Diderot Et Le Cure
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*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DIDEROT ET LE CURÉ DE MONTCHAUVET ***
Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été
harmonisée. Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
DIDEROT
ET LE CURÉ DE MONTCHAUVET
Armand Gasté
DIDEROT
ET LE
CURÉ de MONTCHAUVET
—UNE MYSTIFICATION LITTÉRAIRE CHEZ
LE BARON D'HOLBACH, 1754—
PARIS
ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR
23-31, passage Choiseul, 23-31
M. DCCC. XCVIII
DIDEROT
ET LE CURÉ DE MONTCHAUVET [1]
Au milieu du XVIIIe siècle vivait, ou plutôt végétait tristement dans l'humble presbytère de Montchauvet, en plein Bocage normand [2], un curé poète qui
doit aux Encyclopédistes l'immortalité du ridicule, et dont les vers extravagants furent,—qui le croirait?—une des causes de la rupture de Jean-Jacques
Rousseau avec ses bons amis, les Philosophes.
[1] Voir à l'Appendice. note 1
[2] Ibid. note 2
I
L'abbé Le Petit [3],—c'est le nom de notre curé,—s'ennuyait à mourir dans le village où l'avait enterré son évêque [4]. Il avait beau monter sur les âpres
rochers qui dominent le presbytère et interroger l'horizon, il ne voyait venir personne qui fût digne de le comprendre et sût goûter les vers qu'il composait
dans sa morne solitude. Et laissant tomber ses regards sur les masures de ses paroissiens: «Ici, il n'y a que moi d'homme d'esprit, se disait-il. Point de
société!... Pour toute ressource, le magister, c'est-à-dire un paysan habillé de noir!»
[3] Voir à l'Appendice. note 3
[4] Ibid. note 4
Un beau jour, l'abbé Le Petit, n'y pouvant plus tenir, boucla sa valise et partit pour Paris. A Paris, en effet, il trouverait un de ses anciens camarades de
séminaire, l'abbé Basset [5], professeur de philosophie au collège d'Harcourt. L'abbé Basset avait de belles relations: il procurerait certainement un éditeur à
son confrère. L'éditeur trouvé, le livre prôné par les gazettes s'enlevait en un clin d'œil; les salons se disputaient l'illustre compatriote de Malherbe et de
Pierre Corneille; et qui sait? l'Académie ne se faisait pas trop prier pour lui offrir un de ses quarante fauteuils.
[5] Ibid. note 5
Tels étaient les beaux rêves que le curé de Montchauvet confiait à l'abbé Basset, et que celui-ci, en se promenant avec lui, au Luxembourg, par une belle
matinée d'hiver, écoutait d'une oreille trop indulgente.
Au détour d'une allée, on rencontre Diderot. Diderot, qui demeurait à quelques pas de là, sur la hauteur d'où il avait tiré son surnom de Philosophe de la
Montagne, aimait à se promener le matin au Luxembourg. L'abbé Basset, qui était fort lié avec lui, connaissait ses habitudes. Ce n'était pas sans intention,
peut-être, qu'il conduisit, ce jour-là, sur le chemin du philosophe, le curé de Montchauvet, avide de connaître les grands esprits du siècle, avide surtout d'en
être connu. L'abbé Basset présente son ami à Diderot. Le curé nage dans la joie; il pâlit d'aise, et son nez,—un nez extrêmement long, dit la chronique,—est
dans un mouvement perpétuel. La conversation est bientôt liée. L'abbé Le Petit raconte d'un trait ses infortunes: «Je m'étiolais à Montchauvet, le plus triste
lieu du monde; mes talents y étaient enfouis. Mais, Dieu merci! j'en suis hors, et je me réjouis, monsieur, d'avoir fait connaissance avec un homme de votre
réputation, afin de vous demander votre avis.
—Mon avis, dit le philosophe, et sur quoi, monsieur l'abbé?
—Sur un madrigal de sept cents vers, que j'ai fait dernièrement.
—Un madrigal de sept cents vers! Et sur quel sujet, je vous prie?
—Voici la chose, dit le curé en souriant d'un air malin: mon valet a eu le malheur de faire un enfant à ma servante, et cela m'a donné un assez beau champ,
comme vous allez voir.
Et, disant cela, il tire de la poche de sa soutane un grand cahier de papier. Diderot recule épouvanté; puis se ravisant:
—Monsieur le curé, dit-il, je vous trouve bien blâmable d'employer vos loisirs à de pareils sujets.
L'abbé Le Petit commençait à rougir de colère; son nez s'agitait, menaçant...
—Quand on a un génie aussi sûr que le vôtre, poursuivit Diderot, on doit faire des tragédies, et non pas s'amuser à des madrigaux.
Le curé de Montchauvet, agréablement flatté de ce compliment inattendu, devint radieux: ses yeux brillaient d'un éclat inaccoutumé, son grand nez se
dilatait pour mieux aspirer l'encens. Il voulait remercier Diderot; celui-ci ne lui en laissa pas le temps:—Permettez-moi de vous dire que je n'écouterai pas
un seul vers de votre façon, avant que vous ne nous ayez apporté une tragédie.—Vous avez raison, répliqua le curé;.... je suis trop timide. Puis, remettant
dans la vaste poche de sa soutane son long poème, il salua poliment Diderot. Le philosophe, en s'en allant, échangea avec l'abbé Basset un sourire que le
bon curé n'aperçut pas, ou dont il ne comprit pas la signification.
C'était un sourire de contentement. Diderot s'était débarrassé du même coup, (il le croyait du moins), d'un madrigal de sept cents vers et d'un importun.
Quelques mois se passent. Diderot, bien tranquille dans son cabinet, travaillait, sans doute à ses Pensées sur l'interprétation de la nature, lorsque, sans se
faire annoncer, l'abbé Le Petit se présente avec un énorme manuscrit sous le bras. Qu'on juge de la surprise de Diderot.—Comment, monsieur le curé, c'est
bien vous que je vois! Je vous croyais depuis longtemps en Normandie.—On ne peut vivre qu'à Paris, monsieur; j'y suis donc resté, et, suivant vos conseils,
je me suis mis avec ardeur au travail. Je vous apporte...—Encore un madrigal? s'écria Diderot; non, monsieur le curé, vous savez nos conventions. Je
n'écoute pas un vers de vous, que vous ne m'ayez apporté une tragédie.—C'est justement...—Quoi! C'est une tragédie?—Oui, monsieur, David et
Bethsabée....
Diderot faillit tomber à la renverse.
—Avez-vous le loisir de m'écouter? poursuivit l'abbé, impitoyable.
Il n'y avait pas à reculer, il fallait bien essuyer cette lecture.
—Monsieur le curé, répondit le philosophe, que diriez-vous si, dimanche, je vous présentais à nos amis, et si je vous donnais pour juges les plus grands
esprits dont notre siècle s'honore?... Allons, c'est entendu, je vous mènerai dans le salon de M. le baron d'Holbach. Vous y entrerez inconnu; mais, je vous
le jure, vous en sortirez célèbre.
—Monsieur, balbutia l'abbé, que de grâces...
—Trève de compliments! C'est moi qui suis votre obligé. Ne pas produire au grand jour un poète de votre force, mais ce serait un crime!... Allons, adieu,
monsieur le curé, ou plutôt, au revoir... A dimanche! Je vous attends chez moi.
Le curé fut exact au rendez-vous. Diderot avait prévenu ses amis, les Encyclopédistes. On sait que le baron d'Holbach les recevait à dîner deux fois par
semaine, ce qui le faisait appeler par l'abbé Galiani «le maître d'hôtel de la philosophie».
Ce jour-là—c'était justement le dimanche gras—les convives du baron d'Holbach étaient quinze à vingt. Dans le riche cabinet, où le richissime philosophe
venait de faire placer sa récente acquisition, la Chienne allaitant ses petits, un des chefs-d'œuvre du peintre Oudry, on voyait réunis, sans compter Diderot
et le maître de la maison, J.-J. Rousseau, d'Alembert, Duclos, Marmontel, Helvétius, de Jaucourt, Raynal, Morellet, de la Condamine, M. de Gauffecourt,
M. de Margency, etc. [6].
[6] Voir à l'Appendice. note 6
Le curé de Montchauvet est introduit. On lui fait fête; on l'invite à s'asseoir. Il promène ses regards de tous côtés: il ne voit que des visages riants; cela
l'encourage. Pourtant, il aperçoit dans un coin du salon une figure renfrognée. C'était J.-J. Rousseau, qui flairait une mystification, et qui, avec sa probité à
toute épreuve, était résolu à faire le rôle d'honnête homme.—C'est un jaloux, se dit l'abbé; mais qu'importe?... Et il déroule lentement son manuscrit.—
D'abord, messieurs, leur dit-il, je dois vous lire l'épître que je me permets d'adresser à Madame de Pompadour.
Cette épître commençait par un vers assez singulier:
Rentrez dans le néant, race de mendiants...
C'était pour flétrir les poètes qui font des dédicaces en vue de gagner de l'argent.—Oh! oh! Monsieur le curé, lui dit-on de toutes parts, l'épithète n'est-elle
pas un peu violente?—Non, messieurs,
Point d'enfant d'Apollon, s'il ne rime gratis.
Et, continuant sa lecture, il déclame avec emphase ces deux vers:
Tout ainsi comme Icare, parcourant la lumière,
Dans un rayon brûlant vit fondre sa carrière...
—Voilà, lui dit Marmontel, un vers admirable! mais ces sortes de vers doivent être bien difficiles à trouver.—Cela est vrai, répondit le curé en pâlissant de
joie et de vanité; mais aussi est-on bien content quand on a trouvé.
L'épître finie, le curé, avant de commencer la lecture de sa tragédie, pria la société de lui permettre d'exposer rapidement sa théorie du poème dramatique.
Corneille l'a fait, ajouta-t-il: compatriote de Corneille, ne puis-je pas faire comme lui?—Sans aucun doute, monsieur l'abbé, s'écrièrent en chœur tous les
convives.—Vils flatteurs, murmurait dans son coin le citoyen de Genève.—Ma théorie est bien simple, messieurs. Donnez-moi un sujet quelconque.
—Balthazar, dit une voix.
—Balthazar, soit! Eh bien! vous savez, messieurs, que, pendant le souper de ce roi impie, on vit une main écrire sur les murs les mots: Mané, Thécel,
Pharès. Il s'agit donc de savoir si le roi soupera ou non; car, s'il ne soupe pas, la main n'écrira pas. Or je n'ai qu'à inventer deux acteurs. Le premier veut que
le roi soupe, le second ne le veut pas, et cela alternativement. Si moi, poète tragique, je veux que le roi soupe, celui-là parlera le premier. Ainsi:
3e acte: Il soupera;
5e acte: Il soupera.
Si, au contraire, je ne veux pas que le roi soupe, voici quel sera mon plan:
2e acte: Il soupera;
4e acte: Il soupera;
—Ah! Dieu! quels vers! s'écria le citoyen de Genève; et pourquoi occis? pourquoi pas tués?
—Je pourrais, riposta sèchement le curé, vous répondre que tués ne rime pas à incirconcis; mais apparemment que vous imaginez que tué et occis sont des
synonymes. Apprenez, monsieur, que cela n'est pas. On dit tous les jours: Cet homme me tue par ses discours, et l'on n'en est pas occis pour cela.
—J'avoue, reprit le citoyen, qu'il doit être fort fâcheux d'être occis; mais je ne me soucierais pas même d'être tué.
Le curé de Montchauvet poursuivit sa lecture, sans s'arrêter plus qu'il ne convenait à cette misérable querelle de mots.
Arrivé à un passage où il faisait rimer angoisse et tristesse, Rousseau l'interrompit de nouveau:
—Angoisse et tristesse ne riment pas; vous êtes trop hardi, monsieur le curé.
—Trop hardi, monsieur? Cette rime est neuve; voilà tout.
—Dites étrange, monsieur le curé.
—Étrange, monsieur? Mais, vous, savez-vous bien ce que c'est que la rime?
—J'ose le croire, monsieur le curé.
—On ne s'en douterait guère, et...
La dispute allait s'envenimer: un geste de d'Holbach rétablit la paix.
—Continuez, dit-il au curé de Montchauvet, nous vous écoutons.
Vers le milieu du deuxième acte, Bethsabée dit à sa confidente:
Le roi ne m'offre plus que d'innocentes charmes.
—Pardon, monsieur le curé, interrompit un des auditeurs, charme est du masculin.
—Ah! vous le prenez comme cela, messieurs, répondit l'abbé; eh bien, dans la scène suivante, vous le trouverez masculin; j'ai tâché de contenter tout le
monde.
Plus loin, il faisait rimer superflu et plus.
—Cette rime n'est pas exacte, dit Marmontel.
—Ah! vraiment; et pourquoi cela?
—C'est que superflu, étant au singulier, n'a point d's, et par conséquent ne peut rimer avec plus.
Point d's, reprit vivement le curé en mettant son manuscrit sous le nez de Marmontel, point d's! Mais je vous prie de remarquer, monsieur, que j'en ai mis
une [8].
[8] Voir à l'Appendice. note 8
Et il continua intrépidement sa lecture.
On lui avait fait croire que M. de Margency était un poète de profession, et qu'il aurait en lui un dangereux concurrent. Il n'est sorte de bassesse que ne lui
fit le curé de Montchauvet. M. de Margency, comme on en était convenu auparavant, se fit le champion à outrance du poète bas-normand. Aussi, c'était
vers lui qu'il se tournait de préférence.
Au milieu d'une des plus pompeuses tirades, il entend un léger bruit. C'était M. de Gauffecourt qui riait tout bas dans ses mains.
—Vous riez, monsieur, lui dit le curé du ton dont il aurait apostrophé un bambin au catéchisme?
—Non, monsieur, répondit M. de Gauffecourt avec un grand sérieux; je n'ai ri de ma vie.
On arrive, sans autre incident, au quatrième acte. Tout le monde se lève. On prie le curé de Montchauvet d'arrêter là sa lecture. Il doit être épuisé de fatigue;
on lui donnera une nouvelle séance pour achever sa tragédie; on n'en veut pas perdre un seul vers.
Chacun s'empresse autour de lui, et lui serre les mains: «Vous surpassez Racine, et vous égalez Corneille!»
Le curé absorbe avec intrépidité ces louanges ironiques; il se rengorge; son nez s'agite, se dilate de plus en plus. Tout à coup, J.-J. Rousseau se précipite
vers lui, lui arrache son manuscrit et le jette à terre:
—Votre tragédie est absurde, mon cher curé; ces messieurs,—vous ne le voyez donc pas?—se moquent de vous. Retournez vicarier dans votre village.
L'abbé, rouge de colère, fond sur Rousseau; en vrai poète tragique, il veut l'occire. On sépare à grand'peine les deux combattants. Rousseau sort furieux,
pour ne plus remettre les pieds chez le baron d'Holbach. On arrête le curé, qui le menace du poing et veut courir après lui dans la rue. On réussit à le calmer
un peu, en lui peignant Rousseau comme un poète jaloux de sa gloire naissante.
On peut bien penser que Diderot ne fut pas l'un des moins empressés à verser du baume sur la blessure faite par Rousseau à la vanité du poète.
—Votre pièce est excellente, monsieur le curé, lui dit-il; je m'y connais: elle aura le plus grand succès au théâtre, si toutefois vous y apportez quelques
modifications que je crois indispensables... Me permettez-vous, monsieur le curé, de vous faire une légère critique?
—Parlez, monsieur, dit le curé, pris par le ton bienveillant que Diderot donnait à ses paroles. Je ne puis recevoir que des conseils judicieux d'un esprit aussi
éminent.
—Eh bien, monsieur l'abbé, puisque vous m'autorisez à vous dire toute ma pensée, je vous avouerai que votre pièce ne me semble pas assez chargée
d'incidents; que la plupart des incidents ne se passant pas sur la scène, je trouve,—excusez ma franchise,—la scène un peu trop muette. Il est vrai que votre
pièce est une pièce sainte; mais ce n'en est pas moins un défaut, à mon humble avis.
Tout le monde s'attendait à une explosion de colère; il n'en fut rien. Le curé répondit d'un air suffisant:
—Je l'avais senti, monsieur, mais je n'ai pu faire autrement; d'ailleurs, ces sortes de pièces sont sujettes à ce défaut... Toutefois, vous conviendrez avec moi
que j'ai suppléé à la sécheresse des récitatifs par une versification assez heureuse.
—Cela est vrai, dit M. de Margency, celui des auditeurs qui s'était fait le champion du curé. A mon tour, ajouta-t-il, je reprendrai l'objection faite par M.
Diderot, et je demanderai à monsieur le curé pourquoi il n'a pas placé sur la scène la baignoire de Bethsabée? Son récit est plein de beaux vers, je le
proclame bien haut, mais Horace a dit:
C'est dans ces sentiments que le curé de Montchauvet reprit, trois jours après cette mémorable séance, le chemin de la basse Normandie. Pour se consoler
de l'injustice des Philosophes, il fit imprimer à Rouen sa tragédie, qui parut sous ce titre: David et Bethsabée, tragédie par M. l'abbé ***. Prix, 36 sols.—A
Londres [Rouen], aux dépens de la Compagnie, 1754.
Lorsque l'imprimeur lui eut envoyé son ballot, l'abbé prit la plume et adressa à l'abbé Basset une longue lettre, que celui-ci s'empressa de communiquer à
Diderot et que le philosophe lut à ses amis. En voici quelques extraits:
«De Montchauvet.
«Je suis parti, monsieur et cher abbé, plein du souvenir de vos bontés. Je me suis hâté de quitter un séjour où je commençais à goûter quelque satisfaction,
mais où je devenais à charge à quelques-uns. Disons-le: ils ont pris de l'ombrage d'une pièce où ils ont cru reconnaître des beautés que le public n'y
reconnaîtra peut-être pas: ils m'ont envié un je ne sais quoi que la nature ou le hasard m'a prodigué... On m'apprit, avant de partir, que ce qui les avait
irrités, c'était la pièce adressée à Mme la marquise. Ils ont rugi à ces mots de vils mendiants, et ils ont mis le curé de Montchauvet à toutes sauces... Quoi
qu'il en soit, dans le procédé qu'ils ont tenu avec moi, ils ont cru me faire leur dupe. Ils y ont réussi jusqu'à un certain point, parce qu'ils ont abusé de ma
franchise. Qu'ai-je perdu, sinon de ne pas croire que ma pièce était plus digne de voir le jour que je ne l'espérais? Elle le voit actuellement en beau papier et
en caractères bien nets [10]: elle se vendra trente-six sous... Voilà donc le moment de sa mort ou de sa vie. Le public, qui voit toujours avec de bons yeux, du
moins pour l'ordinaire, la disséquera comme il l'entendra bien. Si elle ne lui plaît pas, je n'aurai garde d'en appeler; mais je ne me rebuterai pas, je
m'étudierai à faire mieux. Tant que ma veine voudra couler, je vous proteste, mon cher abbé, que rien ne sera capable de l'arrêter... J'ai déjà commencé une
seconde pièce. Lorsqu'elle sera faite, j'en ferai sévèrement la critique, ainsi que de cette première. Comme l'honneur du théâtre ni l'intérêt ne me guident
point, ne travaillant qu'à braver l'ennui de ma solitude, j'apporterai avec moi cette seconde tout imprimée, au moyen de quoi je ne me verrai plus exposé à
lire mon manuscrit sur la sellette, devant des gens surtout qui vous rient dans leurs mains, au lieu d'être touchés, ou qui feignent d'applaudir, sans savoir
seulement ce que c'est qu'enchaînement de scènes, ni peut-être qu'une rime... Maintenant, mon cher abbé, j'ai l'honneur de vous prévenir que je vous en
enverrai un exemplaire et plusieurs en pur don pour les personnes à qui je vous prierai d'avoir la bonté de les remettre. Je compte que vous les recevrez la
semaine prochaine avec une lettre d'avis: ce seront deux ports de lettre que je vous ferai coûter. Ayez pour agréable de me mander, au reçu de la présente, à
Montchauvet, par Aunay, à la Plumaudière, si vous voulez vous donner la peine de m'en débiter. Dans le cas où vous pourriez vous en défaire, ce serait à
l'acquit de ce que mon frère et moi nous vous devons. Excusez-moi de la longueur de ma lettre, je l'attends de votre indulgence. J'écris à M. l'abbé Fréron,
et je lui envoie deux exemplaires, un pour lui, et l'autre pour Mme son épouse, en pur don [11]; vous voyez que je fais les choses libéralement et que je ne
regarde pas à trente-six sous, lorsqu'il le faut. Adieu, mon cher abbé, etc.»
[10] Voir à l'Appendice. note 10
[11] Voir à l'Appendice. note 11
Nous avouerons sans peine, avec Grimm, que quelques centaines de pareilles lettres feraient un excellent recueil.
Toutefois, il est à remarquer que le curé de Montchauvet ne parle pas, dans cette lettre, d'un envoi que dut lui faire M. de Margency, quelques jours après
son départ pour la Normandie.
M. de Margency lui avait dit, on s'en souvient, qu'il lui soumettrait, le dimanche suivant, la première scène de sa tragédie de Nabuchodonosor. L'abbé
devait, de son côté, apporter une scène sur le même sujet. De Margency, ayant appris le départ inopiné du curé, lui envoya son travail, accompagné d'une
épître dédicatoire. Voici ces deux bouffonneries:
Épître à M. l'abbé Petit, curé du Mont Chauvet.
«Mon poétique cheval, Monsieur, qui se déferre en ce moment, m'oblige de descendre de la rime à la prose; permettez-moi donc de vous dire en son
langage que votre immortelle et jolie pièce vous a fait bien des jaloux; mais n'en redoutez rien. Je viens de vous annoncer dans mes épiques vers et leur sort
et le vôtre. D'ailleurs, consolez-vous avec les admirateurs qui vous restent. Comme j'y touche aussi quelquefois, à cette poésie, permettez-moi de vous
consulter sur la tragédie que j'ai entreprise et dont je vous envoie une scène pour échantillon. Le sujet est, comme vous le savez, le fameux
Nabuchodonosor. Je suis bien étonné que ce grand homme ait échappé à tant de célèbres auteurs. J'imagine qu'apparemment ils ne l'auront regardé que
comme une grande bête, comme vous avez pu le regarder vous-même. Quoi qu'il en soit, voici ma scène. Nabuchodonosor entretient Isabelle avant de
l'épouser.»
SCÈNE
NABUCHODONOSOR, ISABELLE
NABUCHODONOSOR.
(Ici doit être un magnifique morceau poétique de la vie que Nabuchodonosor menoit à la campagne, comme une bête.)
III
Le Club holbachique s'était proposé d'achever de rendre fou le curé de Montchauvet, s'il y manquait quelque chose. Ils y réussirent; car, l'année suivante, le
curé revint à Paris et n'hésita pas un seul instant à soumettre aux encyclopédistes la nouvelle pièce qu'il avait rimaillée au fond de son village. C'était la
tragédie de Baltazard, dans laquelle, pendant quatre mortels actes, il s'agit de savoir,—selon la fameuse théorie inventée par l'abbé Le Petit,—si le roi
soupera ou s'il ne soupera pas.
On voit d'abord paraître les deux mages, Hyrcan et Arbate. Baltazard vient d'être vaincu. Sans aucun doute, la défaite du roi les affecte profondément; mais
ce qui les tourmente par-dessus tout, c'est la crainte de ne pas souper.
Pendant qu'ils délibèrent, sans rire, sur cette grave question, survient Aristée, femme du roi et fille d'Abradate, roi de la Susiane; elle vient (elle ne s'en
cache pas) pour faire un monologue; mais comme la présence des deux mages la gêne: «Éloignez-vous...» leur dit-elle. Alors elle demande aux Dieux,
qu'elle appelle «puissants moteurs», de lui rendre compte de l'indigne sort de son époux: «Que vais-je devenir?» s'écrie-t-elle:
Mieux vaut aller trouver Baltazard et périr avec lui. Baltazard lui épargne cette peine. Il vient,
Il est vaincu, mais il n'est pas découragé. A l'entendre faire le récit de la bataille qu'il a perdue, on croirait presque qu'il l'a gagnée:
Cette impiété donne le frisson à la reine.—Ne soupez pas, seigneur, lui dit elle, ou du moins ne soupez que si les mages l'ordonnent.
Baltazard est bien contrarié de voir que l'indifférence de la reine
Refuse à ses malheurs la moindre déférence.
Mais enfin il cède: il consultera les devins. Hyrcan et Arbate accourent. Secourez-moi, leur crie Baltazard du plus loin qu'il les voit. Dois-je souper ou ne
pas souper? Et il a soin d'ajouter, afin de leur dicter leur réponse:
Les mages ont compris: Seigneur, il faut souper. Telle est leur réponse. Mais l'allégresse du roi est de courte durée. Survient Nitocris, sa mère, qui ne veut
pas qu'on soupe.
—Y songez-vous, lui dit-elle,
Le roi n'écoute pas. Bien décidé à souper, il s'en va et laisse sa mère exhaler sa douleur dans un monologue. Il pousse l'audace encore plus loin: il dépêche
vers elle les deux mages, qui la prient respectueusement de venir souper. Nitocris, comme on le pense bien, refuse énergiquement. Baltazard, ennuyé, vient
la chercher lui-même.
Nitocris et son fils s'accablent mutuellement de reproches:
On soupera donc, enfin! La table du festin est dressée: on la couvre des coupes sacrées du temple de Jérusalem.
Au moment où Baltazard demande à boire aux mages, Nitocris se présente et reproche à son fils de perdre le sentiment. (L'auteur voulait sans aucun doute
dire le sens.)
Baltazard daigne à peine répondre:
Mais à peine les mages ont-ils présenté la coupe au roi, qu'on voit une main écrire sur la muraille les fameux mots: MANÉ, THÉCEL, PHARÈS.
Inutile d'ajouter que Baltazard est vaincu de nouveau et tué par Cyrus. Mais ce qu'il faut dire (car on ne s'en douterait guère), c'est que Cyrus, à peine entré
dans Babylone, fait une déclaration des plus galantes à la reine Aristée. Celle-ci, comme on le pense bien, est furieuse:
Cyrus n'est pas très flatté de ces dédains; car, si on l'en croit, sans Aristée, le trône où il monte n'est plus
...... qu'un redoutable ennui.
Mais il n'est pas au bout de ses peines. Nitocris vient lui reprocher la mort de son fils, et se tue presque sous ses yeux. Aristée veut en faire autant. Cyrus
l'arrête. «Laisse-moi mourir,» lui crie-t-elle:
Cyrus tient bon, l'empêche de s'occire, et met fin à la tragédie par ces vers mémorables, mais bien peu en situation, puisque Nitocris est morte:
Il est fâcheux que Grimm ne nous ait pas noté les divers incidents auxquels a dû donner lieu la lecture de ce chef-d'œuvre. Il se contente de dire: «Le curé
nous a tenu parole; il est revenu avec une seconde tragédie, intitulée Baltazard, tout aussi bonne que la première. Je crois qu'il n'a pas pu trouver
d'imprimeur. Mais il est reparti pour sa cure un peu plus content de nous.»
Dans la préface de Baltazard, le curé de Montchauvet nous en dira plus long: «Le peu de succès de ma première pièce m'avoit presque déterminé à n'en pas
entreprendre une seconde. Cependant, je pensois que si Racine avoit été découragé par la médiocrité des Frères ennemis, nous n'aurions jamais eu ni
Yphigénie (sic), ni Phèdre; et je repris la plume que la critique m'avoit presque fait tomber des mains. Je composai donc mon Baltazard après ma
Bethsabée, à qui je donnai un frère, comme M. de Boissy l'a dit également du Méchant de M. Gresset. J'apportai à Paris cette seconde production de ma
verve échauffée et de mon génie irrité par les difficultés, bien résolu de la sacrifier, si je ne me trouvois pas autant au-dessus de moi-même que je le
désirois, et que Racine et Corneille s'étoient montrés supérieurs à eux-mêmes, à mesure qu'ils se familiarisoient davantage avec le génie dramatique. Il ne
s'agissoit plus que de rencontrer des juges équitables qui m'éclairassent ou sur ma médiocrité ou sur mes progrès. Mais où trouver ces juges équitables dans
une ville fausse comme celle-ci, où l'on semble prendre à tâche de décourager ceux qui donnent quelque espérance? Heureusement, un homme distingué
par sa naissance, son goût, sa probité, et surtout par l'accueil qu'il daigne faire aux talents naissants, s'offrit à rassembler chez lui cinq ou six des meilleurs
esprits, qui la jugeroient avec la dernière sévérité, et qui m'apprendroient par le jugement qu'ils en porteroient, celui que j'en devois porter moi-même.
L'avouerai-je? L'examen fut sanglant, et je laissai mes critiques bien convaincus qu'ils avoient rempli le projet, que peut-être ils avoient formé, de me
ramener à des fonctions que je reconnaîtrai sans peine avec eux très supérieures à l'occupation d'un poète, ce poète fût-il plus grand que Racine et Corneille.
Mais je réfléchis sur leurs observations; je vis bientôt qu'il n'y avoit aucune pièce au monde sur laquelle on n'en pût faire d'aussi solides; et je parvins à me
démontrer évidemment que ma seconde tentative dramatique m'avoit beaucoup mieux réussi que je n'aurois osé le penser, sans le suffrage de tous mes
censeurs. Je dis le suffrage, car ce fut le véritable jour sous lequel je ne tardai pas à voir leur critique. Je me dis à moi-même: Comment! Voilà donc à quoi
se réduit tout ce que les hommes de Paris, qui passent pour avoir le plus d'esprit, trouvent de répréhensible dans mon ouvrage? En vérité, il faut qu'il soit
mieux que bien: je ne risque donc rien à le publier; et j'eus tout l'empressement que donne l'espoir du succès, de le porter à mon imprimeur. C'est donc à ces
Messieurs plutôt encore qu'à moi que le lecteur en doit la publicité... J'en vais méditer une troisième. Je suis jeune, j'ai du courage, et pour peu que je
m'élève à chaque essort (sic) que je prendrai, j'espère me voir enfin à une hauteur suffisante pour contenter la vanité d'un auteur qui n'en a pas beaucoup.
Ainsi soit-il!»
Quoi qu'en dise Grimm, le curé de Montchauvet trouva, nous le voyons, un imprimeur. Sa pièce parut sous ce titre: BALTAZAR, tragédie, par M. l'abbé ***.
Prix vingt-quatre sols, 1755 [sans lieu ni nom d'imprimeur].
En lisant ce titre, on éprouve une certaine surprise. On se rappelle que la tragédie de Bethsabée se vendait (quand elle se vendait!) trente-six sous. Puisque
le curé de Montchauvet trouve la tragédie de Baltazard supérieure à celle de Bethsabée, comment se fait-il qu'il ne l'estime que vingt-quatre sous?
La troisième tragédie annoncée ne parut pas. L'abbé Le Petit s'en tint à ses deux chefs-d'œuvre, et il fit bien [13].
[13] Voir à l'Appendice. note 13
APPENDICE.
Page 3, note 1.
Si invraisemblable que puisse paraître cette mystification littéraire, je dois dire que je n'ai rien inventé: je me suis contenté de suivre,—en l'arrangeant un
peu,—le récit que nous en ont laissé Grimm (Correspondance litt. philosoph. et crit., lettres du 1er mars, du 1er août et du 15 septembre 1755), et Fréron
(Année litt. 1754, tome IV, p. 307, et 1755, tome VIII, p. 342).
Page 3, note 2.
Montchauvet, aujourd'hui dans l'arrondissement de Vire, canton de Bény-Bocage (Calvados).
Page 4, note 3.
Le curé de Montchauvet, la victime de Diderot et de ses amis, se nommait, non pas Petit, comme l'appelle Grimm, mais Le Petit. Grâce à l'obligeance de
M. Lair, instituteur à Montchauvet, qui a bien voulu me communiquer les vieux registres conservés dans les archives de la mairie, j'ai pu constater que
l'abbé Le Petit (Jean-Baptiste) a dû arriver à Montchauvet au mois d'avril 1751. Le premier acte signé de lui, comme successeur du curé Moussard, est du
14 avril 1751. Deux fois seulement (14 août et 15 septembre 1752), l'abbé Le Petit, assez souvent appelé dans le corps des actes (baptêmes, mariages ou
inhumations), Le Petit Dequesnay ou de Quesnay, a signé Le Petit Dequesnay. Partout ailleurs il signe tout simplement Le Petit.
Le dernier acte, non pas écrit, mais signé par le curé Le Petit, d'une écriture tremblée, est un baptême en date du 30 mai 1786.
Devenu infirme, sans doute, il fut remplacé, de son vivant, par son vicaire Lemarchand [14]. L'abbé Le Petit mourut le 16 décembre 1788. Voici l'acte
d'inhumation du pauvre poète:
«Le dix-sept décembre 1788 a été par moi curé de Montami soussigné inhumé dans le cimetière de Montchauvet le corps de maistre
Jean-Baptiste Le Petit ancien curé de Montchauvet décédé d'hier âgé d'environ soixante-huit ans présence de Mrs le curé et vicaire
actuels.
(Ont signé) Lemarchand [curé], Jouenne [vicaire] et G. Liot [curé de Montamy].
[14] A partir du 30 mai 1786, les actes sont signés par Jouenne ou Le Marchand, vicaires. Le premier acte que nous ayons trouvé, signé par Le
Marchand, curé, est du 9 janvier 1788; mais nous devons ajouter que le registre de 1787 manque aux archives de Montchauvet.
Jean-Baptiste Le Petit, âgé de 68 ans environ, quand il mourut en 1788, a donc dû naître (où ??) vers 1720. Il avait trente quatre ans lorsqu'il sentit s'éveiller
son génie poétique et qu'il vint lire, pour son malheur, à Diderot et à ses amis, l'«immortelle» tragédie de David et Bethsabée.
D'après les signatures des vicaires Tourgis ou Duhamel, que nous avons relevées au bas des actes des registres paroissiaux de Montchauvet, et qui
constatent l'absence du curé, l'abbé Le Petit dut quitter ses sauvages bruyères pour aller à Paris, vers la fin d'août 1753, et ne rentrer dans son village qu'au
mois d'avril 1754. Ces dates concordent bien avec celles que donnent les lettres de Grimm.
Le fait le plus saillant de la vie du curé de Montchauvet est assurément sa lecture chez le baron d'Holbach; mais je dois aussi rappeler qu'il eut à soutenir un
long procès contre Jacques-François Mercier, prieur commendataire du prieuré royal du Plessis-Grimoult, chanoine de la Sainte-Chapelle du Palais à
Paris [15]. Ce procès, qui dura au moins dix ans, fut gagné par le curé Le Petit, non seulement devant le bailliage de Vire (3 juillet 1762), mais encore devant
le Parlement de Normandie (19 juin 1771). Le curé de Montchauvet réclamait contre le prieur du Plessis-Grimoult «le tiers des dîmes de la paroisse et la
qualité de curé, au lieu de celle de vicaire perpétuel, la seule qu'on voulût lui reconnaître.» Détail intéressant et qui a été relevé par M. Ch. de Beaurepaire,
le savant archiviste de la Seine-Inférieure [16], l'arrêt du Parlement de Normandie qui termine le procès intenté par l'abbé Le Petit au prieur du Plessis-
Grimoult, nous apprend qu'en une semblable circonstance, Bossuet, le grand Bossuet, «malgré le droit de committimus dont il avait usé, malgré le recours à
des juges certainement prévenus en sa faveur», avait succombé, d'abord au bailliage de Vire, en second lieu et définitivement aux Requêtes du Palais à
Paris, dans sa contestation avec Mathieu Roger, curé de Montchauvet, un des prédécesseurs du curé Le Petit.
[15] La cure de Montchauvet dépendait du Prieuré du Plessis-Grimoult.
[16] Bulletin historique et philologique, 1896. «Procès entre Bossuet, prieur du Plessis-Grimoult, et le curé de Montchauvet en Normandie, en 1674.»
Page 4, note 4.
J'ajouterai «et le prieur du Plessis-Grimoult», car Montchauvet était une des 39 cures (ou bénéfices) qui dépendaient de ce prieuré.—Voir notre étude sur
Bossuet en Normandie, p. 43.
Page 5, note 5.
L'abbé Gilles Basset des Rosiers enseigna la philosophie au collège d'Harcourt (aujourd'hui lycée St-Louis) vers 1750. Il devint recteur de l'Université en
1779. C'était un homme aimable, instruit, en relation avec les écrivains les plus renommés. (Voir BOUQUET, L'ancien collège d'Harcourt et le lycée Saint-
Louis, p. 414.)
Page 10, note 6.
Grimm n'assistait pas à cette mémorable séance; sa chaise de poste s'étant brisée à Soissons, il ne put arriver à Paris que le lundi de carnaval. «C'est ce
contre-temps, nous dit-il, qui m'attira l'honneur d'être l'historien du curé de Montchauvet.»
Page 13, note 7.
M. de la Condamine est bien connu par ses voyages scientifiques et par ses Mémoires sur l'inoculation de la petite vérole.
Sa surdité donna lieu, lorsqu'il fut reçu à l'Académie française (1760) au quatrain suivant. (On dit même qu'il en est l'auteur).
Trois ans auparavant (1757),—n'étant plus de la première jeunesse, puisqu'il était né en 1701,—il épousa sa nièce. Le madrigal qu'il fit à sa jeune femme,
pendant la première nuit de ses noces, fit beaucoup d'honneur à son esprit:
Après avoir lu ce joli madrigal, M. de Luxemont, secrétaire des commandements de M. le comte de Charolais, envoya le huitain suivant à M. de la
Condamine:
Si l'abbé Basset a envoyé ces agréables jeux d'esprit au curé de Montchauvet, l'auteur de Baltazar a dû se dire: «Je comprends que ce M. de la Condamine
n'ait pas voulu écouter mes vers; ce n'est pas un poète sérieux.»
Page 17, note 8.
Le curé tint compte de l'observation. On lit (acte III, sc. 3):
Le temps vous vengera des soupirs superflus,
Et je sçauray moi-même enfin n'y songer plus.
C'est l'année suivante (dans l'Orphelin de la Chine, de Voltaire) que Mlle Clairon et les artistes du Théâtre Français renoncèrent à jouer avec paniers.
C'est aussi à cette date (1755) que le marquis de Ximenès se brouilla avec Mlle Clairon. La grande actrice lui redemanda son portrait, et le marquis eut le
mauvais goût de le lui renvoyer, avec ce quatrain... cruel:
M. et Mme Fréron ne furent guère sensibles à cette générosité, car dans l'Année littéraire de 1754 (tome IV), le curé et sa tragédie sont arrangés de la belle
façon.
Page 34, note 12.
M. de Margency ne faisait pas que des vers burlesques. Voici une chanson, citée par Grimm (15 novembre 1757), qui nous prouve qu'il avait, quand il le
voulait, l'esprit aussi ingénieux que délicat.
Cette étude a déjà paru dans la Nouvelle Revue, 4e année, tome XIX, 1re livraison, 1er mars 1882, pages 117 et suivantes.
—Dans la première livraison de la Revue franco-américaine (juin 1894), Alphonse Daudet a consacré deux pages à l'abbé Le Petit, qu'il appelle «un raté
littéraire au XVIIIe siècle».
—Les deux tragédies de David et Bethsabée et de Baltazard sont devenues excessivement rares. J'ai pu acheter la première à la vente du baron Taylor.—
Elles se trouvent à la Bibliothèque de Caen, Ch 5/4. Baltazard se morfond, très peu lu, à la Bibliothèque de Vire. «Nul n'est prophète en son pays.»
La paroisse de Montchauvet a connu un autre curé-poète de la même force que l'abbé Le Petit.
En 1828, le curé Laumonier fit paraître [17]: L'oraison funèbre ou complainte sur le renversement d'un très bel if qui a existé dans le cimetière de
Montchauvet jusqu'à l'éradication qui en fut faite le 12 janvier 1828. (Ouf, quel titre!).
[17] A Vire, chez Adam, imprimeur du roi. L'abbé Laumonnier avait déguisé son nom sous l'anagramme de NUMA LEROI.
Voici quelques couplets de cette complainte:
De la demeure funéraire
Il était le triste ornement.
Faut-il qu'un désir de déplaire
Ait causé son renversement?
Il me servait de paravent
Quand j'allais à la sacristie;
Il me saluait en passant,
Me protégeant à la sortie.
.................
«Au haut des cieux, leur demeure dernière», (du moins j'aime à le supposer), les deux curés de Montchauvet, Le Petit et Laumonier, doivent rimailler de
conserve et maudire les méchants critiques, qui «tâchent de décourager ceux qui donnent quelque espérance».
*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DIDEROT ET LE CURÉ DE MONTCHAUVET ***
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