédentes.
Cependant, cette construction n’est pas seulement individuelle, elle est sociale. « La façon
dont les gens parlent du monde a tout à faire avec la façon dont le monde est finalement
compris et agi » (Eccles & Nohria, 1992, p.29). Dans les organisations, les différents acteurs
impliqués doivent arrivent à donner un sens commun à une réalité. Cette construction
commune d’une réalité organisationnelle, cette création de sens va être pour Weick au cœur
de l’existence des organisations. Il définit le « sensemaking » comme un processus selon
lequel « ce qui a été une fois reconnu comme une transaction socialement construite prend
ensuite la forme d’une réalité objective déterminée de façon externe, dans laquelle les parties
en interaction jouent des rôles réglés d’avance et des « routines d’action » » (Weick, 1995,
p.36). Cette création de sens concerne donc la façon dont les acteurs de l’entreprise
interprètent (c’est-à-dire à la fois inventent et découvrent) et donnent un sens
rétrospectivement aux situations dans lesquelles ils se trouvent, dans un processus fortement
réflexif. Cette création de sens passe par un certain nombre de discours.
Weick (1995) montre ainsi que les dirigeants cherchent à influencer et à contrôler leur
entreprise par la contribution de leur discours à la création de sens au sein de leur
organisation. Des travaux empiriques confirment cette vision du management comme un
processus de l’organisation essentiellement constitué de discours.
A la suite des travaux de Weick, d’autres chercheurs ont analysé le discours comme principal
moyen par lequel les membres de l’organisation créent une réalité sociale cohérente. La
communication est alors vue comme la substance de l’organisation car, à travers leurs
262
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Le contenu des explications des dirigeants apparait comme plus cohérent (ou plus travaillé ?)
dans la seconde recherche: les trois expressions valeur actionnariale, cohérence stratégique et
gouvernement d’entreprise sont utilisées de façon routinière dans leurs discours. Ces
expressions ne sont pas seulement des normes institutionnalisées sous les pressions
coercitives, mimétiques et normatives de l’environnement (DiMaggio & Powell, 1983) et
donc des signaux de légitimité. Ce sont aussi des éléments générateurs de sens à l’intérieur
des organisations. Ces générateurs de sens constituent le cadre langagier dans lequel les
directeurs puisent pour expliquer leur organisation et leurs actions.
Avec la globalisation des économies, les expressions utilisées sont plus homogènes, mais
perdent en spécificité organisationnelle. Les directeurs financiers passent de plus beaucoup de
temps à « raconter une histoire » sur l’entreprise, dans une tentative d’influencer les
perceptions qu’ont les analystes et les investisseurs institutionnels de la performance
organisationnelle.
Weick affirme également l’importance de la mise en récit - « a good story » (1995, p.60). -
dans la production de sens au sein des organisations. Dans l’approche narratologique,
297
d’abord entre 1987 et 1989, puis entre 1998 et 2000 en interviewant les directeurs des mêmes grandes
entreprise anglaises, ou leur équivalent compte tenu des changements de périmètre des entreprises et de
dirigeants.
298
Shareholder value, strategic focus et corporate governance.
263
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
l’organisation « raconte une histoire » sur son management, son passé et les acteurs qui la
composent produisent du discours. L’histoire qui est racontée servira ensuite d’argument pour
justifier telle ou telle décision ou action.
A un extrême, l’organisation productrice de récits peut être une construction pluraliste d’une
multiplicité d’histoires. A un autre extrême, ce type d’organisation peut opprimer les
membres en les subordonnant tous et en réduisant tout à un seul « grand récit », une sorte de
discours unique. Changer le point de vue change le sens et l’interprétation du récit, ce que
montrent les travaux d’inspiration postmoderne de déconstruction de ces récits (Boje, 2001).
Plusieurs significations peuvent se construire dans le récit, ce qui donne aux membres de
l’organisation une flexibilité considérable pour créer leur propre interprétation de ce qui se
passe dans l’organisation. Les récits créent de l’ordre en étant des mythes explicatifs, des
simplifications quantitatives, des constructions conceptuelles qui interprètent et donnent un
cadre aux organisations et à leurs membres. Les gens ne racontent pas seulement des
histoires : ils disent des histoires pour interpréter et incarner les situations, pour former et
comprendre les organisations. Livian (2002) montre que la production de récits dans
l’entreprise obéit à des principes récurrents d’acceptation, par lesquels un récit reconstruit une
histoire qui «fait accepter un état de la question non susceptible d’être remis en cause ».
Le management peut ainsi se servir de cette histoire racontée de façon stratégique, pour ses
propres intérêts. La sensibilité des acteurs des marchés financiers à ces récits développés par
les dirigeants sur la création de valeur et les facteurs clés de leur performance a été mise en
évidence par Holland (2004) au Royaume Uni, et en France par Albouy (2005).
Les résultats de Holland (2004a) sur la communication financière volontaire sur les
incorporels montrent que chaque entreprise étudiée raconte sa propre histoire sur la façon dont
elle crée de la valeur, sous forme de narratif reliant entre eux les différents processus de la
création de valeur. Pour certaines entreprises étudiées, l’histoire atteint le statut de mythe
irréfutable jusqu’à ce que l’entreprise rencontre des difficultés importantes. Certains éléments
de cette histoire sont élaborés grâce à une comparaison systématique299 et une incorporation
des éléments incorporels les plus valorisés par les analystes, ou se réfèrent à la société « star »
du secteur.
299
On retrouver là les pratiques de « benchmarking » discutées lors du chapitre trois.
264
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Holland s’intéresse également, sur des périodes multiples, aux interactions entre le
management et les perceptions des analystes ou des gestionnaires de fonds, et à l’effet retour
qu’ont ces interactions sur les informations effectivement publiées. « Les entreprises
reconnaissent qu’elles ont besoin d’une histoire cohérente, et qu’elles doivent persister et
« vivre leur histoire » à travers les évènements favorables ou défavorables sur une longue
durée » (Holland, 2004a, p.21), même si elles développent une certaine capacité de réponse
face aux changements dans leur organisation ou dans les attentes des analystes.
Les discours des dirigeants peuvent également être analysés sous l’angle des effets que ces
discours produisent sur leurs interlocuteurs, en faisant appel aux techniques issues de la
pragmatique. Dans la section suivante, nous aborderons rapidement les concepts de la théorie
des actes de langage pour observer une des fonctions possibles du discours des dirigeants :
celui d’un langage en actes.
265
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Cette fonction du discours « en actes » a été mise en évidence dans les travaux d’Austin
prolongés par ceux de Searle dans la théorie des actes de langage.
La théorie des actes de langage est née avec la publication des travaux du philosophe anglais
Austin300. Au lieu d’opposer la parole à l’action, Austin propose de considérer que la parole
elle-même est une forme et un moyen d’action. Il s’intéresse au langage ordinaire, non pas
pour lui-même, mais en lien avec les phénomènes et les expériences auxquels il renvoie.
Austin parle ainsi de « phénoménologie linguistique »301, c’est-à-dire d’une philosophie qui
traite du langage en vue d’étudier les phénomènes.
Austin souligne qu’il existe parmi les énoncés des énonciations performatives grâce
auxquelles « produire l’énonciation est exécuter une action » (1970, p.42). Par exemple, un
maire prononce la phrase « je vous marie » devant deux personnes, et réalise par là même le
mariage. C’est en comparant l’énonciation constatative (c’est-à-dire l’affirmation classique,
descriptive des faits) avec l’énonciation performative qu’Austin a été conduit à considérer
toute énonciation digne de ce nom (c’est-à-dire destinée à communiquer) comme étant
d’abord et avant tout un acte de discours produit par la situation d’ensemble dans laquelle se
trouvent les interlocuteurs. Tous les énoncés amalgament ainsi selon lui trois sortes d’actes :
Tableau 14: Les trois types d'actes de langages (d'après Austin, 1970)
300
Publie en 1962 « How to do things with words », traduit en français en 1970 sous le titre « Quand dire, c’est
faire ».
301
Philosophical Papers (1962).
266
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
La force illocutoire est à mettre en relation avec les systèmes de conventions en vigueur dans
une société, en fonction desquels un locuteur sait utiliser telle ou telle phrase pour accomplir
tel ou tel acte selon ses interlocuteurs. Il propose par ailleurs une première typologie en cinq
grandes catégories d’actes illocutoires : « verdictifs », « exercitifs », « promissifs »,
« expositifs » et « comportatifs ».
Ces notions sont reprises et systématisées par Searle (1972, 1982). Searle distingue en
particulier dans les énoncés qui ont une force illocutoire :
les actes illocutoires : actions que l’on peut réaliser par des moyens langagiers (promettre
ou ordonner) ;
les valeurs illocutoires : composantes d’un énoncé qui lui permettent de fonctionner
comme un acte particulier, en se combinant avec le contenu propositionnel propre à cet
énoncé ;
les verbes illocutoires, unités lexicales qui permettent dans une langue donnée de
désigner les différents actes.
L’approche interactionniste a utilisé ces théories des actes de langage : considérer les énoncés
comme des actes, c’est admettre qu’ils sont faits pour faire agir autrui, mais aussi pour
l’amener à réagir. Dire, c’est donc dans cette approche non seulement faire, mais aussi faire
faire, et la valeur des énoncés (donc les réactions) peut être différente selon le type de
destinataires du discours. Cette conception met donc en avant les effets que les discours
exercent sur les locuteurs auditeurs. Dans l’optique de la pragmatique issue des actes de
langage, « le langage « s’inscrit dans le plan même de l’action302 » » (Robert et Bouillaguet,
1997, p.52). Le discours des dirigeants devient ainsi un langage en actes.
302
P. Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
267
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
L’analyse de discours prend alors pour objet des textes qui sont aussi des actes, et privilégie la
reconstruction d’un sens centré sur les énonciateurs (donc pour nous les dirigeants). Elle nous
met donc en prise avec la manière dont les énonciateurs se mobilisent dans un discours en
fonction de circonstances et de finalités particulières, et sont ainsi pour une part produits par
le social, mais contribuent également activement à la production et à la construction de la
réalité sociale Et c’est tout particulièrement le cas pour des discours codifiés comme les
discours sur les résultats de l’entreprise et les mesures destinées à améliorer la performance
comme les politiques de réduction des coûts.
Cependant, notre perspective de recherche s’intéresse plutôt aux discours des dirigeants
entrant dans le cadre de la communication financière, donc destinés à la fois à un public
interne (salariés voire salariés-actionnaires) et externe (analystes, investisseurs, banquiers..),
et non pas aux interactions directes des dirigeants avec d’autres acteurs de leur organisation.
Les travaux de Jacquot et Point (2000) sur la « lettre du président » présentée dans le rapport
annuel de 85 groupes européens sont ainsi plus proches de notre objet de recherche.
Dans une analyse des processus langagiers à l’œuvre dans ces discours destinés au même
auditoire que ceux qui nous intéressent, Jacquot et Point mettent en évidence trois fonctions
du discours des dirigeants :
• Une fonction performative (au sens d’Austin) du message présidentiel, dans laquelle le
discours est un outil du management, un levier d’action. Le discours vise à convaincre,
268
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
à faire agir, à modifier les comportements des salariés avec des processus de
justification et de persuasion, ce qui est fréquemment relevé lors de la justification des
performances, lorsque le dirigeant veut faire partager sa « vision », mobiliser et
induire certains comportements de la part des salariés de l’entreprise ;
• Une fonction normative, par laquelle le discours participe à la création de l’image et
de l’identité de l’entreprise. Pour le dirigeant et pour l’entreprise, le discours est aussi
un instrument de légitimité et de pouvoir ;
• Une fonction symbolique et rituelle : « la dimension rituelle peut être alors accentuée
par l’utilisation de slogans et son caractère magique par un style incantatoire, par
l’envoûtement créé par le pouvoir attribué aux mots, la puissance ou le vide du
langage » (Jacquot et Point, 2000).
Quoique s’appuyant sur un autre cadre théorique, Wacheux (1998) étudie la façon dont les
dirigeants mobilisent dans leurs discours les routines stratégiques et organisationnelles, les
ressources de transformation du système social et les ressources relationnelles liées au jeu des
acteurs. « Les dirigeants mobilisent mécaniquement et de manière contingente le discours
comme une ressource de l’action303 pour tenter de marquer la réalité organisationnelle d’un
argument esthétique et de cette manière influencer le comportement des salariés. Il s’inscrit
donc dans le jeu des relations de pouvoir médiatisées par cet acte discursif ». En ce sens, le
discours stratégique apparaît comme « un acte d’énonciation d’une réalité co-construite dans
l’espace et le temps perçu et idéalisé par des motifs sociaux », l’action du dirigeant étant de
nature essentiellement discursive. Dans ses discours successifs, le dirigeant va mobiliser et
faire émerger des représentations et des croyances qui seront mobilisées dans les discours
ultérieurs, avec une certaine récursivité, et impliquer plusieurs agents dans une logique
collective304.
303
Au sens de la théorie de la structuration de Giddens (1979).
304
Cette idée est à relier aux travaux de Girin.
269
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Le discours peut être envisagé nous l’avons vu comme un outil stratégique de création et de
construction de la réalité sociale et organisationnelle. Emanant des dirigeants, il est également
un instrument de pouvoir. Le discours n’est en effet pas seulement destiné à être entendu,
mais également à imposer une vision particulière du monde.
Le discours managérial est en ce sens une manifestation du pouvoir symbolique exercé par les
dirigeants, façonné par un habitus linguistique particulier selon les travaux sociologiques de
Bourdieu (1.4.1). Les discours des dirigeants sur leur stratégie et leurs résultats, y compris
leurs politiques de réduction de coûts, sont ainsi régis par des règles de contrôle et de
diffusion liées à un « ordre du discours » (selon l’expression de Foucault) spécifique à
l’environnement dans lequel ces discours sont émis (1.4.2). L’articulation rhétorique de ces
discours repose enfin bien souvent, de façon implicite ou explicite, sur une idéologie sous-
jacente qui légitime l’ordre social établi (1.4.3).
Pour Bourdieu (1982), l’acte de parole est profondément ancré dans des conditions sociales
qui le déterminent. Tout acte de langage autorisé, sa rhétorique, sa syntaxe, son lexique, sa
prononciation même n’ont d’autre raison d’être que de rappeler l’autorité de son auteur. Le
style est en ce cas un élément de l’appareil par lequel le langage vise à produire et à imposer
la représentation de sa propre importance et contribue ainsi à assurer sa propre crédibilité.
Certaines conditions sociales extérieures aux représentations et aux discours doivent donc être
remplies pour que ceux-ci aient une efficacité sur la réalité, des conditions favorables
270
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
préalablement inscrites dans les esprits et dans les institutions. L’ambition même de l’acte
autorisé trouve son fondement dans le groupe qui a mandaté le pouvoir au chef. La mise en
œuvre efficace de ce pouvoir est subordonnée à tout un ensemble de conditions définissant les
rituels sociaux. Mais le plus important est peut-être la réussite de ces opérations de « magie
sociale » que sont les actes d’autorité. Les rituels sont subordonnés à un ensemble
systématique de conditions interdépendantes qui composent la communication politique.
Bourdieu traite le monde social comme un univers d’échanges symboliques et considère l’acte
de communication comme une action destinée à être déchiffrée au moyen d’un code culturel
qui régit les interactions symboliques. Les rapports de communication symbolique sont aussi
des rapports d’interaction symbolique qui impliquent la connaissance et la reconnaissance qui
actualisent les rapports de force entre les locuteurs ou leurs groupes respectifs. Ainsi, « les
discours ne sont pas seulement (ou seulement par exception) des signes destinés à être
compris, déchiffrés ; ce sont aussi de signes de richesse destinés à être évalués, appréciés, et
des signes d’autorité, destinés à être crus et obéis » (2001, p.99).
Dans cette perspective, l’habitus linguistique est façonné par des processus sociaux, qui
impliquent une certaine tendance à parler à dire des choses déterminées et une certaine
capacité linguistique de générer des discours (Barry, 2002).
271
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Le discours des dirigeants est donc façonné par l’habitus linguistique de la classe à laquelle ils
appartiennent, et exerce une fonction de légitimation de l’ordre social dans lequel ils se
trouvent. Ces manifestations de pouvoir symbolique par le discours sont également
développées par les travaux de Foucault. De façon générale en effet, Foucault conçoit les
discours comme des objets d’étude dont il s’agit de déterminer les conditions d’émergence,
tout discours étant soumis à l’influence de facteurs sociaux et politiques. Une partie de ses
travaux remettent en cause la continuité des savoirs et leur « progrès », en mettant en lumière
les idéologies qui masquent l’influence de facteurs contextuels dans « l’évolution » de tels
savoirs.
Ainsi, dans l’Archéologie du savoir (1969), Foucault ouvre de nouvelles voies à l’analyse de
discours, en s’interrogeant sur les rapports entre pratiques discursives et pratiques sociales. Il
place également au cœur des discours la problématique du pouvoir. « Le discours n’est pas
simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par
quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s’emparer » (1971, p.12). Ces luttes de pouvoir se
traduisent par des procédures de contrôle de la production et de la diffusion des discours.
Dans son « Ordre du discours »305 (1971), Foucault met en évidence trois groupes de
procédures qui contrôlent et délimitent les discours :
des procédures externes, qui fonctionnent comme des systèmes d’exclusion : l’interdit, la
délimitation par le partage (entre la folie et la raison par exemple), et la volonté de
vérité306 ;
des procédures internes, par lesquelles les discours eux-mêmes exercent leur propre
contrôle. Parmi ces procédures, figurent les disciplines, définies comme principes de
305
Leçon inaugurale au Collège de France le 2 décembre 1970.
306
Foucault introduit une rupture historique entre le discours vrai des poètes grecs, qui était celui prononcé par
qui de droit selon le rituel requis, et celui de Platon qui est le discours dont le contenu est vrai (« le sophiste est
chassé » dit-il).
272
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
contrôle de la production du discours, qui fixent des limites « par le jeu d’une identité qui
a la forme d’une réactualisation permanente des règles » (p.38) ;
un dernier groupe d’assujettissement des discours, qui touche aux conditions
d’énonciation des discours. « Il s’agit de déterminer les conditions de leur mise en jeu,
d’imposer aux individus qui les tiennent un certain nombre de règles et ainsi de ne pas
permettre à tout le monde d’avoir accès à eux » (p.38). Ce groupe de procédures de
contrôle, d’assujettissement des discours comprend le rituel, qui définit les rôles convenus
et les propriétés singulières des discours, les « sociétés de discours »307, qui ont pour objet
de conserver ou de produire des discours en les faisant circuler en espace fermé, et enfin la
doctrine, dont l’objet est la diffusion, mais qui pour Foucault diffuse en effectuant « un
double assujettissement : des sujets parlants aux discours, et des discours au groupe, pour
le moins virtuel, des individus parlants » (p.45).
Enfin, au niveau le plus large de ces procédures de contrôle figure l’appropriation sociale des
discours.
Le courant de l’analyse de discours critique308, s’appuie d’une part sur les théories du discours
post-structuralistes issues des travaux de Foucault et de Derrida, mais également sur les
théories sociales critiques de Bourdieu, de Marx, Gramsci et Habermas. Ce courant rassemble
des linguistes comme Fairclough ou Van Dijk, avec un projet d’analyse sociopolitique du
discours pour « redéfinir en premier lieu, de façon très spécifique et précise, ce que sont les
idéologies, c’est-à-dire les systèmes sociocognitifs des représentations mentales socialement
partagées qui contrôlent d’autres représentations mentales telles que les attitudes des
groupes sociaux et les modèles mentaux (..) En second lieu, nous voulons chercher, de façon
systématique, par quelles structures du discours telles que les structures sémantiques (les
sujets, la cohérence), la syntaxe (l’ordre des mots..), le lexique, les actes de langage, etc… les
opinions idéologiques se manifestent dans le texte et la parole » (Van Dijk, 1996, p.28).
Chouliaraki & Fairclough (1999) arguent ainsi du fait qu’une analyse linguistique a son rôle à
jouer dans l’amélioration de notre compréhension du monde social, et postulent que l’analyse
de discours critique permet de construire une analyse multidimensionnelle, explorant les
relations entre le discours et le changement social. Dans cette approche, les discours ne sont
307
Foucault mentionne dans cette catégorie, le système de l’édition, le secret technique et scientifique, ainsi que
le discours politique et économique
308
Critical Discourse Analysis.
273
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
jamais capables de déterminer totalement la réalité sociale. Ils sont des éléments qui
contribuent à sa formation, ce qui est tout à fait proche de la conception développée par
Fairclough (1992, 2003), abordée au chapitre trois avec le modèle discursif
d’institutionnalisation. Un espace substantiel existe, à l’intérieur duquel les acteurs peuvent
agir dans leur propre intérêt et travailler de façon à modifier les pratiques discursives de façon
à privilégier leurs intérêts. D’où la possibilité pour les acteurs d’influencer les discours à
travers la production ou la propagation de textes. Il y a donc une relation mutuellement
constitutive entre le discours, les textes et l’action. La signification des discours est partagée
et sociale, émanant d’actions faites par les acteurs dans la production de textes. Dans le même
temps, les discours donnent du sens à ces actions, constituant en cela la réalité sociale.
Nous avons utilisé une partie de ces notions pour étudier les mécanismes
d’institutionnalisation des discours sur les PRC au chapitre trois. Nous ne nous sommes pas
alors penchés sur les problématiques de pouvoir liées à ces discours. L’étude longitudinale du
présent chapitre sera l’occasion d’approfondir ce point pour les entreprises de notre
échantillon qui ont effectivement mis en œuvre des PRC suite à leur annonce. Elle sera
également l’occasion de relever le cas échéant les marqueurs idéologiques qui apparaissent
dans le discours des entreprises étudiées.
Les recherches en gestion portant sur le discours des dirigeants sur les résultats ou la
performance de leur entreprise mettent en évidence deux grands types de rhétorique : une
utilisation rhétorique du langage comptable lui-même pour convaincre de la valeur de
l’entreprise et une construction de discours destinés à légitimer l’idéologie dominante du
capitalisme financier.
Compin (2004) souligne la fonction rhétorique de l’utilisation du langage comptable par les
dirigeants, dans une analyse linguistique de trois messages d’entreprises (Alcatel, la SNCF et
Vivendi Universal) sur leurs états financiers. La présentation des comptes constitue alors pour
les dirigeants un nouvel art oratoire, monologue utilisant de nombreuses figures de style
rhétoriques, susceptible d’influencer les motivations psychologiques et sociologiques des
producteurs et des utilisateurs de l’information comptable. « En devenant un instrument de
rhétorique, le langage comptable, c’est-à-dire la terminologie comptable et les structures
274
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
syntaxiques qui l’accompagnent, fait courir le risque aux énoncés informationnels de « ne pas
dire ce qui est vrai ou faux » de ne pas informer sur la santé réelle de l’entreprise et sur sa
valeur comptable mais de chercher à convaincre, voire même à vaincre toutes les formes
d’interrogation et de résistances » (Compin, 2004, p.158).
Dans ces discours qui portent sur les résultats et sur la performance de leur entreprises, la
rhétorique managériale s’articule autour d’une présentation d’excuses ou de justifications
après l’annonce de mauvaises nouvelles ou d’accidents, et d’une mise en valeur des « bonnes
pratiques » de l’entreprise en cas de bonnes nouvelles (Salancik & Meindl, 1984 ; Marcus
&Goodman, 1991). Bettman et Weitz (1983) s’intéressent aux raisons qui sont données dans
les lettres aux actionnaires pour expliquer la performance organisationnelle, et montrent que
l’attribution de causes :
est auto-protectrice lorsque la performance est défavorable, les causes étant
présentées comme externes, instables et incontrôlables ;
est narcissique, lorsqu’elle est favorable, les causes étant présentées comme internes, facteurs
de motivation.
L’étude du discours des dirigeants peut également mettre en évidence les effets rhétoriques
utilisés pour légitimer l’idéologie dominante. Charron (2004) montre que la transparence,
cette « idéologie du contrôle des entreprises par les marchés financiers », justifie le
développement du contrôle et du contrôle du contrôle. Cette idéologie est selon lui
significative « d’une forme d’interdépendance (le contrôle) dont l’émergence est liée à la fois
à des changements du capitalisme mais aussi à des changements dans l’économie psychique
des individus ». Bessire (2004) montre également que la transparence est à la fois un moyen
de réduire les asymétries d’information et un outil qui permet de répondre à l’obsession de la
surveillance, voire du contrôle et de la discipline. Les discours dominants sur la transparence,
se réfèrent ainsi implicitement au « panopticisme » (en référence au Panopticon de Bentham),
mais l’exigence de transparence, devient non seulement légitime mais quasiment un idéal à
atteindre.
Craig et Amernic (2004) analysent deux discours issus de la « saga Enron ». L’analyse du
contenu de ces discours aide selon eux à comprendre le discours public des dirigeants
d’entreprise (y compris le discours relatif à la comptabilité), dans la mesure où leurs textes
écrits et verbaux contribuent à ce que les auteurs critiques appellent la « batterie des
275
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
institutions » qui forment les croyances sociales (Tinker, 1985). L’articulation de ces discours
fait apparaître une glorification du marché et d’une forme de capitalisme âpre au gain, une
réification de la communauté managériale et un point de vue déconcertant sur l’importance de
la comptabilité. La rhétorique développée dans ces discours, au moment où l’important
scandale Enron soulève bon nombre d’interrogations sur les pratiques du capitalisme financier
contemporain, est ainsi destinée à soutenir cette idéologie capitaliste, pour assurer sa
résilience et sa survie à long terme.
L’analyse des mots des managers est également importante dans la mesure où l’univers
contemporain du discours n’encourage pas la discussion de problèmes publics, mais a
tendance à privilégier certaines perspectives. « L’univers contemporain du discours relatif au
management n’est pas « ouvert » dans aucune acception du mot. (..) Il privilégie le langage et
la pensée enracinée dans le capitalisme managérial pour aider à former une rhétorique qui
309
soutient le capitalisme et qui contribue à la reproduction d’un ordre symbolique » (Craig
& Amernic, 2004, p.814).
Ainsi, les études sur les discours managériaux sur les résultats et la performance
organisationnelle mettent en lumière une utilisation rhétorique du discours par les dirigeants.
Cette rhétorique est destinée à convaincre l’auditoire de leur responsabilité dans leurs succès
et des causes extérieures de leurs échecs. De plus, les mots utilisés dans ces discours peuvent
être l’occasion de développer une référence voire un soutien au capitalisme financier
contemporain. Cette rhétorique particulière est renforcée par le fait que le discours des
dirigeants utilise dans ce contexte non pas le langage courant, mais le langage comptable, et
qu’il s’appuie sur une présentation des performances et des résultats issus du système
comptable.
Or la comptabilité elle-même façonne une certaine vision de l’entreprise, de ses relations avec
son environnement. Elle contribue à l’élaboration de la performance organisationnelle par
l’application de concepts comptables et d’un modèle comptable qui contribue activement à la
construction sociale de l’organisation, et n’est pas un instrument de mesure neutre. L’objet de
la section suivante est donc d’analyser le rôle de la comptabilité et des outils de gestion qui
s’appuient sur elle pour façonner cette réalité de l’organisation et du résultat de ses activités.
309
D’après Harvey (1990) : « qui est une partie et une parcelle de la reproduction et de la transformation d’un
ordre symbolique » (p.355).
276
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Les discours des dirigeants sur leurs résultats, et tout particulièrement ceux qui s’attachent
aux PRC, s’appuient sur les chiffres comptables pour définir et mesurer les objectifs et les
résultats. Dans une approche financière classique, nous avons vu que l’information financière
issue de ces chiffres est utilisée par les acteurs des marchés financiers. L’utilité de
l’information comptable et financière pour la prise de décision économique est au cœur de
cette vision de la comptabilité. Elle correspond à la conception qui préside à l’élaboration du
cadre conceptuel des normes comptables IAS-IFRS.
Cependant, comme nous l’avons vu, on ne peut pas considérer la comptabilité comme une
simple technique calculatoire, instrument de mesure objectif d’un résultat économique qui ne
soulèverait aucune question. La comptabilité est également une pratique sociale, déterminée
par les conditions socio-économiques dans lesquelles elle se développe.
Dans un premier temps, nous verrons qu’elle détermine à son tour la réalité économique par
les représentations de l’entreprise et de la mesure de ses performances qu’elle permet. Née
dans un système économique capitaliste, la comptabilité des entreprises françaises cotées
évolue en fonction des représentations de la firme et de la performance financière véhiculée
par le système économique dans lequel elle est placée et utilisée. De façon réflexive, ses
représentations de l’activité et du résultat de l’entreprise contribuent à la création de la réalité
économique (2.1.1). Certains auteurs se demandent alors si nous n’avons pas atteint un
« ordre de simulacre »310 dans lequel marchés financiers et comptabilité se simulent de façon
réflexive et auto-référentielle (2.1.2), alors même que les conséquences économiques et
sociales de l’utilisation de ces chiffres ont un impact concret dans la réalité matérielle.
Dans un second temps, nous verrons que les outils de gestion et de calcul de coûts ont un rôle
actif de structuration de la réalité et de l’environnement des entreprises. Le développement
généralisé de ces éléments de « technologie invisible »311 (2.2.1) est cohérent avec le rôle
important que jouent la mesure et les chiffres dans les mécanismes d’institutionnalisation des
pratiques de gestion que nous avons vus au chapitre précédent. S’ils sont conformes à la
310
selon l’expression de Baudrillard que nous expliciterons dans la section suivante en 2.1.2.
311
Selon l’expression de Michel Berry (1983), explicitée dans la section 2.2.
277
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
La comptabilité a été longtemps reléguée au rang des techniques calculatoires, avant que les
différents rôles qu’elle joue dans la société - économique, social ou politique- soient ensuite
explorés. Les travaux fondateurs d’Hopwood (1976, 1983), Miller (1994) et Burchell
(Burchell & al., 1980 ; Burchell et al., 1985) pour ne citer qu’eux, ont permis d’ouvrir une
voie de recherche pour comprendre la comptabilité comme un objet social. D’autres
chercheurs, comme Tinker, Cooper et Lowe, se sont attachés au rôle social et politique joué
par la comptabilité312. Pour Hopwood, un système comptable ne peut être analysé comme un
objet technique dans un « vacuum » social, puisque les utilisateurs de tout système comptable
cherchent à adapter le système pour répondre à leurs différents besoins (Richard, 2005). Il est
nécessaire d’analyser la comptabilité comme un phénomène organisationnel et social et de
mettre en lumière les notions de pouvoir, d’influence et de contrôle, le rôle ritualisé de tout
système comptable, ou encore la dynamique de la comptabilité en action (Hopwood, 1976,
1983).
La comptabilité est ainsi le résultat d’un processus de construction déterminé de façon
importante par les intérêts économiques des parties concernées. Le système comptable utilisé
par les entreprises françaises cotées est en partie déterminé par les modes de fonctionnement
et les valeurs du capitalisme moderne. A son tour, la comptabilité contribue à la création de la
réalité économique qui s’appuie sur une partie de ses représentations.
Selon les chercheurs, ces liens entre réalité comptable et réalité économique sont abordés de
différentes manières. Mouck (2004) analyse les règles de reporting financier et les
représentations comptables en tant que règles institutionnelles au sens de Searle (1995). Il
312
En particulier à travers la revue Critical Perspectives on Accounting.
278
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
postule que les formes basiques des réalités économiques313 préexistent à l’existence de règles
institutionnelles, et en particulier de règles institutionnelles comptables. « Les règles
comptables sont des règles de constructions des représentations de la réalité économique »
(Mouck, 2004, p.533). Comme ces représentations touchent à la fois des éléments avec un
mode d’existence physique objectif (les terrains ou les stocks de matières) et des éléments qui
se rapportent à des faits institutionnels (les droits de propriété, les créances et les dettes), les
règles comptables ont un caractère institutionnel qui guide les comptables dans leurs
représentations. Les règles institutionnelles comptables ont ainsi facilité la coordination et le
contrôle de l’activité économique, et influencé l’évolution de l’économie contemporaine.
Mouck s’appuie ensuite sur les distinctions opérées par Searle au sein de la réalité
institutionnelle, ses propriétés ontologiques et épistémologiques, que l’on peut synthétiser
grâce au tableau suivant:
Tableau 15: Dimensions subjectives et objectives de la réalité institutionnelle (d'après Searle, 1995)
Objectivité Subjectivité
Epistémique : attributs du jugement Exemple : « aucune action n’est Exemple : « aucune action n’est
d’un individu ou d’un groupe cotée à 20 euros » surévaluée »
ne dépend des sentiments de dépend des attitudes de
personne l’observateur
Exemple : les atomes Exemple : les contrats
Ontologique : attributs des entités leur mode d’existence est leur mode d’existence dépend
indépendant de l’observateur ou de l’état mental de
d’un état d’esprit l’observateur
Caractéristiques intrinsèques ou Exemple : Exemple :
extrinsèques des faits ou objets la composition chimique d’un objet les attentes que nous avons face
Intrinsèques à l’utilisation de cet objet
relatives à l’observateur
279
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Dans cette perspective, il pose le résultat net et la situation nette comme des « indicateurs
flous»314 d’une réalité subjective, utiles pour indiquer la variation de richesse, mais pas
infaillibles. Selon les règles comptables institutionnalisées, ils seront en effet plus ou moins
fiables ou plus ou moins trompeurs au regard des objectifs de leurs utilisateurs.
La comptabilité n’est pas constituée seulement d’un modèle mais également d’un langage
particulier (Li, 1963). « La comptabilité peut être définie comme un ensemble de
représentation lexicales ou symboliques, comme le débit, le crédit, etc.., auxquelles une
signification est assignée à travers des règles de traduction connues sous le nom de
terminologies comptables et utilisées comme paramètres pour un ensemble de règles
grammaticales ou de manipulation connues sous les noms de techniques comptables»
(Belkaoui, 1980, p.363). Cependant, les études empiriques (Belkaoui, 1980 ; Compin, 2004)
sur la sociologie du langage comptable montrent que le sens des concepts comptables varient
314
De la même façon qu’un indice de prix. Il ne s’agit pas là de la théorie des ensembles flous de Zadeh (1965) à
laquelle faisaient référence Casta & Bry dans leur proposition de « Fuzzifier le modèle comptable » (1995).
280
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
selon le groupe professionnel auquel on appartient315. « Il apparaît que les deux communautés
divergent largement sur le sens et la portée à la fois du cadre normatif, des indicateurs de
performance et le contenu de l’information comptable. Ces divergences éclairent l’absence de
neutralité de la terminologie comptable, perçue en fonction de paramètres liés aux
communautés d’appartenance et aux profils psychologiques » (Compin, 2004, p.226).
Comme tout langage, la comptabilité laisse donc des marges de manœuvre et d’interprétation
ou d’action pour les individus. En tant que langage, la comptabilité nous sert à communiquer
une image du monde. Au-delà de la simple version selon laquelle la comptabilité serait le
« miroir » de la réalité, la comptabilité a un rôle plus fondamental en ce qu’elle constitue une
part de la réalité économique et organisationnelle autant qu’elle les reflète (Carruthers, 1995).
Ainsi, les liens de détermination entre la réalité économique et les représentations comptables
sont réflexifs, ce que les chercheurs ont analysé de diverses manières.
315
Belkaoui (1980) a réalisé son étude auprès de professeurs en comptabilité, d’experts comptables et d’étudiants
en comptabilité au Canada, Compin (2004) en France auprès de membres de l’AFC et de l’OQC (Observatoire
de la Qualité Comptable qui dépend du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts- Comptables).
316
CoNAM, Conditional Normative Accounting Methodology (Mattesich, 1995).
281
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Hines s’élève, elle, dans une série d’articles (1988, 1989, 1991) contre le réalisme scientifique
des praticiens comptables et l’empirisme logique des chercheurs du courant dominant. Elle
plaide en faveur du fait que la réalité économique n’existe pas indépendamment des pratiques
comptables qui communiquent cette réalité. « Les pratiques comptables jouent un rôle dans la
création, la forme et les modifications » et « la réalité n’existe pas indépendamment des
compte rendus que l’on en fait » (Hines, 1988, p.258). Les projets de cadre conceptuel des
organismes de normalisation comme le FASB ou l’IASB jouent un rôle significatif dans la
construction et l’entretien de cette réalité.
Elle rejoint ainsi la position de Tinker (1988), qui tente de déconstruire en s’appuyant sur
l’œuvre philosophique de Derrida la logique de naturalisation utilisée par les économistes
néo-classiques pour défendre le capitalisme. La naturalisation consiste à présenter un
phénomène social comme étant purement naturel, inévitable et universel, ce qui le rend
inattaquable en excluant un ensemble de questions du débat théorique (Chabrak, 2005). Dans
ses travaux, Tinker met en lumière le rôle idéologique de la comptabilité, vue à la fois comme
un instrument de rationalisation et de justification de l’appropriation d’une classe sociale par
une autre (Tinker, 1985, p.100), et comme un soutien au processus d’accumulation du capital.
La création de la réalité sociale à laquelle participent les comptables et la comptabilité sont
donc dans cette vision critique clairement au service d’une idéologie dominante particulière.
Des travaux d’inspiration postmoderne d’autre part s’interrogent sur l’évolution la plus
récente de la comptabilité financière en lien avec le développement de la finance de marché
en s’interrogeant sur la création d’une « hyper réalité » presque déconnectée de la réalité
sociale.
Macintosh et al. (2000) se penchent sur le statut ontologique de l’information dans les
rapports comptables, en mobilisant la chronologie des « ordres de simulacre » de Baudrillard
à l’historique des signes comptables décrit par Matttesich (1987, 1989, 1995b) puis par les
autres historiens majeurs de la comptabilité317. Pour eux, « la comptabilité ne fonctionne plus
317
En particulier de Roover, (1956), Chatfield (1974), Littleton (1968), Pollard (1968) sans oublier les auteurs
critiques comme Napier (1991).
282
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Tableau 16: Généalogie des signes comptables (d'après Macintosh & al., 2000)
Les signes comptables sont ainsi devenus le reflet d’autres signes qui en retour reflètent les
signes comptables. Les signes comptables modélisent les signes des modèles de marché qui à
leur tour modélisent les signes comptables. Le résultat comptable d’aujourd’hui, dans une
économie financière, est important non pas parce qu’il reflète une réalité sous-jacente mais
parce qu’il participe de mécanismes économiques dans lesquels « il devient plus important de
maintenir la prédictibilité du calcul du résultat. Egalement importante est l’apparence selon
laquelle le calcul du résultat, considéré comme une « vérification cruciale de réalité » en
supportant l’économie financière, est exogène à cette économie. Les résultats comptables
officiels importent parce que « reconnaître » une transaction ou un évènement dans le compte
318
Stewardship accounting : « Conception de la comptabilité comme étant un moyen pour la direction
d’informer ceux qui ont fourni des ressources à l’entité qu’elle s’est acquittée de sa responsabilité de gérance
envers eux », traduction du Dictionnaire de la comptabilité et de la gestion financière (2004).
319
Alors que le vocabulaire des normes comptables est toujours empreint des hypothèses et croyances de l’ère
industrielle.
283
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
de résultat c’est « hyper réaliser »- en fournissant à cette transaction ou cet évènement une
aura de réalité dans le domaine de modèles auto-référentiels qui constituent l’économie
financière » (Macintosh et al. 2000, p.33). Cette mise en perspective d’une finance
« hyperréelle », qui ne se réfère à rien d’autre qu’elle-même, rejoint celle de Mac Goun. « Et
si la finance avait dégénéré en un jeu auquel on joue pour lui-même, et la richesse financière
ne mesurait pas la capacité à acheter des choses mais au contraire mesurait à la fois la
capacité à jouer à ce jeu (dans lequel personne n’achète rien) et le succès avec lequel on a
joué ?» (Mac Goun, 1997, p.98). Elle rejoint également certaines critiques sur les dérives du
capitalisme financier, en particulier celle d’Aglietta & Rebérioux (2004).
Les notions clés de capital et de résultat net ont subi des transformations au cours de ces
périodes. Le capital est devenu « la capacité de rapporter le taux de rendement du marché »
(IACS, 1997, p.128), perdant toute attache dans l’espace ou dans le temps avec le signe
comptable traditionnel de résultat. Le projet de passage du résultat net comptable au résultat
étendu - ou « comprehensive income » – de l’IASB, qui ajoute au résultat comptable le
résultat des changements de la juste valeur des actifs détenus, introduit de nouveaux signes
comptables « hyper réels » dans le calcul de la performance. Cette façon de calculer le résultat
de l’entreprise ajoute encore à ce phénomène de références circulaires entre signes
comptables et signes des modèles de marché. Ce résultat ainsi que les grandes innovations
conceptuelles de l’IASB sont en tout état de cause en cohérence forte avec une vision de la
firme qui est celle de la théorie de l’agence, et la référence ultime en est un capitalisme
« entièrement dédié aux investisseurs et qui fait des dirigeants d’entreprise les gérants de leur
fortune » (Colasse, 2006, p.3).
Pour Vollmer (2003), le discours sur l’hyper réalité permet d’ouvrir des voies de recherche
sociologiques en matière de pratiques calculatoires, et en particulier concernant l’utilisation
des travaux de Baudrillard. Faut-il, comme disait celui-ci, « oublier Foucault » puisque dans
une société hyper réelle il n’y a plus de substance sociale à discipliner ou à gouverner ? Ou la
simulation et la surveillance sont elles deux faces jumelles d’un même fantasme de contrôle ?
Pour certains en effet, « la surveillance sans limite est exactement l’objet de la simulation »
(Bogard, 1996, p.15). La comptabilité n’est plus dans cette perspective un moyen de refléter
la façon dont les choses sont ou devraient être dans un domaine non interprétatif
d’évènements ou d’objets. « Les chiffres financiers ne reflètent pas la réalité extérieure, ils
deviennent son substitut » (Vollmer, 2003, p.369). Le scandale d’Enron constitue un exemple
284
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
largement en accord avec cette position et avec la thèse défendue par Macintosh & al. (2000).
En effet, de nombreux observateurs ont fait état du fait que les dirigeants d’Enron ont pu
« produire des états financiers n’ayant aucune commune mesure avec la réalité – que de
nombreux intervenants dans le monde financier ont utilisés, contribuant ainsi à la
propagation de signes dans l’hyper réalité » (Baker & Gendron, 2004).
Ainsi, le système comptable actuel des entreprises françaises cotées est un instrument de
mesure privilégié du capitalisme financier, instrument de rationalité économique qui s’adapte
aux évolutions de la vision de l’efficience et de la performance managériale. Le capitalisme
global qui semble aujourd’hui à l’œuvre s’accompagne ainsi d’un modèle comptable critiqué
mais qui tend à devenir universel. Ce modèle vient en retour justifier la progression du
capitalisme par un renforcement et un partage étendu de ses représentations et justifications de
la performance des entreprises et des objectifs des organisations- privées voire même
publiques - vers le profit et son accumulation. Les normes et conventions comptables ainsi
que la conception de l’entreprise qu’elles véhiculent et le langage spécifique utilisé ont à leur
tour un impact sur la représentation des dirigeants, des salariés et des autres agents
économiques et donc sur la réalité organisationnelle et économique dans laquelle ils
s’inscrivent.
Dans une approche critique, la comptabilité est « un langage intéressé et partial qui nourrit
les intérêts particuliers de certaines classes et groupes professionnels » (Miller, 1994).
Cependant, une partie des conceptions et représentations qui sous-tendent le système
285
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
comptable restent implicites et ne sont pas explicitées par le discours des dirigeants, qui
commentent les performances financières de leur entreprise en utilisant un langage convenu.
Ce langage convenu est bien celui du discours autorisé et règlementé par une « société de
discours » particulière, celle de la communauté financière. Le caractère présenté comme
purement technique du discours sur les chiffres comptables permet de masquer l’idéologie
sous-jacente. De plus, ils s’appuient lors de la mise en œuvre de leurs objectifs de réduction
de coûts sur des systèmes de calculs de coûts et de contrôle de gestion qui véhiculent à leur
tour une représentation particulière de l’activité et des objectifs de leur entreprise.
Les entreprises que nous étudions mettent en place des outils de gestion destinés à les rendre
performantes, c’est-à-dire à remplir leurs objectifs stratégiques. Les outils de gestion utilisés
représentent l’entreprise en un modèle particulier qui reflète la perception et la représentation
que les directions générales ont de leur organisation, de leur activité et des relations que
l’entreprise entretient avec son milieu interne et externe. En ce sens, les outils participent à la
structuration de la réalité organisationnelle.
286
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
les organisent et les mettent en place. Puis ces outils structurent à leur tour les représentations
de ceux qui s’en servent (Bouquin, 2001). Ces représentations concernent non seulement
l’image de l’entreprise en tant qu’organisation, mais aussi les résultats à atteindre, les liens de
causalité entre les actions et les résultats, la performance.
A ce titre, les outils de gestion peuvent être essentiels pour motiver le personnel, dans le cas
d’une réingénierie organisationnelle par exemple :
« Comment accepter le changement si l’organisation (privée ou publique) est déclinante ou
perdante, et si son seul objectif est de « durer » ? La représentation de l’entreprise par les
outils de gestion semble alors essentielle pour motiver le personnel (cadre et opérateurs) :
l’amélioration des performances doit apparaître comme vitale pour l’entreprise,
elle doit aussi apparaître comme possible » (Malo et Mathé, 1998, p.254).
Le contrôle de gestion est lui aussi un langage qui exerce un pouvoir sur ceux qui l’utilisent.
A travers les mots qu’il utilise, il unifie les préoccupations, les représentations et les
comportements, ce qui est d’autant plus important que le groupe est grand et
géographiquement éclaté (Burlaud et Simon, 1997, p.10). Cette vision détermine le choix,
parmi l’ensemble des outils de gestion internes ou externes, d’un petit nombre particulier
d’outils en fonction de leur capacité à représenter la parcelle de la réalité perçue et construite
par les dirigeants. « Les outils de contrôle ainsi sélectionnés vont être les symboles de la
« vraie » performance, c’est-à-dire celle qui est perçue, construite, instituée et légitimée par
les membres dominants » (Justin, 2005). Ce sont ce que Berry (1983) et Riveline (1992)
nomment les « abrégés du vrai ». Ces abrégés incarnent l’intention stratégique des dirigeants,
donnent un cadre de perception des problèmes de l’organisation et de leur résolution possible.
« Ils sont donc à voir comme des normes, des conventions, des cadres, des schèmes cognitifs,
plus que comme de simples chiffres, graphiques ou tableaux de bord » (Boussard, 2001).
Or les travaux de Berry (1983) ont montré que « les instruments de gestion sont souvent des
éléments décisifs de la structuration du réel, engendrant des choix et des comportements
échappant aux prises des hommes, parfois à leur conscience » (Berry, 1983, p.1). Dans un
contexte d’action, les indicateurs sélectionnés sont souvent quelques informations simples,
qui privilégient les paramètres numériques (Berry, 1983). Chaque outil de gestion, en tant que
représentation d’une partie de l’intention stratégique, possède une logique d’influence, et un
jeu d’acteurs s’établit dans l’organisation autour des indicateurs « prégnants » (Boussard,
287
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
2001). Ces indicateurs prégnants incarnent les règles sociales de l’organisation, autour
desquelles s’organisent le discours et les comportements des membres de l’organisation. Une
partie de ces indicateurs et de ces outils de gestion s’appuient sur les systèmes comptables,
dans un contexte de création de valeur actionnariale.
Les instruments de gestion structurent ainsi la réalité organisationnelle et orientent donc les
décisions et les comportements des managers. « Sur un plan organisationnel, nous avons
souligné comment des rôles peuvent être créés pour la comptabilité dans un contexte de
développement d’autres formes de pratiques managériales ; comment les systèmes
comptables, tout comme les modes de contrôle organisationnel, peuvent émerger de
l’interaction de processus politiques à la fois à l’intérieur de l’organisation et à l’interface
avec les agents externes dominants ; et comment les comptabilités peuvent faire émerger des
décisions plutôt que les précéder» (Burchell et al. 1980). Les comptables (au sens large)
peuvent ainsi déterminer la réalité de l’organisation en persuadant les autres acteurs que le
schème d’interprétation du rendement financier doit avoir priorité sur toute décision de
direction de l’organisation (Morgan, 1999). Les comptes ont un impact dans la mesure où ils
forment les conditions de la création de l’information, la façon dont elle est créée,
transformée, présentée en interne et en externe. Ils servent à créer un ordre à partir d’une
« anarchie organisée » (March & Olsen, 1976). Ils peuvent abstraire, décontextualiser
l’information et réduire l’énorme complexité sociale et organisationnelle à une seule ligne en
bas d’une page et donc réduire l’incertitude.
Riveline (1993) montre que les comportements efficaces dans les organisations sont les actes
ritualisés, en utilisant le postulat de Durkheim : un rite nécessite une tribu pour l’observer et
un mythe pour lui donner un sens, le rite dominant étant l’utilisation du chiffre et le rôle
déterminant joué par la mesure. Les organisations modernes apparaissent comme soutenues
par des systèmes de croyances qui insistent sur l’importance de la rationalité. Ce mythe de la
rationalité nous aide à considérer certains modèles d’action comme légitimes, vraisemblables
et normaux, et donc de faire face à l’ambiguïté (Morgan, 1999). Or une des forces des
instruments de gestion est effectivement de présenter une réponse à la complexité des
situations de gestion auxquels managers et dirigeants sont confrontés. Cependant, ces
instruments deviennent les éléments d’une «technologie invisible » dont les effets sur la prise
de décision, la régulation des rapports sociaux, et le maintien de la cohérence dans
l’organisation peuvent être d’autant plus nocifs qu’ils restent dans l’ombre (Berry, 1983).
288
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Leur développement et leur utilisation sont soumis comme nous l’avons vu au chapitre trois
non seulement à une logique de rationalité économique, mais à des pressions normatives et
institutionnelles qui valorisent la rationalité supposée inhérente à ces systèmes.
Les indicateurs de « pilotage » inscrits dans les tableaux de bord et les systèmes de contrôle
de gestion constituent un élément de rationalisation de l’environnement et de l’activité de
l’entreprise. Les systèmes comptables sophistiqués et étendus (comme les ERP) peuvent être
ainsi vus comme le signe du développement d’une logique de rationalité supposée (Meyer,
1986). La flexibilité et l’expansion de ces systèmes permet de ne pas formuler explicitement
et substantiellement cette rationalité par d’autres moyens dans l’organisation que par les ERP
eux-mêmes.
Les thèmes de la modernisation et de la rationalisation ont toujours tenu une place importante
dans la recherche sociologique, en particulier depuis les travaux fondateurs de Weber. Les
travaux des sociologues ont cherché à rendre compte du caractère complexe du projet de
rationalisation en attribuant une place centrale, quoique variée selon les auteurs à différents
facteurs culturels. Ainsi, la rationalisation de la société moderne a été vue comme coïncidant
avec la laïcisation (Tawney 1984 ; Weber, 1987), la construction d’une nouvelle sorte d’être
humain, l’individu (Dumont, 1983), une nouvelle relation au temps (Habermas, 1987), une
nouvelle éthique de l’action, de la liberté, et de la responsabilité. Dans cette optique,
rationalité et progrès apparaissent comme des thèmes majeurs sous-jacents dans le
développement des outils de gestion et tout particulièrement ceux du contrôle de gestion.
289
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Hasselbladh & Kallinikos (2000) proposent un cadre d’analyse destiné à éclairer la façon dont
l’ensemble des idées sociales et des schémas instrumentaux qui constituent « l’environnement
rationalisé » des entreprises se traduit dans des structures et des routines administratives
spécifiques.
Les organisations maintiennent leur système formel grâce à un ensemble de techniques
verbales et numériques à travers lesquels les objectifs et les opérations de l’organisation sont
décrits, organisés et contrôlés. Parmi les techniques numériques figurent les systèmes de
mesure. La transmission de ces systèmes de mesure d’une entreprise à l’autre est d’autant plus
facile qu’il y a reproductibilité. La reproductibilité renvoie à la capacité de reproduire un
« package » rationnel dans une forme quasi-identique et de s’approprier les règles, relations et
procédures qui sous-tendent ce « package » (Hasselbladh & Kallinikos, 2000). Ceci joue un
rôle important dans les mécanismes de diffusion et d’institutionnalisation abordés au chapitre
trois.
Pour que ces « packages » rationnels et les techniques de contrôle qui y sont associées
puissent fonctionner et se diffuser, l’élaboration d’un discours est nécessaire. « Un discours
représente la forme institutionnelle centrale qui lie ensemble les idéaux et les systèmes de
mesure et de contrôle » (p.706). Dans cette acception, les discours ont essentiellement recours
au texte écrit, et délimitent le contenu et le sens des idéaux et les relations entre les éléments
qu’ils comprennent, et les transforment en systèmes qui agissent sur le monde (Searle, 1995).
D’autre part, la stabilisation des artefacts instrumentaux par le langage oral ou écrit et la
codification formelle entraîne une réification et une construction de rôles organisationnels et
sociaux récurrents et reconnaissables. Les techniques de contrôle sont souvent numériques ou
codifiées, comme le système comptable, et les calculs et les comparaisons qu’ils permettent
contribuent à l’encastrement social des catégories de discours, même dans des techniques de
gestion de ressources humaines, par exemple à travers des taxinomies (Townley, 1995).
Idéaux, discours et techniques de contrôle sont ainsi liés. L’institutionnalisation des
« packages rationnels » dépend ainsi de l’articulation et de la codification de leurs idéaux,
discours et techniques de contrôle qui déterminent leur reproductibilité, leur durabilité et leur
communicabilité, ainsi que leur capacité à transformer les rôles sociaux dans les
organisations.
290
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Des systèmes abstraits de management se développent, c’est-à-dire des systèmes dans lequel
le contrôle élargi et bureaucratisé prend la place de l’autocontrôle de la qualité fait par le
praticien. Le développement contemporain de systèmes de contrôle de gestion et de
« pilotage » dans de nombreuses sphères passe par la mise en place d’indicateurs mesurables
et réputés objectifs qui tendent à se généraliser. La responsabilité, l’assurance que quelque
chose est bien géré, que les pratiques sont accomplies effectivement et efficacement, se
trouvent ainsi transformées en audit (Power, 1997). Dans la construction des indicateurs de
performance, ce phénomène est bien visible. L’accent tend à être porté sur une de ces choses
qui sont le plus facilement démontrées et mesurées, tout spécialement si les mesures sont
destinées à être comparables et conformes à un idéal de réplicabilité, transférabilité et
calculabilité (Latour, 1989).
Si l’on veut englober toutes les activités dans la mesure, celle-ci devient très complexe. La
complexité relève souvent des dimensions qui tentent d’appréhender les aspects qualitatifs des
activités. Si on se concentre sur les activités clés, on court le risque à terme de voir se
dégrader les capacités organisationnelles. Ceci rejoint donc les résultats de Berry (1983) sur
les effets de la « technologie invisible » au sein des organisations. « Les activités ont tendance
à se conformer aux constructions demandées par les techniques de management. Ces
changements sont subtils dans le temps, mais ils sont introduits par la mesure, et pas par le
débat ou la négociation » (Townley, 2001, p.306).
Il est donc nécessaire que les systèmes de management ne soient pas abstraits, mais soient
définis et mis en œuvre pour suivre les objectifs et les missions propres de l’organisation dans
laquelle ils sont développés. Il existe un danger dans la réification des modèles de contrôle de
gestion et de performance, et dans l’écart potentiel entre le modèle de la performance élaboré
291
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
par le praticien et le modèle élaboré par le manager. Dans le cas des PRC qui nous intéressent,
les modèles de gestion se concentrent sur des modèles de causalité entre activité de
l’entreprise et consommation de ressources et sur des outils de calcul de coûts. Dans ces
outils, la contribution des salariés de l’entreprise à la création de valeur est essentiellement
représentée sous forme de coûts salariaux, qu’il faut nécessairement réduire comme toutes les
consommations de ressources, et le développement d’outils de calculs élaborés s’accompagne
d’un discours managérial sur l’efficience.
Nous avons vu que le langage comptable (2.1), sur lequel reposent les différentes méthodes de
calcul de coûts, est un véhicule privilégié de représentation (Halgand, 1999). Il fixe en
particulier un maillage organisationnel, temporel et stratégique qui est déterminant dans la
modélisation et les représentations des coûts sur lesquels les plans de réduction auront une
action.
Les outils de calcul de coûts intégrés dans la comptabilité industrielle se sont développés de
façon importante au moment de la révolution industrielle. Cependant, les seuls facteurs
économiques ne peuvent expliquer la diffusion d’une littérature comptable traitant de ces
sujets. Boyns, Edwards & Nikitin (1996) ont ainsi montré que la doctrine comptable en
matière de comptabilité industrielle au XIXème siècle était plus abondante en France qu’en
Grande Bretagne, alors même que la révolution industrielle y était moins avancée. Si les
pratiques semblent assez proches, la doctrine comptable se développe plus en France, sous
l’influence probable de facteurs socio-culturels et en particulier de la « tradition codificatrice
française » (1996, p.15). Ainsi, le développement de ces outils et des manuels qui traitent de
comptabilité industrielle ne s’explique pas par les seuls besoins économiques mais par des
facteurs plus généraux qui influencent les théories managériales en vigueur.
292
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
d’amélioration de la pertinence des outils de gestion, mais comme un des éléments d’un
phénomène social plus large visant à construire un individu « calculable », plus efficient et
plus facile à manager. Ces pratiques de calcul s’inscrivent clairement dans le management
scientifique, dans la naissance de la psychologie industrielle, et sont reliées à l’émergence du
thème de l’efficience.
Dans les premières décennies du XXème siècle, les discours et les pratiques se préoccupent
dans différents domaines de l’amélioration de la vie de l’individu (Miller & O’Leary, 1987).
L’image projetée par les ouvrages étudiés est celle d’un gouvernement dans lequel des
experts, des spécialistes, disposeraient d’outils fiables, neutres, et seraient capables de trouver
« la » bonne solution, le « one best way ». Dans cette société, l’intérêt individuel s’articulerait
rationnellement dans les objectifs collectifs. Dans ce contexte, les textes traitant de
management et de comptabilité portent de façon prédominante sur le développement et la
mise en œuvre des coûts standards (Parker, 1986), avec un objectif de contrôle des
comportements autant que de calcul de coûts. Or, parmi les aspects de la doctrine du
management scientifique qui ont contribué à développer les notions de coûts standard,
Zimnovitch (1995) met en évidence « la préoccupation qui anime les ingénieurs tayloriens de
voir le coût baisser, notamment au travers d’une rationalisation du travail de main d’œuvre
adossée à des mécanismes objectifs d’incitation à la productivité » (p.102).
A partir des années 1930, les textes de contrôle de gestion et de comptabilité industrielle
s’intéressent ensuite au budget. Parker (2002) étudie la littérature du contrôle budgétaire et du
budget pendant les 20 premières années de son émergence320, puis dans les années 1990 pour
en interpréter le discours, dans une perspective critique issue des travaux d’Habermas. Selon
Habermas (1979, 1987), le discours et le langage tiennent une place essentielle dans les
processus d’évolution sociale, en rendant possible le changement social et la construction de
la réalité sociale. Le changement social est promu par le développement de notre capacité
linguistique à exprimer des différences et des relations entre les domaines techniques et
sociaux. Quand la société développe ses capacités discursives, elle devient plus à même
d’articuler et de différencier la nature (et les interconnections) du monde naturel, du monde
social, et du monde intérieur subjectif (White, 1988).
320
Les manuels et livres étudiés couvrent les Etats-Unis, la Grande Bretagne et l’Australie.
293
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Plus le discours est élaboré et sophistiqué, plus le monde vivant devient différencié, et plus les
systèmes organisationnels à leur tour peuvent devenir complexes et divers (Broadbent et al.
1991). Dans le cas présent, Parker considère les textes étudiés à la fois comme un produit du
discours (en tant qu’accumulation de la « sagesse conventionnelle » sur un sujet donné) et un
véhicule du discours (employé par un auteur pour transmettre son message à un auditoire),
« un support directeur321 ». Ce support tente de renforcer l’adhésion aux systèmes budgétaires
et à leurs applications dans les organisations. « Par conséquent, le texte représente un
mécanisme à travers lequel des tentatives sont faites pour exercer un certain degré de
contrôle sur les croyances générales en comptabilité et gestion sur le rôle et la nature du
budget » (Parker, 2002, p.320).
Malgré les différences relevées entre les deux périodes étudiées (années 1930-40 puis années
1990), les textes délivrent des messages cohérents, au service des mécanismes de
reproduction culturelle et d’intégration sociale sur le budget. Les concepts du monde
budgétaire se sont fortement consolidés, à travers une formalisation et une articulation
normalisée des concepts entre eux. Cette articulation doit faciliter l’acceptation et l’adhésion
des étudiants à cette vision du monde, en minimisant les perturbations externes générées par
les recherches dans d’autres domaines des sciences de gestion et en insistant sur un discours
techniciste. Le développement des outils de calcul de coûts et de contrôle de gestion va ainsi
de pair avec le développement d’un discours sur l’efficience dans les organisations, qui
s’articule et se renforce par sédimentation dans le temps, ce qui renforce son
institutionnalisation.
Cependant, certains historiens ont relevé des pratiques similaires bien avant la révolution
industrielle. Zan (2004) montre en effet l’existence d’un discours managérial et comptable
assez sophistiqué entre 1580 et 1643 dans le chantier naval Arsenale de l’Etat de Venise. Le
modèle comptable vénitien (différent du modèle toscan) se caractérise par une utilisation
intensive des comptes d’opérations et la détermination de résultats partiels, les livres n’étant
clôturés que lorsqu’ils sont terminés (Lemarchand, 1993). Il s’accompagne de formes
modernes de management à travers la comptabilité : une esquisse de « design
organisationnel », l’introduction d’une logique budgétaire et l’utilisation de mécanismes de
négociations voire la fixation d’objectifs. Des rapports sur les opérations et les problèmes de
management servent à « rendre compte » de la gestion. Le discours comptable évolue au
321
Parker parle de « steering medium ».
294
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
En opposition avec l’approche historique de Chandler (1977), Zan propose une lecture de
l’émergence de ces pratiques managériales comme un phénomène disciplinaire (Hoskin et
Maeve, 1986). Là où de telles pratiques managériales sont à l’œuvre, un discours du
management circule, avec un rôle essentiel dévolu au calcul. Ces pratiques calculatoires,
dotées de sens, se constituent en pratiques d’un genre particulier à travers le langage, le
vocabulaire, les idéaux et les raisons qui exposent les objectifs et les objets des calculs
élaborés (Miller et Napier, 1993), dès l’époque proto-industrielle.
En résumé, les discours des dirigeants sur leurs PRC s’appuient sur des chiffres et des outils
comptables qui ne sont pas de simples mesures objectives des actions mises en œuvre par leur
entreprise. La comptabilité est en effet une pratique sociale, déterminée par des règles, des
conventions, qui font l’objet de modifications en fonction des acteurs dominants à un moment
donné. Ces conventions sont parfois implicites mais ont un impact fort sur les représentations
élaborées par la comptabilité. Le système comptable est destiné à avoir des effets sur l’activité
économique, puisque ses utilisateurs sont amenés à faire des choix ou à modifier leurs choix
en fonction des informations qu’ils reçoivent (Capron, 2005).
Le rôle prééminent du résultat net comme mesure de la performance, signal auprès des
marchés financiers et préoccupation quotidienne des entreprises peut également être mis en
perspective quant à la signification sociale qu’on peut lui donner. La mesure du profit faisait
295
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
déjà l’objet d’un enjeu social majeur au XIXème siècle (Lemarchand & Praquin, 2005), mais
cet enjeu n’a fait que se renforcer compte tenu des transformations socio-économiques
récentes. Et on peut se demander si cette focalisation sur le résultat net, cette « bottom line »
(Lehman, 2006, p.306), n’est pas aussi l’accomplissement de rapports sociaux dans lesquels
les salariés les plus vulnérables322 reçoivent de bas salaires.
3 Méthodologie de la recherche
Dans une première section, nous aborderons les aspects méthodologiques de l’analyse
longitudinale du discours sur les PRC que nous avons effectuée (3.1).
Dans une deuxième section, nous présenterons la typologie des profils de discours sur les
PRC (3.2).
Ce chapitre se place à un niveau « micro » du discours sur les PRC : celui qui émane des
entreprises. Au chapitre deux, la méthodologie utilisée nous a permis d’aborder ce discours de
façon statique, en nous concentrant sur le moment de l’annonce de PRC. Dans ce chapitre,
l’objet d’étude est toujours au niveau micro, mais l’objectif de la démarche mise en œuvre est
d’obtenir une perspective dynamique du discours des entreprises sur leurs PRC.
Pour ce faire, nous avons repris les 51 entreprises de l’échantillon constitué au chapitre deux
pour étudier de façon longitudinale le discours développé, le cas échéant, sur les PRC
annoncées. Cette étude débute ainsi au moment de l’annonce de la PRC et se prolonge
jusqu’au moment où la PRC est présentée par l’entreprise comme achevée.
Pour cette étude longitudinale, la période étudiée pour chaque entreprise s’étend donc de la
date de l’annonce de la PRC jusqu’aux présentations de résultats du 30 juin 2006. Les dates
d’annonces du chapitre deux s’étageant de juillet 1999 (Total) à mai 2003 (Casino), la fenêtre
322
L’article de Lehman (2006) s’intéresse tout particulièrement aux immigrants aux Etats-Unis.
296
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
d’observation des discours des entreprises sur leurs PRC couvre au moins 3 ans (4 ans et demi
pour les annonces de fin 2001- début 2002 qui sont les plus nombreuses). La liste des articles
et communiqués utilisés figure en annexe 2 (articles de presse) et en annexe 3 (communiqués
de presse des sociétés.
Le corpus analysé est ainsi constitué de communiqués de presse des entreprises, d’articles de
la presse économique (les Echos et la Tribune) et de dépêches (Reuters). Les communiqués
étudiés sont postérieurs à l’annonce de PRC présentée au chapitre deux. Ils concernent soit
spécifiquement les mesures de PRC ou de nouvelles restructurations, soit le plus souvent des
résultats financiers trimestriels, semestriels ou annuels dans lesquels les réalisations des PRC
sont commentées. Les articles de presse et les dépêches choisis sont consécutifs aux
présentations de résultats faites par les entreprises de l’échantillon, de façon à pouvoir
analyser les réactions et les commentaires relevés dans la presse suite aux réalisations
annoncées.
L’objectif de cette analyse de discours est dans un premier temps de distinguer parmi les
annonces étudiées, celles qui sont de nature symbolique, et celles qui sont un premier élément
d’un discours suivi sur les réalisations de réduction des coûts. Pour les entreprises qui
élaborent un discours sur leurs PRC, et qui ne font donc pas uniquement une annonce
symbolique en réponse à une difficulté passagère, notre analyse du discours sur les PRC porte
sur les objectifs, les modalités et les justifications des PRC qui apparaissent dans les discours.
Pour chacune des entreprises étudiées, nous avons élaboré une fiche de synthèse portant sur
ces trois axes (objectifs, modalités, justifications).
Pour ce faire, nous avons utilisé soit des verbatims de communiqués de presse (texte en
italique) soit une présentation synthétique des présentations faites par l’entreprise et des
éventuelles réactions des analystes (à partir de dépêches ou d’articles de la presse
économique). Les éléments en caractère gras sont soulignés par nous. L’analyse détaillée par
entreprise et par annonce de PRC figure en annexe 12 à 15.
Pour chacune des entreprises étudiées, l’analyse des justifications, des objectifs de PRC et des
réalisations divulguée faite à partir des communiqués de presse et des articles nous a permis
d’établir un profil de PRC à partir du discours, et d’élaborer ainsi une typologie des discours
des entreprises sur leurs PRC.
297
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Pour les entreprises qui mettent effectivement en œuvre des PRC, nous avons établi des
profils distincts, en fonction du discours, de la situation économique et concurrentielle de
l’entreprise, et du type de mesures de PRC qu’elle commente.
Pour ce qui est de la situation économique et concurrentielle, les entreprises touchées de plein
fouet par le retournement conjoncturel lié à l’éclatement de la bulle internet et ses
conséquences sur l’activité économique aux Etats-Unis puis en Europe à partir de fin 2000 se
trouvent dans un contexte différent de celui des entreprises moins directement impliquées
dans ces secteurs. L’impact du contexte et de la crise éventuelle dans laquelle se trouve
l’entreprise va se traduire par des PRC mises en œuvre dans des objectifs différents. Tout
comme la littérature a pu mettre en évidence des downsizing défensifs et ou proactifs, et des
restructurations défensives ou préventives, on peut également établir ce type de distinction
pour les PRC323.
D’autre part, les PRC commentées par les entreprises ont une ampleur et une étendue plus ou
moins importante, ce qui a également une influence sur le type de PRC mis en œuvre.
Ainsi, pour établir les profils de PRC nous avons défini trois catégories distinctes en analysant
les discours que les entreprises développent à ce sujet 324.
La première catégorie regroupe les entreprises en crise. Nous avons classé en particulier
dans cette catégorie toutes les entreprises avec un résultat net négatif dans l’année de
l’annonce de PRC, celui-ci étant un des critères de mesure comptable des difficultés des
entreprises (vu au chapitre deux section 5.2). Les modalités de réduction des coûts passent
alors bien souvent par des restructurations et des suppressions d’emplois. L’ensemble des
mesures annoncées visent à retrouver un résultat positif et à restaurer la compétitivité de
l’entreprise à un horizon plus ou moins bien défini. De ce point de vue, la PRC annoncée
323
Voir chapitre un section 1.2.
324
Nous nous situons toujours au niveau de l’analyse des discours sur les pratiques, ce qui ne préjuge en rien des
pratiques effectives mises en œuvre et laisse ouverte la question d’un éventuel découplage entre les pratiques
affichées par cette communication et les pratiques réelles.
298
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
présente un caractère largement défensif. Nous avons défini ce type de PRC comme des
« PRC défensives ». Les fiches détaillées des entreprises de cette catégorie figurent en annexe
13.
La seconde catégorie concerne des entreprises qui développent de façon préventive des
politiques de réduction de coûts pour conserver leur compétitivité ou atteindre leurs objectifs
de résultat annoncés. On est proche alors des actions de « downsizing préventif » mises en
évidence dans la littérature. Le résultat net comptable de l’entreprise est bénéficiaire au
moment de l’annonce. Ces PRC sont mises en œuvre de façon momentanée, via un projet
transversal (mise en œuvre d’un projet de « supply chain » par exemple pour améliorer les
achats), des mesures limitées à une branche, ou un projet d’économie de gammes et de
« synergies de coûts » dans le cadre d’une fusion. La PRC ne s’étend pas toujours à
l’ensemble de l’entreprise. Nous avons qualifié cette deuxième catégorie de « PRC offensives
conjoncturelles ». Les fiches détaillées des entreprises de cette catégorie figurent en annexe
14.
La dernière catégorie regroupe des entreprises qui ont mis en place des PRC récurrentes,
avec des objectifs souvent triennaux sur lesquels un discours suivi est construit. Le résultat net
comptable est positif (voir très bénéficiaire). Le discours sur les PRC s’appuie sur des
indicateurs de suivi des actions de réduction des coûts intégrés dans leurs systèmes de
contrôle de gestion. Ces programmes triennaux de réductions des coûts ont, dans la majorité
des entreprises de ce profil, été initiés dès la fin des années 1990. Nous avons qualifié ces
politiques de « PRC offensives structurelles ». La PRC n’est plus une réponse conjoncturelle
mais est partie intégrante des objectifs de l’organisation. Les fiches détaillées des entreprises
de cette catégorie figurent en annexe 15.
Les trois profils de PRC précédemment évoqués sont alors complétés d’un profil de « PRC
symbolique » pour les entreprises dont le discours d’annonce de PRC n’est suivi que de
commentaires vagues. Les fiches détaillées des entreprises de cette catégorie figurent en
annexe 12.
A partir de l’élaboration de ces quatre profils (PRC symbolique, PRC défensive, PRC
offensive conjoncturelle et PRC offensive structurelle), nous avons pu compléter notre
299
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
démarche d’analyse du discours des entreprises sur leurs PRC, dans une perspective
dynamique.
Dans un premier temps, nous avons, à partir de l’analyse des communiqués et des articles de
presse suivant les présentations faites par les entreprises établi une typologie des profils de
PRC tels qu’ils ressortent des discours des dirigeants de ces entreprises. Un tableau de
synthèse de ces quatre profils possibles de PRC a donc été établi.
Dans un second temps, nous avons ensuite croisé les positions de communications établies au
chapitre deux pour les annonces et les profils de PRC établies par l’étude longitudinale des
discours sur les PRC pour faire apparaître les liens éventuels entre les positions de
communication déterminées au chapitre deux et les profils ultérieurement construits.
Dans un troisième temps, pour les entreprises qui ont effectivement mis en œuvre, selon leur
discours, une PRC, nous avons ensuite analysé l’utilisation faite par les dirigeants de ce
discours : levier d’action pour mobiliser les salariés de l’entreprise ou rhétorique pour justifier
leurs décisions et se dédouaner éventuellement des échecs subis par leur organisation ?
Dans une première section, nous présenterons le tableau de synthèse des profils de PRC ainsi
que les commentaires sur les caractéristiques principales du discours des entreprises de
chacun de ces quatre profils.
Dans une deuxième section, nous aborderons l’utilisation stratégique ou rhétorique que les
dirigeants des entreprises étudiées font de leur discours sur les PRC. Cette utilisation du
300
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
discours sera explicitée sur l’échantillon global, et également sous forme d’une étude plus
approfondie d’un cas particulier de l’échantillon, celui de France Telecom.
La typologie des PRC qui en résulte pour les 51 entreprises françaises cotées étudiées peut
être synthétisée sur le tableau 14.
8 entreprises
1 entreprise
Certaines entreprises ont un profil de PRC stable au cours de la période étudiée (de l’annonce
de PRC à septembre 2006). D’autres entreprises évoluent progressivement vers un autre profil
de la typologie. Nous avons qualifié alors leur profil d’« évolutif ». La flèche figure le profil
vers lequel tendent ces entreprises : d’une PRC défensive à une PRC offensive, soit
structurelle soit conjoncturelle, ou d’une PRC offensive conjoncturelle à une PRC structurelle.
301
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Cependant, une entreprise de l’échantillon passe d’une PRC offensive structurelle à une PRC
défensive.
Le détail par entreprise de ces profils est présenté sur la figure 21 (page suivante).
302
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
PRC offensives
Figure 21 : De l'annonce de PRC au discours sur les PRC: Quatre profils
ARCELOR (*)
ALTRAN AXA
ACCOR AIR LIQUIDE
CANAL +
ALSTOM
CREDIT
CARREFOUR
CASINO CAP GEMINI AGRICOLE (*)
CHARGEURS RENAULT
PPR (hors Rexel) LVMH
CLUB MED PERNOD RICARD (*)
FAURECIA
REMY COINTREAU SCHNEIDER
SODEXHO GFI INFO
THOMSON
NEXANS TOTAL (*)
SOCIETE
RHODIA CIMENTS GENERALE
FRANCAIS
VIVENDI UNIVERSAL
DANONE
ALCATEL (*) PSA
GENERALE DE
BOURSORAMA(*) SANTE
AIR
LAFARGE (*) FRANCE
GEODIS
Légende :
DEXIA (*)
Profil évolutif au cours INGENICO
de la période VEOLIA
MICHELIN
GASCOGNE
Tendance au
changement de profil REXEL
de PRC
STMICRO
GEMPLUS
EADS
FRANCE
TELECOM
SUEZ
IMERYS
PECHINEY
VALEO
303
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Pour interpréter ces résultats, il convient ainsi de regarder s’il semble exister un lien entre les
positions de communication mesurées lors de l’annonce de PRC au chapitre deux (section 5)
et le profil de discours sur les PRC construit à partir de l’analyse des discours ultérieurs.
Ces correspondances entre la position de communication et le profil de discours sur les PRC
peuvent être résumées sur le tableau suivant :
Le profil « PRC défensive » regroupe les trois positions de communication, avec une majorité
de sociétés avec une position opportuniste, donc avec une communication active et spécifique
au moment de l’annonce. Cela laisserait entendre que les sociétés en difficulté, qui annoncent
des PRC avec d’autres mesures de restructuration, ont une communication active dès le début
de leur plan et continuent à communiquer pendant la durée prévue.
304
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Enfin le dernier profil « PRC offensive structurelle » rassemble l’ensemble des trois positions
de communication, sans surreprésentation d’une catégorie. Il n’est donc pas possible
d’esquisser un lien entre ce profil et ma position de communication mesurée au chapitre deux.
Pour interpréter nos résultats, et expliciter le type de discours construit par les entreprises, il
nous faut ensuite détailler les caractéristiques du discours développé au sein de chacun de ces
quatre profils.
Chaque profil défini de PRC présente des caractéristiques spécifiques, que nous allons
présenter pour chacun des profils. Les éléments cités sont issus des communiqués d’annonces
ou d’articles analysés dont le détail peut être trouvé en annexe dans la fiche constituée pour
chaque entreprise de l’échantillon.
Sur les 51 entreprises de l’échantillon, quatre seulement ont un discours symbolique sur leur
PRC. La communication est floue, les objectifs de réduction ne sont pas dévoilés ou peu
précis, avec des formulations du type :
Accor « dans un environnement particulièrement difficile depuis les attentats du 11 septembre, Accor
a limité le recul de ses profits semestriels, grâce à un plan de réduction des coûts, à la baisse
de certains investissements, mais aussi à son modèle économique » (interview du président du
directoire en septembre 2002).
Casino « Poursuivre l’amélioration de la profitabilité du groupe en accélérant la mise en œuvre des
projets transversaux, en facilitant l’intégration des différentes fonctions en amont des réseaux
(…) et faciliter l’échange des meilleures pratiques en Europe par une « cross fertilization »
des compétences » (communiqué mai 2003).
PPR Suite à un résultat décevant en 2001, le groupe prévoit en 2002 de « donner la priorité à
l’amélioration de l’efficacité opérationnelles et à la réduction des coûts » sans aucune
précision (communiqué janvier 2002).
Sodexho Suppression des frais de fonctionnement « inutiles » (communiqué novembre 2001).
Par la suite, les mesures de PRC disparaissent du discours des entreprises (Sodexho, PPR), ou
restent assez vagues. Dans certains cas, on peut relever dans la presse une réaction négative
des analystes à ces mesures symboliques considérées comme « insuffisantes » :
305
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Accor En octobre 2003, Moody’s baisse la notation à court terme du groupe, jugeant les mesures de
réduction des coûts et des investissements prises par Accor insuffisantes pour permettre au
groupe d’afficher une solidité financière adéquate compte tenu du caractère cyclique du
secteur. En mars 2004, les résultats annuels sont cependant un peu meilleurs que prévu (baisse
de 21% seulement), grâce à 29M€ d’économies générées par les efforts de réduction des
coûts : « Avec ces atouts conjugués à la politique de formation et de motivation du groupe,
ainsi qu’au professionnalisme et à l’engagement de ses équipes, Accor est prêt pour la reprise
attendue ».
Casino En septembre 2003, des mesures « énergiques » de redressement sont annoncées dans les pays
en difficulté; « le positionnement vertueux du groupe sur les formats porteurs, associé à
l’amélioration de la rentabilité des enseignes et la poursuite du développement des surfaces
de vente, contribuera à assurer une croissance soutenue au second semestre ». En septembre
2004, le communiqué du groupe mentionne une PRC de Géant sur le segment des
hypermarchés mais sans aucune précision.
Accor Début 2006, la nouvelle direction amorce un recentrage attendu par les analystes sur les
activités d’hôtellerie et de services. Le nouveau DG annonce l’accélération de cette stratégie
en septembre 2006. Cette mise sous tension du groupe se traduit aussi par une reconfiguration
de son organisation avec la constitution de 8 plates-formes d'expertise, un nouveau siège
parisien dès 2007, et une « revue de quartier » de l’ensemble du parc hôtelier accompagnée
d'un « ambitieux » plan d'action.
Cependant, cette modification est constatée à la fin de notre période d’observation. Nous
avons donc maintenu les quatre entreprises dans un profil de PRC symbolique sur la fenêtre
d’observation.
Parmi les entreprises de ce profil, certaines annoncent puis mettent en œuvre une PRC suite à
un retournement conjoncturel qui avait été plus ou moins bien anticipé (elles mentionnent par
exemple des incertitudes liées au ralentissement économique aux Etats-Unis). Pour ces
entreprises, le ton des communiqués contraste de façon importante avec l’exposé des
perspectives fait l’année précédente, tout particulièrement pour celles du secteur des
télécommunications et des services informatiques (les caractères gras sont de notre fait) :
Alcatel « 2000 représente une étape majeure pour Alcatel. Nous sommes quasiment devenus un pur acteur
télécom et c’est pourquoi je centrerai mes propos sur cette partie de nos activités. Nous avons
plus que rempli les objectifs que nous nous étions assignés » (déclaration de S. Tchuruk,
306
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
325
Le verbatim des mots « contexte », « environnement » et « réactif » au sein des communiqués d’annonces de
PRC a été obtenu exhaustivement grâce au logiciel Sphinx Lexica.
307
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Le mot « environnement » est alors associé dans de nombreuses annonces de PRC à des
adjectifs à connotation négative:
Dans certains communiqués, il est même question de « crise » : « crise de trésorerie » chez
Vivendi Universal, « crise la plus grave depuis quinze ans » pour Valeo. Cette thématique de
l’environnement difficile ou incertain, du contexte qui justifie les mesures de PRC est reprise
dans les communiqués suivants.
Pour mettre en évidence sa capacité à s’adapter à ce nouvel environnement dans lequel elle est
placée, l’entreprise doit mettre en évidence la rapidité de sa réaction aux changements du
contexte économique et concurrentiel. Dans les communiqués d’annonces de ce profil, les
mots « réactif » ou « réactivité » sont ainsi également mobilisés :
France « Bien que très RÉACTIF au niveau opérationnel, le Groupe a été géré de façon trop
Telecom décentralisée».
« l’EBITDA, chiffre clé dans les engagements de ratios financiers de France Télécom,
devrait se situer à environ 14,5 Mds d’euros compte tenu de l’excellente RÉACTIVITÉ
dont l’entreprise a fait preuve dès le quatrième trimestre 2002 » (annonce du 05/12/02).
Gemplus « Renforcer sa présence locale pour accroître sa RÉACTIVITÉ vis-à-vis de ses clients »
International (répété deux fois dans le communiqué du 09/12/02).
308
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
GFI « Touchée notamment par les difficultés de son client Fiat, la direction a RÉAGI
Informatique rapidement en orientant ses offres vers la sécurité des systèmes d'information » (annonce
du 24/09/02).
Groupe « Un premier palier de l’ordre de 5 millions d’euros devrait être atteint dès l’exercice en
Gascogne cours, compte tenu de la rapidité de RÉACTION du groupe face à la nouvelle donne des
marchés » (annonce du 26/09/03).
« Dans ce contexte, Groupe Gascogne a su RÉAGIR par la mise en œuvre de mesures
efficaces » (annonce du 28/09/04).
Nexans « Une RÉACTIVITÉ avérée dans un contexte économique difficile, mais des
perspectives solides d'amélioration de la rentabilité ».
« Dans une année 2001 difficile, marquée par une détérioration brutale de certains de
nos marchés au second semestre, Nexans a su faire la preuve de sa capacité de résistance et
de sa rapidité de RÉACTION » (annonce du 13/02/02).
Cette nouvelle organisation est destinée à favoriser l’accélération du développement des
ventes et l’allégement des coûts de structure. Elle substitue à une organisation matricielle
par Lignes de produit, une organisation plus RÉACTIVE et plus proche des clients et des
marchés et confie la responsabilité opérationnelle des ventes et de la production aux pays »
(annonce du 12/06/03).
Rexel « En RÉACTION à cette situation et à une faible visibilité des marchés, Jean-Charles
PAUZE, Président et Directeur Général de REXEL depuis le 19 septembre 2002, a
notamment pour objectif de se concentrer sur le développement des ventes et sur la
réduction des coûts » (annonce du 30/10/02).
Rhodia « Face aux difficultés persistantes de la conjoncture qui ont fortement pénalisé notre
résultat du premier semestre 2001, nous avons décidé de RÉAGIR avec vigueur » (annonce
du 26/07/01).
L’entreprise se présente ainsi, lors de l’annonce de sa PRC, comme prête à « s’adapter » aux
modifications de son environnement en adaptant ses structures (structure du groupe ou
structure de coûts), sa capacité de production ou ses effectifs :
Alstom « Nous devons aussi ADAPTER rapidement notre capacité de production et réduire
davantage nos coûts, en raison de la sévère dégradation de certains de nos marchés »
(annonce du 14/05/03)
Altran « Les efforts mis en œuvre pour ADAPTER la structure du groupe à son niveau d’activité »
Technologies « Altran a, au cours du premier semestre, ADAPTÉ ses effectifs au niveau d’activité ».
« Dans un contexte de marché atone, le groupe poursuivra au cours du second semestre
2003, l'ADAPTATION de sa structure à un rythme équivalent à celui du premier
semestre » (annonce du 30/10/03).
Cap « Le Groupe Cap Gemini Ernst & Young lance un programme de transformation destiné à
Gemini ADAPTER son organisation aux nouvelles conditions du marché » (annonce du 27/06/02).
309
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Gemplus « Avec pour objectif d’être compétitif sur des marchés de plus en plus concurrentiels,
International Gemplus ADAPTE sa structure de coûts et se concentre sur son approche clients »
« Pour cela, le Groupe ADAPTE sa structure de coûts et souhaite restaurer ainsi sa
compétitivité dans un contexte où les prix sont devenus un facteur déterminant » (annonce
du 09/12/02).
Rexel « Le résultat d'exploitation a diminué de 3,4% pour s'établir à 400,1 M€ soit 5,0% du
chiffre d'affaires, grâce notamment aux mesures d'ADAPTATION mises en œuvre dès le
premier trimestre 2001, et à une gestion de la marge brute » (annonce du 05/03/02).
Valeo « Dans cet environnement Valeo poursuit résolument l'ADAPTATION de ses capacités de
production avec des plans de réductions d'effectifs, principalement aux Etats-Unis ».
« La performance du Groupe en 2000 et les actions engagées pour 2001 démontrent la
capacité de Valeo à s'ADAPTER aux conditions court terme du marché, tout en
poursuivant le déploiement de sa stratégie de croissance rentable » (annonce du 01/02/01).
« Pour la réduction des sureffectifs, il dispose d'un fort volant d'effectifs temporaires en
Europe qui permet des ADAPTATIONS rapides » (annonce du 12/04/01).
Parmi les mesures de PRC qui figurent dans les communiqués des entreprises ou les
déclarations de leurs dirigeants, les plus fréquentes sont les suivantes :
Réduction d’effectifs Alcatel, Altran, Boursorama, Cap Gemini, Club Méditerranée, EADS, Faurecia,
Gemplus, GFI Informatique, Ingenico, Nexans, Rexel, Rhodia, Valeo.
Réorganisation Altran, Cap Gemini, Groupe Chargeurs, Club Méditerranée, EADS, Imerys, Nexans.
Stratégie d’achats Alcatel, EADS, Club Méditerranée, Groupe Gascogne, Rhodia, Suez, Valeo
Recentrage et cessions Alstom, Altran, GFI Informatique, Ingenico, Nexans, Rhodia, Suez, Vivendi
Universal
Réduction des Alcatel, Boursorama, Cap Gemini, Suez
investissements
Baisse des frais fixes Alcatel, Alstom, Boursorama, Cap Gemini, Rhodia, Suez, Vivendi Universal
Toutes les entreprises ne détaillent pas de la même façon les mesures réalisées, et certaines
communiquent seulement l’évolution de leurs réductions de coûts, en évoquant une
« rationalisation des opérations » ou des mesures « d’amélioration de la productivité ».
Parmi les entreprises de ce profil, certaines retrouvent au cours de la période étudiée un
résultat net bénéficiaire ou retrouvent un niveau de rentabilité jugé satisfaisant par leurs
dirigeants.
Parmi ces entreprises, certaines annoncent alors un nouveau plan de réduction des coûts :
soit dans une stratégie de fusion avec un concurrent pour bénéficier d’un effet de
taille et de synergies de coûts. Elles évoluent alors vers un profil de PRC offensive
310
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Alcatel Après avoir réduit son effectif de moitié, le groupe veut encore diminuer les coûts, et fait
« de plus en plus pression » sur ses sous-traitants pour qu’ils délocalisent en Europe Centrale
ou en Asie. Début 2006, Alcatel annonce sa fusion prochaine avec Lucent, et le presse relève
en avril : « l’importance des réductions de coûts envisagées par les deux équipementiers a
largement dépassé les espérances des investisseurs » à 1,4MM€ d’économies annuelles d’ici
3 ans. Les actionnaires du groupe approuvent massivement la fusion en septembre 2006, et
plébiscitent la prolongation du mandat de Serge Tchuruk.
Boursorama Le résultat est largement positif en 2004, et le groupe affirme son intention de devenir « un
acteur incontournable de la distribution de produits d’épargne en ligne en Europe » avec une
croissance externe et la gestion de synergies de coûts. En février 2006, Boursorama affiche
un résultat net positif pour 2005 et souligne que la société a changé de taille, avec une activité
en forte croissance. Il annonce son intention de racheter Caixabank : « l’objectif du groupe est
de devenir un acteur incontournable de la banque directe en Europe d’ici 2008 ». La fusion
intervient en août 2006 et les synergies de coûts annoncées s’élèvent à 17M€ / an d’ici 2007.
soit dans une politique de réduction des coûts offensive structurelle, dans laquelle des
plans d’action pour optimiser les coûts, réduire les achats, simplifier les gammes et
les processus et optimiser la trésorerie sont mis en œuvre.
EADS Ainsi, en mars 2005 lors de la présentation des bons résultats d’EADS, le directeur financier
ajoute : « Le maintien de notre performance provient de nos efforts internes à rationaliser
notre organisation et à maîtriser les coûts, ce qui, bien sûr, est ambitieux. Si nous voulons
rester compétitifs, nous devons constamment veiller aux performances de nos activités ».
Gascogne En mars 2005, le groupe affiche des objectifs annuels de PRC dépassés (13M€) et une forte
réduction du BFR et annonce que « des actions de progrès ont été lancées ou étendues à tous
les niveaux de l’entreprise, afin d’améliorer la compétitivité du groupe, en termes
d’efficacité industrielle, d’organisation, d’achats, de couverture commerciale et de gestion
des actifs (..) Doté d’une stratégie claire et d’équipes renouvelées poursuivant des objectifs
précis, le Groupe entame une métamorphose pour pouvoir saisir tout rebond de conjoncture et
extérioriser les progrès accomplis, masqués depuis deux ans par un environnement
défavorable ». Cette politique est réaffirmée et accentuée en 2005 avec 14,5M€ d’économies
réalisées.
Gemplus En février 2005, Gemplus renoue avec les profits et le groupe attribue ce redressement aux
efforts de réduction des coûts et aux gains de parts de marché sur ses principaux secteurs
International d’activité, mais annonce que les réductions de coûts vont se poursuivre. Le groupe est en
revanche condamné à une amende de 600 000 € par l’AMF pour ses défauts de communication
financière en 2001 et 2002. En janvier 2006, le groupe fusionne avec Axalto numéro deux du
secteur, mais le secteur semble à nouveau en crise dès septembre suite à la pression
concurrentielle sur les prix, et la concurrence annonce de nouvelles PRC.
Geodis En mars 2006, le président du groupe déclare : « le business model de Géodis consiste à
privilégier son potentiel de croissance interne et son désendettement, tout en poursuivant sa
PRC, l’ensemble devant produire une amélioration significative des résultats dans les 3 ans».
Imerys « La maîtrise des coûts est un effort obligatoire pour un groupe industriel » déclare le
président du groupe en mars 2004. La présentation des résultats 2004 est l’occasion d’affirmer
« la poursuite des efforts de réduction des coûts ».
Rexel En 2004, le président du groupe déclare que « Rexel a su rentrer dans un processus continu
de gain de productivité ». PPR cède sa filiale Rexel en décembre 2004 et les nouveaux
actionnaires annoncent que l’équipe de direction, qui a fait un travail exceptionnel pour
améliorer les performances du groupe, sera maintenue.
Suez En janvier 2005, un communiqué indique : « suite à l’achèvement réussi du plan Optimax sur
311
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
la période 2003-2004, le Conseil a approuvé le lancement d’un nouveau plan pour 2005 et
2006 qui vise à conforter le modèle de croissance rentable de SUEZ tout en poursuivant les
réductions de coûts, en optimisant les investissements et en contrôlant le besoin en fonds de
roulement ». Les économies réalisées en 2004 s’élèvent à 917M€. Le nouveau plan comporte
un « objectif d’amélioration complémentaire de la rentabilité de 550 millions d’euros sur
deux ans ». Début 2006, le groupe rappelle les bons résultats d’Optimax en 2005 et confirme
l’objectif de 550M€, mais l’heure est à la justification de la fusion avec Gaz de France et la
communication sur les PRC n’est plus prépondérante.
Valeo En février 2003, le redressement du groupe est confirmé avec un résultat net positif et le
président réaffirme la volonté du groupe de continuer « son plan de rationalisation ». Les
sites industriels sont gérés avec « la méthode 5 axes : implication du personnel, système de
production Valeo, intégration des fournisseurs, innovation constante et qualité totale ».
Après les restructurations, le groupe met en place des outils de suivi continu de PRC et a
délocalisé une bonne partie de ses sites industriels dans des pays à bas coûts.
Dans les deux cas, le profil de PRC évolue, et l’institutionnalisation de la PRC se fait plus
importante. Elle n’est plus une nécessaire adaptation à une situation de crise, mais une
pratique plus ancrée dans l’entreprise qui, forte de ses succès passés en matière de réduction
de coûts, aborde un autre volet de réduction des coûts en capitalisant sur son expérience.
L’entreprise possède suite à cette expérience un « corps de connaissance-recette, c’est-à-dire
une connaissance qui fournit les règles de conduite institutionnellement appropriées »
(Berger & Luckmann, 1966, p.134) pour les futures PRC mises en œuvre. La sédimentation
de ces règles et connaissances est rendue possible par la transmission des expériences et du
langage approprié.
Il existe des similitudes entre les discours émis par les dirigeants des entreprises qui engagent
des PRC défensives et ceux qui annoncent des PRC offensives conjoncturelles. La principale
est le recours à une présentation de la conjoncture économique comme « difficile » (LVMH,
Rémy Cointreau, Véolia) « défavorable » (Générale de Santé) voire « dégradée » (Thomson),
lorsque le plan de PRC annoncé porte sur une branche d’activité ou sur un projet transversal
de réduction des coûts (nouvelle politique d’achats ou « supply chain »). Un « ralentissement
économique » avéré (Axa, Dexia) ou éventuel (Ciments Français), un environnement général
« incertain » (Pernod Ricard) sont présentés comme la justification du plan annoncé. Autre
caractéristique commune : un usage fréquent326 du mot « rationalisation » dans les annonces
de PRC327 :
326
Plus encore dans ce profil de discours sur les PRC que dans le précédent.
327
Comptage effectué grâce à Sphinx Lexica sur les 89 communiqués d’annonces analysés.
312
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Ce que l’entreprise souhaite atteindre par la PRC et les modifications qu’elle engendre est une
structure rationnelle, conformément aux attentes de son environnement institutionnel. Le
gain espéré est aussi bien une amélioration du résultat qu’un accroissement de sa légitimité.
Lorsque le projet de réduction des coûts porte sur des « synergies de coûts » dans le cadre
d’une fusion, la justification est différente :
Arcelor Créer le premier groupe sidérurgique mondial pour faire face à la globalisation
Crédit « Un leader français, un projet clair et concerté » (communiqué décembre 2002)
Agricole « Créer un groupe financier leader en France, positionné idéalement pour faire face au défi de
l’intégration de la finance européenne » (déclaration des PDG, communiqué décembre 2002)
Lafarge Offre amicale sur Blue Circle dans un contexte de concentration mondiale du secteur
Total Créer ensemble un acteur pétrolier mondial
Il s’agit dans ces projets de fusion de mettre en évidence la pertinence de la fusion dans le
contexte économique de la mondialisation ou de l’intégration européenne. Dans trois
communiqués, aucune justification de la PRC annoncée n’est mentionnée. La PRC est donc
présentée soit comme allant de soi, soit comme une politique décidée dans un contexte
économique incertain ou concurrentiel, donc liée à des facteurs externes à l’entreprise.
Lors des fusions, le discours sur les réalisations des PRC s’accompagne d’une gestion
stratégique des coûts exceptionnels liés à la fusion. Une partie des coûts liés au
rapprochement figurent sur une ligne à part, qui permet de faire apparaître des réalisations
satisfaisantes, dans une forme particulière, mais assez classique, de manipulation comptable :
Arcelor La communication sur les synergies de fusion porte sur des lignes « coûts de fusion » dont les
effets ne sont pas clairement mis en évidence dans les communiqués. Une partie de ces synergies
ne sont plus mentionnées dans les communiqués ultérieurs.
Crédit En mars 2005, le groupe annonce tenir les promesses faites en matière de synergies mais les
résultats exceptionnels sont dégradés. Selon la presse « les coûts liés au rapprochement ont
Agricole surpris le marché : plus importants que prévu (349M€) ils résultent d’une accélération des
projets censés concrétiser les synergies (589 M€ sont déjà réalisés pour un objectif de 620 M€
en 2005) et d’un recours accru au dispositif de pré-retraite ».
313
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Un usage stratégique important du discours sur les PRC est parfois également mobilisé. Lors
de l’annonce de sa PRC, le groupe Axa affiche une communication opportuniste proche de
celle que développerait une entreprise en difficulté. Or, si les prévisions de résultats ne sont
pas atteintes, et si un avertissement sur résultats doit donc être émis, la situation n’est pas
critique :
Axa Le président déclare lors de l’annonce de la PRC : « notre stratégie reste inchangée et demeure
concentrée sur un domaine d’activité : la protection financière. Le groupe s’est très rapidement adapté à
un nouvel environnement économique en réduisant les coûts, en se focalisant sur l’amélioration de ses
résultats techniques et en renforçant ses équipes de direction ».
Suite à la présentation du plan, la presse commente : « l’assureur a mis en œuvre un plan de réduction
des coûts qui va lui permettre d’afficher cette année une croissance de 20% de son résultat courant.
C’est suffisant pour regagner la confiance des actionnaires. ». En septembre 2002, le groupe annonce un
résultat opérationnel en amélioration de 17% : « la route reste certes difficile mais nos équipes
dirigeantes sont plus que jamais concentrées sur nos objectifs » commente le président du directoire, en
confirmant les objectifs de réduction de coûts. En février 2003, le groupe annonce avoir atteint une
réduction des coûts de 866M€, d’où une amélioration du résultat opérationnel de 10%. Le groupe
« réaffirme sa volonté de poursuivre la réduction de ses coûts et de se concentrer sur l’amélioration de
sa performance opérationnelle dans l’ensemble de ses métiers». En juin 2004, alors que le groupe affiche
des économies cumulées de 1,23MM€ grâce à la PRC, la presse économique commente : « A la fin de
l’année 2001, Henri de Castries présente, en même temps qu’un avertissement sur résultats, les
grandes lignes d’un programme d’économies de coûts. Le discours n’est pas tout de suite entendu par
les marchés. Mais, dès lors, il ne se passe plus une conférence de presse, un communiqué ou une
interview sans qu’Axa ne rappelle cet objectif (…) La chasse aux dépenses superflues est ouverte. Le
groupe réorganise Axa France, son navire amiral, taille dans ses frais généraux, gèle des initiatives
stratégiques, limite le recours aux consultants, diminue les frais de publicité… Après des années
d’acquisitions, il opte parallèlement pour plus de centralisation afin de tirer parti de sa taille en matière
d’informatique et d’achats. Sous l’influence de Claude Brunet, l’ancien PDG de Ford France, Axa
n’hésite plus à appliquer des pratiques d’industriels». Les dirigeants du groupe réaffirment leur priorité
pour les PRC, concentrées sur les coûts unitaires après avoir réduit les coûts fixes. Cependant, l’objectif
stratégique annoncé en octobre 2005 : « Ambition 2012 : devenir la société préférée » affirme une
volonté de croissance accélérée appuyée sur une réelle différenciation, mettant l’accent sur l’engagement
des équipes et la satisfaction des clients. La priorité n’est plus à la réduction des coûts mais à la
croissance, même si celle-ci ira de pair avec «l’efficacité opérationnelle et l’optimisation financière. »
La répétition des discours sur les PRC a donc bien un caractère performatif propre : plus le
discours est répété, plus il contribue à construire une réalité pour les différentes parties
prenantes auxquelles s’adressent ce discours.
Finalement, pour la majorité des sociétés de ce profil, les objectifs sont atteints et la PRC est
présentée comme un succès, avec un usage assez fréquent d’un vocabulaire d’origine
militaire : l’entreprise est « en ordre de marche » ou « en avance sur son plan de marche »
pour atteindre ses « objectifs ambitieux » :
Arcelor En février 2006, le groupe annonce la réalisation des 700M€ de synergies annoncées avec un
an d’avance.
Axa En juin 2004, alors que le groupe affiche des économies cumulées de 1,23MM€ grâce à la
PRC, soit près du double du montant annoncé en 2002.
314
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Canal + Le redressement du groupe est annoncé dès mars 2004, après de nombreuses cessions.
Crédit Agricole Mi 2005, le groupe est « en ordre de marche » et un nouveau directeur général est nommé
dont on attend un nouveau plan stratégique. Lors de l’annonce des résultats 2005 en mars
2006, le directeur financier annonce que l’objectif de 760 M€ est « d’ores et déjà acquis ».
Danone En avril 2004, le président du groupe déclare: « nous avons encore des sources d’économies
car nous aurons à gagner en productivité et en efficacité dans les nouvelles zones
géographiques. Nous bénéficierons aussi progressivement, avec le projet Thémis, de la
refonte de nos systèmes d’information. ». En février 2005, la présentation des résultats du
groupe fait apparaître une amélioration de la marge opérationnelle, à laquelle contribue le
programme Thémis au niveau annoncé.
Dexia En mars 2003, le groupe annonce des réductions de coûts supérieures aux objectifs pour
l’année : 54,5M€ au lieu de 25-30M€, et annonce continuer à mener des plans d’économies et
de réorganisation. En mars 2004, si les synergies de revenus ne sont pas au rendez vous, les
réductions de coûts sont à nouveau supérieures aux objectifs : 149M€ au lieu de 50-60M€
pour « compenser ».Le résultat de l’année 2004 est en forte progression, et aucune mention
particulière de réduction de coûts n’est faite, les chantiers liés aux fusions étant achevés.
Générale de En septembre 2004, le président du directoire annonce « nous sommes plutôt en avance sur
Santé notre plan de marche, grâce notamment à un surcroit de l’activité bien maîtrisé ». Les
communiqués de résultats pour 2004 et 2005 annoncent des objectifs atteints : amélioration
de la rentabilité opérationnelle de 0,6 points (EBE/CA) en 2004 et de 1,1 point (REX/CA) en
2005.
Lafarge En mars 2003, le président du groupe affirme : « les synergies de Blue Circle ont été
dégagées comme prévu. Leur bénéfice a été partiellement affecté par des difficultés
ponctuelles mais le potentiel de cette acquisition est confirmé. Face à l'incertitude
économique qui domine l'année 2003, nous continuerons de donner la priorité à
l'amélioration des performances et au renforcement de notre situation financière ». La
priorité à l’amélioration des performances et à une politique d’investissement sélective est
réaffirmée courant 2003 et en 2004.
LVMH En septembre 2003, suite à la chute du tourisme asiatique, DFS accélère les mesures de
réduction des coûts pour revenir à l'équilibre en 2003. En mars 2004, le groupe déclare que
DFS a dégagé un résultat positif en 2003 malgré une conjoncture très difficile. En mai 2004,
Standard & Poor’s remonte la notation à long terme du groupe.
Total En mars 2001, le groupe déclare que « la croissance et les programmes de synergies/
productivité ont permis d’augmenter le résultat opérationnel en 2000 de 1,2 MM€, en ligne
avec le programme annoncé d’amélioration du résultat opérationnel ». Fin janvier 2002, le
communiqué souligne que « la réussite de la fusion s’est concrétisée ». En février 2004, Total
affiche le plus fort résultat du CAC 40 et T.Desmarest commente « l'année 2003 marque le
terme des programmes internes fixés en 2000 à la suite des rapprochements entre Total,
Petrofina et Elf. Les objectifs ambitieux de croissance, de synergies et de productivité sont
atteints ».
Véolia En mars 2003, le groupe souligne que le montant des cessions d‘actifs non stratégiques est
environnement supérieur au plan annoncé (1,7MM€) et a permis une forte réduction de la dette. En
septembre 2003, le groupe annonce un nouveau recentrage dans le secteur de l’eau aux Etats-
Unis, et affirme que « la politique sélective des projets, la maturation des contrats et le plan
d’efficacité mis en œuvre dans l’ensemble du groupe (au minimum 300M€ d’amélioration
de productivité des capitaux employés d’ici fin 2005) favoriseront une amélioration
régulière de la rentabilité des capitaux employés qui devrait se situer entre 8% et 9% après
impôts dès 2005 ». Moody’s relève la note du groupe en juin 2005 pour ses efforts de
réduction de dette, son recentrage et son contrôle très strict des dépenses.
Cependant, pour quatre groupes de ce profil de PRC, la réussite affichée de la PRC est moins
assurée, ou les annonces d’autres projets ressemblent fort à une succession de programmes
destinés à compenser la non- réalisation des objectifs initialement annoncés :
Ciments Français Le rythme de la PRC industrielle est conforme aux prévisions et les 40 M€ d’efforts de
productivité sont enregistrés en 2002. Il n’est cependant plus fait mention des 10 M
concernant les frais de siège. Début 2003, le groupe annonce à nouveau une accentuation
315
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Aucune évocation d’un échec ou de retards dans la réalisation des objectifs de PRC n’est
relevée dans ces discours. Le discours continue de s’articuler sur une logique quasi militaire
de « feuilles de route »328, et de futurs « objectifs ambitieux » pour rendre l’organisation
« flexible et simple » et « en ordre de marche ». Le recours à ces images et symboles guerriers
font figure de rhétorique destinée à convaincre de la détermination des dirigeants à résoudre
les problèmes de l’organisation qui « prend en main son destin », dans un environnement
présenté comme « incertain ».
Une des caractéristiques principales des entreprises de ce profil est leur expérience en matière
de PRC. Sur les dix entreprises de ce profil, huit d’entre elles ont déjà mis en œuvre des PRC
à la fin des années 1990, parfois de façon assez spectaculaire comme Renault et son plan
« plan 20 milliards » (de francs) lancé en 1996 à l’arrivée de Carlos Ghosn. L’une des deux
entreprises qui n’ont pas mené de PRC a déjà connu des plans sociaux successifs : Michelin
annonce son dixième plan social lors de l’annonce de PRC de notre échantillon. L’autre,
STMicroelectronics, se trouve en mars 2001 dans un secteur touché par le fort retournement
de conjoncture, et est donc proche de ce point de vue des entreprises comme Alcatel ou Cap
328
E. Hazan relève dans que cette expression « déjà passablement usée au Proche Orient, reprend néanmoins du
service sous d’autres drapeaux », citant son utilisation par des hommes politiques y compris Thierry Breton
(LQR, La propagande au quotidien (2006, p. 41)).
316
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Gemini. Son concurrent Intel applique au même moment une politique de forte réduction des effectifs
et d’augmentation des investissements.
Du fait de cette expérience, la justification de la PRC n’a pas besoin d’être nécessairement très
développée. L’entreprise est déjà placée dans un contexte dans lequel la PRC est une réalité à laquelle
les uns et les autres ont déjà participé. Le groupe communique ainsi sur la permanence et la
persistance de la stratégie déjà en place, et les résultats déjà constatés viennent renforcer le caractère
nécessaire d’une nouvelle PRC :
Air France En mai 2002, le groupe affiche un résultat bénéficiaire malgré la crise du secteur, et le PDG
déclare « nous avons su montrer que la stratégie engagée par Air France depuis plusieurs
années était la bonne. Elle nous a permis de résister grâce à la réactivité et la mobilisation
de l’ensemble du personnel de la Compagnie ». En juillet 2002, la presse souligne que
« les investisseurs ont pris conscience de la pertinence de la stratégie d’extension
des capacités et de réduction des coûts menée sous la houlette de Jean Cyril
Spinetta ».
Air Liquide L’effet des « programmes d'efficacité » est régulièrement communiqué par le groupe: 85 M €
en 2001, 112 M€ d’économies en 2002. En février 2004, le président du directoire déclare
« outre la progression des activités, la hausse du résultat reflète le succès du programme de
réduction des coûts mené depuis 3 ans. Le Groupe a ainsi renforcé sa structure financière
avec un endettement réduit et une amélioration de la rentabilité des capitaux employés dans
ses quatre principales activités. Le solide bilan qui en résulte nous permet d'aborder
l'avenir et nos projets de croissance avec confiance ».
Carrefour En août 2002, la presse note que le distributeur a respecté son programme des « 3C »
(chiffres, coûts et cash), en particulier en baissant les frais généraux avec une simplification
des structures. En août 2003, le groupe annonce une progression de résultat supérieure aux
attentes des analystes et le cours du titre augmente. « Carrefour tire les fruits de la politique
menée depuis 2 ans sur les prix, l’optimisation des coûts et la gestion de la dette ».
Pechiney Le plan « Progrès continu », qui fait suite au programme « Challenge », doit concerner la
totalité des usines mi 2001, et doit permettre de réduire de 20% les coûts dans les usines et les
bureaux, et d’accroitre et de fiabiliser la qualité des produits et des services. « L’excellence
managériale est la clef de tous nos progrès et c’est de plus en plus ce qui permet de faire la
différence entre les groupes industriels » affirme Jean-Pierre Rodier son PDG.
Peugeot PSA Début 2001, le groupe annonce une PRC qui est une confirmation de la stratégie
engagée sur 1998-2000. Début 2003, le groupe annonce 1MM€ d’économies d’ici 2006
grâce aux politiques de plateforme et d’amélioration de l’efficacité industrielle.
Renault La PRC annoncée est un nouveau plan d’économies de 3 MM€ (2001-2003), le plan de
1997-2000 ayant atteint ses objectifs: la PRC intègre les synergies générées par l’Alliance
Renault Nissan et touche tout le groupe, en particulier les achats (51%), les coûts
commerciaux (21%) et les coûts industriels (11%). En février 2002, le groupe annonce que
l’objectif 2001 a été atteint grâce à une accélération des réductions de coûts de
distribution, à des efforts sur les frais tertiaires et à l’amélioration de la productivité.
Une grande partie de l’effort porte sur les coûts d’achat avec une généralisation de l’approche
d’externalisation de Renault chez Nissan. En février 2003, les effets de synergie de l’Alliance
se font sentir. En février 2004, la présentation des résultats du groupe fait apparaître un
objectif de réduction pratiquement atteint à 2,9MM€. Les résultats des constructeurs français
sont très positifs et les Echos évoquent alors « la mondialisation heureuse de l’automobile
française ». Le groupe Renault fait figure de modèle en matière de PRC réussie jusqu’en
septembre 2006.
Société Générale La PRC annoncée doit venir renforcer le programme global de réduction des coûts dont
la banque attend 550M€ d’économies en année pleine d’ici 2004 (soir un total de 677M€).
En août 2002, le groupe annonce que les actions entreprises « portent leurs fruits » et, lors de
la présentation des résultats annuels, l’objectif d’économies pour 2004 augmente à 700M.
317
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Si ces entreprises ont déjà une expérience de PRC réussie, le recours à la PRC n’est pas
toujours la réponse systématique à l’amélioration de la performance, même face à la pression
des investisseurs. Ainsi, si Air France a mis en place des plans de réduction des coûts
unitaires avant de devoir y ajouter des mesures conjoncturelles en septembre 2001,
l’entreprise n’axe pas majoritairement le succès de sa fusion avec KLM sur des synergies de
coûts mais sur des complémentarités, ce qui semble surprendre les investisseurs :
En novembre 2003, les analystes sont dubitatifs sur la création de valeur générée par ce rapprochement. Le plan
Performance 2003 de réduction des coûts unitaires de 5% sera suivi d’un plan visant à abaisser ces coûts de 6%
supplémentaires entre 2004 et 2007. Ce nouveau plan représente un objectif d’économies de 1 MM€ par an (contre
280M€ pour Performance 2003), avec une refonte des vols moyen courrier et une réduction des coûts de distribution,
en s’inspirant de certaines pratiques des « low costs ». En février 2004, la presse souligne que « le marché a réservé
un accueil favorable à ce train de mesures qui compense en partie la déception face aux synergies attendues par
Air France et KLM ». Selon une note d’analyste : « cette fusion nuit à la visibilité à moyen terme ». En mai 2004,
après le succès de l’OPE et le retour au bénéfice de KLM (grâce à un vaste programme de réduction des coûts), le
PDG du nouveau leader du transport aérien réitère l’estimation des synergies cumulées de fusion (385 à 495 M€ sur 5
ans) : « nous préférons être conservateurs plutôt que trop ambitieux ». Un des responsables souligne : « ce qui est
clair, c’est qu’il faut résister à la tentation de ne faire qu’un seul grand groupe. L’important, ce sont les synergies, et
les gains de parts de marché », la stratégie d’augmentation des revenus ayant été préférée à un programme
massif de réduction des coûts. En octobre 2005, le groupe relève ses prévisions de synergies à 520 M€ sur 2007-
2008 et 610 M€ sur 2008-2009. Malgré le succès commercial et financier du groupe (900M€ de bénéfice pour 2005-
06) et de sa stratégie de « croissance rentable », le cours de l’action apparaît comme sous-évalué par rapport au
secteur : avec la montée du prix du pétrole, « Air France-KLM doit amorcer le virage des coûts » titre une analyse
financière publiée par les Echos en juin 2006. « Air France –KLM doit faire la preuve de sa compétence en la
matière » note un analyste. « Dans la ligne de mire des analystes, les charges de personnel, plus élevées en
pourcentage des revenus chez Air France-KLM que chez ses concurrents ». En septembre 2006, le groupe relève
ses prévisions de profits pour l’exercice. En octobre 2006, le groupe ne prévoit pas d’impact du report des livraisons
de l’A380 et relève à nouveau ses prévisions de synergies cumulées à 1 MM€ à horizon 2010-11, grâce à des
rapprochements de systèmes informatiques, des économies sur l’activité cargo et un nouveau système de « revenue
management » commun.
La plupart des entreprises de ce profil annoncent après deux ou trois ans une réussite du plan
de réduction des coûts, même dans le cas où la lecture des chiffres présentés ne permet pas de
retrouver ces réalisations. Schneider Electric affiche ainsi une réussite de son plan alors qu’on
peine à la retrouver dans les supports présentés… mais le résultat net est bon donc la
rhétorique fonctionne :
Schneider En mars 2003, le groupe affiche les premiers résultats de New 2004 mais l’impact sur la
Electric marge opérationnelle est limité. Le groupe communique de façon détaillée sur les plans de
productivité, les démarches de réduction des achats, le « lean management ». En février
2004, la presse relève que les résultats sont supérieurs aux attentes du fait des PRC. En février
2005, le président du groupe déclare que les résultats ont fortement progressé « grâce à de
nouveaux gains de productivité et à sa maîtrise des coûts », mais l’objectif de marge fixé
en 2002 n’est pas atteint.
L’une des entreprises de ce profil tend néanmoins vers un profil de PRC défensive : Pechiney.
318
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Forte du succès de son programme Challenge de réduction des coûts, Pechiney officialise son nouveau programme
« Progrès Continu » en décembre 2001 au moment stratégique d’un avertissement sur résultat. Cependant, le groupe
est considéré par certains analystes comme « marginalisé » depuis l’échec de l’APA (fusion à trois avec Alcan et
Algroup) en avril 2000, d’une taille insuffisante pour bénéficier des « économies d’échelle » et des « synergies
d’intégration »329 dont profitent ses concurrents. Fin 2001, le groupe doit en effet confirmer des « mesures
d’ajustement drastiques sur les coûts » qui sont des mesures défensives face à une conjoncture défavorable et
non plus seulement une « amélioration permanente des processus de l’entreprise ». En juillet 2002, le groupe
annonce que le programme « Progrès Continu » lui a permis de générer 77M€ d’économies, mais les résultats du
groupe sont tout particulièrement touchés par les effets de la baisse de la monnaie américaine. Fin janvier 2003, le
groupe affiche un résultat négatif (malgré 130M€ d’économies générées par « Progrès Continu »), et annonce la
suppression de 600 emplois en France. Compte tenu des incertitudes, J.P. Rodier ne se risque à aucun pronostic pour
2003, et n’exclut pas de supprimer plus d‘emplois si la conjoncture se dégrade : « nous prenons les décisions qu’elle
nous impose ». En juillet 2003, le groupe doit faire face à une OPA hostile d’Alcan, alors qu’il est valorisé sur une
base inférieure à ses fonds propres. En novembre 2003, le résultat est largement déficitaire pour le 3° trimestre, avec
des charges exceptionnelles liées à la fois aux restructurations et aux honoraires et commissions versées lors de la
« bataille boursière ». A cette date, les économies cumulées réalisées grâce à Progrès Continu s’élèvent à 228 M€.
La PRC lancée fin décembre 2001 n’est donc pas suffisante pour compenser les effets négatifs
de la conjoncture et les conséquences conjuguées de l’échec de la « fusion à trois » et des
évolutions de change défavorables. Néanmoins, les programmes d’ « amélioration permanente
de la performance » ne seront pas abandonnés par Alcan, qui met également en œuvre des
programmes « intégrés » d’amélioration continue :330
« Viser l'excellence est une seconde nature pour Alcan, que ce soit dans nos méthodes de fabrication de
produits de haute qualité ou dans la gestion de notre entreprise et nos démarches auprès de nos parties
prenantes. Avec l’introduction en 2004 du Système de gestion intégrée Alcan (AIMS), les trois composantes de
base de la Société sont maintenant interreliées : la gestion axée sur la valeur, ESS EN TÊTE et l’amélioration
continue. En intégrant ces éléments en un système intégré de gestion d’entreprise, nous avons concentré
nos efforts vers une cible commune, la Maximisation de la valeur, qui constitue notre objectif directeur.
Avec AIMS, Alcan VISE L’EXCELLENCE PAR LA GESTION INTÉGRÉE, aujourd'hui et dans l'avenir, dans
tout ce qu'elle entreprend. »
Ainsi de nouveaux plans peuvent être annoncés, que le plan précédent ait été un succès
effectif ou partiel, et les entreprises de ce profil ont enchainé le programme dont l’annonce
figurait dans notre échantillon avec un nouveau « plan » ou « programme de productivité » ou
« d’efficacité opérationnelle » :
Air « En 2004, nous lancerons un nouveau programme d’actions sur 3 ans qui conjugue
Liquide accélération de la mise sur le marché de nos produits et services, diffusion des meilleures
pratiques et gestion continue de notre efficacité en nous appuyant sur les femmes et les
hommes du groupe et sur nos atouts technologiques » (B. Potier, communiqué 27/02/04).
Michelin En juillet 2006, lors de la présentation de résultats semestriels décevants, Michel Rollier,
nouveau dirigeant suite à la disparition d’Edouard Michelin, déclare : « Depuis deux ans et
demi, les hausses répétées du prix des matières premières ont aggravé les coûts de Michelin de
plus de 1 milliard d'euros. La difficulté de totalement compenser cette évolution rend d'autant
plus indispensable l'accélération des programmes d'amélioration de la productivité et de
réduction des coûts déjà initiés ». Standard & Poor’s baisse la note du groupe. Dans les
329
« Malgré l’échec d’APA, le titre Pechiney peut rebondir », Les Echos, 05/03/01
330
Extrait du site internet du groupe Alcan : http://www.alcan.com/web/publishing.nsf/content/About+Alcan+-
+AIMS_FR, consulté le 20 décembre 2006
319
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
semaines suivantes, le groupe prend des mesures de réduction des coûts salariaux dans différents
pays : allongement de la durée du travail en Allemagne sans contrepartie financière pour
accroitre la productivité, baisse de 20% des nouveaux salaires aux Etats-Unis et augmentation
de la contribution des salariés à leur couverture médicale, fermeture de site au Canada. En
octobre, Michel Rollier déclare vouloir accélérer encore les réductions de coûts, aidé en cela
par le départ en retraite de 20 000 employés d’ici 2010
Peugeot Les résultats 2003 ne sont pas à la hauteur des objectifs d’économies, et une accélération des
PSA PRC est annoncée. Les économies réalisées sur les coûts de production sont régulières grâce
aux politiques de plateforme et de coopération (640M€ en 2004, 614M€). Cependant les
objectifs fixés pour 2006 ne sont pas encore atteints. Pour renforcer ses PRC, le groupe
développe la production dans les pays à bas couts. En avril 2006, la fermeture prochaine du site
de Ryton au Royaume Uni (2300 suppressions d’emplois) est annoncée pour améliorer la
productivité en Europe, avec un développement du site de production slovaque. Les réactions de
la presse économique sont favorables : « Bien que coûteuse, cette décision a été accueillie
favorablement par les investisseurs. Elle cadre parfaitement avec l’objectif d’une économie de
600 M€ sur les coûts de production, que le constructeur français souhaite réaliser chaque
année. En se débarrassant d’un site excentré géographiquement, moins rentable que les autres
en raison de coûts de logistique plus élevés et condamné par la fin de vie de la 206, Peugeot va
améliorer le taux d’utilisation de ses capacités de production des usines restantes, ce qui lui
permettra de gagner en compétitivité dans un environnement très concurrentiel. ». Les résultats
du 1er semestre 2006 étant décevants, le président du groupe annonce en juillet 2006 « nous
allons préparer un plan d’actions pour restaurer notre profitabilité ». En septembre, le groupe
chiffre ce plan de réduction de coûts à 125 M€, avec une réduction de 10 000 postes sur l'année
2006, dont les trois-quarts déjà effectuées. L’accueil des analystes est plutôt bon, alors que le
groupe s’apprête à choisir le remplaçant de J.M. Folz. Fin octobre cependant, le groupe annonce
que son objectif de marge opérationnelle ne sera pas atteint.
Schneider Le groupe annonce début 2005 le lancement d’un plan NEW2 avec une « intensification » des
Electric actions engagées pour 2005-2008.
Société En février 2005, la banque présente des résultats 2004 « record », la réalisation finale
Générale d’économies n’est pas donnée, mais « l’amélioration de l’efficacité opérationnelle » est
réaffirmée, ainsi que la poursuite des « actions de productivité », la « rationalisation des
processus transversaux et l’optimisation des politiques de mutualisation » pour les années
suivantes.
Pour les entreprises de ce profil, les programmes de réduction des coûts sont devenus une
pratique institutionnalisée. L’ensemble des outils de réduction des coûts possibles sont
mobilisés : politique d’achat, partenariat avec les fournisseurs et la sous-traitance,
délocalisation, flexibilisation de la main d’œuvre, raccourcissement des délais de conception
et de lancement des produits. Bien souvent des programmes « d’amélioration continue »
peuvent être couplés avec une démarche qualité dans laquelle responsables industriels et
responsables financiers sont responsables conjointement de la tenue des objectifs. Le secteur
automobile a été souvent à l’initiative de l’utilisation de ces outils de gestion (d’où la présence
de Renault, Peugeot PSA et Michelin dans ce profil), qui se sont essaimés dans différents
secteurs industriels et de services. Sous l’influence des compagnies « low cost », les pratiques
de dématérialisation des transactions ont également influencé la mise en oeuvre de mesure de
« simplification » des services et des produits. Et ces pratiques se conjuguent avec la
mobilisation d’un langage approprié, un discours managérial qui construit progressivement la
PRC comme un élément inéluctable de la réalité organisationnelle, non pas comme un outil de
320
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
réponse à une crise, mais comme une politique « normale » de réduction systématique des
coûts qui n’engendre plus de question ou d’interrogation quant à sa légitimité.
Les plans ou programmes de réduction des coûts s’intègrent ainsi dans la présentation des
plans stratégiques des entreprise cotées, dont la pratique renouvelée est devenue selon la
presse financière « un outil efficace de communication vis-à-vis des marchés »331, outil qui
commence lui aussi à être noté et évalué, tout comme les rapports d’activité, rapports annuels
et site internet des sociétés cotées. En la matière, Carlos Ghosn fait à nouveau figure
exemplaire. Après neuf mois de silence depuis son arrivée à la tête du groupe, il dévoile le
plan « contrat 2009 » en février 2006 devant un parterre de 300 journalistes issus de différent
pays et devant l’ensemble du personnel via une conférence retransmise également sur le site
internet du groupe. Cette présentation est suivie d’une conférence avec les analystes financiers
et de plusieurs séances de questions avec la presse étrangère et française, puis une
intervention télévisée.332
Le discours sur le plan stratégique valorise le thème de l’engagement (le plan s’intitule
« Commitment 2009 » en anglais), engagement de chacun à tenir les objectifs définis par le
331
Extrait d’un article récent de La Vie Financière, « Les sociétés qui voient loin », 06/10/06, qui propose une
notation d’une trentaine de plans à moyen terme de sociétés cotés. Cette notation se fonde sur un calcul du cours
cible potentiel calculé avec les objectifs détaillés du plan et donc du potentiel de hausse annuelle de l’action.
332
Les citations sont extraites des articles de presse parus les 9 et 10 février 2006. La liste complète de ces
articles est présentée en annexe 1.
321
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
PDG dans le plan stratégique. Le directeur des ressources humaines déclare en octobre
2006 333: « on jugera lors des entretiens annuels de performance, si chacun, des ouvriers aux
ingénieurs, a rempli son « engagement », atteint ses « objectifs », sa « cible ». Trois mots
qu’on entend beaucoup dans les usines et les bureaux ».
Pour les entreprises avec un profil de PRC défensives, une partie du discours vise à montrer
que les mesures prises sont suffisantes et permettent un redressement proche. Le dirigeant
utilise stratégiquement le discours comme un levier d’action pour motiver ses collaborateurs
et rassurer également les autres parties prenantes, afficher une confiance maintenue ou
retrouvée dans les performances de l’entreprise :
Alcatel « Nous sommes confiants dans le fait qu’Alcatel ressortira du ralentissement actuel de
notre industrie avec une part de marché accrue » (S. Tchuruk, avril 2001)
« Alcatel est bien positionné pour tirer parti du redressement de l’industrie qui devrait
intervenir au cours de l’année prochaine » (S. Tchuruk, juillet 2001)
« Nous sommes en bonne voie pour atteindre l’objectif trimestriel de point mort » (S.
Tchuruk, avril 2002)
Alstom « Je suis particulièrement satisfait par le net redressement de notre rentabilité » (P. Bilger,
novembre 2002)
333
« Davantage de variable dans les rémunérations, c’est possible », Le Figaro, 02/10/06.
334
La pression liée à la mise en œuvre de ces indicateurs a été récemment invoquée comme origine possible des
récents suicides qui ont eu lieu au Technocentre de Guyancourt début 2007.
335
19 indicateurs sur 31 selon Le Monde du 30/10/06, « Renault, le traitement de choc de M. Ghosn ».
322
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
EADS « Grâce aux actions en cours, de restructurations et de réduction des coûts, nous sommes
totalement dédiés au maintien de marges solides » (déclaration des deux co-présidents en
février 2003).
En mars 2004, lorsque l’entreprise redevient bénéficiaire, les deux co-présidents annoncent :
« nous avons fait ce que nous avions dit que nous ferions et même mieux ».
GFI Après les restructurations et les réductions d’effectifs en 2002, le directeur des opérations
Informatique déclare en mars 2003 : « GFI est mûr pour le rebond ».
Rhodia « Rhodia change de cap » (slogan de communication en octobre 2003 lors de l’annonce du
plan de PRC et de recentrage de la nouvelle équipe dirigeante).
Suez « Nous mettons en œuvre avec détermination le plan d’action annoncé le 9 janvier
dernier » (G. Mestrallet, présentation des résultats 2002).
Vivendi « Nous sortons de la crise » (titre du communiqué de septembre 2002).
Universal « Je suis très heureux de vous présenter les résultats financiers de l’exercice 2003, qui ont
dépassé nos prévisions ». « Vivendi Universal se trouve aujourd’hui en bon ordre de
marche » (J.R. Fourtou, mars 2004).
Lorsque les plans de PRC ne sont pas suffisants pour que la performance de l’entreprise soit
rétablie, les commentaires de la presse économique pointent du doigt le caractère rhétorique
du discours des dirigeants :
Alcatel La presse relève que M. Tchuruk « a longtemps tenté de minimiser la crise » (en 2001 et dans les
premiers mois de 2002) « avant de reconnaître son ampleur sans précédent (…) L’entreprise, que
son PDG voulait « sans usines » à terme, avance sur cette voie à son corps défendant » (Le
Monde).
Alstom Le PDG P. Bilger est remplacé par P. Kron plus vite que prévu et celui –ci annonce un nouveau plan
en mars 2003.La presse économique s’interroge à cette occasion : « qui peut encore ajouter foi aux
informations délivrées par Alstom aux marchés financiers ? Le nouveau plan d’action présenté hier
par Patrick Kron, fraichement élu PDG d’Alstom, résonne en tous cas comme un aveu : depuis la
présentation du plan de désendettement Restore Value en mars 2002, le groupe n’a cessé de
délivrer aux investisseurs des informations qui se sont révélées inexactes ».
Cependant, lorsque les PRC sont effectivement mises en œuvre et que la situation de
l’entreprise s’améliore, le discours apparaît seulement sous son angle stratégique : puisque
les résultats sont là, aucun regard critique n’est alors porté sur le discours des dirigeants.
Néanmoins, la rhétorique à l’œuvre dans les discours des dirigeants sur leurs PRC peut être
illustrée « en creux » par les silences qui touchent certains sujets sensibles.
Ainsi dans ces discours, les difficultés ou la crise dans laquelle se trouve l’entreprise sont le
fait, comme nous l’avons vu, de l’environnement ou du contexte économique mais pas :
d’un retournement conjoncturel mal anticipé qui suit une période euphorique (Alcatel,
GFI Informatique, Cap Gemini), dans laquelle le niveau de dépenses a cru très
rapidement dans une course à la taille ou un optimisme parfois démesuré (France
Telecom, Vivendi Universal),
d’erreurs de gestion et d’erreurs de communication (Alstom),
323
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
d’acquisitions faites à des prix trop élevés qui entrainent ensuite des provisions pour
dépréciations d’un montant astronomique (France Telecom, Vivendi Universal),
d’un choix d’organisation mal adapté (Cap Gemini et son organisation matricielle
trop complexe après la fusion avec Ernst & Young),
de conflits internes forts entre les actionnaires ou entre les membres de la direction
(Gemplus International, Altran technologies, Rhodia, voire EADS).
D’autre part, les suppressions d’emplois liées aux PRC annoncées sont évoquées le moins
possible. L’exemple de la polémique soulevée par les licenciements annoncés par le groupe
Michelin en septembre 1999 joue peut-être un rôle dans ce renforcement de l’utilisation des
euphémismes.
Michelin Dans le communiqué de mars 2000, le groupe confirme les annonces faites au personnel en
septembre d’une « stratégie destinée à préserver et à améliorer sa compétitivité sur les marchés
européens et à continuer d’assurer une capacité d’exportation importante et performante à partir
de l’Europe ». Les mots « plan social » ou « licenciement » n’y apparaissent pas : on parle de
« coûts associés à la mise en œuvre, sur une période de trois ans, de la stratégie d’amélioration
de la compétitivité en Europe ». Pourtant les annonces de suppressions d’emploi en septembre ont
fait couler beaucoup d’encre. Edouard Michelin, nommé officiellement à la tête du groupe en juin
1999 pour lui donner un nouvel élan, insiste dès sa prise de fonction sur la nécessaire baisse des
coûts : « notre objectif consiste à stabiliser nos dépenses cette année et à engager une réduction de
nos coûts en 2000. C’est vital ! ». Des « objectifs de création de valeur » sont assignés à chaque
responsable de ligne de produit « il s’agit d’une étape déterminante pour améliorer la rentabilité
des fonds propres » déclare-t-il. Certains s’émeuvent de la manière « inexpérimentée et archaïque »
dont les annonces ont été faites : un communiqué laconique a informé le personnel des 7 500
suppressions d’emploi au moment où le groupe présentait ses résultats semestriels:«
Contrairement à d'autres périodes où nous nous battions pour notre survie, nous devons dès
maintenant préparer la performance de demain ». Dans le même numéro de La Tribune (daté du
10 septembre 1999) :
• certains soulignent l’erreur de communication du groupe, parlant de « dérapage » :
« Qu'en période de vaches grasses, les régimes minceur font tache ! Les annonces simultanées par
Michelin d'une hausse des résultats et de réductions d'effectifs, sans autre disposition pour faire
preuve d'une approche moderne du partage de la valeur ajoutée, passent mal. Au plan de la
communication, l'effet de cette concomitance est brutal. Plus, même, que la réalité du plan social,
douloureux mais progressif. Certes, s'il faut satisfaire ainsi les fonds de pension des retraités
américains, c'est aussi parce que le relais ne peut être pris par d'autres. Edouard Michelin, rompu
aux us en vigueur outre-Atlantique, en tire les conséquences. Voulait-il créer un électrochoc ? C'est
gagné. Mais voudrait-on monter les salariés contre la Bourse qu'on ne communiquerait pas
autrement. »
• d’autres mettent en évidence l’efficacité de la méthode :
« La méthode Edouard Michelin triomphe en Bourse » : le cours de l’action augmente en effet de
12,5% suite à l’annonce, et plusieurs sociétés de Bourse ont revu à la hausse leurs perspectives sur
le fabricant de pneumatiques.
Une partie des hommes politiques s’emparent de ce « cas Michelin » pour dénoncer les
« licenciements boursiers ». Et un « amendement Michelin » sera inscrit dans la loi pour la
modernisation sociale de 2002. Cette stratégie s’accompagne d’un plan de réduction des stocks, du
nombre de points de vente, et de la mise en place d’une gestion intégrée de la « supply chain ».
Début 2001, Edouard Michelin déclare : « l’année 2000 est pour Michelin une année de progrès et
de déploiement réussi de notre stratégie » et fixe un objectif de marge d’exploitation de 10% pour
2005. En 2002, le résultat progresse : « cela illustre bien la capacité « tout terrain » de Michelin
sur des routes difficiles. Cette bonne performance est le fruit d’un travail de fond engagé depuis
324
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
plusieurs années , et mené avec détermination par les équipes Michelin, sans jamais nous
départir des principes des gestion prudente et de maîtrise des risques qui ont toujours
accompagné le développement du groupe » commente le dirigeant. Le groupe annonce que les
plans de compétitivité lancés en 1999 en Europe et en 2001 en Amérique du Nord ont atteint leurs
objectifs en 2002. Ces mesures ne sont plus commentées dans les résultats suivants.
Lorsqu’un plan social est mis en œuvre, le groupe communique précisément sur les mesures,
conformément à ses obligations légales. L’évocation des conséquences sociales de ces
mesures disparaît par la suite assez vite des communiqués, voire est masquée par des
euphémismes qui évitent de rappeler les suppressions d’emplois : « programmes de
productivité », « élagages » ou « améliorations de la performance opérationnelle ».
Arcelor Le rapport annuel 2003 indique : « sur les sites sur lesquels ces mesures auraient un impact sur
l’emploi, le groupe s’engage à mettre en place les accompagnements nécessaires à la
reconversion des hommes et à la ré-industrialisation des bassins d’emploi ». En mars 2004, la
presse mentionne la réalisation de la fermeture de 2 sites et la poursuite de la concentration de la
production sur certains sites. Ces fermetures sont commentées dans les communiqués sur les
résultats financiers uniquement sous l’angle de l’impact des provisions pour restructurations. En
février 2005, le bénéfice net est « historique ». On ne parle plus des réductions d’effectifs liées
aux PRC.
Canal + La PRC, lié à la réorganisation du groupe Vivendi Universal, comprend un plan social. Dans une
lettre aux salariés, le nouveau PDG Bertrand Méheut évoque « la qualité des contenus de la
chaine, sa créativité et son engagement culturel » mais aussi la nécessité de « simplifier les
structures, clarifier les responsabilités et réduire les coûts ». La procédure de consultation du CE
est close en juillet 2003. Aucun détail du plan n’est commenté dans les communiqués ultérieurs du
groupe. Le redressement du groupe est annoncé dès mars 2004, après de nombreuses cessions. Par
la suite, lors de la fusion avec TPS, le groupe Canal + annonce « ne pas vouloir faire de plan
social chez TPS ».
Cap « Les licenciements sont derrière nous » (DG, février 2002). Le groupe refuse alors de donner
Gemini des prévisions de résultat pour 2002 et insiste sur le « grand nettoyage » qui a été fait.
Danone La fermeture et la réorganisation de certains sites de la branche Biscuit sont annoncées en mars
2001 (2025 emplois). En octobre 2001, le président du groupe, interrogé sur les incertitudes de
l’environnement international, déclare: « sur le plan industriel, cela fait quatre ans que nous
mettons en place des outils nous permettant de réduire nos coûts. Cela n’a rien à voir avec le
contexte actuel (…) Mais la situation actuelle nous conforte dans l’idée que cette
restructuration du biscuit était indispensable ». Dans la présentation aux analystes de février
2002, la restructuration, qui a soulevé de vives protestations en France, apparaît comme « the
French « story » with the Biscuit restructuring », une anecdote de village gaulois. En janvier
2003, le groupe annonce la fermeture accélérée des sites mi 2003 et le reclassement de 72%des
salariés concernés.
Dexia En septembre 2001, lorsque le groupe présente ses résultats semestriels, la thématique des
synergies de fusion est évoquée dans un communiqué, et la décision d’un plan est annoncée par le
président du comité exécutif pour « endiguer la dérive des charges ». Ce plan est précisé en
novembre, où le groupe annonce 2000 à 2500 suppressions de postes en Belgique sur 4 ans et un
plan plus vaste de réduction des coûts avec une intégration des systèmes d’information, du back
office et des services généraux. Après plusieurs acquisitions « Dexia doit désormais se concentrer
sur le pilotage des coûts » commente un analyste. En mars 2003, le groupe annonce des
réductions de coûts supérieures aux objectifs pour l’année : 54,5M€ au lieu de 25-30M€, et
annonce continuer à mener des plans d’économies et de réorganisation « il est naturel qu’après
toute acquisition on procède à des élagages » déclare le président.
En septembre 2006, le plan stratégique à 10 ans est annoncé, avec un objectif de croissance de
résultat de 10% par an, « ambitieux et réaliste », dans lequel « maitrise des coûts » et
« amélioration des performances opérationnelles » sont à l’ordre du jour : dans la banque de
détail, les effectifs devraient baisser de 2200 postes environ, dont une partie de départs
325
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
« naturels ».
Thomson En juin 2003, le groupe annonce une restructuration des actifs industriels tubes aux USA et montre
sa « détermination à accélérer le repositionnement de son activité Tubes en Chine afin
d’améliorer sa profitabilité ». De plus, la division composants est également restructurée, avec
une diminution de moitié de l’effectif (800 emplois) pour une économie annuelle attendue de
50M€. En mars 2004, les sites américains déjà réduits sont fermés. En juillet 2004, le groupe
annonce « une série d’initiatives destinées à accélérer la mise en œuvre de la stratégie du
groupe », le « plan en 5 points », essentiellement relatif à des mesures financières (stock options,
BASA, rachats d’action, nouvel investisseur).
Total En juillet 1999, Total Fina lance en OPE sur Elf Aquitaine, motive son projet et définit
l’enveloppe de synergies possibles. D’abord refusé, ce rapprochement aboutit fin octobre 1999. Le
programme de réduction des coûts suite à la fusion avec Fina et au rapprochement avec Elf est
chiffré initialement à 1,5MM€, mais certains analystes pensent que les économies pourraient être
supérieures. En mai 2000, les conséquences sociales du rapprochement sont annoncées avec une
suppression nette de 1120 postes. En mars 2001, le groupe déclare que « la croissance et les
programmes de synergies/ productivité ont permis d’augmenter le résultat opérationnel en 2000
de 1,2 MM€, en ligne avec le programme annoncé d’amélioration du résultat opérationnel ». Fin
janvier 2002, le communiqué souligne que « la réussite de la fusion s’est concrétisée ».
Plus récemment, l’objectif stratégique annoncé par Axa en octobre 2005 : « Ambition 2012 : devenir
la société préférée » affirme une volonté de croissance accélérée appuyée sur une réelle
différenciation, mettant l’accent sur l’engagement des équipes et la satisfaction des clients. La priorité
affichée n’est plus à la réduction des coûts mais à la croissance, même si celle-ci ira de pair avec
«l’efficacité opérationnelle et l’optimisation financière». Cependant, le président d’Axa France a
annoncé à la rentrée 2006 la délocalisation de 1 500 emplois au Maroc « pour faire des économies »,
qui a provoqué une forte mobilisation syndicale. Les syndicats soulignent en effet que le montant de
l’économie annoncée (72 M€) parait maigre comparé au bénéfice du groupe en 2005, et que le risque
est à une délocalisation d’une plus grande envergure, annoncée par le président du directoire dans le
journal « Défense »336. « En termes d’emplois délocalisés, en additionnant le Maroc, l’Inde et la
Chine, on sera proche de 70 000 dans moins de cinq ans. Evidemment, ce sont des emplois qui
disparaissent dans un certain nombre de back-offices européens ou nord-américains ».
D’autre part, pratiques d’emploi réelles et discours sur la responsabilité sociale entrent parfois en
contradiction flagrante pour ces entreprises pour lesquelles réduire les coûts salariaux passe par un
recours important à une main d’œuvre « flexible », comme chez ST Microelectronics :
En juillet 2003, le groupe exprime sa volonté de délocaliser la production faite à Rennes vers l’Asie. En
septembre et octobre, les salariés rennais (environ 600 emplois) manifestent contre la fermeture du site,
soulignant que l’entreprise, dont l’Etat est actionnaire à 16% a bénéficié d’aides pour investir dans la recherche
sur son site de Grenoble. Dans le même temps, P.Pistorio déclare au Financial Times Deutschland que son
groupe possède "plus de 2 milliards d'euros de réserves disponibles pour des acquisitions". L’usine de Rennes
ferme en avril 2004. Le tribunal des prud'hommes condamne l'entreprise pour recours abusifs à l'intérim
et licenciements économiques sans cause réelle et sérieuse
336
Cité par le Nouvel Observateur, « Axa : quand les riches délocalisent », novembre 2006
326
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Cette condamnation intervient alors même que le groupe STMicroelectronics apparaît en tête
des sociétés européennes socialement responsables (selon le CSRindexes, qui classe le niveau
d'intégration des indices de développement durable à partir des informations fournies par les
agences de notation sociétale gestionnaires d'indices).
Le discours n’évoque pas non plus la position particulière dans laquelle se trouvent les
dirigeants de ces entreprises. Ils doivent motiver leurs collaborateurs et leurs partenaires pour
réaliser des réductions de coûts importantes, alors même que la réussite de ces objectifs
d’économies se traduit dans de nombreux cas pour eux par une attribution de bonus ou de
primes à la réalisation des objectifs. Les indemnités de départ de certains patrons alors que le
groupe qu’ils dirigeaient est en mauvaise posture ont fait l’objet de remises en cause voire de
litiges juridiques (on se souvient de Jean Marie Messier et de son combat juridique pour
conserver son « parachute doré »). Certaines situations engendrent d’importants conflits entre
les actionnaires et entre les dirigeants et les salariés, ce qui est le cas de Gemplus :
Gemplus est introduite en Bourse fin 2000. En 2001, Gemplus enregistre des résultats financiers déficitaires,
supprime 250 emplois aux USA et 200 en Allemagne. De plus, le climat au sein de l’entreprise est délétère : le
comité d’entreprise demande un audit dans le cadre d’une procédure d’alerte, concernant la création de la
holding au Luxembourg d’une part, et d’autre part la rémunération et les avantages accordés au PDG (10
millions d’actions gratuites, 20 millions de stocks options à 3,5 € et prêt de 60M€ pour le financer). Lors de
l’arrivée d’Antonio Perez, Marc Lassus l’avait présenté comme « le Zidane de l’économie » pour justifier
ces conditions très avantageuses. Pour l’année 2000, l’ensemble de ses gains est estimé à 15M€, soit selon
Proxinvest 7 fois plus que la moyenne des dirigeants du CAC 40. En décembre 2001, Marc Lassus et
Antonio Perez quittent la direction du groupe, mais le départ de ces deux dirigeants coûte à l’entreprise
25,6M€ (soit ¼ de sa perte nette pour l’année). Marc Lassus reste cependant actionnaire et membre du Conseil
(avec 18% du capital, le principal actionnaire étant le fonds TPG avec 26%). En février 2002, le nouveau PDG
Ron Mackintosh annonce un projet de « restructuration et d’amélioration de sa compétitivité financière ». Un
éditorialiste de la presse économique commente alors: « L’an dernier, Gemplus a perdu bien plus que de
l’argent. Son statut de leader mondial s’est volatilisé, dans la mesure où ce rang n’a de sens que par une
bonne anticipation des évolutions d’un marché et une meilleure résistance à ses aléas : avec quatre « profit
warnings » dans l’année, la contreperformance est éclatante. L’adhésion et la confiance de son personnel se
sont dissous dans une crise interne d’une rare violence ». La PRC annoncée porte sur la suppression de 1 100
postes, la rationalisation des approvisionnements et de la chaine logistique, et de possibles fermetures de sites ou
relocalisations. En avril 2002, le groupe annonce que la PRC est en bonne voie et dépasse même ses objectifs.
En juillet, le groupe annonce que 67M€ d’économies ont été réalisées, que le total annuel sera de 110 M€, et que
le groupe se repositionne comme « producteur à faible coût ». En août, un nouveau dirigeant est nommé,
contesté du fait de ses anciennes activités de conseiller à la CIA. Dans les mois qui suivent, les dissensions au
sein de l’actionnariat de Gemplus se font vives : Marc Lassus est accusé de non remboursement d’un prêt de
70M€, et TPG souhaite le révoquer. TPG propose une modification des statuts pour passer à un système de vote
majoritaire à son avantage. Enfin, l’approbation du package du nouveau dirigeant pose également problème
dans un contexte de plan social : 1,32M€ de salaire et bonus la première année, 0,5M€ de prime
d’embauche, des stocks options et une enveloppe de relocalisation de 4,9M€. Critiques sur des irrégularités
dans la gouvernance et accusation d’incompétence dans la gestion du groupe se multiplient de la part des
actionnaires minoritaires, qui ravivent les suspicions de pillage technologique au profit des USA. C’est dans ce
contexte qu’Alex Mandl présente en décembre 2002 son nouveau plan stratégique.
327
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Les indemnités versées à J.P. Tirouflet lors de son départ de Rhodia sont critiquées, alors que
l’entreprise sort de longs mois de conflits entre l’ex PDG et certains actionnaires
minoritaires, et qu’une enquête européenne remet en cause son indépendance vis-à-vis de
l’ancienne maison mère Aventis. Certains dirigeants, sous la pression des actionnaires
minoritaires et de la couverture médiatique réservée au montant de leurs indemnités, finissent
par les refuser, comme l’ancien PDG d’Alstom :
337
Alstom La polémique débute lors de l'assemblée générale du groupe en juillet 2003.
Le rapport annuel mentionne un montant brut de 5,1 millions d'euros versé à P. Bilger, l'essentiel
correspondant à une indemnité de départ. Ce chiffre choque certains petits actionnaires, compte tenu
des déboires du fabricant de trains et de centrales électriques, qui frôle la faillite, et de la chute de 90
% de l'action en deux ans. « Le conseil d'administration a fait verser à M. Bilger les indemnités
auxquelles son contrat lui donnait droit, considérant que les conditions contractuelles s'appliquaient »,
leur répond Patrick Kron, le nouveau PDG. Mais le débat resurgit début août, lorsque la déroute
d'Alstom amène à organiser un sauvetage dans l'urgence, avec à la clef une renationalisation partielle.
Alors que les salariés, les actionnaires et l'Etat doivent accepter de sérieux sacrifices, l'ancien
responsable peut-il encore conserver son chèque ? « Chacun a sa conception des responsabilités »,
déclare le ministre de l'Economie et des Finances dans un entretien au « Monde ». Une association
d'actionnaires minoritaires, l'Appac, promet d'aller en justice « demander réparation ». En rendant
son indemnité, Pierre Bilger espère calmer la polémique. Mais sur le fond, assure-t-il, la polémique
sur son travail à la tête d'Alstom est « injuste », et les attaques sur sa gestion « confinent parfois à la
diffamation ». Quant à ses indemnités de départ, elles ont été « approuvées par le comité de
rémunération et le conseil d'administration » en novembre 2002, « d'une manière
scrupuleusement conforme au "gouvernement d'entreprise" », note-t-il. « C'est mon contrat de
travail qui a servi de base à la fixation de ces indemnités, et non pas une disposition décidée à la
sauvette dans la période précédant mon départ », précise-t-il au « Monde ». En 2004, Pierre Bilger
publie un livre « 4 millions d’euros, le prix de ma liberté » dans lequel il retrace sa carrière. Devenu
conseiller et observateur de la vie économique, il crée différentes structures dont le site pdgceo.com,
dont le slogan est338 : « Tout ce que vous souhaitez savoir sur la rémunération des PDG et des
administrateurs des sociétés cotées...et son évolution dans le temps », qui ressemble étrangement à
un acte de rédemption de la part d’un patron qui affiche sa foi.
Cependant, les bonus ou rémunérations touchées pour atteinte des objectifs de réduction de
coûts soulèvent moins de polémiques. Ainsi dans notre échantillon :
Alcatel En juin 2004, le groupe attribue un bonus de 770 000 euros à S. Tchuruk pour atteinte des
objectifs de réduction des coûts et de redressement du résultat d’exploitation de 2003.
En 2006, les actionnaires approuvent massivement la fusion avec Lucent et plébiscitent la
prolongation du mandat de S. Tchuruk.
Vivendi J.JR. Fourtou, le « sauveteur » de Vivendi Universal, a rempli toutes les missions assignées par
le conseil d’administration du groupe en quasi-faillite en juillet 2002. Conformément aux
Universal dispositions de son contrat, il a touché l’ensemble des boni prévus, avec de nombreuses stock-
options (soit une valeur estimée à environ 27M€ au moment de son départ), avant d’être nommé
président du conseil de surveillance du groupe. Le montant élevé de sa rémunération a soulevé là
encore des débats sur le thème du prix de la performance et de la légitimité de la rémunération
des patrons d’entreprises en difficulté.
337
Citations extraites de l’article « Alstom : sous la pression, Bilger rend ses indemnités de départ », Les Echos ,
19/08/03.
338
Site internet : www.pdgceo.com, consulté le 05/12/06, et blog de P. Bilger : www.blogbilger.com, consulté le
05/12/06.
328
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Dans le discours sur les PRC, les mesures prises et les efforts demandés aux salariés, aux
sous-traitants et aux fournisseurs font l’objet d’une stratégie discursive dans laquelle les
efforts sont présentés comme inévitables compte tenu de l’environnement, du contexte
économique, et de la crise dans laquelle se trouve l’entreprise. Si la PRC est menée à bien, le
dirigeant souligne souvent dans son discours l’implication des équipes et les remercie de leurs
efforts et de leur travail, utilisant à nouveau le discours comme un levier d’action pour le
futur : leur travail et leurs efforts passés ayant été pris en compte, les salariés sont susceptibles
de voir l’avenir avec espoir.
Air France « Nous avons su montrer que la stratégie engagée par Air France depuis plusieurs années était
la bonne. Elle nous a permis de résister grâce à la réactivité et la mobilisation de l’ensemble du
personnel de la Compagnie » (J.C. Spinetta, novembre 2001).
Air « En 2004, nous lancerons un nouveau programme d'action sur 3 ans qui conjugue accélération
Liquide de la mise sur le marché de nos produits et services, diffusion des meilleures pratiques et gestion
continue de notre efficacité tout en nous appuyant sur les femmes et les hommes du Groupe et
sur nos atouts technologiques » (B. Potier, février 2004)
EADS « Aujourd’hui, nous remercions notre équipe internationale de direction et tous les salariés
d’EADS pour les cinq années de succès et de performances exceptionnelles qui ont permis à
EADS de prendre une ‘Longueur d’avance’ (The step Beyond). Nous avons transformé une
juxtaposition d’entreprises en un véritable leader industriel mondial. Nous avons intégré nos
divisions tout en conservant cette diversité qui est l’un de nos principaux avantages compétitifs
Nous pouvons donc tous être fiers d’avoir tenu les promesses que nous avions faites à nos
actionnaires il y a cinq ans. EADS se trouve dans une situation financière saine et promise à un
fort potentiel de croissance » (P.Camus et R.Hertrich, CEOs, mars 2005).
Vivendi « Les équipes de Vivendi Universal ont accompli ensemble un travail considérable »
Universal (J.R. Fourtou, mars 2004 lors de la présentation des résultats 2003).
329
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Plusieurs entreprises de notre échantillon ont fait l’objet d’un vaste plan de PRC qui s’est
accompagné par des mesures de désendettement et de recapitalisation. Pour illustrer
l’utilisation du discours sur les PRC par les dirigeants, à la fois comme instrument de
rhétorique pour convaincre salariés et investisseurs et outil de management des hommes et des
femmes, nous avons choisi d’étudier en détail la communication sur le plan « Ambition FT
2005 » de France Telecom et son volet d’économies baptisé plan TOP.
Les raisons qui ont motivé ce choix sont la présence dans ce cas particulier de plusieurs
caractéristiques relevées aux chapitres précédents. Un nouveau dirigeant est nommé à la tête
de l’entreprise qui est une figure de « cost killer » ayant fait ses preuves dans d’autres
entreprises. L’Etat français est impliqué ce qui rend la communication à toutes les parties
prenantes particulièrement stratégique et importante. Enfin, ce plan a fait l’objet lors de son
annonce d’une communication très détaillée (dans notre mesure de score du chapitre deux, le
communiqué d’annonce de ce plan a obtenu le score le plus élevé et est donc le plus
« opportuniste »). Nous allons exposer les différents moments forts de cette « histoire » en
soulignant en gras au fur et à mesure les différents éléments clés du discours. Nous
interpréterons ces éléments au fur et à mesure de l’exposé de ce cas.
339
« Thomson Multimédia met en place une nouvelle organisation plus décentralisée », Les Echos, 30/07/97.
330
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Au cours de son parcours, T. Breton a donc utilisé une méthode « choc » consistant à
annoncer rapidement un audit, suivi d’un vaste programme de restructuration et d’économies.
L’accent est mis sur le caractère détaillé et précis des plans d’actions et sur l’utilisation des
outils de contrôle de gestion (reporting) pour suivre progressivement les réalisations.
L’intention est de se démarquer clairement d’annonces qui pourraient être perçues comme
uniquement symboliques. Le plan est contrôlé, les outils de contrôle gestion et leur fonction
de rationalisation sont ouvertement mobilisés, ce qui permet d’être légitime au sein de
l’environnement institutionnel. La structure formelle de l’organisation est mise en avant, et on
retrouve l’utilisation et le recours à la rationalité des chiffres mentionné au chapitre trois dans
l’analyse du discours de Carlos Ghosn.
Dans cette situation de crise et d’incertitude, la gestion symbolique prend toute son
importance : le nouveau dirigeant incarne la figure du « sauveur » (on retrouve notre « cost
killer » du chapitre trois, preux chevalier volant au secours de l’entreprise) dans le but de
regagner la confiance des marchés financiers. Le résultat semestriel à annoncer est une très
mauvaise nouvelle. On aura donc symboliquement recours à un sacrifice en remerciant
l’ancien président du groupe, dans un rituel de sacrifice proche de celui du bouc émissaire
développé par René Girard.
De la nomination à l’annonce du plan de sauvetage
Dès le lendemain de sa nomination par le conseil des ministres, le nouveau PDG lance un audit pour cerner
les moyens de réduire les coûts, et passer en revue les actifs. Il s’adresse aux cadres dirigeants du groupe
pour les rassurer. Le plan de sauvetage détaillé sera dévoilé début décembre. Le groupe, lourdement endetté,
doit rembourser dès l’année suivante 15 milliards d’euros. L’Etat doit recapitaliser, mais il faut également lever
des fonds ce qui nécessite souligne la presse « d’avoir une « histoire boursière à raconter » aux marchés,
c’est-à-dire une stratégie pour donner aux gérants envie d’investir » ce qui prend un peu de temps. De
nombreuses hypothèses circulent sur les stratégies possibles. Fin octobre, Thierry Breton fait un point sur
l’audit d’état des lieux et sur « l’amélioration des performances opérationnelles de l’entreprise » dans un climat
assez tendu où les salariés souhaitent un dévoilement plus rapide du plan. Selon un cadre de la direction cité par
La Tribune, « l’inquiétude est grande sur les projets de réduction des budgets opérationnels et des
investissements et la présence d’auditeurs dans les couloirs n’est pas rassurante ». Fin novembre, le Wall
Street Journal indique que l’essentiel du programme opérationnel sera constitué de programmes de réduction
340
Les Echos, 04/12/02.
331
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
des coûts. Le plan est débattu de façon détaillée entre le gouvernement et le groupe : « en raison du contexte
social miné, l’entreprise ne fera aucune annonce spectaculaire. Mais elle devrait mentionner clairement le
problème des sureffectifs et du retard de compétitivité par rapport à la concurrence » indique Le Monde341.
L’inquiétude sur l’emploi se manifeste par une forte participation des salariés à la grève nationale pour la
défense des services publics du 26 novembre, et par des appels à manifestation des syndicats le jour de
l’annonce du plan. La menace de 40 à 45 000 suppressions d’emplois est évoquée. A l’issue d’une rencontre
avec les syndicats le 3 décembre, le porte parole du groupe indique: « M. Breton a annoncé aux syndicats qu’il
n’y aurait pas de plan, que ce qu’il allait proposer était une dynamique. Il proposera une ambition, une
vision, afin de mieux servir les clients et de préserver l’intégrité du groupe et de l’emploi au maximum de ses
forces».
Répétant les méthodes éprouvées par le passé, le dirigeant a recours immédiatement à un audit
avant de décider des mesures à envisager. Là encore, l’audit est mobilisé comme un « rituel
d’action rationalisé » (Power, 2005, p.183) qui rassure et par conséquent légitime l’entreprise
par la présence de structures de contrôle formelles et de mesures de performance susceptibles
de faire l’objet d’un audit. La présentation du plan doit permettre de « raconter une histoire »
aux actionnaires et aux investisseurs, « histoire » dont nous avons vu l’importance dans la
création de sens et de confiance dans les projets de l’entreprise (cf. section 1.2).
Tout au long des discours, le dirigeant va soigneusement choisir ses mots pour mobiliser les
salariés inquiets : ainsi il se prépare à annoncer « une dynamique », une « vision » et pas un
« plan », mot dont l’utilisation dans ce contexte sonnerait comme un plan social. Le discours
se construit sur un évitement du principal point sensible de ce dossier : l’emploi. A ce moment
de crise, l’euphémisme employé évoque « une gestion sociale nouvelle », sans aucun « plan »
ni « suppression » d’aucune sorte.
341
« Un plan de sauvetage à hauts risques pour France Télécom », Le Monde, 2/12/02.
342
voir Deville & al. (2005) pour un récit détaillé de la couverture de ces 24 heures par les dépêches.
332
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Concernant le programme TOP, qui est le volet de réduction des coûts du groupe, l’annonce précise qu’il « se
décompose en une centaine de projets parfaitement identifiés » et se fonde sur des hypothèses de chiffre
d’affaires conservatrices. Un système de reporting et de responsabilisation des projets du programme TOP
est mis en place et « une réduction du nombre des niveaux hiérarchiques et de reporting va être réalisée,
tout en accentuant la responsabilisation et le suivi des managers sur les comptes de résultats, le cash flow et
certains éléments du bilan ». Les investissements seront réduits et optimisés, et le BFR fera l’objet d’attentions
particulières. De plus, le volet social du plan fait l’objet de mots tout particulièrement choisis : « la mise en
œuvre du programme d’amélioration de la performance opérationnelle TOP et son succès nécessitent une
organisation du groupe et une gestion sociale nouvelle ». En plus des 20 000 départs en préretraite déjà prévus,
le groupe va « intensifier le redéploiement des compétences dans le groupe » et geler les recrutements, alors que
l’Etat va mettre en place une « mission mobilité ». Aucune cession majeure n’est annoncée, mais le groupe
prévoit un recentrage « sur ses marques fortes ».
La première cible des économies concerne les frais généraux : les voyages (classe économique pour tout le
monde), les achats, la publicité, l’informatique et ses sous-traitants, la formation. « Demandez-vous chaque
matin comment trouver de nouvelles économies » dit Thierry Breton à ses salariés, expliquant que l’audit a
permis de découvrir des gisements inexploités d’économies. Orange fait l’objet de nombreux projets
d’économies (estimées à 3 MM€) : « l’opérateur mobile a déjà fait une croix sur son luxueux projet de nouveau
siège au milieu d’un lac et s’attend à une réduction du coûteux siège londonien, conçu selon les principes de la
philosophie orientale du Feng Shui » indiquent les Echos 343.
L’annonce du plan, et du soutien financier apporté par l’Etat, est également pour le gouvernement l’occasion de
poser le principe du désengagement de l’Etat dans l’entreprise : « le gouvernement avance les justifications
économiques pour se dispenser d’un débat idéologique » souligne Le Monde344. En effet, un communiqué du
ministère des finances indique : « le gouvernement constate que l’obligation juridique de détention majoritaire
du capital de l’entreprise a été l’une des causes de la crise financière actuelle. En conséquence, si à l’avenir
l’intérêt stratégique de l’entreprise l’exigeait, le gouvernement ne ferait pas obstacle à ce que l’Etat détienne
moins de la majorité du capital de France Télécom » reste alors à faire sauter dans un second temps le verrou
législatif empêchant la privatisation. La privatisation n’est finalement qu’une question de « bonne
gouvernance ».
Le volet social du plan « Ambition FT 2005 » est très éloigné des rumeurs alarmistes, mais les syndicats
redoutent encore le jour de l’annonce les conséquences, jugées assez floues, de ce plan.
Thierry Breton choisit ses mots pour remobiliser ses salariés, qui sont également actionnaires de leur
entreprise : il parle de « volonté de se battre ».
La réaction des investisseurs et des analystes au plan Breton est enthousiaste : le titre termine la séance en
hausse de 16,52%. Les agences de notation ont bien réagi à cette annonce : Fitch repasse la perspective de note
à « positive », Merrill Lynch repasse à « achat ».
La réaction attendue de la part des investisseurs et des analystes est au rendez vous : la gestion
symbolique et les mesures annoncées, qui comprennent en plus du plan TOP une forte
implication de l’Etat dans le renforcement des fonds propres, de nature à faciliter ensuite le
refinancement, permettent de restaurer la confiance.
Aux éléments de nature sociologique que nous avons évoqués au chapitre trois concernant les
pressions institutionnelles qui poussent les dirigeants à annoncer une PRC, s’ajoutent des
éléments de nature psychologique. La mise en scène du plan TOP chez France Télécom fait
ainsi également apparaître une « gestion de l’impression » (Goffman, 1973) réussie. Pour
Goffman (1973), plusieurs éléments entrent en effet dans le jeu des représentations. Le
premier élément est la foi mise dans le rôle qui est joué. Le deuxième élément est la façade,
qui guide les observateurs dans leur définition de la situation. Elle comprend le décor et les
343
« France Télécom : Thierry Breton centre son plan sur la réduction des dépenses », Les Echos, 5/12/02.
344
« Francis Mer et Jean-Pierre Raffarin enterrent le modèle d’économie mixte », Le Monde, 5/12/02.
333
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Ainsi, quelques mois après l’annonce de son plan à trois ans, France Télécom réussit,
concomitamment à un apport de 9 milliards d’euros de l’Etat français, l’augmentation de
capital, ainsi rapportée par la presse économique 346 :
« la plus grosse augmentation de capital jamais réalisées par une société européenne, ce qui témoigne des
qualités de stratège de Thierry Breton».
« Les petits actionnaires sont, eux carrément ménagés. Ils le méritent bien après la purge qu’ils ont subie
depuis l’ouverture du capital. Leur fidélité est récompensée et le prix de revient de leurs actions bénéficie d’une
salutaire révision à la baisse. Ce faisant, le gouvernement songe avant tout à ses prochaines privatisations,
EDF en tête.
La communauté financière, elle, applaudit carrément. Elle est toujours sous le charme de Thierry Breton qui
agit vite et avec détermination. A n’en pas douter, les pouvoirs publics semblent avoir fait le bon choix avec
ce « cost killer » qui a déjà fait ses preuves chez Bull et Thomson. (…)
Aujourd’hui, l’opérateur télécom n’est plus le paria de la Bourse. Il pourrait même, à brève échéance,
s’imposer comme une valeur de retournement, confortant a posteriori l’opinion de son ancien PDG Michel
Bon qui, à l’été 2002, le décrivait – sans être entendu- comme une excellente affaire. Débarrassé de l’«épée de
Damoclès » financière, Thierry Breton va désormais pouvoir s’attacher à gérer France Télécom comme tout
patron le fait d’une entreprise normale. Sa priorité sera d’en faire une « cash cow » en s’appuyant sur le plan
de réduction des coûts lancé sur trois ans. Aujourd’hui, les marchés n’ont plus de doutes sur sa capacité à
générer les 15 milliards d’euros d’économies promis ».
345
Rojot (2005) note que cette représentation est suivant l’expression de Durkheim une cérémonie d’affirmation
des valeurs morales de la communauté.
346
Extraits de « France Télécom, valeur de retournement ? », Les Echos, 25 mars 2003.
334
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Le dirigeant, ayant projeté une image de volonté et de détermination dans l’action, a réussi à
convaincre ses auditeurs d’accorder leur confiance à l’organisation et donc de financer son
entreprise très endettée. La confiance apparaît bien comme le résultat d’une construction
sociale qui combine éléments de preuve (plans d’actions, puis soutien de l’Etat) et éléments
de foi et de croyance (« impression » gérée par le dirigeant).
Les réalisations font ensuite l’objet d’une communication opportuniste (au sens de GRW) et
détaillée.
Si les analystes ne sont pas toujours satisfaits du niveau de détail fourni, le groupe va faire un
suivi régulier et détaillé par indicateur des réalisations. Le nom du plan, TOP, est
fréquemment répété pour communiquer. Dans l’usage rhétorique du discours, le nom de
l’objet du discours est en effet fondamental (Kieser, 1997).
335
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
La gestion stratégique des réalisations du plan TOP passe par l’utilisation d’indicateurs
spécifiquement mise en place par l’entreprise pour gérer ses plans d’actions, comme
« l'indicateur TOP Résultat d'Exploitation Avant Amortissements moins CAPEX » mentionné
ci-dessus, qui de plus est commenté dans ses évolutions par rapport à des données « pro
forma », donc élaborées de façon ad hoc. L’utilisation de ces indicateurs propres relève à la
fois de la décision opérationnelle qui permet d’ajuster les plans d’actions à l’organisation mise
en place pour réaliser les réductions de coûts, et d’une volonté de ne pas communiquer sur des
indicateurs comptables normés. Les dirigeants se préservent ainsi une marge de manœuvre
potentielle pour communiquer sur les réalisations du plan même si le résultat net comptable
est décevant, voire pour manipuler ces indicateurs sans incidence sur les états financiers
audités et donc sans risque d’être accusés de présenter de fausses informations.
Transposée à la gestion, cette lecture met en évidence de façon assez critique l’appartenance
de l’information de gestion à la dimension spectaculaire de l’entreprise. Le discours produit
par ce spectacle (illustré et imagé par des indicateurs, ratios, coûts, marges..) est alors loin
d’être uniforme et rationnel. « Il produit sa propre falsification, et s’alimente de toutes formes
de contestation. Dans les débats sur le partage des profits, la focalisation sur les indicateurs
obnubile l’essentiel : le langage. » (Gumb, 2004). De plus, le management contemporain, qui
manage par les chiffres, se développe en particulier grâce aux ambitions élargies de la
comptabilité de gestion qui s’appuie sur des systèmes d’information enrichis et intégrés. C’est
une forme « intégrée » du spectacle, qui est assez redoutable compte tenu de l’aura de
rationalité dont bénéficient les données financières et comptables.
336
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
Revenue à une situation financière saine, l’entreprise annonce donc dès la fin du plan TOP un
nouveau plan fortement ancré dans une logique de PRC offensive structurelle.
Le profil de l’entreprise évolue donc d’une PRC défensive en réaction à l’importante crise
financière à laquelle l’entreprise doit faire face fin 2002, à un profil de PRC structurelle
offensive, dans laquelle des actions sont mises en œuvre avant que les effets de la concurrence
et des mutations technologiques importantes dans ce secteur ne se fassent sentir sur la
profitabilité des opérations. L’étude longitudinale du discours sur les PRC de France Telecom
permet de montrer que la PRC s’institutionnalise dans la durée. Un plan devrait succéder à un
autre plan « d’adaptation » ou « d’amélioration de la performance », capitalisant les
expériences et les significations partagées construites au fur et à mesure du plan précédent. Le
discours sur le plan TOP, compte tenu de la situation de crise dans laquelle se trouvait France
Telecom, a été soigneusement utilisé comme un instrument à la fois stratégique et rhétorique
pour convaincre l’ensemble des parties prenantes de la validité du plan et de la légitimité des
actions envisagées. Le discours sur le suivi des réalisations s’est appuyé sur des indicateurs de
performances développés pour suivre les projets du plan, qui ont permis pendant trois ans de
construire des représentations communes des objectifs à atteindre. Ces représentations
communes, ainsi que le discours développé, servent ensuite de ressources à l’entreprise pour
développer de nouveaux plans de PRC devenus partie intégrante de la culture de l’entreprise.
337
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
Le discours des dirigeants sur leurs PRC présente ainsi la double caractéristique d’être un
discours managérial, et de s’appuyer sur la comptabilité et les systèmes comptables de calculs
des coûts. En tant que discours managérial, c’est un acte de langage spécifique émis dans un
contexte organisationnel particulier. Il contribue à instituer de nouveaux faits institutionnels
au sein de l’organisation. Il contribue également à façonner la réalité organisationnelle et à
donner du sens aux actions de ceux qui travaillent dans l’entreprise.
Notre étude longitudinale des discours montre que cette création de sens relève à la fois d’un
usage stratégique du discours, destiné à mobiliser les parties prenantes, salariés ou sous-
traitants. Les dirigeants mobilisent également les capacités rhétoriques du discours pour
regagner la confiance des investisseurs et faire apparaître les mauvaises performances comme
le résultat de circonstances extérieures. A l’inverse, lorsque les objectifs de la PRC sont
atteints, les bonnes performances sont présentées comme le résultat d’un travail collectif, le
« nous » réapparait.
En tant que discours utilisant les chiffres comptables, le discours s’appuie sur un modèle
comptable et des systèmes liés qui contribuent à former une vision particulière de la réalité
sociale organisationnelle et de l’environnement économique dans laquelle elle se situe. La
priorité est de rétablir le résultat et la « création de valeur ».
Lorsque les PRC induisent des fermetures de sites, des groupes adoptent une stratégie
d’annonce brutale, que l’on pourrait qualifier d’électrochoc, ce qui faut le cas de Renault lors
de la fermeture de Vilvorde en 1997, de Michelin en 1999 (après 10 plans sociaux) et,
volontairement ou non, pour Danone lors de la fermeture des sites Lu. Dans ces annonces, on
cache souvent l’humain sous les mots, avec des formules comme les « coûts associés à la
mise en œuvre de la stratégie d’amélioration de la compétitivité »347 qui permettent de ne pas
parler de « licenciements ». Presque dix ans après la fermeture de Vilvoorde par Renault qui
donna lieu à de nombreuses protestations, manifestations et à l’adoption d’une directive
européenne sur la consultation obligatoire des salariés avant toute décision concernant la
347
Communiqué Michelin, mars 2000
338
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
situation de l’emploi, la fermeture du site de Ryton par le groupe Peugeot donne lieu à peu de
réactions. Le gouvernement britannique se déclare « très déçu ». Un débat assez court a lieu
sur les performances du site : le site n’est pas « moins productif » mais « moins compétitif »
compte tenu de l’éloignement, et un expert souligne l’ancienneté de cette usine anglaise « qui
fait bien plus appel au travail humain, n’a pas le degré de mécanisation des autres usines, car
cela ne valait tout simplement pas le coup aux yeux de son directeur financier ». Les
annonces de fermetures de sites en Europe, dans un environnement dans lequel la
mondialisation est perçue comme de plus en plus prégnante, semblent donc inéluctables. Au-
delà des mécanismes strictement économiques, on peut à juste titre s’interroger sur le rôle du
discours et de sa fonction performative sur la construction sociale de ce caractère inéluctable.
L’affirmation répétée de la recherche d’une amélioration permanente de la performance joue
probablement un rôle de constructeur de cette réalité sociale, en temps de crise de l’entreprise
mais également lorsqu’elle est en bonne santé.
Les entreprises qui doivent annoncer une PRC ainsi que des mesures fortes de désendettement
et de restructuration font parfois le choix de dramatiser la crise et d’adopter un discours
mobilisateur présentant un avenir meilleur. On serait proche alors d’un discours façon
Winston Churchill promettant « du sang et des larmes », dans une guerre économique cette
fois-ci. Cette dramatisation n’est pas la garantie d’une politique réussie : si elle fonctionne très
bien pour France Telecom, pour laquelle la communication sur le plan ainsi que l’ensemble
des mesures annoncées restaurent la confiance et permettent la sortie de la crise, ce n’est pas
le cas d’Alstom lors de l’annonce du plan « Restore Value ». Il faudra attendre un an de plus
et une nouvelle mobilisation forte de l’Etat pour que la confiance soit restaurée grâce au plan
de sauvetage. Dans le cas de Vivendi Universal, la crise est forte et sa solution drastique, sans
participation de l’Etat, mais une forte implication de certains membres du conseil
d’administration soutenant aussi fortement le nouveau PDG qu’ils avaient contribué à la chute
de l’ancien, et faisant probablement jouer leurs réseaux pour aider la résolution de la crise de
trésorerie.
Les discours sur les PRC, outils stratégiques et rhétoriques mobilisés par les dirigeants des
entreprises cotées, ne sont bien entendu pas l’unique mécanisme qui explique l’annonce et
l’adoption de programmes de réduction des coûts par les entreprises. Cependant, ces discours,
qui se croisent et s’encastrent dans d’autres discours de soutien plus large sur la performance
et la création de valeur, contribuent à l’institutionnalisation de ces pratiques. Il contribuent à
339
Chapitre 4 : le discours des entreprises sur les PRC : stratégique ou rhétorique ?
définir les mots et les expressions qui permettent de parler de réduction des coûts, et à
marginaliser le cas échéant les autres mots considérés comme impropres ou dépourvus de
l’habitus linguistique approprié. Les règles d’élaboration et de contrôle de ces discours font
qu’on ne peut parler de ces concepts qu’en utilisant le langage approprié, autorisé dans la
sphère économique et financière. Ils jouent également un rôle, avec les systèmes comptables
sur lesquels ils s’appuient, dans la construction d’une réalité organisationnelle tournée
prioritairement dans la maximisation du profit, au détriment éventuel d’autres enjeux.
340
Conclusion
CONCLUSION GENERALE
L’objet de cette thèse est d’étudier le discours des entreprises cotées françaises sur leurs
politiques de réduction de coûts (PRC). Le mot discours implique naturellement une analyse
du contenu, des mots et du langage utilisé, mais également une prise en compte du contexte,
un discours étant un acte d’énonciation prononcé (ou écrit) dans un contexte socio-historique
particulier. Cet aspect essentiel des PRC est souvent symbolisé par l’utilisation de noms
médiatisés - souvent à consonance anglo-saxonne - tels que Optimax, TOP, Restore Value ou
Power 8. L’auditoire, réel ou supposé, auquel s’adresse ce discours est également important.
Le discours sur les PRC présente en outre la double caractéristique d’être un discours
managérial, souvent mobilisé par les dirigeants des entreprises, et de s’appuyer sur les
systèmes comptables, utilisés pour calculer et modéliser les coûts. La PRC relève en effet de
la sphère du calcul économique et comptable de l’entreprise. Le discours sur les PRC est donc
déterminé de façon conjointe par son appartenance à la communication financière de
l’entreprise et par le fait qu’il porte sur un objet comptable.
Du fait de la complexité de notre objet de recherche, et des multiples facettes qu’il présente,
nous avons mis en œuvre une démarche de recherche mobilisant plusieurs cadres théoriques
pour éclairer de façon complémentaire les différentes facettes de cet objet.
Ainsi, dans l’introduction, nous avons tout d’abord abordé les évolutions de la
communication financière jusqu’au contexte récent. Elle apparait comme un instrument de
persuasion des entreprises cotées, destiné à entretenir la confiance des investisseurs et à les
341
Conclusion
342
Conclusion
approche statique : c’est l’annonce faite aux marchés à un instant t qui est analysée. Le cadre
théorique mobilisé est celui de la théorie positive de la comptabilité et de la théorie du signal,
qui constituent le cadre d’étude le plus classique des études sur les divulgations volontaires
d’information financière. Pour étudier ces annonces, nous avons adapté le modèle de
communication financière de Gibbins, Richardson & Waterhouse (1990) aux annonces de
PRC. Nous avons ensuite testé ce modèle, grâce à une analyse de contenu, sur un échantillon
de 89 communiqués financiers d’annonces de PRC (pour 51 entreprises), entre juillet 1999 et
début 2003. Nos résultats ont mis en évidence l’existence des deux positions de
communication postulées par le modèle : une position ritualiste, qui correspond à des
annonces assez standardisées ou imprécises, et une position opportuniste, caractérisée par
des annonces détaillées, précises dans les mesures envisagées et dans les objectifs de
réduction des coûts. Ces résultats ont également permis de mettre en évidence une troisième
position que nous avons qualifiée d’instable, pour des entreprises qui ont fait deux annonces
successives, une « ritualiste » et une « opportuniste ». Concernant les déterminants des
positions de communication, nos résultats montrent que les facteurs influant positivement sur
la position opportuniste sont un actionnariat dispersé, la présence de l’Etat au capital, et la
présence du titre de l’entreprise au sein du CAC 40. L’étendue de la PRC ainsi que le fait
d’être dans une situation financière difficile semblent également de nature à favoriser une
communication opportuniste sur les PRC. Enfin, les entreprises avec une position
opportuniste sont plus nombreuses que les autres à être dirigées par un patron récemment
nommé.
Le chapitre trois traite du discours sur les PRC à un niveau « macro », celui de
l’environnement institutionnel des entreprises cotées. Notre analyse de contenu du chapitre
deux a mis en effet en évidence l’utilisation de certains mots qui s’inscrivent dans un discours
plus général sur les performances des entreprises. Les annonces de PRC semblent répondre
également à des attentes des acteurs des marchés financiers, auxquels les entreprises cotées
adressent prioritairement leur discours. La PRC et la communication des entreprises sur leurs
PRC peuvent ainsi être analysées comme le résultat de routines et de règles institutionnelles
qui ont fait de la PRC une « bonne pratique » de gestion. Pour éclairer ces mécanismes, le
cadre théorique mobilisé est celui de la théorie néo-institutionnelle. Les pressions
isomorphiques - normatives, coercitives et mimétiques - qui s’exercent sur les entreprises
cotées pour leur faire annoncer voire adopter des PRC sont étudiées, grâce à une analyse des
discours émis par différents acteurs. L’institutionnalisation et l’adoption des pratiques
343
Conclusion
managériales ne passe en effet pas par l’imitation directe d’une action, mais par la
communication de textes à propos de cette action. Notre analyse de discours s’est ainsi portée
sur un ensemble de textes sur les PRC émanant de différents acteurs considérés comme
légitimes dans le champ institutionnel : avis d’analystes financiers, articles de la presse
économique ou professionnelle, manuels de management, articles académiques, mais aussi
biographie de grand patron ou extraits de sites internet ou de présentation aux analystes
financiers. Nos résultats permettent de faire apparaitre un double jeu de pressions
isomorphiques vers l’homogénéisation des discours sur les PRC, pressions qui s’exercent au
coeur ce champ institutionnel. L’un concerne les pratiques de communication financière, et a
un effet sur le type d’informations et le format de la communication, à travers la
professionnalisation de la communication financière et le « benchmarking » systématique.
L’autre concerne la diffusion et l’adoption de la PRC, et porte donc sur le discours sur la PRC
et sa légitimité. L’institutionnalisation de la PRC fait donc de cette pratique une « bonne
pratique », dont l’adoption renforce la légitimité organisationnelle. On peut donc s’attendre à
ce que le discours émis par les entreprises sur leurs PRC incorporent des signaux de
légitimité.
Le chapitre quatre revient donc au niveau « micro » du discours sur les PRC, pour observer
cette fois de façon longitudinale le discours émis par les 51 entreprises du chapitre deux, de
l’annonce à la fin du plan annoncé. Parmi ces 51 entreprises, quatre ne communiquent après
leur annonce de PRC que de façon imprécise ou vague. Elles ont un discours essentiellement
symbolique sur leurs PRC, en découplage avec leurs pratiques effectives. Les dirigeants des
autres entreprises utilisent leur discours soit comme un outil stratégique pour mobiliser
salariés et fournisseurs vers l’atteinte des objectifs de réduction des coûts, soit comme un
instrument rhétorique pour se dédouaner des mauvaises performances et se féliciter des
réussites des plans de PRC. Les résultats de notre observation longitudinale des discours sur
les PRC font ainsi apparaitre quatre profils de discours sur les PRC : un profil symbolique, un
profil de PRC défensive, un profil de PRC offensive conjoncturelle et un profil de PRC
offensive structurelle. Au cours de la période, une partie importante des profils évolue dans le
sens d’une institutionnalisation progressive de la PRC : d’une nécessité économique pour une
entreprise en crise (PRC défensive), la PRC devient ainsi un objectif stratégique inscrit dans
le plan à moyen terme de l’entreprise (PRC offensive structurelle). Cette sédimentation passe
par l’utilisation d’un langage approprié et l’utilisation d’indicateurs comptables destinés à
représenter la réalité organisationnelle conformément aux objectifs définis par les dirigeants.
344
Conclusion
L’objet de cette recherche, qui présente de multiples facettes, a été peu étudié dans la
littérature, malgré des annonces fréquentes de PRC de la part des entreprises cotées. La
littérature s’est essentiellement concentrée sur les angles d’analyse qui touchent aux
restructurations et à la gestion de sureffectifs.
L’originalité de notre recherche porte ainsi aussi bien sur son objet, sur l’approche et sur la
méthodologie d’analyse de discours mise en œuvre.
Les apports et implications de cette recherche sont à la fois de nature managériale, théorique
et méthodologique.
Nos résultats du chapitre deux pourraient en outre faire l’objet de préconisations pour les
directions de la communication financière ou les services de relations avec les investisseurs
des entreprises cotées en matière de communication sur les PRC.
345
Conclusion
D’autre part, notre recherche, et en particulier les résultats du chapitre trois relatifs aux
pressions isomorphiques à l’annonce et à l’adoption de PRC, devrait permettre d’un point de
vue managérial une mise en perspective de la PRC et de son caractère inéluctable et inévitable
au moment de prendre des décisions stratégiques. D’autres voix mettent également en
évidence les dangers sur le long terme de la généralisation des PRC au détriment de la
stratégie348.
Notre recherche propose une démarche reposant sur un cadre multi-théorique pour éclairer les
différentes facettes d’un objet de recherche peu exploré. En proposant un cadre complexe,
plusieurs facettes peuvent être éclairées, de façon parfois exploratoire, ce qui ouvre plusieurs
voies de recherche susceptibles de prolonger cette thèse.
Au chapitre trois, nous avons utilisé et adapté un modèle discursif d’institutionnalisation des
PRC. Un des principaux résultats de ce chapitre est la construction d’un système de
production et de consommation de textes sur la PRC. Ce type de système est réutilisable sur
d’autres problématiques managériales, ou d’autres outils. Il met en évidence l’importance des
textes et des discours dans les mécanismes d’institutionnalisation, de diffusion des « bonnes
pratiques », et de création de la réalité sociale.
348
Voir par exemple l’éditorial de la lettre Stratégie de l’ESCP-EAP intitulé « La réduction des coûts est une
démarche suicidaire », rédigée par F. Fréry, Hiver 2006.
346
Conclusion
Enfin, au chapitre quatre, nous nous sommes interrogés sur la prééminence socialement
construite du niveau de résultat et de rentabilité versus d’autres aspects sociaux, en utilisant
conjointement le discours et la rationalité inscrite dans les systèmes comptables. Cette
interrogation vient contribuer à la réflexion critique sur l’utilisation des outils comptables et
du discours managérial. Le discours sur les PRC contribue à la promotion d’une vision de
l’entreprise maximisant ses profits pour augmenter sa « valeur actionnariale », le cas échéant
au détriment de ses salariés et sous-traitants.
D’un point de vue méthodologique, cette recherche constitue dans un premier temps un apport
original en matière d’utilisation de l’analyse de contenu pour observer la communication
financière volontaire des entreprises cotées. En effet, bien souvent la qualité de la
communication financière est mesurée par un score qui repose essentiellement sur une
dimension quantitative de l’information divulguée (absence ou présence de l’information).
Notre méthodologie d’analyse de contenu, et l’outil de mesure de score élaboré, viennent
compléter des démarches déjà entreprises pour mieux intégrer les dimensions non seulement
quantitatives mais aussi qualitatives de l’information financière volontaire (cf. les travaux de
Beattie & al., 2004, par exemple).
Par ailleurs, nous avons également développé une méthodologie d’analyse de discours dans le
chapitre trois destinée à éclairer l’ensemble des pressions isomorphiques exercées sur les
entreprises, en utilisant un modèle discursif d’institutionnalisation (Phillips & al. 2004), non
encore utilisé de façon empirique dans le contexte français.
347
Conclusion
Une première limite tient au très important volume de données collectées et utilisées dans le
cadre de cette recherche. En effet, notre souhait de prendre en compte à la fois des dimensions
quantitatives et qualitatives, d’éclairer une dimension statique et une dimension dynamique
des discours sur les PRC a entrainé un nombre important de données textuelles à traiter, avec
Sphinx-Lexica ou en analyse qualitative.
En conséquence, au chapitre deux, la taille de l’échantillon est une limite pour une
généralisation statistique. Cette taille se justifie par notre démarche de recherche dans laquelle
une étude longitudinale est entreprise à la suite de l‘étude des annonces de PRC en tant
qu’évènement particulier. Pour obtenir des résultats susceptibles de permettre une
généralisation statistique plus solide, il conviendrait d’étendre l’échantillon initial en
élargissant le critère de choix des entreprises : dans notre sélection, nous n’avons retenu que
les entreprises figurant au SBF 250.
Une extension de la taille de l’échantillon permettrait également de mieux explorer les liens
entre position de communication et caractéristiques des sociétés, et donc de faire un travail
statistiquement plus poussé sur les déterminants. Les critères de mesure de la structure
actionnariale par exemple pourraient à cette occasion être affinés.
Sur un échantillon plus important, cette recherche pourrait être par ailleurs prolongée par une
étude d’évènements sur les annonces de PRC.
D’autre part, nous avons relevé à la fin du chapitre deux et au cours des chapitres trois et
quatre des éléments liés au parcours de certains dirigeants d’entreprise, et leur influence
potentielle dans l’adoption mimétique de PRC. Cette analyse pourrait être approfondie et
prolongée par une analyse des réseaux sociaux, en élaborant par exemple des cartes de
réseaux. Dans ces cartes, les parcours de ces dirigeants au sein des entreprises pourraient être
mis en évidence, ainsi que d’autres liens comme leur formation d’origine ou leur
appartenance aux mêmes associations professionnelles.
348
Conclusion
Compte tenu de la fréquence des annonces de plans de réduction des coûts ou de plans
« d’amélioration de la performance », les voies de recherche futures ouvertes par ce travail
doctoral sont donc nombreuses.
349
Annexes
ANNEXES
350
Annexes
351
Annexes
29/08/02 Carrefour a atteint ses objectifs de réduction des coûts au premier semestre Les Echos
Casino
26/02/01 Casino gêné à terme par manque de ressources Les Echos
08/03/02 Casino attend une nouvelle hausse de 20% du résultat net en 2002 Les Echos
Groupe Chargeurs
13/09/01 Le groupe textile Chargeurs résiste au ralentissement mondial Les Echos
19/12/01 Eduardo Malone détient désormais 17% de Chargeurs Les Echos
14/03/02 Chargeurs pénalisé par l’Argentine et les Etats-Unis Les Echos
12/03/03 Chargeurs : stable après résultats annuels en recul Cercle finance
22/04/03 Chargeurs : recul du CA trimestriel et du titre Cercle finance
11/09/03 Chargeurs : le Rex diminue de moitié au S1 Cercle finance
Ciments français
07/09/00 Italcementi et Ciments Français lancent un plan d’économies tous azimuts Les Echos
20/02/01 Ciments français veut réduire ses coûts Les Echos
Club Med
02/04/02 Le hamac de Bourguignon Les Echos
Crédit Agricole
17/12/02 Le mariage du Crédit Lyonnais avec le Crédit Agricole fera disparaître entre Le Monde
4000 et 4500 emplois
19/12/02 Fusion Crédit Agricole – Crédit Lyonnais : le marché s’interroge sur les pertes Les Echos
de revenus
Danone
11/01/01 Danone prépare une vaste restructuration de sa branche biscuits en Europe Les Echos
18/01/01 Danone s’estime victime d’une campagne de déstabilisation Les Echos
31/01/01 Danone : le résultat net progresse de 5,7% en 2000 Les Echos
11/10/01 Danone réalisera en 2002 des performances similaires à 2001 La Tribune
29/03/01 La direction de Danone lève le voile sur la restructuration des biscuits LU Les Echos
30/03/01 Danone va supprimer 1800 emplois en Europe dans sa branche biscuits Les Echos
23/01/02 Franck Riboud Les Echos
13/03/02 Danone va accélérer ses programmes de réduction des coûts Les Echos
13/03/02 Plan de reclassement : Danone assure avoir tenu ses engagements Le Figaro
24/07/02 Malgré des pertes, Danone confirme ses objectifs de croissance SDA
30/01/03 Danone annonce la fermeture anticipée de ses usines LU de Calais et de Ris- Le Monde
Orangis
Dexia
14/09/01 Après les acquisitions, Dexia s’attaque à ses coûts La Tribune
09/11/01 Un vent de démutualisation souffle sur la France Les Echos
26/11/01 Dexia met l’accent sur les réductions de coûts La Tribune
29/11/01 Le titre Dexia chute en Bourse Les Echos
EADS
15/02/00 L’équipe dirigeante d’EADS respecte l’équilibre franco-allemand Les Echos
20/12/00 Airbus demande à la sous-traitance de baisser les prix Les Echos
21/12/00 Jean-Luc Lagardère veut remettre de l’ordre au sein de la direction d’EADS Les Echos
22/12/00 EADS pourrait supprimer 1500 emplois Les Echos
17/01/02 Airbus – pas de licenciements secs pour le moment Reuters
Faurecia
27/05/98 Faurecia s’attend à une croissance de 50% de ses principaux métiers Les Echos
27/05/99 Faurecia cherche à réduire ses coûts en s’implantant en Pologne Les Echos
23/02/00 Daniel Dewavrin quitte la présidence de Faurecia le 22 mai prochain Les Echos
15/02/01 Déficitaire en 2000, Faurecia pense rebondir en 2001 Les Echos
03/12/01 La perspective d’une perte nette en 2001 fait chuter le titre Faurecia Les Echos
France Télécom
02/10/02 Un plan de sauvetage difficile à boucler La Tribune
02/10/02 Breton en mission d'Etat chez France Télécom La Tribune
14/10/02 France Télécom semble condamnée à se dépouiller pour survivre La Tribune
25/10/02 Premier rapport d’étape pour France Télécom La Tribune
25/11/02 Finalisation du plan de sauvetage de France Télécom Les Echos
26/11/02 L’embellie se poursuit pour France Télécom La Tribune
352
Annexes
353
Annexes
18/11/02 Marc Lassus ne déteindrait plus que 3,7% du capital Les Echos
Lafarge
08/01/01 Lafarge sur le point de s’offrir le britannique Blue Circle Reuters
01/03/01 Lafarge confiant pour 2001 après de bons résultats en 2000 Reuters
LVMH
05/03/02 LVMH attendu sur son recentrage après les pertes prévues en 2001 Reuters
08/03/02 LVMH veut redresser DFS et Sephora avant d’envisager une cession Reuters
Michelin
10/06/99 Michelin : la roue tourne Les Echos
14/06/99 Edouard Michelin affirme ses priorités devant ses actionnaires Les Echos
17/09/99 La Bourse contre l’emploi ? L’affaire Michelin Le Point
Nexans
25/05/01 Alcatel introduit Nexans en Bourse à un prix jugé attractif Les Echos
12/09/01 Nexans maintient l’objectif de marge opérationnelle à 5,5% en 2003 Reuters
13/02/02 Nexans : résultats 2001 honorables mais sombres perspectives Reuters
13/07/02 Nexans fait le gros dos en attendant la reprise Les Echos
Pechiney
02/02/01 Pechiney affiche les plus beaux résultats de son histoire Les Echos
05/03/01 Malgré l’échec d’APA, le titre Pechiney peut rebondir Les Echos
07/12/01 Pechiney tempère un avertissement sur résultats par des réductions de coûts Les Echos
07/12/01 Pechiney chiffre à 20% la baisse de sa marge opérationnelle 2001 Les Echos
Pernod Ricard
02/05/02 Pernod Ricard s’allie avec le brasseur japonais Kirin Les Echos
02/10/02 Pernod-Ricard – des résultats semestriels meilleurs que prévu Reuters
26/09/03 Pernod-Ricard confirme son bon état de santé La Tribune
Pinault Printemps Redoute
06/09/01 PPR peut investir 1 MM€ par an Reuters
PSA Peugeot Citroën
14/02/02 Fort de ses bons résultats en 2001, PSA affiche sa confiance pour cette année Les Echos
Rémy Cointreau
19/06/98 Rémy-Cointreau prévoit u retour à l’équilibre pour l’exercice 1998-1999 Les Echos
14/06/02 Rémy Cointreau vise une croissance du résultat net de 50% d’ici à trois ans Les Echos
Renault
29/03/99 Avec Nissan, Renault devient le quatrième constructeur mondial Les Echos
12/01/00 Renault aims to continue scheme to reduce costs Financial Times
13/01/00 Renault engage un nouveau plan d’économie drastique La Tribune
13/01/00 Renault annonce un nouveau plan de réduction des coûts de 20 milliards Les Echos
Rexel
05/09/01 Rexel confirme ses objectifs de résultat sur l’année Les Echos
06/03/02 Rexel a nettement réduit sa structure de coûts en attendant un rebond significatif Les Echos
de l’activité
18/07/02 Rexel : chiffre d’affaires en baisse de 7,1% au 1er semestre Les Echos
30/10/02 Rexel : nouvelles suppressions d’emplois et pertes en vue Reuters
Rhodia
18/10/99 Jean Pierre Tirouflet : « J’ai invité Bruxelles Lambert à entrer au capital de Les Echos
Rhodia »
28/01/00 Rhodia a doublé son résultat net l’an dernier Les Echos
19/04/00 Rhodia cherche à redresser son cours de bourse Les Echos
19/06/00 Les investisseurs affichent leur défiance à l’égard du titre Rhodia Les Echos
27/06/00 Rhodia prévoit 90 millions d’euros de synergies avec A&W à partir de 2002 Les Echos
28/07/00 Le groupe Rhodia affiche une baisse de 6% de son résultat net semestriel Les Echos
31/01/01 L’envolée des matières premières fait reculer le résultat net de Rhodia Les Echos
02/07/01 Rhodia va plonger dans le rouge au 20 trimestre 2001 Les Echos
09/07/01 Rhodia doit regagner la confiance des investisseurs Les Echos
Schneider Electric
06/01/99 Schneider change de transformateur Les Echos
27/02/02 Schneider – perte 2001 plus lourde que prévu liée à Legrand Reuters
Société Générale
354
Annexes
355
Annexes
Arcelor
08/03/04 Arcelor va devoir accélérer sa restructuration Les Echos
16/06/04 Arcelor anticipe la fin du cycle de hausse de l’acier La Tribune
17/02/05 Arcelor dépasse les attentes du marché La Tribune
356
Annexes
357
Annexes
30/01/03 Danone annonce la fermeture anticipée de ses usines LU de Calais et de Ris- Le Monde
Orangis
12/02/04 Danone se fixe des objectifs ambitieux de rentabilité pour 2004 Les Echos
17/04/04 « Quand tout va bien, Danone vise une croissance interne de 8 à 10% » Investir hebdo
14/02/05 Danone a bien traversé l’année 2004 Les Echos
16/02/06 Danone optimiste en 2006 après un bon exercice2005 Les Echos
Dexia
29/11/01 Le titre Dexia chute en Bourse Les Echos
13/05/02 Dexia veut être perçu comme une valeur de croissance Les Echos
24/05/02 Dexia chute après un trimestre mitigé La Tribune
14/03/03 Dexia met de l’ordre dans ses activités La Tribune
05/03/04 Dexia remet les collectivités au cœur de son développement La Tribune
04/03/05 Dexia achève 2004 sur des résultats en forte progression Les Echos
03/03/06 Dexia engrange les bénéfices en attendant son plan stratégique La Tribune
27/09/06 Dexia pérennise son modèle pour assurer son développement La Tribune
EADS
04/03/02 Arianespace se prépare à une importante baisse d’activité Les Echos
19/03/02 Du bon papier d’aluminium Les Echos
19/03/02 Le groupe parie sur la stabilisation des ventes d’Airbus Les Echos
07/06/02 Arianespace doit être recapitalisé à hauteur d’un demi-milliard d’euros Les Echos
01/07/02 Arianespace prévoit de parvenir à l’équilibre en 2003 Les Echos
23/12/02 EADS et BAE Systems ont rompu leur accord sur le constructeur Astrium Les Echos
06/03/03 Aéronautique et aérien : sérénité chez Airbus et Air France Les Echos
10/03/03 Restructuration annoncée à EADS : 1700 suppressions de postes en France Le Monde
09/12/03 Airbus veut réaliser 1,5 MM d’euros d’économies par an Les Echos
05/01/04 2004, l’année de tous les risques et de tous les enjeux pour Arianespace Les Echos
05/01/04 Aéronautique : Airbus contraint de renforcer ses mesures d’économies Les Echos
07/01/04 Arianespace démarre 2004 avec deux contrats au Japon Les Echos
09/03/04 EADS renoue avec les profits en 2003 et réévalue ses objectifs pour 2004 Les Echos
Faurecia
03/12/01 La perspective d’une perte nette en 2001 fait chuter le titre Faurecia Les Echos
01/02/02 Faurecia supprimera 300 postes en France d’ici au printemps 2003 Les Echos
07/02/02 Faurecia ferme cinq usines et va supprimer 1 800 postes La Tribune
24/07/02 Faurecia atteint juste l’équilibre au premier semestre Les Echos
07/02/03 Faurecia a creusé sa perte nette en 2002 Les Echos
26/07/04 Faurecia annonce un doublement de son bénéfice semestriel Les Echos
07/02/06 Faurecia est retombé dans le rouge l’année dernière Les Echos
28/08/06 Grégoire Oliver choisi pour redresser l’équipementier Faurecia Les Echos
France Télécom
05/12/02 La gouvernance Le Monde
06/12/02 Le plan Breton pour France Télécom est plébiscité La Tribune
13/12/02 Bruxelles étudie le plan de France Télécom Le Monde
14/02/03 France Télécom supprime 13 000 emplois dont près de 7 500 en France Le Monde
30/04/03 France Télécom mène sans heurts son plan de réduction des coûts Le Monde
02/02/04 France Télécom a cédé 1,33% à 23,81€ Les Echos
05/02/04 France Télécom tient ses objectifs mais enregistre une baisse de l’activité fixe Les Echos
17/03/04 France Télécom a supprimé 25 000 postes Les Echos
15/02/06 France Télécom accélère sa transformation La Tribune
Gascogne (ex-Groupe Gascogne)
05/01/04 Electricité et Eaux de Madagascar rate son OPE sur Gascogne Les Echos
18/03/04 Groupe Gascogne se recentre sur le papier et l’emballage Les Echos
13/07/04 Groupe Gascogne va garder ses activités Bois Les Echos
Gemplus
19/12/02 Gemplus aiguise les convoitises L’Express
20/12/02 L’assemblée générale extraordinaire de Gemplus renforce le pouvoir de son Les Echos
actionnaire TPG
13/02/03 Gemplus ne promet pas de retour aux bénéfices en 2003 Les Echos
03/04/03 Gemplus – la justice nomme deux experts Les Echos
358
Annexes
10/02/05 Gemplus sort du rouge mais poursuit ses réductions de coûts Les Echos
10/02/05 Après trois années de crise, Gemplus renoue avec les profits Le Monde
08/12/05 Gemplus, la star qui tente de retrouver son éclat Les Echos
04/01/06 Pourquoi Gemplus joue la carte Gemalto Les Echos
03/02/06 Gemplus écope d’une amende de 600 000 euros Les Echos
15/09/06 Gemalto – Cartes à puce : un décryptage de la crise Investir
01/11/06 Des fonds gloutons à l’arrière goût de CIA L’Expansion
Générale de Santé
19/03/04 Générale de Santé veut augmenter sa marge de 3 points d’ici à 2006 Les Echos
17/09/04 Générale de Santé envisage à nouveau la croissance externe Les Echos
24/03/06 Générale de Santé réussit son projet d’externalisation immobilière Les Echos
Géodis
25/03/02 Géodis prévoit un retour aux bénéfices en 2003 Les Echos
06/01/06 Fortis relève son objectif de cours sur Géodis Reuters
07/03/06 Pierre Blayau : Géodis privilégie des alliances, capitalistiques ou non » La Tribune
GFI Informatique
19/03/04 Les résultats de GFI Informatique bien accueillis La Tribune
16/03/05 GFI Informatique poursuit son recentrage La Tribune
Imerys
12/03/02 Le groupe Imerys a bien résisté au ralentissement conjoncturel en 2001 Les Echos
06/05/03 La résistance d’Imerys bien accueillie en Bourse La Tribune
03/03/04 Imerys a résisté à la hausse de l’euro La Tribune
09/03/05 Les années de profit se succèdent pour Imerys La Tribune
Ingenico
04/05/04 J.M. Descarpentries démissionne de la présidence d’Ingenico Les Echos
13/09/04 Ingenico : priorité donnée à la restauration des marges et au désendettement Les Echos
04/03/05 Ingenico confirme son redressement en 2004 Les Echos
22/09/05 Ingenico rassure les marchés Les Echos
17/03/06 Ingenico confiant dans son plan de redressement Les Echos
Lafarge
01/03/02 Le groupe Lafarge table sur une année de consolidation Les Echos
25/02/05 Les résultats 2004 de Lafarge confortent sa stratégie Les Echos
24/02/06 Lafarge dévoile un plan stratégique axé sur de meilleures performances Les Echos
opérationnelles
LVMH
03/05/04 LVMH Les Echos
Michelin
08/07/02 Comment Edouard a transformé Michelin Le Figaro
31/07/06 L’impact des matières premières grignote la rentabilité de Michelin Les Echos
20/10/06 Michelin a gagné 3,27% hier Les Echos
Nexans
04/02/05 Nexans fait mieux mais doit encore réduire ses coûts Les Echos
03/02/06 La Bourse s’enflamme pour les résultats de Nexans Les Echos
25/10/06 Le meilleur de Nexans Les Echos
Pechiney
17/12/01 Pechiney Les Echos
19/12/01 Le « profit warning » d’Alcoa pèse sur l’action Pechiney La Tribune
28/02/02 EDF cède sa participation dans Pechiney pour 369 millions d’euros Les Echos
26/07/02 Pechiney touché par la baisse du dollar Les Echos
30/01/03 Pechiney ferme une usine en Ariège Le Monde
31/01/03 Le groupe enregistre ses premières pertes depuis 1996 Les Echos
31/01/03 Pechiney supprimera 600 emplois en France cette année Les Echos
30/04/03 Le dollar fait plonger Pechiney dans le rouge au premier trimestre Les Echos
09/07/03 L’autre challenge de Rodier Les Echos
15/09/03 Pechiney, fin d’un champion national Les Echos
10/11/03 Les éléments exceptionnels pèsent lourd dans les comptes de Pechiney Les Echos
17/07/04 Cent cinquante ans d’aventure industrielle Le Figaro
Pernod Ricard
359
Annexes
360
Annexes
361
Annexes
362
Annexes
363
Annexes
364
Annexes
365
Annexes
366
Annexes
367
Annexes
17/05/03 Suez : nouvelle étape dans la réalisation de son plan d’action 2003-04
31/07/03 Suez : bilan à 6 mois du plan d’action
04/09/03 Suez : 1er semestre 2003
04/03/04 Suez : résultats 2003
02/09/04 Suez : résultats semestriels 2004
20/01/05 Suez – Hausse de 13 % du dividende et nouveau plan Optimax
10/03/05 Suez : résultats 2004
Nov 01 Thomson : lettre aux actionnaires
Mai 02 Rapport annuel 2002 : Stratégie du groupe
22/07/04 Thomson : résultats semestriels 2004
15/09/04 Thomson : l’approbation des actionnaires permet la mise en œuvre du plan en 5 points
30/11/04 Thomson présente son plan à deux ans
14/03/01 TotalFinaElf : résultats 2000
30/01/02 TotalFinaElf : résultats 2001
25/07/01 Valeo: résultats semestriels : première étape du redressement
15/10/01 Valeo annonce le projet de fermeture de son usine de Baumenheim en Allemagne
18/10/01 Valeo: résultats 3ème trimestre : poursuite du redressement
11/01/02 Valeo : poursuite de la restructuration industrielle et adaptation des effectifs au niveau de
marché
11/02/03 Valeo : stratégie industrielle et amélioration des résultats
27/02/03 Valeo reçoit le prix AT Kearney «Global excellence of operations» du site de production
de l’année
10/02/04 Valeo – résultats 2003
22/07/04 Valeo – résultats semestriels 2004
28/03/02 Vivendi environnement : bonne performance dans un contexte difficile
04/03/03 Vivendi environnement : résultats 2002
24/09/03 Veolia environnement : résultats 1er semestre et décisions de recentrage stratégique
08/03/04 Veolia environnement : résultats 2003
17/09/04 Veolia environnement : 1er semestre 2004
16/03/05 Veolia environnement : résultats 2004
13/03/06 Veolia environnement : résultats 2005
24/07/02 Communiqué de J.R. Fourtou, PDG de Vivendi Universal
06/03/03 Vivendi Universal : résultat 2002
17/03/04 Vivendi Universal : résultat 2003
10/03/05 Vivendi Universal : résultat 2004
368
Annexes
369
Annexes
• Tableau 3 : Liste des 62 mots les plus fréquents du lexique lemmatisé et réduit
370
Annexes
Annexe 5- Tableau 1 : les adjectifs, verbes et substantifs les plus fréquents du lexique
(corpus global)
(1) Adjectifs : Corpus global : Tous les adjectifs- Nombre de valeurs différentes : 852-
‘net’ est le plus cité : 269 observations.
(2) Verbes : Corpus global : Tous les verbes- Nombre de valeurs différentes : 697
‘être’ est le plus cité : 504 observations.
(3) Substantifs : Corpus global : Tous les substantifs- Nombre de valeurs différentes : 1703
‘groupe’ est le plus cité : 629 observations.
371
Annexes
Lexiques relatifs des mots ‘réduction’ (134 occ.) et « réductions » (19 occ.) : co-occurrences entre le mot
« réduction » et d’autres mots du lexique
Seuls apparaissent les mots associés plus de 2 fois avec le mot « réduction » au singulier, Textes extraits de
‘corpus global’
372
Annexes
373
Annexes
374
Annexes
Groupe 3 Coûts 7
Permis 3 Besoin 2
Mesures 2 Capacités 2
Pris 2 Coût 2
Dépenses 2
Dette 2
Exposition 2
Frais 2
Significativement 2
375
Annexes
Air France a décidé de réduire ses capacités en adaptant sa flotte de la façon *63*
Afin de réduire le coût de notre capital et d’accélérer le taux *212*
activités e-Business pour réduire notre exposition à des marchés plus déprimés *285*
sont également en cours pour réduire les dépenses et le besoin en fond de roulement *289*
ne devrait pas permettre de réduire les pertes opérationnelles constatées au premier *322*
afin de réduire les coûts et le besoin en fonds de roulement à *346*
lancé le 14 mars 2002 pour réduire la dette *387*
réduire notre dette et améliorer de façon significative *393*
capacité de production et réduire davantage nos coûts *426*
la gestion des sinistres et réduire les dépenses *750*
Chargeurs Tissus a dû réduire ses capacités à marche forcée et s’est désengagé *1137*
à chaque salarié et de réduire l’impact social sur le bassin d’emploi *1552*
De réduire les coûts industriels de 16 % *1621*
EADS veut réduire de manière significative les effectifs du siège *1772*
de réduire les coûts par une plus forte intégration *1861*
ont permis au Groupe de réduire *2187*
permettant aux clients de réduire le coût de développement et de maintenance du *2317*
parvenant à réduire de 1 *2429*
réduire sensiblement les investissements pour 2004 *2476*
permis de réduire l’exposition de la branche Réfractaires & *2501*
Fiabiliser les processus et réduire les coûts *3229*
€ permet au Groupe de réduire son ratio d’endettement à 0 *3476*
d’économies visant à réduire les frais généraux dans ces activités ont été *3815*
a pris des mesures afin de réduire significativement les coûts durant cette période *4021*
pris des mesures afin de réduire significativement les coûts durant cette période *4073*
par le Groupe a permis de réduire la *4189*
ont été prises pour réduire les frais des sièges de Paris et New York ainsi *4604*
376
Annexes
Annexe 5- Tableau 3 : Liste des 62 mots les plus fréquents du lexique lemmatisé et réduit
‘V1_LR’ : Liste des 62 mots les plus fréquents du lexique lemmatisé et réduit
2 en réalité le mot non lemmatisé est le mot « marchés » : il faut donc entendre un
nombre d’occurrence de 155+113 = 268 pour le mot « marché » au singulier et au
pluriel.
Le choix de 62 mots précisément a été fait pour pouvoir inclure l’ensemble des mots les plus représentés y
compris « restructuration »
377
Annexes
L’indice de spécificité (entre parenthèses) est le rapport entre la fréquence observée pour un
mot et la répartition des fréquences proportionnelles à la taille du corpus. L’indice de
spécificité utilisé est de 1,2 et est un indicateur des mots statistiquement surreprésentés dans
un communiqué par rapport à la taille du communiqué : certains mots spécifiques peuvent
donc n’apparaître qu’une fois dans le communiqué et être néanmoins spécifiques.
378
Annexes
379
Annexes
380
Annexes
Mots spécifiques
PRC 2
CP 20
CP 17 ARCELOR Nb. CP 18 ARCELOR Nb. CP 19 AXA Nb. BOURSORAMA Nb.
groupe 23 (3,57) production 5 (11,89) résultat 26 (2,55) marche 10 (5,18)
être 15 (2,10) groupe 5 (1,72) financier 10 (3,55) baisse 6 (7,08)
ensemble 8 (7,44) être 4 (1,24) actif 9 (5,72) coût 6 (3,39)
nouveau 6 (5,52) capacité 3 (6,83) établir 9 (4,91) réduction 5 (4,28)
produit 5 (3,87) investissement 3 (5,80) affaire 9 (4,53) actif 3 (4,32)
action 5 (2,43) produit 3 (5,15) chiffre 9 (3,95) nouveau 3 (3,71)
production 4 (4,29) mesure 2 (4,20) opérationnel 8 (1,82) augmenter 2 (2,91)
investissement 3 (2,61) réaliser 2 (3,21) augmenter 7 (4,50) fin 2 (2,65)
devoir 3 (1,50) objectif 2 (2,45) coût 5 (1,25) bon 2 (2,57)
coût 3 (1,26) devoir 2 (2,22) charge 4 (2,60) effet 2 (2,47)
capacité 2 (2,05) général 1 (2,30) fin 4 (2,34) établir 2 (2,47)
développement 2 (1,56) fin 1 (2,19) représenter 4 (2,25) niveau 2 (2,32)
rentabilité 1 (2,14) produit 4 (1,84) nouvel 2 (2,28)
ensemble 1 (2,06) élever 4 (1,77) développement 2 (2,10)
performance 1 (2,02) très 3 (1,83) permettre 2 (1,71)
notamment 1 (2,00) performance 3 (1,62) enregistrer 1 (1,42)
amélioration 1 (1,95) amélioration 3 (1,56) poursuivre 1 (1,41)
nouvel 1 (1,88) baisse 3 (1,56) rentabilité 1 (1,30)
développement 1 (1,73) progresser 2 (1,29) mesure 1 (1,27)
plan 1 (1,70) hausse 2 (1,27) acquisition 1 (1,22)
atteindre 1 (1,51) performance 1 (1,22)
Mots specif. PRC 1 2 1 3
381
Annexes
CP 27
CP 24 CAP GEMINI Nb. CP 25 CARREFOUR Nb. CP 26 CASINO Nb. CHARGEURS Nb.
nouvel 6 (9,11) résultat 10 (2,41) groupe 8 (4,69) groupe 6 (4,52)
programme 6 (7,94) périmètre 6 (9,38) développement 5 (14,75) élever 2 (7,24)
groupe 6 (1,67) groupe 6 (1,36) activité 4 (3,15) résultat 2 (1,60)
notamment 3 (4,85) objectif 5 (4,02) général 3 (11,77) charge 1 (5,33)
permettre 3 (3,42) croissance 5 (2,35) poursuivre 2 (7,93) capacité 1 (4,99)
marche 3 (2,07) exploitation 4 (2,98) effet 1 (3,48) nouveau 1 (4,47)
opérationnel 3 (2,06) progresser 3 (4,74) amélioration 1 (3,32) baisse 1 (4,27)
général 2 (3,72) notamment 3 (3,95) investissement 1 (3,29) affaire 1 (4,12)
mesure 2 (3,39) atteindre 3 (2,98) nouvel 1 (3,21) plan 1 (3,73)
nouveau 2 (3,29) enregistrer 2 (3,09) objectif 1 (2,08) chiffre 1 (3,59)
réduction 2 (2,28) progression 2 (2,61) permettre 1 (3,10)
augmenter 1 (1,94) affaire 2 (2,47) réduction 1 (3,10)
production 1 (1,92) chiffre 2 (2,15) exploitation 1 (2,48)
poursuivre 1 (1,88) coût 2 (1,23) devoir 1 (2,43)
capacité 1 (1,84) charge 1 (1,60)
rentabilité 1 (1,73) actif 1 (1,56)
investissement 1 (1,56) poursuivre 1 (1,53)
forte 1 (1,53) capacité 1 (1,50)
développement 1 (1,40) ensemble 1 (1,35)
atteindre 1 (1,22) acquisition 1 (1,33)
performance 1 (1,33)
Mots spécif. PRC 3 1 0 2
382
Annexes
CP 29 CIMENTS CP 30 CIMENTS
CP 28 CHARGEURS Nb. FRANCAIS Nb. FRANÇAIS Nb.
résultat 8 (1,82) groupe 6 (1,90) résultat 4 (1,77)
affaires 7 (4,93) résultat 5 (1,68) hausse 3 (8,64)
chiffre_d 7 (4,71) activité 4 (1,70) très 3 (8,27)
exploitation 6 (4,23) hausse 2 (4,38) baisse 2 (4,72)
activité 5 (1,44) poursuivre 2 (4,28) exploitation 2 (2,74)
devoir 4 (2,76) général 2 (4,24) devoir 2 (2,69)
marche 4 (2,13) société 2 (4,19) coût 2 (2,26)
capacité 3 (4,25) progression 2 (3,65) marche 2 (2,07)
baisse 3 (3,64) forte 2 (3,49) progresser 1 (2,91)
effet 2 (2,54) exploitation 2 (2,08) actif 1 (2,88)
établir 2 (2,54) devoir 2 (2,04) production 1 (2,88)
programme 2 (2,04) coût 2 (1,72) général 1 (2,79)
charge 1 (1,51) croissance 2 (1,32) bon 1 (2,57)
restructuration 1 (1,51) actif 1 (2,19) effet 1 (2,47)
enregistrer 1 (1,46) périmètre 1 (2,19) acquisition 1 (2,45)
très 1 (1,42) enregistrer 1 (2,16) développement 1 (2,10)
fin 1 (1,36) amélioration 1 (1,79) programme 1 (1,98)
bon 1 (1,32) nouvel 1 (1,73) permettre 1 (1,71)
mesure 1 (1,31) élever 1 (1,52) financier 1 (1,61)
performance 1 (1,26) programme 1 (1,51) action 1 (1,30)
réduction 1 (1,30)
financier 1 (1,22)
Mots spécif. PRC 3 3 2
383
Annexes
384
Annexes
385
Annexes
386
Annexes
CP 52 GROUPE GASCOGNE Nb. CP 53 GROUPE GASCOGNE Nb. CP 54 IMERYS Nb. CP 55 INGENICO Nb.
groupe 10 (1,70) activité 19 (2,27) résultat 16 (1,28) programme 6 (6,75)
restructuration 7 (8,42) résultat 18 (1,70) croissance 10 (1,56) être 6 (1,28)
activité 7 (1,60) réduction 8 (2,92) exploitation 9 (2,22) résultat 5 (1,26)
résultat 7 (1,27) mesure 7 (3,80) établir 8 (3,56) fin 4 (6,00)
mesure 5 (5,20) exploitation 7 (2,05) affaires 8 (1,98) activité 4 (1,27)
croissance 5 (1,77) bon 6 (3,29) chiffre_d 8 (1,89) amélioration 3 (4,02)
général 4 (4,55) progression 6 (3,08) coût 8 (1,63) nouvel 3 (3,88)
rentabilité 4 (4,24) investissement 5 (2,50) acquisition 7 (3,09) très 2 (3,13)
plan 4 (3,37) enregistrer 4 (2,43) notamment 7 (3,06) effet 2 (2,80)
devoir 4 (2,20) amélioration 4 (2,02) baisse 7 (2,98) niveau 2 (2,63)
coût 4 (1,85) permettre 4 (1,46) vente 7 (2,28) produit 2 (2,36)
réduction 3 (2,10) fin 3 (1,69) hausse 6 (3,11) objectif 2 (1,68)
effet 2 (2,02) baisse 3 (1,51) périmètre 6 (3,11) exploitation 2 (1,56)
amélioration 2 (1,93) forte 3 (1,47) bon 6 (2,78) coût 2 (1,28)
affaire 2 (1,86) développement 3 (1,34) effet 5 (2,23) périmètre 1 (1,63)
chiffre 2 (1,62) réaliser 3 (1,24) forte 4 (1,66) production 1 (1,63)
réaliser 2 (1,59) poursuivre 2 (1,20) produit 4 (1,50) capacité 1 (1,56)
actif 3 (1,56) société 1 (1,56)
enregistrer 3 (1,54) mesure 1 (1,44)
progression 3 (1,30) établir 1 (1,40)
amélioration 3 (1,28) nouveau 1 (1,40)
nouvel 3 (1,23) notamment 1 (1,38)
progression 1 (1,36)
Mots spécifiques PRC 5 2 1 3
CP 57 CP 59
CP 56 LAFARGE Nb. LAFARGE Nb. CP 58 LVMH Nb. MICHELIN Nb.
action 5 (5,05) résultat 19 (2,39) résultat 18 (1,30) vente 17 (3,85)
groupe 4 (1,29) exploitation 9 (3,50) activité 16 (1,45) croissance 15 (1,63)
actif 3 (6,70) acquisition 7 (4,86) marche 14 (2,35) périmètre 13 (4,69)
capacité 3 (6,42) nouvel 7 (4,52) opérationnel 13 (2,18) exploitation 13 (2,24)
représenter 3 (5,92) hausse 5 (4,08) croissance 12 (1,69) marche 13 (1,69)
acquisition 3 (5,70) action 5 (1,85) bon 7 (2,92) notamment 12 (3,65)
programme 3 (4,62) coût 5 (1,60) baisse 6 (2,30) baisse 10 (2,96)
réaliser 3 (4,51) croissance 5 (1,23) vente 6 (1,76) élever 10 (2,51)
notamment 2 (3,76) amélioration 4 (2,68) marge 6 (1,44) hausse 9 (3,25)
amélioration 2 (3,66) développement 4 (2,38) enregistrer 5 (2,31) chiffre_d 9 (1,48)
investissement 2 (3,63) augmenter 3 (2,48) capacité 5 (2,24) affaires 8 (1,38)
réduction 2 (2,66) très 3 (2,35) rentabilité 5 (2,11) charge 7 (2,58)
très 1 (2,14) performance 3 (2,08) performance 5 (1,99) augmenter 7 (2,56)
effet 1 (1,92) progresser 2 (1,65) augmenter 4 (1,89) acquisition 7 (2,15)
performance 1 (1,90) poursuivre 2 (1,60) très 4 (1,79) produit 7 (1,83)
développement 1 (1,63) société 2 (1,56) mesure 4 (1,65) forte 6 (1,73)
financier 1 (1,25) bon 2 (1,46) notamment 4 (1,58) établir 5 (1,55)
développeme
notamment 2 (1,38) nt 4 (1,36) production 4 (1,44)
progression 2 (1,36) réaliser 4 (1,26) capacité 4 (1,38)
forte 2 (1,30) progresser 3 (1,42) société 4 (1,38)
Mots spécifiques
PRC 2 1 1 0
387
Annexes
CP 63
CP 60 NEXANS Nb. CP 61 NEXANS Nb. CP 62 NEXANS Nb. PECHINEY Nb.
3
résultat 16 (2,72) résultat 13 (1,52) nouvel (12,37) hausse 16 (7,54)
opérationnel 8 (3,17) opérationnel 11 (2,99) développement 2 (7,58) opérationnel 15 (2,53)
effet 4 (3,79) atteindre 8 (3,87) vente 2 (6,54) marge 14 (3,39)
performance 4 (3,76) notamment 6 (3,84) financier 2 (5,82) coût 11 (2,03)
chiffre 4 (3,05) niveau 6 (3,67) marche 2 (3,75) marche 9 (1,53)
atteindre 4 (2,81) action 6 (2,06) opérationnel 2 (3,73) action 8 (1,71)
marche 4 (1,59) vente 5 (2,38) être 2 (1,36) forte 6 (2,26)
programme 3 (2,29) marche 5 (1,37) production 1 (5,21) chiffre_d 6 (1,29)
vente 3 (2,08) division 4 (3,04) nouveau 1 (4,47) notamment 5 (1,99)
réduction 3 (1,97) périmètre 4 (3,04) produit 1 (3,76) vente 5 (1,48)
restructuration 2 (2,26) enregistrer 4 (3,01) coût 1 (2,04) production 4 (1,89)
progresser 2 (2,23) réduction 4 (1,81) enregistrer 4 (1,87)
poursuivre 2 (2,16) devoir 4 (1,42) général 4 (1,83)
capacité 2 (2,12) restructuration 3 (2,33) société 4 (1,81)
très 2 (2,12) effet 3 (1,96) bon 4 (1,68)
bon 2 (1,97) performance 3 (1,94) niveau 4 (1,52)
notamment 2 (1,86) progression 3 (1,90) produit 4 (1,36)
affaire 2 (1,75) baisse 3 (1,87) charge 3 (1,45)
élever 2 (1,54) poursuivre 2 (1,49) établir 3 (1,21)
financier 2 (1,23) général 2 (1,47) acquisition 3 (1,20)
capacité 2 (1,46)
rentabilité 2 (1,37)
affaire 2 (1,20)
Mots spécif
PRC 3 2 1 1
CP 66
CP 65 PERNOD PERNOD
CP 64 PECHINEY Nb. RICARD Nb. RICARD Nb. CP 67 PSA Nb.
10
groupe 7 (2,92) chiffre 6 (5,80) résultat (2,22) objectif 17 (5,11)
être 5 (1,88) opérationnel 6 (3,01) affaire 6 (6,83) marge 12 (3,61)
coût 4 (4,52) croissance 6 (2,54) chiffre 6 (5,95) opérationnel 12 (2,51)
devoir 3 (4,03) activité 6 (1,64) opérationnel 6 (3,09) vente 10 (3,67)
réaliser 2 (3,88) résultat 6 (1,30) action 5 (3,26) division 9 (5,26)
objectif 2 (2,96) affaire 5 (5,55) général 4 (5,57) nouveau 7 (3,52)
division 1 (2,88) performance 3 (3,58) objectif 4 (2,96) chiffre_d 6 (1,60)
société 1 (2,76) développement 3 (3,06) atteindre 3 (2,75) action 6 (1,59)
très 1 (2,76) réaliser 3 (2,84) croissance 3 (1,30) rentabilité 5 (2,64)
mesure 1 (2,54) marche 3 (1,51) très 2 (2,76) affaires 5 (1,39)
représenter 1 (2,54) hausse 2 (2,80) fin 2 (2,65) représenter 4 (2,07)
acquisition 1 (2,45) enregistrer 2 (2,77) augmenter 1 (1,46) nouvel 4 (1,85)
performance 1 (2,45) ensemble 2 (2,43) bon 1 (1,28) atteindre 4 (1,49)
amélioration 1 (2,36) atteindre 2 (1,78) représenter 1 (1,27) général 3 (1,70)
atteindre 1 (1,83) permettre 2 (1,67) acquisition 1 (1,22) société 3 (1,68)
permettre 1 (1,71) objectif 2 (1,44) performance 1 (1,22) établir 3 (1,51)
réduction 1 (1,71) très 1 (1,34) notamment 1 (1,21)
marge 1 (1,48) fin 1 (1,29)
rentabilité 1 (1,26)
Mots spécif. PRC 3 0 0 0
388
Annexes
CP 70 REMY
CP 68 PSA Nb. CP 69 PPR Nb. COINTREAU Nb.
groupe 5 (1,72) résultat 16 (1,24) groupe 15 (1,33)
être 5 (1,55) croissance 15 (2,27) marge 10 (3,14)
production 4 (9,51) affaires 13 (3,11) opérationnel 10 (2,19)
capacité 3 (6,83) chiffre_d 13 (2,97) établir 6 (3,15)
amélioration 3 (5,85) acquisition 11 (4,69) performance 6 (3,12)
nouvel 3 (5,64) élever 11 (3,83) enregistrer 5 (3,02)
général 2 (4,60) réaliser 9 (3,04) rentabilité 5 (2,75)
nouveau 2 (4,08) exploitation 9 (2,15) amélioration 5 (2,50)
performance 2 (4,04) progression 8 (3,35) investissement 5 (2,48)
plan 2 (3,41) développement 8 (2,92) poursuivre 4 (2,39)
croissance 2 (1,43) opérationnel 7 (1,26) très 4 (2,34)
hausse 1 (2,38) investissement 6 (2,45) nouvel 4 (1,93)
poursuivre 1 (2,33) forte 5 (2,00) permettre 4 (1,45)
fin 1 (2,19) rentabilité 4 (1,81) financier 4 (1,36)
rentabilité 1 (2,14) établir 4 (1,72) actif 3 (1,83)
représenter 1 (2,10) société 3 (1,44) ensemble 3 (1,59)
ensemble 1 (2,06) effet 3 (1,29) progression 3 (1,53)
effet 1 (2,04) amélioration 3 (1,23) niveau 3 (1,48)
forte 1 (1,90) niveau 3 (1,21) développement 3 (1,33)
programme 1 (1,64) progresser 2 (1,24)
permettre 1 (1,41) hausse 2 (1,22)
objectif 1 (1,22)
Mots spécif. PRC 2 0 0
389
Annexes
390
Annexes
391
Annexes
392
Annexes
393
Annexes
394
Annexes
opérationnelle à 6%
Société Date Objectifs Modalités :
De la PRC Mesures de réduction des coûts
Alstom 14/05/03 Recentrer les activités du Programme de cessions de 3 MM€
groupe d’ici mars 2004
Améliorer la performance Nouvelle organisation
opérationnelle Programmes de réduction des coûts et
de restructuration : économies
annuelles : 500M€ d’ici 2 ans
Altran technologies 27/04/03 Mettre un terme aux Nouveau comité opérationnel et comité
dysfonctionnements d’organisation
constatés et garantir le Audit sur le contrôle interne
suivi des activités
30/10/03 Rétablir la structure Réduction d’effectifs de 734 personnes
financière Réduction du compte clients et
amélioration de la trésorerie
Arcelor 19/02/01 Synergies de fusion entre Réduction des coûts : de 300M€ en
les 3 groupes 2003 à 700 M€ en 2006
Réduction des investissements : 350
M€
24/01/03 Concentrer la production Arrêt progressif des capacités de
sur les sites les plus production non concurrentielles à
compétitifs terme
Axa 14/03/02 Accroitre le résultat Réduction des coûts, amélioration des
opérationnel de 20% en résultats techniques et renforcement de
2002 ses équipes de direction
Boursorama 2/10/01 Abaisser le point mort de Plan d’économies :
(ex Fimatex) 20 à 30% selon les pays Baisse des effectifs de 20%prévue,
baisse du budget marketing, et des
coûts informatiques
2/04/02 Résultat net positif en Economies de coûts informatiques et
2003 marketing
Canal + 12/03/03 Centrer l’activité sur les Réduction des effectifs de 305 postes
activités françaises de et externalisation d’activités (138
télévision à péage postes)
Cap Gemini E&Y 26/06/01 Maintenir une marge Programme de réduction des coûts :
d’exploitation à 8-9% dès réduction d’effectifs (2700), transferts
le second semestre à l’opérationnel, report d’initiatives
non prioritaires et réduction des
dépenses courantes
27/06/02 Adapter son organisation Simplification du modèle opérationnel
aux conditions du marché Suppression de 5500 postes
Redresser la rentabilité Poursuite des efforts de productivité et
de réduction des coûts
Carrefour 6/03/02 Pour 2002, progression Maîtrise des coûts
de 10% à 15% du résultat Maîtrise des investissements et du
net groupe fonds de roulement
Casino Guichard 13/05/03 Renforcement de l’équipe Accélérer la mise en œuvre de projets
de direction pour transversaux, l’intégration des
poursuivre l’amélioration fonctions amont
de la profitabilité du
groupe
Groupe Chargeurs 12/07/02 Réduction de la capacité Plan de réorganisation
industrielle du groupe
395
Annexes
396
Annexes
397
Annexes
398
Annexes
399
Annexes
400
Annexes
401
Annexes
CP 45 GEMPLUS 2 6 3 2 3 1 1 18 Opportuniste
CP 46 GENERALE
DE SANTE 1 1 3 0 3 1 1 10 Ritualiste
CP 47 GEODIS 1 0 1 2 3 0 0 7 Ritualiste
CP 48 GFI
INFORMATIQUE 2 1 3 0 2 0 0 8 Ritualiste
CP 49 GFI
INFORMATIQUE 2 1 3 0 1 1 0 8 Ritualiste
CP 50 GFI
INFORMATIQUE 2 1 3 0 2 1 0 9 Ritualiste
CP 51 GFI
INFORMATIQUE 2 4 2 0 2 0 0 10 Ritualiste
CP 52 GROUPE
GASCOGNE 2 5 3 0 1 1 0 12 Opportuniste
CP 53 GROUPE
GASCOGNE 2 2 3 0 2 0 0 9 Ritualiste
CP 54 IMERYS 3 1 2 0 3 0 0 9 Ritualiste
CP 55 INGENICO 1 3 3 0 3 0 0 10 Ritualiste
CP 56 LAFARGE 1 2 4 2 1 1 1 12 Opportuniste
CP 57 LAFARGE 2 1 1 0 1 0 1 6 Ritualiste
CP 58 LVMH 4 1 2 0 1 1 0 9 Ritualiste
CP 59 MICHELIN 5 0 3 0 3 1 1 13 Opportuniste
CP 60 NEXANS 2 3 2 0 3 1 1 1 13 Opportuniste
CP 61 NEXANS 2 2 3 0 3 1 1 12 Opportuniste
CP 62 NEXANS 1 1 1 2 3 0 0 8 Ritualiste
CP 63 PECHINEY 4 1 3 0 2 1 0 11 Opportuniste
CP 64 PECHINEY 1 3 4 2 3 1 1 15 Opportuniste
CP 65 PERNOD
RICARD 2 0 2 0 1 1 1 7 Ritualiste
CP 66 PERNOD
RICARD 1 0 2 0 3 1 1 8 Ritualiste
CP 67 PSA Peugeot
Citroën 2 0 3 0 2 1 0 8 Ritualiste
CP 68 PSA Peugeot
Citroën 1 2 4 2 3 1 0 13 Opportuniste
CP 69 PPR 2 0 3 0 1 1 1 8 Ritualiste
CP 70 REMY
COINTREAU 3 0 2 0 2 1 0 8 Ritualiste
CP 71 RENAULT 2 2 4 0 1 1 0 10 Ritualiste
CP 72 REXEL 2 2 2 0 1 1 0 8 Ritualiste
CP 73 REXEL 1 2 3 2 3 1 0 12 Opportuniste
CP 74 RHODIA 3 2 4 0 3 1 1 14 Opportuniste
CP 75 RHODIA 2 3 3 0 3 1 1 13 Opportuniste
CP 76 SCHNEIDER 3 1 3 0 1 1 0 9 Ritualiste
CP 77 SOCIETE
GENERALE 4 0 1 0 1 1 1 8 Ritualiste
CP 78 SODEXHO 2 1 1 0 2 1 1 8 Ritualiste
CP 79
STMicroelectronics 1 4 3 0 2 1 0 11 Opportuniste
CP 80
STMicroelectronics 5 0 3 0 2 1 1 12 Opportuniste
CP 81 SUEZ 3 4 3 2 3 1 0 16 Opportuniste
CP 82 THOMSON 4 0 3 0 1 1 1 10 Ritualiste
CP 83 THOMSON 2 2 4 2 3 1 1 15 Opportuniste
CP 84 TOTAL 2 2 4 2 1 1 1 13 Opportuniste
CP 85 VALEO 0 0 1 2 3 0 0 6 Ritualiste
CP 86 VALEO 2 0 1 0 2 1 1 7 Ritualiste
CP 87 VALEO 2 3 1 0 1 1 0 8 Ritualiste
CP88 VEOLIA
Environ. 4 0 2 0 1 0 0 7 Ritualiste
CP 89 VIVENDI
UNIVERSAL 4 1 2 2 1 1 1 12 Opportuniste
Total 183 162 221 60 189 72 38 11 936
Score moyen 10,5
402
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Notes :
• indice CAC 40
* Alstom est sorti du CAC 40 en avril 2002 après l'annonce du plan "restore value" pour y revenir en 2006
** Sodexho figure au CAC 40 en 2001
*** Casino sort de l'indice en 2005
• Résultat bénéficiaire :
* résultat net 2001 négatif (annonce en janvier 2002) - en 2002 , résultat net de +2M€
** résultat net 2001 négatif
405
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SONY
28/04/04 Une vaste restructuration loin d’être achevée La Tribune
23/06/05 Le nouveau président de Sony se donne trois mois pour dévoiler son plan de Les Echos
relance
28/07/05 Sony, dans le rouge, accroit son retard sur Matsushita Reuters
13/09/05 Le PDG de Sony va dévoiler sa stratégie le 22 septembre Les Echos
21/09/05 Sony – suppressions d’emplois et investissements attendus jeudi Reuters
22/09/05 Sony supprime 10 000 emplois, 7% de ses effectifs Reuters
23/09/05 La filiale française ne devrait être que modérément concernée Les Echos
23/09/05 Sony se restructure et va supprimer 10 000 emplois dans le monde Les Echos
13/04/06 Sony aurait dépassé ses objectifs sur 2005-2006 Reuters
27/04/06 Sony s’attend à une mauvaise année à cause de la PS3 Reuters
22/06/06 Sony compte bien atteindre 5% de marge sur 2007-2008 Reuters
COST KILLERS
01/08/03 British Airways respecte sa feuille de route La Tribune
01/04/04 EMI se déleste de 20% de ses salariés et de ses artistes La Tribune
22/04/05 Comment Ghosn a conquis Nissan La Tribune
10/02/06 Samourai coté pile La Tribune
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473
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS............................................................................................................................................... 1
SOMMAIRE ........................................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION GENERALE............................................................................................................................. 5
1 La communication financière, instrument de persuasion des entreprises cotées.............................................. 6
1.1 Les origines de la communication financière… et quelques scandales historiques ............................. 7
1.2 La communication financière contemporaine .................................................................................... 10
1.3 La confiance des investisseurs ou la quête du Saint Graal ................................................................. 14
1.4 Le cadre règlementaire de l’information financière ........................................................................... 17
1.4.1 Les acteurs du cadre règlementaire général: AMF et CESR .................................................... 17
1.4.2 L’information financière permanente ....................................................................................... 18
1.4.3 Les recommandations sur les avertissements sur résultats ....................................................... 19
2 Politique de réduction des coûts et modèle comptable................................................................................... 21
2.1 Schéma général du modèle d’annonce de PRC.................................................................................. 22
2.2 La comptabilité, instrument modelé par le capitalisme...................................................................... 24
2.2.1 Modèle comptable et mesure .................................................................................................... 25
2.2.2 Modèle comptable et développement du capitalisme ............................................................... 26
CHAPITRE 1 ........................................................................................................................................................ 31
OBJET DE RECHERCHE ET DEMARCHE DE RECHERCHE........................................................................ 31
1 Définition des concepts de PRC et d’annonce de PRC .................................................................................. 32
1.1 Définitions du concept de PRC dans la littérature ............................................................................. 32
1.2 Liens entre le concept de PRC et d’autres concepts de la littérature.................................................. 35
1.2.1 Distinction avec le déplacement des coûts et l’effet d’expérience ........................................... 37
1.2.2 Distinction avec la gestion stratégique des coûts...................................................................... 38
1.3 Politique de réduction des coûts et modélisation ............................................................................... 40
1.4 Universalité du concept de PRC ........................................................................................................ 43
1.4.1 La réduction des coûts : une pratique ancienne ........................................................................ 43
1.4.2 La PRC : un concept universel par la diversité des organisations concernées.......................... 47
1.5 Définition de l’annonce de PRC ........................................................................................................ 49
2 Mise en œuvre des PRC : les objectifs et les outils........................................................................................ 51
2.1 PRC et outils classiques : coût unitaire et frais généraux................................................................... 52
2.2 Outils stratégiques: déterminants du coût et processus ...................................................................... 54
2.3 PRC et stratégies de rupture: reengineering et downsizing................................................................ 56
2.4 PRC et renégociation des termes de l’échange : achats et externalisation ......................................... 60
2.5 Objectifs explicites de la politique de réduction de coûts .................................................................. 64
3 Problématique et démarche de recherche....................................................................................................... 66
3.1 Problématique et questions de recherche ........................................................................................... 66
3.2 Démarche de recherche ...................................................................................................................... 70
CHAPITRE 2 ........................................................................................................................................................ 81
L’ANNONCE DE POLITIQUE DE REDUCTION DES COUTS (PRC) : UNE DIVULGATION
VOLONTAIRE D’INFORMATION FINANCIERE POUR LES ENTREPRISES COTEES............................. 81
1 Cadre théorique et revue de littérature sur les divulgations volontaires......................................................... 83
1.1 Cadre théorique général ..................................................................................................................... 83
1.1.1 Théorie de l’agence .................................................................................................................. 84
1.1.2 Théorie positive de la comptabilité (TPC)................................................................................ 86
1.1.3 Théorie du signal ...................................................................................................................... 87
1.2 Les modèles d’information financière................................................................................................ 88
1.2.1 Divulgation et avantages attendus ............................................................................................ 89
1.2.2 Stratégie des dirigeants et diffusion volontaire des informations financières........................... 90
1.3 Etudes empiriques sur les déterminants des publications volontaires ................................................ 92
1.3.1 Déterminants des publications volontaires ............................................................................... 92
1.3.2 Etudes empiriques sur la divulgation de « mauvaises » nouvelles ........................................... 94
1.4 Etudes sur les réactions des analystes financiers................................................................................ 98
2 Le modèle de communication financière de Gibbins, Richardson & Waterhouse (GRW) adapté aux
annonces de PRC ................................................................................................................................................ 100
2.1 Présentation du modèle de GRW (1990).......................................................................................... 101
474
2.2 L’adaptation du modèle aux annonces de PRC................................................................................ 108
2.2.1 Position de communication opportuniste et annonce de PRC ................................................ 108
2.2.2 Les composantes de l’output : le communiqué de presse d’annonce de PRC ........................ 109
2.2.3 Antécédents du modèle adapté aux annonces de PRC............................................................ 110
2.2.4 Modèle de communication adapté aux annonces de PRC ...................................................... 113
3 Méthodologie de l’étude empirique ............................................................................................................. 114
3.1 Etudes sur l’information financière et analyse de contenu............................................................... 114
3.2 Méthodologie de l’analyse de contenu............................................................................................. 116
3.2.1 Définition et principes de l’analyse de contenu...................................................................... 117
3.2.2 Analyse de contenu avec un outil informatisé ........................................................................ 118
3.3 Les étapes de l’analyse de contenu .................................................................................................. 119
3.3.1 Pré-analyse ............................................................................................................................. 119
3.3.2 La catégorisation .................................................................................................................... 126
3.3.3 Codage et comptage des unités............................................................................................... 128
4 Résultats de l’analyse de contenu ................................................................................................................ 130
4.1 Etude lexicométrique du corpus global............................................................................................ 131
4.1.1 Les mots les plus fréquents du corpus global ......................................................................... 131
4.1.2 La réduction des coûts : étude du lexique et des cooccurrences ............................................. 134
4.2 Analyse du contenu des communiqués ............................................................................................ 135
4.2.1 Analyse lexicométrique : les « mots spécifiques » ................................................................. 136
4.2.2 Dimension quantitative : nombre de mots .............................................................................. 137
4.2.3 Citation des dirigeants (interprétations du management) ....................................................... 137
4.2.4 Précisions de l’annonce de PRC sur les objectifs et les mesures............................................ 138
4.3 Les autres composantes du communiqué ......................................................................................... 138
4.3.1 « Timing » : date de publication ............................................................................................. 138
4.3.2 Format : place dans le communiqué ....................................................................................... 139
4.3.3 Répétition ............................................................................................................................... 140
4.4 Mesure : scores et position de communication ................................................................................ 140
5 Synthèse et interprétation des résultats ........................................................................................................ 143
5.1 Les positions de communication dans les annonces de PRC ........................................................... 144
5.1.1 Communiqué « ritualiste » de PRC chez des sociétés globalement « opportunistes » ........... 147
5.1.2 Position ritualiste mais communication proactive .................................................................. 148
5.1.3 Sociétés avec une position « instable »................................................................................... 150
5.1.4 Autres communiqués avec un score proche du score moyen.................................................. 152
5.2 Déterminants des positions de communication sur les PRC ............................................................ 152
5.2.1 Position de communication et caractéristiques des sociétés : Méthodologie de collecte des
données 153
5.2.2 Structure actionnariale, indice de cotation et position de communication.............................. 154
5.2.3 Facteurs internes et position de communication..................................................................... 156
5.2.4 Position de communication et caractéristiques des sociétés : Synthèse.................................. 159
CONCLUSION DU CHAPITRE 2..................................................................................................................... 161
475
1.5 Diffusion des pratiques managériales et effets de mode .................................................................. 187
1.5.1 Les « modes managériales »................................................................................................... 188
1.5.2 Critiques et compléments sur les effets de mode.................................................................... 189
2 Institutionnalisation des PRC : méthodologie de l’analyse de discours....................................................... 191
2.1 Modèle discursif d’institutionnalisation utilisé ................................................................................ 192
2.2 Le champ institutionnel des entreprises françaises cotées ............................................................... 195
2.3 Méthodologie de l’analyse de discours ............................................................................................ 199
3 Résultats de l’analyse de discours................................................................................................................ 202
3.1 Vers une homogénéisation des pratiques de communication financière et un « discours unique » ?
202
3.1.1 Les associations professionnelles de la communication financière ........................................ 202
3.1.2 Le CLIFF, acteur d’une collaboration étroite avec les analystes financiers ........................... 204
3.1.3 L’Observatoire de la Communication Financière, nouvel instrument d’homogénéisation des
pratiques ? 205
3.1.4 « Transparence » et prix cristal............................................................................................... 206
3.2 Les pressions coercitives.................................................................................................................. 207
3.2.1 Pressions coercitives directes : les analystes financiers.......................................................... 207
3.2.2 Pressions coercitives diffuses : la presse économique ............................................................ 210
3.2.3 Pressions conjointes des analystes et de la presse: le cas de Sony ......................................... 212
3.2.4 Réponse du dirigeant aux pressions coercitives: le cas de Lagardère..................................... 217
3.3 Les pressions normatives ................................................................................................................. 221
3.3.1 Pressions normatives de la littérature managériale................................................................. 221
3.3.2 La recontextualisation du discours managérial, auxiliaire de la pression normative.............. 229
3.3.3 Le rôle normatif des associations professionnelles................................................................. 230
3.4 Pressions mimétiques....................................................................................................................... 233
3.4.1 Mimétisme et diffusion de la PRC dans la presse économique .............................................. 233
3.4.2 La contribution des consultants à l’isomorphisme mimétique................................................ 237
3.4.3 Les costkillers, nouveaux héros des temps modernes ? .......................................................... 241
CONCLUSION DU CHAPITRE 3..................................................................................................................... 249
476
3.2.1 Définition des quatre profils de PRC à partir des discours ..................................................... 298
3.3 Démarche d’analyse : profil de PRC et utilisation stratégique ou rhétorique des discours sur les PRC
par les dirigeants............................................................................................................................................. 300
4 Analyse longitudinale de discours sur les PRC : résultats empiriques......................................................... 300
4.1 De l’annonce aux discours sur les réalisations des PRC : quatre profils.......................................... 301
4.2 Caractéristiques principales des discours des quatre profils ............................................................ 305
4.2.1 Profil un : PRC symboliques .................................................................................................. 305
4.2.2 Profil deux : PRC défensives.................................................................................................. 306
4.2.3 Profil trois : PRC offensives conjoncturelles.......................................................................... 312
4.2.4 Profil quatre : PRC offensives structurelles............................................................................ 316
4.3 Utilisation stratégique ou rhétorique du discours sur les PRC ......................................................... 322
4.4 Discours stratégique et rhétorique sur les PRC : l’exemple du plan TOP de France Telecom ........ 329
CONCLUSION DU CHAPITRE 4..................................................................................................................... 338
477
LISTE DES FIGURES ET ILLUSTRATIONS
478