Critique des sources
Critique des sources
Critique des sources
Introduction
Structure du cours
Évaluation
Examen écrit débouchant sur une note unique, composé de deux épreuves :
• la première en janvier - parties 1 et 2,
• la seconde en juin – parties 3 et 4,
• donnant lieu à l’obtention d’une seule note.
- Un questionnaire par partie du cours, chaque partie représentant 25 % de la
note finale. La réussite globale impose d’avoir présenté les 4 parties.
- Les notes égales ou supérieures à 10/20 de chaque partie pourront être
reportées pour la deuxième session. La réussite globale en deuxième session
impose d’avoir représenté toutes les parties non réussies.
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La société de l’information
La société de l’information est une société qui fait un usage intensif des
réseaux d’information et de la technologie de l’information, produit de grandes
qualités de biens et de services d’information et de communication et possède
une industrie de contenus diversifiée qui sont difficiles à appréhender.
Le développement de l’accès à l’information: instrument de dialogue et
d’ouverture (ex : les réseaux sociaux). …
… mais aussi radicale transformation des médias, multiplication des sources
d’information, qui posent la question de la réception et du traitement de
l’information.
La surcharge informationnelle
La surcharge informationnelle (ou infobésité) désigne l'excès d'informations
qu’on ne peut traiter correctement, entrainant la fatigue informationnelle. Ce
phénomène prend de plus en plus d'ampleur, avec le développement d’Internet
(courriels et multiplicité des médias) C’est le premier effet négatif. L’excès
d’informations fait qu’on observe deux réactions bien différentes : devenir
addict ou tout fermer.
Risque de désinformation lié à l’impossibilité de trier l’information en trop
grand nombre et de l’absence de recul analytique. C’est un phénomène
3
perceptible dans le monde du travail, mais aussi, de manière plus générale, dans
le contexte de l’usage massif des nouveaux médias.
La surcharge d’information peut être canalisée grâce aux programmes mis en
place par les moteurs de recherche et les réseaux sociaux afin de mettre en
avant l’information « pertinente » pour l’internaute, mais ce procédé utile risque
paradoxalement de limiter le libre accès à l’information. Ainsi, les moteurs de
recherche nous permettent de nous libérer de cette surcharge et de devenir un
acteur. On devra cependant se demander la façon de poser la question et le type
de réponses qu’on recevra de ces moteurs de recherches et on devra les regarder
de manière critique.
Bulle de filtre
Bulle de filtre : Ensemble des informations personnalisées qui sont présentées à
un internaute par les moteurs de recherche et les réseaux sociaux à partir de
données collectées à son sujet, ne l'exposant ainsi qu'aux informations pour
lesquelles il a déjà démontré de l'intérêt, évacuant ainsi le reste.
On ne pourrait donc être que dans une bulle et juste écouter les infos qu’on veut
entendre et donc supposer qu’il n’y a que cela. On sera plus guidé par le moteur
de recherche et non plus par la question de recherche. Il faut en prendre
conscience. En outre, les moteurs de recherche pourra nous donner l’impression
que tout est sur internet, ce qui est faux !
La post-vérité
Post-vérité : Ce qui se rapporte aux circonstances dans lesquelles les faits
objectifs ont moins d'influence sur le public que ceux qui font appel à l'émotion
ou aux croyances personnelles. L'idée même de vérité est devenue indifférente et
caduque.
N.B. : La formule (post-truth) a été proclamée "mot de l'année" dans le
dictionnaire d'Oxford, en 2016, suite au Brexit et à l’élection présidentielle
américaine, deux événements au cours desquels les fake news ont été
nombreuses.
Exemple : Sur la base d’informations inexactes publiées dans le cadre d’un
climat émotionnel, des décisions ont été prises en ce qui concerne le Brexit,
l’émotion portant encore le débat actuellement.L’élection présidentielle
américaine ne faisait plus la distinction entre les intox et les vrais informations
au point que les spectateurs, s’ils n’ont pas le recul nécessaire, n’arrivent plus à
faire la distinction entre ces deux choses.
Par ailleurs, Internet favorise la crédulité, soit une grande facilité à croire sans
vérification, à cause de la masse des informations, de la rapidité de circulation
des informations et de l’indifférenciation des sources de l’information.
Les internautes sont à la fois acteurs et victimes de la propagation incontrôlée
des informations… et assez démunis face à ce phénomène…
Le danger est d’être plus réceptif aux émotions qu’aux faits objectifs,
dans un contexte où chacun peut se forger son opinion et affirmer son
avis. On nous dit tout le temps qu’on est dans une société
d’informations alors que le vecteur de propagation de l’info est
l’émotion, cela engendre un paradoxe.
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Les autorités politiques sont de plus en plus interpellées par cette situation.
Exemples :
• Le 22 décembre 2018, le Président de la République française, Emmanuel
Macron, a promulgué la loi relative à la lutte contre la manipulation de
l'information...
• En janvier 2019, la Commission européenne exhortait Facebook, Google
et Twitter à intensifier leurs efforts contre la désinformation en ligne…
« Si on ne peut pas prouver que le monstre du Loch Ness n’existe pas, c’est
qu’il existe… », Pascal Engel, Libération, 19 février 2018.
« Les «fake news» et leurs «faits alternatifs» sont la conséquence d’un abandon de la
rationalité. Il faut s’entraîner à l’autodéfense intellectuelle en apprenant à traquer les
sophismes et les erreurs de raisonnement …
… On a beaucoup parlé de l’ère de la post-vérité, mais personne n’a encore appelé notre
époque l’ère de la «post-raison». C’est étonnant car les violations de la raison sont au moins
aussi virales que les fake news, et les célébrations de la défaite de la raison quasiment aussi
fréquentes que les tweets des défenseurs des faits «alternatifs». Le recours à l’argument
d’autorité, l’appel à l’opinion, au peuple, le transfert d’expertise (X est expert sur Y, mais
s’autorise à se prononcer sur Z), les procès d’intention, le sophisme génétique (les idées de X
sont fausses parce qu’elles ont telle cause), le biais de confirmation (privilégier les données
qui confirment les hypothèses en accord avec nos idées) et quantité d’autres paralogismes, sont
endémiques ». […] « Penser logiquement, c’est penser par rapport à un but précis digne
d’intérêt, et tout humain sait faire cela. Au contraire, les fake news sont destinées à nous faire
penser sur n’importe quoi. Rétablissons les sujets dignes de pensée, celle-ci fonctionnera
mieux. Les gens ne sont pas totalement incapables de raisonner, ni de distinguer des
informations plausibles d’autres qui ne le sont pas. Nous trions bien les ordures. On peut
s’entraîner aux techniques d’autodéfense, ne peut-on s’entraîner à l’autodéfense intellectuelle
en apprenant à traquer les sophismes et les erreurs de raisonnement ? La raison a encore ses
chances. Swift disait que l’homme n’est pas rationnel mais capable de raison. Pas besoin de
plus pour reprendre la main ».
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Il trouve que l’émotion appris le pas sur la raison et que le seul moyen de revenir
dans une société d’information sans en être le jouet est d’utiliser la raison.
Les faits alternatifs = faits qu’on avance avant de les vérifier. L’argument
d’autorité = quand une personne a l’autorité de dire une chose sans le prouver.
On ne doit pas l’accepter sans qu’il soit étayer ! Les paralogismes sont des
informations erronées mais pas volontairement, sans intention malveillante, on
ne les vérifié pas tandis que le sophisme avance des raisonnements
volontairement fausses.
1
Article 1 des statuts de l’Université :
« L'Université Libre de Bruxelles fonde l'enseignement et la recherche sur le principe du libre examen.
Celui-ci postule, en toute matière, le rejet de l'argument d'autorité et l'indépendance de jugement. »
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Poincaré fait partie de ceux qui ont milité pour réviser le procès Dreyfus parce
qu’il considérait que les raisons pour lesquelles on l’avait mis en prison et les
documents utilisés étaient des faux et méritaient d’être révisés. Il y avait donc
des esprits qui soulignaient le danger d’être trop crédule avant l’existence
d’Internet.
« Cette importance accordée au travail de construction des faits s’explique par une
préoccupation centrale: comment donner au discours de l’historien un statut
scientifique? Comment s’assurer que l’histoire n’est pas une suite d’opinions
subjectives que chacun serait libre d’accepter ou de refuser, mais l’expression d’une
vérité objective qui s’impose à tous? ». « Comme procédé de connaissance, l’histoire
est une connaissance par traces… L’historien effectue un travail sur les traces pour
reconstituer les faits. Ce travail est constitutif de l’histoire; en conséquence, les règles
de la méthode critique qui le gouvernent, sont, au sens propre du mot, fondamentales »
Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, éditions du Seuil, 1996, 2010 (édition
augmentée), p.56.
Depuis très longtemps, le phénomène des fake news traverse les disciplines.
L’historien a tout à fait conscience qu’il procède à la construction d’un savoir,
avec le travail de recherche mais aussi en devant l’exposer.
Quand il dit que l’historien travaille sur des traces, il veut dire qu’il est sur des
traces laissées par le passé. On peut faire une analogie entre le travail d’enquête
historique et le travail d’enquête judiciaire car les juges sont aussi amenés à
devoir travailler sur des traces, des indices. L’historien est donc un enquêteur.
On a des lieux où on conserve les traces du passé mais on devra d’abord faire
une enquête pour trouver celles-ci. Prost dit qu’on devra reconstituer les faits, on
doit donc construire le savoir.
Les règles de la méthode critique qui gouvernent ce travail sont donc
fondamentales. On va voir comment on a construit la méthode critique pour
retrouver et analyser les traces du passé.
Marc Bloch est une grande sommité en Histoire. Les historiens essayent de
saisir des phénomènes dont ils ne pourront avoir que les traces laissées.
N.B. : L’archéologie est la science qui étudie les traces matérielles du passé
alors que l’Histoire aura tendance à se centrer sur les traces écrites du passé,
même si cette discipline commence à devenir de plus en plus importante.
Une source est l’origine de l’information. En histoire, on s’attache à récolter les
sources de première main, qui contiennent des informations transmises par les
auteurs de ces documents historiques.
Quand on ouvre Wikipédia, on a une source d’information historique sur un fait,
produite par un historien. C’est donc un travail de seconde main, de collecte de
l’information. Les sources des historiens sont les témoignages produits par les
acteurs des sociétés passées. Il faut donc bien différencier les sources passées et
les travaux des historiens.
«Les textes ou les documents archéologiques … ne parlent que lorsqu’on sait les
interroger. Avant Boucher de Perthes, les silex abondaient, comme de nos jours, dans les
alluvions de la Somme. Mais l’interrogateur manquait et il n’y avait pas de préhistoire. »
Marc Bloch, Op. cit., p. 77.
La Somme est une rivière française et Boucher de Perthes est la personne qui a
fondé la préhistoire car il a fait des fouilles dans le lit de cette rivière et il a
décelé, par ses observations, que certains des silex avaient été taillés par des
êtres humains dans un passé très lointain. Il a ainsi pu mettre au jour les traces
de l’activité humaine avant l’Histoire (pas de traces écrites).
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A chaque époque, la nature des questions va changer car les historiens sont des
gens de leur temps, ils ne sont pas des nostalgiques du passé. Ainsi, ils sont très
réceptifs aux enjeux présents. Leurs questions posées au passé sont donc liées à
leur époque. Ainsi, on n’a jamais fini d’écrire l’Histoire.
L’historien cherche à voir si la source qu’il a sous les yeux, qui provient du
passé et qu’il va utiliser pour reproduire ce passé, est une source fiable à tout
point de vue (est-ce un faux ? Me dit-il des choses vraies ?). On peut avoir un
document authentique, tout à fait vrai, qui nous livre une fausse information.
La démarche de l’historien
« Le mot histoire désigne aussi bien ce qui est arrivé que le récit de ce qui est
arrivé ; l’histoire est donc, soit une suite d’événements, soit le récit de cette suite
d’événements. Ceux-ci sont réellement : l’histoire est le récit d’événements vrais, par
opposition au roman, par exemple. Par cette norme de vérité, l’histoire comme
discipline, s’apparente à la science ; elle est une activité de connaissance »
P. VEYNE, « l’histoire », dans Encyclopedia Universalis, t. 11, Paris, 1994, p. 464
Il ne dit pas « l’Histoire est une science » mais que même si l’Histoire cherche à
établir une vérité, elle reste dépendante des traces et du fait qu’on doit en faire le
récit.
« L’histoire dit vrai; mais ses vérités ne sont pas absolues. Comment comprendre cette
contradiction constitutive de la discipline? » (A. Prost)
C’est le problème majeur. En tant qu’historien, nous voulons dire le vrai, nous
appuyez sur les faits, faire appel à la raison mais on intervient quand même à
tous les niveaux :
• Les objets de l’histoire sont pris dans des contextes précis
• Les objets de l’histoire sont construits à partir d’un point de vue lui-
même historique.
C’est pourquoi plutôt que de parler d’objectivité, qui suppose que l’observateur
ne soit pas impliqué dans sa recherche, il vaut mieux parler d’impartialité,
d’éthique, de la nécessité de prendre de la distance par rapport à ses propres
opinions, il s’agit d’essayer de comprendre, pas de faire la leçon ou la morale.
On doit tenir compte de ce que les sources nous apportent même si elles ne
tiennent pas compte de nos émotions, de nos sentiments, même si elles ne vont
pas dans le sens de notre hypothèse. On doit donc se mettre à distance, l’objectif
n’étant pas de produire un discours moral mais d’essayer de comprendre ce qui
s’est passé.
Exemple : L’évolution du climat. Les historiens peuvent actuellement poser
cette question au passé mais au 17ème, elle n’aurait jamais été posée car elle ne
traversait pas le questionnement contemporain.
« Certes, les démarches pour démontrer la vérité sont liées au contexte, à l’état de la
documentation, de la réflexion. On peut dire que les mêmes documents peuvent être ou
ne pas être acceptés en tant que preuves en fonction du contexte.
Mais le souci de vérité est lié à l’histoire, en tant que projet intellectuel depuis
Hérodote. Et je pense que c’est une faute majeure de rejeter la notion de preuve en
tant qu’instrument pour approcher la vérité, la rendre visible et convaincante »
Entretien avec Carlo Ginzburg, dans Jean-Claude Ruano-Borbalan (dir), L’histoire
aujourd’hui. Nouveaux objets de recherche. Courants et débats. Le métier
d’historien, Auxerrre, Éditions Sciences humaines, 1999, p.255.
L’appareil critique
L’appareil critique est une partie essentielle d’un travail d’histoire. Il présente
les preuves à l’appui de la démonstration et permet ainsi de vérifier cette
dernière.
L’appareil critique comprend les notes (en bas de page (« infrapaginales ») ou à
la fin du travail) et les références bibliographiques (en fin de travail).
Les historiens apprennent à pouvoir retrouver et critiquer leurs sources mais
aussi à toujours représenter ses preuves dans le récit historique. Ce souci de la
preuve donnera le caractère scientifique à la démarche historique.
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Hérodote
Pour comprendre la genèse de la critique historique, il faut remonter au 5ème
siècle ACN, pour retrouver Hérodote (v. 485 – v. 430 av. J.- C.). Tout ceci se
passe dans la ville d’Athènes, cité-état ayant aussi inventé la notion de
démocratie. Des travaux d’histoire apparaissent car ils veulent retranscrire
l’histoire de la ville. Hérodote, père de l’Histoire (surnommé ainsi par Cicéron)
écrit le premier récit d’évènements réalisé à partir d’enquêtes, Les histoires ou
l’Enquête. Il a ainsi recueilli des témoignages oraux et écrits.
On peut voir la nature différente des sources dont on peut disposer quand on
mène une enquête historique : les travaux écrits du passé et les témoignages
oraux (enquête orale). Cette enquête doit suivre des règles strictes pour endiguer
les risques de rapporter un témoignage erroné ou travesti car on ne veut pas
donner la vérité.
Hérodote est un des premiers à faire l’Histoire du temps présent, c’est-à-dire
l’Histoire toute proche.
« Hérodote d’Halicarnasse présente ici les résultats de son enquête afin que les travaux des
hommes et les grands exploits accomplis soit par les Grecs, soit par les Barbares, ne tombent
dans l’oubli »
Cité par J.-M. Bizière et P. Vayssière, Histoire et historiens. Manuel d’historiographie, Paris,
2015 (2e édition), p. 9.
L’Histoire est pour lui une démarche fondée sur la recherche de l’information,
l’historien est le témoin, celui qui sait, qui peut arbitrer entre le vrai et le faux…
Son objectif est de ne pas couvrir les grands hommes mais tous les faits
accomplis par n’importe quel homme, par les Grecs mais aussi par les étrangers.
Il y a déjà donc une volonté d’avoir une vue large. Ce qui le distingue de ses
contemporains, ce qui fait de lui un historien, c’est qu’il collecte des
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Thucydide
Un de ses contemporains, Thucydide (v. 460- v. 396 av. J.- C.), considère lui
aussi que le récit doit être véridique, et doit être écrit par un témoin des faits. Il
va plus loin que son prédécesseur dans l’exigence de la méthode et
l’organisation du récit, centré sur un objet : la guerre entre les Péloponnésiens et
les Athéniens
«J’ai évité de prendre mes informations du premier venu et de me fier à mes impressions
personnelles. Tant au sujet des faits dont j’ai moi-même été le témoin que pour ceux qui m’ont
été rapportés par autrui, j’ai procédé chaque fois à des vérifications aussi scrupuleuses que
possible. Ce ne fut pas un travail facile, car il se trouvait dans chaque cas que les témoins d’un
même événement en donnaient des relations discordantes variant selon leurs sympathies ou
selon leur mémoire »
Cité par J.-M. Bizière et P. Vayssière, Histoire et historiens. Manuel d’historiographie, Paris,
2015 (2e édition), p. 15.
Ce texte est extrêmement moderne car on voit dans ces quelques lignes tous les
enjeux de l’approche critique des sources. Il s’est informé de la qualité des
témoins : est-ce qu’ils étaient assez qualifiés, bien placés, pour rapporter
l’information ? En outre, il a pris de la distance par rapport aux faits rapportés,
le souci d’impartialité émerge chez cet historien.
Mais Thucydide sait que les évènements qui lui sont rapportés seront toujours à
travers des témoignages, il ne pourra jamais en être sûr. Il doit donc procéder à
des vérifications, au recoupement des sources. Il va essayer de voir si un même
événement peut être rapporté par plusieurs témoins. C’est difficile car il se rend
compte que les témoins d’un même événement donne des faits différents. Il sait
donc bien où il peut se faire piéger en collectant les informations.
On se rend compte que bien souvent, on n’a pas une relation exactement pareille
selon les témoins, soit parce qu’ils ne l’ont pas bien compris, soit parce qu’eux-
mêmes sont influencés par leur propre sympathie qui leur servira de filtre (Ex :
les manifestations et le positionnement des acteurs).
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L’autre problème mis en avant par cet historien est que dès que le temps
s’écoule, la mémoire peut être défaillante et sélective. Quand on fait
aujourd’hui des remémorations collectives, on essaye de faire reculer ce
phénomène. La mémoire interpelle l’émotion de ceux qui doivent retenir
l’évènement, ce qui la différencie de l’Histoire. Les évènements dont on va faire
le rapport vont interpeller la raison mais aussi les sentiments de ceux qui s’en
souviennent. Ce n’est pas la même chose que la recherche de l’histoire de
l’évènement !
Dans l’Athènes du 5ème siècle ACN, des historiens ont voulu rapporter le mieux
possible une forme de vérité historique, sans encore avoir les méthodes mais en
s’en sortant quand même bien.
L’époque romaine
Par la suite, et ce de manière globale, quand on se plonge dans la période
romaine, l’Histoire sera surtout écrite pour mettre en avant les faits importants,
les exploits des grands hommes, pour en faire une histoire exemplative.
Ainsi, Tite-Live (64-59 av. J.-C.) veut mettre en avant des exemples à suivre.
L’Histoire ne cherche plus tellement à établir une vérité concrète mais à montrer
des choses auxquelles se référer dans le temps présent. Il établit la synthèse des
œuvres précédentes, est préoccupé par la relation des mœurs des temps anciens
afin d’ y trouver les exemples à suivre ou ne pas suivre : une histoire à la
recherche des qualités morales du peuple romain, fondée sur les légendes plus
que sur le souci de vérité historique.
César (100-44) est un homme politique qui écrit l’Histoire des évènements du
temps présent. Ainsi, il écrit l’histoire des conquêtes qu’il a lui-même mené, la
distance et le souci d’impartialité ne sont donc pas présents dans un témoignage
donné par celui qui conduit la bataille. L’histoire écrite par les hommes
politiques sont donc emblématique d’une histoire au service de leur action.
Dans le contexte de l’Empire romain, les historiens ne sont pas libres d’écrire ce
qu’ils veulent puisqu’ils sont soumis à une forme de censure officielle, qui aura
un impact sur la manière d’écrire l’Histoire.
On passe donc de l’émergence des principes de l’Histoire à une Histoire voulue
comme exemple, l’évolution de la critique historique n’est donc pas du tout
linéaire.
De ces sociétés anciennes et jusqu’au 18ème, la plupart des gens ne savent pas
lire. Ainsi, la transmission de l’Histoire nous est parvenu grâce à des écrits mais
19
L’époque médiévale
En Europe occidentale, l’époque médiévale est très marquée par l’omniprésence
de l’Eglise. L’enseignement générale, dans cette société, est marqué par la
volonté de transmettre les savoirs liés à la foi. Ceux qui apprennent (limité) vont
recevoir une éducation sous l’empreinte de cette étude des Saintes Ecritures qui
portent la parole divine. Cette histoire n’est donc ni contestable ni critiquable et
l’interprétation des Saintes Écritures fait l’objet d’un contrôle strict de la part du
clergé. A partir du moment où on ne peut pas contester cette vérité, on se rend
compte qu’on n’est pas dans un contexte d’émergence d’un point de vue
critique. En outre, la censure est aussi fortement présente.
Cela signifie qu’on va plutôt s’intéresser à la succession des événements et non
pas à leur explication car elle est présentée par les historiens chrétiens comme
une illustration de l’exercice de la volonté de Dieu. Apparaissent ainsi des
chroniques et des annales racontant les événements sans démêler le vrai du
faux.
A partir du 12ème siècle, l’Histoire sera encouragée par les princes laïcs, qui
veulent avoir l’histoire de leur principauté et qui ont soutenu le travail de
chroniqueurs qui vont se mettre à leur service. Evidemment, un chroniqueur
engagé par un duc ou autre va être soumis à l’autorité de son maître et ne sera
donc pas tenté de mettre en avant les évènements pouvant nuire au prestige de
celui qui l’emploie. De plus, ces gens au service d’un duc ou autre auront une
certaine adhésion avec ce qu’il fait.
Pour le Moyen-Age, on dispose donc de nombreuses chroniques, soit écrites
dans le cadre des institutions ecclésiastiques (ex : les abbayes aiment avoir leurs
chroniques) soit écrites pour des nobles.
La Réforme protestante
L’émergence de la Réforme protestante au début du 16ème est aussi importante.
Elle se développe d’abord en Allemagne sous l’influence de Luther, puis en
France sous l’influence de Clavin et en Suisse on retrouve Zwingli. Ces
théologiens n’acceptent plus le fonctionnement de l’Eglise catholique et la
remettent en cause. En outre, le roi d’Angleterre va aussi suivre ce mouvement
et naîtra alors l’anglicanisme.
Cette Réforme va remettre en cause les fondements de l’Eglise et de son autorité
en matière de foi, les protestants voulant un culte plus simple et plus proche des
croyants, ils veulent moins de richesses autour du clergé. En outre, le culte des
saints n’est pas acceptable pour eux, tout comme celui de Marie. Le mot-clé est
donc la simplification.
Ils vont jouer un rôle dans la mise en cause de l’Eglise mais aussi, puisqu’ils
veulent une foi plus proche des croyants, ils veulent traduire et diffuser la Bible
23
On verra :
La remise en cause des connaissances scientifiques ;
L’émergence de sciences nouvelles (géographie, …)
Cette grande période de changement que marque le début des Temps Modernes
permettra l’émergence d’une réflexion plus libre qu’auparavant car les certitudes
seront modifiées.
L’imprimerie (redécouverte au 15ème car elle existait déjà en Chine) est la
capacité à pouvoir imprimer, à partir de l’alignement de lettres et en plusieurs
exemplaires, un même texte. C’est formidable car jusque-là, tout se faisait à la
main. Elle permettra de multiplier et diffuser les livres.
On ne remettait pas en cause le savoir admis par l’Eglise mais à partir du
moment où même au sein du monde chrétien émerge la Réforme et ses
contestations, à partir du moment où des savants peuvent regarder les textes sans
25
Date ;
Provenance (copie ou pas) ;
Nature ;
Authenticité.
26
Richard Simon
Les historiens vont utiliser cette méthode critique et l’étape suivante
sera de publier des ouvrages montrant comment on a utilisé cette
27
Le développement de l’archéologie
L’archéologie est l’étude des vestiges matériels du passé. Ils ont toujours
suscité l’intérêt depuis les premières sociétés humaines: cette curiosité pour les
monuments, les céramiques ou les ossements est attestée dans les milieux
cultivés de l’Antiquité, en Egypte, en Mésopotamie, en Grèce ou à Rome (mais
aussi en Chine et dans d’autres contrées du globe). Cependant, s’intéresser ne
veut pas dire les comprendre et les étudier scientifiquement néanmoins.
Le Moyen Âge, en Europe, sera marqué par la recherche des reliques sacrées,
destinées à légitimer le pouvoir et à entretenir la ferveur religieuse. La recherche
des reliques est bien, au fond, la recherche des traces matérielles de l’histoire
religieuse. On s’intéresse à l’objet qu’on peut montrer.
A partir de la Renaissance, qui revisite l’Antiquité, se développe le goût des
collections, que les savants s’emploient à étudier avec une méthode critique qui
s’affirme comme de plus en plus rigoureuse :
• Description des
vestiges
• Dessins
• Fouilles
• Publications
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Ainsi, les savants visiteront les villes qui ont encore en leur sein des vestiges
archéologiques (Rome, …). On va dessiner ces vestiges et entreprendre des
fouilles, on essaye de retrouver et enfin, on fera des publications.
Ces découvertes de sources archéologiques vont stimuler la recherche et la
réflexion. Il y a plusieurs moment-clé :
Le comte de Caylus
On verra se mettre en place des publications car on se dit qu’on ne peut plus
simplement collectionner mais qu’il faut aussi comprendre. L’objectif du comte
de Caylus est d’élaborer un savoir global, encyclopédique et explicatif.
Le comte de Caylus (1692-1765) fait paraître à partir de 1752 son
Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines (7
vol. publiés entre 1752 et 1767). Ce collectionneur d’antiques,
membre de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres,
peintre et graveur, est considéré comme un des fondateurs de l’archéologie, par
l’attention qu’il porte aux objets dans leur contexte historique. Sa collection a
29
été léguée au cabinet des Médailles du Roi, actuel Département des médailles,
monnaies et antiques de la Bibliothèque nationale de France.
C’est aussi à ce moment-là que les musées et les bibliothèques, héritiers des
collections royales, apparaissent.
« Ce n’est pas seulement la vie de Louis XIV qu’on prétend écrire ; on se propose un
plus grand objet. On veut essayer de peindre à la postérité, non les actions d’un seul
homme, mais l’esprit des hommes dans le siècle le plus éclairé qui fut jamais. »
Voltaire nous dit qu’il va s’appesantir sur un des plus grands rois du monde, on
est donc dans la tradition d’écrire l’histoire d’un grand homme, mais il va
l’élargir car il veut aussi écrire l’histoire de tous ceux ayant vécu sous le règne
de Louis XIV. Cet écrivain veut dépasser les histoires axées sur une seule
personne, fusse un souverain comme Louis XIV.
L’autre aspect important proposé par Voltaire est d’essayer d’atteindre la vérité
avec une méthode. Il veut essayer de dépasser cette histoire des règnes où on ne
met en avant que tout ce qui est magnifique, voire légendaire, pour atteindre une
certaine forme de vérité.
Pour se faire, il utilisera de nouvelles sources, des données qu’on peut
quantifier. A cette époque, on met au point les méthodes statistiques, les cartes
géographiques complètes, … Voltaire est imprégné, en écrivant son livre, de cet
esprit qui essaye de percevoir l’intégralité des faits.
Il y a pourtant chez cet auteur une forme d’admiration qui transparaît. Il ne se
met pas à distance en écrivant même si on retrouve chez lui cette quête du vrai
et cette volonté d’élargir l’objet. Cependant l’Histoire n’est pas un fil continu,
des auteurs écrivant encore à cette époque que sur de grands hommes.
On peut dire qu’on est à la croisée des chemins, entre l’Histoire qui aspire au
vrai, à la vérité, et une Histoire qui s’apparente à une œuvre littéraire, écrite par
une personne qui a une belle prose.
Voltaire pense qu’on peut faire les deux.
1.2.2. « Histoire romantique » VS « Histoire méthodique » ou « art » VS
« science » au 19ème
31
Les historiens ne sont pas détachés de la société dans laquelle ils vivent. Ainsi,
en Europe Occidentale au 19ème, on voit naître les Etats nations, c’est-à-dire que
la nation est mise en avant pour devenir une forme d’adhésion collective.
L’autre versant est la naissance d’une forme d’antagonisme entre les différentes
nations. Les historiens qui vont travailler dans ce contexte vont être imprégnés
de cette idée en écrivant l’histoire de France par exemple.
De plus, le 19ème est le siècle des sciences, c’est à cette époque qu’on voit
démarrer les sciences exactes. Elles sont perçues comme un vecteur de progrès
et on retrouve toute une série de réflexions scientifiques, ces dernières étant de
plus en plus apparentées à la raison.
On parlera donc de l’histoire romantique VS de l’histoire méthodique, une
histoire qui s’apparente plus à un art VS une histoire qui s’apparente plus à la
science. Tout cela est le fait de l’inscription des historiens dans la société où ils
vivent.
L’histoire romantique
« Cette œuvre laborieuse d’environ quarante ans fut conçue d’un moment, de
l’éclair de Juillet. Dans ces jours mémorables, une grande lumière se fit, et j’aperçus
la France.
Elle avait des annales, et non point une histoire. Des hommes éminents l’avaient
étudiée surtout au point de vue politique. Nul n’avait pénétré dans l’infini détail des
développements divers de son activité (religieuse, économique, artistique, etc.). Nul
32
« Ma vie fut en ce livre, elle a passé en lui. Il a été mon seul événement. Mais cette identité
du livre et de l’auteur n’a-t-elle pas un danger ? L’œuvre n’est-elle pas colorée des
sentiments, du temps, de celui qui l’a faite ? »
[…]
« Si c’est là un défaut, il nous faut avouer qu’il nous rend bien service. L’historien qui en est
dépourvu, qui entreprend de s’effacer en écrivant, de ne pas être, de suivre par derrière la
chronique contemporaine …, n’est point du tout historien ».
Extrait de la préface de 1869 de l’Histoire de France
Dans cet extrait, il avoue clairement qu’il est tellement habité par son projet que
c’est sa vie qui est passée dans son livre, et il se demande si ce n’est pas un
danger. Mais par la suite, il plaide pour l’empathie, qui est indispensable pour
33
revivre le passé. Il fait aussi allusion au débat qui a lieu à cette époque, cette
tension entre l’histoire romantique et l’histoire méthodique.
L’histoire méthodique
Léopold von Ranke (1795-1886) est un historien allemand qui va prôner
l’histoire méthodique. C’est à ce moment-là qu’on pense que la science « dure »
pourra améliorer les sciences humaines. Comme en sciences, l’ambition est de
dépasser l’implication de l’historien pour essayer de révéler les voies du monde
et pour se faire, on doit être le plus à distance possible de l’objet d’étude.
L’histoire méthodique prend son envol à l’aube du 19e siècle, à un moment où la
science, liée à la révolution industrielle naissante, est communément perçue
comme en mesure de révéler les lois du monde – en ce compris celles de ses
composantes sociales (scientisme, positivisme).
N.B. : On parlera de positivisme ou de scientisme pour évoquer l’impact des
sciences exactes sur les sciences humaines. C’est à cette époque qu’on met au
point ce système d’écriture d’un discours scientifique argumenté.
34
Léopold von Ranke veut fonder une histoire scientifique (fiches, bibliographie,
notes de bas de page), qui a pour objet de reconstituer le passé tel qu’il s’est
déroulé (« wie es eigentlich gewesen ist ») à partir des événements démontrés
comme vrais. Il veut aussi avoir une méthode infaillible qui permettrait de
produire un discours aussi scientifique qu’un discours de science exacte.
On ne cherche pas à obtenir l’adhésion du lecteur par une écriture flamboyante
mais on veut retranscrire le vrai des évènements en les prouvant, le but étant de
démontrer.
L’Histoire existe en soi, et possède une structure propre qui peut être
connue grâce aux archives. Pour pouvoir comprendre le passé, on doit
retrouver les sources qui peuvent le démontrer. On doit reconstituer -et
non pas ranimer- le passé, la quête des sources est donc fondamentale,
on doit les faire parler objectivement ;
Cette histoire méthodique doit être la plus simple possible, tous les historiens
devant utiliser un langage identique pour pouvoir se comprendre. La lecture ne
cherche pas à acquérir l’adhésion du lecteur. En revanche, les deux histoires
pratiqueront la critique historique et la critique des sources mais la grande
différence est l’application qu’ils leur donneront. La manière d’apporter les
preuves et de susciter l’adhésion du lecteur seront différentes.
La méthode de la critique historique est donc en train de s’imposer, la quête du
document primant. L’école allemande aura un impact très important et se
développera aussi en-dehors de l’Allemagne.
« Leur ouvrage peut être lu comme un immense effort visant à transposer dans le champ des
études historiques les manières de travailler et de raisonner qui ont fait leurs preuves dans le
domaine des sciences physiques. Le laboratoire de l’historien, ce sont ses sources. »
Gérard Noiriel, préface à la nouvelle édition en ligne.
Langlois et Seignobos disaient que s’il n’y a pas de documents, on n’a pas
d’Histoire. L’historien qui pense agir de manière scientifique en faisant cela
devient tributaire du hasard de l’Histoire. Il ne se pose pas la question de savoir
pourquoi il a ces sources-là et pas d’autres. Les sources écrites qui nous sont
parvenues sont la plupart du temps celles écrites par le pouvoir (sources
judiciaires, …) et sont donc en faveur du parti en place.
On pratiquera certes la critique historique de manière très serrée pour lire ces
sources mais on oubliera un pan de l’Histoire se faisant et on négligera d’autres
histoires : littéraire, populaire, …
Les Annales
Dans les sciences sociales, on aura une autre attitude : on posera une question
pour étudier un objet de recherche. L’école des Annales apportera un grand
changement : celui de poser des questions au passé.
Febvre. Le mouvement de redéfinition de l’histoire s’engage
principalement en France, sous l’impulsion de deux jeunes élèves de
Langlois et Seignobos, qui débutent en 1919 leur carrière
académique à l’Université de Strasbourg redevenue française : Marc Bloch
(1886-1944) et son collègue Lucien Febvre (1878-1956).
Bloch. Bloch et Febvre ne seront pas satisfaits avec la façon d’écrire
l’Histoire de leur temps et écriront donc une revue, Les Annales, qui
va profondément modifier la façon d’écrire l’Histoire. On aura une
Histoire sur la longue durée, économique, démographique, … en
utilisant les méthodes de Langlois et Seignobos mais en posant des
questions qui n’auraient pas été posées en respectant la méthode de leurs
professeurs.
En 1929, Marc Bloch et Lucien Febvre fondent une revue : les Annales
d’histoire économique et sociale (rebaptisée Les Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations en 1946) où est mise en œuvre leur conception de l’histoire.
Si le mouvement de l’École des Annales s’est concentré en France, un
historien étranger de renom a été associé à cette entreprise : l’historien
belge Henri Pirenne (1862-1935), auteur d’une monumentale « Histoire
de Belgique », publiée en sept volumes, entre 1900 et 1932.
38
Lucien Febvre :
« L’histoire se fait avec des documents écrits, sans doute. Quand il y en a. Mais elle peut se
faire, elle doit se faire, sans documents écrits s’il n’en existe point. Avec tout ce que
l’ingéniosité de l’historien peut lui permettre d’utiliser pour fabriquer son miel, à défaut des
fleurs usuelles. Donc avec des mots, des signes. Des paysages et des tuiles. Des formes de
champs et de mauvaises herbes. Des éclipses de lune et des colliers d’attelage. Des expertises
de pierres par des géologues et des analyses d’épées en métal par des chimistes. D’un mot,
avec tout ce qui, étant à l’homme, dépend de l’homme, sert à l’homme, exprime l’homme,
signifie la présence, l’activité, les goûts et les façons d’être de l’homme. …
… Toute une part, et la plus passionnante sans doute de notre travail d’historien, ne consiste-
t-elle pas dans un effort constant pour faire parler les choses muettes, leur faire dire ce
qu’elles ne disent pas d’elles-mêmes sur les hommes, sur les sociétés qui les ont produites –
et constituer finalement entre elles ce vaste réseau de solidarités et d’entraide qui supplée à
l’absence du document écrit. »
Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1952, p.428
(cité par Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, éditions du Seuil, 1996, 2010
Febvre répond à Langlois et Seignobos dans cet extrait. Il dit que la majorité des
traces utilisées par les historiens sont des documents écrits mais il innove en
disant que si on n’en a pas, on doit trouver d’autres sources pour pouvoir écrire
l’Histoire.
Il dit qu’il faut aussi utiliser les traces archéologiques et matérielles, qu’il faut
essayer d’utiliser les apports d’autres sciences, comme l’anthropologie ou la
géologie, … Il faut essayer de faire converger les indices pour comprendre au-
delà d’eux.
Ces historiens pensent qu’il n’est pas possible de se limiter aux documents
écrits, sinon on aura une histoire politique, et que si on veut une Histoire qui
s’ouvre à l’économie, à la population, aux mentalités et autres, il faut s’ouvrir
aux autres sciences et aux autres sources que les documents écrits. On ne doit
plus seulement se cantonner à l’analyse critique des sources écrites.
39
Les historiens s’impliquent dans leur travail car ils doivent choisir leur
question de recherche.
Histoire et récit
Entretien avec Antoine Prost, dans dans Jean-Claude Ruano-Borbalan (dir), L’histoire
aujourd’hui. Nouveaux objets de recherche. Courants et débats. Le métier d’historien,
Auxerrre, Éditions Sciences humaines, 1999, pp.374-375.
« Pour décrire la production historique, on peut utiliser le terme « récit » dans deux sens très
différents. Vous pouvez dire, comme je le fais, que toute histoire est récit, car expliquer, c’est
raconter. Vous pouvez aussi affirmer, comme le fait Paul Veyne, que l’histoire est un roman,
mais un roman vrai. Mais il y a aussi un usage polémique du mot. Cela consiste à dire que
l’histoire n’est que récit, c’est-à-dire que c’est une fiction qui s’est emparée des oripeaux de la
vérité. Selon cette conception, l’histoire est toujours modelée par des préconceptions de
l’historien et il n’y a plus de vérité historique.
Cet extrait parle du lien étroit qui existe entre l’Histoire et le récit. Soit on dit
qu’écrire l’Histoire est un récit, car je la raconte, soit je vais plus loin en me
disant que je suis tributaire des sources et donc que je n’attendrai jamais la
réalité du coup j’écris un roman vrai, car j’essaye de m’approcher de la réalité,
soit je me dis que l’Histoire n’est qu’une fiction. Cet extrait montre les dérives
que peuvent atteindre les réflexions sur l’Histoire.
« L’archive contient des nuées d’histoires, d’anecdotes, et chacun aime qu’on les lui conte. Ici des
milliers de destins se croisent ou s’ignorent, mettant en relief des nuées de personnages à l’étoffe de
héros, au profil de Don Quichotte abandonnés. S’ils ne sont ni l’un ni l’autre, leurs aventures, toutefois,
ont une couleur d’exotisme. En tout cas, pour beaucoup, le roman est possible, tandis que pour certains
ils est le moyen idéal de se libérer de la contrainte de la discipline, en faisant vivre l’archive… […] On
peut en effet animer, avec talent ou non, des hommes et des femmes du XVIIIe siècle, en produisant
pour le lecteur de la connivence et un grand plaisir, mais il ne s’agit point de « faire de l’histoire ».
[…] En histoire, les vies ne sont pas des romans, et pour ceux qui ont choisi l’archive comme lieu d’où
peut s’écrire le passé, l’enjeu n’est pas dans la fiction. Comment expliquer, sans aucune forfanterie et
sans mépris pour le roman historique, que s’il est des comptes à rendre à tant de vies oubliées, laminées
par les systèmes politiques et judiciaires, c’est par l’écriture de l’histoire que cela passe. »
Elle dit que la tentation est grande de se libérer des contraintes du discours
scientifique et d’aller vers le roman historique, qui s’inspire de la réalité, qui
fait vivre l’archive mais qui ne cherche pas à être impartial. Elle veut faire un
discours scientifique à partir de ces sources qui donneraient envie d’écrire des
romans historiques.
Si on remonte au 19ème, pour toutes les périodes précédentes, la grande majorité
des gens ne savaient pas écrire et n’ont donc pas pu produire des sources.
Les témoignages du passé doivent être soumis à une critique attentive. Il s’agit
de prouver, à partir d’un ensemble de règles à mettre en œuvre, la valeur des
matériaux utilisés, afin d’en déterminer la portée et la manière de les utiliser.
Il s’agit donc d’apprécier l’authenticité des sources, la valeur des textes et non
de juger de façon négative les témoignages du passé :
La critique historique est une méthode portant sur les témoignages et les
sources du passé. La méthode de la critique historique a été mise au point à la
fin du 17ème. Elle est dès lors articulée autour de trois opérations fondamentales
appliquées à ces témoignages :
Il y a deux enjeux :
Il faut faire la distinction entre les sources du passé et les travaux
écrits sur le sujet ;
Des travaux (= les documents qui livrent les réflexions des historiens
sur les sources)
Prétendre à l’exhaustivité
L’heuristique vise l’exhaustivité (= réunir toutes les sources disponibles) mais
les sources sont parfois trop rares, comme c’est le cas pour les sociétés
anciennes ( rechercher toute autre trace) ou alors trop abondantes, comme
pour l’Epoque Contemporaine ( sélectionner des échantillons, on doit mettre
en place le principe de l’échantillonnage).
Pour rappel:
« Il n’y a pas […] de document sans question. C’est la question de l’historien qui érige les traces laissées
par le passé en sources et en documents. "
Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, éditions du Seuil, 1996, 2010 (édition augmentée), p.81.
Sources écrites
La plupart des sources utilisées par les historiens sont des sources écrites.
D’ailleurs, l’Histoire commence avec l’apparition de l’écriture, la période
d’avant étant nommée la « préhistoire », la méthodologie étant différente.
1) Les sources d’archives sont les plus importantes. Ce sont des documents
émis par une autorité reconnue, comme les chartes médiévales, les décrets
royaux ou lois, les actes notariaux, les registres paroissiaux de baptêmes, de
mariages, de décès, les documents judiciaires, documents émanant de sociétés,
d’administrations, … ). Ces documents ont été écrits pour attester un fait, une
décision, et sont destinés à être conservés.
Parce qu’elles ont une force légale, les archivistes actuels sont obligés de les
garder. Par exemple, les actes notariaux sont les preuves des limites du bien, de
sa possession, … Cette même force légale les rend fiables si elles sont
authentiques.
On a dû trouver des lieux de conservation. Les dépôts d’archive
actuels sont une création qui date du 19ème siècle. Souvent, on va y
retrouver des archives des autorités gouvernementales des périodes
antérieures, ces archives étant conservées dans un lieu proche du siège du
pouvoir. Le rôle de ceux qui conservent les archives, c’est de conserver celles
qui sont déjà en dépôt et de faire entrer celles qu’on produit encore aujourd’hui.
46
Sources matérielles
47
Les sources matérielles sont surtout utilisées par l’archéologie. On a les traces
matérielles des puissants mais aussi celles de la vie quotidienne, qui en disent
long sur une société. En fait, c’est toute trace matérielle de l’activité humaine
(ex. objets découverts lors de fouilles archéologiques, monnaies (numismatique)
…
Exemple : Fouilles archéologiques sur le site de l’ancien parking
58. Elles ont permis de mettre à jour le port de Bruxelles au
Moyen-Age. L’archéologie est donc une science en constant
renouvellement et en constant progrès.
Sources figurées
Les sources figurées contiennent les peintures, les gravures, les
affiches, les dessins, les enluminures, les cartes géographiques,
les plans d’architecte, les photographies… L’analyse critique de
ces sources est assez complète car on doit se demander pourquoi
on les a produites et ce qu’elles nous apportent comme information. Ces sources
sont peut-être les plus anciennes que l’on peut retrouver. On doit les remettre
en contexte pour retrouver le message qu’elles veulent faire passer.
Des peintures rupestres de la grotte d’El Castillo en Espagne, plus
de 40 000 ans aux peintures rupestres récemment découvertes en
Australie, dans la région de Kimberley, peut-être les plus anciennes connues à ce
jour.
Actuellement, on a des sources qu’on utilise tout le temps mais qui
sont très récente (début du 19ème) : les photographies. La première
photo montre ce qu’un gars voyait par sa fenêtre. Il a fallu des
heures d’exposition pour qu’elle se développe.
Vue de la fenêtre du domaine du Gras, à Saint-Loup-de-
Varennes, 1826 ou 1827,première photographie, prise par
Nicéphore Niépce (1765-1833). En 1838, on a la photo du
boulevard du Temple à Paris par Louis Daguerre. En fait, on ne
voit pas du tout ce que le photographe a pris en photo, on ne voit pas tout ce qui
bouge car le temps d’exposition est trop long. C’est la première fois qu’on a une
photo d’un être humain, probablement parce que le gars se fait cirer ses
chaussures mais on ne voit pas la foule à côté de lui.
48
La grande difficulté des sources figurées, c’est qu’elles sont tellement parlantes
qu’on a l’impression d’avoir la réalité devant soi mais c’est faux ! On ne voit
donc pas la société en mouvement.
Sources orales
Les sources orales sont une méthode qui s’est imposée en histoire
contemporaine, plus précisément en histoire du temps présent : matériaux
recueillis par enregistrement lors d’entretiens avec des témoins, qui apportent les
informations à travers leurs souvenirs, récit d’une histoire particulière et source
pour l’histoire.
http://el.enc.sorbonne.fr/mai68/
« L'enquête cible un groupe dit "intellectuel", susceptible de rapporter, grâce à un entretien semi-directif,
un témoignage qui, sur le mode biographique, éclaire les attendus, les enjeux et les héritages de Mai 68,
revisités au singulier dans la compréhension des mécanismes de constitution identitaire et des phases
d'appropriation ou rejet du phénomène. »
/!\ Les témoignages oraux ne sont pas l’histoire, mais des sources pour faire
l’histoire. À soumettre à la critique historique comme les autres sources /!\
Sources sonores
Les sources sonores sont les enregistrements de toute nature (depuis la fin du
19ème siècle) : discours, entretiens oraux, interviews, enregistrements
radiophoniques, chansons… Les sources orales peuvent se retrouver dans les
source sonores.
C’est aussi un type de documents récents, la radio datant de la fin du 19 ème/début
20ème. N’oublions pas que la diffusion de l’invention technique prend
énormément de temps.
La voix du chancelier Bismarck, enregistrée en 1888 par Theo Wangemann, un collaborateur de Thomas
Edison, qui voulait faire connaître son phonographe, inventé en 1877. L’enregistrement a été retrouvé en
2012, et peut être écouté sur le site du Thomas Edison National Historical Park (New Jersey):
https://www.nps.gov/edis/learn/photosmultimedia/audio-wangemann-1889-1890-european-
recordings.htm
Ces sources sont très fragiles, introuvables mais avec la numérisation et les
techniques d’aujourd’hui, on peut les rendre disponibles au grand public.
Sources audiovisuelles
Les sources audiovisuelles (films, émissions de télévision, …) datent
principalement du 20ème siècle, elles sont donc très récentes même si ce sont les
sources auxquelles nous sommes actuellement le plus confrontées. Il faut
absolument mettre au point des systèmes de conservation !
Les 10 premiers films des frères Lumière, inventeurs du cinématographe en 1892, présentés à la première
séance payante de cinéma en 1895, sont visibles sur le site de l’Institut Lumière à Lyon:
http://www.institut-lumiere.org/musee/les-freres-lumiere-et-leurs-inventions/premiere-seance.html
50
Exemple: Jean-Pierre Gutton, Bruits et sons dans notre histoire, Paris, Puf, 2000
« Nos ancêtres du Moyen Age ou des Temps modernes vivaient dans un environnement souvent
bruyant et dans lequel les formes de communication orale avaient, pour le plus grand nombre, une autre
importance que celles de l'écrit. Les cloches rythmaient bien des activités ; les pouvoirs faisaient
connaître leurs décisions par des " crieurs " ; charivaris, rumeurs, invectives publiques étaient les
vecteurs d'une justice populaire redoutée. L'effort d'acculturation que la monarchie et les Églises
conduisent pour " policer " sujets et fidèles tend à maîtriser bruits et sons. Le paysage sonore résulte
donc de considérations autant spirituelles et sociales que matérielles. » (Quatrième de couverture)
Sources utilisées:
Livres de raison (livre de comptabilité domestique), mémoires,
journaux, correspondances ;
Littérature, arts ;
L’enjeu est donc encore plus complexe que pour les sources anciennes.
Un PDF qu’on reçoit aujourd’hui a une durée de vie de 7 à 8 ans.
Pour ce spécialiste de la génétique des œuvres littéraires, le passage au numérique signifie que seule la
version finale sera conservée, oubliant toutes les étapes de la constitution de l’œuvre littéraire. Les traces
Pour cetelles
spécialiste de la génétique des œuvres littéraires, le passage au
que nous les connaissons (carnets, plans, notes, brouillons copies, épreuves corrigées), vont
numérique
disparaîtresignifie quenumérique.
avec l’écriture seule la Les
version
auteurs finale sera
des siècles conservée,
précédents prenaientoubliant toutescesles
soin de conserver
étapes de la constitution de l’œuvre littéraire. Les traces telles que nous les
connaissons (carnets, plans, notes, brouillons copies, épreuves corrigées), vont
disparaître avec l’écriture numérique. Les auteurs des siècles précédents
prenaient soin de conserver ces autographes de travail. Qu’en sera-t-il à
l’avenir?
On est en train de basculer vers un tout numérique. La question est donc de
savoir ce qui va se passer quand on aura plus que des sources nées numériques.
55
En réalité, seule une infime partie de ce qui a été écrit nous est parvenu. C’est à
l’époque moderne que se pose la question de la sauvegarde des textes, facilitée
par l’imprimerie, et du coup aussi des traces de l’écriture elle-même.
2
En littérature, on s’intéresse aussi beaucoup à la construction de l’œuvre et on essaye de retrouver les étapes
précédant l’œuvre finale.
56
Support
Encre
Procédé de gravure/codage
Style d’écriture/de gravure ou langage de codage sceaux éventuels
…
La critique de provenance
La première étape est la critique de provenance, qui vise à répondre à quatre
questions concernant le document :
document est un vrai ou un faux, ls faussaires ne sachant pas toujours qui aurait
dû signer.
La question de l’auteur se révèle particulièrement complexe dans le cas de
sources non textuelles. Ainsi, dans le cas d’un film adapté depuis un roman,
l’œuvre est le résultat d’un travail collectif (auteur du roman, scénariste et
réalisateur). La présence d’une signature n’implique donc pas toujours qu’il y ait
qu’un seul auteur.
Dans de nombreux cas, les sources ne portent aucune mention d’auteur. Ce peut
être le résultat :
D’une détérioration
D’un choix délibéré
Ou d’une pratique habituelle.
Parfois, les sources portent une mention d’auteur claire – mais fausse. Ce peut
être :
3
C’est normalement interdit par le règlement puisqu’on ne peut y participer qu’une seule fois mais il a publié un
de ses livres gagnant sous un pseudonyme sans que cela ne se sache par le comité.
59
Elle n’est pas le résultat d’une manipulation et/ou d’une erreur (cf.
critique interne) ;
C’est grâce à elle qu’on peut établir des lignes du temps. Quand on veut
étudier les sources à distance, on devra les replacer clairement dans leur
4
On n’est plus dans la critique externe mais on se demande quel est le message des Allemands.
60
contexte, à la date exacte dans laquelle elle a été produite. L’Histoire n’est
cependant pas une succession de dates mais bien une discipline qui veut
comprendre les sociétés du passé.
Exemple : Une requête non datée, pour des raisons de politesse (type de
document fréquent dans les archives des chancelleries d’Ancien Régime) :
on tentera de dater le document en le replaçant dans son contexte. La
requête non datée, mais retrouvée dans un dossier, est souvent
accompagnée d’autres documents traitant de cette affaire, ce qui permet
de dater approximativement la demande.
Où ?
Une source ne peut être correctement interprétée que si elle est replacée dans
son contexte – ce qui impose qu’on précise le plus finement possible son milieu
d’origine, mais aussi ses pérégrinations et sa destination : c’est la tradition
du document. On doit aussi comprendre d’où il vient.
Quels statuts ?
C’est la question du vrai et du faux, ce qui suppose de bien connaître la
typologie des sources. C’est là qu’intervient la diplomatique, qui est une
science ayant pour objet les diplômes, chartes et autres documents officiels, leur
authenticité, leur intégrité, leur âge et leurs variations au cours des temps. Elle
s’applique essentiellement aux documents officiels qui suivent des règles
précises pour qu’on puisse les reconnaître comme étant des vrais.
62
Exemple : On reconnaît au premier coup d’œil la carte d’identité car elle suit un
modèle connu. L’origine de cette volonté d’encarter les personnes était qu’on
voulait retrouver les malfaiteurs, voir qui était étranger, … mais on voulait
surtout éviter les fausses déclarations.
Actuellement, nous avons toute sorte de documents que nous reconnaissons car
nous pratiquons inconsciemment la diplomatique.
La critique de restitution
La critique de restitution a pour objectif de reconstituer un texte qui se
rapproche au mieux de l’original perdu.
Les documents peuvent nous être parvenus sous forme de copie qui peuvent
contenir des erreurs accidentelles (oubli d’une lettre, le moine copiste étant
fatigué à force) ou volontaires (ajout des passages, ou « correction » erronée à la
suite d’une erreur de jugement car parfois, les moines qui recopiaient
corrigeaient le texte ancien qu’ils lisaient car ils avaient vu une erreur).
Ou alors, il s’agit de documents originaux, mais dont certains passages sont
abîmés, ou ont disparu. On va donc procéder à leur restitution (« critique de
nettoyage et de raccommodage »).
Exemple : Tradition du document et restitution (mais que l’on ne peut pas
dissocier de la critique interne (sincérité) : La charte de franchises, donnée
par Théoduin, évêque de Liège (1048-1075) en faveur des bourgeois de Huy, le
26 août 1066.
Une charte de franchises est un acte juridique par lequel un seigneur concède
un ensemble de libertés (ou franchises) aux personnes à l’égard desquelles il
exerce son autorité.
Cette charte est un acte d’une importance capitale, c’est la première fois qu’une
telle charte est accordée par un évêque à une ville de l’Empire. La charte de
1066 est une des premières chartes accordant des libertés à des bourgeois
(« burgenses ») dans l’Occident médiéval.
Le problème de la critique historique est que la charte n’existe plus, et on ne la
connaissait que partiellement à partir de deux chroniques, celle de Gilles d’Orval
(13e s.) et celle de Jean de Brusthem (16e s.).
63
Et le problème posé par les chroniques, qui étaient nombreuses au Moyen Âge,
est que ces dernières étaient un récit narratif, chronologique, dont les auteurs
était souvent témoin des faits récents, qu’ils rendaient parfois assez précisément.
En revanche, ils réinterprétaient les faits du passé, enjolivaient ou masquaient ou
modifiaient les faits plus anciens.
Il faut donc se poser la question des mobiles de l’auteur, ce qui pose la question
de la critique de sincérité (On ne peut pas séparer réellement la critique externe
de la critique interne du document). D’autant que dans ce cas-ci, les chroniques
ne citaient qu’une partie de la charte de 1066.
L’archiviste Émile Fairon a effectué, en 1935, un travail d’heuristique poussé et
a retrouvé dans les archives départementales de Lille un inventaire de la collecte
des chartes confisquées dans la principauté de Liège par les Bourguignons et les
Hennuyers, suite à la bataille d’Othée en 1408. Ces chartes ont été détruites en
guise de répression.
Vrai ou faux ?
L’objectif de la critique externe est de se demander si on a à faire à un document
historique ou à un faux. Ainsi, au terme de la critique externe, et dans l’attente
de ce que révèlera éventuellement la critique interne, l’historien se prononce sur
le statut « véridique » ou « faux » de la source soumise à son attention.
Pour ce faire, il recourt à des sciences, que la critique méthodique a qualifiées
« d’auxiliaires » :
1) La sigillographie est une science auxiliaire de l'histoire, ayant pour
objet l'étude, la description et l'interprétation des sceaux historiques. Le
sceau sur l’image est affecté à la seule personne de Marie-Thérèse, qui
régnait sur la Belgique au 18ème. A chaque règne, on change donc de sceau.
La sigillographie est une science qui valide la véracité des sceaux mais
qui étudie aussi la teneur des sceaux et le contexte de leur production.
La matrice permet de fabriquer le sceau et on la détruit à chaque
changement de souverain pour éviter la production de faux.
On ne retrouve donc pas les matrices mais celle-ci n’a pas disparu « grâce » aux
bouleversements politiques. Les sources qui nous proviennent sont donc déjà
filtrées par les contemporains.
C’est important car quand on est un faussaire et qu’on veut produire un texte
ancien, il faudra en plus bien reproduire les écritures anciennes, ce qui n’est pas
facile du tout.
65
Dans tous les cas, la source donne une information erronée, éloignée de la vérité.
À ne pas confondre avec les œuvres de fiction, où on peut s’inspirer de la réalité,
mais en faisant aussi appel à l’imagination, sans volonté de mystification.
Certains documents peuvent aussi être des pastiches, fabriqués dans le style des
documents authentiques et qui cherchent, par imitation, à utiliser l’ironie et
l’humour. C’est faux ne sont donc pas copiés pour tromper.
sur certains tableaux que les contrefaçons ont été décelées : par ex. Le château
royal, présent sur un paysage représentant Collioure, attribué à l’artiste, mais
dans sa forme modifiée en 1958, alors que l’artiste est décédé en 1922…
(anachronisme)
La critique d’interprétation
La critique d’interprétation : il s’agit de bien comprendre le sens du témoigne,
ce qui suppose de comprendre la langue et la culture dans lesquelles le témoin
évoluait.
La langue évolue, les mots changeant de sens. Plus on remonte dans le temps,
plus la langue sera différente de la nôtre. En outre, le latin de l’Antiquité n’est
pas le même que le latin de la Renaissance. Dans un texte, on n’a parfois des
68
La critique de compétence
La critique de compétence vise à s’assurer du degré de compétence du témoin
(Ex : rendre compte d’un évènement alors qu’on ne dispose pas des capacités ou
de la formation nécessaire (préjugés, mémoire défaillante, poste d’observation
inadéquat, pas de compétences intellectuelles, …).
Exemple : Lors d’un accident de voiture, on a autant de témoignages différents
que de témoins. Ce n’est pas une volonté de tromper, qui relève de la sincérité,
mais bien de savoir si le témoin est compétent pour rendre compte des
évènements.
La critique de sincérité
La critique de sincérité consiste à se demander si l’auteur d’un document ou
d’un témoignage ment ou s’il est sincère. Il s’agit vraiment de voir si l’auteur à
la volonté de ne pas rendre les choses telles qu’elles se sont passées.
Les raisons de commettre un témoignage mensonger ou tendancieux sont :
L’intérêt personnel ;
La propagande ;
La recherche de l’audimat
son nom apparaît moins souvent) est un des indices qui montre que César sert
son intérêt personnel avec son livre.
César a donc une volonté de se mettre en scène à son avantage, il émerge
comme acteur principal des combats menés durant la guerre des Gaules. Sa
façon de mettre en avant le caractère plus civilisé des Gaulois par rapport aux
Germains peut être perçu comme une façon d’arrêter la guerre à un lieu précis,
les Gaulois pouvant être civilisés mais pas les Germains.
César est en train de faire son projet politique. Il incarne l’Etat car c’est lui qui a
conduit la guerre et les armées romaines. De ce fait, c’est lui qui doit écrire cette
histoire, qui est le pivot de sa carrière.
Paradoxalement, en ce qui concerne les faits évoqués, on se rend compte qu’il y
a beaucoup de vraisemblance, car il y a beaucoup de témoins, mais il va se
mettre en scène dans ses explications.
Cette source est donc biaisée par l’intérêt personnel et la propagande.
Malgré toutes les recherches, on pourrait être confronté à une source unique, à
laquelle nous sommes tout à fait dépendants. On peut être dans ce cas si on
remonte très tôt dans le temps par exemple. On ne peut ni lui accorder foi trop
facilement ni le rejeter à priori (attitude hypercritique5). Il faut donc se méfier
5
L’hypercritique consisterait à rejeter les sources suspectes mais si l’on fait cela, on devrait faire table rase de
grandes périodes du passé
72
Les Hollandais ont été reçus comme d’autres commerçants, non comme les
aristocrates représentant leur lointain pays, tels qu’ils ont voulu se représenter.
Les contacts se sont assez rapidement dégradés, à la faveur de
l’incompréhension des usages locaux de la part des Hollandais, mais aussi de
leur opposition aux Portugais déjà présents dans ces contrées.
La situation a alors dégénéré, les autorités de Banten, inquiètes de ces
dissensions, ont procédé à des arrestations, tandis que les Hollandais, méfiants et
menaçants, ont répondu par la violence et de multiples exactions : « Le voyage
fut gâché par l’arrogance et la vilenie dont nous fîmes alors preuve » (citation
de l’un des officiers de l’expédition.
Dans son récit, l’historien peut choisir de se focaliser sur la rencontre à deux,
dans ce cas-ci l’audience entre Houtman et le régent de Banten. Mais les
documentations montrent que ce serait réduire la focale au point d’oublier le
contexte plus large de cette rencontre.
« Tel est le secret bien gardé de la rencontre impériale entre Hollandais et Javanais : elle n’a pas eu
lieu… »
« Ce qui «fit événement» pour les hommes de la Première Navigation – leur arrivée à Java – ne suscita
pas le moindre mouvement narratif chez les poètes de cour et les chroniqueurs de Banten ou de
Madaram. La rencontre, en ses commencements, n’a donc pas été un « lieu commun » : d’une part du
fait qu’elle a consisté en une coexistence (et non en une fusion) des scènes historiographiques, de l’autre
parce qu’elle n’a jamais renvoyé aux mêmes évidences » (p. 445)
« Le pari de l’histoire « symétrique » (est de) ne tenir par avance pour évidente ou universelle aucune
catégorie spontanée de l’analyse. Il n’est rien de ce qui nous paraît familier qui ne doive nous devenir
On ne» Car
étranger. connaît pas facilement
« Le tournant du XVIIe sièclel’univers de des
est une contrée pensée ni des» (p.21).
plus étranges Malais et
Javanais, ni des Hollandais et Portugais, et il faut traiter les sources de la
même manière, pour tenter de les approcher.
Une étude est rapportée dans divers médias avec des informations différentes.
Dans certains, les profs gagneraient plus alors que dans d’autres, l’inverse est
dit. On doit se demander pourquoi il y a ces divergences. Les médias ont eu la
même source d’information, on se demandera donc s’ils ont un intérêt à donner
des informations erronées Critique de sincérité. Ou alors les médias ont peut
être mal compris Question de l’incompétence.
Il faut retourner à la source originale pour voir ce qu’il s’est passé. On va lire
cette source et faire de la critique d’interprétation.
Si les journalistes avaient menti, nous serions dans de la critique de sincérité
mais ils se sont juste trompés, on est donc dans le manque de compétence, qui
va tellement loin que l’information est erronée.
respectives des mérites et des défauts d’une entreprise, d’une œuvre, d’un
système de pensée » (TLF).
Il faut donc distinguer le vrai du faux, interpréter le contenu, ce qu’a
voulu dire l’auteur.e
Il faut à chaque fois avoir une méthodologie générale et puis appliquer une
série de principes spécifiques aux images et aux sources qu’on va traiter. On
utilise une image comme une source, on l’analyse comme telle, et elle peut être
le point de départ d’une recherche et d’une réflexion par rapport à un sujet.
Un auteur, en cinéma, c’est très compliqué à définir. Une convention dit qu’on
attribue un film à un réalisateur mais ce n’est pas tout à fait exact car il y a des
dizaines de gens qui vont travailler sur ce film : scénaristes, producteurs,
acteurs, …
Mais l’idée est aussi d’aller plus loin que cette réflexion sur la production, la
datation et autre, de la source en se demandant quel est le contexte et quelle est
la finalité de ces sources.
Actuellement, beaucoup de film ont un seul but : commercial, de
divertissement. Bien sûr, certains ont l’ambition de faire changer les choses et
les esprits : c’est ce qu’on appelle la donnée formative, comme les
documentaires.
Dans un second temps, il y a aussi l’impact que ces films laissent du point de
vue de la critique, des mentalités, du comportement de certaines personnes, …
On ne voit parfois pas venir cet impact-là.
Rappels et perspectives
Objet du cours : Montrer comment s’attaquer à la critique là où on ne pouvait
apparemment pas aller (pas de domaines tabous).
But du cours : Donner des outils méthodologiques spécifiques, et ce quel que
soit les supports utilisés, en vue de poser un regard critique vis-à-vis de toutes
les formes de sources.
On va voir comment dater un film, une image numérique, … Cela va être un peu
plus technique que les examens qu’on doit faire pour des sources papiers. On
verra également la description du contenu, la question de l’auteur, … Ainsi, on
va parcourir les mêmes postulats que dans le cas des autres sortes de documents
(datation, description du contenu, etc.).
80
reconstitutions, ensuite la mise en scène, pour finir avec les faux documentaires
et évidemment la fiction.
Avec le documentaire, on essaye de rester objectif mais on construit un récit
pour expliquer les évènements. Avec les reconstitutions, on va engager des
acteurs pour reconstituer les faits. La mise en scène se rapproche le plus de la
fiction. La question du faux documentaire est celle de voir comment on veut
faire semblant que les images que l’on montre sont des images réelles alors que
tout y est construit.
Par exemple, les films d’horreur vont nous montrer que tout ce qu’on voit sur
l’écran est réel au travers d’image de surveillance, … On essaye de nous faire
oublier la fiction et de nous donner une essence de l’image la plus réaliste
possible alors que tout est construit. La mise en scène essaye juste de nous faire
croire que ce qu’on voit est réel. On va devoir croiser et recouper les
informations pour savoir où on se situe dans ce type de gradation de la réalité.
Plan du cours
6
On a besoin de temps pour développer la bobine alors qu’aujourd’hui, tout est instantané
83
Les biopics, c’est-à-dire les parcours biographiques, sont une manne d’argent
énormes, surtout les musicaux car on relance la machine économiquement en
vendant leurs albums. Ce sont des évènements en relation directe avec la réalité
mais le film sur Freddy Mercurie ne traite absolument pas de son homosexualité,
86
ce qui est hallucinant car il est mort du SIDA et il était militant. On sélectionne
donc une facette du parcours biographique.
La construction peut donc être au niveau des images elles-mêmes mais elle peut,
et elle va être aussi, au niveau de la scénarisation de ces récits. On ne peut pas
faire un film sur toute la vie d’un personnage, on doit sélectionner les
évènements, les aspects.
La figure historique qui a eu le plus de films est Jeanne d’Arc. Il y a eu des films
sur son procès, son enfance, ses combats, … Chacun a choisi un aspect et le plus
souvent, c’était sa mise au bûcher et son jugement, c’est-à-dire le moment où on
va la casser, où elle est vulnérable, et pas son moment glorieux.
C’était la réalité qui influence la fiction.
C’est une série télévisée sur une femme d’homme politique qui a avoué avoir eu
une maîtresse (// Bill et Hilary Clinton, rapport à la réalité toujours présent). Le
spin-off, The good fight, va ouvrir la première saison de cette nouvelle série.
C’est étonnant car c’est une femme et que dans les séries américaines, peu de
femmes sont les actrices principales. En outre, elle a plus de 70 ans.
La façon dont les créateurs ont choisi de caractériser leur personnage dans une
première séquence est importante. On y découvre que l’avènement de Trump au
pouvoir n’est vraiment pas ce que le personnage principal attendait en tant que
féministe et selon ses valeurs politiques. Cela prend 30 secondes mais ça a eu un
impact. Les réalisateurs n’ont pas eu l’autorisation de montrer ces images de
l’investiture.
La scène caractérise tout de suite le personnage sans une parole de sa part, on
comprend que son monde s’écroule. C’est à ce moment qu’elle va décider de
prendre sa retraite et de ne plus travailler aux USA. En quelques secondes, on ne
part pas du personnage de fiction mais bien de la réalité avec des contraintes par
rapport aux droits aux images et on choisit donc cette pirouette en utilisant juste
le son.
Les créateurs ne veulent pas voir apparaître dans leur série le visage de Trump.
Cette contrainte les arrangent donc car ils ne veulent pas que le président soit un
personnage de leur série. Une chose réelle devient donc un déclencheur de
fiction, elle va permettre de créer la dynamique d’un personnage. Ce contexte
politique social n’est pas fictionnel mais c’est bien le contexte dans lequel se
situe les créateurs et les personnages de la fiction.
pas montrer des meurtres, des scènes sexuelles, de blasphèmes, ... La liste de
choses à respecter est donc énorme.
Ces images circulent aujourd’hui tout à fait librement sur Internet, il n’y a plus
de droit intellectuel dessus. Abraham Zapruder, le filmeur, avait filmé une fête
familiale et puis, en une seconde, on passe au passage des Kennedy devant son
magasin.
Si ces images sortaient actuellement, on dirait que ce sont des images
construites, fabriquées, car on peut aujourd’hui donner ce cachet ancien au
travers de reconstitution numérique. Mais à l’époque, on ne peut pas, ce sont
donc des images de captation réelle.
Il y avait 42 personnes sur place qui avaient des appareils photo et des caméras
super 8. Beaucoup de gens ont donc filmé l’évènement mais personne ne l’a
filmé en continuité, sauf notre Abraham. Avec du 8mm7, il n’y a pas de son, on
ne peut donc pas entendre les cris, mais la réception sonore a été reconstituée
plus tard dans des films. Cette vidéo a tout le mouvement et elle est devenu une
des sources les plus essentielles de l’enquête policière et sera réutilisée de façon
médiatique et historique par la suite.
La figure de Kennedy va devenir un évènement médiatique tout au long de
l’après 1963. De nombreux récits vont en faire un fantasme fictionnel, on
s’interroge sur ce que le monde aurait été si cette image n’avait pas existé.
7
18/19 images/sec, ce qui nous donne cette impression de ralentissement
90
Il faut d’autant plus exercer son esprit critique dans ce genre de cas.
On examine des images faites par des machines (photo,...) donc on n’a plus
d’intervention de la main de l’Homme. Toutefois, on a besoin de l’action
humaine pour imprimer, enregistrer,...
Auparavant, pour voir une œuvre d’art, on devait se déplacer. Grâce à la photo,
on peut reproduire ces œuvres et toucher les gens qui ne peuvent pas se
déplacer. Nous avons accès à ces œuvres Spectacle de masse. Mais plusieurs
personnes sont partagées sur cette invention entre le fait que ça a permis la
démocratisation (toucher plus de personnes) mais qu’avec cela on a perdu
« l’aura », l’unicité de l’œuvre.
On utilise les photos pour leur contenu et non leur forme, cette dernière nous
important peu. Pourtant, la forme et le fond sont indissociables. Il y a une
implication de la forme, qu’on en soit conscient ou pas.
On est dans un cadre horizontale. La photo a été prise depuis une montgolfière, le
photographe a dû se placer en hauteur. C’est un plan d’ensemble de la ville et on a une
composition remarquable avec la Tour Eiffel au centre. Il y a un équilibre entre le ciel et le
parterre. C’est une photo qui a été très travaillé. La première chose que l’on peut voir, c’est
la Tour Eiffel.
Sur l’autre photo, on ne voit pas la Tour Eiffel. On montre l’échelle entre ce qui est humain
et la tour Mesure de la différence. On est dans un niveau humain. Le cadre se permet de
couper la tour, on n’a pas la totalité de la structure. On n’est plus rapproché mais on voit
quand même la grandeur de la structure.
93
Le cadre délimite l’image et implique un hors-cadre. Une photo n’est pas une
unité qui tient toute seule Prendre en compte l’hors-cadre.
On une variété d’échelle des plans : distance entre la caméra et ce qui est filmé.
Il faut choisir entre différentes grosseurs des plans car celles-ci déterminent la
réceptions des informations. Si on a un petit plan, le spectateur doit chercher
l’information, tandis que si on un gros plan (zoom), le spectateur est tout de suite
confronté à l’information. Chaque image est définie par sa clarté.
On a une nécessité d’adéquation entre la taille d’un plan et son contenu matériel,
il faut pouvoir voir ce qu’on montre Fonction descriptive.
Plan taille
Les éléments qui apparaissent doivent faire sens, créer un équilibre, cela doit être
compréhensible pour l’œil humain. La construction de l’image doit se demander
comment créer un équilibre.
On a une révélation de la réalité telle que notre œil ne pourrait pas la voir
(cinéma-œil) et une construction de la réalité dans le but de montrer, d’informer,
d’impressionner, de choquer, etc.
On fige l’image dans le temps (échelle du temps), ce que notre œil ne peut pas
faire. Nous n’avons pas la capacité de figer une image, on est toujours dans un
flux d’images (caméra = œil amélioré).
La naissance du cinéma apparaît avec les Frères Lumières en 1895. Ils créent
un instrument qui permet d’enregistrer les mouvements. A leur époque, les films
ont un cadre fixe, tout ce qui est essentiel doit être dans le cadre (le monde tient
dans le cadre qu’ils ont créé). Les Frères Lumières se concentrent sur le fait que
le cinéma est un instrument scientifique pour enregistrer la réalité et non pas
créer de la fiction comme on retrouve actuellement.
Date: 1895
Toutefois, il est difficile de classer ce film car c’est le premier film au monde
donc il n’y avait pas de catégories de film comme aujourd’hui.
On a un seul plan, pas de recadrage. On est dans une logique d’un plan fixe et
unique. On délimite un cadre, on ne montre pas tout le jardin. On a juste le
jardinier, l’espiègle et le tuyau. On est dans une logique cinématographique : on
ramène l’espiègle devant la caméra pour faire la fessé (grandes profondeurs). On
n'a pas besoin d’un hors-cadre car tout est concentré à l'intérieur.
Pour l’échelle, on est dans un plain-pied. On garde une certaine distance, on n’a
pas de gros plan car ça ne se faisait pas à l’époque et on n’avait pas les capacités
pour le faire.
On remet en scène L’arroseur arrosé. Ce film a été créé dans le but de rendre
hommage aux Frères Lumières mais ici le réalisateur le fait à sa façon. Il le
refait en prenant compte de sa culture (Iran). Ici, le personnage principal est
l’enfant. On a du son, des couleurs, des plans en mouvements.
Kiarostami s’est beaucoup intéressé aux enfants car dans sa culture, on met en
scène des enfants pour transmettre des messages politiques car cela passe mieux
et ce n’est pas censuré.
C’est l’enfant qui filme la blague donc il est le réalisateur (“cut”) mais il est
aussi spectateur de la blague. On nous montrer l’envers de la caméra Contre-
champ. Chez les Frères Lumières, on a une dimension de moralisation car on
punit l’espiègle alors qu’ici, on en rit. On voit aussi les changements
technologiques entre les deux films et l’évolution du cinéma à travers le temps et
ses tendances.
Dans ce cas, la punition de la petite fille est involontaire, c’est la tête qui atterrit
sur elle. On reste dans un cadre fixe, dans une horizontalité. On a juste rajouté
une musique calme qui contraste et crée la surprise avec la tête qui saute et qui
part sur la fille.
On est toujours dans un cadre fixe. On a une musique plus active, plus de
mouvements et une source d’humour différent. C’est une version plus
dynamique : images accélérées (// esthétique du cinéma muet), utilisation de la
musique comme déclencheur Effet de mimétisme.
Conclusion
On peut donc bien voir les possibilités que donne toute une série d’éléments
cinématographiques grâce à tous ces exemples. Il existe des choses hors-cadre
ou hors-champ, des possibilités liées à la dimension sonore (musique, sons
d’ambiance, …) et à l’utilisation de la couleur. Toutes ces innovations
techniques vont permettre de rajouter quelque chose au niveau du sens,
d’étendre la signification de ces films, et de leur donner parfois plus d’impact.
La finalité émotionnelle ou de sens est évidemment ce qu’on essaye de
comprendre ici, comment une image et sa forme font passer leur contenu et
comment on perçoit les choses de façon différente en fonction de l’esthétique
des images.
Ces deux possibilités d’analyse vont donc devoir être revisitée car quand
on est face à des documents reproductibles, les choses et le contexte
seront très différentes.
pensée politique. Pour eux, le cinéma est une force d’influence et de frappe pour
pouvoir convaincre les gens du bien-fondé de leur révolution. Des cinéastes vont
consacrer leur art à l’idéologie politique à laquelle ils appartiennent.
Ferro se rend compte à quel point ses collègues ne font jamais référence à des
sources cinématographiques. Ils utilisent des documents papier mais pas des
films car en 1977, si on veut montrer un film à des étudiants, il faut les emmener
en dehors de l’école et faire tout un simagrée pour qu’ils puissent le voir, la K7
n’étant pas encore démocratisée. Il y a donc une forte réticence car il faut toute
une organisation pour que les élèves puissent visionner un film.
En outre, très peu y vont car ils estiment ne pas avoir les outils pour analyser les
films. Ceux et celles qui les montrent le font donc sans commentaire et sans
analyse sur la forme. Ils parlent du fond mais pas de l’esthétique, qui fait passer
un message ou non, …
Ainsi, manque de matériel, problème financier et pas de formation pour
apprendre à utiliser cette matière.
C’est donc une période charnière car quand Ferro arrive avec son idée de
pédagogie autour du cinéma, il est très isolé dans sa pratique. Il va donc devoir
faire tout le travail. Marc Ferro commence avec le support qui va être le mieux
accepté par ses collègues : les actualités et les documentaires. La fiction
semble en effet être un autre continent car elle a des visées commerciales, c’est
du faux, …
- Le titre de l’œuvre car le nom d’une œuvre permet aussi d’entrer dans
cette œuvre. Le titre conditionne ce qu’on voit des sources.
avec des pincettes parce que les conditions nous obligent parfois à
changer l’angle de prise de vue (dans une manifestation par exemple).
Ces trois critiques jouent déjà sur trois tableaux différents. Pour les deux
premières, on devra avoir des apports extérieurs, qu’on doit trouver dans
des articles, sur internet, … Il y a une nécessité de croisement des sources
pour analyser un film. En ce qui concerne la dernière critique, on ne peut
analyser que le fond.
Qui regarde, qui raconte ? C’est très différent de qui filme ! Le point de
vue du film n’est pas celui du réalisateur, il peut être rattaché à un
personnages, à un groupe, à un animal, à rien du tout, … Il faut voir quel
est le degré de sincérité de ce personnage, voir s’il manipule ou s’il est
fiable.
109
Exemples
On va examiner des choses qui seront conditionnées par le contexte historique et
technologique.
Film de Zapruder
La plupart des images iconiques de cet assassinat
ont été tiré du film de Zapruder. Ce ne sont donc
pas des photos instantanées mais bien des images du
film qui vont être découpées et remontrées d’abord
en tant que photographies et puis en tant que film,
110
ce dernier étant montré au public dans son intégralité qu’en 1965. On estimait
que les gens n’étaient pas prêts à recevoir ces images en mouvement. Cela
montre bien tout l’impact que ce film a eu.
En réalité, en 1963, on est toujours dans un système de censure extrêmement
radicale aux Etats-Unis. Montrer une tête qui explose à la télévision est donc
exclu ! Le code de censure Hays a été mis en place en 1932 et a couru jusqu’en
1966. Ces images vont être une sorte de déclencheur en disant que les images
que l’on peut montrer à l’écran sont trop timorées.
a) Documents photographiques
Processus de globalisation et uniformisation mondiale. On retrouve un
paradoxe: l’événement le plus médiatisé/le et quelque part le moins diversifié
112
La voiture quitte Main Street, tourne à droite sur Houston Street; prend un
virage à gauche sur Elm Street; passent devant le dépôt de
livres scolaires (« Texas School Book Depository »)
12H30 : avant le pont de chemin de fer où passe Elm Street, 3 coups de feu sont
tirés (cfr dossier de la Commission Warren en 1964). La deuxième balle
(8 à 9 secondes plus tard) atteint Kennedy à la tête. Abraham Zapruder
(un tailleur juché sur une colline ou un muret) filme la scène.
14H00 : arrestation d’un suspect, Lee Harvey Oswald (pour meurtre d’un
agent de la police de Dallas entre 13H et 13H15)
On peut lire America sur l’avion, cet élément patriotique est directement associé
au couple présidentiel. Le ciel bleu prend une partie de la photographie et
permet de travailler les couleurs entre le rose des vêtements, le blanc de l’avion
et le bleu du ciel. On est donc dans une composition chromatique extrêmement
naturelle. On est dans une dynamique de mouvement (les mouvements étant
naturels) mais on a quand même une mise en scène et des éléments symboliques
qui apparaissent pour confirmer le statut présidentiel et la hiérarchie des deux
personnages.
On est dans une photographie horizontale en termes de prise de vue,
extrêmement travaillée sur la composition. On laisse les quelques éléments
inattendus car ils font plus naturels (la tête du gars dans le champ, …). Il faut
donc laisser une petite marge pour montrer que ce sont « juste » des êtres
humains.
On voit encore une fois cet équilibre très subtil entre la spontanéité et la
composition. Il y a plein de choses qui se passent sur cette photo mais on
regarde ce qui est au centre, le couple, et plus spécifiquement Jackie et son
bouquet de roses. La centralité du personnage, tout comme sa couleur vive au
milieu de gens en noir, attire notre regard.
Stoughton va utiliser le réel de façon exemplaire. Ainsi, il crée une rime entre le
chapeau rouge de la dame et les roses tenues par Jackie. Cette photo est donc
prise sur le vif mais extrêmement composée. Il y a une construction du regard
dans cette photo, qui est pourtant très large. On met aussi en scène la
médiatisation du couple grâce aux deux photographes qu’on peut voir en fond.
comme les lieux (22 Novembre 1963, 11H33, Love Field Airport, John &
Jackie Kennedy)
charge de la couverture officielle et privée. Les Kennedy sont les premiers à être
entraîner d’un point de vue médiatique aux USA pour répondre à la demande.
L’annonce à la télévision
Le format télévisuel est quand même assez différent du format
cinématographique et photographique. Dans cette narration, le moment de
l’annonce de la mort de Kennedy à la télévision nationale a fortement marqué
les esprits. La télé et la radio sont les deux seuls médias qui vont pouvoir
diffuser l’information de façon simultanée. Au moment où les choses se passent,
on peut commenter et montrer l’événement. Cependant, on ne montrera pas le
film au grand public (cfr censure).
Celui qui va annoncer la mort de Kennedy aux téléspectateurs est Walter
Cronkite, un des journalistes américains les plus doués. Ainsi, c’est à lui qu’on
fait appel quand on apprend que Kennedy a été touché. Il va devoir faire un
direct mais il faut beaucoup de temps pour avoir accès à d’autres informations.
De ce fait, Cronkite a dû meubler pour attendre de nouvelles infos. Pendant trois
jours, la chaîne de télévision ne va pas cesser d’émettre et ne fera aucune pause
publicitaire. C’est la première fois dans l’histoire de la TV.
Ce journaliste essayera de nous faire comprendre ce qu’il s’est passé sans
images, à l’aide de seulement quelques notes. Il va gérer l’information avec un
brouhaha hallucinant derrière lui mais un calme olympien. Cependant, il va
avoir un moment de pause tout à fait dramatique au moment où lui-même devra
annoncer aux Américains que leur président est décédé.
121
Critique analytique :
très grand car il y a une concurrence entre les différents médias pour
transmettre les informations le plus rapidement possible. Ce sera la
même chose pour le 11 novembre.
- plan taille fixe, la caméra ne va presque pas bouger (on a qu’un seul
caméraman, il ne peut donc juste s’occuper que d’une caméra, il va
juste recadrer à certains moments).
- très longue durée du plan (« temps morts » car on répète les mêmes
informations puisqu’on n’en a pas de nouvelles)
123
On retrouve une caméra, un plan fixe et quelqu’un qui parle, on est donc
quasi devant une radio. On n’est pas prêt, on a été pris de cours donc on
est dans le « minimum » télévisuel.
Le premier inculpé de cette affaire est Lee Harvey Oswald, qu’on va retrouver
dans le bâtiment en face du parcours de la voiture et qui a avec lui un fusil qui
correspond au calibre de celui qui a tué Kennedy. En outre, on va voir qu’il a eu
un entraînement militaire qui lui permettait d’être un sniper de ouf. On
l’interroge dans un commissariat au Texas et arrive une chose hallucinante
totalement imprévisible.
On va transférer Oswald du commissariat vers la
prison. La scène est filmée par des dizaines de
caméras qui vont assister en direct à l’assassinat
de Lee Harvey Oswald par Jack Ruby, fervent
défenseur de Kennedy. Il va surgir de la foule
pour tuer Oswald et cet acte sera filmé en direct.
Cet assassinat est une sorte de boucle : images en
direct de Zapruder, direct assuré par Cronkite et
puis assassinat en direct du suspect.
On a donc une histoire des faits mais aussi une histoire de la technologie, des
médiums. A chaque instant du déroulé narratif de ce fait historique, on a une
intervention photographique, télévisuel. La complexité médiatique de l’époque
va donc changer la donne.
Critique d’identification :
On doit d’abord évidemment identifier cette source. C’est relativement simple
à faire aujourd’hui car on a décortiqué toutes les secondes de ce film, on l’a
même déconstruit en photographies car on n’a pas pu le montrer pendant
pratiquement 10 ans.
C’est un film muet en couleurs et amateur 8 mm. Son auteur est Abraham
Zapruder, qui l’a filmé le 22 novembre 1963 à Dallas sur Eim Street et ce film
montre l’assassinat de Kennedy. La première balle n’a pas l’air d’avoir
beaucoup d’impact, le président se recroquevillant juste sur lui-même. On
125
La critique analytique
Elle demande des éléments de contexte et d’aller s’interroger sur les
circonstances dans lesquelles on a pris ces images et qui les a prises.
Source émettrice : Abraham Zapruder, fils d’Israel Zapruder (émigré en 1920
aux USA, Brooklyn), né en 1905 à Kovel – aujourd’hui Ukraine - (mort d’un
cancer de l’estomac en 1970 à Dallas, Texas). Tailleur de vêtements pour
dames; arrivé à Dallas en 1941; ses bureaux sont en face du Texas School Book
Despository.
On montre les images en mouvement pour la première fois lors d’un talk-show.
C’est évidemment un choc pour les Américains.
Cela va aussi inspirer d’autres productions. Ainsi, en 2013,
on va récupérer tous les autres films et images qui ont été
prises pendant ces 26 secondes. On va en faire un
documentaire qu’on appellera « The lost JFK Tapes. The
assassination » (National Geographic, Tom Jennings, 2013).
Ces images sont anecdotiques, ce sont des compléments pour
se poser tout un tas de questions sur le positionnement des
personnes, …
Finalité : film amateur, devenu une preuve (utilisation du film comme preuve
devant la Warren Commission en 1964, film revendu à la famille Zapruder par
Life Magazine en 1975 pour 1 dollar; vente des droits notamment à Oliver Stone
pour son film JFK; revente du film en 1999 au Département de la Justice pour
16 millions de dollars; tous les droits légués au Sixth Floor Museum, Dealy
Plaza). Ainsi, les droits seront revendus à certaines personnes qui vont en faire
des usages divers. La condition est de ne pas montrer les 26 secondes en entier.
La critique d’authentification
La critique esthétique :
Les images sont peu fixes, ce qui relève de l’amateurisme, mais suivent toute
l’action, de l’apparition à la disparition de la voiture (source brute,
interprétations uniquement sur les faits). La seule chose qui peut nous faire
douter est qu’on a la scène de A jusque Z. Zapruder est le seul à l’avoir sur les
42 personnes qui filmaient. Que s’est-il donc passé pour qu’on ait ces images
relativement claires et relativement explicites ?
En outre, l’absence du son renforce la dramatique des gestes (choc de l’impact
de la balle). Plus tard, notamment dans les années 80/90, des ingénieurs du son
vont reconstituer une bande son de façon totalement artificielle en suivant ce qui
est montré à l’image.
Extensions fictionnelles
dans cette affaire. Prêt à tout pour faire éclater la vérité au grand jour, le
procureur devient très vite l'homme à abattre..
Parkland (Peter Landesman, 2013, USA, long-métrage de fiction)
C’est un film sur tout ce qui est arrivé aux gens qui étaient sur place au moment
de l’assassinat et on suit les docteurs qui vont recevoir Kennedy et puis ceux qui
vont recevoir Oswald. On va s’interroger sur les policiers texans qui suivent
l’enquête, sur Zapruder, sur les policiers du FBI, … Ce film a tendance à donner
une image assez documentaire, très proche de la captation de la réalité.
Synopsis : 22 novembre 1963, 12 h 38. C’est un patient peu ordinaire qui arrive
en urgence au Parkland Memorial Hospital de Dallas. Il s’agit du président John
F. Kennedy, sur qui on vient de tirer alors qu’il traversait Dealey Plaza en
limousine décapotée, acclamé par la foule. Tandis que la nouvelle se répand
dans le monde, une page méconnue de l’histoire s’écrit dans cet hôpital qui
n’était absolument pas préparé à affronter cet événement. Autour du corps, les
questions et les émotions s’accumulent. La pression monte. Proches, anonymes,
officiels, tous vont être confrontés à une prise de conscience et à des décisions
qui changeront leur vie à jamais…
La critique d’identification
Titre : Jackie
Date: 2016
C’est un film de fiction en couleurs tourné en 2016 par Pablo Larrain et avec à
l’intérieur plusieurs lignes narratives, la principale étant une interview faite par
133
La critique analytique
On est pratiquement aux antipodes du film de Zapruder car le film Jackie est
totalement construit, tout est minutieusement calculé. Cela donne donc un
sentiment de non-naturel, qui est totalement voulu par le réalisateur. Toutes les
images montrant l’assassinat de Kennedy étaient prises sur le vif et Larrain
voulait avoir tout autre chose.
Nous sommes dans une très grande composition et une très grande
construction visuelle
Critique d’authentification
La critique d’authentification est fausse, il n’y en a pas si ce n’est le plan réel
utilisé mais ce dernier ne remporte pas la réalité. On est donc dans une
construction extrêmement soignée, dans quelque chose de très travaillé au
niveau de l’image et du son. Le degré de lisibilité est parfait, tout comme
l’utilisation de l’éclairage. On est dans un temps mort car c’est le « temps réel »
pour sortir de cet avion. On est dans de la durée, cela apporte une sorte
136
La critique esthétique
Au niveau esthétique, on a des plans rapprochés la plupart du temps, on voit le
personnage en plan épaules ou en gros plan, on est donc fort proche d’elle.
L’émotion passe grâce à cela car on est dans une « intimité physique » avec le
personnage. De ce fait-là , on est dans la réduction du cadre.
La construction de cette séquence est très intéressante. Dans les premiers plans,
on est dans son intimité. Quand elle sort de l’avion, on est dans la représentation
publique, on s’éloigne donc, puis on revient dans sa subjectivité car elle a une
espèce de crise de panique.
Pour ressentir cette peur de la foule qu’elle a, la caméra n’est
plus horizontale avec le personnage mais légèrement en-dessous,
elle la prend en contre-plan. On est dans une sorte de
déséquilibre avec tout ce qui était bien cadré Montre le
basculement du personnage.
La plupart du temps, Jackie est au centre de l’image, elle est frontale (sauf au
début où on est de dos, ce qui est assez étonnant pour un film hollywoodien
Ironie par rapport à l’iconicité du personnage). On a une fixité avec l’interview
du journaliste et on se concentre sur le visage car c’est la seule chose qui bouge.
On attire le regard du spectateur par cette association entre les choses fixes et les
choses immobiles. Ce film se concentre donc sur la performance d’actrice de
Natalie Portman.
L’actrice reproduit les mimiques de la vraie Jackie et elle reprend sa façon de
parler également. La musique vient rajouter un élément d’artificialité et nous
permet en même temps de rentrer dans la subjectivité du personnage. On ne
reste donc pas complètement à distance.
137
La critique d’identification
Critique d’authentification
L’extrait relève d’une construction fictionnelle :
- Longueur des plans : pas de présence de plans séquences mais plans
au contraire assez courts qui démontrent une grande construction et
non une captation de la réalité. Le montage est très articulé, très serré.
On passe d’un plan à l’autre de façon assez rapide, ce qui donne un
grand dynamisme et donc une grande construction de la narration.
- Echelle des plans : très grande proximité vis-à-vis de ce qui est filmé.
Plans rapprochés (voire de gros plans) et donc restriction du cadre et
de ce qui est montré
Bande-son :
141
- Pas de son direct sauf les bruits d’ambiance et le bruit (en gros plan
sonore) de la deuxième bale qui atteint Kennedy au crâne (on n’entend
pas le bruit de la première balle)
La critique esthétique
Organisation de la compositions des images (du cadre, du cadrage, du
montage, …) et du son ; pour quels effets ?
Très grande dramatisation ou mise en scène, voire composition
artificielle :
Ce plan est sûrement le plus faux de toute la séquence car on trafique des images
existantes pour remplacer un personnage par une actrice professionnelle, on est
dans de la manipulation d’images d’archive Contraste. Ensuite, il revient à
quelque chose de vrai, à cette idée de faire parler Kennedy et de mettre la voix
du vrai président en arrière-fond. On entend Kennedy mais on ne le voit pas
parler, on a donc un décalage entre ce qui est montré et ce qui est entendu.
Cette séquence est frappante car le non-naturel est
absolu et assumé, on est dans de la pure construction,
alors qu’on joue avec les éléments de la réalité. On a
une progression dans la coexistence des images et du
son d’archive avec les images fictionnelles. En outre,
le présentateur télé n’est pas remplacé par l’acteur qui
le joue dans la fiction dans les images d’archive.
La scène nous permet de voir que c’est une construction, on montre la caméra
qui est en train d’enregistrer, on montre la mise en scène de l’arrivée
« spontanée » de Kennedy. Ce n’est pas une surprise, on nous montre qu’on
nous ment.
II. 9/11
On change de période. La prof a voulu nous montrer à quel point le contexte
technologique dans lequel on se situe est déterminant en ce qui concerne les
évènements d’une période et les films relatant ces faits. Pour le 11 septembre, la
planète entière suit en direct les évènements qui se passent mais elle ne verra
que les images qu’on veut bien lui montrer. En effet, les médias n’ont presque
utilisé que six photos. Ainsi, ce n’est pas parce qu’on se situe dans une ère de
diffusion qu’on est dans la diversité des images.
Le système de censure existe encore avec les images du 11 septembre. C’est
assez étonnant mais on va se rendre compte qu’il y a quand même une sorte de
filtre qui s’est mis en place. On n’a jamais vu de corps, de blessés, d’images
sanguinolentes, sauf à de très rares exceptions. On a une espèce d’éthique de la
transmission des images qui s’est assez vite mise en place.
Jules et Gédéon Naudet sont un peu les Zapruder du 11/09. Il est là par hasard et
filmait à la base une fuite de gaz. On retrouve donc une grande spontanéité, et il
est le seul à avoir filmé une continuité d’action pendant plusieurs secondes.
Ces images sont très difficiles à analyser car :
145
Les terroristes qui ont organisé les attentats ont utilisé les médias pour
véhiculer une idéologie (choix des Twin Towers, deux tours, impact
répété en direct): ce sont des actes de communication, récupérés par les
médias
Minutage
1. Documents-photographiques
Les premiers documents sont des documents-photographiques. On se rend
compte qu’ils vont être extrêmement répétitifs et former une sorte
146
« The falling men » (Richard Drew, 2001) est une image prise
par un seul journal, le New York Times. Toutes les autres
images ne montrent pas les victimes. On s’est longtemps
demandé s’il fallait la publier et d’ailleurs, sa publication a
donné lieu à de nombreux débats.
de fiction comme Jackie car on se dit justement qu’on va voir quelque chose de
réel.
On est +/- un an après les attentats. Cela veut dire que ce film est fait pour une
date anniversaire et donc il a été fait avec des intentions extrêmement claires, il
est là pour commémorer les évènements mais ce sont en même temps des
récits extrêmement personnels de ceux qui ont vécus les évènements qui nous
seront contés.
Ainsi :
Sujet de départ: portrait d’un jeune pompier
Les images de départ sont donc des captations de la réalité mais en fait, le
documentaire informatif sur les pompiers va se transformer en un documentaire
de commémoration ayant une dimension assez patriotique et assez héroïque par
rapport aux figures des pompiers. Ce n’est donc pas un reportage neutre. Ainsi,
il se veut proche de la captation de la réalité, mais le degré de construction au
travers du montage et du récit des voix est assez élevé.
Le maître mot de ce film est la dimension du montage. On est dans une
utilisation extrêmement importante du montage. On ne sera pas uniquement
dans la narration de cette journée-là mais il y aura également des rajouts
(archives, témoignages, …) qui vont alimenter les images de ce film.
1) La critique d’identification
Les cinéastes de ce film sont Jules et Gédéon Naudet. On
retrouve au centre John Hanlon. Leur film date de 2002 et
150
il est établi comme étant un documentaire, même s’il a été fait pour être montré
d’abord sur un circuit télévisé. Il est également sorti dans quelques salles, ce qui
lui donne le statut de film documentaire à proprement parlé et il est aussi sorti en
DVD.
2) La critique analytique
Le reportage a été diffusé pour la première fois par CBS, le 10 Mars 2002 (6
mois après le 9/11) et il y avait plus de 39 millions de spectateurs. Il a été
rediffusé internationalement dans le courant de l'année suivant les
événements. Première diffusion en France le 11 Septembre 2002 et nouvelle
version le 10 Septembre 2006 (CBS) + DVD
La fréquence est très élevée car il y a une visibilité et une reproductibilité
internationale. En outre, Jules Naudet est le seul à avoir filmé de façon assez
continue la première attaque d’une des tours au travers du premier avion qui
crée l’attentat, ce sont donc des images inédites. On est presque dans le même
ordre d’idée qu’avec le film de Zapruder. Ces images-là seront le moteur de la
justification et de la diffusion du film Donc, images uniques de la première
tour
Les frères Naudet, qui avait un budget très limité pour filmer les pompiers au
départ, auront un budget quasi illimité fourni par CBS pour faire ce
documentaire. Dans ce dernier, ils sont à la fois cinéastes mais aussi témoins de
l’évènement car ils racontent ce qu’ils ont vécu. Cette double position fera naître
un sentiment assez étrange.
Ces deux éléments restent valables pour tous les extraits qu’on va
analyser aujourd’hui
à nous aider à bien comprendre soit à manipuler pour nous donner un certain
point de vue.
Critique d’authenticité
Ce premier extrait est assez complexe car il contient des niveaux de points de
vue qui se mélangent, nous n’avons pas uniquement le point de vue de Jules
Naudet sur la situation Question de la réalité. On n’a pas un plan fixe sur le
réel car à tout moment, on sent le corps de Jules qui réagit à la situation. Il ne
veut pas couper sa caméra mais bien montrer de plus près ce qui est en train
d’arriver, il fait donc un zoom. À tout moment, on a donc la vision de quelqu’un
qui doit gérer les événements, on est ainsi systématiquement dans la vision
subjective de quelqu’un.
Les plans sont assez longs, il utilise le zoom pour ne pas avoir recours au
montage, pour recadrer : Jules essaye de ne pas fragmenter la réalité
On a donc une grande authenticité des images mais ces dernières seront
prises dans une construction (montage en alternance avec les témoignages
sur fond noir)
En d’autres termes, ces images réelles nous sont données à voir avec une série
d’autres éléments qui eux relèvent de la construction. Il y a donc des voix-off
qui expliquent (Jules, différents pompiers, …) ce qui est en train de se passer et
le ressenti qu’ils ont eu à ce moment-là. Cela fait un peu exploser le point de vue
qui était au début uniquement celui de Naudet. On n’a plus un point de vue sur
la réalité mais bien plusieurs qui s’exprime en même temps.
Au niveau du son, on a une pluralité des témoignages. Il y a donc une
authenticité des images qui sont prises en construction avec les témoignages des
différents participants. On est donc dans un degré de construction et non plus
dans l’authenticité. Les dimensions didactique et pédagogique prennent le
dessus, les gens devant avoir ces témoignages en même temps pour qu’ils
puissent comprendre exactement ce qu’il s’est passé.
Critique esthétique
Quel point de vue ? C’est celui de Jules Naudet qui tient la caméra et qui
témoigne en voix-off + ceux des témoins (pompiers)
images télévisuelles, on est avec des images qui ont été retransmises partout en
direct, on rajoute donc encore un élément de construction.
On est donc dans un réalisme dans l’ensemble qui vient de la spontanéité des
images mais on a aussi une démultiplication des points de vue (dedans, dehors,
pompiers, images télévisuelles, etc.) qui engendre une construction minutieuse
de ces points de vue.
Critique d’authenticité
On est influencé par tout le système de référence que l’on connaît : des films de
fiction où on voit des mouvements de panique des foules où on ne voit presque
pas ce qu’on est en train de filmer. On n’est donc pas vraiment surpris par les
images chaotiques, on a l’habitude de voir cela aujourd’hui. On est dans
l’illustration du chaos général et dans cette espèce de spontanéité de
l’enregistrement du direct.
La caméra est dans le mouvement constant du direct. Il y a un très pauvre
degré de lisibilité, en tout cas pour ce qu’il se passe dans la tour mais à
l’extérieur, les images sont toujours relativement lisibles. On a des problèmes
156
d’éclairage une quasi abstraction dans le flou des images et le son est direct
(+ commentaires de Jules).
Direct absolu, sans réelle maîtrise possible au début (enregistrement
mécanique de la réalité) mais toujours commentaires en voix-off
On retrouve un contraste quasi absolu entre les images du dedans et les images
extérieures, on est dans deux systèmes de représentation assez différents même
si on est dans la même sensation de direct. C’est à ce moment-là qu’on fait des
références aux films catastrophes. On a déjà vu cela au cinéma mais jamais en
vrai.
Critique esthétique
On retrouve donc de l’intericonicité, c’est-à-dire que
l’image montrée au travers de ce documentaire va renvoyer
à des images préexistantes de films de fiction. On a ces
images extrêmement iconiques de l’évènement avec ce
nuage de fumée qui arrive sur les gens.
journée où il y a plein soleil. Il y a donc cette mémoire des images qui revient
au moment où les tours s’effondrent. Dans le film de fiction, on intègre
systématiquement l’humour mais les images qui répondent à celles-ci, c’est-à-
dire celles du 11 septembre, sont des images d’une catastrophe absolue.
Quatrième extrait du film des frères Naudet : les pompiers après l’attentat
On retrouve l’émotion des pompiers qui vont aider dehors et qui vont constater
les dégâts portés sur l’environnement newyorkais mais aussi en termes de
victimes. Jusque-là, on avait évité le sentimentalisme explicite mais ici, on va
tomber en plein dedans.
C’est une séquence un peu à part dans le film car elle n’est plus du tout
informative ni pédagogique mais elle est uniquement basée sur un rapport
émotionnel au spectateur pour faire ressentir l’émotion des pompiers qui
reviennent sur place. On pourrait très bien se passer de cette séquence mais c’est
une sorte de parenthèses où on joue très fort sur le côté émotionnel.
Il n’y a aucun son direct, la musique étant le seul élément de la bande-son qui
est présente. Mélancolique, elle va travailler avec les plans pour générer cette
émotion, on tombe dans l’idée de sentiments voire de sensation.
Au niveau visuel, en ce qui concerne l’authenticité, on est toujours dans une
captation des évènements mais on est dans une échelle des plans assez
différente, on est très proche des pompiers et de leur visage. On a du gros plan
systématique voire même des très gros plans, on zoome sur les détails des
visages. On est donc dans une grande proximité avec les protagonistes.
On peut également retrouver un ralenti qui va intensifier et dramatiser le rapport
à la réalité. C’est un procédé technique et artificiel qui va encore augmenter le
rapport émotionnel.
But émotionnel et pas informatif
158
Avec cette séquence, on va dans une direction basée sur l’empathie, le film
voulant également héroïsé ces personnages. Ce sont des héros mais ils sont
également écrasés par la situation. La construction est donc grande et arrive à
une question d’éthique documentaire : peut-on arriver à intégrer ce type de
séquence beaucoup trop travaillée esthétiquement ?
Eléments de conclusion
On est dans une volonté d’enregistrer la réalité telle qu’elle est car on
n’est sur place. On est dans l’action et dans la spontanéité du mouvement
Dans la version de CBS, Robert de Niro vient nous présenter l’action et nous la
situer. Il fait un accompagnement télévisuel et pas filmique, on a donc encore
une nouvelle couche à la complexification et une surexplication.
Ces pratiques naissent avec le début de la construction des images. Mais petit à
petit, elles vont se développer et s’améliorer et cela deviendra de plus en plus
dur de les différencier des vrais (Cfr Deepface).
On revient sur ce phénomène car il remet en perspective cette question du
trouble entre la captation de la réalité et la fiction. Jusqu’à présent on a vu, en
termes de long métrage, Jackie, film de fiction utilisant de temps en temps
quelques images d’archive sans vraiment l’assumer, car on peut très bien passer
à côté.
On a également dû visionner un documentaire de captation réelle. On y retrouve
l’idée que même si ce sont des captations de la réalité, il y a quand même une
grande construction du contenu. On est donc confronté à une forme de
manipulation car le document n’est pas brut mais bien retravaillé et parfois
même refictionnalisé (// pompiers qui reviennent sur les lieux).
Film de fiction teinté de réel VS film réel teinté de fiction
Critique d’identification
161
Titre : Cloverfield
Date : 2008
Récit : Une fête d’adieu est organisée pour Rob qui part travailler au
Japon. La soirée est filmée par Hub, son meilleur ami; pendant la soirée,
une attaque extraterrestre éclate à Manhattan
Critique analytique
Il est important de comprendre dans quel contexte et dans quel état d’esprit le
film a été tourné.
catharsis. Ce film a pour but d’aider les gens qui ont vécus les attentats
du 11 septembre à exorciser leurs peurs, il est donc d’abord destiné aux
Américains et aux gens qui étaient sur place.
Critique d’authentification
Longs plans/plans séquences : Assez courts, on retrouve cette idée de
dynamise du montage qui n’en est pas vraiment un. Ainsi, en apparence il n’y a
pas de montage mais bien que de courtes ellipses dues au mauvais maniement de
la caméra.
Angles de prise de vue : Construction naturaliste, les angles de prises de vues
dépendent des gestes de Jason + beaucoup de regards caméra (spontanéité). Les
regards caméra renforcent cette idée de spontanéité. On crée donc un contact
interdit d’habitude dans le cinéma classique.
Echelle des plans : plans totalement dépendants de l’action (dans cette
séquence assez serrés/plans épaule). On est dans une proximité vis-à-vis des
gens qui nous font face et qu’on veut filmer. On est donc dans un rapport
humain avec les autres.
Degré de lisibilité des images et d’éclairage : le degré de lisibilité est assez
faible car il y a très peu d’éclairage, la caméra est en mouvement constant, il y a
de multiples décadrages, des ellipses, …
Sons/dialogues : Pas de musique, que du son direct (dialogues, bruits, etc.)
On pourrait donc se dire avec tout cela que ces images sont
authentiques
165
Critique d’authentification
La ressemblance avec les évènements du 11 septembre est assez sidérante sauf
qu’on est dans un espèce de synthèse. Là où les choses se sont déroulées sur des
heures pendant les attentats, tout est concentré ici. Tout ceci est donc en train de
réinitialiser des images qui ont été vues des milliers de fois SAUF que cela se
passe avec un monstre et dans l’obscurité.
Très longs plans/plans-séquence : En apparence, pas de montage, que de
courtes ellipses, zooms pour une action continue. On est au centre, on est dans
une immersion car on fait comme si on était celui qui tient la caméra. On
retrouve cette idée de filmer dans la continuité et dans le temps.
Angles de prises de vue : construction naturaliste, les angles de prises de vues
dépendent des gestes de Hud. Ils sont chahutés car il recule, il court. On a donc
un naturel de la captation.
Echelle des plans : Plans d’ensemble (mais aussi plans rapprochés, totalement
dépendants de l’action) + regards caméra (frontalité, subjectivité). Quand la tête
atterrie devant lui, il fait un zoom, comme Jules Naudet, pour ensuite dézoomer
pour montrer les gens qui sont autour. Il est donc en train d’apprendre à
maîtriser la technologie. Cette scène devrait lui faire tomber la caméra des mains
mais Hud assume quand même, il filme ce qui doit être filmé comme Jules
Naudet.
Degré de lisibilité des images et d’éclairage : Très peu d’éclairage, caméra en
mouvement constant, images chahutées, décadrages, courtes ellipses, etc.
Sons/dialogues : Pas de musique mais que du son direct (dialogues, cris, bruits,
…).
Tout est construit pour faire croire à une image en captation réelle… Mais
traces extérieures du faux: le/les monstres; la tête coupée de la Statue de la
Liberté (image numérique) : New York dévastée; l’utilisation des effets
spéciaux; + les indices externes – contexte de production (source analytique), de
166
diffusion, etc. On veut nous faire ressentir ce que les personnages pourraient
ressentir mais tout est construit. On a donc le sentiment du direct, de la réalité
mais tout ceci n’est qu’une construction.
+ Centralité et frontalité des personnages filmés (aucun hasard. Des indices
de fiction peuvent nous passer totalement sous le nez si on n’y fait pas attention,
comme quand la meuf retrouve le frère de Rob)
+ le récit romantique se construit peu à peu et est démultiplié dans plusieurs
couples mais aussi horrifique (les meurtres successifs) et la construction
scénaristique du récit
Critique esthétique
Organisations et effets du film : Impression de captation réelle et spontanée,
de point de vue subjectif/immersif au cœur de l’action (monstres, obscurité,
inattendu) => Provoquer la peur. On a cette subjectivité et ce point de vue
d’immersion. La finalité du document et de tous ces éléments est de susciter
l’angoisse et la peur.
Points de vue : Variables en fonction de qui tient la caméra et qui filme (Rob,
Jason, Hud, Rob) au travers d’une caméra « personnifiée » => Cela permet de
ressentir l’effet physique. Ce film a des points de vue en fonction de qui prend la
caméra et il y a même parfois des points de vue sans personne derrière la
167
Le nuage
Dans les souterrains qui rappelé quand l’immeuble s’est effondré sur Jules
et puis qu’il a allumé la caméra
Sous le nuage de débris. Gédéon et Jules Naudet reçoivent les débris sur
eux et ils se réfugient derrière des voitures
Le son est très important car les frères Naudet ont dit qu’un bruit
apocalyptique leur parvenait quand les immeubles s’effondraient
Troisième extrait : armée VS monstre
On revient à des choses connues et vues qui sont réutilisées à l’intérieur de ce
film de fiction. Le bruit dont le monstre est à l’origine et pas les tours elles-
mêmes. Le réalisateur fait quand même un plan sur des tours où se trouve
168
l’appartement de Beth. On se rend compte que les premières images du film ont
été filmées de ces bâtiments-là, on évoque donc les tours de façon anecdotique
Intericonicité.
Intericonicité
La tête coupée de la Statue de la Liberté apparaît dans de
nombreux films. Cette idée que la Liberté tombe
représente aussi une forme de terreur symbolique. En
outre, cela revient à évoquer toute une série d’autres
films (La Tour Infernal, intericonicité avec les images
des frères Naudet). Beaucoup de films mettent à mal cette Statue. On retrouve
également le nuage et la fuite des gens dans Batman VS Superman. Cloverfield
fait une référence explicite à Godzilla, monstre attaquant New-York.
La fin
Tous les personnages sont des victimes successives de cette attaque du monstre
mais on continue à documenter et à avoir cet esprit d’archivage car le
personnage principal, Rob, dit à la fin qui il est et qu’il était là lors des
évènements. Le film ne se termine pas sur cela mais bien sur des images du
bonheur, sur l’escapade de Beth et Rob à Connie Island. Beth y dit « J’ai passé
une bonne journée » or c’est la pire journée de sa vie qu’elle a passée sur les
images principales de la bande. On a donc un espèce d’oxymore : mort de Beth
mais résurgence du bonheur qui est quand même possible.
Cependant, on clôture la fiction avec plein d’éléments : générique de fin, la
fameuse phrase « Les évènements et personnes vues ne sont pas réelles ». On
doit dire que c’est fictionnel et non-intentionnel si on y voit des références.
Cette dernière phrase est mise pour des droits d’auteur. Il y a donc cette volonté
de s’inspirer d’images réelles mais l’aspect commercial revient vers la fin du
film.
Conclusions
A l’examen, on devra analyser un extrait d’un des trois films vus selon les
quatre niveaux de critique : identification, analytique, authentification et
169
EXAMEN :
Extrait projeté qui fait maximum 3 minutes et qui est tiré d’un des trois films à
visionner. On va le voir deux fois. Sur le questionnaire, on aura une question :
170