Fiche 6 DAG S2 2021 Les Effets Du REP
Fiche 6 DAG S2 2021 Les Effets Du REP
Fiche 6 DAG S2 2021 Les Effets Du REP
TRAVAUX DIRIGES
FICHE N° 6
Le recours pour excès de pouvoir a des effets qui le séparent des autres recours contentieux. Il n’a pas
en principe d’effet suspensif mais, dans certaines circonstances, ce recours peut être accompagner d’un
référé administratif visant la suspension de la décision querellée. En sus, le juge de l’excès de pouvoir
peut rendre plusieurs types de décisions dont la portée n’est pas la même. Qui plus est, l’exécution de
la décision d’annulation qu’il peut prononcer relève de la seule volonté de l’Administration.
L’objet de cette séance est d’étudier les effets du recours pour excès de pouvoir. Il s’agira également
de poursuivre la méthodologie de la dissertation juridique.
I- BIBLIOGRAPHIE
1. Articles
- A. B. FALL, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge
dans les systèmes politiques en Afrique », Afrilex, juin 2003 ;
- D. POUYAUD, « La réforme du 31décembre 1987 et la distinction des contentieux », in Mélanges Chapus (1992,
p. 541.
- D. SY, « L’évolution du droit administratif sénégalais », EDJA, n° 67, octobre, novembre, décembre 2005, p.
39 ; « Près de deux siècles de justice administrative au Sénégal : entre continuité et changement », Droit
sénégalais, n° 5, 2006, p. 181 ; « La condition du juge en Afrique », Afrilex, in www.U-bortdeaux.4...
- El H. MBODJ, « Les incidences de la réforme judiciaire du 30 mai 1992 sur le contentieux administratif », EDJA,
n° 25, avril-mai, 1995, p. 17.
- M. BERNARD, « Le recours pour excès de pouvoir est –il frappé à mort ? », AJDA juin 1995, n° spécial, p. 190.
- N. ROUSSEAU, « Existe-t-il toujours une distinction entre recours pour excès de pouvoir et recours de plein
contentieux ? », chevaliersdesgrandsarrêts.com.
- P. MOUDOUDOU, « Les tendances du droit administratif dans les Etats d’Afrique noire francophone », EDJA,
n° 81, avril-mai-juin 2009, p. 73 ;
- PEPY, « La séparation des autorités judiciaires et administratives et l’appréciation par le juge administratif de
la légalité des actes administratifs individuels », in Mélanges Patin (1995), p. 97.
S. A. NDIAYE, « Modulation et annulation contentieuse : une contribution à la subjectivation du recours pour excès
de pouvoir », in Le droit africain à la quête de son identité. Mélanges offerts au Professeur Isaac Yankhoba NDIAYE,
L’Harmattan-Sénégal, 2021, p. 921
- S. DOUMBE-BILLE, « Recours pour excès de pouvoir et recours de plein contentieux, à Propos de la nouvelle
frontière », AJDA 1993, n° 1, p. 3.
- WOEHRLING J.-M., « Vers la fin du recours pour excès de pouvoir », in Mélanges Guy Braibant, Paris, Dalloz,
1996.
2. Jurisprudence :
- CE, 27 juillet 1994, Abdoulaye LATH DIOUF c/ Etat du Sénégal, Bull. n° 1, p. 80.
- CS, 3 mars 2011, Birassy GUISSE et autres c/ Recteur de l’Université Gaston Berger, Bull. n° 2-3, p.
244.
- CS, 25 août 2009, Ibrahima DIAGNE c/ Etat du Sénégal, Bull. n° 1, p. 146.
- M. M. AÏDARA, « Référé administratif et unité de juridiction au Sénégal », in http://afrilex.u-
bordeaux.fr/wp-content/uploads/2021/03/Mouatapha_Aidara_Article_refere.pdf
Document n°1 : CE, 27 juillet 1994, Abdoulaye LATH DIOUF c/ Etat du Sénégal, Bull. n° 1, p. 80.
Le CONSEIL D’ETAT,
APRES EN AVOIR DELIBERE CONFORMEMENT A LA LOI :
Sur les 2 moyens tirés de la violation des principes de l’intangibilité des actes individuels créateurs de droits et des
droits acquis :
CONSIDERANT qu’à partir de la date de prise d’effet du décret n° 91-1213 du 14 novembre 1991, le nommant
dans le corps des Inspecteurs Généraux d’Etat, la situation administrative de Monsieur Lath DIOUF n’est régie
que par la loi n° 87-18 du 03 aout 1987 portant statut des Inspecteurs Généraux d’Etat ;
CONSIDERANT que l’article 5 de ce statut dispose : Cette nomination s’effectue à indice égal ou immédiatement
supérieur…les Inspecteurs Généraux d’Etat ainsi recrutés, conserveront pour l’avancement, le bénéfice de
l’ancienneté qu’ils ont acquis dans leur corps d’origine » ;213 du 14 novembre 1991 avait apporté à la loi
précitée une innovation en précisant que « l’intéressé conserve, dans le nouveau corps de nomination, l’indice
militaire 739 et les accessoires de solde acquis dans son corps d’origine », alors que le principe de la
subordination de l’Acte administratif à la loi entraine qu’un décret ne peut, sous peine d’illégalité, édicter des
dispositions contraires ; qu’il s’en suit que l’article 2 dudit décret devait être retiré, puis qu’aucune autre loi ne
prévoit que les personnes nommées dans le corps des Inspecteurs Généraux d’Etat conservent l’indice et les
accessoires de solde qu’elles ont acquis dans leur corps d’origine ;
CONSIDERANT cependant, que s’il appartient à l’autorité compétente, lorsqu’une décision administrative ayant
créé des droits est entachée d’une illégalité de nature à entrainer sa modification, de prononcer elle-même
d’office cette modification, elle ne peut le faire que dans le délai de recours pour excès de pouvoir conformément
à l’article 5 de la loi n° 70-14 du 06 février 1970 ; qu’en l’espèce, l’article 2 du décret n° 91-1213 du 14
novembre 1991 ayant créé des droits, ne pouvait être modifié d’office par application du texte précité, que
dans le délai de deux mois à partir de la publication de la décision au Journal Officiel du 1 er août 1992 sans
que sa parution tardive proroge le délai et non point à partir de la date de dépôt de celui-ci au secrétariat
Général du Gouvernement, et ce, conformément à l’article 35 de la loi organique sur le Conseil d’Etat ;
CONSIDERANT que le délai déclenché par la publication au Journal Officiel court aussi bien à l’égard de
l’Administration qu’à l’égard des personnes autres que celles qui sont directement intéressés ;
QUE la décision a été publiée depuis plus de deux mois lorsque est intervenue à la date du 28 octobre 1992,
la décision de modification, alors que le décret n° 981-1213 du 14 novembre 1991 ne pouvait plus être ni
modifié ni attaqué par la voie juridictionnelle ;
QU’il s’en suit que l’article 2 du décret n° 92-1477 en date du 28 octobre 1992 mérite annulation ;
PAR CES MOTIFS :
- Annule, pour excès de pouvoir, l’article 2 du décret n° 92-1477 en date du 23 octobre 1992 ;
- Ordonne la restitution de l’amende de pourvoi ;
- Laisse les dépens à la charge du Trésor ;
Document n°2 : CS, 3 mars 2011, Birassy GUISSE et autres c/ Recteur de l’Université Gaston Berger,
Bull. n° 2-3, p. 244.
LA COUR
Considérant que l’affaire étant en état d’être jugée, il y’a lieu de joindre la demande de sursis au fond ;
Sur la déchéance :
Considérant que le Recteur de l’UGB soutient que la signification du 18 octobre 2010 qui ne comporte pas les
décisions attaquées est nulle et non avenue, en application des articles 34, 35 et 38 alinéa 1 de la loi organique
sur la Cour suprême ;
Considérant que si l’exploit d’huissier du 18 octobre 2010 portant signification de la requête n’est pas
accompagnée de la copie des décisions attaquées, il n’en est pas de même de celui du 21 octobre 2010 qui a
satisfait à cette formalité dans le délai imparti par l’article 38 précité ;
[…]
Considérant que la liberté individuelle et collective d’assister ou de ne pas assister aux enseignements prévue à
l’article 19 est assortie de réserves, dont celle prévue à l’article 20 de la même loi qui dispose : « Lorsque les
étudiants s’abstiennent de suivre les enseignements par suite d’une décision concertée, ils ne peuvent à l’aide de
violence, menaces ou manœuvres, porter atteinte à l’ordre public, au fonctionnement régulier des institutions
universitaires ou au libre exercice par d’autres étudiants de toutes les activités universitaires. Toute infraction à ces
dispositions entraine des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’exclusion définitive. » ;
Considérant qu’il ressort du dossier que les faits reprochés aux requérants présentent un caractère répétitif dans
la mesure où ils ont non seulement empêché le déroulement du contrôle continu du 18 juin, mais ils ont récidivé en
convoquant une assemblée générale à l’amphithéâtre où était programmé l’examen de juillet et en bloquant par
la suite l’accès de la salle ou l’administration avait transféré le déroulement des épreuves, et ce, après avoir fait
sortir les étudiants présents ;
Que ces faits constituent des manœuvres qui portent atteinte au fonctionnement régulier de l’université et à la
liberté des non-grévistes ;
Que dans ces conditions, usant de son pouvoir souverain d’appréciation, la commission a pu, à bon droit, estimer
que ces actes étaient suffisamment graves pour fonder l’exclusion perpétuelle des mis en cause ;
[…]
LA COUR SUPRÊME,
Considérant que par décret n° 2012-679 du 6 juillet 2012, le Président de la République, après avis du Conseil
supérieur de la magistrature, a nommé les membres de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) ;
que c’est ce décret que AG A X et quatre autres attaquent en annulation en développant deux moyens et en
soulevant in fine l’exception d’inconstitutionnalité dudit décret et celle de la loi n° 81-54 du 10 juillet 1981 créant
la CREI ;
Considérant que l’agent judiciaire de l’État conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt et de qualité
à agir au motif que le recours en annulation appartenant exclusivement à celui qui souffre personnellement du
maintien de l’acte administratif, la nomination des magistrats à une Cour et le droit de simples citoyens que sont
les requérants n’ont absolument aucun lien ;
Considérant que AG A X et les quatre autres ont soutenu sans être contredits qu’ils font déjà l’objet d’une
procédure d’enquête préliminaire relative à l’enrichissement illicite au niveau de la division des investigations
criminelles de la police et de la section de recherches de la gendarmerie nationale, à la suite de la nomination
de membres de la CREI par le décret attaqué ;
Considérant que le recours pour excès de pouvoir n’est ouvert qu’à ceux qui peuvent justifier que l’annulation
qu’ils demandent présente pour eux un intérêt personnel, la notion d’intérêt s’entendant comme le droit de ne pas
souffrir personnellement de l’illégalité ;
Considérant que le décret attaqué nomme les magistrats composant la CREI chargés de poursuivre, d’instruire les
procédures et de juger tous ceux qui seront soupçonnés ou prévenus d’enrichissement illicite ;
Qu’ainsi les requérants qui sont déjà dans la phase de l’enquête préliminaire ont qualité et intérêt à agir en
annulation du décret ;
Considérant que l’agent judiciaire de l’État qui conclut en outre à l’irrecevabilité en la forme de ce moyen soutient
que les requérants qui se livrent à un détournement de procédure ne démontrent pas en quoi la contestation de
la régularité de la nomination des magistrats de la Cour est subordonnée à la constitutionnalité ou non de la loi
portant création de la Cour et en ce qu’étant une exception préjudicielle, celle-ci doit être soulevée « in limine
litis » et avant tous les moyens développés sur le fond ;
Considérant que l’exception d’inconstitutionnalité n’est pas une exception de procédure, mais un moyen de fond
visant à établir le défaut de base légale de l’acte attaqué qui se fonde sur un texte de loi dont la constitutionnalité
est contestée ; qu’ainsi l’ordre dans lequel il est présenté n’a aucune incidence sur sa recevabilité ;
Sur le moyen tiré de l’exception d’inconstitutionnalité, en ce que, en premier lieu, l’appréciation de la
constitutionnalité du décret attaqué a une incidence manifeste sur la solution à apporter au litige par la juridiction
et, en second lieu, en ce que la loi sur la CREI viole manifestement les dispositions des articles 1 alinéas 4 et 14
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, prévoyant que toute personne coupable d’une
infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la
condamnation, conformément à la loi, alors qu’en vertu des dispositions de l’article 17 de la loi sur la CREI, les
décisions de la Cour ne sont pas susceptibles d’appel ;
Considérant qu’il résulte de l’article 92 de la Constitution que le Conseil constitutionnel connaît des exceptions
d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême.
Qu’aux termes des dispositions de l’article 20 de la loi organique n° 92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil
constitutionnel, modifiée par la loi organique n° 99-71 du 17 février 1999, « Lorsque la solution d’un litige porté
devant le Conseil d’État ou la Cour de Cassation, [remplacés par Cour suprême], est subordonnée à l’appréciation
de la conformité des dispositions d’une loi ou des stipulations d’un accord international à la Constitution, la haute
juridiction saisit obligatoirement le Conseil constitutionnel de l’exception d’inconstitutionnalité ainsi soulevée et
sursoit à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé… » ;
Considérant que les requérants concluent à l’inconstitutionnalité du décret attaqué, alors que la chambre de céans
est saisie de l’appréciation de la légalité dudit décret ;
Considérant que nulle part dans le moyen, il n’est fait état de la non-conformité à la Constitution des dispositions
de la loi n° 81-54 du 10 juillet 1981 créant une Cour de répression de l’enrichissement illicite, les requérants
soutenant plutôt la non-conformité de ladite loi en son article 17 au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, alors que l’exception d’inconstitutionnalité doit être soulevée lorsqu’il s’agit d’apprécier la conformité
des dispositions d’une loi ou des stipulations d’un accord international à la Constitution ;
Considérant qu’en l’espèce, la solution du litige n’est nullement subordonnée à l’appréciation de la conformité de
la loi sur la CREI à la Constitution ;
Qu’ainsi, le moyen étant mal fondé, il n’y a pas lieu à renvoi de l’exception au Conseil constitutionnel ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen, sur le moyen tiré de la violation de la loi n° 81-54 du 10
juillet 1981 créant une Cour de répression de l’enrichissement illicite, en ce que l’article 4 alinéa 3 de ladite loi
prévoit que le Procureur spécial de la Cour est assisté d’un substitut nommé par décret, conformément aux règles
constitutionnelles et statutaires, parmi les magistrats des cours et tribunaux ayant atteint au moins le 1er groupe
du 2e grade ou parmi les juges de paix de classe exceptionnelle, alors que le décret attaqué a nommé un
substitut du Procureur spécial qui ne remplit pas les conditions prévues par la loi, puisqu’étant au moment de sa
nomination un magistrat du 2e grade, 2e groupe ;
Considérant que l’agent judiciaire de l’État a conclu au rejet du moyen comme mal fondé en soutenant que
préalablement à la prise du décret qui relève du pouvoir discrétionnaire du Président de la République, les avis
de la Cour suprême et du Conseil supérieur de la magistrature ont été recueillis ;
Considérant qu’en l’espèce, d’une part, le Président de la République, contrairement à ce que soutient l’agent
judiciaire de l’État, n’a pas un pouvoir discrétionnaire, mais dispose d’une compétence liée, et d’autre part, l’avis
du bureau de la Cour suprême recueilli ne concernait que la nomination du Premier Avocat général près ladite
Cour à la CREI ;
Considérant qu’aux termes de l’article 4 alinéa 3 de la loi visée au moyen, le Procureur spécial est assisté d’un
substitut nommé par décret, conformément aux règles constitutionnelles et statutaires, parmi les magistrats des
cours et tribunaux ayant atteint au moins le 1er groupe du 2e grade ou parmi les juges de paix de classe
exceptionnelle ;
Considérant qu’il résulte du décret n° 2013-215 du 30 janvier 2013 portant nomination de magistrats à des
emplois du 2e grade, 1er groupe, 6e échelon, indice 3205 produit par les requérants en cours d’instruction, que
le magistrat Antoine Félix Abdoulaye DIOME, matricule de solde 603270/N, était un magistrat du 2e groupe,
2e grade au moment de sa nomination en juillet 2012 comme substitut près le Procureur spécial, puisque ce n’est
que depuis janvier 2013 qu’il occupe un emploi du 2e grade, 1er groupe, à savoir substitut du Procureur de la
République près le Tribunal régional de 1ère classe de Saint-Louis ;
Qu’ainsi, ne remplissant pas la condition prévue par la loi pour être nommé au poste de substitut du Procureur
spécial en juillet 2012, le décret attaqué encourt l’annulation et ce, même si l’avis préalable du Conseil supérieur
de la magistrature a été requis, la régularité de la procédure de prise de décision ne pouvant effacer l’illégalité
qui affecte l’acte ;
Considérant qu’un acte administratif annulé est réputé n’avoir jamais existé ; Que toutefois s’il apparaît que
l’effet rétroactif de l’annulation est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives en raison
tant des effets que l’acte a produits que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses
effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération les conséquences de la rétroactivité de
l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence ;
Considérant qu’eu égard, d’une part à l’intérêt général qui s’attache à la sécurité des procédures d’information
ouvertes devant la CREI auxquelles l’intéressé a concouru et d’autre part au motif d’annulation retenu, l’annulation
rétroactive de la nomination du substitut du Procureur spécial porterait une atteinte manifestement excessive au
fonctionnement du service public de la justice ;
Que, dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de ne prononcer l’annulation du décret qu’à
l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de la présente décision et uniquement en ce qu’il porte
nomination d’Antoine Félix Abdoulaye DIOME, substitut du Procureur spécial près la CREI ;
Annule le décret n° 2012-679 du 6 juillet 2012 uniquement en ce qu’il porte nomination d’Antoine Félix
Abdoulaye DIOME, substitut du Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite ;
Dit que l’annulation prend effet à compter de l’expiration d’un délai d’un (1) mois, à compter de la date de la
présente décision ;
Par la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême, le législateur sénégalais a institué,
pour la première fois, le référé dans le contentieux administratif. Il s’agit d’une évolution importante du fait que
le droit des procédures d’urgence devant la Cour s’est limité depuis l’indépendance au sursis à exécution dans le
contentieux de l’excès de pouvoir. C’était le cas quand l’administré peut arguer de moyens sérieux dans une
situation où le préjudice qu’il encourt est irréparable, d’obtenir du juge la suspension d’une décision administrative.
A l’exception de ce dispositif applicable surtout en matière d’éloignement des étrangers et de la possibilité
accordée au seul représentant de l’Etat d’assortir son recours contre les actes des collectivités locales d’une
demande de sursis à exécution, le justiciable sénégalais reste soumis au quotidien au temps de la justice qui est
très long. Des enquêtes menées démontrent que le contentieux administratif ne répond plus ni à ses besoins ni à
ses attentes parce que les décisions ne sont rendues qu’au terme d’un délai qu’il estime déraisonnable.
C’est sans doute pourquoi, le législateur a considéré que le temps est venu d’aménager une procédure accélérée
qui doit permettre au juge de statuer rapidement sur les requêtes et d’ordonner, au besoin, les mesures idoines.
Plusieurs types de référés seront alors institués. On peut en distinguer essentiellement quatre.
L’article 84 issu de la loi organique de 2017 dispose que « quand une décision a fait l’objet d’une requête en
annulation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de
cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à
créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.» Ainsi est consacré le référé-
suspension à côté d’un référé-liberté défini en ces termes : « Saisi d’une demande justifiée par l’urgence, le juge
des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une
personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait
porté, dans l’exercice de ses prérogatives, une atteinte grave et manifestement illégale ».
L’article 86 de la même loi introduit le référé-mesures utiles en disposant que : « En cas d’urgence et sur simple
requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut
ordonner toutes mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative».
Le quatrième type de procédure introduit par l’article 87 de la loi organique sur la Cour suprême est le référé-
constat ainsi formulé : « Sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative
préalable, le juge des référés peut désigner un expert pour constater sans délai les faits survenus, susceptibles
de donner lieu à un litige devant la Cour Suprême ».
Pour le lecteur de la loi française du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, le
législateur organique sénégalais a presque repris à l’identique les mêmes dispositions pour déterminer le régime
des procédures d’urgence. Toutefois, s’il s’est très fortement inspiré du texte français, le législateur sénégalais a
opté pour une démarche radicalement différente de celle de son homologue français.
Rappelons qu’en France, c’est le Vice-président du Conseil d’Etat qui avait saisi le Président adjoint de la Section
du contentieux pour attirer son attention sur le fait que le sursis à exécution est devenu inadapté suite à
l’intervention de plusieurs textes législatifs et qu’il ne répond plus aux attentes des justiciables. Le Vice-président
va alors mettre en place un groupe de travail composé de magistrats relevant des tribunaux administratifs et
des Cours administratives d’appel ainsi que des conseillers nommés auprès de l’organe suprême de l’ordre
administratif et des professeurs de droit chargé d’identifier les carences du droit des procédures d’urgence et
de proposer des mesures propres à rendre « ce droit plus simple et plus efficace ». Après avoir consulté une liste
très fournie de personnalités, de magistrats, d’avocats, intervenant à tous les échelons de l’ordre administratif, le
groupe de travail a rendu son rapport accompagné de textes portant rédaction d’avant-projet de loi et de
décret. Le Parlement sera saisi et la loi sur la réforme de l’urgence sera finalement votée. La rationalité et la
lisibilité de la réforme méritent d’être soulignées.
Au Sénégal, le traitement de l’urgence n’est pas organisé par un texte spécifique qui permet de mettre en
évidence le dispositif existant, son autonomie, son originalité, son articulation avec les principes du droit
administratif lesquels, s’ils ne sont pas remis en cause, seront très sensiblement atténués par les différents référés.
Modestement, c’est en modifiant la loi organique sur la Cour suprême que le référé sera introduit ce qui prouve
qu’il reste dans l’ornière de la juridiction suprême. C’est pourquoi, il est difficile d’évoquer une réforme.
Le référé ne se présente pas comme une innovation dans le contentieux administratif. Il s’assimile plutôt à une
évolution du statut de la Cour suprême. Il ne résulte ni d’un vote d’un projet ni d’une proposition de loi qui
reflèterait la volonté politique du Gouvernement ou de l’Assemblée nationale de prendre en considération la
dimension d’intérêt général de l’urgence dans le traitement juridictionnel des conflits. Constatant qu’après sept
ans d’application, la loi organique de 2008 sur la Cour 10 a révélé bien des insuffisances, le législateur a été
saisi par le Gouvernement sur initiative de la juridiction suprême pour modifier son statut.