Examen Leadership
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Examen Leadership
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est importante, et celui-ci est hautement centralisé ; en d’autres termes, l’autorité est verticale et les
employés ne sont pas les égaux de leurs patrons. Il y a d’ailleurs de grands écarts entre les salaires du
haut et du bas de l’organisation. Le patron est vu par les salariés comme une sorte de figure paternelle,
et c’est lui seul qui décide s’il doit y avoir une interaction ou pas. Dans ce type de structure, les
sentiments envers les supérieurs hiérarchiques sont très variés, et il n’est pas rare que le patron soit
tantôt adoré, tantôt détesté.
Chez Preller, les habitudes étaient bien différentes. Contrairement à ce qui se pratiquait chez Cortard,
le patron, bien que respecté en tant que tel, ne se distinguait pas particulièrement des autres directeurs :
il déjeunait souvent avec eux à la cantine, avait un bureau de la même taille que la plupart d’entre eux
et sa voiture de fonction était du même modèle que celle de beaucoup de salariés cadres de
l’entreprise. Lorsque l’un des directeurs n’était pas d’accord avec Peter Jensen, il le lui disait
directement, sans que ce dernier n’en prenne ombrage. Comme c’est souvent le cas aux Pays-Bas ou
au Danemark, pays d’origine de Peter Jensen, le pouvoir est décentralisé. L’avis des subordonnés est
demandé et respecté par les supérieurs hiérarchiques, et les relations entre eux sont pragmatiques. Les
écarts de salaire sont peu importants entre le haut et le bas de l’échelle, et les privilèges ou symboles
de pouvoir sont mal vus. Le patron idéal est un démocrate avisé.
Autant dire que Luc Alibert et Peter Jensen venaient de planètes différentes, et que leurs personnalités
respectives façonnaient fortement les cultures des deux entreprises. En dépit de son air décontracté
pendant la réunion, Luc Alibert était agacé par le côté inquisiteur et bon élève de Peter Jensen, et ce
dernier trouvait son homologue français malpoli et arrogant. Par ailleurs, chacun des deux avait des
craintes par rapport à l’autre. Luc Alibert pensait que le leadership de Jensen manquait de panache,
que sa façon pragmatique et posée d’agir ressemblait à celle d’un robot, et que cela allait
irrémédiablement nuire à l’image du groupe. Pour Peter Jensen, le culot d’Alibert était offensant, et sa
manière de vouloir passer en force, en se fiant à son charisme, était peu professionnelle et risquait de
faire capoter certaines négociations, notamment avec des clients asiatiques.
Malgré ces styles de leadership diamétralement opposées, chacun semblait pourtant être efficace : les
deux entreprises avaient de longues années d’existence et jouissaient d’une excellente réputation,
accompagnée d’une croissance constante depuis leur fondation.
1) Quels étaient les styles de leadership des sociétés Preller et Cortard avant fusion ?
(1point)
2) Messieurs Alibert et Jensen font face à quel problème ? (1point)
3) Quels étaient leurs ressentis lors de la réunion (émotions) ? (1point)
4) Quels étaient les attentes ou besoins de chacun d’entre eux ? (1point)
5) Analysez les personnalités et l’intelligence émotionnelle de Messieurs Alibert et Jensen.
En revenant à la scène qui s’était déroulée lors de la réunion, qu’en était-il de la
compétence reconnaître les émotions de chacun d’eux? (2points)
Voyons comment se déroula la suite de la réunion. Monsieur Jensen avait débuté en suivant l’ordre du
jour, qui prévoyait une analyse des statistiques du dernier trimestre pour les deux entités. Le directeur
financier de Preller avait commencé par présenter une série de graphiques et de tableaux, avec à
chaque fois des commentaires courts et précis pour faciliter leur interprétation. Après l’arrivée de
Monsieur Alibert, il continua l’exercice sur le même ton et au même rythme. Au bout d’une heure, on
frappa à la porte. C’était l’assistante du directeur commercial de Cortard, qui annonça une excellente
nouvelle : le leadership des grands magasins sud-coréens, Shinsegae, venait de donner son accord pour
une joint venture avec Preller-Cortard, concluant ainsi de longues négociations qui avaient mobilisé
tout le leadership du groupe pendant des semaines. Tout le monde explosa de joie et les esprits mirent
un certain temps à se calmer. Au bout de quelques minutes, Monsieur Jensen demanda à son directeur
financier de continuer sa présentation, ce qu’il fit sur le même ton qu’auparavant. Après tout, il y avait
un ordre du jour à respecter, et il restait encore beaucoup de travail. Mais ce dont Monsieur Jensen ne
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tint pas compte, c’est que l’ambiance dans la salle avait changé. Les directeurs étaient agités par la
bonne nouvelle et avaient du mal à se concentrer sur les chiffres. Il était pourtant important que tout le
monde soit concentré pendant cette étape, car les chiffres trimestriels étaient cruciaux pour faire des
projections de vente et fixer les budgets d’achat. Les directeurs devaient être attentifs à chaque calcul
afin de déceler d’éventuelles erreurs ou incohérences.
Contrairement à Monsieur Jensen, Luc Alibert avait parfaitement perçu ce changement et ses
répercussions sur la capacité des directeurs à se concentrer sur les chiffres. Prenant soin de ne pas
heurter la direction néerlandaise, il proposa de faire une petite pause car, dit-il, il n’arrivait pas très
bien à se concentrer. Il prit donc sur lui la responsabilité de l’interruption, avec une seule arrière-
pensée : stopper immédiatement la présentation du directeur financier. Pendant la pause, dont les
directeurs profitèrent pour exprimer encore leur joie, Luc Alibert alla discrètement parler à Peter
Jensen. Il lui demanda s’il ne pensait pas que le moment était propice pour essayer d’avoir des
échanges sur les projets d’innovation, avant de reprendre plus tard les statistiques. Il argumenta qu’il
fallait capitaliser sur la bonne humeur régnante pour permettre à tout le monde de s’exprimer
librement. Peter Jensen, bien que surpris et un peu troublé par cette idée, accepta sans chigner la
proposition de Luc Alibert. La suite des événements donna entièrement raison à ce dernier, car la
réunion fut extrêmement productive et de très bonnes idées furent recueillies dans une ambiance un
peu chaotique.
6) Quel était le problème durant cette 2ème partie de la réunion ? (1point)
7) Quels étaient les ressentis des salariés lors de la réunion (émotions) ? (1point)
8) Quelles étaient leurs attentes ? (1point)
9) Quelle était la solution adoptée ? (1point)
10) Analyser l’intelligence émotionnelle de M. Albert et celle de M. Jensen durant cette 2 ème
partie de la réunion surtout concernant l’utilisation des émotions (2points)
Puis vint l’heure du déjeuner et les directeurs s’installèrent autour de tables rondes de 5 personnes,
dans une salle spécialement aménagée pour l’occasion. Il y avait des marque-places nominatifs et l’on
avait favorisé la mixité des groupes, entre directeurs de Preller et Cortard. La langue commune étant
l’anglais, les dialogues n’étaient pas toujours fluides, mais on parvint tout de même à bien s’entendre.
A l’une des tables, Peter Jensen était installé avec Jean-Jacques Moussard, directeur juridique de
Cortard, et Jan de Jong, directeur marketing de Preller, ainsi que deux autres directeurs des deux
groupes. Monsieur Moussard avait abordé le sujet des brevets internationaux et s’était lancé dans une
intellectualisation du sujet, en utilisant beaucoup de termes juridiques difficilement compréhensibles
pour les non-initiés. Ce qu’il disait était hautement intéressant et aurait sans doute pu faire l’objet
d’une thèse de doctorat ; cependant, Monsieur de Jong étant une personne pragmatique, il répondit à
Monsieur Moussard qu’il ne comprenait pas comment ce qu’il disait pouvait être appliqué de manière
pratique aux cas précis auxquels le groupe devait faire face dans l’immédiat en matière de contrefaçon.
Bien que légèrement agacé par la formulation tranchante de Jan de Jong, Monsieur Moussard essaya
de lui répondre à sa façon, mais toujours en employant des termes complexes et peu compréhensibles
pour son interlocuteur. Monsieur Jensen réagit en répétant pratiquement ce qu’avait dit Jan de Jong, en
l’occurrence qu’il ne voyait pas très bien où Monsieur Moussard voulait en venir. L’agacement de ce
dernier devint de l’irritation, il s’efforça néanmoins de répondre comme il le pouvait. Si l’on
continuait à le provoquer, il risquait vraiment de se mettre en colère. Fort heureusement, Jean-Jacques
Moussard était à l’écoute de ses propres émotions et sut enrayer la montée en puissance du curseur sur
l’échelle de la colère. Il fit appel à l’humour et mit en acte un geste de colère caricaturale, en jetant sa
serviette sur la table et faisant semblant de se lever. Rien de plus efficace que de « jouer » l’émotion
ressentie, pour la désamorcer et éviter sa progression. Tout le monde rit et le sujet de conversation
changea. Cependant, avec une personne moins avertie, le comportement de Peter Jensen et Jan de Jong
aurait pu provoquer une réelle colère chez leur interlocuteur.
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11) Quel était le problème durant le déjeuner autour de la table de M. Jensen ? (1point)
12) Quels étaient les ressentis de M. Moussard (émotions) ? (1point)
13) Quelles étaient ses attentes ou ses besoins ? (1point)
14) Quelle solution a été adoptée par M. Moussard pour gérer son problème ? (1point)
15) Analyser l’intelligence émotionnelle de M. Moussard, M. Jan de Jong et celle de M.
Jense. Est-ce qu’on peut dire que M. Jan de Jong et M. Jensen ont fait valoir leur
compétence en compréhension des émotions lors de ce déjeuner ? (2points)
Après le déjeuner, les esprits étaient calmes. Parmi tous ces directeurs de haut calibre, formés dans de
grandes écoles et ayant acquis un niveau d’expérience hors pair, personne n’était dupe : ce n’était pas
le meilleur moment pour demander aux participants de fournir un effort de concentration trop
important. Il fut donc proposé de regarder un court documentaire sur Machiavel, portant surtout sur les
techniques de manipulation qui permettent à un souverain de rester au pouvoir.
Le film provoqua pas mal de rires et eut le mérite de rendre l’assemblée plus alerte. Cela servit
d’ailleurs d’introduction au prochain sujet qui devait être abordé, avant de revenir à l’analyse
financière : la transversalité du management et la stratégie de recrutement commune qui devait être
perfectionnée pour l’ensemble du groupe. C’était un domaine épineux, car les points de vue des deux
entités étaient plutôt divergents et représentaient un casse-tête pour les directeurs des ressources
humaines respectifs. Le seul point d’accord concernait la nécessité de développer un organigramme
mixte qui permette de rapprocher davantage les deux parties de l’entreprise. Si vous vous demandez
quel est le rapport entre Machiavel et cette problématique, voici l’explication. L’une des principales
dimensions des modèles de management interculturel concerne le rapport au pouvoir. Selon la culture
dominante, l’index est plus ou moins élevé, c’est-à-dire que la hiérarchie tend vers une forte verticalité
ou au contraire, vers une horizontalité prononcée. Comme évoqué plus haut, les différences entre la
France et les Pays-Bas dans cette dimension sont importantes, avec d’un côté une tendance à avoir un
style décisionnaire rapide, voire autocratique, et de l’autre, le consensus du modèle « polder » des
néerlandais qui cherche un accord entre toutes les parties concernées avant de prendre une décision.
Cette dimension a donc un impact direct sur le style de leadership, et clairement Machiavel dans
l’Italie de la fin du 15ème siècle était à mille lieues du consensus « Polder ». Or, pour réussir la
gouvernance commune d’un groupe comme Preller-Cortard, il fallait bien tomber d’accord sur un
modèle unique de leadership, afin que celui-ci puisse être déployé à tous les niveaux de l’organisation,
de manière cohérente et efficace. Il allait falloir négocier dur de part et d’autre pour arriver à une
solution satisfaisante pour les deux entités. Bien que Luc Alibert et Peter Jensen savaient qu’ils
allaient forcément devoir faire des concessions à l’autre partie, chacun pensait être en position de force
en raison de ses propres convictions. Voici comment se déroulèrent les interventions. Monsieur
Alibert commença par énumérer les forces de Cortard et les facteurs clés de succès qui avaient permis
au groupe d’atteindre sa performance exemplaire. Il mis l’accent sur le fait qu’il s’agissait ici de
valeurs, donc de quelque chose de très profond qui était ancré dans la culture même de l’entreprise.
Pour lui, la souplesse et la rapidité de réaction étaient des éléments essentiels de cette formule
gagnante, associées au sens des affaires et au pouvoir de persuasion de ses dirigeants (sous-entendu,
les siens). Par conséquent, il était de l’avis que bien que le management transversal en vogue depuis
quelques années soit une bonne chose, il ne fallait pas qu’il s’applique au upper management ; il fallait
préserver une hiérarchie formelle et immuable, avec des canaux décisionnaires directs et non
contestés. La force d’une entreprise reposait pour lui sur les personnalités de ses dirigeants, et
certainement pas sur la possibilité de diluer leur pouvoir.
Les enjeux étant de taille, Luc Alibert avait tenu ses propos avec une forte tonalité émotionnelle. On
sentait que cela lui tenait à cœur, et cela se vit concrètement à la coloration rouge de son visage et à
ses mouvements vivaces. Le timbre de sa voix, bien que maîtrisé, était tout de même monté
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légèrement en fréquence, ce qui constituait un signe d’accélération cardiaque. Peter Jensen sut
reconnaître cela, mais il ne voulut surtout pas pousser Luc Alibert dans ses retranchements.
Pourtant, Monsieur Jensen était convaincu qu’il devait rester ferme pour ne pas laisser basculer la
situation en sa défaveur. Il répondit de la manière suivante. En appliquant le modèle de la négociation
raisonnée, il sépara les personnes impliquées du problème à traiter, se concentra sur les intérêts
communs en jeu, plutôt que sur les positions respectives par rapport au leadership. Il élargit par
ailleurs les options et développa des critères objectifs pour arriver à une solution gagnant-gagnant. Il
sut garder son calme et déroula méthodiquement ses points de vue, tout en gardant une méta-
perspective des objectifs qu’il voulait atteindre à travers cette négociation. Tout en manifestant une
écoute attentive à l’égard de Luc Alibert, il parvint à garder le cap pour arriver à une solution
satisfaisante pour tout le monde. Concrètement et pour synthétiser, les deux hommes et leurs
directeurs se mirent d’accord pour mettre en place une structure de leadership et de management à la
fois consensuelle, mais en même temps avec des chaînes de commandement plus courtes que celles
qui étaient en place actuellement chez Preller. Ainsi, Preller-Cortard se dota dans les mois consécutifs
d’un management dans l’esprit du « delayering », c’est-à-dire la réduction des couches de
management, avec des équipes « cross-fonctionnelles » dirigées par des managers-coachs. En d’autres
termes, des managers formés au coaching individuel et d’équipe, capables de créer de véritables liens
de confiance avec les collaborateurs. Par ailleurs, Luc Alibert accepta que soit instauré un système de
rotation dans le management, de manière à contribuer au brassage des deux cultures d’entreprise, mais
il obtint que cela ne concerne pas certains postes clés dont il pensait qu’ils demandaient de la
continuité à long terme. Et ainsi de suite. Le point principal, c’est que grâce au niveau de compétence
élevé en manager les émotions et les relations de Monsieur Jensen, Preller-Cortard réussit à se doter
d’une structure de commandement souple et réactive, en alliant les forces des deux entités telles
qu’elles avaient fonctionnées pendant de longues années.
16) Analyser l’intelligence émotionnelle de M. Albert et celle de M. Jensen durant cette
dernière phase de débat sur le leadership à retenir. (1point)
17) Quel style de leadership a été adopté au final par la société en fusion Preller-Cortard ?
(1point)
Bon courage !