Introduction Générale

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

La décentralisation, entendue comme transfert de compétences administratives et


financières du pouvoir central vers les entités locales autonomes, s’est imposée comme un axe
majeur des réformes institutionnelles au Cameroun. Initiée par la Constitution du 18 janvier
1996 et renforcée par diverses lois telles que la loi n o 2004/017 du 22 juillet 2004 portant
orientation de la décentralisation et la loi n o 2019/024 du 24 décembre 2019 portant CGCTD,
cette dynamique vise à rapprocher l’administration des citoyens, à promouvoir le
développement local et à renforcer la démocratie participative.
Dans ce cadre, les CTD, comprenant les communes et les régions, jouent un rôle
essentiel dans la planification et l’exécution des politiques publiques locales. Elles disposent
de compétences étendues en matière de développement économique, social et culturel, ainsi
que d’une autonomie financière conséquente pour la gestion de leur budget.
Toutefois, cette autonomie doit être assortie de mécanismes de contrôle
rigoureux pour garantir la transparence, la responsabilité et l’efficience dans l’utilisation des
ressources publiques.
La décentralisation aujourd’hui mobilise beaucoup de derniers publics malgré
la crise à laquelle sont encore confrontées les finances locales camerounaises 1. Parallèlement,
leur gestion est encore confrontée à de nombreuses difficultés qui tendent à entraver la
réalisation des objectifs qui leur ont été assignés. On dénombre ainsi : des irrégularités2 au
regard des normes de la comptabilité publique3 et des indélicatesses comptables,
d’importantes malversations financières justifiées par la multiplication des actes de
corruption4 qui tendent à y obtenir un droit de cité qui, en fin de compte, participent à une

1
AKONO OLINGA (André), L’apport de la performance au contrôle des finances locales au Cameroun, Thèse
de doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé II, 2020, p. 4.
2
Nous pouvons citer :
- Les fautes de gestions ;
- Les détournements de derniers publics ;
- Le non versement des fonds au trésor public ;
- L’absence des états d’émargement. Cette incohérence managériale a par exemple été relevée dans le cas
de l’arrêt no 72/AD/CSC/CDC/S2 du 29 septembre 2011 (commune urbaine de Garoua pour l’exercice
2004) ;
- La comptabilité de fait relevée également dans l’arrêt n o 118/P/S2 du 6 septembre 2012 (communauté
urbaine de Yaoundé pour l’exercice 2007) ;
- Le retard dans la production des comptes dans l’arrêt n o 187/D/S2 du 22 novembre 2012, compte de
gestion de la commune urbaine de Douala pour l’exercice 2009.
3
MAGNET (Jacques), Éléments de comptabilité, Paris, LGDJ (3e éd.), Coll. Système-Finances Publiques, 1996,
p. 11.
4
CHARTIER (Jean – Louis), « Les collectivités locales et la corruption », RFFP, no 69, 2000, pp. 87-94.
perte significative des fonds devant servir au financement des politiques publiques locales. Il
apparaît donc plus qu’impératif, que la collectivité satisfasse au mieux les besoins de la
population vivant sur son territoire. Cet objectif passe non seulement par l’amélioration de la
gestion financière de la collectivité, mais davantage par la pratique d’un contrôle dynamique 5
et efficace. Le contrôle de l’exécution du budget des collectivités
territoriales décentralisées au Cameroun soulève plusieurs interrogations. Malgré les avancées
législatives et institutionnelles, les défis majeurs subsistent en termes de gestion financière
locale. Les dysfonctionnements budgétaires, la corruption, l’inefficacité administrative et le
manque de transparence sont autant de maux qui entravent la bonne gouvernance locale. De
plus, les mécanismes de contrôle existants, qu’ils soient internes ou externes, peinent souvent
à remplir pleinement leur rôle, en raison de contraintes institutionnelles, logistiques et
humaines. L’amélioration de la gouvernance des finances
publiques en général, et de celles locales particulier y reste primordiale. Elle a pour
corollaires, la protection des finances publiques à travers l’impulsion d’une dynamique
d’adoption des mesures économique, juridique et politique sur les principes fondamentaux de
la transparence et de la bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques. À
l’analyse, l’adoption de ces mesures au Cameroun constitue primo, une manifestation des
réformes auxquelles notre administration publique est soumise ; secundo, une résultante de la
nécessité et surtout de l’obligation d’arrimer fondamentalement les finances publiques
camerounaises aux exigences de la nouvelle gouvernance financière publique. Cette dernière
est une approche managériale qui a foncièrement pour objectif la mise en place d’un système
de gestion par performance. À l’observation, les
finances publiques locales camerounaises sont imbibées de cette nouvelle philosophie qui
innerve la gestion publique. Elles « sont le « nerf de la guerre » en ce qu’elles conditionnent
la capacité des collectivités locales à mettre en œuvre les politiques publiques locales »6 et
d’atteindre leurs objectifs7. C’est dire en effet, que les finances publiques sont à la base de
toute action administrative, et aucune activité administrative ne s’exercent sans les finances
publiques8. Sur ces
entrefaites, la présente étude se penche sur la question, et se propose de mener une recherche

5
LEJOUR (Baptiste), Du contrôle budgétaire et financier au contrôle de gestion dans les collectivités locales,
Mémoire de D.E.S.S, Institut d’Études politiques de Lyon, 2003, p. 4.
6
YATTA (Paul François), « La gestion des finances locales en Afrique : Convergence et Divergence des
systèmes », RAFL, éd. 2014, pp. 2-35.
7
OWONA (Joseph), La décentralisation camerounaise, L’Harmattan Cameroun, 2011, p. 62.
8
LAKENE DONFACK (Charles-Étienne), Finances publiques camerounaises, Paris, Berger-Levrault, mars
1987, p. 16.
sur « Le contrôle de l’exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au
Cameroun ». Ainsi, pour mieux l’appréhender, il est plus que nécessaire de procéder à la
construction scientifique de notre étude en mettant un point d’honneur sur les cadres théorique
(I) et matériel (II), ainsi que les axes de ladite étude (III).

I- CADRE THÉORIQUE

L’étude sur le contrôle de l’exécution du budget des collectivités territoriales


décentralisées au Cameroun prend en compte un cadre théorique précis. Ce cadre théorique
met en exergue la conjugaison du cadre contextuel (A) et du cadre conceptuel (B) permettant
de mieux saisir les contours de notre sujet.

A- LE CADRE CONTEXTUEL

Le contrôle de l’exécution du budget des CTD au Cameroun s’inscrit dans un cadre à


la fois politique (1) et juridique (2). Politiquement, le Cameroun a entrepris une
décentralisation pour renforcer la gouvernance locale et favoriser le développement local.
Juridiquement, le foisonnement des textes relatifs à la décentralisation définit les règles de
gestion financière et les mécanismes de contrôle des CTD.

1- Le contexte politique

Le contrôle de l’exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au


Cameroun s’inscrit dans un contexte politique marqué par la décentralisation et la
gouvernance locale. Depuis les années 1990, le Cameroun a entrepris des réformes visant à
renforcer le pouvoir et l’autonomie des collectivités locales, notamment en matière de gestion
budgétaire. Cependant, ces réformes sont confrontées à des défis tels que la corruption, le
manque de transparence et de capacités institutionnelles.
Le contrôle de l’exécution du budget est donc crucial pour garantir une gestion
transparente et efficace des ressources au niveau local, dans un contexte où la gouvernance et
la reddition des comptes sont des enjeux majeurs. Les lois constitutionnelles révisées des pays
d’Afrique noire francophone9 ont singulièrement bouleversé la conception de l’autonomie
9
On peut citer la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
locale en matière de décentralisation territoriale dans un État unitaire de type classique. Elles
devancent en cela la révision de la Constitution française du 4 octobre 1958, dont on
connaissait déjà l’ampleur de l’influence enregistrée sur le constitutionnalisme africain.
Ce constat sonne opportunément le glas d’une opinion fort répandue, bien que
décriée par certains, selon laquelle « l’étendue des droits africains, en ce domaine
(constitutionnel) comme en droit public en général, serait de peu d’intérêt, car ils ne
représentaient que de simples prolongements des droits des pays industrialisés et plus
spécialement des anciennes métropoles. Ces droits ne seraient en outre que le produit d’une
influence générale et omniprésente de modèles et conceptions élaborés ailleurs, en ce sens
qu’ils auraient la caractéristique d’être sans réel impact, le mimétisme contribuant à leur
ineffectivité, leur principal office étant de remplir des fonctions purement symboliques 10 ».
Contre toute attente donc, outre son originalité sur des points tels que la protection des
minorités et des autochtones, le statut des religions, le constitutionnalisme africain des années
1990 est marqué par l’existence d’ « écritures de la Constitution propres à ces groupes de
pays qui font que les questions constitutionnelles sont élaborées de façon identique : les
Constitutions sont rédigées selon un même type de plan, les compétences sont définies selon
une même grille de répartition, les institutions communes s’y retrouvent systématiquement,
les mêmes absences st silences s’y répètent. Autant d’éléments qui créent entre les textes
français et ceux des États de succession française un effet de familiarité 11 ». De ces « airs de
famille, particularismes religieux, sociaux ou juridiques 12 », on pourrait même dire, qu’il se
dégage un ensemble cohérent tendant vers un arrimage aux normes de droit constitutionnel
contemporain dans le monde. En effet, à l’instar de la France depuis
1946, plusieurs pays d’Afrique noire francophone et Madagascar reconnaissent pour la
première fois dans leurs Constitutions, l’existence des collectivités territoriales décentralisées
à deux ou trois niveaux, comme entités juridiques autonomes faisant partie intégrante de leurs
territoires. Certaines lois fondamentales révisées de ces pays s’ouvrent en général par une
disposition liminaire commune qui proclame le caractère « unitaire et décentralisé » de la
République13. Au Cameroun, les acteurs du processus de
décentralisation mettent en œuvre leurs activités dans le respect de l’unité nationale, de
l’intégrité du territoire et de la primauté de l’État. Cette première orientation législative est
10
DU BOIS DE GAUDUSSON (Jean), « Le constitutionnalisme en Afrique », in Les constitutions africaines
publiées en langue française, Bruylant, 1978, p. 3.
11
Ibid.
12
Ces expressions sont de Martine Viallet et Didier Maus, « Préfaces », in Les constitutions africaines publiées
en langue française, op.cit., p. 2.
13
Art. 2, Loi constitutionnelle du Cameroun ; Art. 1er (nouveau) de la loi constitutionnelle de la France.
une donnée fondamentale de notre pays, où la tentation sécessionniste s’est parfois manifestée
d’une manière plus ou moins sérieuse. L’histoire de la décentralisation au Cameroun est
antérieure à l’indépendance du pays. Les premières communes de Yaoundé et de Douala ont
été créées en 1941. La loi no 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du
02 juin 1972 qui a donné une impulsion nouvelle et un rôle accru et déterminant à la
décentralisation pour améliorer et dynamiser le développement politique, social et
économique au Cameroun. Au sens de cette loi, deux dispositions pertinentes peuvent servir
d’assises normatives et précisément constitutionnelles du droit public financier local. En
premier lieu, l’on peut se référer à l’article 2 du titre premier de cette loi constitutionnelle qui
dispose que : « La République du Cameroun est un État Unitaire décentralisé14 ». Cette
disposition constitutionnelle, ne dissimule aucune ambiguïté au sujet de la forme et du mode
d’organisation administrative de l’État. Il s’agit clairement de la décentralisation
administrative, à l’exclusion de la décentralisation politique. La décentralisation
administrative postule non seulement l’autonomie administrative, mais aussi l’autonomie
financière des CTD. Plus loin, au terme du titre X, consacré aux CTD, le constituant
camerounais détermine, non seulement la nature des collectivités territoriales, mais
également, les principes fondamentaux régissant ces démembrements infra-étatiques, ainsi
que les missions qui leurs sont dévolues. Tel est l’objet de l’article 55 de cette loi
constitutionnelle. Au Cameroun, l’autonomie financière qui constitue un versant
constitutionnel de la libre administration des CTD comprend l’autonomie fiscale et
l’autonomie budgétaire. L’autonomie financière constitue une condition de réalisation de la
décentralisation. S’agissant particulièrement de l’autonomie budgétaire, les CTD
camerounaises bénéficient depuis l’avènement de la décentralisation, d’un certain nombre de
prérogatives en matière de recettes et de dépenses. Ces prérogatives ne leur confèrent pas une
réelle autonomie15. Elles ne mettent en œuvre qu’un pouvoir budgétaire que leur confère la
loi16. Ce pouvoir, bien qu’affirmé par le législateur reste strictement encadré au point où l’on
s’interroge sur la pertinence de la liberté des collectivités territoriales en matière budgétaire 17.
La gouvernance est l’un des enjeux de la décentralisation.
On décentralise parce qu’il y a des problèmes de
gestion au niveau central qui empêchent l’État de répondre aux besoins des citoyens. Mais, si

14
Art. 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
15
MONGBAT (Alassa), DJODA (Jean-Marc), « Recherche sur le pouvoir budgétaire des collectivités
territoriales décentralisées en droit public financier camerounais », IMJST, Vol. 5, 2020, pp. 2203-2217, p. 2203.
16
Ibid.
17
Idem.
on n’anticipe pas sur les risques d’exclusion, de corruption, de confiscation du pouvoir local,
la décentralisation peut simplement signifier transférer les problèmes du niveau central vers le
niveau local sans pour autant les résoudre.
Le Cameroun en général et les CTD en particulier n’ont pas
échappé à cette préoccupation du contrôle car leurs finances ont été confrontées à plusieurs
maux : mauvaise gouvernance et détournements de derniers publics ont sans nul doute
accentué la problématique de la qualité et de l’efficacité des mécanismes de contrôle. Nous
avons encore en mémoire le classement de l’ONG Transparency International, qui a classé le
Cameroun deux fois champion du monde de la corruption18. Notre étude s’insère dans un
contexte politique marqué par des scandales de la corruption, de détournement de derniers
publics et de mauvaise gestion qui se répandent, au sein des régions et des communes comme
une traînée de poudre. C’est pourquoi, le législateur camerounais consacre des modalités de
contrôle de l’exécution du budget des CTD afin de « tordre le cou » aux irrégularités
survenues dans le processus de l’exécution de la dépense publique locale. C’est d’ailleurs la
raison pour laquelle « La fonction de contrôle des finances publiques est devenue un des
standards du droit et de la gestion des finances publiques dans le monde 19 ». En gros, le
contexte politique de cette étude sur le contrôle de l’exécution du budget des CTD au
Cameroun est marqué par les défis persistant en matière de gestion financière et de
gouvernance au niveau local. Dans un
pays où la décentralisation est un pilier de la gouvernance publique, le contrôle efficace de
l’exécution du budget revêt une importance cruciale pour assurer la transparence, la
responsabilité et l’efficacité dans l’utilisation des ressources publiques. Le contexte politique,
économique et institutionnel du Cameroun influence directement les mécanismes et les
pratiques de contrôle budgétaire au niveau des CTD, et met en lumière l’urgence d’une
analyse approfondie de ces processus. La dynamique complexe entre l’État et les collectivités
locales, les ressources financières limitées et la pression croissante pour répondre aux besoins
des populations sont autant de facteurs qui façonnent le contexte dans lequel s’inscrit cette
étude. En comprenant pleinement le contexte spécifique dans lequel s’opère le contrôle de
l’exécution du budget du Cameroun, cette étude vise à fournir des recommandations
pragmatiques adaptées pour renforcer les mécanismes de contrôle et améliorer la gestion
financière des collectivités territoriales décentralisées.
18
Classement de l’ONG Transparency International de 1998 et 1999, « https://issue.com/tranparency-
international/docs »/CPI-1998, 1999. Lire Claude Assira, « Procès et procédures : état de non droit permanent »,
in sous la direction de Charlie Gabriel MBOCK, L’opération épervier au Cameroun, un droit d’injustice, éd.
Kiyikant, octobre 2011, p. 49 et s.
19
MÉDÉ (Nicaise), Finances publiques Espace UEMOA/UMOA, Sénégal, L’harmattan, 2016, p. 323.
2- Le contexte juridique

Le contrôle de l’exécution du budget des collectivités territoriales décentralisées au


Cameroun est encadré par une diversité de texte juridiques, notamment la Constitution, les
lois relatives à la décentralisation et à la décentralisation fiscale et financière, ainsi que les
textes règlementaires et les directives émis par les autorités compétentes.
Sans prétendre à l’exhaustivité de ces textes, la Constitution Camerounaise reconnaît
le principe de la décentralisation20 et établit les bases de l’autonomie financière 21 des
collectivités territoriales. Elle dispose également les principes de transparence, de reddition
des comptes et de gestion rigoureuse des finances publiques. La décentralisation au
Cameroun, inscrite dans la loi n o 2019/024 du 24 décembre 2019, vise à renforcer la
gouvernance locale et la participation citoyenne.

Depuis le 24 décembre 2019, la décentralisation territoriale au Cameroun est


harmonisée autour d’un texte constitutif : le Code Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées22. Ce texte marque la volonté des pouvoirs publics à accélérer le processus de
décentralisation amorcé depuis 1996. Dans cette mouvance, on assiste à une évolution
remarquable de la d’un régime financier des CTD via la consécration d’une autonomie
administrative et financière. À ce titre, la fiscalité locale, les dotations et les ressources
propres acquises par les CTD constituent les bases de la décentralisation financière 23.
Cependant, pour assurer une gestion financière transparente et efficace, un cadre
juridique solide est nécessaire. La loi no 2009/011 du 10 juillet 2009 établit ce cadre en
définissant les principes budgétaires et les organes de gestion financière au niveau local. La
loi no 2009/011 du 10 juillet 200924, pose les fondements des finances locales en énonçant les
principes de l’équilibre budgétaire, de l’annualité, de la sincérité et de la transparence. Elle
établit également la procédure budgétaire, comprenant l’élaboration, l’adoption, l’exécution et
le contrôle du budget des collectivités territoriales décentralisées. Les organes de gestion
financière, tels que les conseils municipaux et les conseils régionaux, sont chargés de cette
gestion.
Le contrôle financier des budgets locaux repose sur plusieurs mécanismes institués par
20
Art. 1er al. 2 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996.
21
L’autonomie financière doit « se manifester par l’exercice d’une compétence fiscale et d’un pouvoir
budgétaire au niveau local », PHILIP (Loïc), « Les garanties constitutionnelles du pouvoir financier local »,
RFDA, no3, mai – juin 1992, p. 454.
22
Loi no 2019/024 du 24 décembre 2019, portant Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées.
23
YATTA (François Paul), La décentralisation financière en Afrique, Succès, problèmes et contraintes, Paris,
PDM, 2000, p. 1.
24
Loi no 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des collectivités territoriales décentralisées.
la loi no 2018/012 du 11 juillet 201825 et les textes règlementaires. Les commissions de
contrôle financier, composées de représentants de l’État et des collectivités locales, sont
chargées de vérifier la régularité, la sincérité et la conformité des opérations financières des
collectivités territoriales décentralisées. Elles émettent des avis et des recommandations visant
à améliorer la gestion financière locale. À travers des cas pratiques, il est possible d’illustrer
l’application du contrôle financier des budgets locaux au Cameroun. Par exemple, des audits
réalisés par les commissions de contrôle financier ont révélé des irrégularités dans la gestion
des fonds publics dans certaines collectivités. Les décisions prises suite à ces audits ont
souvent conduit à des mesures correctives et à des sanctions administratives, démontrant ainsi
l’efficacité du contrôle financier dans la préservation des derniers publics.
Hormis le cadre contextuel, le cadre théorique de notre
étude prend également en compte le cadre conceptuel.

B- LE CADRE CONCEPTUEL

Émile DURKHEIM affirmait que le chercheur « doit d’abord définir les choses dont il
traite afin que l’on sache et qu’il sache de quoi il est question 26 ». A ce titre, notre sujet repose
sur certains concepts dont la compréhension mérite une définition assez précise afin de donner
sens à leur usage dans le corps de nos développements. Il s’agit précisément des concepts de
contrôle, de l’exécution, du budget et de collectivités territoriales décentralisées,

1- La définition du concept de « contrôle »

Le concept de « contrôle » peut être appréhendé sous une double acception, l’une
littéraire (a) et l’autre juridique (b).

a- L’acception littéraire

Dans son acception littéraire, le concept de « contrôle » peut simplement signifier, la


vérification ou la surveillance. Dans le cadre de la gestion, le contrôle se réfère à « l’analyse

25
Loi no 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
26
DURKHEIM (Émile), Les règles de la méthodologie, Paris, PUF, 1891, p. 34.
des écarts entre prévisions et réalisations »27.
Le concept de « contrôle » dans le cadre de son acception littéraire, semble moins
original et moins adapté dans le cadre de notre étude. C’est la raison pour laquelle, ce concept
mérite une définition juridique plus précise pour la compréhension de notre argumentaire.

b- L’acception juridique

La question du contrôle des finances publiques est un immense sujet consubstantiel à la


création et la gestion des sociétés28. Elle se pose avec insistance et pertinence, qu’elle
n’épargne aucun pays adhérant à l’idéologie de l’État de droit et de la démocratie.
Le contrôle de gestion financière des personnes publiques apparaît
aujourd’hui comme sinon un paramètre, du moins un déterminant de la bonne gouvernance et
de la démocratie. Il participe de l’efficacité et de la transparence des finances locales pour une
meilleure offre de biens pour le citoyen29. Le citoyen qui demeure par ailleurs, le contribuable
par excellence. Il est alors admis à cet effet, que : « le contrôle des finances publiques tire son
fondement du principe du consentement du peuple à l’impôt »30. On peut dès lors remarquer,
que : « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants,
la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et
d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée »31. Encore mieux, « la
société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »32. Une
analyse exégétique de ces dispositions suggère, qu’il s’agit là, d’une matrice fondamentale de
nombre de principes qui régulent la vie financière des personnes publiques. Parmi ces
principes, se trouve indubitablement l’exigence de contrôle.
En effet, le contrôle dans une appréhension préliminaire, est un
examen, une vérification. Dans le cas d’espèce, c’est une vérification exercée sur la gestion
des finances locales. Ces dernières s’entendent comme étant, les finances des personnes
morales de droit public, notamment les CTD dans le cadre de notre étude. Elles constituent
une variante des finances publiques. À ce titre, Messieurs Paul Marie GAUDEMET, et Joël

27
Dictionnaire Universel, Hachette (4e éd.), p. 275.
28
GRANDGUILLAUME (Nicolas), Théorie générale du contrôle, Paris, Economica, 1994, 187 p.
29
BENSOUDA (Noureddine), « Efficacité et transparence des finances publiques pour une meilleure offre de
biens pour le citoyen », RFFP, no 100, Novembre 2007, pp. 333 – 336.
30
BESSALA (Alain Georges), Ajustement Structurel et Droit Budgétaire Camerounais : contribution à l’étude
des Droits Budgétaires des États Africains sous Ajustements Structurel, Thèse de Doctorat PhD en Droit Public,
Université de Yaoundé II, 2013-2014, p. 431.
31
Art. 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
32
Ibid., Art. 15.
MOLINIER relèvent que : « les finances publiques constituent une richesse »33 et, un « moyen
d’action des collectivités publiques »34. Ces ressources sont employées par ces personnes
publiques, pour la satisfaction directe ou indirecte des besoins d’intérêt général, même si à
l’observation du déploiement du secteur public aujourd’hui, l’on peut avoir un sentiment de
corrosion de l’intérêt général35 pourtant inébranlable36. Il faut préciser que le constituant
camerounais de 1996, a consacré deux types de CTD, les régions et les communes.
Contrairement à la commune37, la mise en place de la région se trouve encore dans les sentiers
de la progressivité consacrée par la constitution. Par ailleurs, l’institution communale
demande encore un champ d’investigation juridique particulièrement profond, même si sous
d’autres cieux, certains s’interrogent sur l’avenir de cette dernière.
Le contrôle en clair, renvoie à la vérification des
actes et des documents. M. Gérard CORNU entend par contrôle, une « opération consistant à
vérifier si un organe public, un particulier ou un acte respectent ou ont respecté les exigences
de leurs fonctions ou des règles qui s’imposent à eux. Ex. contrôle fiscal, contrôle de la
régularité d’un compte »38. Dans son acception juridique plus large, le concept de
« contrôle » renvoie à la « vérification de la conformité à une norme, d’une décision, d’une
situation, d’un comportement, etc. »39. Pour l’éminent auteur Michel BOUVIER,
contrôler c’est faire des investigations et mener des recherches sur la sincérité et l’exactitude
d’un fait, d’une pièce ou d’une situation 40. Poursuivant son propos, il précise, qu’il s’agit des
opérations de recherches et d’analyses41. Il parle à cet effet, d’un « contrôle vérification »42.
Sous ce rapport, il faut relever, que la logique de l’assimilation du contrôle à la vérification
semble rencontrer l’adhésion de M. Jean-François FABRE cité par M. Cheickna TOURE 43. Le
chercheur l’appréhende comme une mesure dont la finalité est de s’assurer qu’une chose est

33
GAUDEMET (Paul Marie), MOLINIER (Joël), Finances publiques, Paris, budget / trésor, Tome 1,
Montchrestien (6e éd.), 1992, p. 16.
34
Ibid., p. 17.
35
PONTIER (Jean – Marie), « L’intérêt général existe-t-il encore ? », Recueil Dalloz, 1998, pp. 327 et suivantes.
36
RANGEON (François), « Peut-on parler d’un intérêt général local ? » in La proximité en politique : Usages,
rhétoriques, pratiques, Rennes, PUR, 2005, pp. 45 – 46.
37
PEKASSA NDAM (Gérard Martin), « La classification des communes au Cameroun », RASJ, no 1, Vol. 6,
2009, pp. 229 – 266.
38
CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, p. 236.
p. 236.
39
Ibid.
40
BOUVIER (Michel), Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt, Paris, LGDJ (6e éd.), 2004,
p. 1.
41
BOUVIER (Michel), Les finances locales, Paris, LGDJ (12e éd.), 2013, p. 4.
42
Idem.
43
TOURE (Cheickna), « Le système de contrôle des finances publiques au Mali », Afrilex, no 4,
https://www.afrilex.u-bordeaux4.fr.
bien, telle qu’on l’a déclarée, ou telle qu’elle doit être par rapport à une norme donnée 44. Eu
égard à la clarification du concept de « contrôle », le contrôle de l’exécution du budget peut
donc être appréhendé comme un processus par lequel les autorités compétentes vérifient si les
dépenses prévues dans le budget d’une collectivité territoriale décentralisée sont effectivement
réalisées conformément aux priorités et aux normes établies. Souvent qualifié de « contrôle
de gestion », celui-ci trouve ses fondements au lendemain de la seconde guerre mondiale
suite aux efforts menés par les États-Unis d’Amérique de conduire la guerre à moindre coût et
de maîtriser l’avenir des entreprises45. Aussitôt, il va s’affirmer comme un véritable outil
d’aide à la performance au sein des entreprises et se répandre dans le monde capitaliste. 46
Parallèlement, la nouvelle culture
managériale résultant des réformes internationales au sein des États, appréhende le contrôle de
gestion comme un outil d’aide à la performance qui viendra contribuer à l’efficacité des
politiques publiques47. KHEMAKHEM (1976) met l’accent sur la mobilité des énergies et des
ressources pour atteindre les objectifs fixés par l’entité. De cette réflexion découle la
définition suivante : « le contrôle de gestion est le processus mis en œuvre au sein d’une
entité économique pour s’assurer d’une mobilisation efficace et performante des énergies et
des ressources en vue d’atteindre l’objectif que vise cette entité 48 ». Qu’il s’agisse d’une
organisation publique ou privée, le contrôle de l’exécution du budget est un processus qui vise
à surveiller et à évaluer la mise en œuvre des dépenses prévues dans le budget d’une entité.
Ce processus
comprend différentes activités telles que la vérification des dépenses effectuées par rapport
aux prévisions budgétaires, l’évaluation de la conformité aux règles et aux réglementations en
vigueur, et l’analyse de l’efficacité et de l’efficience des dépenses réalisées. En d’autres
termes, le contrôle de l’exécution du budget permet de s’assurer que les fonds alloués dans le
budget sont utilisés de manière transparente, responsable et conforme aux objectifs fixés. Il
contribue également à détecter les écarts éventuels entre les prévisions budgétaires et la
réalité, ce qui permet d’identifier les problèmes potentiels et de prendre des mesures
coercitives si nécessaire. Le
contrôle de la gestion des finances publiques est un mécanisme indispensable à la bonne au

44
FABRE (Jean-François), Le contrôle des finances publiques, Paris, PUF, 1968, p. 8.
45
TCHATCHOUA NYA (Magloire), NJIKE NGOMESSE (Désirée), KETCHANKEU (Pierre), « Perception des
enjeux du contrôle de gestion dans les municipalités au Cameroun : une approche par le cadre théorique de
l’acteur stratégique ? », FFI, Vol. 1, no 25, 2013, pp. 1-24., p. 3.
46
Ibid.
47
Idem.
48
KHEMAKHEM (Abdellatif), La dynamique du contrôle de gestion, Dunod (2e éd.), 1976.
niveau local. Cela est d’autant plus important, que l’évolution de la situation financière des
CTD se conjugue à la complexification du secteur local 49. Le secteur local en pleine
métamorphose, s’apparente progressivement à un système dont le contrôle et la régulation
deviennent particulièrement malaisés à assurer50. En marge du
concept de « contrôle », le mot exécution qui apparaît dans l’intitulé de notre thème de
recherche mérite d’être défini.

2- La définition du concept d’« exécution »

Le concept d’exécution peut être défini sous un double angle. Il peut être défini sous
l’angle littéraire (a) et sous l’angle juridique (b).

a- L’acception littéraire

L’exécution fait référence à une « action d’exécuter, d’accomplir »51. L’exécution


renvoie en quelque sorte à « l’accomplissement d’une obligation, d’un jugement »52. Cette
définition ne semble pas suffisante pour cerner les contours de notre étude. C’est pourquoi,
pour plus de clarté et de précision, une acception juridique est extrêmement importante.

b- L’acception juridique

Dans son acception juridique, le mot « exécution » renvoie à l’ « accomplissement,


par le débiteur, de la prestation due ; fait de remplir son obligation (impliquant donnée au
créancier) »53. Compte tenu de la définition du mot « exécution », l’exécution du budget dans
le cadre de notre analyse, fait référence à la mise en œuvre des dépenses et des recettes
prévues dans le budget public d’une entité administrative ou gouvernementale. Cela
comprend la réalisation des dépenses autorisées pour différents programmes et projets, ainsi
que la collecte des recettes fiscales et autres sources de financement prévues.
Cette phase de l’exécution budgétaire implique également le suivi et le

49
AKONO OLINGA (André), L’apport de la performance au contrôle des finances locales au Cameroun, Thèse
de doctorat en Droit Public, op.cit., p. 5.
50
BOUVIER (Michel), Les finances locales, op.cit., p. 20.
51
Dictionnaire Universel, op.cit., p. 459.
52
Dictionnaire Larousse, p. 163.
53
CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, p. 384.
contrôle des dépenses effectuées pour s’assurer qu’elles sont conformes aux autorisations
budgétaires et aux règles financières en vigueur. Elle peut également impliquer des
ajustements ou des réallocations de fonds en cours d’exercice budgétaire pour répondre aux
besoins changeants ou aux situations d’urgence. L’exécution du budget comporte donc deux
phases, qu’il s’agisse de la dépense ou de la recette publique : la phase administrative et la
phase comptable. Mais avant de parler d’une quelconque exécution, il sied de rappeler que
celle-ci fait, traditionnellement intervenir deux grandes catégories d’acteurs : les ordonnateurs
qui décident de l’opération en recette ou en dépense et les comptables publics qui, procèdent
au recouvrement ou au paiement de ces opérations54.
Afin d’assurer un contrôle de régularité le plus
étendu possible dans la gestion financière publique, les fonctions d’ordonnateur et de
comptable public sont confiées à des autorités différentes dont les compétences sont
strictement délimitées. L’un et l’autre bénéficient, également, d’une indépendance réciproque.
Une finalité et des exigences qui se confondent au sein de ce que l’on nomme le principe de
séparation des ordonnateurs et des comptables publics 55. Les ordonnateurs disposent d’une
compétence particulièrement large dans la mesure où les trois premières opérations de chaque
phase budgétaire relèvent de leurs prérogatives. Seul le maniement des derniers publics leur
est interdit, car réservé aux comptables publics. Ces derniers sont donc les seuls agents
autorisés à manier les fonds publics, aussi bien en recette qu’en dépense. À ce titre, ils ont la
charge de contrôler les ordres de recouvrer et de payer transmis par les ordonnateurs.
Le terme « exécution dans le cadre des finances
publiques locales ne se suffit pas. Il y a lieu de se demander ce que l’on exécute. C’est
pourquoi ce terme mérite d’être complété par la définition du concept de « budget ».

3- La définition du concept de « budget »

Le concept de « budget » est un mot polysémique qui peut être entendu non seulement
sous l’angle littéraire (a), mais aussi sous l’angle juridique (b).

a- L’acception littéraire

54
« L’exécution des lois de finances », Article disponible en ligne sur
https://www.fallaitpasfairedudroit.fr/finances-publiques/les-finances-de-l-execution-du-budget/66-la-
responsabilite-des-ordonnateurs-et-des-comptables-synth, Consulté jeudi, 21 mars 2024 à 18h18 min.
55
Ibid.
Sous l’angle littéraire, le budget peut être défini comme un « état de prévision des
recettes et des dépenses d’un pays, d’un département, d’une famille, d’un particulier, etc. »56.
Il ressort de cette définition une typologie de budget. Non seulement cette définition du
budget fait référence au budget général de l’État, ce qui a été qualifié de « recettes et dépenses
d’un pays », mais aussi au budget des collectivités locales, au budget familial et au budget
d’une personne physique. Cette définition littéraire du budget semble plus large, c’est
pourquoi, il est judicieux de l’appréhender sous l’angle juridique.

b- L’acception juridique

Dans le cadre juridique, le concept de « budget » peut, être défini au sens formel et au
sens matériel. Formellement, le budget est un « acte par lequel sont prévues et autorisées les
recettes et les dépenses des organismes publics »57. Au sens matériel du terme, il peut être
appréhendé comme l’« ensemble des recettes et dépenses d’un organisme public, autorisées
et effectuées au titre d’une année »58. Le budget peut encore être défini comme un « état
prévisionnel et limitatif des dépenses et des recettes à réaliser au cours d’une période donnée
par une unité économique »59. L’établissement d’un budget implique des choix, puis le
respect de ceux-ci lors de l’exécution, mais au préalable, une information sur l’avenir plus
satisfaisante possible est nécessaire60. La qualité de cette information dépend de la nature de
l’unité économique, de l’horizon temporel dans lequel s’inscrit le budget.
Chaque année, les gouvernements préparent et rendent publics les documents
budgétaires qui vont définir leur action économique et financière 61. Ces documents sont repris
par les médias qui les dissèquent, en font une présentation simplifiée et recueillent les
commentaires de nombreux spécialistes. Des groupes d’intérêt divers vérifient si les mesures
annoncées correspondent aux demandes qu’ils ont faites et prennent position sur la place
publique. S’ils ont une telle couverture de presse et si l’opinion publique est interpellée par les
documents budgétaires, c’est qu’ils expriment clairement le programme d’action d’un
gouvernement, avec les contraintes qui sont les siennes. C’est d’ailleurs ce que soulignait un
premier ministre Québec, René LÉVESQUE : « Un budget réussi, pourvu qu’on sache le lire,
c’est chaque année, la photo la plus précise qu’on peut tirer d’une société, avec tout son pain

56
Dictionnaire de Français Larousse, p. 53.
57
CORNU (Gérard), Vocabulaire juridique, op.cit., p. 124.
58
Ibid.
59
SILEM (Ahmed), ALBERTINI (Jean-Marie), Lexique d’économie, Dalloz, (11e éd.), 2010, p. 118.
60
Ibid.
61
CLICHE (Pierre), Gestion budgétaire et dépenses publiques, Québec, PUQ, 2009, p. 13.
et tout son beurre62 ».
En fait, le budget est sans doute l’ensemble de documents le plus important publié
annuellement par un gouvernement. Il indique ses priorités, puisque les ressources étant rares,
des choix ont dû être effectués par rapport à de multiples possibilités. Il s’inscrit, ce faisant,
dans une démarche d’imputabilité car les choix étant explicites, une reddition de comptes
devra s’ensuivre. Mais à travers ces documents, il est également possible de voir apparaître
tout le fonctionnement d’un État et la dynamique des rapports entre ses différentes
composantes. De même, si le budget permet de mieux comprendre l’environnement concret
de la gestion publique, il est aussi le reflet de la part de la richesse collective consacrée à la
production de biens et de services publics63.
À la suite du législateur communautaire, à travers les directives du 19
décembre 2011, le législateur camerounais prend le soin d’internaliser et de s’approprier, la
programmation budgétaire comme une nouvelle logique ou stratégie d’élaboration des
budgets des personnes publiques. Cette stratégie nouvelle, qui ne répudie pas totalement la
teneur de l’annualité budgétaire, consacre désormais la programmation budgétaire. Celle-ci
postule l’élaboration des activités et actions des personnes publiques au-delà d’une année
budgétaire, mais dans une limite n’excédant pas trois (3) ans. De même, en dépassement du
principe de l’équilibre budgétaire consacré par l’article 35 64 de la loi du 10 juillet 2009 portant
régime financier des CTD, le législateur camerounais du 11 juillet 2018, consacre désormais
un principe de soutenabilité budgétaire. En effet, tandis que l’équilibre budgétaire se résume
autour de l’interdiction de déficit ou excédent budgétaire, le principe de soutenabilité
budgétaire quant à lui, autorise les personnes publiques à exécuter les budgets déficitaires à
condition de pouvoir assumer les dépenses prioritaires inscrites dans les programmes
budgétaires. Avant même de parler de l’exécution et du contrôle de
l’exécution, le budget des CTD au Cameroun est mis en œuvre par l’étape préalable qu’est
l’élaboration. L’élaboration du budget, du latin « Laborare », qui signifie « travailler »,
l’élaboration du budget des CTD est une étape qui désigne l’ensemble des opérations ou des
activités juridiques préalables à l’exécution du budget des personnes publiques. À cet effet,
l’élaboration du budget des CTD au Cameroun se déroule en trois phase 65 à savoir : la
préparation, le vote ou l’adoption et l’approbation.
62
LEVESQUE (René), Attendez que je me rappelle, Montréal, Québec-Amérique, 525 p.
63
CLICHE (Pierre), op.cit.
64
L’article 35 de la loi no 2009/011 du 10 juillet 2009, portant régime financier des collectivités territoriales
décentralisées dispose à cet effet que : « le budget est voté en équilibre en recettes et en dépenses ».
65
Les phase de l’élaboration du budget des CTD au Cameroun sont : la préparation, le vote ou l’adoption et
l’approbation.
La préparation du budget local est une notion qui
met en exergue deux approches complémentaires : l’une classique et l’autre moderne. Dans
son approche classique, la préparation du budget des personnes publiques consiste à
déterminer les prévisions de recettes et de dépenses d’une personne publique. En revanche, la
conception moderne consacrée en droit positif camerounais par les lois n o 2007/006 du 26
décembre 2007, portant régime financier de l’État, et la loi n o 2018/011 du 11 juillet 2018,
portant régime financier de l’État et des autres entités publiques, consacrent l’élaboration des
programmes comme articulation nouvelle de l’élaboration du budget des personnes publiques.
Il s’agit, au-delà des prévisions de recettes et de dépenses, de déterminer les projets, activités
et action à réaliser par les pouvoirs publics au cours du prochain exercice budgétaire ou
encore durant une période triennale. L’adoption du budget communal ou
régional quant à elle, est une phase qui incombe à l’organe délibérant de chacune des CTD ci-
dessus évoquées. Telle est la teneur de l’article 422 (1) du CGCTD66.
En ce qui concerne l’approbation
du budget des CTD, elle en mise en œuvre par les organes d’approbation tels que, les organes
délibérants des CTD et les autorités de tutelle des CTD. En effet, « le budget de la
Collectivité Territoriale est approuvé par arrêté du représentant de l’État dans un délai de
quinze (15) jours suivant la date de sa réception par celle-ci. Passé ce délai, le budget est
réputé approuvé67 ». Hormis le concept de « budget »,
le concept de « collectivité territoriale décentralisée » qui, apparaît dans l’intitulé de notre
thème de recherche mérite à son tour d’être défini.

4- La définition du concept de « collectivité territoriale décentralisée »

Au sens du Vocabulaire juridique de Gérard CORNU, une collectivité territoriale


décentralisée ou locale, corollaire de la « décentralisation administrative » renvoie à un
« ensemble d’habitants d’une même partie du territoire ayant des intérêts communs gérés par
des organes administratifs qui lui sont propres 68 ». Autrement dit, les CTD renvoient donc à
des entités administratives locales dotées d’une certaine autonomie qui est à la fois
administrative et financière permettant de gérer les affaires locales dans un cadre défini par la

66
L’article 422 (1) du CGCTD dispose à cet effet que : « le budget de la collectivité territoriale, est voté, par
l’organe délibérant, au plus tard le 15 Novembre de chaque année ».
67
Art. 426 du CGCTD.
68
SILEM (Ahmed), ALBERTINI (Jean-Marie), Lexique d’économie, op.cit., p. 171.
loi. C’est dans cette perspective que, la loi n o 2004/017 du 22 juillet 2004 portant loi
d’Orientation de la Décentralisation définit les collectivités territoriales comme des personnes
morales de droit public69 jouissant d’une autonomie administrative et financière pour la
gestion des intérêts régionaux et locaux.
Au Cameroun, cela peut inclure les communes, les régions et autres entités
territoriales. Eu égard à cette définition, il ressort qu’au sein d’un État unitaire dont
l’organisation est décentralisée70, comme c’est d’ailleurs le cas du Cameroun, les CTD sont
des circonscriptions administratives dotée de la personnalité morale et de l’autonomie
administrative et financière71. En définissant l’autonomie financière, Monsieur André ROUX
martèle qu’elle « revêt une double dimension. En premier lieu, c’est la reconnaissance d’une
capacité juridique de décision qui, en matière de recettes, implique un véritable pouvoir
fiscal, le pouvoir de créer et, de lever l’impôt et, qui en matière de dépenses implique la
liberté de décider d’affecter les ressources à telle ou telle dépense. En second lieu, c’est la
possibilité pour les collectivités régionales ou locales d’assurer le financement de leurs
dépenses par des ressources propres en volume suffisant 72 ». Pour cet auteur, le pouvoir fiscal
local est d’abord un pouvoir normatif, c'est-à-dire le pouvoir de créer les recettes fiscales. Or,
ce pouvoir de création de recette appartient au Parlement en vertu du principe de la légalité
fiscale. Ensuite, le pouvoir fiscal local est budgétaire, c'est-à-dire le pouvoir de percevoir
l’impôt et de l’utiliser librement. Cette conception extensive du pouvoir fiscal local ne fait pas
l’unanimité en doctrine. La raison semble être simple. Doter les collectivités locales du
pouvoir de créer les recettes fiscales serait une atteinte au principe de la légalité fiscale dans
un État dont la forme revêt un caractère unitaire et décentralisé. C’est pourquoi l’autonomie
financière s’entend pour certains « comme la situation d’une collectivité locale disposant
d’un pouvoir propre de décision et de gestion de ses recettes et des dépenses regroupées en un
budget nécessaires pour l’exercice de ses compétences 73 ». Autrement dit, « l’autonomie
implique un pouvoir fiscal local, accompagné d’un pouvoir budgétaire autonome dotant les
collectivités locales de la capacité de disposer d’un budget propre, distinct du budget général
de l’État, et dont l’exécution se fait indépendamment de toute contrainte extérieure ou

69
Art. 4 (4) de la loi no 2004/017 du 22 juillet 2004 portant loi d’Orientation de la Décentralisation.
70
AVRIL (Pierre), GICQUEL (Jean), Lexique de droit constitutionnel, PUF (4e éd.), p. 23.
71
Ibid.
72
ROUX (André), « L’autonomie financière des collectivités locales en Europe », Rapport introductif, AIJC,
2006, p. 499 ; du même auteur, « Le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités
territoriales », RFDA, 1992, Vol. 8, no 3, pp. 435-452.
73
ESSONO OVONO (Alexis), « L’autonomie financière des collectivités locales en Afrique noire francophone.
Le cas du Cameroun, de la Côte-d’Ivoire, du Gabon et du Sénégal », REA, Bordeaux 4, pp. 1-24, p. 2.
précisément de toute influence étatique74 ». Cependant, le pouvoir fiscal local ne serait qu’un
élément du pouvoir budgétaire. L’on peut soutenir cet avis par le fait que le fiscal constitue un
élément du budgétaire. En droit budgétaire, l’impôt constitue une matière budgétaire et une
recette permanente du budget. A l’analyse, l’étude sur le pouvoir budgétaire des collectivités
territoriales se situe dans le vaste champ de la décentralisation financière. En effet, finances
publiques et décentralisation ne s’excluent pas l’une de l’autre. La première constitue la
condition sine qua non de réalisation de la décentralisation. La seconde quant à elle ne peut
être effective que si les collectivités territoriales décentralisées disposent des moyens
nécessaires pour financer le développement local. Pour ce faire, elles ont besoin d’un véritable
pouvoir budgétaire qui constitue une condition de l’autonomie financière 75 et permet la
réalisation de la décentralisation76 . En vertu du principe de subsidiarité 77, le législateur leur
accorde un certain nombre de compétences en matière financière pour gérer les affaires
publiques locales78. C’est au regard de ce principe qu’il est reconnu aux CTD d’exercer
certaines compétences au niveau local dans l’optique de limiter l’intervention de l’État sans
toutefois l’effacer79. Les CTD qui bénéficient de cette
autonomie financière au Cameroun sont de deux types à savoir les régions et les communes 80.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Georges VEDEL affirme que : « Ce n’est pas l’État
qui a changé la vieille société ; c’est la nouvelle société qui a changé l’État 81 ». Nous ne
pouvons envisager aborder ce sujet sans avoir saisi la notion même de décentralisation qui est

74
MONEMBOU (Cyrille), « Le pouvoir règlementaire des collectivités locales dans les États d’Afrique noire
francophone (les cas du Cameroun, du Gabon et du Sénégal) », RC/SJP, no 002/2015, pp. 79-111, p. 97.
75
PHILIP (Loïc), « L’autonomie financière des collectivités territoriales », CCC no 12, Dossier : le droit
constitutionnel des collectivités territoriales – mai 2002, in www.conseil-constitutionnel.fr consulté, le 30
décembre 2023 à 14h59 min.
76
OLIVA (Éric), « La conception de l’autonomie locale, quel contenu ? quelle effectivité ? », G&FP, 2017/no 2,
pp. 13-24, p. 13.
77
Comme on l’a expliqué, « principe d’origine ancienne ayant trouvé son premier essor dans la pensée sociale
catholique, le principe juridique de subsidiarité implique une double obligation qui découle directement de sa
double origine étymologique. Provenant à la fois du terme subsidium, signifiant "renfort, ressource" (idée de
secours), et du terme subsidiarius, signifiant "en réserve" (idée de secondaire), ce principe oblige, d’une part, le
niveau supérieur de compétence à demeurer "en réserve" et donc de laisser intervenir le plus possible les
niveaux inférieurs, et impose d’autre part, à ce niveau supérieur de venir "en renfort" et donc au secours des
niveaux inférieurs dès lors que ceux-ci ne sont plus en mesure d’intervenir », DEROSIER (J.-P.), « « Et au
milieu coule la rivière » : la subsidiarité et la frontière rhénane. Signification juridique, implication possibles et
portées positives de deux articles 72, alinéa 2 : la subsidiarité, entre principe et objectif », in BRISSON (Jean-
François) (dir.), Les transferts de compétence aux collectivités locales, Paris, L’Harmattan, 2009, pp. 91-108, pp.
93-94.
78
DELCAMP (Alain), « Principe de subsidiarité et décentralisation », RFDC, n° 23, 1995, pp. 609-624.
79
PONTIER (Jean – Marie), « La subsidiarité en droit administratif », RDP, 1986, pp. 1515-1537.
80
Art. 2(1) de la loi no 2019/024 du 24 décembre 2019 portant CGCTD ; Art. 55 Al. 1 de la loi constitutionnelle
du 18 janvier 1996.
81
VEDEL (Georges), « Décentralisation et finances locales : clés pour la réflexion », RFFP, no 38, 1992, pp. 9-
13, p. 10.
au cœur du droit budgétaire des collectivités territoriales décentralisée, même si elle n’est pas
un terme clé de notre sujet.

Le concept de décentralisation n’est certes pas identifié dans l’intitulé de notre mémoire,
mais il revêt un intérêt fondamental pour la compréhension de notre argumentaire.

La décentralisation, elle peut être entendue comme un processus par lequel certaines
responsabilités gouvernementales et administratives sont transférées des autorités centrales à
des entités locales, telles que les collectivités territoriales décentralisées, l’objectif étant de
rapprocher la prise de décision des citoyens et de promouvoir le développement local.
Autrement dit, la décentralisation est le « fait de donner le pouvoir de décision, dans la
gestion administrative, à des collectivités territoriales ou à des personnes publiques distinctes
de l’État »82. L’opération constituante amorcée depuis quelques années au Cameroun et qui
s’est achevée avec la promulgation par le Président de la République, de la Loi no 96/06 du 18
janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972, n’a donné naissance ni à un
État fédéral ni à un « État régional »83.
Le constituant a marqué sa préférence pour un « État unitaire
décentralisé84 ». S’il n’y a pas révolution, il faut cependant reconnaître qu’une évolution
significative a été opérée. L’article 1 er al. 2 de la Constitution du 2 juin 1972 disposait que « la
République du Cameroun est un État unitaire ». Le constituant du 18 janvier 1996 y a ajouté
le qualificatif « décentralisé ». Il s’agit d’une solution de compromis qui renvoie dos-à-dos les
tenants du fédéralisme et ceux de l’État unitaire centralisé. Mais c’est un choix qui est loin
d’être accepté par tous, en particulier par les tenants du fédéralisme 85. Quoi qu’il en soit, cette
option a pour corollaire la constitutionnalisation de la décentralisation territoriale au
Cameroun. L’histoire constitutionnelle du Cameroun enseigne que la constitutionnalisation de
la décentralisation en 1996 n’est pas une opération nouvelle. Le constituant avait inséré, pour
la première fois, dans le texte constitutionnel du 4 mars 1960, en son article 46, une
disposition qui faisait des provinces et des communes des « collectivités locales de l’État du
Cameroun ». Celles-ci devaient s’administrer librement par des conseils de élus, être dotées
de la personnalité morale et jouir de l’autonomie financière86.

82
RUDELLE (Christian), Dictionnaire des termes juridiques, Édimages, 1992, p. 83.
83
GUIMDO DONGMO (Bernard – Raymond), « Les bases constitutionnelles de la décentralisation au
Cameroun (Contribution à l’étude de l’émergence d’un droit constitutionnel des collectivités territoriales
décentralisées) », RGD, no 1, décembre 1998, Vol. 29, pp. 79-100., p. 81.
84
Art. 1er de la Loi constitutionnelle no 96/06 du 18 janvier 1996.
85
Ibid.
86
Idem.
Pour mieux mener notre analyse, il est judicieux de
joindre au cadre théorique, le cadre matériel.

II- LE CADRE MATÉRIEL

Le cadre matériel intègre l’objet de l’étude, la matière essentielle ou plutôt la


substance de la recherche. Dans le cadre de cette recherche, il prendra corps à partir de la
précision de la revue critique de la littérature (A), l’objet de l’étude (B), de l’intérêt et de la
méthode d’analyse (C) et des axes de l’étude (D).

A- LA REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

La revue critique de la littérature est une prospection intelligente et évaluative qui


favorise l’émersion et la circonscription de l’objet de l’étude. Cette prospection est
intimement liée à la détermination de la problématique. Autrement dit, « il ne saurait y avoir
de problématique pertinente sans une solide revue de la littérature 87 ». À cet effet, réfléchir
sur le contrôle de l’exécution du budget des CTD au Cameroun nous a conduit
inéluctablement à nous interroger sur les orientations et options des réflexions de certains
auteurs qui, à n’en point douter, ont constitué un gouvernail à notre question de recherche.
La décentralisation budgétaire au Cameroun a été
un sujet d’intérêt croissant pour les chercheurs, comme en témoignent les travaux de Joseph
BIWOLE, Oumarou BOUBA, Justin BADJECK, Henri ATANGANA ONDOA et Patrice
Vessal NDJANDJA, ainsi que de Marie-Claire OKOUGBO. Ces chercheurs examinent divers
aspects de la gouvernance locale, du contrôle budgétaire et de la performance des collectivités
territoriales décentralisées au Cameroun.

Joseph BIWOLE aborde la gouvernance locale et le contrôle de l’exécution budgétaire


dans les CTD camerounaises, mettant en lumière les mécanismes de supervision des budgets
locaux et les défis rencontrés, tels que la faible transparence et l’inefficacité 88. C’est la raison
pour laquelle Christian DESCHEEMAEKER pense que, la transformation des mécanismes de
contrôle a pour fondement les principes généraux du droit et est manifestée par un

87
OLIVIER (Lawrence), BEDARD (Guy), FERRON (Julie), L’élaboration d’une problématique de recherche,
Paris, l’Harmattan, 2005, Coll. Logiques sociales, pp. 10 – 11.
88
BIWOLE (Joseph), « Gouvernance locale et contrôle de l’exécution budgétaire dans les collectivités
territoriales décentralisées au Cameroun ».
alourdissement des procédures et une modernisation des méthodes de contrôle 89. Michel
PRAT et Sylvie CHAIGNAU PEYROUX90, n’en disent pas autrement en assimilant la
transformation à la modernisation91. Ils rejoignent ainsi Michel BOUVIER et Jean-Marie
PONTIER qui expriment une idée semblable en opinant respectivement, que la recherche de
l’efficacité est devenue un impératif, justifie à certains égards, les transformations du contrôle
des finances locales92 ; et « si les finalités du contrôle (…) demeurent les mêmes
qu’auparavant, le sens de ce contrôle a profondément changé, et il est possible de parler de
transmutations »93. Restant dans la même logique, Michel BOUVIER, Marie – Christine
ESCLASSAN et Jean – Pierre LASSALE, semble marquer son adhésion à cette appréciation.
Ils se montrent favorables à la thèse de la transformation du contrôle avec la complexification
du secteur public local qui se présente aujourd’hui en forme satellitaire94.
Oumarou BOUBA se concentre sur la région de
l’Extrême-Nord du Cameroun pour étudier la relation entre la décentralisation budgétaire et la
performance des CTD, soulignant les défis spécifiques rencontrés dans cette région et
proposant des recommandations pour améliorer la gouvernance locale et la prestation des
services publics95. Justin BADJECK quant à lui, offre une analyse
approfondie du contrôle des finances publiques dans les collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun, identifiant les défis tels que la corruption et les lacunes en
matière de transparence, et suggérant des solutions pour renforcer l’efficacité et la
responsabilité dans la gestion des finances publiques locales96. Henri ATANGANA
ONDOA et Patrice Vessal NDJANDJA quant à eux examinent le bilan de la décentralisation
budgétaire au Cameroun, évaluant les progrès réalisés et les défis persistants, et proposent des
pistes pour renforcer ce processus, notamment en améliorant la coordination entre les niveaux
de gouvernement et en favorisant la participation citoyenne97. Marie-Claire OKOUGBO

89
DESCHEEMAEKER (Christian), « La transformation des contrôles. L’alourdissement des procédures »,
RFFP, no 87, Septembre 2004, pp. 203 – 217.
90
PRAT (Michel), CHAIGNAU – PEYROUX (Sylvie), « La modernisation des méthodes de contrôle », RFFP,
no 87, Septembre 2004, pp. 219 – 230.
91
PRAT (Michel), CHAIGNAU – PEYROUX (Sylvie), « La modernisation des méthodes de contrôle », op.cit.
92
BOUVIER (Michel), Les finances locales, op.cit., p. 146.
93
PONTIER (Jean – Marie), « Les transmutations du contrôle sur les collectivités territoriales décentralisées »,
La semaine juridique. Administrations et Collectivités territoriales, no 44, 5 Novembre 2012, p. 6.
94
BOUVIER (Michel), ESCLASSAN (Marie – Christine), LASSALE (Jean – Pierre), Finances Publiques,
Paris, LGDJ, Montchrestien (18e éd.), 2019 – 2020, p. 961.
95
BOUBA (Oumarou), « Décentralisation budgétaire et performance des collectivités territoriales décentralisées
au Cameroun : cas de la région de l’Extrême – Nord ».
96
BADJECK (Justin), « Analyse du contrôle des finances publiques dans les collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun ».
97
ATANGANA ONDOA (Henri), NDJANDJA (Patrice Vessal), « La décentralisation budgétaire au Cameroun :
bilan et perspectives ».
se penche sur le contrôle de l’exécution du budget des CTD au Cameroun, identifiant les
pratiques actuelles, les défis et les perspectives d’amélioration, mettant en avant la nécessité
de renforcer les capacités institutionnelles et de promouvoir la reddition de comptes 98.
Ensemble, ces travaux offrent un
aperçu approfondi de la décentralisation budgétaire et de ses implications pour la gouvernance
locale et la gestion des finances publiques au Cameroun. Ils soulignent l’importance de
renforcer la transparence, la responsabilité et la participation citoyenne pour garantir
l’efficacité et l’efficience des CTD dans la fourniture de services publics. C’est à la lumière de
ces travaux que l’objet de notre étude sera structuré.
B-
L’OBJET DE L’ÉTUDE

L’objet de l’étude s’articule autour de la construction de la problématique ou la


question de recherche (1) conjuguée à la formulation de l’hypothèse de recherche (2).

1- La problématique

La question de recherche ou problématique s’entend de « l’ensemble construit autour


d’une question principale, des hypothèses de recherche et des lignes d’analyse qui
permettront de traiter le sujet choisi »99. Dans cette perspective, la personnalité morale ainsi
que l’autonomie administrative et financière concédée par l’État aux CTD explique que ces
entités infra-étatiques possèdent ou disposent des ressources et exécutent des dépenses en
toute liberté à côté, ou en dehors de l’État. Il s’agit là de l’implication financière d’un principe
fondamental du droit de la décentralisation : le principe de la libre administration des CTD.
C’est encore conformément à l’esprit de ce principe que se réalise l’exécution des opérations
financières des CTD malgré les contrôles susceptibles de s’appliquer à ces dernières. Comme
le souligne Hans KELSEN, « le droit positif ne reconnaît que la centralisation et la
décentralisation partielles »100. C’est dire qu’en matière de décentralisation, l’autonomie des
structures décentralisées doit toujours être relative et non absolue. C’est ce qui découle même
de la règle de subsidiarité.

98
OKOUGBO (Marie – Claire), « Le contrôle de l’exécution du budget des collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun : état des lieux et perspectives d’amélioration ».
99
BEAUD (Michel), L’art de la thèse, Paris, éd. La découverte, 2006, p. 55.
100
KELSEN (Hans), Théorie générale du droit et de l’État, Paris et Bruxelles, LGDJ et Bruylant, 1997, p. 355.
Cependant en matière de finances publiques locales, l’on constate que la
décentralisation financière rime avec une certaine centralisation qui parait excessive. En effet,
l’intention du législateur de doter les CTD d’un certain nombre de pouvoir en matière
budgétaire ne serait qu’apparente voire trompeuse au regard de l’encadrement strict dudit
pouvoir. D’où la question : comment s’effectue le contrôle de l’exécution du budget des
collectivités territoriales décentralisées au Cameroun ?

2- L’hypothèse de recherche

Dans le domaine du droit budgétaire des collectivités territoriales décentralisées, la


question du contrôle de l’exécution du budget des CTD est un sujet qui soulève des enjeux
fondamentaux en matière de bonne gestion et gouvernance locale. Le contrôle de l’exécution
du budget des collectivités territoriales décentralisées au Cameroun s’effectue de
manière particulière.

C- L’INTÉRÊT ET LA MÉTHODE DE L’ÉTUDE

Traditionnellement, tout travail scientifique présente nécessairement un intérêt et une


méthode d’analyse. À cet effet, notre étude ne déroge pas à ces exigences scientifiques et
mérite de mettre en exergue un intérêt (1) qui peut être varié, et une méthode (2) qui est à la
fois prioritaire et complémentaire.

1- L’intérêt de l’étude

L’étude sur le contrôle de l’exécution du budget des collectivités territoriales


décentralisées revêt un intérêt varié, c’est-à-dire un intérêt théorique (a) et un intérêt pratique
(b).

a- L’intérêt théorique

Au plan théorique, ce contrôle vise la transparence, la bonne gestion des finances


publiques locales. La notion de transparence est de plus en plus l’une des notions les plus
usuelles de la gestion publique moderne et gage de la bonne gouvernance financière. Définie
comme « la mise en œuvre satisfaisante de l’ensemble des mécanismes destinés à assurer la
production, la fiabilité, l’accessibilité et l’intelligibilité de l’information budgétaire des
personnes publiques – sous réserve des secrets légitimement protégés –, à temps et pour la
durée utile101 », la transparence est un principe qui irrigue toute la vie financière publique.
La transparence est l’exigence de contrôle, d’information et
d’intégrité des acteurs d’exécution du budget des entités publiques. Elle suppose aussi la
lisibilité, l’accessibilité et l’intelligibilité de la législation financière 102. Prévu par la loi n°
2018/012 portant RFEEP, la loi n° 2018/011 du 11 juillet 2018 portant CTGFP et la loi n°
2019/024 portant CGCTD, l’impératif de transparence exige désormais du contrôleur
financier spécialisé la vérification exhaustive et fiable des informations sur les activités
passées, présentes et futures des collectivités locales ou des établissements publics afin de
contribuer à une meilleure prise des décisions des acteurs de l’exécution du budget
(ordonnateurs, régisseurs, comptables). Une fois que la transparence et la bonne gouvernance
financière sont remplies par la fonction de contrôle de l’exécution du budget, on assiste au
processus de décentralisation qui constitue l’axe fondamental de promotion du développement
de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local103. L’intérêt du contrôle de
l’exécution du budget des CTD réside dans la volonté de mettre en œuvre des mécanismes de
gestion saine des finances publiques locales afin de promouvoir notamment mais non
exclusivement le développement local. Autrement dit, au plan théorique, l’intérêt du contrôle
de l’exécution du budget des CTD au Cameroun est multiple et revêt une importance capitale
pour plusieurs raisons. Le contrôle
de l’exécution du budget permet de garantir la transparence dans la gestion des fonds publics
au niveau local. En rendant compte de l’utilisation des ressources financières, il renforce la
redevabilité des autorités locales envers les citoyens. En surveillant les dépenses et en
identifiant les éventuelles irrégularités, le contrôle budgétaire contribue à prévenir la
corruption et la fraude au sein des CTD. En analysant l’efficacité et l’efficience des dépenses,
le contrôle de l’exécution du budget permet d’identifier les domaines où des améliorations
peuvent être apportées, et d’optimiser ainsi l’utilisation des ressources disponibles. Un
contrôle efficace de l’exécution du budget renforce la gouvernance locale en favorisant des
processus décisionnels transparents et responsables, et en renforçant la confiance des citoyens
dans leurs autorités locales. En garantissant que les fonds utilisés conformément aux priorités
définies, le contrôle budgétaire contribue à améliorer la qualité des services publics fournis
aux citoyens au niveau local.

101
SY (Aboubakry), La transparence dans le droit budgétaire de l’État en France, Paris, LGDJ, 2017, p. 6.
102
Art. 2 Al. 2 de la loi no 2018/11 du 11 juillet 2018 portant CTGFP.
103
Art. 5(2) de la loi portant CGCTD.
Un contrôle rigoureux de l’exécution du budget contribue à assurer la
stabilité financière des CTD en évitant les déficits budgétaires et en garantissant une gestion
prudente des ressources. En résumé, au plan théorique, l’intérêt du contrôle de l’exécution du
budget des CTD au Cameroun réside dans sa capacité à promouvoir la transparence, la
responsabilité, l’efficacité et la gouvernance démocratique au niveau local, tout en
garantissant une utilisation optimale des ressources financières pour répondre aux besoins des
citoyens. Hormis l’intérêt théorique, notre étude repose également sur un
intérêt pratique.

b- L’intérêt pratique

Au plan pratique, le contrôle de l’exécution du budget des CTD au Cameroun permet


non seulement de constater des irrégularités administratives (faute de gestion, gestion de fait)
et des infractions pénales (détournement de derniers publics locaux, corruption) dans la
gestion du budget local, mais aussi de faire endosser la responsabilité financière aux acteurs
de ladite exécution, coupables des irrégularités susmentionnées. Cette responsabilité
financière a une double dimension. Elle revêt une dimension administrative, c’est-à-dire, la
prise des sanctions administratives à l’encontre des acteurs de l’exécution du budget des CTD.
La responsabilité financière revêt également une dimension juridictionnelle, c’est-à-dire, la
prise des sanctions par la juridiction spécialisée (Chambre des comptes de la Cour suprême)
ou par les juridictions intégrées à l’encontre desdits acteurs.
Eu égard aux différents intérêts, notre étude sera menée sous
l’angle d’une méthode précise qui, permettra d’atteindre des résultats fiables.

2- La méthode de l’étude

Traditionnellement, « la première obligation d’un scientifique […] est de décrire sa


méthode, la manière dont il perçoit l’objet de son étude et la mesure dans laquelle sa propre
subjectivité affecte l’objet de celle-ci 104 ». Nous ne dérogeons pas à cette exigence scientifique
dans le cadre de notre travail, car la question de la méthode est justement au cœur de toute

104
SALMON (Jean), Le droit international à l’épreuve au tournant du XXI e siècle, Cours Euro-méditerranéens,
Bancaja de droit international, Valencia, Vol. VI, 2002, pp. 35 – 363, p. 53.
œuvre scientifique105. D’après Madeleine GRAWITZ, la méthode d’analyse est appréhendée
comme « une démarche intellectuelle essentielle pour parvenir à la vérité, et de prouver cette
vérité le cas échéant. Elle permet d’expliquer le processus d’établissement du résultat
obtenu106 ». Ainsi, notre travail sera prioritairement abordé sous l’angle de la méthode
juridique ou du positivisme juridique (a) et éventuellement sous l’angle de la méthode
sociologique (b).

a- La méthode prioritaire : la méthode juridique

À la vérité, la méthode juridique ou positivisme juridique appelle à la conjugaison


concomitante de la dogmatique et la casuistique. La première convoquée, c’est-à-dire, la
dogmatique juridique ou la méthode exégétique est « un exercice d’exploitation des fonds et
des tréfonds de la pensée dont les moindres nuances doivent être busquées et explicitées 107
». Cette méthode consiste à interpréter les dispositions pertinentes des instruments normatifs
c’est-à-dire, Constitution, codes, lois, actes règlementaires régissant de manière générale le
cadre règlementaire de la décentralisation au Cameroun et en particulier le contrôle de
l’exécution du budget des CTD. C’est dans cette logique que Marie-Anne COHENDET
soutient à propos de la dogmatique juridique qu’ « il s’agit du domaine de la science du droit
consacré à l’interprétation et à la systématisation des normes juridiques. Elle consiste pour
l’essentiel dans la discipline, l’interprétation et la tentative de compléter les règles de droit
en comblant des carences de la législation108 ».
Dans le même sens, Jean-Louis BERGEL affirme que : « la recherche
juridique est effectivement une recherche scientifique et se caractérise par l’examen des
phénomènes sociaux, la doctrine, les textes et la jurisprudence 109 ». A travers la casuistique, il
sera question d’observer et de discuter les règles et solutions jurisprudentielles régissant le
contrôle de l’exécution du budget consacrées par le juge financier Camerounais, saisi d’une
question relative aux opérations financières des CTD. La méthode sociologique, bien
qu’accessoire, sera d’une importance cruciale dans le cadre de notre étude.

105
KAMTO (Maurice), Pouvoir et droit en Afrique noire francophone : Essai sur le fondement du
constitutionnalisme francophone, Paris, éd. LGDJ, 1987, p. 47.
106
GRAWITZ (Madeleine), Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz (11e éd.), 2000, p. 71.
107
KAMTO (Maurice), TCHEUWA (Jean-Claude), Manuel de méthodologie et exercices corrigés de droit
international, éd. PUCAC, 2010, p. 85.
108
COHENDET (Marie – Anne), Méthodes de travail : droit public, Paris, Montchrestien (3e éd.), 1998, p. 209.
109
BERGEL (Jean – Louis), Méthodes de droit et théorie générale du droit, Dalloz, (2e éd.), p. 35.
b- La méthode complémentaire : la méthode sociologique

Accessoirement à la méthode juridique, la méthode sociologique ou positivisme


sociologique est utilisée car comme le dit Michel VIRALLY, « nul ne saurait contester, en
effet, que le contenu du droit, son niveau de développement technique, la façon dont il
s’applique dépendent directement de celui auquel est parvenue la société qu’il ordonne du
point de vue économique, culturel, éthique, religieux… »110. En effet, la science du droit ne se
limite pas à l’analyse exégétique ou logico-conceptuelle des normes juridiques, elle intègre
selon elle, les aspects sociologiques qui permettent de sortir du formalisme 111. Dans le cadre
de notre travail, elle permet de scruter concrètement des influences de l’environnement sur le
comportement des acteurs de contrôle, mais également sur le comportement des acteurs
d’exécution de la dépense publique locale.

Une fois la méthode d’analyse mise en œuvre, notre sujet sera davantage structuré autour
de deux techniques de recherches à savoir : la recherche documentaire et la recherche
numérique. S’agissant de la recherche documentaire, elle consiste à consulter différents
ouvrages et autres publications de la doctrine qui traitent d’une manière générale le régime
financier de l’État et d’une manière particulière le régime financier des collectivités
territoriales décentralisées au Cameroun afin de parvenir à des résultats envisagés. La
recherche numérique quant à elle, sera pour nous, un complément à la recherche documentaire
à travers l'actualisation des données et de nouvelles informations nécessaires relatives au
contrôle de l’exécution du budget des CTD. C’est à la lumière de cette approche
méthodologique que l’on étudiera l’efficacité du contrôle de l’exécution du budget des CTD
au Cameroun. Compte tenu de la question et de
l’hypothèse de recherche, l’étude du contrôle de l’exécution du budget des collectivités
territoriales décentralisé sera structurée autour de deux grands axes.

III- LES AXES

Pour mieux cerner la question de recherche à analyser afin d’aboutir à des résultats
fiables, nous avons jugé opportun de subdiviser la présente étude en deux parties. La première
partie (PARTIE I) de notre mémoire porte sur un contrôle formellement structuré. La

110
VIRALLY (Michel), Le phénomène juridique, LGDJ, 1966, p. 37.
111
Ibid.
seconde partie (PARTIE II) de notre travail quant à elle porte sur un contrôle matériellement
aménagé.

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