D’après la conférence de Patrice Hamelin Matériaux composites à matrices polymères

Matériaux
composites
à matrices polymères

Ingénieur en génie civil et professeur à l’Université Claude Bernard

Lyon 1, Patrice Hamelin est directeur du Laboratoire de génie
civil et d’ingénierie environnementale (LGCIE) et responsable du
groupe de travail matériaux composites à l’Association française
de génie civil (AFGC).

En matière de matériaux de développement durable, mise

construction, la tendance de- en sécurité, sobriété énergé-
puis une quinzaine d’années tique – plus que par celle de
est au remplacement pro- l’offre technique – progrès
gressif des matériaux clas- dans la maîtrise scientifique
siques par ce qu’on appelle de la formulation apportée par
les composites à matrices po- la chimie des polymères ou la
lymères. Cependant, on peut compréhension de la cristal-
noter un retard du secteur de lisation des matrices miné-
la construction par rapport rales. Les matériaux compo-
aux autres secteurs indus- sites à matrices polymères
triels d’un côté, et de la France élargissent considérable-
par rapport aux pays du Nord ment la capacité de répondre
de l’autre. Ce retard demande aux nouvelles exigences des
à être comblé et cela consti- consommateurs.
tue une promesse de crois- Une remarque préalable
sance pour la demande en pour remettre en mémoire la
matériaux polymères. L’évo- dimension économique im-
lution technique du bâtiment pressionnante du secteur de
est actuellement portée par la construction, que ce soit
l’évolution de la demande – en termes de chiffre d’affaires
importance des critères de ou en termes d’emplois : il
 La chimie et l’habitat

correspond, au plan natio- thermodurcissables2 ou

nal, à un chiffre d’affaires de thermoplastiques 3. Les prin-
131,8 milliards d’euros pour le cipaux avantages des com-
bâtiment, 55,8 milliards d’eu- posites, déjà largement uti-
ros pour les travaux publics et lisés pour le développement
concerne 1 300 000 personnes indus tr iel , p ar exemple
dans le bâtiment, 270 000 sa- dans l’automobile, l’aéro-
lariés dans le bâtiment et nautique (voir notamment
travaux publics (au sujet du le Chapitre de J.-P. Viguier)
BTP, voir aussi le Chapitre de ou encore la robotique, sont
J. Méhu). la facilité de transformation,
Une première partie de ce la résistance et la rigidité qui
chapitre posera les idées gé- permettent de réduire le poids
nérales sur le rôle des maté- propre des ouvrages pour
riaux composites à matrices une résistance donnée. Ils
polymères dans la construc- présentent aussi de bonnes
tion ; une deuxième présen- propriétés de durabilité au
tera trois thèmes qui illustrent sens traditionnel du terme, à
l’importance des matériaux savoir une forte résistance à
composites pour le respect des la corrosion et des proprié-
critères de Grenelle de l’envi- tés physiques particulières
ronnement pour la construc- comme celles de pouvoir être
tion (voir le Chapitre de J.-M. amagnétiques ou thermique-
Michel). La référence au Gre- ment isolants.
nelle indique bien que les ap- Les matériaux composites
proches diffèrent d’un pays à sont recherchés pour la
un autre ; la « vieille Europe » construction dans deux do-
a ainsi d’autres options que maines différents : les maté-
les États-Unis ou que d’autres riaux d’enveloppe – ce qu’on
continents. appelle le second œuvre – et
les matériaux structuraux
(ossature) chargés de suppor-
Les deux grandes
1 classes de matériaux
composites et la diversité
ter les efforts pour la tenue du
bâtiment et son exploitation.
On les classe en matériaux
de leurs usages pour la composites « souples » d’une
construction part et « rigides » d’autre part.
1.1. Intérêt des composites
à matrices polymères pour 1.2. Les composites souples
la construction
Les composites souples sont
Un matériau composite est des matrices thermoplas-
l’association de charges ou tiques avec fibres de polymère
sous-structures (souvent
minérales) avec des ma- 2. Un matériau plastique thermo-
trices1 polymères qui sont durcissable durcit progressive-
ment sous l’action de la chaleur
1. Dans un matériau composite, pour atteindre un état solide irré-
une matrice est une matière (plas- versible.
tique, métal, céramique…) servant 3. Un matériau thermoplastique se
à transférer les efforts au renfort ramollit lorsqu’il est chauffé au-
(fibres, billes...), qui est plus rigide dessus d’une certaine température
226 et plus résistant. et qui, en dessous, redevient dur.
 Matériaux composites à matrices polymères
Figure 1
La famille des composites souples
avec matrice polymère et leurs
applications.

Figure 2
De nombreux ponts tiennent avec
des câbles en composite.

(Figure 1). Ils permettent la milieu naturel – générale-

réalisation d’architectures ment le sol. Les conditions de
tensibles, comme des mem- sol ou de terrain ne sont en
branes souples pour réaliser effet pas toujours adaptées à
des structures gonflables la construction de routes ou
telle que des couvertures de de fondations de bâtiments.
stades (voir les Chapitres de Les membranes vont modifier
J.-P. Viguier et de G. Némoz) ; la répartition des charges et
ils peuvent aussi donner lieu assurer la durabilité des talus
au développement de câbles en termes de tenue dans le
ouvrant la voie aux applica- temps et de résistance.
tions d’infrastructures telles
que les ponts suspendus
1.3. Les composites rigides
(Figure 2). Les composites
souples peuvent aussi être Les composites rigides sont
des géotextiles ou des géo- des matrices thermodurcis-
membranes, matériaux d’in- sables renforcées en général
terfaces entre le bâtiment, par des charges minérales
l’habitat ou l’ouvrage et le (Figure 3). Ils permettent de 227
 La chimie et l’habitat

Figure 3
La famille des composites rigides
et leurs applications.

Figure 4
Tuyauteries anti-corrosion pour
le génie chimique et le génie
industriel.

réaliser des « bétons de poly- tions sont la réalisation d’élé-

mères » ou des revêtements ments d’enveloppe tels que
routiers comme les bétons les panneaux de façade, qui
de ville quand ils sont asso- sont autoporteurs et doivent
ciés à des fibres telles que la en même temps posséder des
fi bre carbone-aramide (voir propriétés d’isolation acous-
le Chapitre de G. Némoz). En tique, phonique et thermique.
outre, les composites rigides Après expansion, les matrices
fournissent des armatures thermodurcissables peuvent
ou des éléments de structure être insérées entre deux
porteurs tels que le profilé4. plaques de matériaux selon
le principe du sandwich ; elles
On réalise avec ces compo-
jouent alors à la fois un rôle
sites des structures que l’on
mécanique et un rôle ther-
appelle matériaux stratifiés, mique.
qui sont des empilements de
couches et dont les applica- Par ailleurs, les compo-
sites durs sont utilisés pour
4. Un profilé est un matériau la fabrication d’une variété
auquel on a donné une forme dé- de composants intervenant
228 terminée. dans la construction. Dans
 Matériaux composites à matrices polymères
Figure 5
Bâtiment entièrement réalisé en
composite.

Figure 6
Les profilés pultrudés, des demi-
produits industriels composites.

les usines chimiques, par

exemple, elles constituent
des tuyauteries anti-corrosion
(Figure 4) ; elles constituent
aussi le matériau verre po-
lyester pour la fabrication de
panneaux.
Le bâtiment montré sur la Fi-
gure 5 est une maison déve-
loppée par la société Impact
Design, donnant une vision
quelque peu futuriste de ce
que pourrait être une cel-
lule d’habitation. On pourrait
imaginer qu’elle soit mobile et
qu’elle puisse suivre l’évolu-
tion du soleil dans la journée
par un déplacement des cel-
lules. Ce procédé a été déjà
développé industriellement.
Les composites rigides sont
également adaptés à la réa-
lisation des structures tra-
ditionnelles en acier, comme
les profilés « pultrudés » 5
pouvant adopter différentes
géométries, avec des renforts
bi- ou tri-dimensionnels (Fi-
gure 6). Les composites en

5. La définition de ce terme
technique est reportée au para-
graphe 2.2 de ce chapitre. 229
 La chimie et l’habitat

A B les armatures, les solutions

composites, plus facilement
formables, sont nettement
mieux adaptées que l’acier
(Figure 7).
Malgré tous les atouts des
matériaux composites, les
matrices cimentaires tradi-
tionnelles chargées d’ions
minéraux restent majoritai-
rement utilisées (à propos des
bétons performants, voir le
Chapitre d’A. Ehrlacher). Mais
les bétons à très haute per-
formance, nécessaires pour
des conditions techniques exi-
geantes, se fissurent, entraî-
nant des problèmes de cor-
rosion, de ruptures, et donc
C D de durabilité au sens « durée
de vie ». L’incitation à dévelop-
per l’utilisation des matériaux
composites est donc indubita-
blement là.
Des matrices cimentaires
peuvent être utilisées pour
la fabrication de matériaux
composites en lieu et place
des matrices polymères ;
Figure 7
des fibres de carbone6 ou des
Armatures composites pour le fibres polymères sont utili-
renforcement des ouvrages en sées comme charges. Un
béton : treillis composites (A et B) exemple en est le Ductal®, un
et armatures composites (C et D).
béton à très hautes perfor-
mances (200 MPa de résis-
verre/carbone6, verre/résines tance) ; pour qu’il reste uti-
polyesters ou vinylesters lisable sans subir de rupture
sont capables de remplacer explosive ou présenter des
l’acier comme armatures de risques d’inflammation, on ra-
béton armé. Pour certaines joute des fibres de différentes
applications, comme la réa- natures, métalliques ou poly-
lisation de tunnels pour les- mères (Figures 8 et 9).
quelles il y a lieu de déformer
1.4. Les obstacles techniques
6. Au sujet des fibres de carbone,
et psychologiques
voir le Chapitre de J.-P. Viguier de
cet ouvrage, ainsi que l’ouvrage La au développement
chimie et le sport. Partie 3 : « Les des nouveaux matériaux
matériaux de la performance ». dans la construction
Coordonné par Minh-Thu Dinh-
Audouin, Rose Agnès Jacquesy, Pour que les matériaux com-
Danièle Olivier et Paul Rigny, EDP posites s’imposent dans la
230 Sciences, 2011. profession du BTP, il ne suffit
 Matériaux composites à matrices polymères
Figure 8
La famille des composites rigides
à matrice minérale et leurs
applications.

A B

pas qu’ils soient performants, C Figure 9

il faut aussi que leurs qualités
soient portées à la connais- A) Centre-bus de Thiais en
Ductal® ; B) Passerelle de Séoul
sance des responsables du en Corée réalisée en Ductal®, un
choix des matériaux – les composites fibre/ciment résistant
concepteurs – et acceptées à toute épreuve ; C) détail d’un
avec un par fait degré de panneau en Ductal®. Centre-bus
confiance ; il faut aussi que RATP (France).
soit présente chez tous une
réelle motivation de progrès
technique (Figure 10). alors qu’ils ont besoin de pré-
Une première série d’élé- voir les comportements à long
ments qui freinent l’introduc- terme – une dizaine d’années
tion des nouveaux matériaux pour l’habitat, une centaine
dans la profession est à trou- pour un ouvrage d’art – qui
ver dans le type d’informations sont le cadre dans lequel tra-
qui parvient aux décideurs, qui vaille le BTP ;
sont souvent incomplètes ou − la distorsion du discours de
même trompeuses : la presse technique qui sou-
− la nature des informations vent, cherche d’abord à flatter
techniques données aux le lecteur en mettant en avant,
concepteurs. On leur four- pour promouvoir les nouveaux
nit en général les propriétés matériaux, des applications de
mécaniques « instantanées » très haute technologie comme 231
 La chimie et l’habitat

leurs performances sont bien

maîtrisées en termes de du-
rabilité et de sécurité entre
autres. Compte tenu de l’im-
portance des enjeux, on peut
comprendre la prudence qui
préside à la décision de choisir
un nouveau matériau, déci-
sion qui comporte toujours
une prise de risque.

Figure 10 la robotique, le spatial, etc. Ces difficultés portent une

Ceci tend à créer un effet de conclusion très claire : pour
Innovation dans la conception et la développer l’utilisation des
mode, éventuellement tech-
réalisation d’un ouvrage en génie nouveaux matériaux dans la
civil. niquement infondé, illustré
par la « black fashion » qui construction, il faut qu’existe
voudrait tout peindre en noir une vraie volonté de recherche
pour faire croire que l’on va de la rupture technologique et
s’approprier la performance une volonté partagée par tous
d’une raquette de tennis ou les acteurs : maître d’ouvrage,
d’une paire de skis de hautes architecte, maître d’œuvre,
technologies. bureau d’étude, entreprise
chargée de l’exécution, or-
Un autre problème est, bien
ganismes de contrôles sans
entendu, le coût élevé des
oublier les usagers de l’ex-
composites. À l’évidence, la
ploitation. Cette volonté géné-
fibre de carbone ou de la résine
rale n’est pas facile à obtenir,
époxy 7 ne se produiront pas
compte tenu de la diversité
au prix de l’acier (0,50 €/kg)
des acteurs impliqués aux
pour faire un béton de 1 €/kg.
intérêts et engagements sou-
C’est le cercle vicieux habi-
vent différents ; elle exigerait
tuel : les prix pourront baisser
des efforts accrus de forma-
si les tonnages augmentent ;
tion mettant l’accent sur l’in-
ils augmenteront si les prix
novation en génie civil ainsi,
baissent !
certainement, qu’une rigu-
On doit aussi reconnaître eur accrue sur les méthodes
qu’un important obstacle à d’évaluation des risques et de
la généralisation du recours suivi des ouvrages.
aux matériaux composites
se trouve dans l’état d’esprit
conservateur – trop conserva-
Les multi-matériaux
teur – qu’on constate chez les
professionnels. C’est que les 2 dans le contexte
du développement
ouvrages en béton ou béton
armé de la construction tradi- durable (Grenelle de
tionnelle permettent des réa- l’environnement)
lisations très largement sa-
tisfaisantes, et les méthodes 2.1. Objectifs de
de calcul et de dimensionne- développement durable
ment permettant de prédire et multi-matériaux
Les principaux textes qui
7. Voir la note de bas de page 9 sous-tendent le présent cha-
232 du Chapitre de D. Gronier. pitre sont les suivants :
 Matériaux composites à matrices polymères
A B
rouleau résine finis en fibres
de fibres rouleau bain de de fibre source système de polymères
renforcées de tension résine imbibée de chaleur de tirage renforcés durcis

− loi (octobre 2008) relative à matériaux (recyclage, coût Figure 11

la mise en œuvre du Grenelle énergétique) (à propos du re-
de l’environnement : réduction cyclage, voir le Chapitre de A) Banc de pultrusion.
J. Méhu). B) Différentes sections
des consommations d’énergie
géométriques de barres
des bâtiments ; composites pultrudés.
− loi (juillet 1976) en relation
2.2. Des composites pour les
avec la directive européenne
performances thermiques
SEVESO : directive du 31 juillet
2003 relative à la présentation Les plaques ou les profi-
des risques technologiques et lés pultrudés 8 en composite
naturels ; « Schöck ComBAR ® » sont
− réduction de la vulnérabilité susceptibles de remplacer les
des bâtis vis-à-vis des actions armatures des fers à bétons,
sismiques (circulaire du et ceci permet de maîtriser
26 avril 2002) : mise en sécu- les ponts thermiques9. La Fi-
rité du patrimoine existant ; gure 11 schématise un banc
de pultrusion ; il est possible
− décret 15 mars 2010 rela- de fabriquer en continu des
tive à l’utilisation du bois dans profilés de sections géomé-
certaines constructions : pro- triques variées. Les proprié-
cédés constructifs multi-maté- tés mécaniques de résistance
riaux bois-composites. à la traction sont caractéri-
Pour se mettre en confor- sées par 550 N/mm² (newton
mité avec les objectifs de ces par millimètre carré) pour un
textes, la voie privilégiée par acier de construction clas-
les divers départements de sique et 1 000 N/mm² pour le
recherche du génie civil est de composite, soit un gain de ré-
combiner des matériaux aux sistance par un facteur deux.
performances complémen- La conductivité thermique
taires (multifonctionnalité) est de 60 W/mK pour l’acier
et d’autre part de chercher à à béton, mais cent fois plus
développer des technologies faible pour le composite (à
d’assemblages, c’est-à-dire propos de la conductivité des
d’approfondir les concepts et matériaux, voir le Chapitre de
les techniques de fonction-
nalisation de surface ou de 8. Le terme pultrusion, qui pro-
collage. Les critères du dé- vient de « pull » et « extrusion »,
veloppement durable condui- désigne un procédé de moulage
sent à chercher l’optimum des continu dans la fabrication de
matériaux composites à section
durées de vie (typiquement,
constante.
il faut prévoir sur cent ans) 9. Les ponts thermiques sont des
et à donner des éléments de zones de déperdition thermique
réponse sur la fin de vie des dans l’enveloppe des bâtiments. 233
 La chimie et l’habitat

Tableau 1
Comparaison des caractéristiques de Schöck Combar® et de l’acier.
HA = haute adhérence.

Acier HA Acier Schöck

Caractéristiques
Fe E500 inoxydable HA ComBAR® (HA)
Résistance à la traction
(N/mm2)
550 550 1 000 X2
Limite d’élasticité
500 500 1 000
(N/mm2)
Contrainte état de service 250 (= 0,5 %
286 286
(N/mm2) d’extension)
Contrainte état limite
435 435 337
(N/mm2)
Allongement en charge
0,18 % 0,18 % 0,42 %
de service
Module d’élasticité
200 000 160 000 60 000
(N/mm2)
Contrainte d’adhérence
2,3 2,3 2,3
(20/25 (N/mm2))
Contrainte d’adhérence
3,0 3,0 3,0
(30/37 (N/mm2))
Contrainte d’adhérence
3,7 3,7 3,7
(40/50 (N/mm2))
Recouvrement (mm) Classe d’expos Classe d’expos ds + 1 mm
3
Densité (g/cm ) 7,85 7,85 2,2
Conductivité thermique
(W/mK)
60 15 < 0,5 :100
Coefficient de dilatation 0,6 (axial),
1,0 1,2
thermique linéaire α 105/K 2,2 (radial)
Résistivité (Ω cm) 7,5.10 3 > 1014
Magnétisme oui très faible non

J.-C. Bernier). Les propriétés La différence des comporte-

de résistance comme les pro- ments – diagramme élasto-
priétés thermiques sont ainsi plastique avec phénomène
considérablement améliorées de plastification pour l’acier
quand on passe de l’acier au Fe550 mais comportement
composite (Tableau 1). quasi-linéaire avec rupture
Du fait de ses qualités méca- brutale pour le composite –
niques, l’utilisation du béton entraîne cependant une réelle
armé composite apparaît ainsi difficulté (Figure 12), en ce que
comme plus performante que la méthode de dimensionne-
celle du béton armé acier pour ment des structures en com-
234 la réalisation des structures. posite ne pourra pas être celle
 Matériaux composites à matrices polymères
qui est pratiquée aujourd’hui 1 200
dans les Eurocodes10 adaptés
acier haute adhérence
aux structures acier. Il est 1 000
nécessaire que de nouveaux Schock ComBAR®

textes pour les Euro codes

800

contrainte (N/m2)
soient écrits pour permettre
aux architectes d’utiliser des
règles de calcul de dimen- 600

sionnement. D’une nature

réglementaire autant que 400
technique, cette difficulté cor-
respond à un réel obstacle 200
pratique.
Les ponts thermiques étant 0
largement dus aux armatures 0 0,5 1 1,5 2
au niveau des balcons où un élasticité (%)
transfert direct de chaleur
vers l’extérieur prend place, le côté conservateur évoqué Figure 12
ils pourront être supprimés ou plus haut (paragraphe 1.4).
Diagramme de contrainte/
fortement atténués par l’uti- La nécessité d’adapter le pa- élasticité comparant l’armature
lisation des composites qui trimoine existant ou les os- acier haute adhérence et le
permettent ainsi d’atteindre satures existantes s’impose composite Schöck ComBAR®. Des
les objectifs d’isolation ther- à la lumière des accidents lois de comportements en traction
mique fixés. météorologiques qui sem- différentes imposent méthodes de
blent sur venir de plus en dimensionnement différentes.
plus fréquemment. Le Cha-
2.3. Mise en sécurité de pitre d’A. Ehrlacher a ainsi
l’habitat et maîtrise du risque évoqué la remontée possible
sismique du niveau des eaux de deux
Du fait de leurs excellentes mètres ; si elles sont en béton,
per formances, les maté- les digues soumises au mar-
riaux composites permettent nage sont susceptibles de se
l’amélioration de la sécurité fissurer et d’être soumises à
de l’habitat par rapport aux la corrosion de l’eau de mer.
matériaux traditionnels, le Les matériaux composites
béton et l’acier. Ces qualités, comme les profilés pultrudés
si l’on en prend conscience, vinylester/verre, parfaitement
devraient contribuer à briser adaptés pour protéger, répa-
rer ou renforcer les ouvrages
existants, sont évidemment
indiqués dans ce cas.
10. Les Eurocodes sont les normes Une technologie aujourd’hui
européennes de conception, de
dimensionnement et de justifica-
répandue pour le renforce-
tion des structures de bâtiment ment de dalles de béton, de
et de génie civil. Ils ont pour but ponts ou de planchers, etc.,
d’harmoniser les techniques de est de déposer sur le substrat
construction en Europe afin de des polymères généralement
permettre le libre accès des entre- d’origines époxydes pour stra-
prises de travaux ou des bureaux
tifier ou coller des tissus en
d’études techniques aux marchés
des autres États membres. Ils sont fibre de carbone ou de verre.
développés par le Comité européen On protège ensuite le revête-
de normalisation (CEN). ment par des gels (coating). 235
 La chimie et l’habitat

renforcer notamment dans

les bâtiments sensibles – les
préfectures, les hôpitaux par
exemple dont bien souvent
les parois séparatrices sont
en maçonnerie.
Le poids économique des di-
vers chantiers de réparation ou
mise en conformité est consi-
dérable. La mise en conformité
intervient pour 40 % du mar-
ché de la réparation, soit une
estimation de deux millions
de mètres carrés (estimation
2006). Incidemment, ceci ab-
sorbe pratiquement 40 % du
marché total de la production
de fibre de carbone ; il serait
donc bien venu d’arrêter de
limiter la publicité en faveur
de la fibre de carbone à la ro-
Figure 13 En France, le dommage sis- botique ou aux raquettes de
Carte de sismicité en France de mique est pris en compte tennis… (Figure 14).
1980 à 1998 (données BCFS). par une série de décrets et
Il est nécessaire de prendre en règlements qui ont été révi-
compte les risques sismiques en sés en 2008. Des secousses 2.4. Réhabilitation
France : les bâtiments et ouvrages
sismiques ne peuvent en effet du « matériau bois » grâce
doivent être mis en conformité,
ce qui conduit à un enjeu pas être exclues et les bâti- aux composites
technologique important, avec des ments construits dans les
La recommandation d’ac-
impacts socio-économiques. années 1950 ne sont pas né-
croître l’utilisation du bois
cessairement en conformité
dans la construction par un
avec les sollicitations consi-
facteur dix, formulée dans
Figure 14 dérées comme possibles (Fi-
le décret du 15 mars 2010,
Parts des différents secteurs gure 13). Le problème ma- a déjà comme conséquence
dans le marché de la réparation jeur est celui de la tenue des que l’on voit se développer des
en France (estimation 2006). maçonneries qu’il y a lieu de maisons « tout en bois » (voir
le Chapitre de J.-P. Viguier).
Autres
Mais la généralisation de ces
14 %
pratiques ne va pas sans in-
convénient du point de vue de
Cheminées Ponts la stabilité dimensionnelle –
5% 36 %
le retour d’expérience des
chalets savoyards le montre.
Des recherches se dévelop-
pent pour améliorer les per-
formances des ossatures en
bois en dépit de la rigidité in-
trinsèquement plus faible de
ce matériau, relativement aux
Bâtiments
37 %
portées maximum, à sa défor-
Tunnels
8%
mation et à son comportement
236 acoustique.
 Matériaux composites à matrices polymères
Dalle compression en BFUHP Béton très haute performance fibré

Platelage en bois
Frise en bois

Figure 15 Nervure en bois

Panneau autoporteur en bois.

Membrures supérieures
en bois

La voie privilégiée dans les Armatures composites

centres de recherche est de Membrures inférieures
recourir aux multi-matériaux, en BFUHP
assemblages de plusieurs Béton très haute performance
matériaux aux propriétés
complémentaires : compo-
sites pultrudés ou composites par insert de composites (Fi- Figure 16
stratifiés pour la constitution gures 15 et 16). Sont égale-
de poutres (voir aussi le Cha- ment fabriqués des planchers Éléments préfabriqués multi-
matériaux d’un panneau
pitre d’A. Ehrlacher). L’inser- autoporteurs où l’on combine
autoporteur haute performance
tion de bois à l’intérieur des une dalle de béton à très haute avec collage époxyde.
composites améliore la tenue performance fibrée avec des BFUHP = béton filtré à ultra-
à la traction des poutres ou platelages en bois. Les assem- hautes performances.
des renforts composites et blages sont réalisés à l’aide de
permet de plus l’utilisation de polymères de haute perfor-
bois aux caractéristiques limi- mance et de colles époxy. Sur
tées mais de faibles coût. Ainsi les parties tendues, on utilise
il est possible d’utiliser des en remplacement des fers à
éléments préfabriqués (pan- bétons les composites hautes
neaux ou poutres) aux perfor- performances ainsi que les
mances mécaniques amélio- armatures de verre vinylester
rées par rapport aux éléments qui améliorent la résistance
classiques grâce à l’ajout ou en traction.

237
 La chimie et l’habitat

Les matériaux à matrices

polymères, matériaux
d’aujourd’hui, matériaux d’avenir
Ce chapitre a montré à travers la présentation
d’exemples que les matériaux composites à
matrices polymères apportent la capacité :
– d’atteindre les objectifs de la consommation
d’énergie des bâtiments en supprimant presque
complètement les ponts thermiques ;
– de contribuer à la mise en sécurité des
ouvrages existants, en particulier par rapport
au risque sismique ;
– de contribuer à l’amélioration de la durabilité
des bâtiments et notamment des bâtiments en
bois.
Leur qualification et leur certification au niveau
du marché européen nécessitent une démarche
volontaire de toutes les parties impliquées dans
l’activité de la construction pour élaborer de
nouvelles règles de dimensionnement qui leur
soient adaptées et qui devront compléter les
Eurocodes guidant la construction en Europe.
Pour l’universitaire, il y a urgence d’actualiser
les formations d’ingénieurs par l’introduction
de masters spécialisés utilisables profession-
nellement pour le développement de l’utilisa-
tion des matériaux à matrices polymères.

238
La chimie et l’habitat

Crédits
photographiques
Fig. 9 : Lafarge DR. A : architecte :
agence ECDM, photo : Benoît
Fougeirol.