L'adaptation Au Changement Climatique: Valentine Van Gameren Romain Weikmans Edwin Zaccai

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 128

Valentine van Gameren

Romain Weikmans
Edwin Zaccai

L’adaptation
au changement
climatique
Remerciements. Les recherches de Valentine van Gameren et
de Romain Weikmans ont respectivement bénéficié du soutien
financier de la Conférence permanente du développement terri-
torial de la Région wallonne et de l’Université libre de Bruxelles
(bourse Mini-ARC).

S i vous désirez être tenu régulièrement informé des parutions de la collection


« Repères », il vous suffit de vous abonner gratuitement à notre lettre d’information
mensuelle par courriel, à partir de notre site http://www.collectionreperes.com,
où vous retrouverez l’ensemble de notre catalogue.

ISBN : 978-2-7071-7469-7
Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que repré-
sente pour l’avenir du livre, tout particulièrement dans le
domaine des sciences humaines et sociales, le développement
massif du photocopillage. Nous rappelons donc qu’en application
des articles L. 122-10 à L. 122-12 du code de la propriété intellectuelle, toute photo-
copie à usage collectif, intégrale ou partielle, du présent ouvrage est interdite sans
autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou
partielle, est également interdite sans autorisation de l’éditeur.

© Éditions La Découverte, Paris, 2014.


Introduction

Le changement climatique est une réalité. Qualifié par certains


auteurs de problème majeur pour le XXIe siècle [Giddens, 2009]*,
l’ensemble de ses implications ne va apparaître que progressive-
ment. Pour les quelques décennies à venir, certaines études
prévoient une augmentation de la température moyenne à la
surface de la Terre de l’ordre de 0,2 ou 0,3 ºC tous les dix ans
[GIEC, 2013]. Par son rythme, celle-ci mettra à rude épreuve la
capacité d’adaptation des espèces — l’Homme y compris — et
des écosystèmes. Que signifie vivre avec un climat qui se modifie
plus rapidement que par le passé ? Habiter une région où les
moyennes des températures et de pluviométrie, où la configu-
ration même du climat ne sont plus stables ? Nos sociétés n’en
ont pas l’expérience.
Il y a vingt mille ans, trois kilomètres de glace recouvraient
une bonne partie de l’Europe, tandis que le niveau des océans
se trouvait 120 mètres plus bas qu’aujourd’hui. Cette planète
bien différente connaissait un climat qui n’avait pourtant que
4 à 5 ºC de moins en moyenne qu’aujourd’hui. Il fallut trois
mille à quatre mille ans pour gagner ces degrés-là, et au cours des
dix mille dernières années, la température moyenne du globe est
restée stable à plus ou moins un degré près. Le réchauffement
d’il y a quelques millénaires a d’ailleurs des relations avec l’appa-
rition des grands foyers de sociétés agricoles qui signent le début
des civilisations. Or la température moyenne à la surface de la
Terre a augmenté de 0,85 ºC entre 1880 et 2012 [GIEC, 2013]. En

* Les références entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d’ouvrage.


4 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

outre, le rythme actuel d’accumulation des gaz à effet de serre


(GES) dans l’atmosphère, due à des émissions qui restent à la
hausse au niveau mondial, pousse un nombre important de
scientifiques à estimer qu’un réchauffement global de 3 à 4 ºC
à l’horizon 2100 semble de plus en plus probable [New et al.,
2011 ; AIE, 2013 ; Climate Action Tracker, 2013].
Comme tous les problèmes environnementaux de portée
mondiale, le changement climatique affecte des sociétés qui se
trouvent dans des situations extrêmement différentes. Ainsi que
l’on peut le lire au début du rapport Brundtland [CMED, 1987],
fondateur du développement durable : « La Terre est une, le
monde lui ne l’est pas. » Pour des sociétés où une grande partie
de la population vit directement de la production agricole, des
perturbations des saisons amèneront des impacts considérables.
Certaines villes aussi, sous l’effet notamment des modifications
— permanentes ou extrêmes — du régime des eaux, subiront des
effets directs (problèmes d’approvisionnement en eau, d’inon-
dation, d’impact sur les côtes) exigeant des mesures particulières
de gestion. Ailleurs encore, ce sont des incendies de forêts ou
des modifications profondes de la faune et de la flore qui se
dessinent.
Malgré les recherches sur la modélisation du climat qui se
raffinent toujours davantage, il subsiste de nombreuses incerti-
tudes sur les effets possibles des modifications climatiques en
cours et à venir, en particulier au niveau régional. Ainsi, selon
certaines études, les hivers très neigeux perturbant entre 2009
et 2013 des régions d’Europe et d’Amérique du Nord auraient
été influencés par la fonte accélérée des glaces plus au Nord,
laquelle est par ailleurs bien observée [Tang et al., 2013]. Si les
tendances sont confirmées par les modèles climatiques à
l’échelle du monde et sur des intervalles de décennies, de
nombreux événements peuvent survenir en sens divers, locale-
ment et à des intervalles de temps plus courts (années, mois).
À cet égard, l’expression « changement climatique » qui est
communément utilisée se révèle plus parlante que celle de
« réchauffement climatique ».
Si ces évolutions relativement rapides du monde physique
constitueront dans nombre de cas des facteurs accroissant des
pressions néfastes sur les sociétés, et dans d’autres cas des oppor-
tunités pour de nouvelles activités, c’est toujours en interaction
avec des processus sociaux, politiques et économiques qu’elles se
INTRODUCTION 5

produiront. Ces interactions constituent l’un des éléments clés


dans l’approche de cet ouvrage. Aussi majeurs soient-ils, les
impacts du changement climatique ne constituent qu’une partie
des changements qui affectent les sociétés. La population
urbaine mondiale par exemple n’est-elle pas passée de
750 millions d’habitants en 1950 à 3,6 milliards en 2011, modi-
fiant profondément de nombreuses sociétés humaines durant le
XXe siècle ? Ce n’est là qu’un exemple, et de nombreux facteurs
— qu’ils soient technologiques, démographiques, socioécono-
miques, politiques ou culturels — sont essentiels à considérer
lorsque l’on parle d’impacts environnementaux sur le dévelop-
pement. Isoler la menace climatique pour la traiter indépendam-
ment de ces évolutions serait superficiel et sans beaucoup
d’intérêt concret.
C’est donc dans le cadre d’une combinaison d’évolutions en
cours et à venir que les sociétés auront à assurer leur adaptation
à des changements climatiques qui vont s’accroître. Cet ouvrage
tentera de réfléchir aux formes que pourrait prendre l’adapta-
tion dans différents contextes et pour différents acteurs. Nous
verrons aussi que de nombreux obstacles s’opposent à une prise
en compte anticipée du changement climatique, qui, en outre,
est entaché de beaucoup d’incertitudes. Les contraintes du
présent, les limites des savoirs, des pratiques, de l’organisation
sociale, ou des technologies et infrastructures n’en sont que
quelques-uns.
Pour introduire nos analyses, nous nous proposons ici de
passer en revue quelques éléments clés des définitions de l’adap-
tation, de sa pertinence croissante, et de la comparer à l’atténua-
tion des émissions de GES, l’autre grande voie d’action
complémentaire bien identifiée pour faire face au changement
climatique.

Définir l’adaptation

La définition de l’adaptation des systèmes humains au chan-


gement climatique la plus communément utilisée est celle du
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC), à savoir une « démarche d’ajustement au climat actuel
ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences, de manière à en atté-
nuer les effets préjudiciables et à en exploiter les effets
6 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

bénéfiques » [GIEC, 2012, p. 4]. Cette définition fait référence


aussi bien aux conditions climatiques actuelles que futures, et
considère tant les changements climatiques d’origine naturelle
que ceux d’origine anthropique (voir chapitre I). Le caractère
planifié de l’adaptation est également explicitement mis en
avant. En revanche, lorsque l’on fait référence à des actions qui
ont pour conséquence de limiter les effets néfastes ou d’exploiter
les effets bénéfiques des conditions climatiques mais qui n’ont
pas été spécifiquement prises en visant ces objectifs, on parlera
d’adaptation spontanée.
Si l’adaptation au changement climatique constitue un
domaine récent, le concept d’adaptation jouit lui d’un ancrage
historique fort au sein de différents champs de savoir et de
pratiques [Simonet, 2009 ; Pelling, 2011]. Ainsi, dès le XIXe siècle,
la biologie (et plus spécifiquement la théorie de l’évolution)
inclut le concept d’adaptation dans son analyse du monde
vivant puisqu’elle la considère comme une condition essen-
tielle de l’existence. En s’inspirant de la biologie, la psycho-
logie s’intéresse à l’adaptation pour étudier les interactions entre
l’homme-sujet et le monde dans lequel il évolue. De même,
l’anthropologie a utilisé ce concept pour analyser les ajuste-
ments biologiques et culturels des individus et groupes à leur
environnement, notamment pour leur survie. La sociologie s’est
quant à elle intéressée à l’adaptation sociale, c’est-à-dire aux
changements d’un individu pour s’intégrer ou se sentir appar-
tenir à un groupe, d’où un lien fort avec les concepts de sociali-
sation et d’intégration sociale. On pourrait encore trouver des
notions d’adaptation dans le champ de la compétition écono-
mique ou des pratiques managériales. Le facteur climatique n’est
pas étranger au concept d’adaptation utilisé dans ces disciplines,
puisqu’il fait partie intégrante du milieu auquel les êtres vivants,
individus et sociétés humaines s’ajustent.

Un défi ancien, des dimensions nouvelles

De tout temps, les sociétés humaines ont été confrontées à


la variabilité naturelle du climat et y ont fait face — avec plus
ou moins de succès — en développant d’innombrables stratégies
adaptatives [Diamond, 2000 ; De Menocal, 2001 ; Dovers, 2009].
Si l’historique des sociétés montre un certain nombre d’échecs,
INTRODUCTION 7

les humains ont néanmoins été capables de s’implanter dans


pratiquement toutes les zones climatiques du globe, y compris
les plus extrêmes.
Le phénomène du changement climatique d’origine anthro-
pique apporte des dimensions profondément nouvelles à ce défi
millénaire. Bien sûr, les stratégies déjà employées pour s’adapter
à la variabilité climatique naturelle — comme le choix d’espèces
et de techniques agricoles, la configuration de l’habitat, ou
encore les dispositifs de défense des côtes pour se protéger des
cyclones — pourront continuer à être mobilisées, même si c’est
à des échelles et en des endroits différents. Cependant, le chan-
gement climatique entraîne aussi des difficultés particulières,
sous au moins deux aspects : sa rapidité d’occurrence et son
origine anthropique.
Premièrement, nous l’avons vu, le climat du passé pouvait
généralement être considéré comme « stationnaire » à l’échelle
humaine, même si des déviations ont pu être enregistrées durant
certaines périodes. Par opposition, la complexité majeure de
l’adaptation au changement climatique contemporain tient à
la fois aux profondes modifications de l’environnement
auxquelles il sera nécessaire de répondre mais aussi — et peut-
être surtout — au rythme auquel elles vont survenir. Par consé-
quent, la mise en place de l’adaptation ne pourra pas
uniquement compter sur des mécanismes non planifiés. En
effet, les outils actuels des acteurs qui ont l’habitude de gérer
la variabilité climatique souffrent de certaines limites au regard
des caractéristiques du changement climatique. Si le défi majeur
consistera à s’adapter à des conditions climatiques chan-
geantes et largement incertaines à l’échelle locale, cet objectif
pourrait aussi être considéré comme un processus à mettre en
place plutôt que comme de nouveaux états du système à
atteindre, étant donné l’évolution constante de ce système.
Deuxièmement, l’origine humaine du changement clima-
tique fait de la question cruciale du financement de l’adap-
tation un sujet important de négociation à l’échelle
internationale, en particulier parce que les pertes mondiales
imputables aux catastrophes liées au climat se chiffrent déjà
annuellement à plusieurs dizaines, voire centaines de milliards
de dollars. Si les efforts visant à répondre aux effets de la varia-
bilité naturelle du climat sont, dans une large mesure, du seul
ressort des États souverains (et de leurs régions ou localités),
8 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

l’adaptation au changement climatique d’origine anthropique,


elle, entraîne un certain degré de responsabilité partagée au
niveau mondial. Des pays parmi les plus touchés par les effets
néfastes du changement climatique, comme le Bangladesh ou
certains pays d’Afrique, sont aussi ceux qui y ont le moins
contribué. La répartition inégale de la vulnérabilité, confrontée
à celle des responsabilités dans les émissions, complique des
négociations internationales déjà manifestement difficiles en
matière d’atténuation du changement climatique.

Atténuation et adaptation

Les discussions politiques menées autour du changement


climatique à l’échelle internationale se sont pendant long-
temps quasiment exclusivement focalisées sur la seule atténua-
tion, même si l’adaptation était citée dans les négociations. La
réduction des émissions de GES a ainsi été le centre d’attention
du processus multilatéral de la convention-cadre des Nations
unies sur les changements climatiques [CCNUCC, 1992] et un
régime cohérent a pu être créé à cet égard, bien qu’insuffisant
dans ses effets. Cela fait donc plus de vingt ans que l’ensemble
de la communauté internationale, sur la base des travaux scien-
tifiques des décennies précédentes, a admis l’existence du chan-
gement climatique et de ses menaces, et tente d’y réagir de façon
concertée. L’atténuation s’accompagne d’objectifs (réduire les
émissions de dioxyde de carbone — CO2 — en particulier),
d’outils (tels que les permis négociables ou taxes) et d’un résultat
attendu (éviter le réchauffement de la planète). En revanche,
l’adaptation reste difficile à cerner et n’a d’ailleurs jamais été
formellement définie dans le cadre des négociations politiques
internationales, c’est pourquoi il n’y a pas non plus d’objectif
clair à son sujet.
Si l’on compare atténuation et adaptation, la première
recouvre un ensemble d’actions à engager par les émetteurs de
GES pour un bénéfice collectif planétaire : la réduction de tous
les risques dérivés du changement climatique. Il s’agit donc d’un
processus très demandeur d’une coordination internationale.
Celle-ci est difficile à obtenir étant donné la grande hétérogé-
néité des niveaux de développement technologique et écono-
mique. L’adaptation, elle, procure des bénéfices privés (ou évite
INTRODUCTION 9

des pertes) en apportant des réponses ciblées à tel ou tel aspect


du changement climatique.
Pour être efficace, l’adaptation doit cependant être simultané-
ment conduite à plusieurs niveaux. Elle est fondamentalement
locale, puisque les impacts directs du changement climatique
sont et seront ressentis localement. Toutefois, pour que ces
efforts soient robustes — ou, dans bien des cas, simplement
possibles —, ils doivent souvent être guidés et soutenus par des
politiques et stratégies nationales, voire internationales. Par
ailleurs, si la mesure des concentrations de GES dans l’atmo-
sphère offre un moyen relativement aisé pour mesurer les
progrès entrepris en termes d’atténuation, les efforts en matière
d’adaptation ne font pas l’objet de méthodes éprouvées pour en
évaluer l’évolution. L’atténuation possède également un instru-
ment légal distinct, sous la forme du protocole de Kyoto et de
ses suites, alors qu’il n’existe pas d’instrument de ce genre pour
l’adaptation. Ces divers éléments sont sans doute autant d’illus-
trations de la montée en puissance relativement tardive de
l’adaptation dans l’agenda climatique international et des diffi-
cultés liées à son étude.
Pourtant, si l’adaptation avait été initialement considérée de
manière négative, parfois perçue comme une attitude de renon-
cement ou de passivité face au défi de la limitation des émis-
sions de GES et de la transformation des modes de production et
de consommation qui s’ensuit, il apparaît aujourd’hui qu’elle
est tout bonnement indispensable, en complément à l’atténua-
tion [New et al., 2011]. Selon une formule courante, l’atténua-
tion vise à éviter l’ingérable, et l’adaptation vise à gérer
l’inévitable. Comme le soulignait de façon imagée John
Holdren, ancien président de l’Association américaine pour
l’avancement des sciences (paraphrasé et traduit ici par nos
soins) : « Nous avons trois options : atténuer les émissions, nous
adapter ou souffrir. Nous ferons un peu des trois. La question
est de savoir quelle combinaison nous allons privilégier : plus
nous atténuons les émissions, moins nous aurons à investir dans
l’adaptation, et moins de souffrance il y aura » [Holdren, 2010].
10 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Plan de l’ouvrage

Malgré ces aspects multiformes et encore relativement peu


définis à la fois politiquement et pratiquement, l’adaptation au
changement climatique constitue un champ stimulant pour les
universitaires par sa nouveauté et son importance, et essentiel
pour les politiques, les entreprises ou les citoyens. L’avenir
proche dira dans quelle mesure il va se diffuser dans les
consciences et les politiques, à l’instar de la diffusion des
objectifs d’atténuation depuis deux décennies. En attendant, les
travaux sont déjà nombreux et les réalisations multiples. Cet
ouvrage se propose d’en cerner les principaux contours et voies
d’évolution.
Dans le premier chapitre, nous abordons les aspects physiques
du changement climatique en exposant certains impacts
observés et susceptibles de se produire au cours des décennies
à venir. Le chapitre II est consacré aux dimensions sociales du
risque climatique, dont la compréhension est cruciale pour saisir
le sens de l’adaptation. Dans le troisième chapitre, nous
abordons les questions de cadrage international de l’adapta-
tion, telles que son intégration au sein de la convention-cadre
sur le climat et la problématique du financement en la matière.
La mise en place de politiques nationales et infranationales en
faveur de l’adaptation fait l’objet du chapitre IV, alors que le rôle
des initiatives privées est traité dans le chapitre V. Enfin, le
chapitre VI récapitule différentes formes d’adaptation, en faisant
appel à des typologies, et aborde la question du suivi des actions
d’adaptation.
I / Changement climatique :
aspects physiques

Les effets du changement climatique se font-ils déjà sentir ?


Comment se manifestent-ils ? À quels impacts faut-il s’attendre
dans le futur ? Quand et où se produiront-ils ? Dans ce chapitre,
nous mettons en évidence un certain nombre de changements
observés dans le système climatique depuis la fin de la période
préindustrielle (qu’on considère de façon relativement arbi-
traire comme s’étant achevée en 1750) et attendus au cours du
XXIe siècle. Nous le verrons : ces changements entraîneront de
profonds bouleversements sur l’environnement physique
naturel et les écosystèmes.

Changements déjà observés

La température moyenne à la surface de la Terre s’est élevée


de plus de 0,8 ºC depuis l’ère préindustrielle [GIEC, 2013]. En
Europe, la décennie 2002-2011 a été la plus chaude jamais enre-
gistrée, avec des températures au sol supérieures de 1,3 ºC par
rapport au début de l’industrialisation [AEE, 2012a]. Les autres
caractéristiques du système climatique se modifient également.
Ces changements affectent l’environnement physique naturel :
le niveau moyen des mers s’élève, les océans s’acidifient, la
fréquence et l’intensité des sécheresses et des inondations se
modifient. Dix des douze hivers les plus secs qu’a connus la
région méditerranéenne depuis 1902 se sont produits entre 1992
et 2012. La surface de l’océan Arctique couverte de glaces en
été a diminué de moitié en trente ans et a atteint un minimum
record en septembre 2012 par rapport au moins aux quinze
12 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

variations de l’état moyen et d’autres


Météo, climat, changement variables statistiques du système
climatique anthropique, climatique à toutes les échelles
variabilité climatique temporelles et spatiales qui sont
naturelle : de quoi parle-t-on ? dues à des « forçages externes » (des
éléments externes au système clima-
Alors que le climat se réfère à une tique qui provoquent un change-
description statistique fondée sur les ment dans ce dernier) anthropiques,
moyennes et la variabilité de gran- tels que les variations de la composi-
deurs pertinentes (par exemple, des tion de l’atmosphère, et les change-
variables comme la température, les ments d’affectation des terres. La
précipitations et le vent) sur des variabilité naturelle du climat
périodes variant de quelques mois à désigne, quant à elle, des variations
des milliers, voire à des millions dues à des processus internes naturels
d’années (la période type, définie au sein du système climatique et/ou
par l’Organisation météorologique à des variations des forçages externes
mondiale (OMM), est de trente ans), naturels, comme des modifications
la météo correspond, quant à elle, à du rayonnement solaire ou des érup-
l’étude du temps qu’il fait ou qu’il va tions volcaniques.
faire à très court terme (de l’ordre de Dans le jargon de la commu-
quelques jours, voire semaines). Le nauté scientifique, l’identification de
climat et la météo ne sont pour changements climatiques et de leurs
autant pas déconnectés, puisque ce causes est appelée la « détection et
sont entre autres les observations attribution ». La détection consiste à
météorologiques qui servent de montrer que le climat a changé selon
fondement aux études climatiques certains critères statistiques définis,
pour établir leurs moyennes et sans donner la raison de ce change-
tendances. ment. L’attribution, quant à elle,
Au cours de son histoire, notre consiste à établir, avec un certain
planète a connu de nombreux degré de confiance, les causes les
épisodes de changements clima- plus probables du changement
tiques. Analytiquement, il est détecté. En d’autres termes, les
commun de distinguer les change- études de détection et d’attribution
ments climatiques d’origine anthro- s’efforcent d’établir une distinction
pique de la variabilité naturelle entre les influences naturelles, d’une
du climat. Les changements clima- part, et humaines, d’autre part, sur le
tiques anthropiques désignent des climat.

cents dernières années. En Europe, les glaciers des Alpes ont


perdu environ les deux tiers de leur volume depuis 1850. Les
écosystèmes sont affectés à leur tour par ces perturbations : les
animaux et végétaux qui le peuvent migrent vers les latitudes
plus hautes ou les reliefs, certains ne le peuvent pas — ou pas
assez rapidement — et périclitent.
CHANGEMENT CLIMATIQUE : ASPECTS PHYSIQUES 13

Ce réchauffement ne peut être expliqué par des facteurs


naturels et peut être très largement attribué à l’influence des
activités humaines, en particulier du fait des émissions de GES
qui leur sont associées. La concentration dans l’atmosphère du
principal GES posant problème, le CO2, est passée de 278 parties
par million (ppm) avant la période industrielle à 400 ppm en
mai 2013, et augmente actuellement au rythme de 1,8 ppm par
an. Une telle concentration de CO2 est totalement atypique
puisqu’elle n’a plus été atteinte depuis au moins 3,2 millions
d’années. Il en va de même pour les concentrations dans l’atmo-
sphère du méthane (CH4) et du protoxyde d’azote (N2O), les
deux autres principaux GES contribuant au réchauffement
anthropique, qui sont actuellement plus élevées que sur les huit
cent mille dernières années, au moins.

Projections climatiques

La caractérisation des changements climatiques susceptibles


de se produire au cours des prochaines décennies au niveau
planétaire est un exercice délicat. Il est encore plus complexe
de déterminer les modifications que ces changements indui-
ront sur l’environnement physique naturel et sur les écosys-
tèmes. L’incertitude qui pèse sur notre connaissance des
conditions climatiques futures est de deux types. Scientifique,
d’abord : notre compréhension du fonctionnement du système
climatique reste, malgré d’importants progrès, relativement
limitée. L’incertitude est aussi — voire surtout — de type
sociétal : ce sont les choix actuels et futurs en matière d’émis-
sions de GES qui conditionneront principalement la nature et
l’ampleur du changement climatique sur le long terme.
Pour établir les projections climatiques contenues dans ses
troisième et quatrième rapports d’évaluation, le GIEC [2001 ;
2007] a recouru aux scénarios décrits dans le Special Report on
Emissions Scenarios (SRES) (Rapport spécial sur les scénarios
d’émissions) [Nakicenovic et Swart, 2000]. Ces projections décri-
vent les réactions du système climatique par rapport à des
scénarios d’émissions de GES (le système climatique est en effet
particulièrement sensible à la concentration de GES dans l’atmo-
sphère). Si l’on parle de projections climatiques et pas de prévi-
sions climatiques, c’est parce que les scénarios en question
14 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

reposent sur un certain nombre d’hypothèses — qui peuvent ou


non se réaliser — concernant les évolutions économiques,
démographiques, technologiques, etc., que connaîtront les
sociétés dans le futur, et qui détermineront, entre autres, leurs
émissions de GES. Les scénarios SRES sont ainsi organisés en
quatre familles (A1, A2, B1 et B2) selon les hypothèses posées au
sujet des futurs socioéconomiques.
Le cinquième et plus récent rapport d’évaluation du GIEC se
fonde sur un nouvel ensemble de scénarios dits « RCP » (Repre-
sentative Concentration Pathways, ou trajectoires de concentra-
tion représentative), même si certaines données de la littérature
scientifique synthétisée dans ce rapport reposent toujours sur
les scénarios SRES. Plutôt que de partir de scénarios d’évolu-
tions socioéconomiques (qui mènent à des trajectoires données
d’émissions de GES), les nouveaux scénarios ont pour points
de départ différentes concentrations de GES et d’aérosols dans
l’atmosphère. Au contraire des scénarios SRES, les scénarios
RCP ne sont donc pas associés à des scénarios socioécono-
miques particuliers et peuvent résulter de la combinaison de
divers futurs économiques, technologiques, démographiques,
politiques et institutionnels [GIEC, 2013]. Cette approche
permet d’explorer différentes possibilités d’évolutions technolo-
giques et socioéconomiques, notamment celles qui prennent en
compte des politiques de réduction des émissions de GES (les
scénarios SRES ne faisaient pas l’hypothèse d’efforts explicites
d’atténuation).
Par ailleurs, les scénarios RCP couvrent la période 2000-2300
de façon à faciliter l’exploration des impacts climatiques à très
long terme. Comme l’illustre la figure 1, quatre RCP furent sélec-
tionnés, définis et nommés en fonction de leurs effets sur le
bilan énergétique du système climatique entre 1850 et 2100
(différence entre le rayonnement solaire net reçu et le rayonne-
ment infrarouge émis au sommet de la troposphère).
Jusqu’aux années 2040 environ, les émissions passées de GES
et l’inertie du système climatique nous engagent irrémédiable-
ment dans un certain niveau de réchauffement, et ce quels que
soient les efforts entrepris en matière d’atténuation (voir figure 1
et tableau 1). Les bénéfices des actions actuelles de réduction
des émissions de GES ne se feront donc sentir que dans trois
décennies, environ. Les modèles climatiques à notre disposition
CHANGEMENT CLIMATIQUE : ASPECTS PHYSIQUES 15

Figure 1. Projections de l’évolution de la température moyenne


à la surface de la Terre
9
RCP 8,5
Augmentation de la température par rapport à la période 1980-1990 (°C)

Augmentation de la température par rapport à l’ère préindustrielle (°C)


8
7

7
6

6
5

RCP 6 5
4
4

3
3

2 RCP 4,5
2

1
RCP 2,6
1

0
0
1950 2000 2050 2100 2150 2200 2250 2300
Année

Note : les courbes représentent les trajectoires médianes d’évolution de la température


moyenne à la surface de la Terre en fonction des quatre scénarios RCP. Pour chaque scénario
RCP, il y a 66 % de chances que la trajectoire d’évolution de la température se trouve dans
la zone grisée qui lui est associée.
Source : d’après Rogelj et al. [2012].

limitent assez fortement notre connaissance des changements


climatiques qui vont se produire durant cette période. Même si
les traits caractéristiques les plus forts sont connus (les régions
sèches deviendront en moyenne plus sèches et les régions
humides plus humides, le réchauffement sera plus important sur
les continents et aux hautes latitudes, etc.), la variabilité natu-
relle du système climatique est à ce point importante qu’il reste
16 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Tableau 1. Changements observés et projetés pour un

Changements Observés

Température moyenne globale à + 0,8 ºC*


la surface de la Terre + 0,5 ºC entre 1979 et 2010 (période
L’augmentation de la température est la plus chaude des 1 300 dernières
Changements dans le système climatique et impacts sur l’environnement physique naturel

plus importante aux latitudes élevées années)


de l’hémisphère Nord qu’ailleurs sur la
Terre. En outre, les terres émergées se
réchauffent plus vite que les océans.

Montée du niveau de la mer + 20 cm*


Principalement due à l’expansion Rythme : + 1,7 cm par décennie au
thermique des océans, et, dans une cours du XXe siècle ; + 3,2 cm par
moindre mesure, à l’eau provenant de décennie entre 1990 et 2010
la fonte des glaciers continentaux. Disparités régionales fortes : le long
de la côte est des États-Unis, la
montée est par exemple trois à
quatre fois plus rapide depuis
soixante ans1.

Acidification des océans Diminution du pH des eaux de


Les océans jouent un rôle majeur dans surface des océans de 0,1 (ce qui
la stabilité du système climatique en représente une augmentation de
tant que « puits de carbone ». 30 % de l’acidité)*.
25 % des émissions humaines de
CO2 ont été absorbées par les océans
de la planète entre 2000 et 20062.

Vagues de chaleur Depuis le milieu des années 2000,


La durée, la fréquence et l’intensité des canicules extrêmes (du type de
des vagues de chaleur augmentent celles qui n’affectaient qu’environ
presque partout dans le monde5. 1 % de la surface terrestre au cours
Accompagnées de faibles précipita- de la période 1951-1980) ont touché
tions, ces températures extrêmes près de 10 % de la surface du globe4.
favorisent les risques de feux de forêt. Les cinq étés les plus chauds en
Europe depuis 1500 se sont tous
produits après 20025.

* Par rapport à la période préindustrielle.


CHANGEMENT CLIMATIQUE : ASPECTS PHYSIQUES 17

réchauffement de 2 ºC et 4 ºC au cours du XXIe siècle

Projetés au cours du XXIe siècle

Scénario RCP 2,6 : Scénario RCP 8,5 :


réchauffement de 2 ºC réchauffement de 4 ºC
au cours du siècle au cours du siècle

+ 2 ºC à l’horizon des années 2040* et + 2 ºC à l’horizon des années 2040*


stabilisation + 4 ºC à l’horizon des années 2080*, et
Température moyenne estivale dans le réchauffement continue dans le plus
l’hémisphère Nord : + 2 à 3 ºC à long terme
l’horizon 2100* Température moyenne estivale dans
l’hémisphère Nord : + 6,5 à 8 ºC à
l’horizon 2100*

+ 50 cm à l’horizon des années 2050* + 50 cm à l’horizon des années 2050*


+ 70 cm à l’horizon des années 2100* + 100 cm à l’horizon des années 2100*
+ 270 cm à l’horizon des années 2300* Montée de plusieurs mètres à l’horizon
2300*

Les océans s’acidifient à un rythme Diminution du pH des eaux de surface


inégalé depuis plus de 200 millions des océans de 0,3 (ce qui représente
d’années3. une augmentation de 150 % de
l’acidité)* avec des conséquences
majeures sur la faune et la flore marines.

Les vagues de chaleur inhabituelles (du Des vagues de chaleur sans précédent
type de celles qui ne se reproduisaient dans l’histoire humaine deviennent de
qu’une fois tous les 740 ans) sont subs- plus en plus fréquentes et couvrent
tantiellement plus fréquentes et jusqu’à 60 % des terres émergées du
couvrent jusqu’à 20 % de terres globe à l’horizon 2100.
émergées du globe en 2050.
18 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Tableau 1. Changements observés et projetés pour un

Changements Observés

Écosystèmes terrestres naturels Avancée de certains événements prin-


Modifications dans l’activité, l’abon- taniers tels que la migration ou la
dance et la diversité des espèces qui ponte des oiseaux et le débourrement
composent les écosystèmes. Chan- pour certaines espèces végétales dans
gements dans les caractéristiques le monde6.
des végétaux et des animaux. Baisse de 20 % de la densité d’arbres
dans le Sahel occidental depuis les
années 1950 due à des changements
dans les températures et précipitations.
Baisse de 30 % de la production
primaire végétale en Europe lors de la
vague de chaleur de 20037.
Impacts sur les écosystèmes

Écosystèmes terrestres Depuis 1980, la production mondiale


anthropisés de maïs et de blé a été respectivement
impactée en moyenne de 3,8 % et
5,5 % par rapport à un monde qui
n’aurait pas connu les tendances clima-
tiques observées9.
En 2004-2005, la péninsule Ibérique a
connu une intense sécheresse qui a
conduit à une chute de la production
céréalière de 40 % en moyenne5.

Écosystèmes marins Des événements inhabituels de blan-


Négativement affectés par l’acidifi- chiment du corail se produisent (les
cation et le réchauffement des récifs coralliens occupent 10 % de la
océans. Entre 1971 et 2010, les superficie des océans tropicaux de la
océans du monde ont stocké plus planète et abritent plus d’un million
de 90 % de l’énergie supplémen- d’espèces, les revenus de 500 millions
taire accumulée dans le système de personnes dans le monde dépen-
climatique. dent de ces écosystèmes).

Note : Le scénario RCP 2,6 est utilisé ici comme proxy pour un réchauffement inférieur à 2 ºC
au cours du XXIe siècle (par rapport à la période préindustrielle). Au contraire de ce premier
scénario, le scénario RCP 8,5 est un scénario ne comportant pas d’hypothèses d’atténuation.
Il est utilisé ici comme proxy pour un réchauffement de 4 ºC au cours du XXIe siècle (par
rapport à la période préindustrielle). Certains éléments présentés dans ce tableau ont été
obtenus en ayant recours à des scénarios SRES.
CHANGEMENT CLIMATIQUE : ASPECTS PHYSIQUES 19

réchauffement de 2 ºC et 4 ºC au cours du XXIe siècle (suite)

Projetés au cours du XXIe siècle

Scénario RCP 2,6 : Scénario RCP 8,5 :


réchauffement de 2 ºC réchauffement de 4 ºC
au cours du siècle au cours du siècle

De 3 à 7 % de la surface émergée de la 30 % de la surface émergée de la Terre


Terre connaît des changements écosys- connaît des changements écosysté-
témiques de grande ampleur. miques de grande ampleur.
Le risque d’extinction est fortement Le changement climatique devient le
accru pour 20 à 30 % des espèces de moteur principal de la dégradation des
plantes et d’animaux déjà menacées6. écosystèmes.
Les forêts tropicales humides perdent
75 % de leur étendue actuelle8.
Extinctions majeures d’espèces à travers
le monde7.

Hausse du rendement de certaines Les pertes agricoles sont significatives


cultures céréalières aux latitudes même dans les régions de latitudes
moyennes et élevées ; baisse du rende- élevées10.
ment partout ailleurs6.
En Afrique subsaharienne, 40 % de terres
dédiées au maïs deviennent « inutilisables ».
En Asie du Sud, la production totale des
cultures n’augmente que de 12 % par
rapport au niveau de 2000, alors qu’elle
aurait augmenté de 60 % dans un
monde qui n’aurait pas connu le
réchauffement climatique.

Pertes substantielles de récifs coralliens Mort de la plupart des récifs coralliens


et de la faune qu’ils abritent. et de la faune qu’ils abritent.

Sources : notre infographie depuis des données de Banque mondiale [2013a]


sauf pour 1Sallenger et al. [2012] ; 2Canadell et al. [2007] ; 3Honish et al. [2012] ;
4
Hansen et al. [2012] ; 5AEE [2012a] ; 6GIEC [2007] ; 7GIEC [2012] ; 8Zelazowski et al. [2011] ;
9
Lobell et al. [2011] ; 10Rötter et al. [2011].
20 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

difficile de fournir des projections détaillées à des échelles plus


fines que pour les continents ou les grandes régions du monde.
Or nous savons que ces connaissances sont précieuses pour envi-
sager l’adaptation.
Les conditions climatiques qui régneront sur la Terre au-delà
du milieu du siècle seront, quant à elles, principalement déter-
minées par les émissions humaines actuelles et futures de GES.
Si les négociations internationales établies sous l’égide de la
CCNUCC ont permis d’aboutir, en 2010, à l’objectif consistant
à limiter le réchauffement à 2 ºC par rapport à l’ère préindus-
trielle, les promesses de réduction des émissions (à la fois celles
qui ont été officiellement annoncées et celles qui sont en cours
de considération) permettront seulement (et si elles sont pleine-
ment honorées) de limiter l’élévation de la température globale
à environ 3,8 ºC à l’horizon 2100 [AIE, 2013 ; Climate Action
Tracker, 2013]. L’objectif des 2 ºC est donc désormais consi-
déré comme extrêmement difficile à atteindre par de nombreux
scientifiques et observateurs. Pour avoir 50 % de chances de ne
pas dépasser les 2 ºC, il serait en effet nécessaire de mettre en
œuvre des politiques d’atténuation permettant par exemple
d’atteindre un pic des émissions mondiales en 2016, suivi d’une
baisse des émissions de 5 % par an, ce qui est considérable
[Arnell et al., 2013]. Si le pic des émissions intervient plus tard,
les réductions devront être encore plus fortes et seront aussi plus
coûteuses. Le respect de l’objectif des 2 ºC n’est pas géophysi-
quement impossible. Les efforts d’atténuation qu’il impose
contrastent cependant fortement avec les tendances récentes :
les émissions mondiales de CO2 ont augmenté en moyenne de
3,1 % par an durant les années 2000, et ont crû de 58 % entre
1990 et 2012 [Peters et al., 2013].
Le tableau 1 reprend de façon synthétique un certain nombre
d’exemples de changements (1) observés depuis la fin de l’ère
préindustrielle, (2) projetés pour un réchauffement limité à 2 ºC
(l’objectif de la communauté internationale), et (3) projetés pour
un réchauffement atteignant 4 ºC au cours du XXIe siècle (le
niveau vers lequel nous mènent les tendances passées et
actuelles en matière d’émissions). La figure 2 présente de façon
simplifiée des exemples d’impacts du changement climatique
attendus dans différentes régions du monde au cours du siècle.
Figure 2. Exemples d’impacts probables du changement climatique au cours du XXIe siècle

CHANGEMENT
CLIMATIQUE
:
ASPECTS PHYSIQUES
© Éditions La Découverte Source : adapté de Raisson [2010].

21
22 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Salinisation des nappes aquifères, fonte du pergélisol (sol gelé


en permanence), modification des aires de distribution des
espèces nuisibles et des maladies : les impacts auxquels il faut
s’attendre sont nombreux à être absents de ces infographies, y
compris pour un réchauffement limité à 2 ºC. Le simple énoncé
de ces impacts ne reflète pas non plus complètement la proba-
bilité et l’incertitude associées à une augmentation des phéno-
mènes extrêmes, pas plus qu’il ne définit les seuils au-delà
desquels se produiraient des catastrophes irréversibles. Le chan-
gement climatique est intuitivement pensé comme une éléva-
tion graduelle de la température moyenne du globe. Cette
description obscurcit cependant la complexité de la réalité, pour
au moins deux raisons.
Premièrement, les données disponibles laissent supposer que
les changements projetés pourraient fort bien intervenir sous
forme d’à-coups et de ruptures successifs, plutôt que de façon
progressive. Par exemple, la fonte rapide des nappes glaciaires du
Groenland ou de l’Antarctique, voire des deux, représente l’un
des multiples « points de rupture » possibles au sein du système
climatique, où chaque changement peut aussi signifier le fran-
chissement d’un point de non-retour au-delà duquel le système
rompt avec son état précédent, augmentant en conséquence la
potentialité d’impacts majeurs. Un autre exemple : à partir d’un
certain niveau de réchauffement (4-5 ºC, peut-être moins), la
biosphère tendrait à devenir une source nette d’émissions de
GES, entraînant un emballement du phénomène du change-
ment climatique puisque la température croissante augmente-
rait la génération de GES, qui eux-mêmes contribueraient à
augmenter la température, et ainsi de suite (rétroaction posi-
tive). L’une de ces sources serait la fonte du pergélisol, qui, en
certains endroits, libérerait des quantités considérables de
méthane, un gaz au pouvoir perturbateur du climat plus élevé
que le CO2.
Deuxièmement, il importe d’être conscient que la tempéra-
ture moyenne du globe n’est qu’une abstraction, commode pour
la communication et la discussion au niveau des modèles plané-
taires. Les répercussions du changement climatique seront très
différentes d’une région à l’autre et entreront souvent en inter-
action entre elles mais aussi avec d’autres pressions sociales, vers
lesquelles nous nous tournons à présent.
II / Dimensions sociales du risque climatique

L es différentes observations décrites au chapitre précédent


donnent une idée des défis qui se posent aux sociétés humaines.
Pour pleinement saisir la pertinence de l’adaptation comme voie
d’action face au phénomène du changement climatique, il
importe cependant de comprendre que les conséquences (princi-
palement néfastes) de ce phénomène ne sont pas le résultat d’un
processus dans lequel un climat modifié viendrait perturber des
sociétés statiques.

Comprendre l’adaptation comme une stratégie de gestion


du risque climatique

Fondamentalement, les deux grandes voies d’action que sont


l’atténuation et l’adaptation constituent des stratégies de gestion
du risque. Elles visent en effet toutes deux à réduire le risque clima-
tique, c’est-à-dire la probabilité que surviennent des effets néfastes
impulsés par le climat sur les sociétés humaines et les écosystèmes.
Leur raison d’être est que le phénomène du changement clima-
tique anthropique contribue à modifier la configuration actuelle
des risques de ce type. Le climat n’est cependant pas le seul déter-
minant de la nature et de l’ampleur des risques climatiques. Ces
derniers résultent en effet de l’interaction complexe et dynamique
entre, d’un côté, les caractéristiques (température, précipitations,
vents, etc.) du système climatique (et des impacts qu’elles indui-
sent sur l’environnement physique naturel) et, de l’autre, les carac-
téristiques des sociétés humaines. Ces caractéristiques changent :
d’une part, le système climatique est notamment influencé par des
24 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

processus anthropiques comme les émissions de GES (qui modi-


fient la composition chimique de l’atmosphère et renforcent l’effet
de serre naturel) ou les changements d’affectation des sols (qui
modifient la part d’énergie solaire renvoyée vers l’atmosphère) et,
d’autre part, les sociétés humaines font face à des changements
permanents, qu’ils soient économiques, politiques, culturels ou
sociaux. Pour réduire les risques climatiques, les politiques d’atté-
nuation tentent de limiter les perturbations humaines sur le
système climatique (en réduisant les émissions de GES, par
exemple), voire d’altérer ce dernier de façon délibérée pour contre-
carrer le changement climatique anthropique ou compenser
certains de ses effets (par la mise en œuvre éventuelle de tech-
niques — émergentes et très controversées — de géo-ingénierie).
Les stratégies d’adaptation, quant à elles, visent à agir sur les
systèmes humains, en particulier en essayant de réduire leur expo-
sition et leur vulnérabilité. Certains auteurs préfèrent parler d’une
augmentation de la résilience, c’est-à-dire de la capacité d’un
système d’absorber des perturbations tout en conservant sa struc-
ture de base et ses modes de fonctionnement.

Exposition et vulnérabilité

En l’absence de personnes, de moyens de subsistance, de


ressources et de services environnementaux, d’éléments d’infra-
structure ou de biens économiques, sociaux ou culturels dans un
lieu susceptible de subir des dommages, c’est-à-dire sans exposi-
tion, il n’y a tout simplement pas d’impact possible sur les sociétés,
et donc a priori aucun risque climatique [GIEC, 2012]. L’échelle
temporelle joue un rôle important : l’exposition peut être plus ou
moins permanente, elle peut être plus ou moins forte à certains
moments plutôt qu’à d’autres. Un cyclone tropical provoquera par
exemple des conséquences très différentes selon qu’il touche une
côte inhabitée ou un littoral urbanisé, qui plus est durant une
saison touristique. Lorsque les populations et activités humaines
s’étendent dans des zones régulièrement soumises à des aléas
climatiques, davantage de personnes et de biens sont potentielle-
ment susceptibles de subir des dommages. C’est par exemple le
cas dans les franges marginales des espaces urbains : pensons aux
bidonvilles, qui abritent à l’échelle mondiale un milliard d’habi-
tants dont beaucoup sont particulièrement exposés à divers risques
DIMENSIONS SOCIALES DU RISQUE CLIMATIQUE 25

naturels. C’est aussi le cas dans certaines zones côtières régulière-


ment touchées par des tempêtes et des inondations, mais où
s’installent parfois des populations aisées afin de profiter, entre
autres, des avantages récréatifs offerts par ces sites. Il a ainsi été
estimé que les pertes économiques imputables à l’ouragan Andrew
— qui toucha la région de Miami en Floride en 1992 — auraient
été deux fois plus importantes si cet ouragan s’était produit en
2005, principalement du fait de l’augmentation des biens écono-
miques exposés [Kunreuther et Michel-Kerjan, 2011].
Si l’exposition constitue une condition nécessaire pour que des
impacts se produisent, ce n’est toutefois pas une condition suffi-
sante. Il faut en effet que les sociétés ou populations exposées
soient vulnérables. La vulnérabilité peut être définie comme la
« propension ou prédisposition à subir des dommages » [GIEC,
2012, p. 4]. Elle se compose de deux éléments : premièrement, la
susceptibilité de l’élément exposé à subir des dommages et, deuxiè-
mement, sa capacité d’adaptation, c’est-à-dire sa capacité à accéder
et à mobiliser des ressources permettant d’anticiper, de s’adapter
et d’absorber les dommages. Par exemple, les populations dont les
moyens d’existence sont fortement dépendants des conditions
climatiques (1,5 milliard d’êtres humains dépendent de l’agricul-
ture de subsistance dans le monde) sont particulièrement sensibles
aux évolutions de ces conditions. Les personnes disposant de peu
de ressources personnelles ou de soutien de leurs proches, ou
encore sans couverture assurantielle ont une capacité plus faible
à se remettre des dommages qu’elles pourraient subir. La qualité
des infrastructures et le soutien des autorités publiques en cas
d’urgence peuvent aider à réduire ces deux aspects de la vulnéra-
bilité. Il est cependant possible d’être exposé mais de n’être que
peu vulnérable : par exemple, une ville établie dans une plaine
inondable peut imposer des législations en matière de structure
des bâtiments ou établir un système d’alerte afin de limiter les
dégâts potentiels.

Des risques climatiques en évolution

Les sociétés façonnent les risques climatiques en transformant


des stress physiques (qu’elles ont parfois contribué à créer ou à
modifier, comme dans le cas des changements hydrologiques)
26 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

trois premiers rapports du GIEC se


Le concept de vulnérabilité concentraient principalement sur la
et l’évolution caractérisation des impacts biophy-
de la compréhension siques du changement climatique, les
du problème climatique rapports les plus récents montrent une
compréhension progressivement plus
Dans le domaine du changement élaborée de ses impacts économiques
climatique, la définition la plus et sociaux. Il s’agit là notamment du
communément admise de la vulnéra- reflet de l’expansion de la littérature
bilité a longtemps été celle proposée scientifique consacrée aux impacts, à
par le GIEC dans ses troisième et la vulnérabilité et à l’adaptation au
quatrième rapports d’évaluation : la changement climatique, qui a plus
« mesure dans laquelle un système que doublé entre 2005 et 2010.
est sensible — ou incapable de faire Dès lors, dans son Rapport spécial
face — aux effets défavorables du sur la gestion des risques de catas-
changement climatique, y compris trophes et de phénomènes extrêmes
la variabilité du climat et les phéno- pour les besoins de l’adaptation au
mènes extrêmes. La vulnérabilité est changement climatique, le GIEC [2012]
fonction de la nature, de l’ampleur et a concentré ses analyses sur les liens
du rythme de l’évolution et de la varia- complexes existant entre les facteurs
tion du climat à laquelle le système sociaux, économiques, physiques,
considéré est exposé, de la sensibilité culturels, environnementaux et poli-
de ce système et de sa capacité tiques qui définissent la vulnérabilité
d’adaptation » [GIEC, 2001, p. 388 ; des individus et des groupes sociaux.
GIEC, 2007, p. 89]. Dans cette défini- Intégrant des perspectives de commu-
tion, l’exposition dénote le rythme et nautés de recherche historiquement
l’ampleur du phénomène du change- distinctes, le GIEC a alors proposé une
ment climatique. La sensibilité corres- définition générique de la vulnérabi-
pond au « degré auquel un système lité, comprise comme la « propension
est influencé, positivement ou négati- ou prédisposition à subir des
vement, par la variabilité du climat ou dommages » [GIEC, 2012, p. 4]. Cette
le changement climatique » [GIEC, définition, provenant des études du
2007, p. 77]. La capacité d’adapta- risque de catastrophe, est également
tion, quant à elle, désigne l’« ensemble celle utilisée dans le cinquième rapport
des capacités, des ressources et des d’évaluation du GIEC, publié en
institutions d’un pays ou d’une région plusieurs phases en 2013 et 2014, et
lui permettant de mettre en œuvre des celle que nous utilisons dans le présent
mesures d’adaptation efficaces » ouvrage.
[GIEC, 2007, p. 87]. Ces deux définitions correspon-
Reflétant la diversité croissante des dent en fait respectivement aux deux
milieux scientifiques ayant participé à interprétations particulièrement sail-
l’élaboration des rapports du GIEC, lantes de la vulnérabilité qu’il est
certaines définitions centrales pour la possible d’identifier dans la recherche
compréhension de la question de sur le changement climatique : la
l’adaptation ont évolué au fil des « vulnérabilité résultante » et la
rapports. C’est notamment le cas pour « vulnérabilité contextuelle » [O’Brien
le concept de vulnérabilité. Ainsi, si les et al., 2007 ; Füssel, 2007]. Ces
DIMENSIONS SOCIALES DU RISQUE CLIMATIQUE 27

approches mettent en évidence des structures et processus dynamiques,


causes distinctes de la vulnérabilité et qu’ils soient sociaux, économiques,
tendent même à prôner des réponses politiques, institutionnels ou technolo-
différentes au problème du change- giques. D’après cette perspective, la
ment climatique. réduction de la vulnérabilité implique
Ainsi, la vulnérabilité résultante d’altérer le contexte dans lequel le
représente les conséquences rési- changement climatique se produit,
duelles du changement climatique, de façon à ce que les individus et les
celles qui persistent après que les groupes sociaux puissent répondre de
mesures d’adaptation ont été mises manière plus appropriée aux condi-
en œuvre. Elle peut être exprimée tions changeantes.
quantitativement comme un coût Ces deux interprétations (vulnéra-
monétaire, un changement dans les bilité résultante et contextuelle) visent
récoltes, dans la mortalité humaine ou donc avant tout à répondre à des
dans les dégâts aux écosystèmes, entre besoins différents en termes d’infor-
autres. Cette approche est souvent mation et de disciplines scientifiques
utilisée pour déterminer la mesure pour nourrir les stratégies de réponse
dans laquelle les différents scénarios au changement climatique.
d’émissions de GES mènent à une
« perturbation dangereuse du système
climatique » telle qu’indiquée à
l’article 2 de la CCNUCC [1992]
(voir chapitre III). Dans cette compré-
hension, la réduction de la vulnérabi-
lité passe alors par la réduction de
l’exposition via l’atténuation du chan-
gement climatique. Elle conduit régu-
lièrement à préconiser la mise en
œuvre de mesures d’adaptation
techniques, telles que la construction
de barrages ou la consolidation
de digues, visant à limiter les consé-
quences négatives du changement
climatique ainsi identifiées.
La vulnérabilité contextuelle, quant
à elle, est considérée comme l’incapa-
cité actuelle ou future à faire face à
des pressions ou à des changements
externes tels que le changement
climatique. La vulnérabilité est alors
vue comme une caractéristique des
systèmes écologiques et sociaux
générée par de multiples facteurs et
processus. Elle est considérée comme
étant influencée à la fois par des
changements dans les conditions
biophysiques mais aussi par des
28 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

en menaces via des processus sociaux qui conditionnent


l’exposition et la vulnérabilité de certains groupes de personnes
ou secteurs économiques [Chambers, 1989]. Un impact
constitue ainsi la concrétisation d’une condition latente
construite socialement [Wisner et al., 2004]. Même pour le
niveau relativement modéré de réchauffement climatique que
nous connaissons actuellement, il est dès lors largement admis
que certaines populations du monde particulièrement exposées
et/ou vulnérables font d’ores et déjà face à des risques clima-
tiques majeurs. Pour gérer ces risques, il est donc essentiel de
comprendre comment l’exposition et la vulnérabilité sont
générées. Ce n’est qu’en ayant une connaissance fine de ces
éléments que des stratégies d’adaptation pourront être élaborées.
L’exposition et la vulnérabilité varient dans le temps et dans
l’espace, et dépendent entre autres de facteurs économiques,
sociaux, politiques, géographiques et culturels. Toutes les
sociétés sont vulnérables aux menaces posées par le changement
climatique, même si la nature de la vulnérabilité varie en fonc-
tion des régions, des populations et dans le temps. En outre, les
individus et les groupes sociaux sont exposés et vulnérables de
façon différenciée selon leur niveau de richesse et d’éducation,
leur genre, leur état de santé, parfois même selon leur ethni-
cité ou leur religion. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, 91 %
des personnes décédées au Bangladesh à la suite du cyclone
Gorky de 1991 (l’un des cyclones tropicaux les plus meurtriers
de l’histoire, avec 138 000 morts) étaient des femmes, bilan qui
reflète de très importantes inégalités de genre dans ce contexte
[Banque mondiale, 2013b].
Les niveaux d’exposition et de vulnérabilité (tout comme
d’ailleurs les niveaux de réchauffement climatique) sont largement
le résultat de trajectoires de développement socioéconomique.
Ainsi, une exposition et une vulnérabilité élevées sont souvent le
produit de processus de développement associés à la dégradation
de l’environnement, à une urbanisation rapide et/ou mal plani-
fiée dans des zones dangereuses, à un manque de gouvernance
ou encore à la marginalisation économique de certains groupes
sociaux. Ces trajectoires sont elles-mêmes influencées par des
processus à plus large échelle, comme la mondialisation.
Le phénomène du changement climatique peut altérer les
modes d’exposition des biens et des personnes à des événements
ou tendances physiques potentiellement dommageables. Ainsi,
DIMENSIONS SOCIALES DU RISQUE CLIMATIQUE 29

l’élévation du niveau de la mer due au changement climatique


peut rendre certaines zones inondables alors qu’elles ne l’étaient
pas par le passé. Le changement climatique peut alors révéler
des facteurs de vulnérabilité sous-jacents qui ne s’étaient jamais
pleinement exprimés du fait de l’absence d’exposition au stress
physique considéré.

Pertes occasionnées par les catastrophes liées au climat

Les catastrophes liées à des événements climatiques extrêmes


sont sans doute les manifestations les plus spectaculaires des
effets négatifs impulsés par le climat sur les sociétés humaines
et leur environnement. Elles constituent de graves perturba-
tions du fonctionnement normal d’un système et provoquent
des effets indésirables de grande ampleur qui nécessitent la prise
immédiate de mesures et exigent parfois une assistance exté-
rieure. Les catastrophes liées au climat sont le résultat de stress
physiques à déclenchement rapide (comme les inondations, les
tornades, les épisodes de températures extrêmes ou les feux de
forêts) qui peuvent affecter en quelques jours, voire quelques
heures des sociétés humaines exposées et vulnérables. Les stress
physiques à survenue lente (comme l’élévation du niveau de la
mer, la hausse générale des températures ou l’acidification des
océans) évoluent graduellement — ce qui implique que leurs
effets sont plus difficiles à mesurer — mais provoquent égale-
ment des impacts dévastateurs sur les sociétés et les écosystèmes.
Si l’attribution d’un événement climatique donné à l’influence
humaine est habituellement considérée comme impossible (car
pareil événement aurait pu se produire dans un monde qui ne
connaîtrait pas le phénomène du changement climatique), de
nombreux événements récents se seraient cependant produits
de façon différente ou ne se seraient pas produits du tout en
l’absence du changement climatique d’origine anthropique
[Coumou et Rahmstorf, 2012].
Comme l’illustre le tableau 2, un certain nombre de catastro-
phes ont, ces dernières années, laissé apparaître l’existence d’un
important déficit d’adaptation aux conditions climatiques
actuelles pour certains secteurs ou régions du monde, au Nord
comme au Sud. Certaines de ces catastrophes ont par exemple
entraîné des hausses significatives du prix des matières premières
30 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Tableau 2. Exemples de catastrophes récentes liées au climat

Région touchée Événements Impacts sur les sociétés


(année) physiques humaines

Russie (2010) Été le plus chaud Une superficie de plus de


depuis au moins 12 500 km2 partie en fumée,
500 ans. 50 000 décès supplémentaires,
15 milliards de dollars de pertes
économiques, baisse des récoltes de
25 % à 30 %, suspension des expor-
tations, augmentation des prix
alimentaires mondiaux.

Pakistan (2010) Précipitations excep- Plus graves inondations dans la


tionnellement abon- région, presque 3 000 personnes
dantes sur le Nord du tuées, 20 millions de personnes
Pakistan, avec des affectées, pertes totales de
modèles inhabituels de 40 milliards de dollars (soit plus de
circulation 20 % du PIB).
atmosphérique.

Kenya (2008-2011) Sécheresse majeure. Pertes économiques de plus de


12 milliards de dollars rien qu’au
Kenya (soit plus d’un tiers du PIB de
2011), plus de 13 millions de
personnes confrontées à de très
hauts niveaux de malnutrition et de
maladies infectieuses dans la Corne
de l’Afrique, de 50 000 à
100 000 morts dans cette région.

Thaïlande (2011) Mousson la plus Zones industrielles et urbaines


humide jamais enregis- inondées pendant plus de deux
trée dans le milieu et mois (pertes assurées : 8-11 milliards
haut bassin du fleuve de dollars ; pertes totales :
Chao Phraya. 45 milliards de dollars, soit plus de
13 % du PIB).

Queensland, Année la plus pluvieuse Plus de 200 000 personnes


Australie (2011) jamais enregistrée. affectées, plus de 30 000 maisons
inondées, coûts compris entre 2,5 et
10 milliards de dollars.

Europe de l’Ouest Printemps le plus Réduction des récoltes de céréales


(2011) chaud et sec enregistré de 12 % et de fourrage de 20 % en
en France depuis 1880. France.
DIMENSIONS SOCIALES DU RISQUE CLIMATIQUE 31

Région touchée Événements Impacts sur les sociétés


(année) physiques humaines

États-Unis (2012) Mois de juillet le plus 80 % des terres agricoles touchées,


chaud depuis 1895 et 20 milliards de dollars de pertes,
conditions de impact à la hausse sur les prix
sécheresse sévère. alimentaires mondiaux.

États-Unis (2012) Ouragan Sandy, un Rien qu’aux États-Unis, plus de


cyclone de taille 150 morts, plus de 60 milliards de
impressionnante et dollars de pertes économiques et
suivant une trajectoire des millions de foyers privés
atypique. d’électricité.

Philippines (2013) Typhon Haiyan, l’un Plus de 6 000 morts, 13 millions de


des cyclones tropicaux personnes affectées, de 6 à
les plus puissants 15 milliards de dollars de pertes
jamais enregistrés. économiques

Source : adapté principalement de Coumou et Rahmstorf [2012] ;


Banque mondiale [2012 ; 2013b].

agricoles sur les marchés internationaux qui, si elles ne peuvent


être attribuées au changement climatique, démontrent la sensi-
bilité des marchés à la variabilité climatique. Ces catastrophes
ont dès lors indirectement impacté des populations situées à des
milliers de kilomètres des régions touchées par les aléas naturels,
illustrant les vulnérabilités d’un monde moderne globalisé.
Les décès, les personnes affectées et les pertes économiques
constituent les trois principaux paramètres généralement utilisés
afin d’évaluer le poids des catastrophes sur les sociétés
humaines. La mesure de ces paramètres entraîne des difficultés
méthodologiques importantes. Limitons-nous ici à indiquer que
les personnes affectées sont définies comme celles qui nécessi-
tent une aide immédiate au cours d’une période d’urgence, y
compris, le cas échéant, les personnes déplacées ou évacuées.
Quant aux coûts économiques des catastrophes, ils se fondent
la plupart du temps sur une estimation des seuls coûts directs,
c’est-à-dire des dommages matériels. Ces chiffres ne prennent
donc en compte ni les coûts indirects — induits par l’interrup-
tion de la circulation des biens et des services, comme l’approvi-
sionnement en eau ou en électricité, qui peut avoir des
répercussions économiques majeures — ni les coûts dits secon-
daires — ceux découlant des effets d’une catastrophe
32 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

sur l’ensemble de l’économie, comme le recours des ménages


et/ou du pays concerné à l’endettement pour financer la recons-
truction. Qui plus est, ces estimations n’incluent pas les pertes
intangibles, c’est-à-dire les pertes qui ne sont généralement pas
assorties d’une valeur monétaire, comme celles de patrimoine
culturel ou de services procurés par les écosystèmes, sans parler
des éventuelles répercussions psychologiques. Les répercussions
sur l’économie souterraine sont également considérables à
certains endroits du monde et dans certains secteurs, mais sont
rarement incluses dans les estimations officielles.
Deux autres éléments importants doivent encore être
soulignés. D’une part, le manque de données fiables représente
le problème principal à la description et à l’analyse des pertes
occasionnées par les catastrophes liées au climat. D’autre part,
les statistiques des pertes mondiales attribuables à ces catas-
trophes sous-estiment l’ampleur des dommages, notamment
parce qu’elles ne prennent en considération que les pertes occa-
sionnées par des catastrophes relativement exceptionnelles, et
pas toutes les autres pertes dues aux aléas quotidiens. Les effets
cumulés de petits événements récurrents excèdent cependant
bien souvent ceux des catastrophes de grande ampleur. En
Colombie, par exemple, il a été estimé que les pertes dues aux
impacts de faible ampleur entre 1972 et 2012 étaient 2,5 fois
plus importantes que celles résultant de grandes catastrophes
[Banque mondiale, 2013b].

Décès dus aux catastrophes liées au climat

Le nombre de décès imputables aux catastrophes liées au


climat est en diminution à travers le monde depuis au moins
trois décennies. Ainsi, en Asie de l’Est et dans le Pacifique, le
risque de mortalité en cas d’inondation est par exemple le tiers
de ce qu’il était en 1980. Pourtant, le nombre moyen de
personnes exposées chaque année à un aléa climatique a
augmenté plus rapidement que la population mondiale. Le
nombre de personnes vivant dans des zones exposées à des
cyclones tropicaux a ainsi triplé entre 1970 et 2010, alors que
la population mondiale a un peu moins que doublé sur la même
période. Si le risque de mortalité est en recul, c’est grâce aux
investissements considérables effectués dans la plupart des
régions du monde en matière de préparation et de réponse aux
DIMENSIONS SOCIALES DU RISQUE CLIMATIQUE 33

catastrophes, ce qui a permis de réduire la vulnérabilité. Gardons


cependant à l’esprit que ces tendances mondiales cachent des
disparités très importantes dans certains cas et pour certaines
régions, comme l’Asie du Sud où le risque de décès associés à
des catastrophes liées au climat est plus élevé aujourd’hui qu’en
1990. En outre, les pertes de vies humaines sont très inégale-
ment réparties à travers le monde. En 2010, pour des cyclones
tropicaux de même intensité, le risque de mortalité était par
exemple 225 fois plus élevé dans un pays à revenu faible que
dans un pays de l’Organisation de coopération et de dévelop-
pement économiques (OCDE). Entre 1970 et 2008, plus de 95 %
des décès provoqués par les catastrophes naturelles (événements
géophysiques compris) sont survenus dans des pays en dévelop-
pement [UNISDR, 2011 ; GIEC, 2012].

Pertes économiques imputables aux catastrophes liées au climat

À l’échelle mondiale, les pertes économiques directes impu-


tables aux catastrophes liées au climat se chiffrent annuelle-
ment à plusieurs dizaines de milliards de dollars, les dégâts les
plus lourds ayant été déplorés en 2005 (année de l’ouragan
Katrina, durant laquelle les dommages ont dépassé les
200 milliards de dollars). Tout comme pour les décès, les pertes
économiques sont très inégalement réparties à travers le monde.
Alors que, en termes absolus, les pertes économiques sont
immensément plus importantes dans les pays riches du fait de la
valeur des biens exposés, les pertes économiques en proportion
de la richesse sont beaucoup plus grandes dans les pays pauvres
[GIEC, 2012]. Ainsi, entre 1975 et 2007, 71 % des pertes écono-
miques mondiales (en termes absolus) dues aux cyclones tropi-
caux ont été supportées par les pays de l’OCDE. Sur la période
2001-2006, les pertes économiques annuelles dues aux catastro-
phes liées au climat correspondaient pour ces pays à environ
0,1 % de leur produit intérieur brut (PIB) annuel moyen. Dans
les pays à revenu intermédiaire, les coûts économiques annuels
de ces catastrophes pèsent dix fois plus lourd puisqu’ils se sont
montés à 1 % du PIB annuel sur la même période. Les petits
États insulaires en développement, particulièrement exposés aux
aléas climatiques, ont connu des pertes importantes en propor-
tion de leur PIB ; la moyenne de la période 1970-2010, incluant
les années où il n’y a pas eu de catastrophe, est supérieure à 1 % ;
34 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

les pertes atteignaient certaines années jusqu’à 8 % du PIB de ces


pays. L’ouragan Tomas qui a dévasté en 2010 Sainte-Lucie, dans
les Antilles, a anéanti l’équivalent de 43 % de son PIB annuel. En
outre, le taux de pénétration de l’assurance est beaucoup plus
important dans les pays riches : 40 % des pertes économiques y
sont en moyenne assurées, alors que moins de 5 % le sont dans
les pays en développement.
Ces tendances sont à relier à des causes naturelles et
humaines. Les pays en développement — comptant environ
80 % de la population mondiale — sont, pour la plupart, situés
à de basses latitudes, où les vagues de chaleur et les sécheresses
extrêmes sont plus fréquentes et prononcées. De plus, dans ces
pays, une large portion de la population tire l’essentiel de ses
revenus de secteurs sensibles aux conditions climatiques, tels
que l’agriculture (dans de nombreux pays très pauvres, jusqu’à
90 % de la population dépend de l’agriculture pour sa subsis-
tance) ou le tourisme (ce dernier secteur constitue la première
source de devises pour 46 des 49 pays les moins avancés (PMA)
de la planète). En outre, les pays en développement ont généra-
lement des revenus per capita moindres, des institutions plus
faibles et moins d’accès aux technologies, au crédit et aux
marchés internationaux, tous ces facteurs pouvant contribuer à
une vulnérabilité plus grande aux catastrophes.
Par ailleurs, au contraire des décès, les dommages écono-
miques provoqués par les catastrophes liées au climat se sont
accrus sur les trois dernières décennies, mais de façon très
variable d’une zone et d’une année à l’autre [GIEC, 2012]. Dans
le monde, les pertes économiques annuelles moyennes dues aux
événements climatiques ont ainsi été multipliées par un facteur
huit entre les années 1960 et les années 1990, en tenant compte
de l’inflation. Contrairement à l’idée que l’on a parfois sur cette
question, c’est l’exposition accrue de biens économiques qui
constitue la cause principale de l’accroissement observé du coût
des catastrophes liées au climat sur les dernières décennies
[GIEC, 2012]. Les tendances de long terme relatives aux pertes
économiques ajustées pour tenir compte de la richesse n’ont pas
été attribuées au changement climatique, sans qu’une contribu-
tion du climat soit pour autant exclue. En effet, de nombreuses
lacunes persistent dans notre connaissance sur le sujet : les
changements de tendance dans les impacts des événements
extrêmes sont difficiles à détecter et à attribuer parce qu’ils sont
DIMENSIONS SOCIALES DU RISQUE CLIMATIQUE 35

rares par nature et parce qu’ils sont le résultat d’interactions


complexes entre des facteurs climatiques et non climatiques.
Ainsi, le nombre d’inondations ou les pertes qui leur sont liées
peuvent avoir augmenté dans certaines régions simplement
parce que l’urbanisation, la déforestation et/ou la canalisation
des cours d’eau ont diminué la capacité de l’environnement à
réguler les inondations.
Si le changement climatique a le pouvoir de modifier en
profondeur les profils des risques climatiques existants, il est
largement reconnu que les changements dans l’exposition des
sociétés ont été, sont et seront — au moins pour les quelques
décennies à venir et en l’absence de changements abrupts du
système climatique — les moteurs principaux de l’augmentation
des dommages [GIEC, 2012]. Cet état de fait permet de saisir
toute la pertinence des stratégies d’adaptation, d’autant plus que
les experts s’attendent à une augmentation dans certaines
régions du monde de la fréquence et/ou de l’intensité de certains
types d’événements climatiques extrêmes.
Malgré les incertitudes, la connaissance actuelle des effets
présents et futurs du changement climatique montre que des
menaces sérieuses et croissantes pèsent sur les sociétés humaines
et leur environnement. Ces effets ne se feront cependant pas
sentir uniformément sur l’entièreté du globe. Les pays les plus
pauvres du monde, déjà sous le poids de multiples contraintes,
paieront le plus lourd tribut des conséquences du changement
climatique tout en étant paradoxalement les moins respon-
sables de sa survenue. Dans certains de ces pays, le change-
ment climatique pourrait accentuer les risques de conflit et les
tendances migratoires (voir l’encadré sur la migration du
chapitre V). Les tendances futures en termes d’urbanisation,
influencées par de multiples facteurs, pourraient encore être
accentuées par les conséquences du changement climatique sur
les moyens d’existence des populations rurales. Mais la nature
fondamentalement injuste du changement climatique ne se
manifeste pas que spatialement. En effet, ses impacts les plus
forts, résultat des émissions actuelles, se produiront dans le futur
et seront donc supportés plus fortement par d’autres générations
d’êtres humains.
36 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

l’impact sur la santé des populations


Les leçons de la vague de européennes a été particulièrement
chaleur extrême ayant touché important [Robine et al., 2008]. Les
l’Europe lors de l’été 2003 personnes âgées ont été parmi les plus
ont-elles été tirées ? affectées [Kovats et Ebi, 2006], mais les
décès ont aussi été associés aux condi-
Été 2003. De larges parties du conti- tions sociales (isolement social) et
nent européen connaissent une vague d’habitation (logement au dernier
de chaleur particulièrement forte, étage d’un immeuble, par exemple)
surtout durant les mois de juin et [Vandentorren et al., 2003]. Cette
d’août. Les températures records importante surmortalité a stimulé une
stimulent alors la demande en électri- prise de conscience du public face aux
cité, qui atteint des sommets. Les dangers des températures élevées, ainsi
conditions de sécheresse affectent qu’un renforcement de mesures
négativement l’approvisionnement en préventives mises en œuvre par les insti-
eau, la santé des populations et les tutions et autorités sanitaires [Pascal et
systèmes de production d’électricité. al., 2006].
Le débit réduit des rivières impacte Trois ans plus tard, en juillet 2006,
négativement les possibilités de refroi- environ 2 000 décès supplémentaires se
dissement des centrales électriques sont produits en France à la suite d’une
thermiques (aussi bien convention- autre vague de chaleur. Cette surmor-
nelles que nucléaires) et certaines talité est plus basse que ce à quoi on
d’entre elles doivent même être aurait pu s’attendre en se fondant sur
complètement arrêtées [Létard et al., les liens entre température et mortalité
2004]. Le niveau de certains fleuves, sur la période 1975-2003 [Fouillet et al.,
comme le Pô, le Rhin, la Loire et le 2008]. Cette réduction de la mortalité
Danube, atteint des minimums histo- (d’environ 4 400 personnes) peut être
riques, ce qui provoque des perturba- interprétée comme le résultat d’une
tions entre autres pour la navigation diminution de l’exposition et de la
fluviale et l’irrigation [Beniston et Díaz, vulnérabilité des populations aux
2004]. En France, la productivité dans températures élevées, rendue possible
le secteur de la construction baisse par une prise en compte renforcée de
fortement, et de 20 % à 30 % des ce type de risque et par la mise en place
établissements liés à la restauration d’un système d’alerte après la vague de
voient leurs systèmes frigorifiques chaleur de 2003.
incapables de répondre à de telles
températures. Source : adapté de GIEC [2012].
Le bilan de cette vague de chaleur
est très lourd : dans la vallée du Pô, les
récoltes de maïs ont chuté de 36 %.
Les pertes économiques non assurées
pour le secteur agricole de l’Union euro-
péenne sont estimées à 13 milliards
d’euros [Létard et al. 2004]. Avec une
surmortalité de 70 000 personnes par
rapport à une période estivale classique,
DIMENSIONS SOCIALES DU RISQUE CLIMATIQUE 37

L’incertitude climatique : un obstacle à l’adaptation ?

La précision des projections climatiques — remarquable au


vu de la complexité du système climatique — reste largement
insuffisante au niveau régional ou local pour pouvoir justifier
de lourds investissements en actions d’adaptation qui vise-
raient spécifiquement à répondre à un impact précisément anti-
cipé du changement climatique. Les modèles climatiques utilisés
jusqu’à ce jour continuent en effet à produire des projections
qui, pour certaines variables climatiques et/ou régions géogra-
phiques, diffèrent sensiblement d’un modèle à l’autre. Par
exemple, pour le même scénario RCP très émissif, le modèle
climatique de Météo France voit l’essentiel de la France recevoir
plus de précipitations en 2071 qu’aujourd’hui, alors que celui de
l’institut Pierre Simon Laplace voit surtout une diminution forte
sur toute sa partie sud [CNRS, 2012].
Les conditions climatiques ne représentent cependant qu’une
des dimensions — et souvent pas la plus importante, tout au
moins pour un niveau modéré de réchauffement — condition-
nant le succès des efforts d’adaptation. Notre connaissance
actuelle de l’évolution des tendances — mondialisation, prio-
rités économiques, politiques de protection sociale, évolutions
technologiques, préférences culturelles, etc. — qui influencent
l’exposition et la vulnérabilité des sociétés reste bien plus limitée
que notre capacité à anticiper le climat futur. Ainsi par exemple :
« Bien malins ceux qui peuvent garantir que le tourisme estival
balnéaire, dominant aujourd’hui, continuera d’être la forme de
tourisme la plus recherchée dans cinquante ou soixante ans. Il
y a un demi-siècle, la Méditerranée était prisée en hiver (douceur
du climat par rapport aux terres européennes intérieures) et
évitée en été. Des changements de perception et de pratiques
de consommation peuvent donc survenir, qui sont difficiles à
prévoir » [Magnan, 2013a, p. 58].
Le rôle des scénarios climatiques n’en reste pas moins fonda-
mental dans le sens où ces scénarios permettent aux acteurs
d’identifier et de comprendre les facteurs conditionnant leur
exposition et leur vulnérabilité aux manifestations plausibles du
changement climatique, et la façon dont ces facteurs peuvent
être limités [Palutikof et al., 2013]. La conduite de stress tests,
comme il en existe dans les secteurs du nucléaire et de la
finance, pourrait permettre d’améliorer la préparation des
38 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

acteurs aux événements climatiques, en considérant comment


un pays, une région ou un système socioéconomique est suscep-
tible de réagir et d’être affecté négativement [Stern et al., 2013].
Il s’agit alors d’identifier les stratégies d’adaptation qui,
comparées à d’autres, permettent de répondre aux différents
futurs climatiques possibles. Le raffinement des scénarios clima-
tiques permettra sans aucun doute d’améliorer ces stratégies
d’adaptation, mais ne constitue pas une condition préalable à
leur élaboration et à leur mise en œuvre [Dessai et al., 2009].
Car l’attente pourrait se révéler particulièrement coûteuse.
Rappelons-le, jusqu’aux années 2040 environ, les conditions
climatiques continueront à changer sans que des actions d’atté-
nuation puissent les influencer. Durant cette période, la mise
en œuvre de mesures d’adaptation sera donc d’une importance
centrale pour permettre de réduire les risques climatiques sur les
sociétés humaines. Cependant, l’adaptation ne peut pas tout :
il y aura des impacts résiduels substantiels qu’elle ne saurait
anéantir, et ce pour des raisons économiques et techniques mais
aussi sociales et culturelles [Adger et al., 2009]. Sans oublier les
limites des formes d’adaptation dont les écosystèmes sont
capables dans un temps très court. Ainsi, la perte de récifs coral-
liens (due entre autres à l’acidification et au réchauffement des
océans) entraîne d’ores et déjà des effets néfastes majeurs sur
la pêche, le tourisme et la protection des côtes contre les
tempêtes dans de nombreuses régions du monde. Plus généra-
lement, si l’homme peut tenter de modifier des parts d’environ-
nement à son bénéfice, l’intervention qu’il peut accomplir pour
l’ensemble des écosystèmes reste par essence très limitée : la
végétation et les espèces animales tendront inexorablement à
se transformer avec le climat de l’endroit où elles se situent, en
dépit du fait que sont évoquées aujourd’hui, dans certains cas
bien précis, des actions pour augmenter la résilience locale, voire
des migrations assistées d’espèces.
III / Cadre international

Comment la question de l’adaptation au changement clima-


tique a-t-elle émergé à l’échelle internationale ? Quelles sont les
négociations menées par la communauté internationale en la
matière ? Les pays pauvres sont-ils aidés à faire face au défi de
l’adaptation ? Telles sont les questions que nous abordons dans
ce troisième chapitre.

Naissance du régime international du climat

On peut faire remonter à 1979 les débuts de la politique


climatique internationale. Le phénomène du changement
climatique est alors reconnu pour la première fois comme étant
un grave problème de portée mondiale, lors de la première
conférence mondiale sur le climat tenue à Genève sous les
auspices entre autres de l’Organisation météorologique
mondiale (OMM) et du Programme des Nations unies pour
l’environnement (PNUE). En 1988, la conférence de Toronto
lance un premier appel en faveur d’objectifs concrets de réduc-
tion des émissions de GES. Toujours en 1988, l’OMM et le PNUE
mettent sur pied le GIEC, avec pour mission de fournir périodi-
quement aux décideurs politiques une analyse objective et
impartiale des connaissances scientifiques, techniques et socioé-
conomiques disponibles au sujet du changement climatique
(voir encadré infra). Deux années plus tard, en 1990, les Nations
unies et l’OMM organisent à La Haye la deuxième conférence
mondiale sur le climat, à laquelle participent des représentants
de 149 pays. Cette conférence se clôture par un appel en faveur
40 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

de l’adoption d’un traité international sur le changement


climatique.
Mais c’est en 1992, à Rio de Janeiro, lors de la conférence des
Nations unies sur l’environnement et le développement
(connue aussi sous le nom de premier sommet de la Terre) que la
question du changement climatique va donner lieu à un enga-
gement politique fort à l’échelle internationale. La convention-
cadre des Nations unies sur les changements climatiques
(CCNUCC) y est alors adoptée avec pour objectif de « stabiliser
les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un
niveau qui empêche toute perturbation anthropique dange-
reuse du système climatique » [CCNUCC, 1992, art. 2]. Entrée
en vigueur en 1994 et aujourd’hui ratifiée par quasiment tous
les pays du monde, y compris la Chine et les États-Unis, cette
convention constitue le cœur des tentatives internationales
visant à répondre au phénomène du changement climatique,
ainsi pleinement reconnu comme une réalité par l’ensemble de
la communauté internationale.
Le texte de la convention appelle l’ensemble des parties (c’est-
à-dire les États signataires) à préserver le système climatique
dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base
des principes d’équité, de responsabilités communes mais diffé-
renciées (dans l’occurrence du problème et dans les actions à
entreprendre à son encontre), et de capacités respectives (finan-
cières, notamment). Il est donc entendu que les pays développés
doivent être à l’avant-garde de la lutte contre le changement
climatique et ses effets néfastes.
Le principe de précaution constitue un autre élément impor-
tant dans la convention. Selon ses termes, « quand il y a risque
de perturbations graves ou irréversibles, l’absence de certitude
scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer
l’adoption de mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou
atténuer les causes du changement climatique et en limiter les
effets néfastes, étant entendu que ces mesures requièrent un bon
rapport coût-efficacité ». La convention prévoit en outre un
certain nombre d’obligations : certaines sont communes à toutes
les parties, d’autres sont spécifiquement destinées à certains
groupes de pays :
— les parties de l’annexe I incluent les pays industrialisés qui
étaient membres de l’OCDE en 1992, et un certain nombre de
pays de l’ancienne Union soviétique (économies en transition).
CADRE INTERNATIONAL 41

Ces parties devaient à terme s’engager sur des objectifs chiffrés


de réductions de leurs émissions ;
— les parties de l’annexe II incluent les membres de l’OCDE
repris dans l’annexe I. Elles doivent notamment fournir des
ressources financières aux pays en développement pour leur
permettre d’entreprendre des activités d’atténuation et
d’adaptation ;
— les parties « non annexe I » sont principalement des
pays en développement. La convention reconnaît explicite-
ment le droit de ces pays au développement économique.
Elle reconnaît aussi que certains d’entre eux ont des besoins
et préoccupations spécifiques auxquels il importe de répondre,
notamment en matière de financement, d’assurance et de
transfert de technologies. Il s’agit entre autres des pays
possédant des zones côtières de faible élévation et de ceux
sujets à la désertification, ou encore de ceux dont l’économie
est fortement tributaire des combustibles fossiles (au fil des
négociations, les pays pétroliers obtiendront d’ailleurs que
soient reconnus ce qu’ils estiment être leurs besoins d’adapta-
tion aux effets néfastes des mesures d’atténuation prises à
l’échelle mondiale).
Enfin, la convention établit la conférence des parties (Confe-
rence of the Parties ou COP, en anglais), sa plus haute autorité de
prise de décision. Celle-ci se réunit annuellement pour tenter de
progresser dans la mise en œuvre de la convention.

L’adaptation dans le cadre de la convention sur le climat

Des débuts difficiles

Au début de sa prise en compte à l’échelle internationale, le


phénomène du changement climatique était considéré à l’égal
des autres problèmes environnementaux globaux, comme celui
des pluies acides ou de l’appauvrissement de la couche d’ozone.
La coopération internationale n’était alors perçue comme néces-
saire que pour atténuer les causes — et non les conséquences —
de la pollution [Schipper et Pelling, 2006]. Ainsi, si l’adapta-
tion est citée à plusieurs reprises dans le texte de la convention,
elle n’y est jamais formellement définie. En outre, l’accent y est
principalement mis sur la réduction des émissions de GES des
42 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

le GIEC produit environ tous les cinq-


Le Groupe d’experts six ans une évaluation de grande
intergouvernemental sur ampleur de l’état des connaissances
l’évolution du climat (GIEC) scientifiques sur le changement clima-
tique. Il est organisé en trois groupes
Créé en 1988 à la demande du G7 par de travail qui étudient respectivement
l’OMM et le PNUE, le GIEC a pour les principes physiques du change-
mandat « d’évaluer, sans parti pris et de ment climatique (Groupe de travail I),
manière méthodique, claire et objec- les impacts, la vulnérabilité et l’adapta-
tive, les informations scientifiques, tion (Groupe de travail II) et les
techniques et socioéconomiques dispo- moyens d’atténuer le changement
nibles en rapport avec la question du climatique (Groupe de travail III). S’y
changement climatique ». Le GIEC ajoute une équipe spéciale pour les
n’est donc pas un organisme de inventaires nationaux de GES.
recherche, mais un organe intergouver- Le GIEC associe aux principaux
nemental d’expertise réunissant résultats de ses rapports deux indica-
plusieurs centaines de scientifiques teurs du degré de certitude en fonc-
visant à synthétiser des travaux princi- tion de l’appréciation que les comités
palement publiés dans des revues de rédaction ont faite des connais-
scientifiques à comité de lecture. Il sances scientifiques sous-jacentes :
s’agit de rendre compte des différents — un indicateur de confiance dans
points de vue et des incertitudes, tout la validité d’un résultat, selon (1) la
en dégageant clairement les éléments nature, la quantité, la qualité et la
qui relèvent d’un consensus de la cohérence des éléments qui détermi-
communauté scientifique. nent le degré d’évidence, et selon
En plus d’élaborer des rapports (2) la concordance des vues des
spéciaux sur des questions précises, auteurs. Elle s’exprime en termes

pays industrialisés, pour que les effets du changement


climatique soient minimisés et facilement gérés. La question de
l’adaptation n’avait alors principalement de sens que pour déter-
miner les efforts d’atténuation qu’il était nécessaire de fournir.
Cela revenait à tenter de répondre à l’interrogation suivante :
jusqu’à quel niveau de réchauffement les sociétés peuvent-elles
« naturellement » absorber les effets du changement clima-
tique ? Des travaux d’économistes tentent d’ailleurs, malgré
toutes les incertitudes, de répondre à ce type de question [Tol,
2010]. Si la CCNUCC a obtenu l’engagement de principe des
pays développés d’aider les pays en développement à couvrir le
coût de l’adaptation aux effets néfastes du changement clima-
tique, l’adaptation était cependant considérée comme un
domaine d’action non prioritaire et de long terme, voire comme
un recours défaitiste reflétant une incapacité à relever les défis
de l’atténuation. Comme nous allons le voir, elle a cependant
CADRE INTERNATIONAL 43

qualitatifs (par exemple : degré d’évi- 50 000 commentaires de leurs pairs.


dence moyen, faible concordance) ; Cette contribution a ensuite été
— pour l’analyse statistique des synthétisée dans un résumé à l’atten-
observations ou des résultats issus tion des décideurs qui, dans ce même
des modèles, le GIEC a recours à cas, compte 14 000 mots. La clarifica-
des mesures quantifiées de l’incerti- tion des termes dans ce résumé se
tude liée à un résultat, exprimées produit dans des réunions où les États
en termes de probabilité : pratique- sont représentés, mais le texte du
ment certain (probabilité de 99 à résumé ne peut trahir la substance du
100 %), très probable (probabilité de rapport scientifique de base. Le GIEC
90 à 100 %), probable (probabilité tente de répondre à des questions
de 66 à 100 %), aussi probable posées par le politique (policy rele-
qu’improbable (probabilité de 33 à vance), sans être pour autant pres-
66 %), improbable (probabilité de 0 criptif (policy prescriptive). Cette façon
à 33 %), etc. de fonctionner n’est pas unique. Ainsi,
Le GIEC a parfois été critiqué pour par exemple, la référence centrale
son implication politique qui serait qu’est le Millennium Ecosystem Assess-
incompatible avec les critères de scien- ment [2005], un rapport commandité
tificité. En réalité, les rapports sont par les Nations unies pour étudier
rédigés par les scientifiques seuls. l’état des écosystèmes, en traçant des
Ainsi, les auteurs de la contribution scénarios d’évolution en rapport avec
du Groupe de travail I au cinquième des politiques, répond lui aussi à des
et plus récent rapport d’évaluation questions politiques, afin d’aider à
du GIEC [2013], qui compte à elle communiquer les travaux scientifiques
seule un million de mots et se fonde de façon pertinente pour la prise de
sur plus de 9 000 articles scienti- décision.
fiques, ont tenu compte de plus de

progressivement gagné en importance au cours de la première


décennie du XXIe siècle.

L’émergence de l’adaptation dans les négociations internationales

Dès la publication du troisième rapport d’évaluation du GIEC


[2001], il était devenu évident que les efforts d’atténuation ne
pourraient à eux seuls prévenir les impacts du changement clima-
tique (entre autres causes, la décision des États-Unis de ne pas rati-
fier le protocole de Kyoto ne permettait alors plus d’espérer un
renversement rapide des tendances d’émissions des pays déve-
loppés), que ces impacts se produiraient plus rapidement que
prévu et qu’ils toucheraient de manière disproportionnée les pays
à revenus faibles et moyens [Ayers et Dodman, 2010].
L’adaptation commence alors à être explicitement associée
aux intérêts des pays en développement, et il est reconnu que les
44 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

capacités d’adaptation sont, entre autres, dépendantes des


contextes de développement. Ces éléments sont traduits politi-
quement dans les accords de Marrakech de 2001 (COP 7) qui
prévoient notamment la mise en place de trois fonds visant à
soutenir l’adaptation des pays en développement (voir infra).
C’est également à Marrakech qu’est lancé le processus des
programmes d’action nationaux d’adaptation (PANA), censé
permettre aux pays les moins avancés (PMA) (qui cumulent
notamment un revenu par habitant faible, une vulnérabilité
économique importante et des difficultés majeures en matière
de santé et d’éducation) d’identifier les activités prioritaires
permettant de répondre à leurs besoins urgents et immédiats en
matière d’adaptation (voir chapitre IV).
La déclaration ministérielle de Delhi, adoptée en 2002 lors de
la COP 8, réaffirme le besoin de lier atténuation et adapta-
tion : si l’atténuation demeure la priorité absolue, des efforts
« urgents » sont également nécessaires pour mettre en œuvre des
actions en matière d’adaptation. C’est à partir de cette confé-
rence qu’il est acquis que la contrepartie des engagements futurs
des pays en développement en termes de réduction de leurs
émissions de GES est la mise à disposition par les pays déve-
loppés d’une aide financière visant l’adaptation des pays en
développement (voir infra).
Une nouvelle étape décisive est franchie en 2004, à Buenos
Aires (COP 10), lorsque les parties reconnaissent que l’adapta-
tion doit être considérée sur un pied d’égalité avec l’atténua-
tion. À la COP 11 de Montréal, en 2005, les parties adoptent
un programme de travail sur les impacts, la vulnérabilité et
l’adaptation au changement climatique, programme renommé
« programme de travail de Nairobi » en 2006, lors de la COP 12
de Nairobi. Celui-ci a deux objectifs : d’une part, assister les
parties et surtout les PMA et les petits États insulaires en dévelop-
pement à améliorer leur évaluation des impacts et leur compré-
hension des enjeux de l’adaptation au changement climatique ;
d’autre part, les aider dans la prise de décision sur les mesures
pratiques d’adaptation sur une base technique, scientifique et
socioéconomique.
La publication en 2007 du quatrième rapport d’évaluation du
GIEC vient renforcer le poids de l’adaptation dans les négocia-
tions internationales. En effet, le GIEC indique que les impacts
du changement climatique sont d’ores et déjà observables.
CADRE INTERNATIONAL 45

L’adaptation est alors considérée comme une question pres-


sante, particulièrement par les pays en développement. À la
lumière de ces éléments, le plan d’action de Bali est adopté en
2007 (COP 13). Ce dernier met en place un processus de négo-
ciation du régime de lutte contre le changement climatique à
travers quatre blocs : l’atténuation, l’adaptation, la technologie
et le financement.
À Copenhague, en 2009 (COP 15), les attentes de l’Europe, de
nombreux scientifiques et d’organisations non gouvernemen-
tales (ONG) envers des objectifs globaux de réduction des émis-
sions sont déçues. Avec seulement des objectifs volontaires pour
certains pays, la conférence aboutit à une déclaration qui n’est
pas adoptée à l’unanimité. Ce document souligne cependant la
nécessité d’établir un programme d’adaptation global. Aucune
obligation formelle sur l’aide à l’adaptation pour les pays les plus
pauvres ne peut être dégagée, mais les pays développés s’enga-
gent à fournir conjointement des « ressources nouvelles et addi-
tionnelles » à hauteur de 30 milliards de dollars pour la période
2010-2012 — c’est le financement dit fast start, c’est-à-dire à
démarrage rapide —, ainsi qu’à mobiliser conjointement
100 milliards de dollars par an d’ici à 2020, en les répartissant
de manière « équilibrée » entre l’adaptation et l’atténuation
[CCNUCC, 2009, décision 2/CP.15].
La COP 16 de Cancún, en 2010, permet de remettre le
processus onusien sur les rails. Les parties s’accordent pour
réaffirmer l’objectif, déjà entériné à Copenhague, de limiter
l’augmentation de la température globale à 2 ºC par rapport à
l’ère préindustrielle, accompagné de la possibilité de renforcer
cet objectif à 1,5 ºC à travers une revue périodique fondée sur
les dernières données scientifiques et une évaluation des efforts
agrégés d’atténuation des parties. L’accord de Cancún prend
également note des engagements des pays développés en
matière de financement et met officiellement sur pied un
« Fonds vert pour le climat ». En outre, le « Cadre de Cancún
pour l’adaptation » crée ou renforce différentes institutions afin
de fournir aux pays en développement une aide technique, le
partage d’informations et le renforcement des capacités. Un
processus visant à permettre principalement aux PMA de
formuler et de mettre en œuvre des plans nationaux d’adapta-
tion (PNA) est notamment établi (voir chapitre IV). Enfin, un
accord est également trouvé pour élaborer un programme de
46 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

travail permettant de renforcer la compréhension de la ques-


tion des pertes et préjudices associés aux effets néfastes du chan-
gement climatique. Cette question émerge du souhait de
nombreux pays en développement d’obtenir un soutien concret
face aux effets néfastes se produisant, selon eux, du fait d’un
manque d’efforts de la part des pays riches en matière d’atténua-
tion et du manque de soutien que ces derniers apportent à
l’adaptation des pays les plus pauvres.
Les négociations menées fin 2013 à Varsovie (COP 19) sont
extrêmement difficiles mais aboutissent à la création d’un méca-
nisme visant à traiter de la question des pertes et préjudices.
Ce dernier a pour ambition de coordonner tous les dispositifs
d’intervention établis sous la convention pour ce qui concerne
les situations d’événements climatiques extrêmes et à survenue
lente, associés aux effets néfastes du changement climatique, et
de rassembler toutes les connaissances sur les moyens d’y faire
face. Contrairement aux revendications des pays en développe-
ment, ce mécanisme prend place (pour au moins trois ans) sous
le cadre existant de l’adaptation au sein de la convention, et
non pas en tant que mécanisme indépendant. Cette différence
n’est pas seulement technique : les pays riches craignent que la
création d’un troisième pilier (en plus de l’atténuation et de
l’adaptation) n’ouvre la porte à de nouvelles revendications
financières de la part des pays en développement. À Varsovie
également, les pays pauvres réclament que les pays industrialisés
s’engagent sur une trajectoire de mobilisation du financement
comportant un objectif intermédiaire de 70 milliards de dollars
en 2016, pour arriver aux 100 milliards par an prévus à l’horizon
2020 pour l’atténuation et l’adaptation. Les pays industrialisés
refusent cette demande mais s’engagent à augmenter progressi-
vement leurs versements et à faire preuve de davantage de trans-
parence dans la provenance de ces fonds.
Plus généralement, on peut soutenir que le contexte écono-
mique difficile dans lequel se trouvent la plupart des pays déve-
loppés n’est sans doute pas propice à des engagements
ambitieux concernant l’aide financière aux pays pauvres, qu’elle
vise l’adaptation ou d’autres objectifs. Les conférences récentes
auront en tout cas montré que de nombreux obstacles guet-
tent les négociateurs sur la route de la conclusion à Paris, en
2015, d’« un protocole, un autre instrument juridique ou un
accord ayant force juridique » qui devrait engager à partir
CADRE INTERNATIONAL 47

2006 environ, la Chine est ainsi le plus


En vingt ans, un bouleversement gros émetteur mondial, et, en 2013, ses
du visage des négociations émissions annuelles de GES ont dépassé
les émissions cumulées des États-Unis et
Les principes de base de la convention des pays de l’Union européenne. D’un
— comme ceux d’équité, de responsa- point de vue purement comptable, un
bilités communes et différenciées, et de Chinois émet en moyenne annuelle-
capacités respectives — font aujourd’hui ment autant de GES qu’un Européen
l’objet d’interprétations largement diver- moyen, mais toujours deux fois moins
gentes entre pays dits développés et en qu’un Américain.
développement, dans la terminologie Le poids de certains pays en dévelop-
onusienne. Les premiers insistent sur le pement s’est ainsi considérablement
caractère nécessairement évolutif de ces accru dans les négociations climatiques
principes, pour tenir compte du rattra- en l’espace de deux décennies. Quant
page économique — et du rééquilibrage aux pays les plus pauvres, leurs émis-
politique qu’il entraîne — de certains sions sont à ce point minimes que
pays en développement, notamment les l’enjeu de leur réduction ne pèse guère
grands émergents (Brésil, Russie, Inde, dans les négociations internationales sur
Chine et Afrique du Sud). Ceux-ci insis- le climat [Tubiana et al., 2010]. S’il
tent en revanche sur les profondes diffé- semblait acquis depuis la COP de 2002
rences qui subsistent par rapport aux de New Delhi que la contrepartie des
pays développés, aussi bien en termes engagements futurs des pays en déve-
de responsabilités que de capacités. loppement en termes de réduction des
Une chose est certaine : la dicho- émissions de GES était le financement de
tomie pays développés versus pays en l’adaptation par les pays développés, les
développement ne permet plus de conférences de la fin des années 2000
comprendre les positions de négocia- ont changé la donne. À Copenhague et
tion des différents pays de la planète, en à Cancún, en effet, les pays émergents
dépit des appellations diplomatiques des se sont désolidarisés des pays les plus
groupes, qui continuent à prévaloir dans pauvres de la planète. Le financement
les négociations établies sous l’égide des de l’adaptation a dès lors cessé d’être
Nations unies. En effet, 32 pays consi- une monnaie d’échange aussi claire,
dérés comme des pays en développe- avec des conséquences qui restent à voir
ment sous la convention avaient, en pour le soutien international de l’adap-
2012, un PIB par habitant supérieur à tation dans ces pays. De nouvelles
celui du plus pauvre État membre de alliances se créent cependant : à la
l’Union européenne (la Bulgarie). Le conférence de Durban (2011), le résultat
« tableau » des émissions de GES a lui final a surtout été porté par une coali-
aussi considérablement évolué en vingt tion entre l’Europe, les PMA, l’Alliance
ans. Si les émissions par habitant des des petits États insulaires (un groupe-
pays pauvres restent en moyenne large- ment de 43 pays à faible élévation
ment inférieures à celles des habitants côtière, particulièrement vulnérables à
des pays riches, les pays en développe- une hausse du niveau de la mer) et
ment dans leur ensemble émettent l’Association des États Indépendants
désormais annuellement davantage de d’Amérique latine et des Caraïbes
GES que les pays développés. Depuis (AILAC) [Dahan et Aykut, 2012].
48 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

de 2020 tous les pays du monde — développés et en


développement — à atténuer leurs émissions de GES.

Le financement international de l’adaptation

À ce jour, les négociations internationales menées au sujet


de l’adaptation dans le cadre de la CCNUCC ont essentielle-
ment porté sur la question de son financement. Alors que les
pays développés se sont engagés au titre de la convention à
« aider les pays en développement particulièrement vulné-
rables aux effets néfastes des changements climatiques à faire
face au coût de leur adaptation auxdits effets » [CCNUCC, 1992,
art. 4.4], les progrès en la matière ont globalement été lents et
insatisfaisants pour de nombreux pays en développement.

Le financement international ne correspond pas à une compensation

Il est courant d’aborder les questions complexes liées au


financement international de l’adaptation par ce que certains
ont qualifié d’injustice fondamentale du changement clima-
tique [van Ypersele, 2006] : les pays pauvres sont et seront
davantage affectés que les pays riches par les effets néfastes liés
au changement climatique anthropique, alors que les seconds
ont historiquement contribué de façon disproportionnée à la
survenue du phénomène. Si une forme de compensation était
mise en œuvre à l’échelle internationale, il pourrait incomber
aux pays responsables de dédommager les pays victimes (encore
faudrait-il pouvoir les identifier précisément) en tout ou partie
pour les effets néfastes engendrés. Malgré les demandes répétées
de nombreux pays en développement, ce n’est pas le principe
qui domine aujourd’hui dans les discussions internationales sur
le changement climatique.
Plutôt qu’une compensation, les flux financiers émanant des
pays développés et destinés à l’adaptation des pays en dévelop-
pement doivent être compris comme une aide à l’adaptation
[Füssel et al., 2012]. Le financement international en la matière
vise ainsi à éviter les conséquences humanitaires inacceptables
du changement climatique. Cette distinction entre aide et
compensation est importante du point de vue juridique, mais
aussi du fait que les outils les plus adéquats diffèrent selon que
CADRE INTERNATIONAL 49

l’on souhaite soutenir les actions d’adaptation dans les pays en


développement ou compenser les coûts induits par les effets
néfastes du changement climatique [Hallegatte, 2008]. Par
exemple, dans ce second cas, l’octroi de prêts aux pays en déve-
loppement pour leur permettre de faire face aux effets néfastes
du changement climatique ne serait pas approprié. Or, nous le
verrons, les prêts font bel et bien partie de la palette d’instru-
ments financiers utilisés pour aider les pays en développement à
s’adapter au changement climatique.
En outre, les coûts d’adaptation sont différents des montants
visant une compensation. Alors que les premiers sont déter-
minés par les investissements nécessaires pour alléger les consé-
quences néfastes du changement climatique, les seconds sont
déterminés par les pertes qui lui sont liées. Dans de nombreuses
situations cependant, il serait difficile de considérer unique-
ment les coûts d’adaptation et de ne pas prêter attention à une
compensation, particulièrement lorsque les stratégies d’adapta-
tion sont inefficaces, par exemple si des îles sont englouties par
la montée du niveau de la mer et qu’aucune stratégie d’adapta-
tion n’est disponible. C’est précisément ce à quoi vise à répondre
la question des pertes et préjudices que nous avons succincte-
ment abordée supra.

Quel est le coût de l’adaptation pour les pays en développement ?

Un certain nombre d’études ont tenté d’estimer le coût de


l’adaptation pour l’ensemble des pays dits en développement.
Leurs résultats sont fréquemment cités tant dans la littérature
académique qu’institutionnelle et jouent un rôle relativement
important dans les négociations climatiques internationales
puisqu’ils représentent une première base de discussion. Les
évaluations disponibles fournissent cependant des estimations
allant de 4 à 109 milliards de dollars par an, reflétant très clai-
rement la complexité de la question et les nombreuses incerti-
tudes qui lui sont associées [Parry et al., 2009]. Pareilles
évaluations nécessitent en effet de simplifier un problème impli-
quant de multiples pays, institutions et décideurs, et de réaliser
diverses projections relatives tant aux changements clima-
tiques que socioéconomiques sur les décennies à venir. De telles
estimations sont encore compliquées par la grande diversité de
mesures d’adaptation qu’il est possible de mettre en œuvre.
50 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

En outre, les évaluations menées à ce jour ont considéré


l’adaptation de manière restrictive, comme visant uniquement à
répondre aux effets néfastes des seuls changements climatiques
d’origine anthropique sur les sociétés humaines — en tentant
donc d’isoler ces effets néfastes de ceux découlant des condi-
tions climatiques naturelles. Cependant, identifier les coûts
additionnels induits par les seuls changements climatiques
anthropiques implique de déterminer un niveau de référence à
partir duquel mesurer ces seuls coûts. Cette tâche est particuliè-
rement complexe. Dans la réalité, peu d’exemples d’adaptation
sont en effet aussi clairs que celui de la surélévation d’une digue
visant à répondre à la montée du niveau de la mer due au
phénomène du changement climatique d’origine anthropique.
En outre, la digue en question n’existe pas toujours, tant s’en
faut ! Dans de nombreux cas, les pratiques ou infrastructures
existantes n’offrent pas de protection adéquate face à la variabi-
lité climatique naturelle — formant un déficit d’adaptation que
nous évoquions dans le chapitre I. Il importe donc de percevoir
le caractère artificiel de cette distinction : si le déficit d’adapta-
tion n’est pas comblé, les fonds dédiés à l’adaptation seront en
effet largement insuffisants pour faire face aux défis posés par les
risques climatiques [Weikmans, 2012].
Dans une étude généralement considérée comme la plus
aboutie en la matière, la Banque mondiale [2010] a évalué que
les coûts d’adaptation aux changements climatiques associés à
un réchauffement de 2 ºC à l’horizon 2050 (par rapport à l’ère
préindustrielle) se situent entre 75 et 100 milliards de dollars
par an (aux prix de 2005), pour l’ensemble des pays en dévelop-
pement et pour la période comprise entre 2010 et 2050. Ces
montants sont d’un ordre de grandeur similaire à l’aide publique
au développement (APD) versée annuellement par des pays de
l’OCDE à des pays non OCDE, ce qui donne une idée de
l’ampleur de l’enjeu sur l’aide au développement (voir infra). S’il
n’existe actuellement pas d’études des coûts d’adaptation aux
changements climatiques associés à un réchauffement plus
important pour l’ensemble des pays en développement, la
Banque mondiale [2012] indique qu’un réchauffement de 4 ºC
entraînerait des coûts bien supérieurs au double de ceux induits
par un réchauffement de 2 ºC. Pour le seul continent africain,
le PNUE [2013] s’est hasardé à chiffrer à 350 milliards de dollars
par an à l’horizon 2070 les coûts d’adaptation associés à un
CADRE INTERNATIONAL 51

réchauffement compris entre 3,5 et 4 ºC, mais cette estimation


est bien sûr sujette à de très nombreuses incertitudes.
Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que les besoins finan-
ciers en matière d’adaptation des pays en développement seront
considérables. Une série de mécanismes financiers ont dès lors
été élaborés afin d’aider ces pays — et particulièrement les plus
vulnérables d’entre eux — à mettre en œuvre des mesures
d’adaptation. Nous allons le voir, malgré l’ampleur relativement
modeste des moyens financiers dégagés, l’architecture financière
existante est particulièrement complexe. Soulignons en outre
qu’un certain nombre de pays en développement n’ont pour
l’instant pas les capacités institutionnelles suffisantes pour
concevoir et mettre en œuvre les mesures d’adaptation néces-
saires, et ce même si les fonds étaient disponibles. L’améliora-
tion de la « capacité d’absorption » des moyens financiers dans
ces pays est dès lors fondamentale. Remplir les besoins en termes
de ressources financières ne constitue donc pas la seule ques-
tion importante du financement de l’adaptation. Il s’agit cepen-
dant d’un problème central puisque les questions de l’accès à
ces fonds et de l’efficience de leur utilisation, notamment, ne
se posent pas s’ils ne sont pas disponibles. Si ces questions
n’étaient pas traitées, on se retrouverait avec des problèmes
analogues à certaines difficultés déjà connues de l’allocation de
l’aide au développement ou de l’aide au suivi de catastrophes
naturelles.

Des premiers financements tardifs et limités

Ce n’est qu’à partir des accords de Marrakech de 2001,


conclus lors de la 7e conférence des parties, que des moyens
financiers visant l’adaptation des pays en développement ont
véritablement commencé à être dégagés. Les financements
étaient alors acheminés par l’intermédiaire du Fonds pour l’envi-
ronnement mondial (FEM), soit directement, soit via des fonds
dédiés administrés par le FEM sous la supervision de la
CCNUCC. Il s’agit en particulier du Fonds pour les PMA (princi-
palement pour permettre à ces pays de préparer et mettre en
œuvre leurs PANA) et du Fonds spécial pour les changements
climatiques (qui concerne, lui, tous les pays en développement).
Les pays en développement ont cependant fait état de
nombreuses difficultés pour accéder aux premières possibilités
52 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

de ces principes n’ont cependant pas


Promesses tenues ? été précisés à l’échelle internatio-
nale, tout comme d’ailleurs la façon
Les engagements des pays déve- dont les pays développés devaient
loppés en matière de financement à rapporter leurs efforts en la matière.
démarrage rapide ont-ils été tenus ? Une analyse plus fine des engage-
Cette question mérite à tout le moins ments des pays développés pour ce
une réponse nuancée. En effet, la qui concerne le financement à démar-
plupart des informations dont nous rage rapide révèle des résultats
disposons proviennent des pays surprenants, notamment pour ce qui
développés eux-mêmes et sont diffi- concerne le faible soutien apporté à
cilement comparables. La somme des l’adaptation : seuls 18 % des fonds
engagements individuels rapportés dégagés sur la période 2010-2012,
par ces derniers s’élève à 35 milliards soit moins de 7 milliards de dollars,
de dollars pour la période 2010-2012 auraient en effet été dirigés vers
[Nakhooda et al., 2013]. Si les enga- l’adaptation des pays en développe-
gements en termes de montants ment, le reste allant principalement
semblent donc avoir été tenus, voire vers des projets d’atténuation de leurs
dépassés, il importe encore de voir si émissions [Nakhooda et al., 2013]. En
ces contributions promises seront outre, seul un tiers du financement à
véritablement déboursées. Selon de démarrage rapide — visant donc à la
nombreux observateurs, ces engage- fois l’atténuation et l’adaptation —
ments ne sont en outre pour la pourrait véritablement être considéré
plupart pas cohérents avec les prin- comme « nouveau », c’est-à-dire
cipes que ces pays s’étaient engagés comme représentant une augmenta-
à respecter : allocation « équilibrée » tion par rapport aux fonds déjà
entre l’adaptation et l’atténuation, promis avant la conférence de Copen-
caractère « nouveau et additionnel » hague de 2009 [Oxfam, 2012].
des fonds, priorité de l’allocation du Une autre inquiétude fondamen-
financement de l’adaptation aux pays tale a trait au caractère véritablement
les plus vulnérables, et recours entre additionnel des financements, cette
autres à des institutions multilatérales exigence visant à assurer que la déli-
pour acheminer les fonds. Les détails vrance des fonds pour l’atténuation ou

de financement, très limitées, établies sous la convention. Les


critères d’accès à ces ressources ont en effet été dictés par les
pays développés en raison de l’influence de ces derniers sur le
conseil d’administration du FEM. Pour ne donner qu’un
exemple, ces fonds fonctionnent en suivant le principe d’« addi-
tionnalité » : ils ne servent pas à financer l’intégralité d’un projet
mais uniquement la fraction de celui-ci visant l’adaptation au
changement climatique (et nous avons vu que techniquement
cette part est difficile à calculer). Ils ne représentent donc qu’une
source complémentaire de financement pour des projets déjà
partiellement financés par des institutions internationales
CADRE INTERNATIONAL 53

l’adaptation ne résulte pas d’une Pour ce qui concerne le type


diversion de ressources qui auraient d’instruments financiers utilisés,
été allouées à l’aide envers d’autres Oxfam [2012] s’inquiète du fait que
objectifs de développement. En 43 % seulement des financements
l’absence de consensus entre les aient été promis sous la forme de
parties à la CCNUCC sur une défini- dons. La majeure partie des montants
tion claire et spécifique de ce terme, ont été dégagés en tant que prêts,
les pays développés ont adopté une certains pays n’hésitant pas à compter
variété de méthodes afin de définir la valeur totale des prêts — qui
l’additionnalité de leurs promesses de devront être remboursés — dans leurs
financement. Il apparaît clairement en contributions au financement à
tout cas que certains flux financiers de démarrage rapide.
l’APD ont été « relabellisés » en tant Le bilan du financement à démar-
qu’actions d’atténuation ou d’adapta- rage rapide est donc difficile à dresser
tion [Junghans et Harmeling, 2012]. mais apparaît assez mitigé. Au vu du
La question de la caractérisation rapportage déficient des ressources
adéquate est particulièrement déli- rendues disponibles, les pays en
cate, surtout pour ce qui concerne développement ne peuvent que
les initiatives d’adaptation au change- difficilement juger du respect des
ment climatique. En effet, de meil- engagements financiers des pays
leurs soins de santé, une meilleure développés — qui ne peuvent, eux,
éducation, un accès renforcé à l’eau pas véritablement mettre en avant les
potable ou une amélioration des efforts consentis. En outre, l’existence
secours en cas de catastrophe rendent d’une longue histoire de promesses
les pays plus résilients face au change- non tenues en matière d’aide au
ment climatique, mais sont aussi des développement ne fait que renforcer
objectifs de base en matière de déve- les craintes des pays pauvres en
loppement. L’identification de projets la matière. Le respect des engage-
ou programmes d’adaptation « pure » ments pris constitue pourtant une
a donc peu de sens au niveau opéra- opportunité de renforcer la confiance
tionnel mais est cruciale si l’on veut entre les pays, une confiance qui sera
satisfaire les engagements financiers bien nécessaire à la conclusion d’un
pris. accord global espéré pour 2015.

comme la Banque mondiale ou le Programme des Nations unies


pour le développement (PNUD).

Des promesses de financement conséquentes


mais difficilement vérifiables

Les ressources « nouvelles et additionnelles » de plusieurs


dizaines de milliards de dollars prévues par la conférence
de Copenhague sont censées provenir de « diverses
sources, publiques et privées, bilatérales et multilatérales,
y compris d’autres sources de financement », et être destinées
54 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

« en priorité aux pays en développement les plus vulnérables,


dont les pays les moins avancés, les petits États insulaires en
développement et les pays d’Afrique » [CCNUCC, 2009,
décision 2/CP.15].
À ces engagements, réitérés à chacune des conférences
des parties depuis Copenhague, s’ajoute la création d’une
nouvelle structure, le Fonds vert pour le climat, par lequel est
censé transiter une « part appréciable » des 100 milliards de
dollars à mobiliser annuellement à partir de 2020. Ce fonds,
basé en Corée du Sud, est contrôlé par un conseil d’adminis-
tration composé à parts égales de représentants des pays déve-
loppés et en développement — une revendication majeure de
ces derniers.

L’architecture fragmentée du financement international

L’architecture actuelle du financement international


de l’adaptation est donc à la fois complexe et évolutive. Si
la multitude de canaux de financement (voir figure 4) accroît
les possibilités des pays récipiendaires à accéder aux ressources
disponibles, elle rend aussi ce processus compliqué et deman-
deur en capacités institutionnelles — des capacités que les
pays en développement les plus pauvres ne possèdent
qu’en quantités limitées. Ces capacités sont nécessaires non
seulement pour coordonner les bailleurs de fonds sur place (un
problème analogue à celui qui se pose en matière de coopéra-
tion au développement), mais aussi pour mettre en place des
agents techniques de conseil ou d’encadrement pour aider les
populations démunies à faire face au changement climatique sur
le terrain.
Le suivi des flux financiers destinés à l’adaptation pose
des difficultés méthodologiques particulièrement importantes.
Nous tentons cependant ci-dessous de donner un aperçu des
ressources actuellement disponibles. En termes de montants,
le paysage du financement international de l’adaptation
est aujourd’hui largement dominé par les agences bilatérales
de développement des pays de l’OCDE. Pour 2011, ces agences
ont rapporté avoir dépensé environ 2 milliards de dollars
dans des projets ciblant « principalement » l’adaptation et
plus de 6 milliards de dollars dans des projets ciblant « signifi-
cativement » l’adaptation, mais ces chiffres doivent être
Figure 3. L’architecture du financement international public de l’adaptation

Contributeurs
Prélèvement de 2 % sur les
Budgets publics des pays de l’OCDE
« crédits carbone » du MDP

Fonds multilatéraux Fonds bilatéraux

Liées à la CCNUCC Sans lien avec la CCNUCC


Priorité stratégique pour Alliance mondiale contre Fonds climatique international
l’adaptation (FEM) le changement climatique (Royaume-Uni)
(Commission européenne)
Fonds pour l’adaptation des Initiative climatique internationale

Fonds dédiés
pays les moinsavancés Programme pilote pour (Allemagne)
la résilience climatique
Fonds spécial pour les (Banque mondiale) Initiative Hatoyama (Japon)
changements climatiques
Fonds pour la réalisation des
Fonds d’adaptation du OMD – fenêtre thématique
protocole de Kyoto « Environnement et
changementclimatique »
Fonds vert pour le climat (PNUD)

CADRE
Entités Banques multilatérales Agences des Nations ONG, entreprises, Banques bilatérales Agences bilatérales

Pays Mise en
œuvre
nationales de développement (Banque unies (PNUD, PNUE, universités, etc. de développement de développement

INTERNATIONAL
de mise en mondiale, Banque africaine FAO, PAM, etc.) (KfW, JBIC, etc.) (AFD, DFID, USAID,
œuvre pour le développement, etc.) etc.)

piendaires
réci-
Pays non OCDE

Source : notre infographie d’après des données du site Internet <www.climatefundsupdate.org> et de Buchner et al. [2013].

55
56 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

considérés avec beaucoup de précaution car ils ne font pas


l’objet de vérification indépendante. Les institutions multilaté-
rales de développement, au premier rang desquelles on retrouve
la Banque mondiale et son programme pilote pour la résilience
climatique (créé en 2008 et doté de plus de 1 milliard de dollars),
jouent également un rôle important dans l’acheminement des
ressources financières puisque plus de 6 milliards de dollars ont
transité par leur intermédiaire en 2012 à des fins d’adaptation.
Les mécanismes financiers liés à la CCNUCC n’ont, en termes
de ressources disponibles, qu’une position très secondaire dans
le paysage existant (environ 350 millions de dollars déboursés
entre 2002 et 2013 ; un peu plus de 1 milliard promis à ces fonds
sur la même période).
Si les canaux bilatéraux et multilatéraux classiques de l’aide
au développement occupent une place à ce point centrale dans
le financement international de l’adaptation, c’est aussi parce
qu’ils permettent aux pays développés de décider de l’allocation
et de l’utilisation des moyens débloqués. Les pays en dévelop-
pement, eux, souhaitent que l’argent transite via des institu-
tions multilatérales, leur offrant un contrôle plus grand sur les
activités financées et assurant la priorisation des fonds vers les
pays les plus vulnérables au changement climatique. Il faut bien
le reconnaître : de pareilles institutions sont rares dans le
paysage actuel du financement de l’adaptation. La perspective
d’une opérationnalisation prochaine du Fonds vert pour le
climat nourrit donc les espoirs des pays en développement,
particulièrement les plus pauvres d’entre eux.
D’autres zones d’ombre entachent notre compréhension du
paysage actuel du financement international de l’adaptation.
Ainsi, la place du secteur privé dans ce domaine reste par
exemple particulièrement méconnue [Buchner et al., 2013]. La
plupart des observateurs s’accordent cependant sur le fait que le
financement international actuel est majoritairement public et
que la mobilisation du secteur privé semble beaucoup plus diffi-
cile en matière d’adaptation que d’atténuation. Autre inconnue :
celle du rôle d’un certain nombre de pays non OCDE dans le
financement international de l’adaptation. On sait que la coopé-
ration Sud-Sud prend chaque année de l’importance dans le
paysage de la coopération internationale au développement,
mais l’ampleur réelle des flux financiers concernés reste peu
CADRE INTERNATIONAL 57

claire — elle serait de l’ordre de plusieurs milliards de dollars par


an. En outre, nous ne disposons d’aucune donnée permettant
d’estimer dans quelle mesure ces flux ont pour objectif l’adap-
tation au changement climatique.
IV / Politiques nationales et infranationales

L ’action publique en matière d’adaptation au changement


climatique est nécessaire à tous les niveaux de pouvoir, c’est-à-
dire aux échelles internationale mais aussi nationale et infra-
nationale. Même si le chapitre précédent a insisté sur la
problématique des pays en développement et émergents, les
pays industrialisés ne sont évidemment pas à l’abri des risques,
malgré leur présupposée haute capacité d’adaptation liée à leurs
ressources économiques et technologiques ou leurs structures
institutionnelles. Des événements tels que l’ouragan Katrina ou
la canicule européenne de 2003 ont par exemple remis en ques-
tion l’idée selon laquelle ces États seraient invulnérables aux
impacts climatiques et forcément capables de gérer de telles
crises de manière efficace. De plus, les populations des pays
riches — tout comme celles des pays pauvres — ne sont pas
homogènes, mais sont composées de groupes sociaux plus ou
moins vulnérables, en raison entre autres d’inégalités socioéco-
nomiques et de structures démographiques. Il importe de tenir
compte de cette non-homogénéité dans l’élaboration et la mise
en œuvre de politiques d’adaptation.

Rôles des acteurs publics aux échelles nationale


et infranationale

Les politiques publiques d’adaptation sont considérées


comme cruciales pour plusieurs raisons, dont certaines sont liées
aux limites ou freins de l’adaptation des acteurs privés (voir
chapitre V). Ces limites à l’adaptation spontanée privée peuvent
60 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

être de plusieurs ordres, à savoir les incertitudes concernant


le besoin d’agir et les options disponibles, l’absence de béné-
fices directs concernant les mesures d’adaptation, le manque de
capacités financières ou humaines pour s’adapter à temps, le
manque d’intérêt à agir à court terme ou encore le manque de
consensus et de coordination si différents acteurs sont amenés à
coopérer.
Par conséquent, les autorités publiques sont appelées à
remplir différentes fonctions à l’égard de l’adaptation. Elles
peuvent d’abord produire et fournir de l’information, appro-
priée aux différents publics cibles, sur les impacts du change-
ment climatique et sur les moyens de s’y adapter, afin de
sensibiliser et d’encourager les acteurs privés et publics à agir
[Berkhout et al., 2004]. Le financement de la recherche et la
diffusion de divers outils d’aide à la décision (comme les
scénarios de projections climatiques ou méthodes de diagnostic
de vulnérabilité) font partie de cette première fonction. Les
pouvoirs publics peuvent également créer des incitations ou
obligations via des normes et règlements (en matière de planifi-
cation territoriale et d’infrastructures, par exemple), ou encore
mettre sur pied une fiscalité favorable à l’adaptation privée. La
protection des plus vulnérables (par exemple, les personnes
âgées lors des vagues de chaleur) constitue une autre mission qui
revient aux instances gouvernementales [Aaheim et al., 2008 ;
Tompkins et al., 2010]. En outre, elles sont responsables de la
préservation et de l’offre de différents biens publics, notamment
la construction d’infrastructures de protection contre les inon-
dations, l’élaboration de systèmes d’alerte et la protection des
écosystèmes [Stern, 2006].
Plus largement, les autorités publiques peuvent veiller à ce
que la problématique de l’adaptation soit intégrée au sein des
différentes politiques sectorielles et aux différents niveaux de
pouvoir (voir infra). La coordination de l’action est également de
leur ressort, l’objectif étant d’éviter que les mesures d’adaptation
mises en œuvre par certains acteurs ne se répercutent négative-
ment sur la vulnérabilité d’autres acteurs ou d’autres lieux. Dans
le cas par exemple de compagnies d’assurances privées désirant
exclure des habitations situées en zones inondables, avec pour
conséquence une vulnérabilité accrue des résidents qui auront
en outre du mal à vendre leurs propriétés, le gouvernement peut
se concerter avec ces compagnies afin de préserver une
POLITIQUES NATIONALES ET INFRANATIONALES 61

assurabilité minimale des risques tout en adoptant une politique


de diminution de la vulnérabilité.
Au niveau national, les politiques d’adaptation au change-
ment climatique auront en général pour principe de définir un
cadre, d’inciter et de coordonner les actions des échelons de
pouvoir inférieurs, en accord également avec les directives inter-
nationales. Quant aux autorités infranationales, elles peuvent
jouer un rôle plus spécifique face aux effets localisés du change-
ment climatique [van Gameren, 2014]. L’ampleur de leur action
dépend des contextes institutionnels des États dans lesquels
elles opèrent, des ressources dont elles disposent aux niveaux
financier et humain, et de leur accès aux informations clima-
tiques. Leur impact est particulièrement déterminant si elles
détiennent des compétences législatives et réglementaires dans
des secteurs clés de l’adaptation, tels que la planification terri-
toriale, les transports et certains services publics [Ribeiro et al.,
2009 ; Dumollard et Leseur, 2011]. À cet égard, les villes consti-
tuent des entités incontournables pour la mise en œuvre
d’actions d’adaptation (voir infra, encadré sur l’adaptation des
villes).
Plusieurs voies (non exclusives) de réponse politique aux
problèmes d’adaptation au changement climatique s’offrent dès
lors aux décideurs politiques à différents niveaux de pouvoir.
Dans les points suivants, nous présentons de manière plus
détaillée : l’intégration ou le mainstreaming de l’adaptation au
sein des différentes politiques sectorielles, le développement
d’une stratégie et/ou d’un plan d’adaptation, et enfin la mise
en œuvre d’instruments en faveur de l’adaptation, tels que
les réglementations et les instruments économiques et
communicationnels.

L’intégration ou le mainstreaming de l’adaptation

En plus de l’intégration verticale et de la cohérence entre les


actions menées au sein des niveaux de pouvoir, une adaptation
adéquate est supposée passer par une intégration horizontale de
cette problématique au sein de différentes politiques secto-
rielles. Cette intégration ou mainstreaming de l’adaptation
constitue un principe que l’on peut rapprocher de celui de l’inté-
gration des problématiques environnementales dans les
62 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

politiques sectorielles, fortement promu dès les années 1990, en


particulier au niveau européen [Jordan et Lenschow, 2010].
Cette intégration est cruciale pour éviter les contradictions
entre les politiques et pour bénéficier de synergies possibles, de
même que pour diminuer le risque d’un transfert de vulnérabi-
lité d’un secteur ou d’une activité à un(e) autre à cause d’une
vision « en silo ». En effet, certains objectifs sectoriels peuvent
entrer en conflit avec ceux de l’adaptation, comme l’aménage-
ment de zones côtières à des fins de développement économique
qui peut augmenter la vulnérabilité de ces zones en renforçant
l’érosion côtière et en affaiblissant certains écosystèmes.
Si le processus d’intégration peut se heurter à l’inertie du
fonctionnement cloisonné de départements sectoriels, certains
facteurs institutionnels sont susceptibles de créer un terrain
favorable à pareille évolution [Mickwitz et al., 2009]. Parmi eux,
on retrouve la mise en place de dispositifs tels que des unités
chargées de l’adaptation, transversales ou au sein de départe-
ments sectoriels vulnérables au changement climatique (comme
c’est le cas aux Pays-Bas au sein de l’administration en charge de
la gestion de l’eau). La présence d’un département, ministère ou
institution qui prend le leadership de l’adaptation, via notam-
ment la mise en œuvre d’une stratégie ou d’un plan spécifique
d’adaptation (voir infra), peut également se révéler détermi-
nante. En pratique, ce sont souvent les ministères ou agences
de l’environnement qui assument ce rôle mais pas toujours ; par
exemple, la stratégie finlandaise d’adaptation a été coordonnée
par le ministère de l’Agriculture et de la Foresterie. Par ailleurs, le
développement d’instruments d’évaluation des politiques, plans
et projets (comme l’évaluation environnementale stratégique ou
de durabilité), dans lesquels des critères relatifs à l’adaptation
peuvent être inclus, de même que l’existence d’instruments de
planification relatifs à l’aménagement du territoire constituent
des bases intéressantes pour amorcer un processus d’intégration.
Des structures intermédiaires (boundary organisations) peuvent
également se révéler utiles, en se positionnant à l’interface entre
les pouvoirs publics, les scientifiques et les acteurs privés. C’est
le cas notamment de l’UKCIP (United Kingdom Climate Impact
Programme) au Royaume-Uni, qui joue ce rôle de pont en coor-
donnant la recherche, en diffusant de l’information et en déve-
loppant des outils d’aide à la décision en matière d’adaptation.
POLITIQUES NATIONALES ET INFRANATIONALES 63

En réalité, il ressort de la revue de la littérature que l’intégra-


tion de l’adaptation a émergé dans certains secteurs, en particu-
lier celui de l’eau et de l’aménagement du territoire, mais plus
difficilement dans d’autres, comme la conservation de la bio-
diversité, pourtant vulnérable aux impacts du changement
climatique. Parmi les plus sensibilisés, les Pays-Bas progressent
dans leur stratégie nationale de gestion de l’eau : les conflits
d’espace entre d’une part les digues et l’eau, et d’autre part l’agri-
culture, la conservation de la nature et le logement ont pu dans
certains cas être réglés en combinant les différentes occupa-
tions du sol. C’est le cas dans le « Zuidplaspolder », l’un des
polders hollandais les plus bas (7 mètres en dessous du niveau de
la mer), bordé par un fleuve et situé au nord de Rotterdam, en
plein centre économique du pays. À travers des ateliers partici-
patifs, le projet de développement territorial s’est orienté vers de
nouvelles zones résidentielles, commerciales et agricoles, tout en
prévoyant des espaces verts et de stockage de l’eau [de Groot-
Reichwein et al., 2013].

Les stratégies et plans d’adaptation

L’un des moyens offerts aux pouvoirs publics pour généra-


liser le mainstreaming est d’élaborer des stratégies et/ou des plans
d’adaptation visant à réduire la vulnérabilité (d’un pays, d’une
région ou d’une ville) face au changement climatique, y compris
face à la variabilité et aux extrêmes climatiques. Avec l’appui de
différentes mesures et politiques, ces instruments de coordina-
tion peuvent construire une vision globale pour l’ensemble du
territoire et des secteurs concernés ou se concentrer sur certaines
vulnérabilités plus spécifiques. Le statut légal de tels documents
peut aussi varier selon les pays. Leur élaboration et leur mise en
œuvre en anticipation d’impacts climatiques relèvent de l’adap-
tation dite planifiée.

En Europe

Dès 2007, la Commission européenne a publié un Livre vert


(contenant un éventail de questions soumises à consultation
publique), puis en 2009 un Livre blanc (contenant des proposi-
tions d’actions communautaires) sur l’adaptation au changement
64 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

climatique. Ces documents reconnaissent l’importance de cette


problématique et identifient les nombreuses zones vulnérables en
Europe, en particulier l’Europe méridionale, les zones monta-
gneuses, les zones côtières et les plaines alluviales densément
peuplées, ainsi que la Scandinavie et la région Arctique [Commis-
sion européenne, 2007 ; 2009]. Conformément au Livre blanc, une
stratégie européenne d’adaptation a été lancée en 2013 [Commis-
sion européenne, 2013a].
Ces trois documents encouragent de façon répétée la mise en
œuvre d’actions d’adaptation anticipatives au niveau commu-
nautaire et à celui des États membres, notamment par l’élabora-
tion de stratégies et de plans d’adaptation, pour éviter des coûts
trop importants à l’avenir [Commission européenne, 2013b]. Au
niveau national, en 2013, des stratégies étaient établies dans
quinze pays de l’Union européenne [site Climate-ADAPT], par
exemple en France, aux Pays-Bas, en Hongrie, au Portugal et en
Finlande, pionnière en la matière dès 2005. Aux niveaux
régional et local, une trentaine de stratégies avaient déjà été
adoptées à la fin des années 2000 [Ribeiro et al., 2009] et d’autres
se sont développées depuis. Certaines sont issues de gouverne-
ments infranationaux possédant différents degrés de compé-
tence et d’autonomie (par exemple les Länder en Allemagne, les
communautés en Espagne, les régions en Belgique, etc.), d’autres
ont été développées par des villes (notamment Londres,
Copenhague, Rotterdam). L’élaboration de ces plans et stratégies
a, selon les cas, relevé de processus nationaux mais aussi d’initia-
tives émanant directement d’autorités infranationales, parfois
en l’absence d’une stratégie ou d’un cadrage national d’adapta-
tion et avec l’aide de réseaux rassemblant des municipalités,
villes et régions [Westerhoff et al., 2011]. En outre, des plans
d’adaptation plus sectoriels se développent, comme ceux
concernant le risque d’inondation ou de canicule, en particu-
lier dans des villes. Enfin, des initiatives interrégionales sont
également menées, pour tenter de répondre aux impacts dépas-
sant les frontières administratives des régions et pays. En
Europe, des projets interétatiques ou intervilles, partiellement
financés par des fonds européens (INTERREG et Life +), existent
surtout dans les régions de l’Ouest et du Nord ainsi que dans
les Alpes [AEE, 2013]. Des activités liées à l’adaptation peuvent
également être intégrées au sein d’institutions existantes, telles
POLITIQUES NATIONALES ET INFRANATIONALES 65

que la stratégie européenne pour la région de la mer Baltique


(2009) et de la région du Danube (2011) ou encore la conven-
tion alpine.
Les comparaisons entre les stratégies et plans d’adaptation de
régions, villes et pays européens livrent plusieurs enseignements
intéressants. Les motivations pour mettre en place une stra-
tégie ou un plan d’adaptation sont liées à des facteurs à la fois
climatiques et non climatiques. Ces derniers incluent, outre le
contexte politique, l’existence d’actions mises en place dans
d’autres pays, l’expérience d’événements extrêmes, la recherche
concernant les impacts climatiques, l’évaluation des coûts de
l’inaction et la conscience d’opportunités liées à l’adaptation, ou
encore les demandes des organisations non gouvernementales
et du secteur privé [Swart et al., 2009]. Les facteurs facilitant
l’élaboration de ces initiatives sont également de plusieurs
ordres, tels que l’existence d’une connaissance disponible en la
matière, d’une volonté politique d’agir, d’une bonne coordina-
tion entre les acteurs clés et de compatibilités avec d’autres poli-
tiques sectorielles.
Au niveau méthodologique, ces stratégies et plans sont
construits sur des projections climatiques fondées générale-
ment sur des scénarios SRES du GIEC. Ces projections sont aussi
parfois conditionnées par des cibles politiques, comme celle
orientée vers une limite d’augmentation de 2 ºC de la tempéra-
ture globale moyenne par rapport à la période préindustrielle.
Chaque pays, région ou ville effectue cependant ses choix de
scénarios et modèles climatiques, révélant des différences
notables en la matière. Par exemple, certains pays comme la
France utilisent deux scénarios SRES (A2 et B2) tandis que
d’autres comme l’Allemagne ou la Finlande en mobilisent trois
ou davantage (parmi les A1F1, A1B, A2, B2, B1 du GIEC)
[Swart et al., 2009]. Étant donné que la plupart des stratégies
reposent sur des études de vulnérabilité nationales, un besoin
de recherche sur les vulnérabilités plus spécifiques aux niveaux
sectoriel et local est souvent exprimé dans ces documents.
Selon certaines analyses [Biesbroeck et al., 2010], les États qui
ont fortement contribué à la recherche climatique dans le
passé sont aussi précurseurs au niveau de la recherche sur
l’adaptation. Il s’agit en particulier du Royaume-Uni, des
Pays-Bas et de l’Allemagne, pour qui l’adaptation est bien placée
dans l’agenda politique et pour laquelle de larges budgets de
66 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

recherche sont dégagés, y compris sur les aspects plus locaux de


la vulnérabilité.
La participation des acteurs de la société civile (stakeholders)
à l’élaboration des stratégies et plans d’adaptation est recom-
mandée pour différentes raisons : (1) identifier collectivement
les formes d’adaptation les plus appropriées et désirables,
(2) prendre en compte la connaissance, parfois tacite, et les
expériences des parties impliquées concernant les vulnérabi-
lités et impacts locaux, (3) analyser la capacité de ces acteurs à
faire face à certains impacts, (4) créer une compréhension
commune des impacts, vulnérabilités et options d’adaptation,
et, (5) renforcer la capacité à identifier les domaines priori-
taires d’action [Biesbroeck et al., 2010]. Le processus participatif,
outre ces fonctions utiles à l’élaboration de la stratégie, permet
également de faire connaître la politique d’adaptation du pays
ou de la région en question auprès des citoyens et idéalement
d’en accroître l’acceptabilité. Jusqu’à présent, cette participa-
tion a impliqué plusieurs ministères, voire des experts, mais plus
rarement d’autres acteurs tels que les représentants d’entités
politiques à d’autres niveaux de pouvoir, d’organisations non
gouvernementales ou d’entreprises [Ribeiro et al., 2009 ; AEE,
2010].
La plupart des secteurs vulnérables mis en exergue au sein de
ces documents sont communs aux différents pays avec une prio-
risation ou non, selon les cas. Les questions relatives à l’eau,
en interaction avec les thématiques agricoles et d’aménagement
du territoire constituent les thèmes les plus préoccupants au sein
des différentes stratégies [Swart et al., 2009 ; Dumollard et
Leseur, 2011]. Selon la localisation des pays au sein de l’espace
européen, les enjeux varient cependant : les pays du Sud insis-
tent sur la disponibilité en eau et les risques de sécheresse, tandis
que ceux d’Europe de l’Ouest et du Nord mettent plutôt en
avant les risques d’inondation. Les secteurs de la foresterie, de la
biodiversité et de la santé sont aussi bien représentés, suivis des
infrastructures, de la gestion côtière et du tourisme [AEE, 2013].
Dans les plans régionaux, les thématiques de santé (vagues de
chaleur, nouveaux vecteurs de maladies) et d’aménagement du
territoire liées fortement à l’eau (inondations, hausse du niveau
de la mer, sécheresses) se révèlent particulièrement saillantes
également [Ribeiro et al., 2009]. En revanche, les bénéfices liés
au changement climatique sont généralement peu identifiés et,
POLITIQUES NATIONALES ET INFRANATIONALES 67

s’ils le sont, c’est davantage dans les pays d’Europe de l’Ouest


et du Nord [Swart et al., 2009]. Les Pays-Bas par exemple consi-
dèrent les opportunités en matière d’expertise et d’ouverture
de nouveaux marchés dans le domaine de l’ingénierie liée à la
gestion de l’eau et des côtes. Les pays scandinaves et le
Royaume-Uni envisagent quant à eux de meilleures conditions
pour la production agricole et forestière, ainsi que pour le
tourisme.
Les plans nationaux reconnaissent en général l’importance
des actions d’adaptation au niveau infranational en raison des
impacts différenciés au sein des territoires. Cependant, la mise
en pratique d’une gouvernance multiniveaux peut être handi-
capée par l’absence d’un partage clair des responsabilités,
y compris financières. Les stratégies et plans d’adaptation encou-
ragent par ailleurs l’action des particuliers, entreprises et autres
organisations, à travers une communication sur l’adaptation
au changement climatique et notamment sur les actions du
ressort de ces acteurs [Moser, 2010]. Ces moyens de sensibilisa-
tion varient selon les pays. Le Royaume-Uni a par exemple déve-
loppé cet aspect via, d’une part, les données et outils diffusés
par l’UKCIP (voir supra) et, d’autre part, des actions de commu-
nication organisées par les régions et administrations locales.
Il faut cependant remarquer que, pour l’heure, la plupart des
stratégies et plans nationaux et infranationaux en Europe
prévoient rarement des mesures très concrètes de mise en
œuvre. Les informations sont limitées pour ce qui concerne les
types d’instruments politiques nécessaires à l’opérationnalisa-
tion des objectifs, les responsabilités attribuées aux différents
acteurs, l’agenda de mise en œuvre, les coûts des mesures et les
sources de financement. Les pays qui ont développé un plan
d’action à la suite d’une stratégie nationale, comme la France
et l’Allemagne, s’orientent néanmoins vers des actions mieux
définies, voire évaluent le coût de mesures prévues. Les possibi-
lités de concrétisation de ces plans sont donc à suivre avec atten-
tion. Un autre point faible reste le processus de suivi et de
révision des mesures qu’ils contiennent, alors que celui-ci est
nécessaire pour répondre de manière flexible aux impacts du
changement climatique en tenant compte des expériences enre-
gistrées (voir chapitre VI). Bien que quelques pays européens se
soient lancés dans la construction de méthodes d’évaluation et
d’indicateurs (comme la Finlande ou le Royaume-Uni), l’accent
68 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

y est davantage mis sur le suivi des impacts du changement


climatique ou des processus de préparation des politiques
d’adaptation plutôt que sur les effets des actions menées [AEE,
2013].

Situation d’autres pays industrialisés et émergents

De façon similaire à l’Europe, d’autres pays de l’OCDE tels


que la Suisse, les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Mexique et
la Turquie se sont également engagés dans la mise en place de
stratégies et plans nationaux et/ou infranationaux d’adaptation
au changement climatique [Mullan et al., 2013]. Par exemple,
le Mexique, qui a débuté par des projets d’adaptation pilotes
surtout dans les domaines de la gestion des catastrophes, des
ressources en eau, des écosystèmes, de l’agriculture et de la fores-
terie, envisage de se lancer dans une stratégie coordonnée. Aux
États-Unis, une task force composée de représentants de vingt
agences fédérales est chargée depuis 2009 de guider les orga-
nismes fédéraux en matière d’adaptation et de fournir des
recommandations au gouvernement. Dans ce cadre, trois stra-
tégies nationales ont été développées entre 2011 et 2013 sur la
gestion des ressources en eau, des océans et de la faune et la
flore. Différents départements (commerce, agriculture, énergie,
transport et défense) de l’administration fédérale s’engagent de
leur côté dans des plans d’adaptation publiés chaque année au
sein des rapports annuels de développement durable. Des plans
d’adaptation se développent également dans certains États
comme la Californie, l’Alaska ou la Floride et dans des villes
comme New York et Chicago [Moser, 2011]. Ces initiatives ne
sont pas coordonnées au niveau fédéral mais les organismes
fédéraux peuvent les soutenir. Au Canada, les provinces ont pris
le leadership sur la question en développant des plans, stratégies
ou programmes d’adaptation, par exemple au Québec, dans le
Yukon ou dans le Nunavut [Dickinson et Burton, 2011].
Par ailleurs, la Chine s’est aussi dotée en 2007 d’un
programme national sur le changement climatique, identifiant
l’agriculture, la forêt, l’eau et les zones côtières comme des
secteurs clés de l’adaptation. En outre, chaque province chinoise
avait élaboré son plan d’adaptation dès 2010 [Li, 2013]. Face aux
événements extrêmes, le gouvernement a investi dans des
services de prévisions météorologiques et le développement
POLITIQUES NATIONALES ET INFRANATIONALES 69

d’informations accessibles aux populations rurales et urbaines.


À plus petite échelle, dans certaines zones sujettes aux séche-
resses et devenues inhabitables, des projets de migration ont été
introduits, comprenant un transfert d’emplois et la construc-
tion de logements et d’infrastructures. L’Inde identifie égale-
ment dans son plan d’action national sur le changement
climatique (2008) certains besoins d’adaptation en ce qui
concerne entre autres l’amélioration des cultures agricoles, les
régions côtières et les problèmes de sécheresse [Ganguly et
Panda, 2010].

Les efforts de planification de l’adaptation dans les PMA

Dans les pays en développement, et plus spécifiquement dans


les PMA, des « programmes d’action nationaux d’adaptation »
(PANA) sont promus depuis 2001 par la CCNUCC afin d’identi-
fier leurs besoins urgents et immédiats pour s’adapter aux
menaces du changement climatique (voir chapitre III). Autre-
ment dit, il s’agit des besoins qui, s’ils ne sont pas satisfaits à très
court terme, entraîneront des dommages soit irréversibles, soit
nécessitant des coûts d’adaptation plus importants. Les PANA
donnent lieu à la rédaction pour chaque pays d’un document
listant les activités et projets d’adaptation prioritaires, et offrant
une courte description de chacun d’eux en vue de faciliter
l’élaboration de propositions de mise en œuvre du PANA consi-
déré. Ces PANA, qui peuvent bénéficier d’un financement de la
part du Fonds pour les PMA de la CCNUCC, sont élaborés par les
autorités nationales avec l’aide d’un groupe d’experts rattachés à
la CCNUCC. Jusque fin 2013, cinquante pays avaient préparé
et soumis leurs PANA au Fonds pour les PMA. À la suite d’une
décision de la COP de Durban (2011), des plans nationaux
d’adaptation (PNA) devraient en outre se développer dans les
PMA. À partir de l’expérience des PANA, ces instruments seront
plutôt centrés sur les besoins d’adaptation des pays à moyen et
long termes.
Théoriquement, les PANA s’inscrivent dans une approche
bottom-up, c’est-à-dire prenant comme point de départ les
besoins exprimés par les populations locales, pour ensuite les
faire évoluer sous la forme de projets, qui sont validés à l’échelle
internationale. Le renforcement des capacités institutionnelles
70 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

également avoir des effets intensifiés


L’adaptation dans les villes en fonction du cadre bâti, de l’urba-
nisme et des modes de vie [ONERC,
Les villes constituent des entités parti- 2010]. L’effet des « îlots de chaleur
culièrement vulnérables au change- urbains », c’est-à-dire des phéno-
ment climatique en raison de la mènes de microclimats présents dans
concentration élevée de populations les villes, peut ainsi accentuer la
et d’infrastructures qu’elles abritent. vulnérabilité des populations dans les
En Europe, trois quarts des habitants zones urbaines par rapport aux
résident en ville et, à l’échelle campagnes. Enfin, des problèmes
mondiale, la proportion de la popula- d’approvisionnement en eau liés à des
tion urbaine ne fait que croître. Un sécheresses pourraient impacter les
grand nombre des mégapoles du activités et les populations urbaines.
monde (136 villes de plus d’un C’est notamment le cas pour de
million d’habitants) se situent dans grandes villes d’Asie et d’Amérique
des zones côtières, avec pour consé- latine approvisionnées par des glaciers
quence une exposition accrue aux de montagne soumis au réchauffe-
risques de marées de tempêtes ment. Le changement climatique
[Nicholls et al., 2008]. Ainsi, en présente donc une série de menaces
l’absence de mesures adéquates, la pour la qualité de vie et l’activité
ville de Bangkok pourrait voir environ économique des villes [AEE, 2012b]. Il
40 % de sa superficie inondée dès faut ajouter que certaines franges de
2025 et jusqu’à 70 % en 2100 du fait la population urbaine sont particuliè-
de la montée de la mer [Banque rement vulnérables : par exemple, les
mondiale, 2013a]. Le risque d’inon- habitants des bidonvilles sont suscep-
dations, fortement aggravé par tibles d’être davantage affectés par les
l’urbanisation de zones à risques, impacts physiques et sanitaires du
pourrait aussi s’amplifier du fait du changement climatique mais aussi par
changement climatique et multiplier ses effets indirects, comme la hausse
des conséquences de grande du prix des denrées alimentaires
ampleur, auxquelles on assiste occa- [Banque mondiale, 2013a].
sionnellement, dans les villes où la Complémentairement à leur
densité d’habitat est très importante. vulnérabilité due à la concentration
Moins catastrophiques que les d’impacts sur une population dense, les
inondations de villes côtières à large villes sont considérées comme incon-
échelle, mais néanmoins redouta- tournables pour la gestion de l’adapta-
bles, les vagues de chaleur peuvent tion au changement climatique. D’une

est également préconisé, afin que les États bénéficiaires puissent


progressivement prendre seuls en charge l’adaptation au chan-
gement climatique. Cependant, les PANA n’ont pas abouti, dans
une large mesure, aux résultats concrets espérés. Ils ont eu
tendance à se concentrer quasi exclusivement sur la réduction
de la vulnérabilité au changement climatique de différents
secteurs d’activité sans analyser en détail les facteurs
POLITIQUES NATIONALES ET INFRANATIONALES 71

part, elles constituent des ensembles d’inondation, de montée du niveau


intégrés et interdépendants en termes des mers, de vagues de chaleur ou de
d’infrastructures et de tissus écono- sécheresse [CIRCLE-2, 2013]. Par
miques, et, d’autre part, certaines exemple, la ville de New York a
d’entre elles représentent des acteurs annoncé mi-2013, quelques mois
disposant de moyens d’action signifi- après l’ouragan Sandy, un plan d’adap-
catifs pour mettre en œuvre des poli- tation estimé à 20 milliards de dollars.
tiques [Viguié et Hallegatte, 2010]. Ce Concrètement, on retrouve dans les
peut être le cas en matière de planifi- projets existants des mesures « grises »,
cation et d’aménagement territoriaux, liées aux infrastructures, mais aussi des
de codes d’urbanisme, d’infrastruc- mesures « vertes », relatives à l’aména-
tures de transport et de gestion de gement d’espaces verts. La ville de
l’eau, de prévention et de gestion des Londres a pour sa part adopté fin 2012
désastres ainsi que de politiques un projet pour l’estuaire de la Tamise
sociales [Corfee-Morlot et al., 2010]. Un à l’horizon 2100 afin d’adapter sa
soutien et une implication du niveau fameuse « barrière pour la Tamise »,
national, voire supranational (comme constituée d’un important dispositif
l’Union européenne), peuvent cepen- d’écluses permettant de réguler les flux
dant se révéler indispensables afin de d’eau et de protéger la capitale
coordonner et d’inciter les actions. anglaise des inondations. Ce projet
Comme la moitié des villes dans comprend des volets à court (jusque
lesquelles vivra la population urbaine 2034) et moyen termes, avec rehaus-
mondiale à l’horizon 2050 doivent sement et ajustement de la barrière
encore être bâties (principalement dans actuelle, et un volet à plus long terme,
les pays en développement), il existe avec construction d’une nouvelle
donc des opportunités pour concevoir barrière si nécessaire (après 2070).
ces villes de façon à ce qu’elles soient Dans un autre registre, des toitures
mieux protégées contre les inondations vertes et des chenaux d’eau libre sont
et les vagues de chaleur [Palutikof et al., installés dans certaines villes pour
2013]. améliorer la capacité de stockage et de
Les politiques d’adaptation des drainage, par exemple à Malmö et
villes se diffusent peu à peu. Alors que Rotterdam [AEE, 2012b] mais aussi
les initiatives à la fin des années 2000 dans plusieurs villes chinoises où les
en étaient encore généralement au toits verts s’imposent dans les codes de
stade du diagnostic [ONERC, 2010], construction comme une stratégie
des projets plus concrets commen- centrale de la lutte contre les îlots de
cent à voir le jour, axés sur le risque chaleur urbains [Li, 2013].

socioéconomiques qui contribuent à la vulnérabilité des


populations, engendrant une coupure entre ces politiques et
celles de réduction de la pauvreté [PNUD, 2008]. En outre, le
manque de moyens humains, techniques et financiers constitue
évidemment une série de barrières massives pour la mise en
œuvre des mesures. Ainsi, seulement un quart des besoins
formulés par les PMA dans leurs PANA auraient été financés. La
72 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

faible présence d’agents intermédiaires entre l’État central,


responsable du programme, et les populations locales auprès
desquelles les projets doivent être mis en œuvre limite égale-
ment fortement la portée pratique de ces instruments [Baudoin,
2013]. En effet, selon une étude, seulement 20 % des projets
contenus dans les PANA incluent les institutions locales et
moins encore les inscrivent comme partenaires de facilitation de
ces projets [Agrawal et Perrin, 2008]. La question de la formation
et du soutien destinés à du personnel d’encadrement se révèle
essentielle pour aider les acteurs (notamment les très nombreux
agriculteurs) à comprendre et à mettre en œuvre les change-
ments nécessaires, en tenant compte de leur situation écono-
mique et culturelle.

Les instruments politiques mobilisables

Que ce soit au sein ou en dehors des stratégies d’adaptation,


plusieurs types d’instruments politiques de nature plus ou
moins contraignante peuvent servir à la mise en œuvre de
mesures d’adaptation au changement climatique. Étant donné
les capacités institutionnelles et économiques plus limitées des
pays en développement, il est probable que les instruments
décrits ci-dessous se mettent d’abord en place dans les pays
riches.
Au niveau réglementaire, la modification des normes en fonc-
tion des impacts du changement climatique constitue un instru-
ment important. Il s’agit notamment, comme déjà évoqué, des
normes d’aménagement du territoire ou de construction que les
pouvoirs publics peuvent faire évoluer en intégrant la donne
climatique et des objectifs d’adaptation. Cet élément devrait
théoriquement prendre de l’ampleur dans les années à venir. La
tempête Sandy qui a inondé une partie du métro de New York
en 2012, endommageant des installations techniques (câblages),
constitue un exemple de cette évolution. En effet, elle a donné
lieu à une réflexion sur des modifications des codes d’urbanisme
et de construction ainsi que des standards de résilience à appli-
quer (pour les hôpitaux, télécoms et autres services publics).
De la même manière, les instruments de planification territo-
riale constituent des outils intéressants, particulièrement pour
les acteurs infranationaux [Biesbroeck et al., 2010]. Sont visés à
POLITIQUES NATIONALES ET INFRANATIONALES 73

nouveau les instruments existants d’aménagement du territoire


mais aussi de gestion des bassins hydrographiques ou de préven-
tion des inondations, qui peuvent être modifiés en tenant
compte de nouvelles projections climatiques. Les outils
d’évaluation des impacts environnementaux peuvent être utiles
pour préparer ce type de révision.
Les instruments de marché peuvent aussi être sollicités,
notamment en modifiant un régime de taxes ou de subven-
tions dans le but d’encourager des comportements adaptatifs.
Des subsides pourraient par exemple être versés pour inciter les
propriétaires forestiers à diversifier leurs plantations ou pour
encourager des habitants à investir dans des dispositifs de
protection contre les inondations.
Par ailleurs, les mécanismes assurantiels publics existants qui
servent à indemniser les catastrophes naturelles pourraient être
amenés à être révisés eux aussi, en fonction de l’accroissement
des risques. Cela suscite notamment une réflexion sur la réparti-
tion des systèmes assurantiels publics et privés (voir chapitre V).
Des coopérations peuvent être utiles pour que les risques conti-
nuent à être assurés par le secteur privé en incluant des interven-
tions ciblées du secteur public. Les signaux-prix des primes
d’assurance sont en effet plus efficaces s’ils sont liés à d’autres
incitants, notamment de nature fiscale, par exemple pour des
travaux de protection des habitations à haut risque d’inondation.
En ce qui concerne enfin la communication sur les besoins
d’adaptation et la diffusion de bonnes pratiques en la matière,
plusieurs supports peuvent être mobilisés : création d’une plate-
forme en ligne (telle que « Climate-ADAPT » au niveau euro-
péen ou l’Observatoire national sur les effets du réchauffement
climatiques (ONERC) en France), campagnes de sensibilisation,
conférences, ateliers participatifs, etc. Par ailleurs, les méca-
nismes de prévision et d’alertes rapides en cas d’événements
extrêmes, par exemple de tempêtes, d’inondations ou de vagues
de chaleur, constituent des outils efficaces de prévention. La
diffusion d’informations précises en temps réel sur les intem-
péries et leurs effets, notamment sur les transports et certaines
activités influencées par ces intempéries, se développe grâce aux
connexions électroniques de plus en plus étendues et perfor-
mantes. Il est probable que ces moyens d’information conti-
nuent à prendre de l’ampleur et à se raffiner. De plus, les
« services climatiques » constituent des aides à la décision
74 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

positifs du changement climatique


Liens et spécificités alors que la réduction des risques de
de l’adaptation par rapport catastrophe implique toujours une
à la gestion des catastrophes réponse à des événements néfastes.
Le plus souvent pourtant, les deux
Des liens conceptuels et pratiques domaines ont suivi des chemins
sont souvent pointés entre l’adapta- indépendants de développement
tion au changement climatique et la et ont employé en de nombreuses
réduction des risques de catastrophe. occasions des interprétations diffé-
Le GIEC a ainsi publié en 2012 un rentes des concepts et stratégies
rapport spécial étudiant comment le pour arriver à leurs fins. Les deux
champ de la gestion des risques de approches sont aujourd’hui appuyées
catastrophe pouvait nourrir celui par des acteurs, des institutions, des
de l’adaptation au changement méthodes et des cadres politiques
climatique [GIEC, 2012]. Il existe un distincts, entre autres au niveau inter-
important chevauchement entre ces national [Schipper, 2009].
deux domaines tant au niveau des L’adaptation pourrait en tout cas
mesures et politiques à mettre en bénéficier des expériences en matière
œuvre que des objectifs poursuivis. de gestion des risques de catastrophe
Ce recouvrement a cependant ses pour ce qui concerne un certain
limites. Par exemple, la gestion des nombre de risques climatiques
risques de catastrophe s’intéresse attendus. Par exemple, des réponses
à une plus grande variété de aux modifications du niveau de la
risques (tremblements de terre, fuites mer pourraient être élaborées à partir
chimiques, etc.) alors que l’adapta- de celles déjà bien développées
tion doit prendre en compte, en plus aujourd’hui pour faire face à des
d’événements extrêmes, des change- inondations persistantes ou à large
ments lents qui ne sont pas perçus échelle, à des glissements de terrain
comme des désastres (par exemple, ou à des éruptions volcaniques. De la
la modification des conditions agri- même façon, les réponses à apporter
coles sur une longue durée). De plus, en cas de pénuries d’eau dues à la
l’adaptation au changement clima- fonte des glaciers auront des simila-
tique implique une certaine connais- rités avec celles mises en place dans
sance des conditions climatiques le passé face aux pénuries d’eau
futures, tandis que la réduction des résultant d’autres facteurs. Les
risques de catastrophe peut davan- systèmes d’alerte développés dans le
tage s’appuyer sur la connaissance cadre de la gestion de crises consti-
des événements passés. L’adaptation tuent également des outils utiles pour
peut aussi constituer une réponse l’adaptation.
visant à exploiter les potentiels effets

appelées à s’accroître également : il s’agit de fournir des données


et des informations climatiques ciblées, généralement traduites
par rapport aux données brutes en fonction des besoins des
acteurs qui se lancent dans des processus d’adaptation, par
POLITIQUES NATIONALES ET INFRANATIONALES 75

exemple des entreprises (industries, services et transports, entre


autres). Les instituts météorologiques nationaux peuvent forte-
ment contribuer au développement de ces services, par exemple
à travers les données régionalisées offertes par le service « Drias »
assuré par Météo France. Notons cependant que nombre de
pays, en particulier les plus pauvres, souffrent d’un manque de
disponibilité et d’accès à des données météorologiques, ce qui
constitue une contrainte de taille et exige des améliorations
importantes. Enfin, plus généralement, la promotion de la
recherche sur le climat, ses impacts et l’adaptation ainsi que la
diffusion des résultats participe à l’objectif d’amélioration et de
partage des connaissances.

Limites et perspectives des politiques


d’adaptation nationales et infranationales

Nous l’avons vu, les perspectives d’action publique en matière


d’adaptation au changement climatique concernent différents
instruments politiques et niveaux de pouvoir. Les initiatives qui
prennent forme comme les stratégies et plans d’adaptation parti-
cipent à la mise à l’agenda de cette question. Pour autant, les
pratiques actuelles en la matière restent sans doute insuffi-
santes si on les compare aux projections d’impacts, et ce dans les
pays développés, émergents et a fortiori dans les pays les moins
avancés.
C’est que différentes barrières au développement de poli-
tiques d’adaptation se présentent aux autorités chargées de les
mettre en œuvre. Biesbroeck et al. [2011] en ont identifié sept
catégories. Premièrement, les échelles de temps sont conflic-
tuelles entre les impacts à long terme du changement clima-
tique et la vision à court terme des politiques et des processus
de décision (on retrouve d’ailleurs un obstacle similaire pour
certaines politiques environnementales, comme pour l’atténua-
tion du changement climatique). Deuxièmement, différents
types d’incertitude complexifient la décision politique :
(1) l’incertitude substantive, liée à la quantité, qualité, disponi-
bilité, accessibilité, légitimité et crédibilité des données
et informations ; (2) l’incertitude stratégique, relative aux
comportements des acteurs dans les processus de décision (par
exemple, des agendas politiques cachés) ; et (3) l’incertitude
76 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

institutionnelle qui se réfère aux différents ancrages institu-


tionnels des acteurs décisionnels (par exemple, différentes
compréhensions du problème climatique et de l’adaptation). Le
manque d’institutions facilitant l’adaptation ou, au contraire, la
surabondance d’institutions, normes et valeurs préexistantes qui
entrent en compétition avec de nouvelles liées à l’adaptation
constituent une troisième catégorie de barrières. Quatrième-
ment, la fragmentation ou le manque de coordination entre des
politiques et institutions situées à différents niveaux de gouver-
nance pose problème, surtout dans un domaine aussi multisec-
toriel que l’adaptation. Un faible niveau de sensibilisation et de
communication sur le sujet de l’adaptation constitue un autre
frein au développement de politiques, de même que le manque
de motivation et de volonté d’agir, lié, entre autres, à des déter-
minants psychologiques et cognitifs. Enfin, le manque de
ressources humaines, financières et technologiques représente
évidemment une limite opérationnelle importante.
Sur ce dernier point, les contraintes budgétaires peuvent bien
sûr bloquer le développement de nouvelles politiques d’adapta-
tion du fait de leurs coûts, notamment en ce qui concerne les
investissements dans des infrastructures résistantes. La mise en
œuvre du programme d’aménagement des infrastructures de
défense contre les inondations aux Pays-Bas s’élève par exemple
à un montant compris entre 1,2 et 1,6 milliard d’euros par an,
jusque 2050 (dans le cadre du projet « Deltaplan ») [Deltacom-
missie, 2008]. En outre, il existe un problème généralisé d’esti-
mation des coûts et des bénéfices des mesures d’adaptation,
même si l’on considère que l’inaction engendrera des impacts
économiques plus lourds que le financement de l’adaptation.
Enfin, répondre à la question complexe du niveau de risque
acceptable (par qui et pour qui) se révèle crucial pour déter-
miner le niveau de protection recherché et les mesures d’adap-
tation à mettre en place. Cela nécessite un positionnement de
valeur des décideurs mais aussi de la société dans son ensemble,
avec les jeux de pouvoir que cela implique. En effet, étant donné
l’étendue des impacts à venir et les ressources et capacités
d’adaptation limitées, des choix déterminants devront s’opérer,
par exemple entre les activités et zones à protéger en priorité et
celles qui ne pourront pas être conservées.
V / L’adaptation des acteurs privés

D irectement ou indirectement vulnérables au changement


climatique à des degrés variables, les acteurs privés — entre-
prises, ménages, organisations de la société civile — ont un rôle
important à jouer dans la mise en œuvre de l’adaptation [Adger
et al., 2005]. Cette implication est d’autant plus cruciale quand
les populations ne peuvent compter qu’essentiellement sur elles-
mêmes pour se prémunir face aux risques du changement clima-
tique, en l’absence d’initiatives des autorités publiques, en
particulier dans les pays ou régions les plus pauvres [PNUD, 2008].

Justifications de l’adaptation des acteurs privés

L’adaptation privée est encouragée par la perspective de béné-


fices directs à court ou moyen terme qui reviendraient aux
acteurs qui la mettent en œuvre [Godard, 2010]. Adaptation
privée ne signifie pas pour autant bénéfices privés seulement :
des modifications induites par des acteurs privés peuvent aussi
profiter plus largement à une collectivité [Tompkins et Eakin,
2012]. Ce type d’adaptation privée générant des biens publics
peut être soit accidentelle, résultant d’une autre action qui n’est
pas forcément liée à l’adaptation (par exemple, un ménage qui
récolte de l’eau de pluie diminue la pression sur les ressources
collectives en eau), soit délibérée. C’est notamment le cas
lorsque des propriétaires ruraux reçoivent des incitants des
pouvoirs publics pour modifier la végétation de leurs propriétés
afin d’augmenter le stockage des eaux dans des zones rurales, et
diminuer ainsi le risque d’inondation dans des zones urbaines
78 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

densément peuplées. Dans cette dernière configuration, les


mesures entreprises sont l’œuvre d’individus qui bénéficient
financièrement ou indirectement de cette action, voire de
personnes altruistes satisfaites de rendre un service à la commu-
nauté. À l’inverse, des actions privées peuvent aller à l’encontre
de l’intérêt collectif. Un exemple type concerne la multiplica-
tion des systèmes de ventilation individuels pour faire face aux
vagues de chaleur, qui, d’une part, contribue à l’ampleur du
phénomène du changement climatique au niveau global via
l’énergie utilisée et les émissions de GES qui en découlent, et,
d’autre part, participe à l’aggravation des îlots de chaleur déjà
présents en ville, du fait des rejets de chaleur des équipements
de climatisation. À plus large échelle, l’action des compagnies
d’assurances peut influencer de plusieurs manières les compor-
tements adaptatifs des souscripteurs (voir encadré infra). Par
ailleurs, les investissements privés effectués dans de nouveaux
bâtiments, industries et infrastructures — le secteur privé étant
responsable de 70 % à 85 % de ce type d’investissements au
niveau mondial — se répercutent sur la vulnérabilité de la
société dans son ensemble [Surminski, 2013].
Les conséquences des adaptations privées nécessitent donc
une coordination de la part des pouvoirs publics, comme cela
a été mis en évidence dans le chapitre IV. Rappelons également
que ces derniers ont pour mission de mettre en place un enca-
drement réglementaire et incitatif vis-à-vis des acteurs privés
face aux limites de l’action de ceux-ci : manque de compréhen-
sion du changement climatique et de ses incertitudes, horizon
de décision à court terme, coûts des mesures, etc. En outre, la
mise en œuvre de certaines actions d’adaptation décidées par les
autorités publiques peut être renforcée à travers la participa-
tion — notamment financière — du secteur privé, assortie
d’instruments économiques adéquats [Agrawala et Fankhauser,
2008]. Face aux faiblesses du financement public de l’adapta-
tion, les pouvoirs publics s’efforcent ainsi de favoriser de telles
contributions [Surminski, 2013]. La mise en place de partena-
riats public-privé, par exemple pour financer des infrastructures
(construction d’infrastructures de protection ou augmentation
de la résilience des infrastructures actuelles), constitue une possi-
bilité face aux difficultés budgétaires et opérationnelles de
certains pays.
L’ A D A P T A T I O N DES ACTEURS PRIVÉS 79

Dans le cadre du programme de travail de Nairobi de la


CCNUCC, un appel à études de cas sur les initiatives du secteur
privé a été lancé, montrant l’intérêt des gouvernements pour
ces démarches et reconnaissant l’expertise, la capacité à innover
et le levier financier du secteur privé. Au sein de l’Adaptation
Private Sector Initiative de la CCNUCC, une banque de données
comporte ainsi plusieurs exemples de mesures d’adaptation
mises en œuvre par des entreprises privées.

Une adaptation différenciée selon les secteurs d’activité

De nombreux secteurs économiques sont et seront touchés


par les impacts du changement climatique. Comme nous
l’avons vu, les effets sont à la fois directs, c’est-à-dire liés aux
conséquences physiques du changement climatique, et indi-
rects, résultant des conséquences économiques, sociales et cultu-
relles des impacts climatiques. Dans un contexte globalisé,
certains acteurs économiques peuvent se révéler très sensibles
aux répercussions climatiques partout dans le monde et pas
seulement dans leurs implantations impactées. Ainsi, les inon-
dations catastrophiques qui ont frappé Bangkok en 2011 ont
provoqué des perturbations dans les chaînes d’approvisionne-
ment bien au-delà de la Thaïlande et de ses environs à cause
des interruptions de la production des entreprises technolo-
giques et automobiles situées dans cette zone et fournissant
nombre d’entreprises étrangères.
Les risques peuvent concerner différents niveaux de l’activité
économique [Sussman et Freed, 2008]. Premièrement, les opéra-
tions centrales peuvent être impactées via les effets du change-
ment climatique sur le capital physique ainsi que sur les processus
de production, par exemple si un événement climatique violent
endommage une usine. Deuxièmement, la chaîne de valeur est
susceptible d’être touchée, à travers des modifications de la quan-
tité et/ou de la qualité des intrants dans la production (disponi-
bilité et qualité des ressources naturelles, impacts sur les réseaux
de distribution d’énergie, d’eau, de transport, etc.) et des condi-
tions de production (santé des employés). Troisièmement, le
changement climatique peut se répercuter sur l’ensemble du
réseau de l’offre et de la demande. De faibles écarts de tempéra-
ture modifient par exemple considérablement la demande en
80 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

extrêmes. Par ailleurs, certains biens


Les assurances : un secteur clé pourraient ne plus être assurables
en matière d’adaptation contre les catastrophes naturelles, ce
qui renforcerait la vulnérabilité de
Au confluent de la mutualisation des ménages ou entreprises qui en sont
risques pour les acteurs privés, et en propriétaires. À cet égard, une colla-
tant que secteur majeur de capital boration entre secteurs public et
privé, le secteur des assurances et des privé peut se révéler utile. L’Associa-
réassurances a un rôle fondamental à tion des assureurs britanniques a par
jouer vis-à-vis de l’adaptation au exemple établi un partenariat avec le
changement climatique. D’une part, gouvernement, dans lequel le secteur
l’assurance fait partie des réponses privé s’engage à couvrir le risque
que les acteurs peuvent mobiliser d’inondations à condition que des
pour s’adapter à travers un transfert investissements publics soient réalisés
du risque. D’autre part, le secteur est dans la protection et l’aménagement
lui-même confronté aux impacts des du territoire [Surminski, 2010].
modifications des conditions clima- Néanmoins, des opportunités
tiques et au besoin de s’y adapter. existent aussi pour le secteur, que ce
Les impacts du changement soit le développement de nouveaux
climatique, combinés aux change- produits et marchés ou une nouvelle
ments socioéconomiques, peuvent demande pour les services de conseil
modifier le nombre et le type de en gestion des risques. Ainsi, la
sinistres avec deux types d’impacts compagnie de réassurance Swiss Re a
pour le secteur : une hausse des développé pour ses clients, des assu-
remboursements pour les sinistres reurs, un outil en ligne d’informa-
dus aux événements extrêmes et une tion et de cartographie du risque
incertitude plus importante concer- afin d’évaluer et d’identifier des
nant l’évaluation des risques. Le profils de risque partout dans le
risque d’insolvabilité du secteur monde [Agrawala et al., 2013]. Des
assurantiel s’accroît avec l’augmenta- systèmes de polices d’assurance
tion de l’intensité des événements fondées sur un indice météo (weather

énergie. En effet, des pics de consommation électriques


problématiques surviennent du fait de la demande en condition-
nement d’air ou de chauffage en rapport avec des records de
canicule ou de grand froid. Ainsi, en France, une baisse de tempé-
rature de 1 ºC en dessous des normales saisonnières représente
un surplus de consommation d’environ 2 300 MW, ce qui équi-
vaut à la production de deux réacteurs nucléaires. Par ailleurs, la
dépendance d’un secteur à d’autres activités ou secteurs à risques
conditionne la vulnérabilité de ce secteur, rendant les anticipa-
tions complexes. Bien souvent, ce sera à partir d’expériences néga-
tives survenues à la suite d’anomalies climatiques importantes
que des décisions futures seront ensuite modifiées.
L’ A D A P T A T I O N DES ACTEURS PRIVÉS 81

index insurance) existent dans certains climatiques (même en tenant compte


pays en développement. Les contrats de la différence des niveaux de vie).
proposent par exemple aux agricul- Le rôle des assurances dans la
teurs une indemnisation à partir d’un gestion des risques se révèle donc
certain niveau de sécheresse [IFAD, crucial. Cependant, soumis à ses
2010]. propres contraintes de rentabilité, ce
En ce qui concerne le rôle de secteur ne peut être l’unique opéra-
l’assurance dans les comportements teur de l’adaptation au changement
d’adaptation des autres acteurs, l’un climatique. L’assurance ne constitue
des enjeux principaux réside dans la pas une alternative à l’adaptation :
tarification des primes. Celles-ci l’adaptation est plutôt une condition
devraient refléter au mieux le degré de la continuité des produits d’assu-
d’exposition et de vulnérabilité des rance abordables et disponibles
assurés, afin de ne pas encourager [Surminski, 2009]. Il est intéressant
une négligence de ceux-ci vis-à-vis de pour différents acteurs, et notam-
la prévention des risques. Si les ment les pouvoirs publics respon-
primes sont calculées adéquatement, sables d’une adaptation planifiée, de
le signal-prix créé par leur montant veiller à des concertations avec ce
peut inciter à des comportements secteur en tenant compte des
d’adaptation de la part des organisa- données évolutives sur les impacts et
tions et individus. Ainsi, des primes les pratiques, dont il a souvent une
très élevées dans les zones inon- bonne connaissance, ainsi que des
dables pourraient freiner la construc- répercussions sociales des modes
tion d’habitations. Pour autant, cette d’assurabilité. Un point important à
influence dépend de la pénétration contrôler de la part des pouvoirs
du marché de l’assurance privée, qui publics concerne le dédommage-
est encore assez faible dans les pays ment effectif des personnes assurées,
en développement, comme le suggè- ce qui n’a pas toujours été le cas
rent les montants beaucoup moins dans le passé, comme à la suite de
élevés déboursés par les assurances l’ouragan Katrina.
dans ces pays lors de catastrophes

À l’inverse, le changement climatique peut créer des


opportunités à travers de nouveaux marchés et processus tech-
nologiques ou de production, voire des avantages compétitifs
issus d’une adaptation précoce par rapport aux concurrents
[Brown et al., 2011]. Ainsi, les entreprises de construction qui
intègrent des données climatiques en rapport avec l’évolution
du climat dans la conception des bâtiments pourraient
remporter des marchés si ce critère est pris en compte par les
clients, les pouvoirs publics notamment. Par ailleurs, le dévelop-
pement de services climatiques (voir chapitre IV) et d’expertise
dédiée à l’adaptation pourrait représenter un nouveau marché
pour des consultants privés.
82 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Tableau 3. Exemples de vulnérabilités, opportunités


et possibilités d’adaptation de quelques secteurs d’activité

Agriculture

Impacts directs Diminution des rendements en raison des stress hydriques, de


températures ou d’événements extrêmes tels que les inondations,
canicules ou tempêtes ; dégâts aux infrastructures de stockage
et/ou de transport des récoltes.

Évolution de Modifications de la demande en produits alimentaires en fonction


la demande des conditions climatiques (par exemple de la chaleur) mais aussi
de l’offre (disponibilités, prix).

Autres Nouvelles exigences en termes de connaissances (agronomiques)


contraintes des producteurs et de financements (par exemple, pour déve-
lopper de nouvelles variétés de cultures).

Opportunités Possibilité de rendements accrus à court terme dans certaines régions


(plutôt au Nord) ; développement de nouvelles variétés ou cultures
dans de nouveaux lieux (comme des vignobles en Angleterre).

Possibilités Choix d’autres espèces ou variétés ; ajustement des cultures et des


d’adaptation périodes de semis ; relocalisation des cultures ; amélioration de la
gestion des sols et de l’eau ; systèmes assurantiels ; dédommage-
ments par la collectivité.

Construction et immobilier

Impacts directs Interruptions et retards sur les chantiers dus aux perturbations et
anomalies climatiques ; dommages aux bâtiments dus aux événe-
ments extrêmes et à l’évolution des conditions physiques (notam-
ment hausse du niveau de la mer) ; habitation incommode pour
les occupants du fait de la conception inadaptée aux nouvelles
conditions climatiques.
Évolution de Modifications des choix de zones d’habitation et des standards de
la demande construction.
Autres Perte de valeur des bâtiments due aux dommages et à l’exposition
contraintes (zones inondables par exemple) et/ou à la hausse des primes
d’assurance ; coûts pour l’installation de systèmes de
climatisation.
Opportunités Avantages compétitifs pour la conception et les produits inno-
vants ; augmentation de valeurs immobilières dans certaines
zones moins exposées aux aléas climatiques.
Possibilités Respect de l’interdiction de bâtir dans les zones inondables ;
d’adaptation systèmes de refroidissement innovants ; modifications dans les
pratiques d’habitation ; systèmes assurantiels ; dédommagements
des résidents par la collectivité.
L’ A D A P T A T I O N DES ACTEURS PRIVÉS 83

Gestion de l’eau

Impacts directs Modification de la disponibilité et de la qualité de


l’approvisionnement en eau sous l’influence de la modification des
régimes de précipitations, sécheresses et inondations ; dommages
aux infrastructures d’approvisionnement en eau pendant les fortes
pluies ou sécheresses ; salinisation des réservoirs d’eau souterraine
due à l’intrusion d’eau de mer dans les nappes phréatiques.

Évolution de Augmentation de la demande à la suite de la hausse des


la demande températures et de la modification de l’approvisionnement en
eau.

Autres Coûts de modernisation des infrastructures.


contraintes

Opportunités Innovations technologiques et d’usages.

Possibilités Techniques de stockage et de conservation de l’eau ;


d’adaptation augmentation de l’utilisation d’eau de pluie ; traitement et
réutilisation des eaux usées ; dessalinisation ; augmentation de
l’efficacité de l’utilisation de l’eau ; modification des choix en
matière d’irrigation ; modification des prix de l’eau ; adaptation
des infrastructures aux inondations ; systèmes d’alertes en cas
d’inondations.

Tourisme

Impacts directs Dommages aux infrastructures touristiques ; modification de


l’aspect paysager à la suite de modifications d’espèces végétales et
du régime de l’eau ; inondations côtières et dégâts aux plages et
espaces littoraux de vacances.
Évolution de Modifications du choix des destinations ; modifications des
la demande demandes de prestations pour les mêmes zones.
Autres Incertitudes des usagers concernant les possibilités d’activités dans
contraintes les destinations choisies (problème d’enneigement des stations de
sports d’hiver, par exemple).
Opportunités Opportunité pour les régions tempérées et nordiques d’Europe et
les régions montagneuses d’attirer plus de touristes en période
estivale ; possibilité d’innover dans des prestations.
Possibilités Pour une région ou une localité : diversification des services
d’adaptation touristiques et des revenus ; pour un opérateur : modification des
choix de destinations pour le même type de prestations ; relocalisation
des stations de ski à plus haute altitude ; neige artificielle.

Source : notre infographie d’après GIEC [2007] ; KPMG [2008] ;


Sussman et Freed [2008] ; Agrawala et al. [2013].
84 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

En guise d’exemples, le tableau 3 illustre de manière non


exhaustive certaines vulnérabilités, évolutions possibles de la
demande, opportunités et possibilités d’adaptation de quelques
secteurs d’activité en relation avec le changement climatique.

L’adaptation des entreprises

L’action des entreprises privées sera déterminante pour


l’adaptation au changement climatique. Pour certains auteurs,
celles-ci seraient même les « unités socioéconomiques princi-
pales dans lesquelles le processus d’adaptation va se mettre en
place » [Berkhout et al., 2006, p. 136]. Les entreprises ont depuis
longtemps l’habitude de s’adapter aux conditions climatiques,
surtout dans des secteurs primaires comme l’agriculture ou la
foresterie, mais l’accélération caractéristique du changement
climatique, sa plus grande imprévisibilité et son évolution, de
même que les événements brutaux qu’il pourrait entraîner
représentent de nouveaux défis.
Différents types de mesures ou modes d’adaptation complé-
mentaires sont possibles. Les entreprises peuvent s’orienter vers
une adaptation de nature commerciale, via des changements
dans la stratégie de l’entreprise, par exemple une diversifica-
tion des activités, des produits et des services offerts ou une
modification de la localisation des activités. Une adaptation
technologique constitue une autre option via des changements
d’infrastructures et dans les processus de production ou de distri-
bution. Le recours aux assurances s’assimile enfin à une adapta-
tion de type financier.
Les informations concernant l’adaptation des entreprises sont
très limitées. Quelques grandes entreprises et multinationales
divulguent certaines initiatives (voir encadré infra) mais l’action
des petites et moyennes entreprises dans les pays industrialisés,
émergents et en développement est très peu connue [Surminski,
2013]. Si la communication sur le sujet peut se révéler sensible
pour plusieurs raisons — par crainte de dévoiler sa vulnérabi-
lité au changement climatique aux concurrents, ou par souhait
de préserver son know-how et éventuellement d’en tirer des avan-
tages compétitifs —, l’intérêt et l’engagement réel des entre-
prises vis-à-vis de la problématique de l’adaptation sont
également à questionner.
L’ A D A P T A T I O N DES ACTEURS PRIVÉS 85

Monsanto, BASF et Bayer développent


Exemples de stratégies des variétés agricoles plus résistantes aux
d’adaptation dans conditions extrêmes comme les séche-
des entreprises resses. En outre, comme déjà évoqué,
les sociétés de conseil capitalisent sur de
Certains grands groupes et multinatio- nouveaux débouchés, tel Pricewater-
nales annoncent être engagés dans un houseCoopers qui propose aux entre-
processus de diagnostic de vulnérabilité prises des évaluations des risques
et de recherche, voire de mise en œuvre climatiques.
d’actions d’adaptation [Agrawala et al., À une autre échelle, des vignobles se
2013]. Des questionnaires existent pour développent à d’autres endroits que
sonder les entreprises, comme ceux du dans les terroirs traditionnels, comme
Carbon Disclosure Project. Par exemple, dans le Sud de l’Angleterre où des inves-
le groupe français d’énergie EDF travaille tissements sont réalisés dans des
sur une stratégie qui comprend l’évalua- cépages variés, alors que des vignobles
tion des impacts du changement clima- français (comme le pinot noir en
tique sur ses activités et les actions Bourgogne) pourraient être menacés.
d’adaptation nécessaires, avec notam- L’association britannique des produc-
ment l’intégration de cette donnée dans teurs de cidre s’est également inté-
la conception des nouvelles installations ressée aux implications du changement
et l’amélioration de la résilience des climatique pour son activité. Guidés par
centrales existantes. En France, les les effets à long terme des choix de plan-
vagues de chaleur de 2003 et de 2006 tation, les producteurs se préoccupent
ont occasionné des difficultés opération- du maintien de vergers productifs en
nelles aux centrales nucléaires au niveau bonne santé, ce qui demande de
de rejets d’eau dépassant les normes de nouvelles interventions, tant au niveau
température, pouvant affecter la faune des techniques que des variétés, et,
et la flore des milieux récepteurs. À la éventuellement, une relocalisation de
suite de ces problèmes, le département certains vergers. Au Royaume-Uni
de recherche et développement d’EDF toujours, l’entreprise Malmesbury
étudie des systèmes de refroidissement Syrups, productrice de sirops, a décidé
plus efficaces via un programme d’inves- de développer de nouveaux produits
tissement, dont le coût est estimé à adaptés à la demande des clients face
un montant compris entre 300 et à des températures plus élevées, comme
420 millions d’euros, jusque 2015. Par des sirops destinés aux milkshakes [Agra-
ailleurs, EDF collabore avec Météo wala et al., 2013].
France, entre autres pour un projet
d’évaluation des phénomènes extrêmes.
Dans le secteur minier, Rio Tinto a
entrepris des mesures pour améliorer
l’efficience de sa consommation en eau,
utilisée à tous les stades de production,
face à des stress hydriques attendus.
Du côté des opportunités issues du
changement climatique, des grandes
multinationales comme Syngenta,
86 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Plusieurs raisons peuvent contribuer à un faible investissement


dans des efforts d’adaptation [Garnaud et Ferret, 2009]. D’abord,
l’horizon à long terme du changement climatique et les incerti-
tudes liées aux impacts complexifient la prise de décision et se
répercutent notamment sur les calculs coûts-bénéfices, empê-
chant de dégager nettement les opportunités et coûts évités grâce
aux mesures d’adaptation. Ensuite, le manque d’obligations
légales ou d’incitants normatifs, voire d’engagement du secteur
public dans la problématique, ainsi que de pression du marché
contribue à un environnement peu propice à l’action. À cet
égard, après plus d’une décennie de sensibilisation et de poli-
tiques publiques, beaucoup d’entreprises apparaissent davantage
concernées par la problématique de l’atténuation du changement
climatique que par l’adaptation [Sussman et Freed, 2008].
En revanche, certains facteurs peuvent favoriser la capacité
d’adaptation d’une entreprise, comme l’existence d’une exper-
tise en interne ou en partenariat, qui permet de faciliter l’évalua-
tion et la mise en œuvre des options d’adaptation [Agrawala et
al., 2013], y compris d’ordre technologique. C’est là un facteur
clé susceptible de différencier les entreprises des ménages, les
premières étant susceptibles de disposer d’une expertise plus
élaborée. Plusieurs réseaux se sont déjà formés à cet égard, tel le
« Club ViTeCC » en France (fondé par Météo France, l’ONERC et
une filiale de la Caisse des dépôts, et rassemblant des experts
et des représentants de villes et territoires et d’entreprises de
services) ou le consortium « Ouranos » au Québec. Un engage-
ment élevé des responsables d’une entreprise peut également se
révéler crucial pour amorcer un processus d’adaptation [Prutsch
et al., 2010]. De même, la présence d’une communication
interne efficace facilite la prise de conscience auprès des collabo-
rateurs au sens large des impacts du changement climatique sur
l’activité [Berkhout et al., 2004]. Cela inclut aussi la dissémina-
tion d’informations relatives à ces questions et la définition des
réponses en la matière à différents niveaux.

L’adaptation des ménages et des individus

Des actions adaptatives peuvent également se mettre en place


au niveau des ménages face aux impacts du changement clima-
tique qui les concernent. On pense par exemple aux habitants
L’ A D A P T A T I O N DES ACTEURS PRIVÉS 87

de zones inondables, aux personnes âgées plus sensibles aux


vagues de chaleur ou, dans des pays peu industrialisés, à un
grand nombre de ruraux qui dépendent de l’agriculture vivrière,
particulièrement vulnérables aux effets des dérèglements
climatiques.
Certaines mesures sont déjà mises en œuvre, face à diffé-
rents types de risques. Ainsi, des agriculteurs africains innovent
au niveau des pratiques agricoles, que ce soit par la modification
des périodes de plantation, des choix d’espèces, des systèmes de
collecte d’eau, le développement de l’agroforesterie pour atté-
nuer les effets du vent et de la sécheresse, et bien souvent par
la diversification des revenus pour pallier les pertes agricoles. En
Inde et en Équateur notamment, des cultivateurs investissent
dans des réservoirs d’eau face au risque accru de sécheresse
[PNUD, 2008]. Dans un autre registre, face à l’érosion côtière, les
propriétaires d’une petite île des Seychelles ont choisi de reculer
et de reconstruire leurs bungalows (construits à l’origine en bois
et non en béton), en effectuant un retrait stratégique dans les
terres face aux agressions marines [Tubiana et al., 2010].
Des actions d’adaptation peuvent en revanche ne pas se
mettre en place en dépit des risques. Outre les barrières opéra-
tionnelles déjà citées, cela peut s’expliquer par un manque de
perception du risque et/ou un refus d’acceptabilité de la respon-
sabilité personnelle en matière de protection. Ainsi, en Angle-
terre et au pays de Galles, une habitation sur six serait menacée
par des inondations, et pourtant la moitié des habitations en
zone inondable ne sont pas protégées par des infrastructures
adéquates. Les habitants de ces zones, responsables de la réduc-
tion de leur vulnérabilité à titre individuel, investissent assez
peu dans l’installation de mécanismes matériels (portes imper-
méables, valves, élévation des installations électriques, etc.), la
plupart comptant plutôt sur les assurances [Bichard et
Kazmierczak, 2012]. De même, certaines enquêtes montrent que
peu de personnes âgées perçoivent le risque des vagues de
chaleur et se sentent concernées par les alertes canicule, malgré
leur sensibilité accrue [Abrahamson et al., 2009]. Les perceptions
et mesures prises dépendent bien entendu des contextes géogra-
phiques, historiques et sociaux, comme l’illustrent certains
propriétaires de maisons flottantes aux Pays-Bas face au risque
d’inondation, bien connu et très craint dans ce pays [PNUD,
2008].
88 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Quand le soutien des structures étatiques nationales ou inter-


médiaires est faible, comme dans beaucoup de pays économi-
quement pauvres, une adaptation bottom-up très locale — dans
le prolongement de ce qui se fait déjà parfois face à la variabi-
lité climatique — est particulièrement nécessaire et vitale. Dans
ces contextes, une coordination non étatique peut néanmoins
se révéler intéressante pour soutenir et encourager les initia-
tives individuelles. C’est ce que propose l’« adaptation fondée
sur les communautés » (mieux connue sous l’appellation anglo-
phone de community-based adaptation) qui repose sur des
processus participatifs et d’inclusion des différents acteurs à
l’échelle locale, dans la foulée de projets de développement. Ces
initiatives sont notamment pilotées par des ONG internatio-
nales d’aide au développement, comme CARE ou Oxfam. Elles
ciblent les communautés marginalisées, qui ne reçoivent que
peu d’aide de la part de leur gouvernement, et s’appuient sur
les normes culturelles locales tout en apportant aussi des
éléments d’innovation favorables à la santé ou à l’habitat. De
telles actions sont conçues pour aborder la vulnérabilité contex-
tuelle au changement climatique en incorporant des savoirs
indigènes dans les projets d’adaptation [Ayers et al., 2009]. Ces
activités ne ciblent pas de prime abord les impacts présents ou
attendus du changement climatique mais visent plutôt à
augmenter la résilience générale. Il s’agit notamment d’initia-
tives visant l’amélioration des moyens d’existence, de projets
d’éducation ou encore visant l’autonomisation des femmes.
Cependant, si certaines de ces initiatives constituent à n’en pas
douter de véritables succès, il semble actuellement difficile de
les élargir ou de les reproduire à large échelle [Smit et Wandel,
2006].

Acteurs privés, acteurs publics : une interaction nécessaire

À l’instar des acteurs publics, l’adaptation des acteurs privés,


organisés ou individuels, représente un défi multiforme et qui
commence seulement à être abordé. L’horizon à long terme des
impacts implique que ces acteurs doivent anticiper davantage
qu’à l’habitude. Si certains secteurs et acteurs ont de bonnes
raisons d’envisager dès maintenant les impacts du changement
climatique — comme ceux de la gestion forestière ou de la
L’ A D A P T A T I O N DES ACTEURS PRIVÉS 89

actuelles montrent que les facteurs


La migration, stratégie socioéconomiques, culturels et parfois
particulière d’adaptation politiques sont plus déterminants que
les conditions naturelles. Par ailleurs, les
Plusieurs impacts du changement clima- migrations observées à la suite d’événe-
tique sont susceptibles de provoquer ments extrêmes révèlent qu’il s’agit le
des flux migratoires. La perte drastique plus souvent de migrations internes au
de productivité des sols, l’augmenta- pays (ou à la région) où s’est passé
tion de l’intensité des événements l’événement que de migrations interna-
extrêmes, la raréfaction de ressources en tionales [Gemenne, 2011]. Il y a lieu
eau potable ou la hausse du niveau des aussi de distinguer migration temporaire
mers peuvent ainsi être à l’origine de ou définitive et migration volontaire ou
migrations. Bien que le chiffre de forcée.
200 millions de migrants climatiques Les flux migratoires dépendront
d’ici 2050 ait souvent été cité — soit une évidemment des politiques et mesures
personne sur 45 dans le monde, un d’adaptation mises en œuvre, et aussi de
chiffre supérieur à la population totale celles menées justement à l’égard des
actuelle des migrants au niveau mondial migrants y compris dans leurs aspects
(192 millions de personnes) —, il repose juridiques. Certains considèrent la
sur de nombreuses extrapolations et migration comme un échec de l’adapta-
doit être appréhendé avec prudence tion, d’autres, comme Black et al.
[OIM, 2008]. De fait, les estimations [2011], l’appréhendent plutôt comme
existantes sont très variables, allant de une option d’adaptation en soi, pouvant
25 millions à un milliard de personnes résulter d’un choix délibéré et potentiel-
à l’horizon 2050. L’évaluation du lement efficace si elle permet de réduire
phénomène est rendue difficile du fait l’exposition et la vulnérabilité. Notons
que la migration constitue clairement un cependant que la migration nécessite
phénomène multicausal, lié tant à des des ressources financières et sociales, et
facteurs environnementaux et clima- une possibilité de mobilité que n’ont pas
tiques qu’à des dimensions sociales, nécessairement les personnes les plus
et recouvre ainsi des réalités très diffé- concernées par les impacts du change-
rentes [OIM, 2011 ; Tacoli, 2011]. Le ment climatique [OIM, 2008]. En tout
lien de cause à effet linéaire entre cas, aucun des PANA mis en œuvre dans
l’impact climatique et la migration n’est les PMA ne considère la migration
donc présent que dans un nombre comme une action d’adaptation priori-
restreint de situations et n’est pas facile- taire [Sward et Codjoe, 2012].
ment démontrable. Si la migration est
fortement corrélée avec la destruction,
parfois répétée, des lieux et moyens
d’existence, ces cas ne concernent
encore à l’heure actuelle que des zones
limitées, même si elles semblent
appelées à croître. Dans les cas
beaucoup plus fréquents de régions
rendues plus inhospitalières par les
conditions climatiques, les études
90 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

construction, dont les choix ont des répercussions à très long


terme —, cela n’est pas encore avéré pour tous. Même dans ces
secteurs orientés « long terme » d’ailleurs, les actions d’adapta-
tion restent encore relativement restreintes à ce jour.
Une série d’analyses portent à croire que la survenue d’événe-
ments extrêmes offre une « fenêtre d’opportunité » pour éveiller
la conscience des organisations et des individus par rapport à
leur vulnérabilité et au besoin d’adaptation [Kovacs, 2011].
Cependant, ceux-ci ne généreront pas forcément une adapta-
tion et, a fortiori, une adaptation pertinente. Celle-ci requiert des
capacités spécifiques de diagnostic des risques et de mise en
œuvre de mesures, ainsi qu’un environnement social et institu-
tionnel adéquat. Le processus se joue également au niveau des
perceptions et des croyances relatives au risque encouru qui
accompagnent ces étapes.
Comme l’a déjà souligné le chapitre précédent, il existe un
besoin accru d’interactions entre acteurs publics et privés en
matière d’adaptation afin d’attirer l’attention des parties
concernées, ainsi que pour faciliter et coordonner la mobilisa-
tion quand celle-ci se révèle nécessaire. La présence de plans
d’adaptation au changement climatique, d’actions de communi-
cation, d’incitations réglementaires ou de marché, voire d’effets
d’entraînement au sein des différents secteurs constitue certai-
nement des leviers importants de ces évolutions.
VI / Mesures et suivi de l’adaptation

Les chapitres précédents ont permis d’analyser l’adaptation au


changement climatique à différents niveaux de pouvoir et pour
des acteurs variés. Ce chapitre présente premièrement, en guise
de synthèse, une typologie des actions d’adaptation. Nous nous
penchons ensuite sur la question du suivi et de l’évaluation de
l’adaptation, thématique qui nous conduira également à consi-
dérer leurs éventuels effets secondaires négatifs, rassemblés sous
le vocable de « maladaptation ».

Typologies des actions d’adaptation


au changement climatique

Comme nous l’avons vu tout au long de cet ouvrage, les


mesures d’adaptation peuvent être très diversifiées. Une série de
typologies ont été établies afin de fournir des critères utiles à
l’analyse de ces actions. Ces typologies, synthétisées dans les
tableaux 4 et 5, concernent les objectifs et voies d’adaptation, le
moment et l’intentionnalité de l’action, les acteurs qui mettent
en œuvre des mesures, et la nature des mesures elles-mêmes.
Tout d’abord, différents objectifs d’adaptation peuvent être
recherchés, selon que l’on veuille en priorité [Massey et
Bergsma, 2008] :
— construire de la capacité d’adaptation en augmentant la
conscience du besoin d’adaptation et en renforçant la capacité
d’action, notamment via la diffusion d’informations, par
exemple grâce à des cartes de risque d’inondation ;
92 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

— réduire le risque de dommages pour les personnes, les


biens et les écosystèmes vis-à-vis du changement climatique, par
exemple en construisant des digues ou en adoptant une gestion
plus durable de l’agriculture et de la foresterie ;
— augmenter la capacité de résistance aux événements
extrêmes, à travers par exemple l’installation de lits d’hôpitaux
plus nombreux en anticipation d’une vague de chaleur, ou
l’augmentation du capital des compagnies d’assurances pour
indemniser les dommages ;
— profiter des bénéfices du changement climatique, par
exemple à travers l’offre de nouveaux produits et de destinations
touristiques.
Les stratégies vis-à-vis des pertes en tout genre dues au chan-
gement climatique peuvent aussi fortement varier. On peut
opter pour (1) une limitation de celles-ci via différentes mesures
de réduction du risque, (2) une tolérance et une acceptation
d’une partie de ces pertes, (3) une mutualisation à travers des
mécanismes d’assurance, (4) un changement du type ou de la
localisation des activités, (5) ou encore une reconstruction à la
suite des dommages [Smit et Pilifosova, 2003]. Par exemple,
dans les zones côtières menacées, on peut décider de se retirer,
c’est-à-dire de reculer les habitations et d’interdire les permis de
bâtir près de la côte (retrait stratégique) ; de s’accommoder des
risques, notamment en élevant le niveau des bâtiments, en
modifiant les systèmes de drainage et en renforçant les systèmes
d’alerte ; ou de se protéger, par exemple avec des digues. Des
choix semblables peuvent se poser après des événements
extrêmes répétés, tels que des inondations : faut-il reconstruire à
l’identique, ou modifier les plans en anticipant des change-
ments, malgré les incertitudes ?
Par ailleurs, il peut être éclairant de s’intéresser aux trajec-
toires de changement que l’adaptation implique au niveau
sociétal. Ainsi, Pelling [2011] identifie premièrement l’« adapta-
tion-résilience », à savoir une adaptation qui préserve les acti-
vités et pratiques actuelles sans questionner le régime,
c’est-à-dire les modes dominants de fonctionnements socié-
taux et les institutions qui les sous-tendent. Vient ensuite
l’« adaptation-transition », qui remet en question les pratiques
de gouvernance mais toujours à travers un changement incré-
mental. Concrètement, ce type d’adaptation peut amener à
revendiquer des droits au sein des régimes existants et à en
MESURES ET SUIVI DE L’ADAPTATION 93

Tableau 4. Typologies des objectifs et voies d’adaptation

Objectifs Construire de la capacité d’adaptation


Réduire l’exposition aux aléas climatiques
Augmenter la capacité de résistance aux événements extrêmes
Profiter des bénéfices du changement climatique

Stratégie face Limitation des pertes


aux pertes Tolérance et acceptation (d’une partie) des pertes
Mutualisation des pertes
Changement du type et/ou de la localisation des activités
Reconstruction

Trajectoires de Adaptation-résilience
changement Adaptation-transition
Adaptation-transformation

gagner de nouveaux, par exemple en mobilisant des instru-


ments légaux pour réguler l’aménagement des zones côtières.
Enfin, l’« adaptation-transformation », dans une optique de
changement plus radical, interroge plus fondamentalement les
régimes économiques et politiques dominants qui sont à
l’origine des vulnérabilités, y compris les discours culturels sur le
développement, la sécurité et le risque. Face à un réchauffement
qui irait vers ou au-delà des 4 ºC, la nécessité d’un change-
ment transformationnel combiné aux autres approches peut
prendre tout son sens. En outre, il existe des contextes dans
lesquels des changements transformationnels seraient dès
aujourd’hui souhaitables. C’est notamment le cas lorsque les
attributs fondamentaux des systèmes existants sont générateurs
de niveaux inacceptables de risque, ou d’une distribution into-
lérable du risque [GIEC, 2012]. Cependant, l’adaptation-rési-
lience est en principe plus facilement acceptée par les acteurs et
plus rapide à mettre en place car elle ne défie pas le régime exis-
tant dans une société.
En ce qui concerne le moment de l’action, l’adaptation peut
se mettre en place en anticipation de certains impacts, avant
que le risque ne se manifeste concrètement, ou en réponse à un
événement passé ou actuel. L’adaptation proactive requiert de
la planification tandis que l’adaptation réactive a lieu après coup
[Fankhauser et al., 1999]. Par ailleurs, on distingue aussi l’adap-
tation planifiée, fondée sur une conscience du changement
climatique et impliquant des interventions humaines délibérées,
94 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

de l’adaptation spontanée ou autonome, incitée par différents


facteurs et changements dans les systèmes naturels et humains,
dont des changements écologiques ou de marché, et qui ne
repose pas nécessairement sur une conscience du changement
climatique. La préparation de stratégies et plans d’adaptation
relève de la première de ces deux logiques.
L’adaptation peut donc être plus ou moins intentionnelle,
selon que l’action est dirigée directement vers un risque clima-
tique ou une opportunité spécifique ou qu’elle émerge en tant
que réponse à d’autres pressions ou préoccupations non clima-
tiques. Dans ce second cas, l’adaptation constitue un cobéné-
fice produit par une autre décision. Par exemple, la mise en place
d’espaces verts dans les villes ou la diversification de cultures
agricoles ou sylvicoles peuvent résulter de la prise en compte
de diverses considérations en dehors du changement climatique,
tout en étant favorables à l’adaptation. Des actions non inten-
tionnelles ou accidentelles, motivées par des objectifs directs et
perceptibles recherchés par les acteurs, constituent aujourd’hui
une part importante des pratiques contribuant à l’adaptation.
Il n’y a cependant guère de garantie que ces actions soutiennent
nécessairement l’adaptation si certaines conditions évoluent à
l’avenir, ni même qu’elles soient suffisantes à court terme.
En ce qui concerne les effets de l’adaptation, ceux-ci peuvent
se produire à court terme, au niveau de la variabilité ou des
impacts climatiques actuels, ou à moyen et long termes. Ces
effets temporels ne sont d’ailleurs pas exclusifs, l’adaptation à
court terme pouvant augmenter la résilience à long terme. La
perspective ou la survenue d’effets à courte échéance peut
inciter à une prise de décision en faveur d’actions d’adapta-
tion. Un horizon temporel plus lointain devrait cependant être
inclus dans la réflexion afin d’éviter d’augmenter la vulnérabi-
lité future (voir infra, l’encadré sur la maladaptation).
Comme nous l’avons vu, les acteurs de l’adaptation sont
multiples. Pour rappel, on distingue l’adaptation des acteurs
publics, initiée par des gouvernements à tous les niveaux de
pouvoir et souvent dirigée vers des besoins collectifs, de celle des
acteurs privés, mise en place par des ménages, des entreprises
ou des secteurs d’activité et généralement orientée vers leurs
intérêts propres. Des interactions entre ces deux types d’acteurs
sont cependant bien présentes.
MESURES ET SUIVI DE L’ADAPTATION 95

Tableau 5. Typologies des actions d’adaptation

Moment de l’action Adaptation anticipative


Adaptation réactive

Degré de prévoyance Adaptation planifiée


Adaptation spontanée ou autonome

Intentionnalité Adaptation intentionnelle


Adaptation accidentelle

Horizon temporel Adaptation à court terme


Adaptation à moyen/long terme

Acteurs Adaptation publique


Adaptation privée

Nature des actions Technologiques, ingénieuriales (grises, dures)


Financières, institutionnelles, politiques (douces)
Fondées sur les écosystèmes (vertes)

Conception des actions Sans regret


À cobénéfices, gagnant-gagnant
Réversibles
Flexibles
À marge de sécurité

Le contenu et les formes des mesures d’adaptation diffèrent


en nature. Les mesures technologiques sont dites « grises », voire
« dures », si elles reposent sur de l’ingénierie et des infrastruc-
tures lourdes, comme des infrastructures de gestion de l’eau
(inondation, stockage, irrigation, etc.). A contrario, les réponses
financières, institutionnelles et politiques sont réputées être des
adaptations « douces » puisqu’elles sont généralement plus faci-
lement réversibles [Hallegatte, 2009]. Des exemples de ces
mesures sont le recours aux assurances pour transférer le risque,
le développement de systèmes d’alerte (envers des événements
extrêmes par exemple) ou l’intégration progressive de l’adapta-
tion dans les normes de construction. Néanmoins, ces mesures
douces ne sont pas nécessairement simples à mettre en œuvre,
car elles peuvent demander des changements d’habitudes et de
procédures de gouvernance qui mettent un certain temps à se
produire. Par ailleurs, certaines mesures d’adaptation sont
parfois qualifiées de « vertes » ou « fondées sur les écosystèmes »
lorsqu’elles recourent aux écosystèmes et aux processus naturels
96 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

pour diminuer la sensibilité et augmenter la capacité adapta-


tive des systèmes humains et naturels au changement clima-
tique [AEE, 2010]. C’est le cas notamment de l’installation de
toits verts et d’espaces boisés dans les villes ou encore de la
restauration de zones humides pour stocker le surplus de précipi-
tations. Il faut noter que les mesures douces, dures et vertes
peuvent tantôt s’exclure, tantôt se compléter. En effet, ces
logiques peuvent s’opposer, dans le sens où les ressources dispo-
nibles (argent, temps, compétences, etc.) sont limitées et que
le choix d’une orientation contraint l’efficacité d’une autre. Des
combinaisons sont cependant possibles selon les cas. Ainsi, en
fonction entre autres des lieux et des densités de population
donnés, des côtes peuvent être protégées en construisant des
digues, mais aussi en procédant à des opérations d’enrichisse-
ment des plages ou encore en renforçant des protections natu-
relles, comme les dunes [Sovacool, 2011]. En outre, les mesures
« dures » et « vertes » demandent aussi parfois des changements
de gouvernance.
La conception des actions d’adaptation varie enfin en fonc-
tion des effets que celles-ci peuvent générer. Les actions « sans
regret » apportent théoriquement des bénéfices dans tous les
scénarios climatiques possibles, et même en l’absence de chan-
gements climatiques [Prutsch et al., 2010]. Il s’agit par exemple
de l’amélioration des systèmes d’alerte précoce, utiles aussi pour
faire face à la variabilité climatique naturelle. Les activités à
cobénéfices ou gagnant-gagnant créent quant à elles des béné-
fices pour d’autres secteurs et/ou pour d’autres objectifs que
celui de l’adaptation au changement climatique [De Bruin et al.,
2009]. C’est notamment le cas lors de la mise en œuvre d’actions
de conservation de l’eau à travers des systèmes d’irrigation effi-
caces. Les activités d’adaptation réversibles ou flexibles sont
celles qui permettent, en fonction des nouvelles connaissances,
de changer de stratégie à court terme. C’est le cas des restric-
tions en matière d’aménagement du territoire (par exemple,
l’interdiction de bâtir dans certaines zones). Enfin, des actions
d’adaptation à « marge de sécurité » [Hallegatte, 2009] visent à
augmenter cette marge en y intégrant les projections clima-
tiques. Des exemples types sont l’augmentation du calibrage des
systèmes de drainage ou le rehaussement des digues et des
barrages en adoptant des scénarios très pessimistes dès leur
MESURES ET SUIVI DE L’ADAPTATION 97

conception, permettant de réduire la vulnérabilité à coût


moindre.

Indicateurs de l’adaptation au changement climatique

La problématique des indicateurs renvoie à la question essen-


tielle du suivi et de l’évaluation des processus d’adaptation dans
différents contextes. Un indicateur est une grandeur censée
représenter l’état d’un système complexe et permettre de suivre
son évolution de façon simplifiée.
Comme l’illustre la figure 4, trois types de mesures sont néces-
saires vis-à-vis de la problématique de l’adaptation. Première-
ment, une mesure du besoin d’adaptation est utile pour savoir
où et sur quoi agir. Cette évaluation s’appuie sur la qualifica-
tion et/ou la quantification du niveau de risque climatique
actuel et futur, qui lui-même dépend des niveaux de stress
physiques liés au climat et de la perception qu’ont les acteurs
de leur exposition et de leur vulnérabilité. Des indicateurs de
paramètres climatiques physiques et d’exposition sont relative-
ment aisés à identifier, comme la fréquence de canicules dans
un endroit donné (stress physiques) et le nombre de personnes
exposées aux vagues de chaleur à cet endroit (exposition). En
ce qui concerne la vulnérabilité, la définition d’indicateurs est
compliquée par l’ambiguïté de ce concept [Klein, 2009]. Les
indicateurs élaborés jusqu’ici ont eu tendance à se focaliser sur
les dimensions économiques et technologiques de la vulnérabi-
lité, réduisant ainsi sa portée [Vincent, 2007 ; Magnan, 2009],
alors que d’autres dimensions — sociales, institutionnelles, poli-
tiques et culturelles notamment — sont tout aussi cruciales. Il
est vrai que la disponibilité de données et la définition d’indi-
cateurs fiables concernant ces derniers facteurs font souvent
défaut. Par conséquent, la mesure de la vulnérabilité dans son
ensemble se révélera sans doute toujours inachevée tant les
dimensions et sous-dimensions sont multiples et spécifiques en
fonction des contextes. Cependant, malgré les difficultés,
certaines tentatives de classement des pays selon leur vulnéra-
bilité existent (les classements plus connus sont le Maplecroft’s
Climate Change Vulnerability Index, le GAIN’s Index of Vulnerabi-
lity and Readiness et le DARA’s Climate Vulnerability Monitor).
98

Figure 4. Indicateurs de l’adaptation, appliqués au cas des inondations


L’ A D A P T A T I O N

Besoins d’adaptation Réponses

Processus Résultats
Évaluation du niveau
de risque climatique Efficacité/efficience
actuel et/ou futur (qui Développement Mise en œuvre des actions
dépend des de politiques d’actions d’adaptation
(changements dans les) d’adaptation d’adaptation
conditions climatiques, Exemple d’indicateur :
de la vulnérabilité et de Exemple d’indicateur : Exemple d’indicateur : réduction des dommages
l’exposition du prise en compte dans aménagement de aux habitations liés à la
système considéré). les politiques bassins d’orage, survenue d’inondations
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

d’aménagement du interdiction de dans un quartier


Exemple d’indicateur : territoire de construction dans résidentiel donné.
dommages aux habitations l’augmentation de certaines zones trop
suite à la survenue l’intensité et/ou de la exposées.
d’inondations dans un fréquence des
quartier résidentiel donné. inondations.
MESURES ET SUIVI DE L’ADAPTATION 99

Une fois la décision prise en faveur d’une action d’adapta-


tion, il faut évidemment en suivre le déroulement et les effets.
Cette évaluation continue est cruciale entre autres pour
permettre une réponse flexible face aux incertitudes actuelles.
C’est le rôle de deux autres types d’indicateurs qui concernent,
d’une part, le processus d’adaptation et, d’autre part, les résultats
des actions adaptatives.
Comme dans d’autres domaines, par exemple la protection
de l’environnement, la mesure du processus peut souvent être
réalisée plus aisément que la mesure des résultats. En effet, le
nombre et le type d’actions prises en faveur de l’adaptation dans
tels secteurs et par tels types d’acteurs, ainsi que le budget qui
leur est consacré sont des données qui sont relativement acces-
sibles, même s’il n’est pas toujours évident de distinguer ce qui
relève vraiment de l’adaptation de ce qui est justifié par d’autres
objectifs ou fait partie du processus « normal » de développe-
ment (voir le chapitre III qui examine ce problème en matière
d’aide internationale au développement). Les avancées relatives
à l’élaboration et à l’utilisation d’indicateurs de processus sont
donc plus rapides que pour les indicateurs de résultat, pourtant
plus déterminants pour savoir si les actions d’adaptation doivent
se poursuivre ou évoluer.
La mesure de l’efficacité de l’adaptation, axée sur les résultats,
se heurte en effet à plusieurs difficultés. Tout d’abord, si les
actions peuvent engendrer des effets immédiats et à court terme,
c’est surtout à long terme que leur « succès » sera ou non avéré.
Le succès de l’adaptation est donc relatif à l’échelle temporelle à
laquelle l’action est mise en œuvre et il est très difficile d’évaluer
à l’avance une action censée répondre à un impact futur lui-
même incertain. De même, l’efficacité d’une initiative dépend
également de l’échelle spatiale considérée, les effets d’une action
pouvant répondre positivement à un problème localisé mais le
transférer ou en créer d’autres ailleurs (voir encadré infra). Si l’on
peut s’accorder sur le fait que le succès d’une stratégie d’adapta-
tion dépend de la façon dont l’action rencontre ses objectifs et
affecte la capacité d’autres acteurs à atteindre leurs propres
objectifs d’adaptation [Adger et al., 2005], il n’y a en revanche
pas de consensus a priori sur le contenu des objectifs d’adapta-
tion car ceux-ci dépendent notamment de valeurs divergentes
selon les institutions, communautés et individus [Adger et al.,
2009].
100 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Même si toute la logique qui sous-tend l’adaptation vise une


réduction de la vulnérabilité au changement climatique, les
indicateurs d’une adaptation réussie ne peuvent s’appuyer sur
une référence commune, à la différence de la problématique de
l’atténuation du changement climatique. Cette dernière utilise
en effet des données quantifiées, telles que l’évolution du
nombre de tonnes de GES émis par rapport à un référentiel
connu (même s’il y a aussi d’autres indicateurs, plus spéci-
fiques aux contextes). Outre l’efficacité (atteinte des objectifs,
si ceux-ci ont été définis), plusieurs critères peuvent servir de
guides à l’évaluation des résultats de l’adaptation, de façon simi-
laire à ceux utilisés pour évaluer d’autres politiques : l’effi-
cience (rapport coût-bénéfice des actions), l’équité (distribution
des coûts et bénéfices), la légitimité et la durabilité (au sens du
développement durable) de l’action [Adger et al., 2005 ; Brooks
et al., 2011]. Cependant, le poids accordé à ces critères dépend
des valeurs des acteurs qui doivent mettre en œuvre et évaluer
l’adaptation.
Il ressort de cette situation qu’une clarification du contenu
des indicateurs et une harmonisation de certains principes et
concepts sont sans doute nécessaires pour servir de fondement
à des systèmes d’évaluation de l’adaptation communs ou
pouvant « dialoguer » entre eux, à travers la diversité des
contextes. En outre, se pose la question cruciale mais non
résolue de déterminer du point de vue de quels acteurs (notam-
ment quels secteurs ou groupes sociaux) le succès peut être
établi. Ce succès est en effet rarement universel en un même lieu
ou pour une diversité d’acteurs et d’activités.
MESURES ET SUIVI DE L’ADAPTATION 101

projets d’infrastructures entraîne


La « maladaptation » : souvent des situations de dépendance
une adaptation mal placée qui ne permettent plus de revenir sur
les choix de départ et introduisent des
Certaines mesures visant la réduction de contraintes supplémentaires ;
la vulnérabilité au changement clima- — ont des coûts élevés par rapport
tique peuvent affecter négativement, à d’autres mesures qui produiraient
voire augmenter la vulnérabilité d’autres des effets similaires — par exemple,
systèmes, secteurs ou groupes sociaux. quand l’installation d’une station de
Ce résultat est qualifié de « maladapta- dessalement engendre des coûts envi-
tion » [Barnett et O’Neill, 2010]. ronnementaux et sociaux (prix de
Plusieurs types de maladaptation l’eau) élevés par rapport à d’autres
peuvent émerger. Il s’agit d’initiatives choix ;
qui : — réduisent les incitations à
— augmentent les émissions de s’adapter — par exemple dans une
GES, renforçant ainsi le problème du situation de sécheresse, la prise en
changement climatique — par exemple, charge par les pouvoirs publics d’une
l’usage important d’air conditionné afin partie du coût de l’eau pour les
de s’adapter à la chaleur accroît la consommateurs peut compromettre
consommation d’énergie, les émissions des changements de comportement
de GES et, in fine, le réchauffement du visant une consommation plus
climat ; rationnelle.
— en rencontrant les besoins d’un À la lecture des cas de figure
groupe, affectent de façon dispropor- ci-dessus, on se rend compte qu’un
tionnée les plus vulnérables — par grand nombre d’actions d’adaptation
exemple, des mesures d’aménagement sont concernées peu ou prou par un
du territoire qui protègent certaines risque de « maladaptation ». Par
zones peuvent renforcer la vulnérabilité conséquent, une évaluation ex ante
d’autres zones où les habitants sont déjà (en amont) de ces actions peut se
plus vulnérables ; révéler primordiale pour tenter d’éviter
— réduisent la vulnérabilité d’un au maximum les maladaptations, en
secteur mais, ce faisant, renforcent celle complément d’une démarche ex post
d’un autre secteur — par exemple, pour en vérifier les effets [Magnan,
l’installation de digues côtières peut 2013b]. Ces efforts impliquent égale-
avoir un impact négatif sur l’attrait ment de ne pas reproduire les erreurs
touristique de la région ; du passé, notamment en matière
— réduisent la vulnérabilité à court d’aménagement du territoire et de
terme mais la renforcent à long terme gestion des catastrophes.
— par exemple, certaines techno-
logies agricoles peuvent réduire la
biodiversité et contraindre les possibi-
lités futures d’adaptation ;
— fixent des situations d’irréversi-
bilité qui limitent les choix disponibles
pour les générations futures — par
exemple, le développement de grands
Conclusion

I l paraît bien difficile à ce jour de se faire une idée concrète de


ce que signifiera l’adaptation au changement climatique dans les
décennies à venir. Comme nous l’avons vu, les transformations
dues au climat se produiront le plus souvent de façon mêlée à
une foule d’évolutions de tous ordres, et ce sera sans doute le
cas aussi des réactions d’adaptation, hormis certains cas mieux
délimités (pour la hausse du niveau des mers, par exemple). Cela
signifie aussi que les décisions à prendre ne seront pas
univoques. Il y aura, il y a déjà, des débats sur ce qu’il convient
de faire dans de multiples contextes, investir ou abandonner
une activité, s’adapter de façon incrémentale ou transformer des
modes de vie de façon plus radicale, rester ou partir. Tout ceci
avec une distribution de coûts, d’avantages et d’inconvénients
qui variera en fonction des acteurs. Même face à un stress clima-
tique donné, les sociétés, groupes ou individus ne réagissent pas
de façon unique et sont influencés par leurs perceptions du
problème, valeurs, ressources et capacités d’action.
Ce que nous avons vu dans ce livre laisse à penser que nous
avons devant nous des apprentissages à réaliser qui se nourri-
ront d’expériences de nombreuses natures. Les sociétés ne
partent pas sans moyens envers ces enjeux, puisque l’adaptation
constitue véritablement une caractéristique forte de l’humain.
Par ailleurs, il ne faudrait pas croire que les sociétés sont à ce
jour adaptées au climat plus ou moins stable qui a prédominé
jusqu’ici : l’adéquation des réactions aux conditions clima-
tiques est en perpétuelle évolution, de même que ce que l’on
appelle, faute de mieux, l’« acceptabilité » des risques. Les rela-
tions entre atténuation et adaptation au changement climatique
104 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

seront également à interroger dans la période à venir. Tout


montre que se détourner de l’atténuation — sous prétexte que
l’adaptation serait suffisante — représenterait un chemin extrê-
mement périlleux pour l’avenir. Il faut plutôt espérer que les
actions d’adaptation, faisant face à des événements concrets,
puissent contribuer à remotiver des actions envers des objectifs
conséquents en matière d’atténuation. Ceux-ci sont indispen-
sables à moyen terme si l’on veut se prémunir de bouleverse-
ments climatiques rendant l’adaptation illusoire dans certaines
régions.
Il semble clair également que toutes les actions d’adaptation
ne se réaliseront pas de façon organisée et planifiée par des auto-
rités publiques. Des partages de responsabilité et de possibilité
d’action seront à mettre en place, même si, d’une façon géné-
rale, des dispositifs devront être trouvés pour consacrer davan-
tage de moyens collectifs à ce domaine, que ce soit via des
assurances ou d’autres arrangements. Les réactions indivi-
duelles ou à petite échelle seront favorisées par des techniques
de diffusion d’information et de partage d’expériences, notam-
ment grâce aux nouvelles technologies de l’information et de
la communication, ainsi que par des incitants réglementaires et
financiers. Il est probable que des produits et services innovants
favorisant des initiatives d’adaptation seront développés et mis à
la disposition de clients exprimant une demande solvable. La
pression sur les recherches relatives au climat continuera à
porter sur des projections de plus en plus locales et à court ou
moyen terme, au-delà des grands modèles d’évolution établis
précédemment, même si à brève échéance les perspectives en la
matière restent encore limitées.
Toutes les régions auront à s’engager dans l’adaptation, même
si c’est dans des contextes très diversifiés, du Groenland au
Sahel. Ce qui signifie que des coordinations en matière d’adap-
tation se produiront à l’échelle internationale, dont les focali-
sations actuelles sur le niveau de financement des pays pauvres
par les plus riches ne constituent qu’une partie du problème,
même si très sensible. Ce sont des changements plus larges et
en partie coordonnés auxquels il faut s’attendre, comme ce fut
le cas pour d’autres grandes évolutions mondiales au XXe siècle :
l’alimentation, l’agriculture, la santé, les technologies, ou encore
les politiques portant sur les personnes déplacées. On voit bien
C O N C L U S I O N 105

d’ailleurs que l’adaptation au changement climatique entretient


des liens avec ces multiples domaines.
Envisageant les transformations de l’environnement dues au
climat, il peut être intéressant de réfléchir aux différences et
concordances entre l’objectif d’adaptation au changement
climatique et celui de protection de l’environnement. En simpli-
fiant à l’extrême, on pourrait dire que l’essence de la question
environnementale est de protéger la nature de l’action humaine,
tandis que dans le cas de l’adaptation il s’agit de protéger
l’homme des effets des transformations de l’environnement. En
revanche, des ressemblances entre problématiques environne-
mentales et de l’adaptation au changement climatique incluent
l’importance d’utiliser dans les deux cas des approches holis-
tiques (tenir compte en même temps de facteurs de différentes
natures, en interaction) et de viser l’intégration, ou, à tout le
moins, la cohérence des politiques menées en ces matières et
dans d’autres. Par ailleurs, le changement climatique devient lui-
même source de problèmes environnementaux en les modifiant
ou en les accroissant, et, à cet égard, l’impact sur la biodiver-
sité sera majeur. Ce livre n’a d’ailleurs qu’effleuré les transfor-
mations de la nature, des écosystèmes, de la faune et de la flore,
induites par un climat instable. Ces transformations seront
considérables, sans doute plus encore que sur les sociétés
humaines, même si la comparaison est difficile à faire.
Il est également malaisé d’anticiper toutes les façons par
lesquelles les sociétés seront modifiées par le changement clima-
tique. Le cinquième rapport du GIEC élabore une partie sur les
relations entre changement climatique et sécurité, afin de tenir
compte davantage de certains effets sociaux et politiques, y
compris en termes de conflits favorisés par des causes tant
directes qu’indirectes (effets à distance ou décalés dans le
temps). Dans le passé, un certain nombre de catastrophes natu-
relles, pénuries alimentaires, etc. ont pu être mises en rapport
avec des événements politiques particuliers, tels que des révoltes
ou des changements de gouvernement, même si elles n’en sont
évidemment pas la seule cause. De façon intéressante, Pelling
[2011], qui liste une série d’événements de ce type sur plusieurs
siècles, indique que la direction dans laquelle des stress naturels
peuvent faire évoluer une société n’est pas fixée au départ. Dans
certains cas, les réactions peuvent amener plus de partage du
pouvoir, dans d’autres, au contraire, un durcissement de ce
106 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

dernier. D’où l’intérêt de réfléchir à l’adaptation comme portant


sur les conditions plus profondes du fonctionnement des
sociétés.
Si l’on pourrait croire en effet que l’adaptation signe en
quelque sorte un échec du développement durable à transformer
les sociétés, ce type de réflexion incite au contraire à considérer
que les objectifs de développement durable et d’adaptation ont
eux aussi beaucoup en commun. Dans les deux cas, il s’agit de
favoriser un fonctionnement social, technologique et écono-
mique qui soit équitable et permette des évolutions sans effon-
drements. L’adaptation doit en tout cas viser non pas à figer
une situation, ce qui est d’ailleurs impossible, mais à permettre
d’intégrer les défis posés par les effets du changement climatique
dans la transformation des sociétés, en prônant des activités et
des régulations différentes de celles qui ont prévalu jusqu’ici. Il
est clair que certains changements qui seraient ainsi préconisés
nécessiteront des débats, occasionneront des conflits et la mise
en place de nouveaux équilibres, pas nécessairement de façon
aisée, d’autant plus qu’il faudra chaque fois tenir compte d’un
degré d’incertitude non négligeable sur les évolutions clima-
tiques. Toutefois, si les coordinations des changements visant
une adaptation ne sont pas suffisantes, des transformations sont
susceptibles de s’imposer de façon sans doute plus abrupte et
inéquitable.
Liste des acronymes et abréviations

AILAC Association des États indépendants d’Amérique latine et des


Caraïbes.
APD Aide publique au développement.
CCNUCC Convention-cadre des Nations unies sur les changements
climatiques.
CH4 Méthane.
COP Conference of the Parties (conférence des parties à la CCNUCC).
CO2 Dioxyde de carbone.
FEM Fonds pour l’environnement mondial.
GES Gaz à effet de serre.
GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du
climat.
MDP Mécanisme de développement propre.
N2O Protoxyde d’azote.
OCDE Organisation de coopération et de développement
économiques.
OMD Objectifs du millénaire pour le développement.
OMM Organisation météorologique mondiale.
ONERC Observatoire national sur les effets du réchauffement
climatique.
ONG Organisation non gouvernementale.
PANA Programme d’action national d’adaptation.
PIB Produit intérieur brut.
PMA Pays les moins avancés.
PNA Plan national d’adaptation.
PNUD Programme des Nations unies pour le développement.
PNUE Programme des Nations unies pour l’environnement.
RCP Representative Concentration Pathways (trajectoires de concentra-
tion représentative) : il s’agit des scénarios sur lesquels se fonde,
entre autres, le cinquième rapport d’évaluation du GIEC.
108 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

SRES Special Report on Emissions Scenarios (rapport spécial sur les


scénarios d’émissions) : il s’agit des scénarios sur lesquels se
fondent, entre autres, les troisième et quatrième rapports
d’évaluation du GIEC.
UKCIP United Kingdom Climate Impact Programme (programme sur les
impacts climatiques au Royaume-Uni).
Repères bibliographiques

AAHEIM A., BERKHOUT F., MCEVOY D. et — [2012b], Urban Adaptation to


al. [2008], « Adaptation to Climate Change in Europe,
climate change. Why is it needed Copenhague.
and how can it be imple- — [2013], Adaptation in Europe.
mented ? » Center for European Addressing Risks and Opportu-
Policy Studies Policy Brief, nº 161. nities from Climate Change in the
ABRAHAMSON V., WOLF J., LORENZONI I. Context of Socio-Economic Deve-
et al. [2009], « Perceptions of lopments, European Environ-
heatwave risks in London and ment Agency, Copenhagen.
Norwich, UK », Journal of Public A GRAWAL A. et P ERRIN N. [2008],
Health, vol. 31, p. 119-126. « Climate adaptation, local insti-
ADGER W. N., ARNELL N. et TOMP- tutions, and rural livelihoods »,
IFRI Working Paper, W081-6,
KINS E. L. [2005], « Successful
University of Michigan.
adaptation to climate change
AGRAWALA S., CARRARO M., KINGS-
across scales », Global Environ-
MILL N. et al. [2013], Participa-
mental Change, vol. 15, p. 77-86.
tion du secteur privé à l’adaptation
ADGER W. N., DESSAI S., GOULDEN M.
au changement climatique :
et al. [2009], « Are there social
approches de la gestion des risques
limits to adaptation to climate climatiques, document de travail
change ? » Climatic Change, sur l’environnement nº 39, Orga-
vol. 93, p. 335-354. nisation de coopération et de
AEE (AGENCE EUROPÉENNE POUR L’ENVI- développement économiques,
RONNEMENT) [2010], The European Paris.
Environment. State and Outlook AGRAWALA S. et FANKHAUSER S. (dir.)
2010. Thematic Assessment : [2008], Economic Aspects of
Adapting to Climate Change, Adaptation to Climate Change.
Copenhague. Costs, Benefits and Policy Instru-
— [2012a], Climate Change, Impacts ments, Organisation de coopé-
and Vulnerability in Europe 2012, ration et de développement
Copenhague. économiques, Paris.
110 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

AIE (A GENCE INTERNATIONALE DE Impacts, and the Case for Resi-


L’ÉNERGIE) [2013], World Energy lience, Washington.
Outlook Special Report 2013. — [2013b], Building Resilience. Inte-
Redrawing the Energy Climate grating Climate and Disaster Risk
Map, International Energy into Development, Washington.
Agency, Vienne. B ARNETT J. et O’N EILL S. [2010],
ARNELL N. W., LOWE J. A., BROWN S. « Maladaptation », Global Envi-
et al. [2013], « A global assess- ronmental Change, vol. 20,
ment of the effects of climate p. 211-213.
policy on the impacts of climate BAUDOIN M. A. [2013], « Enhancing
change », Nature Climate Change, climate change adaptation in
vol. 3, p. 512-519. Africa assessing the role of local
ASBURY H., SALLENGER J., DORAN K. S. institutions in Southern Benin »,
et al. [2012], « Hotspot of accele- Climate and Dévelopment.
rated sea-level rise on the Atlantic B ENISTON M. et D ÍAZ H. [2004],
coast of North America », Nature « The 2003 heatwave as an
Climate Change, vol. 2, p. 884- example of summers in a green-
house climate ? Observations
888.
and climate model simulations
AYERS J., ALAM M. et HUQ S. [2009],
for Basel, Switzerland », Global
« Adaptation in a post-2012
and Planetary Change, vol. 44,
regime. Means to integrate and
p. 73-81.
strengthen policies and
BERKHOUT F., HERTIN J. et ARNELL N.
programmes for equity-based
[2004], Business and Climate
climate change cooperation »,
Change. Measuring and Enhancing
in B IERMANN F., P ATTBERG P. et
Adaptive Capacity. The ADAPT
Z ELLI F. (dir.), Global Climate
Project, Technical Report 11,
Governance Post 2012. Architec-
Tyndall Centre for Climate
ture, Agency and Adaptation, Change Research.
Cambridge University Press, BERKHOUT F., HERTIN J. et GANN D. M.
Cambridge. [2006], « Learning to adapt :
A YERS J. et D ODMAN D. [2010], organizational adaptation to
« Climate change adaptation climate change impacts »,
and development I. The state of Climatic Change, vol. 78, p. 135-
the debate », Progress in Develop- 156.
ment Studies, vol. 10, p. 161-168. BICHARD E. et KAZMIERCZAK A. [2012],
BANQUE MONDIALE [2010], The Costs to « Are homeowners willing to
Developing Countries of Adapting to adapt to and mitigate the effects
Climate Change. New Methods and of climate change ? », Climatic
Estimates, Washington. Change, vol. 112, p. 633-654.
— [2012], Turn Down the Heat. B IESBROECK G. R., K LOSTERMANN J.,
Why a 4 ºC Warmer World Must TERMEER C. et al. [2011], « Barriers
be Avoided, Washington. to climate change adaptation in
— [2013a], Turn Down the Heat. the Netherlands », Climate Law,
Climate Extremes, Regional vol. 2, p. 181-199.
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES 111

B IESBROECK G. R., S WART R. J., — [2009], Rapport de la quinzième


C ARTER T. R. et al. [2010], session de la conférence des parties
« Europe adapts to climate tenue à Copenhague du 7 au
change. Comparing national 19 décembre 2009, deuxième
adaptation strategies », Global partie, « Mesures prises par la
Environmental Change, vol. 20, conférence des parties à sa
p. 440-450. quinzième session », <http://
B LACK R., B ENNETT S. R. G., unfccc.int/resource/docs/2009/
T HOMAS S. M. et al. [2011], cop15/fre/11a01f.pdf#page=4>.
« Migration as adaptation », CHAMBERS R. [1989], « Vulnerabi-
Nature, vol. 478, p. 447-449. lity, coping and policy », Insti-
BROOKS N., ANDERSON S., AYERS J. et al. tute of Development Studies
[2011], « Tracking adaptation Bulletin, vol. 20, p. 1-7.
and measuring development », CIRCLE-2 [2013], Adaptation Inspi-
IIED Working Paper, nº 1, IIED, ration Book. 22 Implemented
Londres et Édimbourg. Cases of Local Climate Change
BROWN A., GAWITH M., LONSDALE K. et Adaptation to Inspire European
Citizens, Tienkamp.
al. [2011], Managing Adaptation.
C LIMATE A CTION T RACKER [2013],
Linking Theory and Practice, UK
Climate Shuffle. Climate Action
Climate Impacts Programme,
Tracker Update, <http://clima-
Oxford.
teactiontracker.org/assets/
B UCHNER B., H ERVÉ -M IGNUCCI M.,
publications/briefing_papers/
TRABACCHI C. et al. [2013], The
2013-06-11_Climate_Action_
Landscape of Climate Finance
Tracker_briefing_paper_Bonn.pdf>.
2012, Climate Policy Initiative,
CMED [1987], Notre avenir à tous,
San Fransisco, <http://climatepo-
Organisation des Nations unies,
licyinitiative.org/wp-content/
Commission mondiale sur
uploads/2013/10/The-Global- l’environnement et le dévelop-
Landscape-of-Climate-Finance- pement, New York.
2013.pdf>. CNRS [2012], Changement clima-
C ANADELL J. G., L E Q UÉRÉ C., tique. Les nouvelles simulations
R AUPACH M. R. et al. [2007], françaises pour le prochain rapport
« Contributions to accelerating du GIEC, Institut national des
atmospheric CO2 growth from sciences de l’univers, <www.
economic activity, carbon insu.cnrs.fr/environnement/
intensity, and efficiency of climat-changement-climatique/
natural sinks », Proceedings of the changement-climatique-les-
National Academy of Sciences nouvelles-simulations-francaise>.
USA, vol. 104, p. 18866-18870. C OMMISSION EUROPÉENNE [2007],
CCNUCC [1992], Convention-cadre Livre vert. Adaptation au change-
des Nations unies sur les change- ment climatique en Europe : les
ments climatiques, <http:// possibilités d’action de l’Union
unfccc.int/resource/docs/ européenne, COM(2007)354
convkp/convfr.pdf>. final, Bruxelles.
112 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

— [2009], Livre blanc. Adaptation D E G ROOT -R EICHWEIN M. A. M.,


au changement climatique : vers GOOSEN H. et VAN STEEKELEN-
un cadre d’action européen, BURG M. G. N. [2013], « Climate
COM(2009)147 final, Bruxelles. proofing the Zuidplaspolder. A
— [2013a], Communication from guiding model approach to
the Commission to the Euro- climate adaptation », Regional
pean Parliament, the Council, the Environmental Change, doi
European Economic and Social 10.1007/s10113-013-0509-4.
Committee and the Committe DE GUIO S. et RENCKI J. [2011], « Le
of the Regions. An EU Strategy fonds d’adaptation, laboratoire
on Adaptation to Climate du financement du changement
Change, COM(2013) 216 final, climatique », Working Paper,
Bruxelles. nº 10/11, IDDRI/Sciences Po,
— [2013b], Guidelines on Develo- Paris.
ping Adaptation Strategies, D ELTACOMMISSIE [2008], Samen
SWD(2013) 134 final, Bruxelles. werken met water. Een land dat
C ORFEE -M ORLOT J., C OCHRAN I., leeft, bouwt aan zijn toekomst,
H ALLEGATTE S. et al. [2010], Hollandia Printing.
« Multilevel risk governance DE MENOCAL P. B. [2001], « Cultural
and urban adaptation policy », responses to climate change
Climatic Change, vol. 104, during the late Holocene »,
p. 169-197. Science, vol. 292, p. 667-673.
COUMOU D. et RAHMSTORF S. [2012], DESSAI S., HULME M., LEMPERT R. et
« A decade of weather extremes », al. [2009], « Do we need better
Nature Climate Change, vol. 2, predictions to adapt to a chan-
p. 491-496. ging climate ? », Eos, vol. 90,
DAHAN A. et AYKUT S. C. [2012], De p. 111-112.
Rio 1992 à Rio 2012. Vingt ans D IAMOND J. [2000], De l’inégalité
de négociations climatiques : quel parmi les sociétés. Essai sur
bilan ? Quel rôle pour l’Europe ? l’homme et l’environnement dans
Quels futurs ? Rapport pour le l’histoire, Gallimard, Paris.
Centre d’analyse stratégique DICKINSON T. et BURTON I. [2011],
(CAS), <http://www.strategie. « Adaptation to climate change
gouv.fr/content/negociations- in Canada. A multi-level
climatiques-internationales- mosaic », in F ORD J. D. et
rapport>. BERRANG-FORD L. (dir.), Climate
DE BRUIN K., DELLINK R. et AGRA- Change Adaptation in Developed
WALA S. [2009], Economic Aspects Nations. From Theory to Practice,
of Adaptation to Climate Change. Springer, Dordrecht, p. 103-117.
Integrated Assessment Modelling D OVERS S. [2009], « Normalizing
of Adaptation Costs and Benefits, adaptation », Global Environ-
OECD Environment Working mental Change, vol. 19, p. 4-6.
Paper, nº 6, Organisation de DUMOLLARD G. et LESEUR A. [2011],
coopération et de développe- « L’élaboration d’une politique
ment économiques, Paris. nationale d’adaptation au
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES 113

changement climatique. Retour Policy, Springer Netherlands,


sur cinq cas européens », CDC Amsterdam, p. 311-330.
Climat recherche, Étude Climat, GANGULY K. et PANDA G. R. [2010],
nº 27, Paris. « Adaptation to climate change
EM-DAT [2013], The OFDA/CRED in India. A study of Union
International Disaster Database, budgets », Oxfam India Working
Centre for Research on the Paper Series, Oxfam India, New
Epidemiology of Disasters Delhi.
(CRED), Université catholique G ARNAUD B. et F ERRET C. [2009],
de Louvain, Bruxelles, <www. « Adaptation au changement
emdat.be>. climatique et vulnérabilités
FANKHAUSER S., SMITH J. B. et TOL R. industrielles », Liaison Énergie-
[1999], « Weathering climate Francophonie. Adaptation au
change. Some simple rules to changement climatique, Institut
guide adaptation investments », de l’énergie et de l’environne-
Ecological Economics, vol. 30, ment de la francophonie, nº 85,
p. 67-78. p. 138-139.
G EMENNE F. [2011], « Why the
FOUILLET A., REY G., WAGNER V. et al.
numbers don’t add up. A review
[2008], « Has the impact of heat
of estimates and predictions of
waves on mortality changed in
people displaced by environ-
France since the European heat
mental changes », Global Environ-
wave of summer 2003 ? A study
mental Change, vol. 21, p. 41-49.
of the 2006 heat wave », Interna-
GEMENNE F., BRÜCKER P. et IONESCO D.
tional Journal of Epidemiology,
[2012], The State of Environ-
vol. 37, p. 309-317.
mental Migration 2011, IDDRI &
FÜSSEL H. M. [2007], « Vulnerabi-
International Organization for
lity. A generally applicable
Migration.
conceptual framework for GIDDENS A. [2009], The Politics of
climate change research », Climate Change, Polity Press,
Global Environmental Change, Cambridge.
vol. 17, p. 155-167. GIEC (GROUPE D’EXPERTS INTERGOU-
— [2009], « An updated assess- VERNEMENTAL SUR L’ÉVOLUTION DU
ment of the risks from climate CLIMAT ) [2001], Bilan 2001 des
change based on research changements climatiques : rapport
published since the IPCC fourth de synthèse, Genève.
assessment report », Climate — [2007], Bilan 2007 des change-
Change, vol. 97, p. 469-482. ments climatiques : rapport de
F ÜSSEL H. M., H ALLEGATTE S. et synthèse, Genève.
REDER M. [2012], « International — [2012], Managing the Risks of
adaptation funding », in EDEN- Extreme Events and Disasters to
HOFER O., WALLACHER J., LOTZE- Advance Climate Change Adapta-
CAMPEN H. et al. (dir.), Climate tion, A Special Report of Working
Change, Justice and Sustainability. Groups I and II of the Intergo-
Linking Climate and Development vernmental Panel on Climate
114 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Change, Cambridge University org/2010/05/28/text-of-remarks-


Press, Cambridge et New York. by-obama-science-adviser-john-
— [2013], Climate Change 2013. The holdren-to-the-national-climate-
Physical Science Basis, Contribu- adaptation-summit/>.
tion of Working Group I to the H ONISCH B., R IDGWELL A.,
Fifth Assessment Report, S CHMIDT D. N. et al. [2012],
Summary for Policymakers, « The geologic record of ocean
Intergovernmental Panel on acidification », Science, vol. 335,
Climate Change, <www.climate- p. 1058-1063.
change2013.org/images/uploads/ IFAD (INTERNATIONAL FUND FOR AGRI-
WGI_AR5_SPM_brochure.pdf>. CULTURAL D EVELOPMENT ) [2010],
GODARD O. [2010], « Cette ambiguë Potential for Scale and Sustainabi-
adaptation au changement lity in Weather Index Insurance
climatique », Natures Sciences for Agriculture and Rural Liveli-
Sociétés, vol. 18, p. 287-297. hoods, Rome, <www.ifad.org/
H ALLEGATTE S. [2008], A Note on ruralfinance/pub/weather.pdf>.
Including Climate Change Adap- JORDAN A. et LENSCHOW A. [2010],
tation in an International Scheme, « Policy paper. Environmental
Idées pour le débat, nº 18, policy integration : a state of
IDDRI/Sciences Po, Paris. the art review », Environmental
— [2009], « Strategies to adapt to Policy and Governance, nº 20,
an uncertain climate change », p. 147-158.
Global Environmental Change, JUNGHANS L. et HARMELING S. [2012],
vol. 19, p. 240-247. Different Tales from Different
H ANSEN J., S ATOA M. et R UEDYB R. Countries. A first Assessment of
[2012], « Perception of climate the OECD « Adaptation Marker »,
change », Proceedings of the Briefing Paper, Germanwatch,
National Academy of Sciences of Bonn.
the United States of America, KLEIN R. J. T. [2009], « Identifying
vol. 109, E2415-E2423. countries that are particularly
HOERLING M., KUMAR A., DOLE R. et vulnerable to the adverse effects
al. [2013], « Anatomy of an of climate change. An academic
extreme event », Journal of or a political challenge ? »
Climate, vol. 26, p. 2811-2832. Carbon & Climate Law Review,
HOLDREN J. P [2010], « Remarks by vol. 3, p. 284-291.
the honorable John P. Holdren, K OVACS P. [2011], « Overview :
assistant to the President for Climate change adaptation in
science and technology and industry », in F ORD J. D. et
director, office of Science B ERRANG -F ORD L. (dir), Climate
and Technology policy, execu- Change Adaptation in Developed
tive office of the President, Nations. From Theory to Practice,
to the National climate Springer, Dordrecht, p. 223-230.
adaptation summit confe- KOVATS R. S. et EBI K. [2006], « Heat-
rence », Washington, 27 mai, waves and public health in
<www.climatesciencewatch. Europe », European Journal
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES 115

of Public Health, vol. 16, M ASSEY E. et B ERGSMA E. [2008],


p. 592-599. Assessing Adaptation in 29 Euro-
KPMG [2008], Climate Changes your pean Countries, IVM Report
Business. KPMG’s Review of the NºW-08/20, Institute for Envi-
Business Risks and Economic ronmental Studies, Amsterdam.
Impacts at Sector Level, <www. MICKWITZ P., AIX F., BECK S. et al.
kpmg.com/EU/en/Documents/ [2009], Climate Policy Integra-
Climate_Changes_Your_Business. tion. Coherence and Governance,
pdf>. Partnership for European Envi-
KUNREUTHER H. C. et MICHEL- ronmental Research, report
KERJAN E. O. [2011], At War with nº 2, Helsinki.
the Weather. Managing Large- M ILLENNIUM E COSYSTEM A SSESSMENT
Scale Risks in a New Era of [2005], Ecosystems and Human
Catastrophes, The MIT Press, Well-Being. Synthesis, Island
Cambridge. Press, Washington.
LÉTARD V., FLANDRE H. et LEPEL- MOSER S. C. [2010], « Communica-
TIER S. [2004], La France et les
ting climate change : history,
challenges, process and future
Français face à la canicule. Les
directions », Wiley Interdiscipli-
leçons d’une crise, rapport
nary Reviews, Climate Change,
d’information nº 195 (2003-
vol. 1, p. 31-53.
2004), Sénat, Paris, <www.senat.
— [2011], « Entering the period of
fr/rap/r03-195/r03-1951.pdf>.
consequences. The explosive US
L I B. [2013], « Governing urban
awakening to the need for adap-
climate change adaptation in
tation », in F ORD J. D. et
China », Environment and Urba-
BERRANG-FORD L. (dir.), Climate
nization, vol. 25, p. 413-427.
Change Adaptation in Developed
LOBELL D. B., SCHLENKER W. et COSTA-
Nations. From Theory to Practice,
R OBERTS J. [2011], « Climate Springer, Dordrecht, p. 33-49.
trends and global crop produc- M ULLAN M., K INGSMILL N., M ATUS
tion since 1980 », Science, KRAMER A. et al. [2013], Planifica-
vol. 333, p. 616-620. tion nationale de l’adaptation.
M AGNAN A. [2009], « Proposition L’expérience des pays de l’OCDE,
d’une trame de recherche pour document de travail sur l’envi-
appréhender la capacité d’adap- ronnement, nº 54, Organisation
tation aux changements clima- de coopération et de développe-
tiques », Vertigo, vol. 9, nº 3, ment économiques, Paris.
p. 1-20. MUNICH RE [2011], NatCatSER-
— [2013a], Changement climatique. VICE. Natural Catastrophe Data-
Tous vulnérables ? Rue d’Ulm, base, Analysis and Information
Paris. Platform, Munich Reinsurance
— [2013b], « Éviter la maladapta- Company, Munich, <www.
tion au changement clima- munichre.com/touch/natural-
tique », Policy Brief IDDRI hazards/en/natcatservice/
SciencesPo, nº 08/13, Paris. default.aspx>.
116 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

NAKHOODA S., FRANSEN T., KURA- Migrations et changements clima-


MOCHI T. et al. (dir.) [2013], tiques, Genève.
Mobilising International Climate — [2011], « Climate change. Envi-
Finance. Lessons from the Fast- ronmental degration and migra-
Start Finance Period, Overseas tion », International Dialogue on
Development Institute, World Migration, nº 18, Genève.
Resources Institute, Institute ONERC (OBSERVATOIRE NATIONAL SUR
for Global Environmental LES EFFETS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMA-

Strategies, <www.odi.org.uk/ TIQUE) [2010], Villes et adapta-

sites/odi.org.uk/files/odi-assets/ tion au changement climatique, La


publications-opinion-files/ Documentation française, Paris.
8686.pdf>. Oxfam [2012], The Climate « Fiscal
NAKICENOVIC N. et SWART R. (dir.) Cliff ». An Evaluation of Fast Start
[2000], Special Report on Emis- Finance and Lessons for the
sions Scenarios. A Special Report of Future, <www.oxfam.org/sites/
Working Group III of the Intergo- www.oxfam.org/files/
vernmental Panel on Climate oxfam-media-advisory-climate-
fiscal-cliff-doha-25nov2012.
Change, Cambridge University
pdf>.
Press, Cambridge.
P ALUTIKOF J., P ARRY M., S TAFFORD
NEW M., LIVERMAN D., SCRODER H. et
S MITH M. et al. [2013], « The
al. [2011], « Four degrees and
past, present and future of adap-
beyond : the potential for a
tation : setting the context and
global temperature increase
naming the challenges », in
of four degrees and its implica-
P ALUTIKOF J., B OULTER S. L. et
tions », Philosophical Transac-
ASH A. J. (dir.), Climate Adapta-
tions of the Royal Society A,
tion Futures, Wiley-Blackwell,
vol. 369, p. 6-19.
Oxford, p. 3-29.
N ICHOLLS R. J., H ANSON S., PARRY M., ARNELL N., BERRY P. et al.
H ERWEIJER C. et al. [2008], [2009], Assessing the Costs of
« Ranking port cities with high Adaptation to Climate Change.
exposure and vulnerability to A Review of the UNFCCC and
climate extremes », OECD Envi- Other Recent Estimates, Interna-
ronment Working Paper Series, tional Institute for Environ-
nº 1, Organisation de coopéra- ment and Development et
tion et de développement Grantham Institute for Climate
économiques, Paris. Change, Imperial College,
O’BRIEN K., ERIKSEN S., NYGAARD L. P. Londres.
et al. [2007], « Why different PASCAL M., LAAIDI K., LEDRANS M. et
interpretations of vulnerability al. [2006], « France’s heat health
matter in climate change watch warning system », Inter-
discourses », Climate Policy, national Journal of Biometeoro-
vol. 7, p. 73-88. logy, vol. 50, p. 144-153.
OIM (ORGANISATION INTERNATIONALE P ELLING M. [2011], Adaptation to
POUR LES MIGRATIONS ) [2008], Climate Change. From Resilience
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES 117

to Transformation, Routledge, Adaptations Strategies, Study for


Londres. European Commission-DG
PETERS G. P., ANDREW R. M., BODEN T. Environment, Ecologic Institute,
et al. [2013], « The challenge to Vienne.
keep global warming below ROBINE J.-M., CHEUNGA S. L. K., LE
2 ºC », Nature Climate Change, ROYA S. et al. [2008], « Death
vol. 3, p. 4-6. toll exceeded 70 000 in Europe
PNUD (P ROGRAMME DES N ATIONS during the summer of 2003 »,
UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT ) Comptes Rendus Biologies,
[2008], « S’adapter à l’inévi- vol. 331, p. 171-178.
table : action nationale et R OGELJ J., M EINSHAUSEN M. et
coopération internationale », in K NUTTI R [2012], « Global
Rapport mondial sur le développe- warming under old and new
ment humain 2007/2008. La lutte scenarios using IPCC climate
contre le changement climatique : sensitivity range estimates »,
un impératif de solidarité humaine Nature Climate Change, vol. 2,
dans un monde divisé, La Décou- nº 4, p. 248-253.
verte/PNUD, Paris/New York,
R ÖTTER R. P., C ARTER T. R.,
p. 163-204.
OLESEN J. E. et al. [2011], « Crop-
PNUE (PROGRAMME DES NATIONS UNIES
climate models need an over-
POUR L ’ ENVIRONNEMENT ) [2013],
haul », Nature Climate Change,
Africa’s Adaptation Gap. Climate
vol. 1, p. 175-177.
Change Impacts, Adaptation
S ALLENGER A. H., D ORAN K. S. et
Challenges and Costs for Africa,
H OWD P. (2012], « Hotspot of
<www.unep.org/pdf/AfricaAda-
accelerated sea-level rise on the
patationGapreport.pdf>.
Atlantic coast of North Ame-
POLYCARP C., EASTON C., HATCH J. et
rica », Nature Climate Change,
al. [2012], Summary of Developed
Country « Fast-Start » Climate vol. 2, p. 884-888.
Finance Pledges, <www.wri.org/ SCHIPPER L. [2009], « Meeting at the
publication/summary-of- crossroads ? Exploring the
developed-country-fast-start- linkages between climate
climate-finance-pledges>. change adaptation and disaster
P RUTSCH A., G ROTHMANN T., risk reduction », Climate and
SCHAUSER I. et al. [2010], Guiding Development, vol. 1, p. 16-30.
Principles for Adaptation to Climate S CHIPPER L. et P ELLING M. [2006],
Change in Europe, ETC/ACC Tech- « Disaster risk, climate change
nical paper 2010/6, Bilthoven. and international development.
RAISSON V. [2010], 2033, l’Atlas des Scope for, and challenges to,
futurs du monde, Robert Laffont, integration », Disasters, vol. 30,
Paris. p. 19-38.
RIBEIRO M., LOSENNO C., DWORAK T. S IMONET G. [2009], « Le concept
et al. [2009], Final Report. Design d’adaptation : polysémie inter-
of Guidelines for the Elaboration disciplinaire et implication pour
of Regional Climate Change les changements climatiques »,
118 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Natures Sciences Sociétés, vol. 17, Business Approach, Pew Center


p. 392-401. on Global Climate Change,
S MIT B. et P ILIFOSOVA O. [2003] Arlington.
« From adaptation to adaptive S WARD J. et C ODJOE S. [2012],
capacity and vulnerability reduc- Human Mobility and Climate
tion » in SMIT J. B., KLEIN R. J. T. Change Adaptation Policy :
et HUG S. (dir.), Climate Change, A Review of Migration in National
Adaptive Capacity and Develop- Adaptation Programmes of Action
ment, Imperial College Press, (NAPAs), Migration out of
Londres, p. 9-29. Poverty Research Programme
SMIT B. et WANDEL J. [2006], « Adap- Consortium, Working Paper,
tation, adaptive capacity and University of Sussex.
vulnerability », Global Envi- SWART R., BIESBROECK R., BINNERUP S.
ronmental Change, vol. 16, et al. [2009], Europe Adapts to
p. 282-292. Climate Change. Comparing
SOVACOOL B. K. [2011], « Hard and National Adaptation Strategies,
soft paths for climate change Partnership for European Envi-
adaptation », Climate Policy, ronmental Research, Report
vol. 11, p. 1177-1183. nº 1, Sastamala.
STERN N. [2006], Stern Review on the T ACOLI C. [2011], « Not only
Economics of Climate Change, climate change : mobility,
HM Treasury, Londres. vulnerability and socio-
STERN P. C., EBI K. L. et LEICHENKO R. economic transformations in
[2013], « Managing risk with environmentally fragile areas of
climate vulnerability science », Bolivia, Senegal and Tanzania »,
Nature Climate Change, vol. 3, Human Settlements Working
p. 607-609. Paper Series, International Insti-
SURMINSKI S. [2009], « Promouvoir tute for Environment and Deve-
l’adaptation au changement lopment, Londres.
climatique : le rôle du secteur des TANG Q., ZHANG X., YANG X. et al.
assurances », Liaison Énergie-Fran- [2013], « Cold winter extremes
cophonie, Institut de l’énergie et in northern continents linked
de l’environnement de la franco- to Arctic sea ice loss », Environ-
phonie, nº 85, p. 67-71. mental Research Letters, vol. 8,
— [2010], Adapting to the Extreme 014036.
Weather Impacts of Climate TOL R. J. [2010], « Carbon dioxide
Change. How Can the Insurance mitigation », in L OMBORG B.
Industry Help, Climate Wise, (dir.), Smart Solutions to Climate
Londres. Change. Comparing Costs and
— [2013], « Private-sector adapta- Benefits, Cambridge University
tion to climate risk », Nature Press, Cambridge, p. 74-105.
Climate Change, vol. 3, p. 943- T OMPKINS E. L., A DGER W. N.,
945. BOYD E. et al. [2010], « Observed
SUSSMAN F. G. et FREED J. R. [2008], adaptation to climate change :
Adapting to Climate Change. A UK evidence of transition to a
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES 119

well-adapting society », Global vulnérabilité au changement


Environmental Change, vol. 20, climatique ? », in ONERC, Villes
p. 627-635. et adaptation au changement clima-
TOMPKINS E. L et EAKIN H. [2012], tique, Observatoire national sur
« Managing private and public les effets du réchauffement
adaptation to climate change », climatique, Paris.
Global Environmental Change, VINCENT K. [2007], « Uncertainty in
vol. 22, p. 3-11. adaptive capacity and the
T UBIANA L., G EMENNE F. et importance of scale », Global
MAGNAN A. [2010], Anticiper pour Environmental Change, vol. 17,
s’adapter. Le nouvel enjeu du p. 12-24.
changement climatique, Pearson
WEIKMANS R. [2012], « Le coût de
Education, Paris.
l’adaptation aux changements
UNISDR (UNITED NATIONS INTERNA-
climatiques dans les pays en
TIONAL S TRATEGY FOR D ISASTER
développement », VertigO,
R EDUCTION ) [2011], Global
vol. 12, nº 1.
Assessment Report on Disaster
WESTERHOFF L., KESKITALO E. C. H. et
Risk Reduction : Revealing Risk,
Redifining Development, Genève. J UHOLA S. [2011], « Capacities
VANDENTORREN S., BRETIN P., ZEGH- across scales. Local to national
NOUN A. et al. [2003], « August adaptation policy in four Euro-
2003 heat wave in France : risk pean countries », Climate Policy,
factors for death of elderly vol. 11, p. 1071-1085.
people living at home », Euro- WISNER B., BLAIKIE P., CANNON T. et
pean Journal of Public Health, DAVIS I. [2004], At Risk. Natural
vol. 16, p. 583-591. Hazards, People’s Vulnerability,
VAN GAMEREN V. [2014], « Regional and Disasters, Routledge, Londres.
and local climate change adap- ZELAZOWSKI P., MALHI Y., HUNTING-
tation policies in developed FORD C. et al. [2011], « Changes
countries », in M ARKANDYA A., in the potential distribution of
G ALLARAGA I. et S AINZ D E humid tropical forests on a
M URIERA E. (dir.), Routledge warmer planet », Philosophical
Handbook of the Economics of Transactions of the Royal
Climate Change Adaptation, Society A, vol. 369, p. 137-160.
Routledge, Oxon.
VAN Y PERSELE J. P., « L’injustice Sites Internet utilisés :
fondamentale des changements
climatiques », Changements CCNUCC : <http://unfccc.int/
climatiques. Impasses et perspec- portal_francophone/items/
tives, numéro spécial, Alterna- 3072.php>.
tives Sud, vol. XIII, 2006/2, European Climate Adaptation Plat-
Louvain-la-Neuve. form — Climate-ADAPT :
VIGUIÉ V. et HALLEGATTE S. [2010], <http://climate-adapt.eea.
« Les villes aujourd’hui, quelle europa.eu/>.
Table des matières

Introduction 3
Définir l’adaptation 5
Un défi ancien, des dimensions nouvelles 6
Atténuation et adaptation 8
Plan de l’ouvrage 10

I Changement climatique : aspects physiques


Changements déjà observés 11
_ Encadré : Météo, climat, changement climatique
anthropique, variabilité climatique naturelle :
de quoi parle-t-on ? 12
Projections climatiques 13

II Dimensions sociales du risque climatique


Comprendre l’adaptation comme une stratégie
de gestion du risque climatique 23
Exposition et vulnérabilité 24
Des risques climatiques en évolution 25
_ Encadré : Le concept de vulnérabilité et l’évolution
de la compréhension du problème climatique, 26
Pertes occasionnées par les catastrophes liées
au climat 29
Décès dus aux catastrophes liées au climat, 32
Pertes économiques imputables aux catastrophes liées
au climat, 33
_ Encadré : Les leçons de la vague de chaleur extrême ayant
touché l’Europe lors de l’été 2003 ont-elles été tirées ? 36
122 L’ A D A P T A T I O N AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

L’incertitude climatique : un obstacle


à l’adaptation ? 37

III Cadre international


Naissance du régime international du climat 39
L’adaptation dans le cadre de la convention
sur le climat 41
Des débuts difficiles, 41
_ Encadré : Le Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat (GIEC), 42
L’émergence de l’adaptation dans les négociations
internationales, 43
_ Encadré : En vingt ans, un bouleversement du visage
des négociations, 47
Le financement international de l’adaptation 48
Le financement international ne correspond pas
à une compensation, 48
Quel est le coût de l’adaptation pour les pays
en développement ? 49
Des premiers financements tardifs et limités, 51
_ Encadré : Promesses tenues ? 52
Des promesses de financement conséquentes
mais difficilement vérifiables, 53
L’architecture fragmentée du financement international, 54

IV Politiques nationales et infranationales


Rôles des acteurs publics aux échelles nationale
et infranationale 59
L’intégration ou le mainstreaming de l’adaptation 61
Les stratégies et plans d’adaptation 63
En Europe, 63
Situation d’autres pays industrialisés et émergents, 68
Les efforts de planification de l’adaptation
dans les PMA, 69
_ Encadré : L’adaptation dans les villes, 70
Les instruments politiques mobilisables 72
_ Encadré : Liens et spécificités de l’adaptation
par rapport à la gestion des catastrophes, 74
Limites et perspectives des politiques
d’adaptation nationales et infranationales 75
TABLE DES MATIÈRES 123

V L’adaptation des acteurs privés


Justifications de l’adaptation des acteurs privés 77
Une adaptation différenciée selon les secteurs
d’activité 79
_ Encadré : Les assurances : un secteur clé en matière
d’adaptation, 80
L’adaptation des entreprises 84
_ Encadré : Exemples de stratégies d’adaptation
dans des entreprises, 85
L’adaptation des ménages et des individus 86
Acteurs privés, acteurs publics :
une interaction nécessaire 88
_ Encadré : La migration, stratégie particulière
d’adaptation, 89

VI Mesures et suivi de l’adaptation


Typologies des actions d’adaptation
au changement climatique 91
Indicateurs de l’adaptation au changement
climatique 97
_ Encadré : La « maladaptation » : une adaptation
mal placée, 101

Conclusion 103

Liste des acronymes et abréviations 107

Repères bibliographiques 109


Collection
R E P È R E S
créée par MICHEL FREYSSENET et OLIVIER PASTRÉ (en 1983),
dirigée par JEAN-PAUL PIRIOU (de 1987 à 2004), puis par PASCAL COMBEMALE,
avec SERGE AUDIER, STÉPHANE BEAUD, ANDRÉ CARTAPANIS, BERNARD COLASSE, JEAN-PAUL DELÉAGE,
FRANÇOISE DREYFUS, CLAIRE LEMERCIER, YANNICK L’HORTY, PHILIPPE LORINO, DOMINIQUE MERLLIÉ,
MICHEL RAINELLI, PHILIPPE RIUTORT, FRANCK-DOMINIQUE VIVIEN et CLAIRE ZALC.
Coordination et réalisation éditoriale : Marieke JOLY.
Le catalogue complet de la collection « Repères » est disponible sur notre site
http://www.collectionreperes.com

GRANDS REPÈRES
Classiques La comparaison dans les économique et sociologique sur un
sciences sociales. Pratiques et demi-siècle, Nicolas Herpin
R E P È R E S méthodes, Cécile Vigour. et Daniel Verger.
La formation du couple. Textes Enquêter sur le travail. Déchiffrer l’économie, Denis
essentiels pour la sociologie de la Concepts, méthodes, récits, Clerc.
famille, Michel Bozon et Christelle Avril, Marie Cartier et L’explosion de la
François Héran. Delphine Serre. communication. Introduction
Invitation à la sociologie, Faire de la sociologie. Les aux théories et aux pratiques de la
Peter L. Berger. grandes enquêtes françaises depuis communication, Philippe Breton
Un sociologue à l’usine. Textes 1945, Philippe Masson. et Serge Proulx.
essentiels pour la sociologie du Les ficelles du métier. Comment Les grandes questions
travail, Donald Roy. conduire sa recherche en sciences économiques et sociales, sous la
sociales, Howard S. Becker. direction de Pascal Combemale.
Dictionnaires Le goût de l’observation. Une histoire de la comptabilité
Comprendre et pratiquer nationale, André Vanoli.
R E P È R E S
l’observation participante en Histoire de la psychologie en
Dictionnaire de gestion, sciences sociales, Jean Peneff. France. XIXe-XXe siècles,
Élie Cohen. Jacqueline Carroy,
Guide de l’enquête de terrain,
Dictionnaire d’analyse Stéphane Beaud et Annick Ohayon et Régine Plas.
économique. Microéconomie, Florence Weber. Macroéconomie financière,
macroéconomie, monnaie, Michel Aglietta.
Guide des méthodes de
finance, etc., Bernard Guerrien
l’archéologie, La mondialisation de
et Ozgur Gun.
Jean-Paul Demoule, l’économie. De la genèse à la
Lexique de sciences François Giligny, Anne Lehoërff crise, Jacques Adda.
économiques et sociales, et Alain Schnapp. Nouveau manuel de science
Denis Clerc et Jean-Paul Piriou.
Guide du stage en entreprise, politique, sous la direction
Michel Villette. d’Antonin Cohen, Bernard
Guides Lacroix et Philippe Riutort
Manuel de journalisme. Écrire
R E P È R E S pour le journal, Yves Agnès. La théorie économique
néoclassique. Microéconomie,
L’art de la thèse. Comment Voir, comprendre, analyser les
macroéconomie et théorie des jeux,
préparer et rédiger un mémoire de images, Laurent Gervereau.
Emmanuelle Bénicourt et
master, une thèse de doctorat ou Bernard Guerrien.
tout autre travail universitaire à Manuels
Le vote. Approches sociologiques
l’ère du Net, Michel Beaud.
R E P È R E S de l’institution et des
Comment parler de la société. comportements électoraux, Patrick
Artistes, écrivains, chercheurs et Analyse macroéconomique 1.
Lehingue.
représentations sociales, Howard Analyse macroéconomique 2.
S. Becker. 17 auteurs sous la direction de
Comment se fait l’histoire. Jean-Olivier Hairault.
Pratiques et enjeux, La comptabilité nationale,
François Cadiou, Jean-Paul Piriou
Clarisse Coulomb, et Jacques Bournay.
Anne Lemonde et
Consommation et modes de vie
Yves Santamaria.
en France. Une approche
Composition Facompo, Lisieux (Calvados).
Achevé d’imprimer en mars 2014 sur les presses de
La Nouvelle Imprimerie Laballery à Clamecy (Nièvre).
Dépôt légal : mars 2014
Nº de dossier : 00000

Imprimé en France

Vous aimerez peut-être aussi

pFad - Phonifier reborn

Pfad - The Proxy pFad of © 2024 Garber Painting. All rights reserved.

Note: This service is not intended for secure transactions such as banking, social media, email, or purchasing. Use at your own risk. We assume no liability whatsoever for broken pages.


Alternative Proxies:

Alternative Proxy

pFad Proxy

pFad v3 Proxy

pFad v4 Proxy