La thérapie neurocognitive et comportementale.

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carrefour des psychothérapies

Collection dirigée par Edith GOLDBETER-MERINFELD

Giovanni ABIGNENTE (Adaptation française de Jean-Yves HAYEZ)


Les racines et les ailes. Ressources, tâches et embûches de la famille
Maurizio ANDOLFI (Traduction d’Angela MACCIOCCHI)
La thérapie racontée par les familles. Un regard rétrospectif
selon le modèle transgénérationnel
Maurizio ANDOLFI, Anna MASCELLANI (Traduction d’Angela MACCIOCCHI)
Histoires d'adolescence. Expériences de thérapie familiale
Bernard AUCOUTURIER
La méthode Aucouturier. Fantasmes d’action et pratique psychomotrice
Aaron T. BECK (Traduction de Bernard Pascal)
La thérapie cognitive et les troubles émotionnels
Rolando Omar BENENZON (Adaptation française de Fabienne CASSIERS)
La musicothérapie. La part oubliée de la personnalité
Antoine BIOY, Pascal-Henri KELLER
Hypnose clinique et principe d'analogie. Fondements d'une pratique psychothérapeutique
Sarah BOWEN, Neha CHAWLA, G. Alan MARLATT
Addictions: prévention de la rechute basée sur la pleine conscience. Guide clinique
Nicole CALEVOI, Gérard DARGE, Régine GOSSART, Marc HAYAT,
Sylvie KOCKELMEYER, Romano SCANDARIATO, Rita SFERRAZZA
Le psychodrame psychanalytique métathérapeutique. Supervision, relance et dégagement
Luigi CANCRINI (Traduction de Silvia GUZZI)
L’océan borderline. Troubles des états limites, récits de voyage
Michel CAUTAERTS
« Je tu(e) il ». Psychanalyse et mythanalyse des perversions
Salvatore D’AMORE
Les nouvelles familles. Approches cliniques
Frank M. DATTILIO
Thérapies cognitivo-comportementales pour les couples et les familles
Michel DELBROUCK
Psychopathologie. Manuel à l’usage du médecin et du psychothérapeute
Édouard de PERROT
La psychothérapie de soutien. Une perspective psychanalytique
Édouard de PERROT, Martin WEYENETH
Psychiatrie et psychothérapie. Une approche psychanalytique
Barry L. DUNCAN, Scott D. MILLER, Bruce E. WAMPOLD, Mark A. HUBBLE
L'essence du changement. Utiliser les facteurs communs aux différentes psychothérapies
Mansour EL FEKI (Éd.)
La sexothérapie. Quelle thérapie choisir en sexologie clinique ?
Nicolas FAVEZ, France FRASCAROLO-MOUTINOT, Hervé TISSOT
Naître et grandir au sein de la triade. Le développement de l’alliance familiale
Elisabeth FIVAZ-DEPEURSINGE, Antoinette CORBOZ-WARNÉRY
Le triangle primaire. Le père, la mère, le bébé
Jacques FRADIN, Camille LEFRANÇOIS
La thérapie neurocognitive et comportementale. Prise en charge neurocomportementale
des troubles psychologiques et psychiatriques
Edith GOLDBETER-MERINFELD
Le deuil impossible. Familles et tiers pesants
Edith GOLDBETER-MERINFELD, Juan-Luis LINARES, Luigi ONNIS,
Elida ROMANO, Marco VANNOTTI
Thérapie familiale en Europe. Inventions à cinq voix
Zohra GUERRAOUI, Gérard PIRLOT
Comprendre et traiter les situationsinterculturelles.
Approches psychodynamiques et psychanalytiques
Russ HARRIS
Passez à l’ACT. Pratique de la thérapie d'acceptation et d'engagement
Michel HELLER
Psychothérapies corporelles. Fondements et méthodes
Jon KABAT-ZINN (Traduction de Claude MASKENS)
Au cœur de la tourmente, la pleine conscience. MBSR, la réduction du stress basée
sur la mindfulness : programme complet en 8 semaines
David G. KINGDON, Douglas TURKINGTON (Traduction de Pierre PÉRIARD)
Thérapie cognitive de la schizophrénie. Une thérapie par le dialogue et l’écoute du sujet
Ilios KOTSOU, Alexandre HEEREN
Pleine conscience et acceptation. Les thérapies de la troisième vague
Juan Luis LINARES (Traduction de Felipe BARROS SOLANA)
Des abus et autres maltraitances. La maltraitance familiale, entre thérapie et contrôle
Jean-Claude MAES
Emprise et manipulation. Peut-on guérir des sectes ?
Muriel MEYNCKENS-FOUREZ, Christine VAN DER BORGHT et Philippe KINOO
Éduquer et soigner en équipe. Manuel de pratiques institutionnelles
Pierre MICHARD
La thérapie contextuelle de Boszormenyi-Nagy.
Une nouvelle figure de l’enfant dans le champ de la thérapie familiale
Moïra MIKOLAJCZAK et Martin DESSEILLES
Traité de régulation des émotions
Salvador MINUCHIN, Joel ELIZUR (Traduction de Serge KANNAS)
Maladie mentale et hospitalisation psychiatrique. Familles, psychothérapies et société
Serge MORI et Georges ROUAN
Les thérapies narratives
Haim OMER (Traduction d’Édith GOLDBETER-MERINFELD)
La résistance non violente. Une nouvelle approche des enfants violents
et autodestructeurs
Luigi ONNIS
Anorexie et boulimie, le temps suspendu. Individu, famille et société
Luigi ONNIS (Traduction de Michèle LAURENT)
Asthme et enfant. Apports de la thérapie familiale
André PASSELECQ (Éd.)
Anorexie et boulimie. Une clinique de l’extrême
Paolo RIGLIANO et Margherita GRAGLIA
L'homosexualité dans les psychothérapies. Histoire, enjeux et perspectives
Babette ROTHSCHILD (Traduction de Françoise DUCÈNE)
Le corps se souvient. Mémoire somatique et traitement du trauma
Benjamin SCHOENDORFF, Jana GRAND, Marie-France BOLDUC
La thérapie d’acceptation et d’engagement. Guide clinique
Matteo SELVINI (Traduction de Dominique WATHELET)
Réinventer la psychothérapie. L’École de Mara Selvini-Palazzoli
René SIRVEN
Relaxation thérapeutique pour adolescents. Guide de pratique psychosomatique
Emmanuel STREEL et Léonie CHINET (Éd.)
Cannabis. Approches thérapeutiques contemporaines
Zindel V. SEGAL, J. Mark G. WILLIAMS, John D. TEASDALE
(Traduction de Claude MASKENS)
La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression.
Une nouvelle approche pour prévenir la rechute
Philippe de TIMARY, Sortir l’alcoolique de son isolement
Onno VAN DER HART, Ellert R.S. Nijenhuis, Kathy STEELE
Le soi hanté. Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique
Jean-Jacques WITTEZAELE (Éd.)
La double contrainte. L’influence des paradoxes de Bateson en Sciences humaines
Jeffrey E. YOUNG, Janet S. KLOSKO, Marjorie E. WEISHAAR (Traduction de Bernard PASCAL)
La thérapie des schémas. Approche cognitive des troubles de la personnalité
carrefour des psychothérapies

La thérapie
neurocognitive et
comportementale
Prise en charge neurocomportementale
des troubles psychologiques
et psychiatriques
Jacques FRADIN,
Camille LEFRANÇOIS
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe De Boeck.
Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique.

Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

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de spécialisation, consultez notre site web : www.deboeck.com

© De Boeck Supérieur s.a., 2014


Fond Jean Pâques, 4 - 1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.


Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par
photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une
banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque
manière que ce soit.

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : mai 2014 ISSN 1780-9517
Bibliothèque royale de Belgique, Paris : 2014/0074/098 ISBN 978-2-8041-8970-9
Sommaire

Table des abréviations 7


Remerciements 9
Introduction. Bases et méthodologie 11

Chapitre 1 L’Hypofonctionnement ou Comportement


Automatique d’Évitement Social 25

Chapitre 2 Le Positionnement Grégaire 125

Chapitre 3 Stratégie thérapeutique globale 203

Conclusion 273
Annexes 275
Annexe 1 – Modèle de Gestion des Modes Mentaux (GMM) 277
Annexe 2 – Modèle des Personnalités en TNC 283
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie
du Positionnement Grégaire 291
Annexe 4 – Hypofonctionnement ou « Hypo » ou CAES 307
Annexe 5 – Paramètres modulateurs de l’affrontement de l’Hypo 313
Annexe 6 – Hyperfonctionnement ou « Hyper » 317
La thérapie neurocognitive et comportementale

Annexe 7 – Répression d’Hyperfonctionnement ou RH 321


Annexe 8 – Relations à considérer entre les Hypers et Hypos 325
Annexe 9 – Positionnement Grégaire (PG) 331
Annexe 10 – Économie psychologique 341
Annexe 11 – Arbre diagnostique synthétique des contenants TNC 343

Glossaire 347
Bibliographie 371
Index des notions 389
Index des auteurs 395
Table des matières 399

6
Table des abréviations

AA Activation de l’action
AD Art Dédramatique
AE Personnalité en Activation Empêchée ou Novatrice
AR Personnalité en Activation Réussie ou épicurienne ou
Philosophe
BC Bonne case
CAES Comportement automatique d’évitement social
CPF Cortex Préfrontal
EUI États d’Urgence de l’Instinct
FE Personnalité en Fuite Empêchée ou Sécuritaire
FLI Fuite, Lutte, Inhibition
FR Fuite Réussie ou Personnalité Animatrice
GMM Gestion des modes mentaux
GMMs Gestion des modes mentaux supérieurs
IE Personnalité en Inhibition Empêchée ou Altruiste ou Solidaire
IA Inhibition de l’Action
IR Personnalité en Inhibition Réussie ou affective ou participa-
tive
IRMf : voir imagerie cérébrale fonctionnelle
LE Lutte Empêchée ou Personnalité Compétitrice
LR Personnalité en Lutte réussie ou Stratège

7
La thérapie neurocognitive et comportementale

MC Mauvaise case
MC P. II. Mauvaise case de personnalité secondaire
MM Mode mental
MMAd
ou MMP Mode Mental Adaptatif ou Préfrontal
MMAu
ou MMA Mode Mental Automatique
MMP Mode Mental Préfrontal
NL Cortex Néo-limbique
P.I. Personnalités primaires
P. II. Personnalités secondaires
PG Positionnement grégaire
PGD Positionnement grégaire dominant ou dominance
PGI Positionnement grégaire intégré ou intégration
PGM Positionnement grégaire marginal ou marginalité
PGS Positionnement grégaire soumis ou soumission
PL Paléo-limbique
RH Répression d’hyper
TCC Thérapies Comportementales et Cognitives
TNC Thérapie Neurocognitive et Comportementale
Remerciements

Pour nous avoir aidés dans l’aboutissement de cet ouvrage, nous tenons à
remercier chaleureusement :
Anaïs Lafaye, Antoine Coutant, Aurélie Van Dijk, Bjørg Kilavik,
Céline Butin, Elisabetta Monfardini, Pierre Moorkens, Riadh Lebib,
Stéphanie de Chalvron, Suzanne Robert-Ouvray
… ainsi que tous ceux qui ont pu nous apporter leur soutien.

9
Introduction
Bases et méthodologie

Cet ouvrage est un traité de pratique clinique en Thérapie Neurocognitive


et Comportementale (TNC). Il s’adresse donc avant tout aux psychiatres,
psychothérapeutes, psychologues cliniciens ou médecins. Il est destiné à pré-
senter les bases du diagnostic, de la modélisation et du traitement (notam-
ment comportemental) des troubles mentaux à travers cette approche.
Même si des liens avec les disciplines fondamentales qui sous-tendent la
genèse de cette approche et sa validation sont abordés tout au long de ce
texte, ces allusions restent plus pédagogiques et illustratives que démonstra-
tives. De même, certaines terminologies employées (Néolimbique,
Paléolimbique…) sont simplificatrices et à finalité pédagogique. Nous avons
bien entendu été attentifs à ce qu’elles ne dénaturent pas le sens et la mise
en application de ces connaissances et expérimentations. Pour en savoir
davantage sur ce sujet, vous pouvez vous reporter à d’autres écrits, livres ou
articles scientifiques publiés par l’Institut de Médecine Environnementale1 (IME).
Dans cette optique, ce texte développe les grandes dimensions clas-
siques de la clinique en Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC)
appliquée à la TNC, à savoir :
– La pédagogie
– Le diagnostic

1. Institut de Médecine Environnementale (IME, Paris), site : www.ime.fr

11
La thérapie neurocognitive et comportementale

– La modélisation stratégique
– Le traitement (ici principalement comportemental, la dimension
cognitive étant davantage abordée dans d’autres ouvrages,
cf. Fradin et al., 2008 ; Fradin & Le Moullec, 2006 ; Fradin &
Fradin, 2006).
Quelques bases fondamentales et orientations méthodologiques de la
TNC sont abordées en prélude au développement clinique. En effet,
celles-ci nous sont apparues utiles à la compréhension et à l’utilisation
rationnelle et pertinente de la discipline2.

1. MÉDECINE ENVIRONNEMENTALE,
PSYCHOLOGIE ET INTERDISCIPLINARITÉ
Commençons par un petit détour aux origines de notre recherche en
TNC, puisque celle-ci a été mise au point dans le cadre du Laboratoire de
Psychologie et Neurosciences (LPN) de l’IME.
La Médecine Environnementale (ME) se définit comme la médecine
du mode de vie (alimentation, activité physique, sommeil…) et des rela-
tions de l’individu à l’environnement (général, domestique, profession-
nel, social…). Elle s’oppose à la Médecine Génétique (MG)3, en ce sens
qu’elle s’intéresse à tout ce qui n’est pas génétique, autrement dit à ce
qui résulte de l’interaction entre gènes et environnement. Par ailleurs,
la ME est largement opérationnelle car on sait de plus en plus ce qu’il
faut faire et ne pas faire pour vivre en meilleure santé et plus heureux
plus longtemps. À ce stade, la médecine génétique n’est encore que bal-
butiante. Mais surtout, il est reconnu que les maladies d’origine stricte-
ment génétique sont rares (Feingold & Martinez, 1998 ; Kazma, 2010,
Danchin et al., 2011), et tout porte à croire que les facteurs environne-
mentaux constitueraient plus de 90 % des facteurs de risque de santé ou
de maladies4.

2. Les lecteurs n’ayant pas d’appétence particulière pour ce type de thématique peuvent
directement se référer aux chapitres abordant la pratique.
3. La médecine génétique étudie le diagnostic et le traitement des maladies d’origine
génétique et héréditaire.
4. Nous noterons que l’épidémiologie génétique, qui fait partie de la branche de la méde-
cine environnementale, se situe en réalité au carrefour de cette dernière et de la médecine
génétique : l’épidémiologie génétique vise plus exactement « à étudier le rôle des facteurs
génétiques et de leurs interactions avec des facteurs de l’environnement dans le déterminisme de la
santé et des maladies dans les familles et dans les populations humaines » (cf. Khoury et al., 1993).

12
Bases et méthodologie

La ME et la MG ont cependant en commun le fait qu’elles consti-


tuent les seules approches réellement causales (étiologiques) de la
santé. En effet, ces disciplines sous-tendent toute la prévention pri-
maire (prévention des troubles et maladies dans la population géné-
rale), par opposition aux préventions secondaires (dépistage et
traitement précoces des troubles et maladies chez des populations à
risque) ou tertiaires (prévention de la rechute et traitement/gestion des
séquelles).
Ainsi :

Prévention primaire = médecine génétique + médecine environnementale

Ces deux types de médecine viennent compléter la Médecine dite


Curative (MC), qui agit sur :
– Des métabolismes intermédiaires, entre gènes et environnement.
– Des agressions microbiologiques, en substitution ou complément de
l’immunité et d’autres capacités naturelles de défense.
– Des maladies prolifératives comme les cancers, pour les dépister et
les traiter.
– Des séquelles de traumatismes et d’agressions diverses, pour suppléer
aux déficits et dysfonctionnements induits.
Pour essentielle que soit la pratique de la MC pour la santé publique,
l’élévation rapide des coûts qu’elle entraîne pose la question du finance-
ment à long terme du système de santé actuel. En effet, plus l’action est
symptomatique, i.e. agir en aval dans la cascade des causes, plus son béné-
fice en termes de santé publique est restreint et plus son coût économique
est élevé pour la collectivité.
De façon générale, les traitements dits curatifs soulagent (un antalgique
par exemple), contrôlent un risque (un anticoagulant chez un patient car-
diaque pendant le temps du traitement) et parfois guérissent un patient.
Ce type de traitement, en revanche, n’empêche nullement le patient de
rechuter quelque temps après l’arrêt du traitement (un antibiotique, par
exemple). Ainsi, les troubles chroniques ne cessent de croître car les trai-
tements qui leur sont aujourd’hui appliqués ne gèrent que la partie (plus
ou moins) finale de la cascade des causalités. Les grandes pathologies
comme les troubles cardiovasculaires ou les cancers ont des facteurs de
risque qui semblent essentiellement environnementaux. Parmi eux, près

13
La thérapie neurocognitive et comportementale

de 80 % seraient liés à notre mode de vie et dépendraient donc directe-


ment de nos actions5.
Or, en ME, le comportement est cardinal : il est au cœur du change-
ment de mode de vie. S’occuper des comportements individuels et collec-
tifs et notamment des facteurs de changement est donc fondamental pour
cette discipline. L’étude du comportement représente sans doute aussi
l’opportunité, pour la psychologie comme pour la ME, de partager leurs
expériences et leurs champs de recherche. En effet, nous savons qu’au-
jourd’hui l’heure est à l’interdisciplinarité. La ME l’est par nature, car il
lui incombe de gérer les multiples facteurs de risque et d’amélioration du
mode de vie pour la santé, tels que :
– L’alimentation = nutrition + allergologie + physiologie de la diges-
tion + toxicologie alimentaire + comportement alimentaire + épi-
démiologie de l’acte alimentaire…
– La prévention et la gestion du stress = physiologie du stress + psy-
chologie + psychosociologie (stress au travail…) + neurosciences et
disciplines connexes (éthologie, anthropologie…).
– Les troubles du sommeil = physiologie du sommeil + psychologie
+ métabolisme et troubles digestifs…
– L’activité physique = physiologie du sport + épidémiologie de l’acti-
vité physique.
– La toxicologie = de l’habitat + au travail + de l’environnement général.
– La prévention du vieillissement = génétique + alimentation +, etc.
Il est certes totalement impossible d’être spécialiste de tout cela à la
fois… mais une somme de spécialistes compétents ne remplace pas non
plus un seul médecin environnementaliste.
Dans cette optique, la psychologie voit aujourd’hui son champ s’élar-
gir et constituer un autre « continent » : elle s’appuie sur des dizaines de
disciplines, regroupées sous le vocable de neurosciences, auxquelles il faut
ajouter la psychologie cognitive, la psychologie clinique, la psychothéra-
pie, sans oublier les nombreux courants et écoles qui les animent (ou les
divisent…, cf. Posner & Rothbart, 2004), etc.
Comment faire vivre ainsi ces complémentarités et explorer ces dis-
ciplines sans s’y noyer ? Tel est assurément l’un des défis passionnant,

5. Un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, Prüss-Üstün & Corvalán,2006)


indique que les facteurs de risques environnementaux seraient impliqués dans plus de 80 %
des maladies régulièrement recensées par l’OMS. Par ailleurs, 24 % de la charge mondiale
de morbidité et 23 % de tous les décès semblent imputables à des facteurs environnementaux.
Concernant les enfants, ces chiffres sont évalués à plus d’un tiers de la charge de morbidité.

14
Bases et méthodologie

délicat et indispensable de notre époque. Dans ce cadre, l’approche sys-


témique se révèle essentielle pour explorer et élaborer une psychologie
scientifique moderne, ouverte et efficiente. L’expérience de la ME peut
y contribuer, et c’est ce que nous tentons de faire depuis plus de vingt-
cinq ans à l’IME.

2. THÉRAPIES COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES,


NEUROSCIENCES ET TNC
Les Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC) proposent de
nombreuses techniques psychothérapeutiques validées scientifiquement.
Elles écrivent un nouveau chapitre de l’histoire des psychothérapies, en
montrant notamment que le stress, au sens large (anxiété, agressivité,
découragement), naît davantage du raisonnement incohérent et irra-
tionnel d’un individu que de sa frustration (Beck 1979). La troisième
vague de cette discipline – considérant notamment la Mindfulness (cf.
Kabat-Zinn, 1982, 2013 ; André, 2011 ; Segal et al., 2006) et l’Accep-
tance and Commitment Therapy (ACT ; Hayes et al., 2004 ; Monestès &
Villatte, 2011) – est quant à elle centrée sur l’attitude plutôt que sur la
résolution de problème. Elle confirme la pertinence de « l’ici et main-
tenant » comme angle d’approche pour comprendre la pathologie et
construire les thérapies. Cet angle diffère du point de vue centré sur la
trace mnésique émotionnelle et traumatique comme principale origine
des troubles. Les TCC esquissent aussi la nécessité de mieux com-
prendre comment notre cerveau mémorise, transforme, superpose ou
échoue et se stresse. Elles se posent également la question cruciale de
savoir à quelle fin notre cerveau mémorise : quelle est en effet la fonc-
tion darwinienne, phylogénétique de la mémoire et donc de ses
troubles ?
À ces questions, les sciences de la biologie et les neurosciences com-
mencent à mieux répondre, et ce qu’elles suggèrent va dans le sens d’une
synergie fonctionnelle étroite entre le structurel (génétique/épigénétique,
métabolique, neuronal, anatomique…) et le fonctionnel (psycho-
comportemental, émotionnel, psychosocial...).
En fin de compte, toutes ces disciplines ouvrent une voie centrale pour
la neuropsychologie et les thérapies Neuro-Cognitivo-Comportementales…

15
La thérapie neurocognitive et comportementale

3. DU CONTENU PSYCHOLOGIQUE
AU CONTENANT NEURO-FONCTIONNEL

Nos recherches et expériences cliniques ont conduit notre équipe à déve-


lopper, pour des raisons pratiques, les concepts de « Contenant » et
« Contenu ».
Nous définissons un Contenant comme un ensemble constitué d’un
substrat neuro-fonctionnel fini et associé à un ensemble homogène
de comportements, de modes traitement de l’information (filtres) et de
vécus (émotionnels et cognitifs), produit par l’activation de ce substrat.
Ces Contenants ont la particularité d’être reproductibles d’un individu
à l’autre, ou entre individus présentant strictement la même pathologie
(nous excluons ici les syndromes sujets à équivoque, les lésions céré-
brales particulières et les mécanismes de compensation de ces lésions).
Plus le substrat neuro-fonctionnel implique des réseaux neuronaux et des
aires anciennes d’un point de vue phylogénétique, plus les comporte-
ments qu’il induit sont stéréotypés, prévisibles, rigides (au sens d’un
manque d’ajustement à l’environnement) et reproductibles d’un individu
à un autre. Il existe cependant des interactions possibles entre ces
Contenants qui tendent à diminuer la prévisibilité du comportement
observable, et dont les combinaisons à l’envi participent à l’unicité de
l’individu.
Le Contenu est, dans ce cadre, l’ensemble des schémas cognitifs et des
représentations d’objets et de situations propres à l’individu. Il inclut tout
ou partie des apprentissages émotionnels, comportementaux et culturels,
émanant de l’expérience d’un individu. Les représentations figurant dans
cet ensemble sont orientées et générées par les Contenants (ou filtres) qui
ont traité l’objet de ces représentations (voir pour information générale
sur cette thématique : Mueller et al., 2013 ; Frost et al., 2012 ; Sugiura
et al., 2007).
Ces définitions peuvent être rapprochées de concepts évoqués dans
divers modèles ou théories (Théorie de la genèse de la pensée de Bion,
Théorie des Modèles Mentaux de Johnson- Laird, Théorie des
Constructions Personnelles de Kelly, etc.). Elles s’en distinguent, entre
autres, par la prise en compte du substrat neuro-fonctionnel comme
étant susceptible de générer des invariants de comportements reproduc-
tibles d’un individu à un autre (et se distinguent en cela des Constructions
Personnelles de Kelly, par exemple). Par ailleurs, ces concepts s’inscri-
vent dans le cadre de méthodes de recherche et de production d’outils
thérapeutiques visant à gérer les Contenants pour traiter l’individu. Ils

16
Bases et méthodologie

ne s’inscrivent pas dans un objectif de traitement du Contenu comme


en psychanalyse.
Ainsi, par exemple, le Contenant « colère » génère des comportements
(agressivité défensive, fixité du regard, crispation des mâchoires, etc.) et
un vécu qui lui sont propres (susceptibilité, sentiment de supériorité pas-
sager, etc.), et est inscrit dans des entités cérébrales et neurologiques pré-
cises. La colère est un Contenant universel (cf. Ekman, 1993) qui peut en
revanche être « activé » par des stimulations différentes selon les indivi-
dus, leur réactivité à ces stimulations étant dépendante de leur histoire,
de leur culture, etc.
De façon simplifiée, le Contenant serait donc la part de la symptoma-
tologie cognitive et comportementale qui semble être l’expression directe
du fonctionnement du système nerveux lui-même. Le contenu serait à ce
titre l’ensemble des représentations et schémas cognitifs propres à l’indi-
vidu et résultant de ses apprentissages. Notons, dans ce cadre, que tous les
« Contenus » (ou objets) peuvent être associés en théorie à presque tous
les « Contenants » (ou critères diagnostiques). Ces derniers se comportent
en fait comme des fonctions mathématiques (f(x)), indépendamment de
leur Contenu ou variable (qui serait l’objet de fixation).
Prenons l’exemple de la phobie dite simple et de sa trilogie diagnos-
tique : « peur + évitement automatique + apaisement immédiat dans l’évi-
tement ». Ce « mode réactionnel »6 ne dépend pas, à l’évidence, de
l’expérience individuelle ou culturelle : il est le même pour tous, dans
toutes les cultures et pour toutes les phobies. Il ne dépend donc que de
notre structure nerveuse et spécifique (au sens de propre à l’espèce). Bref,
il s’agit d’un mode réactionnel particulier que l’on pourrait nommer
« mode phobique », ou Contenant phobique, ou encore « symptomatolo-
gie neurocognitive phobique ».
Mais pourquoi utiliser le terme Contenant plutôt que « diagnostic
de » ? Parce que « diagnostic » est un terme plus général : on peut dia-
gnostiquer une fracture en médecine (ou, pour un plombier, une fuite
d’eau), ce n’est pas un mode réactionnel mais un état de la matière.
Ensuite, ce terme de Contenant est cliniquement beaucoup plus parlant
que « Mode » ou « Symptôme Neuropsychologique ». Il est pédagogique-
ment très facile à (faire) comprendre (aux patients) et il s’oppose

6. Nous définissons ici un mode réactionnel comme un mode de fonctionnement plus ou


moins apparent, mis en œuvre et déclenché par des structures de l’organisme (struc-
tures neuronale, immunitaire, métabolique, etc.) et en réponse à une situation
donnée.

17
La thérapie neurocognitive et comportementale

facilement au Contenu psychologique de l’apprentissage, comportemental


ou émotionnel.
Ainsi, grâce à cette dénomination, on ne perd plus de vue, tout au long
de la thérapie (ou de sa vie professionnelle de thérapeute), ce qui appar-
tient au hard cérébral (le Contenant) ou aux soft/datas culturels et sociaux
(le Contenu).
Le thérapeute peut ensuite facilement en déduire que les Contenus
sont modifiables et les Contenants seulement gérables… Que d’énergie
gagnée quand on découvre que l’on passe parfois des années à vouloir
modifier (chez soi ou chez ses patients) un Contenant dont les méca-
nismes sont profondément ancrés dans les gènes et les structures céré-
brales. Cela peut éviter, par exemple, de s’insurger contre le fait de se
trouver orgueilleux lorsque l’on est en colère, et ainsi d’alimenter son stress.
Plus généralement, la psychiatrie a défini des diagnostics, qui sont
autant de descriptions de modes réactionnels plus ou moins figés, indépen-
dants de la personne, de son histoire, et donc de son Contenu culturel.
Un diagnostic psychiatrique ou médical définit ainsi, la plupart du temps,
un mode réactionnel structurel de l’organisme et dans le cas présent du
système nerveux. Il constitue en toute logique un schéma structurel, i.e.
une expression clinique directe du substrat organique et fonctionnel des
structures biologiques, issues des gènes communs à l’espèce (sinon, ce ne
serait pas universel).
Ainsi en est-il, par exemple, des modes réactionnels « colère », « para-
noïa » ou « mélancolie ». En effet, que l’on parle par exemple d’émotions
ou de pathologies, celles-ci constituent des modes réactionnels ou
Contenants, en ce sens qu’elles sont supportées par des structures neuro-
logiques. Cette nature « structurelle » est d’autant plus évidente que la sta-
bilité, la reproductibilité et l’universalité du tableau clinique sont avérées,
et qu’il ne s’agit donc pas d’un syndrome aux contours flous et aux étio-
logies diverses.
Puisque la frontière entre Contenus psychologiques et Contenants neu-
ropsychologiques est désormais tracée (et elle ne passe pas, comme on
pourrait initialement l’imaginer, exclusivement par la frontière entre l’ap-
proche clinique et les neurosciences), d’aucuns pourraient se poser la ques-
tion de savoir quels sont les substrats neuronaux et cérébraux impliqués
dans chaque type de réponse structurée, constitutive d’un diagnostic psy-
chologique ou psychiatrique ? C’est le cadre des recherches actuelles,
notamment en imagerie cérébrale. Celles-ci s’efforcent de cerner les subs-
trats sous-jacents à telle ou telle pathologie et/ou les mécanismes d’action

18
Bases et méthodologie

d’outils thérapeutiques qui agissent sur elles, médicaments compris. Il


serait également intéressant de savoir quelles sont les connaissances sur le
cerveau qui pourraient orienter les recherches sur de nouvelles entités dia-
gnostiques, de nouveaux Contenants plus homogènes et stables, aux
niveaux clinique, statistique et expérimental. En effet, il existe encore,
parmi les diagnostics psychiatriques, psychologiques ou psychosociaux de
nombreux syndromes aux contours flous, dont les éléments descriptifs ne
sont pas forcément observables d’un patient à l’autre, quand bien même
ils présenteraient la même pathologie.
Des Contenants ou descriptifs plus homogènes et plus précis devraient
permettre la construction de protocoles et pratiques thérapeutiques plus :
– efficaces
– fiables
– reproductibles
– économes en énergie (aussi bien pour le patient que pour le théra-
peute ou le chercheur).
Tous ces critères se trouvent par exemple réunis pour la phobie spéci-
fique, ce qui permet d’observer une proportion très importante de succès
de la thérapie comportementale, puisque celle-ci est ciblée sur une symp-
tomatologie univoque.
Dans le texte qui suit, nous parlerons donc essentiellement de
Contenants. Le terme « Modes Mentaux » sera également évoqué, comme
synonyme de « Méta-Contenants », qui peuvent être définis comme des
modes réactionnels vastes (anatomiquement et surtout fonctionnelle-
ment), comprenant ou englobant eux-mêmes des Contenants ou « sous-
Contenants ». Mais avant cela, et toujours dans l’objectif de mieux
comprendre la démarche globale des recherches qui ont mené à cet
ouvrage, il nous faut situer la TNC dans la classification usuelle des
sciences molles et dures.

4. LA CLINIQUE, SCIENCE MOLLE OU DURE ?

4.1. Sciences dures et sciences molles : où est leur césure ?


Nous avons vu que la TNC explore les liens nombreux et complexes qui
relient les neurosciences à la psychologie. Elle s’appuie aussi largement sur
les capacités dont la clinique dispose pour clarifier les parts du fonction-
nel (Contenus) et du structurel (Contenants). Par ailleurs, on lit souvent

19
La thérapie neurocognitive et comportementale

que la médecine et plus encore la psychologie sont des sciences humaines


ou encore des « sciences molles », par opposition aux sciences « dures »,
comme la physique ou la chimie.
Soit. Mais d’où vient cette césure ? Pendant longtemps, il est en effet
apparu plus facile de mesurer les objets inertes que la matière vivante. Or
sans mesure, point de science. Le problème s’est largement résolu du côté
des sciences du vivant, avec l’entrée en jeu de la biologie et de la biophy-
sique. Il s’est en revanche complexifié du côté de la physique, avec l’ex-
ploration de l’infiniment grand et petit. Comment fait-on aujourd’hui
pour mesurer directement un quark, dont on n’est même pas sûr qu’il
existe ? Comment fait-on pour déterminer la composition chimique d’une
étoile à des milliards d’années-lumière ? Les mathématiques ne se basent-
elles pas parfois sur des axiomes, qui constituent des postulats reconnus
sans démonstrations ?
Reposons le problème autrement : la science se différencie de l’empi-
risme7 non par son objet ni même son outillage mais par son intention et
sa méthodologie. Aussi :
1. L’empirisme ne cherche pas tant à comprendre qu’à observer et repro-
duire. Il est mis en œuvre par des praticiens pour d’autres praticiens.
2. La science cherche à comprendre ce qui anime les choses, quels sont
les paramètres actifs dans le chaos des apparences. Autrement dit,
elle cherche à identifier des lois universelles, des sortes de fonctions
mathématiques qui décrivent les rouages cachés et prédisent les faits.
Mais, tout n’étant pas si simple, nous ne sommes jamais sûrs, même
en science, de trouver LA LOI. Nous pouvons tout au plus estimer
nous en approcher et en décrire une facette. C’est ainsi que tout n’y
est « vrai » que jusqu’à preuve du contraire.
Qu’en est-il alors, à cette aune-là, des sciences dures et molles ? Lorsque
la physique explore des dimensions qui atteignent les limites de nos repré-
sentations et même de nos outils de mesure les plus sophistiqués, nous ne
pouvons que formuler des hypothèses et les évaluer de façon très indirecte.
Dans ce cadre nous supposons que, si ce que nous pensons n’est pas fon-
damentalement faux (mais est-il vrai pour autant ?), nous mesurerons ce
que nous avons prédit ! À ce titre, une bonne expérience de médecine et
même de psychologie ou de psychosociologie peut aujourd’hui prétendre
répondre à cette définition.

7. Nous rappelons que l’empirisme peut être défini comme une méthode ou théorie selon
laquelle la connaissance vient de l’expérimentation, de l’observable.

20
Bases et méthodologie

4.2. Sciences dures et méthodologie clinique


Au vu des arguments précités, la différence de nature, générique, qui est
usuellement établie entre disciplines allouées aux sciences dures et molles,
ne semble donc pas pleinement recevable. Persiste-t-il tout de même, en
médecine par exemple, une (petite) différence entre sciences dites
« dures » (biologiques ou biophysiques) et clinique ? Cela ne semble pas
plus évident :
1. Considérons par exemple un test immunologique contribuant au
diagnostic de la Maladie de Lyme8 : celui-ci n’est pas plus fiable que
le contexte clinique, pour ne pas dire moins, ce qui explique pour-
quoi l’on voit figurer en bas des analyses « à confronter au contexte
clinique ».
2. Un second exemple peut être celui d’un diagnostic de Sclérose En
Plaques (SEP)9. Ce dernier est avant tout clinique et les examens
complémentaires n’ajoutent que de nouveaux arguments à un fais-
ceau d’arguments. L’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évalua-
tion en Santé indique notamment que : « La SEP est caractérisée par
des lésions inflammatoires de la substance blanche (SB) du système ner-
veux central (SNC), disséminées dans le temps et l’espace. Il n’y a pas
de marqueur diagnostique spécifique. Le diagnostic repose sur un faisceau
d’arguments cliniques, paracliniques et évolutifs. Il suppose l’absence
d’une autre affection susceptible d’expliquer les signes observés. »10
Bien sûr, il ne s’agit pas ici de valoriser le diagnostic clinique au mépris
du diagnostic apporté par les examens. L’objectif est seulement de mettre
en évidence le fait que les deux types d’examens ont des fiabilités qui sont
globalement du même ordre de grandeur, et que la valeur ajoutée de l’un
par rapport à l’autre diffère selon les cas. En réalité, c’est avant tout la
somme des deux qui permet la fiabilité du diagnostic final. À terme, le

8. La maladie de Lyme est une maladie bactérienne transmissible à l’être humain par
morsure de tique. Elle peut atteindre à la fois plusieurs organes et systèmes, et mener
à des handicaps physiques et mentaux.
9. La Sclérose En Plaques (SEP) est une maladie inflammatoire chronique touchant le
système nerveux central. Elle implique une destruction de la myéline (gaine protec-
trice du nerf), un dépôt et un durcissement anormaux de tissu conjonctif. Cette
maladie entrave la transmission nerveuse et provoque des troubles de la vision,
moteurs et autres.
10. Rapport agréé par la Haute Autorité de la Santé (HAS), Fédération française de
neurologie, avec la participation et selon la méthodologie de l’Agence nationale
d’accréditation et d’évaluation en santé. La sclérose en plaques. Conférence de
consensus - 7 et 8 juin 2001. Rev Neurol 2001 ; 157 (8-9 cahier 2) : 902-1192.

21
La thérapie neurocognitive et comportementale

suivi clinique reste la façon ultime de trancher et certifier le diagnostic,


en se posant la question de savoir si tout se déroule comme cela avait été
prévu (cf. Ziegler 1985 ; Warlow 2010).
Pourquoi la différence entre ces deux types de sciences ou de pratiques
serait-elle en réalité si ténue ?
Parce que la clinique, notamment médicale et rigoureusement appli-
quée, n’est pas principalement descriptive mais bien expérimentale :
1. Elle est d’abord attentive à la chronologie des événements et, à tra-
vers celle-ci, à l’anticipation des causalités possibles (ou étiologies).
2. Une fois sur cette piste, elle fait des tests de provocation. En d’autres
termes, elle produit une stimulation et regarde ce qu’elle génère : que
ce soit un marteau à réflexes ou une lumière sur une pupille, elle
cherche à produire et reproduire, pour bien s’assurer que telle(s)
cause(s) produi(sen)t bien tel(s) effet(s) dans telle circonstance précise.
Nous sommes loin de l’empirisme dans lequel certains (non cliniciens)
tendent à enfermer aujourd’hui la clinique dans le domaine des musées de
l’histoire… D’ailleurs un clinicien, comme un ingénieur, vérifie tout ce
qu’il diagnostique et laisse aux examens complémentaires, comme leur
nom l’indique, le soin d’assurer ce qui reste à vérifier et ce qu’ils ont pres-
crit. Si ce n’était pas le cas, la Sécurité Sociale ne témoignerait plus seu-
lement d’un trou financier mais serait totalement en faillite.
Ainsi, de même qu’un électricien peut attester de l’origine d’une panne
sur un circuit électrique, un clinicien peut explorer, comprendre et mesu-
rer bien des aspects des phénomènes physiopathologiques qu’il étudie. Ni
plus ni moins, dans le principe, que ne le font les spécialistes des sciences
fondamentales. D’ailleurs, l’Imagerie par Résonance Magnétique fonction-
nelle (IRMf) ou la Tomographie par Émission de Positrons (TEP)11 ne
font que décrire des variations de flux sanguin ou de métabolisme. Ces
techniques ne permettent qu’une analyse descriptive et ne prouvent rien
en soi. Seule la pertinence du protocole expérimental et de son interpré-
tation fait la validité de l’étude, non sa technologie. En d’autres termes, il
est possible d’être un physicien, un statisticien ou un neuroscientifique
empirique, qui ne fait que constater. On peut également être un scienti-
fique qui cherche à comprendre ce qui anime les choses, à identifier des
paramètres actifs, à modéliser et à les mettre à l’épreuve de l’expérimen-
tation. Pas d’expérimentation sans modèle…

11. L’IRMf et la TEP sont des techniques d’imagerie cérébrale.

22
Bases et méthodologie

4.3. L’outil statistique


Que peut-on penser par ailleurs des statistiques ?
Elles sont un outil précieux et polyvalent, mais ne sont qu’un outil
parmi d’autres pour étudier le réel. Elles sont sans égales lorsqu’il s’agit de
trier des multitudes de données en parallèle, comme pour étudier de larges
échantillons ou explorer de multiples facteurs, connus et surtout inconnus
(ce sont par exemple les analyses factorielles ou bayésiennes). En revanche,
elles ne sont pas forcément toujours pertinentes ni surtout applicables
pour traiter un patient, qui veut malgré tout être sûr (ou presque) d’être
bien diagnostiqué et guéri. Cette tâche incombe aux cliniciens… et aux
ingénieurs, qui font que les trains roulent et arrivent à destination. En cas
d’erreur, ces cliniciens risquent souvent des démêlées avec la justice !
Les statistiques permettent donc d’isoler des facteurs que l’expérimen-
tation vérifie… mais l’expérimentation permet également de mettre en
évidence des paramètres que les statistiques ne font que valider. Les sta-
tistiques sont une science de l’approximation (mais surtout pas une science
approximative) proposant une représentation tangente à la réalité sans
espérer atteindre celle-ci ou la représenter complètement.
Les sciences mesurent ainsi l’existant à l’aide de ces deux méthodes que
sont l’expérimentation et les statistiques, séparément ou conjointement.
Et la clinique aussi…
Pour conclure, ce qui, selon nous, définirait la science, serait la somme
de :
1. La factualisation – i.e. la qualification et la quantification
(mesure) – qui se fait à l’aide :
– de mesures directes,
– de mesures indirectes (on peut par exemple générer un rayon laser
sur une roche, qui émet des photons au point d’impact, dont on
mesure ensuite l’énergie et la longueur d’onde).
2. La recherche d’une compréhension des mécanismes (hypothèse
théorique, modélisation) qui permettent d’expliquer la cause des
réactions observées et des résultats obtenus. La recherche des causes
et des effets est au cœur de toute science, depuis ses origines antiques.
3. La rencontre des deux processus précédents, qui donne la capacité
de prédiction : si un modèle est avéré, il doit prédire précisément les
résultats d’une expérience ou d’une pratique et, ce, hors du cadre de
l’expérience qui l’a généré. Plus sa capacité de prédiction est vaste
et s’étend même hors de son champ disciplinaire, plus le modèle

23
La thérapie neurocognitive et comportementale

considéré est robuste. Citons le cas du modèle darwinien, qui tra-


verse le temps et les disciplines (et qui est né de l’observation des
squelettes)…
Ainsi, on n’explore pas le système nerveux uniquement avec des exa-
mens complémentaires. La clinique, dans toutes les disciplines médicales,
examine l’organique depuis longtemps. La neurologie explore par exemple
le système nerveux et le cerveau depuis des siècles (cf. Damasio, 1999).
Dès lors, ne nous en privons pas : abandonnons les stéréotypes actuels sur
les sciences dures et molles, sur les pseudo-frontières entre clinique et bio-
logie ou neurosciences, entre statistiques et expérimental. Additionnons
nos connaissances et disciplines : nous progresserons plus vite encore et
cela coûtera sans doute moins cher.
Voici donc la démarche qui sous-tend le travail présenté dans cet
ouvrage. Celle-ci est ambitieuse sur la forme mais modeste sur le fond, car
l’interdisciplinarité se confronte quotidiennement à ses nombreuses
limites. Le travail que nous présentons ici est issu des recherches cliniques,
expérimentales ou fondamentales réalisées depuis près de vingt-cinq ans
au Laboratoire de Psychologie et Neurosciences de l’IME.
Dans les chapitres qui suivent, nous exposons dans un premier temps les
caractéristiques et le traitement de ce que nous avons appelé le « Comportement
Automatique d’Évitement Social » ou Hypofonctionnement, lequel est en
lien avec la phobie sociale, les addictions comportementales et certaines
formes de dépression. Nous développons dans un second temps le concept de
« Positionnement Grégaire », qui est selon nous sous-jacent à de nombreux
troubles psychotiques.
Chapitre 1
L’Hypofonctionnement
ou Comportement Automatique
d’Évitement Social

1. QUELQUES ÉLÉMENTS THÉORIQUES

1.1. Le comportement automatique d’évitement


(Skinner) et la phobie simple
En 1890, Pavlov a montré qu’il était possible de relier un stimulus qui
évoque une réponse instinctive (par exemple la viande), à un stimulus ini-
tialement neutre (par exemple un bruit de cloche), afin d’induire un
réflexe conditionné (Pavlov, 1927).
Dans cette lignée, Skinner (1971) a décrit le conditionnement opérant : il
a montré que l’animal voué à l’expérience était capable d’initiative, la
récompense ou la punition se chargeant d’encourager ou d’éliminer le
comportement exploratoire initial. Une conséquence importante de ses tra-
vaux a été la description puis le traitement comportemental du mécanisme
de l’évitement automatique, identifiable cliniquement à la phobie : il s’agit
d’un conditionnement opérant mis en œuvre en situation négative intense1.

1. Le psychologue behavioriste John B. Watson (1878-1858) a dramatiquement étudié


la genèse d’une phobie par conditionnement chez l’être humain : il a souhaité
apprendre à un enfant à avoir peur d’un rat blanc. Pour cela, Watson a expérimenté
le fait de produire un son violent et fort à chaque fois que l’enfant venait à toucher

25
La thérapie neurocognitive et comportementale

En effet, la punition entraîne d’abord un retrait. Jusqu’à un certain degré


d’intensité, l’apprentissage négatif est réversible ainsi que nous l’avons défini.
Par contre, si le stimulus aversif a été très violent, il y a apprentissage d’un
échappement (appelé Fuite instinctive ou flight, cf. Laborit, 1986 ; Fradin
& Fradin, 2004) puis d’un évitement pour prévenir toute récidive. L’individu
se met ainsi en position de retrait préventif automatique, associant peur par
anticipation et réflexe de retrait incontrôlables, suivi d’un soulagement
immédiat (récompense de l’évitement). Ce comportement semble très adap-
tatif dans la mesure où tout danger mortel – ou perçu comme tel – mérite
effectivement d’être évité de façon absolue : une fois suffit pour mourir. Il est
très utile en contexte de nature sauvage : il faut éviter le contact avec le pré-
dateur, plutôt que de seulement chercher à lui échapper.
La pertinence de ce système est moins évidente en contexte humain civi-
lisé. En effet, il existerait une mémoire dite « émotionnelle », inscrite dans
des structures cérébrales relativement anciennes d’un point de vue phylogé-
nétique, telle que la région hippocampo-amygdalienne (Kolb & Whishaw,
2008 ; Phelps, 2004). Ce type de mémoire stockerait des souvenirs associés
à un événement important ou à une connotation émotionnelle forte pour
l’individu. Les souvenirs concernés peuvent être relatifs à un système décla-
ratif ou explicite (mémoire épisodique), mais également à un système non
déclaratif, implicite (donc pas forcément conscient), relevant de réponses
conditionnées (Phelps & Ledoux, 2005 ; Squire, 2004)2. Parallèlement à
cette mémoire émotionnelle figurerait notamment la mémoire de travail.
Celle-ci a été définie par Baddeley (2012)3 comme un système de stockage
temporaire, de manipulation et de traitement de l’information permettant
l’activité de la pensée. Ce système serait plus particulièrement sous-tendu par

l’animal. L’enfant finit par avoir peur à la simple vue de l’animal, et cette peur s’éten-
dit à la vue de tout ce qui pouvait ressembler à l’animal (fourrure blanche, animaux
blancs, etc.). Malgré ce malheureux constat, il serait imprudent d’en conclure que
toutes les phobies naissent de tels traumatismes.
2. Nous rappelons ici que la mémoire dite déclarative ou explicite rend compte de souve-
nirs conscients et comprend les sous-systèmes que sont la mémoire épisodique et la
mémoire sémantique, d’après la classification de Squire (2004). La mémoire épisodique
intègre les événements de vie du sujet, tandis que la mémoire sémantique correspond au
stockage de ses connaissances générales. La mémoire non déclarative relève davantage
d’habiletés ou de routines de comportements dont le sujet n’a pas forcément conscience.
3. Le modèle de Baddeley (2012), dans sa version revisitée, comprend aujourd’hui quatre
sous-systèmes sous-tendant la mémoire de travail : l’administrateur central, représentant le
lieu essentiel de manipulation de l’information ; le buffer épisodique, assurant les interac-
tions de la mémoire de travail avec la mémoire à long terme ; puis les deux sous-systèmes
que sont la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial, destinés respectivement à
recueillir l’information auditive et verbale d’une part, et visuelle et spatiale d’autre part.

26
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

l’activité du cortex préfrontal (CPF). En effet, le CPF est la structure consi-


dérée comme la plus évoluée de notre cerveau, présentant la capacité d’ac-
tualiser et réorganiser plus « rationnellement » l’information traitée au
quotidien (cf. Annexe 1). Ainsi sa puissante mémoire de travail active, de
façon prolongée, de nombreux réseaux neuronaux, jusqu’à l’obtention d’une
solution considérée comme satisfaisante (Fuster, 2001 ; Fuster, 2003 ; Houdé
et al., 2000). Cependant, le mécanisme d’évitement automatique auto-
récompensé, décrit par Skinner et associé à notre mémoire émotionnelle,
pourrait s’appliquer aux mécanismes d’adaptation supérieurs (i.e. relatifs à un
mode de fonctionnement sollicitant le CPF). De cette façon, ce mécanisme
constituerait un obstacle spontanément infranchissable, faisant ainsi le lit de
certains troubles tels que les phobies. Plus précisément, la déprogrammation
progressive et stable des conditionnements, skinnériens comme pavloviens,
nécessite comme préalable la ré-exploration positive de l’environnement que
l’évitement empêche. En termes de potentialisation des synapses4, ré-explorer
signifie que l’absence de ré-associations de stimulus précédemment associés
fait baisser le poids de la synapse, donc de l’activation du réseau associé, i.e.
du conditionnement. Par contre, l’absence de contre-expérience (telle que
l’évitement l’impose) ne permet pas la déprogrammation : le système se
trouve alors en quelque sorte « congelé ». L’évitement crée même un biais
renforçateur supplémentaire : l’angoisse, initialement provoquée par le dan-
ger perçu, est anticipée. La simple évocation de ce danger peut réactiver, par
conditionnement pavlovien, une réponse d’angoisse (d’où le rôle aggravant
de l’imaginaire). Le danger devenu fictif est « maîtrisé avec succès » par l’évi-
tement et le soulagement immédiatement perçu renforce cet évitement (on
parle alors de « conditionnement opérant positif »).
Pour ces diverses raisons, l’évitement automatique se révèle très fixa-
teur de perceptions et de comportements négatifs car la potentielle « vic-
time »5 fera tout pour échapper à ce qu’elle considère comme un danger

4. Le concept de potentialisation des synapses ou potentialisation à long terme est issu


de « la règle de Hebb » (Hebbian Theory, en anglais, cf. Hebb, 1949), qui considère
que plus les neurones d’un réseau sont activés en même temps, plus les connexions
entre ceux-ci sont renforcées et disposent d’un poids important. Cette règle sous-
entend que ce réseau de neurones sera à terme activé en priorité face au stimulus qui
aura déclenché l’activité dudit réseau.
5. Nous employons volontairement le terme de victime pour illustrer voire paraphraser
ce que le patient pense de lui-même face à son objet phobique. En psychopathologie,
nous considérons bien sûr que c’est le comportement phobique qui représente le pro-
blème et non l’objet de celui-ci. Nous voyons ici qu’il y a matière à pédagogie sur ces
mécanismes (simplifiés) à partager avec le patient, ce avant d’entamer une telle
thérapie comportementale d’affrontement de la phobie.

27
La thérapie neurocognitive et comportementale

et/ou son bourreau. Pourtant, objectivement, la plupart des phobies


décrites ne recouvrent pas (ou plus) de risques réels. Les réponses que la
phobie apporte à ces situations sont inadaptées, démesurées, voire dange-
reuses et invalidantes. À tel point que peu de thérapeutes considèrent
encore aujourd’hui que la phobie constitue un comportement de défense
utile ou à préserver. Il apparaît clairement qu’il s’agit plutôt de l’emballe-
ment d’un mécanisme archaïque de protection contre le danger qu’il
convient de déprogrammer. Ceci se fait sans risque, notamment en TCC
à l’aide de techniques de désensibilisation dérivées de celles du pionnier
Wolpe (1990), et ce avec la plus grande réussite (environ 80 % d’amélio-
ration ou de guérison, cf. Canceil et al., 2004).
Une étude réalisée par l’équipe de Paquette (Paquette et al., 2003) a
mis en évidence, en imagerie TEP, que des patients confrontés à leur sti-
mulus phobique montraient une activation du CPF dorso-latéral droit, du
gyrus para-hippocampique et des aires visuelles associatives. Les auteurs
ont alors fait l’hypothèse que l’activation du CPF dorso-latéral droit était,
dans ce cas, liée à l’application de stratégies méta-cognitives destinées à
réguler la peur. L’activation de la région para-hippocampique aurait été,
en revanche, liée à la réactivation automatique de la peur entraînant un
comportement d’évitement maintenant la phobie. Leurs hypothèses ont
été appuyées par le fait que suite à un traitement de type TCC, les patients
ne présentaient plus d’accès phobique ni d’activation de ces zones céré-
brales à la vue du stimulus phobique. D’autres études ont également mis
en évidence l’activité de l’amygdale lors de la confrontation à un stimu-
lus phobique (cf. Dilger et al., 2003).
Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’affrontement comportemental
et émotionnel de la peur phobique semble donc constituer LA réponse
adaptée6 du niveau cérébral concerné (i.e. la mémoire implicite amygda-
lienne et son réseau cortico-sous-cortical limbique). Car comme nous
avons pu le voir, la phobie simple est un concept à la fois clair, peu équi-
voque et universel. Ces caractéristiques, ajoutées à la compréhension des
mécanismes sous-tendant ce trouble, ont participé à l’émergence d’outils
thérapeutiques tout aussi précis et particulièrement efficaces.
De la même façon, l’objectif de nos recherches s’inscrit dans la volonté
de comprendre et d’isoler des concepts précis, appelant un diagnostic clair
et univoque. Ce travail préalable a ainsi facilité la mise en place de

6. À noter qu’il suffit, en moyenne, de quinze à vingt séances de désensibilisation systé-


matique suivie d’apaisement pour surmonter, le plus souvent définitivement, une
phobie.

28
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

nouveaux outils et apporté sans aucun doute un gain d’efficacité dans le


traitement des patients. Pour mieux cerner nos propos, il est utile de citer
le contre-exemple du concept de phobie sociale, que nous développons
ci-après.

1.2. La phobie sociale, un concept flou…

… Ou le démembrement du syndrome
Si nous avons consacré un chapitre à la description des mécanismes de
l’évitement automatique et de ses bases neurophysiologiques, dans ce livre
qui se veut essentiellement clinique et destiné à des praticiens, c’est parce
que nous les croyons au centre de nombreuses pathologies. Il nous semble
que ces mécanismes se trouvent non seulement au cœur de la phobie
simple que nous venons d’évoquer, mais participent également, de façon
plus confuse, à l’émergence de la « phobie sociale ».
Pour rappel, la phobie simple constitue une entité diagnostique homo-
gène et précise construite sur la triade suivante :
1. Un vécu de peur pour la survie devant un danger supposé vital,
autrement dit, construite sur la base de peurs instinctives bien iden-
tifiées comme celles de certains animaux, de certains lieux (clos ou
ouverts), mais aussi de stimulus olfactifs ou sonores (fumée, explo-
sions…), ou encore de situations spécifiques (vertige des hauteurs,
prédation…).
2. Un comportement d’évitement automatique (peu contrôlable)
engendré par ledit vécu de peur.
3. Un apaisement immédiat après l’évitement.
Or, à la peur pour la survie de la phobie simple se substitue, dans le
cadre de la phobie sociale, des sentiments aussi divers que la peur du ridi-
cule, la honte, l’anxiété par anticipation de l’échec, la souffrance morale
de l’amertume, le sentiment de culpabilité ou d’indignité, etc. (cf. DSM
IV, 1996). De surcroît, à la différence des phobies simples, ce type de pho-
bie ne présente pas toujours d’évitement automatique ni d’apaisement
dans l’évitement.
Faut-il alors l’appeler encore « phobie » sociale ?
La littérature scientifique présente depuis de nombreuses années
la phobie sociale comme étant un « concept », ou plutôt un syndrome, à
la fois flou et hétérogène (cf. Heimberg et al., 2000 ; Hofmann et al.,
1995 ; Hofmann et al., 2004 ; Huppert et al., 2008 ; Vriends et al., 2007).

29
La thérapie neurocognitive et comportementale

La variabilité des éléments constituant ce syndrome fait le lit de résultats


thérapeutiques sensiblement plus modestes et instables que ceux de la
phobie simple.
Ainsi, face au manque de prévisibilité de l’efficacité thérapeutique
concernant la phobie sociale, nous avons été tentés de reconsidérer ce
syndrome. Nos recherches nous ont alors permis de constater que ce syn-
drome se fragmente en sous-ensembles bien plus homogènes, tant sur le
plan de la description clinique que sur celui des substrats physiopatholo-
giques ou neurobiologiques supposés. En raison de cette fragmentation,
nous avons élaboré des exercices cognitifs et comportementaux destinés à
traiter chaque sous-ensemble. D’après nos différents travaux et observa-
tions cliniques, les résultats thérapeutiques qui découlent de ces nouveaux
concepts semblent tenir leurs promesses…
Les sous-entités les plus importantes provenant du démembrement de
la phobie sociale seront développées dans ce livre :
– l’une est présentée sous le vocable de « comportement de soumis-
sion » (cf. Chapitre 2) ;
– l’autre a été dénommée « Comportement Automatique d’Évitement
Social » ou encore « comportement d’Hypofonctionnement », en
référence au modèle cybernétique que nous aborderons infra.

Le comportement d’Hypofonctionnement
a) Caractéristiques ou définition globales
de l’Hypofonctionnement
Cliniquement, le Comportement Automatique d’Évitement Social
(CAES, Fradin, 2005 ; Fradin & Fradin, 2006) ou Hypofonctionnement
(Hypo) est proche de la phobie classique car il présente :
– un évitement automatique devant l’objet de fixation ;
– un apaisement immédiat après l’évitement.
Cependant, le vécu associé au CAES est quelque peu différent de la
phobie simple : il correspond à la peur du ridicule ou de la honte, au
tabou.

b) Adhésion à la distorsion cognitive


D’après les critères évoqués précédemment, le tableau clinique de l’Hypo
est clair, délimité, intense, comme celui d’une phobie, et les contours de
l’objet déclencheur sont précis. Cependant, comparativement à la phobie
simple, une adhésion intellectuelle à l’interdit apparaît. Tout se passe en

30
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

effet comme si la « victime » de ce « tabou social » (que celui-ci soit indi-


viduel ou partagé par le groupe) construisait activement, mais inconsciem-
ment, une opinion convergente avec l’attitude imposée par ce mécanisme.
Ladite victime, qui présente une distorsion cognitive majeure, devient le
défenseur actif de son système d’aliénation, et tend à vouloir le partager
avec son entourage.

c) Structures cérébrales impliquées


Parmi les différences significatives apparaissant entre l’Hypo et la phobie
simple figure, selon nous, le substrat neurologique associé. D’un point de
vue logique, l’Hypo devrait solliciter des structures phylogénétiquement
plus récentes qu’en ce qui concerne la phobie simple, soit des régions dites
« Néolimbiques », c’est-à-dire sous-commissurales, comme par exemple le
gyrus cingulaire (cf. Fradin & Fradin, 2004, op. cit.).
En effet, nous avons pu observer que les Hypos, constituant une forme
d’interdit social, engendraient des comportements de substitution de ces
interdits. Nous avons appelé ces comportements de substitution ou de
compensation des « comportements Hyperfonctionnels » (Hypers), en
référence à leur caractère addictif7. Or, le fait même que des comporte-
ments de substitution à l’Hypo apparaissent nous a amené à penser une
implication de territoires sensiblement plus évolués et capables d’adapta-
tion que ceux qui sous-tendent une phobie simple. Certaines études ten-
dent à aller dans ce sens (Amir et al., 2005 ; Ahs et al., 2009).
Par ailleurs, les Hypos semblent se constituer relativement tôt dans
la vie, majoritairement pendant l’enfance, et parfois au moment de
l’adolescence. D’après notre expérience clinique, il semble que les Hypos
ne puissent être construits une fois adulte. Nous faisons l’hypothèse que
la maturation préfrontale acquise à l’âge adulte empêche la formation de
tels comportements8. En effet, le CPF, comme nous l’avons vu plus haut,
permettrait de rationaliser les événements et d’établir un raisonnement
logique en sélectionnant et en traitant l’information pertinente, et ce
en vue d’une adaptation à la situation en cours. Or les connexions du
CPF avec le reste de l’encéphale montrent une vitesse de maturation très

7. Il est entendu que ces mécanismes ne sont pas sans rappeler les phénomènes entourant
le tabou sexuel évoqué en Psychanalyse par Freud (1924). Cependant, à la différence
de ce modèle qui se focalise sur le tabou sexuel et « sa » conversion hystérique, notre
modèle suppose que tous les objets peuvent être tabous (Hypos) et (presque) toutes les
compensations (Hypers) semblent possibles.
8. Il semblerait que le CPF n’acquiert sa maturation qu’aux environs de 25 ans
(cf. Walsh, 2004).

31
La thérapie neurocognitive et comportementale

hétérogène (par exemple avec les différentes zones du cortex sensori-


moteur). Les zones plus anciennes du cerveau, relatives à un traitement
émotionnel de la situation, étant plus matures, il est envisageable que
celles-ci prennent l’avantage sur le traitement que pourrait opérer le
CPF. En effet, la faculté de produire des comportements adaptés face à
une situation conflictuelle entre deux réponses prépondérantes dépend
de la maturation du CPF (Diamond & Doar 1989 ; Thompson-Schill et
al., 2009) et semble parfois faire défaut aux enfants et adolescents
(Walsh, 2004 ; Giedd, 2004). Ceux-ci auront donc sans doute plus de
difficulté à « rationaliser », à prendre du recul face à une situation hon-
teuse ou désapprouvée par leur entourage immédiat, et ainsi à choisir ou
engrammer la réponse comportementale et émotionnelle la plus adaptée
(compte tenu de leur niveau de maturité).

1.3. Cybernétique et régulation : l’Hypo et l’Hyper


Afin de mieux comprendre la dynamique constituant la dyade Hypo-
Hyper, nous avons tenté de la modéliser en nous appuyant sur les lois des
systèmes autorégulés énoncés par la cybernétique.
Pour mémoire, un système autorégulé est capable de maintenir une
valeur constante dans un environnement mouvant. Nous connaissons tous
l’exemple basique de la chaudière de chauffage central, dont le fonction-
nement ou l’activité s’adapte pour maintenir la température à un « point
de consigne » qu’on a programmé au préalable. Or la biologie est construite
sur des phénomènes d’autorégulation, depuis les enzymes jusqu’aux méca-
nismes de l’homéostasie (cf. Laborit, 1961).
Dans ce cadre, ledit CAES peut être considéré comme un comporte-
ment « hypo-fonctionnel » dans le sens où parmi les comportements pos-
sibles, il en existe certains qui soient inaccessibles parce que ridicules aux
yeux de l’individu. En raison du caractère honteux de ce comportement,
l’individu le met rarement voire jamais en œuvre. Par exemple, quelqu’un
qui aurait un Hypo sur le fait de demander de l’affection n’en réclamera
pas directement. Afin de pouvoir obtenir malgré tout l’objet que permet-
trait d’atteindre directement le comportement tabou (qui serait ici le fait
de donner de l’affection), le modèle prévoit que d’autres systèmes autoré-
gulés, inscrits dans d’autres réseaux neuronaux interconnectés, se mettent
en « sur-fonctionnement » pour atteindre (indirectement) les mêmes
objectifs. C’est pour cela que nous avons qualifié ce mécanisme de substi-
tution « d’hyper-fonctionnel ». Ainsi, l’Hyper correspondant à l’exemple

32
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

précédent pourrait être éventuellement le fait de s’entourer de personnes


donnant spontanément beaucoup d’affection, sans avoir besoin de leur en
demander (cf. Figure 1.1).
Nous noterons par ailleurs que de façon générale, le fait qu’il y ait un
comportement apparent recruté par l’Hyper et ayant pour finalité première
d’être l’alibi officiel du comportement Hypo se déroule inconsciemment
pour l’individu porteur de ce mécanisme. Ainsi un interdit Hypo sur [l’ex-
pression des sentiments] peut éventuellement se canaliser à travers des com-
portements substitutifs aussi divers que [l’entraide], le [bénévolat] ou toutes
autres formes d’activités impliquant une relation, plus ou moins superficielle,
voire imaginaire, avec les autres. Mais l’individu n’aura pas conscience de
ce mécanisme de substitution et du fait que ces activités sont un alibi.

Hyper

Hypo

Objectif Inconscient Objectif Conscient

Figure 1.1
Représentation du caractère direct ou indirect
de l’accès à l’objectif en fonction du processus Hypo-Hyper

En théorie, le comportement Hyper semble donc initialement utile et


positif au sens adaptatif et darwinien du terme, car il permet d’atteindre
la cible ou le besoin, par d’autres voies que celle qui est taboue aux yeux
de l’individu. Il ne devient potentiellement pathogène que lorsqu’il se
révèle peu efficace, c’est-à-dire lorsqu’il ne parvient pas ou plus à atteindre
significativement son objectif « caché » (qui serait dans notre exemple
précédent celui d’obtenir de l’affection).

33
La thérapie neurocognitive et comportementale

Les lois de la cybernétique veulent en effet que tout processus


régulé, auquel est assigné un point de consigne, tente de développer
les ressources suffisantes pour y parvenir malgré l’obstacle (cf.
Figures 1.2 et 1.3). Ainsi, la chaudière peut-elle s’emballer si la tem-
pérature extérieure baisse. De la même façon, en biologie, la faim res-
sentie augmente (de manière à apporter tout de même les calories
nécessaires) si le plat consommé est hypocalorique. Mais un compor-
tement substitué (Hypo) de façon inefficace pour obtenir l’objet caché
induit un comportement de substitution précisément « hyperfonction-
nel », ce qui, sur le plan clinique, engendre un trouble à tendance
obsessive (soit un emballement de la chaudière, dans notre exemple
comparatif). À ce titre, nous prévenons le lecteur que les Troubles
Obsessionnels Compulsifs (TOC) classiques, dans la majorité des cas,
ne semblent pas appartenir à la catégorie des comportements hyper-
fonctionnels au sens de la définition précédente (Hyper). Nos pre-
mières études sur le sujet nous laissent penser que les TOC sont en
réalité des symptômes de soumission (cf. Chapitre 2 ; pour des études
de cas voir chapitre 3.6. et annexe 3 ; Lefrançois et al., 2013 ; Lefrançois
et al., 2011a ; Lefrançois et al., 2011b).

Intensité
du comportement

Point
de consigne

Temps

Figure 1.2
Schématisation de la fluctuation de l’intensité d’un comportement
autour d’un point de consigne, lors d’un phénomène
de simple autorégulation en cybernétique
(cf. Fradin & Fradin, 2004-2006 ; Fradin, 2005)

34
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Intensité
du comportement

Point de consigne 2
(substitution)
Zone de
« dérégulation »,
Point de consigne 1 soumise
(«normal») à des forces
Zone d’hyperfonction opposées

Temps

Figure 1.3
Schématisation de la fluctuation de l’intensité d’un comportement
entre deux points de consigne, lors d’un phénomène
de double autorégulation
(Fradin & Fradin, 2004 ; Fradin, 2005, op. cit.)

Nous verrons que la double autorégulation de l’hyperfonction


(figure 1.3) est bien plus instable et pathogène qu’une autorégulation
simple (figure 1.2). En effet, à l’intérieur de la zone de dérégulation, entre
les deux points de consigne, la personne est d’une part soumise au
comportement Hyper puisqu’elle est « saturée » sur le premier point de
consigne correspondant à l’objet apparent ; elle est d’autre part encore
insatisfaite vis-à-vis du second point de consigne, à savoir l’objet caché.
Ce phénomène se manifeste sous forme d’ambivalence (de type manque/
saturation) vis-à-vis de l’objectif officiel ou alibi.

1.4. L’addiction relative au comportement Hyper


De nombreux troubles à composante psychologique addictive semblent
relever du comportement hyperfonctionnel (Hyper) que nous venons de
décrire.
De façon plus explicite, on dit que la substitution permise par l’Hyper
est efficace si elle investit un domaine d’expression compatible avec le
contexte social et psychologique de l’individu concerné (notamment en
termes de personnalité, d’assertivité, etc.). Par exemple, le tabou (Hypo)
de [manger avec les doigts] sera caractérisé par un sentiment de ridicule,
aggravé en société, mais soulagé immédiatement par un évitement irré-
pressible. Le comportement de substitution associé peut être celui de

35
La thérapie neurocognitive et comportementale

[manger avec des couverts ou des baguettes], lequel n’est ordinairement


pas pathogène, pour autant qu’il soit efficace. Or il peut en effet deve-
nir hyperfonctionnel (i.e. révéler cliniquement son caractère Hyper)
donc obsessif et stressant si le comportement de substitution socialement
acceptable devient par exemple [manger avec des baguettes au restau-
rant japonais, sans savoir faire ni oser demander de l’aide ou des cou-
verts]. Si l’efficacité d’un tel comportement de substitution est gravement
altérée, alors le système autorégulé s’emballe et devient pathogène ou
anxiogène.

Encadré 1.1
Qu’est-ce qu’un Hyper efficace ?

Un comportement de substitution donné est qualifié :


1. D’efficace si le sujet est capable de mettre activement en œuvre, par
lui-même, de manière adaptée et productive :
a. un comportement apparent socialement acceptable
b. un comportement qui soit dans le même temps pourvoyeur d’une
satisfaction significative au niveau de l’objet « caché » (i.e. du
tabou ou CAES).
Ceci, même en cas d’échec induit par l’environnement, par
exemple si le sujet ne trouve pas de partenaires ou si ceux-ci le
déçoivent.
2. D’inefficace si une stratégie d’approche trop indirecte ou décalée
(voire aberrante, incompréhensible ou indétectable pour l’entourage)
se révèle « intrinsèquement » incapable d’obtenir ce qui est interdit
(Hypo). Dans l’exemple sur l’expression des sentiments, est-ce qu’ap-
porter de l’aide ou bavarder finira-t-il ou non, dans le contexte social
particulier du sujet, par susciter chez les autres un attrait affectif
quelque peu comparable à celui obtenu si l’expression directe des sen-
timents avait eu lieu ?
Si le comportement est effectivement inefficace, il sera alors « parasité » en
proportion de son inefficacité, par les stigmates cliniques de l’Hyper (excès,
obsessivité, addiction, ambivalence, stress, risque élevé de phases agressivo-
dépressives, etc. cf. Chapitre 1.3.).

36
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

1.5. Principe thérapeutique du traitement


de l’Hypo et de l’Hyper
La thérapie de fond de tels comportements substitutifs addictifs, obsessifs
et anxiogènes est l’affrontement comportemental du tabou ou de l’Hypo
sous-jacent. Pour cela, il est nécessaire d’identifier le lien entre Hypo et
Hyper selon une démarche diagnostique précise, et d’en expliquer le pro-
cessus au patient (pédagogie et préparation cognitive).
Dans le cas des exemples d’Hypos cités plus haut, l’affrontement thé-
rapeutique consisterait à tenter d’assumer, émotionnellement et en société,
le fait de [réclamer explicitement de l’affection] ou de [manger avec les
doigts]. Cet affrontement est nécessaire et doit être répété jusqu’à ce que
l’individu puisse l’effectuer en étant calme et apaisé.
Ce type d’exercice se fait bien sûr à l’aide d’étapes progressives, en
commençant en situation thérapeutique « protégée » (i.e. face au théra-
peute ou face à un groupe thérapeutique averti et non susceptible de faire
des commentaires hasardeux), pour s’orienter ensuite vers un affrontement
où le groupe spectateur ne sera pas averti du caractère thérapeutique du
comportement adopté par l’individu (par exemple en famille, dans la rue,
au restaurant, etc.).
Après avoir survolé les notions d’Hypo, d’Hyper et les troubles associés
qu’elles sous-entendent, nous en décrirons plus précisément les manifes-
tations ainsi que les éléments de diagnostic et de traitement dans les cha-
pitres qui suivent.

2. DIAGNOSTIC CLINIQUE DE L’HYPO

Comme nous avons pu le voir, les Hypos peuvent être définis de façon
brève comme des interdits sociaux que l’on considère comme relativement
primitifs, se mettant en place lors de l’enfance et, au plus tard, à l’adoles-
cence. Ceux-ci prennent forme en fonction de caractéristiques principa-
lement grégaires et relatives à l’image sociale9. Ils se manifestent
cliniquement par un ensemble de signes particuliers d’aversion et de déva-
lorisation de sujets « tabous ».
Nos recherches et expériences cliniques nous ont conduits à isoler
plusieurs types d’Hypo. Cette distinction, nous le verrons, se révèle

9. Le lecteur notera que même si sa genèse comporte des caractéristiques grégaires,


l’Hypo se construit de façon différente du Positionnement Grégaire (cf. Chapitre 2).

37
La thérapie neurocognitive et comportementale

précieuse dès lors que l’on souhaite établir un traitement de l’Hypo.


Deux catégories sont particulièrement importantes à mettre en évi-
dence :
1. Les Hypos Basiques : ceux-ci constituent des tabous portant sur un
objet mental ou une action à part entière.
2. Les Hypos-Métas : ceux-là, en revanche, ciblent des tabous sur des
« façons de faire quelque chose ».
Par exemple, un individu présentant un Hypo Basique sur le fait de
danser trouvera ridicule de danser, de quelle que façon que ce soit.
Quelqu’un qui présente plutôt un Hypo-Méta trouvera ridicule de danser
d’une certaine façon, mais en admirera une autre. Dans ce dernier cas,
l’individu peut admirer le comportement chez autrui, mais se sent lui-même
incapable de danser de façon admirable. C’est ce que l’on nomme plus
communément un complexe.
Les sujets de dévalorisation ou d’Hypos peuvent être :
– un objet ou un concept (ex. : « je méprise le football », ou « je trouve
l’art moderne ridicule », Hypo Basique) ;
– un comportement (ex. : « je suis gêné par les gens qui s’embrassent dans
la rue », Hypo Basique) ;
– soi-même (ex. : « je suis incapable de danser », Hypo-Méta).
De façon spontanée, en dehors du cadre thérapeutique, les Hypos sont
quasiment impossibles à identifier par soi-même et en tant que tels, du fait
de l’adhésion cognitive à l’interdit. Ils sont également très difficiles à
mettre en évidence par un thérapeute non formé à cela, en raison de l’évi-
tement automatique du patient. De surcroît, l’Hypo crée une sorte de
« vide cognitif » chez le patient, correspondant au fait que celui-ci peut
avoir des difficultés à identifier ou décrire correctement l’objet désiré et
caché, même s’il est aidé et s’il a bien compris le processus en jeu. Le
patient fait souvent part d’un « blanc mental » sur le sujet Hypo. La tâche
est rendue encore plus difficile lorsque le thérapeute a le(s) même(s)
Hypo(s) que son patient, ce qui n’est pas rare dans un même contexte
culturel.
Malgré les difficultés apparentes que l’identification des Hypos peut
représenter, nous sommes parvenus à mettre en évidence un ensemble
de caractéristiques de l’Hypo permettant son diagnostic. L’exploitation
de celles-ci constitue un progrès majeur dans l’identification et le trai-
tement des troubles associés aux Hypos et Hypers. Nous avons appelé
ces caractéristiques les « Résonances d’Hypo ». Nous les décrivons
infra.

38
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Encadré 1.2
Fiche de synthèse sur l’Hypo

Les Comportements Hypo-Fonctionnels ou Hypos génèrent des vécus et des


comportements d’intolérance (mépris, agacement), de gêne sociale (senti-
ment de ridicule) ou de complexe (admiration avec émotion, inhibition).
Comme les phobies simples, les Hypos sont associés à des comportements
automatiques d’évitement suivis d’apaisement immédiat.
Par nature peu observables, ces « tabous » sont cependant aisément identi-
fiables indirectement à travers les Résonances Émotionnelles d’Hypos, qui
surviennent face à quelqu’un qui possède la liberté (capacité à réaliser le
comportement tabou) que nous n’avons pas.
À la différence des phobies simples, ces blocages « Hypos » ont aussi la par-
ticularité de créer une adhésion psychologique à l’interdit, qui est valorisé
(distorsion cognitive). Cette adhésion est particulièrement intense (peu ou
pas de recul possible selon gravité du trouble).
La genèse des Hypos s’effectuerait à l’enfance et au plus tard à l’adolescence,
sous l’influence de la forte pression des valorisations et dévalorisations
sociales. Les Hypos les plus puissants, enracinés, semblent remonter à la
prime enfance et/ou être associés à des prédispositions de personnalité(s).
Le diagnostic d’Hypo s’appuie sur trois catégories cardinales de symptômes :
1. La Résonance
2. Les vécus d’affrontement
3. L’apaisement immédiat dans l’évitement
À ces symptômes peuvent s’ajouter les micro-comportements perceptibles
au travers des signes visuels qu’ils laissent transparaître.

2.1. La Résonance d’Hypo


Le lecteur notera que comme dans tout diagnostic médical, chaque symptôme
n’est pas une caractéristique exclusive d’une pathologie (sauf s’il est pathogno-
monique), mais que seule la convergence de faisceaux d’arguments récapitulés
dans un tableau clinique permet le diagnostic.
Par ailleurs, nous prions le lecteur d’être vigilant vis-à-vis des exemples que
nous proposons. Ceux-ci sont exclusivement présentés à titre illustratif, afin de
faciliter la compréhension et l’apprentissage, et correspondent généralement à
des cas souvent rencontrés en pratique. Cette remarque est vraie pour

39
La thérapie neurocognitive et comportementale

l’ensemble des exemples fournis dans cet ouvrage. Aussi, nous précisons que
chaque relation Hypo(s)/Hyper(s) est spécifique et nécessite d’être diagnostiquée
et validée pour chaque cas clinique particulier.
Les Résonances d’Hypo sont un ensemble de ressentis et d’émotions
apparentés à de l’intolérance (tels l’agacement ou la gêne), que l’individu
éprouve à l’égard de situations, personnes ou personnages qui pourtant ne
l’entraînent pas : par exemple au cinéma, dans la rue, au restaurant, etc.
L’appellation Résonance provient du fait que ces émotions se déclenchent
même « à distance », alors que l’on n’est pas concerné(e) par la situation.
Cette réaction émotionnelle, involontaire et difficilement contrôlable
n’est ainsi que la partie émergée d’un iceberg. Elle signifie que le compor-
tement ou l’attitude observés dans ladite situation sont Hypo pour l’indi-
vidu.
Il est intéressant de savoir que la Résonance d’Hypo est LE critère dia-
gnostique de l’Hypo par excellence, le plus facile à utiliser et qui se suffit
à lui seul, pour les raisons suivantes :
1. Il est totalement pathognomonique de l’Hypo.
2. Il présente en outre le caractère exceptionnel de ne pas être (ou très
peu) concerné par l’évitement automatique et le vide cognitif,
lesquels se manifestent lors de l’affrontement de l’Hypo.
Afin de confirmer une Résonance d’hypo, il faut pouvoir mettre en
évidence l’un des trois vécus que nous évoquons ci-après, et ce dans une
situation où l’individu n’est pas impliqué.

La gêne ou la honte
La Résonance provoquant gêne ou honte est dite « en Fuite ». Elle s’ac-
compagne d’une sensation de ridicule que l’on éprouve littéralement à la
place de celui qui a adopté l’attitude provoquant la résonance. Cette pro-
jection peut être suffisamment intense pour que l’on souhaite se cacher à
sa place, ne sachant plus « où se mettre ». Cette sensation implique que
l’on n’ose pas regarder la personne qui nous fait rougir. Le simple fait
d’avoir l’air de nous intéresser à ce qu’elle fait nous couvre de honte et
l’on essaie de s’en détourner.
Par exemple, un individu qui serait en Résonance de Fuite face à un
orateur qui bafouille et se perd dans son discours pourrait dire « je suis gêné
pour lui » et quitter la salle pour échapper au malaise qu’il ressent.
Physiquement, cette Résonance peut se traduire également par une intense
sensation de chaleur. Visuellement, on rosit ou rougit de honte.

40
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Illustration 1.1
Femme en Résonance de fuite (gêne)

Encadré 1.3
L’érythrophobie

L’érythrophobie, encore appelée éreutophobie, est usuellement définie


comme la peur excessive de rougir en public, cette peur pouvant aller jusqu’à
être pathologique. Selon nous ce trouble n’est pas tant une phobie qu’un
Hypo sur le fait de rougir, autrement dit un Hypo sur le symptôme classique
d’un Hypo…

L’agacement et le mépris
La Résonance provoquant agacement ou mépris est dite « en Lutte ». Elle
survient vis-à-vis de catégories d’attitudes ou de comportements qui pro-
voquent chez l’individu une profonde aversion. Il les juge sots et dépour-
vus de bon sens. Sous sa forme la plus intense, le comportement de
Résonance en Lutte peut choquer ou scandaliser.
Une telle Résonance peut apparaître par exemple face à un individu
qui aurait tendance à régulièrement [se glorifier de ses qualités dans son

41
La thérapie neurocognitive et comportementale

discours]. Ce comportement, culturellement parlant, est parfois méprisé.


Ainsi, une personne manifestant une Résonance en Lutte pourrait avoir
tendance à dire au sujet de l’individu qui provoque cet agacement « qu’il
se lance des fleurs ».
Notons que les Hypos Basiques génèrent plus favorablement une
Résonance en Lutte, tandis que les Hypos-Métas peuvent générer indifférem-
ment les trois types de Résonance que nous avons pu mettre en évidence.

Illustration 1.2
Homme en Résonance en Lutte (mépris)

L’admiration larmoyante
Ce dernier type de Résonance est dit « en Inhibition ». Il prend la forme
d’un complexe et se manifeste vis-à-vis de quelqu’un que l’on admire car
il fait ce que l’on ne se sent pas apte à faire soi-même.
La notion d’admiration dans la Résonance en Inhibition est particuliè-
rement importante. Elle permet de distinguer son larmoiement d’un autre
qui serait lié à une émotion forte comme celle associée à la compassion
ou à la douleur morale. De la même façon, l’admiration sans émotion peut
être de caractère intellectuel ou purement esthétique, mais ne constitue
pas une Résonance en Inhibition. Cette dernière se manifeste

42
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

physiquement par une sorte de bouffée de chaleur qui envahit l’individu,


lui serre la gorge et génère des larmes souvent incontrôlables. Cette bouf-
fée de chaleur ressemble à celle éprouvée lors d’une gêne, bien que celle-ci
soit plus légère et nous conduise plutôt à rire.
Les discours associés à de grands événements (mariages, remises de
diplômes, etc.) sont par exemple souvent générateurs de Résonance en
Inhibition (pour l’orateur comme pour le public), car ils sont l’occasion
de manifester des remerciements apparentés à une « déclaration de senti-
ments » qui ne serait que trop embarrassante, gênante voire paraîtrait
comme une maladresse (Résonance en Fuite) en dehors de cette situation.

Illustration 1.3
Homme en Résonance en inhibition (admiration larmoyante)

Encore une fois, la Résonance n’est un critère diagnostique d’Hypo


totalement fiable que si cette réaction apparaît en situation de non-
implication. Par exemple, cela peut se manifester devant un individu que
nous ne connaissons pas, qui ne nous implique pas, de quelque façon que
ce soit. Ce peut être également un passant dans la rue, l’auteur d’un fait-
divers, le personnage d’une fiction, un couple de clients que nous ne
connaissons pas et qui se dispute un peu trop fortement au restaurant à la
table d’à côté…
En revanche, si la situation évoquée est impliquante, le thérapeute
devra vérifier si la Résonance persiste lorsqu’il transpose le

43
La thérapie neurocognitive et comportementale

comportement Hypo, de façon imaginaire, en situation non impliquante.


Il pourra poser la question suivante : « Imaginez que ce comportement de
votre ami(e) qui vous gêne tant, soit en réalité celui d’un personnage de film
au cinéma, est-ce que cela vous gênerait toujours ? » ou « Cette personne qui
vous a fait perdre du temps au guichet et vous agaçait tellement, est-ce qu’elle
vous aurait encore agacé(e) si elle avait été au guichet à côté du vôtre, dans
une autre file d’attente ? ».

Encadré 1.4
Synthèse des critères diagnostiques
de la Résonance d’Hypo

On ne peut diagnostiquer une Résonance d’Hypo que si et seulement si :


1. L’individu ressent l’un des trois vécus suivants :
a. Agacement ou mépris
b. Gêne ou honte
c. Admiration larmoyante
2. Cette réaction existe ou persiste en situation de non-implication

2.2. Confirmation du diagnostic par affrontement d’Hypo


Pour mémo, comme dans tout diagnostic médical, chaque symptôme n’est pas carac-
téristique en soi (sauf s’il est pathognomonique), c’est la convergence de faisceaux
d’arguments récapitulés dans ces tableaux qui permet la synthèse diagnostique.
Suite à la mise en évidence du comportement Hypo, un affrontement
de celui-ci permet de confirmer le diagnostic et de traiter le patient.
À cette occasion, ce dernier peut constater une forme de « blocage » émo-
tionnel, cognitif et comportemental spécifique à l’Hypo. L’existence et
l’intensité de ce blocage surprennent ordinairement le patient, car il ne
se sent pas « malade » de ce point de vue et n’a pas été amené à se plaindre
de ses Hypos. L’évitement et l’adhésion cognitive ne lui ont pas permis
d’envisager son cas de cette façon. Cette expérience inattendue et intense,
vécue en affrontement, est alors souvent la meilleure démonstration de la
réalité de ce trouble.

44
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Intérêt de l’affrontement d’Hypo


En 1990, lorsque notre équipe a cherché la part de « véritable » phobie
sociale existant dans la phobie sociale classique, le vécu d’affrontement
d’Hypo nous est apparu comme le premier critère que nous avons iden-
tifié pour diagnostiquer l’entité clinique univoque qu’est l’Hypo. En
effet, la probabilité de trouver par intuition ou hasard un Hypo relève
du miracle. Sans doute est-ce pour cela que la quête du « tabou » en psy-
chanalyse est si longue et aléatoire. Par ailleurs, le tabou dépasse selon
nous le cadre thématique de la sexualité que lui confère la psychanalyse,
lequel était certainement beaucoup plus prégnant et vrai il y a cent ans
qu’aujourd’hui. Notre expérience clinique nous a amenés à constater que
chaque individu présente plusieurs Hypos, leur nombre pouvant aller de
plusieurs dizaines à des centaines d’Hypos.
En pratique, aujourd’hui, le test diagnostic d’affrontement sert avant
tout à vérifier la qualité « opérationnelle » du comportement (ou para-
mètre actif) faisant l’objet de l’Hypo. Si on a effectivement isolé un
paramètre actif d’Hypo, on doit produire, « comme par magie », tous les
stigmates d’un véritable tableau d’affrontement lors du test diagnostic de
celui-ci.
On peut par exemple proposer au patient un affrontement imagi-
naire bref et impliquant de cette façon : « Si je vous demandais de faire
ceci (le comportement Hypo), que ressentiriez-vous ? ». Si le diagnostic
est correct, le patient n’a en principe pas besoin de répondre ou de
nous dire ce qu’il ressent, que nous le voyons déjà… Le patient pré-
sente en effet une gêne apparente, rougit, peut éventuellement rire,
trouver des arguments pour éviter d’avoir à jouer ce comportement,
même de façon théâtrale et fictive. Cette apparition subite et intense
du vécu d’Hypo n’est pas attendue ou suspectée par le patient. Cet
étonnement s’accompagne chez lui d’une déstabilisation de ses
croyances (i.e. de l’adhésion à l’Hypo) l’ayant amené à considérer qu’il
ne faisait qu’exprimer son opinion, d’après un choix libre et entier.
Une telle découverte peut contribuer à finir de convaincre notre inter-
locuteur ou un patient qu’il a bel et bien un trouble qui mérite d’être
traité. À ce stade, il est généralement important de préciser à l’inter-
locuteur que même si nous lui proposons de jouer le comportement
pour des raisons thérapeutiques, il ne sera pas tenu de le faire en vrai.
L’objectif d’un affrontement d’Hypo est encore une fois de vérifier le
diagnostic et de traiter ensuite l’Hypo lui-même et l’Hyper qui lui est
associé.

45
La thérapie neurocognitive et comportementale

Encadré 1.5
L’Hypo et la notion de morale

Même après explication du mécanisme et de la genèse d’un Hypo, il n’est


pas rare que le patient témoigne encore de son adhésion à l’Hypo, surtout
quand celui-ci a une connotation morale. Il peut se dire être « fier » ou trou-
ver « souhaitable » d’avoir cet Hypo. Il est alors nécessaire de bien faire
comprendre au patient qu’un Hypo est une entité particulière qui engendre
un Hyper, un comportement addictif, et qu’en cela il est pathogène.
Présenter ou non un tel Hypo ne modifie en rien, en bonne intelligence,
notre rapport à la morale.
Un individu qui a par exemple un Hypo sur la violence peut trouver ridicule
ou honteux d’être violent ou de regarder des films violents. Nous observons
parfois que des individus présentant ce type d’Hypo ont, en contrepartie, un
Hyper sur une forme de gentillesse leur permettant d’obtenir ce qu’ils sou-
haitent d’autrui en évitant d’avoir à s’affirmer (ce qui leur paraîtrait déjà trop
violent) face à un refus potentiel. Dans ce cas, nous constatons souvent que
le comportement Hyper n’est pas toujours efficace, tandis que l’Hypo
empêche de surcroît l’individu d’exprimer simplement son désaccord ou ses
préférences. Pire encore, cette paralysie face au désaccord et à la violence
peut faire que l’individu tolère paradoxalement des choses immorales (qui le
concernent ou qui concernent autrui), simplement dans l’optique d’éviter de
se confronter à un désaccord ou de le susciter. En revanche, dès lors que l’in-
dividu aura traité ses Hypos, il n’en sera pas pour autant attiré par la vio-
lence, mais saura sans doute mieux exprimer son point de vue ou ses souhaits
sans avoir honte de générer un désaccord potentiel. Par là même, il sera plus
susceptible de dénoncer des actes immoraux s’il en est spectateur.
En termes psychanalytiques, se libérer d’un Hypo ne consiste pas à dérefou-
ler une frustration du Ça (ensemble des pulsions et désirs primitifs de l’in-
dividu) par le Moi (composante de la personnalité de l’individu lui
permettant de gérer son Ça). L’Hypo est en revanche une mécanique cyber-
nétique aveugle qu’il convient de débloquer… Après quoi, on peut devenir
moine si l’on veut, et sans trouble. C’est d’ailleurs ce que l’on observe dans
nos territoires « sains », sans Hypo, où l’on peut faire ou ne pas faire tout et
son contraire, librement, sans trouble.

Si le patient n’est pas convaincu de l’intérêt de traiter ses Hypos et craint


que de « mystérieuses impulsions » le poussent à enfreindre l’inconvenable
ou l’immoral, qu’à cela ne tienne, il suffit de l’inviter à considérer un
domaine où il n’est pas en Hypo : est-il pour autant incontrôlable, bestial,

46
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

dangereux, lubrique ? Non, tout au contraire. Il est également possible


d’amener le patient à penser aux gens qui sont en Hypo sur des comporte-
ments qui ne sont pas Hypos pour lui, qui ne génèrent pas de Résonance.
Il est fort probable qu’il les juge quelque peu bloqués, « coincés », rigides,
intolérants, voire inquiétants parfois. Le patient finit généralement par
comprendre qu’il sera plus pertinent de se départir de cet Hypo.
Dans la vie réelle, des affrontements « sauvages » peuvent survenir,
même s’ils sont très rares, car l’individu met tout en œuvre pour les évi-
ter. Lorsqu’ils ont lieu, ils sont « imposés » par l’environnement de façon
plus ou moins brutale, à l’improviste et se produisent donc sans prépara-
tion. Ils peuvent aboutir, s’ils se prolongent ou se répètent, et en fonction
de leur intensité, à des situations qui paraissent tout à fait intolérables
pour l’individu. Ils peuvent également conduire à des répercussions phy-
siologiques immédiates, comme des nausées, des vertiges ou des céphalées
(d’où l’expression imagée : « La situation me donne la nausée ! »). Dans les
cas extrêmes et considérés comme sans issue par l’individu concerné
(affrontement très rare et dit « inéchappable » en TCC), celui-ci peut res-
sentir des impulsions suicidaires ou violentes pour s’en dégager.
Nous conclurons en attirant l’attention du lecteur sur l’importance de la
préparation pédagogique patiente et précautionneuse de ce type d’affronte-
ment, fut-ce pour vérifier un diagnostic. En effet, si le patient n’a pas pleine-
ment compris le mécanisme sous-jacent à son comportement, un affrontement,
même bref (quelques secondes) et imaginaire présente deux risques majeurs :
1. Que le patient ne sache plus ou ne considère plus que l’on est en
psychothérapie et soit choqué. Il peut ainsi en devenir parfois mena-
çant, notamment lorsqu’il s’agit d’Hypos puissants. Cette erreur est
souvent commise dans un cadre interculturel.
2. Qu’il prenne la décision définitive et sans explication d’arrêter sa thé-
rapie à la fin de la séance, même s’il a réprimé cette idée devant vous.

Les vécus d’affrontement d’Hypo


Les vécus d’affrontement d’Hypo recoupent largement ceux que nous
avons vus pour les Résonances, mais couvrent un champ d’expression un
peu plus large. Nous les avons classés en six groupes, à savoir :

a) L’agacement ou le mépris
Comme nous l’avons vu plus haut, ce vécu se retrouve dans la Résonance en
Lutte. Il correspond sans doute au vécu d’Hypo le plus profond et s’accompagne
d’une adhésion totale sur les plans cognitif, comportemental et émotionnel.

47
La thérapie neurocognitive et comportementale

Ce type d’agacement est à différencier de l’agacement lié à ce que nous


appelons « l’état de Lutte Instinctive ». Ce dernier correspond à un état ou
Contenant instinctif apparenté à de la colère10. Il est, comme nous le ver-
rons infra, « fluctuant et global » en ce sens que l’on est en colère ou pour
le moins agacé vis-à-vis de tout ce qui passe et son contraire : « c’est celui
qui passe qui prend ». L’agacement d’Hypo, en revanche, ne porte que sur
l’objet d’Hypo. Par ailleurs, cet agacement disparaît aussitôt qu’on change
de sujet, ce qui n’est pas le cas lorsque l’individu est en Lutte Instinctive.

b) La sensation de ridicule, la gêne, le malaise


Ce vécu se retrouve dans la Résonance en Fuite. Il appartient à un réper-
toire cognitif intermédiaire entre le mépris (l’individu songe que « c’est
grotesque ») et une considération un peu plus nuancée (« c’est drôle mais je
n’assumerai rien de semblable, je n’oserai jamais »). Ce type de vécu est
essentiellement lié au jugement des autres sur le sujet qui nous apparaît
Hypo, mais ne correspond pas obligatoirement à une appréciation person-
nelle. Il s’inscrit plus directement dans le vécu initial de l’interdit : il
émerge souvent d’une situation où l’on s’est senti ridicule ou pire encore,
lors de laquelle on a été ridiculisé.
La gêne liée à l’Hypo doit être distinguée de la gêne liée à « l’état de
Fuite Instinctive ». De façon analogue à l’état de Lutte instinctive, la Fuite
instinctive est parente de l’anxiété, manifeste un caractère plus général et
sans objet : lorsque l’on est dans cet état, on rit « bêtement » de tout,
notamment pour diminuer les tensions et l’agressivité ambiantes. La gêne
liée à l’Hypo a en revanche un caractère fixe et spécifique, elle est cen-
trée sur l’objet de l’Hypo.

c) L’admiration larmoyante
Ce vécu est retrouvé dans la Résonance en Inhibition. Il se distingue, là
aussi, de « l’état d’Inhibition Instinctive », du fait qu’il concerne un objet
fixe et spécifique. Rappelons également que le larmoiement non admira-
tif et l’admiration sans larmoiement n’appartiennent pas au vécu d’affron-
tement d’Hypo, pas plus qu’à celui de la Résonance (cf. Chapitre 1.2.1.).
Nous ferons remarquer au lecteur qu’en pratique, ces trois premiers
vécus d’affrontement d’Hypo ne coexistent pas et ne peuvent se superpo-
ser à un même instant t, mais qu’ils peuvent s’alterner selon les phases
d’un affrontement.

10. Cf. Laborit, 1986, op. cit. ; Fradin & Fradin, 2006, op. cit. ; Fradin et al., 2008,
op. cit. ; Fradin & Lemoullec, 2006, op. cit. ; annexe 1.

48
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

À l’inverse, les trois vécus suivants peuvent coexister entre eux et avec
chacun des trois premiers, et ce à des degrés divers. Nous les avons clas-
sés du plus intense au moins intense :

d) L’ennui dit « glauque »


Ce vécu est étreignant, éprouvé à l’occasion d’un comportement à pro-
pos duquel on n’a pas toujours conscience d’un rejet, d’une aversion,
d’une « incapacité ». On a juste le sentiment que « l’on n’a vraiment,
mais alors vraiment aucune envie… ». L’individu est le plus souvent
conduit à cette situation par obligation ou injonction dans la vie réelle,
ou plutôt par incitation, invitation ou accompagnement thérapeutique.
La mise en situation provient toujours de l’extérieur (du moins, avant la
pédagogie apportée en thérapie et la méta-motivation ad hoc). Le vécu
d’abord passif, lourd et étouffant, peut finir par générer, dans des situa-
tions extrêmes ou prolongées, de réelles pensées de mort, se traduisant
par des commentaires tels que « si la vie c’est ça, alors elle ne vaut pas la
peine d’être vécue ».

e) Le sentiment d’absurdité
Ce sentiment est une autre variante du vécu d’Hypo, proche du vécu
précédent, mais qui est en apparence davantage cognitif et moins
d’ordre émotionnel ou (dé)motivationnel. Ce vécu est intense : la situa-
tion apparaît à la personne comme complètement irrationnelle, dépour-
vue d’explication et de finalité. Ce vécu apparemment purement
cognitif peut parfois être plus émotionnel et irrationnel qu’il n’y paraît
et ainsi, lors d’un affrontement brutal, avoir des répercussions physio-
logiques intenses et rapides. L’individu peut présenter des vomissements
ou des migraines en quelques dizaines de secondes ou minutes. Un tel
effet s’arrête généralement rapidement après l’arrêt de l’affrontement,
bien que cela puisse toutefois prendre plus de temps sur le plan neuro-
végétatif (car le système nerveux autonome n’arrêtera pas forcément
son excitation dès l’arrêt de sa stimulation par les centres supérieurs
intra-encéphaliques)11. Le repos, le silence et le changement de sujet
permettront ordinairement le retour au calme dans les minutes ou
le quart d’heure qui suivent.

11. Le système nerveux autonome est constitué en outre de neurones non myélinisés à
conduction lente.

49
La thérapie neurocognitive et comportementale

f) Le « vide mental », le blanc mental


À la différence du vide mental faisant l’objet d’exercices de méditation,
celui qui est associé au vécu d’Hypo n’est pas volontaire. Il correspond à
une absence de sensation et de cognition. On en parle parfois en termes
de « trou d’air cognitif » ou « d’un ange qui passe ». Ce vécu est bien sûr lui
aussi associé à un évitement et se résout en changeant de sujet à l’aide par
exemple d’une pensée distrayante.
La diversité et l’intensité des différents types de vécus évoqués ici peu-
vent achever de convaincre le thérapeute que l’affrontement diagnostic,
et plus encore thérapeutique, n’est rendu possible que par une patiente
préparation cognitive et méta-motivationnelle. Nous en décrivons les
principes dans le chapitre qui suit.

Phase pédagogique de l’affrontement d’Hypo


La phase pédagogique de l’affrontement d’Hypo se déroule en cinq étapes
que nous exposons ci-après (voir aussi pédagogie générale et Fiche
« Pédagogie » infra.) :

a) Étape pédagogique no 1
Cette étape consiste à expliquer au patient ce qu’est un Hypo, puis à lui
permettre d’observer ou de décrire chez d’autres personnes quelques
Hypos que lui-même n’a pas. On peut l’amener à faire des commentaires
et philosopher sur le sujet, sur la perte de liberté que l’Hypo représente
et sur le décalage entre ce qu’il vit et pense (« une situation choquante,
grotesque voire scandaleuse ») et ce qu’elle pourrait en penser de l’exté-
rieur (« elle est coincée, bloquée… ce n’est pas si dramatique, il faut contex-
tualiser… et puis là, dans le cas de l’exercice, c’est pour rire, on ne lui
demande que du théâtre ; et puis c’est de la thérapie, si elle veut aller
mieux… »).

b) Étape pédagogique no 2
Lors de cette étape, le thérapeute établit avec le patient une liste des
Hypers que celui-ci souhaiterait traiter en premier lieu, notamment parmi
ceux qui sont manifestement inefficaces et douloureux. Il faut ensuite
rechercher les Hypos qui sous-tendent ces Hypers.

c) Étape pédagogique no 3
On invite ici le patient à réfléchir aux bénéfices résultant de l’affronte-
ment d’Hypo, de façon à solliciter sa méta-motivation.

50
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

d) Étape pédagogique no 4
L’objectif de cette étape est de faire comprendre au patient que l’affronte-
ment thérapeutique n’est pas un modèle de vie mais un exercice libérateur12.
Cette libération s’accomplit pour soi, d’abord dans le secret de l’alcôve thé-
rapeutique (notamment en affrontement imaginaire) puis, parfois plus tard,
dans la vraie vie, mais pas n’importe où, ni n’importe comment ou avec
n’importe qui. C’est une liberté dont fera ce que l’on veut.

e) Étape pédagogique no 5
Pour cette dernière étape, le thérapeute doit réaliser une préparation péda-
gogique et cognitive sur les (anti-)valeurs associées à l’Hypo13. En effet,
du fait de l’absence totale de motivation spontanée à traiter ses Hypos,
une telle préparation est nécessaire et permet de développer la méta-
motivation du patient, lui permettant ainsi de progressivement s’autono-
miser dans son affrontement d’Hypo. Ce gain d’indépendance sera effectif
pour le traitement d’Hypo en cours mais également pour tous les autres à
venir. Ceci est dû au fait que le Contenant d’Hypo est le même pour tous
les Hypos et que la pédagogie n’est donc nécessaire qu’une seule fois.

2.3. Critères diagnostiques de l’Hypo


issus des micro-comportements
Les micro-comportements ont été particulièrement étudiés au travers des
travaux d’Ekman (2001, 2003, 2009).
Par ailleurs certains auteurs (cf. Mehu et al., 2012) considèrent que les
émotions ont une fonction de motivation du comportement. De ce point
de vue, les émotions ont également un rôle crucial dans les relations
sociales, puisque la détection des émotions chez autrui permet d’ajuster
son comportement en tenant compte de ses intentions probables, et de ses
propres objectifs. Or les expressions faciales sont un témoin direct de
l’émotion d’autrui, que celle-ci soit feinte, ou non. Cette particularité a
été mise en évidence aussi bien chez l’être humain que chez certaines

12. L’Hypo est une nouvelle illustration de la différence entre le Contenant, qui structu-
rerait « ce que je peux ou ne peux pas faire », et le contenu, qui correspond ici à « ce
que je pense et fais dans ma vie ».
13. Une relativisation des antivaleurs, amenant à une moindre rigidité, à une meilleure
adaptation de l’individu et à un mieux-être (pour lui et souvent en conséquence pour
son entourage), peut être réalisée grâce à des techniques de Gestion des Modes
Mentaux (cf. Fradin et al., 2008, op. cit., annexe).

51
La thérapie neurocognitive et comportementale

espèces de singes (Sherwood et al., 2003). Cependant, Ekman, ainsi que


certains autres chercheurs (voir également Gosselin et al., 2010), ont pu
mettre en évidence le fait que certaines expressions faciales soient nette-
ment plus aisées à contrôler volontairement que d’autres. Les expressions
faciales irrépressibles ou quasi-irrépressibles sont supposées être une mani-
festation directe de l’état « physiologico-émotionnel » de l’individu
(cf. Ekman, 2003, op. cit.) et donc un indicateur fiable.
Ces témoins faciaux entrent dans la catégorie des micro-comportements.
Ceux-ci correspondent à des comportements qui ne sont pas dirigés en vue
d’une action particulière, volontaire et définie consciemment par l’indi-
vidu. Ils ne font que trahir son état émotionnel, et transparaissent, comme
nous avons pu le voir, dans ses expressions faciales mais également dans
son timbre de voix, dans sa gestuelle et sa posture, dans ce qui est non
verbal et peu (ou pas) contrôlé ou contrôlable.
L’analyse de ces micro-comportements peut donc participer au suivi et
à l’évaluation de l’état du patient.

Utilité et fragilité des signes issus des micro-comportements


Les signes ou micro-comportements qui peuvent être perçus « à la volée »,
permettent souvent un dépistage rapide de l’Hypo en situation réelle. Cela
peut être par exemple dans un groupe thérapeutique d’Hypo, lorsqu’un
patient fait un travail de traitement et de confrontation d’Hypo qui met
alors en Résonance d’autres patients présentant le même Hypo. On peut
également percevoir ces informations tout au long de la thérapie, même
lorsque l’on parle d’autre chose. Les signes d’accroche ainsi collectés doi-
vent systématiquement être vérifiés par les procédures précédentes.
Parmi les signes observables de l’Hypo apparaissant lors d’une confron-
tation préparée, figurent :
1. Les indices visuels : l’individu rougit, présente un sourire gêné,
enlève éventuellement un vêtement parce qu’il a trop chaud, s’essuie
les mains car il peut avoir les mains moites, etc.
2. Les indices auditifs : modification du rythme respiratoire, variations
du timbre de la voix (perception de l’envie de rire de l’individu),
etc.
Si ces micro-comportements sont sujets à interprétation et donc fra-
giles, l’expérience permet malgré tout d’identifier très vite ces différents
vécus ainsi que d’autres (mépris, agacement, gêne, ennui mortel, etc. ;
cf. illustrations 1.1, 1.2 et 1.3) et de décoder l’expression d’un évitement
suivi d’apaisement. Il est également possible d’en vérifier la spécificité et

52
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

la fixité en abordant plusieurs fois le même sujet, noter les évitements suc-
cessifs et la détente au changement de sujet. Ils sont tout particulièrement
utiles pour déceler l’état du patient même quand ce dernier, pour des rai-
sons de désirabilité sociale ou autre, ne souhaite pas l’évoquer.

Concordance entre les critères de Résonance, d’affrontement


et micro-comportements
Lors d’un diagnostic d’Hypo, il est important de s’assurer de la concor-
dance entre les critères classiques de la Résonance14 et les signes visuels.
En effet, lorsqu’on lit sur un visage, on entend les paroles d’un discours
et les deux types d’informations devraient systématiquement être cohé-
rents et se superposer. Or ce n’est pas toujours le cas. Comme nous avons
pu le comprendre, si un patient veut parfois contrôler ses émotions, il lui
sera particulièrement difficile de contrôler certaines micro-expressions du
visage, plus spontanées et moins auto-perceptibles (Mehu et al., 2012, op.
cit. ; Ekman et al., 1991 ; Ekman, 1993, op. cit.). Ce défaut de contrôle
des micro-expressions garantit leur fiabilité pour le diagnostic, alors qu’il
est plus facile pour un individu de contrôler son discours, par souci de
l’image qu’il peut renvoyer ou par méfiance. Les critères d’observation sont
donc essentiels pour confirmer ou infirmer un diagnostic, surtout s’ils
paraissent dissonants avec le discours du patient.
Ces éléments d’observation permettent donc de présupposer ce que
l’on vérifiera ensuite par des questionnements ou observations classiques.
Une mimique expressive sur le visage d’un patient entraîne une série de
questions sur ce qu’il éprouve, en s’assurant toujours que le Contenant
supposé est bien là, notamment à l’aide d’une vérification de la Résonance.
On pourra à nouveau évaluer la fiabilité du discours en mesurant sa
conformité avec ce que révèle l’observation dans l’affrontement.
Bien sûr, malgré la pertinence des informations visuelles, il faut aussi
garder raison et ne pas accorder une totale confiance à ses seules impres-
sions : on ne peut par exemple affirmer que tel ou tel regard traduise
invariablement le mépris ou l’ennui mortel. Il est important de ne pas
oublier que plusieurs Contenants peuvent se superposer et venir
brouiller le jeu. Leur « lecture » peut donc devenir d’une grande com-
plexité. Certaines études suggèrent par exemple que le contrôle des
émotions difficiles à réprimer est malgré tout accessible à certains
individus, bien que ce contrôle soit très coûteux et sans doute limité

14. Cf. chapitres 1.2.1 La Résonance d’Hypo et 1.2.2.2 Les vécus d’affrontement d’Hypo.

53
La thérapie neurocognitive et comportementale

sur le long terme. Ce contrôle semble également s’améliorer avec l’âge


(Ekman et al., 1980, op. cit.).
Fort de cet avertissement, le plus important sera pour le thérapeute de
s’entraîner à identifier correctement l’Hypo, mais également de s’exercer à
déceler les moments où l’Hypo est contaminé par l’Hyper ou ce que nous
appelons la « Répression d’Hyper »15 (RH), qui est en quelque sorte l’auto-
répression d’une attente déçue et qui s’avère particulièrement douloureuse (cf.
infra). Ce type de confusion est particulièrement fréquent lors d’un affronte-
ment d’Hypo-Méta car les Contenus de l’Hypo-Méta et de l’Hyper-Méta cor-
respondant sont souvent très proches : il s’agit en fait de deux façons de faire
la même chose. Classiquement l’Hypo-Méta porte, comme nous avons pu le
voir précédemment, sur une façon de faire. L’Hyper-Méta est une attente que
les autres approuvent et cautionnent cette façon de faire chez soi. D’un point
de vue extérieur il est très difficile de distinguer, lors d’un affrontement
d’Hypo, si l’individu produit le comportement en attendant une éventuelle
reconnaissance, ou s’il le produit en étant seulement en Hypo. Si l’individu
est en Hyper, il peut donc se produire un glissement progressif vers la RH (si
le thérapeute ne répond pas à l’attente dissimulée du patient qui est d’obtenir
de la reconnaissance). Dans ce cas, il faut cesser au plus vite l’affrontement.
Le plus souvent, le patient n’exprime pas son malaise, seul son visage le tra-
duit et le thérapeute devra savoir le lire en temps réel.

2.4. Diagnostic différentiel de l’Hypo


Nous présentons dans ce chapitre certains éléments permettant de distin-
guer l’Hypo d’autres Contenants16, et qui concernent notamment la notion
d’apaisement immédiat suite à l’évitement automatique :
1. Phobie simple et Hypo :
L’apaisement dans l’évitement est observable aussi bien dans la pho-
bie classique que dans l’Hypo. Cependant, dans le premier cas, le
vécu associé est celui de la peur pour la survie, tandis que dans le
second le vécu est relatif à une peur d’exclusion du groupe. L’Hypo
est interprété par l’individu comme un code partagé, qui « prouve »

15. La répression d’Hyper, qui est décrite dans le chapitre 4 Diagnostic clinique de la RH
et 4.1 Les vécus de RH, correspond à l’échec de l’Hyper, c’est-à-dire à l’état dans
lequel est l’individu lorsqu’il est privé de l’objet souhaité.
16. D’autres éléments permettant de faire des diagnostics différentiels entre plusieurs
types de Contenants sont présentés dans l’arbre diagnostique synthétique des
contenants TNC, en annexe 11.

54
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

que l’on adhère bien aux valeurs du groupe et que l’on « mérite »
donc d’y être intégré.
2. RH et Hypo :
Au contraire de l’Hypo, lorsque l’individu manifeste une RH, l’évi-
tement n’est pas suivi d’un apaisement : les symptômes sont réma-
nents et correspondent à des sentiments d’amertume, de douleur
morale, à l’évocation de reproches, d’attentes déçues (cf. Chapitre
1.2.4.1.).
3. Fuite et Hypo :
La Fuite dite Instinctive se distingue de l’Hypo dans la mesure où
celle-ci se traduit davantage par un « échappement » que par un
évitement et apparaît plutôt devant la contrainte ou l’agressivité en
général.
Des fiches synthétiques et pratiques du diagnostic et du traitement
d’Hypo sont présentées en annexes 4, 5 et 8.

3. L’HYPER

3.1. Liens entre Hypo, Hyper et RH


Nous avons vu que les comportements Hyperfonctionnels ou Hypers
étaient des comportements permettant la compensation des comporte-
ments interdits par les Hypos. Or notre expérience clinique nous laisse
penser que tous les Hypos ne génèrent pas d’Hypers. Il semblerait que ce
soient les Hypos les plus gênants ou ceux constituant une véritable entrave
qui donnent lieu à une compensation d’Hyper :
– soit parce que ces Hypos constituent de véritables handicaps pour
notre efficacité au quotidien ou à notre adaptation au sens large (par
exemple un Hypo sur le fait de se faire payer, ou de se croire capable
d’agir de façon autonome) ;
– soit parce qu’ils font obstacle à nos motivations profondes.
Nous constatons par ailleurs que l’Hyper concerne de nombreuses
addictions (à la nourriture, au travail, à l’argent, aux sentiments, etc.)
et autres excès. Il apparaît également que la raison ou la rationalisation
ne calme pas ou peu de temps ce comportement. Au début de son appa-
rition, l’Hyper prend souvent les couleurs de la passion et rend l’indi-
vidu fébrile à l’image d’un amoureux transi. Ensuite, très vite, l’Hyper
perturbe l’individu et ses relations, en le rendant à la fois insatisfait de

55
La thérapie neurocognitive et comportementale

ses succès, impérieux ou susceptible vis-à-vis des autres… et durable-


ment brisé par l’échec.
Après avoir essuyé plusieurs déceptions, ou rejets par les autres, une
prise de conscience personnelle peut alors se teinter rétroactivement de
culpabilité ou de complexe (sentiment d’être instable, enfantin, capri-
cieux, immature…) et l’individu voit son Hyper évoluer vers une auto-
répression d’Hyper (ou Répression d’Hyper, RH). Cet « échec » de l’Hyper
génère un vécu fait de douleur morale souvent intense, de démotivation
globale voire d’aboulie totale allant jusqu’à la dépression franche. Ce vécu
est très rémanent et peu sensible au traitement cognitif. Il est un symp-
tôme de troisième rang qui se situe donc loin des causes profondes (l’Hypo
étant de premier rang, l’Hyper de deuxième, la Répression d’Hyper de troi-
sième). De fait, son traitement superficiel sera symptomatique et non réso-
lutif (ou du moins pas durablement).
Le vécu d’aigreur, de frustration ou de résignation douloureuse de la
RH ne se résorbe pas (ou peu) spontanément : il resurgit en effet à la
moindre stimulation, à la moindre évocation. Il ne s’estompe vraiment
que lorsque l’on change d’objet d’Hyper (par exemple lorsque l’on change
de partenaire relationnel) : l’Hyper se fixe ailleurs et le cycle recommence
sur le nouvel objet (ou partenaire). Malheureusement, ce mécanisme est
réactivé lors de l’échec suivant, comme un chapelet de souffrances que
l’on traîne derrière soi. En période de RH, chaque plaie ne demande qu’à
s’écorcher au moindre stimulus, au premier mot maladroit, ou même au
moindre souvenir heureux du cycle de l’Hyper : les regrets associés à ce
qui rappelle « le bon temps » où l’Hyper fonctionnait bien, comme le sou-
venir des souffrances de précédents échecs d’Hyper, sont autant de raisons
d’avoir mal.

Encadré 1.6
Notions de transfert et de renouvellement
d’un cycle d’Hyper

Le renouvellement d’un cycle d’Hyper sur un nouvel objet correspond en psy-


chanalyse à la notion de transfert, où la mise en place d’une dépendance thé-
rapeutique ou d’une thérapie de soutien peut devenir un nouvel objet d’Hyper,
suite à un déplacement de l’objet de substitution de l’Hypo. Malheureusement,
une telle pratique n’empêche pas la réapparition de la RH.

56
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

La description du concept d’Hyper permet de comprendre en quoi


celui-ci sous-tend souvent les addictions, qu’elles soient vis-à-vis de subs-
tances (alimentaires, à l’alcool, au tabac, aux drogues) ou sous forme de
dépendance dite comportementale vis-à-vis du travail, des relations amou-
reuses mais aussi parentales ou amicales, de la compétition, des objets
fétiches, etc. En réalité, toute activité ou plus encore toute attente peut
se révéler appartenir à cette vaste rubrique [hyperfonction – addiction]
puisque c’est le Contenant qui détermine le trouble, et non son contenu
(c’est-à-dire l’objet sur lequel il est fixé). Selon nous, l’addiction notam-
ment comportementale17 n’est en effet qu’un symptôme ou une consé-
quence d’un ou de plusieurs interdits sociaux (Hypo(s) ou CAES) qui
porte(nt), par exemple, sur l’expression des sentiments, la capacité d’au-
tonomie, les plaisirs individuels…
Le tabou de l’Hypo porte toujours sur une action concrète, une attitude ou une
évaluation de la situation mais jamais sur une attente (de reconnaissance, d’af-
fection, d’amour…). À l’inverse, c’est l’Hyper qui constitue le plus souvent une
attente :
– soit passive (« j’attends silencieusement que l’on me répare mon ordina-
teur, me fasse mon ménage, m’aime, me complimente, m’encourage ou
me conseille selon les cas… »),
– soit active (« je rends service, je donne de l’affection, je fais des compli-
ments dans l’attente du “retour d’ascenseur”… qui ne vient pas
toujours »).
Le comportement de l’individu alterne alors entre une anxiété par anticipation
par peur de l’échec, et une dépression avec hétéro-agressivité (et auto-agressivité)
au stade de l’échec (c’est-à-dire de la RH).

3.2. Les critères diagnostiques usuels de l’Hyper


Pour mémo, comme dans tout diagnostic médical, chaque symptôme n’est pas
caractéristique en soi (sauf s’il est pathognomonique), c’est la convergence de
faisceaux d’arguments récapitulés dans ces tableaux qui permet la synthèse dia-
gnostique.

17. Une addiction comportementale peut se définir « comme le résultat d’un processus
interactionnel entre un individu et un objet externe, banal, à disposition de tous.
Ce processus conduit à une dépendance principalement psychologique, en raison
des effets qu’elle procure et des fonctions qu’elle remplit. Cette dépendance peut
entraîner des conséquences négatives pour le sujet et son entourage » (cf.
Varescon, 2009)

57
La thérapie neurocognitive et comportementale

Nous retenons six critères diagnostiques de l’Hyper que nous présen-


tons ci-après :

Alternance de quatre phases


Nous distinguons, dans le comportement Hyper, quatre phases :
– Phase 1 : euphorie
– Phase 2 : saturation
– Phase 3 : douleur de l’échec
– Phase 4 : amertume et repli (RH)
L’alternance de ces différentes phases laisse place, progressivement et
au fil de la prise de conscience de cette machinerie machiavélique, à un
sentiment d’immaturité ou d’instabilité chez l’individu.
Ces différentes phases, mises en évidence grâce à une recherche anamnes-
tique menée à l’aide d’un interrogatoire sur le passé clinique, sont un signe
caractéristique de l’Hyper. L’alternance de Phases 1 surinvesties et de Phases
4 (RH) est spécifique de ce mécanisme et peut difficilement faire croire à un
autre Contenant. Seul le cas de ce que nous appelons une « Sonnette », qui
correspond à l’interaction de plusieurs Contenants incompatibles sur un
même objet, peut laisser penser à un mécanisme similaire. Cependant, lors de
la gestion d’une Sonnette18, il est possible de distinguer les différents
Contenants en jeu à l’aide d’outils et stratégies adéquats. En revanche, ce qui
est typique de l’Hyper est qu’il est structurellement ambivalent, à chaque ins-
tant (« on veut tout et son contraire ») mais aussi dans le temps (« on brûle les
idoles qu’on a adorées »), ce qui n’est pas représentatif d’une sonnette.

L’ambivalence
L’ambivalence est un phénomène que l’on rencontre à toutes les phases
de l’Hyper, sous une forme ou une autre. Celle-ci se situe entre dégoût et
attirance irrésistible, et s’avère être un symptôme subtil mais très fiable de
l’Hyper :
– En Phase 1, l’individu veut tout et tout de suite, mais a peur
d’échouer donc il hésite (anxiété par anticipation).
– En Phase 2, l’individu a obtenu ce qu’il voulait, mais il ne sait plus
s’il le veut encore. L’insatisfaction malgré un bon résultat objectif
fait partie de ce tableau.

18. Cf. chapitres 2. 3. 1. Diagnostics différentiels du PG et principales interactions, et


2.3.2. Sonnettes et attaques de panique.

58
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

– En Phase 3, il a perdu ce qu’il avait (à cause de son moindre inves-


tissement lié à la Phase 2), mais il crie sa douleur, reconnaît ses
erreurs et jure qu’il changera tout. Cependant, il accuse et peut
devenir très offensif si l’on refuse de répondre à sa requête.
– En Phase 4, il ne veut plus entendre parler de l’objet ou partenaire
d’hyper, mais parallèlement il ne cesse de regretter, d’avoir des
remords. Il fait des reproches à celui ou celle qui l’aura privé de son
objet d’Hyper, et éventuellement à lui-même (il peut déclarer des
choses comme « de toute façon je ne suis bon à rien »).

L’insatisfaction
L’insatisfaction malgré un bon résultat tangible mérite d’être expliquée
en détail : à l’instar d’une personne dépendante de substances, l’indi-
vidu en Hyper a besoin toujours plus de son objet pour obtenir satis-
faction. Cependant, cette satisfaction s’étiole progressivement car
l’Hyper, comme la drogue (ou presque), est un leurre et ne permet pas
de combler véritablement le besoin biologique ou psychologique sous-
jacent. Cette insatisfaction chronique présente les caractéristiques
suivantes :
– Elle est potentiellement visible en Phase 1 où l’on est par exemple
un(e) amant(e) exigeant(e) et épuisant(e)
– Elle est flagrante en Phase 2
– Elle est parfois encore présente en Phases 3 ou 4, par exemple si
quelqu’un nous console et que l’on n’est malgré tout jamais content
ou pas longtemps, puis que l’on reproche de ne pas « en avoir plus »,
plutôt que de remercier pour ce qu’on a eu, etc.
Ce type de fonctionnement peut également conduire, au sein d’un
couple d’individus (dont au moins l’un des deux est en Hyper sur
l’autre), au développement de comportements préventifs volontaires
de retrait. En effet, devant les demandes pressantes d’un individu en
Phase 1 vis-à-vis de son ou de sa partenaire, ce(cette) dernier(dernière)
peut mettre en place, en miroir, un véritable système de défense contre
cette hyperconsommation. Ceci peut être également parfois un moyen
de contrôle de la dépendance émotionnelle dans les relations : si deux
individus sont en Hyper l’un sur l’autre, le premier qui se désengage
met l’autre en manque (Phase 3). La demande « larmoyante et pres-
sante » de la Phase 3 met alors le premier en Phase 2 de saturation, et
ainsi de suite… Ce type de fonctionnement est aussi appelé « poulie
des Hypers ».

59
La thérapie neurocognitive et comportementale

La dépréciation de l’objet de l’Hyper est fonction du temps et plus ou


moins rapide selon la facilité avec laquelle la demande est satisfaite.
L’excitation positive de la Phase 1 s’émousse très vite et les durées de
satiété deviennent de plus en plus brèves. L’individu est alors désabusé. Le
cycle de l’Hyper s’accélère, au fur et à mesure des changements d’objet ou
de partenaires. Le temps de consommation se réduit donc avec l’habitude
et peut même parfois conduire à ce que l’objet d’Hyper soit déjà dévalo-
risé avant même d’être atteint, déprécié avant d’être consommé, par anti-
cipation de la désillusion.

L’anxiété par anticipation


L’anxiété par anticipation avec attente de résultat et peur de l’échec est
un symptôme majeur de l’Hyper. Elle est caractérisée par l’importance
excessive accordée à une ambition (focalisation) et l’angoisse tout aussi
excessive à l’idée d’un échec dans sa réalisation. Cette peur de l’échec est
irrationnelle et va bien au-delà des raisons objectives. Elle génère, chez
l’individu qui se surinvestit, un stress souvent flamboyant lorsqu’on en
évoque simplement l’hypothèse.
Les diagnostics différentiels que l’on peut mettre en évidence sont
notamment la présence d’une pression ou d’un enjeu extérieurs impor-
tants, tels qu’une obligation professionnelle incontournable, avec antici-
pation anxieuse de cet affrontement (mais dans ce cas l’enjeu apparaît
comme proportionné au stress par anticipation). Les autres Contenants
qui créent une anxiété par anticipation n’ont soit pas la même attente de
résultat (on n’a pas envie d’y aller) soit pas les mêmes raisons. Les indivi-
dus présentant de la soumission (voir infra PGS) peuvent par exemple
redouter de faire une faute et de nuire à autrui, et ne souhaitent faire l’ac-
tion que pour rendre service ou faire plaisir. Un individu en Hyper, en
revanche, « roule pour lui » et a besoin de faire l’action en raison d’un
besoin personnel impérieux.

Le caractère exigeant
Un individu en Hyper se montre le plus souvent intrusif, exigeant et égo-
centrique. Ce comportement est prévisible du fait que l’individu est
comme dépendant, « drogué » et qu’il ait besoin des autres pour compen-
ser le manque de l’Hypo. Malheureusement, dans ce cas, la prise de
conscience n’y change rien, sinon d’y ajouter de la culpabilisation, ce qui
engendre souvent un niveau d’ambivalence supplémentaire.

60
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

L’efficacité de l’Hyper
Notons l’importance du caractère plus ou moins efficace d’un Hyper
(cf. le concept d’efficacité de l’Hyper) : par nature, un Hyper n’est pas
réellement un comportement efficace puisqu‘il a deux objectifs :
1. Le premier objectif est normalisé et conscient : il correspond à celui
du comportement ordinaire avant d’être parasité par l’Hyper.
2. Le second objectif est inconscient et en substitution de l’Hypo. Ce
dernier pose problème car il est par essence difficile à percevoir et à
comprendre, donc à satisfaire par les autres, indépendamment du
caractère excessif, envahissant, non réversible, égoïste et autocentré
que confère l’Hyper. De surcroît, l’Hyper est le plus souvent une
attente à l’égard d’autrui, ce qui complique encore le contexte rela-
tionnel. On saisit mieux le pourquoi de la fréquence des échecs en
Hyper, qui est ainsi l’une des causes de l’anxiété par anticipation.

3.3. Les critères diagnostiques de l’Hyper


issus des micro-comportements
À l’instar de l’Hypo, les signes micro-comportementaux de l’Hyper sont
en rapport avec ses symptômes. Ces signes sont liés à l’alternance entre
l’excitation enthousiaste et obsessionnelle de conquérir l’objet et l’an-
goisse anxieuse, très anticipée et relativement irrationnelle, de le perdre.
Dans la phase d’excitation, cette obsession se traduit souvent par un
regard fixé sur l’objet convoité. Ce regard devient brillant, focalisé et
exclut tout le reste. On observe là « le (la) séducteur(-trice) » qui a repéré
son objet de convoitise dans un groupe, et dont le regard semble passer à
travers les autres pour ne voir que cet objet.
Il faut noter que la séduction associée à l’Hyper se différencie de la
séduction observable chez l’individu dominant (cf. Chapitre 2). La per-
sonne en Hyper manifeste une certaine fébrilité, tandis que le dominant
adopte un comportement plus prédateur et maître de lui. On constate éga-
lement que l’individu dominant regarde l’autre droit dans les yeux, comme
pour l’hypnotiser, mais cela peut changer et cette alternance peut être un
jeu de manifestations d’intérêt/désintérêt ou de « chaud/froid » typique de
la dominance, et destiné à déstabiliser l’autre.
De même, la fixation du regard en Hyper n’est pas de même nature
que celle de la Lutte Instinctive (cf. Annexe 1, Fradin et al., 2008,
op. cit.), qui émerge par exemple au cœur d’une dispute. Ce regard-ci

61
La thérapie neurocognitive et comportementale

évoque la colère et non la séduction, l’interlocuteur sent que ce n’est


pas le moment de plaisanter. Par ailleurs, dans le comportement Hyper,
l’orientation du regard sera toujours dirigée vers l’objet d’Hyper et ce de
façon spécifique. On focalise de façon obsessive sans pouvoir se détour-
ner de l’objet. Dans le comportement de Lutte, en revanche, la fixation
du regard sera plus réactionnelle, dépendante de l’objet immédiat de la
colère.
En phase 3 de l’Hyper, le regard est également fixé de façon obsession-
nelle sur l’objet mais il se veut davantage implorant, porteur de demandes
dramatiques et pressantes.
En Phase 4, en revanche, le regard est obstinément détourné : la per-
sonne parle par exemple à son ex-partenaire sans jamais le regarder. Ce
détournement est alors aussi fixe et rigide que l’obsession initiale.

Encadré 1.7
Synthèse diagnostique de l’Hyper

Les critères diagnostiques de l’Hyper sont :


1. Alternance de quatre Phases (l’anamnèse est importante pour retrou-
ver toutes les Phases et la présence d’antécédents de RH est particu-
lièrement efficace et caractéristique pour valider le diagnostic
d’Hyper)
2. Ambivalence
3. Insatisfaction malgré un bon résultat
4. Anxiété par anticipation

Des fiches synthétiques et pratiques du diagnostic et du traitement


d’Hyper sont présentées en annexes 6 et 8.

4. DIAGNOSTIC CLINIQUE DE LA RH
Pour mémo, comme dans tout diagnostic médical, chaque symptôme n’est pas
caractéristique en soi (sauf s’il est pathognomonique), c’est la convergence de
faisceaux d’arguments récapitulés dans ces tableaux qui permet la synthèse dia-
gnostique.

62
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

La RH correspond, comme nous l’avons évoqué précédemment, à la


quatrième phase de l’Hyper. Nous verrons dans les chapitres qui suivent
que d’un point de vue descriptif et clinique, la RH est particulièrement
proche du Trouble de l’Adaptation Post-traumatique avec Amertume (ou
Post-traumatic Embitterment Disorder, PTED, en anglais) développé par
Linden et ses collaborateurs (Linden et al., 2008 ; Linden, 2011). Ce
trouble apparaît suite à un événement négatif n’ayant cependant pas
menacé l’intégrité physique de l’individu (comme dans le cas de stress
post-traumatique). Le sujet considère l’événement comme une injustice,
une insulte ou une humiliation, apparaissant dans des situations de deuil,
de divorce, dans le contexte de relations difficiles au travail, etc. Ce
trouble implique donc des vécus d’amertume et éventuellement de rage,
de désir de vengeance et/ou de sentiment de solitude dans le fait de devoir
faire face à cela (sentiment de ne pas être aidé, par exemple). Pour que le
thérapeute puisse considérer que le patient présente un tel trouble, ces
symptômes doivent être rémanents, impacter le bien-être général de l’in-
dividu et possiblement ses relations sociales, et perdurer au-delà de
six mois.
Nous retrouvons dans ce tableau clinique les symptômes de RH évo-
qués dans les chapitres précédents, à savoir : l’amertume, la douleur morale
profonde, les reproches faits à autrui, la mise en difficulté de l’individu
avec ses liens sociaux, etc. Si nous pensons évoquer la même symptoma-
tologie que Linden et son équipe, le concept de RH se distingue malgré
tout du trouble décrit par ces auteurs en ce qu’il sous-entend des causes et
un mécanisme précis, à savoir que la RH s’inscrit dans la continuité d’une
compensation mal ajustée d’un comportement tabou qu’est l’Hypo. En
cela, la RH présente une intensité souvent proportionnelle au degré d’in-
terdit et d’entrave de l’Hypo, et prévoit que les symptômes de RH puissent
disparaître à l’occasion d’un changement d’objet d’Hyper, et ce même
avant six mois.
Par ailleurs, bien que la RH ne soit en théorie qu’une phase de l’Hyper,
on peut être tenté de la dissocier de celui-ci pour les raisons suivantes :
– D’un point de vue théorique :
Si l’on considère l’Hyper comme un symptôme de deuxième rang,
alors que l’Hypo serait de premier rang et la RH de troisième rang.
En effet, la RH se distingue du tableau clinique de l’Hyper et consti-
tue l’expression d’une entité à part entière (amertume, agressivité,
etc.). L’apparition de la RH implique, comme son nom l’indique, la
répression du comportement de deuxième rang (Hyper), lequel sert
à contourner le comportement tabou de l’Hypo. Cette répression

63
La thérapie neurocognitive et comportementale

peut être perçue comme une répression volontaire, une tentative de


« décrochage » de l’objet d’Hyper. Malheureusement cette tentative
échoue en raison du caractère Hyper sous-jacent19.
– D’un point de vue clinique :
Le patient consulte en général en Phases 3 et surtout 4, quand il a le
sentiment que plus rien ne le calme.
En termes de vécu et de gestion de la thérapie, les Phases 1 à 3 sont
perçues comme étant en continuité entre elles (on est obsédé par la
possession de l’objet) ; tandis qu’en Phase 4 on ne souhaite plus en
entendre parler pendant longtemps, bien qu’on ne pense qu’à ça et
ne parle que de ça.
Les éléments diagnostiques spécifiques de la RH sont donc précis, et
nous nous proposons maintenant de les décrire.

4.1. Les vécus de RH

L’amertume
Les symptômes caractéristiques de la RH sont avant tout un vécu d’aigreur
et d’amertume, un sentiment de traumatisme moral associé à une résigna-
tion meurtrie20, lesquels induisent une grande propension à faire des
reproches incessants. Ceux-ci sont sous-tendus par une demande non dite
et totalement inefficace à ce stade.

La jalousie
Parallèlement à l’amertume, l’individu en RH témoigne d’un intense sen-
timent de jalousie qui s’inscrit dans le cadre d’une compétition, d’une riva-
lité d’Hyper.
Ce symptôme est néanmoins moins spécifique de la RH. Il peut être
révélateur d’autres Contenants qui eux-mêmes sont susceptibles d’amplifier
la jalousie lorsqu’ils sont superposés à une RH. Ces Contenants peuvent

19. Notons que les techniques dites de Gestion des Modes Mentaux (GMM, annexe 1,
Fradin et al., 2008, op. cit.), qui sont un exercice de la raison et de la rationalisa-
tion des événements et dont nous supposons qu’ils stimulent l’activité cérébrale
préfrontale, n’ont que peu d’effet (ou peu durable) sur les symptômes de Répression
d’Hyper.
20. La résignation de la RH n’est pas de même nature que le phénomène d’acceptation
de la situation qui ne s’accompagne ni d’aigreur ni d’amertume (cf. Fradin et al.,
2008, op. cit. ; Hayes et al., 2004,. op. cit. ; Monestès & Villatte, 2011, op. cit.).

64
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

être liés à ce que nous considérons comme constitutif de la personnalité


de l’individu (cf. Annexe 2, Fradin & Fradin, 2006, op. cit. ; Fradin & Le
Moullec, 2006, op. cit.) ou à la dominance (cf. Chapitre 2).

L’ambivalence
Nous avons vu qu’il y avait dans l’hyper une double sensation liée, d’une
part, au désir intense de l’objet, et d’autre part à la peur de le perdre. Or
la RH, qui survient souvent après un échec ou sa forte appréhension,
génère des symptômes toujours aussi ambivalents, sous le discours appa-
rent du rejet pur et simple. Le désir reste fort, mais il prend une forme
refoulée en une sorte de rumination de l’échec et de rejet en même temps.
Ces deux forces égales et peu compatibles se maintiennent et sont suscep-
tibles de s’auto-renforcer. Elles donnent l’impression que l’individu est
immobilisé et bloqué. Ce blocage apparent diffère de celui de l’hypo car
ce dernier masque l’interdit par un évitement apaisant, puisque résultant
d’une seule force ou d’un seul point de consigne : s’éloigner. Le blocage
de la RH correspond en revanche à une immobilité torturée entre plu-
sieurs forces contraires, deux voire trois points de consigne (les deux de
l’Hyper, à savoir celui de l’objet caché et celui de l’objet manifeste ; puis
celui de rejet de(s) (l’)objet(s) d’Hyper, cf. Figure 1.3). Ainsi, lorsque l’in-
dividu est en RH, son visage porte les marques de cette torture mentale,
lesquelles peuvent apparaître comme celles d’une résignation douloureuse.

Conditions d’aggravation de la RH
Nous pouvons ajouter aux critères diagnostiques de la RH quelques autres
symptômes un peu atypiques et indirects, mais très caractéristiques et très
importants à déceler.
Il est utile, en effet, de savoir que la présence d’une RH peut fortement
aggraver un tableau clinique de Soumission (PGS), et réciproquement. Cela
est d’autant plus vrai que le thérapeute donne à faire au patient des exer-
cices destinés à traiter sa soumission21. Ces exercices qui d’ordinaire amélio-
rent l’état du patient peuvent générer ici une acutisation des symptômes de
RH, avec une apparition possible de troubles somatiques tels que céphalées
et vertiges. Il y a également un risque élevé de déclencher ce que nous appe-
lons un « effet rebond de soumission »22, c’est-à-dire une augmentation des
symptômes de soumission après une période de relative accalmie.

21. Cf. chapitre 2. 4. Thérapie neurocomportementale du PG


22. Cf. chapitre 2. 1. 3. Une mobilité autour d’un point de consigne : l’effet rebond

65
La thérapie neurocognitive et comportementale

Indépendamment de la soumission, une aggravation de la RH peut éga-


lement se manifester lors de la confrontation de l’individu à des stimula-
tions extérieures bruyantes et extraverties : bruit des enfants, des voisins,
de la rue, etc. Elle s’amplifie encore lorsqu’il s’agit de rires, de musique
enjouée et de tout ce qui peut témoigner de la joie ou de la légèreté.
L’individu est généralement « malheureux du bonheur des autres »,
puisque cela le renvoie par contraste à son état et au fait que son entou-
rage lui apparaît comme comblé, insouciant, tandis que lui-même est privé
de son objet et amer. Ce type de tableau clinique nous amène à nous
interroger sur la nature de liens possibles entre la RH et les comporte-
ments extrêmes d’individus qui en viennent aux armes pour tirer sur tout
ce qui les dérange.

Douleur morale liée à l’évitement


L’évitement sans apaisement est, après le vécu d’amertume et d’aigreur, le
deuxième élément diagnostique pathognomonique de la RH. Cet évite-
ment n’est pas automatique comme celui de l’Hypo, il est conscient,
volontaire, plus lent et surtout très douloureux (au sens de la douleur
morale ou psychique). Il ne procure aucun apaisement mais tout au
contraire une rumination obsessive caractéristique et intériorisée.
L’individu en RH a l’impression que tout devient gris, sans couleur et sans
saveur, comme si le bonheur de vivre l’avait quitté.
Cette chape de plomb émotionnelle, qui s’installe « bruyamment » et
consciemment (le jour où l’on décide de rompre une relation à défaut
d’obtenir ce que l’on souhaite de la part de l’autre, par exemple), perdure
très longtemps. Sa durée et son intensité dépendent de l’acuité même
de l’Hyper, de son degré d’inefficacité et du manque de renouvellement
de son objet d’Hyper. En effet, cette dernière caractéristique correspond
au fait que si rien qui ne puisse permettre un changement d’objet d’Hyper
n’est à disposition, alors l’individu aura beaucoup de difficultés à se détour-
ner de sa RH et de son objet. Par ailleurs, il aura d’autant plus de mal à
investir un nouvel objet d’Hyper que l’ancien aura occupé son espace
mental.
L’objet recherché étant devenu inaccessible, l’individu va donc tenter
de ne plus y penser, ce qui est impossible sur une longue période car il fait
l’objet d’une obsession, et peut persister des années voire toute une vie.
C’est le cas par exemple d’un deuil, d’une séparation définitive ou encore
d’un divorce mal vécu. Mais cela peut également concerner des causes qui
paraissent vénielles, futiles à des personnes non atteintes du Contenant

66
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

(par exemple la perte d’un objet de famille). La RH donne à la gestion de


ces événements, parfois difficiles en soi, mais pas toujours, un caractère
franchement pathologique en raison de son intensité, sa durée et son
entrave à la résilience.
À l’opposé, rappelons que, lorsque l’on traite et affronte l’Hypo, l’exer-
cice n’est ni angoissant ni douloureux et s’avère même souvent drôle. De
plus, une fois l’affrontement terminé, les symptômes d’Hypo s’arrêtent et
l’on n’a aucune tendance spontanée à y (re)penser.

Encadré 1.8
Synthèse diagnostique de la RH

Les critères diagnostiques de la RH sont :


1. Amertume, aigreur, souffrance morale
2. Reproches permanents
3. Refus volontaire de penser à l’Hyper mais incapacité à s’en détacher
4. Dans l’évitement, présence d’une forte rémanence, soit :
a. Aucun soulagement immédiat ni à court terme
b. Sentiment de « grisaille », « chape de plomb », perte du goût de
vivre (jusqu’à la dépression) dans la (longue) durée

4.2. Critères diagnostiques de la RH


issus des micro-comportements
Le visage d’un individu en RH est marqué par la souffrance. Il est parfois
dissymétrique, ce qui est sans doute l’expression des tensions contradic-
toires physiques et morales de tout l’individu, situé entre désir frustré et
amertume, et qui n’a nul besoin de bourreau pour le torturer : il est « le
couteau et la plaie » de Baudelaire23, entre regrets et remords, reproches et
culpabilité.
Cette description est bien sûr celle du sujet ou du patient en crise. Il arrive
souvent que le sujet en RH, lorsqu’il n’est pas stimulé par l’objet ou lorsqu’il

23. Baudelaire, C. (1855). Les Fleurs du Mal. L’Heautontimonroumenos. Revue des Deux
Mondes, Paris.

67
La thérapie neurocognitive et comportementale

est distrait, maîtrise (un peu) mieux l’expression de son visage, mais il ne
donne guère longtemps le change. La tension interne qui l’habite, même
contrôlée, transparaît vite sous le sourire (blême, crispé, faussement détendu,
forcé…) de façade. Il est également possible de percevoir que la voix, fausse-
ment calme, peut à tout instant exploser ou se briser. Ceci est encore plus vrai
lorsque cette dynamique souvent explosive, sinon « dépressivo-colérique » ou
« agressivo-vengeresse » de la RH, est associée à d’autres Contenants syner-
giques (personnalité conquérante et justicière, positionnement grégaire mar-
ginal ou dominant, cf. Chapitre 2, et annexe 9). Cela nécessite de la part du
thérapeute une excellente aptitude à la communication.

4.3. Les différentes catégories de RH


Notre expérience clinique nous a permis de distinguer trois types de RH
que nous décrivons ci-après.

La RH par échec d’Hyper et/ou par peur anticipée de l’échec


Si l’Hyper est inefficace, les échecs répétés et/ou l’anxiété par anticipation
par peur de l’échec créent un mal-être tellement fort que celui-ci finit sou-
vent par conduire l’individu à s’interdire l’Hyper, se vouant ainsi à une
amère résignation. Dans des cas extrêmes, il est possible de retrouver le
thème de la chanson « Le fou d’amour » de J. Halliday, où le protagoniste
préfère tuer celle qu’il aime plutôt que de courir le risque de la perdre. Si
l’individu prend conscience de cette possible aberration, ou d’équivalents
bien sûr moins extrêmes mais dramatiquement vécus, alors il fera tout
pour réprimer son Hyper.

La RH par auto-culpabilisation
L’Hyper apporte parfois quelque satisfaction souvent imparfaite mais qui
entretient malgré tout la dépendance. Ce type de satisfaction se fait cepen-
dant au prix de moyens fortement dévalorisés par rapport à ses propres
convictions24, c’est-à-dire méprisables et/ou auto-culpabilisants. L’individu
finit souvent par se dégoûter, se condamner, avoir honte de lui-même et
renoncer à l’objet de son Hyper. Nous appelons globalement ce phéno-
mène la « Répression d’Hyper morale ».

24. Selon nous, les convictions sont notamment supportées par ce que nous avons appelé
les Personnalités ou Motivations Secondaires (cf. Fradin et Lemoullec, 2006,
op. cit. ; annexe 2).

68
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Cette forme de RH peut également se manifester plus fortement encore


en Phase 3, lorsque l’Hyper est en échec. Cette situation peut amener l’in-
dividu, qui se comporte comme une personne droguée et en manque, à
entrer en conflit avec sa culture, ses valeurs, sa morale voire son éthique.
Exceptionnellement, sous l’emprise de cette souffrance intolérable et dans
l’espoir de retrouver, par exemple, une relation perdue, il peut même
affronter certains Hypos situés dans son Hyper25. Cependant, en cas
d’échec (très fréquent en Phase 3), franchir l’interdit que représente
l’Hypo conduit à éprouver rétrospectivement une intense honte, d’où des
remords inassumables et une RH.

La RH « Raisonnable »
Contrairement aux apparences, le terme « raisonnable » ne désigne pas ici
une prise de recul pleinement réfléchie, assumée et donc apaisante26. Il
s’agit davantage de s’efforcer d’être raisonnable (malgré soi) que de faire
preuve d’une pleine sagesse et maturité.
L’individu tend à retrouver une cohérence, au moins factuelle et de
façade : il déplore et se montre las de ne pas pouvoir s’expliquer à lui-même
ni aux autres tous ses excès et une vie souvent aberrante (puisqu’addic-
tive). Il souhaite se reprendre en main pour faire enfin des choses
« normales », comme tout le monde : son métier, éduquer ses enfants,
s’acheter une maison, préparer sa retraite, etc.
Il cherche également à se montrer socialement plus acceptable, au
moins en apparence. L’individu ne souhaite plus donner de lui une image
immature et invasive, comme celle d’un enfant gâté jamais content, exi-
geant et éternellement insatisfait. Il souhaite se rendre plus respectable et
adopter une vie moins ambitieuse mais plus tranquille (i.e. moins parse-
mée de RH).
Ce type de RH est sensiblement moins douloureux que les deux autres
formes. La RH Raisonnable permet en effet de réduire la spirale infernale

25. Un Hypo situé dans un Hyper est un Hypo qui va entraver l’efficacité de l’Hyper. Ce
peut être par exemple avoir un Hypo sur le fait d’exprimer ses sentiments, qui
engendre ainsi un Hyper d’attente des sentiments.
26. De tels calme et prise de recul face aux situations complexes serait liés, d’après nos
recherches et observations, à un mode de fonctionnement mental de type adaptatif,
i.e. un mode de fonctionnement permettant à l’individu d’avoir un raisonnement
intègre, logico-rationnel et ajusté à la situation. Ce mode de fonctionnement serait
semble-t-il permis par l’activation du cortex préfrontal (cf. Fradinet al., 2008 ; Fradin
et al., 2006).

69
La thérapie neurocognitive et comportementale

de la frustration aiguë qui s’exprime par des comportements de plus en plus


asociaux, et le niveau d’incohérence de l’Hyper, qui ajoute en soi une
source de stress (Fradin et al., 2008, op. cit.). Cependant, cette RH n’en
reste pas moins source de tendance dépressive latente :
1. Elle est d’autant plus trompeuse qu’elle est plus discrète, camouflée
partiellement ou entièrement (pour un regard non exercé), car hon-
teuse ou taboue. Elle est cachée sous un discours feignant l’équilibre,
mais s’apparente à une dépression difficile à cerner et dont l’individu
n’est cependant pas vraiment dupe lui-même.
2. Il est malgré tout possible de la suspecter d’un point de vue exté-
rieur, par le truchement d’indices tels que :
a. Des antécédents de RH plus flamboyants.
b. Certains aspects du visage tels que pâleur, crispation ou sourire
forcé et un peu asymétrique.
c. Les discours quelque peu paradoxaux et contradictoires avec le
comportement qui font dire au patient « quand j’étais déprimé… »
(sous-entendant qu’il ne l’est plus). Ce type de déclaration traduit
généralement une RH Raisonnable, une douleur psychologique
moins aiguë que les autres types de RH certes, mais faussement
guérie et laissant l’individu tout à fait déprimé. Le risque de sui-
cide non annoncé n’y est pas rare.
La RH Raisonnable est facilitée par certaines synergies avec d’autres
Contenants. Ceux-ci sont notamment relatifs à ce que nous considérons
comme des profils de personnalité de type altruiste et/ou raisonnable
(cf. Fradin & Lemoullec, 2006, op. cit. ; annexe 2), ou à des
« Positionnements Grégaires » de type Intégré27 ou Soumis (cf. Chapitre 2).
Le film Le mari de la coiffeuse, de P. Leconte (1990), illustre magnifi-
quement un intermédiaire entre la RH raisonnable et la RH par peur anti-
cipée de l’échec : l’un des protagonistes se suicide de façon totalement
inattendue, au grand désarroi de son partenaire et au moment de ce qui
pourrait être l’apogée de leur relation. L’explication fournie est que le sui-
cidé préférait « s’en aller » avant d’être quitté ou de n’être plus désiré par
son partenaire, avant que le désir fasse place à la tendresse, qui serait alors
jugée insuffisante.
Une fiche synthétique et pratique du diagnostic et du traitement de
RH est présentée en annexe 7.

27. Le Positionnement Grégaire dit « Intégré » correspond à une tendance à manifester


une confiance excessive et irrationnelle en autrui.

70
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Nom de l’attitude
Caractéristiques observables
ou du comportement

Aversion sans implication, soit une des trois


réactions suivantes :
– Mépris ou agacement
– Gêne
Hypo
– Admiration jusqu’aux larmes
et/ou
Aversion dans la situation + évitement avec apaisement

Désir + peur liée à l’anxiété d’anticipation = ambivalence


émotionnelle
Hyper ou
Intolérance à l’échec (= dépendance) ou insatisfaction
malgré de bons résultats

Douleur morale
Répression
Amertume
d’Hyper
Évitement sans apaisement (= rémanence de la douleur)

Tableau 1.1
Synthèse des éléments de diagnostic des Hypos, Hypers et RH

5. COMPARAISON DE CERTAINS TROUBLES


TYPIQUES À L’HYPER

Les exemples cités dans ce chapitre sont des cas de figure que nous
avons souvent rencontrés, mais il ne serait pas judicieux de les consi-
dérer comme des généralités, alors qu’ils ne représentent encore qu’une
hypothèse de recherche. Dans le cas où le thérapeute serait confronté
à de pareilles symptomatologies, il lui faudra établir un diagnostic dif-
férentiel.
Par ailleurs, le lecteur pourra également constater que de nombreuses
autres catégories d’addiction émergeant aujourd’hui peuvent entrer dans
le cadre des Hypers ou pourraient pour le moins être envisagées de ce
point de vue (addictions au jeu de hasard et d’argent, aux jeux vidéo, à la
communication via Internet, à la nourriture, etc.).

71
La thérapie neurocognitive et comportementale

5.1. Amour et Hyper

L’amour passionnel
Il est relativement reconnu que l’attraction physique et amoureuse est le
fruit d’un grand nombre de facteurs plus ou moins conscients et élaborés
d’un point de vue phylogénétique (jeu hormonal, complémentarité géné-
tique, similarité du (de la) partenaire avec les premières figures d’attache-
ment, etc., cf. Vincent, 2012, 2005 ; Ortigue, 2010). Cependant, une
certaine gamme de comportements amoureux, notamment ceux ayant
trait à une forme particulière de passion, relève selon nous d’Hypers.
En effet, de nombreuses études traitent de l’amour passionnel et de son
corollaire qu’est la déception amoureuse. Certains auteurs proposent de
considérer ces comportements non comme une forme simple de dérégula-
tion affective, mais comme les symptômes d’une addiction comportemen-
tale à part entière, et suggèrent de les traiter comme tels (Brockman,
2011 ; Sussman, 2010).
Reynaud et al. (2010) déclinent certains critères permettant d’assimi-
ler l’obsession amoureuse à une addiction comportementale :
1. Euphorie et désir incoercible en présence de l’être aimé (apparenté
à une intoxication à certaines drogues).
2. Humeur maussade, anhédonie et troubles du sommeil en l’absence
de l’être aimé (ou en période de sevrage de la substance addictive).
3. Attention focalisée sur l’objet d’amour (ou la substance faisant
défaut) et pensées intrusives à son sujet.
4. Comportements peu adaptés et problématiques malgré la connais-
sance de leurs conséquences possiblement néfastes : ces comporte-
ments peuvent être par exemple une forme d’intrusivité et
d’obsessionnalité nuisant aux relations sociales.
Ces critères sont tout autant de symptômes apparaissant dans les com-
portements d’Hyper. L’autre est souvent celui qui nous permet, par sa façon
d’être, d’avoir accès à certains comportements ou choses que l’on s’interdit
ordinairement. Avec l’autre « tout devient possible ». Sans lui, l’individu
connaît un sentiment intense de perte, de désespoir et la rémanence de bons
et mauvais souvenirs, caractéristiques de la RH (cf. Fisher et al., 2010).
Par ailleurs, d’autres travaux tendent à montrer que les aires cérébrales
activées dans le système de récompense/perte sous-jacent à l’addiction à
la cocaïne sont similaires à celles associées à la douleur d’une déception
amoureuse (le stimulus proposé dans ces études étant l’image d’un être

72
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

aimé qui nous a rejetés, cf. Fisher et al., 2010, op. cit.)28. L’équipe de Xu
(Xu et al., 2012a) a également mis en évidence le fait que l’amour pas-
sionnel atténuait la réceptivité cérébrale à la nicotine. Les auteurs en ont
conclu que l’amour passionnel agit comme un substitut de la nicotine. En
d’autres termes, ils supposent qu’un objet amenant une récompense d’ordre
addictif peut remplacer la récompense apportée par un autre objet de
même ordre, en activant le même système de récompense/perte.
D’autres auteurs ont évoqué le fait que le rejet amoureux apparaissant
suite à une rupture, encore appelé le « Syndrome du cœur brisé » (« Broken
Heart Syndrome », en anglais), semblait être en lien avec l’activité de
zones cérébrales également impliquées dans l’attraction amoureuse (Aron
et al., 2005 ; Field, 2011). Cette observation est cohérente avec le fait que
l’Hyper et la RH soient deux facettes d’un même phénomène.
Au demeurant, si l’amour passionnel est un bon candidat à la symp-
tomatologie typique de l’Hyper et de la RH, il est évident que ces
Contenants ne suffisent pas à expliquer toutes les formes d’attraction
relationnelle, d’amour et d’attachement profond. En effet, nous suppo-
sons que les formes d’attachement (qu’elles soient d’ordre amoureux ou
non, qu’elles impliquent des relations intimes ou non) exclusivement
ou majoritairement issues d’un processus Hyper sont fragiles. Ceci nous
paraît particulièrement flagrant lorsque nous observons que soi-même ou
autrui est d’un naturel à passer fréquemment de passions enflammées
spontanées en déceptions amoureuses. À l’inverse, les relations durables
semblent souvent (entre autres) teintées de respect, d’empathie, d’accep-
tation réciproque et d’ouverture d’esprit, capacités qui sont généralement
particulièrement entravées lors de certaines Phases (notamment 3 et 4)
du processus Hyper-RH (cf. Cheng et al., 2010). À ce titre, certains cher-
cheurs tendent à s’atteler à la mise en évidence des mécanismes céré-
braux et comportementaux sous-jacents à l’amour durable (Acevedo et
al., 2012 ; Xu et al., 2012b). Par ailleurs, il semblerait que les hormones
que sont la vasopressine et l’ocytocine soient précisément impliquées
(entre autres) dans les processus d’attachement fort (attachement vis-à-vis
du partenaire ou de l’enfant), mais qu’elles n’apparaissent pas dans les
mécanismes neurochimiques sous-jacents aux addictions comportemen-
tales classiques (Burkett et al., 2012).

28. Les régions cérébrales impliquées dans l’étude de Fisher et al. (2010) sont : l’aire
tegmentale ventrale, le striatum, certaines régions du CPF et le gyrus cingulaire. Le
CPF est soupçonné d’être engagé dans une tentative de régulation de l’émotion
(cf. Fisher et al., 2010).

73
La thérapie neurocognitive et comportementale

L’addiction sexuelle
Il est important de rappeler que nous distinguons l’amour passionnel de
l’hypersexualité. Malgré l’intérêt médiatique croissant qu’il suscite et le
questionnement dont son intégration éventuelle dans le DSM-V a fait
l’objet (Kafka, 2009 ; APA, 2013)29, le syndrome de l’hypersexualité peine
à être défini car sa classification parmi les addictions comportementales
fait débat (Joannides, 2012).
À l’instar de l’amour passionnel, l’addiction sexuelle ou « hyper-
sexualité » comporte les caractéristiques suivantes : obsessionalité, agis-
sements compulsifs destinés à pouvoir bénéficier de l’objet désiré
malgré les conséquences néfastes de ces agissements pour l’individu,
intrusivité des pensées associées à l’objet désiré, etc. La différence
majeure entre certaines formes d’amour passionnel telles que citées
supra, et l’addiction sexuelle, est l’objet même de l’obsession. Dans le
premier cas, l’obsession porte sur un individu objet d’amour, tandis que
dans le second l’obsession porte sur l’(les) acte(s) sexuel(s) de diffé-
rentes natures.
Ce type de syndrome est interprété, traité ou dénommé, selon les
auteurs ou praticiens, tantôt comme un « trouble sexuel », tantôt comme
un « trouble du contrôle sexuel », ou encore comme un « Trouble
Obsessionnel Compulsif (TOC) », ou enfin comme une addiction. La
communauté scientifique et clinicienne, dans sa globalité, semble mal-
gré tout encline à considérer que l’hypersexualité puisse être une addic-
tion comportementale (Garcia & Thibaut, 2010 ; Levine, 2010). En
effet, l’assimilation de ce trouble à un TOC ne semble pas pertinente
car l’obsession liée à l’hypersexualité est caractérisée par un désir incoer-
cible, tandis que l’obsession associée au TOC est de toute autre nature :
elle a pour objectif de soulager une angoisse, une peur. Les autres
concepts cités plus haut semblent par ailleurs être relativement flous et
moins proches de la réalité de ce syndrome que ne l’est l’addiction
comportementale.
Dans le cadre de notre modélisation des troubles psychiatriques et de
la littérature scientifique actuelle, nous faisons l’hypothèse de l’existence
de deux formes de troubles conduisant à une hypersexualité :

29. L’addiction sexuelle a en fin de compte été rejetée par les experts ayant rédigé le
DSM-V. Ils ont considéré que trop peu d’éléments pouvaient permettre de consi-
dérer avec affirmation que les comportements sous-jacents à ce qui est usuellement
considéré comme une « addiction sexuelle » sont effectivement de l’ordre de l’ad-
diction.

74
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

1. Nous rejoignons la mouvance scientifique générale tendant à dire


qu’une forme d’hypersexualité serait une addiction comportemen-
tale ;
2. Nous supposons également qu’une des manifestations de la domi-
nance30 peut s’apparenter à de l’hypersexualité.
Une partie de la littérature scientifique tend à montrer que la honte
est fortement associée à l’addiction, et notamment l’addiction sexuelle, au
point de les considérer parfois comme les deux facettes d’un même objet
(Fossum & Mason, 1986 ; Reid et al., 2010 ; Dearing et al., 2005 ;
O’Connor et al., 1994 ; Reid et al., 2008). Cette honte ne semble pas seu-
lement être une conséquence de l’hypersexualité, mais paraît également
participer activement à son maintien et pourrait même en être la cause
(Wilson, 2012 ; Gilliland et al., 2011 ; Young, 1991). Est généralement
évoquée une honte sur un objet apparaissant lors des rapports intimes ou
conduisant à eux. Cet objet peut être par exemple la capacité à satisfaire
son partenaire, la séduction, l’attachement intime ou autre31. Dans la
continuité de cette hypothèse, un certain nombre d’études invoque plus
particulièrement la phobie sociale dans l’apparition de l’addiction sexuelle
(Hoyer et al., 2001 ; Golwinn & Sevlie, 1992). Si l’addiction sexuelle est
souvent considérée, à cette aune-là, comme une stratégie permettant de
faire face (coping, en anglais) à la douleur associée à la honte, nous faisons
l’hypothèse que cette addiction relève de prime abord d’un mécanisme de
compensation de type Hyper. Certains auteurs suggèrent par exemple que
le traitement de la honte associée à ce type d’addiction soit la condition
sine qua non pour parvenir à réduire significativement l’addiction (Adams
& Robinson, 2001 ; Wilson, 2012, op. cit. ; Young, 1991, op cit.), constat
qui appuie encore nos hypothèses.
Par ailleurs, d’autres travaux ont mis en évidence un lien entre le fac-
teur de neuroticisme (ou névrotisme), l’addiction sexuelle et la honte. La
modulation des liens entre ces différents paramètres est encore à l’étude.
Or le trait de neuroticisme, défini comme une tendance à l’humeur néga-
tive, au désespoir, à l’envie et à la jalousie (Mattews & Deary, 1998 ;
Thompson, 2008), n’est pas sans rappeler les Contenants d’Hyper, et
notamment de RH.

30. Cf. chapitre 2. 2. 3. Description clinique des quatre personnalités difficiles ou paléo-
personnalités selon la TNC.
31. Nous attirons l’attention du lecteur quant au fait de ne pas considérer que la honte
associée aux différents comportements cités engendre systématiquement une addic-
tion sexuelle. La même remarque peut être faite concernant la phobie sociale.

75
La thérapie neurocognitive et comportementale

Notre observation clinique rejoint l’ensemble des comparaisons déve-


loppées supra. Cependant, nous considérons qu’un autre type de méca-
nisme ou trouble peut faire apparaître des symptômes d’hypersexualité.
Nous supposons en effet que la dominance32, se traduisant plus générale-
ment par un trouble allant de l’excès d’affirmation de soi à la personna-
lité antisociale peut manifester un comportement d’hypersexualité. Les
comportements de dominance-soumission, qui pourraient être liés à l’ac-
tivation de zones cérébrales responsables d’un mode de fonctionnement
hiérarchique primitif (cf. Kumaran et al. 2012 ; Mazur, 2005), « impose-
raient » parfois à l’individu des comportements de prédation et des rituels
d’allégeance dont l’acte sexuel fait partie.
Parmi les différences qui nous mènent à distinguer l’hypersexualité
liée à la dominance de l’addiction sexuelle, figure notamment le fait
que la honte ne soit pas déterminante et caractéristique de la domi-
nance. En soi, la dominance ne génère pas de sentiment de honte à pro-
prement parler ni de tendance à la dépression. La dominance est
sensible à l’humiliation dans le sens où celle-ci peut influer sur une
conception spécifique de l’image sociale de l’individu. Cette image
sociale est en lien avec les notions de rapports de force et de « rang »
social au sens instinctif et primitif du terme (cf. Amaral, 2003). Elle
n’est pas, comme pour l’Hypo, en rapport avec une potentielle norme
sociale ou un tabou social. Ainsi, un dominant peut par exemple être
« humilié » par plus dominant que lui, et de ce point de vue s’en trou-
ver inférieur aux yeux du groupe. Nous attirons l’attention du lecteur
sur le fait que notre propos n’est absolument pas de légitimer ces rap-
ports, mais simplement de tenter d’expliquer comment ils peuvent être
vécus et perçus par les individus animés par ces Contenants. Par ailleurs,
nous observons que plus la dominance est manifeste, plus l’individu est
enclin à avoir recours à la force, à la violence et à l’intimidation, et à
commettre des agressions sexuelles (Cale & Lussier 2011 ; Fedoroff,
2008 ; Mouilso & Calhoun, 2012).
Si nous distinguons là deux processus pouvant amener à l’hypersexua-
lité, nous faisons malgré tout l’hypothèse que l’addiction sexuelle peut
être favorisée par la dominance. En effet, nos observations cliniques
nous conduisent à constater que la propension à la dominance, si faible
soit-elle, peut engendrer une représentation ou une appétence pour les
rapports sexuels un tant soit peu « colorés » par le rapport de force. Si

32. Cf. Chapitre 2. 2. 3. Description clinique des quatre personnalités difficiles ou paléo-
personnalités selon la TNC.

76
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

ce type de conduite a été fortement dévalorisé aux yeux de l’individu,


ou si l’individu a été marqué par une mauvaise expérience (c’est-à-dire
« honteuse », au sens du tabou social) durant l’adolescence par exemple33,
il se peut qu’il construise une forme d’addiction sexuelle, qui sera davan-
tage tournée vers la cyberpornographie ou d’autres moyens de pouvoir
satisfaire son addiction et son besoin de contact, sans en passer par les
démarches de séduction « classiques » et « normées ». Si ces démarches,
ayant souvent pour objectif l’attachement plus ou moins durable à autrui,
font défaut à l’individu « sexual addict », alors ses représentations et ses
capacités d’attachement en seront fortement entravées. À ce titre, la lit-
térature scientifique évoque fréquemment le fait que les sexual addicts
présentent une forme de déficit dans l’attachement, une perte de
confiance en l’autre. Certains chercheurs déclarent que l’addiction
sexuelle est un moyen de compenser ce déficit (Adams & Robinson,
2001, op. cit. ; Carnes, 1991 ; Schwartz, 1996)34. Il se peut que ce défi-
cit provienne alors de la honte liée à l’acte sexuel. En revanche, un indi-
vidu essentiellement dominant et dépourvu de tabou sur le sujet ne
manifestera aucune honte, tout au plus une culpabilité feinte et straté-
gique (destinée à apitoyer son entourage et à alléger les accusations à
son encontre).
Les médias en parlent déjà, mais si ces hypothèses sont avérées par la
recherche scientifique, l’inquiétude pourrait-on dire « nationale » à l’égard
de l’augmentation, chez les jeunes adolescents (et de plus en plus jeunes),
du recours à la cyberpornographie et de l’encouragement à des pratiques
sexuelles de moins en moins respectueuses voire dramatiques (viols, « tour-
nantes », etc.), est justifiée (cf. Biddulph, 2013). À la lecture de nos hypo-
thèses, cette mouvance alimentera les rapports de force et, au mieux, des
complexes et des addictions notamment sexuelles, impliquant des difficul-
tés d’attachement et des dépressions au long cours.
Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que nous distinguons le
concept d’hypersexualité d’une appétence simplement prononcée pour
l’acte sexuel, laquelle n’engendre ou n’est pas le symptôme d’un trouble
dépressogène, addictif ou assimilable à de la prédation et à un comporte-
ment hétéro-agressif.

33. Nous rappelons que les Hypos se construisent selon nous durant les périodes d’en-
fance et d’adolescence mais guère au-delà.
34. Si ce déficit est interprété par les auteurs comme le fruit d’une perturbation des rap-
ports avec les premières figures d’attachement, nous élargissons cette possibilité à
tout individu susceptible de provoquer un attachement ou de représenter un parte-
naire sexuel.

77
La thérapie neurocognitive et comportementale

5.2. Travaillomanie et burn-out


S’inscrivant dans le champ des Risques Psycho-Sociaux et dans le contexte
économique actuel, la notion de « burn-out »35 a été élargie à d’autres
métiers que ceux du soin, et se voit particulièrement étudiée et médiati-
sée aujourd’hui. Le burn-out a été défini comme un état d’épuisement asso-
cié à une conception cynique de la valeur de son poste et un scepticisme
quant à ses capacités à l’occuper (Maslach et al., 1996 ; Maslach & Leiter,
2008). Le burn-out est reconnu pour engendrer un certain nombre de
troubles typiques tels que la dépression et des troubles psychosomatiques
divers (troubles du sommeil, troubles cardiovasculaires, anxiété, infec-
tions, etc., cf. Shirom et al., 2005).
Les diverses recherches sur le sujet ont de prime abord eu quelque dif-
ficulté à présenter des résultats assurant une compréhension cohérente de
ce phénomène. Il va sans dire qu’un environnement de travail trop « pres-
surisant » sera susceptible d’affecter l’individu dans toutes ses dimensions
(émotionnelle, cognitive, physique, sociale, etc.). Cependant, certaines
études ont tenté de mettre à jour ce qui pouvait, intrinsèquement, rendre
l’individu plus ou moins vulnérable à ce type d’environnement. À l’instar
des études menées dans des disciplines telles que la victimologie, ces tra-
vaux s’avèrent assez délicats à réaliser, à interpréter et même à évoquer,
car il existe un risque de dérive consistant à dire que l’individu est l’essen-
tielle source de son propre mal-être (ou de sa situation de victime dans
notre comparaison) relativement indépendamment de tout paramètre
extérieur, ce qui ne peut bien entendu constituer une généralité. Malgré
cela, il est utile de connaître les facteurs de vulnérabilité des individus
pouvant présenter un burn-out, afin d’assurer de meilleurs traitements et
préventions de celui-ci. Cela ne dispense en aucun cas la responsabilité
de chacun.
La façon dont l’individu appréhende la (sur)charge de travail occasion-
nant son épuisement a suscité un intérêt particulier dans l’étude du burn-
out. Il a été mis en évidence, indépendamment des sollicitations externes
objectives, que les personnes les plus enclines à développer un burn-out
étaient les « travaillomanes » nommés plus usuellement les « workaholics »

35. À l’origine, le burn-out concernait essentiellement les individus dont le métier


consiste à apporter du soin et appelle à avoir de l’empathie ou de la compassion
(médecins, infirmières, urgentistes, oncologues, etc.). Le burn-out tend en effet à
priver l’individu de son empathie et de son écoute d’autrui, ce qui est particulière-
ment handicapant dans l’exercice de tels métiers, au-delà du mal-être que cela
génère, de surcroît, chez l’individu qui en souffre.

78
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

(en anglais ; VanBeek et al., 2011). Ces termes sous-entendent une forme
d’addiction au travail, laquelle reposerait sur deux principaux éléments :
une tendance à accorder une proportion trop importante de temps à son
travail et une propension à travailler compulsivement. Un nombre consé-
quent de travaux n’a cependant pas pu mettre en évidence un lien uni-
voque entre le fait de trop travailler et le mal-être ou le burn-out. En effet,
si certaines études ont montré une corrélation entre l’excès de travail et
le mal-être (Aziz & Zickar, 2006 ; Burke & Matthies, 2004 ; Taris et al.,
2005 ; van Den Broeck et al., 2011), d’autres ont au contraire mis en évi-
dence un lien entre une tendance à beaucoup travailler, le bien-être et la
santé (Becker et al., 2004). Ainsi, une autre forme de « travaillomanie » a
été identifiée et a été conceptualisée sous le nom « d’engagement au tra-
vail » (« work engagement », en anglais, Schaufeli et al., 2008). Ce type de
rapport au travail semble prédisposer l’individu à ressentir une forme d’ac-
complissement dans son travail et lui conférer36 :
1. des capacités de résilience lui permettant de faire plus aisément face
aux situations difficiles ;
2. un sentiment d’implication teinté d’enthousiasme et de créativité ;
3. une capacité de concentration aiguë empêchant notamment l’indi-
vidu de se rendre compte du temps qu’il consacre à sa tâche.
Tandis que le workaholism (WA) conduit l’individu à rapporter davan-
tage d’insatisfaction dans sa vie, des problèmes de santé et un impact
négatif de sa vie au travail sur sa vie personnelle, le work engagement
(WE), semble influer positivement sur l’individu. Le WE serait en lien
avec une meilleure satisfaction de son travail, une moindre intention de
quitter l’organisme, un moindre absentéisme, une meilleure santé aussi
bien physique que psychologique, un temps consacré au travail « volon-
taire », aux loisirs et à la vie personnelle plus importants qu’en ce qui
concerne les employés « non engagés » (cf. van Beek et al. 2011, op. cit. ;
Schaufeli & Salanova, 2007 ; Schaufeli et al., 2008, op. cit.).
Dans ce cadre, la « Théorie de l’auto-détermination » (Self-Determination
Theory, SDT, en anglais, Deci & Ryan, 2002 ; Ryan & Deci, 2000) pro-
pose que le rapport d’un individu à une activité soit essentiellement
guidé par deux types de motivations : les motivations intrinsèques et les
motivations extrinsèques. Les premières sont relatives au fait de pratiquer
une activité parce que celle-ci est en soi intéressante et satisfaisante.

36. Ces différentes caractéristiques sont respectivement dénommées, en anglais,


« Vigor », « Dedication » et « Absorption », dans le modèle d’origine (Schaufeli et al.,
2008, op. cit.).

79
La thérapie neurocognitive et comportementale

Ce type de motivation correspond à un réel choix de la part de l’indi-


vidu que de réaliser cette activité, ce qui le rend autonome et déterminé
dans sa démarche et dans sa pratique. Les motivations extrinsèques sont
a contrario des motivations qui ne sont pas inhérentes à l’activité mais à
ce qu’elle permet d’obtenir. L’activité concernée a une valeur instrumen-
tale. Les travaux de van Beek et al. (2012) laissent penser que les per-
sonnes fonctionnant selon un mode WA étaient essentiellement guidées
par des motivations extrinsèques, tandis que les personnes fonctionnant
en mode WE sont majoritairement influencées par des motivations
intrinsèques.
Le modèle explicatif proposé par van Beek et al. (2011 ; 2012, op. cit.)
nous paraît pouvoir interpréter, de façon cohérente, les résultats d’études
indiquant tantôt un mieux-être, tantôt un mal-être en association avec un
temps important (voire excessif) consacré au travail. Par ailleurs, ajouté à
notre expérience de ces phénomènes, il nous amène à supposer l’implica-
tion de différents Contenants, dont l’Hyper (et la RH) dans la genèse du
burn-out.
En effet, les éléments nous permettant d’associer le burn-out à la RH
sont :
1. un épuisement moral de l’ordre de la dépression,
2. une réflexion cynique vis-à-vis de l’objet source de désagrément (ici
le travail), laquelle traduit un sentiment d’amertume (puisqu’associé
à la dépression et à un sentiment d’incapacité d’occuper son poste),
3. le développement d’une distance mentale vis-à-vis de cet objet,
4. une insatisfaction marquée vis-à-vis de l’objet,
5. un désengagement vis-à-vis de l’organisme associé à cet objet (tra-
vail), souvent en lien avec le fait de planifier son départ de l’entre-
prise,
6. une perte d’efficacité.
L’ensemble des éléments cités supra nous rappelle la RH, et nous
convainc un peu plus de cette apparenté lorsqu’il succède aux comporte-
ments suivants (de type WA) :
– une tendance à travailler à l’excès et de façon compulsive,
– l’incapacité à désengager sa pensée du travail même lors des temps
de loisirs ou de vie personnelle,
– de l’anxiété,
– un intérêt pour son travail exclusivement centré, à l’origine, sur une
récompense matérielle ou sociale (comme la fierté, la reconnais-
sance, l’argent, un bonus, l’approbation de son supérieur, etc.),

80
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

– une tentative d’adoption de comportements correspondant soit à


une façon standard d’exercer son métier, soit à une façon d’être por-
tée par le métier, et qui confère à l’individu un fonctionnement qui
ne lui correspond pas.
Ces différents symptômes nous évoquent un mécanisme de compensa-
tion de l’Hyper, notamment parce qu’ils sont en lien, selon la plupart des
auteurs, avec l’estime de soi ou l’estime de sa propre valeur (Deci & Ryan
2002, op. cit. ; Koestner & Losier 2002 ; Ryan et Deci, 2000, op. cit. ; van
Beek et al. 2011, op. cit. ; van Beek et al., 2012, op. cit. ; van den Broeck
et al., 2011, op. cit.).
En revanche, lorsque les motivations générant le WA ont davantage trait
à la culpabilité de ne pas rendre un travail correct ou de ne pas assez tra-
vailler, nous sommes enclins à penser que ces raisons sont en relation avec
du PGS37. Cependant, le PGS à lui seul ne suffit pas à expliquer tous les
symptômes, comme par exemple le cynisme et le désengagement lié à l’amer-
tume. Un certain type de profil de personnalité pourrait éventuellement
expliquer un fort engagement de départ vis-à-vis de ses supérieurs et de sa
structure (donnant lieu à beaucoup de travail et d’investissement), suivi d’un
risque de « rupture » vis-à-vis de ceux-ci suite à l’objet d’une déception consi-
déré comme une trahison (Fradin & Lemoullec, 2006, op. cit.). Cette forme
de profil de personnalité constitue selon nous les antivaleurs de l’individu,
ce qu’il tolère difficilement ou encore ce qu’il a appris à reproduire pour être
conforme à une norme sociale. Malgré tout, ce profil ne pourrait pleinement
justifier une tendance trop compulsive à travailler, notamment au détriment
des relations avec sa famille et de sa santé. S’ils n’en sont pas la principale
cause, il se peut malgré tout que ces deux types de Contenants (personnalité
constitutive de certaines valeurs et antivaleurs, PGS) puissent alimenter ou
favoriser la tendance au WA et au burn-out.
Qu’en serait-il alors des personnes fonctionnant selon un mode WE ?
À l’instar des équipes de van Beek et de Deci, nous faisons l’hypothèse
que ces personnes sont essentiellement guidées par des motivations intrin-
sèques, résistantes à l’échec. Ce type de profil correspond à ce que nous
avons décrit dans de précédents ouvrages comme des personnalités dites
« primaires », au sens où elles ont été forgées lors de la prime enfance de
l’individu et constituent une source de motivation pérenne, durable voire
inépuisable chez la personne concernée (cf. Fradin & Lemoullec, 2006,
op. cit. ; Fradin & Fradin, 2006 ; annexe 2).

37. Cf. chapitre 2.2.3. Description clinique des quatre personnalités difficiles ou paléo-
personnalités selon la TNC.

81
La thérapie neurocognitive et comportementale

6. MODÉLISATION PARTIELLE DES HYPOS ET HYPERS


La modélisation opérationnelle des Hypos et des Hypers permet, une fois
que les différents Contenants et Contenus associés ont été identifiés, de
déterminer une stratégie thérapeutique.
Les deux premières étapes de cette modélisation sont importantes et
incontournables. Il s’agit de :
1. Simplifier et synthétiser les observations cliniques, soit :
a. Identifier les paramètres actifs (Contenus précis) des Contenants
b. Identifier ensuite les sous-paramètres
c. Identifier enfin les « méta-paramètres »38
2. Mettre en évidence les liens de causalité existants entre RH, Hypers
et Hypos
Ces différentes étapes sont décrites dans les chapitres qui suivent.

6.1. Simplifier et synthétiser les observations cliniques

La recherche des paramètres actifs


Il est possible de réaliser un affrontement-test diagnostic d’Hypo pour vali-
der chaque Contenu ou objet mental (pensée, attitude, action, situation,
commentaire…) associé à un Contenant d’Hypo. Ce recueil d’informa-
tions concernant les Hypos peut être directement issu de l’observation du
patient dans sa vie quotidienne, ou de celle du thérapeute pendant les
séances (le patient pourrait par exemple déclarer : « Les gens qui hésitent
et bafouillent pour un rien me gênent… »). Dans ce cadre, la Résonance est
un moyen extrêmement puissant, fiable et simple de mettre en évidence
un grand nombre d’Hypos. L’inconvénient de cette collecte est qu’elle
s’avère souvent trop abondante et que l’on risque de passer un temps
considérable autour de Contenus mal dégrossis. Or l’intérêt de l’exercice
est de pouvoir déceler des Hypos qui recoupent un petit nombre de para-
mètres réellement actifs et qui suffisent à déclencher réellement toute la
Résonance. En mathématiques, on parlerait de « plus petit dénominateur
commun » de ce qui déclenche le Contenant d’Hypo dans une Résonance.
On peut également opérer de façon plus méthodique, à l’aide d’un
questionnement ouvert de type socratique : « quoi ? », « comment ? »,

38. Les méta-paramètres sont des ensembles cohérents reliant de simples paramètres
entre eux. Ces méta-paramètres sont souvent le fruit de la personnalité de l’individu
(cf. chapitre 1.6.1.3. La recherche des méta-paramètres).

82
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

« quand ? » et autres « pourquoi ? »39. Ces questions permettent de recher-


cher ce qui produit quoi dans toutes ces Résonances. Cependant, à la dif-
férence d’un questionnement socratique classique, le thérapeute doit
adjoindre systématiquement, au début de chaque question, une incise
incluant le Contenant exploré.
Exemple de questionnement socratique de recherche d’Hypo :
Le Thérapeute : « Qu’est-ce qui vous agace ou, plus généralement,
qu’est-ce qui vous met en Résonance, i.e. provoque agacement, gêne ou admi-
ration larmoyante chez vous, quand les enfants se chamaillent ? »
Le Patient : « Leur agitation, c’est insupportable.
– Pourquoi cela vous agace ?
– Parce qu’on ne leur a pas appris à se tenir...
– Et pourquoi cela vous agace-t-il ?
– Parce que je n’aime pas le désordre…
– Et pourquoi n’aimez-vous pas cela ?
– Je ne sais pas, sans doute parce que pendant mon enfance, il fallait tou-
jours tout ranger et se tenir à carreau… »
Une petite vérification est utile pour s’assurer que la condition de non-
implication reste bien remplie :
Le Thérapeute : « Et le désordre au cinéma, ça vous agace ? »
Le Patient : « Oui, j’aurais envie de tout ranger partout… ou de partir !
– Et vous ne savez toujours pas davantage ce qui vous agace dans le
désordre ?
– Non, aujourd’hui, je fais ça pour satisfaire personne d’autre que moi, ça
ne me plaît pas, c’est tout ce que je vois pour l’instant… »
Il est un stade de ce questionnement où l’on obtient toujours les mêmes
réponses. En général, on arrête alors ce processus et l’on considère que l’on
a trouvé (provisoirement) le paramètre actif de l’Hypo ou du moins que
l’on est sur son chemin. Avant d’être sûr de son diagnostic, il faut cepen-
dant le vérifier lors de l’affrontement d’Hypo.
Dans l’exemple cité ci-dessus, nous pouvons voir qu’au départ du ques-
tionnement, nous disposons de paramètres dont on ne connaît pas l’acti-
vité, à savoir « enfants » et « chamaille ». Puis, à l’aide de quelques questions

39. Nous noterons que ces questions portent davantage sur ce que suggère et signifie
l’objet potentiellement Hypo pour le patient, que sur la genèse historique de cet
Hypo (comme ce serait le cas si l’individu était amené à répondre ainsi : « c’est quand
mon papa me disputait que… »).

83
La thérapie neurocognitive et comportementale

portant sur l’objet (« quoi ? ») et la causalité (« pourquoi ? »), nous parve-


nons à isoler un paramètre souvent extrêmement précis, qui dans l’exemple
considéré est le « désordre ». S’il s’avère que ce paramètre est effectivement
actif, le thérapeute peut constater que le patient est effectivement agacé
lorsqu’il le teste en affrontement (ou gêné, ou larmoyant d’admiration).
Un tel test serait ici l’évocation même d’adultes qui ne se chamaillent pas,
mais qui sont désordonnés ou créent du désordre (matériel, sonore,
social…).
L’avantage de ce questionnement ouvert (mais fermé sur le Contenant
exploré), et notamment des « quoi » et des « pourquoi », est sa rapidité. En
considérant le patient comme un interlocuteur intelligent, capable de
répondre à nos questions sur le sens et les motivations profondes de ses
comportements et de ses émotions, on évite alors souvent une longue et
difficile enquête policière pour cerner ses « obscurs » mobiles. Ce n’est
qu’en cas d’échec ou pour finir d’affiner ce qui peut rester flou qu’on aura
recours à des questions fermées et analytiques, comme nous allons le voir
dans le chapitre qui suit.

La recherche des sous-paramètres actifs


La recherche de sous-paramètres actifs poursuit le travail précédent à
l’aide d’une autre procédure, consistant à rechercher d’éventuels para-
mètres actifs sous-jacents. Ces derniers expliqueraient à eux seuls plusieurs
paramètres actifs d’Hypos précédemment isolés et validés. En effet, les
limites de la méthode précédente sont d’abord celles des capacités d’in-
trospection du patient, puis accessoirement celles de l’expérience du pra-
ticien. La recherche de sous-paramètres est donc importante pour
approfondir la compréhension et la simplification des Hypos, ainsi que
pour réduire le travail à accomplir.
La modélisation, en général et dans le cas des Hypos en particulier, a
pour but d’optimiser l’efficience thérapeutique et de permettre au patient
de mieux :
– Se (re)motiver vis-à-vis de l’affrontement et de la thérapie, par
davantage de succès, de progrès, une meilleure compréhension de ses
problèmes, etc. ;
– ou se « méta-motiver », c’est-à-dire trouver des raisons agréables ou
utiles, à terme, de faire quelque chose de moins agréable tout de
suite, tel que l’affrontement d’Hypo.
En effet, n’oublions pas que le patient vient a priori pour résoudre un pro-
blème précis et aussi vite que possible. Certes, ceci peut cacher un Hyper

84
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

sur la thérapie et/ou sur le thérapeute parfois, ce qui devient l’un des mul-
tiples problèmes à gérer et à traiter. Cependant, en tant que problème à
gérer, il devient également une demande légitime de la part du patient. Or,
si le thérapeute travaille par exemple des Hypos dans le désordre, à partir
des trouvailles faites au gré de l’exploration des Résonances d’Hypo (notées
sur un carnet d’Hypos, dans la rue, au restaurant ou en regardant la télé…),
il obtiendra, peut-être, quelque résultat un jour ou l’autre pour « le » pro-
blème, ou pas, et on ne peut savoir quand…
Il est alors important de faire dès les premières séances une amorce de
modélisation évolutive des Hypos, Hypers et RH en cours, car lorsque la
souffrance est intense, le patient se démotive très vite s’il ne comprend ni
n’approuve ce que l’on fait. Ce piège est très fréquent en TNC, car le tra-
vail peut s’éloigner très vite des symptômes signifiants et motivants pour
le patient. Il est donc nécessaire de réaliser une pédagogie attentive qui
ne soit :
– Ni excessive et déconcertante (car ce n’est pas un cours).
– Ni erratique et insuffisante : le patient doit comprendre aussi vite
que possible ce que l’on fait, surtout si cela s’éloigne de l’idée qu’il
se fait de la thérapie et de la résolution de son problème. Beaucoup
de gens assimilent la psychothérapie en général à la psychanalyse et
pensent que toutes les thérapies consistent à parler longuement de
ce qui est douloureux. La RH est de ce point de vue un véritable
trou noir à thérapie et la méthode psychanalytique, d’après notre
expérience, ne semble pas du tout permettre de traiter la RH.
Il va sans dire que si le thérapeute lui-même ne dégage pas une idée
assez claire de l’articulation de la ou des problématiques, il sera mal à l’aise
pour guider et faire vivre un travail efficace et fiable au patient. Il risque
également d’être régulièrement surpris par ce qu’il produira.
Certes, pour des raisons de progression pédagogique, en TNC comme
ailleurs, il est utile d’apprendre à se servir d’abord des outils de façon foca-
lisée, sectorielle. Il est assez vain, dans le cas contraire, d’empiler des
« briques » de connaissances et de stratégies qui ne sont pas stables et
cohérentes dans notre tête. Il faut donc d’abord dérouler pas à pas une
démarche simple jusqu’à ce que tout devienne aisé. Cette démarche peut
consister, par exemple, à :
1. faire un diagnostic d’Hyper ou de Répression d’Hyper,
2. faire de la dé-répression de l’Hyper ou de l’amélioration de son effi-
cacité,
3. faire de la pédagogie sur la cascade Hypo/Hyper/RH concernée,

85
La thérapie neurocognitive et comportementale

4. faire un diagnostic de l’Hypo sous-jacent à l’Hyper,


5. isoler le ou les paramètre(s) actif(s),
6. faire un travail thérapeutique comportemental sur l’Hypo,
7. gérer les paramètres modulateurs, etc.
Tout apprentissage commence un peu comme un travail de taupe avec,
pour chaque problème, une galerie. Si le patient présente du stress lié à
un Hyper (notamment en Phases 3 ou 4), on peut, par exemple, agir de
la sorte :
1. On réalise une thérapie cognitive (Gestion des Modes Mentaux ou
GMM, Mindfulness, ou autre, cf. Fradin et al., 2008, op cit.) jusqu’à
une amélioration. Ce mieux-être est souvent partiel et de courte
durée.
2. On prévient le patient que ce bénéfice ne sera pas pérenne et qu’il
faudra approfondir le travail, afin d’éviter ce qu’il connaît déjà, à
savoir le caractère cyclique et lunatique de ce genre de trouble.
3. S’il se sent mieux un autre jour ou s’il est convaincu de l’idée d’ap-
profondir le travail, on cherchera alors le ou les Hypos de son Hyper.
Suite à cela, on effectuera un travail d’affrontement comportemental.
4. Etc.
En pratique, en attendant de pouvoir modéliser pleinement, il est plus
judicieux de suivre les symptômes et motivations spontanées du patient,
séance après séance. Cela permet de ne pas perdre sa motivation de l’ins-
tant et de travailler sur ce qui est le plus saillant pathologiquement.
Parallèlement, on observe toutefois « à qui l’on parle » (grâce aux micro-
comportements notamment), autrement dit à quel Contenant on s’adresse
chez l’individu et s’il est utile ou seulement apaisant pour lui d’y passer
juste un peu, ou davantage de temps. Nous savons que passer trop de
temps sur le travail cognitif de l’Hyper ou de la RH, par exemple, ne capi-
talisera rien ou pas grand-chose. Or, si nous n’y prenions garde, nous ne
ferions que cela, du fait de la dynamique même de l’Hyper.
Au fur et à mesure de son aisance de thérapeute plus expérimenté et
bien imprégné du cas clinique, on cherche à s’éloigner du traitement « à
vue », consistant à gérer les aléas de la vie quotidienne du patient et les
efflorescences aléatoires de ses conflits internes (Sonnettes, etc.).
La construction d’une modélisation devient alors cruciale pour avan-
cer vraiment. Elle permet d’éviter ou de s’extraire de scénarios tout prêts,
tels que :
– la cascade Hypo/Hyper/RH qui occuperait volontiers toute une vie
et des années de thérapie pour (presque) rien ;

86
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

– les effets rebonds de PG qui ramènent invariablement et irrésistible-


ment l’individu au point de départ comme s’il était attaché à un
arbre par un élastique ;
– les Sonnettes et autres « machines » à faire souffrir de façon prévi-
sible.
Pour commencer, le thérapeute peut notamment regrouper dans un
tableau à trois colonnes (une pour les Hypos, une autre pour les Hypers,
une dernière pour les RH) tous les contenus identifiés :

Contenus Paramètres Hypers RH


(situations, actifs Hypo (objets (objets
attitudes, (validés) apparents) apparents)
comportements,
cognitions…)

Personne Demander Individus apportant Vis-à-vis


souhaitant qu’on de l’affection, spontanément des individus
l’aide à soulever demander de l’affection, qui n’aident pas
sa valise sans de l’attention, de l’attention spontanément
demander d’aide se plaindre et de l’aide ou quand on
en a besoin

Tableau 1.2
Exemple de tableau d’aide au traitement thérapeutique d’Hypo

Le regroupement des contenus à l’intérieur de chaque colonne per-


mettra la recherche de paramètres actifs communs, dits sous-paramètres,
ou de métas-paramètres qui définissent une même atmosphère, une
même philosophie ou un même champ de valeurs et d’intérêts de l’indi-
vidu40.

a) Regroupement par l’intuition (questions ouvertes)


La recherche des paramètres actifs devrait logiquement être suffisante pour iden-
tifier les différents Hypos, Hypers et RH. Cependant, les limites de la conscien-
tisation du patient ne permettent pas toujours, notamment sur l’Hypo et plus

40. Les ensembles cohérents de valeurs et d’intérêts peuvent être considérés, selon nous,
comme participant à la dynamique de profils de personnalité (cf. Fradin et Lemoullec,
2006, op. cit. ; annexe 2).

87
La thérapie neurocognitive et comportementale

particulièrement en début de thérapie, d’atteindre le socle premier de ces véri-


tables paramètres actifs.
Une recherche de sous-paramètres communs entre plusieurs paramètres
actifs précédemment isolés (et souvent incomplètement identifiés) peut
alors être menée selon la procédure suivante :
1. On tentera tout d’abord, en collaboration avec le patient, de véri-
fier si l’un des paramètres de la liste n’est pas aussi le paramètre actif
d’un ou plusieurs autre(s) Hypo(s).
2. Sinon, on demandera directement au patient s’il « ressent » ce qui
pourrait être transversal, commun à plusieurs paramètres actifs pré-
cédemment isolés (et réunis dans la même colonne Hypo du tableau
précédent).
Si, jusque-là, le travail du thérapeute a été largement basé sur la ratio-
nalité et la méthode, il peut devenir pertinent et rentable, à ce stade, de
faire travailler l’intuition du patient et la sienne. La précision et l’effica-
cité de celles-ci seront bien sûr fonction de la qualité du travail analytique
de diagnostic des Contenants et des paramètres actifs réalisé en amont.
On peut alors tenter de regrouper intuitivement ces Contenus qui « ont
un air de famille » dans une même case (cf. Tableau 1.2).
Exemple 1 :
On a détecté, identifié et validé chez un patient les paramètres actifs d’Hypos
suivant :
– les loisirs,
– le laisser-aller,
– l’injustice,
– l’engagement,
– l’expression des sentiments.
Le patient voit-il des points communs entre ces paramètres ? Ou peut-il les
regrouper et comment ? Sa réponse n’est sans doute pas immédiate, sinon, il y serait
parvenu lors de la recherche de chaque paramètre actif initialement identifié. Mais
un temps de réflexion lui permettra parfois de faire certains rapprochements, de sug-
gérer par exemple que l’expression des sentiments est peut-être bloquée chez lui parce
que ressentie comme un engagement et ainsi de suite. Au stade où sa réflexion
semble cependant s’épuiser, on peut l’accompagner à nouveau avec des questions
ouvertes sur le fond (de type socratique) mais toujours fermées quant à la forme.
Ce questionnement traitera du Contenant étudié, ici l’Hypo.
Dans l’exemple choisi, le patient déduit qu’il existe sans doute un lien entre
tous ces différents paramètres : le sous-paramètre actif « l’irrespect des

88
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

autres ». En effet, le sentiment d’irrespect peut concerner le fait de s’octroyer


des loisirs alors que d’autres travaillent, se laisser aller devant autrui, être
injuste, témoigner d’un engagement non assumable en exprimant ses senti-
ments, etc.
En prenant soin de vérifier que lorsqu’on enlève ce paramètre actif d’une
situation, on enlève également cette même Résonance chez le patient, on confir-
mera qu’il est bien le cœur de celle-ci. Bingo ! Il n’y aura donc bien qu’un seul
Hypo à travailler…
Exemple 2 :
On détecte et valide :
– un premier paramètre actif : les voix aiguës criardes de certaines femmes…
– un second paramètre actif : les gens qui bafouillent...
On demande au patient s’il suppose un point commun entre ces deux para-
mètres. Il répond : « Le point commun, c’est qu’il me semble qu’ils n’ont
pas conscience d’être ridicules ! ». Il faudra vérifier ceci en « injectant » le
sous-paramètre supposé dans une tout autre situation, laquelle devra alors
induire une nouvelle Résonance. À l’inverse, si on enlève le sous-paramètre des
situations suscitant les Résonances d’Hypo initiales, celles-ci devront cesser.
Vous l’aurez compris, cette procédure qualifiée d’intuitive ne l’est que
très partiellement. On ne rapproche que les contenus présents dans une
même colonne, et l’on s’assure de son intuition par injection et/ou sup-
pression du ou des sous-paramètres identifiés. Cette vérification est à réa-
liser aussi bien, dans un premier temps, sur des Résonances, que dans un
second temps sur des Affrontements Diagnostics Tests.
Il est important d’être vigilant à ne pas regrouper des comportements appar-
tenant à des colonnes (ou Contenants) différentes, et ainsi rechercher un para-
mètre actif commun à ceux-ci. Si quelqu’un dit par exemple « Je ne supporte
pas les gens qui répètent ce qu’ils disent, comme s’ils craignaient que je n’aie
pas compris » et par ailleurs « J’étais très angoissé avant mon exposé, j’avais
l’impression que je n’arriverais pas, en public, à remettre mes idées en ordre »,
les deux informations regroupées pourraient conduire à évoquer un problème lié
à la notion d’erreur ou de non-maîtrise. Cependant, en TNC, nous considére-
rons qu’il n’est pas souhaitable de les associer car les Contenants dont elles pro-
viennent sont de nature différente et concernent donc deux problèmes distincts.
Le premier Contenant correspond à un Hypo (agacement, Résonance), tandis
que l’autre correspond à un Hyper (anxiété par anticipation). Pour traiter
le second il faudra donc trouver l’Hypo sous-jacent, qui ne sera pas forcément
le même que l’Hypo sur la répétition.

89
La thérapie neurocognitive et comportementale

b) Regroupement analytique (questions fermées)


À l’intérieur d’une catégorie donnée, si le regroupement intuitif n’est pas
évident (par exemple si le patient est peu doué pour l’introspection), ou
si les tests de vérification ne confirment pas facilement l’intuition, on peut
être amené à simplifier l’approche par des questions fermées également sur
le fond.
Il est préférable de réserver cette démarche en fin d’exploration glo-
bale intuitive, pour affiner la recherche, notamment pour la fin d’iden-
tification des sous-paramètres, plus complexe que celle utilisée pour les
paramètres (vue supra). Dans la continuité de l’exemple précédent,
imaginons qu’un paramètre se soit précisé, à savoir « cris aigus ». Pour
confirmer la validité de cette hypothèse, on va tester l’activité de ce
paramètre en le réinjectant dans d’autres situations : le thérapeute peut
alors demander si l’agacement existe aussi dans le cas où ce sont des
hommes qui crient de façon aiguë. Si notre hypothèse est valide, le
patient répondra par l’affirmative. Par précaution, le thérapeute injecte
ce paramètre dans quelques autres circonstances afin d’être sûr de son
intuition : « Êtes-vous agacé, gêné ou ému par les chanteuses lyriques ? Et
par des sons aigus de musique techno ? ». Il reste, là aussi, à vérifier si le
paramètre isolé est bien le seul actif dans la Résonance d’origine. On
peut le faire en supprimant ce paramètre dans la Résonance d’Hypo
initiale. S’il constitue bien un paramètre actif, la Résonance doit avoir
disparu.
En résumé, le thérapeute pourra découvrir que de nombreuses
Résonances d’Hypo sont sous-tendues par quelques paramètres actifs. Il
constatera également que l’on peut regrouper et réduire de façon quasi
mathématique et valide les nombreux contenus des diverses catégories
de Contenants. Ce processus est crucial car il permet le traitement de
l’Hypo, l’économie de moyens et une réelle efficacité thérapeutique. Il
est aussi parfois nécessaire pour traiter les Hypers et les RH, lorsqu’il en
existe un grand nombre (ce qui est cependant rare), car il permet de
mieux rechercher les Hypos des Hypers41. Cela se fait dans ce cas avec
moins d’exigence et de difficultés car l’Hyper et la RH sont spontané-
ment conscients, ce qui facilite déjà la démarche de recherche de para-
mètre actif.

41. Cf. chapitre 1. 6. 2. Comment trouver les Hypos des Hypers ?

90
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Encadré 1.9
Remarque

Un thérapeute qui souhaite optimiser l’efficacité de son travail utilise de


manière coordonnée les activités « intuitives » et « rationnelles ». Il n’est
pas pertinent de sous-employer son intuition, mais il est également néces-
saire de vérifier toutes ses hypothèses par une analyse rigoureuse.

La recherche des méta-paramètres


Une autre façon de relier les paramètres actifs est la recherche de « méta-
paramètres ». Ce type de paramètre en englobe d’autres et se trouve plus
particulièrement lié à ce que nous appelons les Personnalités Primaires
et/ou Secondaires (non traitées dans cet écrit), qui peuvent constituer des
ensembles complexes cognitifs, émotionnels et comportementaux. Ils peu-
vent ainsi colorer tout ou partie de la sphère d’apprentissage du jeune
enfant et définir des Hypos cohérents et intégrés dans « l’état d’esprit »
constitutif de sa Personnalité.
Ainsi la Personnalité dite de Lutte Empêchée (LE, cf. Tableaux II.1
et II.2, annexe 2), qui rassemble selon nous un ensemble de valeurs et de
comportements témoignant des notions de justice, de compétition hon-
nête (« que le meilleur gagne »), de fierté, d’efficacité dans l’action, etc.,
peut-elle fédérer des Hypos sur :
– l’injustice
– la faiblesse sociale
– le discours conceptuel
Ces paramètres, à première vue, semblent difficiles à relier à l’aide
d’un sous-paramètre commun, mais l’opération devient possible dans
le cadre d’une « coloration » (méta-paramètre) ou d’un état d’esprit
de LE.
Une telle convergence ne doit pas cependant dispenser de vérifier si
l’état d’esprit réel qui sous-tend chaque paramètre est bien lié, comme ici
suspecté, à la LE :
– ainsi, l’Hypo sur l’injustice de la LE est-il classiquement associé à la
méritocratie,
– celui sur la faiblesse sociale sera associé à la perte d’indépendance
économique,

91
La thérapie neurocognitive et comportementale

– celui sur le discours conceptuel sera associé à la volonté d’effica-


cité à court terme (un discours conceptuel pouvant être perçu
comme une perte de temps superflue vis- à- vis de l’action à
mener).
En distinguant ainsi les Contenus des différents Contenants (Hypos
notamment), en reliant les Hypers aux Hypos, en les situant dans le
contexte des Personnalités à travers la recherche de méta-paramètres, on
amorce la construction d’une modélisation globale qui nous permettra de
mieux construire l’action et la pédagogie thérapeutiques. Cela permet par
exemple de mettre en évidence des Sonnettes potentielles, qui sont le fruit
de l’antagonisme entre Contenants.

Encadré 1.10
Hypos « à quota » et « à bascule »

La plupart de nos Hypos n’ont pas d’incidence pathologique directe car


ils ne déclenchent pas d’Hypers réellement visibles. S’ils existent, ces
Hypers sont tellement efficaces qu’ils sont peu perceptibles. Ces Hypos
n’ont pas non plus d’incidence directe car ils sont pour la plupart des
Hypos dits « à quota » ou « à bascule », i.e. des Hypos qui n’existent
qu’à partir d’un certain degré d’intensité (quota) ou dans des circons-
tances particulières et extrêmes (bascule) qui concernent peu la vie
quotidienne. Ainsi, il est possible d’observer de telles résonances,
notamment d’Hypo-Méta, vis-à-vis d’actes exceptionnellement coura-
geux ou habiles, d’artistes qui se moquent des « bonnes » mœurs ou des
conventions, etc.

Une fiche synthétique et pratique d’identification des paramètres


d’Hypo est présentée en annexe 5.

6.2. Comment trouver les Hypos des Hypers ?


Nous avons largement insisté sur le rôle de l’Hypo dans la genèse de
l’Hyper, car il est possible de considérer que l’Hyper n’est qu’un des symp-
tômes de l’Hypo et parce que l’Hyper ne survit pas au traitement de
l’Hypo. C’est d’ailleurs une des façons de s’assurer qu’un Hypo traité était
bien celui sous-jacent à l’Hyper considéré.

92
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Dans ce cas, nous pouvons observer :


1. La diminution de l’intensité de l’Hyper, comme un « dégonflage »,
en proportion exacte de celle de l’Hypo (s’il est bien le seul Hypo
de l’Hyper considéré). Cette diminution peut être constatée :
a. par une réduction du vécu d’affrontement
b. par une réduction de sa Résonance.
2. En miroir, le « regonflage » de l’Hypo, usuellement observable entre
deux premières séances, entraîne immédiatement et en proportion
celui de son ou ses Hyper(s).
L’Hyper est donc totalement dépendant de l’Hypo qui lui est assigné.
Il ne peut donc réellement être considéré comme un Contenant en soi.
A contrario, nous pouvons constater que certains Contenants peuvent
favoriser l’émergence d’autres, sans constituer une dépendance entre eux.
Le PGS favorise par exemple la survenue de phobies. Le traitement appro-
prié du repli éventuel du PGS ne fait pas pour autant disparaître la pho-
bie, qui nécessite un soin à part entière.
La question est de savoir comment faire pour trouver l’(les) Hypo(s)
(souvent très discret(s)) qui alimente(nt)/produise(nt) le (les) Hyper(s)
qui font souffrir notre patient ? Si l’intuition peut parfois fonctionner aisé-
ment pour déterminer l’Hyper de l’Hypo, cela s’avère bien plus délicat
pour déceler l’Hypo de l’Hyper. Il est plus facile d’envisager le comporte-
ment compensatoire que peut engendrer un Hypo, que d’imaginer quel est
le comportement que compense l’Hyper. De ce fait, il nous est apparu
nécessaire de rationaliser et systématiser une démarche de recherche du
ou des Hypo(s) à partir d’un Hyper ou de sa Répression d’Hyper. Nous la
présentons dans les chapitres qui suivent.

Première étape : la recherche de l’Hyper de la RH


Le patient consulte le plus souvent pour une RH en phase aiguë. La première
étape est donc de trouver de façon fiable l’Hyper qui se cache sous la RH.
Lors de la RH aiguë et même subaiguë, la moindre évocation de l’ob-
jet d’Hyper déclenche une douleur morale intense et très rémanente. Il
arrive alors que le patient soit peu amène vis-à-vis de son thérapeute si
celui-ci explore sa RH de façon trop procédurale. Il est préférable que le
thérapeute réalise une préparation pédagogique patiente et progressive sur
la nécessité de cette démarche. Elle devra être partagée sur le principe par
le patient, avant que le thérapeute vienne à « fourrager là où ça fait mal ».
Il est à noter que cette pratique reste difficile, voire peu réalisable en
phase aiguë. En effet, la personne en RH a souvent décidé de « tourner

93
La thérapie neurocognitive et comportementale

définitivement la page de son Hyper » et souhaiterait qu’on l’en délivre


sans y toucher. C’est un débat de chirurgien devant un abcès qu’il vou-
drait inciser, avec un patient (par exemple un enfant) qui ne veut pas/plus
avoir mal ou être anesthésié… Il faut préparer et convaincre la personne
pour qu’elle accepte cette démarche42, ce qui peut atténuer la douleur liée
au fait de ré-évoquer les événements douloureux dans l’optique de pou-
voir trouver l’Hyper de la RH (puis l’Hypo de l’Hyper). Il est utile de pré-
ciser au patient que la manœuvre ne consiste pas à « relancer le débat et
revenir en arrière », mais à établir rapidement les diagnostics dont on a
besoin pour espérer le délivrer aussi vite que possible de sa douleur morale.
Mais justement, comment l’en délivrer ? Sur le plan théorique, la relation
entre l’Hyper et la RH semble assez simple, car ceux-ci correspondent à un
contenu identique ou même objet mental. Cet objet a été, à un moment
donné (le plus souvent récemment) dans la vie de l’individu, celui d’un désir
à tendance obsessionnelle (l’Hyper). Ce désir est dans tous les cas conscient,
même si la personne rechigne à en reparler. Suite à un « traumatisme moral »
(en Phase 3), et notamment par manque d’efficacité de l’Hyper, l’obsession et
le désir ont tourné au rejet conscient, consenti au prix d’une douleur vive et
rémanente. Le patient garde le secret espoir toutefois que la RH finira tout de
même par disparaître. Espoir presque vain, car la RH peut s’estomper mais ne
guérit pas, selon nous, sans traitement adéquat de l’Hypo.
À ce stade, on part en chasse pour découvrir quel est l’Hyper qui se
trouve derrière la RH. Il convient donc de faire parler le patient sur son
passé, de façon la plus synthétique et efficace possible, pour l’amener à
décrire concrètement ce qu’il cherchait, sa quête du Graal, avant l’époque
du rejet actuel. Il est important d’aider le patient à se concentrer sur la
recherche de l’objet de l’Hyper et à lui éviter de s’étendre sur les avatars
de l’histoire, car cela est très chronophage et nourrit la RH. Il faut donc
s’entendre sur ce point avec le patient avant de mettre en pratique cette
procédure, car après, si on l’interrompt sur un sujet aussi difficile sans
accord préalable avec lui, bien expliqué et intégré, cela risque de lui faire
très mal et il pourrait nous prendre pour un malotru qui l’a poussé à en
parler et qui après s’agace que ça n’aille pas assez vite.
Exemple :
Le patient déclare être agacé par les histoires sentimentales « dont certains se
plaisent à abreuver les autres ». Le thérapeute peut comprendre, à l’aide de la

42. L’acceptation dans le sens de la prise en compte du réel en vue d’une action et non de
la résignation peut être induite par des techniques telles que la GMM (cf. Fradin et al.,
2008, op cit.) et l’Acceptance and Commitment Therapy (ACT, cf. Hayes et al., 2003).

94
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

détection de micro-comportements, que l’agacement que désigne le patient n’est pas


celui d’un Hypo, mais plutôt un signe d’amertume lié à une RH (sans apaisement
dans l’évitement). Le thérapeute constate notamment chez le patient une expression
du visage caractéristique de la RH, et entend son amertume dans sa voix et son dis-
cours. Ses paroles témoignent d’une « obsessivité43 » sur le sujet et d’une agressivité
trop incisive pour n’être que moralisante. Si le thérapeute prend le temps de le ques-
tionner plus avant avec tact et pédagogie adaptée, le patient avouera sans doute avoir
tout attendu de l’amour et n’avoir obtenu que déceptions et souffrances…
En fait, on peut supposer que l’Hyper se trouve aux antipodes du discours
de rejet de la RH : cette dernière se découpe du tableau d’Hyper car elle se
caractérise par son opposition à tout ce qui rappelle son objet d’Hyper.
L’individu en RH donne l’impression de partir facilement « en croisade » si
le sujet de RH s’introduit dans la discussion, notamment dans des échanges
ordinaires comme au domicile, en famille : on peut alors assister à un dis-
cours moraliste, culpabilisant, dévalorisant, insinuant certaines choses.
L’individu se montre parallèlement à ce discours à la fois abattu, épuisé, vic-
time mais malgré tout un peu fielleux. Ce type d’homélie est bien plus acéré
qu’un simple discours témoignant d’antivaleurs ou de résonance d’Hypo. Un
indice particulièrement parlant est que l’individu s’auto-induit : il ne cesse
de dire qu’il souhaite parler d’autre chose et changer de sujet tandis que,
paradoxalement, il en « ressert tout seul les plats », tout en accusant volon-
tiers les autres de le faire et de lui avoir entaché sa journée…
Si le thérapeute reste distancé, aimable, ouvert, il peut alors tirer beaucoup
d’informations de ce type de discours. Il doit cependant prendre garde à ne
pas trop l’encourager car cela peut s’amplifier et engendrer des relations par-
ticulières nourries de ce que nous appelons des « Hypers Secondaires ». Ce
type d’Hyper consiste selon nous au fait d’utiliser une RH comme objet de
transaction pour obtenir de l’attention, de la compassion voire la culpabilité
du Thérapeute (car cela peut soulager quelqu’un en RH que de ne pas souffrir
seul). Le thérapeute peut donc finir par en déduire, en miroir de ce discours,
ce qu’a dû être l’Hyper et ce qui a pu engendrer une telle réaction de rejet.
Ce pré-diagnostic de l’objet d’Hyper peut faire gagner un temps précieux
lorsqu’il s’agit d’interroger la personne sur les fameuses Phases 1 à 3 anté-
rieures : on peut poser parfois des questions plus fermées et réduire ainsi le
temps (toujours trop long et douloureux) de cette exploration en apnée…

43. Nous parlons ici « d’obsessivité » plutôt que d’obsession car ce que peut déceler le
thérapeute n’est qu’une tendance potentielle du patient à être obsédé par quelque
chose, que celui-ci ne fera peut-être pas apparaître clairement (notamment pour des
raisons d’image sociale ou autre).

95
La thérapie neurocognitive et comportementale

Après quelques expériences de terrain, le thérapeute cherche souvent


quelque raccourci : si l’objet de la RH est bien le contraire de celui de
l’Hyper, ne pourrait-on s’épargner cette délicate, désagréable voire
périlleuse étape pour la confiance thérapeutique et la poursuite de la
démarche ? Ne suffirait-il pas de le déduire de façon théorique : l’Hyper
est le contraire de la RH, donc si [RH = A], alors [Hyper = -A]…
Application :
Si le patient parle beaucoup, de façon très moralisante, acerbe et amère
(i.e. avec un Contenant RH) des gens qui ont beaucoup d’argent et « qui
l’ont gagné comment ? Et qui en font quoi, hein, je vous le demande ? », on
peut penser que l’Hyper portait sur le fait de « gagner beaucoup d’argent ».
C’est parfois aussi simple que cela, et il est possible de tester cette hypo-
thèse en passant à l’étape suivante de la recherche de l’Hypo de l’Hyper.
Pourtant, en pratique, il est possible de se fourvoyer, comme éventuelle-
ment de diagnostiquer des Hypos qui ne sont pas en lien avec la RH ou
l’Hyper concernés, ou de ne pas en trouver du tout. On peut alors perdre
plus de temps et de confiance thérapeutique que si l’on avait fait les choses
méthodiquement et dans l’ordre. De façon analogue, on peut chercher d’où
vient une panne de courant en bricolant et testant des hypothèses dans le
désordre, mais on risque d’y perdre plus de temps que de remonter d’emblée
de façon méthodique le circuit et trouver ainsi où se situe la rupture.
Dans l’exemple précédent, l’objet de l’Hyper pourrait être aussi :
– « être aimé des autres », si l’on a appris que l’argent est un moyen
d’obtenir de la reconnaissance sociale, de l’admiration et de cette
façon de l’amour ;
– « être reconnu pour ses qualités de professionnel », si l’on a simplement
appris à considérer que seul le bon travail devrait être bien rémunéré, etc.
Cet exemple permet d’illustrer en quoi il est prudent, bien que délicat,
de vérifier à quel type de raisonnement correspond ce qu’évoque l’indi-
vidu, ce qui s’est réellement passé dans sa tête et dans sa vie. Ce raison-
nement est par ailleurs conscient chez l’individu, il sera donc facile d’accès
d’un point de vue cognitif.
Le thérapeute peut être confronté à une autre difficulté qu’est la RH de
type moral. Cette RH confère à l’individu un sentiment de culpabilité
lorsqu’il constate et considère, a posteriori, que son comportement était (en
Phases 1 à 3) intrusif, capricieux, voire immoral. Ce jugement d’immoralité
correspond selon nous à une Sonnette entre plusieurs Contenants témoi-
gnant d’un ensemble d’antivaleurs (Personnalités) ou d’interdits (autres
Hypos). L’individu en vient à ne plus oser parler de sa problématique, alors

96
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

même qu’il en est fort tenté. Ce sentiment de culpabilité est fréquemment


identifié dans toute forme d’addiction, notamment lorsque l’individu est
dans une phase de prise de conscience et de tentative de sevrage (cf. Gilliland
et al., 2011, op. cit. ; Adams & Robinson, 2001, op. cit. ; Wiechelt, 2007 ;
Young, 1997, op. cit.). Il ajoute un peu plus à la douleur du patient, et lui
livre une raison supplémentaire de faire une recherche diagnostique rapide,
mais précise et empathique. Le fait d’atténuer quelque peu ce premier niveau
de conflit interne et de refoulement moral, à l’aide d’un travail cognitif sur
l’objet de sa souffrance, est donc souvent indispensable pour accompagner
le travail global. Pour cela, le thérapeute doit « démonter » et déculpabili-
ser méthodiquement ces jugements moraux, en prenant acte du fait que ces
comportements sont liés malgré soi à un fonctionnement cognitivo-cérébral,
sur lequel l’individu n’a que peu de maîtrise. Bien entendu, ce type de désa-
morçage doit être réalisé dans un cadre sécurisant et sans référence à des
valeurs morales.

Encadré 1.11
Hypo, Hyper, RH et théories associationnistes

Si l’on considère le point de vue évolutionniste, il peut paraître étonnant et


paradoxal que les mêmes régions cérébrales (sans doute relatives aux zones
Néolimbiques) puissent initier à la fois le comportement de compensation de
l’Hyper et la répression de celui-ci (Aron et al., 2005, op cit). Cette hypothèse
s’inscrit dans le cadre des théories associationnistes du cerveau, qui laissent sup-
poser que des réseaux de neurones peuvent fonctionner de façon pleinement
autonome et peuvent donc s’opposer même s’ils appartiennent à des régions
proches ou de plus grands ensembles communs. Certes, on peut observer une
certaine cohérence dans la structure basique au niveau des grands réseaux ana-
tomiques du cerveau issus de l’évolution des espèces et de l’ontogenèse céré-
brale*. Les voies sensitives de l’audition débouchent par exemple précisément
sur les territoires auditifs du cortex. Malgré cela, l’apprentissage se fait, lui, de
façon bien plus désordonnée. Même l’épigenèse, i.e. la façon dont l’environne-
ment et l’expérience précoce influencent le développement du système nerveux,
subit les vicissitudes de ces aléas développementaux et des troubles qui peuvent
en découler. Ainsi, compte tenu de la pluralité des influences sur le façonne-
ment neuronal, c’est presque au contraire cette apparente homogénéité de
comportement qui est étonnante : la cohérence globale des idées, des compor-
tements et des émotions. Il semblerait que le CPF soit à ce titre dévolu au tra-
vail de (re)mise en ordre et en cohérence des idées et représentations.

97
La thérapie neurocognitive et comportementale

Les trois types de comportement que sont l’Hypo, l’Hyper et la RH, ont
donc, selon nous, leur raison d’être du point de vue d’un premier niveau
d’adaptation, même s’il n’est pas idéal :
1. L’hypo permettrait une première résolution d’un problème lié à l’in-
tégration sociale, en générant un évitement sur un sujet socialement
tabou.
2. Le problème ainsi posé nécessite un deuxième cadre de résolution :
comment satisfaire le besoin spolié, sans s’affranchir de l’interdit
social ? L’hyper est dans ce cas un moyen indirect et assumable d’ob-
tenir le besoin censuré.
3. Cependant, lorsque l’Hyper pose lui-même des problèmes d’adapta-
tion sociale (intrusion, etc.), un autre réseau serait nécessaire pour le
censurer et le réprimer.
Précisons que chaque « réseau » neuronal relatif à ces comportements paraît
agir de façon presque indépendante du précédent, mais semble-t-il en réac-
tivité par rapport aux réponses de l’environnement à notre comportement.
Ce type de régulation s’avère ainsi relativement abrupte, oserait-on dire
« militaire », et dépourvue d’ajustement collaboratif.

* L’ontogenèse cérébrale correspond au développement du cerveau depuis la conception de


l’individu jusqu’à l’âge adulte.

Deuxième étape : théorie et pédagogie de la recherche


du ou des Hypo(s) de l’Hyper
Cette étape est la plus complexe sur le plan théorique et méthodolo-
gique. En termes d’aviation, on parlerait de « pilotage aux instruments »
car la vision ou même l’intuition ne donnent plus aucune information,
comme dans la nuit ou le brouillard : trouver l’Hypo à partir de l’Hyper
constitue, nous allons le voir, une opération antinaturelle, délicate et
technique.
Dans ce cadre, il est important de préciser que l’objectif conscient
de l’Hyper est parfois occulte pour les autres car il n’est pas toujours,
lui-même, totalement acceptable socialement. Son caractère obsession-
nel le rend peu assumable, car il donne l’image de quelqu’un qui est per-
turbé. La dépendance génère, au fil du temps, le doute, la perte de
confiance en soi puis en conséquence l’anxiété, la honte, l’impossibi-
lité d’avouer son objectif et le recours au mensonge. L’hyper peut alors
s’habiller de nouveaux alibis conscients, circonstanciés et par-là même

98
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

de « mauvaise foi ». Leur fonction est de donner une « couverture »


socialement tolérable à une attente obsessionnelle consciente (compor-
tement Hyper) et inconsciente (besoin de substituer l’Hypo), mais irré-
pressible.
Par ailleurs, certains Hypers peuvent s’inscrire dans un domaine cultu-
rellement dévalorisé, ce qui provoque alors des railleries, une marginalisa-
tion potentielle et un rejet de type grégaire. Pour cette raison, un Hyper
affectif, c’est-à-dire une dépendance affective, n’est pas avouable dans tous
les milieux, ni pour tout le monde.
L’objet conscient de l’Hyper peut être également dissimulé lorsque l’in-
dividu ne souhaite pas prendre le risque de perdre les bénéfices qu’il tire
de cet Hyper, que ce bénéfice n’est pas avouable ou que cette dépendance
est perçue comme vitale. Il en découlera, bien souvent, une manipulation
de l’autre.
Lorsque l’objet de l’Hyper est un individu, ce dernier peut être parti-
culièrement déstabilisé. Si la stratégie de séduction est soldée par un
échec, cela peut amener la personne en Hyper à utiliser d’autres procédés
qu’elle finit par penser plus efficaces. Ceux-ci peuvent être le chantage, la
violence, ou encore l’apitoiement et même l’abus de référence à la morale
dans l’objectif d’instaurer chez l’autre la notion de culpabilité. Ce phéno-
mène est évidemment susceptible d’entrer plus ou moins en synergie ou
en conflit (sonnettes) avec d’autres Contenants, comme le PG, les
Personnalités, d’autres Hypos ou Hypers…
Concrètement, la personne en Hyper sait toujours comment elle est en
Hyper, au travers des alibis et autres stratégies qu’elle met en œuvre pour
atteindre l’objet apparent. En revanche, elle ne sait pas pourquoi elle est
en Hyper, elle ne sait quel(le) est l’objet caché, la raison ou le processus
qui la fait courir ainsi.
En connaissance de cette dynamique complexe, le thérapeute pourra
se poser la question de savoir si l’expression du patient est un reflet
sincère de ce dont il a conscience, ou s’il n’est qu’un niveau « d’alibi »
assumable, et ce même dans le cadre d’une thérapie. Ainsi, de façon à
ne considérer, autant que possible, que des critères observables, on
notera que le niveau alibi semble plus inconstant que le réel objet
d’Hyper. En effet, comme dans tout processus de mauvaise foi, le sujet
soutient des points de vue variables suivant les interlocuteurs, les
moments ou les besoins. Il faut cependant noter que l’objet d’Hyper
n’est lui-même pas aussi fixe que celui de l’Hypo, dans la mesure où il

99
La thérapie neurocognitive et comportementale

peut changer d’objet. Malgré cela la constance de l’objet d’Hyper est


identifiable car elle constitue, pour chaque objet d’Hyper, une étape
nette, objectivable et datée. Le changement éventuel d’objet d’Hyper
reste un événement majeur de la vie du sujet, apparaissant souvent à
la suite d’une série d’échecs, par insatisfaction (Phase 2) ou culpabi-
lité. La fluctuation de l’alibi est beaucoup plus fréquente, souple et
opportuniste que le changement d’objet d’Hyper, ce qui la rend aisé-
ment détectable. L’individu a besoin, pour atteindre son objectif, de
changer de stratégie. À cette fin, son attitude est calculée, consciente
et froide. Son discours est destiné à obtenir indirectement quelque
chose. Si le dialogue direct et transparent n’est pas possible, il faut lais-
ser deviner au patient que pour pouvoir l’aider, il est utile de le com-
prendre et qu’il n’est pas question de le juger. Ce manque de
transparence est malgré tout minoritaire en psychothérapie et se réduit
avec le temps grâce à la relation de confiance qui peut s’établir avec
le thérapeute. Un phénomène moins rare et auquel il faut cependant
prêter attention est lorsque l’objet d’Hyper convoité par le patient est
le thérapeute lui- même, ce qui correspond selon nous au fameux
« transfert » évoqué par les psychanalystes. On comprendra aisément
que ce type de situation peut s’avérer délicate à gérer, et que la trans-
parence et la bonne compréhension des mécanismes Hypos et Hypers
par le patient sont tout à fait nécessaires.
Exemple 1 :
Une personne a un Hypo-Méta sur la réflexion et sur l’analyse. En consé-
quence de quoi, elle ne peut se faire une opinion par elle-même. Pour compen-
ser ce déficit, elle a « recruté » un Hyper-Méta relationnel. La fonction
inconsciente de cet Hyper-Méta est de sélectionner un environnement social
considéré comme suffisamment brillant pour pouvoir y puiser les réponses aux
questions qu’elle se pose. Son objectif conscient est de fréquenter des personnes
intéressantes, qui lui paraissent attirantes et distrayantes. Ses alibis sociaux sont
l’intérêt qu’elle éprouve pour échanger des points de vue sur des sujets qui la
passionnent…

100
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Hyper-Méta
Trouver des informations lui
permettant d’assumer une opinion
Hypo-Méta
Honte
de réfléchir
et d’analyser
les choses
par soi-même

Objectif Conscient Alibi officiel


Sélectionner un entourage Intérêt pour l’échange
Objectif relationnel considéré comme de points de vue sur
Inconscient brillant pour pouvoir des sujets qui la passionnent
en extraire une opinion

Figure 1.4
Illustration des mécanismes Hypo et Hyper de l’exemple 1, ou conséquences
possibles d’un Hypo(-Méta) portant sur [l’analyse et la réflexion]

Exemple 2 :
Dans le domaine sentimental, les stratégies d’approche peuvent être la séduc-
tion, la tendresse, l’ouverture mais aussi parfois la manipulation et l’aliénation.
La mise en œuvre de ces stratégies dépend de sa personnalité, de son PG, de sa
culture, etc. L’individu en Hyper est parfaitement conscient de sa stratégie, de
ce qu’elle peut éventuellement avoir de répréhensible à ses yeux et contraire à
sa propre morale. Cependant, faute d’en avoir une autre qui soit plus accep-
table, faute de pouvoir refréner, tempérer ou arrêter le processus caché, l’indi-
vidu ira souvent jusqu’au bout du processus sans comprendre le pourquoi de
celui-ci. Un comportement analogue peut être celui du joueur d’argent qui va
sciemment jusqu’à la ruine et déclare « c’est/c’était plus fort que moi ! »...

Encadré 1.12
Remarque

En résumé, l’objectif conscient de l’Hyper peut être plus ou moins occulté,


pour les autres en général ou seulement pour certains autres selon les cas.
Cette crainte peut avoir comme source :
– soit la honte sociale,
– soit la peur d’être privé de l’objet de l’Hyper

101
La thérapie neurocognitive et comportementale

Troisième étape : procédures opérationnelles de recherche


de l’Hypo (ou des Hypos) de l’Hyper
Un patient en Hyper inefficace et en échec d’Hyper vient voir son
thérapeute et lui demande de le soulager. Après avoir effectué un pre-
mier travail cognitif sur l’Hyper, il va mieux. Le thérapeute aura éven-
tuellement réalisé en sus un travail comportemental sur un Hypo qui
empêchait cet Hyper d’être efficace. À ce stade, le thérapeute doit ten-
ter de motiver son patient pour travailler le ou les Hypo(s) sous-jacent(s)
à l’Hyper afin de pérenniser le traitement, sans quoi le bénéfice reste
toujours fragile et provisoire. Notons qu’une des difficultés de cette étape
peut être que le patient n’est plus « suffisamment » mal en point pour se
donner une raison de se confronter à l’Hypo. Nous retrouvons une situa-
tion analogue lorsqu’un individu malade prend le début de son traite-
ment médicamenteux mais l’interrompt prématurément dès qu’il
commence à se sentir mieux. Il est encore fragile et susceptible de rechu-
ter facilement.
Une fois que la motivation du patient est établie, la question est de
savoir comment chercher l’(les) Hypo(s) de l’Hyper de façon rigoureuse.
La TNC offre aujourd’hui trois principales stratégies :
– les deux premières permettent de rechercher les Hypos sous-jacents
à tout type d’Hyper, mais plus particulièrement aux Hypers dits
basiques ;
– la troisième est plus spécifiquement destinée à trouver les Hypos-
métas, lesquels sont à l’origine d’Hypers-Méta.
Ces différentes stratégies ou méthodes découlent toutes directement de
la compréhension du modèle présenté précédemment. Nous les dévelop-
pons ci-après.
a) La méthode de « saturation de l’Hyper »
Cette méthode consiste tout d’abord à demander au patient de se pro-
jeter dans un monde imaginaire et parallèle, dans lequel il obtiendrait
désormais « miraculeusement » tout ce qu’il attend de son Hyper. Le
thérapeute lui pose alors la question de savoir ce qui serait différent
dans ses pensées, ses actions et sa vie en général dans ces nouvelles
conditions.
Plus précisément, il cherchera à déterminer quelle(s) sont les liberté(s)
supplémentaire(s) que le patient acquerrait dans un tel monde. Lors de
ce questionnement, il y a lieu d’insister particulièrement sur la partie
« active » de ce bénéfice, c’est-à-dire sur ce qu’il lui donnerait le droit de

102
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

faire ou d’être. Cela permet de mettre en évidence les actions qu’il ne


souhaite d’ordinaire pas mener ou représenter par manque de confiance
en lui (objet de l’Hypo).
En revanche, le thérapeute sera dispensé de poser des questions sur ce
que le patient attendrait passivement de la situation, car il ne ferait que
déceler à nouveau l’objet d’Hyper. Afin d’éviter cela, le thérapeute peut
au besoin rappeler au patient qu’il a déjà obtenu tout ce qu’il pouvait
concevoir d’attendre (d’où le nom d’exercice de « saturation fictive »).
Ceci l’oblige à se recentrer sur l’avantage que ladite situation lui apporte-
rait en termes d’actions auxquelles il pourrait donner du sens, et pour les-
quelles il y aurait du plaisir là où il n’y a ordinairement ni désir, ni
sentiment de capacité. Ce sentiment d’incapacité est typique de l’Hypo.
Si le patient reste incrédule devant la possibilité d’un tel miracle, il est
nécessaire de rappeler que cet exercice est purement imaginaire et destiné
à explorer les rouages cachés de l’Hyper. On peut donner par exemple
l’image du génie d’Aladin qui pourrait exaucer tous les vœux du patient.
Considérant cela, on peut demander au patient ce que cela changerait
pour lui, dans sa vie, et qui s’ajouterait à la satisfaction idéale de l’attente
brute générée par l’Hyper. Nous présentons ci-dessous, un exemple de
série de questions permettant de cerner de façon de plus en plus précise
l’objet de l’Hypo.
Exemple :
« Si votre ami(e) vous donne autant de reconnaissance que vous pouvez
idéalement en concevoir et en espérer, qu’est-ce que cela pourrait vous appor-
ter de plus que ce grand bonheur ?
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
« Plus précisément, qu’est-ce que cela pourrait changer dans votre vie de
plus que ce grand bonheur, par exemple dans votre rapport à vous-même ? »
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
« Plus précisément encore, qu’est-ce que cela pourrait changer dans votre
vie de plus que ce grand bonheur, par exemple dans vos actions ?
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
… Dans vos plaisirs ? »
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
« Qu’est-ce vous pourriez faire que vous n’osiez pas faire jusque-là ?
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
… Dans vos relations avec votre ami(e) ?
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)

103
La thérapie neurocognitive et comportementale

… Avec vos autres relations ?


(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
… Au travail ?
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
… Lorsque vous êtes seul(e) ? »
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
etc.
Sur un plan théorique, nous partons du principe que l’objet caché est
contenu dans l’objet apparent. La méthode consiste alors, de façon ima-
gée, à mettre en quelque sorte l’amplificateur au plus haut pour tenter de
faire apparaître « l’infraliminal » et le rendre ainsi observable par le thé-
rapeute et davantage conscientisable par le patient. On sature donc le gain
de l’objet apparent de l’Hyper (objet B sur le schéma x), ce qui permet
d’amplifier l’effet compensatoire de l’Hyper qui tend à obtenir l’objet
caché de l’Hypo (objet A). Notre expérience clinique nous montre que
tout se passe comme si l’objet apparent de l’Hyper, à un certain degré d’in-
tensité et de satisfaction, pouvait « tamponner », cautionner et rendre
assumable le comportement tabou de l’Hypo. C’est du moins ce que disent
souvent les patients quand ils répondent à la série de questions supra.
Leurs commentaires ressemblent à cela :
« Alors, oui, si j’obtenais tout cela (l’objet de l’Hyper) avec l’assurance que
ce soit pour toujours, alors ça me donnerait le droit de donner mon opinion et
de vivre tranquillement des moments de solitude. Je n’aurais plus besoin de la
validation de x (x pouvant être une reconnaissance, un diplôme, de l’argent,
etc.). Je pourrais l’assumer, m’assumer et peut-être prendre du plaisir à cela.
Pour l’instant cela me paraît inassumable et même mortellement ennuyeux,
comme si je m’ennuyais moi-même et que j’avais jusqu’ici besoin de cela (l’ob-
jet de l’Hyper) pour donner sens à ma vie. »
Par ailleurs, en saturant l’objet conscient, on libère la personne du sen-
timent de manque, de la peur de l’échec et de l’obsession puisque son second
point de consigne est enfin atteint. Ceci permet de focaliser son attention
sur l’Hypo plutôt que sur l’Hyper qui lui fait d’habitude ombrage.

b) La Méthode « du Sevrage d’Hyper »


Cette méthode est le miroir de la précédente. Elle consiste à deman-
der au patient d’imaginer un monde parallèle dans lequel il ne pourrait
jamais avoir accès à l’objet d’Hyper. La question que l’on pose ensuite au
patient est de savoir ce qu’il perdrait, au-delà de l’Hyper. Pour éviter de

104
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

déclencher une Phase 3 ou 4 (RH), il convient de préciser et rappeler dans


la foulée : « Ceci dans un monde imaginaire, où cette dimension aurait dis-
paru, où plus personne n’y penserait ni ne l’obtiendrait… » (la finalité de
cette remarque est d’éviter le processus puissant de la jalousie en Hyper).
Voici un exemple de série de questions de Sevrage d’Hyper :
« Plus précisément, en plus de la perte collective et définitive de l’Objet de
votre Hyper, qu’est-ce que vous perdriez de plus que l’Hyper, qui soit de l’ordre
de vos actions, mais pas de vos attentes ?
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
… Qui soit de l’ordre de vos plaisirs personnels, individuels, ou relationnels,
mais qui soit d’un autre ordre que ceux de l’Hyper ? Ces pertes peuvent sem-
bler n’avoir aucun lien apparent avec votre Objet conscient d’Hyper. »
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
« Vous pouvez supposer que ces plaisirs ou actions perdraient tout sens si cet
Hyper disparaissait, qu’à partir de là, vous n’en éprouveriez plus aucune satis-
faction, ni désir ? »
(Le thérapeute peut ici laisser au patient le temps nécessaire pour répondre)
Etc.
D’un point de vue théorique, cette méthode est construite sur un prin-
cipe inverse à la précédente : on tente de faire apparaître l’objet caché par
son manque. Nous pourrions dire, en reprenant l’analogie évoquée plus
haut, que l’on met l’amplificateur à zéro pour mettre en évidence la dis-
parition de l’objet infraliminal de l’Hypo. Sa disparition « totale » permet-
tra, par contraste, de le rendre détectable par le thérapeute et mieux
conscientisable par le patient. En supprimant définitivement l’objet
d’Hyper non seulement de sa vie mais de la vie en général, on démasque
la « caution » qu’apporte celui-ci. Tout se passe en effet comme si l’objet
de l’Hyper révélait ainsi ce qu’il fait de plus que ce qui est apparent. Les
patients ont alors par exemple le type de commentaire suivant :
« Effectivement, si les chiens n’existaient plus ou s’il n’y avait plus personne à
aider, tout le monde serait autonome et heureux. Alors ça ne vaudrait plus la
peine que je me fasse à manger… car je prépare en même temps pour le chien
(c’est-à-dire pour les autres). Ce ne serait pas non plus la peine que je sorte
pour me promener car je sortais pour faire prendre l’air au chien ou à mes
enfants quand ils étaient petits. En fait, je n’aurais plus envie non plus de ceci
ou de cela… Tout ce qu’on vient de voir deviendrait en quelque sorte sans
aucun intérêt, mortellement ennuyeux pour moi. C’est comme si je m’ennuyais
tellement moi-même que j’avais jusqu’ici besoin de mon chien ou des autres pour
donner vie à ma vie. »

105
La thérapie neurocognitive et comportementale

Le thérapeute constatera qu’il est souvent nécessaire de refaire plu-


sieurs fois ces exercices et d’alterner ces deux méthodes au cours de
plusieurs séances de thérapie. On peut observer que, de fois en fois, les
idées du patient (et du thérapeute) se précisent et la prise de conscience
de l’objet caché de l’Hyper (A) s’éclaircit. Il est donc important, encore
une fois, de rappeler régulièrement la pédagogie de l’Hypo (explication du
processus), et de réaliser un travail cognitif parallèle de prise de recul et
de relativisation des notions de jugements moraux en distinguant par
exemple la morale de l’éthique (cf. méthodes telles que l’ACT, Hayes et
al., 2003, op. cit., la Gestion des Modes Mentaux ou GMM, Fradin et al.,
2008, op. cit.).
À ce stade de la thérapie, la personne pourra confirmer à son théra-
peute, au fur et à mesure qu’elle se familiarise avec cette réflexion et avec
l’introspection, ce qui constitue exactement l’objet caché de l’Hypo. La
personne est alors convaincue de l’intérêt de travailler cet ou ces Hypo(s).
Il sera bien sûr nécessaire, comme évoqué précédemment, de vérifier que
le Contenant mis en évidence est effectivement celui de l’Hypo en cause
dans l’Hyper fauteur de trouble.
Sauf erreur de procédure, les éléments recueillis à l’aide de cette tech-
nique, qui relèvent de l’action et non de l’attente, qui apparaissent ou dis-
paraissent en plus de l’objet immédiat de l’Hyper, sont en principe de
l’Hypo. Si tel n’est pas le cas, il faut alors reprendre la démarche, car on
pourra s’apercevoir le plus souvent que l’on a simplement fait une confu-
sion entre « l’actif » et « l’attente » (souvent causée par un « glisse-
ment »), et que l’on a recueilli des éléments relevant essentiellement de
l’Hyper.
Une fois tous les (éventuels) problèmes résolus, il ne reste plus qu’à
travailler le ou les Hypos « industriellement », en n’omettant pas de réa-
liser là aussi une pédagogie et une préparation cognitive ad’hoc. La
confrontation d’Hypo met à l’épreuve non seulement la pratique du thé-
rapeute, mais également le modèle en lui-même à travers son caractère
prédictif :
1. pendant le travail d’Hypo, la personne ne doit plus avoir de symp-
tômes de RH ni d’Hyper. Dans le cas contraire, c’est qu’il y a une
erreur de diagnostic et que la personne n’est pas en train de tra-
vailler un Hypo (ce dernier étant par définition disjoint de l’Hyper
et de la RH) ;
2. après le travail de confrontation à l’Hypo, le thérapeute doit vérifier
si l’évocation de la situation d’Hyper – qui générait avant l’exercice

106
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

un vécu de frustration douloureuse, voire insupportable – provoque


toujours autant de mal-être. Le thérapeute doit interroger le patient
pour savoir si son anxiété d’Hyper, son amertume et/ou sa douleur
morale de RH sont égales ou ont diminué ;
3. si toutes les étapes de la démarche ont été correctement menées,
alors les symptômes de cet Hyper se seront affaiblis en proportion de
la baisse des symptômes d’Hypo visibles en affrontement (grâce à
l’intensité de la Résonance). Ceci est plus particulièrement vrai
lorsqu’il n’y a qu’un seul Hypo qui confère son caractère Hyper à
l’objet apparent ;
4. s’il y a plusieurs Hypos associés à l’objet d’Hyper, alors l’Hyper aura
malgré tout diminué de façon significative, car en principe le théra-
peute aura travaillé en priorité l’Hypo ayant le plus d’impact. Même
si le thérapeute pose des questions qui d’ordinaire étaient doulou-
reuses moralement pour le patient, cela ne se produit plus ou signi-
ficativement moins. Souvent, la personne est déroutée, car ce vécu
est totalement inhabituel et inattendu, certains en parlent comme
d’une « anesthésie » de la douleur morale.

c) La Méthode de « Recherche de l’actif du passif »


Cette troisième stratégie s’applique aux Hypers d’attente et notamment
aux Hypers-Méta. Nous la développons dans le chapitre 1.7.3. (voir infra.),
car diagnostic et traitement ne font presque qu’un dans ce cas.
Voir aussi la Fiche Diagnostique Synthétique/Trouver l’Hypo de
l’Hyper (voir Annexe 8), qui évoque toutes les techniques existantes à
ce jour en TNC sur le sujet…

6.3. Exemple de cas clinique : Recherche de l’Hypo


de l’Hyper par méthode de sevrage
Une patiente en cours de traitement a un hyper sur la guitare et on veut en
savoir un peu plus à ce sujet.
On lui pose donc les questions citées plus haut pour qu’elle dise quels chan-
gements interviendraient dans sa vie si elle ne pouvait plus en faire. Ses pre-
mières réponses évoquent l’ennui et l’absence d’une dimension artistique. On
insiste et l’on voit monter l’angoisse. À cet instant, il est nécessaire d’éviter la
RH et pour cela de faire appel à l’imaginaire. On parle par exemple d’un séjour
dans un pays perdu où la guitare n’existe pas. Cet exercice est bien sûr plus
délicat en Phase d’échec d’Hyper ou en RH (Phases 3 et 4). Si l’on a toutefois

107
La thérapie neurocognitive et comportementale

besoin de l’aborder, il faut le faire avec beaucoup de prudence et après une pré-
paration pédagogique approfondie et une adhésion réelle de la part du/de la
patient(e). Il est également judicieux de commencer, au moins la première fois,
par l’exercice de saturation.
Lorsque la patiente se retrouve devant l’Hypo, elle commence à réfléchir plus
sérieusement, elle dit qu’elle perdrait certains bénéfices qu’elle ne peut pas
atteindre autrement que par ce biais détourné, caché. Elle vient de prendre
conscience, non pas instantanément ni clairement, mais au fil de l’interroga-
toire, de ce qu’elle ne pourrait plus faire ou ressentir dans ce cas imaginaire.
Nos questions vont alors porter sur la recherche d’autres objets d’Hyper
« cousins », qui pourraient servir à la même chose.
Dans le cas évoqué, on va progressivement découvrir que cet Hyper [sur la
guitare] recouvre en fait le besoin plus général de [se faire des relations]. On se
rend compte que le seul « alibi » assumable qu’elle ait jusqu’ici pour rencontrer
des gens, c’est son club de musique où elle joue.
Si l’on cherche encore un peu plus loin, on s’aperçoit qu’elle a un Hypo puis-
sant sur le fait de parler sans mobile précis, concret et immédiat. Les sujets ordi-
naires tels que la santé, le temps, la politique, lui paraissent ridicules. Elle ne peut
qu’évoquer un thème justifié par une réalité concrète dans sa vie. D’ailleurs,
même sa thérapie en est perturbée. Elle arrive en séance et ne trouve ordinaire-
ment rien à exprimer. Tout lui paraît rapidement futile. Elle ne termine pas ses
phrases et répond souvent par oui ou non aux questions, ou de façon lapidaire,
technique. La seule exception à cela est la musique. Elle se montre loquace sur le
sujet, mais elle éprouve de la fébrilité et regrette après d’avoir tant parlé. On
atteint alors le niveau de « l’objectif occulte ». À ce stade, une bonne confiance
thérapeutique est plus que jamais nécessaire car avec cette révélation, la patiente
a le sentiment d’entrer dans une zone interdite et glauque qu’est l’Hypo.
On ne doit donc lui laisser aucune possibilité de repli mais l’amener avec
douceur et tact à s’avouer consciemment cet objectif jusqu’ici totalement
inconscient. Elle pensait juste n’être passionnée que de musique et mépriser le
reste. L’objet occulte finit toujours par apparaître en filigrane. On essaie alors
de voir s’il appartient aux Hypos déjà identifiés ou s’il s’agit d’un nouvel Hypo
jusqu’ici non décelé par les résonances. Dans ce dernier cas, pour pouvoir iden-
tifier plus précisément le paramètre actif, on va devoir procéder « classiquement ».
Il faudra inventer, en collaboration avec la personne, des situations comparables
de Résonance puis tester par l’affrontement imaginaire qu’il s’agit bien du
Contenant d’Hypo sous-jacent à l’Hyper qui nous importe.
Dans la plupart de nos dossiers cliniques, nous retrouvons souvent, à
un stade avancé du travail thérapeutique, les mêmes Hypos majeurs

108
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

générateurs d’Hypers. Mais nous ne cessons de nous féliciter de refaire


chaque fois le travail « proprement » et de ne pas considérer que les Hypos
standards. En effet, c’est notamment à la finition que la qualité du travail
est déterminante : si l’on n’a pas saisi le véritable paramètre actif de
l’Hypo, alors l’affrontement de celui-ci ne produira rien. Certes, un Hypo
correctement travaillé et traité ne produit plus de symptômes d’Hypo, mais
avant cela nous devons observer la disparition essentiellement progressive
mais durable des Résonances et des Hypers associés à l’Hypo. Un Hypo
qui « fond » est comme la banquise, il se réduit de plus en plus et pour
l’atteindre, il est nécessaire de viser de plus en plus juste. Or, « plus petit »
ne veut pas toujours dire en proportion « beaucoup moins pathogène » :
c’est souvent le cœur du paramètre actif qui fond en dernier, et souvent
la partie qui est enchâssée dans d’autres Contenants (notamment les
Personnalités Secondaires, cf. Fradin & Lemoullec, 2006, op. cit.).

7. LA THÉRAPIE NEUROCOMPORTEMENTALE
DES HYPOS

La thérapie neurocomportementale des Hypos est un des cœurs de la


TNC, avec celle du Positionnement Grégaire (PG). En effet, les Hypos
constituent des entités cliniques extrêmement répandues pour ne pas dire
universelles, car il s’agit là d’un mode de régulation sociale primitif : nous
sommes donc à la frontière entre physiologie et pathologie.
Si l’Hypo est un constituant normal de la vie individuelle et sociale,
s’il constitue même un outil éducatif ordinaire, c’est parce qu’il s’avère
« efficace ». Chaque fois que l’on se moque d’un enfant, par exemple en
lui disant « un grand garçon ne pleure pas ! », on est dans le périmètre de
la constitution des Hypos. Lorsque l’on a fait ressentir un peu de ridicule
à un enfant sur un sujet, d’aucuns peuvent penser qu’ils auront « enfin la
paix », et que l’enfant ne recommencera plus. C’est pourquoi beaucoup de
parents, enseignants ou éducateurs s’en servent. Nous supposons égale-
ment que de nombreux Hypos se construisent par mimétisme : « j’ai vu un
autre enfant ou adulte se faire ridiculiser de telle façon, alors je vais bien me
garder de faire la même chose ». Au-delà d’un tel mimétisme, notre expé-
rience clinique nous laisse penser qu’il peut suffire de présumer que telle
attitude donnerait lieu à un rejet, pour adopter l’attitude opposée et
constituer un Hypo. Car il y a un enjeu lié au fait de respecter Hypo :
l’intégration au groupe social. Les enfants sont à ce titre extrêmement sen-
sibles au ridicule et à la honte, et en désir de normalisation.

109
La thérapie neurocognitive et comportementale

Point donc besoin de traumatisme moral pour acquérir des Hypos ou


tabous. Il se peut également que ceux-ci puissent être construits à l’aide de
la valorisation de certaines actions ou comportements, la fierté pouvant par-
fois être le miroir de la honte : « tu n’as pas pleuré, tu es courageux, tu es un
grand garçon ! » peut inciter à penser que pleurer est synonyme de manque
de courage et d’enfantillage, ce qui est généralement peu valorisé.
Il est à noter que la personnalité de chacun influence également la
nature des Hypos recueillis. Une personne qui présentera par exemple un
tempérament très social et attentif au « bon goût » sera beaucoup plus per-
méable à des Hypos sur l’habillement, sur ce qui se porte ou pas au sein
du groupe social. Un tel Hypo se construira plus difficilement chez un
individu qui présente un tempérament plus « sauvage » ou introverti.
Ce qui va surtout définir le caractère plus ou moins pathogène d’un
Hypo est la mécanique qu’il impose dans la vie de l’individu, dans son
action ou pourrait-on dire, sa « position » dans l’espace mental du patient.
En d’autres termes :
– Cet Hypo est-il « mal placé » ? Entrave-t-il la pleine expression de
ses motivations spontanées et de l’épanouissement de sa ou ses
« vocations » ?
– Cet Hypo empêche-t-il notre capacité d’autonomisation, de rési-
lience et d’adaptation (qui serait liée notamment à l’activité du
CPF) ? Certains Hypos peuvent en effet aller à l’encontre du bon
développement du raisonnement et de l’intelligence. Ils peuvent être
générés à l’issue de réflexions dites avec agacement, telles que, par
exemple : « Pourquoi tu dis toujours pourquoi ? ». Un Hypo sur le fait
de poser des questions en vue de comprendre peut affecter notre
capacité à faire face à ses études, apprendre un métier, gérer avec
recul ses difficultés…
– Cet Hypo dérange-t-il nos capacités relationnelles et sociales ?
Les Hypos-Métas, par exemple, engendrent souvent des com-
plexes, c’est-à-dire une difficulté à apprendre en présence des
autres, parce que l’on s’est senti ridicule de ne pas savoir. Ces
Hypos sont souvent générés par des commentaires tels que « Ah,
tu ne sais pas ça toi !? ». Dans ce cadre, moins l’individu ose mani-
fester le fait qu’il ne soit qu’à un stade d’apprentissage, plus
l’Hypo est renforcé et se cristallise. Ce qui n’est au départ que la
cause d’un léger retrait social (par exemple : « je ne parle pas beau-
coup en classe »), fait le lit d’un véritable déficit cumulé d’appren-
tissage de tout ce qui se fait devant les autres (la gymnastique,
l’aisance orale…).

110
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Ce type de situation justifie pleinement le fait que des Hypers vien-


nent progressivement chercher à compenser les déficits les plus saillants,
accompagnés des avantages et des inconvénients que l’on a déjà
commentés.
La dépendance psychologique, relationnelle et sociale que produit
l’Hyper ne fait que commencer. Elle apporte avec elle l’anxiété, la timi-
dité et autres « petits bobos à l’âme » qui ne vont faire que s’amplifier et
finir d’égarer l’individu. Il ne sera plus seulement privé de libertés sociales
et individuelles (de celles qui sont autorisées par l’éthique), il ne sera plus
seulement dupe de cette adhésion cognitive aux interdits et tabous en
question, il sera de surcroît happé par l’obsessivité de l’Hyper. Celle-ci lui
laissera de moins en moins le loisir de penser à autre chose, et s’accom-
pagnera d’une douleur morale rémanente lors des Phases 3 (échec avec
sentiment d’avoir le poids du monde qui tombe sur ses épaules, d’être
privé de quelque chose d’irremplaçable et désormais inaccessible) et 4 de
l’Hyper (résignation, amertume, découverte de la jalousie maladive, rup-
ture qui s’élargit avec son environnement social pour qui on devient
« difficile à vivre »).
Notre expérience clinique d’une vingtaine d’années nous conforte
dans l’idée que le traitement de l’Hypo, comme celui des phobies simples,
est efficace et définitif. Un Hypo traité ne revient pas. Le délai pour obte-
nir ce résultat est néanmoins très variable. Il dépend de plusieurs facteurs
que sont :
1. L’ancienneté de l’Hypo : plus l’Hypo s’est constitué tôt dans l’en-
fance, plus il semble résistant.
2. La synergie de l’Hypo avec une simple antivaleur ou son enchâsse-
ment dans celle-ci. L’hypo renforce dans ce cas l’antivaleur. Ceci
rend le travail d’affrontement thérapeutique plus spécifique (on peut
agrémenter les exercices des caractéristiques et antivaleurs liées à la
personnalité de l’individu) et nécessite un travail cognitif parallèle
de relativisation de ces antivaleurs (à l’aide de la Gestion des Modes
Mentaux ou GMM par exemple).
3. La nature de l’Hypo : la thérapie des Hypos-Méta est plus difficile
et longue car ceux-ci nous échappent plus facilement lors de l’affron-
tement. Il est nécessaire de les appréhender avec des méthodes qui
leur sont propres.
4. Le transfert que l’on fait de ses nouvelles libertés dans sa vie réelle :
tant qu’un affranchissement d’Hypo ne sort pas du cadre des
séances de thérapie pour s’installer progressivement dans notre vie
privée puis sociale, voire professionnelle (au sens du socialement

111
La thérapie neurocognitive et comportementale

acceptable), alors la libération peut rester partielle et le soulage-


ment des Hypers/RH ne sera qu’en proportion.
Pour conclure, notre expérience clinique nous montre que nous ne
pouvons observer de résultats durables sur la partie qualifiée de névrotique
en psychanalyse (que nous qualifierions de Néolimbique en TNC), tant
que l’on n’a pas identifié et traité les Hypers/RH gênants et les Hypos qui
sont à leur origine. Certes un travail cognitif et/ou neurocognitif (à l’aide
de techniques telles que la GMM, l’ACT ou la Mindfulness) peut amélio-
rer sensiblement notre capacité à gérer nos émotions, mais il ne permet-
tra pas de traiter cette tendance pathologique.

7.1. L’affrontement d’Hypo Basique

La Pédagogie
La partie pédagogique de cette thérapie consiste à définir et faire décou-
vrir ce qu’est la cascade Hypo-Hyper-RH quels sont les liens entre ces dif-
férents mécanismes. On y aborde donc les notions suivantes :
1. Les lois cybernétiques ou systémiques biologiques amenant à l’idée
que l’Hypo est contourné et compensé.
2. Le phénomène de régulation sociale permettant de définir l’identité
du groupe notamment au travers de comportements permis et interdits.
3. Le fait que l’Hypo et l’Hyper ne soient pas des comportements anti-
nomiques : l’Hyper se substitue à l’Hypo, mais n’est pas son contraire.
Il est une façon d’utiliser ce qui est permis pour obtenir ce qui est
interdit.
4. La conséquence tardive et indirecte de ces deux processus est la RH.
Un autre type de pédagogie consiste à faire évaluer au patient ce que
d’autres Hypos (que le patient n’a apparemment pas) entravent chez les
autres. Dans un premier temps, le thérapeute commence par évoquer
les Hypos issus d’une autre culture que celle du patient. Il est relativement
aisé de bien lui faire comprendre, avec tout le recul nécessaire, à quel
point ces Hypos handicapent les individus de cette autre culture pour
objectivement profiter de certaines choses, éprouver certains plaisirs et
faire certaines expériences. Dans un second temps, le thérapeute étend
l’exploration des Hypos aux proches du patient. Ce dernier se rend alors
compte qu’il a tendance à plaindre ceux qui ont des interdits (complexes,
agacements, etc.) qu’il n’a pas. C’est alors le moment, pour le thérapeute,
d’aider son patient à se « méta-motiver » à rechercher et identifier ses

112
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

propres Hypos, en lui faisant comprendre et extrapoler le manque que cela


lui procure. Malheureusement, à ce stade, le thérapeute est souvent
confronté au vide mental (cf. Chapitre 1.2.2.2) de l’Hypo du patient,
lequel génère un refus « d’aller voir » et une absence totale de motivation.
Dès lors, la négociation de la recherche d’Hypo doit commencer en
évoquant les troubles induits par l’Hyper de l’Hypo, notamment dans ses
phases 3 (correspondant à l’échec d’Hyper, c’est-à-dire à une phase de
sevrage, très douloureuse, voire suicidaire) et 4 (soit la RH, qui génère
amertume et dépression).

La recherche d’Hypo
Comme nous l’avons vu plus haut, le thérapeute peut chercher les Hypos
– essentiellement basiques – des Hypers, grâce aux méthodes de saturation
et/ou de sevrage.
Le thérapeute doit, après cette recherche, vérifier les Contenants des
« objets » identifiés avec les méthodes précédentes. Cette vérification s’éta-
blit via la mise en évidence d’une Résonance Émotionnelle d’Hypo que sont :
1. Un vécu d’agacement (résonance en Lutte).
2. Un vécu de gêne ou de ridicule (résonance en Fuite).
3. Un vécu d’admiration larmoyante (résonance en Inhibition).
Suite à cette vérification, le thérapeute doit identifier le paramètre
actif de l’Hypo. Pour cela, il doit poser des questions ouvertes sur la forme
mais fermées sur le fond. Par exemple :
Patient (P) : « Je ne supporte pas les gens qui coupent la parole… »
Thérapeute (T) : « “Je ne supporte pas…”, c’est-à-dire ? »
P : « Je veux dire que ça m’agace ou ça me gêne, ça dépend des fois… »
T : « Qu’est-ce qui vous agace ou gêne dans ce comportement ? »
P : « Le fait de ne pas écouter ce que l’interlocuteur répond à la question
qu’on lui a pourtant posée… »
T : « Et pourquoi cela vous agace-t-il ou vous gêne-t-il ? »
P : « Parce que cela montre qu’on ne le respecte pas… »
T : « Et pourquoi cela vous agace-t-il ou vous gêne-t-il ? »
P : « Je ne sais pas quoi dire de plus… c’est insupportable, ça me met en
furie, cet irrespect ».
À l’issue de cette étape, le thérapeute réalise un test comportemen-
tal d’affrontement d’Hypo. Dans la continuité de l’exemple sus cité, le

113
La thérapie neurocognitive et comportementale

thérapeute évoque au patient le fait que celui-ci va devoir jouer théâ-


tralement le comportement gênant ou agaçant et méprisable. Le théra-
peute observe alors le comportement global et les micro-comportements
du patient. Si le diagnostic est correct, il doit voir apparaître :
1. un sourire de gêne (flou, en « banane ») ;
2. une sensation de chaleur qui envahit le haut du corps du patient,
comme une bouffée de chaleur. Cette sensation est indirectement
perceptible par le thérapeute dans la mesure où elle amène souvent
la personne à enlever les couches superficielles de ses vêtements, ou
provoque le rougissement de son visage.

L’affrontement ou le traitement de l’Hypo


Une fois le test d’affrontement effectué avec succès, le thérapeute peut
conduire le patient à l’affrontement d’Hypo à proprement parler. Tout au
long de cet affrontement, il prendra soin de vérifier que le patient ne pré-
sente pas d’autre vécu que ceux-ci :
– un vide mental ;
– du mépris ou de l’agacement si l’affrontement est en Lutte ;
– de la honte ou de la gêne, i.e. une sensation de ridicule si l’affron-
tement est en Fuite ;
– ou de l’admiration avec émotion, i.e. une sensation de sublime et
d’inaccessible mais admirable si l’affrontement est en Inhibition.
Si le vécu induit est différent, il sera absolument nécessaire de recom-
mencer l’identification, tout d’abord, du paramètre actif.
Si le vécu d’Hypo est manifeste et confirme le diagnostic, il est cepen-
dant particulièrement souhaitable d’éviter le vécu d’affrontement en
Lutte. Il sera plus adapté de provoquer les vécus de gêne ou de sensation
de sublime, bien que ce dernier soit assez rare (il n’est pas fréquent de
s’auto-admirer pendant un affrontement d’Hypo). L’affrontement en Lutte
induit ordinairement une sensation très désagréable et notamment ce que
l’on appelle des « pseudo-vérifications ». Nous parlons de pseudo-
vérification au lieu de vérification chaque fois qu’il s’agit d’une vérifica-
tion réalisée dans une dimension émotionnelle et trompeuse, par opposition
à une vérification réalisée dans une dimension de rationalisation des évé-
nements44. Par exemple, si un individu est complexé par un Hypo-Méta/

44. Pour une illustration des processus engageant un traitement émotionnel ou ration-
nel des événements et de l’information, voir Fradin et al. (2008, op. cit.), et
Fernandez-Duque & Posner (2001).

114
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

Hyper-Méta et prend la parole dans un groupe pour essayer de dépasser


mon problème, et que quelqu’un se moque de lui, alors il « pseudo-vérifie »
qu’il n’aurait pas dû se livrer à ce genre d’exercice. Il a le sentiment d’avoir
fait quelque chose de grotesque voire de condamnable et qu’il aurait mieux
fait de se taire. Pire, il risque dans ce cas d’en tirer la conclusion que cet
exercice est stupide, méprisable, voire dangereux : le niveau d’adhésion
cognitive à l’interdit est dans ce cas maximum et l’affrontement devient
en général vite impossible à poursuivre. Il n’est pas rare, faute d’un arrêt
rapide de l’affrontement, d’une reprise de contact, d’une pédagogie ad’hoc,
et d’une méta-communication si nécessaire sur l’erreur commise, que la
pseudo-vérification induise une rupture thérapeutique ou tout du moins
un refus de poursuivre la part comportementale de la TNC (notamment
sur l’Hypo). Si l’Hypo ou autrement dit le tabou social, est vraiment mas-
sif, le patient peut même finir par être choqué que l’on puisse suggérer de
telles attitudes, même « pour rire » (sic), même en jeu théâtral, même
pour traiter une pathologie. C’est interdit et on ne plaisante pas avec ceci.
À l’extrême, ceci pourrait déclencher une violence « justicière » car ce
que l’on a fait ou proposé de faire est « sacrilège ». Ce type de réaction et
d’adhésion est cependant de plus en plus rare, notamment en Europe, mais
cela semble dépendre des cultures.
Le thérapeute s’assure donc que le vécu d’Hypo est en gêne ou éven-
tuellement en « admiration larmoyante », et pour cela joue des paramètres
dits modulateurs. Comme leur nom l’indique, ils ne sont pas des déclen-
cheurs binaires (effet on/off) du Contenant qui nous intéresse, mais ils en
modulent l’intensité et/ou la nature. Par là même, un paramètre modula-
teur pourra induire le type de vécu (agacement, gêne ou admiration
larmoyante en ce qui concerne l’Hypo).
Par ailleurs, certains paramètres modulateurs augmentent l’intensité de
l’affrontement et d’autres le diminuent. L’augmentent ceux qui génèrent
du bruit, du volume gestuel, de l’amplitude des tonalités de la voix et tout
ce qui rendrait le comportement plus crédible aux yeux d’un non averti.
Impliquer le paramètre modulateur produisant le plus d’intensité dans
l’exercice permet de faire en sorte que celui-ci soit plus efficace. Par ana-
logie à la navigation à voile, on pourrait considérer que l’on déploie la
voilure pour optimiser la prise au vent. Ainsi, lorsque l’affrontement perd
de son intensité, le thérapeute peut dire à son patient : « Essayez de jouer
de telle sorte que si un inconnu rentrait à ce moment dans la pièce et n’était pas
prévenu de la situation, il penserait que vous êtes naturellement comme ça ».
Il existe également les paramètres modulateurs qui éloignent l’affron-
tement du réel, permettant ainsi d’éviter une pseudo-vérification ou une

115
La thérapie neurocognitive et comportementale

confrontation trop importante qui rendrait l’exercice difficile à réaliser


pour le patient. À l’image de l’analogie en navigation, on diminue la voi-
lure en cas de mer agitée. Pour ce faire, il est possible de caricaturer le
comportement, notamment de façon enfantine ou drolatique, i.e. peu cré-
dible (à l’image de spectacles de Guignol ou de la Commedia Dell’Arte).
Un tel jeu permet à l’individu d’assurer un minimum de « défausse » et de
distance entre lui et le personnage joué : ce dernier est tellement carica-
tural qu’il ne peut ressembler à la réalité, donc à l’individu. Cette façon
de jouer permet d’adopter le comportement tout en ayant l’air « de ne pas
en être ».
Les paramètres modulateurs permettent donc au patient et au théra-
peute de transformer le mur que représente l’affrontement d’Hypo en
escalier, puis si possible d’améliorer l’efficacité de l’exercice. Avant toute
chose, ils permettent de passer du caractère sérieux sinon insupportable
de l’adhésion forte à l’Hypo, à un état d’esprit plus ludique (d’où le nom
d’art dédramatique que l’on a également donné au traitement comporte-
mentaliste de l’Hypo).

7.2. L’arrêt d’un exercice d’affrontement d’Hypo


Le thérapeute doit choisir d’arrêter l’affrontement de l’Hypo dès que le
vécu d’affrontement s’amenuise, même un peu. Ceci est particulièrement
vrai si l’affrontement est intense et que la phase plateau de la gêne (voire
du fou-rire) dure plus de quelques minutes (3 à 5 minutes). On ne cherche
pas à continuer de trop l’affrontement car on rencontre souvent de nou-
velles phases de résistance, notamment si l’Hypo est enchâssé dans des
antivaleurs liées à sa personnalité (voir les notions de quotas et bascules).
Il est peu souhaitable de devoir arrêter en phase de blocage, surtout si on
a « glissé » vers un vécu d’affrontement en Lutte (ce qui est fréquent dans
le cas décrit d’interférence avec une antivaleur). Dans un tel cas, il faudra
sans doute (re-)travailler la prise de recul vis-à-vis de l’adhésion cognitive
à l’antivaleur avant de reprendre l’affrontement d’Hypo.
Après l’arrêt du travail d’Hypo, le thérapeute évalue l’impact de l’exer-
cice sur la résonance initialement identifiée : elle doit avoir diminué en
proportion de ce que l’on a observé pendant l’affrontement comportemen-
tal, car ce sont deux facettes du même objet mental.
De la même façon, le thérapeute doit également vérifier l’impact de
l’exercice sur l’Hyper en lien avec l’Hypo travaillé. L’intensité doit
avoir diminué en proportion de l’Hypo traité. Si tel est le cas, l’anxiété,

116
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

l’ambivalence de l’Hyper, la souffrance morale ou l’amertume de la RH


correspondante ont également diminué selon les mêmes dimensions.
Dans le cas contraire, c’est que le thérapeute, d’après notre expérience,
aura perdu le fil de la démarche, en passant d’un Contenant à un autre
ou d’un contenu (ou paramètre actif de l’Hypo) à un autre. En revanche,
si l’amélioration est partielle et manifestement pas à la mesure du tra-
vail d’Hypo effectué, c’est sans doute parce que l’Hyper est en lien avec
plusieurs Hypos.
Le thérapeute doit arrêter l’affrontement que celui-ci s’avère pertinent
et efficace ou non. En effet, si l’impact thérapeutique de l’exercice sur
l’Hyper et la RH est nul ou partiel comparativement au travail d’Hypo
réalisé, le thérapeute doit malgré tout arrêter l’exercice. Si le thérapeute
venait à persévérer, cela pourrait être vécu par le patient comme un achar-
nement thérapeutique comportemental sur un Hypo, ce qui induit presque
systématiquement un « décrochage thérapeutique » voire une perte de
confiance vis-à-vis du thérapeute et/ou de la thérapie en cours ou en géné-
ral. Ceci est particulièrement vrai lorsque l’on traite des Hypos Basiques45
et que l’on se situe au commencement de la thérapie, lorsque l’individu
n’est pas encore complètement familier de ce type d’exercice et des béné-
fices qu’il peut produire. Il est plus souhaitable que le thérapeute applique
à nouveau, lors d’une séance ultérieure, les méthodes de saturation
et sevrage.
À la suite d’un affrontement réussi, il est utile de réaliser un débriefing
avec le patient. Ce compte-rendu réalisé avec le patient est souvent riche
en termes de prise de conscience et de découverte : la personne perçoit la
puissance de la « cécité critique sélective » autrement dit de l’aveuglement
induit par l’Hypo avant l’exercice. Cela apparaît généralement comme sai-
sissant.

45. Les Hypos-Métas font que l’individu tolère une certaine façon de réaliser le compor-
tement tabou, mais pas une autre. Les Hypos Basiques, en revanche, sont un tabou
sur le comportement quelle que soit la façon dont il est mis en œuvre. Ceci explique
sans doute que l’adhésion au tabou soit plus difficile à remettre en cause dans le
second cas que dans le premier.

117
La thérapie neurocognitive et comportementale

DIAGNOSTIC DE RÉSONNANCE IDENTIFICATION


Situations non-impliquantes DES PARAMÈTRES
avec E.U.I. ACTIFS

DÉMINAGE TEST DE TEST


RÉSONNANCE D’AFFRONTEMENT
Affrontement MISE
EN ÉVIDENCE
DES CONTENUS
EXPOSITION
TIF
COGNITIFS
NI
VÉCU D’HYPER
G

Accep-
W CO

tation
VÉCU D’HYPO
Refus
TEST
D’AFFRONTEMENT

Figure 1.5
Jeu de l’oie de l’affrontement d’Hypo
« La figure 5 illustre les différentes étapes du diagnostic
et du traitement d’Hypo ».

7.3. Affrontement d’Hypo-Méta


La pédagogie
La pédagogie mentionnée précédemment et destinée au traitement de
l’Hypo Basique s’applique également aux cas particuliers des Hypos-Métas.
Le thérapeute doit ajouter, à sa définition des Hypos, le fait que l’Hypo-
Méta porte sur la façon de vivre ou réaliser une action. Ce peut être par
exemple un Hypo sur une [façon de faire du sport] et non sur le fait même
de pratiquer une activité sportive (ce qui serait davantage synonyme
d’Hypo Basique).

118
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

De ce type d’Hypo découle un Hyper qui s’avère la plupart du temps


très simple à appréhender et « proche » de l’Hypo : l’Hyper correspond à
une des façons de faire permises, ou au fait que d’autres réalisent à sa place
ce qui est interdit par l’Hypo. Si une personne présente par exemple un
Hypo-Méta sur le fait de [prendre des décisions], l’Hyper-méta en corres-
pondance sera probablement :
1. Le fait de demander à d’autres des conseils puis de les faire décider
et acter pour elle.
2. Ou encore de soumettre à d’autres une décision qu’elle aimerait
prendre, afin qu’ils la « cautionnent ».
Ces exemples illustrent ce que l’on nomme plus précisément des
« Hypers d’attente » : la personne est en attente qu’autrui exprime son
opinion pour que cela aboutisse à une prise de décision ou à une vali-
dation de celle-ci pour résoudre le problème en cours. Dans le premier
cas, on parle d’Hyper d’attente totalement passif, car la décision doit
entièrement émaner de l’interlocuteur ; dans le second, on parle d’Hy-
per actif, au sens où la personne propose tout de même une décision,
mais attend qu’elle soit validée par autrui. Dans les deux cas, on
constate qu’il y a toujours une attente et que celle-ci est déterminante
puisque la personne, seule, ne s’estime pas capable d’assumer ce qu’elle
pense46.

Recherche et affrontement d’Hypo-Méta


Une fois que le thérapeute a réalisé la pédagogie nécessaire, fait com-
prendre et illustré le concept d’Hypo-Méta au patient, il peut s’atteler à
la recherche des Hypers-Méta.

a) Le tableau de recueil des Hypos-Méta et Hypers-Méta


La procédure la plus simple, globale et rapide permettant de chercher un
(des) Hyper(s)-Méta et un (des) Hypo(s)-Méta consiste à faire remplir au
patient un tableau, dont les colonnes exposent les contenus suivants (voir
tableau 1.3 ci-après) :

46. On notera que l’Hypo Méta considéré dans l’exemple concerne bien le fait de ne
pouvoir assumer la prise de décision, ou ce que l’on pense en termes d’image sociale
et de tabou. Ceci n’est pas en rapport avec le fait de ne pouvoir prendre une décision
en raison de contraintes associées à une position hiérarchique par exemple, ou à un
statut particulier.

119
La thérapie neurocognitive et comportementale

Éléments déclenchant Éléments que Discours que le patient


une RH-Méta chez le patient aurait doit tenir pour affronter
le patient souhaité entendre l’Hypo-Méta sous-jacent
de la part d’autrui, à la RH-Méta ciblée
à la place
des éléments de RH-
Méta (Hyper-Méta)

Sentiment de non- « Ton travail est « Je trouve que mon travail est
reconnaissance de son excellent », « On a vraiment très bon, le temps que
travail besoin de quelqu’un j’y passe me le rend bien, je suis
comme toi », « Ce que toujours satisfait de mon travail,
tu accomplis est je sais qu’il est nécessaire pour
toujours impeccable, que je puisse avancer et faire
il n’y a rien à redire »… avancer les choses… »

Tableau 1.3
Support de traitement d’Hypo-Méta

1. La première colonne doit comporter la description la plus complète


possible de ses RH-Méta. Celles-ci correspondent aux attitudes et
aux réflexions qui le « blessent » lorsqu’il est en échec ou rejeté.
Le thérapeute doit s’assurer que le vécu est bien celui de la RH
(Phase 4 d’Hyper ou Phase 3 dite d’échec d’Hyper) à savoir : amer-
tume, aigreur, sentiment d’être incompris, d’être victime d’une
injustice, besoin de faire des reproches, souffrance issue
d’une jalousie à l’égard de ceux qui ont (ou semblent avoir) ce qui
nous est refusé, désir éventuel de vengeance (ou idée apparentée
qui effleure).
2. La deuxième colonne contient ce que le patient aurait idéalement
souhaité entendre ou recevoir à la place de cette frustration, comme
par exemple des compliments, de la reconnaissance, de l’affection,
de l’assistance, un conseil ou un avis, etc. Là encore le thérapeute
doit vérifier qu’il s’agit bien d’un Contenant Hyper en phase 1, se
traduisant par une tendance à l’euphorie, à l’excitation et/ou au
contraire à l’incrédulité, à l’anxiété par anticipation. La relance de
l’Hyper peut être évitée ou atténuée en demandant au patient de
n’indiquer que des situations imaginaires, en reprenant l’exemple du
génie d’Aladin garantissant le fait que l’ensemble de ces souhaits
seront satisfaits. On notera que dans les cas d’Hyper-Méta peu

120
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

intense, le vécu d’Hyper en Phase 1 peut ne pas être perceptible. Sa


présence est cependant dévoilée en raison du manque apparaissant
en phase 3 ou 4.
3. La troisième colonne consiste à mettre « je » devant ce que l’on
attend des autres. Il doit adopter une attitude mentale plus qu’un
comportement, et raconter une situation et sa position par rap-
port à elle plus qu’il ne la joue. Un individu qui aurait un Hypo-
Méta sur le fait d’assumer ce qu’il pense de lui-même pourrait dire
par exemple, en guise d’exercice : « j’apprécie ma propre compa-
gnie, je la trouve intéressante, parce que je me sens riche d’expé-
riences, etc. ». Cette manœuvre impose à l’individu le fait
d’assumer ce qu’il attend ordinairement des autres. Il devient
acteur de cette dynamique au lieu d’être dans l’expectative : il est
alors en Hypo-Méta. Le thérapeute doit vérifier que le Contenant
a bien changé, que le patient est réellement passé de l’Hyper à
l’Hypo. La transition entre les deux états doit être franche et bru-
tale, selon que la personne passe de l’attente à l’action ou réci-
proquement.
Le remplissage ou l’énonciation du contenu de la troisième colonne
constitue, nous l’aurons compris, un affrontement d’Hypo-Méta en soi.
Aussi, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que le thérapeute doit
être particulièrement vigilant à ce que cet affrontement n’engendre pas
une stimulation de l’Hyper-Méta, où le patient, en disant « je pense
que… », chercherait malgré tout une approbation explicite ou implicite
de la part du thérapeute. Dans ce cas le patient aura « glissé » vers un
Hyper-Méta actif. Le thérapeute doit donc clairement convenir avec la
personne que lui ou le groupe thérapeutique n’émettra aucun signe
d’approbation ou de validation, pendant l’exercice ni après. Le groupe (si
groupe il y a) doit ainsi s’engager à respecter une totale neutralité de pro-
pos mais aussi d’attitude vis-à-vis de ce qu’exprime la personne. Cette
règle peut être cependant quelque peu nuancée en début d’affrontement,
si ce dernier est trop intense : on peut user alors des paramètres modula-
teurs, dont la caricature ludique, qui permet de tolérer une certaine part
de défausse.
Les avantages de cette stratégie du tableau en trois colonnes sont :
– L’identification rapide des Hypers, notamment ceux qui tendent à
évoluer en RH.
– L’identification rapide du caractère actif ou passif de ces Hypers.
Cette précision est importante car plus l’individu sera actif, moins
sa dépendance sera laissée au hasard des actions d’autrui. Aussi, les

121
La thérapie neurocognitive et comportementale

Hypers actifs seront plus efficaces et exposés à des RH moins sévères


que des Hypers passifs.
– La mise en évidence du contenu précieux et ciblé des Hypos sous-
jacents aux Hypers. Ce travail est habituellement très difficile en
partant de la résonance d’Hypo. Cette stratégie a donc permis de
banaliser le travail comportemental des Hypos-Métas, qui était
jusque-là délicat, très long, voire aléatoire : au fur et à mesure de la
levée du blanc mental, les affrontements avaient lieu par étape, mais
pouvaient s’étendre sur plusieurs années et éventuellement ne pas
être terminés.

b) La stratégie du passif à l’actif


En guise de variante de la stratégie précédente, le thérapeute peut rendre
les Hypers-Métas plus efficaces. Cette technique ne sous-entend pas qu’il
doit satisfaire l’Hyper du patient en lui adressant des compliments ou de
la reconnaissance. Il doit en réalité inviter la personne à être plus active
dans l’obtention de ceux-ci. En d’autres termes, le thérapeute amène le
patient à rendre actifs des Hypers passifs.
Cette stratégie ne remplace pas le travail des Hypos-Métas cité précé-
demment, elle ne fait que le préparer et le compléter. Elle a aussi le mérite
d’être plus facilement motivante pour la personne en phase d’autonomi-
sation : le vécu d’hyper en Phase 1 est assurément plus euphorisant que
celui de l’Hypo en affrontement réel qui crée un blanc mental et éven-
tuellement un ennui profond.

Vérification de l’effet de l’affrontement


ou qualité de la résistance à la RH
Suite à l’affrontement d’Hypo-Méta, le thérapeute peut inviter le patient
à tester sa résistance aux critiques. Pour ce faire, il suffit au thérapeute (ou
aux membres du groupe thérapeutique) de récupérer et d’adresser au
patient, de façon neutre, toutes les critiques, situations et attitudes ou pro-
pos usuellement sources de RH chez lui (éléments contenus dans la troi-
sième colonne du tableau 1.3). Particulièrement au début de l’exercice,
chaque propos sera énoncé de façon neutre l’un après l’autre, en aména-
geant des délais entre chacun, de façon à laisser le temps au patient « d’as-
sumer sa propre pensée » face à ces critiques habituellement perçues
comme cruelles.
Lors de cet exercice difficile, le patient doit s’entraîner à se dire, dans
sa tête : « ce n’est pas ce que je pense, ils peuvent dire ce qu’ils veulent, chacun

122
L’Hypofonctionnement ou Comportement Automatique d’Évitement Social

a d’ailleurs le droit de penser ce qu’il pense, mais moi je pense autrement ». Le


groupe ou le thérapeute peut observer l’attitude du patient qui affronte son
Hypo-Méta. L’individu doit être concentré ou détendu, en tous les cas pas
en RH (c’est-à-dire pas en souffrance ou en pleurs). Aux prémisses de souf-
france morale, il peut bien évidemment interrompre dès qu’il le souhaite
l’exercice pour prendre le temps d’adopter ou de repasser dans une atti-
tude calme, détendue et assumée.
Au fur et à mesure que le patient acquiert de l’aisance dans cet exer-
cice, il peut inciter le thérapeute ou le groupe à introduire plus de tona-
lité et d’intention dans ses remarques. Le rythme peut s’accélérer et
plusieurs personnes peuvent éventuellement parler en même temps.
L’exercice continue tant que le sujet ne change pas de Contenant
(c’est-à-dire qu’il reste en affrontement d’Hypo) et jusqu’à ce qu’il se
détende (au moins un peu).
À la fin de l’exercice, le thérapeute demande au patient d’évoquer les
dernières discussions ou situations réelles qui ont été source de RH et véri-
fie que l’intensité de la RH est moindre, de façon à s’assurer de la démarche
et des diagnostics effectués.
Lorsqu’un tel exercice devient réellement facile, le patient peut le
transférer dans sa propre vie réelle. Chaque fois que quelqu’un lui fait une
critique qui le mettait auparavant en échec d’Hyper ou RH, il l’écoute
attentivement (plutôt que de se justifier, se fâcher ou éventuellement cla-
quer la porte…) et fait l’exercice intérieurement. Il peut, s’il y parvient,
aller jusqu’à demander des détails, les écouter avec intérêt et attention
puis soit ne rien dire, soit dire : « J’ai bien noté. Je te remercie pour tes
commentaires » (sans ironie ou mépris, mais de façon factuelle et neutre)
ou ajouter : « Ce n’est pas mon opinion mais je comprends la tienne ».
L’avantage de cet exercice est de permettre d’écarter tout risque de
confusion d’un Hyper actif rendu plus efficace par le travail thérapeutique
avec un affrontement d’Hypo-Méta. Le thérapeute pourra certes s’aperce-
voir de cette confusion si « l’affrontement » devient étonnamment facile
mais il n’est pas toujours si aisé de faire la différence vu de l’extérieur. Le
patient a sans doute encore plus de mal à faire la différence vue de l’inté-
rieur, car précisément il n’a souvent pas la moindre idée de ce que vou-
drait dire « penser par soi-même sans avoir besoin d’attendre l’approbation
des autres » concernant tel ou tel sujet. L’énonciation des critiques per-
met justement, dans le cas présent, de dévoiler immédiatement le glisse-
ment sur l’Hyper car il se fait par définition en phase 3 ou 4 d’échec
d’Hyper ou de RH. Contrairement au vécu d’Hypo-Méta, la vivacité de

123
La thérapie neurocognitive et comportementale

la douleur ressentie en RH ne peut passer inaperçue ni pour le thérapeute


ni pour le patient.
Par ailleurs, on notera que cette technique permet d’explorer avec
grande finesse et précision l’état d’esprit qui constitue l’Hypo-Méta, sans
risque de glisser du côté de l’Hyper-Méta associé. Elle permet ainsi de
mieux isoler et identifier les Contenants ou structures mentales entrant
en synergie ou en sonnette avec l’Hypo-Méta. Ces Contenants peuvent
être ce que nous nommons les Personnalités Secondaires le PG, le refou-
lement de Personnalités Primaires, le refoulement de mécanismes d’adap-
tation, etc.
Chapitre 2
Le Positionnement Grégaire

Le présent chapitre est consacré à la description d’autres mécanismes


neuropsychologiques (ou Contenants) que ceux de la cascade Hypo-
Hyper-RH. D’après notre expérience et la littérature scientifique émer-
gente, ces mécanismes sont particulièrement rigides et générateurs de
nombreux troubles divers, tels que ceux en lien avec l’assertivité, les
troubles obsessionnels compulsifs, la schizophrénie, etc. Ils sont liés à ce
que nous nommons le « Positionnement Grégaire » (PG), que nous défi-
nissons plus exactement comme la tendance d’un individu à manifester
des comportements pouvant être apparentés, de façon très restrictive, à
un excès ou un défaut de confiance en soi et/ou en l’autre. Les processus
et les troubles qui sont associés au PG sont plus ou moins pathogènes et
apparaissent peu ou pas accessibles à la raison, voire même parfois aux
thérapies cognitives et/ou comportementales classiques. Notre compré-
hension de ces mécanismes et les hypothèses que nous faisons à leur
encontre nous ont permis de développer de nouveaux exercices cognitifs
et comportementaux destinés à traiter les troubles qui en découlent (cf.
Fradin & Fradin, 2006, op. cit. ; Lefrançois et al., 2011c ; de Chalvron et
al., en révision). Ces exercices, depuis de nombreuses années, font acte
de résultats fort encourageants, et ce même auprès de cas ayant été consi-
dérés comme incurables (Lefrançois et al., 2013 ; Lefrançois et al., 2011b).
Dans le chapitre qui suit, nous présentons les données nous ayant conduits

125
La thérapie neurocognitive et comportementale

à cette théorisation et à la construction de tels exercices. Nous décrivons


ensuite les éléments et les outils permettant de faire un diagnostic et une
thérapie du PG.

1. QUELQUES ÉLÉMENTS THÉORIQUES

1.1. L’activité amygdalienne


et la régulation « paléo-sociale »
Les zones cérébrales dites « paléolimbiques » comportent une région
classiquement impliquée dans l’apprentissage de la peur et de sa forme
extrême qu’est la phobie, à savoir la région amygdalienne (cf. Adolphs
et al., 2005 ; Del Casale et al., 2012 ; Ahs et al., 2011). De nombreuses
études supportent l’idée qu’elle joue également un rôle central dans les
rapports de force liés à une forme de hiérarchie dite « primitive » qui
s’établit dans un groupe (Kumaran et al., 2012, op. cit. ; Mazur, 2005,
op. cit.). Ces rapports induisent des comportements de violence émise
ou reçue de type dominance et soumission (Trower & Gilbert, 1989 ;
Amaral, 2003, op. cit. ; Aggleton, 2000). Cette hiérarchie, chez les
animaux, est rarement remise en cause et permet de cette façon de
limiter l’énergie consacrée aux combats intra- groupe, pour mieux
l’orienter vers la recherche de ressources (nourriture, etc.) ou la défense
vis- à- vis d’un potentiel danger extérieur au groupe (Jolly, 1972 ;
Schimd Mast, 2001).
Les neurones amygdaliens semblent ainsi répondre à de multiples
modalités sensorielles. Chez les animaux, la destruction bilatérale de
l’amygdale les prive de toute perception de peur, de cris ou de menaces
d’éventuels prédateurs ou autres animaux dangereux (Schreiner & Kling,
1953). D’une manière générale, ce type d’ablation affaiblit le ressenti émo-
tionnel, notamment négatif, chez de nombreuses espèces (cf. Adolphs
& Tranel, 2004 ; Schmolck & Squire, 2001). Par ailleurs, la peur associée
à l’activité de ces régions est susceptible de concerner avant tout les êtres
animés et les éléments sociaux, plutôt que des dangers liés à des entités
inanimées (Yang et al., 2012, op. cit. ; Damasio, 2002, op. cit.). On
constate également que le comportement d’agressivité est très altéré par
une ablation totale, et des singes dominants opérés deviennent des soumis
(Rosvold et al., 1954 ; Bachevalier & Málková, 2006 ; Bauman et al.,
2006 ; Emery et al., 2001).

126
Le Positionnement Grégaire

Chez l’homme, les neurones amygdaliens nécessitent des stimula-


tions complexes, comme la présentation d’expression du visage, pour
être activés (Adolphs et al., 1998 ; Amaral, 2003, op. cit. ; Engell et
al., 2007 ; Yang et al., 2012, op. cit.). De même, les conséquences
comportementales de la destruction totale des amygdales sont très
générales et affectent de nombreuses formes d’émotions, qui dépendent
de circuits distincts à l’intérieur même de l’amygdale. Cependant, l’ef-
fet le plus net est la diminution conjointe de la peur sociale, de la
méfiance et de l’agressivité. En effet, certains travaux ont autrefois
montré que des patients extrêmement violents ayant subi une amygda-
lectomie voyaient leur tendance à l’agressivité significativement dimi-
nuée après l’opération (Heimburger et al., 1966). Antonio Damasio
(2002, op. cit. ; voir aussi Feinstein et al., 2011) cite par ailleurs le cas
d’une jeune femme présentant une calcification bilatérale massive de
l’amygdale (maladie d’Urbach-Wiethe). Cette patiente montrait un
état de confiance totale à l’égard d’autrui (même inconnus), ce qui la
rendait susceptible d’être confrontée à quelques mésaventures. En
revanche, cette même patiente a pu présenter un accès de peur allant
jusqu’à la panique, en respirant un gaz chargé de CO2 à 35 % (l’air
n’en contient que 1 %). La suffocation liée à l’inhalation de ce gaz a
ainsi déclenché un signal d’alarme pour la survie (la peur), nécessitant
sans doute l’activation de territoires plus anciens, d’un point de vue
phylogénétique, que l’amygdale (cf. Feinstein et al., 2013). Les auteurs
ont conclu que l’amygdale pourrait être impliquée dans la genèse de la
peur sociale (voir aussi l’étude de Becker et al., 2012). D’autres études
ont également montré qu’une stimulation de l’amygdale, par élec-
trodes, d’une personne ayant un comportement ordinairement correct,
voire soumis, se montrait tout à fait agressive le temps de cette stimu-
lation (King, 1961). Des travaux plus récents et moins sujets à conflit
éthique ont aussi mis en évidence le fait que la sensibilité des indivi-
dus à des visages exprimant la peur était dépendante de l’activité de
l’amygdale (Bishop et al., 2004 ; Etkin, 2004).
L’ensemble de ces travaux laisse penser que l’identification d’un sti-
mulus menaçant, tel qu’une expression agressive, est indépendante de la
reconnaissance faciale permise par les zones néocorticales et des méca-
nismes de mémorisation classiques (McCool, 2002 ; Antoniadis et al.,
2008). La production d’un comportement agressif offensif et d’ordre
social, son identification et sa réception (i.e. la peur), sont profondé-
ment altérées par la destruction des noyaux amygdaliens notamment
basolatéraux. Ces comportements auraient pour objectif la défense du

127
La thérapie neurocognitive et comportementale

rang hiérarchique (Aggleton et al., 2000, op. cit. ; Trower et Gilbert,


1989, op. cit.). De ce point de vue, les animaux comme, par extension,
l’être humain, sont sensibles au caractère plus ou moins symbolique ou
concret de certaines attitudes, expressions du visage ou comportements,
comme l’émission intentionnelle de bruits excessifs, les cris, les menaces,
l’appropriation de la nourriture ou du bien d’autrui, la sexualité (à
connotation avilissante), etc. (cf. Pellegrini, 2008 ; Rule et al., 2012 ;
Terburg et al., 2012).
Ainsi, partant du principe que l’amygdale est au cœur des compor-
tements liés aux rapports de force, nous pouvons supposer qu’elle se
distingue d’autres zones cérébrales pouvant générer des comportements
en apparence semblables, mais dont les mobiles sont différents. En
effet, nous pouvons déjà distinguer l’agressivité offensive et prédatrice
de la dominance, de l’agressivité défensive de la Lutte Instinctive.
Cette dernière se manifeste en réaction à un danger et sollicite a priori
des territoires cérébraux et des comportements différents (cf. Bernard
& Bandler, 1998 ; Bandler et al., 2000 ; Pulkkinen, 1987 ; Pellegrini et
al., 1999 ; Pellegrini, 2001). Plus généralement et d’après notre expé-
rience clinique, les comportements que nous pensons associés à l’acti-
vité amygdalienne n’impliquent pas les agressions qui n’ont pas de
connotation de pouvoir, tels que les accidents, les imprudences, la légi-
time défense, l’emportement émotionnel, voire le crime passionnel,
sauf à leur donner une signification sociale et de rapport de force. Les
agressions en lien avec la dominance (et possiblement l’activité amyg-
dalienne) sont de l’ordre du symbole préprogrammé : humiliation, inti-
midation, violences ou rejets en apparence gratuits, injustifiés, etc.
(Marsh & Cardinale, 2012 ; Isenberg et al., 1999 ; Davidson et al.,
2000 ; Pellegrini et al., 2007 ; Pellegrini et al., 2011). Nous avons qua-
lifié cette régulation, construite sur la violence et la peur, de « paléo-
sociale ».
Depuis une vingtaine d’années, notre expérience clinique nous
laisse penser que les délires seraient une expression de la forme extrême
et « dé-refoulée » des messages internes de régulation d’un comporte-
ment paléo-social. Nous avons supposé que ces messages internes puis-
sent maintenir voire générer ce type de comportement. En conséquence,
nous avons abouti à l’idée que si nous parvenions à perturber ou inver-
ser ces messages en situation pathologique, nous serions peut-être à
même de contrôler ce type de troubles, voire d’en modifier progressi-
vement et durablement le contenu. Nos observations cliniques ajou-
tées à certaines études émergentes nous confortent dans ce point de

128
Le Positionnement Grégaire

vue (cf. Fradin et Fradin, 2006, op. cit. ; Birchwood et al., 2002 ; Van
Der Linden & Ceschi, 2008 ; Lefrançois et al., 2011c ; Lefrançois et al.,
2013). En effet, cette base théorique nous a conduits à construire des
jeux de rôle élaborés sur un principe « antidote ». Ceux-ci consistent
à faire adopter au patient une posture inverse à celle guidée par son
comportement « paléo-social » spontané. Ces exercices, comme nous
le verrons, semblent avoir un effet bénéfique sur des patients pré- ou
post-délirants. Nous avons également proposé ces exercices à des
patients présentant des troubles plus ou moins bénins, mais qui nous
ont semblé en lien avec cette régulation paléo-sociale (troubles de l’as-
sertivité, TOC, tics, attaques de panique, etc.). Les résultats se sont
avérés fort encourageants (cf. infra), malgré la stabilité importante de
ce type de trouble.

1.2. Le Positionnement Grégaire : une grande inertie


pour assurer une stabilité sociale
Comme nous avons pu l’évoquer précédemment, les animaux vivant
dans un groupe organisé selon une hiérarchie dite primitive peuvent
entrer dans un rapport de force (ou de confit social) pour déterminer
leur place dans le groupe (Price et al., 1994 ; Jolly, 1972, op. cit.). À
l’issue de cette confrontation, un individu se soumet tandis que l’autre
manifeste des comportements de dominance (accès privilégié à la nour-
riture et aux femelles, etc.). Cette organisation permet d’assurer une
cohésion face aux dangers extérieurs, de réguler la recherche et la dis-
tribution des ressources. En effet, même si cette distribution est quelque
peu inique, elle permet pour le moins de ne pas entrer en conflit
constant et perdre des forces au détriment d’autres nécessités (cf. Jolly,
1972, op. cit. ; Etkin, 1964 ; Hinde, 1974). De cette façon, une fois éta-
blie, la hiérarchie se montre relativement stable et peu sujette à remise
en question1.

1. Cette hiérarchie peut cependant être régulièrement perturbée par l’arrivée de


nouveaux-nés mâles, représentant ainsi de possibles dominants en devenir. Chez cer-
taines espèces, les mâles dominants tuent notamment la progéniture d’autres mâles
pour laisser l’exclusivité à leur propre descendance et pérenniser leur statut (cf. Boesch
& Boesch-Achermann, 2000 ; Boesch, 2012).

129
La thérapie neurocognitive et comportementale

Illustration 2.1
Femelle macaque berbère (ou Magot, Macaca Sylvanus) en compagnie
de ses petits. La position allongée d’un des petits est reconnue
comme étant un comportement/rituel de soumission

Nous pensons que cette stabilité fonctionnelle persiste chez l’être humain.
Certains travaux (Strayer & Strayer, 1976 ; McGrew, 1972 ; Pellegrini &
Long, 2003 ; Pellegrini et al., 2007) montrent par exemple que chez les
enfants, la constitution d’un groupe passe par de nombreux conflits à la ren-
contre des pairs entre eux, tandis que ces conflits tendent à diminuer au fur
et à mesure du temps et de la hiérarchisation du groupe. Par ailleurs, Pellegrini
et al. (2007, op cit.) ont pu constater que les enfants considérés comme domi-
nants (mais ne présentant pas de trouble majeur du comportement) étaient
fort appréciés par leurs pairs, et que les enseignants ne les considéraient pas
comme particulièrement agressifs. Les auteurs en ont conclu que les enfants
dominants usaient de façon stratégique de l’agressivité, uniquement quand
cela s’avérait nécessaire pour maintenir leur statut de dominance. Ils ont pu
noter que leur agressivité était efficace et essentiellement utilisée lors de situa-
tions de contestation de leur statut. Parallèlement à cela, ces enfants ten-
daient à déployer des efforts pour que leurs pairs et leurs enseignants les
perçoivent non comme agressifs mais comme « socialement compétents ».

130
Le Positionnement Grégaire

Si ce type de comportement apparaît à l’âge scolaire et pré-scolaire


comme déterminant hiérarchiquement le privilège des jouets et de l’in-
fluence sociale, il semblerait que le gain à percevoir lors de l’adolescence et
de la pré-adolescence soit différent. En effet, un jeu « d’enfants », le Rough-
and-Tumble Play (R &T, en anglais) a été identifié et analysé depuis de
nombreuses années par les Anglo-saxons d’un point de vue social et étho-
logique. Cette activité, que l’on pourrait traduire, de façon édulcorée,
comme le « jeu du chat et de la souris », implique certaines dynamiques
telles que le fait de montrer son agilité (sauts, course, etc.), s’appliquer à la
lutte et à la « chasse à l’homme ». Comme pour tout jeu, son cadre se veut
relativement amical. Il a été mis en évidence pour la première fois à la fin
du xixe siècle, par l’anthropologiste Karl Groos (1898 ; 1901). D’après cer-
tains auteurs, il aurait une haute signification sociale. En effet, Pellegrini et
al. (2003 ; voir aussi Jarvis et al., 2006) considèrent qu’il permet, entre indi-
vidus du même sexe et plus particulièrement entre garçons, de déterminer
ou maintenir la hiérarchie et la dominance des membres masculins du
groupe. Lorsque le jeu a lieu entre membres de sexes différents, il semble
aboutir à la mise en place des relations hétérosexuelles. Ce type de jeu,
impliquant les mêmes objectifs, a pu être observé chez d’autres espèces telles
que les chimpanzés, les orangs-outans et les rats (cf. Braggio et al., 1978).
Par ailleurs, la tendance à pratiquer ce jeu pourrait être dépendante, au
moins chez les animaux, du taux de testostérone (Whatson & Stirling,
1992). Or la testostérone est une hormone qui est, entre autres, un indica-
teur de dominance (Mehta & Josephs, 2010 ; Chichinadze et al., 2012).
S’il est aisément possible d’observer des similarités dans l’organisation
structurelle des relations de pouvoir entre les enfants et la progéniture
d’autres espèces, sans doute est-ce en raison de la relative immaturité fonc-
tionnelle du CPF observée à ces âges2. Cependant, de tels comportements
n’épargnent pas l’adulte, et s’avèrent plus ou moins pathogènes selon les cas.
Au-delà des constats observés dans la littérature, notre expérience cli-
nique a pu nous montrer que les Contenants imputables au niveau paléo-
limbique « apprennent » (ou évoluent) peu et lentement. Ainsi, il faut du
temps pour canaliser un enfant dominant ou pour donner confiance à un
soumis. Seuls les événements majeurs, dramatiques, non souhaitables et
connotés d’humiliation sociale sont susceptibles de modifier cette tendance
de façon rapide, radicale et relativement durable. À l’exception de ces cas,
le délai minimum de changement paraît être de l’ordre de trois à six mois
pour des cas légers, ce qui correspond par exemple à la stabilisation des

2. Cf. chapitre 1.1.2.2 Le comportement d’Hypofonctionnement.

131
La thérapie neurocognitive et comportementale

effets d’un traitement neuroleptique3. Ce minimum entend que l’individu


n’aura rencontré, pendant ce délai, aucun événement l’amenant à renfor-
cer sa position initiale (par exemple, pour un soumis, une confrontation
difficile à un individu dominant). Dans le cas contraire, le temps « d’ap-
prentissage » ou de traitement devra être allongé.
La stabilité de cette position explique pourquoi, entre autres, une per-
sonne humiliée par des actes assimilables à de la dominance (comme la
provocation, le viol, la dégradation, la torture ou la mutilation), ne se sen-
tira que partiellement réhabilitée par la soumission du dominant, même
si « justice est rendue » et si « l’affront est lavé » de façon claire, totale et
socialement (i.e. grégairement) visible. Il subsistera, chez la personne
socialement « réhabilitée », un sentiment résiduel d’humiliation, de culpa-
bilité irrationnelle et de honte4 témoignant d’un niveau important de sou-
mission. La gravité de tels événements empêche souvent la personne de
retrouver dans l’instant le positionnement grégaire qu’elle avait avant
l’événement. Cela sera d’autant plus vrai que cette personne aura subi ces
exactions sur une durée prolongée, et avec une fréquence importante.
À ce titre, on peut également se demander quel est l’impact de la média-
tisation actuelle de telles situations sur le Positionnement Grégaire de la
victime. Va-t-elle plus visiblement « être réhabilitée », ou au contraire se
sentir plus définitivement « honteuse et dégradée » ?

1.3. Une mobilité autour d’un point de consigne :


l’effet rebond
Le Positionnement Grégaire, malgré sa stabilité, semble capable d’une cer-
taine mobilité temporelle et spatiale sous certaines conditions5 (cf. Fradin
& Fradin, 2006, op. cit. ; Lefrançois et al., 2011, op. cit.). Cette légère
mobilité agit comme une sécurité permettant de limiter un risque d’ina-
daptation individuelle ou collective, qui pourrait émerger d’une trop

3. Les neuroleptiques sont notamment actifs sur les récepteurs dopaminergiques du sys-
tème mésolimbique auxquels sont attribués les effets antipsychotiques, concurrem-
ment à ceux du système striatal auxquels sont attribués les effets secondaires
extrapyramidaux (cf. Afssaps, 2006).
4. Notons que la honte associée à la soumission diffère du sentiment de honte que l’on attri-
bue au concept d’Hypo. En effet, l’hypo est construit en regard d’une « norme sociale », de
valeurs plus ou moins justifiées, vis-à-vis desquelles il convient de ne pas s’écarter. La honte
associée à la soumission est quant à elle noyée dans un bain de culpabilité irrationnelle, où
l’individu ne saurait, très souvent, expliciter sa honte. Elle s’apparente davantage à un
sentiment de ne pas mériter « d’exister », « d’être », « d’avoir voix au chapitre » ou
« d’avoir accès à des droits légitimes », i.e. à des symptômes de soumission.
5. Voir également le chapitre 2. 2. Diagnostic des axes de PG

132
Le Positionnement Grégaire

grande rigidité de ce positionnement. Cette mobilité rendrait possible, par


exemple, le fait qu’un individu usuellement plutôt dominant soit en
mesure d’adopter un comportement de soumission face à plus dominant
que lui, de façon à limiter les conflits et se préserver lui-même (Allan
& Gilbert, 1997). Strayer & Strayer (1976, op. cit.) ont observé cette
relativité du PG chez les enfants d’âge pré-scolaire.
Ce phénomène nous a conduits à isoler et définir le concept « d’effet
rebond » qui peut se décrire comme une mobilité temporelle du PG. L’effet
rebond est assimilable à un phénomène d’autorégulation intrinsèque du
système. Il se produit suite à la manifestation d’un événement plus ou
moins important dans la vie de l’individu et l’impliquant généralement
socialement6. Tout se passe comme ci cet événement induisait un chan-
gement provisoire du niveau moyen de PG, puis que le niveau de PG
s’écartait d’autant du niveau moyen, mais dans la polarité inverse à la pre-
mière fois. Si nous représentons par exemple les différents degrés et
niveaux de dominance sur un axe gradué allant de 0 (absence de compor-
tement dominant) à 5 (niveau le plus élevé de dominance). Un individu
se situant ordinairement à 2 pourra exceptionnellement descendre à 1 ou
0 suite à des événements jugés humiliants, puis remonter à 3 en raison de
l’effet rebond, pour ensuite se stabiliser à nouveau à 2. De la même façon,
si nous représentons les niveaux de soumission sur un axe gradué allant de
0 (absence de soumission) à -5, un individu présentant, par exemple, un
niveau moyen de soumission -2 pourra manifester des fluctuations cycliques
entre -3 et -1. Cela implique que l’intensité de soumission d’un individu
diminuera, dans une première phase, lors d’un événement heureux ou
agréable. Mais il se produira un effet rebond, dans une seconde phase,
quelques heures ou jours plus tard selon les individus. À l’inverse, un évè-
nement négatif peut provoquer momentanément une augmentation de la
soumission puis un retour au niveau initial, indépendamment de toute
amélioration de la situation. Cet effet rebond tend à faire revenir l’inten-
sité de soumission à son niveau moyen initial. Comme évoqué précédem-
ment, ce retour du PG à un niveau moyen pourrait avoir pour but de
maintenir le PG de base de l’individu, donc la stabilité sociale.
Au-delà de notre expérience clinique générale, le suivi détaillé des évé-
nements constituant la vie de patients présentant des Troubles Obsessionnels
et Compulsifs (TOC), que nous pensons symptomatiques d’une forme de

6. Nous excluons ici les événements dépassant un certain seuil de gravité ou d’implica-
tion émotionnelle, dans la mesure où ils seraient susceptibles de modifier durablement
le niveau de PG.

133
La thérapie neurocognitive et comportementale

soumission, a permis de mieux mettre à jour cet effet rebond. L’une des
patientes présentant ces troubles de façon majeure et depuis de nombreuses
années (plusieurs hospitalisations, résistance à la médication, etc.) a vu ses
symptômes de TOC disparaître totalement lorsque son conjoint l’a quittée
et qu’elle a dû arrêter son travail, en parallèle de quoi elle a présenté une
phase de dépression (Lefrançois et al., 2013, op. cit.). Inversement, une
autre patiente a vu ses symptômes augmenter alors qu’objectivement « tout
allait bien » selon elle (installation dans un même logement avec son nou-
veau compagnon, acquisition d’un nouveau travail plus intéressant que le
précédent, etc. ; cf. Annexe 3, Lefrançois et al., 2011a, op. cit.). De façon
analogue, l’étude de Miller et al. (2013) a mis en évidence que la période
post-partum était, chez les nouvelles mères, une phase de haut risque d’ap-
parition de TOC en lien avec la santé du nouveau-né. La nature des TOC
évoqués par les auteurs est typique des mobiles d’angoisse liés à la soumis-
sion : vérification répétitive de la respiration du nouveau-né, lavage répéti-
tif et excessif des biberons, etc. Ces symptômes ont atteint, dans cette étude
menée sur 461 femmes venant d’accoucher, une prévalence de 11 %, tan-
dis qu’elle est de 2 à 3 % dans la population usuelle.
Si nous observons une fluctuation temporelle du PG autour d’un niveau
moyen, la mobilité et les effets rebonds peuvent également être « spatiaux ».
Il se peut qu’un secteur de notre vie sociale puisse nous amener à fonction-
ner sur un niveau « hiérarchique primitif » différent des autres, laissant place
à un jeu d’autorégulation ou de compensation plus ou moins subtil. Dans des
cas extrêmes, cette mesure compensatoire devient nettement pathologique.
Ainsi, avons-nous constaté par exemple qu’une promotion sociale, brutale
et/ou ressentie subjectivement comme « trop » importante, pouvait entraî-
ner pendant des mois voire une année des comportements de soumission
(avec culpabilité infondée, sentiment d’indignité et d’avoir usurpé sa place),
susceptible de conduire à une dépression de type (pré)-mélancolique ou autre
symptomatologie pouvant y être associée (TOC, attaque de panique, etc.).
L’ensemble de ces données suggère que le PG joue un rôle de régulateur
social primitif, en lissant les « anomalies » et en tendant à restituer l’état
antérieur de l’individu au terme du processus rebond. D’un point de vue
analogue, Diener & Diener (1996 ; voir aussi Biwas-Diener et al., 2005) ont
par exemple montré qu’un événement négatif, même important (par
exemple un accident aux conséquences graves), ne perturbait globalement
le niveau moyen de bonheur de l’individu que pendant quelques semaines
à quelques mois, pour revenir ensuite à son niveau moyen initial. Headey
& Wearing (1992) ont explicitement développé la « Théorie du Point de
Consigne » (ou Set-Point Theory, en anglais), suggérant que chaque individu

134
Le Positionnement Grégaire

serait détenteur d’un niveau de base de bien-être propre à lui. Un individu


s’éloignant de ce niveau de base serait amené à le rejoindre à terme. Dans
des travaux plus récents, les auteurs ont quelque peu nuancé leur propos, en
indiquant notamment que ce point de consigne pouvait éventuellement se
mouvoir à l’échelle de nombreuses années (par exemple 20 ans), et à l’issue
d’événements particuliers (Headey, 2010).
Comme nous le verrons dans les chapitres qui suivent, le jeu d’auto-
égulation qui caractérise le PG, ainsi que ses interactions avec d’autres
formes de cognitions (liées par exemple à la personnalité de l’individu,
etc.), peuvent être relativement pathogènes.

1.4. La régulation du Positionnement Grégaire


est construite sur le vécu de peur et de culpabilité
Nos observations cliniques nous ont permis de constater que les ensembles
de valeurs portés par la personnalité de chaque individu sont articulés
autour de notions de méritocratie ou de l’exclusion en rapport avec l’image
sociale (mépris, ridiculisation, etc.). Nous faisons l’hypothèse (cf. Fradin
& Lemoullec, 2006, op. cit. ; Fradin 2004) que ces comportements sont
liés à des territoires cérébraux « néolimbiques », ou pour le moins plus
évolués, d’un point de vue phylogénétique, que les territoires cérébraux
qui sous-tendent le PG.
Par opposition, la clé de voûte de la hiérarchie imposée par le PG n’est
pas, comme nous avons pu le voir, de l’ordre de la méritocratie, mais
davantage du rapport de force. Elle est centrée sur la notion de peur à
l’égard des congénères (cf. Allan & Gilbert, 1997, op. cit.).
Cette peur agirait comme un « gardien » qui corrigerait (effet rebond)
une situation jugée excessive par rapport à son « point de consigne ».
Cette tendance n’est pas sans rappeler la description clinique de personnes
qui semblent incapables d’apprendre et de tirer les leçons de la vie.
Ainsi, un soumis qui accomplit des progrès rapides et significatifs se verra
sanctionné par une rechute se traduisant par une augmentation des cogni-
tions (et éventuellement des comportements) liées à la soumission. En
revanche, il n’est pas impossible que parallèlement à ses pensées intrusives
et déstabilisantes, émergent chez l’individu d’autres pensées ayant trait à une
conception de la situation basée sur des valeurs. Par exemple, un individu
soumis recevant une promotion pourra à la fois ressentir une certaine satis-
faction et même légitimer cette promotion (« après tout j’ai beaucoup tra-
vaillé, quelque part c’est mérité, je suis content(e) »), mais ne pourra réprimer

135
La thérapie neurocognitive et comportementale

un sentiment plus ou moins diffus et (à ses yeux) explicable d’indignité


(« tout de même, d’autres sont bien meilleurs que moi et auraient mieux mérité
cette promotion que moi, quelque part c’est comme si je l’avais usurpée ; les autres
croient que j’ai des capacités par je ne sais quel hasard, et le fait de ne pas leur
dire que je ne sais rien faire fait de moi un(e) usurpateur(-trice) »). La progres-
sion d’un individu soumis est donc très difficile à mettre en œuvre car elle
est en quelque sorte comme interdite par le système PG lui-même.

Apparition d’un événement heureux


(mariage, promotion, naissance,
prise de temps pour un plaisir personnel, etc.)
Dominance

Temps ou Espace
0
Point
de consigne
(niveau moyen
du PG
de l’individu)

Soumission

Figure 2.1
Illustration d’un effet rebond de soumission dans le temps ou l’espace

À l’inverse, un dominant mis en position d’échec humiliant, rapide et


intense, réagira sans doute par un effet rebond de violence. Après un tel
événement, l’individu dominant se vengera éventuellement « de la vie »
ou de ce « mauvais tour » plus tardivement, avec un décalage temporel par
rapport à ladite humiliation, ou dans un autre domaine (décalage spatial).
De manière générale, le dominant se venge de ses échecs sur ses proches,
sur ceux qui n’y sont pour rien et plus particulièrement sur « plus petit que
lui », c’est-à-dire sur les personnes les moins susceptibles de lui opposer
une résistance. On peut également observer, chez le dominant, certains
commentaires qui peuvent parfois apparaître comme de la culpabilité,
mais qui seraient plutôt de l’ordre du jugement de valeur (par exemple :
« je ne sais pas pourquoi je l’ai humilié(e), c’était trop tentant, je n’aime pas
trop quand je suis comme ça ; mais en même temps il (elle) est si bête »).

136
Le Positionnement Grégaire

Vécu d’humiliation
Échec public, vexation, défaite amoureuse
ou professionnelle, etc.
Dominance

Point
de consigne
(niveau moyen
du PG 0
de l’individu) Temps ou Espace

Soumission

Figure 2.2
Illustration d’un effet rebond de dominance dans le temps et l’espace

Mobile Crises « néo-limbiques » Crises « paléo-limbiques »

Réactions Il paraît rationnel et l’attitude Il paraît irrationnel et l’attitude


qui en découle semble qui en découle semble
relativement adaptée relativement aberrante

Objectif Elles sont dites « normales » Elles sont paradoxales


sous-jacent et observent une satisfaction et entraînent éventuellement
si réussite, ou une contrariété une destruction active
si échec de ce qui a été construit,
ou des violences qui aggravent
les conséquences d’un échec

Réaction de Apprentissage et adaptation Maintien de l’ordre social


l’entourage individuelle favorisés et de la survie du groupe,
en limitant les combats

Conséquences L’entourage « comprend » L’entourage montre


de la crise l’individu en crise et l’aide, une certaine incompréhension,
à court terme car il est considéré comme un découragement,
présentant des « circonstances et/ou un soupçon
atténuantes ». d’auto-complaisance
et de condamnation
de l’individu en crise

137
La thérapie neurocognitive et comportementale

Mobile Crises « néo-limbiques » Crises « paléo-limbiques »

Conséquences État entraînant dépression, Retour à la « normale »


de la crise à long violence, attaques de panique avec un équilibre retrouvé
terme sur les symptômes, constitution et confirmé dans le temps.
de pseudo-phobies.

Le renforcement Le système retourne


ou la « pseudo-vérification » à « sa » norme.*
peuvent verrouiller
durablement ou définitivement
le système

* Explication possible du retour à notre niveau initial de « bonheur » (cf. Biwas-Diener et al., 2005, op. cit.).

Tableau 2.1
Différences caractéristiques entre les accès de crises liés
à des comportements de type méritocratique
(néo-limbique) et de type PG (paléo-limbique)

1.5. Le Positionnement Grégaire et la pathologie

Le Positionnement Grégaire n’est pas une pathologie


mais une régulation sociale
Même s’il peut être lié à des troubles très graves, le PG ne semble pas rele-
ver stricto sensu d’une pathologie dans la majorité des cas que nous avons
pu traiter. En revanche, il semble générer des troubles fonctionnels. En
effet, si l’on admet que la fonction première du PG est d’exercer une
« simple » régulation sociale dans une perspective de survie, alors nous
pouvons en comprendre qu’une modification trop radicale de ce position-
nement par l’environnement social de l’individu pourrait déclencher une
punition sévère, voire une mise en danger de sa vie. L’effet rebond per-
mettrait dans ce cadre de prévenir ces conséquences. Initialement, ce pro-
cessus de régulation devait avoir son utilité pour maintenir la cohésion, la
stabilité et la survie du groupe.
Dans nos sociétés développées actuelles, la fonction du PG perd de
sa caractéristique adaptative, et ce d’autant plus que le PG peut conduire
à des troubles mentaux. Allan & Gilbert (1997, op. cit.) ont ainsi
déclaré que selon eux, ce n’était pas tant la soumission en soi qui pou-
vait, par exemple, être génératrice de troubles, mais la soumission non

138
Le Positionnement Grégaire

consentie, obtenue par la peur et l’intimidation, empêchant l’individu


d’acquérir de façon durable une position plus assertive. Toutefois, il est
observé que les individus possédant un PG de faible ou moyenne inten-
sité peuvent apprendre à le gérer de façon tout à fait efficace. Ces per-
sonnes parviennent, de façon empirique, à augmenter quelque peu leur
confiance en elles en essayant d’adopter des attitudes d’affirmation de
soi, tandis que d’autres affûteront leur agressivité et leur capacité à
impressionner l’adversaire lors de cris d’assaut ou à l’image du « Haka »7
des All Black néo-zélandais. Allan & Gilbert (1997) évoquent le fait que
le PG permet parfois une adaptation tout à fait appropriée et non patho-
gène, notamment lorsqu’un individu plus soumis qu’un autre jugerait que
le coût de la résistance serait plus important que le coût d’une allégeance
provisoire.
Ainsi la dominance et la soumission sont observables chez des per-
sonnes saines (Alberti & Emmons, 2008) comme souffrant de troubles
mentaux (Gilbert et al., 1995). Le PG est un régulateur, un « stabilisa-
teur » de l’humeur, qui peut sous-tendre des fluctuations émotionnelles en
apparence irrationnelles car elles sont dépendantes d’un système autoré-
gulé et sont tout à fait inexplicables dans les dimensions « psycholo-
giques » ou « rationnelles » habituelles.

Pathologies issues du Positionnement Grégaire


de type Dominance-Soumission
Notre expérience clinique nous a permis d’observer que les individus pré-
sentant de la dominance ou de la soumission manifestaient des comporte-
ments très stéréotypés. Nous avons classé l’ensemble de ces comportements
et représentations cognitives, d’après nos observations cliniques et la lit-
térature, sur un axe tel que celui présenté ci-dessous :

7. Le Haka est une danse rituelle Maori associée à des chants ou à des cris (pouvant
être des déclarations de menaces ou des propos humiliants à l’endroit de l’en-
nemi). Il constitue aujourd’hui le rituel d’avant-match de l’équipe néo-zélandaise
de rugby. Sa danse se veut particulièrement expressive, impressionnante et desti-
née à intimider l’adversaire. Le Haka est à l’origine exécuté à l’occasion d’événe-
ments sociaux (rencontre de tribus, préparation à la guerre, etc.) et constitue la
fierté sociale de la tribu. En cela, ce rituel détient une forte connotation symbo-
lique de PG.

139
La thérapie neurocognitive et comportementale

Dominance
Excès de confiance en soi, tendance à asservir et intimider
les autres pour assurer son pouvoir

5 Sadisme, cruauté

Violence sans raison, intimidation 4

3 Plaisir de déstabiliser des souffre douleur

Apitoiement, culpabilisation 2

Flatterie, séduction,
1
manipulation des sentiments
Marginalité

Scrupulosité, peur de la faute, Intégration


anxiété irrationnelle -1

-2 Servilité, culpabilité irrationnelle

Superstition, incapacité au bonheur -3

Panique, peur de la folie,


-4
automutilation

Mélancolie, sensation d’indignité,


-5
suicide

Soumission
Manque irrationnel de confiance en soi, servilité
et absence d’esprit critique envers les Dominants

Figure 2.3
Représentation de la graduation des troubles liés aux PG dominant et soumis

La configuration de cet axe suppose un continuum entre les compor-


tements de dominance et de soumission (cf. Figure 2.3). L’intermédiaire
entre ces deux types de profils représente une absence de ces troubles.

140
Le Positionnement Grégaire

Encadré 2.1
L’assertivité

Nous noterons que le point zéro situé entre soumission et dominance sur la
figure 2.3 ne correspond pas pour autant à une position assertive. En effet,
l’assertivité correspond au fait qu’une personne dispose des capacités néces-
saires lui permettant, d’après Alberti & Emmons (2008, op. cit.), d’agir au
mieux dans son intérêt, de défendre son point de vue sans anxiété exagé-
rée, d’exprimer avec sincérité et aisance ses sentiments, et d’exercer ses
droits sans dénier ceux des autres. En pratique, l’habileté que représente l’as-
sertivité relève davantage de réelles capacités (intelligence émotionnelle,
empathie, théorie de l’esprit, etc.) que de la simple absence de troubles. La
littérature laisse suggérer que ces facultés sont en lien avec l’activation du
CPF (Krueger et al. 2009).
Nous avons constaté que chez l’être humain, soumis et dominants exécu-
tent fréquemment des formes de rituels comportementaux. Ces rituels peu-
vent être très divers mais témoignent des principales préoccupations liées à
la dominance (s’arroger des droits, déstabiliser autrui, attirer l’attention,
etc.) ou à la soumission (s’excuser sans raison, céder sa place à autrui, etc.).
Ces rituels sont associés à des commentaires ou ruminations intérieures
propres à chaque niveau d’intensité. Le soumis aura alors des cognitions
liées à une culpabilité irrationnelle, se sentira indigne de la place qu’il
occupe, tandis que le dominant se sentira au contraire constamment lésé,
voire humilié, pas assez imposant, pas assez prédateur, etc. (Birchwood et al.,
2002, op. cit. ; Fradin & Fradin, 2006, op. cit. ; Lefrançois et al., 2011,
op. cit.).
Ces cognitions ou messages internes peuvent engendrer des vécus et des
comportements tels que :
– l’autosatisfaction, la moquerie voire la perversion, chez les domi-
nants ;
– la culpabilité, la fascination pour la force et la violence perverse, l’au-
todestruction, chez le soumis.
Nos observations nous ont amenés à penser qu’une action thérapeutique
efficace pouvait se faire par le truchement d’une substitution des messages
internes (« je suis indigne », « j’ai usurpé ma place », ou à l’inverse « per-
sonne n’a le droit de me refuser quelque chose », etc.) liés aux différents
vécus cités plus haut, par d’autres messages dont le contenu est opposé.
Nous avons fait l’hypothèse qu’un tel processus pourrait venir à bout des
comportements de PG. Une question se pose alors : ces messages sont-ils
seulement le symptôme de la nature et du grade de PG concernés ?

141
La thérapie neurocognitive et comportementale

Ou représentent-ils également des messages internes d’autorégulation des-


tinés à entretenir et renforcer le PG ? Sont-ils destinés à corriger voire
anticiper les effets des fluctuations de l’environnement social réel et des
conflits pour la hiérarchie ? Nous aurions tendance à privilégier la
seconde interprétation. En effet, selon nos hypothèses, lorsque le système
est en déséquilibre, le PG semble tenter de corriger la position inhabi-
tuelle par l’émission de messages internes émotionnels et cognitifs et, si
cela ne suffit pas, par des messages comportementaux à signification hié-
rarchique.
Nous attribuons ainsi au PG une responsabilité majeure et fréquente (mais
pas forcément unique) dans de nombreuses pathologies que nous dévelop-
pons dans la classification suivante :
– Troubles à tendance « unipolaire » :
Anxiété chronique, anxiété sociale, attaque de panique, TOC, per-
sonnalité obsessionnelle, dépression à tendance mélancolique
(soumission), syndrome de Stockholm, syndrome du survivant ;
Comportements sadomasochistes sur un axe vertical dominance/sou-
mission ;
– Troubles à tendance « bipolaires » de types maniaco-dépressif ou
cyclothymique.
Par ailleurs, dans le chapitre qui suit, nous allons voir que certains troubles
présentent des phénomènes de régulation, une stéréotypie et d’autres élé-
ments caractéristiques tout à fait comparables aux troubles de type domi-
nance/soumission.

Pathologies issues du Positionnement Grégaire


de type Marginalité-Intégration
Une seconde gamme particulière de comportements semble répondre
à des mécanismes tout à fait apparentés à ceux de soumission et de
dominance. En raison de l’origine (supposée) que nous leur attribuons,
nous avons conceptualisé ces ensembles de comportements sous les
noms de « Marginalité » (ou PG marginal, PGM) et « Intégration » (ou
PG intégré, PGI). À l’instar des PG dominant et soumis, les PG mar-
ginal et intégré correspondent à des comportements et cognitions
opposés, qu’il est possible de représenter sur un axe gradué tel que
ci-dessous :

142
Le Positionnement Grégaire

Dominance

Marginalité
Sentiment
irrationnel
de méfiance
en les autres…
et l’Univers.
Auto-
exclusion…

Paranoïa,
sensation diffuse Malaise
d’être menacé, Sentiment de pouvoir
sans objet, Perception
méfiance Mégalomane communiquer
poussant à du “sens profond
exacerbée incompris avec les choses
se retirer des choses”
-5 -3 -1 2 4
0
-4 -2 1 3 5
Sensation Sensation Aisance Sentiment et Illumination,
d’exclusion de vivre sans pouvoir lire mysticisme
et de ne pas à côté objet les pensées,
comprendre des autres communiquer
un sens caché avec les gens
sans mots Intégration
Sentiment
irrationnel
de confiance
en les autres…
et l’Univers.
Rôle de
réconciliateur,
Soumission protecteur…

Figure 2.4
Représentation de la graduation des troubles liés aux PG Intégré et Marginal

D’après la schématisation présentée en figure 2.4, ces comportements


sont de plus en plus pathogènes au fur et à mesure que l’on s’éloigne du
point zéro. Par ailleurs, si la dominance et la soumission impliquent des
notions d’excès et de manque de confiance en soi, l’intégration et la mar-
ginalité semblent impliquer un excès et un manque de confiance en autrui
irrationnels. Dans le cadre de cette dimension, le rapport au groupe

143
La thérapie neurocognitive et comportementale

s’inscrit dans le fait d’être « intégré » ou d’être « en marge » de celui-ci8,


et non pas dans le fait d’être supérieur ou inférieur aux autres.
Ainsi, nous observons globalement :
– Une méfiance irrationnelle ou une victimisation, des accès para-
noïaques, pour la marginalité.
– Un comportement exagérément intrusif, conséquence d’une aisance
liée à une confiance aveugle pouvant aller jusqu’à l’illumination et
au mysticisme, sensation de connexion avec le monde et avec les
autres, pour l’intégration.
Comme il est indiqué sur la figure 2.4, les manifestations de l’intégra-
tion et de la marginalité sont considérées sur un continuum et peuvent
concerner a priori des populations pathologiques ou subcliniques
(cf. Heriot-Maitland, 2008 ; Peters, 2001 ; Combs et al., 2013 ; Brown,
2011). Cette dimension pourrait donc être potentiellement impliquée
dans des psychopathologies telles que les troubles paranoïaques et mys-
tiques, mais également, selon nous, dans certaines formes d’autisme et de
schizophrénie (Blackshaw et al., 2001 ; Hooker et al., 2011).
À l’instar des troubles de dominance et de soumission, les manifestations
de marginalité et d’intégration semblent, de la même façon, sujettes à effet
rebond. Ainsi, il est possible d’observer que les patients montrant une ten-
dance à la marginalité (i.e. paranoïaque) ont d’autant plus besoin de s’ex-
clure d’un groupe qu’ils ont été confrontés à lui, même si celui-ci s’avère
amical. Nous pouvons observer la tendance inverse dans des conditions
opposées chez un mystique. Cette dynamique nous a conduits à supposer
que des exercices basés, là aussi, sur des jeux de rôles miroir des comporte-
ments constituant le trouble de l’individu, pourraient permettre d’améliorer
l’état de tels patients. Ces exercices seront présentés dans le chapitre 2.4. Si
ces derniers ont fait apparaître une certaine efficacité auprès des quelques

8. Notons que les dimensions proposées dans notre modèle ne sont pas sans rappeler le
fameux modèle Circumplex de Oslon (1986 ; voir aussi Wiggings, 2003). Ce modèle
évoque les dimensions d’amour/haine (ou encore communion/adversité) et de soumis-
sion/dominance. Le modèle du PG s’en distingue en décrivant la dynamique animant
ces processus, leur origine possible, ainsi qu’en proposant une thérapie en regard de
cette dynamique. Par ailleurs, une dimension équivalente à celle décrite par la soumis-
sion et la dominance a également été récemment mise en évidence et ajoutée au
fameux questionnaire de personnalité le « Big Five », devenu ainsi le « Big Six »
(cf. Lee & Ashton, 2012). Cette dimension a été nommée Honnêteté-Humilité ou
facteur H (Honesty-Humility, H factor, en anglais) par les auteurs. Un score élevé à
cette dimension traduirait une personnalité sincère et sans prétention, tandis qu’un
score faible rendrait compte d’une personnalité trompeuse, manipulatrice et prétentieuse.

144
Le Positionnement Grégaire

patients que nous avons pu rencontrer, nous souhaitons prévenir le lecteur


que notre expérience de cette population est encore limitée. En effet, les
individus présentant ce type de trouble sont peu enclins à participer à une
thérapie, les uns présentant trop de méfiance à l’égard d’un quelconque pro-
cessus thérapeutique, les autres ne présentant pas de mal-être suggérant la
nécessité d’une thérapie. Dans le second cas, la naïveté et la confiance
aveugle constatées chez les patients dits « intégrés » ou mystiques les amè-
nent à penser qu’il ne peut exister de problèmes émanant de conflits ou de
deuils, puisqu’ils se sentent « en communion » avec leur entourage et le
monde. Bien que présentant un problème d’adaptation notoire, cette
conception du rapport soi-monde limite l’inclinaison de ces patients à s’en-
gager dans un processus thérapeutique.
Tout comme pour le PG ayant trait à la soumission et à la dominance, il
n’apparaît pas, dans la manifestation de ces troubles, de quelconque rapport
avec une forme de méritocratie ou de rationalité. Les mobiles ou alibis de ces
comportements sont de nature abstraite, impalpable. À ce titre émerge la
question de l’origine potentielle de ces troubles. Les similarités observables
entre les mécanismes de PG soumis/dominant et ceux de marginalité/inté-
gration amènent également naturellement à cette interrogation. Si les deux
dimensions ont une origine commune ou équivalente, quel pourrait être le
rôle des comportements de marginalité et d’intégration ? Si la dominance et
la soumission permettaient, phylogénétiquement parlant, d’assurer la survie
du groupe en maintenant une organisation hiérarchique primitive et en limi-
tant les combats, que pourrait-il en être de la marginalité/intégration ?
En 1991, Vieira a émis quelques hypothèses concernant les conséquences
psychopathologiques de ce type d’organisation primitive chez l’homme
moderne. Selon l’auteur, deux systèmes ont pu permettre, d’un point de vue
phylogénétique, ce qu’il appelle « l’Homéostasie Sociale » : un système rela-
tif aux limites du territoire, un autre en lien avec la hiérarchie domi-
nance/soumission. Dans le cadre du premier système, le sentiment subjectif
d’être en dehors de son territoire ou d’être envahi dans celui-ci pourrait
induire des comportements de vigilance et de méfiance, afin d’être prêt à
gérer une menace potentielle pour le groupe ou pour soi. Vieira a supposé
que cette intolérance au franchissement du territoire ait pu aboutir à des
symptômes ou des pathologies de type paranoïaque ou schizoïde. Dans le
prolongement de ces interprétations, nous supposons en effet que certains
membres d’un groupe peuvent être « alloués » à la défense du territoire/du
groupe et ainsi être placés à la frontière excentrée de celui-ci, de façon à
prévenir les dangers potentiels. De cette façon, ces individus sont tenus
d’être dans une posture vigilante à l’égard du moindre stimulus.

145
La thérapie neurocognitive et comportementale

Vieira n’a pas fait, à notre connaissance, d’extrapolation du compor-


tement animal ou primitif vers les symptômes apparentés au mysticisme.
Selon nous, si ce type de trouble s’inscrit effectivement dans le profil
complémentaire de la paranoïa, alors il doit dessiner un comportement
démontrant une appétence pour le fait d’être au coeur du groupe, une
confiance prononcée pour autrui et une tendance à invoquer l’apaise-
ment plutôt que le conflit. Ces différentes caractéristiques sont obser-
vables chez les individus dits « intégrés » et se rapprochent, d’après nos
hypothèses, du phénomène de réconciliation (aussi appelée « reconcilia-
tion » ou « peacemaking », en anglais) qui a pu être étudié notamment
chez les primates non humains ou chez les enfants (Butovskaya &
Kozintsev, 1999 ; Ljungberg et al., 2005 ; Koski et al., 2007 ; de Waal,,
1989). Ce processus apparaît généralement dans les minutes qui suivent
un conflit entre deux congénères. Selon les espèces, la réconciliation
peut être initiée par le vainqueur du conflit ou par le perdant. Elle peut
également émerger d’un tiers extérieur à la confrontation, qui viendrait
alors « apaiser les esprits » des deux opposants. Elle peut se manifester
sous forme de différents rituels dont les caractéristiques sont fonction des
espèces. Ceux-ci sont généralement attribuables à un comportement de
pardon, à des caresses ou à un contact physique affectueux, à des
échanges d’offrandes ou autres. Certains auteurs ont pu notamment
observer que les contacts affectueux chez certains primates non humains
pouvaient montrer une hausse de leur fréquence durant les cinq minutes
qui suivaient un conflit, pour ensuite retrouver une fréquence de base
au terme de ces quelques minutes (Aureli et al., 1989 ; Hertenstein et
al., 2006). Par ailleurs, les études réalisées sur les primates suggèrent que
les conflits intra-groupes ont pour conséquence des liens plus affirmés
entre les partenaires de ce groupe, plutôt qu’une dispersion spatiale
(de Waal, 1993).

2. DIAGNOSTIC CLINIQUE DU PG

2.1. Diagnostic du Méta-Contenant


Positionnement Grégaire (PG)
Pour mémo, comme dans tout diagnostic médical, chaque symptôme n’est pas
caractéristique en soi (sauf s’il est pathognomonique), c’est la convergence de
faisceaux d’arguments récapitulés dans ces tableaux qui permet la synthèse dia-
gnostique.

146
Le Positionnement Grégaire

Certaines caractéristiques permettent de déceler des comportements


liés au PG. Celles-ci décrivent le PG comme étant en lien avec des
notions de confiance et de pouvoir, comme étant stéréotypé, autorégulé
et comme capable « d’asservir » le système de pensée de l’individu.

Notion de confiance et PG
Le PG détermine la confiance spontanée et irrationnelle en soi et/ou en
autrui. Il correspond à l’aisance « naturelle » que l’on ressent :
– dans une position sociale donnée,
– indépendamment du plaisir et de l’affinité éprouvés vis-à-vis des per-
sonnes présentes,
– indépendamment du fait que ces personnes nous soient connues ou
inconnues,
– sans avoir besoin de faire des efforts ni de s’appuyer sur des justifica-
tions quelconques (relatives à ses compétences, son habileté, son
courage, sa beauté, sa générosité…).

Notion de pouvoir et PG
Le PG tend à faire que l’individu se focalise, via une forme de fascination
et/ou de crainte, sur :
– les rapports de force pratiqués (imposés) et/ou redoutés, la confron-
tation ayant pour but d’instaurer un « gagnant » et un « perdant »,
où le premier s’impose pour prendre la « place » de l’autre. Le
commentaire interne d’un PG dominant peut être « si je ne le fais
pas, c’est l’autre qui le fera ! », les autres comportements de PG (sou-
mission, marginalité, intégration) étant une réponse à ce type de
rapport de force.
– Les rapports de force dépourvus de règles : l’individu en prise avec
son PG considère que « tous les coups sont permis… et les plus retors
sont même valorisés », que « c’est la loi du plus fort ».
Les représentations cognitives qui découlent de cette focalisation
induisent une certaine angoisse et appréhension « irrationnelle » à
l’égard de la violence « gratuite » (i.e. des dominants).
– Les affrontements réels (dans la cour d’école) ou rituels (démonstra-
tion de force ou de soumission, etc.).
– Le pouvoir et ses attributs « mal acquis » que peuvent être la force,
l’autorité, l’argent, le sexe, obtenus par la violence « gratuite », la
perversion, l’arbitraire, l’injustice, etc., selon un mode social clanique
ou tribal.

147
La thérapie neurocognitive et comportementale

Stéréotypie du PG
Les comportements PG sont particulièrement stéréotypés et reproductibles
d’un individu à un autre présentant la même tendance. Cette stéréotypie
concerne les dimensions cognitive, émotionnelle, comportementale et
sociale. Ses manifestations sont les suivantes :
– Croyances en ce qui est impalpable et peut apparaître comme
« magique » (ce peut être par exemple : une croyance en « une
toute-puissance du PGD ou PGI », ce peut être la superstition du
PGS, etc.).
– Émotions et comportements associés aux croyances du PG concerné.
Ce peut être, par exemple, l’anxiété, la peur, la dépression et la
culpabilité pour le PGS, ou la colère et la nervosité pour le PGD.
– Rituels sociaux à la fois symptômes et causes du PG que sont :
• Chez l’individu dominant : la tendance à occuper l’espace sonore
et physique quelque soit son degré de compétences et de connais-
sances, le « bagou », l’intimidation.
• Chez l’individu soumis : le fait de rester en retrait et de préférer
se faire oublier, la tendance à taire son opinion (surtout si elle est
différente de celle de la majorité) ou à rencontrer des difficultés
pour l’exprimer (allant jusqu’à se laisser influencer par les autres
plus nombreux et plus dominants, cf. Asch, 1951 ; Milgram, 1990,
2013)9, le fait de montrer une attention scrupuleuse envers autrui.
• Chez l’individu intégré : la tendance à se sentir en confiance et à pré-
férer occuper une place centrale dans le groupe. L’individu intégré
peut également jouer un rôle de réconciliateur entre parties opposées.
• Chez l’individu marginal : la propension à se positionner à un
emplacement où il peut voir tout le groupe et ne va pas occuper

9. Les expériences de Salomon Asch (1951) ont permis de mettre en évidence l’importance
de l’influence sociale sur un jugement, serait-il perceptif. En effet, l’auteur a proposé à des
sujets « naïfs » (naïf par rapport à l’expérience) de comparer la longueur de différentes
lignes présentées sur un dessin. Le sujet naïf devait alors en présence d’un groupe d’indivi-
dus, lesquels étaient tous complices avec l’expérimentateur et connaissaient parfaitement
la réponse. Malgré la différence de taille évidente (plusieurs centimètres) que présentaient
les lignes, les sujets complices étaient chargés de soutenir à l’unanimité que les lignes
étaient de même taille. Ainsi, l’auteur a pu constater qu’un peu moins de 40 % des sujets
naïfs se conformaient à l’unanimité plutôt qu’à leur jugement perceptif.
Dans la même optique, la « dramatique » expérience de Milgram, davantage médiati-
sée, a pu montrer qu’un pourcentage non négligeable d’individus « naïfs » pouvait
céder à la pression d’un tiers (expérimentateur) et infliger des décharges électriques à
un autre individu (complice de l’expérimentateur et mimant la souffrance), alors
même que cet individu naïf n’est menacé et contraint en rien.

148
Le Positionnement Grégaire

un grand espace pour ne pas se dévoiler, dans une posture où il


peut observer « l’adversaire » potentiel.
– Esthétique qui peut parfois témoigner du PG : chez le PGD, elle peut
servir à être vu(e), à intimider, à être démonstrative, elle est dite
« bling-bling » ; pour le PGM, elle peut être inquiétante, destinée
à dissuader d’attaquer ; chez le PGS, elle est généralement vouée à
passer inaperçue, etc.
La spécificité de l’esthétique du PG fait sans doute partie de son
rituel. Toutefois, nous prévenons le lecteur que de nombreuses autres
composantes de l’individu indépendantes du PG (comme la person-
nalité) peuvent induire des notions d’esthétique similaires. Il est
donc important de ne pas se fier à ce seul type d’élément.
– Insensibilité liée à une perception très dégradée ou biaisée de soi ou
des autres. Celle-ci peut aboutir à des délires induisant une perte de
contact avec le réel et un enfermement dans une perception stéréo-
typée et archaïque du monde :
• L’individu dominant tend à se surestimer, à prendre des risques
qu’il ne mesure pas toujours et à brutaliser plus faible que lui.
• L’individu soumis est enclin à se malmener voire à s’autodétruire
(allant jusqu’à l’automutilation et au suicide).
• L’individu marginal a une obsession du complot.
• L’individu intégré se met facilement en danger car il évalue très
mal les risques potentiels. Sa « douceur » apparente n’exclut pas
son insensibilité réelle : il est en proie à une pseudo-psychologie
projective, une sensation de pouvoir « communiquer sans mot »,
« d’être l’autre », et de ressentir ce qu’il ressent.
– Fonctionnement cognitif biaisé : il semblerait que la distorsion de la
réalité en fonction du PG s’exprime non seulement au niveau des
représentations sociales, mais également au niveau de plusieurs proces-
sus cognitifs tels que l’attention, la mémoire, la prise de décision, etc.
Ces biais cognitifs ont notamment été étudiés chez le primate non
humain (Monfardini et al., 2012). Ces mécanismes ont pu également
être observés cliniquement chez l’humain, et font actuellement l’objet
d’études au sein de notre laboratoire de recherche (Van Dijk, en cours).

Phénomène d’autorégulation du PG
Le mode de fonctionnement lié au PG apparaît comme étant :
– Global, car chaque événement socialement important impacte toute
la vie sociale et même intime de l’individu.

149
La thérapie neurocognitive et comportementale

– Fluctuant, car le PG s’adapte au contexte par des effets rebonds. On


décrit deux sortes d’effets rebond possibles :
• Temporel : ce type d’effet rebond survient quelques heures/jours/voire
semaines après l’événement déclencheur. L’humiliation ponctuelle
d’un dominant, par exemple, provoquera a posteriori une crise de
violence.
• Spatial : l’effet rebond apparaît dans un autre domaine de vie (qui
peut être par exemple le cadre professionnel) que celui de l’évé-
nement déclencheur (par exemple le domaine de vie personnel).
– Relatif, car le PG d’un individu peut très légèrement et provisoire-
ment fluctuer en fonction de celui de son interlocuteur. En effet, un
individu globalement soumis, face à plus soumis que lui, pourra
potentiellement montrer une vague tendance à la dominance, bien
que celle-ci ne puisse être pleinement manifeste. Ainsi, il sera
momentanément moins soumis que son PG moyen ne l’aurait laissé
supposer et inversement pour son interlocuteur, ce qui permet d’ac-
centuer les contrastes et augmenter la stabilité sociale. Le PG rela-
tif à un interlocuteur particulier peut donc différer quelque peu du
PG moyen ou « absolu » de l’individu. Ce niveau moyen constitue
en quelque sorte le barycentre du système.
Une exception à ce type de fonctionnement est ce que nous nom-
mons le PG « disloqué ». Ce dernier correspond à l’expression
franche d’un PG dans un domaine de vie donné, alors qu’il est absent
dans d’autres. Ce phénomène a pu notamment être observé chez
certains patient(e)s TOC (Rapoport, 2001) ne présentant pas de
symptômes de PG ou de TOC dans le domaine de leur travail mais
exclusivement dans le cadre de leur vie intime et personnelle.
– Paradoxal, car les effets rebonds rendent difficile l’apprentissage
cumulatif classique où « plus on obtient de gains grâce à un compor-
tement plus on le sollicite ». Par exemple :
• Une bonne nouvelle aggrave l’état de l’individu soumis (comme
ce peut être le cas dans le baby-blues, mais aussi dans le « lauréat-
blues »…)
• Une humiliation subie par un individu entraînera chez lui une
crise de violence réactionnelle (plus tard ou dans un autre lieu),
et non un assagissement comme on pourrait l’espérer. Il est
d’ailleurs couramment observé que la seule répression policière
n’est pas très efficace contre la délinquance.
• Il est généralement difficile de mettre un individu marginal en
confiance, et si l’on y parvient momentanément, cela peut entraî-
ner a posteriori une crise réactionnelle de méfiance.

150
Le Positionnement Grégaire

• Au contraire, abuser d’un individu intégré entraîne chez lui une


crise de confiance irrationnelle et « débridée », qui peut encore
être aggravée si l’on essaie de le convaincre de se méfier davan-
tage.
– Conservateur, car le PG joue le rôle d’un amortisseur par rapport au
changement (afin de limiter les conflits dans le groupe social, comme
nous l’avons vu plus haut). Un déplacement durable, amenant à une
stabilité à un autre « point de consigne » (du point moyen du PG)
prend donc des mois, des semestres voire des années.
– Cumulatifs, en raison de l’effet amortisseur sus-mentionné, les réajus-
tements ou corrections des écarts au niveau de base du PG d’un indi-
vidu ne semblent pas tous impacter immédiatement le comportement.
Ce délai permet donc un effet cumulé si l’écart est répété un nombre
suffisant de fois et selon une fréquence relativement importante.
Malheureusement, cet effet d’accumulation peut parfois conduire à
un véritable « tsunami » pour l’individu si le décalage imposé par les
événements est trop important. En d’autres termes, il existe des
effets rebonds massifs (précoces, intenses et durables) survenant
après un événement social déclencheur10 en apparence mineur, c’est-
à-dire disproportionné avec la réponse PG. De façon générale, nous
observons à ces occasions que le système est en réalité mis sous ten-
sion par une Sonnette entre le « Contenant Paléolimbique » (PG)
et un ou plusieurs autre(s) Contenant(s) ou Méta-Contenant(s)
« Néolimbique » (relatif au système de valeurs) ou « Préfrontal »
(relatif à l’adaptation et à l’empathie). Dans ce cas, ladite tension
participe selon nous à l’intensité atypique de l’effet rebond. Il en
résulte un risque de crise par rattrapage des retards cumulés, à l’image
de la rupture d’un barrage.
– De gouvernance : le PG est un des (rares) modes fonctionnels ou
Contenants cérébraux susceptibles :
• d’imposer un véritable leadership, telle une « gouvernance », par
rapport à d’autres modes de fonctionnement. Ce primat s’exerce
par défaut au début de la vie, dans la foulée des comportements
automatiques néonataux (tels que le grasping, la succion, la marche
et la nage, de Notariis et al., 2008 ; Strayer & Strayer, 1976, op.
cit.). Contrairement à l’hypothèse de Piaget qui voyait l’émer-
gence fonctionnelle des structures supérieures assurer naturelle-
ment le relais des structures inférieures (cf. Piaget, 2000), le PG

10. Un événement social déclencheur d’effet rebond est par définition un événement
amenant à une position sociale incompatible avec le PG.

151
La thérapie neurocognitive et comportementale

peut largement se maintenir si l’éducation n’impulse pas de(s)


changement(s) « d’état d’esprit ». Ce mode à composante
Paléolimbique se voit également renforcé à la puberté (voir par
exemple Pellegrini, 2001, op. cit. ; Pellegrini & Long, 2002 ;
Pellegrini & Bartini, 2001), sous l’influence des hormones
sexuelles, notamment la testostérone ;
• de produire des délires, i.e. des rapts de conscience (correspondant
à un niveau 5 sur notre classification cf. Figures 2.3 et 2.4),
lorsque, tel que nous le supposons, l’activité des « vieilles » struc-
tures paléolimbiques n’est plus contrôlable par les structures cor-
ticales (voir par exemple Davidson et al., 2000, op. cit.) ;
• de produire, de façon moins aiguë, des troubles psychosomatiques
plus ou moins sévères tels que des spasmes, des douleurs ou dys-
fonctionnements divers ;
• d’induire plus généralement une forte impulsivité associée à un
faible niveau d’autocontrôle.

2.2. Diagnostic des axes de PG


Pour mémo, comme dans tout diagnostic médical, chaque symptôme n’est pas
caractéristique en soi (sauf s’il est pathognomonique), c’est la convergence de
faisceaux d’arguments récapitulés dans ces tableaux qui permet la synthèse dia-
gnostique.

L’axe vertical dominance/soumission


Comme nous l’avons vu plus haut (cf. Figure 2.3), la confiance en soi est
caractéristique de du PG considéré sur l’axe vertical. Le pôle « domi-
nance » correspond à un excès de confiance en soi, tandis que le pôle
« soumission » se définit comme un manque de confiance en soi.
Cet axe expose les vécus intérieurs et comportements présentés
ci-dessous et relatifs aux différents positionnements qui ont trait aux rela-
tions hiérarchiques de type PG :
– Sensation d’avoir ou non le droit d’occuper une place, qu’elle soit
sociale, dans la vie intime ou que l’on soit solitaire. Ce vécu est
indépendant de toute légitimité ou notion de valeur, et ainsi ne
tient compte ni des compétences, ni de la beauté, ni du courage, ni
de la générosité, etc. Cette sensation de droit résulte essentiellement
des rapports de force cumulés (i. e. « gagnés »…), ayant lieu pen-
dant l’enfance et tout au long de la vie de l’individu. Elle s’exprime

152
Le Positionnement Grégaire

par le biais de comportements verbaux et/ou non verbaux (Serber,


1972 ; Rule et al., 2012, op. cit.) :
• Les comportements non verbaux relatifs au PG concernent notam-
ment la position du regard lors de confrontations, l’amplitude et
l’aisance de la gestuelle, les expressions faciales, la distance inter-
personnelle, la posture physique (posture droite, le torse en avant,
recourbée sur soi ou ouverte aux autres, etc.), l’ordre dans lequel
on circule, on mange (comme les animaux dans les troupeaux) ou
on parle…
• Les comportements verbaux témoignant du PG sont par exemple
le volume de la voix, la fluence du discours, etc.
– Sensation d’avoir ou non des devoirs et des « dettes morales », ou au
contraire que quelque chose nous est dû. Ce vécu est indépendant de
toute faute objectivement commise à l’égard de quiconque. Le devoir
(emprunt de scrupulosité et de culpabilité de la part de celui qui en
ressent la charge) est la seule résultante des rapports de force cumu-
lés, enfantins et survenant tout au long de la vie de l’individu.
• La sensation de dette entraîne un comportement de « profil bas » :
l’individu se met en retrait, laisse sa place, son tour de parole…
Ce vécu s’accompagne usuellement du fait que le sujet « ne pense
plus » face à ceux qu’il admire sans réserve ni recul, qui s’expri-
ment et agissent.
• La sensation de pouvoir accéder à un droit, même s’il n’est pas
légitime, entraîne un comportement teinté d’arrogance, l’individu
n’hésitant pas à avoir recours à la culpabilisation, à des réclama-
tions bruyantes, à un discours exagérant l’outrage (irréel) et l’in-
dignation (feinte).
L’axe dit vertical définit donc des positions qui vont du sentiment de
toute puissance et de droit sur tout et tous (PGD), jusqu’à celui d’indi-
gnité ultime, de la mélancolie, avec envie irrépressible de mettre fin à ses
jours dans l’optique, généralement, de soulager le poids que l’on croit être
pour sont entourage (PGS). Les positions extrêmes de l’axe vertical de PG
correspondent à des états psychiatriques chez l’humain et ne semblent pas
avoir d’équivalent chez l’animal. Nous faisons l’hypothèse que cette inten-
sité exacerbée pourrait avoir comme origine, chez l’humain, des « son-
nettes » entre Contenants et plus encore Méta-Contenants, notamment
entre le Paléolimbique, d’une part, et le Néolimbique et/ou le CPF, d’autre
part. Du fait de la nature autorégulée du PG, cette tension pourrait
atteindre parfois des paroxysmes et produire ainsi les pathologies psychia-
triques qui semblent propres à notre espèce.

153
La thérapie neurocognitive et comportementale

Nous évaluons la prégnance du Contenant PG sur les cognitions, le


comportement et les émotions sur un axe gradué et selon deux critères :
– Le niveau de PG allant de -5 à +5 sur l’axe lui-même (cf. Figure 2.3).
Cette gradation en différents niveaux permet de décrire le conti-
nuum théorique à travers onze positionnements différents. Chaque
niveau correspond à une gamme de comportements, sachant que
pour une même polarité (dominance ou soumission), tout niveau
supérieur comprend et englobe les comportements des niveaux infé-
rieurs.
– L’intensité des comportements exprimés dans chaque niveau de PG.
Elle traduit la façon dont le PG se manifeste, en fonction de l’envi-
ronnement externe (notamment social) ou interne (à l’occasion de
conflits entre Contenants ou Contenus cognitifs).

Niveau 5

Niveau 4

Niveau 3

Niveau 2

Niveau 1
Intensité des comportements
de PG à l’intérieur de chaque
0 2 4 6 8 10
niveau de dominance

Figure 2.5
Diagramme illustrant le degré de PG dominant d’un individu
en fonction de son niveau de dominance et de l’intensité
des comportements de PG concernant chacun des niveaux

Les effets rebonds peuvent concerner l’intensité du niveau de PG d’un


individu et le niveau de PG lui-même (cf. Figure 2.5). Toutefois, l’inten-
sité du niveau de PG est plus dépendante des événements que le niveau
de PG. La fluctuation du niveau ou de la gradation du PG est ordinaire-
ment très limitée. Tout se passe comme si l’intensité absorbait la quasi-
totalité des effets rebonds « ordinaires » (se manifestant par exemple par
des crises de nerf ou de culpabilité). L’effet rebond impactant la gradation

154
Le Positionnement Grégaire

ou le niveau résulte le plus souvent d’une longue période de « pression »


(à la hausse ou à la baisse) exercée sur le PG. Ce type de pression appa-
raît à l’occasion d’événements extraordinaires (humiliation, culpabilisa-
tion…). Comme précédemment évoqué, il peut également survenir lors
de tensions internes élevées entre Contenants, indépendamment d’événe-
ments personnels et sociaux intenses et/ou prolongés. D’après notre expé-
rience, un tel effet rebond ne dépasse pas une amplitude de plus ou moins
un point.
Si en revanche un effet rebond dépassait plus d’un point d’amplitude
en termes de gradation, et plus particulièrement si l’individu glisse de la
dominance vers la soumission ou réciproquement, ceci doit évoquer un
trouble bipolaire ou une schizophrénie. Ces troubles semblent prioritaire-
ment relever de prédispositions biologiques, génétiques et/ou épigéné-
tiques, puis d’un environnement psychosocial favorisant l’activation de ces
troubles. Un traitement TNC des facteurs déclenchant ou aggravant des
crises (notamment des Sonnettes entre Contenants) peut être envisagé,
en accompagnement des traitements médicamenteux classiques. Mais ces
troubles ne peuvent être appréhendés de la même façon que des tendances
PG « unipolaires ».

L’axe horizontal Marginalité/Intégration


La confiance en portée en autrui est au cœur du PG porté par l’axe hori-
zontal (cf. Figure 2.4). Le pôle « marginalité » correspond à un défaut de
confiance en l’autre, tandis que le pôle « intégration » témoigne d’un
excès de confiance en l’autre.
Cet axe expose les vécus intérieurs et comportements présentés ci-
dessous et relatifs aux différents positionnements qui ont trait aux rapports
de méfiance ou de confiance « animaux », de type PG :
– Aisance ou malaise sociaux subsistant jusque dans la vie intime et
solitaire. Ce vécu est indépendant de toute légitimité en termes de
compétences, de beauté, de courage, de générosité… Il résulte des
expériences passées cumulées d’intégration ou d’exclusion sociales,
enfantines et tout au long de la vie de l’individu.
Y sont associées :
• La gestion spontanée de la distance interpersonnelle, notamment
vis-à-vis des inconnus et, ce, indépendamment de toute affinité
particulière ;
• La capacité à se « ressourcer » au contact des autres ou au contraire
loin d’eux et à l’écart ;

155
La thérapie neurocognitive et comportementale

– Pour cet axe comme pour le précédent, les positions extrêmes cor-
respondent à des états psychiatriques chez l’humain et ne semblent
pas avoir d’équivalent chez l’animal. La dynamique d’effet rebond
observée sur l’axe marginalité/intégration est apparentée à celle
constatée sur l’axe dominance/soumission. Elle concerne une gra-
dation en onze niveaux allant de -5 à +5 sur l’axe lui-même,
sachant qu’en chaque niveau peuvent être considérées différents
degrés d’intensité (cf. Figure 2.4). Cette intensité est relative à
l’expression de la gamme de comportements appartenant à chaque
niveau.
Si l’effet rebond dépasse plus ou moins un point d’amplitude en termes
de gradation, notamment s’il passe de la Marginalité à l’Intégration ou
réciproquement, et si cette instabilité est également associée à une autre
sur l’axe vertical (trouble multipolaire), ceci doit avant tout évoquer une
schizophrénie.

2.3. Description clinique des quatre personnalités difficiles


ou paléo-personnalités selon la TNC
Pour mémo, comme dans tout diagnostic médical, chaque symptôme n’est pas
caractéristique en soi (sauf s’il est pathognomonique), c’est la convergence de
faisceaux d’arguments récapitulés dans ces tableaux qui permet la synthèse dia-
gnostique.
L’expérience clinique actuelle que nous possédons des vécus du PG
nous a permis de les classer selon quatre polarités, auxquelles nous avons
déjà fait plusieurs fois allusion, à savoir la dominance, la soumission, la
marginalité et l’intégration.

La dominance
Déstabiliser ou faire souffrir l’autre – notamment le plus faible – le
mettre en échec, paraît caractériser avec quelques nuances le PG domi-
nant. Ainsi, l’individu dominant se fait plaisir et se divertit, laissant
apparaître une démonstration gratuite de ses capacités au travers d’une
mesure d’intimidation sans risque, destinée à consolider son image et
son pouvoir vis-à-vis du groupe. Le dominant ne s’en prend à d’autres
dominants que s’il est en position de force, en nombre supérieur, ou
par des attaques surprises, par l’intimidation ou d’inquiétantes mises en
scène.

156
Le Positionnement Grégaire

Les formes légères du comportement laissent entrevoir du sarcasme, des


moqueries, des railleries, lesquels sont toujours destinés à ridiculiser le
faible, à mettre en évidence sa fragilité psychologique (éventuellement sa
folie), mais aussi le fait de reprocher aux autres ce que l’on fait soi-même
à autrui. Dans les formes les plus graves, il n’est plus question de jeu. Le
dominant peut adopter une attitude de violence gratuite, imprévisible,
toujours destinée à déstabiliser l’autre, et dont la forme la plus intense
serait la perversion, le plaisir de faire souffrir. Pour certains tueurs en série,
cette jouissance paraît être un facteur motivationnel et constitutif du com-
portement et non un sous-produit, comme pourrait l’être la suppression de
témoins gênants pour de simples « délinquants » (voleurs, violeurs,
mafieux…). Dans le cas du PG dominant, l’acte n’est pas raisonné mais
largement guidé par ce plaisir pervers.

Illustration 2.2
Individu dominant
La position du regard illustrée ici (visage en arrière, position du regard montrant de
la hauteur par rapport à son interlocuteur), est souvent caractéristique des micro-
comportements de dominance.

157
La thérapie neurocognitive et comportementale

a) Les critères de diagnostic et gradation du PG Dominant


Nous avons retenu, pour chacune des quatre polarités du PG, des critères
de gradation issus de notre expérience clinique et de projections théo-
riques que nous avons pu faire. Ces gradations, schématiques et provi-
soires, essaient de déterminer les tendances cognitives, comportementales
et émotionnelles spécifiques à chaque niveau.
Parmi les critères diagnostiques de la dominance, figure, quelle qu’en
soit l’intensité, la propension à déstabiliser l’autre, lui faire perdre ses
moyens et le dominer effectivement, qui forme la clé de voûte du profil
de PGD.
Le dominant effectue typiquement ce que l’école de Palo Alto a appelé
la « double contrainte » ou injonction paradoxale (Bateson, 1977).
Celle-ci correspond à un double message dont une partie impose à l’indi-
vidu d’effectuer une action ou d’adopter un comportement eux-mêmes en
contradiction avec ce qui est imposé par la deuxième partie du message.
Il semblerait que l’individu dominant ait pleinement conscience de la
situation insoluble dans laquelle il met sont interlocuteur, mais qu’il pré-
sente des difficultés à réprimer ce type d’agissement.

b) Niveaux de dominance
Les différents niveaux de dominance peuvent être diagnostiqués à l’aide
des éléments descriptifs ci-dessous :
– Niveau 0 : état émotionnel considéré comme normal, dans lequel
on ne ressent aucune influence de type PG, comme par exemple
la fascination par la violence, réelle ou imaginaire, donnée ou
subie.
– Niveau 1 : comportement de séduction selon un modèle Don Juan.
L’inconstance des désirs et des sentiments n’explique qu’en partie
l’attitude. Celle-ci correspond surtout à la volonté consciente de
manipuler l’autre, de le ridiculiser ou de faussement le flatter, d’oc-
cuper en permanence son esprit, attisant tour à tour désir et jalou-
sie, honte et culpabilité afin de le déstabiliser.
– Niveau 2 : comportement de type « fausse victime », occupation
bruyante de l’espace, exposition théâtrale et dramatisée de la situa-
tion, accusation souvent culpabilisante et infondée, avec possible
menace de scandale. Un double langage alterne entre plaintes ou
menaces et railleries. Le PG dominant peut aller au-delà, s’amuser
entre amis de la crédulité du « berné », avec bien sûr la mise en évi-
dence de sa propre aisance à retourner une situation.

158
Le Positionnement Grégaire

– Niveau 3 : le comportement « pervers » s’affiche consciemment, ver-


balement et socialement de façon frontale, jusqu’à la déstabilisation
complète et publique de la victime. À ce niveau de PG, le public
est très important aux yeux de l’individu dominant et le spectacle
doit lui être divertissant. Plus les rires fuseront, plus sa réussite lui
sera payante vis-à-vis du groupe. Mais le jeu comporte des risques :
les rieurs doivent notamment rester « de son côté ». Pour éviter de
perdre son auditoire, le dominant choisit une victime qui ne lui
résistera que peu. Celle-ci doit donc correspondre à un certain
nombre de critères ou normes : être sans défense, défavorisée le plus
souvent dans un domaine quelconque, physique, social ou mental,
mais pas trop cependant, de façon à ne pas générer un retournement
du public apitoyé en la faveur de cette victime. Le jeu du dominant
sera donc subtil, feignant parfois une moquerie amicale, une plaisan-
terie de bonne société, sans pour autant perdre de vue l’objectif final
de déstabilisation. Un « c’était pour rire » accompagné d’une acco-
lade à l’endroit de la victime, et suivi d’un « tu n’as donc pas d’hu-
mour ? », met par exemple cette dernière dans une situation de ne
pouvoir riposter face aux railleries.
– Niveau 4 : à ce stade, le comportement implique la violence phy-
sique. Plus exactement, l’individu dominant joue de la terreur qu’il
inspire par des menaces obscures ou suggérées et laisse entrevoir une
violence imprévisible à l’égard des objets notamment. L’individu met
son entourage dans l’expectative de savoir quelle sera la prochaine
cible, et fait redouter l’impact de sa violence potentielle. Cette atti-
tude est souvent alternée avec une autre, plus calme, où il exprime
sa crainte de ne plus être en mesure de se dominer et de se contrô-
ler. Il est difficile de savoir exactement si cette crainte est réelle ou
si elle n’est qu’une forme subtile d’intimidation. L’individu a pour le
moins besoin d’exercer fréquemment sa violence vis-à-vis d’objets
pour se défouler. Le dominant jette, casse, et fracasse avec force de
façon à ce que tout puisse voler en éclats, claquer, craquer, faire du
bruit, et laisser l’(les)autre(s) dans l’état attendu de soumission pétri-
fiée. Le dominant en sera-t-il apaisé ? Oui peut-être, selon l’effet
produit. Mais il cherche surtout à se faire reconnaître comme un
personnage peu fiable, avec trois objectifs non dits que sont la
réserve de ses droits absolus sur le territoire qu’il s’octroie, l’indiffé-
rence aux problèmes d’autrui et le maintien autour de lui d’une aura
de crainte. Jusqu’où peut-il aller ? La question doit rester sans
réponse, peut-être même à ses propres yeux.

159
La thérapie neurocognitive et comportementale

– Niveau 5 : à ce stade ultime, le dominant affiche ouvertement sa


perversion et son plaisir de torturer l’autre. Il jubile devant les souf-
frances physiques ou psychologiques qu’il inflige (cf. le film
« Orange mécanique » de Stanley Kubrick). Tous les moyens sont
bons pour atteindre ce but : menaces, intimidation, railleries pro-
vocantes, violence du verbe et du geste, simulation de tortures avec
minutieuses descriptions pimentées de rires sardoniques. Dans
quelques cas, il s’ensuit un passage à l’acte, lorsque l’évocation des
tortures et la terreur suscitée ne suffisent pas à assouvir le dominant
en crise aiguë.

La soumission
Comme nous avons pu le comprendre, le manque de confiance en soi
caractérise la soumission. Il s’exprime au travers d’une sensation perma-
nente de faute commise, de tâche mal assumée, de châtiment mérité sui-
vant le grade et l’intensité du PG de l’individu. Ainsi, il ressentirait le
besoin confus de se racheter par la soumission, la servilité vis-à-vis de ceux
qui à ses yeux représentent la force et le pouvoir. À défaut d’une « toute-
puissance » à laquelle il puisse se dévouer, il dirige ce besoin de servilité
et d’admiration vers des dominants de type PG, avec la variété que cela
suppose. Ce comportement sera dirigé vers des personnages médiatiques
ou de la jet set mais aussi, et selon le cercle dans lequel il évolue, vers les
caïds de la délinquance, les « mauvais garçons » au panache tapageur, les
meneurs de quartiers et naturellement les dominants (en termes de PG)
de sa hiérarchie clanique.
Le vécu de la soumission est stéréotypé (i.e. non ajusté à l’environ-
nement) et ainsi relativement autonome. Aussi l’individu soumis n’a-
t-il pas toujours besoin de se trouver face à un individu en état de
dominance pour se sentir dominé. Il peut en effet « projeter » des inten-
tions de dominance sur une personne simplement à l’aise en société et
extravertie.
Il arrive également que la représentation mentale du PG soit erronée.
Ce pourrait être là une des explications de ce que l’on appelle le com-
plexe. Le complexé semble se trouver contraint entre une mauvaise éva-
luation (cette évaluation résultant de son PG soumis) de la place réelle
(statut social objectif) qu’il occupe dans la société, la représentation de
son PG selon les autres (plus dominante ou plus élevée car imprégnée de
son statut social) et celle que lui attribuent ses propres structures céré-
brales supérieures (représentation qu’il aurait lors de moments de réflexion

160
Le Positionnement Grégaire

et de prise de recul). En conséquence, il se verrait comme un être ininté-


ressant, quelles que soient ses capacités objectives et/ou reconnues. Mais
à la différence de la simple soumission où tout se passe comme si les
valeurs ou la raison de l’individu étaient en accord avec cette posture, le
soumis « complexé » présente un malaise permanent et désire « obsession-
nellement » passer inaperçu (puisqu’il se confronte sans cesse aux posi-
tions interdites).
Un tel comportement est ordinairement difficile à expliquer et à
gérer, notamment dans le cadre de la thérapie comportementale clas-
sique, car il rend l’individu résistant à l’apprentissage émotionnel du suc-
cès. En effet, d’un point de vue évolutionniste, le rôle du soumis serait
avant tout de limiter le nombre de combats au sein de la horde et pro-
téger ainsi l’espèce, plutôt que de faciliter l’adaptation et l’épanouisse-
ment de l’individu. Chez l’homme moderne, le complexe bride le désir
d’entreprendre, réduit la capacité d’autocontrôle, ce qui est plutôt péna-
lisant, mais jusqu’à un certain degré d’intensité (1 à 2 degrés sur l’échelle
de 5). En deçà d’un certain niveau, ce type de comportement permet
parfois de diminuer le nombre d’échecs par excès de prudence, perfec-
tionnisme ou « travaillomanie », ce qui peut alors apparaître comme une
protection voire un atout.
Le soumis peut ne pas montrer d’angoisse ou de malaise importants,
tout au moins dans les cas légers. Il sera seulement attentif à bien faire
ce qu’il faut, quand il faut et comme il faut. Plus l’on considère une
soumission élevée, plus l’individu sera anxieux et consacrera de l’éner-
gie à prévenir ou réparer des fautes potentielles ou imaginaires.
Pouvons-nous trouver là une explication à ces actes irrationnels, quand
ni prise de conscience, ni prise de recul, ni même dépassement émo-
tionnel de la peur ne calment l’angoisse ? Pour notre compte, nous
voyons peut-être là une explication probable de multiples actes aber-
rants, sur lesquels la prise de conscience et le recul ne suffisent ordi-
nairement pas à libérer l’angoisse ressentie tant que l’acte « réparateur »
n’est pas accompli.
Parmi ces cas de figure, on peut aisément reconnaître les sujets présen-
tant des TOC, mais aussi les personnes souffrant d’anxiété chronique,
étouffées par un stress diffus, sans objet précis. Ce sentiment flou de la
faute originelle ou d’une menace permanente et latente est clairement
défini dans diverses religions ou croyances populaires (cf. Encadré 2.2
ci-après).

161
La thérapie neurocognitive et comportementale

Encadré 2.2
PG et croyances

La plupart des religions posent des règles rigides et imposent des rituels
figés qui évoquent ce que nous appelons le mode mental automatique
dans son ensemble (cf. Gestion des Modes Mentaux, annexe 1). Plus
précisément, la « morphopsychologie » des dieux a évolué avec l’huma-
nité, sans doute parallèlement à son développement mental. Ainsi, les
dieux les plus primitifs, aveugles, impitoyables et cruels exigeaient pré-
ventivement une « taxe léonine » : par exemple, un péché originel qu’il
fallait éternellement racheter, de longues prières en position de soumis-
sion, une vie ascétique, des sacrifices animaux, voire humains, etc. On
notera là les ressemblances de ces exigences « divines » avec celles des
dominants animaux ou humains (de niveau 4 ou 5 selon notre classifi-
cation du PG). La représentation des « dieux plus modernes » ne permet
évidemment plus de telles exigences, sans doute sous la pression de l’évo-
lution culturelle.
Puisque les dominants ont toujours la préoccupation de « tracasser » ou
terroriser les soumis, l’invention d’entités ou de « dieux » terrorisants, qui
sont censés tout voir en permanence et sanctionner des vétilles par une
éternité de tortures, est barbare (PG) mais habile. À bien y regarder
d’ailleurs, autant ou plus que des actes immoraux (d’un point de vue de
valeurs), ce sont les plaisirs et les symboles de la dominance, immorale
précisément, qui sont ordinairement interdits aux soumis, comme si ce
« style de religion » n’était fait que pour aliéner et terroriser les soumis.
La collusion historique des pouvoirs (y compris « contre-pouvoirs ») même
les plus barbares et des religions primitives n’est sans doute pas un hasard
biologique.
En thérapie NC pour le moins, libérer un soumis de sa soumission passe sou-
vent par une prise de recul cognitive sur son adhésion à de telles croyances
que l’on pourrait aussi qualifier de sectaires (ou sa fragilité à cet égard). Ce
travail est bien entendu, on l’aura compris, insuffisant pour libérer profon-
dément et durablement de cette aliénation, mais tout à fait utile pour pré-
parer le travail pédagogique et motiver l’individu à pratiquer et re-pratiquer
les exercices comportementaux de PG.
Nous noterons qu’il existe aussi une relation plus apaisée à la spiritualité
mais plus « illuminée » au sens où le PG intégré ou le mysticisme, de par
leurs caractéristiques, semblent également se prêter volontiers à ce type de
croyance (cf. Beauregard & Paquette, 2006 ; Beauregard & O’Leary, 2007 ;
Hill & Persinger, 2003).

162
Le Positionnement Grégaire

Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que même si la littérature


scientifique tend à nettement considérer comme équivalents le sentiment
religieux et l’expérience mystique, nous ne prétendons pas être aussi caté-
goriques car comme chacun sait, le sujet de la religion est très vaste et par-
ticulièrement pourvu d’incertitudes. Nous constatons en revanche que la
religion peut être un aimant à PG et que de nombreux comportements plus
ou moins pathologiques peuvent y trouver (ou prétendre y trouver) légiti-
mité et alibi. Ainsi, comme le suggère Heriot-Maitland (2008), il est pos-
sible selon nous de disposer de sentiments ou convictions religieux sans pour
autant être mystiques, et inversement. Sans doute est-ce parce que notre
rapport à la religion est d’ailleurs si diversifié, que l’on observe que la foi
peut être selon les études un catalyseur de bien-être, ou tout au contraire le
lit de la dépression (cf. King et al., 2012).

Le lecteur pourra noter que nous différencions les troubles de la sou-


mission du PG de ceux induits par le comportement hyperfonctionnel ou
hyper. En effet, ces derniers sont associés à un désir positif, certes exacerbé
et anxiogène, mais somme toute « égoïste », comme la dépendance ou
l’addiction, l’obsession sexuelle, ou simplement le besoin de plaire. À l’in-
verse, on ne trouve nulle forme d’attente personnelle positive chez le PG
soumis. Dans la soumission, une punition est fantasmée. Elle peut appa-
raître dans la religion comme la sanction d’un Dieu, qui serait perçu
comme un « super » dominant. La seule attente du soumis est alors l’apai-
sement de l’angoisse par l’accomplissement du rituel de soumission, lequel
peut éventuellement trouver un alibi religieux (confession, contrition,
pénitence et dans certains cas absolution), mais pas nécessairement. Dans
le monde séculier, ce sera la récompense du petit signe d’acceptation ou
d’obédience de la part du dominant, le mince sourire peut-être ou la tape
sur l’épaule. Ces situations d’apaisement restent dans tous les cas essen-
tiellement provisoires.
Bien entendu la servilité peut prendre de multiples formes et être plus
ou moins contraignante, les dominants étant plus ou moins exigeants et la
menace du châtiment plus ou moins présente et réelle. Le jeu du PG s’exerce
parfois au travers d’une sorte de mainmise sur le droit au bonheur. Dans ce
système, dominant comme soumis considèrent que ce dernier « n’a pas le
droit d’être heureux », sauf par procuration. Si des événements heureux devai-
ent survenir dans la vie de celui-ci, il se sentirait coupable de profiter d’un
bien immérité. Il manifesterait alors une tendance à l’autodestruction, par
exemple par de la boulimie, une anorexie, un comportement de repli social,

163
La thérapie neurocognitive et comportementale

de mise en échec active, etc.. « Ne pas faire signe aux Dieux » disait le monde
antique, « rester dans la platitude qui vénère et se plie »….
S’il n’est pas à la merci d’un Dieu vindicatif ou d’un dominant non
policé par sa culture, le PG soumis peut se contenter d’images. Magazines
et journaux spécialisés lui fournissent un inépuisable panel de dominants de
type Paléolimbique, fascinants et superbes. Dans ce cas, les célébrités média-
tiques le captivent, il se réjouit de leur bonheur et s’afflige de leurs soucis.
Il profite de leur plaisir sans envie, satisfait de l’autorisation d’en admirer
l’image, quelque peu écrasante. Malheureusement, cette tendance n’est pas
toujours aussi « romanesque » et certaines formes de soumission peuvent
être, comme on le sait, clairement pathologiques. Les plus graves génèrent
des dépressions pré-mélancoliques ou mélancoliques, la culpabilité pouvant
aller jusqu’à des comportements d’automutilation ou une tendance impul-
sive au suicide (Gilbert et al., 2010 ; Gilbert et al., 1995, op. cit. ; Allan &
Gilbert, 1997, op. cit.). Tout se passe comme si l’individu disposait d’un
« dominant intérieur », constituant une petite voix (voir également
Birchwood et al., 2002, op. cit.) ou des commentaires internes ressassant des
accusations (« tu manques de respect aux autres, pour qui te prends-tu ? »), des
jugements négatifs et sentencieux (« tu ne sers à rien ni personne et en plus de
cela tu consommes l’oxygène qui pourrait servir aux autres, tu es un poids pour
eux, tu es indigne de vivre »), éventuellement des moqueries (« peut-on être si
ridicule et insignifiant ? »), des ordres de préférence idiots, etc. Ces commen-
taires peuvent être comparables à un harcèlement. Tout se passe comme si
cette voix était à la « botte » du PG, s’installait et tenait à l’égard de l’in-
dividu le discours violent et pervers d’un dominant impitoyable (à l’inverse,
la voix intérieure d’un dominant lui tiendra le discours d’un soumis).
Nous verrons ci-après (chapitre 2. 4.) qu’en thérapie NC, nous nous
servons de ce mécanisme « d’inversion interne des discours » pour facili-
ter les exercices de PG.

a) Les critères de diagnostic et gradation


du Positionnement Grégaire soumis
Nous retrouvons les mêmes niveaux de progression pour les quatre pola-
rités du PG. La clé de voûte, qui concerne plus particulièrement les com-
portements de soumission et qui semble être un invariant de cet état, est
le désir de faire plaisir au dominant.
Comme nous avons pu le comprendre, le soumis est angoissé à l’idée de
provoquer, par sa négligence ou seulement sa passivité, désagréments ou
ennuis chez le dominant, mais aussi d’une manière plus générale chez les
autres quels qu’ils soient, dès lors que ceux-ci s’incorporent à des groupes

164
Le Positionnement Grégaire

plus ou moins enclins à la dominance. Même s’il est évident qu’un événe-
ment négatif ne peut être imputé au soumis ou s’il est inévitable, l’individu
soumis se sentira coupable de n’avoir pu le prévenir. Le soumis éprouve alors
le besoin préventif de réparer, soutenir, consoler, aider le dominant qu’il
considère comme plus malheureux que lui, vis-à-vis duquel il fait preuve
d’une sensiblerie extrême. Le dominant, enclin en miroir à se plaindre et à
s’attendrir facilement sur ses propres souffrances, en profite. Il dramatise, se
donne le droit d’importuner, de mettre à son service, quand il ne joue pas
en plus sur le registre de la culpabilisation gratuite, pour le plaisir, traitant
l’autre de « con ». Le soumis ne parvient jamais à se rassurer car la démons-
tration du réel ne lui suffit pas. Même si « tout va bien », la situation n’est
que provisoire, fragile, trompeuse. Il est résigné, il sait que le bonheur per-
sonnel n’est pas à sa portée mais qu’il doit être attentif à celui des autres, ce
qui représente pour lui une activité qui l’occupe à temps plein.

b) Niveaux de Soumission
Les différents niveaux de soumission peuvent être diagnostiqués à l’aide
des éléments descriptifs ci-dessous :
– Niveau 0 : état émotionnel considéré ordinairement comme normal,
dans lequel on ne ressent aucune influence de type PG, c’est-à-dire
ni anxiété ou dépression sans objet, ni culpabilité irrationnelle.
– Niveau 1 : à ce stade, le comportement culpabilisé paraît encore de
type « raisonnable ». La personnalité du soumis est obsessionnelle,
anxieuse, perfectionniste et cherche constamment à sécuriser ses
actions, de peur d’être prise en défaut. Ce n’est pas un perfectionnisme
lié à l’amour propre, comme nous pouvons l’observer chez certains
individus soucieux de leur image ou de l’amour de la chose bien faite,
ni lié à l’attente de bénéfices égoïstes d’une action surinvestie du com-
portement Hyper. Le soumis agit par crainte de la faute, plus sans
doute que de la sanction sauf si celle-ci se répercute sur le groupe qu’il
n’a su protéger. À ce niveau d’ailleurs, certains objets d’angoisse et de
culpabilité peuvent être cohérents avec le réel, et en cela constituer
des critères sélectifs de recrutement à des emplois qui exigent minu-
tie, rigueur pointilleuse, besoin permanent de vérification.
– Niveau 2 : à ce niveau, le comportement culpabilisé devient plus
visiblement irrationnel. L’individu soumis a peur de provoquer chez
les autres des dommages ou ennuis tout à fait improbables. Sous sa
forme bénigne, ce niveau correspond à une anxiété chronique,
inconsciente, mal définie, souterraine, surgissant au moindre pré-
texte, car le malaise préexiste au danger imaginaire ou potentiel.

165
La thérapie neurocognitive et comportementale

Dans sa forme complète, on peut penser au Trouble Obsessionnel et


Compulsif (TOC) La soumission au dominant devient visiblement
pathologique. Le soumis de ce niveau 2 ne doit cependant pas être
confondu avec certains profils de personnalité manifestant une cer-
taine forme d’anxiété liée à la crainte des maladies ou des dangers
irrationnels mais plus « égoïstement », pour eux-mêmes (cf. Fradin
& Lemoullec, 2006).
– Niveau 3 : à ce stade apparaît plus nettement une forme de superstition
liée au PG. Celle-ci se traduit, pour l’individu soumis, par le fait qu’il
puisse avoir le sentiment intime et profond que non seulement il n’a
pas droit au bonheur, mais que de surcroît, s’il y touche, il sera puni.
Jusqu’ici, entre deux périodes d’angoisse et deux réparations de fautes,
il espérait encore vivre de petits bonheurs « volés » à son propre sys-
tème ou à l’ombre des puissants, réels ou fictifs. Au niveau 3 de soumis-
sion, l’individu vit l’interdiction du bonheur au premier degré et de
façon constante, il considère que « tel qui rit vendredi dimanche pleurera »,
il « sait », selon lui, que tout se paie, et que son humble personnage de
soumis pseudo-fautif ne saurait échapper à la règle, à la sanction.
– Niveau 4 : c’est le stade de la peur de la folie. Le soumis se sent habité
par des angoisses incontrôlables, des attaques de panique, une peur de
devenir fou, des idées de suicide impulsives. Jusque-là, le soumis pou-
vait encore calmer son angoisse avec l’abandon de tout désir person-
nel, un engagement total dans l’action, sa mise au service des puissants,
le rachat de fautes imaginaires comme dans les TOC, le renoncement
à une jouissance normale des biens ou des sentiments. Mais à ce stade,
plus rien n’agit sur l’angoisse et le soumis sombre, s’il ne l’avait déjà
fait, dans la consommation préventive d’anxiolytiques, d’alcool ou de
drogue, aussi bien dans l’objectif de se détruire que de se soulager. Des
impulsions d’automutilation irrépressibles apparaissent.
– Niveau 5 : à ce stade, l’individu se montre dépressif pré-mélancolique
ou mélancolique psychotique : il se sent intensément coupable de
tout, une voix intérieure de type dominant l’accuse et le torture
moralement. Fermé à tout désir ou plaisir, il est mû par des impul-
sions suicidaires quasi irrépressibles qui constituent une vraie urgence
psychiatrique.

La marginalité
Le pôle marginal du PG, qui concerne l’axe horizontal représenté en
figure 2.4, régit selon nous l’auto-exclusion progressive d’un individu
par rapport au clan qui, au départ, l’aurait déjà exclu. Une fois de plus,

166
Le Positionnement Grégaire

la coercition émotionnelle participe à ce processus en insufflant un sen-


timent de gêne au marginal chaque fois qu’il va se retrouver au sein du
« clan ». En réalité, cette gêne correspond au fait que l’individu a déjà
perdu ses repères, il ne sait plus décoder les rituels du groupe et les autres
« lui ». Au fur et à mesure de l’aggravation de son état, le vécu du mar-
ginal passe d’un malaise sans objet à un malaise avec objet. Parallèlement
à ce phénomène, l’a priori relatif de confiance, qui régit les relations
entre membres d’une même espèce et plus encore entre membres d’un
clan, va s’estomper puis disparaître pour céder la place à un a priori de
méfiance.
Les mécanismes sous-jacents à la marginalité résultent en des compor-
tements tout aussi irrationnels et incontrôlables sur l’axe horizontal que
sur l’axe vertical. Le caractère pathologique du comportement est incons-
cient, sauf aux premiers niveaux où fugitivement le trouble est perçu
comme tel et la souffrance comme associée au trouble. Car le marginal
souffre. Il souffre de ne plus appartenir au groupe, de ne plus en comprendre
les règles, de s’en sentir exclu. À la différence de certains types de person-
nalité présentant une certaine fierté à afficher leur différence et leur ori-
ginalité, le marginal au sens PG du terme est simplement paranoïaque,
c’est-à-dire profondément blessé de son exclusion et craintif de la perver-
sion du dominant.
Cependant, admis dans un groupe, le marginal ne verra pas forcément
disparaître son malaise s’il est trop éloigné de la valeur moyenne de l’axe
(valeur 0). Il peut même voir ce malaise s’intensifier, dans un deuxième
temps, suite à un mécanisme d’effet rebond (cybernétique). Il est ainsi sus-
ceptible de mettre progressivement en doute la bonne foi du groupe à son
sujet et se laisser aller à toutes sortes de projections.

a) Les critères de diagnostic et gradation


du Positionnement Grégaire Marginal
La marginalité en lien avec le PG induit la sensation permanente d’être de
trop parmi les autres. Le marginal a le sentiment d’être différent, comme si
une règle cachée lui échappait. Suivant les stades de ce positionnement, il
passe du simple malaise informel à rester parmi les autres au sentiment d’être
exclu et même victime de conspiration contre lui (paranoïa). Comme le PG
soumis, le marginal va progressivement ne plus concevoir de plaisir. Il rêve
parfois d’être intégré, accepté, reconnu sans parvenir à saisir les opportuni-
tés qui s’offrent encore à lui au début de sa vie ou lors de crises. Il est donc
malheureux mais à la différence du soumis, il sera vite révolté. Sa violence
potentielle viendra de son sentiment d’injustice.

167
La thérapie neurocognitive et comportementale

b) Niveaux de Marginalité
Nous décrivons ci-dessous les éléments permettant de diagnostiquer les
différents niveaux de PG marginal :
– Niveau 0 : ce niveau correspond à la « normalité » sur cet axe, avec
une sensation de confiance a priori prédominante à l’égard de l’autre
et du clan, mais la méfiance est latente et peut se développer, comme
la confiance d’ailleurs, selon les expériences (cf. Figure 2.4 précé-
dente).
– Niveau 1 : l’individu ressent un malaise informel à rester parmi les
autres. Cette sensation est surmontable, mais elle incite le sujet à se
tenir légèrement à l’écart, à marcher devant ou derrière le groupe, à
se dissocier par des attitudes d’introversion, de retrait. À ce stade, il
a le sentiment de ne pas bien comprendre ce qui rapproche les autres
et ce qu’ils partagent.
– Niveau 2 : à ce stade, la sensation de « coupure » est plus marquée
et irrationnelle qu’au niveau précédent. Les règles de la vie sociale
échappent à l’individu, comme si une vitre le séparait maintenant
des autres, qu’il voit sans les comprendre. Il se tient plus nettement
à distance, évite de sortir pour des raisons futiles, purement relation-
nelles. Cette tendance peut aussi évoquer une personnalité schi-
zoïde, mais l’individu se sent encore, à ce niveau, partiellement
responsable de ce qu’il considère comme un handicap.
– Niveau 3 : le comportement marginal s’intensifie, l’autre n’est plus
perçu. Le sujet est seul, face au vide. L’idée d’une responsabilité per-
sonnelle ne l’effleure plus. Il vit une perte profonde de perception
de l’autre, devenu comme vide. Il n’éprouve plus à son égard ni
confiance, ni méfiance mais une absence. Ce niveau correspond, à
notre avis, à un stade pseudo-mégalomaniaque : par contraste à ce
vide, le sujet se sent riche d’opinions, de sentiments (douloureux,
déçus) et de courage (par opposition aux dominants qui n’attaquent
que les faibles, lorsqu’ils sont en position de force extrême). Mais
cette mégalomanie est dépitée, misanthrope, comme si elle résultait
d’un combat sans combattant. Elle se distingue de la dominance et
de la recherche de victoire chez les individus présentant des person-
nalités compétitrices : les dominants se complaisent en démonstra-
tions de force, tandis que les compétiteurs ont pour objectif un
dépassement de soi ou des autres, le simple challenge.
– Niveau 4 : le sentiment de méfiance a priori commence à être pré-
pondérant. Le marginal commence à penser que le silence des autres
et ces règles qu’il suppose invisibles lui cachent intentionnellement

168
Le Positionnement Grégaire

quelque chose dont il serait, lui, personnellement exclu. Des bouffées


d’agressivité commencent alors à apparaître contre ce supposé
complot mais il n’a pas encore conçu de peur spécifique. Il a bien sûr
une peur naturelle du dominant, plus fort que lui ou surtout plus
entouré. Il ressent un peu de mépris pour ce personnage pervers qui
craint la souffrance et n’attaque qu’en position de force. Lui, solitaire,
se bat seul.
– Niveau 5 : l’idée de complot est ici au centre de l’état. Il peut
prendre des proportions démesurées, passer du simple domaine cla-
nique à une dimension nationale ou même internationale. À ce
stade, le marginal voit partout des symboles, des suspects, des enne-
mis qui se liguent pour l’anéantir. Alors il peut devenir violent,
détruire ce qui subsiste de ses relations personnelles ou profession-
nelles. Point n’est besoin pour le groupe de l’exclure, il s’en charge
lui-même. Là encore le mécanisme biologique de la sécurité est plus
que redondant.

L’intégration
Sur l’axe horizontal dont nous tenons compte, le pôle « Intégration » cor-
respond à une notion d’inclusion sociale au niveau du PG ou d’un point
de vue Paléolimbique. Les comportements relatifs à l’Intégration consti-
tuent un miroir légèrement dissymétrique du pôle marginal. L’Intégration
procure un intense sentiment de confiance a priori à l’égard des autres et
plus particulièrement des « membres du clan ». Nous retrouvons là aussi
une forme de coercition émotionnelle qui, contrairement à l’empathie,
procure un vécu non ou peu fondé : cela devient patent dans les niveaux
élevés où le vécu de confiance peut s’étendre dans les cas extrêmes jusqu’à
la sensation de « perception immanente » des lois de l’univers.
Nous avons émis l’hypothèse que le levier émotionnel émis ou subi par
le niveau neurocognitif Paléolimbique puisse être la peur. Pourtant, si cela
semble évident pour les trois autres pôles, cela paraît plus difficile à conce-
voir pour le PG Intégré. Il semble pourtant que ce soit le cas pour les rai-
sons suivantes : la description du délire mystique qui a servi de base à ce
modèle comporte une référence à l’harmonie, mais celle-ci se définit en
opposition et en défense constantes vis-à-vis de « forces du mal » suppo-
sées. La tendance à l’Intégration est à distinguer de certains profils de per-
sonnalité également en recherche d’harmonie, mais qui ont pour objectif
de faire partager celle-ci, sans être cependant préoccupés par le fait de
constituer « barrage » au « mal » et « aux forces de la nuit », selon des termes

169
La thérapie neurocognitive et comportementale

que peuvent employer parfois certains individus présentant des délires


mystiques. Aux yeux de l’individu intégré, la présence de la violence et
de la peur est partout, et il se présente dans ce contexte comme « le canal
des forces du bien contre celles du mal ».
Nous pouvons supposer que le « sorcier » ou le « gourou » de certaines
ethnies ou sectes présentent un PG intégré important. Dans certains
groupes animaux notamment chez les singes, des sujets qualifiés de
« sages » semblent chargés de réconcilier et réintégrer dans le groupe les
mâles exclus et marginalisés à la suite d’un combat perdu par exemple. Ce
positionnement intégré peut-il également sous-tendre chez l’humain cer-
taines motivations réconciliatrices ?

a) Les critères de diagnostic et gradation


du Positionnement Grégaire intégré
Le PG intégré induit la sensation permanente d’être à l’aise parmi les
autres, d’avoir toujours sa place dans le groupe ou même très vite dans des
groupes inconnus. Non que l’intégré mette expressément sa personne au
premier plan par rapport au reste du groupe, mais il se sent partout natu-
rellement chez lui.
Beck, qui est à l’origine du mouvement cognitiviste, disait que le pes-
simiste n’est pas plus souvent dans l’erreur que l’optimiste, mais il est plus
malheureux. Dans ce dernier cas, l’individu doute de tout, de ses moyens,
de ses chances, de ses résultats. L’intégré est dans ce cadre un modèle d’op-
timiste vraisemblablement le plus achevé, qui ne doute de rien, ni de ce
qu’il est, ni de ce qu’il fait, ni de ses résultats.

b) Niveaux d’Intégration
Nous présentons les éléments définissant les différents niveaux d’Intégra-
tion ci-dessous :
– Niveau 0 : la normalité se situe en équilibre dynamique entre deux
sensations, la première, celle de confiance a priori, prédominant sur
celle de méfiance. L’expérience peut déplacer cet équilibre selon les
partenaires, les situations, etc.
– Niveau 1 : l’individu ressent une aisance informelle, plus appuyée
qu’au niveau précédent. Il affiche également une assurance plus mar-
quée, une liberté de mouvement et d’expression le plus souvent
adaptée à la société actuelle, quelle qu’elle soit. En outre, il a le sen-
timent de comprendre autrui à demi-mot, ce qui lui vaut souvent le
rôle de confident.

170
Le Positionnement Grégaire

– Niveau 2 : l’intuition caractérise l’individu, il croit percevoir le sens pro-


fond des choses, des êtres, des événements. Il prend facilement la parole
sur ces sujets et monopolise alors avec assurance la conversation.
– Niveau 3 : à ce stade, l’individu ne pense plus avoir une intuition
de certaines choses floues, mais avoir une connaissance précise du
monde qui l’entoure, même de ce qui n’est pas évoqué ou percep-
tible par les sens. Le sujet pense disposer de moyens de communica-
tion privilégiés et invisibles pour lire les pensées profondes des autres
sans qu’ils aient besoin ou envie de les exprimer.
– Niveau 4 : la sensation de communiquer immanente s’étend à la
nature, l’individu se considère en harmonie avec les éléments, le
ciel, la mer, la forêt, le petit ruisseau ou l’arbre au fond du jardin,
alors éventuellement promus confidents, amis ou protecteurs.
– Niveau 5 : l’illumination, le mysticisme, les délires mystiques et la
sensation de transmettre sont à ce niveau caractéristiques. L’individu
s’estime en fusion ou en communion avec l’Univers. L’intégré est
disposé à rassembler autour de lui, porter la bonne parole, parfois
créer une secte (ce qui reste tout de même l’exception) dont il
devient le « gourou » illuminé, enivrant ses adeptes de discours éva-
nescents et rassurants.
Rappelons le cas cité par Damasio de cette jeune femme aux noyaux
amygdaliens totalement calcifiés et dépourvue de toute peur à l’égard de
ses congénères (Damasio, 2002, op. cit.). Son tableau clinique, proche de
celui de l’intégré, impliquerait ainsi l’amygdale dans la régulation de la
balance méfiance/confiance, i.e. dans celle de l’axe horizontal du PG. Il
est alors possible d’imaginer que l’absence totale de stimulation amygda-
lienne puisse donner un niveau d’intégration de niveau 5 « par défaut ».
Il serait dans ce cas légitime de se demander si la stimulation intense
des noyaux amygdaliens (ou de certaines de ses parties) peut engendrer en
miroir un état de marginalité de niveau 5, paranoïaque11.

11. Rappelons que l’amygdale semble nettement impliquée dans la régulation de l’axe
vertical, ce qui ferait de cette petite structure le centre peut-être prédominant des
fonctionnements que nous avons nommés paléolimbiques. Une récente étude
(Smoller et al., 2013) a par ailleurs mis en évidence une origine génétique commune
à différentes pathologies qui n’étaient jusque-là aucunement apparentées. Ces patho-
logies sont la schizophrénie, le trouble bipolaire, la dépression majeure et le trouble
de l’hyperactivité avec déficit de l’attention. Si ces résultats sont à interpréter avec
précaution et n’excluent pas l’implication d’autres gènes que ceux dévoilés dans
chacune de ces pathologies, il n’en demeure pas moins que nous avons pu nous-
mêmes supposer l’implication du PG dans ces différents troubles. Ces résultats posent
donc question et sont convergents avec nos hypothèses.

171
La thérapie neurocognitive et comportementale

Caractéristiques
Dominant Soumis Marginal Intégré
communes

Personnalités Personnalité Personnalité Personnalités Personnalité


potentiellement antisociale obsessionnelle (?) schizoïde (?) mystique (?)
associées Personnalité et dépressive (?) et paranoïde (?)
ou induites narcissique (?)

Pathologies Délire antisocial Anxiété diffuse Délire Délire mystique


potentiellement Délire maniaque TOC paranoïaque
associées Erotomanie Paniques Mégalomanie
ou induites Kleptomanie Dépression
Exhibitionnisme et délire
mélancoliques

Alibis et actes Flatterie et jeux Perfectionnisme Malaise sans objet Aisance sans
socialement de séduction par crainte à partager objet à partager
acceptables cherchant excessive l’intimité, l’intimité,
Niveau 1

(mais sous-tendus une déstabilisation de la faute, prise de distance intégration


par une impulsion de la confiance en crédulité vis-à-vis « introvertie » spontanée dans
irrationnelle soi (par alternance des dominants par rapport le groupe connu
invisible et de « chaud au groupe, ou inconnu
socialement non et froid »)
assumée)

Alibis et actes Manipulation Servilité par Sensation Sensation


irrationnels consciente rapport aux de perte de perception
(sous-tendus par des sentiments dominants, de contact avec intime d’un sens
Niveau 2

une impulsion cherchant sensiblerie les autres, caché des autres


irrationnelle visible une aliénation à l’égard de leurs comme si un et des choses
mais non assu- (par culpabilisation souffrances sens caché
mée) et apitoiement) réelles échappait
ou supposées

Affichage social, Ridiculisation du Superstition, Discours Discours


dans le discours, faible, recherche crainte mégalomane de « gourou »,
des « intentions » de « assumée » par perte « lecture
Niveau 3

de l’état Sa déstabilisation du bonheur, de la sensation mentale »,


psychologique et crainte de l’autre, sensation
sociale irrationnelle comme s’il était de communiquer
d’une sanction inconsistant, avec les gens
vide de pensées sans mots

172
Le Positionnement Grégaire

Actes impulsifs Actes violents Attaque Sensation Sensation


et peu et inquiétants de panique, peur d’exclusion, de communiquer,
contrôlables, contre des objets, de devenir fou, de ne pas parler avec
dont les mobiles associés culpabilité comprendre les choses
Niveau 4

sont conscients à un mutisme déraisonnable un sens caché


mais non encore ou des sous- avec idées non
« assumés » entendus obscurs, avouées
socialement cherchant de suicide
à inquiéter ou d’automutila-
tion

Affichage social, Sadisme, cruauté, Actes Sensation d’être Sensation d’être


dans discours mêlant d’automutila- l’objet d’un connecté
les comportements, rires, sarcasmes, tion ou suicide complot, à l’univers
des intentions violences, agression
de l’état, allant vulgarité, affichant à l’égard
Niveau 5

jusqu’au prédélire la perversion du pouvoir


et délire (= rapt du plaisir à faire ou de ses
de la conscience), souffrir le faible, représentants
stéréotypie cherchant
génétique révélant à terroriser
la nature du trouble
(PL)

Tableau 2.2
Présentation synthétique des hypothèses de gradation des quatre polarités du PG

3. MODÉLISATION PARTIELLE DU PG
EN PSYCHOTHÉRAPIE

3.1. Diagnostics différentiels du PG


et principales interactions

Soumission et RH
Les deux plus grandes entités physiopathologiques que sont les comporte-
ments de type Hypo/Hyper et les troubles de type PG (notamment la soumis-
sion) nous paraissent impliquées dans les comportements d’évitement social :
1. La première entité est intégrée dans un niveau fonctionnel (qualifié
de néolimbique) plus global que la seconde. Elle impliquerait un
comportement automatique d’évitement social (Hypo-fonction),

173
La thérapie neurocognitive et comportementale

compensé par un comportement Hyperfonctionnel (substitution


inductrice de troubles du comportement de type addictif), générant
un risque dépressif secondaire (réactionnel à un échec) dit de
Répression d’Hyperfonction (RH).
2. La seconde entité est selon nous de type paléolimbique. Elle
implique sans doute plus précisément la région amygdalienne, et
sous-tend notamment un comportement de soumission. Les com-
portements d’évitement social apparaissant en conséquence de la
soumission sont plus archaïques et plus globaux que les précédents,
sont plus ou moins associés à des comportements d’autodestruc-
tion, et peuvent aller jusqu’à des troubles psychotiques (à prédo-
minance mélancolique).
Nous proposons le tableau récapitulatif suivant, qui établit une com-
paraison entre comportement Hyper et soumission du PG, tous deux géné-
rateurs d’anxiété sociale :

Hyper Soumission (PGS)

Objectif À valence positive : l’individu À valence négative : l’individu


apparent tend à aller vers toujours plus a pour objectif de ne pas
de plaisir, de beauté, d’intérêt déranger, ne pas usurper,
suscité, etc. s’effacer, disparaître, etc.

Diagnostic – Obsessivité du désir (toujours – Obsessivité de la culpabilité


différentiel plus) – Propension à toujours se
– Anxiété d’anticipation (peur mettre au service des autres
de l’échec) – Dévalorisation totale de soi
– Survalorisation de soi alternant – Désincarnation, volonté
avec des déceptions amères de « don de soi » sacrificiel
(RH) – Irrationalité majeure peu
– Ambivalence par rapport ou pas accessible à la raison
à l’objet de désir (tendance prépsychotique)
– Insatisfaction paradoxale – Stéréotypie totale des
malgré un bon résultat symptômes (indépendante
– Conscience des troubles de la culture)

Dangers Dépression plus ou moins auto- Autodestruction, automutilation,


agressive et surtout hétéro- suicide
aggressive (amertume, sensation
d’être victime)

174
Le Positionnement Grégaire

Thérapie – Traitement des évitements – Pédagogie et affrontement


sociaux (Hypos) par pédagogie comportemental de la soumis-
et affrontement comporte- sion par des exercices anti-
mental du trouble cause dotes de « dominance »
de la compensation ; – Insensibilité du PG au travail
– Travail cognitif provisoire qui cognitif, même à court terme
est rendu possible sur l’Hyper
(mais dont l’effet est de courte
durée car symptomatique)

Précautions Suivi simple possible excepté lors Suivi médical et/ou psychiatrique
de dépressions réactionnelles recommandé
massives (RH)

Tableau 2.3
Synthèse des comparaisons possibles entre Contenants d’Hyper et de PGS

Points communs observables entre la soumission et la RH


– Manifestation d’une souffrance psychologique intense : ces deux
Contenants nous apparaissent comme les deux plus douloureux du
paysage psychologique et même peut-être psychiatrique, car ils sont
à l’origine des dépressions réactionnelle (RH) et mélancolique
(PGS).
– Les deux types de troubles génèrent chez l’individu de la culpabilité,
bien que celle-ci soit de nature différente en fonction du trouble.
Éléments distinctifs de la soumission et de la RH
– L’individu soumis PGS se rend au service des autres, et plus particu-
lièrement des dominants, sur lesquels il s’attendrit beaucoup, tandis
qu’il ne se ménage jamais lui-même. Un individu en RH, en
revanche, tend à « rouler pour lui-même », aime se faire plaindre, et
n’épargne souvent pas les autres en termes de reproches. Le vécu de
la RH est notamment essentiellement composé de regrets et d’amer-
tume, ce qui n’est pas caractéristique de la soumission.
– La culpabilité émanant de la soumission n’a généralement pas de
motif réel, sérieux ou objectif. La culpabilité associée à la RH en
revanche est issue du fait que l’individu prend conscience du carac-
tère intrusif, exigeant (chantage affectif, pression morale sur autrui,
etc.) et capricieux (ambivalent) que lui confère la RH. Dans ce
cas-là, l’individu s’en veut d’avoir fait des erreurs mais s’apitoie mal-
gré tout sur son propre sort, pas sur celui des autres, ce qui le distin-
gue de l’individu soumis.

175
La thérapie neurocognitive et comportementale

a) Synergies pathogènes entre PGS et RH


Le diagnostic différentiel entre PGS et RH s’avère particulièrement cru-
cial, pour les raisons suivantes :
– Il peut survenir une sonnette massive entre les deux, se manifestant
par des injonctions internes et des stratégies de résolution totale-
ment contradictoires. Une sonnette implique donc le fait que l’ac-
tivation d’un Contenant aggrave un autre et réciproquement. Les
sonnettes qui peuvent concerner la RH et la soumission peuvent par
exemple porter sur le fait que la RH pousse à un comportement tou-
jours plus intrusif, accusateur, tandis que la soumission peut faire que
l’individu est effrayé de son propre comportement, lui qui d’ordinaire
fait tout pour passer inaperçu, prendre pour lui la faute des autres,
etc. En retour, la réaction de repli spontané imposée par la soumis-
sion peut augmenter le sentiment d’échec de la RH.
– Le traitement neurocomportemental du PGS aggrave massivement
la RH. En effet, il est possible de confondre les deux Contenants ou
que les deux Contenants cohabitent. Dans ce cas, il est nécessaire
d’identifier, d’isoler et de traiter le plus rapidement possible la RH
avant de traiter le PGS. S’il arrive au thérapeute de faire erreur et
de considérer comme une crise de PGS ce qui serait en fait un accès
de RH, l’aggravation de l’état du patient suite à la réalisation des
exercices de PG doit l’alerter et lui évoquer une RH (notamment si
ces exercices améliorent plus ordinairement l’état du patient).

Dominance et Marginalité

a) Points communs observables entre la dominance


et la marginalité
Les deux Contenants peuvent générer de la violence : ordinairement, la
dominance incite l’individu à l’attaque, tandis que la marginalité le met
en posture de défense. Dans le cas où un individu dominant est « atta-
qué », alors les deux types de PG se ressemblent encore davantage.

b) Éléments distinctifs de la dominance et de la marginalité


Si les deux types de PG peuvent être violents et, dans de plus rares cas
pour la dominance, en position de défense, une différence notable est
cependant le fait que le PGD redoute l’humiliation, une notion qui ne
relève pas des préoccupations du PGM. En effet, l’humiliation d’un indi-
vidu dominant amène celui-ci à déchoir de son statut, à perdre son

176
Le Positionnement Grégaire

pouvoir social. Aussi, celui-ci défend son orgueil et ses privilèges, tandis
que l’individu marginal préserve son intégrité de toute intrusion poten-
tielle. En d’autres termes, le premier attaque et le second défend ses terres
et ne devient parfois dangereux que si on va le chercher dans sa « tanière ».

c) Synergies pathogènes entre PGD et PGM


Sachant que le PGD est la bête noire du PGM, un individu présentant les
deux Contenants est susceptible de présenter des attaques de panique, ce
d’autant plus qu’il aura conscience de sa dominance. Dans ce cas, le thé-
rapeute doit engager une thérapie cognitive de prise de recul préalable,
précautionneuse, longue, itérative et interactive. Il pourra ensuite traiter
les deux Contenants dans l’ordre qui génère le moins d’angoisse chez le
patient.

Soumission et personnalité dite « Stratège »


À l’instar de nombreux autres modèles, nous distinguons ce que nous
appelons des « personnalités » ou « structures de personnalités » (cf. Fradin
et Lemoullec, 2006, op. cit., annexe 2). Comme nous l’avons vu plus haut,
ces personnalités sont en réalité des ensembles homogènes et relativement
cohérents de valeurs. Nous supposons que ces ensembles ou personnalités
sont sous-tendus par des structures cérébrales Néolimbiques, plus évoluées
d’un point de vue phylogénétique que celles relatives au Paléolimbique.
Parmi les types de personnalité que nous avons identifiés, apparaît la per-
sonnalité dite ordinairement « Stratège » ou encore nommée « Lutte
Réussie » dans notre modèle. Même si cela paraît contre-intuitif, celle-ci
peut présenter des points communs avec la soumission.

a) Points communs observables entre la soumission


et la personnalité « Stratège »
La soumission tend à faire que l’individu se voue totalement au service des
autres et notamment des dominants. De façon quelque peu similaire mais
pour des raisons différentes, l’individu présentant une personnalité Stratège
(aussi appelée Personnalité Lutte Réussie, cf. Annexe 2) se mettra au ser-
vice du développement des jeunes talents, des personnes chez qui il soup-
çonnera des capacités particulières. Il est susceptible de consacrer à ceux-ci
toute son énergie, au détriment de sa vie privée, tout comme peut le faire
l’individu soumis.
Si la personnalité Stratège possède une vraie capacité à entraîner les
autres, elle en est cependant fragile à la critique : sa focalisation sur

177
La thérapie neurocognitive et comportementale

les autres et sa tendance à vouloir systématiquement s’adapter aux autres


pour satisfaire son but global la conduit à ne plus savoir réellement ce
qu’elle peut penser d’elle-même. Elle peut avoir une forme de vide men-
tal dès lors qu’elle se retrouve questionnée sur elle-même, en situation
d’échec ou de remise en cause. La soumission, de la même façon, rend l’in-
trospection difficile, car le soumis, à ses propres yeux, ne mérite pas de
perdre du temps à s’occuper de lui. Sa capacité à endosser la faute des
autres le rend également particulièrement fragile à la critique.
L’engagement est également une notion impliquant à la fois la soumission
et la personnalité Stratège. Cette dernière est en effet très sensible à la traî-
trise puisque celle-ci rompt l’harmonie sociale et la solidarité. Dans ce cadre,
un manquement à l’engagement peut lui apparaître comme une trahison
potentielle. Aussi, ce type de personnalité peut se considérer « engagé » vis-
à-vis de certaines personnes ou actions, même de façon informelle, et même
s’il n’en a jamais été question pour son entourage. La personnalité Stratège y
met son « honneur » en jeu. La soumission est également, de fait, dans un
processus d’engagement vis-à-vis des dominants, puisqu’elle leur est servile.

b) Éléments distinctifs de la soumission


et de la personnalité dite Stratège
Malgré leurs similarités, les deux types de Contenants présentent des dif-
férences assez nettes :
En effet, le PGS pousse à la servilité et à l’activité besogneuse, tandis
que la personnalité Stratège insuffle du leadership et un goût pour le faste.
Par ailleurs, le Stratège fait montre d’une certaine forme de fierté et de
répulsion quant au fait de dévoiler ses faiblesses (sentiment de devoir être
« digne » en toutes circonstances). L’individu soumis, en revanche, s’avère
totalement dépourvu d’une quelconque forme de fierté, se considère
comme étant en soi une faiblesse et ne prétend à aucun sentiment de
dignité quelconque, bien au contraire.

c) Synergies pathogènes entre soumission


et personnalité Stratège
La soumission est encline à « contrer » la tendance directive de la person-
nalité Stratège. Cet effet peut être relativement positif lorsque le niveau de
soumission de l’individu est léger. Dans ce cas-là, le caractère quelque peu
autoritaire du versant « Stratège » peut être adouci par la soumission (une
main de fer dans un gant de velours). Malheureusement, il arrive très sou-
vent que les deux Contenants créent une sonnette. Celle-ci peut se traduire

178
Le Positionnement Grégaire

par le fait que cette tendance directive et fière soit rendue insupportable par
la soumission, tandis que le manque de dignité de la soumission peut appa-
raître comme un affront aux yeux de la personnalité leader.
Les deux Contenants peuvent par ailleurs entrer en synergie lorsque la
personnalité Stratège doute d’elle-même (notamment en cas d’échec ou
de rejet social) ou cherche à s’individualiser (car elle aura été remise en
cause dans ses valeurs, qui sont généralement plutôt conformistes). La sou-
mission aggrave, dans ce cas, ce sentiment de doute dans lequel l’individu
peut avoir l’impression de se noyer. En psychopathologie, ce duo est un
des standards que l’on retrouve dans le modèle TNC derrière les tableaux
de forte « centration externe » ou de dépersonnalisation.
Dans tous les cas, il est possible de faire un travail de prise de recul et de
relativisation autour des intolérances supportée par la personnalité Stratège et
de ses interactions possibles avec la soumission. On peut ensuite, parallèle-
ment, traiter la soumission à l’aide d’exercices comportementaux
(cf. chapitre 2.4.).

Soumission et Hypo-Méta
Ce duo donne lieu à des problématiques très comparables à celles présen-
tées précédemment. La synergie entre ces deux Contenants est aggravée
et potentialisée lorsque s’y ajoute, de surcroît, une personnalité Leader.

a) Points communs observables entre la soumission


et l’Hypo-Méta
La soumission génère une incapacité décisionnelle, basée sur un sentiment
profond de dévalorisation de soi voire d’indignité, une crainte de la faute
impardonnable et une absence de motivation à œuvrer pour soi-même.
L’Hypo-Méta, quant à lui, est un Hypo dans le domaine métapsycho-
logique. Il génère une incapacité à émettre une opinion ou un acte sur un
sujet donné, par peur du ridicule ou de la honte. Son prolongement,
l’Hyper-Méta, constitue une tentative de substitution, se traduisant par
une attente active ou passive que d’autres fassent pour nous ce qui nous
est impossible. Cette dépendance émotionnelle à cette substitution est
forte et l’échec ou son anticipation mettent l’individu en position de
« manque » (RH), producteur d’un état agressivo-dépressif de type réac-
tionnel. L’Hyper-méta ajoute de l’indétermination à l’Hypo-Méta en ce
sens qu’il rend l’individu très dépendant de la reconnaissance d’autrui.
Les deux Contenants font ainsi part d’une relative difficulté à pouvoir
émettre une opinion, à l’affirmer et à l’assumer, et ce pour des raisons différentes.

179
La thérapie neurocognitive et comportementale

b) Éléments distinctifs de la soumission et de l’Hypo-Méta


L’Hyper-Méta engendré par l’Hypo-Méta implique une dynamique où l’in-
dividu agit dans son propre intérêt, et produisant une attente à l’égard des
autres. Par opposition, la soumission est, encore une fois, au service
des autres. L’Hyper-Méta conduit à vouloir plaire à autrui, et dans cet
objectif peut parfois nous pousser à rendre quelque service, mais ce ne sera
pas pour autant dans le but de se placer au service de l’autre. Le diagnos-
tic différentiel se teste donc au niveau des situations d’échec : dans ce cas,
l’individu soumis se culpabilise et craint pour l’autre, tandis qu’un indi-
vidu en Hyper-Méta redoute de perdre l’autre et d’en souffrir.

Dominance, Marginalité et personnalité dite « Compétitrice »


La personnalité dite Compétitrice (et que nous nommons plus usuelle-
ment « Lutte Empêchée », cf. annexe 2) que nous avons pu isoler présente
une appétence pour la concurrence, le défi, le challenge, le dépassement
de soi et des autres. Par souci d’élitisme, ce type de personnalité a égale-
ment besoin de cultiver sa différence et son esprit critique, de défendre sa
liberté et celle des opprimés.

a) Points communs observables entre la dominance,


la marginalité et la personnalité dite « Compétitrice »
Les trois types de Contenants peuvent se montrer méfiants ou agressifs.
La dominance se rapproche plus particulièrement de la personnalité
Compétitrice dans sa dynamique prompte à surpasser les autres, bien que
la première le fasse dans un but d’asservissement de son entourage, et la
seconde dans un principe de challenge, de dépassement de soi. Les deux
Contenants peuvent inciter l’individu à raconter ses exploits, l’un dans
l’objectif d’intimider son entourage, l’autre dans le but de montrer sa bra-
voure et son intelligence.
La marginalité est également comparable à la personnalité compéti-
trice, au sens où un individu marginal est attaché à se démarquer des
autres. S’il le fait par méfiance, la personnalité compétitrice le fait par
défi, pour montrer sa distinction, sa perspicacité. Les deux Contenants
peuvent montrer une aversion pour la dominance.

b) Éléments distinctifs des trois Contenants


La différence la plus essentielle entre les trois Contenants réside dans
les raisons de leur agressivité respective. L’individu dominant se montre
agressif car il craint avant tout de se faire destituer de sa position

180
Le Positionnement Grégaire

dominante. L’individu marginal a peur d’être la victime préférée (car


insoumis) d’un pervers dominant (perçu comme le monstre absolu qui
ne pense qu’à lui nuire), et pour prévenir cela, il est prêt à mettre en
place tous les moyens de défense nécessaires. La personnalité compéti-
trice, quant à elle, tend à se poser en justicière, et en cela peut faire
montre d’une certaine agressivité. Par ailleurs, l’esprit de concurrence
apparaissant dans la dominance comme dans la personnalité compéti-
trice peut donner forme à une certaine attitude agressive. Cependant, si
la première considère que « tous les coups sont permis et pire encore », la
seconde adhère à la compétition dans une conception méritocrate, en
jouant à « que le meilleur gagne ».

c) Synergies pathogènes entre les trois Contenants


Les trois Contenants que sont la dominance, la marginalité et la person-
nalité compétitrice peuvent apparaître chez un même individu, deux à
deux ou tous les trois. La cohabitation de ceux-ci donne très souvent lieu
à des sonnettes.

Intégration et personnalité dite « Philosophe »


Nous avons identifié une structure de personnalité que nous pourrions
principalement considérer comme Philosophe, mais que nous avons
également appelée « Activation Réussie » dans notre modèle
(cf. Annexe 2).

a) Points communs observables entre l’Intégration


et la personnalité « Philosophe »
Les deux Contenants que sont l’Intégration et la personnalité Philosophe
peuvent générer des vécus de positivisme inébranlable, allant jusqu’à la
naïveté et la crédulité, rendant inapte à tirer des leçons de ses (mauvaises)
expériences. Dans les deux cas, l’individu affiche une attitude boniface,
tend à profiter de façon très spontanée et détendue de la compagnie d’au-
trui et rejette assez aisément tout comportement qu’il qualifierait de néga-
tif ou pessimiste.

b) Éléments distinctifs entre l’Intégration


et la personnalité « Philosophe »
Le PGI procure une confiance irrationnelle en les autres. Cette confiance
est globale, dépourvue de discernement et de prudence, même vis-à-vis
d’étrangers ou de personnes paraissant a priori « peu dignes

181
La thérapie neurocognitive et comportementale

de confiance ». L’individu présentant une personnalité Philosophe présente


une naïveté qui est davantage orientée sur certains thèmes (la nature et la
nature humaine) et sur certaines personnes. Mais à la différence de l’Inté-
gration, elle permet un certain degré d’apprentissage sans toutefois bouscu-
ler sa vision humaniste et optimiste de la vie. On peut également l’identifier
par sa tendance à philosopher, son goût pour la gastronomie, etc.

3.2. Sonnettes et attaques de panique


En TNC, on nomme « Sonnette » un conflit structurel entre deux
Contenants et/ou Méta-Contenants incompatibles, i.e. qui déclenchent
des modes réactionnels opposés et autorégulés. Ce conflit aboutit à un
emballement du système, à l’image d’une attaque de panique classique (qui
est considérée en TNC comme un cas particulier de la Sonnette). En
termes de cybernétique, on parle de régulation « en tendance », pour
laquelle le symptôme amplifie le mécanisme causal, par opposition à un
système autorégulé simple.
Nous présentons ici les principales interactions négatives entre
Contenants, pourvoyeuses de sonnettes et autres refoulements :

Sonnette entre Extraversion et RH


L’extraversion, de quelque nature qu’elle puisse être, tend à aggraver la
RH. La sonnette produite par ces deux entités est sans doute la plus spec-
taculaire ou la plus facilement observable.
À titre d’exemple, la pratique des exercices thérapeutiques pour
traiter le PGS demande à jouer des personnages particulièrement extra-
vertis. Ceux-ci peuvent alors très nettement aggraver l’état de l’indi-
vidu s’il est à ce moment-là en RH. Cela entrave de surcroît l’action
de ces exercices sur la soumission. Dans ce type de cas, il est vivement
conseillé de traiter en premier la RH (soit identifier et traiter l’Hypo
de l’Hyper) avant de pouvoir (re)prendre les exercices de traitement
du PGS.
De façon plus générale, cette sonnette apparaît plus largement lors de
toute combinaison de type « comportement extraverti + RH ». Ainsi,
pousser quelqu’un en RH à être créatif, à improviser un rôle théâtral un
peu excentrique, à affronter un Hypo (qui conduit à jouer un rôle à part
entière et à sortir de son marasme de façon brutale), à se confronter au
bruit généré par « la vie », par les enfants, les personnes semblant heu-
reuses, aggravent très nettement sa RH.

182
Le Positionnement Grégaire

De fait, les individus en RH semblent renfermés, ternes, gris et de mau-


vaise compagnie, pourrait-on croire pour se protéger de tout contact, de
l’action ou même du bruit et de la lumière.

Sonnette entre PG et Méta-Contenant Néolimbique


Une sonnette entre l’un ou les deux axes du PG et une gouvernance12
néolimbique (NL) forte peuvent survenir. Dans ce cas, le PG conduit le
comportement de l’individu dans une orientation (par exemple soumis-
sion et/ou marginalité) tandis qu’un Méta-Contenant Néolimbique
« tire » l’individu vers un autre objectif. Nous avons pu voir plus haut
que les personnalités compétitrice et leader, par exemple, pouvaient pré-
senter un fort antagonisme avec le PGS, le PGD ou même le PGM. Dans
le cas particulier de la personnalité compétitrice, chaque gain réalisé sur
le PG (par exemple marginal ou soumis) par des exercices thérapeutiques
est immédiatement « consommé » par « l’ambition » de cette personna-
lité. Fort de son mieux-être, l’individu « risque » d’en profiter pour lan-
cer de nouvelles conquêtes et se mettre davantage en avant socialement.
De cette façon, il risque de mettre prématurément son (ou ses) PG sous
tension, la marginalité (trop méfiante) comme la soumission (trop indigne
d’être centre d’attention) étant toutes deux réactives à la confrontation
sociale. Cette mise sous tension peut, de plus, s’inscrire dans un effet
rebond de PG faisant suite aux exercices, et potentialiser ainsi celui-ci.
Ordinairement, plus l’effet rebond se montre intense et rapide, plus cela
doit faire suspecter l’existence d’une sonnette entre un PG et des struc-
tures sus-jacentes, qu’elles soient Néolimbiques ou même préfrontales.
Plus généralement, dans l’objectif de clarifier les cas cliniques et limiter
les risques de sonnettes, il est recommandé de traiter les symptômes cli-
niques de la superficie vers la profondeur, autrement dit du plus visible, volu-
mineux, envahissant et/ou gênant, au plus discret, qui est sous-jacent. Ou
encore, du plus symptomatique (comme le stress ou la RH) au plus « pro-
fond », c’est-à-dire au plus étiologique, causal. On peut également commen-
cer à partir du trouble le plus aigu pour ensuite aller vers le plus chronique.
En effet, ce sont les Contenants symptomatiques, comme le stress ou
la RH, qui ont le plus de chance, à la fois :
– d’être réactifs et donc de s’enflammer dans un conflit de
Contenants. Un exemple peut être celui d’une attaque de panique

12. Pour plus de détails sur la notion de Gouvernance, cf. chapitre 3.3. La « Gouvernance
mentale ».

183
La thérapie neurocognitive et comportementale

classique, où un symptôme du stress, les palpitations, deviennent


l’objet de fixation d’une angoisse et constituent l’amorce d’une
boucle de « réentrée » ;
– et d’être rapides et faciles à traiter.
On dit encore, en TNC, que l’on commence toujours par traiter une
sonnette par son « pôle faible ».
Notons enfin que la production d’un stress aigu (attaque de panique
ou sonnette) lors d’une action thérapeutique (et non en raison d’un refus
ou d’une appréhension de cette action) et en proportion de l’intensité de
l’exercice ou de l’engagement de la personne dans celui-ci, indique que la
stratégie thérapeutique est erronée. Dans ce cas, cela signifie que la stra-
tégie appliquée met en œuvre une sonnette qui n’aura pas été identifiée
au préalable, ou encore qu’elle comporte une erreur de diagnostic. Quelle
qu’en soit la raison, il convient donc de l’arrêter immédiatement et d’iden-
tifier la cause de ce dysfonctionnement avant toute reprise (prudente) de
l’action envisagée ou commencement d’une autre. Classiquement, s’il
s’agit d’une sonnette, il faut attaquer le pôle faible de la sonnette. Tant
que le stress aigu observé survient pendant l’affrontement ou le traitement,
alors même que la personne ne vit pas consciemment de retrait par rap-
port à l’exercice, le thérapeute peut considérer que la sonnette n’est pas
correctement analysée et gérée.

4. THÉRAPIE NEUROCOMPORTEMENTALE DU PG

4.1. Principes généraux du traitement


Les exercices de PG proposés par la TNC se présentent sous la forme
de jeux de rôles à cinq personnages interprétés successivement et de
manière stéréotypée. Au cours de ces exercices, nous nous servons
notamment d’un mécanisme « d’inversion interne des discours ». Le
patient doit formaliser ses commentaires intérieurs et pathogènes à
l’aide d’un jeu de rôle, ce qui lui permet entre autres de prendre du
recul par rapport à ceux-ci. De ce fait, il n’a généralement pas de dif-
ficulté à trouver les attitudes, émotions et vocabulaire de « l’anti-
délire ».

184
Le Positionnement Grégaire

Encadré 2.3
Le mécanisme d’inversion du discours interne

Ce mécanisme de « l’inversion du discours interne » par rapport à la « réalité


observable » nous semble constant chez les vieux « niveaux cérébraux », ins-
tinctif, PL et même NL. Prenons un exemple de niveau instinctif : devant un
précipice, on a la sensation d’être attiré par le vide, c’est ce que l’on appelle
le vertige des hauteurs. Mais à l’analyse, cette sensation est paradoxale : selon
la loi de la gravitation universelle, le vide n’attire pas ! Tout se passe donc
comme si notre cerveau nous donnait une information erronée (le vide attire)
pour nous faire reculer et échapper au danger. Utiliser une fausse information
pour provoquer la bonne réaction, telle pourrait être la manœuvre mise au
point par les cerveaux anciens que nous qualifierons de coercitifs. Plaisirs,
déplaisirs ou peurs sont ainsi des coercitions positives ou négatives.
En pratique, le soumis se sent coupable sans fin pour « réparer » éternelle-
ment… et servir ainsi, sans raison autre que celle du plus fort, le dominant.
Le vécu de culpabilité n’est psychologiquement pas fondé, il est coercitive-
ment utile pour créer l’attitude soumise. On observe bien sûr le même type
de phénomène pour les trois autres polarités du positionnement. Dans les
structures mentales primitives, la biologie fait donc « l’économie » d’un dis-
cours intérieur spécifique : dupliquer le discours du dominant dans la tête
du soumis suffit pour entraîner l’auto-assujettissement à l’attitude de soumis-
sion. Le bricolage de l’évolution montre cependant ici particulièrement ses
limites : l’efficacité se fait au détriment du sujet soumis, sacrifié le plus sou-
vent à vie certes par les dominants mais aussi par son propre cerveau. Au
niveau du PL, l’individu et particulièrement le soumis est gravement aban-
donné « sans anesthésie » (il souffre le martyre en dépression mélancolique,
par exemple) comme ce sera le cas au niveau du NL (cf. la personnalité IE
par exemple, qui prend plaisir à aider les autres et y voit une « valeur » supé-
rieure) au profit du groupe et de l’espèce.
À propos de l’inversion des sensations et de l’usage que la biologie fait de
ses programmes en les dupliquant tout en les déformant, citons encore la
faim. Elle n’est pas simplement le constat du « manque de sucre » et autres
nutriments dans le corps, mais un processus actif et organisé où le corps fait
baisser lui-même à heures fixes le taux de sucre dans le sang pour créer la
sensation de faim. Ainsi, un mécanisme primitif (la faim qui devait répondre
au manque direct de nutriment) a été détourné au profit d’un mécanisme
plus complexe et il est vrai plus anticipateur : utiliser la sensation de manque
pour faire manger, indépendamment du réel besoin biologique immédiat (on
peut ainsi constituer des réserves). Mais aussi être obèse, si les régulations
sont trop décalées, à force d’être méta-régulées !

185
La thérapie neurocognitive et comportementale

Si nos hypothèses sont exactes, tout individu en crise aiguë de PG, sou-
mis notamment, se trouve dépossédé de sa volonté ordinaire, en un état
que l’on pourrait qualifier de délirant, irrationnel. Les TOC, les attaques
de panique ou même certains troubles de l’assertivité, vont selon nous en
direction de ce rapt de conscience propre au délire. Alors que les crises
instinctives (colère et anxiété passagères) sont essentiellement défensives,
donc réversibles, et permettent plus facilement les remords ou la reprise
en main de l’individu, la régulation du PG est, dans le temps, terriblement
stable. En fait, de façon plus générale, le comportement stéréotype du PG
(quel qu’il soit) constitue sans doute le socle de la personnalité dite « dif-
ficile » voire pathologique. Celle-ci est périodiquement aggravée par des
effets rebonds qui viennent sanctionner les efforts de contrôle ou de nor-
malisation du sujet. De surcroît, chaque PG a l’impérieuse nécessité de
céder périodiquement voire quotidiennement à son rituel (pensée néga-
tive irrationnelle, superstitieuse, « actes manqués », ridiculisation d’autrui,
etc.), de façon à « dépressuriser » le système (cette pression se traduisant
par exemple chez le soumis par une forte anxiété).
Concrètement, les exercices de PG sont d’abord la résultante d’une
vision théorique qu’il est important d’appréhender pour appliquer au mieux
ces exercices. Les cinq jeux de rôles que constituent les exercices de PG
durent environ une minute chacun, et sont basés sur les principes suivants :

Premier personnage : « je caricature mon PG »


Le premier personnage (P1) constitue globalement une caricature de soi-
même dans son PG et plus particulièrement dans ses crises. Le personnage
doit être suffisamment décalé de la réalité de ce que vit l’individu pour que
celui-ci ne rentre pas dans une crise et pour qu’il puisse surtout prendre du
recul par rapport à ce qu’il vit ordinairement. Un des artifices de jeu per-
mettant ce décalage est notamment d’indiquer à l’individu de jouer la cari-
cature de son PG comme s’il était une personne qui avait de base le PG
opposé au sien. Pour traiter la soumission, par exemple, on demandera à l’in-
dividu d’avoir en tête qu’il joue un dominant qui lui-même surjoue et éven-
tuellement se moque de la soumission en la caricaturant. Le fait de jouer
une caricature façon Commedia Dell’Arte (ou encore à l’image de certains
personnages de Molière, ou du théâtre de Guignol) permet à l’individu de
mieux se distancer par rapport à la crise qui est jouée, tout en traitant déjà
le PG puisque l’individu n’est déjà plus vraiment dans son propre rôle. Cette
exagération « ludique » tend en effet à faire tomber la peur que le sujet a
souvent de ses propres crises, en se jouant de la crise au lieu de la redouter.

186
Le Positionnement Grégaire

Malgré ces précautions, et notamment pour des grades de PG supérieurs au


niveau 2, ce P1 est à surveiller lors des premières exécutions. Le jeu de ce
premier personnage peut même être parfois reporté à plus tard lorsqu’il se
révèle difficile à faire jouer avec recul (notamment chez les PGS et PGM)
et tend alors parfois à produire ou aggraver une crise que les personnages
suivants ont du mal à faire totalement retomber.

Deuxième personnage : « je joue mon antidote »


Le deuxième personnage (P2) est tout simplement un « antidote » du PG
de l’individu. Il est le PG situé à l’autre extrémité de l’axe considéré. Il
est un dominant pour un soumis, un soumis pour un dominant, etc.
L’importance de la réalisation du personnage 1 s’observe particulièrement
à cette étape de l’exercice. En effet, le jeu de P1 semble permettre comme
un effet rebond « positif », un effet balançoire générant un élan (à partir
d’une « pseudo-crise caricaturale » pour générer son inverse) qui facilite
dans un deuxième temps le jeu de P2. Nous avons souvent remarqué que
P2, lorsqu’il était proposé en premier, était bien plus difficile à faire jouer
à l’individu que lorsqu’il est précédé de P1.
De façon plus subtile, ce personnage caricature la vision qu’il peut
avoir de P1. Ainsi, pour traiter la soumission, P2 correspond au fait que
l’individu joue un dominant qui se moque du soumis joué en P1. Il nous
semble qu’est ici le « cœur du réacteur ».
Si le diagnostic est bien posé, au-delà de quelques frissons dans certains
cas (notamment chez le Soumis, qui a sans doute le vécu d’une souris à
qui on demanderait de jouer le rôle d’un chat), P2 doit commencer à faire
tomber le vécu de PG. Si ce n’est pas le cas, outre le diagnostic à vérifier
(diagnostic différentiel), il faut également suspecter une interférence pos-
sible avec une RH. En effet, comme nous l’avons vu plus haut si la per-
sonne est en crise de RH, le jeu des exercices de PG peut activer
potentiellement une sonnette, ainsi aggraver l’état (la RH) du patient et
empêcher toute action bénéfique sur le PG de l’individu. Dans ce cas, il
convient d’arrêter les exercices de PG et de traiter d’abord l’(les) Hypo(s)
de la RH. Une fois la RH traitée ou disparue, on peut reprendre les exer-
cices de PG, lors de séances ultérieures.

Troisième personnage : « mes commentaires intérieurs »


Le troisième rôle (P3) personnifie les commentaires intérieurs PG que
peut avoir l’individu. Ce jeu nous a été inspiré de la voix intérieure du
PGS, telle que décrite dans les délires mélancoliques (voix de Dominant

187
La thérapie neurocognitive et comportementale

terrorisant et agressif, qui commente tout ce que fait la personne en la


culpabilisant et en la condamnant). En créant ce personnage, nous sommes
partis du principe que l’influence de telles cognitions existe même pour
les niveaux de PG inférieurs aux délires mélancoliques. Nous supposons
que pour des niveaux plus légers, ces commentaires sont moins directe-
ment perceptibles sous forme de voix, mais sont tout de même présents.
Les quatre PG paraissant symétriques sur la plupart des symptômes, alors
cette voix ou ces commentaires intérieurs devraient probablement exister
chez tous, y compris chez ceux dont il est difficile d’obtenir de telles confi-
dences (PGM et PGD).
Comme pour le P1, cette voix intérieure n’est pas jouée à l’identique
de ce à quoi elle pourrait ressembler. Elle est caricaturée, de façon gro-
tesque, par le personnage issu du PG miroir. Sans cet aspect caricatural,
ce personnage peut également dérouter l’individu, et notamment créer
une certaine angoisse chez l’individu soumis. La transformation de ce
rôle en personnage de bande dessinée le rend plus aisément jouable et
distancié.
Ce personnage revêt une certaine importance quant à l’efficacité des
exercices : nous avons testé et comparé, de façon clinique, l’effet de la
réalisation des personnages P1-P2-P5 à celui de l’exécution des person-
nages P1-P2-P3-P4-P5 (P4 étant équivalent à P2). Bien que cette dif-
férence doive être vérifiée expérimentalement, il semblerait, à
l’observation, que la version « complète » des exercices de PG ait net-
tement plus d’impact que la version allégée. Nous supposons que cela
puisse être dû à la cible du troisième personnage, qui pourrait désamor-
cer les commentaires intérieurs en les isolant aux yeux de l’individu, en
l’aidant à se représenter ceux-ci comme un mécanisme autonome dont
il peut parvenir à se détacher, et qui ne tient pas compte de la réalité
de ce que cet individu est (au sens où ce mécanisme engendre une auto-
critique infondée).

Quatrième personnage : « je joue mon antidote »


Ce quatrième rôle (P4) est équivalent à P2. La différence entre les deux
personnages est que P4 commente cette fois-ci P3. D’un point de vue neu-
ropsychologique, nous supposons que P2 comme P4 stimulent, théorique-
ment, le circuit miroir du PG spontané du sujet/patient. Nous faisons par
exemple l’hypothèse que les rôles P2 et P4 destinés à traiter la soumission
puissent activer le circuit de la dominance dans l’amygdale et rétro-inhiber
celui de la soumission (Fradin & Fradin, 2006, op. cit.).

188
Le Positionnement Grégaire

Cinquième personnage : « mon bilan et mes engagements »


La cinquième étape de l’exercice n’est pas à proprement parler un « jeu
de rôle » et ne demande pas d’adopter une attitude caricaturée en lien
avec le PG. L’individu doit simplement faire un bilan de l’exercice (diffé-
rences entre avant et après exercice), recenser les engagements qu’il tente
de tenir (comme en ACT), se les approprier et prendre du recul par rap-
port aux commentaires qu’il peut se faire et qui lui causent du trouble. Il
prépare également une éventuelle répétition d’un cycle de cinq person-
nages, intégrant les commentaires résiduels mis en évidence dans cette
cinquième étape. Cette stratégie se révèle particulièrement efficace pour
venir à bout des tendances aux attaques de panique induites par les méta-
commentaires.
Il est généralement conseillé de réaliser ces exercices soit une fois par
jour le matin, soit matin et soir, et éventuellement jusqu’à trois fois par
jour par séries de trois cycles selon les besoins. D’après notre expérience,
nous conseillons de réaliser ces exercices à un rythme régulier et soutenu
pendant au moins 6 mois, sauf exception. Ces exercices peuvent être éga-
lement exécutés ou leur fréquence augmentée en prévention ou en traite-
ment lors d’une période de crise ou d’effet rebond. Cependant, il arrive
que ces exercices ne suffisent pas et doit parfois y être ajouté un traite-
ment médicamenteux (notamment des neuroleptiques et des antidépres-
seurs pour les patient(e)s soumis(es)). On note toutefois que la pratique
massive d’exercices de PG à cinq personnages est synergique avec les trai-
tements médicamenteux. La principale limite de cet effet est le caractère
parfois irrégulier de leur pratique.
Les exercices de PG destinés notamment à traiter la soumission peu-
vent évoquer certaines techniques d’affirmation de soi proposées par le
courant des TCC, dans lequel s’inscrit la TNC (Cottraux, 2004). Ces
méthodes consistent à observer, reproduire au travers de jeux de rôles et
intégrer un comportement assertif selon un apprentissage par imitation
d’un modèle (Bandura, 1977). L’individu acquiert ainsi des compétences
sociales et modifie ses pensées relatives à la situation abordée lors du jeu
de rôle. Fanget & Rouchouse (2007) décrivent plusieurs types de jeux de
rôles (« standard », « personnel », « tournant »…) dont celui qualifié
d’« inversé » et lors duquel le patient occupe le rôle du sujet modèle et le
thérapeute celui du patient. D’autres techniques TCC suggèrent égale-
ment de jouer un rôle de dominant au sens plus classique du terme, à
savoir quelqu’un qui manifesterait en quelque sorte beaucoup d’orgueil.
Les exercices de PG traitant la soumission se distinguent quelque peu de

189
La thérapie neurocognitive et comportementale

cette pratique dans la mesure où l’on demande au patient non seulement


d’adopter l’attitude d’un individu assertif (c’est-à-dire qui disposerait d’ha-
biletés sociales particulières et qui serait neutre d’un point de vue du PG),
mais d’outrepasser la position neutre pour jouer des rôles de dominance
telle que celle-ci ne soit pas tant orgueilleuse que moqueuse, voire presque
perverse. En effet, selon nous, le comportement miroir de la soumission
n’est pas tant l’orgueil ou la fierté (qui seraient davantage d’ordre néolim-
bique) que la perversité. Ainsi, il se pourrait que traiter directement la
cible que peut être la tendance à la perversité soit plus efficace sur des
troubles plus sévères de soumission, ou pour le moins complémentaire des
traitements classiques. En effet, à l’image d’un élastique, il faut sans doute
le tendre au-delà de ce qui peut sembler être sa limite pour pouvoir espé-
rer l’élargir un peu. Nous nous posons plus exactement la question de
savoir si le fait d’adopter une attitude de dominance pourrait éventuelle-
ment permettre d’activer les circuits de la dominance, lesquels rétro-
inhiberaient quelque peu ceux de la soumission ? Quel que soit le
mécanisme sous-jacent, nous n’avons jamais observé que les exercices de
PG pouvaient conduire à acquérir les troubles du PG opposé au sien. La
seule exception à cette règle que nous pourrions soupçonner concerne la
bipolarité. Mais de ce fait nous considérons que les exercices de PG ne
sont justement pas applicables, selon nous, à ce type de trouble, en raison
du risque de bascule systématique vers la polarité opposée.
Notons que globalement les patients que nous avons eu l’occasion de
faire travailler expriment, après les exercices de PG, le sentiment d’échap-
per à une véritable prison intérieure. Par ailleurs, nous avons exclu l’idée
d’un effet placebo : l’un de nos patients, dont nous présentons le cas dans
le chapitre 3.6., a tout d’abord été diagnostiqué comme soumis, en raison,
entre autres, d’une tendance dépressive et d’une réserve apparaissant
comme une forme de timidité et de manque d’affirmation de soi. Le
patient a alors été invité à réaliser des exercices de PG destinés à traiter
la soumission. Au terme d’une semaine, celui-ci a commencé à manifes-
ter des accès de colère importants. Nous avons donc interrompu les exer-
cices. Après un meilleur travail d’investigation et de mise en confiance du
patient, nous avons pu mettre en évidence que le patient n’était non pas
soumis mais dominant. Il présentait en revanche des hypos sur ses symp-
tômes de dominance et de ce fait n’assumait absolument pas ceux-ci, le
conduisant ainsi à tenter de les dissimuler jusqu’à apparaître comme sou-
mis. Dès lors que nous avons pu traiter la dominance à l’aide des exercices
de PG appropriés, les accès de colère du patient ont disparu. Sa dépres-
sion a par ailleurs été traitée à l’aide d’un travail sur l’Hypo.

190
Le Positionnement Grégaire

4.2. Exemples de trames de texte pour les scénarios


à cinq Personnages des quatre PG
Les trames de scénario d’exercices PG permettent de définir l’état d’esprit
des rôles à jouer au patient. Celui-ci gagnera à s’affranchir de ce patron
en y introduisant les éléments de sa vie susceptibles de déclencher des
accès de PG.
Dans un premier temps, ces scénarios ou trames peuvent être lus
comme un rôle d’acteur, ce qui ne présente généralement aucun problème
pour le patient. Le PG n’ayant pas d’objet précis (pour rappel, son impact
est global et flou), le patient peut jouer un rôle stéréotypé sans définir de
contenu ciblé. Cela lui permet de s’approprier quelque peu les différents
rôles vis-à-vis desquels il peut, au début, se sentir égaré. Ceux-ci consti-
tuent en effet des anti-rôles qu’il ne connaît qu’à travers le prisme (incom-
patible avec le sien) du PG considéré comme opposé. Le fait de disposer
d’un texte avec des indications scéniques lui donne un support nécessaire
pour pouvoir le jouer et plus encore pour s’autonomiser.
Le patient peut vouloir s’affranchir, dans un second temps, de ces
trames de textes, notamment parce qu’il commence à s’ennuyer de leur
caractère itératif, mais aussi parce qu’il tend à maîtriser le « ton » des per-
sonnages de PG (impression à confirmer cependant par le Thérapeute). Il
devient ainsi possible pour lui d’introduire dans son jeu le Contenu psy-
chologique de sa vie, centré bien sûr sur ce qui semble relever de compor-
tements de PG. Il revient au thérapeute de s’assurer que l’esprit des
Personnages, leur ton, leurs attitudes sont respectés, faute de quoi l’essen-
tiel de l’efficacité thérapeutique risquerait d’être perdu.

Scénario 1 de traitement de PGS : basique


a) Premier personnage (P1)
Discours :
« Je ne vaux rien, je ne fais que des bêtises. Je porte la poisse à tous ceux
qui voudraient m’aider. J’ai brisé la vie et le cœur de mes parents et…
(à compléter, notamment avec le nom de ceux qui sont plutôt dominants
à son égard).
Je ne mérite pas de vivre. »
Attitude et intonation de voix :
La posture idéale pour ce personnage est quelque peu recroquevillée,
et ses mouvements exagérément agités. Son intonation (aiguë) doit

191
La thérapie neurocognitive et comportementale

traduire un affolement caricatural (à la façon d’un dessin animé pour


enfants). Nous rappelons que ce personnage se joue avec l’idée que l’on
est un individu dominant qui imite et se moque d’un individu soumis
(qu’est en réalité le patient lui-même).

b) Deuxième personnage (P2), lequel s’adresse à P1


Discours :
« Quel pedigree ! Pour une flaque comme tu es, tu te débrouilles pas mal !
Chapeau ! Tu es une arme de destruction massive !
Enfin bon, le pétard est un peu mouillé à mon goût. Mais bon, pour un(e)
soumis(e), c’est pas mal ! Ah Ah ! (expression ironique)
Non mais, comme si je me culpabilisais moi ? ! MOI, MOI, MOI !
Plutôt mourir ! Ah Ah !
Foutaise que cette culpabilité !
Ah Ah !!! MOI, MOI : (prénom du patient), MOI, MOI !
Je suis au-dessus de tout ça !!! »
Attitude et intonation de voix :
Ce personnage doit de préférence avoir le torse exagérément bombé,
le menton élevé, le regard descendant (sur un éventuel soumis imaginaire
joué en P1), la démarche ferme et assurée. La voix doit être grave et doit
porter loin.

c) Troisième personnage (P3), lequel s’adresse à P1


Discours :
« Oui, grâce à moi, tu es encore et toujours dans le pétrin. Tu ne t’en sor-
tiras jamais. Je te ferai avoir toutes les maladies et tu deviendras complètement
fou(folle).
Grâce à moi ! Grâce à moi ! »
Posture et intonation de voix :
Voix inspirant, de façon caricaturale, un personnage typiquement mes-
quin et méchant que l’on peut trouver dans les dessins animés13. La pos-
ture peut être recroquevillée, bien qu’elle n’illustre pas, cette fois-ci, la
soumission, mais la manigance.

13. La voix de Mme Mim, personnage de sorcière présent dans le dessin animé « Merlin
l’Enchanteur » de Walt Dysney (1963), illustre relativement bien le rôle P3 destiné
à traiter la soumission.

192
Le Positionnement Grégaire

d) Quatrième personnage (P4), lequel s’adresse à P3


Discours :
« Ah ! Le monstre tout droit sorti des contes pour enfants !
Ah ! Si j’avais 2 ans, je crois que j’aurais peur ! Ah Ah !!! (ton ironique,
suivi d’un rire).
Ah ça me fait plutôt roter d’aise, maintenant !
Et hop, le souffle d’air que ça produit l’a écrasé contre un mur !
Je rigole, la vie est belle quand on n’a pas ce genre d’ânerie dans la tête mais
un cire pompe comme j’en ai un (i.e. le soumis joué caricaturé en premier
personnage) !
MOI, MOI, MOI ! Ah Ah ! »
Attitude et intonation de voix :
Elles doivent être similaires à celles de P2.

e) Cinquième personnage (P5)


Discours :
Ce rôle n’est pas un « personnage » à proprement parler. L’individu
doit recenser les engagements qu’il souhaite tenir pour mener à bien ses
objectifs de vie. Il construit là une forme de « méta-motivation » destinée
à l’aider à suivre un traitement tel que la thérapie PG. Ce peut être par
exemple :
« Si je souhaite profiter pleinement de ma vie sans être pollué par mes
commentaires intérieurs qui me torturent/si je souhaite profiter de mon entou-
rage et lui être pleinement bénéfique/si… alors je dois continuer à faire mes exer-
cices/prendre du recul lorsque je sens que je prends à mon compte tous les
malheurs et toutes les fautes du monde, etc. »
Attitude et intonation de voix :
Celles-ci sont normales et correspondent à celles du patient.

f) Remarques générales
Nous pouvons constater que certains personnages, à savoir P2 et P4, peu-
vent volontiers apparaître grossiers. La vulgarité est une caractéristique
assez symptomatique du PG dominant lorsque celui-ci n’est pas policé par
d’autres Contenants, et peut ainsi renforcer l’impact du jeu. Par ailleurs,
cela peut amener à dédramatiser le rôle au regard du patient, bien qu’il ne
faille toutefois le choquer, s’il n’est pas d’un tempérament à tolérer ce
genre de chose.

193
La thérapie neurocognitive et comportementale

Le thérapeute ou le patient doivent prendre garde à ce que les diffé-


rents rôles ne soient pas dénaturés. Comme nous l’avons vu précédem-
ment, une subtile modification de l’intention imaginaire du rôle peut
aisément diminuer, voire annuler l’impact de l’exercice. Un exemple
typique de piège à éviter est le fait de considérer que le P2 du traitement
du PGS est en rivalité avec le P1, ou en train de démontrer ses forces et
compétences. En réalité, il s’en moque et se vanterait presque de s’en
moquer. Ainsi, on ne fera pas dire au P2 « je suis le meilleur, je sais tout
faire mieux que toi », par opposition au P1 qui pourrait dire « je ne suis rien,
je n’arrive à rien, je ne fais que des erreurs c’est une catastrophe ». En revanche
P2 pourra déclarer « Ah Ah Ah, moi je fais bien n’importe quoi et je m’en
moque, ce sont les autres qui ramassent les miettes et qui rattrapent mes erreurs,
d’ailleurs je m’amuse à faire toujours plus d’erreurs pour voir ensuite comment
les autres paniquent et paient pour mes pots cassés, ahahah ». P2 caractérise
avant tout un personnage prédateur, qui se moque des autres et de leur
scrupulosité, les exploite, et n’a pas d’égard vis-à-vis d’une forme de méri-
tocratie quelconque.
De la même façon, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que
le P1 du traitement du PGS évoque ce qu’il croit être ses échecs et l’im-
pact déplorable que ceux-ci pourraient avoir sur autrui. En revanche, son
discours ne doit pas montrer qu’il aspire à être particulièrement meilleur
(d’un point de vue des compétences) qu’il n’est. Son discours ne doit donc
pas laisser transparaître des éléments tels que : « il faut que je sois meilleur,
je suis beaucoup trop nul(le), il faut que j’y arrive, etc. ». Ce rôle doit plutôt
s’orienter vers des phrases telles que : « je suis bon(ne) à rien, à cause de
moi le monde entier va s’effondrer, etc. ». On notera que le patient, dans le
personnage P1, est tenu d’aller au-delà de ses craintes réelles et évoquer
des situations qui ne sont pas crédibles même à ses propres yeux, de façon
à lui éviter un amalgame avec la réalité de ce qu’il vit.
Il est important de savoir que ces exercices peuvent être réalisés de
façon beaucoup plus discrète que ne laissent entrevoir les différentes atti-
tudes et intonations évoquées précédemment. En effet, l’entourage (voi-
sinage, famille) du patient est selon les cas plus ou moins enclin à pouvoir
accepter ces exercices sans considérer ce dernier d’une façon singulière
qu’il ne pourrait assumer ou qui ne serait pas souhaitable pour lui. Dans
ce cas, l’individu peut tout à fait réaliser ces exercices à voix basse, voire
dans sa tête, sans adopter de posture particulière. Ces exercices sont bien
évidemment moins efficaces de cette façon, mais ont malgré tout, d’après
notre expérience et celle de nos patients, un minimum d’impact, surtout
lorsque l’individu s’est bien approprié chaque rôle et n’éprouve pas de

194
Le Positionnement Grégaire

difficulté à les jouer essentiellement dans son imaginaire. Il peut ainsi


effectuer les exercices en parallèle d’une autre tâche simple (par exemple
sous la douche) ou en s’isolant quelque peu.

Scénario 2 de traitement du PGS, ciblant la tendance


aux Attaques de Panique
a) Premier personnage (P1)
Discours :
« Je deviens fou(folle). Je sens que je deviens fou(folle). Et ce mal de tête
inquiétant, cette agitation en moi… Tout m’échappe ! Ces exercices fonction-
nent mais je suis certain(e) que ces exercices ne me feront aucun effet, parce
que je fais tout mal, même mes exercices !
Je suis une vraie catastrophe, je vais provoquer des malheurs, je ne sais pas
quoi mais je vais forcément en provoquer et untel va faire un infarctus ou un
cancer à cause de moi ! ».
Attitude et intonation de voix :
Cf. Scénario 1 du traitement du PGS, P1.

b) Deuxième personnage (P2), lequel s’adresse à P1


Discours :
« Ah ! Ah ! Ah !!! Quel Attila de la psychologie tu fais ! Après toi, rien ne
repousse ! Pas mal ! (expression ironique)
Attends, on va faire équipe ensemble et monter une association de malfai-
teurs ! Tu passeras en première ligne. Tu feras le gros du boulot et moi je me
contenterai de faire les finitions ! Ah ! Ah ! Ah ! On va se faire un pognon !!!
Eh ! Eh ! ».
Attitude et intonation de voix :
Cf. Scénario 1 du traitement du PGS, P2.

c) Troisième personnage (P3), lequel s’adresse à P1


« Hihihi ! C’est un grand moment ! C’est le “grand soir” ! Je te l’avais dit, je
te l’avais dit, tu ne t’en sortiras jamais ! Et encore, ça n’est que le début ! Tout
ça grâce à moi, grâce à moi qui te torture les méninges ! Je t’aurai ! Je t’au-
rai ! »
Attitude et intonation de voix :
Cf. Scénario 1 du traitement du PGS, P3.

195
La thérapie neurocognitive et comportementale

d) Quatrième personnage (P4), lequel s’adresse à P3


Discours :
« Oh là là !!! Quel monstre terrifiant, j’ai peur ! (expression ironique)
Dis donc, poulet(te), si tu veux travailler aux Guignols, j’ai une place pour
toi ! Ca va faire rire les enfants, c’est sûr ! Ah ! Ah ! Ah !
Ah ! Ah ! Ah ! Le monde m’appartient ! Je suis Dieu sur terre ! Ah ! Ah !
Ah ! Et les autres ne sont les appariteurs de ma mise en scène.
Ah ! Ah ! Moi, Moi, Moi, Moi ! »
Attitude et intonation de voix :
Cf. Scénario 1 du traitement du PGS, P4.

e) Cinquième personnage (P5)


Pour le discours, l’attitude et l’intonation de voix du scénario 2 du traite-
ment de PGS, voir le Scénario 1 du traitement du PGS, P5.

Scénario basique du traitement du PGD

a) Premier personnage (P1)


Discours :
« Je suis un héros, je suis grand et beau comme le jour, je suis courageux et
je vaincs tout ce qui surgit devant moi, je n’ai peur de rien, j’enfourche les
nuages et défie les Dieux. »
Attitude et intonation de voix :
Le patient doit adopter, pour ce personnage, un ton wagnérien, une
attitude digne du « grandiose », à savoir une posture droite accompagnée
de gestes amples.

b) Deuxième personnage (P2), lequel s’adresse à P1


Discours :
« Mon Seigneur, vous êtes si grand… mais ne défiez pas les dieux, ils pour-
raient se fâcher. De jalousie sûrement, mais nous tenons tous tellement à vous.
Vous êtes notre vie et notre protecteur. Préservez-vous, n’irritez pas les dieux ! ».
Attitude et intonation de voix :
Le personnage a une attitude exagérément déférente, inquiète et sou-
mise par rapport au dominant auquel il s’adresse. Il a une posture recro-
quevillée ou courbée inspirant la vulnérabilité.

196
Le Positionnement Grégaire

c) Troisième personnage (P3), lequel s’adresse à P1


Discours :
« Monseigneur, vous avez toujours raison en tout. Brisez le col de ceux qui
vous regardent, ils ne le méritent pas. Ils doivent baisser les yeux et sinon le
payer. Leur mort n’efface pas leur affront, que le diable les emporte ! Même les
Dieux tremblent à croiser votre regard. »
Attitude et intonation de voix :
Ce personnage a également une attitude exagérément déférente vis-
à-vis du dominant auquel il s’adresse, mais à la différence de P2, il fait
montre de davantage de malice et de complicité vis-à-vis du dominant
en l’encourageant à avoir un comportement digne « d’Ivan le
Terrible »14.

d) Quatrième personnage (P4), lequel s’adresse à P3


Discours :
« Mais qui es-tu toi qui le pousses ainsi à l’imprudence ! Notre Seigneur, si
bon et grand, ne mérite pas qu’on le pousse à la faute. Nous devons l’aider à
rester parmi nous et ne pas écouter le seul élan de son courage !
Aide-moi, prie avec moi pour lui éviter d’enfreindre les lois de Dieu ! »
Attitude et intonation de voix :
Comme le texte l’indique, ce personnage montre de l’inquiétude pour
P1 et fait un sermon à P3 qui pousse P1 « à la faute ». Cela doit se tra-
duire dans l’intonation de voix du personnage. La posture reste globale-
ment soumise, courbée.

e) Cinquième personnage (P5)


Pour le discours, l’attitude et l’intonation de voix du scénario 2 du traite-
ment de PGS, voir le Scénario 1 du traitement du PGS, P5.
Remarques générales :
Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que P1 doit être consi-
déré et joué comme étant à l’image de la représentation que se fait un
individu soumis d’un individu dominant (c’est-à-dire impitoyable mais
fort, beau, juste et protecteur), et non de ce que la dominance peut

14. Ivan le Terrible ou Ivan IV de Russie a été un tsar ayant régné au xvie siècle, reconnu
pour avoir exterminé ses ennemis et les individus témoignant de leur mécontente-
ment à l’égard des abus qu’il leur faisait subir.

197
La thérapie neurocognitive et comportementale

réellement conférer comme attributs. Cette nuance est importante car


d’après notre expérience, si P1 est joué de telle façon qu’il soit trop proche,
dans les intentions, d’un véritable dominant (i.e. plutôt cruel et injuste),
cela peut avoir l’effet inverse de celui escompté.

Scénario basique du traitement du PGM

a) Premier personnage (P1), lequel s’adresse (de façon imaginaire)


à la (aux) personne(s) inspirant de la méfiance au patient
Discours :
« Oui, vous voulez me rouler !
X (la ou les personnes vis-à-vis desquelles le patient éprouve une
méfiance), tu veux dresser tout le monde contre moi !
Tu es mauvais et tu ne songes qu’à faire le mal. Mais je t’ai à l’œil. Je te
surveille !
Espèce de salopard ! »
Attitude et intonation de voix :
Le personnage doit avoir une attitude de méfiance, il peut être légère-
ment courbé, avoir une posture fermée sur lui-même et frôler les murs
comme pour protéger ses arrières, montrer du doigt des ennemis imagi-
naires qu’il menace et met au défi de l’attaquer. L’intonation de voix tra-
duit de l’agressivité (défensive), les phrases sont dites de façon saccadée
et tonique.

b) Deuxième personnage (P2), lequel s’adresse à P1


Discours :
« Cher(ère) Y (indiquer son propre prénom), X (la personne inspirant
méfiance) est l’amour même. L’esprit du seigneur est en lui(elle). Il resplendit
comme la rosée du matin. Et toi-même, laisse-toi habiter par l’amour univer-
sel, l’énergie cosmique, rejoins-nous. Aime chacun et tous, aime X, aime-toi,
aime la nature, le ciel et le cosmos, et ils t’aimeront ! »
Attitude et intonation de voix :
Le personnage a ici une posture droite et ouverte : il peut par exemple
ouvrir les bras comme s’il embrassait le monde. Sa voix est calme, la pro-
sodie est lente, douce et paternaliste.

198
Le Positionnement Grégaire

c) Troisième personnage (P3), lequel s’adresse à P1


Discours :
« Ne l’écoute pas (le personnage P2), tu n’aimes personne, toi (Y), c’est
pour cela que personne ne t’aime. Tu as un cœur sec et un esprit stérile qui
n’ont jamais pu sécréter autre chose que de la méfiance. Alors tu récoltes la
haine ! Tu seras banni car il nous faut nous protéger de toi ! »
Attitude et intonation de voix :
Le personnage peut par exemple avoir une posture droite, rigide et
éventuellement montrer du doigt un P1 imaginaire, qui serait en face de
lui. Son intonation est sèche et traduit des paroles sentencieuses et accu-
satrices.

d) Quatrième personnage (P4), lequel s’adresse à P3


Discours :
« Que dis-tu, comment peux-tu ainsi juger Y ? Tu ne connais pas son his-
toire et la souffrance de sa vie. Il(elle) a besoin d’amour et de réconfort, pas de
leçon de morale. Aime-le (la) comme moi je l’aime, comme nous t’aimons toi,
ouvre-lui tout grand ton cœur et la voie pour l’énergie du cosmos. Fais-le (la)
accéder au ciel et à l’amour. Prions tous : Y, sois bienvenu(e) dans l’énergie
céleste. »
Attitude et intonation de voix :
La posture de ce personnage est comparable à celle du P2 du traite-
ment de PGM. L’intonation de sa voix, en revanche, manifeste plutôt de
l’inquiétude. Ce personnage « prie » le P3 d’être tolérant à l’égard de P1.

e) Cinquième personnage (P5)


Pour le discours, l’attitude et l’intonation de voix du scénario 2 du traite-
ment de PGS, voir le Scénario 1 du traitement du PGS, P5.

f) Remarques générales
Nous informons le lecteur que les exercices destinés à traiter le PGM
n’ont été appliqués, jusque-là, que sur des patients présentant des symp-
tômes paranoïaques sub-cliniques. S’ils pouvaient, en théorie, constituer
un bénéfice pour des patients pleinement paranoïaques, il serait sans doute
beaucoup plus difficile de faire en sorte qu’ils les réalisent, étant donné la
méfiance que ces derniers pourraient manifester vis-à-vis des exercices
eux-mêmes et du thérapeute. Selon l’expression, « l’outil à décoller est ici
pris dans la colle ».

199
La thérapie neurocognitive et comportementale

Scénario basique du traitement du PGI


a) Premier personnage (P1)
Discours :
« Je suis le canal de l’Énergie du ciel, je suis le passage du divin vers toi.
Viens à moi, viens en moi, je suis toi, tu es moi, nous ne sommes qu’un ! »
Attitude et intonation de voix :
Le personnage a ici une posture droite et ouverte : il peut par exemple
ouvrir les bras comme s’il embrassait le monde. Sa voix est calme, la pro-
sodie est lente, douce et paternaliste.

b) Deuxième personnage (P2), lequel s’adresse à P1


Discours :
« Tu es vraiment tombé sur la tête, ta niaiserie est fort plaisante à regar-
der… et affligeante ! Je pense que quelque prédateur se chargera bientôt de te
manger. Comment peux-tu être si bête ! On t’a frappé sur une joue ? Tends
l’autre ! »
Attitude et intonation de voix :
Ce personnage a une attitude à la fois méprisante et teintée de méfiance
en regard de la naïveté de P1. Sa posture est plutôt courbée.

c) Troisième personnage (P3), lequel s’adresse à P1


Discours :
« La menace des Forces du mal est partout. Appelle tes forces cosmiques à
la protection, il te les faudra toutes. Ne te détourne pas, seule l’Énergie
Universelle peut nous sauver, partage-la… »
Attitude et intonation de voix :
Bien que le discours soit orienté vers la gestion d’une « menace » ima-
ginaire, l’attitude de ce personnage reste ouverte, droite, à l’image de P1.

d) Quatrième personnage (P4), lequel s’adresse à P3


Discours :
« Ah en voilà un duo (P1 et P3) de choc : le problème est bien posé… mais
pas la solution ! Surveille tes arrières, ne fais jamais confiance à personne, point
d’autre salut que par toi-même ! »
Attitude et intonation de voix :
Celles-ci sont comparables à celles du P2 du traitement de PGI.

200
Le Positionnement Grégaire

e) Cinquième personnage (P5)


Pour le discours, l’attitude et l’intonation de voix du scénario 2 du traite-
ment de PGS, voir le Scénario 1 du traitement du PGS, P5.

f) Remarques générales
De la même façon que pour le PGM, ces exercices n’ont été testés que sur
des patients sub-cliniques. Nous n’avons pas encore eu l’occasion d’expé-
rimenter ceux-ci sur des patients présentant des délires mystiques, bien
que cela fût à l’ordre du jour.
Des fiches synthétiques et pratiques du diagnostic et du traitement
du PG sont présentées en annexe 9.

201
Chapitre 3
Stratégie thérapeutique globale

1. MODÉLISATION GLOBALE ET STRATÉGIQUE

1.1. Les basiques


Objectifs
La modélisation thérapeutique est nécessaire à la pratique de la TNC, ce
pour plusieurs raisons :
1. Elle permet d’accroître l’efficacité de la thérapie, en optimisant l’ac-
tion sur les articulations clés de la pathologie
2. Elle tend à réduire le risque d’incident thérapeutique
3. Elle confère à l’individu une certaine autonomie puisqu’elle vise à
améliorer sa capacité à (re)construire sa vie personnelle ou profes-
sionnelle, son intégration sociale, ses capacités relationnelles au sor-
tir de sa crise psychopathologique, etc.

Mise en œuvre
La mise en œuvre de la modélisation thérapeutique en TNC consiste
à identifier les interactions entre Contenants et Contenus telles que :
– Les synergies :
• dans l’objectif de réduire le temps et le(s) coût(s) de la thérapie,
• afin de réduire les risques de démotivation et d’arrêt de la thérapie,

203
La thérapie neurocognitive et comportementale

• pour pérenniser les résultats et permettre au patient de les trans-


férer dans la vraie vie.
– Les antagonismes :
• pour limiter les efforts et souffrances inutiles,
• pour limiter ou supprimer les risques d’incident thérapeutique,
• dans le but de comprendre et traiter les conflits ou incohérences
internes à l’origine des échecs, de la souffrance spontanée et de la
pathologie du (de la) patient(e).
Cette identification permet plus globalement :
– de prioriser et hiérarchiser les actions,
– de déterminer les meilleurs outils et les bonnes cibles à traiter,
– de profiter des « vents favorables » des motivations du patient
(P. Ires, Hypers en Phase 1 avec prudence, MMP) pour mener à bien
la thérapie,
– sinon de recourir (le moins possible) à la méta-motivation, issue de
la conscience des enjeux et du gain à attendre de l’action qui elle
peut être « démotivante ».

1.2. Les grands enjeux classiques


de la modélisation TNC
Les piliers de la modélisation TNC sont les suivants :

Le PG
Le PG représente des risques potentiels avant, pendant et après la théra-
pie. Au-delà de l’impact général de ce phénomène, une thérapie réussie
va le plus souvent modifier la situation personnelle et sociale de l’indi-
vidu. Or comme nous l’avons vu précédemment, les échecs ou succès
importants ont souvent un impact notable, voire majeur, sur le PG de
l’individu. Il s’agit là d’un des principaux risques de la TNC, qui est en
quelque sorte la « rançon du succès », mais qui constitue un risque réel,
parfois susceptible de conduire l’individu à la décompensation d’un trouble
psychotique connu (si oui, prudence) ou inconnu (latent).

Les Hypers
La modélisation TNC passe par l’identification de tous les Hypers, et des
RH présentes et passées (car ces dernières orientent le thérapeute de façon
saillante vers le périmètre des Hypers). Une fois les Hypers et RH

204
Stratégie thérapeutique globale

décelés, le thérapeute pourra améliorer l’efficacité des Hypers (si cela est
envisageable et surtout « rentable ») ou identifier les Hypos qui les sous-
tendent pour les traiter.

Les Personnalités Secondaires (P. IIres)


Les P. IIes (cf. Annexe 2) font notamment « le lit » de nombreux Hypos
et sont couramment impliquées dans les sonnettes.

Les Personnalités Primaires (P. Ires)


Les P. Ires (cf. Annexe 2) représentent un potentiel le plus souvent sous-
exploité de motivation « gratuite » c’est-à-dire spontanée.
Leur implication est plus particulièrement prégnante :
– Lorsqu’elle(s) est(sont) bien exprimée(s) et que par définition
son(leur) identification est facile. Dans ce cas, l’objectif sera, pour
le patient et pour le thérapeute, d’évaluer les ressources encore
inexploitées que cette(ces) Personnalité(s) représente(nt), pour
redonner du sens à la vie du patient. Cela est d’autant plus vrai que
le patient traverse généralement une période difficile de sa vie qui
l’amène à consulter.
– Lorsqu’elle(s) est(sont) mal exprimée(s) et que son(leur) identi-
fication constitue en soi une première difficulté. Dans ce cas, il
se peut qu’aucune des P. Ires ne soit exprimée en raison de tabous
sociaux, d’une éducation s’opposant aux personnalités concer-
nées, ou autre). L’individu présente alors, selon nous, ce que nous
avons appelé la « Dépression Molle ». Celle-ci correspond à une
absence de motivation de fond et empêche l’individu de s’inves-
tir dans une prise en main de sa vie sur du moyen ou long terme.
L’individu n’agit qu’en réaction face aux nécessités, contraintes
ou pour éviter des conflits. Il ne fonctionne réellement que sous
la pression de motivations négatives, à l’exception de certains
« petits plaisirs » de la vie quotidienne : manger, prendre le soleil,
se promener, parler avec des amis, écouter de la musique. Ainsi,
à la différence du burn-out ou d’autres formes de dépression, il
n’est pas (du tout) déprimé quand la situation ou la vie se pré-
sente sans remous, qu’il n’y a rien de bien compliqué ou d’exi-
geant à faire. Cependant, survient un moment où « tout finit par
aller mal », lorsque les difficultés et les exigences s’accumulent.
L’individu procrastine plus particulièrement face à des tâches de
fond qui ne sont pas obligatoires et qui peuvent être reportées.

205
La thérapie neurocognitive et comportementale

Ainsi, tout s’accumule : à la maison, les formalités administra-


tives, le ménage, l’entretien ou le bricolage ; au travail, il se laisse
déborder par les mises à jour de dossier, il laisse en fait tout ce
qui peut attendre… parce qu’il n’a pas ou plus de motivation liée
à ses P. Ires.

Encadré 3.1

Cette introduction au modèle des personnalités en TNC est proposée de


manière à affiner le diagnostic différentiel entre les Contenants abordés
dans cet ouvrage. Un livre similaire, en taille et en densité, au présent
ouvrage sera prochainement consacré au modèle des personnalités primaires
et secondaires.

2. DÉMOTIVATION ET REFOULEMENT
DES PERSONNALITÉS PRIMAIRES

Une P. Ire, en TNC, peut être définie d’après les caractéristiques sui-
vantes :
1. Elle confère à l’individu une motivation spontanée à expérimenter,
vivre ou réaliser certaines activités
2. Cette motivation est indépendante de la reconnaissance et du résul-
tat obtenus à l’aide de ladite expérimentation ou activité
D’après notre expérience, il semblerait que tout le monde dispose
d’une ou plusieurs P. Ires d’intensité significative à la naissance, mais
l’éducation et l’histoire de vie de chacun peut valoriser et encourager
le développement de ses vocations spontanées ou au contraire les
dévaloriser voire les interdire. Certains individus ou patients semblent
ne plus avoir conscience de ces motivations ou du moins s’être appro-
prié cette dévalorisation de cette partie d’eux- mêmes. Ce serait là
l’origine de la Dépression Molle qui, comme son nom l’indique, n’est
pas une dépression classique, mais une démotivation. Face à des
contraintes ou difficultés, le tableau clinique peut ressembler aux
formes usuelles de dépression, mais en situation de détente, la per-
sonne n’est plus déprimée.

206
Stratégie thérapeutique globale

2.1. Arbre Diagnostic d’une démotivation

Lorsqu’il existe des plaisirs spontanés (motivations intrinsèques)…


– La personne en tire des bénéfices importants (la plupart du temps)
en termes de plaisir et dans sa vie quotidienne :
• il n’y a dans ce cas, pas lieu de chercher à optimiser cette moti-
vation
• le patient ou l’individu peut cependant demander à l’optimiser ou
comment en tirer parti dans le cadre d’un objectif précis et déli-
mité (développement personnel, coaching de projet, etc.)
– Les plaisirs intrinsèques de l’individu sont déficitaires. Il faut donc
les optimiser en réalisant :
• un bilan global des actions réelles que mène l’individu, ses plaisirs
et ce dans quoi il s’investit (au sens large, voir Fiche « Économie
psychologique » en annexe 10)
• un recentrage cognitif et comportemental sur ses motivations
intrinsèques (augmenter la valorisation subjective, ainsi que le
temps, l’énergie, l’argent… que le patient/l’individu y consacre)

Lorsqu’il n’existe pas ou peu de motivations intrinsèques


a. Il existe des motivations extrinsèques, i.e. dépendantes des résultats
et/ou de la reconnaissance :
– ces motivations sont fonctionnelles (elles consistent en des actions
de court et long termes menées à bien) ;
– elles entraînent une satisfaction proportionnée (P. IIre) aux résultats ;
– elles n’entraînent pas une satisfaction proportionnée et/ou durable
(Hyper) ;
b. Les motivations extrinsèques sont aussi déficitaires. Ceci gêne ou
empêche les actions de long terme mais aussi de court terme, qui ne sont
pas ou plus entamées et/ou menées à bien.
– Cette démotivation est un symptôme d’un autre Contenant ou
Contenu générateur de démotivation :
• Tel qu’une dépression classique ou « Dure » (aboulie, perte de
poids, idées noires...), i.e. la démotivation existe en situation
contraignante/négative mais persiste sinon :
! RH
! PGS

207
La thérapie neurocognitive et comportementale

• La tendance dépressive (plus que dépression classique) est surtout


d’origine exogène mais les stresseurs sont inéchappables : ils cor-
respondent à des situations confrontant massivement l’individu à
des antivaleurs (en situation professionnelle, familiale, etc. diffi-
cile, i.e. P. IIre, Hypos) ou à des événements de vie intenses et
relativement récents (deuil, perte, rupture, maladie grave, etc.).
– Cette démotivation est le symptôme d’un refoulement des P. Ires :
• elle est plus ou moins intense en situation de confrontation à des
contraintes et des objectifs à long terme, pour des charges psycho-
logiques et réelles de plus en plus faibles ;
• cependant elle disparaît totalement pendant les périodes d’inacti-
vité ou lors de petits plaisirs immédiats et consommatoires tels que
manger, se promener, parler de tout et de rien, voir ses amis, etc.
Ce type de démotivation évoque un déficit opérationnel plus ou moins
total de motivation intrinsèque (soit de P. Ire(s)). Ce déficit peut être
conscient, c’est-à-dire que le(la) patient(e) sait qu’il ne fait plus ce qu’il
« aime vraiment » : les motivations liées à ses P. Ires lui sont connues,
elles sont libres, mais ne sont pas investies. Ce déficit peut également être
inconscient, ce qui implique dans ce cas que le(la patient(e) ne sait pas
(ou plus depuis longtemps) ce qu’il(elle) aime vraiment (ses P. Ires sont
dites refoulées).

2.2. Diagnostic d’un déficit de motivation intrinsèque


Nous focalisons ici sur le dernier point évoqué dans le chapitre précédent,
à savoir sur le diagnostic d’un refoulement de P. Ire(s).
1. Le(la) patient(e) a connu et assumé ses motivations intrinsèques
jusqu’à un certain âge mais les a dévalorisées depuis :
– En raison de l’influence sociale ;
– En raison d’une attitude faussement raisonnable où ce que l’indi-
vidu perçoit comme utile a (exagérément) chassé les « plaisirs
futiles et gratuits ». Ces domaines investis au détriment d’une
expression des P. Ires ont souvent trait aux responsabilités liées à
la profession ou à son rôle parental.
2. Si le(la) patient(e) ne se rappelle pas avoir connu ses motivations
intrinsèques, il se peut que durant l’enfance :
– Il(elle) ait été précocement passif(ve) car il(elle) ne faisait que ce
qu’on lui demandait pour plaire par crainte de la solitude.

208
Stratégie thérapeutique globale

– Il(elle) fût normalement actif(ve), mais il(elle) a (sans doute) été


« dressé(e) ou cassé(e) » :
• car non conforme au schéma familial ou social ;
• en raison de la possessivité, du narcissisme voire de la perver-
sité de ses parents.
Dans le cas de motivations intrinsèques refoulées, le thérapeute peut
demander au patient de décrire son comportement durant sa petite
enfance, son enfance et son adolescence, afin de tenter d’en déduire une
ou des P. Ires. Le thérapeute ou le(la) patient(e) peut si besoin et si pos-
sible solliciter l’aide et les souvenirs de son entourage à cette époque
(parents, fratrie, grands-parents, etc.).
Le thérapeute peut également chercher à identifier de petits plaisirs qui
ne soient ni passifs, ni consommatoires (i.e. différents des aliments, dis-
cussions sans objet, distractions passives, etc.). Ces petits plaisirs sont par
exemple le fait de ranger (FE ?), de résoudre un petit problème ou un rébus
(AE ?), faire une activité un peu exotique et un peu imprévue (FR ?),
contempler la nature avec bonheur et intensité (AR ?), s’occuper d’un
animal (AR ?) ou d’un enfant (IR ?) ou d’un malade (IE ?), coacher
quelqu’un dans son activité (LR ?), etc.
Après avoir identifié les P. Ires refoulées, le thérapeute doit tenter de
déceler ce qui fait l’objet de la dévalorisation ou du blocage comportemen-
tal ou social. Les éléments pouvant conduire à ce refoulement sont :
– les antivaleurs (de P. IIre notamment), amenant l’individu à se faire
des commentaires tels que : « c’est égoïste, futile, puéril » (P. Ire de
type réussi refoulée par des P. IIres de type empêché) ou au contraire
« qu’est-ce que je manque d’entrain !, je suis “poussiéreux(se)”, sans
relief » (P. Ire de type empêché refoulée par des P. IIres de type
réussi) ;
– la honte, le mépris, qui seraient de l’ordre de l’Hypo ;
– la culpabilité liée à la soumission ;
– la perte de sensations pouvant être liée à une RH ancienne ou à du
PGS ;
– l’amertume, issue d’une RH ancienne.
Par la suite, le thérapeute peut, sur la base des hypothèses diagnostiques
précédentes, amener le patient à réfléchir, sentir et exprimer des sensa-
tions et des émotions vis-à-vis de personnages connus, communément
admirés et relativement universels. Ces personnages peuvent être des
héros, des génies, des sages, des aventuriers, des créateurs, des épicuriens,

209
La thérapie neurocognitive et comportementale

des altruistes, réels ou objets de fictions (acteurs, personnages de roman…).


On demande alors au (à la) patient(e) :
– Quels sont les personnages les plus « fascinants », parlants, compré-
hensibles, humains… à la fois inaccessibles et touchants à ses yeux ?
– Quels sont les personnages qui pourraient représenter en quelque
sorte la continuité exprimée et « affirmée » des petits plaisirs gratuits
précédemment identifiés, ou de ceux de l’enfance reconstitués à par-
tir des souvenirs et des narrations des proches du(de la) patient(e) ?
Enfin, le thérapeute conduit le(la) patient(e) à envisager de prendre
cette(ces) même(s) directions(s) dans sa « vraie vie ». Cet accompagne-
ment doit se faire de façon très progressive, et les directions ou compor-
tements adoptés par les personnages admirés ne doivent pas constituer
l’exact objectif à atteindre. Le but de la démarche est seulement de faire
explorer mentalement et de façon plus positive les particularités qu’il(elle)
peut admirer chez d’autres mais qu’il(elle) mépriserait chez lui(elle). Un
peu comme l’étoile du Nord pour les bergers, qui n’est pas à atteindre,
mais sert seulement à guider. Pour cela, il faut :
– travailler les obstacles cognitifs et par la même occasion confirmer
ou infirmer les hypothèses. On doit alors :
• augmenter ou réintroduire les petits plaisirs supposés jusqu’à inver-
sion progressive du ratio contraintes/plaisirs ;
• traiter cognitivement (éventuellement à l’aide de la Gestion des
Modes Mentaux – GMM – ou autre technique apparentée) et/ou
affronter comportementalement, au fur et à mesure, les Contenants
qui font obstacle (P IIres, Hypos, etc.) ;
– vérifier que la démotivation à l’effort (Dépression Molle) se résorbe
en proportion de l’augmentation des plaisirs intrinsèques.

2.3. Bilan de l’Économie Psychologique


(ratio plaisirs/déplaisirs)
Ce bilan apporte des informations et une orientation globales sur l’état du
patient et sur son rapport à ses activités.
1. D’un point de vue quantitatif :
– Si les plaisirs du (de la) patient(e) sont quantitativement supé-
rieurs aux déplaisirs, alors celui(celle)-ci manifestera une motiva-
tion élevée face à l’action ou à l’activité.
Soit : (Plaisirs > déplaisirs) = motivation élevée.

210
Stratégie thérapeutique globale

– Si les plaisirs du (de la) patient(e) sont quantitativement infé-


rieurs aux déplaisirs, alors celui(celle)-ci manifestera une certaine
démotivation face à l’action ou à l’activité.
Soit : (Plaisirs < déplaisirs) = démotivation.
2. D’un point de vue qualitatif :
– Si les motivations intrinsèques (P. Ires) de l’individu sont expri-
mées, cela se traduit par le fait que celui-ci soit passionné, aime
son activité et la situation en elle-même.
– Les motivations extrinsèques (P. IIres), en revanche, sont
détectables grâce au fait que l’individu soit majoritairement
orienté sur les résultats de ses efforts et/ou sur la reconnaissance
sociale.
– Les méta-motivations de l’individu, souvent portées par une
représentation complexe et « rationalisée » de la situation
(CPF ?, cf. Annexe 1), lui confèrent des capacités d’anticipa-
tion, de compréhension et d’empathie. Celles-ci permettent
entre autres un engagement plus durable et plus efficace dans le
traitement.

2.4. Diagnostic de la Dépression Molle


Pour évoquer un diagnostic de Dépression Molle, le thérapeute doit obser-
ver chez l’individu :
1. Une démotivation de fond se traduisant par un déficit d’expression
des motivations intrinsèques. Elle peut être constatée à l’occasion :
– De l’absence de projet(s) à long terme,
– De l’absence de passion(s) personnelle(s), professionnelle(s), de
hobby(ies), etc.
2. D’autres motivations dites « normales » ou de base peuvent égale-
ment être en déclin. Ce sont par exemple :
– L’appétit, le désir sexuel, les plaisirs consommatoires.
– La motivation à agir en réaction au stress et à la pression
sociale, accompagnée d’un risque de décompensation en situa-
tion de forte pression et de contraintes élevées (profession-
nelles, familiales, liées à des engagements financiers tels que
des emprunts, etc.)

211
La thérapie neurocognitive et comportementale

3. LA « GOUVERNANCE MENTALE »

3.1. Définition
D’un point de vue essentiellement diagnostique, ce chapitre n’introduit
pas de pathologie ou de Contenants pathogènes particuliers. En revanche,
il met en perspective, au travers de la notion de « Gouvernance Mentale »
(GM), la dynamique et les synergies ou oppositions des Contenants et
méta-Contenants. Nous ne souhaitons pas revivifier ici le modèle de
MacLean dans son acception la plus basique1 qui est bien sûr dépassée,
mais mettre en évidence les congruences et discontinuités voire ruptures
que les entités neuro-fonctionnelles considérées (reliées plus ou moins
étroitement à des structures anatomiques et réseaux neuronaux sous-
jacents) établissent entre elles. Ces interactions sont mises en œuvre de
façon conjointe ou concurremment à celles des schémas cognitifs, indi-
viduels ou culturels (dénommés Contenus selon notre modèle) qui se
sont structurés au fil du développement de la personne.
Nous définissons la Gouvernance Mentale comme la prépondérance
que présente un Contenant ou une structure neurofonctionnelle dans
l’orientation du comportement et de l’action de l’individu, ce en interac-
tion avec d’autres territoires. La GM détermine à ce titre l’intention et
l’objectif ultimes, généraux, de l’individu. Les moyens ou les comporte-
ments mis en place pour y parvenir sont soumis aux synergies et conflits
entre structures neurofonctionnelles et comportent ainsi une certaine
variabilité inter-individuelle.
Ainsi, si chaque territoire neuronal ou population de neurones est un
instrument de musique, alors la GM représente la manière dont tous les
instruments de l’orchestre vont jouer ensemble, que ce soit de façon har-
monieuse (en réelle synergie) ou disharmonieuse (c’est-à-dire non sans
conflit(s) interne(s) ou dilemme(s)).
Dans ce cadre, tout semble se dérouler comme s’il n’était pas tant
question d’une activité alternée des territoires, mais d’une activité plus
parallèle, où chaque territoire exerce une influence plus ou moins impor-
tante sur le comportement et les objectifs généraux de l’individu. Dans

1. L’hypothèse du cerveau triunique de MacLean consiste à dire que le cerveau s’est


développé au travers de l’apparition successive, au cours de l’évolution des espèces, de
trois régions cérébrales. Ce modèle a été fortement critiqué en raison de la vision
réductrice qu’il laisse supposer des relations complexes apparaissant entre les différents
territoires cérébraux.

212
Stratégie thérapeutique globale

notre illustration musicale, nous pourrions considérer que la GM ne serait


pas le fait d’instruments qui exécuteraient tour à tour leur solo mais
qu’elle serait un simple changement de chef d’orchestre voire de co-
orchestration.
Un exemple concret peut être celui d’un individu présentant un
PGS marqué, se manifestant notamment par beaucoup « d’auto-
commentaires » négatifs sur chacune de ses actions et interactions avec
autrui. Celui-ci peut ressentir, s’il a suffisamment de connaissance et de
recul sur lui-même, qu’il subit ses propres commentaires car il a pu
remarquer, à l’occasion de certains événements de vie, que ceux-ci
étaient relativement indépendants de la réalité. Certains individus
auront noté une légère fluctuation de leur humeur faisant suite aux évé-
nements marquants, en remarquant par exemple qu’un heureux événe-
ment est toujours succédé d’une tendance maussade, triste, une crainte
de ne pas mériter le bonheur que l’on vient de consommer et de le
« payer plus tard ». Ainsi, l’individu peut tenter de ne pas respecter les
commentaires liés à son PGS en essayant de se hisser au-delà de ce que
lui « autoriserait » ce système, ou en s’évertuant à profiter de ce dont
il bénéficie dans sa vie. L’individu peut également, parallèlement,
prendre garde à ne pas trop « provoquer » ce système outre mesure et
nécessité. Dans ce cas, nous pouvons considérer que même si la ten-
dance au PGS est présente, la GM ne se situe manifestement pas là
(mais sans doute dans des structures supérieures permettant la prise de
recul), mais tient compte assurément à ne pas trop mettre sous pression
le PGS. Un système influence donc l’autre et réciproquement, même si
l’un des deux seulement détient les objectifs globaux et la mise en
œuvre des comportements.
Ainsi, la notion de GM insuffle quelque théorie unitariste dans le
caractère quelque peu « localisationniste » et rigide de la classification
« neuropsychologique » évoquée précédemment (Hypo, PG, etc.,
cf. Bownds, 2001)2. Elle conforte l’idée, de plus en plus répandue en neu-
rosciences, qu’il existe des « populations de neurones » au sein d’un

2. Rappelons le débat entre les théories localisationnistes et unitaristes animant la consi-


dération de l’activité neuronale : tandis que les premières considèrent qu’à chaque
territoire délimité, circonscrit et exclusif correspond une fonction neuropsychologique
précise, les secondes considèrent que ces territoires fonctionnent en interaction et en
coopération permanente et non isolément. Ainsi, si une région corticale est allouée à
une activité particulière, elle ne sera sans doute pas la seule. La spécialisation d’une
région corticale ne signifie pas que cette dernière est la seule à intervenir dans cette
activité (cf. Bownds, 2001).

213
La thérapie neurocognitive et comportementale

même cerveau, de vastes réseaux qui sont plus ou moins en synergie/com-


pétition/antinomie bien plus ou du moins tout autant qu’en coordination
bien structurée.

3.2. Éléments nécessaires à la distinction de Contenants


Pour identifier, aussi rapidement que possible, lequel (lesquels) des quatre
principaux Méta-Contenants « gouverne(nt) » l’individu, i.e. exerce(nt)
sur lui un rôle prépondérant dans le déterminisme de son fonctionnement
mental, aussi bien dans la gouvernance quotidienne que dans les grandes
décisions qu’il prend et qui l’engage(nt), il doit notamment répondre à ces
deux questions :
– Qu’est-ce qui motive, de façon positive ou négative), ses actions à long
terme : par exemple en ce qui concerne ses choix stratégiques profes-
sionnels ou personnels ?
– Qu’est-ce qui l’occupe ou le préoccupe le plus (en positif ou négatif) au
quotidien, en termes de temps, d’énergie et d’intensité des sensations ?
À l’issue de ce questionnement, le thérapeute ou le patient lui-même
devrait pouvoir formuler une hypothèse quant aux Contenants ou Méta-
Contenants ayant, au final, le « pouvoir motivationnel/décisionnel »
manifeste chez l’individu.
Avant de décrire plus précisément chaque gouvernance, il est utile
d’expliciter pourquoi nous avons choisi une délimitation en ces quatre
grands Méta-Contenants :
1. Ces quatre grands niveaux d’organisation sont issus de connaissances
fondamentales sur l’organisation et le fonctionnement du cerveau. Ils
ont été confortés par la pratique clinique de la TNC ainsi que par un
certain nombre d’études scientifiques de validation menées à l’IME3.
Ils n’en sont pas moins une simplification « pertinente jusqu’à preuve
du contraire » et orientée sur le champ psychothérapeutique, plus pré-
cisément sur le champ décisionnel à l’œuvre dans la vie psychologique
et relationnelle. Cette « classification » (nosologie) ne serait pas
applicable pour un autre niveau de décision à l’échelle neuronale, tel
qu’évoqué par Alain Berthoz (2013), et encore moins pour un autre
angle de vue (que seraient par exemple les systèmes et circuits mis en
jeu dans la mémoire ou la coordination motrice par exemple, etc.).

3. Pour une liste des publications de l’IME cf. : http://www.ime.fr/pages/recherche/


recherche.html

214
Stratégie thérapeutique globale

2. De surcroît, n’importe quel Contenant peut exercer une GM pour


le moins sectorielle, voire globale. Cela peut être le cas d’une P.
Ire, dans le cadre d’une passion, mais aussi d’une P. IIre, lorsque
ses intolérances deviennent totalement enfermantes, ou plus
encore d’un Hypo 4. Pour autant, il nous semble que les
Gouvernances plus « locales » peuvent aussi n’être comprises que
comme des sous-Gouvernances, i.e. sous la dépendance d’une
Gouvernance de leur propre Méta-Contenant : ainsi, une P. Ire ne
peut s’exprimer que dans le cadre d’une Gouvernance de type
« Néolimbique » ou « Préfrontale », mais plus difficilement voire
pas du tout dans celui d’une gouvernance « Paléolimbique » (PG).
Il n’y a qu’à juger de l’effet totalement dévastateur d’un rapt de
conscience (délire PG) sur tout le reste de la personnalité et de
l’intelligence pour se rendre compte que les Métas-Contenant ont
bien un rôle protecteur à l’égard de leurs sous-Contenants. Ce peut
être, à titre illustratif, comme les processus semblant lier le Méta-
Contenant Néolimbique à l’égard des sous-Contenants de P. Ires
ou IIres, ou des Hypos/hypers, ou encore de façon plus éloignée,
comme un État protège et intègre une Région ou un Département. Or
nous observons bien, dans un délire, que rien ne persiste du niveau
Néolimbique (ce qui est constatable au travers d’une perte des
émotions) et l’expression du CPF se trouve fortement altérée (mais
souvent moins totalement).
Dans la même veine, il semble qu’une activité majeure du CPF puisse
pouvoir effacer ou pour le moins diminuer très fortement les autres Méta-
Contenants et sous-Contenants (cf. Ekman et al., 1985 ; Levenson et al.,
2012).
Si bien entendu une grande partie de ces hypothèses reste à vérifier
dans le domaine de l’imagerie mentale, il se trouve que lors de notre pra-
tique thérapeutique, nous avons pu observer que tout se passait comme si
un changement massif de Méta-Contenant conditionnait l’expression des
sous-Contenants.
Ces différents éléments nous amènent à comprendre que ce qui consti-
tue une GM n’est pas principalement la « consistance » (Contenant)

4. Ces derniers Contenants sont d’ailleurs sans doute largement contributifs à ce que l’on
définit comme une personnalité évitante en psychiatrie. Les troubles de la personna-
lité évitante sont décrits comme une inhibition sociale rendant difficiles les relations
interpersonnelles (timidité, faible estime de soi, peur du ridicule, etc.) amenant l’in-
dividu à éviter globalement toute interaction sociale.

215
La thérapie neurocognitive et comportementale

d’une pensée ou d’un comportement à un moment donné. La GM serait


plutôt liée au caractère central d’un mode de fonctionnement (ou
Contenant) dans le mécanisme de prise de décision de l’individu. Ce
mode de fonctionnement central impacte plus largement la façon d’être
de l’individu, définissant ses sujets de préoccupation les plus spontanés et
perçus comme les plus déterminants dans les choix réels de sa vie, surtout
lorsqu’il existe un fort enjeu et notamment lorsqu’il s’agit dune orienta-
tion de vie (choix professionnel, de partenaire, d’avoir des enfants, de lieu
d’installation...).
Par exemple, l’observation de patients présentant des lésions au niveau
du CPF et, par contraste, les habiletés que présentent des individus sains,
laisse penser que le CPF est impliqué dans de nombreuses circonstances,
tout au long d’une journée5. Cependant, ce fonctionnement peut être plus
ou moins au cœur du déterminisme profond de la motivation ou n’être
qu’au service d’un autre Contenant ou Méta-Contenant. Un individu peut
par exemple avoir conscience de l’irrationalité de ses Hypers, voire du
caractère néfaste de ceux-ci (notamment en fonction de la situation), et
malgré tout ne pas résister et se laisser guider par eux. L’individu peut
également aller jusqu’à établir par exemple un certain degré de planifica-
tion de l’action, gérer son attente, etc. (capacités propres à l’activité du
CPF), pour pouvoir satisfaire ses Hypers.
Ainsi, tout être humain se sert en effet de toutes ses structures céré-
brales mais pas forcément pour les mêmes motivations et sans doute pas
de la même façon. Parler de Gouvernance, c’est donc se soucier de savoir
à quelle fin l’individu agit plus que de savoir par quels moyens.
Un autre point essentiel est le fait que la seule présence et même la
fréquence d’un Contenant ou Méta-Contenant ne suffisent pas à parler
de GM. On ne parle de GM que si le Contenant identifié comme tel est
au cœur des motivations réelles et profondes de l’individu, de ce qui fait
ses choix de vie, sa spontanéité, et qui soit autrement dit indépendant
des efforts qu’il peut accomplir pour faire ou ne pas faire quelque chose.
En effet, sous l’influence de la désirabilité sociale, on peut être amené à
corriger souvent et superficiellement les préférences spontanées de sa
GM. Le thérapeute doit donc rester attentif, tout au long de la phase de
diagnostic de GM, à trouver la part de spontanéité et celle des « correc-
tifs cosmétiques » de surface. De la même façon, certains individus peu-
vent prôner activement, dans leur discours, certaines valeurs ou habiletés,
mais il arrive que le discours ne soit pas pleinement cohérent avec leur

5. Pour une revue des fonctions du cortex préfrontal, voir Fuster (2008).

216
Stratégie thérapeutique globale

réel mode de fonctionnement, d’action ou de pensée. Un individu peut


par exemple défendre activement le fait de vouloir être rationnel, de ne
pas agir précipitamment, de réfléchir à la priorité de chaque chose, ce qui
pourrait laisser penser qu’il gère sa vie selon une GM dite « préfrontale ».
Cependant, ce qui peut retenir le thérapeute de conclure de la sorte, peut
être le fait que l’individu applique ces « règles » de pensée de façon rigide
et stricte, en étant intolérant aux modes de pensée et d’actions différents
des siens. Cette façon d’être n’est pas compatible, selon nous, avec une
GM préfrontale. Il est donc important de noter les diverses contradic-
tions et incohérences présentes dans le discours et l’attitude du sujet afin
de les corriger ou du moins de ne pas orienter la thérapie vers une mau-
vaise voie.
Après avoir présenté la GM, les éléments qui ont pu nous amener à
délimiter les Méta-Contenants de la sorte, ainsi que certains avertisse-
ments quant au diagnostic de GM, nous allons exposer dans le chapitre
qui suit la description des différentes GM considérées.

3.3. La Gouvernance « Préfrontale »


La GM dite « Préfrontale »6 implique chez l’individu une tendance glo-
bale à fonctionner selon les six dimensions que nous décrivons ci-après
(voir aussi annexe 1) :
1. Curiosité : se caractérise par une affinité pour l’exploration proac-
tive de l’inconnu, une attraction pour la différence et l’inhabituel
(cf. Han et al., 2013).
2. Souplesse : se manifeste sous la forme d’une maturité spontanée, i.e.
une prise en compte sans délai de la réalité comme elle est, sans
pour autant se priver d’agir et de mettre en place des stratégies pour
pouvoir y faire face.
3. Nuance : démontre une vraie quête de subtilité dans sa perception
des situations et relations problématiques. La vie est alors considé-
rée comme un rébus plutôt qu’un casse-tête.

6. Notons que la mise en évidence de ces dimensions est extraite de l’analyse de la litté-
rature concernant les fonctionnalités qui seraient permises par le CPF (cf. annexe 1).
Si l’adjectif apparaissant dans l’expression « Gouvernance Préfrontale » apparaît
comme quelque peu abusif, du fait que celle-ci n’ait pas été étudiée en tant que telle
en imagerie cérébrale, elle prend néanmoins acte d’une certaine réalité clinique,
observable chez les patients et individus tout venant. Par ailleurs, cette terminologie
facilite particulièrement le discours et la représentation du concept sous-jacent. Cette
remarque reste vraie pour l’ensemble des Métas-Contenants considérés.

217
La thérapie neurocognitive et comportementale

4. Relativité : se traduit par un goût profond pour le fait de concevoir,


modéliser, innover, confronter, enrichir, transformer les représen-
tations, anticiper et préparer le passage à l’action, etc.
5. Rationalité : rend compte d’un vif intérêt pour comprendre les causes
et les effets, mettre à l’épreuve des faits les modèles conçus à l’étape pré-
cédente, les valider (« si ce que je pense est vrai, alors, si je fais ceci, il doit
se passer cela… »), les expliquer, etc.
6. Individualisation : confère une capacité naturelle à se positionner, à
négocier, à assumer ses prises de risque, à être éthique et empathique,
à valoriser et respecter les autres, à partager et donner…
Nous observons qu’une telle GM induit une vie plutôt sereine, paisible,
créative, agile, efficace et même efficiente (Fradin et al., 2006 ; Fradin et
al., 2008, op. cit.), mais éventuellement un peu compliquée en termes rela-
tionnels et parfois professionnels. En effet, cette GM ne semble pas être la
plus courante chez les individus (privilège du mode automatique), et de ce
fait l’attitude et les raisonnements qui en découlent ne sont pas toujours
aisément compréhensibles pour les interlocuteurs sans créer de gêne.

3.4. La Gouvernance « Néolimbique »


La GM Néolimbique répond aux critères suivants :
– Recherche individuelle des plaisirs (P. Ire) et/ou évitement des
déplaisirs (P. IIre).
Ceci induit :
• une valorisation des émotions (désirs, appréhensions), qui ampli-
fie la réactivité aux stimulations. Nous pourrions dire que c’est
une dynamique « passionnelle » ;
• une recherche de maîtrise (acquisition de compétences et recherche
de résultats) et une stratégie de retrait/échappement/évitement
devant le risque d’échec, allant jusqu’à l’évitement automatique.
– Intégration et valorisation sociale :
• selon des valeurs de méritocratie (compétition, élitisme) : valorise
et récompense les « meilleurs » de chaque catégorie de personna-
lité. Ce sont par exemple les plus performants ou courageux pour
la personnalité dite « LE », les plus gentils pour la personnalité
dite « IR », etc., cf. Annexe 2) ;
• dans l’aide des faibles à mieux réussir (éducation, soutien…) sur-
tout s’ils font des efforts et qu’ils sont ainsi considérés comme
« méritants » ;

218
Stratégie thérapeutique globale

• selon des codes, des normes, des modes, des conventions où


l’excellence (selon ces critères) est récompensée et la « déviance »
méprisée ou mise à l’écart ;
• selon des valeurs morales, de justice et des règles du « jeu » (consi-
dération de ce qui est bien et mal, de ce qui doit être récompensé
ou puni.
– Automatismes et rigidité :
• préférence pour la routine, le plaisir du « travail bien fait ».
Tendance parallèle à avoir peur du changement7 ;
• tendance à manifester des certitudes et une croyance en des
dogmes, ce qui conduit notamment à la genèse des intolérances et
des préjugés ;
• ensemble de valeurs et antivaleurs auxquelles l’individu est parti-
culièrement attaché.
Pour conclure, la GM Néolimbique permet souvent une simplification
de la perception du monde extérieur et en cela une certaine efficacité dans
la gestion du monde qui entoure l’individu. Cependant, cette GM implique
également de la rigidité (et diminue ainsi son efficacité) et des exclusions.
Elle est de surcroît pourvoyeuse de troubles psychologiques « réaction-
nels » (névrotiques, aurait dit Freud) face à un environnement qui
« dérange » l’individu, puisque non conforme à ses attentes.

3.5. La Gouvernance « Paléo-Limbique » (PG)


La GM Paléolimbique répond aux critères suivants :
– Rapports de force :
• s’imposer pour prendre sa place (« si je ne le fais pas, c’est l’autre
qui le fera ! ») ;
• combats réels (par exemple, dans la cour d’école) ou fictifs (rituels
de démonstration de force ou de soumission, etc., cf. le Rough-and-
Tumble Play, chapitre 2.1.2.) ;
• absence de règles, c’est la « loi du plus fort » impliquant que « tous
les coups soient permis » et que les plus retords puissent

7. Attention, nous considérons ici ce qui est un changement de routine « aux yeux de
l’individu ». Par exemple, un changement de routine, pour un individu qui voyage de
façon permanente, pourra être le fait d’avoir une activité lui demandant de rester dans
un bureau, par exemple. Ce peut être également, pour quelqu’un qui préfère ne pas
avoir de situation durable (professionnelle, amoureuse, relationnelle), de s’engager
dans une relation à long terme.

219
La thérapie neurocognitive et comportementale

être éventuellement valorisés. Cette GM peut donner lieu à des


discours tels que, par exemple : « la triche est un sport national » ou
« l’argent (sale) n’a pas d’odeur » (l’argent étant notamment syno-
nyme de pouvoir et de reconnaissance en mode Paléolimbique) ;
• angoisse ou appréhension relativement irrationnelles à l’égard de
la violence « gratuite » (celle des dominants), de la part du
PGM et PGS mais aussi, dans une moindre mesure, du PGD et
même du PGI (qui a besoin de se « protéger » par des pratiques
mystiques).
– Esthétique :
• voyante, démonstrative, dite « bling-bling » pour le PGD ;
• inquiétante, destinée à dissuader d’attaquer, pour le PGM ;
• de type « gourou », avec des couleurs ou des teintes inspirant des
notions de « pureté », pour le PGI ;
• passe-muraille, discrète, pour le PGS.
L’esthétique est sans doute incluse dans le rituel PG, permettant éven-
tuellement aux PGD et PGM d’intimider pour réduire les combats, au PGI
d’inspirer confiance et transparence et au PGS de suggérer un « circulez,
il n’y a rien à voir ».
– Insensibilité par rapport à soi ou par rapport aux autres :
• le PGD prend des risques et brutalise les autres ;
• le PGS se brutalise voire d’autodétruit ;
• le PGM a une obsession du complot ;
• le PGI croit être sensible aux autres, mais ses délires l’amènent
à projeter sur son entourage un monde imaginaire induisant une
perte de contact avec le réel. Cette projection enferme l’indi-
vidu dans une perception stéréotypée et archaïque du monde,
qui le met facilement en danger puisqu’il n’évalue pas les
risques. La « douceur » apparente du PGI n’écarte donc pas son
insensibilité réelle.
– Réactions paradoxales, induites par un mécanisme d’autorégulation :
• une bonne nouvelle aggrave par exemple l’individu soumis
(comme c’est le cas dans le baby-blues, le lauréat-blues…).
• une humiliation subie par l’individu dominant entraîne chez lui,
plus tard, une crise de violence réactionnelle ;
• la mise en confiance, dans un premier temps, d’un individu mar-
ginal, est déjà difficile en soi, et entraîne souvent une crise réac-
tionnelle de méfiance dans un second temps.

220
Stratégie thérapeutique globale

• l’abus de la confiance d’un individu intégré entraîne une crise de


confiance irrationnelle « tous azimuts », éventuellement aggravée
si l’on essaie de le convaincre de se méfier davantage.
Une telle GM induit un vécu quelque peu dramatique, au sens où
tout y est coloré par le rapport de force, l’orgueil ou la culpabilité,
ingrédients qui ont pu être constitutifs du théâtre antique… Elle
implique un risque de pathologie psychiatrique (psychoses) important,
impose des guerres (physiques et psychiques) et des phénomènes de pré-
dation où les individus consacrent davantage de temps à détruire qu’à
construire…

3.6. La Gouvernance « Instinctive »


À l’occasion de ce chapitre sur la GM Instinctive, nous allons présenter
plus en détail le Méta-Contenant « Instinctif » (principalement
Hypothalamique, mais pas seulement...), que nous abordons peu par ailleurs.
L’adjectif « Instinctif » caractérisant cette GM est réducteur. Cependant,
il n’est pas aisé de le remplacer par un terme qui puisse à la fois :
– regrouper toutes les structures cérébrales impliquées dans la produc-
tion de comportements instinctifs, i.e. totalement programmés par
les gènes ;
– évoquer le fait que ces structures interviennent dans la traduction de
nos besoins biologiques internes (alimentaires, sexuels, etc.) en « pul-
sions » et comportements, lesquels peuvent être en lien avec le main-
tien de l’organisme ou avec des réactions de survie (stress) élémentaires.

Comportements spécifiques dudit « Méta-Contenant Instinctif »


Le mode de fonctionnement issu du Méta-Contenant Instinctif regroupe
les principaux comportements innés (qui sont génétiques, ou dont
l’expression est modulée par l’interaction avec l’environnement, c’est-à-
dire épigénétiques). Ces comportements se subdivisent en :
– Instincts de « vie » : ceux-ci donnent lieu à des comportements de
consommation (alimentaires, sexuels) ou de régulation (sommeil,
température…). Ils sont une association d’une composante « pul-
sionnelle », endogène (reflétant l’expression d’un besoin interne
comme la faim), et d’une autre composante « réactionnelle », en
réponse aux opportunités de l’environnement (aliments, partenaires
sexuels, etc.).

221
La thérapie neurocognitive et comportementale

– Instincts de « survie » : ce sont les comportements de Fuite, de Lutte


et d’Inhibition (Laborit, 1986, op. cit.), lesquels sont regroupés sous
le terme de stress. Ils ne sont que réactionnels à ce qui est perçu
comme un danger externe ou interne (le stress signalant notamment
une incohérence cognitive). Comme toutes les pulsions qui tradui-
sent le besoin biologique de l’instant, le stress est un état qui est par
essence éphémère, car ce niveau d’organisation cérébral n’est pas
doué de mémoire. Il réagit au besoin ou danger de l’instant car si
nous n’étions par exemple pas capables de faire la différence entre
le souvenir d’un bon repas et le plaisir d’un bon repas, nous aurions
sans doute des difficultés pour survivre.

Symptomatologie évoquant une GM Instinctive


– La GM Instinctive génère une réactivité immédiate et éphémère. Elle
est en quelque sorte « épidermique », dans la mesure où sa persistance
traduit le maintien de ses causes. À titre d’illustration, manger des ali-
ments pauvres en calories ou en nutriments ne coupe pas (durable-
ment) la faim. Il est donc normal de manger davantage si l’on trompe
notre pondérostat, jusqu’à avoir atteint son « point de consigne »
calorique. De même, le stress humain, avant tout issu de causes cogni-
tives ou neurocognitives, ne cesse que si ces causes sont traitées. Le
stress en soi n’est pas chronique, mais ses causes peuvent l’être.
– La GM Instinctive présente une très forte stéréotypie (plus encore
que les niveaux Paléolimbique et le Néolimbique). L’anxiété, la
colère ou la dépression, par exemple, ont des caractéristiques totale-
ment standards, quels que soit la culture, le sexe, l’âge ou la person-
nalité (difficulté de concentration, susceptibilité ou aboulie…)
(Ekman, 1993, op. cit.).

Impact de la GM Instinctive
La GM Instinctive ne semble (presque) plus exister par défaut chez l’être
humain adulte :
– D’un point de vue des instincts de « vie », rares sont les gens
(adultes) qui ne semblent pas capables de contrôler leurs pulsions
« instinctives ». Ce sont plutôt d’autres Contenants, qui appartien-
nent aux Méta-Contenants Paléolimbiques ou Néolimbiques, qui
semblent entraîner les dérégulations d’instincts (boulimie, anorexie,
etc.), puisque leur traitement (de l’Hyper ou du PG) améliore et
guérit souvent le patient. On mange parfois, par exemple, pour
compenser le manque de plaisir ailleurs ou oublier le stress.

222
Stratégie thérapeutique globale

– Du point de vue des instincts de « survie » : la grande majorité des


causes de stress chez l’être humain contemporain sont (neuro-)
cognitives (cf. Annexe 1).
Autrement dit, la (pseudo-)Gouvernance Instinctive ne survient que
sur le terreau d’une Dépression Molle. Le stress, selon les cas, peut être
utilisé pour trouver l’énergie de faire (stress de Fuite ou Lutte) ou ne pas
faire (Inhibition, pour accepter, faire profil bas), lorsque d’autres motiva-
tions ne sont pas ou plus disponibles. La Lutte (ou la colère) est égale-
ment parfois mise en œuvre, notamment chez les individus timides,
comme pour fournir de l’énergie pour « dire ce qu’il y a à dire »… enfin, à
peu près.
Certaines personnes pratiquent donc de façon plus ou moins récurrente
le fait :
– d’attendre le dernier moment pour se mettre « la pression » (Fuite
ou Lutte) afin de pouvoir préparer ses examens ou dossiers ;
– d’avoir besoin de se disputer (Lutte) pour pouvoir se réconcilier
(Inhibition).
Cette stratégie d’utilisation du stress peut s’avérer consciente et volon-
taire ou relever d’un mécanisme automatique.

Diagnostic d’une GM Instinctive


La GM Instinctive répond aux critères suivants :
1. Réactivité « épidermique » :
– L’individu ne réagit qu’aux sollicitations de l’environnement.
– L’individu a du mal à se contrôler.
– Il n’a pas de volonté de projet, encore moins de passion ou
de courage.
– Il a besoin de s’auto-stimuler pour initier ou prolonger une action
« de fond » de moyen ou long terme, et/ou pour surmonter un
désagrément immédiat : il tend à se « récompenser » avant, pen-
dant et après (au travers des aliments ou autre), ou se faire peur
pour se mobiliser.
2. La GM Instinctive se constate surtout sur un terrain de Dépression
Molle ou en tant que « levier » utilisé par un autre Contenant :
Hyper IIre, PG (le stress de Lutte est par exemple utilisé pour justi-
fier l’agressivité du PGD ou de la RH, ou pour apitoyer/culpabiliser
un interlocuteur en PGS ou IE IIre…).

223
La thérapie neurocognitive et comportementale

4. PÉDAGOGIE TNC

4.1. Pourquoi présente-t-on la TNC et les mécanismes


psychophysiologiques qui sous-tendent son action ?
En TNC comme plus généralement en TCC, on incite et accompagne le
patient dans la compréhension de ce que l’on fait, alors qu’une telle pra-
tique est par ailleurs (notamment en approche psychanalytique ou huma-
niste) considérée comme inductive, voire stérilisatrice.
Les raisons de la pédagogie ou de l’explication du processus thérapeu-
tique au patient sont concrètes :
1. Les approches TCC proposent un certain nombre de procédures thé-
rapeutiques essentielles pour accroître l’efficacité du traitement et pour
lesquelles la plupart des patients ne seraient absolument pas motivés
s’ils ne comprenaient pas pourquoi ils les mettent en œuvre. La TNC
rejoint plus particulièrement ce principe lors d’un travail sur « l’Hypo ».
Ainsi, puisque certaines démarches, notamment comportementales, ne
sont pas spontanément motivantes, il s’agit donc de remplacer une
motivation défaillante par une méta-motivation d’ordre « raisonnable »
(mieux comprendre le bénéfice de l’exercice proposé).
2. Il est souvent dit en TTC que la thérapie est une exploration, une
recherche que l’on fait à deux. Un tel point de vue permet d’impli-
quer le patient dans l’acte thérapeutique, ce qui s’avère fondamen-
tal pour ce que l’on appelle la restructuration cognitive8 du sujet.
Pour cela, il est indispensable de lui fournir une compréhension et
une compétence minimales, faute de quoi le thérapeute perd une
puissance thérapeutique importante.
3. Enfin, il est possible de délivrer au patient (en interagissant à ce
sujet avec lui) quelques explications, relativement simples ou tout
du moins distillées avec justesse, sur quelques connaissances récentes
sur les comportements ou le cerveau, lorsqu’elles peuvent se révéler
utiles à la résolution, à la compréhension et à la prise de recul vis-
à-vis de son problème.
Ainsi, en TNC, après avoir rapidement évoqué les fonctions de cette
pédagogie, celle-ci sera développée de façon très interactive tout au long

8. La restructuration cognitive désigne, en TCC, le fait de mettre en évidence les erreurs


de logique, de jugement ou liées à des croyances erronées pour que le patient puisse en
prendre conscience et les changer avec l’aide du thérapeute.

224
Stratégie thérapeutique globale

de la thérapie, à chaque fois que le besoin s’en fera sentir et que l’efficacité
en aura été pressentie. Cette dimension pédagogique apporte une partie
non négligeable de l’efficacité thérapeutique comme ceci a été démontré
en TCC (Cottraux, 2005). On y apprend au patient ce que sont :
1. Les lois de « l’apprentissage conditionné » (par renforcement positif
ou négatif).
2. Les lois du « désapprentissage » des pensées ou comportements dys-
fonctionnels (comme l’inhibition réciproque pour le traitement
comportemental des phobies ou des Hypos).
Les pensées ou comportements dysfonctionnels sont détectés eux-mêmes
à partir des troubles émotionnels que constituent les états anxieux, agressifs
ou dépressifs. On parle alors de la triangulaire émotion/pensée/comporte-
ment, essentielle dans la compréhension des troubles et leur résolution. Ces
états considérés et décrits en psychophysiologie expérimentale (flight, fight,
freeze, cf. Cannon, 1963 ; ou Fuite, Lutte, Inhibition, système FLI, cf.
Laborit, 1986, op. cit.) permettent en TNC, comme nous allons le voir, un
enrichissement important de la prise de conscience de l’individu. Ils condui-
sent à expliquer leur rôle biologique premier et leur apparente inadaptation
dans la vie moderne, source de complexes ou de jugements moraux inadap-
tés. Ceux-ci tendent à détourner l’attention de la résolution des problèmes
étiologiques sous-jacents, notamment lorsque le patient s’accuse (ou accuse
un autre) de symptômes involontaires, connus aujourd’hui pour être auto-
matiques, stéréotypés, peu contrôlables de façon directe et volontaire.
La même démarche explicative sera mise en œuvre si le patient s’iden-
tifie à un comportement plus ou moins problématique comme l’agressivité
du PGD, une dépendance induite par un Hyper, etc. La théorie TNC per-
met ainsi de « déculpabiliser » en attribuant moins la raison de ces com-
portements à la première intention du patient mais plutôt aux substrats
neuropsychologiques ou physiologiques qui les sous-tendent. La TNC s’at-
tache également à ouvrir au patient des perspectives de changement qu’il
n’avait pas pu jusque-là envisager. Il est donc inutile de se culpabiliser
pour des symptômes qui ne cesseront qu’avec le Contenant correspondant,
comme il est peu fructueux de laisser un patient se fatiguer en cherchant
à contrôler certains troubles que l’on sait symptomatiques comme l’Hyper,
la RH ou le stress (FLI).
En découle une prise de conscience, chez le patient, du caractère à la fois :
– stéréotypé et dépourvu de « volonté » des Contenants ;
– réversible de son état, selon des processus thérapeutiques précis et
codifiés.

225
La thérapie neurocognitive et comportementale

En faisant vérifier au patient concrètement l’efficacité rapide et ciblée


de la démarche, cette conscientisation aura chez le patient un effet favo-
rable sur la mise en confiance thérapeutique.
La pédagogie TNC va donc aider à centrer, aussi vite que possible, l’at-
tention et l’action du sujet/patient et de son thérapeute sur la recherche des
causes et sur leur traitement. Plutôt que de se focaliser plus que nécessaire
sur les effets, on gagnera à faire travailler le patient sur leur acceptation, ce
qui est toujours plus aisé lorsque l’on comprend la nature des troubles et que
l’on constate que le travail de fond nous fait progresser. Cette prise de recul
sur la dimension neuropsychologique de la thérapie constitue ce que l’on
appelle la « dé-psychologisation », qui aide le patient à ne plus s’identifier
à ses Contenants et à mieux s’approprier ses leviers de (vrai) changement.

4.2. Quand présenter la TNC ?


En pratique, la présentation de la TNC débute souvent dès la première
séance et se poursuit souvent activement pendant les suivantes. Ceci ne
signifie pas pour autant que l’on doive abreuver le patient d’un discours-
fleuve sans claire nécessité induite par le travail thérapeutique en cours.
Il ne faut faire que ce qui est nécessaire au fur et à mesure de la progres-
sion thérapeutique, de la capacité d’intégration de l’individu et de sa
demande à l’égard de cette dimension de la thérapie.
Dans la continuité de cette réserve, le thérapeute a tout intérêt à don-
ner dès la première séance un minimum d’explications, une sorte de
lexique qui s’avérera très utile par la suite. Il doit être attentif au fait que
le patient vient le plus souvent avec un besoin personnel souvent très
émotionnel, concret et immédiat concernant des problèmes aigus ou
subaigus. Celui-ci s’attend donc à parler de lui, à entrer dans le vif de son
sujet. Être nourri de trop longues explications préliminaires sur la méthode
employée ou sur le fonctionnement « détaillé » de son système nerveux
risque de laisser au patient le sentiment qu’il n’a pas été écouté.

4.3. Les enjeux et la mise en œuvre de la pédagogie


Les enjeux de la pédagogie en TNC consistent à faire découvrir et expli-
quer, en s’appuyant sur le vécu du patient et la théorie, la différence entre :
1. le Contenu psychologique, qui est :
– Acquis, individuel ou culturel.

226
Stratégie thérapeutique globale

– Effaçable, dans la mesure où il doit être utilisé pour être maintenu


ou développé.
– Modifiable, c’est-à-dire accessible à la résilience et à la thérapie.
2. Et le Contenant neuropsychologique, qui est :
– Inné, structurel, universel.
– Ineffaçable, c’est-à-dire non modifiable.
– Potentiellement gérable en utilisant les leviers d’expression natu-
rels que sont les stimulus, les P. Ires, les exercices et attitudes sol-
licitant les Modes Mentaux (cf. Annexe 1), les rituels de PG, etc.
Dans cette démarche, le thérapeute doit aussi permettre au patient d’ap-
prendre à solliciter une attitude ou un état d’esprit dits « adaptatifs »
(Mode Mental Adaptatif, cf. Annexe 1), à l’image du sport, où l’on s’en-
traîne à adopter une certaine posture pour mieux pouvoir faire le geste.
On prépare le mental comme on prépare le corps. Le sentiment d’incapa-
cité est comparable à une mauvaise posture, l’individu « s’y prend mal »
plus qu’il ne manifeste une véritable incapacité. D’un point de vue psy-
chologique, on peut indiquer au patient que l’incapacité est liée à une
mauvaise attitude mentale conduisant à une forme d’insensibilité, d’ab-
sence de motivation et témoignant d’une inculture (on ne conçoit même
pas le « problème » ou le manque).
La « dé-psychologisation des Contenants » figure également parmi les
enjeux majeurs de la pédagogie. Elle permet au patient de comprendre
qu’il est le lieu où s’activent ses Contenants plus qu’il n’en est réellement
l’auteur. Ceci a pour effet :
1. une compréhension de l’origine de ses troubles par le patient, ce qui
lui permet de sortir quelque peu de son désarroi, puisque donner du
sens à ses perturbations diminue déjà le stress. L’origine des troubles
est expliquée, en TNC, d’un point de vue :
– de la relation de ceux-ci avec l’évolution des espèces ;
– de la relation de ceux-ci avec les sciences du cerveau ;
2. une déculpabilisation, permettant au sujet de s’extraire du jugement
(de soi et des autres) ;
3. de fournir des leviers d’action concrets, notamment contre le senti-
ment d’impuissance ;
4. une libération des capacités cachées (« on débouche des tuyaux… »)
plutôt qu’une acquisition plus ou moins artificielle de certaines habi-
letés (« … plutôt que de s’occuper des fluides qui passent dedans ? ») ;
5. de sortir du carcan normalisateur des comportements-modèles
quelque peu rigides et pouvant paraître parfois inaccessibles à

227
La thérapie neurocognitive et comportementale

l’individu (modeling et acquisition d’habiletés sociales). La fina-


lité du neuro-comportementalisme TNC est de permettre la libé-
ration de postures mentales (changement de Contenants) et donc
cérébrales (on sollicite d’autres territoires, d’autres circuits), qui
donnent d’autres capacités. En d’autres termes, comme l’on consi-
dère que l’excès est souvent nécessaire pour libérer d’un blocage
(tel qu’en ostéopathie) : la finalité de la TNC est la libération
d’un mouvement bloqué et non une reproduction à l’identique,
dans la vraie vie, d’un « geste-modèle » où persisterait le blocage
en question ;
6. on considère que l’excès est souvent nécessaire pour libérer d’un blo-
cage (comme en ostéopathie) : la finalité, c’est la libération d’un
mouvement bloqué et non-reproduction à l’identique de la « manip »
en question dans la vraie vie !
Par exemple, les scénarios à cinq personnages (façon Commedia
Dell’Arte) destinés à traiter le PG sont censés dépasser les blocages et
comportements « interdits » par le système, plus qu’ils n’apprennent aux
patients à acquérir des habiletés particulières. Il en est de même concer-
nant l’affrontement d’Hypo, qui peut lui aussi être enrichi par des tech-
niques théâtrales (Art Dédramatique), et pour les exercices de GMM (cf.
Annexe 1).
À ce titre, les personnages des exercices de PG s’appuient à la fois :
– sur des rituels sociaux animaux ou humains (cf. tableaux psychia-
triques du DSM IV, 1996, op. cit.) ;
– sur le medium artistique, notamment théâtral, qui joue des Contenus
pour travailler lui aussi les attitudes.

5. LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

De façon générale, le thérapeute est amené, au cours d’une thérapie de


type TNC, à traiter de préférence :
1. de la superficie vers la profondeur, soit de niveaux plutôt symptoma-
tiques (stress, Hyper, RH) vers d’autres plus étiologiques (Modes
Mentaux, refoulement de P. Ires et P. IIres, Hypo, PG…) ;
2. du Contenu vers le Contenant ;
3. de la Pédagogie vers l’action thérapeutique sur les Contenants ;
4. du cognitif vers le comportemental.

228
Stratégie thérapeutique globale

5.1. Cas d’un stress aigu survenant lors de la mise en œuvre


d’une action thérapeutique
Si, lors d’une action thérapeutique (comportementale ou cognitive) :
– Le stress diminue lors de l’action : dans ce cas l’action peut
être poursuivie.
– Le stress est stable : le stress peut diminuer plus ou moins rapide-
ment, il n’y a donc pas de contre-indication à poursuivre l’action,
mais il est nécessaire d’être vigilant et de revoir l’utilité de celle-ci.
– Le stress augmente alors que la personne refuse de faire l’action, et
son stress semble augmenter de façon proportionnelle à sa résistance :
• le stress est lié à la résistance ;
• ceci ne remet donc pas en cause directement la stratégie théra-
peutique et l’action prévue en soi ;
• il est cependant nécessaire de revoir la progression pédagogique
et/ou la préparation cognitive (identifier la nature des Contenus
et Contenants en cause dans le refus) ;
– Le stress de la personne persiste ou augmente alors qu’elle adhère à
l’action et la met attentivement en œuvre ou se prépare à le faire :
• Le stress est induit par l’action thérapeutique !
• Il faut donc remettre en cause l’action prévue…

5.2. Diagnostic des Contenants et Contenus


impliqués dans la genèse du stress
induit par une action thérapeutique
Si les raisons du stress sont relativement conscientes ou aisément acces-
sibles par le patient, le thérapeute doit les identifier en termes de Contenus
et Contenants. Aussi :
– Si la pleine prise de conscience et la compréhension des Contenus
et Contenants en cause réduisent le stress : il peut s’agir d’une erreur
de stratégie. Dans ce cas il faut bien entendu chercher à cerner
l’erreur et la corriger. À cette occasion, le stress en situation d’ac-
tion thérapeutique doit déjà disparaître. L’action thérapeutique doit
être modifiée en fonction de la correction de l’erreur.
– Si la pleine prise de conscience et la compréhension des éléments
en cause ne réduisent pas le stress : le thérapeute doit passer au cas
de figure qui suit...

229
La thérapie neurocognitive et comportementale

Si les raisons du stress du(de la) patient(e) ne sont pas ou peu conscientes,
le thérapeute doit tenter d’identifier un Contenant précis, par exemple :
– Si le(la) patient(e) manifeste de l’anxiété et de la culpabilité sans
objet précis ou « raisonnable », cela doit lui évoquer du PGS.
– Si le(la) patient(e) manifeste de la méfiance et une certaine forme
de mutisme, cela doit lui évoquer du PGM.
– Il en va de même pour les autres types de PG.
– Si le thérapeute ne reconnaît aucun Contenant/Contenu associé précis
si ce n’est un imbroglio, un stress aigu (symptomatique) et une perte de
contrôle : cela doit lui évoquer une sonnette. Dans ce cas, il doit
reprendre à froid la situation de l’action thérapeutique envisagée et l’ana-
lyser sur une ou plusieurs séances et/ou des séances longues. En effet, une
telle démarche peut prendre quelques heures, et il n’est pas souhaitable,
pour préserver l’état du patient, d’arrêter une séance avant la fin de la
démarche. Il n’est pas pertinent d’interrompre la séance tant que le
patient n’a pas trouvé un apaisement. Ceci signifie bien entendu que l’on
ne reprend pas une nouvelle étape thérapeutique en fin de séance.
Pour ce cas de figure, la démarche sera plus exactement la suivante :
• Le thérapeute doit faire part au patient de la perspective de
reprendre éventuellement l’action thérapeutique, un jour indéfini,
quand le problème sera résolu…
• Une fois la décision prise d’aborder ce travail, il doit ensuite brie-
fer le patient sur la fonction exploratoire des expositions imagi-
naires à la situation qui lui permettront d’identifier les Contenus
et Contenants en cause dans la sonnette.
• Le thérapeute cherche à ce stade à identifier activement, avec le
patient(e), les Contenus et Contenants qui se manifestent dans la
sonnette (confrontation imaginaire).
• Après l’identification a lieu le traitement, l’un après l’autre, des
Contenants en jeu dans la sonnette. Ce traitement passe, comme
usuellement, par une étape pédagogique, une préparation cogni-
tive et une action comportementale.
• Après chaque traitement, le thérapeute reprend la même procé-
dure de mise en situation imaginaire, de façon à s’assurer de sa
démarche.
• Le thérapeute met en œuvre les étapes précédentes jusqu’à ce que
la mise en situation imaginaire ne produise plus de stress, ni à la
fin de chaque étape, ni (en y pensant) entre les séances.
• Le thérapeute envisage alors à nouveau l’action initiale : soit le
stress ne se produit plus et il peut ainsi poursuivre l’action

230
Stratégie thérapeutique globale

thérapeutique, soit il se produit à nouveau, et dans ce cas il doit


reprendre la démarche précédente.
Voir aussi Gestion et traitement d’une Sonnette infra.

5.3. Quelles sont les causes les plus fréquentes


de stress aigu en relation
avec une action thérapeutique ?
Les causes de stress aigu majoritairement rencontrées sont les suivantes :
1. Un effet rebond de PG.
2. Un Hyper-Méta, un PGS ou un PGM empêchant le patient de s’expri-
mer. Dans ce cas, ce peut être :
– l’action qui pose problème, et dans ce cas :
• il faut aider le patient à s’exprimer jusqu’à ce qu’il retrouve
son calme,
• il est également nécessaire d’écouter tout ce qu’il a à dire,
jusqu’à ce qu’il valide que l’on a bien compris, notamment
après reformulation
– le thérapeute qui pose problème, et dans ce cas :
• le lien de confiance est rompu ou insuffisant pour effectuer
l’action envisagée,
• le thérapeute n’a pas montré suffisamment d’empathie, de qua-
lité d’écoute, d’accueil par rapport aux non-dits (sujets déli-
cats, complexes, timidité),
• il y a un déficit de réponse par rapport aux attentes du patient,
un manque de rigueur dans la démarche, ou autre.
3. Une Sonnette non identifiée ou mal gérée.

5.4. Symptomatologie et gestion des Sonnettes


On peut établir le diagnostic d’une Sonnette grâce aux critères suivants :
1. manifestation d’un stress aigu, de type attaque de panique, c’est-
à-dire avec auto-accrochage, selon une régulation dite « en
tendance »9 ;
2. ce stress aigu survient lors de l’interaction entre deux ou plusieurs
Contenants sur un même objet mental.

9. Une régulation en tendance désigne, en cybernétique et physiologie, un processus qui


s’auto-renforce via un feed-back positif.

231
La thérapie neurocognitive et comportementale

Soit le traitement générique d’une Sonnette :


1. On identifie le Contenant le plus visible, puis on le traite
Et ainsi de suite…
2. On n’insiste pas si le patient s’aggrave à cause du travail (et non à
cause de son « refus », de sa difficulté à entre dans un exercice) car
cela indique souvent une sonnette cachée que l’on risque d’aggraver
3. On prend note de la succession des Contenants que l’on dévoile, de
leurs Contenus associés et des stratégies thérapeutiques employées
et efficaces
4. La stratégie est reproductible, on cherche à rendre le patient auto-
nome
On traite d’abord le pôle faible de la Sonnette, que l’on identifie de
deux façons :
1. Celui qui s’exprime le moins cliniquement (intensité relative de la
symptomatologie des Contenants)
2. Celui qui peut être évalué comme le plus accessible à un processus
thérapeutique (l’Hypo se traite plus vite que le PG et son résultat
est beaucoup plus stable : pas d’effet rebond)

6. CAS CLINIQUES

Les cas cliniques que nous évoquons dans ce chapitre sont des synthèses
de cas réels. Les noms des patients ont bien évidemment été modifiés et
certains éléments de leur vie n’ont pas été dévoilés de façon à préserver
au mieux leur anonymat.
Le lecteur notera de nombreuses références au modèle de personnalité
TNC. Celui-ci est explicité dans l’annexe 2. La description des personna-
lités qui nous intéressent figure dans les tableaux II.1 et II.2 présentés
dans l’annexe 2.

6.1. Clara : thérapie d’une Répression d’Hyper

Généralités
Clara a 45 ans au moment où elle débute sa thérapie TNC.
Clara vient consulter en raison d’une souffrance récurrente associée,
entre autres, à l’échec de ses amours et à un bonheur dont elle estime
être privée.

232
Stratégie thérapeutique globale

D’un point de vue de ces antécédents, elle présente une enfance par-
ticulièrement difficile. Elle semble avoir été victime d’attouchements,
notamment par son père. Celui-ci s’est également montré violent verba-
lement, l’injuriant et la rabaissant régulièrement.
À l’âge adulte, Clara connaît quelques amours mais qui aboutissent
facilement à l’échec. Elle présente un surpoids depuis la pré-adolescence,
et se mésestime par rapport à cela.

Comportement apparent
Clara participe à certains stages de thérapie de groupe. Elle intervient
alors régulièrement et longuement durant ceux-ci pour faire part de son
indignation quant aux préoccupations des autres stagiaires. Elle leur fait
remarquer que leurs problèmes n’en sont pas et qu’elle seule présente une
vraie souffrance qui mérite une thérapie. De cette façon, la réaction des
stagiaires à son égard devient moins amicale. Clara s’attire ainsi, de façon
plus générale, les foudres de son entourage.
Il semble que ce type de comportement l’ait souvent amenée à voir ses
relations amoureuses ou amicales s’étioler, ce qui attise sa souffrance.
Cette tendance à la plainte, au fait de minimiser les peines d’autrui pour
ne « valoriser » que les siennes, au fait de prendre beaucoup d’attention,
et ce de façon « bruyante » durant les stages, etc., fait tout d’abord penser
à une RH certes, mais également à de la dominance.

Diagnostic et vécu de la patiente


a) Le PGS
Au fur et à mesure des séances thérapeutiques individuelles, il s’avère que
Clara n’est pas dominante mais soumise. En effet, suite à ses indignations
récurrentes dont elle fait part sans demi-mesure à ses interlocuteurs, elle
subit systématiquement des angoisses de culpabilisation extrêmes, accom-
pagnées d’une volonté de suicide, d’un sentiment d’indignité, du souhait
« d’être brûlée vive » car elle se considère comme « un sac à ordure ».
Ainsi, l’intensité, la violence et le caractère auto-destructeur de ces symp-
tômes n’évoquent pas seulement la RH par auto-culpabilisation, mais
laissent davantage penser à un violent effet rebond en soumission appa-
raissant à la suite des reproches qu’elle peut adresser à ses interlocuteurs
quand elle est en RH.
Parmi les autres arguments évoquant un PGS, figurent les angoisses
paradoxales se manifestant à la suite de chaque régime l’amenant à aller

233
La thérapie neurocognitive et comportementale

mieux. Ces angoisses déclenchent chez elle un abandon du régime, une


ré-augmentation de son poids et une baisse de l’estime de soi.

b) Les Hypos
En séance, le thérapeute peut constater que Clara présente des Hypos sur :
– L’intelligence,
– L’immaturité,
– L’injustice,
– La violence physique, verbale et sexuelle,
– La manipulation,
– La futilité sociale (sophistication, inutilité de certains discours ou de
certains gestes, etc.),
– La féminité,
– Les femmes qu’elle estime peu élégantes, trop fortes et qui portent
des vêtements aguicheurs, sexy,
– Le fait d’assumer ce que l’on est en public, même si cela semble en
décalage avec les valeurs apparentes du groupe, le fait de s’affirmer
sans justification morale.

c) Les sonnettes
Les symptômes très intenses et l’alternance entre une jalousie extrême et
une culpabilisation tout aussi ravageuse conduisent au diagnostic d’une
sonnette entre les différents Contenants que voici :
– L’ensemble des Hypos (et leurs RH associées) exposés ci-dessus,
– Sa personnalité épicurienne (P. AR Ire, cf. tableaux II.1 et II.2)
– Sa personnalité justicière et conquérante (P. LE IIre)
– Son PGS
Le thérapeute observe principalement que les Hypos de Clara sur la
féminité et sur le comportement aguicheur induisent un Hyper sur la vie
sentimentale (la rassurant sur le fait de plaire sans avoir à en passer par la
féminité) et une RH vis-à-vis des hommes, de ses partenaires. Parallèlement
à cela elle se montre tantôt profondément agacée, tantôt admirative des
femmes élégantes et séduisantes (Hypo). Son surpoids, maintenu entre
autres par son PGS, participe également à cette RH, laquelle génère en
contrepartie des effets rebonds de PGS.
Son épicurisme spontané ne peut être assumé du fait de ses Hypos sur
la futilité, ce qui l’empêche ainsi d’avoir accès à des plaisirs simples, ou à
une meilleure estime d’elle-même (qui serait en lien avec l’acceptation de
son côté insouciant et futile). Par ailleurs la personnalité que nous

234
Stratégie thérapeutique globale

considérons comme épicurienne (P. AR) se montre assez opposée à la


superficialité des artifices de séduction, ce qui alimente ses Hypos sur les
comportements et atours aguicheurs.
Sa personnalité justicière attise le sentiment d’injustice généré par ses RH
et la fait clamer haut et fort sa désapprobation vis-à-vis de comportements
lui paraissant futiles ou vis-à-vis de souffrances qu’elle juge surestimées. Cet
ensemble de comportements génère lui aussi des effets rebonds de PGS.

Stratégie thérapeutique
Du fait de ses Hypos sur l’intelligence (sans doute générés par les humilia-
tions de son père), Clara présente à l’origine un blocage vis-à-vis de la thé-
rapie, notamment sur ses aspects comportementaux (travail des Hypos) et
sur les exercices de rationalisation qui pourraient lui être proposés (GMM,
cf. Annexe 1). En effet, la thérapie TNC en passe par la compréhension et
l’intégration que peut avoir le patient de l’acte thérapeutique et sa partici-
pation active, ce qui peut être entravé par un Hypo sur les manifestations
de l’intelligence. Le diagnostic de la patiente s’avère donc, durant de nom-
breuses séances, relativement incertain, tandis que la thérapie ne peut
consister qu’à un traitement cognitif passif sans grand succès.
Au terme de cette période peu fructueuse, il est décidé de consacrer
une journée thérapeutique au diagnostic de la patiente. À cette occasion,
les Contenants en jeu dans la sonnette peuvent enfin être clairement mis
en évidence. Suite à un certain nombre de négociations, le travail d’Hypo
peut également commencer.
Le travail d’Hypo concernant les comportements aguicheurs ou le fait
d’être sexy consiste par exemple à porter des vêtements pouvant paraître
quelque peu vulgaires. Le travail d’Hypo sur la futilité demande quant à
lui de faire un geste pouvant paraître étrange et inutile pour l’entourage.
Dans ce dernier cas, le thérapeute demande tout simplement à la patiente
de lever les bras bien en l’air, sans raison aucune. Nous noterons que
comme pour beaucoup de traitements d’Hypos, le simple fait de lever les
bras en l’air fait beaucoup rire la patiente. Ce qui est intéressant est de
savoir que le thérapeute invite Clara à réaliser ce geste chaque fois (par
exemple en stage) qu’elle manifeste une RH et un sentiment d’injustice
vis-à-vis des « fausses souffrances » dont elle est témoin. Instantanément,
au lieu de s’emporter, Clara se met à rire dès lors qu’elle réalise le geste,
puis se trouve apaisée après ce fou rire.
Ses comportements de RH et d’Hypos s’amenuisent au fur et à mesure
des exercices de confrontation d’Hypo. Parallèlement à cela, des exercices

235
La thérapie neurocognitive et comportementale

destinés à traiter la soumission sont effectués, notamment après chaque


travail d’Hypo confrontant pour son PG et susceptible de générer des
effets rebonds.
Un an après cette thérapie, Clara demande à travailler à temps partiel
pour pouvoir se consacrer à quatre à cinq heures de peinture par jour,
qu’elle exploite avec talent. Cette activité lui était inenvisageable aupa-
ravant, du fait de ses Hypos sur la futilité et l’insouciance liée à la vie d’ar-
tiste, sur le fait d’assumer les plaisirs qu’elle jugeait « inutiles » d’un point
de vue moral et simplement liés à l’expression de sa personnalité. Cette
amélioration et l’expression de sa personnalité ont été potentialisées par
un travail en art-thérapie. Par ailleurs, d’un point de vue social et profes-
sionnel, Clara est aujourd’hui considérée comme très agréable, mobilisa-
trice, stimulante, à l’écoute et se trouve très appréciée de ses interlocuteurs,
ce qui contribue à son apaisement général.

À retenir
Les points intéressants de ce cas sont tout d’abord le fait que certains com-
portements apparents ont pu dans un premier temps laisser croire à un
PGD (P. LE, RH), tandis que la patiente présentait au contraire un PGS.
Par ailleurs, nous pouvons voir que le caractère quelque peu explosif
du comportement de Clara, alternant avec des phases de culpabilisation
aiguës, doit alerter sur la présence d’une sonnette entre plusieurs
Contenants. La mise en œuvre de la stratégie thérapeutique consistant à
traiter un à un chaque Contenant a permis de valider en retour le dia-
gnostic, car il a pu être observé, au fur et à mesure des exercices, un apai-
sement de certains Contenants (RH et Hypos). Par ailleurs, il est notable
que la soumission de la patiente s’est avant tout avérée pathogène du fait
de son interaction nuisible avec ses RH. Une fois les Hypos et la RH trai-
tés, les crises de soumission se sont atténuées.

6.2. Isabelle : thérapie d’une dépression


de type mélancolique

Généralités
Isabelle montre des troubles psychologiques depuis l’enfance, qui se sont
tout d’abord traduits par une difficulté à se socialiser, à s’intégrer à l’école
ou dans des groupes de pairs, et par des relations sentimentales quelque
peu chaotiques.

236
Stratégie thérapeutique globale

À environ 50 ans, Isabelle présente des problèmes de santé l’obligeant


à être immobilisée et à cesser son activité pendant un an. Suite à cela, la
patiente manifeste une forme de dépression mélancolique, puis une dépen-
dance aux psychotropes. Un diagnostic de soumission de niveau 4/5
(cf. Figure 2.3) est posé. La patiente effectue alors des exercices de PG
destinés à traiter cette soumission. En conséquence, son thérapeute
observe une amélioration de son état ainsi qu’une réduction des dosages
de neuroleptiques anormalement rapides.
Suite à cet épisode, Isabelle montre une rechute environ dix ans plus
tard, malgré ses exercices de PG quotidiens. Nous décrivons ci-dessous
l’intervention thérapeutique centrée sur cette rechute.

Comportement apparent
En 2011, Isabelle a repris sa vie en main depuis un an, entre autres grâce
à un coaching personnalisé améliorant son état de santé et lui laissant
entrevoir la possibilité d’une reprise de ses activités notamment
professionnelles.
Isabelle manifeste soudainement des symptômes laissant tout d’abord
penser à un syndrome neurologique ou à une sclérose en plaques (effon-
drements brutaux, perturbation des mouvements volontaires à l’image
d’une ataxie cérébelleuse, céphalées, sensation de viscosité mentale, etc.).
Après vérification auprès de spécialistes, le problème est considéré d’ori-
gine psychologique. Le psychiatre hospitalier consulté diagnostique alors
une dépression mélancolique sévère. Il prescrit à Isabelle de doubler la
dose d’amisulpride (antidépresseur) soit 150 mg/j.
Il en résulte une amélioration nette pendant un an, qu’elle met à pro-
fit pour continuer la reprise en main de sa vie, physique par une activité
physique régulière quoique très laborieuse et difficile, mentale par une
mobilisation autour d’objectifs ambitieux, comme une reprise d’autono-
mie, capacité à rester seule, conduire, toutes « libertés » perdues après sa
première crise patente de mélancolie en 2000, etc.
Puis, à l’automne 2012, alors même qu’elle envisage de reprendre dou-
cement son activité professionnelle, elle commence une rechute sévère
qui atteint le stade d’une grave crise en quelques semaines. Son traitement
est alors augmenté par palier jusqu’au maximum pour un traitement ambu-
latoire (amisulpride à 800 mg et clomipramide à 200 mg). Devant l’échec
patent de ce traitement (chaque amélioration induite par l’augmentation
des doses est « gommée » en quelques jours), devant celui également du
traitement PG (une à deux heures d’exercices par jour parviennent le plus

237
La thérapie neurocognitive et comportementale

souvent à faire baisser la crise mais de façon passagère) et son psychothé-


rapeute ne parvient pas à la faire parler : elle ne répond plus à ses ques-
tions si ce n’est de temps en temps par oui ou non ou de courtes phrases,
qui ne témoignent rien de son vécu. Une ré-hospitalisation est alors pro-
grammée. Juste avant, son psychothérapeute tente d’établir avec elle la
liste des éléments à évoquer devant son psychiatre lors de son hospitali-
sation. À cette occasion un peu atypique (préparer l’entretien avec un
inconnu), la patiente parvient enfin à mieux répondre aux questions et se
confier, ce qui permet à son thérapeute d’esquisser un diagnostic des
Contenants et Contenus de la crise.

Diagnostic et stratégie thérapeutique


Lors de la préparation de l’entrée d’Isabelle en service de soins psychia-
triques, le thérapeute constate qu’elle présente une Sonnette entre des
Hypos très imposants (sur la détermination, le courage, la capacité à
dépasser ses doutes et ceux des autres, etc.), des antivaleurs concernant la
faiblesse et le manque d’autonomie mentale et physique (P. LR IIre), des
antivaleurs sur le manque de sécurité (P. FE IIre) et un PG soumis. Il est
alors supposé que ses Hypos interfèrent avec l’amélioration de son état,
avec le fait d’envisager de prendre sa vie en main, tandis que ses antiva-
leurs la poussent à vouloir être plus autonome et que sa soumission pro-
duit des effets rebonds chaque fois qu’elle s’améliore et qu’elle est amenée
à s’autonomiser. En guise de vérification des Hypos, le thérapeute lui
demande de jouer un personnage tenant à peu près ce discours, sur un ton
enflammé : « oui, si j’étais seule contre tous…, je suis déterminée à…, nul ne
peut m’arrêter..., je n’ai pas peur des risques… ». À l’évocation de ces mots,
la patiente sourit (sourire d’Hypo). Le thérapeute invite alors la patiente
à réaliser l’exercice, à jouer le rôle. Suite à cet exercice, la patiente et le
thérapeute constatent que la céphalée et d’autres perturbations physiques
de la patiente ont disparu. Elle est hospitalisée mais semble bien se por-
ter, au point que les psychiatres tardent à lui rendre visite, de telle sorte
qu’elle se trouve alors brutalement sans traitement pendant 24 h, sans que
cela génère de symptômes particuliers. Puis les psychiatres lui prescrivent
à nouveau la dose maximale de neuroleptiques et d’antidépresseur qu’elle
prenait à son entrée, par précaution. Après cinq jours sans aucun signe de
rechute mélancolique, Isabelle commence par contre à manifester des
signes de surdosage, rapidement croissants (pouvant évoquer un début de
syndrome malin des neuroleptiques, à même de mettre en jeu la vie de la
patiente). Rassurée par son état de rémission « miraculeuse », suite aux
exercices sur l’Hypo initiés juste avant son entrée et qu’elle continue seule

238
Stratégie thérapeutique globale

(« dans sa tête ») pendant toute son hospitalisation, et inquiète de ne pas


se sentir écoutée lorsqu’elle parle de ses symptômes, la patiente demande
alors à sortir de la clinique contre avis médical, tout en précisant qu’elle
sera bien entendu suivie. Une fois sortie de l’établissement et dans l’at-
tente du RV, deux jours plus tard, avec son psychiatre, la patiente inter-
rompt pendant 24 h sa prise d’amisulpride et de clomipramide
(neuroleptiques), de façon à enrayer son inquiétant tableau de surdosage,
qui effectivement s’améliore. Mais surgissent alors à nouveau les symp-
tômes mélancoliques qui avaient conduit à son hospitalisation. Son psy-
chothérapeute fait alors l’hypothèse que cette rechute puisse avoir été
déclenchée (avant tout) par le fait que la patiente se soit fortement
confrontée (ce qui n’appartient nullement à son « naturel », cf. notam-
ment son PGS, sa LR IIre, etc.) aux psychiatres de l’hôpital, « prenant
ainsi sa vie en main » contre leur avis et leur (amicale mais ferme) pres-
sion. En effet, le déroulement de cette crise lui semble depuis le départ
moins couplé aux doses de médicaments qu’à l’existence d’affrontements
des « grands évitements de sa vie ». Aussi, le thérapeute invite à nouveau
la patiente, juste avant son RV chez son psychiatre, à refaire, avec « enga-
gement », un exercice comportemental d’Hypo sur le thème du courage et
de la détermination. Au terme d’un petit quart d’heure d’exercice intense,
la quasi-totalité des symptômes (céphalées, etc.) s’effondre. Suite à cela,
la patiente reprend, sur le conseil de son thérapeute, par mesure de sécu-
rité et dans l’attente du RV (le lendemain), son traitement médicamen-
teux, mais, impressionnée par ses récents symptômes, elle souhaite
ré-essayer d’abord aux dosages d’avant la rechute (200 mg d’amisulpride
et 150 mg de clomipramide).
Son psychiatre lui recommande pourtant 400 mg d’amisulpride, ce
qu’elle essaie, sans amélioration significative mais avec davantage d’ef-
fets secondaires. Elle revient donc d’elle-même à 200 mg/j, rassurée par
les effets spectaculaires et presque immédiats des exercices réalisés sur
chaque début de crise. Et, en cas d’échec partiel (rémanence notamment
d’une légère céphalée caractéristique de ses crises), une prise unique de
40 mg d’anxiolytique (clorazépate) en vient rapidement à bout
sans rechute.
Les séances thérapeutiques ultérieures consistent donc essentielle-
ment à poursuivre en profondeur le traitement de son Hypo sur la
« détermination », identifié clairement comme la « clef de voûte » de sa
Sonnette et donc, sans doute, de sa rechute de cet automne 2012 (sans
doute en « miroir » d’un effet rebond de PGS, même si l’efficacité très
relative des exercices de traitement du PGS laisse à penser qu’il ne

239
La thérapie neurocognitive et comportementale

constituait pas le paramètre central ?). À chaque mini-rechute, au fil des


jours et notamment plusieurs matins par semaine, au réveil (comme si
les structures limbiques reprenaient bien souvent la Gouvernance au
cours des fins de nuit), es exercices d’Hypo « étouffent » littéralement,
à condition d’être mis en œuvre sans tarder, les symptômes qui dispa-
raissent rapidement. Le travail sur le PGS, longtemps nécessaire et effi-
cace, devient de moins en moins nécessaire jusqu’à un arrêt total du
traitement de fond au cours de l’année 2013, sans rechute, alors qu’elle
en effectuait, au cours des années 2011 et 2012, avant son hospitalisa-
tion, une, deux voire trois heures par jour pour venir à bout de ses ten-
dances aux crises. Elle est ainsi passée en un an d’un niveau de PG
soumis 4/5 à moins de 2 et même plutôt 1.
Un an et demi plus tard (début 2014), Isabelle a repris la conduite (elle
ne sentait plus en état de conduire depuis sa rechute somatoforme de
2011), vit seule dans une maison très isolée, exécute toutes les activités
domestiques qu’elle ne réalisait plus et s’est engagée dans l’éducation d’un
jeune chien, elle fait plusieurs heures de sport par jour et progresse lente-
ment mais sûrement, elle a repris à temps partiel mais croissant son métier
d’artiste, toutes choses qu’elle ne parvenait plus à réaliser depuis bien
longtemps (qu’elle avait perdue par étape depuis sa première crise de 2000).

À retenir
Tout comme pour le cas de Clara, il est intéressant de voir que la soumis-
sion d’Isabelle s’est montrée pathogène du fait d’une interaction avec des
Hypos. Chaque fois que les événements de sa vie l’amenaient à améliorer
sa situation, Isabelle se trouvait confrontée à ses Hypos sur la prise en
main, confrontation qui attisait également sa soumission. Le travail
d’Hypo a ainsi permis une diminution radicale de sa soumission et du trai-
tement médicamenteux, mais également une vie plus active.

6.3. Tanguy : cas de bipolarité traité en TNC

Généralités
Tanguy est diagnostiqué comme présentant des troubles bipolaires. Il
manifeste depuis son adolescence des crises régulières alternant entre une
forte anxiété, une dépression, des tendances suicidaires et des comporte-
ments agressifs. Adulte, il fait montre d’une grande instabilité sociale et
professionnelle. Le lithium n’a pas d’effet sur ses troubles.

240
Stratégie thérapeutique globale

Comportement apparent
Lorsque Tanguy s’engage dans une thérapie de type TNC, il a 57 ans. Il
sort tout juste d’une hospitalisation psychiatrique. Cette hospitalisation a
été la conséquence d’une crise importante d’angoisse impliquant un risque
de suicide qui perdure au-delà de son séjour en centre de soins. Aucun
traitement médicamenteux ne lui a été délivré pendant son hospitalisa-
tion, les médecins l’ayant pris en charge étant d’obédience psychanaly-
tique et le lithium n’ayant pas montré d’effet auparavant. Tanguy n’a pas
non plus pris de tel traitement lors de la thérapie TNC.
Lorsque l’on observe Tanguy en groupe, il présente une apparente timi-
dité sociale, se montre très introverti et plutôt attentionné envers les
autres. Ce comportement, associé à son angoisse, à ses envies suicidaires,
au fait qu’il soit attiré par des personnes présentant un tempérament fort
et plutôt dominant, et au fait que le patient n’évoque pas tout de suite ses
antécédents psychiatriques, fait tout d’abord penser à un profil de soumis-
sion. Lorsque le thérapeute évoque les symptômes de soumission et de
dominance, le patient dit se reconnaître dans les symptômes de soumis-
sion et exclut totalement la dominance chez lui. Le psychothérapeute lui
propose alors la réalisation des exercices de traitement du PGS. Au terme
de quinze jours d’exercices quotidiens, Tanguy se montre violent verbale-
ment et ressent des impulsions de violence physique, ayant besoin de cas-
ser des objets pour se calmer. Cette montée inattendue de violence
inquiète Tanguy, qui se confie alors davantage à son thérapeute. Un nou-
veau diagnostic est posé.

Diagnostic
Suite à cet accès d’agressivité, Tanguy parle de ses antécédents à son thé-
rapeute. Il témoigne également du fait qu’adolescent, il pratiquait des acti-
vités plutôt violentes. Au fil de la discussion, le thérapeute met en
évidence une sonnette comprenant les Contenants suivants :
– PG dominant,
– PG marginal,
– Hypo sur l’immoralité et la manipulation,
– Antivaleurs liées à l’injustice et à la malhonnêteté (P. LE IIre),
– Antivaleurs liées à l’insécurité (P. FE IIre),
– Antivaleurs liées à l’agressivité (P. FR IIre),
– Un Hyper Méta sur le fait d’être aimé,
– Un Hypo sur les symptômes manifestes de son anxiété

241
La thérapie neurocognitive et comportementale

Le thérapeute peut constater les interactions suivantes :


– Le PG marginal de Tanguy, ses Hypos sur l’immoralité et la mani-
pulation, ses antivaleurs liées à l’injustice et à la malhonnêteté lui
rendent insupportables les impulsions liées à sa dominance. Sa domi-
nance ne se traduit publiquement que par de petits gestes brusques
et discrets, pouvant laisser croire à un léger agacement.
– La recherche de personnes à caractère fort le rassure quant à sa
propre instabilité et insécurité.
– Son Hyper Méta sur le fait d’être aimé l’empêche encore davantage
de révéler ses accès de dominance (à ce titre, il manifeste d’ailleurs
une RH quant au fait de se sentir dominant). En outre, le fait de
cacher ses impulsions de dominance est source de souffrance puisque
considéré à ses yeux comme de la manipulation et de la malhonnê-
teté (Hypos et antivaleurs).
Les différents éléments de cette sonnette participent à une apparente
bipolarité, qui se révèle être, globalement, une alternance entre ses accès
de dominance, de marginalité et ses RH. L’absence d’effet du lithium
pourrait être expliquée par le fait que le cas de Tanguy ne soit pas celui
d’une réelle bipolarité.
Par ailleurs, les exercices destinés à traiter la soumission au début de la
thérapie TNC ont fort probablement déclenché la crise de violence
jusque-là contenue et maîtrisée par le patient. Ces exercices n’expliquent
cependant pas pourquoi le patient a eu une soudaine crise et des envies
suicidaires l’ayant amené à être hospitalisé avant le commencement de la
thérapie TNC. Le thérapeute a émis l’hypothèse, d’après les témoignages
du patient, que celui-ci s’est trouvé dans une situation de conflit moral
engageant sa situation financière. Il était alors partagé entre le fait de se
comporter égoïstement, être en situation d’insécurité psychologique et
financière, et se comporter de façon malhonnête. Ce contexte semble
avoir attisé la sonnette et déclenché des symptômes importants.

Stratégie thérapeutique
Une fois la sonnette de Tanguy identifiée, la thérapie consiste à traiter ses
Contenants un à un, en commençant par les éléments les plus faibles pour
en venir à traiter les plus forts. Aussi, le thérapeute réalise tout d’abord
un travail sur l’acceptation des symptômes d’anxiété, puis sur la prise de
recul vis-à-vis des antivaleurs (GMM). À la suite de cela, un travail cogni-
tif puis comportemental des Hypos de Tanguy est effectué. Le travail por-
tant sur l’Hypo Méta de l’Hyper Méta est particulièrement bénéfique : il

242
Stratégie thérapeutique globale

consiste à jouer le rôle d’un individu se montrant égoïste et disant des


choses désagréables sans justification morale. Enfin, les exercices destinés
à traiter la dominance sont abordés.
À chaque étape de cette stratégie, le thérapeute demande au patient
de se remettre dans la situation l’ayant conduit à l’hospitalisation. Il peut
alors vérifier si le travail effectué a été bénéfique et pertinent, et quels sont
les Contenants restant à travailler. Cette stratégie est répétée de façon
cyclique pendant deux à trois mois, jusqu’à ce que la tendance anxieuse
de fond du patient s’estompe. Durant les quatrième à sixième mois de la
thérapie, le patient n’exécute plus que des exercices de PG. Au terme de
six mois, quand l’ensemble de ces Contenants a été traité et que le PG se
trouve diminué, Tanguy se montre calme à la ré-évocation de la situation
qui le faisait paniquer. Il parvient à résoudre sans perturbation le dilemme
moral qui le préoccupait. Tanguy a aujourd’hui 63 ans, il n’a pas rechuté
depuis sa thérapie TNC.

À retenir
Plusieurs points importants sont à relever dans ce cas atypique. Tout
d’abord, nous avons pu voir ici que la dominance peut être camouflée par
d’autres Contenants de telle façon que l’on puisse croire à de la soumis-
sion. En outre, nous pouvons constater que les exercices de PG ne produi-
sent pas un effet placebo : dans un cas de contre-indication, ils aggravent
l’état du patient, alors même que celui-ci se déclare et se voudrait soumis.
Les cas que nous présentons ci-après confirment cette observation.
À l’issue de ce cas, nous nous sommes posé la question de savoir si les
individus présentant un trouble bipolaire résistant au lithium ne souf-
fraient pas en réalité d’une sonnette impliquant des comportements
extrêmes et relativement opposés. Nous souhaitons élucider cette question
lors de nos prochains travaux. En effet, la prise en charge brève d’un autre
patient diagnostiqué bipolaire et présentant une réelle alternance de com-
portements de soumission et de dominance nous a confortés dans l’idée
que différentes synergies de Contenants peuvent être interprétées comme
de la bipolarité. Cet autre patient avait été diagnostiqué par les mêmes
psychiatres (spécialistes reconnus du sujet) ayant observé cette même
pathologie chez Tanguy.
Pour finir, nous souhaitons attirer l’attention du lecteur sur le fait
qu’un Hypo sur l’agressivité n’empêche pas l’apparition d’un comporte-
ment agressif. Au contraire, la tension qui peut être générée par une
sonnette entre un tel Hypo et de la dominance peut rendre une agressi-
vité latente plus difficile à canaliser pour le patient.

243
La thérapie neurocognitive et comportementale

6.4. Simon et Nathalie, ou la difficulté


de faire accepter à un patient sa dominance

Simon
a) Généralités
Simon a 33 ans au commencement de la thérapie. Il est encore fortement
déprimé et sujet à panique, et présente des antécédents dépressivo-
suicidaires. Il regrette son échec universitaire et n’a jamais vraiment
exercé de métier, car il se montre très velléitaire dans ce qu’il entreprend.
Il est sous la dépendance de l’alcool et du tabac depuis de nombreuses
années. Il est issu d’un milieu culturel assez raffiné, et de façon générale
se montre plutôt agréable.

b) Diagnostic
Les symptômes cités ci-dessus et la tendance à l’autodestruction ont tout
d’abord suggéré un profil de soumission. Rapidement, Simon est en réa-
lité diagnostiqué comme dominant et marginal, mais lui-même exclut
toute possibilité d’être dominant. Au fur et à mesure que Simon com-
prend ce qu’est la dominance, il finit malheureusement par se sentir indé-
sirable et s’enferme dans un certain mutisme durant les séances de
thérapie. En effet, la dominance s’avère relativement incompatible avec
les valeurs qu’il présente (favorisant l’échange et le contact, P. IR Ire) et
ses Hypos sur la violence. Il lui est ainsi difficile d’assumer les caractéris-
tiques propres à la dominance, voire même celles de la marginalité, la
marginalité elle-même rendant difficile l’acceptation de la dominance.
Son thérapeute constate par ailleurs un Hypo Méta sur la prise de déci-
sion, le courage et la capacité à affronter, entravant sans doute également
les capacités d’acceptation de son profil et d’engagement vis-à-vis de la
thérapie. Simon est ainsi particulièrement lent à demander de l’aide et se
montre peu actif. D’un point de vue professionnel et relationnel, le thé-
rapeute observe que Simon présente les Hypers Méta de son Hypo Méta,
à savoir qu’il souhaiterait que soit reconnu et « porté à la gloire » le peu
qu’il fait, alors même qu’il ne tient pas ses engagements. Simon éprouve
alors un sentiment paradoxal de rancune vis-à-vis de ses partenaires pro-
fessionnels et familiaux, tandis qu’il se déçoit lui-même en constatant son
inactivité et le manquement à ses engagements.
Dans ce cas, le thérapeute n’a pu trouver de levier suffisant pour
aider Simon à accepter sa dominance et à le sortir de son mutisme.

244
Stratégie thérapeutique globale

Nathalie

a) Diagnostic
Nathalie a 37 ans au commencement de la thérapie. Son thérapeute met
en évidence, entre autres, un PG dominant, un PG marginal et des
Hypos sur l’inauthenticité, la manipulation, le fait d’occuper l’espace
pour ne rien dire et l’égocentrisme.

b) Stratégie thérapeutique
Au contraire de Simon et Tanguy, la dominance de Nathalie est assez
visible : en groupe, elle passe difficilement inaperçue (voix dont on sent
la puissance, tendance intrusive et imposante, elle laisse aisément à ses
interlocuteurs le sentiment qu’on peut difficilement lui refuser
quelque chose).
Malgré tout, le thérapeute de Nathalie se rend compte qu’en raison de
sa marginalité et de ses Hypos sur la manipulation, l’inauthenticité, l’égo-
centrisme et l’occupation inutile de l’espace social, la patiente n’est pas
prête à accepter le diagnostic de dominance. Plus encore, elle clame le
fait d’être soumise et considère que la dominance lui est étrangère. Son
thérapeute prend alors le parti délicat de « prouver » à la patiente sa
dominance. Pour ce faire, il s’assure de la mise en place de séances lon-
gues et rapprochées pour pouvoir établir une surveillance précautionneuse
de la patiente. Une fois ce créneau défini, il propose à Nathalie de faire
des exercices destinés à traiter non pas la dominance, mais la soumission.
Au terme de dix jours d’exercices, le thérapeute et la patiente constatent
une nette aggravation des comportements intrusifs de Nathalie, avec par
exemple des accès de séduction « musclée » de type « je veux ce partenaire
donc je le prends ». L’élément le plus convaincant pour Nathalie a été le
moment où, blême, elle se met à violenter une simple poignée de porte
sans raison, et déclare « je sens que je vais tout casser ». Cet accès inhabi-
tuel et incontrôlé de violence physique a permis une démonstration à la
patiente et une vérification du diagnostic. Suite à cela, Nathalie a pu
effectuer des exercices destinés à traiter sa dominance et s’en est trou-
vée apaisée.
Nous souhaitons évoquer un autre événement intéressant de la théra-
pie de Nathalie. Cet épisode montre que l’on doit être prudent lorsque
des symptômes de stress ou de tension apparaissent lors d’un exercice où
l’on devrait non pas constater une augmentation du stress, mais au
contraire un apaisement. Nathalie travaillait depuis un certain temps ses

245
La thérapie neurocognitive et comportementale

Hypos sur l’égocentrisme et la prise de place, en tenant un discours essen-


tiellement composé de « moi, moi, moi… » prononcé à voix haute et sur
un ton prétentieux. Bien que connaissant parfaitement le principe de
l’exercice et ayant déjà constaté ses bénéfices, Nathalie présenta une sou-
daine difficulté à le faire en groupe thérapeutique. Cette difficulté se tra-
duisit par un vécu de ridicule et notamment d’humiliation. En réalité,
nous pensons que l’exercice d’Hypo a déclenché un accès de dominance,
laquelle est sensible à l’humiliation (le vécu d’Hypo pouvant générer un
sentiment de ridicule). Le thérapeute a très rapidement détecté la tension
musculaire de Nathalie au cours de l’exercice d’Hypo et lui a demandé
d’arrêter tout de suite l’affrontement d’Hypo pour faire immédiatement
un exercice de PG. Nathalie n’est pas tout de suite parvenue à suivre les
conseils de son thérapeute, et a eu besoin de se défouler en criant et en
tapant violemment sur le parquet. Son thérapeute a continué, malgré la
crise de violence, à l’inviter à faire l’exercice, ce qu’elle a fini par entendre
malgré son état. L’exercice de PG a duré environ trois minutes.
Immédiatement après ces exercices, Nathalie a retrouvé son calme et a
pu reprendre les exercices d’Hypos qui avaient été commencés, mais cette
fois-ci sans difficulté.
À ce jour, la thérapie a pris fin depuis environ quatre ans, et la patiente
semble bien se porter.

À retenir
Les cas de Simon et Nathalie sont un exemple de la difficulté à faire
admettre à un individu sa dominance. L’annonce de ce diagnostic présente
le risque de perdre le patient ou sa confiance. Il est très utile de rappeler
au patient que l’on n’est pas responsable de ses Contenants, qu’un indi-
vidu n’est sûrement pas « que » dominance, que bien d’autres facettes
constituent sa personnalité et son intelligence, et que traiter sa dominance
et l’acceptation de celle-ci le rendra plus à même de gérer cette domi-
nance. Bien que paraissant plus acceptable socialement, la soumission est
parfois également délicate à faire entendre aux patients, lorsque ceux-ci
présentent par exemple de fortes antivaleurs sur la faiblesse ou la naïveté.
Le diagnostic doit être là aussi annoncé avec précaution.
La stratégie thérapeutique envisagée pour le cas de Nathalie est un
exemple pour lequel nous ne saurions trop prévenir le thérapeute qu’il
doit être absolument expérimenté, disposer d’un suivi rapproché du
patient, et d’un lien thérapeutique fort pour pouvoir se permettre d’appli-
quer des exercices contre-indiqués dans le but de démontrer et faire

246
Stratégie thérapeutique globale

accepter son diagnostic au patient. Le cas de Nathalie montre, tout


comme le cas de Tanguy, la puissance des exercices de PG et le fait qu’ils
ne provoquent pas un effet placebo. Il met également en lumière l’impor-
tance de la vigilance dont il faut faire preuve quant aux interactions pos-
sibles entre PG et Hypo ou exercice d’Hypo.

6.5. Arthur : soumission et pathologie de type Alzheimer

Généralités
Arthur présente une tendance anxio-dépressive depuis l’enfance. Sa mère
était dominante et son père, apparemment charmant, mourut en 1945 en
se suicidant en prison, du fait de ne plus pouvoir supporter les exactions
qui lui étaient infligées. Arthur lui-même n’a pas été épargné par la
Seconde Guerre mondiale, puisqu’il a été déporté et a dû s’évader des
camps. Après son évasion, Arthur a fait de brillantes études.
De façon générale, Arthur est fort apprécié de son entourage et des
gens qui le rencontrent, bien qu’il puisse se montrer parfois quelque peu
« capricieux ».
Arthur a 75 ans au moment que nous relatons ci-dessous.

Diagnostic
Arthur présente assurément un PG soumis. Ses quelques caprices sem-
blent relever d’une certaine rigidité, d’un côté quelque peu « diva » (P.
LR IIre) et d’Hypers. À la retraite, Arthur tombe dans une profonde
dépression. L’essentiel de sa thérapie porte sur le PG et la GMM car le
reste ne l’intéresse pas. Bien que la thérapie ait un effet bénéfique,
Arthur manifeste régulièrement des accès de panique car son améliora-
tion l’amène à se rebeller quelque peu contre son entourage, qui tend à
se montrer dominant avec lui et lui reproche de ne plus être le soumis
qu’il était.
Sa tendance anxio-dépressive finit cependant par disparaître, bien qu’il
se plaigne toujours de son entourage.
Arthur et sa femme passent un séjour dans une maison de vacances iso-
lée de tout. Cet isolement associé aux pressions qu’exerce son épouse sur
lui finit par déclencher une crise de panique majeure. Au téléphone, le
patient peine à terminer une phrase lorsqu’il appelle son thérapeute.
Quelques jours plus tard, en séance thérapeutique, il semble que son état

247
La thérapie neurocognitive et comportementale

se soit encore aggravé : Arthur présente une amnésie totale, ne parvient


pas à s’exprimer sans oublier le début de chaque phrase ou ce qu’il est
venu faire. Le thérapeute apprend à cette occasion que son patient a arrêté
les exercices de PG depuis six mois, alors qu’il les faisait jusque-là tous
les matins.

Stratégie thérapeutique
Dans l’impossibilité de le traiter d’une autre façon, le thérapeute tente
d’écrire un exercice de PG à cinq personnages très rudimentaires, compre-
nant une phrase simple par personnage. Le patient doit être guidé dans la
lecture de ce texte, car il oublie à chaque fin de phrase ce qu’il est en train
de dire et ne poursuit la lecture que si on lui rappelle de le faire. Le thé-
rapeute stimule Arthur de cette façon pendant cinq heures, répétant de
façon machinale l’exercice. Au fil de cette séance, la mémoire semble
revenir au patient. En fin de journée, il paraît normal et peut maintenir
une discussion. Arthur rentre chez lui. Le lendemain il rechute, mais
retrouve ses facultés au bout de deux heures d’exercices de PG, et parvient
à suivre la consigne de faire des exercices chez lui.
Dans les mois qui suivent, Arthur reprend une cadence plus raison-
nable de quelques exercices de PG par jour. Son état est revenu à la nor-
male. Il réussit à dire à son épouse qu’il ne souhaite plus aller dans leur
maison de vacances. Une année pourtant, il finit par céder et y retourne.
À nouveau, il rechute. Le même protocole est alors mis en place.
Cependant, cette fois-ci, cinq à dix heures d’exercices de PG par jour
s’avèrent nécessaires pendant plusieurs semaines pour stabiliser son état.
Au fur et à mesure des séances, il parvient à recouvrer un discours struc-
turé et se souvient de ce qui a été fait durant la séance précédente. Au
terme de trois ou quatre mois, il parvient à retrouver 70 % de sa mémoire,
reprend ses loisirs et ses activités. Il est à noter que ces crises d’angoisse et
d’amnésie ont amené Arthur à être diagnostiqué comme présentant un
trouble de type Alzheimer, et semblait intraitable. Sept ans plus tard,
Arthur a arrêté la thérapie, présente encore des difficultés par rapport à
son épouse, mais semble stabilisé. Il continue ses exercices de PG.

À retenir
Le cas d’Arthur illustre la notion de gouvernance des territoires en met-
tant en évidence une alternance entre un rapt de conscience, une perte
de nombreuses facultés cognitives et la récupération de ces mêmes capa-
cités après exercices thérapeutiques.

248
Stratégie thérapeutique globale

Il serait bien sûr intéressant d’étudier l’occurrence des symptômes de


PG sur une population d’individus présentant des troubles de type
Alzheimer, de façon à savoir si le cas d’Arthur est isolé ou si les exercices
de PG peuvent aider ces patients.

6.6. Édouard : importance de la pédagogie thérapeutique


dans un cas de schizophrénie

Généralités
Édouard a 30 ans lorsqu’il consulte en TNC. Ses parents sont catholiques
très pratiquants, plutôt intellectuels et ont une forte tendance moraliste
relative aux notions de bien et de mal. Édouard est schizophrène, vit chez
ses parents et n’a pas d’emploi. Il a été hospitalisé mais est adressé pour une
thérapie de type TNC en désespoir de cause, les psychiatres ne sachant que
faire. Édouard fait régulièrement des tentatives de suicide, se montre violent
vis-à-vis des objets. Il prend un traitement neuroleptique à dose maximale.
Ses troubles se manifestent également par le fait de se croire « habité par
le diable » et de penser que « le diable est dans sa botte ». Il exprime beau-
coup d’émotion en chaque chose. Ses sentiments à l’égard de ses parents
sont ambivalents, ils sont un mélange d’admiration, de haine et d’amour.

Diagnostic
La première séance d’Édouard avec son thérapeute TNC dure quatre à
cinq heures, dans le but d’établir un diagnostic le plus abouti possible.
Les Contenants qui sont alors mis en évidence sont les suivants :
– Personnalité désireuse de comprendre des concepts complexes
(P. AE Ire)
– Personnalité portée sur les aspects sécuritaires, sur le détail (P. FE Ire)
– Personnalité créative refoulée (P. FR Ire)
– Antivaleurs portant sur l’insécurité (P. FE IIre)
– Antivaleurs portant sur le manque d’intelligence, sur l’inefficacité,
l’injustice, l’insouciance (P. LE IIre)
– PG marginal
– PG soumis en alternance possible avec du PG dominant
– Hypo sur l’immoralité
– Hypo Méta sur la futilité, l’affirmation de soi, l’amour de soi, sur
l’instabilité (notamment en lien avec la P. FR Ire), les métiers consi-
dérés comme manquant de sérieux à ses yeux, le côté « diva » pou-
vant être associé au caractère des artistes.

249
La thérapie neurocognitive et comportementale

Stratégie thérapeutique
Durant la première séance avec Édouard, le thérapeute aborde la pédago-
gie portant sur le PG soumis. Comme celle-ci semble faire écho chez le
patient, le thérapeute invite Édouard à faire un exercice pour traiter sa sou-
mission, profitant de l’intérêt momentané du patient pour le concept. À
l’évocation de l’exercice, Édouard montre une légère panique alors qu’il
s’était montré soulagé à l’évocation du diagnostic. Fort des enseignements
qu’il a pu recevoir en TCC, le thérapeute décide de passer outre cet indi-
cateur, puisqu’il est considéré en TCC qu’il n’est jamais dangereux d’affron-
ter une panique. Aussi, le thérapeute constate effectivement que l’exercice
destiné à traiter la soumission du patient soulage celui-ci. Cependant, au
sortir de la séance, le patient, qui habite en province, se perd dans Paris et
passe la nuit dehors. Cet incident provoque un effet rebond de margina-
lité, induisant un accès de méfiance vis-à-vis du thérapeute.
Le patient finit par donner de ses nouvelles par courriel et revient en
séance quinze jours plus tard, mais cette fois-ci accompagné. Le théra-
peute se contente alors de faire une thérapie essentiellement cognitive,
portée notamment sur la pédagogie (explication, description, déculpabi-
lisation), l’acceptation et la prise de recul à avoir vis-à-vis de ses
Contenants. Il travaille plus particulièrement au fait d’expliquer
à Édouard ce que peuvent être les niveaux de gouvernance, en l’invitant
à toujours se poser la question de savoir « qui lui parle » (son PG, ses
antivaleurs, son intelligence et sa rationalité ?). Le thérapeute a égale-
ment tenté de dé-refouler quelque peu la personnalité créative d’Édouard
(P. FR Ire), en faisant un travail là aussi de pédagogie (explication de
cette personnalité), de déculpabilisation, d’acceptation et de revalorisa-
tion de cette personnalité.
Le suivi d’Édouard en TNC a fait l’objet de cinq séances de quatre
heures, à raison d’une séance par mois environ. Au terme de ces séances,
l’amélioration d’Édouard fut spectaculaire : sa dépression a disparu, il n’a
plus montré d’accès de violence, il a pu fortement réduire le dosage de ses
médicaments et s’est installé à son compte professionnel dans l’année qui
a suivi la thérapie. À ce jour, environ quatre ans après cette thérapie,
Édouard s’est marié, il vit toujours de sa profession, il paie lui-même l’ap-
partement qu’il partage avec son épouse, il est inscrit à des réseaux sociaux,
côtoie des amis et compose de la musique. Il n’a plus fait de tentative de
suicide. Édouard envoie régulièrement des courriels à son thérapeute en
lui faisant part de sa progression, et indiquant par moments « qu’il a tou-
jours le diable dans le pied mais qu’il sait que ce n’est pas le diable ».

250
Stratégie thérapeutique globale

À retenir
Le cas d’Édouard est intéressant pour plusieurs raisons : tout d’abord, les
délires qu’il présente semblent de l’ordre du PG. Bien que cela n’ait pu
être prouvé, le fait que la pédagogie du PG l’ait soulagé est selon nous
signe de cohérence d’un point de vue diagnostic (cf. Modèle des modes
mentaux, Annexe 1). Cette pédagogie montre d’ailleurs toute son
importance et son utilité dans le cas d’Édouard, puisqu’elle a constitué
l’essentiel de sa thérapie. En effet, il n’était pas envisageable que les
exercices de PG, trop confrontants pour le patient, ne soient supervisés
et suivis que de loin en loin (une fois par mois), en raison de la distance
géographique.

6.7. Noémie : effet du traitement du PG


et des Hypos sur un cas de schizophrénie

Généralités
Noémie, au moment de sa première consultation en TNC, a 30 ans. Elle
est mariée et n’a pas d’enfants.
Lors de son enfance, elle a été confrontée à une mère soumise et à un
père qu’elle percevait comme glacial. La mère de la patiente admirait
la sœur (dominante) de Noémie, tandis qu’elle n’assumait pas Noémie
et la dépréciait de façon ouverte. Un événement traumatisant pour la
patiente a été une fois où elle a montré sa colère, aux alentours de
15 ans, à sa mère et à sa sœur. Colère qui a été très mal perçue par sa
famille et dont Noémie a mal vécu les retombées. Depuis cet événement,
la patiente présente des troubles de la cénesthésie, qui ne semblent pas
avoir de support neurologique spécifique mais qui se traduisent par une
sensation d’avoir le cerveau en carton-pâte et qui se rétracte, sans par-
venir à penser à autre chose qu’à cette sensation. Ce trouble persiste
depuis lors, fluctue et se manifeste notamment lorsque quelque chose
la perturbe.
Noémie présente depuis l’enfance des problèmes d’intégration sociale.
Elle semble avoir été souffre-douleur à l’école mais elle a malgré tout
accédé à des études lui permettant de trouver un emploi, cependant rela-
tivement peu valorisé. Au travail, ses relations professionnelles sont diffi-
ciles, elle souffre d’un rejet social profond.
Son mari se présente comme quelqu’un d’assez introverti, qui se plaint
souvent et lui adresse régulièrement des reproches.

251
La thérapie neurocognitive et comportementale

Au moment où elle débute sa thérapie TNC, Noémie a été diagnosti-


quée schizophrène depuis plusieurs années et prend des neuroleptiques à
forte dose. Par ailleurs, elle montre une difficulté à lire et décrire les sen-
timents des autres et les siens (alexithymie). Elle présente également un
blocage corporel très important (se traduisant par le fait de se mouvoir
de façon peu naturelle, désincarnée) et un vocabulaire pauvre (problème
de compréhension de mots simples) dont on suppose qu’il est moins lié à
un manque de culture qu’il n’est une conséquence de ses troubles.

Diagnostic
D’après son thérapeute, Noémie présente les Contenants suivants :
– Personnalité affective refoulée (P. IR Ire et IIre)
– Personnalité portée sur la compréhension de concepts complexes (P.
AE Ire et IIre)
– Personnalité portée sur la sécurité et le détail (P. FE Ire et IIre)
– PG soumis très important
– PG marginal léger
– Hypo Méta sur le fait d’exprimer son opinion et ses sentiments
– Hypo sur tout ce qui touche à l’expression corporelle

Stratégie thérapeutique
Une fois le diagnostic posé, le thérapeute de Noémie se trouve très rapide-
ment confronté à son blocage corporel, qui entrave les différents exercices
comportementaux possibles (PG, Hypos, etc.). Plus clairement, le théra-
peute parvient à faire faire à la patiente des exercices traitant la soumission,
mais ceux-ci sont sans effet. À ce stade de la thérapie, le thérapeute se
demande alors si le manque d’effet des exercices est dû au fait que Noémie
n’a pas de soumission ou au fait qu’elle habite si peu les rôles qu’on lui
demande de jouer, tel un automate. En raison des difficultés de compréhen-
sion majeures de la patiente, le travail cognitif est par ailleurs très limité.
Le maigre travail comportemental réalisé sur les Hypos parvient cepen-
dant à améliorer quelque peu la patiente qui décide alors, à l’insu de son
psychiatre et de son psychothérapeute, d’arrêter son traitement neurolep-
tique dont on rappelle qu’il était à forte dose. Cet arrêt aboutit, comme
on peut l’imaginer, à une crise l’amenant à être hospitalisée. Elle sort
ensuite de l’hôpital à nouveau sous traitement, et reprend sa thérapie.
À cette époque, Noémie développe une phobie/(ou un Hypo massif ?)
sur le fait d’uriner en public. Ce trouble se manifeste suite à une légère

252
Stratégie thérapeutique globale

fuite urinaire apparaissant alors qu’elle n’est pas allée aux toilettes depuis
un très long moment. Noémie considère cet incident comme totalement
inassumable et témoignant de son côté asocial. À un certain stade, Noémie
limite ses déplacements et ses sorties car elle souhaite ne jamais être éloi-
gnée de toilettes. Le travail corporel n’étant pas possible et le travail cogni-
tif étant très limité, aucune progression n’est constatée pendant un an.
Ce manque de progression décide le thérapeute de prendre le parti délicat
de faire affronter à la patiente sa phobie d’uriner en public. Malgré la consigne
considérée usuellement en TCC, et invitant les thérapeutes à ne rien impo-
ser « d’anormal » socialement parlant, le thérapeute tente de convaincre la
patiente, pendant plusieurs séances, d’uriner en public. La patiente finit par
accepter. Le thérapeute entame donc un traitement classique de désensibili-
sation progressive de la phobie. La progression est la suivante :
– 1ère séance : Noémie vient en séance individuelle, elle va aux toi-
lettes durant la séance, urine dans ses sous-vêtements, et se change.
– 2e séance : Noémie vient en séance individuelle, va aux toilettes,
urine à travers ses sous-vêtements et son survêtement, et se change.
– 3e séance : Noémie vient en séance individuelle, et a pour consigne
d’uriner au-dessus d’un seau, dans ses vêtements, devant son thérapeute.
– 3e séance : Noémie, en séance de groupe (groupe de confiance),
annonce au groupe ce qu’elle va faire et pourquoi elle doit le faire
(vaincre sa phobie) : elle urine donc devant tout le monde au tra-
vers de ses vêtements.
– 4e séance : Noémie, en séance de groupe, urine au travers de ses
vêtements sans prévenir les membres du groupe du pourquoi de la
démarche, en assumant son geste sans le justifier.
À l’issue de chaque étape, le thérapeute vérifie bien sûr que l’angoisse
de la patiente tombe et qu’elle est apaisée (sans quoi il ne poursuit pas la
démarche). Cette thérapie quelque peu osée permet alors de dégeler com-
plètement le comportement de Noémie, qui se trouve plus à l’aise corpo-
rellement et semble avoir acquis de la confiance en elle : ce travail l’a
menée à gagner de la détermination (grâce à un travail sur l’individuali-
sation, cf. Annexe 1). Elle n’a plus peur d’uriner en public.
Suite à cette étape majeure, tout le travail comportemental peut
réellement commencer : Noémie réalise des exercices pour traiter son
PGS qui semble cette fois-ci avoir un effet, de même que son travail
comportemental sur ses Hypos. Tout se passe comme si un trou avait
été percé dans la carapace que constituait sa schizophrénie. Son manque
d’expression émotionnelle n’apparaît plus, ses affrontements sont

253
La thérapie neurocognitive et comportementale

expressifs et très efficaces. Elle se métamorphose alors en six mois : elle


se sociabilise, parvient à se faire des amis au travail, elle normalise ses
relations avec ses supérieurs, ses relations avec son mari sont améliorées
(elle lui tient davantage tête sur les reproches qu’il peut lui faire),
elle renoue des relations avec sa mère, son père et sa sœur. Par ailleurs
elle constate que sa cénesthésie a fortement diminué, presque disparu.
Son thérapeute remarque également que son vocabulaire s’est amélioré,
il semble normal.
Un événement majeur vient cependant perturber son amélioration :
elle est licenciée alors que son thérapeute doit se défaire de sa patien-
tèle. Son thérapeute craint qu’elle rechute, malgré ses exercices de PG
quotidiens. Malgré cela, Noémie se prend en main, elle parvient à s’ins-
crire à Pôle Emploi, participe à des stages pour une remise à niveau, et
finit par être recrutée dans une entreprise de grande dimension. Depuis,
elle progresse au sein de l’entreprise et se trouve aujourd’hui missionnée
pour aller chez des clients, choses qui paraissaient inimaginables autre-
fois. Parallèlement à cela, sa cénesthésie se dégrade malheureusement
fortement. Notre hypothèse est que Noémie s’est améliorée trop vite,
trop rapidement et dans trop de domaines, ce qui a pu générer un effet
rebond se manifestant par une aggravation de sa cénesthésie. Alors
qu’elle n’était plus qu’à 200 mg d’amisulpride (dosage considéré comme
placebo), le psychiatre de Noémie décide, en collaboration avec son psy-
chothérapeute, de porter à une dose maximale son traitement. Les neu-
roleptiques n’ont pas d’effet sur sa cénesthésie. Noémie finit par suivre
la méthode Quertant10 : son trouble disparaît pendant quelques années,
puis réapparaît.
Trois ans plus tard, Noémie donne régulièrement de ses nouvelles à son
ancien thérapeute : elle continue les exercices de PG (deux à trois fois par
jour) et semble aller bien en dehors de sa cénesthésie, partiellement revenue.

À retenir
Tout d’abord, le cas de Noémie montre le bénéfice du traitement d’un
Hypo massif et du PG sur sa schizophrénie. À ce titre, il serait intéressant
de voir dans quelle mesure un tel bénéfice peut se renouveler chez des
patients présentant des troubles apparentés.

10. Méthode reposant sur le principe d’une forme de rééducation neurophysiologique de


la perception visuelle, et qui aurait des effets sur certains troubles psychologiques et
psychosomatiques.

254
Stratégie thérapeutique globale

Par ailleurs, ce cas illustre la mesure que le thérapeute doit avoir du


caractère hors norme de la stratégie qui peut être proposée au patient, de
la possibilité qu’elle puisse paraître choquante aux yeux du patient mais
également à ceux du groupe et en cela qu’il y ait un risque de perdre le
patient. Malgré cela, le thérapeute doit considérer le bénéfice que cette
stratégie peut apporter au patient. La pédagogie doit être dans de tels cas
fortement renseignée, consolidée, et sa compréhension vérifiée auprès du
patient, tout autant que la confiance thérapeutique. Ceci amène à réha-
biliter, d’un certain point de vue, la question du « pourquoi ce trouble ? »,
qui n’est généralement pas souhaitée ou abordée en TCC. Or le pourquoi
n’est ici pas tant « freudien » que cognitif. Comprendre, a priori, ce qu’il
en est des causes et des effets, permet un accompagnement et une avan-
cée du patient tout à fait primordiaux dans des cas comme celui
de Noémie.

6.8. Olivia et Albert : effet du traitement du PG


sur les TOC
Nous présentons ici une synthèse de deux cas de TOC (Troubles
Obsessionnels et Compulsifs) traités à l’aide d’exercices de PG. Ces deux
cas ont déjà fait l’objet d’une publication (Lefrançois et al., 2013, op.
cit.), c’est pourquoi nous n’en livrons qu’un bref aperçu dans cet ouvrage.
En revanche, l’annexe 3 décrit de façon détaillée un troisième cas de
TOC proposant le même type de protocole que celui suivi par Olivia
et Albert.

Olivia

a) Généralités
Olivia a environ 60 ans. Elle présente des TOC de lavage depuis sa gros-
sesse. Ses TOC durent une dizaine d’heures par jour à toute une journée
selon les périodes. Au moment de commencer le protocole thérapeu-
tique, Olivia a tenté plusieurs types de thérapies, a été hospitalisée plu-
sieurs fois, a fait quelques tentatives de suicide et présenté des phases de
dépression. Elle n’a jamais montré de diminution particulière de ses
TOC, si ce n’est pendant ses phases de dépression sévère, notamment
après son divorce. Elle prend un traitement médicamenteux pour ses
TOC et par moments pour ses phases de dépression. Les spécialistes la
considèrent incurable.

255
La thérapie neurocognitive et comportementale

De prime abord, Olivia apparaît comme quelqu’un de très timide en


société. Pourtant, elle est réputée pour être relativement difficile, plain-
tive et exigeante avec ses thérapeutes et parfois avec son entourage, ce qui
pourrait suggérer un PG dominant.
b) Diagnostic et Stratégie thérapeutique
Les séances thérapeutiques dévoilent qu’Olivia a en réalité un PG soumis
causant probablement ses TOC : elle présente une culpabilité irrationnelle
et infondée à l’idée de se souiller potentiellement et de contaminer les
gens. Pour éviter cela, Olivia peut se laver (les mains, le corps, ses vête-
ments) pendant plusieurs heures par jour. Pour pouvoir respecter ses rituels
de TOC et espérer soulager sa culpabilité, Olivia exerce une forme de
tyrannie paradoxale à l’égard de quiconque souhaitant la dissuader ou
l’empêchant malencontreusement de réaliser ses rituels.
Par ailleurs, Olivia présente un Hypo Méta sur la féminité et la séduc-
tion, ce qui engendre chez elle un Hyper Méta sur son trouble, lequel lui
permet d’attirer l’attention et de susciter l’intérêt (à ses yeux) sans avoir
à en passer par une forme quelconque de séduction.
La question s’est bien évidemment posée de savoir si la patiente pou-
vait et voulait bien être traitée ou pas. La réponse s’est avérée difficile au
sens où bien sûr la patiente a déclaré vouloir être guérie – mais cela n’est
pas qu’une simple requête et fait aussi partie de son trouble (attirer l’at-
tention, faire en sorte que l’on s’occupe d’elle) – tandis qu’elle met beau-
coup de volonté à ne pas suivre le traitement, ce qui fait également partie
de son trouble (l’idée que son trouble disparaisse la fait se sentir moins
intéressante). Le risque de suicide étant, la réponse s’est naturellement
orientée vers le fait de tenter de la traiter.
c) Stratégie thérapeutique
Au terme de nombreuses négociations, le thérapeute parvient à convaincre
Olivia de suivre un protocole thérapeutique rapproché, intense et de faire
des exercices de PG destinés à traiter la soumission.
Il lui propose alors de faire des exercices de PG avant, pendant et après
ses rituels de lavage. Pour ce faire, le thérapeute met en place l’organisa-
tion suivante chaque matin :
1. Le thérapeute renégocie avec la patiente la mise en œuvre du
traitement,
2. Le thérapeute aide la patiente à faire ses exercices de PG avant
qu’elle pratique ses ablutions, de façon à ce qu’elle trouve la volonté
nécessaire de se confronter à l’arrêt de ses rituels

256
Stratégie thérapeutique globale

3. Le thérapeute guide la patiente à voix haute, à travers la porte des


toilettes puis de la salle de bain, pour qu’elle continue à faire ses
exercices pendant ses rituels.
4. La patiente réalise encore quelques cycles de PG (environ trois)
juste après sa douche
5. La patiente réalise ses exercices encore deux à trois fois dans la journée
Cette organisation a été respectée quotidiennement pendant quinze
jours. L’objectif de cette technique est de remplacer provisoirement l’ob-
session que peut avoir Olivia sur le fait de contaminer les gens par les
exercices de PG. En d’autres termes, on occupe son « espace mental » avec
des exercices de PG plutôt qu’avec ses obsessions. L’hypothèse est qu’en
supprimant l’obsession, nous supprimons le fait de céder à la compulsion
du rituel, ajouté au fait que les exercices de PG sont censés diminuer la
culpabilité irrationnelle, ce qui augmente un peu plus les chances de suc-
cès thérapeutique.
Ces hypothèses s’avèrent être une bonne intuition, car très rapide-
ment, de jour en jour, Olivia montre une amélioration assez fulgurante.
Tandis qu’elle passait une heure aux toilettes et jusqu’à trois heures sous
la douche chaque matin, la patiente finit par ne plus passer que 10 à 20
minutes aux latrines et 20 minutes pour faire sa toilette et se préparer
(lavage des cheveux, séchage et habillage compris). Par ailleurs, si Olivia
présentait des obsessions toute la journée, celles-ci disparaissent rapide-
ment pendant le protocole thérapeutique. La cadence des exercices dimi-
nue en même temps que la longueur de ses rituels, mais Olivia doit
maintenir des séances quotidiennes d’exercices (environ une heure par
jour en tout) pour ne pas rechuter. Ces progrès, qui n’avaient jamais eu
lieu auparavant et même en hospitalisation, sont constatés en l’espace de
quinze jours. À la fin de cette période, Olivia se considère heureuse et dit
n’avoir jamais été aussi bien.
Suite à cela, le thérapeute propose à la patiente une deuxième phase
stratégique, visant l’autonomisation de la patiente. Cette étape apparaît
comme la plus délicate. Sachant cette étape difficile, le thérapeute prend
soin de ré-augmenter le nombre d’exercices. Il demande donc à la patiente
de faire des exercices avant, pendant, après sa toilette, puis une fois dans
la journée et une autre fois le soir avant de se coucher. Tous les exercices
sont guidés grâce un suivi par téléphone avec le thérapeute, excepté, bien
évidemment, les exercices effectués pendant la toilette, que la patiente
réalise seule. Rapidement, le thérapeute constate malheureusement que la
patiente négocie de plus en plus la réalisation de ses exercices, demande
de plus en plus de temps au téléphone, montre de plus en plus de reproches

257
La thérapie neurocognitive et comportementale

à son thérapeute au fur et à mesure que celui-ci essaie de la conduire vers


l’autonomie. Environ trois semaines après le début de cette seconde étape,
Olivia manque, déplace ou annule des rendez-vous téléphoniques et se
plaint parallèlement que la thérapie ne l’améliore finalement pas. Le peu
d’exercices qu’elle réalise sont mal faits, elle prononce un texte qui n’est
pas du tout approprié et ne se laisse pas corriger par le thérapeute, alors
qu’elle a déjà montré qu’elle savait les faire toute seule sans être guidée.
Le thérapeute décide de la voir à nouveau pour tenter, cette fois-ci, de
traiter l’Hypo de son Hyper, qui entrave manifestement le suivi d’un quel-
conque traitement. La patiente accepte, réalise vaguement les exercices
d’Hypos qui lui sont demandés. Après cette séance, le thérapeute constate
à nouveau une légère amélioration, du fait qu’Olivia reprend un peu ses
exercices de PG. Malheureusement, certains événements dans la vie d’Oli-
via (décès familial, éloignement de certains proches) la poussent à refuser
catégoriquement de continuer ses exercices, arguant qu’elle ne souhaite
pas perdre du temps à faire ses exercices et en passer plus avec ses proches.
Elle accepte cependant de continuer à suivre une évaluation de ses symp-
tômes de TOC pendant quelques semaines, lesquels montrent une ré-
acutisation importante dès l’arrêt complet des exercices de PG.
Depuis cette période, environ trois ans plus tard, Olivia ne semble pas
avoir rechuté au point où elle en était avant cette phase thérapeutique. Elle
dit avoir moins de TOC qu’avant et se porter mieux, même si elle déplore
que ses obsessions et compulsions ne soient manifestement pas parties.

Albert
Albert a environ 35 ans au commencement de la thérapie TNC. Il suit
une thérapie cognitive depuis 5 ans. Il présente des TOC de vérification
depuis qu’il a dépassé un camion en voiture, et pensé après cela que cette
manœuvre avait été dangereuse. Cet incident a eu lieu sept ans avant qu’il
commence sa thérapie TNC.
Les TOC d’Albert se traduisent par le fait qu’il achète un certain
nombre de journaux pour vérifier dans les faits divers s’il n’a pas généré
d’accident en parcourant la ville. De plus, il reste un long moment sur un
trottoir avant de traverser une rue par crainte de provoquer un accident
en traversant. Une fois qu’il est parvenu à traverser (généralement une
heure après avoir attendu de traverser), Albert reste environ une heure
de plus sur le trottoir d’en face, de façon à vérifier qu’il n’a pas généré
d’accident en traversant. Les obsessions liées au fait d’avoir pu porter
atteinte à autrui durent souvent une grande partie de la journée. En

258
Stratégie thérapeutique globale

raison de ses TOC, Albert limite énormément ses déplacements (ne sort
pas déjeuner avec ses collègues ou s’interdit certains loisirs, par exemple),
alors qu’il est d’un naturel plutôt disposé à profiter de sorties entre amis
ou collègues.

a) Diagnostic et Stratégie thérapeutique


De façon assez évidente, Albert présente de la soumission. Il apparaît
comme un homme discret, réservé, mais fort aimable, et semble avoir une
légère difficulté à dire non, bien qu’il puisse y parvenir lorsqu’il le décide
fermement. Au fur et à mesure des séances, le thérapeute se rend compte
que le patient a sans doute également un peu de marginalité.
Sans équivoque, l’inquiétude et la culpabilité irrationnelles qu’Albert
éprouve vis-à-vis du fait de provoquer, potentiellement, un accident, par-
ticipent à ses compulsions. Aussi, le thérapeute décide de proposer à Albert
un protocole thérapeutique alternant des phases de traitement et des
phases sans traitement, de façon à pouvoir s’assurer de l’impact bénéfique
des exercices de PG sur les TOC. Concrètement, la première séance est
dédiée au fait de montrer à Albert comment faire les exercices destinés à
traiter la soumission. Par la suite, les exercices sont essentiellement véri-
fiés par téléphone, avec le thérapeute, une à deux fois par semaine, pen-
dant les phases de traitement. En dehors des séances téléphoniques, Albert
continue de faire des exercices environ deux à trois fois par jour de façon
autonome. Lors des phases sans traitement, le thérapeute continue d’ap-
peler le patient une à deux fois par semaine, de façon à maintenir le
contact, mais aucun exercice n’est réalisé. Des mesures des TOC et du PG
sont régulièrement réalisées. Le thérapeute constate alors plusieurs choses :
– Les TOC tendent à disparaître tout au long d’une phase de traite-
ment, et cet effet perdure jusqu’à une semaine après l’arrêt du trai-
tement, après quoi les symptômes de TOC recommencent
à augmenter.
– Globalement, les symptômes TOC reprennent durant les phases sans
traitement, parfois plus fortement encore qu’avant le commencement
de la thérapie, mais les symptômes diminuent à nouveau à la reprise
des exercices.
– Les symptômes de soumission suivent à peu près les mêmes courbes
d’évolution que les symptômes TOC.
Ce qui marque particulièrement le thérapeute est le fait qu’en trois
semaines d’exercices, Albert déclare ne pas s’être senti comme cela depuis
longtemps, et parvenir à résister à ses compulsions de façon étonnante. En

259
La thérapie neurocognitive et comportementale

effet, Albert a pu, petit à petit, traverser les rues sans attendre une heure,
puis quitter le deuxième trottoir sans attendre et sans se retourner pour
vérifier s’il n’avait pas créé d’accident. Ses obsessions ne durent plus toute
la journée, il peut à nouveau sortir déjeuner avec ses collègues, etc. Il n’a
pas vécu cela depuis plusieurs années. Le thérapeute constate cependant
un léger effet rebond suite à l’acquisition de ces nouvelles libertés, sans
doute parce qu’Albert aura trop vite profité de celles-ci. Par ailleurs, il se
trouve que dès qu’Albert arrête les exercices pendant les phases sans trai-
tement, les angoisses d’Albert réapparaissent et se montrent telles qu’il
demande à ce que la phase sans traitement soit écourtée.
Trois ans après ce protocole, Albert n’a pas continué ses exercices,
mais dit cependant n’avoir que peu ou pas de TOC.

À retenir
Les cas d’Albert, Olivia et Elsa (cf. Annexe 3), constituent un réel espoir
quant à l’apport possible des exercices de PG à des patients souffrant de
TOC, qu’ils soient considérés comme curables ou non. Nous prévoyons
d’étudier cet effet sur une plus large population de patients.
Le cas d’Olivia va dans le sens de l’étude de Miller et al. (2013, op.
cit.), et témoigne du fait que la période post-partum est une période à
risque pour les femmes susceptibles de développer un TOC. Nous pensons
que cela est dû à l’événement majeur que constitue l’arrivée d’un enfant
dans une famille, lequel génère sans doute un effet rebond massif chez cer-
taines patientes.
Par ailleurs, il est parfois indiqué que certains patients présentant des
TOC peuvent se montrer relativement tyranniques envers les autres, lais-
sant davantage penser à de la dominance. Nous faisons l’hypothèse que ces
individus se montrent farouches du fait d’avoir peur qu’on les empêche d’ef-
fectuer leurs rituels et ainsi de sentir monter l’angoisse et la culpabilité. Il
se peut également que certains symptômes puissent apparaître comme des
TOC, mais qu’ils ne soient pas totalement assimilables à ceux-ci. En effet,
rappelons que l’individu présentant des TOC cède à ses rituels pour pou-
voir soulager ses angoisses. D’autres individus peuvent présenter des rituels,
mais nous ne les rangeons pas dans la même catégorie (maniaquerie, plai-
sir du détail, Hyper ? P. FE IIre ?), car ces rituels ne sont pas effectués pour
soulager la culpabilité de l’individu. Nous pensons donc que ceux-ci doi-
vent être traités et envisagés différemment des TOC liés à la soumission.
Nous attirons également l’attention du lecteur sur le fait qu’il est tou-
jours prudent d’indiquer à un patient soumis qu’il risque de « se sentir

260
Stratégie thérapeutique globale

pousser des ailes » et oser des choses – a priori normales pour un qui-
dam – qu’il ne se permettait pas ordinairement, après avoir effectué ses
exercices. Dans ce cas, il vaut mieux inviter le patient à se limiter quelque
peu dans l’appropriation de ces nouvelles libertés, car cela peut générer un
effet rebond que le patient peut regretter par la suite, comme cela a pu
être le cas pour Albert.
Par ailleurs, les cas d’Albert, Olivia et Arthur montrent à quel point il
est nécessaire de faire en sorte que le traitement soit assuré pendant une
période suffisamment longue (généralement au moins six mois sans événe-
ment majeur provoquant un effet rebond). En effet, un arrêt prématuré des
exercices provoque généralement un effet rebond très important et tout à fait
critique, même si cet effet rebond peut tarder à se manifester (cf. Arthur).

6.9. Yves : cas typique de traitement d’Hypo

Généralités
Yves a 40 ans au moment de sa thérapie, il est médecin.

Diagnostic
L’essentiel problème de ce patient est un Hypo fréquemment rencontré,
qui est celui de demander le paiement de la consultation à ses propres
patients. Cet Hypo porte précisément sur le fait de ne pas assumer la
demande de rémunération directe que mérite son travail, ce qui est typique
d’un certain nombre d’individus en profession libérale. Cet Hypo n’appa-
raîtrait donc pas dans le cas d’un employé (commercial ou autre) cher-
chant à saisir des contrats et gagner de l’argent pour son entreprise, et qui
recevrait par ailleurs son salaire sans avoir (a priori) à le demander.
L’Hypo se manifeste ainsi : alors que certains de ses patients gardent
l’argent dans leur main mais ne le lui tendent pas, que d’autres disent
seulement « je vais y aller » alors qu’ils n’ont pas réglé la consultation,
ou encore qu’ils attendent simplement qu’Yves leur indique le montant
du paiement, ce dernier s’évertue à prolonger la consultation lorsqu’il
n’a pas tout simplement un blanc mental et reste sans voix. Son raison-
nement consiste à se dire que peut-être ces patients estiment « qu’ils n’en
ont pas eu assez pour leur argent », ce qui le conduit à parler davantage
avec eux. Ces patients comprennent alors manifestement qu’ils peuvent
aisément en exiger plus au même prix. Ce faisant, Yves se dit épuisé par
ce type de patient, sans trop avoir conscience de ce blocage chez lui.

261
La thérapie neurocognitive et comportementale

Cet Hypo engendre chez Yves un Hyper sur la générosité et l’intelli-


gence. Faute de ne pouvoir assumer lui-même la demande de ce qui devrait
lui revenir, il se rend dépendant de la générosité ou de la bonne foi d’au-
trui pour obtenir son dû.
Cette problématique apparaît également vis-à-vis de son frère, qui pro-
fite de terres appartenant à Yves depuis plusieurs années. Ce frère n’a
jamais loué ces terres à Yves tout en en tirant bénéfice, ce qui heurte pro-
fondément Yves. Celui-ci éprouve beaucoup de ressentiment en regard de
son frère, mais n’a jamais osé évoquer le sujet avec lui. Si ce frère manque
effectivement, peut-on dire avec délicatesse, « d’élégance », le problème
d’Yves pourrait être potentiellement résolu s’il ne présentait pas cet Hypo.
Le traitement d’Hypo d’Yves a alors simplement consisté à jouer le rôle
d’un médecin demandant sans ménagement son dû à ses patients et à
son frère.

6.10. Sophie : cas typique d’un traitement de PG soumis

Généralités
Sophie a 33 ans, est célibataire et a un enfant de 8 ans.
Sophie ne se plaint pas spécifiquement de sa vie et s’avère plutôt joviale.
Sa fille ne semble pas être une enfant particulièrement difficile ou tyran-
nique, mais Sophie fait régulièrement des crises dont le principal sujet est
la culpabilité et la crainte de ne pas être une bonne mère. Bien que beau-
coup de mères puissent être empruntes de doutes quant à la qualité de
l’éducation qu’elles donnent à leur enfant, Sophie s’avère particulièrement
anxieuse et manifeste des crises assez intenses. Elle pleure régulièrement
sans qu’aucun événement particulier ne puisse l’amener à penser qu’elle ait
mal fait. Ces crises se manifestent d’autant plus que Sophie s’épanouit dans
sa vie professionnelle et qu’elle s’intéresse de nouveau à sa vie sentimen-
tale, sans pour autant délaisser concrètement sa fille.

Diagnostic et stratégie thérapeutique


Le diagnostic de PG soumis est suggéré. La réalisation des exercices de PG
destinés à traiter la soumission améliore l’état de Sophie, ce qui confirme le
diagnostic. Ainsi, les rôles proposés à la patiente ont les discours suivants :
– Premier personnage : la patiente doit évoquer sa panique autour du
fait qu’elle puisse être la pire mère qui soit, une « Thénardier », un
monstre, en caricaturant sa crainte.

262
Stratégie thérapeutique globale

– Deuxième personnage : la patiente joue le rôle d’une dominante se


moquant des préoccupations du premier personnage, en clamant
« qu’elle se fiche bien des bambins », « qu’ils n’ont qu’à apprendre à être
autonomes », etc.
– Troisième personnage : la patiente joue le rôle « de la petite sor-
cière », qui torture l’esprit du premier personnage, en disant « qu’elle
s’amuse à lui faire croire qu’elle est la pire des mères, et que le plus drôle
soit qu’elle y croie si facilement… »
– Quatrième personnage : la patiente interprète à nouveau un person-
nage dominant se moquant cette fois-ci de la petite sorcière, arguant
qu’elle n’est pas bien terrifiante.
– Cinquième personnage : la patiente énonce à voix haute les élé-
ments lui permettant de rationaliser davantage et mettant en défaut
les critiques qu’elle peut se faire. Elle s’engage également à prendre
du recul plus régulièrement et à faire ses exercices quand elle en res-
sent le besoin, plutôt que de se noyer dans ses angoisses.
La patiente a ressenti un bien-être immédiat à l’issue de chaque exer-
cice. Elle les a donc pratiqués pendant plusieurs mois quotidiennement à
raison de trois exercices par jour. Quelques années plus tard, elle n’en réa-
lise que ponctuellement, lorsqu’elle en ressent le besoin.

7. NOSOLOGIE TNC

7.1. Psychologie et neuropsychologie

Réflexions méthodologiques
Nous avons vu plus haut que la TNC s’inscrit dans le mouvement des
TCC, et plus particulièrement dans celui de la troisième vague, davantage
centrée sur le changement d’attitude que sur la résolution de problème.
Les raisons de l’inclusion possible de la TNC dans le courant des TCC
sont les suivantes :
1. L’affrontement d’Hypo est, d’un point de vue technique, directe-
ment dérivé de l’affrontement des phobies simples (donc issu de la
première vague des TCC).
2. La GMM (cf. Annexe 1) est, à l’image de la deuxième vague cogni-
tiviste des TCC de Beck, une technique de rationalisation des
(modes de) pensées.

263
La thérapie neurocognitive et comportementale

3. La GMM est également très proche de la Mindfullness (notamment


en ce qui concerne le développement de la dimension Curiosité de
la GMM) et de l’ACT. Ces caractéristiques font de la TNC une
parente de la thérapie de la troisième vague, qui travaille sur l’atti-
tude plus que sur la résolution de problèmes.
4. Le diagnostic de l’Hypo, la genèse même de son concept, l’identifi-
cation de l’Hypo de l’Hyper, pourraient être considérés comme rele-
vant de l’amorce d’une quatrième vague des TCC (?), qui tendrait
à s’alimenter des apports en neuropsychologie, donnant alors lieu au
neurocognitivisme et au neurocomportementalisme.
5. Ces dernières remarques sont encore plus vraies en ce qui concerne
le concept de PG et la thérapie qui en découle, lesquels s’appuient
sur une interdisciplinarité très large.
Il est à noter que de façon plus générale et en dehors des applications
directes de nos recherches, la TNC est aussi reliée à la neurologie et aux
thérapies neurocognitives prenant en charge les conséquences des lésions
cérébrales ou les déficits génétiques ou congénitaux. Ces disciplines ont
inspiré notre démarche, tant en matière de méthodologie diagnostique que
de processus thérapeutique. Ainsi :
– La neurologie et la neuropsychologie tendent à nourrir la psycholo-
gie, les TCC et, à l’évidence, la TNC en particulier (les exemples
de ceci dans cet écrit et d’autres ne manquent pas).
– Le processus inverse est moins visible mais n’est potentiellement pas
moins vrai : la TNC, comme nous allons le voir, nous a déjà servi à
résoudre des problèmes lésionnels de façon inattendue et parfois
spectaculaire. Nous en présentons des exemples dans les études de
cas présentés dans le chapitre qui suit.

Apport de la TNC à des troubles divers


et considérés comme neurologiques
Citons deux cas cliniques qui peuvent illustrer la richesse de cette dernière
potentialité :

a) Cas d’une dysorthographie sévère


Description du cas
Quentin a 30 ans, est ingénieur et présente une dysorthographie sévère,
se traduisant par une moyenne de deux cents fautes graves d’orthographe
et de grammaire par page, un déficit massif de construction des mots, de
leur césure et de la construction grammaticale des phrases. Celui-ci nous

264
Stratégie thérapeutique globale

consulte dans un premier temps pour anxiété majeure dans son (jeune)
exercice professionnel.
Éléments biographiques de Quentin
Après des études brillantes dans les disciplines scientifiques, Quentin est
amené à diriger une petite équipe de techniciens supérieurs dans l’indus-
trie. Tout se passe bien mais cette position de manager le met de plus en
plus sous pression. En effet, il n’a jamais encore assumé de révéler son pro-
blème de dysorthographie majeure en dehors de contextes intimes,
incluant quelques enseignants au cours de ses études et ses proches. Cette
révélation s’est toujours faite, jusqu’à ce jour, dans un contexte de honte
profonde, puisque pour lui, ne pas savoir écrire le présentait comme inculte
et paria social.
Il a, bien entendu, tout essayé durant son enfance et même au-delà :
consultations chez de nombreux orthophonistes, comportementalistes et
psychologues divers.
Lorsque nous le recevons, il est totalement découragé quant à la
possibilité de résoudre son problème et confie avoir opté pour une solu-
tion très lourde : tous les soirs et week-ends, il prépare avec l’aide de
sa compagne tout ce qu’il peut avoir à rédiger au cours de la prochaine
journée de travail. Ces tâches concernent donc des feuilles de paper-
board préremplies pour animer ses réunions d’équipe, des notes et cour-
riers divers, et bien sûr la confection de dossiers. Sa compagne adopte
la fonction de secrétaire et tous deux passent leurs soirées et nuits à
cela.
Il vient nous consulter de la part d’un de ses proches, mais sans y croire.
Principaux diagnostics réalisés sur le cas de Quentin
En l’écoutant, nous diagnostiquons rapidement trois types de problèmes :
1. Un Hypo sur le fait de ne pas savoir écrire, accompagné d’un Hyper
basique sur son amie qui écrivait pour lui,
et d’un Hyper-Méta sur le fait que cela ne se voit pas.
2. Une P. IIre en LR, soit une orientation très conventionnelle et une
difficulté à assumer le fait d’être différent, éventuellement margina-
lisé par un handicap cérébral, ce qui est le plus difficile à assumer
par une personnalité qui se construit d’abord sur le contrôle de soi
et de son image, qui doit être aussi aboutie que possible.
3. Une érythrophobie, i.e. une attaque de panique sur la gêne et le rou-
gissement que son Hypo lui procure en situation d’affrontement

265
La thérapie neurocognitive et comportementale

social, aggravée devant une équipe de techniciens masculins et virils


dans le domaine de l’industrie.
En quelques mois, la majeure partie du travail thérapeutique destiné à
traiter les trois points évoqués précédemment est menée à bien (traite-
ment des Hypos) et Quentin commence à pouvoir envisager de laisser voir
son problème. Son appréhension du problème, son anxiété par anticipa-
tion et son attaque de panique ont presque disparu.
À titre exploratoire, nous le questionnons plus avant sur son trouble lui-
même : en effet, nous avons remarqué depuis le début que son langage oral
est parfaitement construit et maîtrisé, à la différence de son écriture. Nous
lui posons alors la question : « Vous a-t-on déjà fait travailler votre écriture à
partir de votre expression orale ? » Le patient répond que non. Par ailleurs, à la
question « Avez-vous le même problème dans d’autres langues que votre langue
maternelle, le français ? », Quentin nous répond qu’il n’a pas autant de diffi-
cultés d’écriture. Plus précisément, il indique qu’il a encore beaucoup de dif-
ficultés en anglais qu’il a appris jeune, moins en espagnol qu’il a appris
beaucoup plus tard, et encore moins en russe auquel il s’est initié récemment.
Nos observations ajoutées à ses réponses nous laissent alors à penser que
l’aire de Wernicke11 du langage est déficitaire chez Quentin. Ceci a donc dû
particulièrement impacter l’apprentissage de la (des) langue(s) maternelle(s).
Au contraire, l’apprentissage scolaire de langues secondaires ou étrangères, si
ordinairement décrié en France en raison de son caractère tardif, avait été
pour lui une étonnante planche de salut. Cependant à aucun moment cette
observation n’avait été transposée en français ou même en anglais.
Comment tirer alors parti de ces diagnostics ?
La prescription répondant à ces observations et diagnostics a été la suivante :
1. Nous avons suggéré au patient d’étudier les mots en s’appuyant sur
les liens apparents entre les mots de même racine et qui font des
variations autour d’un même sens, en réalisant une sorte d’étymolo-
gie « de cuisine ».
2. Nous lui avons également proposé de concevoir la grammaire comme
une ingénierie de la communication : sujet, verbe, complément…
comme on le fait à l’école, et plus encore à l’université, lorsque l’on
apprend des langues tardivement.

11. L’aire de Wernicke est une zone cérébrale située au niveau du lobe temporal gauche.
Elle serait impliquée dans le traitement du langage oral et écrit. Pour une revue des
troubles du langage, voir le rapport Inserm (2007).

266
Stratégie thérapeutique globale

Par ailleurs, nous avons essayé de faire travailler, d’un point de vue
cognitif, des territoires alternatifs/connexes aux territoires que nous sup-
posions déficitaires :
Première piste explorée :
Nous avons tenté de solliciter l’aire de Broca, centre du langage parlé,
sain, et celui de Wernicke, du langage écrit, déficient.
Pour cela, nous lui avons proposé, en séance, de faire l’expérience sui-
vante : « Vous allez écrire un texte quelconque (par exemple ce que vous avez
à dire en introduction à votre prochaine réunion professionnelle) mais en le pro-
nonçant à voix haute juste avant de l’écrire et en vous le répétant au fur et à
mesure de l’écriture. Vous attacherez une particulière attention à la façon dont
vous concevez la césure des mots, leur étymologie intuitive ou leur lien avec
d’autres mots approchants (moteur, motivation, émotion…) en termes de sens
et de construction du mot et la grammaire : quel est le sujet, le verbe, le com-
plément, comment cela pourrait-il s’accorder… ? »
Le résultat fut stupéfiant : au terme de quelques séances et des quelques
dizaines d’heures de pratique à la maison, Quentin avait éliminé les fautes
de construction de mots, de césure et de grammaire les plus grossières. Il
ne faisait plus que vingt fautes par page alors qu’il en faisait jusqu’à deux
cents avant le traitement.
Seconde piste explorée :
Nous lui avons aussi fait découvrir quelques notions de GMM, notam-
ment les exercices orientés sur la créativité et sollicitant a priori les territoires
préfrontaux (cf. Annexe 1 ; Fradin et al. 2008, op. cit.) : cette pratique a eu
pour effet d’améliorer de façon significative la fluidité de son langage écrit.
Suite à cela nous l’avons rapidement perdu de vue, car son problème
psychosocial a été réglé, selon lui, par les deux bouts :
– il n’a (presque) plus montré d’angoisse ni de honte sur le sujet ;
– son problème dysorthographique s’en est trouvé largement atténué ;
– ses relations avec son amie, qui vivait la situation avec difficulté, se
sont améliorées.

b) Cas d’un Syndrome de Korsakoff


Description du cas
Augustine est une jeune psychologue en cours de thèse. Elle rencontre des
difficultés apparemment insurmontables pour la terminer.
Nous la voyons en consultation dans le but de gérer son angoisse et
étudier avec elle les difficultés qu’elle rencontre. À cette occasion, elle

267
La thérapie neurocognitive et comportementale

nous révèle, au terme de quelques séances, qu’elle est en réalité atteinte


d’un Syndrome de Korsakoff12 depuis la fin de son adolescence. Elle pré-
sente donc, entre autres, les symptômes suivants :
1. perte totale de sa capacité à mémoriser tout événement récent ;
2. affabulation compensatrice, qui a pu masquer un temps le symptôme
et retarder le diagnostic.
Éléments biographiques d’Augustine
Le Syndrome de Korsakoff d’Augustine n’est pas la conséquence d’une
tendance à l’alcoolisme, mais d’un incident lors d’une opération chirur-
gicale. Augustine présente, à l’origine, une hydrocéphalie. Cette patho-
logie est due à l’obstruction des territoires de résorption du liquide
céphalo-rachidien (LCR), laquelle fait généralement suite à des hémor-
ragies dans ces cavités internes du système nerveux, ici en raison d’un
accouchement difficile. La fonction du LCR est de mettre littéralement
en suspension notre système nerveux, mou et fragile, et lui épargner ainsi
d’être soumis à la pesanteur, aux chocs et aux nombreuses vibrations de
la vie, etc. Augustine a donc été opérée sept fois depuis son enfance
jusqu’à l’adolescence, de façon à accompagner sa croissance et la néces-
sité de rallonger les drains de son LCR, depuis les cavités intracérébrales
vers le système veineux. Malheureusement la dernière de ces opérations
(à 17 ans) fut un échec mais celui-ci ne fut diagnostiqué que l’année sui-
vante lors d’un contrôle de routine, et en raison de l’installation pro-
gressive de troubles de la mémoire. L’opération fut reprise en urgence
mais il était trop tard : un Syndrome de Korsakoff total et irréversible
s’était constitué, impliquant la destruction des deux Hippocampes, au
cœur des processus de mémorisation consciente des événements
(mémoire épisodique).
Augustine, après une période de dépression qui suivit le diagnostic du
Syndrome de Korsakoff, se mit au travail et entama les études de psycho-
logie qu’elle rêvait de faire avant ce drame. Ce dont son entourage essaya
de la dissuader. Mais à la surprise générale, elle réussit à passer les uns
après les autres tous ses examens, grâce à un travail acharné et l’utilisa-
tion d’une autre forme de mémorisation heureusement préservée : sa

12. Le Syndrome de Korsakoff est causé par une atteinte des régions hippocampo-
mamillo-thalamiques du cerveau. Ce syndrome fait suite, la plupart du temps, à
de l’alcoolisme, mais peut également être la conséquence d’un traumatisme ou
autre. Les symptômes les plus manifestes sont l’amnésie des événements récents
(notamment liés à la mémoire épisodique), la fabulation et la désorientation
temporo-spatiale.

268
Stratégie thérapeutique globale

mémoire procédurale. Autrement dit, celle du par cœur, de la pratique et


de l’entraînement.
Cependant, lors de sa thèse, se posa de façon aiguë la question de l’es-
prit de synthèse, de l’esprit d’à-propos, ou comment faire face à un jury de
thèse et à ses questions imprévues… Le problème parut insoluble, car elle
avait déjà intuitivement utilisé et avec une extraordinaire constance et
combativité un recours à panel très large de stratégies.
Piste explorée
Sans y croire, nous lui avons proposé une expérience donc l’objectif était
de faire appel à sa mémoire sémantique et sa mémoire de travail13.
Augustine n’avait pas beaucoup travaillé ces dimensions. Or, la mémoire
de travail est en lien avec la capacité à sélectionner l’information perti-
nente en fonction de la situation en cours, en d’autres termes elle confère
une capacité à répondre « à-propos ». La mémoire sémantique, quant à
elle, est usuellement définie comme le système de stockage des connais-
sances générales. Le CPF semble à ce titre impliqué dans la mémoire de
travail14 et dans l’accès à la mémoire sémantique (la localisation à propre-
ment parler ou le stockage de cette dernière étant considérée comme plus
diffuse au niveau cérébral). Nous nous sommes alors demandé dans quelle
mesure l’acquisition de stratégies relevant du CPF pourrait pallier les dif-
ficultés d’Augustine.
Dans cette optique, nous avons proposé à la patiente une pédagogie et
des exercices de GMM dont nous supposons qu’ils sollicitent le CPF. Pour
ce faire, nous avons choisi un exercice nous paraissant particulièrement
adapté à son cas, et consistant à s’écouter parler. Cet exercice demande à
discourir en focalisant son attention sur le son des mots que l’on prononce
quand ils sont perçus à l’oreille, comme si quelqu’un d’autre que soi avait
parlé, et non en étant attentif, comme on le fait usuellement, à ce que l’on
va dire. Selon nous, ce déplacement d’attention a pour objectif, en théo-
rie, de priver l’individu du contrôle conscient qu’il souhaiterait exercer sur
ce qui émane de son discours, en amont de l’expression de celui-ci. Le but
de cette manœuvre est d’empêcher, autant que faire se peut, le recours aux
automatismes de pensée ou à nos modes de réflexion routiniers et contrô-
lés (cf. mode mental automatique, Annexe 1, Houdé et al., 2000).

13. Pour une revue sur la mémoire, voir Squire & Kandel (2005), Nicolas et al.
(2007), Lechevalier et al. (2008).
14. Nous rappelons que la mémoire de travail peut être définie comme un système
maintenant et manipulant l’information de façon temporaire, lors de tâches de
compréhension, d’apprentissage ou de raisonnement (cf. Baddeley, 2012, op. cit.)

269
La thérapie neurocognitive et comportementale

En effet, certains travaux tendent à montrer que ce mode de fonction-


nement est susceptible d’entraver l’émergence d’un mode de traitement de
l’information plus adaptatif15 (Lieberman, 2003 ; Dehais, 2004 ; Dijksterhuis
et al., 2006 ; Dijksterhuis & Nordgren, 2006 ; Bilalic et al., 2008a, 2008b),
lequel semble être essentiellement supporté par le CPF (cf. Annexe 1,
Fradin et al., 2008, op. cit. ; Houdé et al., 2000). Nous avons donc sup-
posé, à l’instar d’autres auteurs (voir études de Dijksterhuis), que si nous
« occupions » ce mode de fonctionnement à une autre activité que celle
de contrôler ce que l’on va dire, le mode adaptatif pourrait en être « libéré »
dans son expression. Au-delà de cette « libération », le fait de s’écouter
parler pourrait constituer une boucle rétroactive d’information disponible
pour le mode adaptatif ou le CPF qui, si nos hypothèses sont vraies, pour-
rait alors ajuster l’information sortante en fonction de ce qui a déjà été
énoncé, améliorant le discours au fur et à mesure de son énonciation.
Cette procédure nous est apparue d’autant plus nécessaire que le mode
« procédural » ou routinier de la patiente devait être sur-sollicité pour
compenser son déficit. Augustine a notamment témoigné du fait qu’elle
apprenait ses cours par cœur un jour, en oubliait l’existence même le len-
demain, mais les réapprenait grâce à une notice informative qu’elle avait
pu laisser la veille, lui indiquant qu’elle devait apprendre tel cours, situé
à tel endroit et portant sur tel sujet. Cette méthode a porté ses fruits pour
inscrire certaines informations en mémoire à long terme, renforçant ainsi
certains automatismes et procédures.
Après quelques séances laborieuses, qui en auraient découragé plus
d’un(e), elle se mit à pratiquer cet exercice pendant des heures et des heures,
chez elle, pour dire tout et n’importe quoi, conformément à la prescription.
Puis nous l’avons perdu de vue.
Résultats et devenir d’Augustine

Suite à notre intervention, nous avons appris qu’elle travaillait en tant


que psychologue dans un cabinet spécialisé dans le diagnostic et la passa-
tion de questionnaires.

15. Par mode de fonctionnement « adaptatif », nous entendons un mode de fonctionne-


ment sélectionnant et traitant les informations internes et externes pertinentes pour
répondre à la situation en cours, et ce à l’aide de feed-back avec l’environnement. Ce
mode de fonctionnement implique des processus de logique (quelles causes produi-
sent quels effets) et de rationalisation (évaluation des coûts – émotionnels, matériels
ou autres – et des bénéfices durables de chaque risque ou action) voués à l’ajustement
du comportement de l’individu à la situation.

270
Stratégie thérapeutique globale

Deux ans après sa consultation, nous la rencontrons dans un congrès


professionnel. Nous lui posons la question de savoir ce qu’elle a pensé
des interventions du matin. À notre immense surprise, elle en parle
avec naturel, comme si son problème n’avait jamais existé. Elle qui ne
pouvait parler précédemment qu’en présence de son ordinateur portable
pour pouvoir lire sur son écran tout ce qu’elle avait noté au fur et à
mesure des conversations, nous parlait alors avec facilité, justesse et pré-
cision des interventions, sans l’ombre d’une note. Nous lui avons alors
fait part de notre étonnement et de notre ravissement quant à ses remar-
quables progrès. À cela, Augustine a répondu avec un sourire malicieux
qu’elle avait appliqué à la lettre la prescription que nous lui avions indi-
quée. Elle passait des heures tous les jours à s’écouter parler. Elle confiait
avoir remarqué que de cette façon son discours s’était tout d’abord avéré
désordonné, mais qu’au fur et à mesure de la pratique les sujets évoqués
étaient de plus en plus structurés, bien qu’ils soient relatifs à son quo-
tidien, c’est-à-dire relativement changeants d’une fois sur l’autre. Selon
ses dires, Augustine ne fonctionnait plus que comme cela, en ajoutant
que si elle essayait de se souvenir consciemment et de façon contrôlée
de ce qui avait été évoqué le matin, elle ne pourrait témoigner de rien.
Si les hypothèses que nous avons formulées plus haut concernant
l’impact de l’exercice de s’écouter parler nous sont apparues pour le moins
incertaines et si elles restent bien entendu à vérifier, il n’en demeure pas
moins que cet exercice a fourni les résultats attendus, et ce au-delà de
nos espérances. Nous attendons donc avec impatience de pouvoir éva-
luer une telle pratique lors d’une étude plus approfondie, sur une popu-
lation plus large de patients et à l’aide de techniques d’imagerie cérébrale.
Conclusion

Voilà, ce texte s’achève.


Il est à la fois complexe, détaillé et en même temps limité, inachevé
(les études de validation clinique et fondamentale ne font que commen-
cer), incomplet pour transcrire vingt-cinq ans de recherche et de pratique
intensives d’un nombre croissant de praticiens, ses doutes, ses questions,
ses hésitations… et ses étonnements.
Il n’a pour ambition que de vous aider de mettre le pied à l’étrier de
cette nouvelle discipline qu’est la TNC, en la procédurant, non pour l’en-
fermer car rigueur ne rime par forcément avec rigidité, mais pour la tuteu-
rer. Le temps de faire prendre la greffe.
Par ailleurs, ce manuel ne traite pas de toute la TNC. Il n’en consti-
tue qu’une des facettes, celle du comportementalisme ou, pourrait-on dire,
du neuro-comportementalisme. Il n’aborde pas directement la dimension
neurocognitive de la TNC, notamment représentée par la GMM (cf.
Fradin et al., 2008, op. cit.), substrat de notre résilience, ou celle des
Personnalités, bases de nos motivations spontanées et de nos valeurs mais
aussi de nos rigidités et intolérances (Fradin & Fradin, 2006, op. cit.).
Cet ouvrage pourrait encore être complémenté et enrichi par une
dimension art-thérapeutique :
– Notamment au travers de l’« art dédramatique », qui mêle tech-
niques de théâtre et neurocomportementalisme sur l’Hypo et le

273
La thérapie neurocognitive et comportementale

PG, autour de techniques d’improvisation, de créativité ou


d’assertivité…
– Mais aussi en lien et complémentarité avec les arts plastiques, la
danse, le chant…
Peut-être ces dimensions seront-elles un jour l’objet d’un écrit très pra-
tique complémentaire…
Ces apports art-thérapeutiques peuvent, à notre sens, grandement
contribuer à transformer l’aversion naturelle que l’on a devant :
– un affrontement d’Hypo
– un exercice de modification de PG par exemple,
– ou devant la remise en cause de nos Personnalités Secondaires,
source de nombre de nos rigidités...
… en plaisir et proactivité ! En transfert vers la vie réelle.
Et ceci est essentiel, car le vrai changement durable, en thérapie
comme en développement personnel, naît de la banalisation des libertés
conquises… ce qui passe d’abord par l’inversion des émotions : transfor-
mer la néophobie en curiosité, l’appréhension en désir, le déplaisir en
plaisir, le vide mental en créativité… Bref, la mort (prématurée, mentale)
en vie !
Ce traité de pratique neurocomportementale en TNC est donc des-
tiné à outiller les thérapeutes, notamment comportementalistes et cogni-
tivistes, qui souhaitent enrichir leur pratique de techniques innovantes.
Mais il s’adresse aussi aux chercheurs qui souhaitent contribuer à vali-
der cette approche (nous sommes à leur disposition pour toute coopéra-
tion) et contribuer ainsi au développement des applications de
neurosciences dans le champ des TCC. Plus largement, cet ouvrage s’ins-
crit dans un souci de contribuer à l’interdisciplinarité et au transfert de
compétences entre les domaines fondamentaux et applicatifs. Ce trans-
fert est encore balbutiant en sciences humaines et l’évolution accélérée
de nos modes de vie en augmente pourtant l’urgente nécessité : stress au
travail, chocs des générations et interculturels, complexité et change-
ments permanents, autonomisation des individus et pertes de repères
sociétaux, changements climatiques et environnementaux, développe-
ment durable, etc.
Annexes
Annexe 1
Modèle de Gestion
des Modes Mentaux (GMM)
Fiche synthétique

Le modèle de Gestion des Modes Mentaux (GMM) développé par l’IME


(Fradin et al., 2008, op. cit. ; Fradin et al., 2006, op. cit. ; Lefrançois,
2009 ; Fornette et al., 2012) repose sur l’étude d’un continuum entre deux
modes de fonctionnement mentaux. L’un de ces modes est reconnu pour
permettre le traitement des situations connues et routinières (mode auto-
matique). L’autre mode est considéré en revanche comme permettant le
traitement des situations complexes, inconnues et incertaines (mode adap-
tatif). De nombreux auteurs ont étudié l’opposition entre ces deux modes.
La plupart d’entre eux s’accordent à dire que le mode que nous nommons
automatique est rapide et fait appel à des représentations connues. Le
second type de mode, en revanche, est lent et analytique.
Parallèlement à ces études, les neurosciences ont mis en évidence,
en imagerie cérébrale, les substrats cérébraux sous-jacents aux deux
types de modes. Il semblerait que le mode dit adaptatif ou analytique
soit supporté par les aires préfrontales, qui constituent le territoire
le plus évolué, d’un point de vue phylogénétique, de notre cerveau. Le
mode automatique serait en revanche mis en œuvre par des zones plus
postérieures et basses du cerveau, plus anciennes d’un point de vue de
l’évolution des espèces. Dans ce cadre, nous rejoignons certains auteurs
indiquant que le stress représente un signal d’alarme alertant du carac-
tère inadapté de la stratégie ou du mode de fonctionnement en cours.

277
La thérapie neurocognitive et comportementale

En d’autres termes, si la situation en cours est traitée par l’individu


selon un mode de fonctionnement automatique, tandis qu’elle requiert
la création et la mise en œuvre de nouvelles stratégies ou représenta-
tions, le stress intervient alors comme pour signaler l’inadéquation du
mode de fonctionnement avec la situation. En revanche, si la situation
nécessite des stratégies routinières et que l’individu fonctionne selon
un mode mental automatique, le stress n’est pas déclenché. Si le stress
est à l’origine un comportement stéréotypé permettant de faire face à
un danger vital et immédiat, sa fonction est ici quelque peu détournée
pour signaler le caractère inadapté de notre mode de fonctionnement.
Les études tendent à montrer que le CPF est à l’origine du déclenchement
du stress dans ces conditions, cette capacité étant sans doute associée
au fait qu’il est un centre de détection des erreurs au sens large.
Si le CPF est usuellement considéré comme le siège de l’adaptation
et le territoire le plus évolué de notre encéphale, il apparaît cependant
que l’expression de ses stratégies n’est pas favorisée lorsque le mode men-
tal automatique « a la main » sur l’action en cours. Notre hypothèse, qui
rejoint celle de Damasio et certains résultats d’études, est que le CPF
souffre d’une immaturité fonctionnelle liée à son apparition récente à
l’échelle de l’évolution des espèces. Damasio déclare en effet que les ter-
ritoires les plus au cœur des processus de conscience sont des territoires
médians et relativement profonds de l’encéphale, plus « anciens » que le
CPF. À ce titre, certaines autres zones du cerveau, supportant notam-
ment le mode automatique, auraient un accès privilégié à la conscience
que le CPF n’aurait pas. Aussi, lors de « conflits » de structure entre
mode adaptatif et mode automatique, le CPF n’aurait d’autre voie de
recours que de signaler l’inadéquation de la stratégie en cours via le
stress. On peut imaginer que ceci est d’autant plus vrai que la routine
ou la représentation a été renforcée et s’avère rigide. Malheureusement,
le stress est un mode de réaction en soi relativement archaïque, stéréo-
typé, non ajusté à la situation en cours et tend, par un jeu de neuromé-
diateurs, à aggraver le verrouillage de l’accès du CPF aux processus de
conscience.
Nous attirons l’attention du lecteur averti sur le fait que ce type de
modèle est très discuté dans la littérature scientifique. Les études réali-
sées autour du thème de la conscience sont relativement sujettes à équi-
voque, car le CPF se montre également activé lors de la réalisation d’une
tâche consciente. Malheureusement ce type d’étude n’engage pas le fait
que si le CPF montre une activité, celle-ci accède systématiquement à
la conscience. Par ailleurs, des modèles comme celui de Schneider &

278
Annexe 1 – Modèle de Gestion des Modes Mentaux (GMM)

Shiffrin (1977), en psychologie cognitive, indiquent que le mode de


fonctionnement de type automatique met en œuvre des processus incons-
cients tandis que le mode de fonctionnement adaptatif ou analytique, au
contraire, fait appel à des processus conscients. D’autres études plus iso-
lées mettent cependant en évidence qu’il existe un mode de traitement
de l’information qui soit analytique, inconscient et propice à la résolu-
tion de problèmes nouveaux et complexes. C’est le cas notamment des
travaux de l’équipe de Dijksterhuis (Dijksterhuis et al., 2006 ; Dijksterhuis
& Nordgren, 2006), appuyant leur Théorie dite de la Réflexion
Inconsciente. D’autres études portant sur « l’insight »1 suggèrent égale-
ment que certains processus élaborés et inconscients puissent permettre
la mise en œuvre de stratégies ou de solutions à des problèmes nouveaux
et complexes.
Notre modèle rejoint davantage, en apparence, les modèles tels que
ceux de Dijksterhuis. Cependant, il ne s’oppose pas au modèle de
Schneider & Shiffrin : il « l’englobe ». En effet, il est reconnu que les
deux modes ne s’excluent pas strictement l’un de l’autre, mais consti-
tuent plutôt un continuum entre deux extrêmes. Les études effectuées
en imagerie cérébrale tendent à confirmer cette interprétation (Posner
& Raichle, 1998). Selon nous, les modèles apparentés à celui de
Schneider & Shiffrin proposent une description de processus de traite-
ment intermédiaires au dit continuum, ne représentant pas encore les
extrêmes possibles. Celui de Dijksterhuis, en revanche, évoque un mode
de traitement plus extrême, relativement difficile à susciter chez l’indi-
vidu et à mettre en évidence de façon expérimentale, ce qui explique-
rait le faible nombre d’études qui y sont consacrées. La figure I.1 illustre
notre propos, tandis que le détail théorique est proposé dans d’autres
ouvrages, articles scientifiques ou de vulgarisation (cf. Fradin et al.,
2008, op. cit. ; Fradin et al., 2006, op. cit. ; Fradin & Lefrançois, 2006 ;
Jonville et al., 2012 ; Lefrançois & Fradin, 2010 ; Lefrançois, 2009,
op. cit. ; Fornette et al., 2012, op. cit.).

1. L’insight peut être défini en psychologie cognitive comme le processus amenant l’indi-
vidu à trouver, de façon spontanée et sans mécanisme de réflexion apparent, une
solution à un problème.

279
La thérapie neurocognitive et comportementale

Traitement rapide Traitement lent Traitement rapide

Mode Mental Adaptatif


Mode Mental Modèle neurocognitif
(CPF ?)
automatique(zones du stress et de l’adaptation
postérieures et basses ?) (Fradin et al., 2008)

Mode de traitement Adaptatif Mode de traitement Adaptatif Théorie de la Pensée


Conscient à faible Capacité Inconscient à grande Capacité Inconsciente Dijksterhuis
et Nordgren (2006)

Modèle cognitif du traitement


Mode de traitement Mode de traitement
de l’information de Schneider
automatique contrôlé
et Shiffrin (1977)

Mode de
Mode traitement Modèle ergonomique du traitement
Mode de traitement Skills de traitement Rules Knowledge de l’information de Rasmussen
(1983)

Figure I.1
Concordances entre le modèle des modes mentaux
et les modèles de Dijksterhuis et Nordgren (2006),
de Schneider et Shiffrin (1977) et de Rasmussen (1983)

D’un point de vue pratique, nous avons développé des exercices


cognitifs et comportementaux stimulant et favorisant a priori le mode
mental adaptatif en situation complexe et inconnue. Ces exercices,
dits de Gestion des Modes Mentaux (GMM)2, ont été construits d’après
la connaissance de certaines capacités cognitives allouées au CPF
(Cortex Préfrontal). En effet, les patients ayant des lésions au niveau
de ces aires préfrontales présentent une perte de certaines facultés
cognitives dont on suppose qu’elles sont supportées, par défaut, par ces
mêmes aires préfrontales. Dans ce cadre, nous avons extrait six facul-
tés cognitives « préfrontales » évoquées par la littérature scientifique.
Celles-ci se montrent en opposition relative à six autres facultés par-
ticipant selon nous au fonctionnement en mode automatique. Nous
observons donc les six dimensions bipolaires présentées dans la
figure I.2 ci-après :

2. Le détail théorique et pratique des exercices de GMM est proposé dans l’ouvrage de
Fradin et al. (2008, op. cit.).

280
Annexe 1 – Modèle de Gestion des Modes Mentaux (GMM)

Mode Mental Automatique Continuum Mode Mental Adaptatif

La routine La curiosité
C’est l’aisance et la facilité de l’habitude, C’est l’exploration sensorielle,
le goût du familier, du connu, de la tradition, la recherche active de la nouveauté, l’attrait
l’amour de la maîtrise, du travail bien fait, pour la créativité, la curiosité
l’attrait pour l’expertise, les procédures… pour les choses et les autres
(même quand tout va bien),
la vigilance, l’ouverture à l’imprévu
La persévérance La souplesse
C’est la recherche de contrôle, de continuité C’est l’acceptation, la réceptivité,
malgré l’obstacle, l’insistance malgré l’échec la prise en compte de toute la réalité
apparent, la défense des principes « comme elle est », la flexibilité,
et des règles… la capacité à repartir, rebondir, reconstruire
La simplification La nuance
C’est la vision tranchée pour faciliter le tri des C’est la perception de la complexité
informations et la classification et de la continuité des choses, une vision
des situations, voire la vision binaire subtile concevant un gradient, des valeurs
(blanc / noir ; bien / mal ; vrai / faux) intermédiaires, un complément d’enquête
pour approfondir
Les certitudes La relativité
C’est la sensation de « vérité », la croyance C’est la prise de recul et de hauteur,
que le monde est ce que nous en voyons, la conscience que la carte n’est pas
la conviction que nos perceptions sont « toute le territoire et que chacun a son « regard » :
la réalité », que nous détenons chaque vision est relative, superficielle
la « vérité » sur ce sujet ou sur nous-mêmes et terriblement limitée par rapport au réel
infini… On sort du sentiment de réalité
pour formule des hypothèses,
un modèle explicatif…
L’empirisme La réflexion logique
C’est la recherche des résultats, le choix C’est la rationalisation, la mise à l’épreuve
de la meilleure solution connue, du modèle explicatif : si ce modèle est vrai, telle
des « recettes toutes prêtes qui marchent tout cause doit systématiquement produire tel effet.
de suite », dans l’espoir d’une efficacité En pratique, c’est comprendre avant d’agir,
immédiate, sans réflexion « compliquée » savoir « perdre du temps (à réfléchir) pour en
et sans risque gagner »
L’image sociale L’opinion personnelle
C’est la priorité donnée au regard des autres C’est la prise de risque assumée,
et aux émotions qui accompagnent leurs la capacité à s’individualiser
jugements : recherche de reconnaissance et de et à individualiser les membres d’un groupe,
validation génératrices de fierté, évitement des à assumer un point du vue ou une décision
vécus de honte, ridicule, culpabilité, personnels faits de raison, d’intuition
prétention… surtout face à un groupe et de prise de risque, ouverts à l’opinion
et aux sentiments des autres
(mais pas sensibles à leurs jugements)

Figure I.2
Description des extrémités des six dimensions définissant le mode automatique
d’une part et le mode adaptatif d’autre part (Fradin et al., 2008, op. cit.)

281
La thérapie neurocognitive et comportementale

Il est à noter que les outils thérapeutiques proposés dans les techniques
de l’ACT et de la mindfulness tendent également à développer les six
facultés cognitives adaptatives (ou « préfrontales ») susmentionnées. Il a
été mis en évidence, en imagerie cérébrale, que ces techniques généraient
une activité des aires préfrontales (cf. Levenson et al., 2012, op. cit. ;
Davidson et al., 2003 ; Lutz et al., 2004).
Par ailleurs, nous attirons également l’attention du lecteur sur le fait
que la GMM, de même que les techniques TCC dites de 3e vague, per-
mettent selon nous une meilleure gestion émotionnelle des troubles asso-
ciés au PG et aux Hypos, mais ne permettent pas leur traitement.

Manifestations Manifestations Manifestations


Etats de stress
Physiques Émotionnelles Cognitives

– Rougissement, – Trac ou peur, – Difficultés


– Gorge serrée, – Agitation à organiser
– Agitation, intérieure, ses pensées
– Insomnies – Gêne, honte, et actions,
– Regarde – Anxiété, angoisse – Crainte
« sans voir » de l’agression,
ou regarde dans – Peur
tous les sens de la contrainte

Lutte – Tension du cou – Énervement, – Besoin d’avoir


et des épaules, – Tension raison,
– Douleurs intérieure, – Sensation
lombaires, – Agressivité, de supériorité,
– Regard fixe, dans – Colère – Intolérance
les yeux de son au reproche,
interlocuteur à la contradiction,
– Impatience,
susceptibilité

Inhibition – Faiblesse, – Découragement, – Sensation


– Fatigue non liée – Tristesse, d’infériorité,
à un manque – Vision négative, – Auto-
de sommeil, – Impression dévalorisation,
– Larmes aux yeux, d'un « poids – Diminution
– Regard baissé sur les épaules » des désirs
et des plaisirs

Tableau I.1
Manifestations plus ou moins intenses et associées aux différents états de stress
(Laborit, 1986 ; Fradin et Fradin, 1992-2004 ; Fradin et al., 2008)
Annexe 2
Modèle des Personnalités
en TNC
Fiche synthétique

Cette annexe n’est pas destinée à présenter de façon approfondie notre


modèle des personnalités et la théorie qui le sous-tend. Elle a pour objec-
tif de mieux apprécier les interactions possibles de ce modèle (ou des
Contenants qui y sont associés) avec ceux qui sont proposés dans cet
ouvrage (modèles du PG et de la cascade Hypo-Hyper-RH). Une présen-
tation et une explication plus détaillées du modèle TNC des personnali-
tés figurent dans d’autres écrits (Fradin & Lemoullec, 2006, op. cit. ;
Fradin, 2004, op. cit. ; Fradin & Fradin, 2006, op. cit.).
La personnalité peut se définir comme l’ensemble des comportements et
attitudes qui caractérisent un individu. À ce titre, il existe, dans la littéra-
ture scientifique ou non scientifique, de nombreux modèles de personnalités,
inspirant tour à tour des questionnaires et inventaires de personnalité divers
(Big Five/NEO-PI-R, MBTI, etc.). Sachant cela, notre objectif n’a pas été
d’ajouter un autre modèle de personnalité à ceux déjà existants, mais plutôt
de tenter de comprendre et modéliser la genèse et le mécanisme de base de
ces personnalités, de façon à pouvoir exploiter cette compréhension dans le
domaine thérapeutique. Cette thématique s’est avérée fort complexe et l’ex-
périmentation de notre modèle particulièrement délicate. Cependant, cer-
tains invariants sont apparus au cours de notre pratique thérapeutique.
Ceux-ci nous ont permis, en confrontation avec certaines données scienti-
fiques, d’esquisser le modèle explicatif et descriptif que nous présentons ici.

283
La thérapie neurocognitive et comportementale

En effet nous avons pu observer, comme le tout un chacun, que les


individus présentaient des ensembles homogènes et a priori cohérents de
caractéristiques psychologiques. Cependant, l’observation clinique nous a
permis de constater qu’il semblait exister deux types d’ensembles :
– Les ensembles générant chez l’individu une motivation spontanée et
résistante à l’échec.
– Les ensembles associés à une motivation mue par le résultat
(récompense/punition) et ainsi moins résistante à l’échec.
Nous avons également noté que les motivations et dynamiques spon-
tanées liées au premier type d’ensemble, que nous avons appelées
Personnalités Primaires (P. Ires), ne peuvent être réprimées par l’individu
sans que cela en devienne pathogène (générant notamment des dépres-
sions molles ou des Sonnettes). Au contraire, les motivations liées au
second type d’ensemble, dites Personnalités Secondaires (P. IIres), sem-
blent sensibles au renforcement, et peuvent ainsi disparaître ou s’atténuer
sans générer de pathologie ou trouble particuliers.
Les caractéristiques de ces deux types de personnalité nous ont amenés
à nous questionner sur leur genèse. Certaines données scientifiques nous
ont alors conduits à nous focaliser sur le phénomène d’empreinte périna-
tale. Cette dernière correspond à une période, autour de la naissance,
durant laquelle la plasticité neuronale est maximale et se façonne au tra-
vers des interactions avec l’environnement (Hubel & Wiesel, 1965 ;
Valverde, 1967). Notre hypothèse très darwinienne est que cette empreinte
est adaptative à l’environnement. Elle aurait ainsi pour rôle de nous faire
« idéaliser notre environnement primitif » pour nous y intégrer et nous
rendre proactifs vis-à-vis de lui. C’est ainsi que les jeunes oies cendrées
« adoptées » par l’éthologiste Konrad Lorenz (Lorenz, 1970) se sont atta-
chées à lui comme à une mère dès leur naissance.
Par ailleurs, Damasio (2002) montre que le jeune humain possède à la
naissance un néocortex quasiment « a-fonctionnel », ce qui est observable
en imagerie cérébrale. Du fait de sa relative « prématurité », comparative-
ment aux mammifères primitifs (le jeune veau apprend par exemple à mar-
cher dans les heures qui suivent sa naissance), le nouveau-né humain est
sensoriellement presque coupé du monde. Il engramme ses propres réponses
comportementales et émotionnelles plus que les stimuli qui les déclenchent.
Or dans la gamme de comportements pleinement « fonctionnels » de la
période néonatale, figurent l’état de calme et les trois états de stress que sont
l’anxiété, l’agressivité et la dépression sous-tendus par la Fuite, la Lutte
et l’Inhibition (Laborit, 1986). Ces états interviennent comme une réponse

284
Annexe 2 – Modèle des Personnalités en TNC

et un mode d’interaction avec l’environnement. Ils semblent être ainsi de


puissants régulateurs de l’humeur et des comportements du nouveau-né (agi-
tation ou colère pour témoigner de la faim, inhibition, épuisement lorsque
les pleurs n’ont pu être calmés, etc.). Nous pensons que leur influence sur
la constitution de la personnalité est probablement déterminante au cours
de l’empreinte. En d’autres termes, si le nouveau-né engramme en priorité
ses réponses comportementales et les idéalise alors même que son néocor-
tex est en voie de maturation, il se peut que ces réponses constituent à
terme une forme de méta-système modulant le fonctionnement motivation-
nel de l’individu (Fradin 2004 op. cit. ; Fradin & Lemoullec, 2006, op. cit.).
Tout se passe comme si les caractéristiques que nous observons dans les
P. Ires répondaient à cette hypothèse : ce type de personnalité est, comme
nous l’avons vu plus haut, stable dans le temps, procure des motivations
durables peu sensibles à l’échec, ainsi que l’empreinte pourrait le détermi-
ner. À titre d’exemple, nous observons des individus enclins à une forme de
calme apparent, à un certain optimisme et à l’épicurisme. Ce type de per-
sonnalité pourrait s’inscrire dans la continuité de l’état de calme du nour-
risson alors qu’il contemple son environnement, sans être perturbé par ses
besoins primaires puisque ceux-ci sont satisfaits avant même qu’il ne res-
sente la gêne du manque (biberon apporté avant la sensation de faim, etc.).
La déclinaison des comportements que nous pensons engrammés comme des
P. Ires apparaissent dans le tableau II.1 (ci-dessous).
Les P. IIres (cf. Tableau II.2) seraient selon nous apportées par la
culture, l’éducation, les valeurs inculquées, les expériences de vie influen-
çant l’individu après la période d’empreinte périnatale, selon un modèle
récompense/punition. Les P. IIres sont donc moins disposées à procurer
une motivation spontanée et durable à l’individu car une expérience de
vie peut en moduler une autre.
Ainsi, une P. Ire telle que la Lutte Réussie a pour valeur l’harmonie des
relations, le fait d’aimer faire se rencontrer les gens qui peuvent s’entendre,
de réparer les mésententes, etc.. Mettre de l’harmonie dans les ambiances
dysharmonieuses constitue un plaisir. Une P. IIre en Lutte Réussie, en
revanche, présente également la valeur de l’harmonie des relations, mais
cela se traduit par le fait de mettre de l’harmonie pour éviter le déplaisir de
la dysharmonie, et non pour le plaisir de rendre les choses harmonieuses.
De la même façon, une Fuite Empêchée Ire aime ranger un environ-
nement en désordre pour le plaisir de catégoriser les choses, tandis qu’une
Fuite Empêchée IIre range pour éviter le déplaisir d’un environnement
chaotique. La P. Ire est dans le plaisir de l’action, la P. IIre dans la satis-
faction du résultat.

285
286
Les 8 Les origines Dynamiques comportementales
Caractéristiques
personnalités 4 états émotionnels réussis Ce qui nous plaît en soi, nous motive et nous fait agir
typiques
primaires (R) ou empêchés (E) (même sans résultats ni reconnaissance, même en cas d’échec)

Activation Réussie A = État de curiosité « libre » – Epicurien – Faire à son rythme


(P. AR Ire) idéalisé – Positiviste – Prendre la vie du bon côté
Épicurien R = Attrait – Distancié – Etre spontané, authentique
pour la contemplation, – Positiver, être optimiste
le laisser-vivre – Valoriser la nature et le naturel

Activation A = État de curiosité – Intellectuel – Expliquer, démontrer


Empêchée « orientée » idéalisé – Autonome – Innover inventer
(P. AE Ire) E = Attrait pour la réflexion, – Responsable – Concevoir, abstraire
Novateur l’analyse – Nuancer, relativiser
– Responsabiliser
La thérapie neurocognitive et comportementale

Fuite Réussie F = Idéalisation – Mobile – Voyager, bouger, faire du sport


(P. FR Ire) du mouvement idéalisé – Créatif – Aborder les inconnus
Animateur R = Attrait pour – Ludique – Vendre, animer
le changement – Créer, jouer, plaisanter
– Prendre des risques

Fuite Empêchée F = Idéalisation de l’échec – Gestionnaire – Gagner de l’argent, du temps


(P. FE Ire) du mouvement – Anticipateur – Gérer, organiser, classer, trier
Gestionnaire E = Attrait pour le fait – Collectionneur – Faire de ses mains, bricoler
de se cacher, pour le surplace – Simplifier, faciliter l’ergonomie
et le stockage – Développer la sécurité, la qualité
Lutte Réussie L = Idéalisation de la lutte – Stratège – Diriger, orchestrer, décider
(P. LR Ire) et de la conquête d’autrui – Fédérateur – Déléguer, accoucher les talents
Stratège R = Attrait pour le fait – Éclectique – Etre raffiné, élégant, bien éduqué
de fédérer, compter sur autrui – Avoir du tact, de la délicatesse
– Faire ou recevoir des cadeaux

Lutte Empêchée L = Idéalisation de l’échec – Indépendant – Relever des défis


(P. LE Ire) de la lutte et de la conquête – Compétiteur – Etre bref, clair et précis, factuel
Compétiteur d’autrui – Original – Se dépasser, dépasser les limites
E = Attrait pour les challenges – Valoriser le mérite, l’effort
individuels, ne compter – Avoir de l’esprit critique, être original
que sur soi

Inhibition Réussie I = Idéalisation de l’apitoiement – Sociable – Assister, seconder


(P. IR Ire) R = Attrait pour les rapports – Affectif – Agir en équipe, partager
Affectif doux respectant la fragilité – Séduire, plaire, se faire protéger
et pour le fait de se faire – Créer le lien, accueillir
protéger – S’occuper des enfants, éduquer

Inhibition I = Idéalisation de l’échec – Généreux – Donner, être généreux, serviable


Empêchée de l’apitoiement – Infatigable – Rester simple, modeste, discret
(P. IE Ire) E = Attrait pour le service – Disponible – Etre disponible, scrupuleux
Solidaire rendu à ceux qui en ont – Aider les démunis, les exclus
vraiment besoin – Faire les tâches ingrates, pénibles

Tableau II.1
Les personnalités dites « primaires » du modèle TNC (motivations durables)

287
Annexe 2 – Modèle des Personnalités en TNC
288
Les 8 Les origines Aversions comportementales
personnalités 4 états émotionnels réussis Antivaleurs Ce qui nous déplaît le plus, que nous évitons
secondaires (R) ou empêchés (E) autant que possible et même que nous détestons

Activation Réussie A = État de curiosité « libre » – Pessimisme – Dramatiser


(P. AR Ire) idéalisé – Résignation – Compliquer, détailler
Épicurien R = Attrait pour – Violence – Agresser, être violent
la contemplation, le laisser-vivre – Exigences sociales – Être excessif, extrémiste
– Réflexion complexe – Mentir, être hypocrite

Activation A = État de curiosité – Irrationalité – Manquer de logique


Empêchée « orientée » idéalisé – Irresponsabilité – Exagérer, simplifier, déformer
(P. AE Ire) E = Attrait pour la réflexion, – Compétition – Affirmer sans preuve
Novateur l’analyse – Critiquer, polémiquer
La thérapie neurocognitive et comportementale

– Être irresponsable

Fuite Réussie F = Idéalisation du mouvement – Contrainte – Répéter, réciter


(P. FR Ire) idéalisé – Rigueur – S’imposer, insister
Animateur R = Attrait pour le changement – Conflit – Être sérieux, expliquer, prouver
– Répétition – Rester immobile, sédentaire
– Dire non, affronter

Fuite Empêchée F = Idéalisation de l’échec – Imprévu – Prendre des risques


(P. FE Ire) du mouvement – Insécurité – Perdre de l’argent
Gestionnaire E = Attrait pour le fait – Action sociale – Vivre le provisoire, le précaire
de se cacher, pour le surplace – Vivre l’incertitude, l’imprévu
et le stockage – Vivre dans le désordre
Lutte Réussie L = Idéalisation de la lutte – Dysharmonie – Trahir sa parole
(P. LR Ire) et de la conquête d’autrui – Rupture de « contrat » – Etre petit, mesquin
Stratège R = Attrait pour le fait ou d’engagement – Détruire l’action commune
de fédérer, compter sur autrui – Laisser-aller – Passer à l’action, produire
– Instabilité – S’emporter, manquer de retenue
– Marginalité

Lutte Empêchée L = Idéalisation de l’échec – Infériorité – Se résigner, abandonner


(P. LE Ire) de la lutte et de la conquête – Médiocrité – Être banal, ordinaire
Compétiteur d’autrui – Inefficacité – Être faible, dépendant
E = Attrait pour les challenges – Naïveté – Manquer d’esprit critique
individuels, ne compter que – Inefficacité – Être lent, inefficace
sur soi – Politesses
« superflues »

Inhibition Réussie I = Idéalisation de l’apitoiement – Rejet, exclusion – Se mettre en avant, se valoriser


(P. IR Ire) R = Attrait pour les rapports – Initiative – Agir seul, devoir décider
Affectif doux respectant la fragilité – Autonomie – Gérer les machines, la technique
et pour le fait de se faire – Technicité – Être persévérant
protéger – Méchanceté – Être abandonné, rejeté
– Ambition personnelle

Inhibition Empêchée I = Idéalisation de l’échec – Égoïsme – Gaspiller, se soucier de soi


(P. IE Ire) de l’apitoiement – Prétention – Être privilégié, égoïste
Solidaire E = Attrait pour le service – Abus de pouvoir – Refuser une demande d’aide
rendu à ceux qui en ont – Méchanceté – Être à charge, incapable d’aider
vraiment besoin – Inactivité, superflu – Être inutile, improductif

Tableau II.2

289
Annexe 2 – Modèle des Personnalités en TNC

Les personnalités secondaires (motivations fragiles, dépendantes du résultat et de la reconnaissance)


La thérapie neurocognitive et comportementale

Le modèle que nous proposons présente une distinction entre les per-
sonnalités dites « réussies » et les personnalités dites « empêchées ». Cette
appellation est issue du fait que le nourrisson puisse intégrer son état ainsi
que le fait que cet état ait pu conduire à un succès ou à un échec.
Imaginons un nouveau-né en état de Lutte, commençant à être crispé, en
colère et criant parce qu’il a faim : si l’environnement répond à son besoin
à cet instant, il peut engrammer le fait que son état à ce moment-là est
source de bénéfice, il peut compter sur l’entourage, ce qui le prédispose à
une structure de Lutte en état réussi. En revanche, si son état de Lutte
perdure et que l’environnement ne répond que tardivement aux besoins
de l’enfant (situation d’échec), celui-ci peut engrammer un état de Lutte
quelque peu différent, teinté du fait de ne pas compter sur l’environne-
ment mais plutôt sur soi, de manifester une certaine ténacité, etc. Dans
ce cas, nous avons préféré parler d’état « empêché » plutôt qu’en échec
car l’individu tend, par la suite, à « idéaliser » ce comportement et ressent
un plaisir dans ce comportement au contraire d’un quelconque sentiment
de défaite. En effet, d’un point de vue darwiniste, nous imaginons mal
qu’un comportement, si tôt, puisse être annihilé par un jeu de récom-
pense/punition, car le nourrisson a besoin d’être proactif pour faire
entendre ses besoins, apprendre du monde et ainsi survivre. Ceci expli-
querait l’idéalisation des comportements du nourrisson. Ce que nous appe-
lons une P. Ire en Lutte Empêchée, par exemple, éprouve du plaisir à faire
une action seule, à relever des défis, à aller au bout d’elle-même.
Les aspects théoriques et pratiques de ce modèle sont développés dans
d’autres ouvrages (Fradin & Lemoullec, 2006, op. cit.).
Annexe 3
Elsa : cas de TOC
traité par thérapie
du Positionnement Grégaire
Lefrançois & Fradin

1. CADRE THÉORIQUE

1.1. Genèse des Troubles Obsessionnels Compulsifs :


théories
Le DSM IV-TR (APA, 2004) décrit le trouble obsessionnel compulsif
(TOC) comme un trouble anxieux caractérisé par la présence d’obsessions
et de compulsions qui entraînent un sentiment de souffrance et/ou une
perturbation et une perte de temps significatives (plus d’une heure par
jour) dans la vie de l’individu. Ces comportements sont excessifs et ne
sont pas reliés de façon rationnelle à l’événement qu’ils sont censés
empêcher.

1.2. Liens entre assertivité et TOC


Les patients TOC présentent des troubles de comorbidité variés et fré-
quents (Welkowitz, Struening, Pittman, Guardino, & Welkowitz, 2000 ;
Crino & Andrews, 1996). Dans ce cadre, nous avons pu noter, au travers
de notre expérience clinique et de la littérature, que les patients TOC
avaient des caractéristiques communes avec les patients présentant des

291
La thérapie neurocognitive et comportementale

troubles de l’assertivité. Partant de notre expérience sur ce type de trouble


(cf. Fradin & Fradin, 2006 ; Lefrançois, Van Dijk, Bardel, Fradin,
& El Massioui, 2011a), nous avons souhaité explorer le lien entre asserti-
vité et TOC, et tester l’impact de nouveaux exercices destinés à traiter un
trouble dit de « soumission » sur des patients atteints de TOC.

Liens entre assertivité et phobie sociale


Nous avons exploré les troubles de l’assertivité qui semblaient liés au rap-
port de l’individu au groupe selon une dimension dominance-soumission
(Fradin & Fradin, 2006). Le comportement assertif a été défini comme
permettant à une personne « d’agir au mieux dans son intérêt, de défendre
son point de vue sans anxiété exagérée, d’exprimer avec sincérité et
aisance ses sentiments et d’exercer ses droits sans dénier ceux des autres »
(Alberti & Emmons, 2008). Les troubles de l’assertivité se présentent
comme un défaut (manque de confiance en soi, défaut d’affirmation de
soi, inhibition, soumission, dépression) ou un excès (violence, manipula-
tion, dominance) de ce type de comportement (Romano & Bellack, 1980 ;
Ames, 2008). Certains auteurs ont présenté les troubles de soumission
comme comparables à ceux observés chez les patients souffrant de phobie
et d’anxiété sociales (Hofman, Heinrichs & Moscovitch, 2004). Selon
certains auteurs, ces comportements de soumission auraient été destinés,
d’un point de vue phylogénétique, à maintenir une hiérarchie sociale pri-
mitive, mais s’avéreraient pathologiques chez l’homme (Trower
& Gilbert, 1989).
Nous avons classé – d’après nos observations cliniques et la littérature
(Alberti & Emmons, 2008 ; Romano & Bellack, 1980 ; Ames, 2008 ;
DSM-IV-TR, 2004) – l’ensemble des comportements et représentations
cognitives caractéristiques de la dominance et de la soumission sur un axe
(cf. Figure 2.3). La représentation sur cet axe suppose un continuum
entre ces deux types de comportements, le comportement assertif (non
pathologique) se situant au milieu. Nous avons appelé la position d’un
individu sur cet axe le « Positionnement Grégaire ». Nous avons divisé
l’axe de dominance/soumission en 11 niveaux d’intensité et de manifesta-
tion de ces comportements (cf. Figure 2.3).
L’observation clinique tend à montrer que le Positionnement Grégaire
d’un individu se maintient à un niveau moyen comme s’il était sous l’in-
fluence d’un phénomène d’autorégulation intrinsèque (DSM-IV-TR,
2004). Un individu présentant par exemple un niveau moyen de soumis-
sion -2 d’après notre échelle d’évaluation (Lefrançois et al., 2011a ; de

292
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie du Positionnement Grégaire

Chalvron et al., in revision), pourra manifester des fluctuations cycliques


entre -3 et -1. Ceci implique que l’intensité de soumission d’un individu
diminuera lors d’un événement heureux ou agréable, mais qu’il se produira
ce qui pourrait être interprété comme un effet rebond quelques heures ou
jours plus tard. Cet effet sera d’autant plus manifeste si l’écart est impor-
tant ou prolongé ou si l’individu lutte au quotidien par la volonté pour
limiter l’impact du PG dans sa vie sociale. À l’inverse, un événement
négatif peut provoquer momentanément une augmentation de la soumis-
sion puis un retour au niveau initial, indépendamment de toute améliora-
tion de la situation. Cet effet rebond semble destiné à faire revenir
l’intensité de soumission à son niveau moyen initial, de façon à mainte-
nir le positionnement G de l’individu et ainsi la stabilité sociale.

Traitement des troubles du positionnement grégaire et TOC


Les exercices dits de Positionnement Grégaire (PG) que nous proposons
sont destinés à pallier les troubles de soumission et augmenter le PG pro-
gressivement et suffisamment pour qu’il n’y ait pas de retour au niveau
moyen initial. Nous formulons l’hypothèse qu’un changement durable de
PG sans effet rebond devrait permettre de modifier le PG de façon stable.
Notre expérience clinique nous a permis de constater que chez l’humain,
soumis et dominants exécutent fréquemment des « rituels comportemen-
taux et sociaux » comme s’excuser sans raison, être d’un perfectionnisme
anxieux et scrupuleux, ou au contraire s’arroger des droits, déstabiliser
autrui, etc. produisent des commentaires intérieurs propres à chaque niveau
d’intensité. Nous avons fait l’hypothèse, d’après ces observations, que ces
stéréotypes pouvaient non seulement être symptomatiques du positionne-
ment grégaire (PG) mais avoir aussi un rôle actif dans son maintien. Nous
avons supposé qu’une inversion durable de ce positionnement pourrait per-
mettre un traitement des troubles associés à la soumission. Nous avons donc
élaboré des exercices comportementaux et cognitifs sous forme de jeux de
rôles caricaturaux, constituant une forme « d’antidote » du comportement
de soumission. Ces exercices ont déjà montré des effets bénéfiques sur une
population de patients montrant des troubles de la soumission et de phobie
sociale (cf. Lefrançois et al., 2011a). Or comme évoqué précédemment, nous
avons pu constater que les commentaires et pensées des patients TOC
(Hout & Kindt, 2004) semblaient de même nature que ceux des patients
présentant de la soumission (commentaires notamment liés à des sentiments
de culpabilité, de responsabilité et d’infériorité irrationnels ; Salkovskis,
Wroe, Gledhill, Morrison, Forrester, Richards, Reynolds & Thorpe, 2000 ;

293
La thérapie neurocognitive et comportementale

Mancini & Gangemi, 2004 ; Shafran, Watkins & Charman, 1996 ; Yao,
1995 ; Weiner & Mohl, 1996). En effet, des commentaires tels que « la dou-
leur est due à un horrible sentiment de culpabilité : j’ai commis un acte inconce-
vable, criminel »1 (Rapoport, 2001) associés à aucun acte répréhensible,
peuvent être constatés aussi bien chez des individus dits « soumis », que
TOC. Au vu de ces observations, nous avons souhaité étudier l’impact des
exercices de PG sur les symptômes TOC.
Dans ce cadre, une patiente présentant des TOC de vérification a
accepté de participer à notre étude exploratoire. Nos hypothèses étaient
que les exercices de PG peuvent diminuer l’anxiété et éventuellement les
obsessions associées aux comportements TOC.

2. ÉTUDE DE CAS : ELSA

2.1. Description du cas clinique


Elsa est de sexe féminin et travaille en tant que consultante/formatrice.
Elsa, au commencement de l’étude thérapeutique, avait 27 ans. Cette
patiente a suivi, préalablement à notre étude, une thérapie cognitive clas-
sique pour traiter ses TOC.
Les compulsions d’Elsa consistaient essentiellement à vérifier la ferme-
ture des portes (portes de voiture, d’appartement, de lieu de travail) ou du
gaz. Chaque vérification durait un quart d’heure à une heure par jour. Ses
obsessions, quant à elles, duraient toute la journée et portaient sur le fait de
risquer d’être cambriolée ou de causer un cambriolage qui aurait pu porter
préjudice à sa colocataire, ou à l’entreprise dans laquelle elle travaillait. Elle
craignait également de créer un dommage irréparable comme la mort de ses
voisins en laissant le four allumé, etc. Globalement ses obsessions et com-
pulsions étaient axées sur la crainte de causer une perte matérielle (finan-
cière) ou un dommage physique la concernant, mais encore plus concernant
autrui. Ces comportements ont débuté suite à quelques déconvenues finan-
cières et à l’interruption d’une relation amoureuse. Elsa a dit n’avoir jamais
ressenti de tendance à l’anxiété ou au TOC avant ces événements. Ses
TOC ont commencé environ 6 mois avant notre étude. Par ailleurs Elsa,
avant de commencer l’étude, se plaignait des cauchemars et attaques
de panique nocturnes quotidiens. Elle craignait également que son manque
de sommeil impacte la qualité de son travail pendant la journée.

1. Commentaire rapporté d’un patient TOC par le Pr Rapoport.

294
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie du Positionnement Grégaire

2.2. Protocole expérimental

Matériel
a) Questionnaires
Mesure des TOC : l’Inventaire de Padoue (Sanavio, 1988 ; Bouvard &
Cottraux, 2005), est un questionnaire d’auto-évaluation comportant 60
items qui décrivent des pensées ou des comportements de type obsession-
nel et compulsif. Cette échelle met en évidence un score total et les sous-
scores de contrôle affaibli sur les conduites mentales, de contamination,
de vérification et d’inquiétude concernant le contrôle moteur.
Mesure du Positionnement Grégaire : L’Inventaire de Positionnement
Grégaire (IPG) est un questionnaire d’auto-évaluation comprenant
24 questions destinées à évaluer l’intensité des comportements de soumis-
sion et 26 questions destinées à évaluer l’intensité des comportements de
dominance. Deux scores globaux de soumission et de dominance sont
recueillis, ainsi que cinq sous-scores correspondant aux différents niveaux
de soumission et 5 sous-scores correspondant aux niveaux de dominance.
La validation de ce questionnaire étant en cours (de Chalvron, in revi-
sion), il a été utilisé à titre indicatif.

b) Exercices de Positionnement Grégaire (PG)


Ces exercices consistent à jouer consécutivement cinq rôles. Chaque rôle
dure environ une minute. Le sujet doit orienter son discours sur une situa-
tion ou un objet particulier qui lui pose problème (par exemple une per-
sonne ou un type de situation avec lesquels il peut être mal à l’aise, ou qui
concernent ses obsessions et compulsions).
Le premier jeu de rôle consiste à caricaturer un personnage soumis
en plein affolement, exprimant tout ce qu’il redoute, s’agitant dans tous
les sens, mais peu crédible aux yeux du sujet lui-même (théâtralisation).
Nous demandons à l’individu de jouer ce personnage comme s’il était
un dominant qui imiterait et ridiculiserait de façon plus ou moins gros-
sière un individu soumis dans un accès d’affolement. Cet exercice est
souvent générateur de rire et permet d’induire, par son excès, une prise
de recul.
Le deuxième jeu de rôle consiste à jouer un personnage dominant et
caricatural (debout, torse bombé), moqueur, voire cruel à l’égard du per-
sonnage joué en premier. Nous avons pu observer que le jeu de ce person-
nage est facilité et amplifié dès lors qu’il est précédé du premier jeu de

295
La thérapie neurocognitive et comportementale

rôle : il semble que celui-ci permette une forme « d’effet balançoire » ou


effet rebond facilitant la réalisation du second jeu de rôle. Ce deuxième
rôle aurait comme une fonction « antidote » des comportements liés à la
soumission.
Le troisième jeu de rôle consiste en une « petite sorcière » qui insuffle
à l’individu tous les commentaires qu’il peut se faire et qui l’amènent à
culpabiliser et donner raison à ses TOC. Ce personnage caricatural per-
met au patient de considérer les commentaires qu’il se fait comme issus
d’un système autonome, faisant partie de lui mais qui ne correspondent
pas à la réalité. La « petite sorcière » serait en quelque sorte le dominant
ou le bourreau « intérieur » de l’individu soumis, qui le dévalorise et le
culpabilise, le poussant ainsi un peu plus à se soumettre. Ceci pourrait
constituer la forme atténuée de la « voix intérieure » décrite dans les
délires mélancoliques (DSM-IV-TR, 2004). Au même titre que le premier
jeu de rôle, ce troisième jeu de rôle caricaturerait cette dimension « méta-
cognitive » et « autopunitive » de la soumission, dans la finalité d’induire
un effet rebond émotionnel et un recul cognitif.
Le quatrième jeu de rôle consiste à adopter de nouveau l’attitude d’un
dominant, mais qui cette fois-ci se moquerait du troisième personnage,
le transformant en personnage de bande dessinée qui ferait rire les
enfants. Ce quatrième « personnage », qui est en fait le même que le
deuxième mais se moquant du troisième, présenté comme la seconde par-
tie du soumis (et constitue ainsi un « faux dominant »), se complaît à
déclarer qu’il n’a peur de personne et prend plaisir à faire peur à tout
le monde.
La cinquième étape de l’exercice n’est pas à proprement parler un « jeu
de rôle » et ne demande pas d’adopter une attitude extrême. L’individu
doit simplement recenser les engagements qu’il tente de tenir, se les appro-
prier et prendre du recul par rapport aux commentaires qu’il peut se faire
et qui lui causent du trouble.

Méthodologie
Nous avons souhaité réaliser un protocole de type ABA’B’2 de quatre fois
quatre semaines. Ce type de protocole propose de commencer par une
phase sans traitement durant laquelle nous établissons des mesures à

2. Un protocole de type ABAB propose d’alterner des phases sans traitement avec des
phases de traitement, en commençant par une mesure des symptômes de l’individu
sans traitement.

296
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie du Positionnement Grégaire

l’aide de questionnaires, de façon à réaliser une ligne de base des symp-


tômes du patient. Malheureusement la patiente, en raison de sa détresse,
a souhaité débuter la thérapie au plus tôt. Pour des raisons éthiques il
nous a été difficile de refuser la thérapie à la patiente ne fut-ce que le
temps de la réalisation de la ligne de base qui devait durer 4 semaines.
Nous avons donc été contraints de réaliser une seule mesure pour la ligne
de base. Pour les mêmes raisons, la phase À’intermédiaire sans traitement
n’a duré que 3 semaines au lieu de 4. Les phases ABA’B’ont donc duré
11 semaines en tout. À la suite de l’étude, Elsa a proposé de continuer
les exercices et les évaluations après la dernière phase B’. Cette phase
non prévue initialement a été nommée « phase B’’ » et a duré 14 semaines.
Trois ans après ces phases, nous avons réalisé 3 évaluations afin de voir
l’impact à long terme des exercices. Nous appellerons cette dernière
phase la phase C.
L’évaluation de la patiente a été réalisée une fois par semaine. Chaque
évaluation a comporté la passation de l’Inventaire de Padoue et de l’In-
ventaire de Positionnement Grégaire, excepté lors de la phase C. Lors de
cette dernière phase nous n’avons fait passer que l’Inventaire de Padoue,
pour déranger la patiente de façon minimale.

a) Phases de traitement B, B’et B’’


Lors des phases B et B’, la patiente a réalisé les exercices en moyenne deux
fois par jour. Le thérapeute a eu un contact téléphonique trois fois par
semaine avec la patiente : la patiente effectuait les exercices, et au besoin
le thérapeute ajustait le discours des exercices. Les événements, bons ou
mauvais, qu’elle a vécus à ce moment de sa vie ont été notés dans un car-
net de bord, afin de recueillir ce qui pouvait éventuellement moduler l’im-
pact des exercices. Lors de la phase B’’, nous avons continué à réaliser des
évaluations périodiques, mais le suivi thérapeutique s’est espacé (une fois
tous les 15 jours en moyenne).

b) Phase sans traitement A’


Lors de la phase A’, un contact téléphonique a été réalisé trois fois par
semaine, afin de recueillir les événements de vie de la patiente et de réa-
liser les évaluations.

297
La thérapie neurocognitive et comportementale

Phases Phase A Phase B Phase A Phase B Phase B Phase C

Nombre 1 mesure 4 mesures 3 mesures 4 mesures 14 mesures 3 mesures


de mesures

t t0 t1 à t4 t5 à t7 t8 à t11 t12 à t25 t26 à t28

Traitement Phase sans 4 semaines 3 semaines 4 semaines 14 semaines 3 semaines


correspondant exercices, de traitement, sans de traitement, de traitement, sans suivi
située juste un à deux traitement, un à deux un à deux d’exercices,
avant exercices suivi 3 fois exercices par exercices 3 ans après
les premiers par jour, suivi par semaine jour, suivi par jour, suivi la phase B’’
exercices 3 fois par 3 fois 1 fois par
semaine par semaine semaine

Questionnaires Padoue, IPG Padoue, IPG Padoue, IPG Padoue, IPG Padoue, IPG Padoue

Tableau III.1
Récapitulation des mesures et phases correspondantes,
durant l’étude de cas d’Elsa

2.3. Résultats
Nous avons réalisé une analyse descriptive des phases, comme il est de rigu-
eur pour une étude de cas. Nous avons ajouté à cela une corrélation entre la
variable temps T à 29 modalités et les variables dépendantes de mesure (toutes
phases de traitement confondues), afin d’avoir un ordre d’idée quant à la ten-
dance générale de l’évolution des symptômes. Les variables dépendantes qui
ont été mises en corrélation avec la variable temps sont donc les suivantes :
– Variable Padoue (P), à 4 modalités : score total de Padoue (p1), sous-
score Mental activity control (p2), sous-score Contamination (p3),
sous-score Checking (p4), sous-score Motor behavior control (p5) ;
– Variable Positionnement Grégaire Soumis (G) à une modalité : score
total de Positionnement grégaire soumi<cf2<<cf1<s (g1).
Nous avons également pris en compte, dans l’analyse des corrélations,
la variable indépendante période de traitement (D) à 2 modalités (avec trai-
tement d1, sans traitement d2).
Par ailleurs, nous noterons que certains événements « importants »
pour la patiente, positifs ou négatifs, sont survenus lors de l’étude et ont
pu influencer son évolution. Une liste des événements les plus importants
est présentée ci-dessous :

298
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie du Positionnement Grégaire

T Événements

Entre t0 Elsa a peur que des choses qu’elle a dites à propos d’une amie soient colportées ; problèmes
et t1 de sommeil (difficultés à s’endormir, cauchemars).

Entre t1 Elsa part en vacances et culpabilise de cela (elle s’inquiète de ne pouvoir voir tous ses amis
et t2 durant ses vacances).

Entre t1 Commencement des exercices ; la vérification des serrures ne prend plus que 5 à 15 min par
et t4 jour par serrure. Elsa ne songe plus à ses obsessions pendant la journée.

Entre t4 Période sans traitement, Elsa recommence à ne pas dormir et à faire des cauchemars ; elle doit
et t7 prendre à nouveau 20 min pour fermer chaque porte, mais n’y pense toujours pas pendant le
reste de la journée.

A t7 Ses TOC et son anxiété ont suffisamment repris pour qu’elle prenne de nouveau ponctuelle-
ment un anxiolytique. Elle demande à reprendre les exercices « parce qu’elle n’en peut plus »,
selon ses propos.

A t8 Son compagnon lui demande de vivre avec elle. Elle l’annonce à sa colocataire qui semble
accueillir la chose sans trop d’enthousiasme. Elsa culpabilise de cela.

A t9 Elsa reprend ponctuellement des anxiolytiques, présente de la culpabilité vis-à-vis du fait d’ha-
biter chez son compagnon, elle a l’impression de s’imposer chez lui ; elle culpabilise aussi vis-
à-vis du fait de chercher un nouveau travail car elle souhaite désormais s’affirmer en choisissant
une profession plus conforme à ses aspirations, elle se culpabilise donc « d’abandonner » ses
collègues ; tout va « trop bien » selon elle et cela l’angoisse (superstition).

Entre t12 Période d’installation chez son compagnon ; elle a mis une heure pour fermer la maison, parce
et t13 qu'elle partait en vacances ; mais par ailleurs elle dit se sentir bien, estimer que tout va bien
dans sa vie, être heureuse dans son travail et dans sa vie sentimentale.

Entre t13 Elle réduit de nouveau sa durée de fermeture des portes à 5 à 10 min.
et t14

A t17 Son compagnon lui fait part de la difficulté qu’il a à gérer au quotidien ses TOC. Elsa culpabilise
donc et recommence à manifester des attaques de panique.

Entre t22 Son compagnon lui reproche à nouveau ses TOC ; elle appréhende la rentrée et son nouveau tra-
et t25 vail ; à t24 elle est sollicitée pour être témoin à un mariage bientôt ; elle dit accumuler par ailleurs le
stress de ses proches (son frère passe un examen bientôt, et son ami prépare un gros événement).

Entre t26 Phase C, mesures effectuées trois ans après l’étude : la patiente déclare n’avoir plus de problèmes
et t28 de TOC. Elle dit faire des exercices de PG de temps en temps quand elle en ressent le besoin.
Ils présentent chaque fois bénéfice immédiat.

Tableau III.2
Synthèse des évènements survenus dans la vie d’Elsa durant la thérapie

299
La thérapie neurocognitive et comportementale

Évolution des scores du Padua Inventory (TOC)

90

80

70
Score Total de Padoue

60

Score Total Padoue


50

40

30
A B A' B' B" C
20
t0 t2 t4 t6 t8 t10 t12 t14 t16 t18 t20 t22 t24 t26 t28

Figure III.1
Évolution de l’intensité du Score Total Padoue (TOC) d’Elsa durant l’étude

D’un point de vue descriptif, nous pouvons observer que la courbe de


la figure III.1 montre une inflexion au fur et à mesure du temps, ce qui
correspond à une diminution globale des symptômes de TOC. Cette
inflexion se manifeste dès le commencement des exercices (t1), pour ne
jamais atteindre à nouveau une valeur aussi haute qu’à t0. Lors de la phase
A’(sans exercices), la courbe continue de diminuer après une première
semaine sans exercices (t5) pour ensuite remonter et créer un pic juste
avant la reprise des exercices. La courbe s’infléchit à nouveau dès la reprise
des exercices (t8) et continue de diminuer très progressivement en
comportant quelques oscillations entre la phase B’et B’’. La diminution
des symptômes s’est accentuée lors de la phase C, c’est-à-dire 3 ans après
l’étude, alors même que la pratique des exercices s’est largement espacée.
La moyenne du score total de Padoue (p1) lors des phases avec exer-
cices (phases B, B’, B’’ et C) est de mp1d1 = 49,52 (sdp1d1 = 10,8), et de
mp2d2 = 63,5 (sdp2d2 = 17, 14) lors des phases sans exercices. Le score total
Padoue le plus élevé est à t0 (sp1+ = 86). Sur l’ensemble des mesures, le
score le plus faible de 25 apparaît à t28.
Nous observons une corrélation négative entre la variable temps (T)
et la variable Score total Padoue (rt.p1 = −0,74 ; p < 0.000), toutes phases

300
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie du Positionnement Grégaire

confondues. Ce résultat indique que ce score diminue au fur et à mesure


que le temps avance.
Score of Padua Substacles

3.5 A
3 B A' B' B" C
2.5 Mental activity control
2 Contamination
1.5 Checking
1 Motor behavior control
0.5
0
t0 t2 t4 t6 t8 t10 t12 t14 t16 t18 t20 t22 t24 t26 t28

Figure III.2
Évolution des sous-scores d’Elsa à l’Inventaire de Padoue (TOC) lors de l’étude

D’un point de vue descriptif, nous remarquons que la courbe de scores


p2 (figure III.2, Mental activity control) montre globalement une diminu-
tion au fur et à mesure du temps, correspondant à une diminution des
symptômes de TOC. Nous notons cependant deux pics sortant de l’allure
générale de la courbe : à t7 (dernière mesure effectuée lors de la phase A’)
et à t12 (avant de partir en vacances). Un creux est observé également à
t22 (période d’événements à la fois positifs et négatifs, cf. Tableau III.2).
La moyenne des scores p2 lors des phases avec exercices (B, B’, B’’ et C)
est de mp2d1 = 1,4 (sdp2d1 = 0,58), tandis qu’elle est de mp2d2 = 1,8 (sdp2d2
= 0,29) lors des phases sans exercices (A et A’). Nous observons une cor-
rélation négative entre la variable temps (T) et la variable p2 (rt.p2
= −0,54 ; p<0.004), toutes phases confondues (A, A’, B, B’et C). Ce résul-
tat indique que le score manque de contrôle sur l’activité mentale dimi-
nue au fur et à mesure que le temps avance.
La courbe de scores p4 (figure III.2, Checking) montre également une
diminution globale au fur et à mesure du temps, correspondant à une dimi-
nution des symptômes de TOC. Nous notons, comme pour la courbe p2,
deux augmentations des scores aux alentours des moments t7 et t12. La
moyenne des scores p4 lors des phases avec exercices (B, B’, B’’ et C) est
de mp4d1 = 1,96 (sdp4d1 = 0,55), tandis qu’elle est de mp4d2 = 2,5 (sdp4d2
= 0,57) lors des phases sans exercices (A et A’). Nous observons une cor-
rélation négative entre la variable temps (T) et la variable p4 (rt.p4
= −0,73 ; p<0.000), toutes phases confondues (A, A’, B, B’, B’’ et C). Ce
résultat indique que le score de vérification de Padoue diminue au fur et
à mesure que le temps avance.

301
La thérapie neurocognitive et comportementale

Les deux autres courbes de sous-scores (p3, Contamination ; p5, Motor


Behavior Control) de l’Inventaire de Padoue montrent globalement des
scores plutôt bas, une légère inflexion suite à t0, puis une relative stabi-
lité jusqu’à t26 où les scores augmentent (phase C). Nous noterons que
ces deux sous-scores ne présentent aucune corrélation avec la variable
Temps (T).

Evolution du score de Positionnement Grégaire (IPG)

200
180
Score de soumission (IPG)

160
140
120
100 Submissive Total Score
80
60
40
20 A B A' B' B"
0
t0 t2 t4 t6 t8 t10 t12 t14 t16 t18 t20 t22 t24

Figure III.3
Évolution du score total de soumission (IPG) d’Elsa durant l’étude

Nous observons que la courbe du score total de soumission d’Elsa (g1,


cf. Figure III.3) montre une inflexion très importante entre t0 (point le
plus haut de la courbe, sg1+ = 175) et t6. Par la suite, nous remarquons
que la courbe présente une relative stabilité jusqu’à t25, excepté aux alen-
tours de t7 (dernière mesure réalisée en phase A’) et t11 (période d’ins-
tallation chez son compagnon), où nous remarquons à nouveau deux pics.
Le score de soumission le plus bas s’observe à t19 et à t25 (sg1 – = 16). La
moyenne du score total de soumission lors des phases avec exercices
(phases B, B’, B’’) est de mg1d1 = 36,6 (sdg1d1 = 31,1), et de mg1d2 = 75
(sdg1d2 = 69,6) lors des phases sans exercices. Nous observons une corré-
lation négative entre la variable temps (T) et la variable score total de
soumission (rt. g1 = - 0,62 ; p<0.001), toutes phases confondues (A, A’, B,
B’, B’’). Ce résultat indique que le score total de soumission diminue au
fur et à mesure que le temps augmente.

302
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie du Positionnement Grégaire

Corrélations entre questionnaires


Il est à noter que les sous-scores de Padoue corrèlent avec les différents
sous-scores de soumission de l’IPG (corrélations de l’ordre de 0,75
< r < 0,92 ; p< 0.00001). Par ailleurs, la corrélation entre les deux scores
totaux de Padoue et de l’IPG est de : rp1.g1 = 0,86 (p< 0,00001).

3. DISCUSSION

3.1. Tendances observées


La présente étude de cas visait à évaluer l’effet de nouveaux exercices cogni-
tifs et comportementaux sur les troubles obsessionnels et compulsifs. Les
résultats montrent que ces nouveaux exercices dits de Positionnement
Grégaire, destinés initialement à traiter les troubles de soumission, semblent
avoir permis la diminution des symptômes TOC chez Elsa (cf. scores de
Padoue). À l’inverse, nous avons pu remarquer une augmentation importante
des symptômes TOC lors de la phase sans exercices (phase A’). Quelques
autres ré-acutisations des symptômes apparaissent lors des phases avec exer-
cices, mais celles-ci sont de moindre importance et ne perturbent pas l’allure
globale de la courbe (cf. Figures III.1 et III.2). Ces augmentations corres-
pondent dans le calendrier de la patiente à l’occurrence d’événements impor-
tants à ses yeux, qu’ils soient de valence positive ou négative. Cette
observation est conforme au modèle de la soumission qui dramatise aussi bien
les échecs que les succès, en raison de la superstition. D’un point de vue sta-
tistique, la corrélation entre la variable temps et l’évaluation des symptômes
TOC confirme la tendance générale de la diminution des symptômes TOC
au fur et à mesure de la thérapie. Par ailleurs, les résultats obtenus à l’aide de
l’échelle de soumission IPG présentent une évolution comparable à celle des
scores TOC (cf. Figure III.3). Nous avons pu également observer que les
scores de soumission montraient des corrélations significatives très impor-
tantes avec les différents scores de l’inventaire de Padoue, ce qui laisse sup-
poser que les deux types de comportements évalués pourraient être liés.

3.2. Liens entre le concept de PG et les TOC


Il serait possible d’attribuer la diminution des symptômes observée dans
cette étude à la passation répétitive des questionnaires. Cependant, le fait
que les symptômes varient nettement en fonction des phases de traitement

303
La thérapie neurocognitive et comportementale

exclut cette hypothèse. Notons également que la tendance des résultats


présentés ici n’est pas isolée. En effet, les résultats de deux autres études
de cas nous ont permis d’observer les mêmes tendances (Lefrançois et al.,
2011b)3.
D’après certains auteurs (Zermatten, Van Der Linden & Ceschi,
2008 ; Carr, 1974), les cognitions ou métacognitions4 à connotation de
dévalorisation déclencheraient les obsessions des TOC, elles-mêmes
conditionnant l’apparition des compulsions. Les exercices de PG sem-
blant permettre de diminuer ces cognitions, nous avons supposé qu’ils
pouvaient bénéficier à des patients présentant des TOC. Pour Elsa, la
culpabilité et la crainte de causer un cambriolage, de causer la mort de
ses voisins, etc., a manifestement diminué voire disparu en faisant
ses exercices, et nous avons également pu constater une diminution de
ses compulsions.
Si l’hypothèse de l’implication de la soumission dans les symptômes
TOC se vérifiait, elle poserait la question de savoir si la soumission peut
être la cause totale ou partielle des symptômes TOC et pas seulement une
comorbidité. Nous pourrions également nous interroger sur la spécificité
du TOC : pourquoi la soumission se manifesterait-elle parfois sous la forme
d’un TOC ? Ou encore pourquoi le TOC est-il davantage focalisé sur cer-
taines craintes et compulsions, souvent assez stables chez chaque patient,
plutôt que sur d’autres ?

4. CONCLUSION
Les résultats que nous avons obtenus avec Elsa ainsi qu’avec d’autres
patients (cf. Lefrançois et al., 2011b) nous laissent penser que les exer-
cices de Positionnement Grégaire peuvent avoir un effet bénéfique sur
les TOC. Cette hypothèse est actuellement étudiée sur de plus amples
groupes de patients et en comparaison à l’effet d’autres techniques de
thérapie comportementale et cognitive (ERP, techniques d’affirmation
de soi de la 3e vague de TCC). Les exercices de Positionnement Grégaire
sont, d’un certain point de vue, assimilables aux techniques d’affirma-
tion de soi. Cependant, une différence notable existerait dans le fait que

3. Les deux études de cas présentées dans Lefrançois et al. (2011b) sont des cas de TOC
de vérification et de lavage très sévères.
4. Notion de métacognition chez les patients TOC (Zermatten et al., 2008 p. 119) : « la
métacognition est définie comme toute connaissance ou processus cognitif qui est
impliqué dans l’évaluation, la surveillance ou le contrôle de la cognition […] ».

304
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie du Positionnement Grégaire

les personnages à caractère « dominant » des exercices de PG sont plus


moqueurs, acerbes et peu soucieux de l’issue positive des événements (eu
égard aux caractéristiques du dominant, qui tend à s’en prendre aux plus
faibles et à croire que rien ne peut lui arriver), qu’ils ne sont plus parti-
culièrement imposants et orgueilleux dans les personnages de thérapie
classique. En effet, la dominance est sommairement assimilable aux ten-
dances perverses et narcissiques : elle conduit l’individu à prendre plai-
sir à déstabiliser les plus faibles et à croire que rien ne peut lui arriver.
L’étude sur des groupes d’individus devrait permettre de confirmer ou
non ces hypothèses, et si oui d’approfondir les raisons de l’impact des
exercices de PG sur les TOC. Cette étude pourrait aussi nous renseigner
sur la capacité ou non de ces exercices à créer une synergie avec d’autres
types de thérapies. Il serait par ailleurs intéressant d’étudier l’effet des
exercices de PG sur les troubles comorbides associés aux TOC.

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306
Annexe 4
Hypofonctionnement
ou « Hypo » ou CAES
Fiche synthétique

1. DÉFINITION
Le comportement Hypo est un comportement automatique d’évitement.
Cet « interdit » est d’origine grégaire (Néolimbique), ce qui le différencie
de la phobie (comportement automatique d’origine Paléolimbique/
Instinctive). Ceci signifie que l’Hypo se constitue dans le cadre de rejets
sociaux (ridiculisation, rejet, dévalorisation de la part de proches perçus
comme dominateurs mais non menaçants), c’est pourquoi on le nomme
aussi, de façon plus descriptive, Comportement Automatique d’Évitement
Social (CAES). La phobie, en revanche, se constitue plutôt au contact de
menaces physiques (par exemple lors d’un enfermement…) ou d’animaux
considérés comme potentiellement prédateurs ou dangereux en termes de
survie/intégrité corporelle.
L’Hypo dit « basique » porte sur des contenus de type objet ou
comportement.
L’Hypo dit « méta » porte sur une façon d’agir (par exemple une façon
de danser spécifique, une façon de chanter, etc.).

307
La thérapie neurocognitive et comportementale

2. CRITÈRES DE CONTENANT D’HYPO

A. La Résonance = sans implication de l’individu


Vécus : ils ont en commun une aversion avec adhésion cognitive. Du
plus adhérent au moins adhérent :
1. agacement, mépris, sensation d’être face à de la bêtise, sentiment
grégaire de supériorité (résonance en Lutte)
2. gêne, malaise, fou-rire, sensation d’être face au ridicule (résonance
en Fuite)
3. admiration avec émotion, envie de pleurer avec sensation de beauté,
de sublime (résonance en Inhibition)
B. L’Affrontement = avec implication de l’individu
1. Apaisement immédiat après évitement
2. Vécus et comportements d’affrontement : ils ont en commun une aver-
sion avec adhésion cognitive. Du plus adhérent au moins adhérent :
c. l’agacement, le mépris, le dégoût
d. la gêne, le malaise, le ridicule, la honte
e. l’émotion avec sensation de sublime
Peuvent s’y ajouter à des degrés divers :
f. l’ennui mortel, la sensation de glauque,
g. le sentiment d’absurde, le sentiment d’inutilité,
h. le blanc mental, l’absence de créativité
C. Les Critères (limbiques) généraux : fixité/reproductibilité, spécificité

3. DIAGNOSTIC D’HYPO

Hypo = soit A(1 ou 2 ou 3) + C


soit B(1 + (2a ou 2b ou 2c)) + C

4. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS DE L’HYPO

4.1. Hypo, Hyper et RH


Évitement et apaisement immédiat
En Hypo, l’évitement est automatique avec apaisement immédiat. En RH,
l’évitement est volontaire et non suivi d’apaisement immédiat.

308
Annexe 4 – Hypofonctionnement ou « Hypo » ou CAES

Réversibilité
En Hypo, il y a réversibilité au sens où la résonnance d’hypo se manifeste
indépendamment de l’individu (soi ou autrui) qui réalise l’action. Cette
réversibilité existe toujours sur le paramètre actif, même en Hypo-méta,
mais dans ce dernier cas elle est un critère difficile : le comportement
Hypo concerne une certaine façon de faire, par exemple maladroite, et
non le fait que ce soit moi ou l’autre.
En Hyper et en RH, il n’y a pas réversibilité, en ce sens que ces com-
portements se manifestent essentiellement si c’est soi ou autrui qui
adopte un comportement nourrissant ou déclenchant l’Hyper ou la RH.
Il y a donc dissymétrie (ce qui est valable pour soi ne l’est pas forcément
pour l’autre) et personnification du problème (la RH est interprétée
comme étant causée par un individu et non comme un mécanisme
interne).

4.2. Hypo et phobie


Hypo et phobie sont des évitements automatiques avec apaisement immé-
diat. La particularité de l’Hypo est qu’il s’inscrit dans la dimension gré-
gaire NL(les vécus associés sont la crainte du ridicule, le sentiment de
honte), tandis que la phobie s’inscrit dans celle de la survie (les vécus sont
la peur, l’angoisse de mort ou pour l’intégrité physique).

4.3. Évitement
L’évitement lié à l’Hypo est fixe et spécifique, ce qui le différencie de :
– l’évitement de la Fuite, qui est global et fluctuant (Instinctif)
– l’évitement du PGS et du PGM qui sont plus globaux et fluctuants
(Paléolimbique)
– l’évitement intelligent : pour lequel il n’y a pas de Stress et l’indi-
vidu est en « Mode Mental Préfrontal ou Adaptatif » (voir fiche
Gestion des Modes Mentaux).

309
La thérapie neurocognitive et comportementale

5. CONTENU DE L’HYPO : RECHERCHE


DES PARAMÈTRES ACTIFS

5.1. Recherche des paramètres actifs


comportementaux et cognitifs
Les tests qui suivent sont plus faciles, plus productifs, plus fiables et plus
confortables lorsqu’ils sont testés avec des Résonances (et non avec des
vécus ou comportements d’affrontement où l’individu a beaucoup de
malaise et un vide mental…).
Deux méthodes :
– À l’aide de questions ouvertes :
• descriptives : quoi, quand, comment, où, avec qui (questions per-
mettant de préciser le stimulus)
• explicatives : pourquoi (questions permettant de préciser les moti-
vations conscientes du comportement)
– À l’aide de questions fermées et analytiques :
• on teste un à un tous les « paramètres actifs d’hypo » imaginables
(descriptifs puis explicatifs). Nous appelons « paramètres actifs
d’Hypo » (ou Hypo) tous les paramètres qui déclenchent des
symptômes de Résonance.

5.2. Identification de sous-paramètres à partir de plusieurs


Résonances (phase analytique de la modélisation)
– Questions ouvertes : on demande directement au patient s’il identi-
fie un ou des paramètres communs entre les divers contenants
d’Hypos identifiés, ré-énoncés l’un après l’autre ou deux à deux
(répétés plusieurs fois et lentement)
– Questions fermées analytiques : on teste chaque paramètre en tant
que sous-paramètre possible d’un autre paramètre.
Outre leur caractère ouvert ou fermé sur l’Objet (i. e. sur le fond, le
Contenu), les questions doivent être fermées sur le Contenant
(i. e. sur la forme). Ainsi :
– elles doivent systématiquement contenir l’incise suivante et s’adres-
ser précisément à la réponse faite à la question précédente :
« Qu’est-ce qui vous agace (ou vous gêne ou vous émeut, suivant les cas)
dans cette situation ou attitude ? »

310
Annexe 4 – Hypofonctionnement ou « Hypo » ou CAES

– « Pourquoi cela vous agace-t-il (ou vous gêne ou vous émeut, suivant les
cas) dans cette situation ou attitude ? »
– « Ce que vous venez de décrire, pourquoi cela vous agace-t-il (ou vous
gêne ou vous émeut, suivant les cas) ? »
– Etc.
On s’assure ainsi de bien rester toujours sur le Contenant d’Hypo, sans
glisser vers d’autres contenants !

Résultat
Pour définir un seul et même Hypo à partir de plusieurs Résonances, il
faut parvenir à identifier un paramètre actif commun et fixe quel que soit
le type de Résonance (en Fuite, en Lutte ou en Inhibition).

Cas particulier
Notons le cas particulier où des paramètres dits « modulateurs » modi-
fient l’intensité ou le type de la Résonance ou du vécu d’affrontement du
paramètre actif. Ces paramètres modulateurs provoquent ainsi la bascule
d’un type de résonance vers l’autre.
– Exemple : les meilleures interprétations de la Callas émeuvent un
patient mais ses échecs le gênent ou l’agacent. On parlera de sous-
paramètre commun si l’on met par exemple en évidence que ce sont
« ses audaces » qui déclenchent les diverses Résonances précédem-
ment décrites. En revanche, si la beauté l’émouvait et la dysharmo-
nie l’agaçait, on décrirait deux paramètres actifs distincts : la beauté
et la dysharmonie. Il y aurait ainsi deux Hypos différents.
Autrement dit, l’ajout ou non d’un paramètre modulateur ne modi-
fie pas la présence d’une Résonance ou le vécu d’affrontement mais
en modifie simplement l’intensité ou le type.
À l’inverse, l’ajout ou la suppression d’un paramètre actif fait appa-
raître ou disparaître la Résonance ou le vécu d’affrontement5.
Par contre, une seule Résonance peut contenir plusieurs paramètres
actifs (donc la technique de recherche de paramètre actif par élimination
de paramètres ne peut suffire) : il faut tester isolément chaque paramètre
évoqué par une recherche de Résonance. L’apaisement immédiat après
l’évitement dans l’Hypo rend cette méthode pertinente (et permet de faire
un diagnostic différentiel vis-à-vis d’un « évitement » de RH).

5. Les paramètres modulateurs ont une grande importance pendant la Phase Thérapeu-
tique pour rendre le travail progressif et « assumable » par le patient.

311
La thérapie neurocognitive et comportementale

6. TEST DIAGNOSTIC DE L’HYPO

Toute identification de paramètre ou de sous-paramètre supposé actif doit,


là encore, être validée par un test de Résonance :
– sur le concept considéré (exemple : « Que ressentez-vous devant l’ef-
fronterie en général ? »)
– sur des situations particulières totalement extrapolées : on « ré-
injecte » du paramètre actif dans une autre situation totalement
décalée par rapport à celle qui a déclenché la Résonance décrite ou
observée (exemple : « Que pensez-vous des skieurs de “l’impos-
sible” ? »).

7. CONCLUSION
L’identification des paramètres actifs d’Hypo est déterminante pour la
Phase Thérapeutique parce que :
– l’Hypo est au centre de la thérapie NC,
– le travail d’affrontement cognitif et comportemental est considéra-
blement approfondi et renforcé par cette identification,
– la Phase de Stratégie Thérapeutique, qui peut éviter un enlisement
du travail et même quelques faux pas (aggravation de sonnettes
notamment) dépend essentiellement de la qualité de l’identification
des paramètres et sous-paramètres actifs. Celle-ci permet la lisibilité
des forces en présence (Hypos) et de leurs interactions (entre elles
et avec les Hypers et la RH),
– l’exploration des Résonances est facile, indolore et de surcroît les
symptômes sont immédiatement réversibles (à la différence de la RH).
Annexe 5
Paramètres modulateurs
de l’affrontement de l’Hypo
Fiche synthétique

1. DÉFINITION
On appelle paramètre modulateur d’affrontement le (ou les) facteur(s) qui
active(nt) ou modère(nt) la réaction de contenant induite par l’affronte-
ment du paramètre actif telle qu’elle est définie en TNC. Cette réaction
peut être un des trois États de Stress (Fuite, Lutte, Inhibition) ou un
Hypo, un Hyper et une Répression d’Hyper (RH). Connaître et gérer ces
paramètres modulateurs est important en TNC en général (à l’égard de
tout contenant) mais particulièrement en ce qui concerne les Hypos,
notamment dans le but d’accentuer ou de limiter le vécu d’affrontement
au cours de la phase thérapeutique comportementale.

2. IDENTIFICATION DES PARAMÈTRES MODULATEURS

2.1. Paramètres modulateurs activateurs


Ils augmentent l’intensité de l’affrontement au paramètre actif précédem-
ment identifié : ils sont tout ce qui expose la « voilure au vent de l’affron-
tement ».

313
La thérapie neurocognitive et comportementale

En ce qui concerne l’Hypo :


– un ralentissement, un arrêt sur image de l’exercice
– la durée de l’exercice (plusieurs minutes sans défausse jusqu’à l’apai-
sement complet ou pour le moins une diminution significative de
l’intensité du malaise d’affrontement)
– l’absence de défausse ou d’évitement (rire, clins d’œil, rupture
d’exercice, commentaires ludiques, blasés, voire désobligeants,
vis-à-vis de l’exercice ou du thérapeute) devant un personnage ima-
ginaire, le thérapeute, une seule personne réelle, un groupe, l’inter-
locuteur réel
– le regard baissé, latéral, qui regarde la bouche de l’interlocuteur, puis
ses yeux
– le bruit (voix de plus en plus forte jusqu’au cri)
– la diversité des sons (grave/aigu, modulations, accents, chant, sons
divers)
– le volume, les mouvements de plus en plus amples, diversifiés, com-
plexes,
– l’expressivité, l’émotion visible, les gémissements et râles
– la vraisemblance, la crédibilité du personnage joué, improvisation
progressive (du langage imaginaire à l’invention),
– les attitudes et les positions bizarres, ridicules
– l’atypie, l’originalité, le caractère « déclassé » socialement
– l’excès, l’outrance du personnage ou de l’attitude joués (sans
défausse)
– le dérangement occasionné aux autres par l’exercice

2.2. Paramètres modulateurs freinateurs


– Ils réduisent l’intensité de l’affrontement au paramètre actif précé-
demment identifié : ils sont tout ce qui réduit la « voilure au vent
de l’affrontement » :
– permettre un peu de défausse voire d’évitement (rire, clins d’œil,
rupture d’exercice, commentaires), tout en cherchant progressive-
ment à permettre un affrontement continu, même très atténué,
le bruit (voix de moins en moins forte jusqu’au murmure presque
inaudible)
– la diversité des sons (aplatissement de l’amplitude grave/aiguë, des
modulations, voix parlée sans accent)
– immobilité ou volume des mouvements de faible amplitude, peu
diversifiés, symétriques,

314
Annexe 5 – Paramètres modulateurs de l’affrontement de l’Hypo

– peu ou pas d’expressivité, d’émotion visible,


– peu ou pas de vraisemblance, de crédibilité du personnage joué
(texte « plat et mort », dicté par le thérapeute, attitude figée)
– peu ou pas d’attitudes et positions bizarres, ridicules
– peu ou pas d’atypie, d’originalité, de caractère « déclassé » sociale-
ment ou sous forme excessive et ludique (genre guignol = défausse)
– éviter l’excès, l’outrance du personnage ou de l’attitude joués (en
permettant un peu de défausse)
– éviter tout dérangement occasionné aux autres par l’exercice, même
imaginaire (déranger les voisins, etc.)
Seule exception à la règle de la réduction des paramètres modulateurs,
on a intérêt à ne pas trop abréger la durée de l’exercice (plusieurs minutes
jusqu’à une réduction légère, voire minime, de l’intensité du malaise d’af-
frontement) en jouant plutôt sur les autres paramètres modulateurs.
Annexe 6
Hyperfonctionnement
ou « Hyper »
Fiche synthétique

1. DÉFINITION
L’Hyper est un comportement de substitution d’un comportement A inter-
dit, ce dernier étant appelé Hypo. L’Hyper constitue un mécanisme auto-
matique soumis aux lois de la cybernétique des systèmes autorégulés. Dans
ce cadre, l’objectif du comportement A (Hypo) est inconscient, peu appa-
rent, inassumable. À l’inverse l’objectif du comportement B (Hyper)
constitue l’objectif manifeste, apparent et permettant à l’individu d’accé-
der indirectement à l’objectif « caché » du comportement A.
Les aberrations apparentes du comportement Hyper sont liées au fait que
le comportement B (conscient ou apparent) subit en fait un paramètre direc-
teur invisible (l’objectif inconscient de A) qui explique les ambivalences
visibles de B. On observe alors, parmi les caractéristiques du comportement B :
– un désir intense initial (par carence chronique de satisfaction de A) ;
– puis une insatisfaction malgré un « bon résultat apparent » (puisque
le comportement B ne peut remplacer et combler idéalement le
comportement et l’objectif de A) ;
– et enfin une anxiété par anticipation liée aux échecs antérieurs (pri-
vation de l’objectif) et éventuellement à la perception latente des
inadaptations et approximations engendrées par le caractère auto-
matique, impérieux et incontrôlable de l’Hyper.

317
La thérapie neurocognitive et comportementale

2. CRITÈRES DE CONTENANT D’HYPER

A. Les Ambivalences
Ces ambivalences se traduisent notamment par des tensions internes, une
incohérence et/ou instabilité dans le temps, un désir intense et un enthou-
siasme initiaux, jusqu’à fébrilité, exaltation, impatience et :
1. anxiété par anticipation par peur de l’échec (après expérience(s)
malheureuse(s)), allant jusqu’à abandon de l’objectif B par auto-
Répression d’Hyper ;
2. puis, si succès (insatisfaction malgré un bon résultat apparent, allant
jusqu’à l’ennui, le désintérêt, le mépris… puis changement accéléré
d’objet, papillonnage
3. ou, si manque (désir exacerbé, incontrôlable malgré le caractère
douloureux (avec toutefois risque de RH)
4. ou alternance avec Répression d’Hyper
B. L’Intrusivité de la cognition ET du comportement
C. Les Vécus et comportements
1. tendance « obsessionnelle » et « compulsive »
2. impétuosité des désirs, permanente inflation/exagération, esprit de
compétition, jalousie,
3. non-réversibilité, « égoïsme », mauvaise foi, esprit « mauvais joueur »
D. Les Critères limbiques généraux : fixité/reproductibilité, spécificité

3. DIAGNOSTIC D’HYPER

Hyper = soit A (1 ou 2 ou 3 ou 4) + D
soit B + C (1 ou 2 ou 3) + D

4. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS DE L’HYPER

L’Hyper, qui est une fixation sur la possession d’un objet, est à distinguer de :
1. l’Hypo, qui est une fixation sur un principe ;
2. un vécu de stress associé à « l’état d’esprit » d’une relation, perçue
comme amicale ou hostile
3. la dominance, qui est un comportement associé à une posture vis-à-
vis d’autrui (en termes de rapport de force), et de ce fait non asso-
cié à un objet spécifique.

318
Annexe 6 – Hyperfonctionnement ou « Hyper »

5. CONTENU DE L’HYPER :
RECHERCHE DES PARAMÈTRES ACTIFS

5.1. Recherche des paramètres actifs


comportementaux et cognitifs

Tous les tests suivants sont plus faciles, plus productifs, plus fiables et plus
confortables lorsqu’ils sont testés avec la recherche d’ambivalence : Désir
+ Anxiété d’Anticipation
Deux méthodes :
1. Questions ouvertes :
– descriptives : quoi, quand, comment, où, avec qui (ces questions
précisent le stimulus)
– explicatives : pourquoi (ces questions précisent les motivations
conscientes du cpt)
2. Questions fermées analytiques :
– on teste un à un tous les paramètres actifs d’Hyper (ou « Hypers »)
imaginables (descriptifs puis explicatifs), c’est-à-dire tous ceux
qui déclenchent un contenant d’Hyper.

5.2. Identification de sous-paramètres


à partir de plusieurs contenants d’Hyper
(phase analytique de la modélisation)
1. Questions ouvertes :
– on demande directement au patient s’il identifie un ou des para-
mètres communs entre les divers contenants d’Hyper identifiés,
ré-énoncés l’un après l’autre ou deux à deux (répétés plusieurs
fois et lentement)
2. Questions fermées analytiques :
– on teste chaque paramètre en tant que sous-paramètre possible
d’un autre paramètre.

Résultat
Pour définir un seul et même Hyper à partir de plusieurs contenants, il
faut parvenir à identifier un paramètre actif commun et fixe quel que soit

319
La thérapie neurocognitive et comportementale

le type de contenant d’Hyper observé (exaltation, insatisfaction, désir


douloureux, etc.).
À l’inverse, un seul contenant d’Hyper peut contenir plusieurs para-
mètres actifs (donc la technique de recherche de paramètre actif par éli-
mination de paramètre ne peut suffire) : il faut tester isolément chaque
paramètre évoqué par une recherche de contenant.

6. TEST DIAGNOSTIC DE L’HYPER

Toute identification de paramètre ou de sous-paramètre supposé actif doit


être validée par un test de contenant sur :
– le concept considéré (exemple : « Aimez-vous rendre service en géné-
ral ? »)
– des situations particulières totalement extrapolées : on ré-injecte du
paramètre actif dans une autre situation totalement décalée par rap-
port à celle qui a déclenché la Résonance décrite ou observée
(exemple : « Aimeriez-vous travailler aux “Restos du cœur” ? »).

7. CONCLUSION

– L’identification des paramètres actifs des Hypers est moins « vitale »


que celle des Hypos, puisqu’il n’en découle pas de conséquences thé-
rapeutiques aussi majeures.
– Le principal intérêt est la clarification des modélisations et donc une
meilleure stratégie.
Annexe 7
Répression
d’Hyperfonctionnement ou RH
Fiche synthétique

1. DÉFINITION
La Répression d’Hyper (RH) appartient au « syndrome Hyper », dont elle
constitue un stade évolutif (cf. l’anxiété par anticipation, l’intolérance à
l’échec, l’ambivalence, etc.). En pratique, soit des phases de RH alternent
avec des phases d’Hyper au gré des événements, soit la RH peut finir par
devenir l’aboutissement naturel de l’Hyper « vieillissant », problématique
et/ou « maltraité ».
La RH est une répression consciente et plus ou moins volontaire de
comportements Hypers perçus comme douloureux, préjudiciables ou dan-
gereux. Il existe donc différentes catégories de RH qui dépendent de l’ori-
gine de celle-ci : échec, culpabilisation (par les autres ou par une prise de
conscience personnelle du caractère intrusif de l’état), « raisons raison-
nables » plus ou moins tolérées. La RH peut finir de bloquer une bonne
partie de ce qui ne l’était pas par les Hypos, à savoir les Hypers. Elle peut
survenir à tous les âges, à la différence de l’Hypo qui se constitue dans
l’enfance.

321
La thérapie neurocognitive et comportementale

2. CRITÈRES DE CONTENANT DE LA RH
A. Les Ambivalences
Elles correspondent à une douleur morale par « auto-interdit » avec :
1. tentative d’évitement volontaire sans apaisement immédiat ;
2. antécédent de désir intense et d’enthousiasme initiaux (Hyper)
3. alternance avec phases Hyper
B. L’Intrusivité de la cognition ET du comportement
C. Les Vécus et comportements
1. amertume, aigreur, rancune, traumatisme moral, pseudo-phobie de
l’agressivité (« RH d’échec »)
2. vécu de culpabilité (« RH morale »)
3. résignation « pseudo-raisonnable » et douloureuse (« RH raison-
nable »)
D. Les Critères limbiques généraux : fixité/reproductibilité, spécificité

3. DIAGNOSTIC DE RH
Répression d’Hyper = soit 1 (a ou b ou c) + 4
soit 2 + 3 (a ou b ou c) + 4

4. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS DE RH

1. Diagnostic différentiel entre RH et Hypo :


La RH produit un évitement « actif » au sens où il doit être volon-
taire. L’évitement qui apparaît dans l’Hypo est plus automatique et
n’est pas une décision active de la part du patient. Par ailleurs, l’évi-
tement de l’Hypo donne lieu à un apaisement immédiat, ce qui n’est
pas le cas de la RH, pour laquelle il y a une rémanence des symp-
tômes même après évitement.
2. Diagnostic différentiel entre RH et personnalité dite de « Lutte
Empêchée » (LE) ou compétitrice (cf. fiche personnalités) :
La RH se distingue de la LE du fait qu’elle confère à l’individu une
tendance à l’intrusivité et porte sur un objet fixe et spécifique.

322
Annexe 7 – Répression d’Hyperfonctionnement ou RH

5. CONTENU DE LA RH :
RECHERCHE DES PARAMÈTRES ACTIFS

5.1. Recherche des paramètres actifs comportementaux


et cognitifs :
Tous les tests suivants sont plus faciles, plus productifs, plus fiables et plus
confortables lorsqu’ils sont testés avec la recherche de douleur morale non
apaisée par l’évitement
Deux méthodes :
a. Questions ouvertes :
– descriptives : quoi, quand, comment, où, avec qui (ces questions
précisent le stimulus)
– explicatives : pourquoi (ces questions précisent les motivations
conscientes du comportement)
b. Questions fermées analytiques :
– on teste un à un tous les paramètres imaginables (descriptifs puis
explicatifs), et l’on considère comme paramètres actifs de RH
tous ceux qui déclenchent un Contenant de RH.

5.2. Identification de sous-paramètres à partir de plusieurs


contenants de RH (phase analytique
de la modélisation)
c. Questions ouvertes :
– on demande directement au patient s’il identifie un ou des para-
mètres communs entre les divers contenants d’Hyper identifiés,
ré-énoncés l’un après l’autre ou deux à deux (répétés plusieurs fois
et lentement)
d. Questions fermées analytiques :
– on teste chaque paramètre en tant que sous-paramètre possible
d’un autre paramètre.

Résultat
Pour définir une seule et même RH à partir de plusieurs contenants, il faut
parvenir à identifier un paramètre actif commun et fixe quel que soit le
type de contenant de RH observé.

323
La thérapie neurocognitive et comportementale

À l’inverse, un seul contenant de RH peut contenir plusieurs para-


mètres actifs (donc la technique de recherche de paramètre actif par éli-
mination de paramètre ne peut suffire) : il faut tester isolément chaque
paramètre évoqué par une recherche de contenant. Dans le cas particulier
de la RH, cette méthode s’avère le plus souvent difficile en raison du
caractère rémanent de la RH lorsqu’elle est déclenchée.

Test diagnostic de la RH
Toute identification de paramètre ou de sous-paramètre supposé actif doit
être validée par un test de contenant sur :
– le concept considéré
– des situations particulières totalement extrapolées : on ré-injecte du
paramètre actif dans une autre situation totalement décalée par rap-
port à celle qui a déclenché la Résonance décrite ou observée.

6. CONCLUSION

– L’identification des paramètres actifs de la RH est à utiliser avec par-


cimonie, et non seulement « pour voir », car elle est douloureuse et
déclenche des crises parfois graves, lesquelles ne cèdent pas à l’évi-
tement (elles durent parfois des jours, des semaines en raison d’un
simple faux-pas thérapeutique).
– Elle se pratique essentiellement en cours de phase thérapeutique
cognitive sur la RH, de telle sorte que l’on puisse avoir le temps et
les moyens d’apaiser les douleurs que l’on déclenche.
– L’intérêt de cette identification est important (bien plus que pour les
paramètres de l’Hyper) car elle permet l’affinement du difficile tra-
vail cognitif sur la douleur de la RH et la clarification des modéli-
sations. Ainsi donc une meilleure stratégie.
Annexe 8
Relations à considérer
entre les Hypers et Hypos
Fiche synthétique

1. GÉNÉRALITÉS
Devant tout Hyper, on est en droit de se demander quel est son rôle,
puisque l’objectif apparent et/ou conscient ne constitue pas pleinement
l’objectif réel. Quel est donc l’Hypo qui le sous-tend ? Cela est essen-
tiel en TNC si l’on souhaite par exemple désamorcer un Hyper ou une
RH.
Rappel sur les relations fonctionnelles entre Hypo et Hyper :
L’Hyper est un comportement automatique de substitution B d’un compor-
tement interdit A : l’Hypo. En d’autres termes, c’est une façon indirecte d’ob-
tenir A totalement ou partiellement, ou pour le moins des avantages indirects
qui découlent de A.
Mathématiquement parlant :
– B contient A (B ⊂ A)
– si l’on provoque plusieurs substitutions de A (par technique de blo-
cages successifs des différentes valeurs de B, soit B1 puis B2 puis B3...
Bx), A appartient à l’intersection de B1, B2, B3... Bx
– A est le paramètre directeur de B, en termes de système autorégulé,
qui est à l’origine du caractère Hyper de B. Donc supprimer A, c’est
supprimer le caractère Hyper de B.

325
La thérapie neurocognitive et comportementale

2. TROUVER L’HYPO DE L’HYPER

A. Identification de l’objectif inconscient de l’Hyper


à partir des Hypos connus
Si l’on a déjà identifié chez un patient quelques Hypos et que l’on sou-
haite savoir s’ils peuvent être reliés à un Hyper ou une RH gênants, on
peut se demander quel est le (ou les) objectif(s) Hypo (A) qui peut(vent)
être obtenu(s) par cet Hyper (B). On peut ensuite confirmer les hypo-
thèses par les méthodes 3, 4 ou 5.

B. Technique de recherche de l’actif du passif


Puisque l’Hypo est un comportement interdit, et ainsi une action bloquée,
l’Hypo est souvent le « versant actif » d’un comportement passif, notam-
ment lorsque l’Hyper est un comportement de demande ou d’attente. On
peut donc tester un exercice d’affrontement du ou des comportements
actifs miroirs du comportement Hyper passif (B) : si l’hypothèse est exacte,
on observe un vécu d’affrontement d’Hypo.

C. Technique de blocage imaginaire de l’Hyper


(de l’objet conscient ou apparent B)
Si l’on bloque imaginairement un Hyper B1, le patient propose ordinai-
rement un deuxième Hyper B2. Si on le bloque aussi, on obtient peut-
être un troisième Hyper B3, etc. Lorsque le patient a tari ses capacités
de substitution, il éprouve alors un vécu d’affrontement d’Hypo avec
blanc mental.
Après un moment de silence, il est toutefois souvent possible d’obte-
nir quelques bribes de contenu cognitif ou comportemental de l’Hypo,
lorsque celui-ci n’est pas trop puissant. Cela est ordinairement suffisant
pour que l’enquête puisse se poursuivre par la recherche de résonances
d’Hypo.
On peut faciliter la conscientisation de l’Hypo par des questions sup-
posant sa suppression, soit : « qu’est-ce que cela changerait dans la vie du
patient, dans sa capacité d’action ? ». Rappelons-nous qu’un Hypo est le
blocage d’un comportement autrement dit d’une action. On n’est pas en
Hypo « de manque d’affection par exemple », on est en Hypo de ne pas
pouvoir demander, proposer, savoir accepter, penser, agir, décider...
Par exemple :

326
Annexe 8 – Relations à considérer entre les Hypers et Hypos

« Que se passerait-il si vous ne pouviez plus obtenir de reconnaissance


affective (suppression de B) ?
– La vie n’aurait plus de sens pour moi (vécu d’affrontement d’Hypo).
Je crois que je me laisserais dépérir. »
On voit que l’Hyper B permet ici la survie : le sujet ne peut rien faire
pour lui-même, il doit impérativement obtenir l’affection d’autrui pour
que son action soit possible ou tout du moins ne soit pas associée à un vio-
lent vécu d’Hypo (sentiment d’absurde, de non-sens, d’ennui mortel...).
L’Hypo peut être confirmé par un test de Résonance :
Que ressentez-vous devant un navigateur solitaire ou un ermite ?
– De l’admiration sans bornes. Je suis en Inhibition.
– Et devant un vieil “ours” misanthrope ?
– Du mépris. »
Attention : le blocage d’Hyper doit être imaginaire et évoquer des
situations où la satisfaction de l’Hyper est impossible et non le résultat
d’un échec ou d’un rejet, sinon on provoque une RH et non un affronte-
ment d’Hypo.

D. Technique du recoupement des Hypers


(complémentaire de la technique précédente)
Dans l’hypothèse où l’Hypo n’a pu être identifié par cette technique de
blocage imaginaire de l’Hyper, on peut tenter de « localiser » l’Hypo selon
le principe du recoupement.
En effet, B1 ⊂ A, B2 ⊂ A, B3 ⊂ A, etc. Donc A appartient à l’intersec-
tion de B1, B2, B3... Bx.
La question à se poser est donc de savoir quel est l’invariant, le point
commun, plus précisément l’objectif non explicite commun, le bénéfice secon-
daire commun entre B1, B2, B3... Bx, qui pourrait constituer ou contenir A ?

E. Technique de suppression de l’objectif inconscient (A)


On peut supprimer l’objet inconscient A de l’Hyper B (B – A) si l’on sus-
pecte un Hypo connu d’être l’Hypo de l’Hyper : on obtient alors un désa-
morçage du caractère Hyper (le Contenant) sans pour autant faire de
« barrage d’Hyper » visible. Le sujet manifeste alors le sentiment curieux
d’un « manque » indéfini, d’une sorte de « manque de calories mentales »
qui fait décrocher l’attraction liée à l’Hyper.

327
Hypofonctionnement Hyperfonctionnement Répression d’Hyper (RH)

A. Sans implication = la résonance A. Ambivalences (« poulie des Hypers » A. Ambivalences : douleur morale (voir 3)

328
Vécus : point commun = aversion avec adhésion = tensions internes, incohérence par auto-interdit avec :
cognitive. Du + au – adhérent : et/ou instabilité dans le temps) : désir (1) tentative d’évitement volontaire sans
(1) agacement, mépris, sensation d’être face intense et enthousiasme initiaux, jusqu’à apaisement immédiat
à de la bêtise, sentiment grégaire de supériorité fébrilité, exaltation, impatience et : (2) antécédent de désir intense et d’enthousiasme
(résonance en Lutte) (1) anxiété d’anticipation par peur de l’échec initiaux (Hr)
(2) gêne, malaise, fou-rire, sensation d’être face (après expérience(s) malheureuse(s)), allant (3) alternance avec phases Hr
au ridicule (résonance en Fuite) jusqu’à abandon par auto-Répression d’Hyper B. Intrusivité de la cognition
(3) admiration avec émotion, envie de pleurer (voir fiche RH) et/ou du comportement
avec sensation de beauté, de sublime (2) puis si succès ! insatisfaction malgré C. Vécus et comportements :
(résonance en Inhibition) un bon résultat apparent, allant jusqu’à l’ennui, (1) amertume, aigreur, rancune, traumatisme
B. Avec implication = affrontement le désintérêt, le mépris, puis changement accéléré moral, pseudo-phobie de l’agressivité
(1) apaisement immédiat après évitement d’objet, papillonnage (« RH d’échec »)
(2) vécus et comportements d’affrontement. (3) ou puis si manque ! désir exacerbé, (2) vécu de culpabilité (« RH morale »)
Point commun = aversion avec adhésion incontrôlable malgré le caractère douloureux (3) résignation « pseudo-raisonnable »
cognitive. Du + au – adhérent : (avec toutefois risque de RH) et douloureuse (« RH raisonnable »)
(a) l’agacement, le mépris, le dégoût (4) ou alternance avec Répression d’Hyper D. Critères limbiques généraux :
(b) la gêne, le malaise, le ridicule, la honte (voir fiche RH)
La thérapie neurocognitive et comportementale

fixité/reproductibilité, spécificité
(c) l’émotion avec sensation de sublime B. Intrusivité de la cognition et du comportement
(d) le sentiment d’absurde, le sentiment C. Vécus et comportements :
d’inutilité, l’ennui mortel (1) tendance « obsessive » et « compulsive »
(e) le blanc mental, l’absence de créativité (de la forme banale jusqu’au TOC)
C. Critères limbiques généraux : (2) impétuosité des désirs, permanente
fixité/reproductibilité, spécificité inflation/exagération, esprit de compétition,
jalousie
(3) non-réversibilité, « égoïsme », mauvaise foi,
esprit « mauvais joueur »
D. Critères limbiques généraux :
fixité/reproductibilité, spécificité
soit A (1 ou 2 ou 3) + C soit A (1 ou 2 ou 3 ou 4) + D soit A (1 ou 2 ou 3) + D
soit B (1 + 2 (a ou b ou c ou d ou e)) + C soit B + C (1 ou 2 ou 3) + D soit B + C (1 ou 2 ou 3) + D

Tableau VIII.1
Tableau de synthèse des diagnostics et traitements d’Hypo, d’Hyper et RH
Annexe 8 – Relations à considérer entre les Hypers et Hypos

Cette technique permet :


– de vérifier, en dimension réelle, la relation exacte entre l’Hyper B et
l’Hypo A
– de désamorcer un Hyper potentiel sur le thérapeute ou la thérapie
(comparable au transfert freudien) sans aborder le sujet et sans ris-
quer de mettre le patient en RH
– de se protéger, plus généralement, préventivement et curativement,
des Hypers intrusifs (d’où l’intérêt, en communication neuro-
cognitive et comportementale, de gérer la « suppression d’objet
occulte »)
Annexe 9
Positionnement Grégaire (PG)
Fiche synthétique

1. DÉFINITION
Le Positionnement Grégaire (PG) peut être défini comme l’ensemble
des comportements relatifs à la confiance irrationnelle et spontanée en soi
ou en l’autre, et au rapport de force. Il comprend quatre polarités ou pro-
fils répartis sur deux dimensions : la dimension Dominance/Soumission
(PGD/PGS) et la dimension Marginalité/Intégration (PGM/PGI). Ces
comportements engagent des instincts de survie, au travers par exemple
de la peur de mourir et la peur de la violence, sans qu’il y ait obligatoire-
ment de raison. Ces comportements sont supposés être mis en œuvre par
des territoires cérébraux anciens d’un point de vue phylogénétique (notam-
ment la zone amygdalienne, « paléolimbique »).

2. CRITÈRES DE CONTENANT DE PG

1. Le PG détermine la confiance spontanée et irrationnelle en soi et/


ou en les autres
2. Le PG focalise les préoccupations (fascination et crainte) sur :
a. Le rapport de force (pratiqué et/ou redouté) avec confrontation
(« gagnant/perdant »)

331
La thérapie neurocognitive et comportementale

b. Le pouvoir et ses attributs (argent, autorité…), même « mal


acquis » (par exemple selon un mode social clanique ou tribal)
c. La violence « gratuite », la perversion, l’arbitraire, l’injustice
3. Le PG présente une stéréotypie majeure (cognitive/émotionnelle/
comportementale/sociale) :
a. Croyances de type « magique » (Ex. : toute puissance du PGD ou
PGI, superstition du PGS…) ;
b. Rituels sociaux à la fois symptômes et causes du PG (Ex. :
« bagout » du PGD, culpabilité du TOC du PGS… Esthétique
voyante « bling-bling » du PGD, « gourou » du PGI, inquiétante du
PGM… ou absente du PGS…
c. Tendance autocentrée :
i. perception très dégradée/biaisée
ii. insensibilité (PGD/à la souffrance des autres ; PGS/à sa propre
souffrance ; PGM/aux autres en général ; PGI : dans le sens où
il croit en une pseudo-perception des autres, qui est en réalité
projective…)
4. Fonctionnement :
a. Global, fluctuant (excepté le PG « disloqué »), non spécifique
(par opposition au NL dont les Contenus sont spécifiques et
fixes).
b. Présente des symptômes paradoxaux (par rapport à l’apprentissage
classique), soit des effets rebonds :
i. temporels (heures/jours/semaines)
ii. spatiaux
c. Système présentant une forte inertie : le déplacement (effectif
dans la durée) du « point de consigne » prend des semestres ou
des années
5. Le PG est un système prégnant et candidat pour exercer une « gou-
vernance » :
a. Naturellement, au début de la vie, renforcée à la puberté, éven-
tuellement réduite/contrôlée par l’éducation.
b. Le PG peut induire :
i. une forte impulsivité et un faible niveau d’autocontrôle ;
ii. des troubles psychosomatiques sévères : spasmes, douleurs,
dysfonctionnements divers ;
iii. des délires (grades 5)

332
Annexe 9 – Positionnement Grégaire (PG)

3. DIAGNOSTIC DE PG
1. Axe vertical Dominance/Soumission :
a. Degré de confiance en soi (spontané, irrationnel, (quasi)perma-
nent…)
b. Degré d’occupation de l’espace social :
i. voix,
ii. bruits,
iii. gestuelle,
iv. posture, attitudes,
v. prérogatives en termes de tour de rôle, priorités…
2. Axe Horizontal (Marginalité/Intégration) :
a. Degré de confiance en les autres (spontané, irrationnel, (quasi)
permanent…)
b. Degré d’intégration sociale :
i. Distance interpersonnelle
ii. Type de « ressourcement » : au contact des autres ou loin d’eux.
Cf. Ci-après tableaux IX.1 et IX.2.
– Niveau 1 :
• Alibis et actes socialement acceptables (mais sous-tendus par une
impulsion irrationnelle invisible et socialement non assumée)
– Niveau 2 :
• Alibis et actes irrationnels (sous-tendus par une impulsion irration-
nelle visible mais non assumée)
– Niveau 3 :
• Affichage social, dans le discours, des « intentions » de l’état
– Niveau 4 :
• Actes impulsifs et peu contrôlables, dont les mobiles sont conscients
mais non encore « assumés » socialement
– Niveau 5 :
• Affichage social, dans les comportements, des intentions de l’état,
allant jusqu’au prédélire et délire (= rapt de la conscience), stéréo-
typie génétique révélant la nature du trouble

333
PGS PGD PGM PGI

334
Etat émotionnel normal. Etat émotionnel normal. Etat émotionnel normal. Etat émotionnel normal.
Pas de tendance à l’anxiété Pas d’intérêt pour rapport Equilibre spontané entre Equilibre spontané entre
Niveau 0
non motivée ni de force confiance et méfiance vis-à- confiance et méfiance vis-à-
à la culpabilité irrationnelle vis des autres vis des autres

Culpabilité « raisonnable » Séduction (emprise), Malaise informel et léger Aisance informelle, liberté
mais scrupuleuse, anxieuse manipulation des sentiments, à rester parmi les autres, de mouvement
et perfectionniste, besoin chaud/froid pour s’amuser tendance à se tenir et d’expression encore
Niveau 1 de vérification par crainte légèrement à l’écart adaptées. Sentiment
de la faute, plus que et en retrait par introversion. de comprendre autrui
de la sanction Difficulté à comprendre à demi-mots
ce qui rapproche les autres

Culpabilité plus irrationnelle, Se présenter en (fausse) Sentiment d’une coupure Sentiment de « percevoir
peur de provoquer victime, théâtralisation, irrationnelle, comme le sens profond » des choses,
La thérapie neurocognitive et comportementale

des dommages improbables culpabilisation, chantage, si une vitre le séparait des êtres, des événements.
chez les autres. Angoisse scandale publique, alternance des autres, qu’il voit sans Prise de parole aisée sur
Niveau 2 et volonté de « réparation » plaintes/menaces et railleries les comprendre. Tendance ces sujets
de la faute supposée (peut à se tenir nettement
se traduire sous forme à distance, évite de sortir
de symptômes de type TOC). pour des raisons futiles,
Servilité/dominant purement relationnelles

Superstition, le bonheur Perversion verbale affichée, L’autre n’est plus perçu, face Sentiment que son intuition
« porte malheur », à lui déstabilisation et ridiculisation auquel l’individu se sent riche devient « connaissance »,
et ses proches, il se « paie » de la victime, alternance d’opinions, de sentiments de l’ordre de « l’indicible ».
moqueries et comportements (douloureux, déçus), de vrai Tendance à penser disposer
Niveau 3
« protecteurs » courage (face aux dominants). de moyens de
Mais cette mégalomanie communication invisibles
est dépitée, misanthrope pour lire les pensées
profondes des autres
Peur de devenir fou, Menaces suggérées, Méfiance a priori, tendance Sentiment de communication
angoisses incontrôlables, intimidation, actes violents à penser que le « silence » immanente avec la nature,
idées de suicide impulsives, imprévisibles sur objets des autres et ces règles qu’il en harmonie avec
Niveau 4 impulsions d’automutilation suppose invisibles lui cachent les éléments perçus comme
irrépressibles intentionnellement quelque protecteurs
chose. Bouffées d’agressivité
contre ce supposé complot

Mélancolie, sentiment Perversion totale, plaisir Suspicion de complots Illuminations, mysticisme,


de culpabilité global, voix de faire souffrir physiquement de dimension internationale. délires mystiques, sensation
intérieure accusatrice et mentalement, intimidation, Tendance à voir partout de transmettre « l’Energie
et torturante moralement. rires sardoniques, torture des symboles, des suspects, de l’univers ». Tendance
Niveau 5
Impulsions suicidaires quasi des ennemis pour l’anéantir. à rassembler autour de lui,
irrépressibles Possibilité de violence se dit porter la bonne parole
et apporter le « Bien » face
aux « forces du Mal »

Tableau IX.1
Synthèse des caractéristiques comportementales et cognitives associées aux différents niveaux de PG

335
Annexe 9 – Positionnement Grégaire (PG)
PGS PGD PGM PGI

Sujet à violence Tendance à se positionner

336
et à méfiance (offensif/ au centre du groupe
défensif) (en tant que « chef »/pour
PGD
rassembler et être
en « communion » avec
les gens)

Limitation de l’action, blanc


Hypo mental (comportement
précis/global)

Difficulté à émettre
Hypo-méta une opinion (sujet précis/
global)

Tendance à l’intrusion (sujet


Hyper
précis/global)
La thérapie neurocognitive et comportementale

Tendance à se mettre
Hyper-méta
en avant

Souffrance, auto-agressivité Hétéro-agressivité,


(par rapport à un sujet reproches aux autres
précis/pas d’objet) (par rapport à un sujet
Rh
précis/pas d’objet
ou évitement
d’une accusation)

Positivisme, forme
de naïveté (dirigé vers
AR la nature, la nature
humaine, la philosophie/
global)
Se mettre au service Tendance à diriger les autres Tendance à rapprocher
de certains (des futurs (pour faire régner les individus et à vouloir
talents/des dominants) une certaine harmonie/ régler les différends
pour asseoir son pouvoir) (pour des raisons d’image
LR
sociale, d’engagement,
d’harmonie/par sentiment
de connaître les pensées
et la souffrance des gens)

Sujet à critique, agressivité Agressivité et méfiance


et méfiance (valeurs (valeurs/sans valeurs)
LE
méritocratiques/
sans valeurs)

Comportement inhibé,
individu d’aspect fragile
(centré sur soi et sur
IR
les individus fragiles/
craintif et au service
des dominants)

Se mettre au service
IE de certains (des démunis/
des dominants)

Tableau IX.2
Synthèse des points communs entre contenants et des diagnostics différentiels à prendre en compte

En noir : les éléments communs aux contenants présentés à la fois en colonne et en ligne ; en gras les caractéristiques n’appartenant qu’aux

337
Annexe 9 – Positionnement Grégaire (PG)

Contenants présentés en ligne ; en italiques : les caractéristiques des Contenants présentés en colonne
La thérapie neurocognitive et comportementale

Cas particuliers
PG dit « secondaire » : cette forme de PG semble assez rare et ne peut
être considérée comme du PG en soi. Elle semble être une valorisation des
comportements de PG (par ex. valorisation de la servilité ou au contraire
du fait de voler, humilier) qui ne subit pas l’auto-régulation observée dans
le PG ordinaire. Le PG secondaire traduit un ensemble de valeurs/antiva-
leurs fonctionnant à l’image des contenants NéoLimbiques. Ce type de
PG ne se traite pas comme du PG ordinaire, mais de façon pédagogique
(avec prise de recul et rationalisation).
PG bipolaires ou multipolaires : ce type de PG correspond au fait
qu’un seul individu peut présenter des formes extrêmes et antinomiques
de PG. Il n’est pas souhaitable, dans ces cas d’utiliser les exercices de PG
mentionnés ci-dessous, car ils peuvent produire un effet rebond amenant
l’individu sur l’autre extrême de son PG. Pour leur traitement, se référer
à l’ouvrage (en cours de rédaction) intitulé provisoirement Thérapie
NeuroComportementale des Troubles Psychologiques et Psychiatriques.

338
PGS PGD PGM PGI

1er personnage Caricature de personnage Caricature de personnage Caricature de personnage Caricature de personnage
soumis et affolé, comme dominant, défiant tout paranoïaque, se méfiant intégré, déclarant faire
s’il était joué pour éprouver sa puissance de tout et défiant « fusion » avec les autres
par un dominant (y compris « Dieu ») quiconque de l’attaquer et avec le monde
4. TRAITEMENT

qui se moquait
des soumis

2e personnage Personnage grossièrement Caricature de personnage Caricature de personnage Personnage marginal


dominant qui ridiculise soumis et veule, flattant intégré, invitant se moquant avec mépris
le soumis joué en premier le dominant joué le marginal joué de la naïveté du premier
personnage en premier personnage en premier personnage personnage
et le prévenant de moins à aimer et avoir confiance
défier le monde pour qu’il en l’autre qui est bon
se préserve par nature

3e personnage Personnification de la voix Personnification Personnage intégré mais Personnification


ou des commentaires des commentaires sentencieux, critiquant des commentaires
intérieurs, sous forme intérieurs, incitant la haine du marginal joué intérieurs, incitant l’intégré
d’une petite sorcière le dominant joué en premier personnage à défier les « forces
torturant moralement en premier personnage et accusant cette haine du mal » en répandant
le soumis joué en premier à toujours plus d’être responsable « toujours plus d’amour »
personnage de domination et de défi de son propre isolement

339
Annexe 9 – Positionnement Grégaire (PG)
PGS PGD PGM PGI

4e personnage Personnage grossièrement Caricature de personnage Personnage intégré affolé Personnage marginal
dominant se moquant soumis rappelant des commentaires se moquant
des tentatives le 3e personnage à l’ordre, dépréciatifs de l’inefficacité
de déstabilisation affolé de voir le discours du 3e personnage. et de la naïveté
du 3e personnage tenu par celui-ci, Il appelle à pardonner du 3e personnage face
et tentant de rétablir le premier personnage aux « forces du mal »
la raison du dominant et à le prendre en pitié
joué en premier
personnage

5e posture Pas de personnage. Pas de personnage. Pas de personnage. Pas de personnage.


La thérapie neurocognitive et comportementale

ou  conclusion  Enumération Enumération Enumération Enumération


de l’exercice et verbalisation et verbalisation et verbalisation et verbalisation
des engagements des engagements des engagements des engagements
permettant permettant permettant de permettant
de contrecarrer son PG de contrecarrer son PG contrecarrer son PG de contrecarrer son PG
et rationnaliser et rationnaliser et rationnaliser et rationnaliser
les impulsions les impulsions les impulsions les impulsions
et cognitions qu’il et émotions qu’il et émotions qu’il et émotions qu’il
déclenche (GMM). déclenche (GMM). déclenche (GMM). déclenche (GMM).

Tableau IX.3
Synthèse des exercices à 5 personnages alloués à chaque traitement de PG
Annexe 10
Économie psychologique

Étude de la cohérence entre investissements/contraintes et plaisirs (Fiche


simplifiée)

Différents thèmes

100 %

Investissements
globaux estimés
en temps
+ argent
+ énergie

0%

Différents thèmes

100 %

Plaisirs
réellement
éprouvés

0%

341
La thérapie neurocognitive et comportementale

Étude de la cohérence entre investissements/contraintes et plaisirs


(Fiche détaillée)

Différents thèmes

100 %
Investissements en
– temps (en rouge),
– argent (en bleu),
– énergie (en vert),
– somme (en noir)
0%

Différents thèmes

100 %

Plaisirs réellement
éprouvés

0%

Différents thèmes

100 %

Attentes spontanées
de plaisir

0%

Différents thèmes

100 %

Attentes de plaisir
à long terme
après réflexion

0%
Annexe 11
Arbre diagnostique synthétique
des contenants TNC

343
La thérapie neurocognitive et comportementale

Objet mental
(cognitif/comportemental
/émotionnel)
Apprentissage Effet rebond
+→+ (autorégulation)
−→− +→−
−→+
CORTEX
SOUS-CORTICAL
Complexification : Polarisation :
Curiosité Routine
Souplesse Persévérance
Nuance Simplification
Relativité Certitudes
Rationalité Empirisme
Individualisation Opinion des autres
Mode Mental Mode Mental
Adaptatif Automatique
NEO-LIMBIQUE

+ et − → changement
= + et − → +
Résilience =
Vocation +→+
NÉOCORTEX −→−−
PREFONTAL Personnalité Primaire = + et − → ±
Prudence… ou blocage =
Ambivalence
Extravertie Introvertie
Hyper Phases I, II
et III
Individualiste Sociale Individualiste Sociale

Phase IV
AR1 FR1 LR1 IR1 AE1 FE1 LE1 IE1 Évitement (RH)

Antivaleur, désagrément
Volontaire
Personnalité secondaire + rémanence
Automatique douloureuse
+ apaisement immédiat
Extravertie Introvertie
+ vécu de peur vitale
+ vécu de peur sociale
Individualiste Sociale Individualiste Sociale

AR2 FR2 LR2 IR2 AE2 FE2 LE2 IE2 Mépris, Honte, Admiration Phobies
agacement ridicule larmoyante vraies

Hypo basique Hypo-méta

344
Annexes

Autorégulation…
(effets rebonds)
+→−
−→+
SOUS-CORTICAL

Réactivité :
Cumulative, fluctuante, globale, Réactivité :
Grégaire (rapports de force) Immédiate, brève,
Impulsive +++ Individualiste (de survie)
Manque de contrôle +++ Impulsive +
Rituels +++ Manque de contrôle +
Style voyant +++
Insensibilité / soi & autre HYPOTHALAMUS
(tendance autistique)
Phobies STRESS
PALEO-LIMBIQUE
vraies Anxiété Colère Asthénie
Agitation Susceptibilité Abattement
PALEO- Sourire vide Tension cou Oppression
LIMBIQUE > Ouvrir > Valoriser > Soutenir
Confiance Confiance < Critiquer
en les autres < Fermer < Laisser
en soi
Fuite Lutte Inhibition

Excès : Manque : Équilibre : Excès : Manque :


Culot Timidité Terrain Collant Autarcie
Impunité Scrupulosité favorable Confiance Méfiance
Perversion Superstition aux Illuminé Paranoïa
Crainte Servilité contenants Mysticisme Peur du
d’ humiliation Culpabilité corticaux Messianisme complot

Dominance Soumission Assertivité Intégration Marginalité


(PGD) (PGS) (PGN) (PGI) (PGM)

345
Glossaire

Actif du passif : une des méthodes de recherche des Hypos de l’Hyper


(applicable pour les hypers-métas/hypo-métas).
Activation de l’action (AA) : en TNC, c’est l’un des quatre méta-
instincts hypothalamiques (avec la Fuite, la Lutte et l’Inhibition), i.e. qui
modulent/régulent tous les autres instincts. Il sous-tend l’état de calme et
de « vie » (par opposition à la « survie » gérée par les trois autres), allant
de la neutralité émotionnelle jusqu’au bonheur. Il se manifeste naturelle-
ment en situation de non danger.
Affrontement d’hypo : voir affrontement de comportement hypo-
fonctionnel.
Aisance sociale irrationnelle : fait de se sentir irrationnellement en
confiance en situation sociale, même devant des inconnus. Sous-tendu par
le positionnement social primitif (paléolimbique) tendant à cette fin
(Positionnement Grégaire Intégré ou PGI).
Amygdales limbiques : partie ancienne des territoires limbiques, située
dans la profondeur du cerveau (régions sous-corticales), impliquée dans la
gestion des relations sociales hiérarchiques primitives (ou rapports de
force, voir positionnement grégaire).
Antivaleur : à l’inverse de la valeur, terme générique désignant les
intolérances d’un sujet : ce qu’il déteste et veut éviter à tout prix.

347
La thérapie neurocognitive et comportementale

Apprentissage « adulte » : terme très imparfait qui désigne l’apprentis-


sage qui suit… celui des empreintes (de trois mois jusqu’à 11 voire 25 ans,
selon les territoires cérébraux considérés). Les mécanismes neuronaux qui
sous-tendent l’apprentissage adulte sont les mêmes tout au long de la vie
« post-empreinte » et sont très différents de ceux de l’empreinte.
Art Dédramatique (AD) : Travail d’affrontement comportemental de
troubles tels que les comportements hypo-fonctionnels, les troubles du
positionnement grégaire ou de l’assertivité (voir aussi affrontement com-
portemental d’Hypo ou de PG). Ainsi nommé car il intègre aux TCC et
à la TNC des techniques ludiques dérivées du théâtre ou de l’expression
corporelle (art-thérapie).
Assertivité, affirmation de soi : fait de se sentir spontanément équili-
bré entre confiance et prudence, envers soi comme envers les autres. Sous-
tendu par le positionnement social primitif ou Positionnement Grégaire
(paléolimbique) tendant à cette fin (PG neutre).
Aversion : synonyme de « mauvaise case » i.e. de confrontation à
ce que l’on cherche d’ordinaire à éviter, que l’on trouve désagréable,
répulsif.
Blanc mental : voir vide mental.
Bonne case (BC) : facette positive du dipôle émotionnel (positif/néga-
tif) associé à tout « Contenant ». Tout comportement comporte une
« bonne case », synonyme de plaisir/succès, et une « mauvaise.
Caractère : voir personnalité secondaire.
Cascade hypo/hyper/répression d’hyper : cascade symptomatique
induite par la présence d’un comportement automatique d’évitement
social (ou CAES ou Hypo-fonction ou Hypo) compensé par un compor-
tement de substitution (ou Hyperfonction ou Hyper). Cliniquement, le
comportement Hypo- fonctionnel engendre un comportement
Hyperfonctionnel (désir intense, à tendance obsessive mais ambivalent,
car associé à une appréhension) avec intolérance à l’échec et au manque
(reproches, amertume, dépression réactionnelle par autocensure) qui
constitue la Répression d’Hyper (RH).
Cognitif : qui se rapporte à la faculté de connaître et de penser. Les
approches cognitives s’intéressent à l’individu en tant qu’être qui pense et
sont ainsi dénommées par opposition aux approches comportementales qui
ne s’occupent que du comportement observable.
Cohérence : liaison, rapport étroit d’idées qui s’accordent entre elles ;
absence de contradiction (Robert). Existence d’une logique interne au

348
Glossaire

système considéré, même affectif, qui permet d’aboutir à des conclusions


semblables, quel que soit le point de départ de l’observation ou du raison-
nement.
Comportement antisocial : en situation de relation, comportement
d’emblée irrespectueux, menaçant ou violent. Appartient au
Positionnement Grégaire Dominant.
Comportement automatique d’évitement social (CAES) : autre déno-
mination, clinique, du comportement hypo-fonctionnel ou Hypo.
Comportement automatique d’évitement social (CAES) : autre déno-
mination, clinique, du comportement hypo-fonctionnel ou Hypo.
Comportement de substitution (de l’Hypo par l’Hyper) : il s’agit du
comportement caché (Hypo) que le comportement apparent de l’Hyper per-
met d’obtenir de façon socialement acceptable (ou perçue comme telle par le
sujet).
Comportement hyperfonctionnel (hyper) : comportement de substi-
tution, à tendance obsessive, d’un comportement socialement interdit, dit
Hypo (A). L’Hyper (B) constitue un mécanisme automatique, soumis aux
lois des systèmes autorégulés (cybernétique), dont l’objectif inconscient et
socialement « tabou » (celui de A) est détourné au profit d’un autre objec-
tif, conscient et socialement permis (celui de B). Ce dernier devient l’ob-
jectif apparent de l’hyper, par nature insatisfaisant car compensatoire de
l’objectif réel (inconscient, refoulé, caché sous « l’alibi » de l’objet appa-
rent qui est perçu comme socialement permis et atteint, selon les cas, de
façon plus ou moins efficace). L’hyper génère des comportements inadap-
tés, basés sur l’action impulsive et/ou l’attente anxieuse, qui fragilisent le
sujet qui en est atteint vis à vis de l’échec ou du manque de reconnais-
sance. L’hyper comporte quatre phases chronologiques puis qui alternent :
1/désir fébrile et obsessif 2/saturation avec désir et dégoût mêlés (ambiva-
lence) 3/intolérance à l’échec avec douleur morale 4/état agressivo-
dépressif avec repli sur soi. L’Hyper est apparenté, en TNC, au mode de
fonctionnement limbique (plus précisément néolimbiques).
Comportement hypo-fonctionnel : comportement d’évitement auto-
matique dans l’affrontement suivi d’un apaisement immédiat dans l’évite-
ment (comme la phobie simple) mais caractérisé par un vécu de gêne, de
ridicule, de honte ou une réaction d’agacement, de mépris.
Comportement hypo-fonctionnel basique (hypo-basique) : comporte-
ment hypo-fonctionnel induisant un interdit massif du comportement
considéré (sur le fond), par opposition à l’Hypo-Méta (voir ce terme) qui

349
La thérapie neurocognitive et comportementale

porte davantage sur la façon de faire (notamment « mal faire », de façon


inélégante...).
Comportement méta-hyperfonctionnel (hyper-méta) : comportement
hyperfonctionnel portant sur la manière de faire, pas sur l’objet du com-
portement. Classiquement, l’Hyper-méta est une recherche de reconnais-
sance ou de validation externe, compensant un déficit interne de même
nature (capacité à se reconnaître et valider).
Comportement méta-hypo-fonctionnel (hypo-méta) : forme atténuée
du comportement automatique d’évitement social. Interdit individuel,
conditionné durant l’enfance ou l’adolescence (Hypo), qui déclenche,
dans le cas particulier (Hypo-Méta = qui porte en fait sur la manière de
faire), une admiration larmoyante (avec sensation de sublime) lorsque
d’autres s’affranchissent avec « élégance » de l’interdit.
Contenant : au sens mathématique du terme, c’est une fonction trai-
tant une variable. C’est l’état d’esprit ou l’attitude que l’on adopte (ou
subit) pour traiter une information ou une situation particulière (le
Contenu), en relation directe avec les réseaux/structures cérébraux mis en
œuvre pour assurer ce traitement, de manière spécifique et singulière. La
façon de sentir, de penser ou d’agir décrite est directement représentative
de ces structures. On parle aussi de mode mental.
Contenu : au sens mathématique, c’est toute situation (ou variable)
traitée par une fonction, un Contenant (voir ce terme). Il représente une
information ou un vécu particulier, issus de notre expérience individuelle
ou de nos influences culturelles. Chaque Contenu peut être traité par
n’importe quel Contenant, ce qui en change la « texture » émotionnelle,
relationnelle, motivationnelle etc.
Coping : stratégie utilisée pour faire face à une situation difficile.
Cortex Néo-limbique (NL) : structure cérébrale qui sous-tend un
« état d’esprit » relativement fermé à ce qui est nouveau, qui craint l’im-
prévu, a généralement une vision dualiste, tranchée (bien/mal, vrai/faux),
qui a le sentiment que nos perceptions sensorielles sont « toute la réa-
lité », est attiré par les seuls résultats, prête une grande importance à la
position hiérarchique dans la société. C’est la partie la plus récente des
territoires limbiques, située juste au dessus du corps calleux, dans la fente
inter-hémisphérique.
Cortex Préfrontal (CPF) : partie la plus antérieure et récente en termes
d’évolution des espèces (phylogenèse) du cortex, qui ne sert qu’à relier,
coordonner des territoires. Sa destruction ou sa déconnection (lobotomie)

350
Glossaire

n’altère aucune fonction particulière mais dégrade définitivement les capa-


cités d’innovation, initiative, anticipation et prise de recul, de gestion des
émotions...
Cortex Sensori-moteur : surface du cortex cérébrale regroupant les
aires corticales sensitives qui traitent des informations sensorielles (aire
visuelle, auditive…) et celles motrices essentielles dans la réalisation de
mouvements. Le cortex sensori-moteur comprend le lobe occipital, le lobe
pariétal, le lobe temporal et les aires motrices du lobe frontal.
Croyance : adhésion d’une personne à l’égard d’une idée, d’une inter-
prétation personnelle, qu’elle tient pour objectivement fondée, vraie.
Cybernétique : science des communications et des régulations de tout
système organisé et autorégulé (machine ou être vivant).
Défausse : fait de se décharger d’une responsabilité. Par extension, en
TNC, tout mécanisme automatique et/ou conscients d’évitement (tels que
clins d’œil, moquerie, autodérision), montrant que l’on n’adhère pas à ce
que fait ou dit, par exemple, lors d’un affrontement d’hypo. La défausse
diminue le vécu d’affrontement et peut donc être utilisé comme paramètre
modulateur (voir ce terme) lors de l’affrontement d’hypo ou de PG par le
thérapeute. A l’inverse, au-delà de ce stade, elle peut atténuer voire empê-
cher la progression thérapeutique.
Dépression : état morbide, plus ou moins durable, caractérisé essentiel-
lement par la tristesse et une diminution des désirs (aboulie), du tonus et
de l’énergie. Il peut entraîner une perte de poids, faciliter des pathologies
immunitaires, induire des comportements d’autodestruction allant jusqu’au
suicide.
Dépression « dure » : c’est le tableau dépressif classique, tel que décrit
dans le DSM (voir aussi le terme dépression).
Dépression mélancolique : c’est la forme de dépression la plus intense,
que le modèle TNC attribue à la soumission (positionnement grégaire sou-
mis ou PGS, voir ces termes).
Dépression molle : état d’un individu souffrant du refoulement de ses
personnalités primaires et du manque de motivation de fond qui en
découle. Ceci peut induire un état quasi-dépressif face à la contrainte ou
la compétition, mais qui cesse dès que la personne est au repos ou en
vacances (on peut alors penser à une mystification).
Dé-psychologisation (des Contenants) : c’est la pédagogie qui consiste
à expliquer que nous ne contrôlons pas nos Contenants, qui sont en fait
des modes réactionnels de notre cerveau. Nous apprenons tout au plus à

351
La thérapie neurocognitive et comportementale

les gérer… Nous ne pouvons donc raisonnablement nous en sentir respon-


sable ou plus encore coupable. Ainsi, le sentiment de culpabilité ou celui
de honte sont respectivement propres à la soumission ou à l’Hypo. S’en
débarrasser suppose de se délivrer de ces contenants mais, à défaut ou dans
l’attente, on peut prendre du recul sur eux et en limiter l’impact éventuel-
lement pathogène.
Diagnostic différentiel : démarche diagnostique réalisée pour différen-
cier plusieurs tableaux pathologiques, ici plusieurs Contenants.
Distorsion cognitive : processus de déformation de la pensée (cogni-
tions) sous l’influence d’un comportement ou d’une émotion et destiné à
réduire la tension entre eux lorsqu’elle existe, par exemple, lors d’un
conflit entre l’opinion personnelle et la pression sociale. En pratique, ce
processus explique une grande part des biais cognitifs décrits en psycholo-
gie ou sociologie.
Dominance : fait de se sentir spontanément supérieur, en excès irra-
tionnel de confiance en soi, générant un désir d’exercer un pouvoir arbi-
traire voire une perversion envers les plus faibles. Sous-tendu par le
positionnement social primitif ou positionnement grégaire tendant à cette
fin (PG dominant, voir ce terme).
Effet rebond : aggravation de symptômes d’un système autorégulé à
l’arrêt d’une action antagoniste, par exemple d’un traitement médical. En
TNC, citons par exemple la régulation interne du positionnement grégaire
d’un individu qui, suite à un événement émotionnellement intense et
socialement signifiant, subit un effet rebond dans un sens opposé afin de
retrouver le point d’équilibre initial du système (en termes de rapports de
force et de hiérarchie sociale primitive).
Efficacité de l’Hyper : en TNC, nous disons qu’un Hyper est efficace
lorsque le sujet qui est atteint de ce trouble est tout de même capable d’at-
teindre avec une certaine efficacité et autonomie l’objet caché (interdit,
inconscient, « tabou », dit Hypo). Ne pas confondre Hyper efficace et
Hyper satisfait, car un Hyper peut très bien être satisfait par l’environne-
ment (les autres, l’argent d’un héritage...) sans pour autant supposer que
le sujet ait la maîtrise de la situation. Dans le modèle TNC, l’intensité de
l’anxiété d’anticipation ou, plus généralement, l’ensemble du tableau
pathologique de l’Hyper, est largement dépendant du caractère plus ou
moins inefficace de l’Hyper considéré plutôt que de son degré d’insatisfac-
tion du moment.
Empreinte : période périnatale, commençant un peu avant la naissance
et surtout se poursuivant massivement jusqu’à trois mois où a lieu une

352
Glossaire

mémorisation des états hypothalamique s qui semblent avoir amené à une


réponse positive de l’environnement. Il s’agit donc d’un apprentissage
indélébile, comme taillé dans le marbre. C’est la période ou les personna-
lités primaires se forment.
Épigenèse : théorie selon laquelle un embryon se développe par diffé-
renciation successive de parties nouvelles (Robert). L’épigenèse sous-tend
notamment les mécanismes neuronaux de l’empreinte, qui déterminent
partiellement la structure même du système nerveux central et de ses
voies de connexion, en fonction des événements vécus dans la période
néonatale.
État d’activation de l’action : en TNC, méta-instinct hypothalamique,
ie qui régule tous les autres instincts, sous-tendant l’état de calme, allant
de la neutralité émotionnelle jusqu’au bonheur, et qui se manifeste natu-
rellement en situation de non danger.
État de Fuite : état de stress caractérisé par un état d’alerte biologique
(vécu de peur), visant à échapper par la fuite à ce qui est perçu comme
une contrainte, un danger ou une agression.
État de Lutte : état de stress, succédant à l’état de Fuite dans le cadre
d’une stratégie instinctive de défense contre le danger et caractérisée par
le besoin de dominer l’autre (perçu comme agresseur). Cette agressivité
est dite défensive, par opposition à celle du Positionnement grégaire
Dominant (voir ce terme), dite offensive.
État d’inhibition de l’action : troisième et dernière étape de la cascade
du stress, induite par l’échec (ou l’apprentissage antérieur de l’échec) et
produisant un sentiment d’incapacité et d’infériorité (allant du découra-
gement à la dépression). Accessoirement, l’état d’Inhibition sert à se faire
oublier voire protéger.
État empêché : correspond à l’état émotionnel, comportemental et
cognitif induit par l’échec ou la perspective d’un échec d’un comporte-
ment associé à un Contenant. Par exemple, échouer à fuir pour échapper
à un danger génère un sentiment d’angoisse et de recherche de cachette.
A l’inverse, on parle d’état réussi (voir ce terme) si ce même comporte-
ment est couronné de succès.
État réussi : correspond à l’état émotionnel, comportemental et cogni-
tif induit par la réussite d’un comportement associé à un Contenant. Par
exemple, réussir à fuir pour échapper à un danger génère un sentiment de
soulagement et de liberté. A l’inverse, on parle d’état empêché si ce même
comportement échoue. Dans le cas de la Fuite, l’état empêché (voir ce
terme) oriente le comportement vers la recherche de cachette.

353
La thérapie neurocognitive et comportementale

États d’Urgence de l’Instinct (EUI) : comportements instinctifs de


survie correspondant aux trois réponses du stress (fuite, lutte, inhibition).
Évitement automatique : comportement (quasi)irrépressible (car ren-
forcé et automatisé) d’évitement d’une situation antérieurement perçue
comme douloureuse et/ou dangereuse.
Fight : terme anglais pour l’état de Lutte (stress), source de combativité
et d’agressivité défensives/de colère.
Fuite, Lutte, Inhibition (FLI) : terminologie issue de la psychophy-
siologie, qui regroupe, dans le concept général de stress ou d’états d’ur-
gence de l’instinct, la Fuite, la Lutte et l’Inhibition. Ces trois états
s’opposent, dans le modèle TNC, à l’état d’Activation de l’Action, qui
représente l’état de calme.
Flight : terme anglais pour l’état de Fuite (stress), source d’anxiété et
d’agitation.
Freeze : terme anglais pour l’état d’Inhibition (stress), source de décou-
ragement, perte de plaisirs/désirs et d’immobilisme.
Fuite : état de stress caractérisé par un état d’alerte biologique (vécu
de peur), visant à échapper par la fuite à ce qui est perçu comme une
contrainte, un danger ou une agression.
Fuite : terminologie issue de la psychophysiologie, qui regroupe dans
le concept général de stress ou d’états d’urgence de l’instinct, la Fuite, la
Lutte et l’Inhibition. Ces trois états s’opposent, en TNC, à l’état d’Acti-
vation de l’Action.
Fuite empêchée : situation où la stratégie de Fuite (stress) est mise en
échec (impossibilité d’échapper au stresseur), ce qui engendre un change-
ment de comportement de Fuite, qui passe de la recherche de « fuite dans
les grands espaces » à une recherche de cachette. On utilise également ce
terme pour le modèle de personnalités décrites en TNC, où les états de
stress constitueraient une des sources de la constitution des personnalités
primaires et secondaires (voir ces termes).
Fuite Réussie ou Personnalité Animatrice (FR) : voir Personnalité
(modèle de) en TNC
Gestion des modes mentaux (GMM) : ensemble de techniques mises
en œuvre pour changer de mode mental ou de contenant.
Gestion des modes mentaux supérieurs (GMMs) : ensemble de tech-
niques mises en œuvre pour faciliter la mobilisation du mode mental adap-
tatif, sous-tendu par les ressources des territoires préfrontaux.

354
Glossaire

Gouvernance Adaptative ou Préfrontale : il s’agit d’une Gouvernance


mentale (voir ce terme) centrée sur le mode mental adaptatif.
Gouvernance Émotionnelle ou Néolimbique : il s’agit d’une
Gouvernance mentale (voir ce terme) centrée sur notre vécu émotionnel,
au sens de la dualité plaisir/déplaisir, désir/appréhension.
Gouvernance Hiérarchique ou Paléolimbique : il s’agit d’une
Gouvernance mentale (voir ce terme) centrée sur le rapport de force hié-
rarchique.
Gouvernance Impulsive ou Hypothalamique : lorsque nous agissons
par impulsions ou réactions « épidermiques », à la recherche de satisfac-
tions ou soulagements immédiats ou lorsque nous avons besoin de stress
pour nous mobiliser.
Gouvernance Mentale : on entend par Gouvernance mentale le « lea-
dership » que semble prendre un réseau ou un territoire dans notre pro-
cessus décisionnel global, notamment face à des enjeux importants,
engageant notre mode de vie, notre avenir.
Gouvernance Routinière ou Automatique : il s’agit d’une Gouvernance
mentale (voir ce terme) centrée sur l’habitude, la maîtrise et l’image
sociale.
Grégaire : qui provoque le groupement d’êtres vivants, ou qui en
résulte. Se dit des espèces dont les individus vivent en troupes.
Grégarisme : instinct grégaire.
Grégarité : néologisme employé en TNC pour limiter l’aspect péjora-
tif du mot grégarisme.
Gyrus cingulaire : circonvolutions de la face interne des hémisphères
cérébraux, là où ils sont en regard, appartenant au système limbique (et
constituant plus précisément, en TNC, les territoires néolimbiques).
Hyper (Comportement hyperfonctionnel) : comportement de substi-
tution, à tendance obsessive, d’un comportement socialement interdit, dit
Hypo (A). L’Hyper (B) constitue un mécanisme automatique, soumis aux
lois des systèmes autorégulés (cybernétique), dont l’objectif inconscient et
socialement « tabou » (celui de A) est détourné au profit d’un autre objec-
tif, conscient et socialement permis (celui de B).
Hyper efficace (Efficacité du comportement Hyperfonctionnel) : on
dit qu’un Hyper est efficace lorsque le sujet qui est atteint de ce trouble
est tout de même capable d’atteindre avec une certaine efficacité et auto-
nomie l’objet caché (interdit, inconscient, « tabou », dit Hypo). Ne pas

355
La thérapie neurocognitive et comportementale

confondre Hyper efficace et Hyper satisfait, car un Hyper peut très bien
être satisfait par l’environnement (les autres, l’argent d’un héritage...) sans
pour autant supposer que le sujet ait la maîtrise de la situation. Dans le
modèle TNC, l’intensité de l’anxiété d’anticipation ou, plus généralement,
l’ensemble du tableau pathologique de l’Hyper, est largement dépendant
du caractère plus ou moins inefficace de l’Hyper considéré plutôt que de
son degré d’insatisfaction du moment.
Hyper-Méta (Comportement méta-hyper-fonctionnel) : comporte-
ment hyperfonctionnel portant sur la manière de faire, pas sur l’objet du
comportement. Classiquement, l’Hyper-méta est une recherche de recon-
naissance ou de validation externe, compensant un déficit interne de
même nature (capacité à se reconnaître et valider).
Hypo (Comportement hypo-fonctionnel) : comportement d’évite-
ment automatique dans l’affrontement suivi d’un apaisement immédiat
dans l’évitement (comme la phobie simple) mais caractérisé par un
vécu de gêne, de ridicule, de honte ou une réaction d’agacement, de
mépris.
Hypo-basique (Comportement hypo-fonctionnel basique) : compor-
tement hypo-fonctionnel induisant un interdit massif du comportement
considéré (sur le fond), par opposition à l’Hypo-Méta (voir ce terme) qui
porte davantage sur la façon de faire (notamment « mal faire », de façon
inélégante...).
Hypofonctionnement : idem Comportement Hypo-fonctionnel (voir
ce terme) ou Hypo.
Hypo-Méta (Comportement méta-hypo-fonctionnel) : forme atténuée
du comportement automatique d’évitement social. Interdit individuel,
conditionné durant l’enfance ou l’adolescence (Hypo), qui déclenche,
dans le cas particulier (Hypo-Méta = qui porte en fait sur la manière de
faire), une admiration larmoyante (avec sensation de sublime) lorsque
d’autres s’affranchissent avec « élégance » de l’interdit.
Hypothalamus : territoire situé à la base et dans la profondeur du
cerveau, juste au-dessus de l’hypophyse. Représentant moins de 1 % du
volume cérébral, il assure un rôle de contrôle des sécrétions hormo-
nales de l’hypophyse, considérée comme le chef d’orchestre des autres
glandes de l’organisme, et participe aux grands équilibres homéosta-
tiques de l’organisme. Il est le principal interprète des besoins bio-
logiques de l’espèce : instincts de vie (alimentaire, sexuel, régulation
thermique, etc.) et méta-instincts de survie (système FLI du stress, voir
ce terme).

356
Glossaire

Imagerie cérébrale fonctionnelle : permet d’observer le cerveau qui


« pense » en demandant au sujet d’effectuer une tâche, notamment cogni-
tive, tout en mesurant les variations de flux vasculaires entre les régions
cérébrales.
Inhibition (de l’Action) : terminologie issue de la psychophysiologie,
qui regroupe, dans le concept général de stress ou d’états d’urgence de
l’instinct, la Fuite, la Lutte et l’Inhibition. Ces trois états s’opposent, dans
le modèle TNC, à l’état d’Activation de l’Action, qui représente l’état de
calme.
Inhibition de l’Action (IA) : troisième et dernière étape de la cascade
du stress, induite par l’échec (ou l’apprentissage antérieur de l’échec) et
produisant un sentiment d’incapacité et d’infériorité (allant du découra-
gement à la dépression). Accessoirement, l’état d’Inhibition sert à se faire
oublier voire protéger.
Intégration, PG Intégré : voir aisance sociale irrationnelle
Intelligence adaptative : forme d’intelligence permettant de faire face
aux contraintes complexes de l’environnement physique et social, tout en
maintenant l’équilibre du milieu intérieur. Ce sont notamment les res-
sources des territoires préfrontaux qui sous-tendent son action à son degré
le plus élevé.
IRMf : voir imagerie cérébrale fonctionnelle.
Limbique : partie du cerveau située autour de la partie médiane (au
dessus et en dessous du corps calleux, ce faisceau de fibres nerveuses qui
relie les deux hémisphères). Elle mémorise les expériences sensibles (plai-
sirs/déplaisirs) et les « stocke » sous forme d’émotions (désirs/appréhen-
sions) puis de motivations plus stables (personnalités). Voir aussi :
néo-limbique et paléo-limbique.
Lutte : terminologie issue de la psychophysiologie, qui regroupe dans
le concept général de stress ou d’états d’urgence de l’instinct, la Fuite, la
Lutte et l’Inhibition. Ces trois états s’opposent, en TNC, à l’état d’Acti-
vation de l’Action.
Lutte Empêchée ou Personnalité Compétitrice (LE) : voir Personnalité
(modèle de) en TNC
Marginalité, PG Marginal : fait de se sentir irrationnellement mal
à l’aise en société, comme oppressé, même en contexte perçu comme
amical et plaisant, ou de s’y sentir en danger (sans raison). Sous-tendu
par le Positionnement Grégaire (paléolimbique) tendant à cette fin
(PGM).

357
La thérapie neurocognitive et comportementale

Mauvaise case (MC) : facette négative du dipôle émotionnel (positif/


négatif) associé à tout « Contenant ». Tout comportement comporte une
« bonne case », synonyme de plaisir/succès, et une « mauvaise », syno-
nyme de déplaisir/échec.
Mauvaise case de personnalité secondaire (MC P. II.) : désagrément
d’être confronté à ce que l’on n’aime pas, notamment à ses antivaleurs.
Méta- : préfixe exprimant, dans les sciences humaines, « ce qui dépasse,
englobe », constitue une position d’observateur. Par exemple, le Mode
NéoLimbique englobe les Hypos, Hypers et Personnalités. De même et de
façon plus surprenante, le MMP (Mode Mental Préfrontal) est en fait
moins opposé au MMA (Mode Mental Automatique) que Méta en ce sens
qu’il l’englobe (sur-mode versus mode économique).
Métacognitif : concerne les cognitions portant sur des cognitions, des
idées. Commentaires que l’on (se) fait.
Méta-compétence : compétence qui permet à d’autres compétences de
mieux s’exprimer (mieux se connaître, par exemple).
Méta-contenant : c’est un Contenant intégrant plusieurs autres
Contenants, sans qu’il puisse pour autant se résumer à la somme de
ceux-ci : par exemple, le Méta-Contenant Émotionnel ou Néo-Limbique
inclut plusieurs autres Contenants comme les Hypos, les Hypers, les
Personnalités primaires et secondaires... sans pour autant pouvoir se résu-
mer à la somme de ceux-ci. De même, le Mode Mental Automatique
inclut le Mode Mental Émotionnel ou Néo-Limbique, celui des rapports
de force dit Paléo-Limbique, celui Impulsif dit Hypothalamique sans qu’il
puisse se résumer à ceux-ci.
Méta-culture : connaissance collective permettant de valoriser et d’en-
seigner la gestion de soi, de ses émotions, comportements et apprentis-
sages.
Méta-instinct : instincts qui modulent tous les autres. Synonyme
d’États Fonctionnels de l’Instinct. Voir ce terme.
Méta-motivation : c’est une méta-compétence apprise permettant de
réaliser une action sans le soutien de la motivation naturelle. On peut par-
ler suivant les cas de mise en œuvre de la « volonté » et/ou de la « rai-
son ».
Méta-paramètre : c’est un paramètre actif (voir ce terme) qui intègre
et relie de façon indirecte, englobant plusieurs autres paramètres, sans qu’il
puisse pour autant se résumer à la somme de ceux-ci : par exemple, une
personnalité secondaire peut expliquer (partiellement voire totalement)

358
Glossaire

certains Hypos mais la réciproque est bien moins vraie : les Hypos n’ex-
pliquent pas ou peu la personnalité.
Métapsychologie : dimension méta de la psychologie : prise de dis-
tance, analyse des mécanismes psychologiques.
Micro comportement : comportement automatique (voir ce terme),
réalisé fréquemment et machinalement.
Mindfullness : état dit de pleine conscience. Terme issu de la médita-
tion tibétaine.
Mode mental (MM) : mode de fonctionnement particulier du cerveau,
sous-tendu par la mise en œuvre caractéristique de structures cérébrales
identifiables. Synonyme : contenant cérébral.
Mode Mental Adaptatif ou Préfrontal (MMAd ou MMP) : ce mode
mental est pertinent pour gérer le nouveau et/ou le complexe. En TNC,
nous lui définissons six dimensions : la curiosité sensorielle, l’acceptation,
la nuance, la relativité, la réflexion logique et l’opinion personnelle.
Mode Mental Automatique (MMAu ou MMA) : mode mental « éco-
nomique » mobilisé lorsqu’un événement est perçu comme simple et/ou
connu.
Mode Mental Préfrontal (MMP) : voir Mode Mental Adaptatif.
Motivation extrinsèque ou externe ou exogène : motivation induite
par des stimulations issues du milieu, satisfaisant un besoin biologique ou
social (succès, reconnaissance…). En TNC, cette motivation est notam-
ment associée aux Personnalités Secondaires… Elle s’oppose à la motiva-
tion intrinsèque (voir ce terme) ou interne ou endogène.
Motivation intrinsèque : c’est une motivation d’origine endogène,
issue des gènes ou de la période d’empreinte post-natale. Elle a pour carac-
téristique de ne pas dépendre du résultat de notre action. Elle associée à
la Personnalité dite Primaire (voir ce terme) et s’oppose à la motivation
Extrinsèque (voir ce terme), Externe ou Exogène.
Motivation intrinsèque refoulée : motivation intrinsèque (voir ce
terme) non exprimée en raison d’une dévalorisation d’origine culturelle
ou à une expérience personnelle négative à cet égard. Les formes les plus
pathogènes sont le fait d’un Hypo ou comportement Hypo-fonctionnel
(voir ce terme).
Motivation négative : type de motivation associée à des vécus d’échec
et colorée par la volonté d’éviter de les revivre. Synonyme : mauvaises
cases (voir aussi ce terme).

359
La thérapie neurocognitive et comportementale

Motivation positive : type de motivation proactive, découlant des per-


sonnalités primaires, si inconditionnelle, ou des personnalités secondaires,
si conditionnelle.
Motivation profonde : type de motivation inconditionnelle, basée sur
le plaisir de faire « en soi », pour le plaisir (comme un hobby), découlant
des personnalités primaires ou tempéraments (voir aussi ces termes).
Néo-limbique (cortex) : structure cérébrale qui sous-tend un « état
d’esprit » relativement fermé à ce qui est nouveau, qui craint l’imprévu, a
généralement une vision dualiste, tranchée (bien/mal, vrai/faux), qui a le
sentiment que nos perceptions sensorielles sont « toute la réalité », est
attiré par les seuls résultats, prête une grande importance à la position hié-
rarchique dans la société. C’est la partie la plus récente des territoires lim-
biques, située juste au dessus du corps calleux, dans la fente
inter-hémisphérique.
Neurocognitif : relatif au lien existant entre manière de penser (mode
mental) et structures cérébrales prioritairement sous-jacentes.
Neuropsychologie : étude des fonctions mentales en liaison avec les
structures cérébrales, basée généralement sur l’observation de patients
cérébrolésés.
Neurosciences cognitives : sous-discipline des neurosciences ou sciences
du cerveau étudiant l’émergence des cognitions à partir des structures céré-
brales (notamment à partir de l’Imagerie Cérébrale fonctionnelle).
Ontogenèse : développement de l’individu, depuis la fécondation de
l’œuf jusqu’à l’état adulte
Paléo-limbique (PL) : partie la plus ancienne du « cerveau limbique »
située juste au dessous du corps calleux (l’ensemble des « deux limbiques »,
ancien et nouveau, constituant autour de lui un anneau. Il comprend
notamment les amygdales limbiques, situées dans la profondeur du cerveau
(à ne pas confondre avec les amygdales situées dans la gorge), auxquelles
nous attribuons les relations sociales hiérarchiques (voir aussi positionne-
ment grégaire).
Paramètre actif : élément précis d’un Contenu cognitif produisant, de
façon nette et reproductible, la survenue d’un Contenant précis associé.
C’est par exemple un comportement observé (« couper la parole ») qui
déclenche un agacement, même en situation de non implication
(Résonance d’Hypo).
Paramètre modulateur : paramètre modifiant la texture ou l’intensité
d’une résonance émotionnelle hypo-fonctionnelle (pour en confirmer le

360
Glossaire

diagnostic) ou d’un comportement d’affrontement d’Hypo (ou de PG),


permettant d’en adapter, rendre progressif et accessible l’affrontement.
Pédagogie TNC : explication donnée à un patient afin de lui faire
mieux comprendre les troubles dont il se plaint ou qu’il subit, permettant
à la fois de lui permettre de s’en détacher davantage (se déculpabiliser, en
avoir moins peur…) et de mieux se mobiliser pour les affronter ou traiter
(méta-motivation, voir ce terme).
Période de l’apprentissage post empreinte : Période de formation des
personnalités secondaires, sous-tendue par un mécanisme neuronal d’ap-
prentissage émotionnel allant de la période post-empreinte (3 mois)
jusqu’à l’adolescence et persistant (de façon lentement décroissante) tout
au long de la vie, jusqu’à la mort. Voir aussi « apprentissage adulte ».
Période de l’empreinte émotionnelle (voir aussi empreinte) : période
périnatale, débutant un peu avant la naissance et se terminant à 3 à 6 mois,
durant laquelle, selon le modèle TNC, se fixent la part épi génétique des
personnalités primaires (ou tempéraments) à travers une mémorisation
indélébile des états émotionnels vécus au long de cette période, notam-
ment des méta-instinctifs hypothalamiques (vécus les plus puissants et
matures à la naissance). Comme cette mémorisation est définitive, elle est
insensible à l’apprentissage, notamment de l’échec, et reste irrémédiable-
ment positive. Précieux à investir et cultiver pour construire nos motiva-
tions durables (projets professionnels, vie sentimentale, hobbies...)
Personnalité (modèle de) en TNC : on y focalise sur la composante
endogène dans l’origine des personnalités, notamment sur le rôle du stress
(et de ses sous-dimensions que constituent la Fuite, la Lutte et l’Inhibi-
tion, voir ces termes) ou de l’état de calme (Activation, voir ce terme).
On parle alors de personnalité en Activation et/ou en Fuite et/ou en Lutte
et/ou en Inhibition. Et selon que ces divers états ont été vécus principa-
lement dans leurs variantes réussies ou empêchées (voir ces termes), on
parle alors de Personnalités réussies ou Empêchées. En croisant l’axe AFLI
(Activation, Fuite, Lutte et Inhibition) et celui RE (Réussi, Empêché),
obtient un modèle à huit personnalités. Et à 16 si l’on distingue les
Personnalités Primaires (PI) et les Secondaires (PS), voir ces termes.
Personnalité Animatrice (FR) : voir Personnalité (modèle de) en
TNC
Personnalité archaïque : personnalité paléolimbique, incluant le
Positionnement Grégaire et construite sur les rapports de force. Elle se
définit dès la phase prénatale (on le constate chez les jumeaux vrais issus
d’un seul placenta car on y voit déjà apparaître un comportement de

361
La thérapie neurocognitive et comportementale

dominant chez l’un et de soumission chez l’autre) mais qui reste évolutive
tout au long de la vie, notamment jusqu’à la puberté. Elle définit le posi-
tionnement (« irrationnel », issu d’un rapport de force primitif) de l’indi-
vidu par rapport à son groupe, selon les deux axes du positionnement
grégaire : l’un définit le degré de confiance irrationnelle en soi (domi-
nance/soumission) et l’autre celui de confiance irrationnelle en l’autre
(aisance irrationnelle/marginalité).
Personnalité Compétitrice (LE) : voir Personnalité (modèle de) en
TNC
Personnalité difficile : en TNC, ce concept inclurait 1/l’exagération
d’une Personnalité Secondaire ou 2/la dérégulation (par son intensité ou
son instabilité comme lors des troubles bipolaires) d’une personnalité
archaïque (PG).
Personnalité en Activation Empêchée (AE) : voir Personnalité
(modèle de) en TNC
Personnalité en Activation Empêchée ou Novatrice (AE) : voir
Personnalité (modèle de) en TNC
Personnalité en Activation Réussie (AR) : voir Personnalité (modèle de)
en TNC
Personnalité en Activation Réussie ou épicurienne ou Philosophe
(AR) : voir Personnalité (modèle de) en TNC
Personnalité en Fuite Empêchée (FE) : voir Personnalité (modèle de)
en TNC
Personnalité en Fuite Empêchée ou Sécuritaire (FE) : voir Personnalité
(modèle de) en TNC
Personnalité en Fuite Réussie (FR) : voir Personnalité (modèle de) en
TNC
Personnalité en Inhibition Empêchée (IE) : voir Personnalité
(modèle de) en TNC
Personnalité en Inhibition Empêchée ou Altruiste ou Solidaire (IE) :
voir Personnalité (modèle de) en TNC
Personnalité en Inhibition Réussie (IR) : voir Personnalité (modèle de)
en TNC
Personnalité en Inhibition Réussie ou affective ou participative
(IR) : voir Personnalité (modèle de) en TNC
Personnalité en Lutte Empêchée (LE) : voir Personnalité (modèle de)
en TNC

362
Glossaire

Personnalité en Lutte Réussie (LR) : voir Personnalité (modèle de) en


TNC
Personnalité en Lutte réussie ou Stratège (LR) : voir Personnalité
(modèle de) en TNC
Personnalité Épicurienne ou Philosophe (AR) : voir Personnalité
(modèle de) en TNC
Personnalité Novatrice (AE) : voir Personnalité (modèle de) en TNC
Personnalité Participative ou Affective (IR) : voir Personnalité
(modèle de) en TNC
Personnalité Sécuritaire (FE) : voir Personnalité (modèle de) en TNC
Personnalité Solidaire ou Altruiste (IE) : voir Personnalité (modèle de) en
TNC
Personnalité Stratège (LR) : voir Personnalité (modèle de) en TNC
Personnalité tertiaire : synonyme de « personnalité velléitaire », voir
ce terme.
Personnalité velléitaire : synonyme de personnalité tertiaire (voir ce
terme) induite par la culture (la mode, les standards sociaux, l’envie de
ressembler à une « idole », etc.) qui génère, chez le sujet, un idéal à la fois
émotionnellement inaccessible et surtout dépourvu de motivation véri-
table, primaire comme secondaire. En fait, on ne désire que les bénéfices
collatéraux (la reconnaissance, l’argent, l’affection...), pas l’action ni
même son résultat direct. Il en découle complexes, velléités voire mytho-
manies.
Personnalités extraverties : personnalités issues de l’ancrage des
méta-instincts (calme + 3 états de stress) en situation de bonne case
(états dits réussis) par l’empreinte (P primaires ou tempéraments) ou la
récompense (P secondaires ou caractères). Ces états pulsionnels réussis
correspondent à des expériences positives. Dans le cadre des personna-
lités primaires, ces états sont définitivement idéalisés et recolorés posi-
tivement sur le plan motivationnel (générateurs de plaisirs
inconditionnels).
Personnalités introverties : personnalités issues de l’ancrage des méta-
instincts (calme + 3 états de stress) en situation de mauvaise case (états
dits empêchés) par l’empreinte (P primaires ou tempéraments) ou la
récompense (P secondaires ou caractères). Ces états pulsionnels empêchés
correspondent à des expériences négatives. Dans le cadre des personnali-
tés primaires, ces états sont définitivement idéalisés sur le plan motiva-
tionnel (générateurs de plaisirs inconditionnels).

363
La thérapie neurocognitive et comportementale

Personnalités primaires (P.I.) : personnalités définitives, issues de la


génétique et/ou de la période de l’empreinte, alimentant des motivations
positives, peu dépendantes du résultat, donc peu sensibles à l’échec. Voir
aussi : tempéraments ou mobiles.
Personnalités secondaires (P. II.) : personnalités qui se construisent
tout au long de la vie dès la fin de l’empreinte (voir ce terme). Elles se
caractérisent par le fait que leur motivation positive dépend avant tout du
résultat, donc de la continuité des succès. Ceci explique qu’avec le temps,
les motivations négatives de ces personnalités secondaires finissent par
l’emporter. Ce terme est synonyme de celui de caractère.
Phylogenèse : histoire évolutive des espèces.
Positionnement grégaire (PG) : Positionnement social primitif, induit
par les structures paléolimbiques (notamment amygdaliennes), décrivant
la place stable et intrinsèque (irrationnelle, hors de toute justification
compétence, reconnaissance...) occupée sur les axes gradués de la
confiance/manque de confiance en soi (place hiérarchique dans le groupe
ie dominance/soumission) et du degré de confiance/méfiance vis à vis du
groupe (intégration/marginalité). Au cœur des mécanismes irrationnels de
la confiance en soi et en les autres, des rapports de force et des structura-
tions sociales primitives de type « tribal ».
Positionnement grégaire dominant ou dominance (PGD) : voir
Positionnement Grégaire.
Positionnement grégaire intégré ou intégration (PGI) : voir
Positionnement Grégaire.
Positionnement grégaire marginal ou marginalité (PGM) : voir
Positionnement Grégaire.
Positionnement grégaire soumis ou soumission (PGS) : voir
Positionnement Grégaire.
Positionnement social primitif : voir Positionnement Grégaire.
Poulie des Hypers : emboîtement comportemental induit chez deux
partenaires ayant des relations régulières (en famille, au travail…) lorsqu’ils
sont tous deux atteints d’Hypers impliquant leur relation. Ce modèle sup-
pose que lorsque l’un des sujets est saturé plus vite que l’autre, il déclenche
un état de manque chez l’autre qui déséquilibre durablement la relation.
L’inversion accidentelle (ou thérapeutique) des rôles peut inverser le pro-
cessus selon l’adage « je te suis tu me fuis. Je te fuis, tu me suis » !
Préfrontal : partie la plus récente et intelligente du cerveau, située
juste derrière le front. De par son importance (près de 20 % de la masse

364
Glossaire

cérébrale qui ne sert qu’à penser et anticiper) et l’étendue de ses intercon-


nexions, elle réalise la synthèse entre les besoins biologiques immédiats,
les expériences émotionnelles et l’adaptation « en temps réel » à l’envi-
ronnement. Elle permet de gérer le nouveau, l’inconnu, de prendre en
compte la complexité de notre environnement et d’introduire de nou-
veaux apprentissages. Son caractère inconscient peut surprendre (on a cru
longtemps qu’elle était au cœur de la conscience). Il explique sans doute
le caractère encore largement imprévisible de l’intelligence humaine.
Préfrontaliser : mobiliser l’état mental sous-tendu par l’activité de la
structure préfrontale, caractérisé par la curiosité sensorielle, l’acceptation,
la nuance, la relativisation, la réflexion et l’opinion personnelle et asso-
cié à la sérénité (capacité à garder son calme même en situation difficile).
Voir Intelligence du Stress.
Préfrontalité : état mental issu de la structure préfrontale, caractérisé
par la curiosité sensorielle, l’acceptation, la nuance, la relativisation, la
réflexion et l’opinion personnelle et générateur de sérénité. Voir préfron-
taliser et Intelligence du stress.
Pseudo-vérification : « vérification émotionnelle » (au sens d’une
punition/déception) qu’un comportement est néfaste, induisant ou renfor-
çant un comportement d’évitement, une antivaleur (voir ce terme). Ce
terme s’oppose à « vérification rationnelle » qui consiste en une compré-
hension plus fine des causes d’un échec ou d’un succès : par exemple, que
l’on peut apprendre de l’échec alors que l’évitement « congèle » souvent
notre expérience dans le manque qui en découle. Lors d’un processus thé-
rapeutique (en simulation comportementale ou en réel), une telle expé-
rience amène à penser (émotionnellement) que l’on aurait dû s’abstenir.
La pseudo-vérification n’est pas une preuve rationnelle, elle ne prend pas
en compte les autres facteurs d’échec, les progrès réalisés... ou même la
nécessaire acceptation de l’apprentissage du réel pour résoudre une diffi-
culté. Les contenants limbiques (notamment paléolimbique ou Hyper/RH)
sont prompts à provoquer des pseudo-vérifications, sources de démotiva-
tion.
Psychologie cognitive : discipline qui a pour objet les mécanismes de
la pensée grâce auxquels s’élabore la connaissance (5 phases : perception,
mémorisation, apprentissage, conceptualisation, raisonnement logique).
Recherche de l’actif du passif (méthode de) : voir « Actif du passif ».
Régulation « en tendance » : terminologie issue de la cybernétique tra-
duisant un comportement accentué par son propre résultat, ce qui donne
un emballement (« effet larsen ») par opposition à un « système

365
La thérapie neurocognitive et comportementale

autorégulé », freiné par son produit final et qui fluctue ainsi autour d’un
point de consigne.
Répression d’Hyper : voir répression de comportement Hyper-
fonctionnel.
Répression d’hyper (RH) : répression consciente et plus ou moins
volontaire d’un comportement hyperfonctionnel perçu comme doulou-
reux, préjudiciable ou dangereux. Appartient au « syndrome Hyper » dont
elle constitue un stade évolutif (phase 4). C’est une des causes majeures
de dépression, dite réactionnelle. Symptomatologie dépressivo-agressive
très rémanente, donnant un sentiment de traumatisme moral, où l’on se
sent initialement victime, abandonné, incompris. Puis, après la phase de
reproches, on se sent progressivement incapable, méprisable, sans intérêt.
Récidives fréquentes, hypersensibilité et susceptibilité. Le syndrome Hyper
n’est qu’une symptomatologie de l’Hypo, qui se traite avec lui.
Résonance (d’hypo) : Critère diagnostic caractéristique de l’hypo par
confrontation indirecte. La résonance est involontaire, peu contrôlable.
Elle se traite en profondeur par affrontement comportemental de l’Hypo
(en proportion exacte de la résolution du trouble). Voir aussi résonance
émotionnelle.
Résonance émotionnelle : réaction émotionnelle particulière (gêne,
agacement ou admiration avec émotion) face à un individu/un comporte-
ment par lequel nous ne sommes nullement impliqué/menacé.
Classiquement, cela se produit ou persiste même devant une fiction, par
exemple au cinéma, même si cela n’évoque rien de notre vie personnelle.
C’est le comportement « en soi » qui produit en nous cette réaction. Ce
symptôme est caractéristique de l’Hypo et constitue un précieux signe dia-
gnostic, facile et fiable, alors que l’Hypo lui-même est invisible (tabou) du
fait de l’évitement automatique avec « vide mental » secondaire (hors
résonance). On dit en TNC de celui qui provoque la résonance qu’il a une
liberté que l’on n’a pas (même s’il nous paraît méprisable !). S’il abuse de
sa liberté, il faut toujours prendre au sérieux ce qu’il nous révèle sur nous.
Une fois l’affrontement fait et le problème traité, on voit mieux la liberté
qui nous manquait.
Saturation de l’Hyper : méthode de recherche du ou des Hypos d’un
Hyper, par exagération imaginaire (totale et durable) du succès d’un
Hyper, pour identifier ce qu’il apporterait de plus que son objet apparent
i.e. son objet caché (voir ces termes).
Schémas de pensée : trames de pensées stables (modèle TCC) voire
rigidifiées, souvent sous-tendues par les personnalités (modèle TNC) ou

366
Glossaire

associées à elles, définissant et alimentant largement les pensées conscientes


d’un individu (les cognitions).
Servomécanisme : système asservi à une information extérieure, per-
mettant de maintenir l’équilibre de la réponse et de la commande quelles
que soient les variations de celle-ci et les perturbations (Robert).
Sevrage de l’Hyper : méthode de recherche du ou des Hypos d’un
Hyper, par sevrage imaginaire (total et durable) d’un Hyper, pour identi-
fier ce que cela enlèverait de plus que son objet apparent i.e. son objet
caché (voir ces termes).
Sonnette : en TNC, on appelle « sonnette » un emboîtement entre
plusieurs Contenants associés à un même Contenu, par exemple, entre
deux intolérances contradictoires voire incompatibles (de personnalités
Secondaires), déclenchées par une même situation.
Soumission : fait de se sentir irrationnellement inférieur ou indigne,
de se soumettre spontanément et aveuglément à toute autorité. Par exten-
sion, positionnement social primitif (paléolimbique) tendant à cette fin
(PGS).
Sous-paramètre actif : c’est un paramètre actif (voir ce terme), extrait
d’un paramètre actif précédemment défini et qui en explique toute la réac-
tivité : par exemple, on dira que le paramètre actif « a une attitude
injuste » d’un Contenant d’Hypo est un sous-paramètre d’un ou plusieurs
autres paramètres actifs d’Hypo (« être désagréable sans raison » et « mon-
trer ostensiblement son argent ») si, en le retirant de ceux-ci, il en annule
toute capacité à déclencher une Résonance d’Hypo.
Stockholm (Syndrome de) : attitude d’aliénation d’un individu sou-
mis envers un plus dominant, comme prendre sa défense même si l’on en
est objectivement victime.
Stress : réaction instinctive de défense face à un danger, une menace
immédiate pour la survie, déclenchée par la structure hypothalamique,
selon trois programmes totalement stéréotypés mais déployés de façon pro-
gressive (en cascade, suite à l’échec du précédent état) : la fuite, la lutte
et l’inhibition de l’action.
Stress aigu : stress, de type « attaque de panique » ou équivalent (voir
« régulation en tendance »). Une telle survenue lors d’un exercice com-
portemental et induite par lui doit faire arrêter immédiatement l’exercice
et chercher puis traiter les causes de cette flambée de stress. Il s’agit ordi-
nairement d’une Sonnette (voir ce terme) entre deux Contenants (ou
davantage) que l’exercice met involontairement à jour.

367
La thérapie neurocognitive et comportementale

Stressabilité : tendance à se stresser en situation négative, réelle ou


simplement évoquée, sur un sujet donné. Très corrélée à la persistance
anormale du mode mental automatique en situation de non contrôle. Ce
qui nous fait parler « d’Intelligence du Stress », puisque l’intelligence
adaptative ou préfrontale se révèle capable de nous avertir de son désac-
cord via le stress, lorsque nos comportements conscients lui paraissent irra-
tionnels, incohérents, dangereux. Il est à noter que spontanément, le stress
nous fait chercher le danger à l’extérieur, alors que, le plus souvent, il est
dedans : le modèle TNC en attribue l’origine à un conflit entre les deux
grands modes mentaux.
Syndrome de Stockholm : voir Stockholm.
Système autorégulé : régulation d’une fonction, d’un processus, d’une
machine ou d’un organisme, constituant un ensemble fonctionnant de
façon autonome même en milieu instable, Terminologie issue de la cyber-
nétique traduisant un comportement freiné par son produit final et qui
fluctue ainsi autour d’un point de consigne, par opposition à un « système
en tendance » (voir ce terme), accentué par son propre résultat, ce qui
donne par contre un emballement (« effet larsen »).
Tabou : terminologie courante ou psychanalytique évoquant le com-
portement hypo-fonctionnel (voir ce terme).
TCC : Acronyme de Thérapies Cognitives et Comportementales. Une
des sources de la TNC, qui lui doit le triangle pensées/émotions/compor-
tements et la mise en évidence des causes irrationnelles du stress ou encore
le modèle de la phobie/phobie sociale.
Tempérament : synonyme de Personnalité primaire. Voir ce terme.
Territoires limbiques : situés autour de la partie médiane (au-dessus
et en dessous du corps calleux reliant les deux hémisphères). Siège de la
mémorisation des sensations (plaisir/déplaisir) sous la forme d’émotions
(désir/appréhension) puis de motivations stables/traits de personnalité
(personnalités primaires ou secondaires).
Territoires néolimbiques (ou cortex limbique) :partie la plus récente
des territoires limbiques, située au-dessus du corps calleux, dans la zone
inter hémisphérique. Structure génératrice d’un état d’esprit routinier,
prompt à construire des certitudes, croyances et sensations de vérité.
Territoires paléolimbiques : les plus anciens territoires limbiques,
situés en dessous du corps calleux, comprenant les amygdales limbiques.
Ils sous-tendent notamment les relations sociales hiérarchiques
(Positionnement Grégaire).

368
Glossaire

Territoires préfrontaux (cortex préfrontal) : situés derrière le front.


Siège largement inconscient de l’intelligence humaine supérieure. Réalise
la synthèse entre les besoins biologiques immédiats, les expériences émo-
tionnelles et l’adaptation « en temps réel » à l’environnement. Siège de
l’anticipation du futur, de la stratégie et de la représentation de l’autre
comme autres soi-même (empathie).
Théorie de Hebb (Hebbian theory) : modèle de la potentialisation
synaptique, qui décrit les mécanismes d’apprentissage décrits par Pavlov
ou Skinner. Voir aussi « apprentissage adulte », par opposition à
« empreinte ».
Théorie du point de consigne (set-point theory) : élément central de
l’autorégulation (voir ce terme).
Thérapie Neurocognitive et Comportementale (TNC) : nouvelle
vague des Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC) issue du rap-
prochement avec les neurosciences.
Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC) : thérapies cen-
trées sur la modification des comportements, pensées et même émotions
associées aux troubles psychologiques ou psychiatriques. Thérapies de l’ici
et maintenant, elles partent du principe qu’il est souvent plus efficace « de
trouver et d’enlever le clou dans la chaussure » que de « savoir qui l’a mis
et pourquoi ».
Valeur (ou principe) : ce qui nous paraît vrai, beau, bien, constituant
un jugement personnel (rigide) plus ou moins en accord (ou en conflit)
avec celui de la société (d’un milieu, d’un groupe…) de l’époque.
Velléitaire : qui n’a que des intentions faibles, ne se décide pas à agir.
Par extension, motivation faible issue notamment des Personnalités
Tertiaires (voir ce terme).
Vide mental : fait de ne plus disposer, momentanément, de sa capa-
cité à générer des pensées, avoir un esprit critique, accéder à ses connais-
sances acquises et souvenirs. Ce vide ou blanc mental est notamment
rencontré dans le cas d’un affrontement de comportement hypo-
fonctionnel. Il est destiné à empêcher l’affrontement. On peut le dépasser
en préparant l’exercice à partir des résonances d’Hypos. Le vide mental
peut aussi résulter du Positionnement Grégaire Soumis (PGS).
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Index des notions

A Amygdale 127
– noyaux amygdaliens notamment
Acceptance and Commitment Therapy
basolatéraux. 127
(ACT) 15, 94
Anxiété chronique 142
Acevedo 73
Anxiété sociale 142
ACT 106, 112
APA 74
Actif du passif 326 Art Dédramatique 116, 228, 273
Activation Réussie 181, 286, 288 Assertivité 125, 141
Addiction 35, 55, 57 Attaque de panique 142, 231
– comportementale 24, 57, 72, 74 Autorégulation 133
– sexuelle 74-75
– double 35
Admiration larmoyante 48
– simple 34
Affirmation de soi 76
Affrontement 114 B
– affrontement-test 82 Big Six 144
– thérapeutique 37 Bipolarité 240
Agacement 41, 47
Burn-out 78, 81
Aire tegmentale ventrale 73
Aire visuelle associative 28 C
Alzheimer 247 CAES 32, 307
Ambivalence 318 Comportement
Amertume 322 – de substitution 317
Ames 292 – automatique d’évitement social 24,
Amour passionnel 72-73 30

389
La thérapie neurocognitive et comportementale

– d’hypofonctionnement 30 État de Fuite Instinctive 48


– hyperfonctionnel 31, 55 État de Lutte Instinctive 48
– micro-comportements 51-52, 86, État d’Inhibition Instinctive 48
95, 114 Évitement
– sadomasochiste 142 – social – CAES 30
Conditionnement opérant 25 – automatique 25, 27, 29, 308
Contenant 16-17 Expression
– Méta-contenant 19, 214 – micro-expressions 53
Contenu 16
Conversion F
– hystérique 31 Fuite 55
Coping 75 Fuite instinctive ou flight 26
Cortex Préfrontal (CPF) 27, 69
CPF 31, 73, 131 G
– CPF dorso-latéral droit 28 Gêne 48
Croyance 162
Gestion des Modes Mentaux
– populaire 161 (GMM) 64, 86, 106, 162, 277
Cybernétique 32, 34
GMM 94, 111-112
Cyclothymique. 142
Gouvernance 151
D – instinctive 221
– mentale 212
Défausse 314 – néolimbique 215, 218
Dépressif pré-mélancolique 166 – paléo-limbique 219
Dépression 24, 207 – paléolombique 215
– à tendance mélancolique 142 – préfrontale 215, 217
– dure 207 Gyrus cingulaire 31, 73
– majeure 171 Gyrus para-hippocampique 28
– mélancolique 236
– molle 205, 223 H
Dépsychologisation 226 Haute Autorité de la Santé
– des Contenants 227 (HAS) 21
Diagnostic différentiel 60 Honte 30, 40
Dominance 75-76, 126 Hyper 31-32, 35, 55, 317
Dominant 61 – efficacité de l’Hyper 61
Dysorthographie 264 – hyper actif 122-123
– hyper passif 122
E – hyper-méta 54, 100, 119, 121
– hypers d’attente 107, 119
Économie psychologique 207
– hypers secondaires 95
Effet rebond 65, 133-134, 136-137, – hypo de l’Hyper 326
150, 154, 156, 231 – poulie des Hypers 59
Épidémiologie – répression d’Hyper 54, 56, 232
– génétique 12 – répression d’Hyper morale 68
Érythrophobie 41 Hyper efficace 36

390
Index des notions

Hypersexualité 74, 76 Méthode


Hypo 31-32, 37, 307 – de recherche de l’actif du
– à bascule 92 passif 107
– à quota 92 – de saturation 102, 117
– affrontement d’Hypo 45, 47, 113 – de sevrage 104, 107, 117
– basique 38, 112, 117 Mindfulness 15, 86, 112
– hypo basique 118 Mode Mental Adaptatif 227
– hypofonctionnement 307 Mode réactionnel 17
– hypo-méta 100, 118-119, 121 Modèle
– hypos-métas 38 – cybernétique 30
– résonances d’Hypo 38, 40 Modèle Circumplex de Oslon 144
Hypo de l’Hyper. 93 Modes Mentaux 19
Hypofonctionnement 24, 30 Monestès 15, 64
Morale 46
I Motivations extrinsèques 207
Imagerie par Résonance Magnétique Motivations intrinsèques
fonctionnelle (IRMf) 22 refoulées 209
Injonction paradoxale 158 Mysticisme 144
Instinct Mystique 169
– de survie 222
N
– de vie 221
Néolimbique 97, 135
L Neuroleptique 132
Le trouble de l’hyperactivité avec Neuroticisme 75
déficit de l’attention 171 Névrotique 112
Lutte Névrotisme 75
– instinctive 61, 128 Nosologie TNC 263
Noyaux amygdaliens 171
M
Magique 148, 332
O
Maladie d’Urbach-Wiethe 127 Organisation Mondiale de la Santé
Maniaco-dépressif 142 (OMS) 14
Médecine Ortigue 72
– dite curative 13
P
– environnementale 12
– génétique 12 Padoue 298
Mémoire Paléolimbique 126
– de travail 26 Paquette 162
– dite émotionnelle 26 Paramètre 84, 90-91, 310
– épisodique 26 – méta-paramètres 82
Méta – paramètres modulateurs 116, 311
– méta-motivation 204 – sous-paramètres 82, 84, 90, 310,
– RH-Méta 120 319

391
La thérapie neurocognitive et comportementale

Paranoïa 167 Région hippocampo-amygdalienne 26


Paranoïaque 144 Règle de Hebb 27
Peacemaking 146 Régulation en tendance 231
Pédagogie TNC 224 Religions 161
Personnalité 96, 181, 283 Résonance 40, 82, 90, 308
– affective 252 – en fuite 40, 113
– antisociale 76 – en inhibition 42, 48, 113
– compétitrice 180 – en lutte 41, 47, 113
– fuite 225 RH 63, 321
– inhibition 225 RH Raisonnable 69-70
– leader 177 Rough-and-Tumble Play 131
– lutte 225
– lutte Empêchée 91, 180 S
– lutte Réussie 177
– obsessionnelle 142 Schizophrénie 125, 155-156, 171,
– primaire 81, 91, 206, 284 249, 251
– refoulement de personnalités Sciences
primaires 124 – dures 20
– secondaire 68, 91, 109, 124, 284 – molles 20
Peur sociale 127 Sclérose En Plaques (SEP) 21
PG 124 Self-Determination Theory, SDT 79
PGD 196 Set-Point Theory 134
PGI 200 Sexual addict 77
PGM 198 Signes micro-comportementaux 61
PGS 81, 191 Simple 31
Phobie 25, 28, 126, 309 Sonnette 58, 86, 92, 96, 153, 230
– simple 17, 29, 31, 54 souffle. Voir respiration; Voir
– sociale 24, 29, 75 respiration
Positionnement grégaire 24, 68, 70, Souffle. Voir respiration
331
Soumission 30, 34, 65, 126, 142
– dominant 68
– intégré 70 Squire 26, 126
– marginal 68 Statistiques 23
– soumis 70 Stress aigu 231
Potentialisation des synapses 27 Striatum 73
Prévention Substance blanche (SB) 21
– primaire 13 Syndrome de Korsakoff 267
– secondaire 13 Syndrome de Stockholm 142
– tertiaire 13 Syndrome du cœur brisé (Broken
Prüss-Üstün 14 Heart Syndrome) 73
Psychanalyse 17, 31, 45, 56, 85, 112 Syndrome du survivant 142
R Système
– autorégulé 32, 36
Réflexe conditionné 25 – FLI 225
Région amygdalienne 126 Système nerveux central 21

392
Index des notions

T Trouble
– de l’Adaptation Post-traumatique
Tabou 30-32, 35, 37, 57 avec Amertume (ou Post-traumatic
– sexuel 31 Embitterment Disorder, PTED, 63
TCC 28 Trouble bipolaire 155, 171
TEP 28 Trouble Obsessionnel Compulsif
Théorie (TOC) 34, 74, 125, 133, 142,
– associationnistes 97 150, 166, 255
Théorie de l’auto-détermination 79 Troubles psychotiques 174
Théorie du Point de Consigne 134
V
Thérapie
– cognitive 86 Valeur
– cognitive et comportementale 15 – antivaleurs 51, 81, 96, 111
– neurocognitive et Vide mental 50
comportementale 11, 15
Tomographie par Émission de Positrons W
(TEP) 22 Work engagement 79
Transfert 56 Workaholics 78
Travaillomanes 78 Workaholism 79
Index des auteurs

A Bateson 158
Bauman 126
Adams 75, 77, 97
Beauregard 162
Adolphs 126-127
Afssaps 132 Beck 15, 170
Aggleton 128 Becker 79, 127
Ahs 31, 126 Bernard 128
Alberti 139, 141, 292 Biddulph 77
Allan 133, 135, 138-139, 164 Birchwood 129, 141, 164
Amara 76 Bishop 127
Amaral 127 Biwas-Diener 134
Amir 31 Blackshaw 144
André 15 Boesch 129
Antoniadis 127 Boesch-Achermann 129
Aron 73, 97 Bouvard 295
Asch 148 Braggio 131
Ashton 144 Brockman 72
Aureli 146 Burke 79
Aziz 79 Burkett 73
Butovskaya 146
B
Bachevalier 126 C
Bandler 128 Cale 76
Bandura 189 Calhoun 76

395
La thérapie neurocognitive et comportementale

Canceil 28 Fossum 75
Cannon 225 Fradin 12, 26, 30-31, 35, 48, 51, 61,
Cardinale 128 64-65, 68-70, 81, 86-87, 94, 106, 109,
Carnes 77 114, 125, 129, 132, 135, 141, 166,
Cheng 73 177, 267, 273, 277, 283, 285, 292
Chichinadze 131 Freud 31
Combs 144 Frost 16
Corvalán 14 Fuster 27
Cottraux 189, 225
G
Crino 291
Garcia 74
D Giedd 32
Damasio 24, 126-127, 171, 278, 284 Gilbert 126, 128, 133, 135, 138-139,
Danchin 12 164
Davidson 128, 152, 282 Gilliland 75, 97
de Chalvron 125, 293, 295 Golwinn 75
de Waal 146 Gosselin 52
Dearing 75 Gourou 170
Deary 75 H
Deci 79, 81
Del Casale 126 Hayes 15, 64, 106
Diamond 32 Headey 134-135
Diener 134 Heimberg 29
Dijksterhuis 279 Heimburger 127
Dilger 28 Heriot-Maitland 144, 163
Doar 32 Hertenstein 146
Hill 162
E Hinde 129
Ekman 51, 53-54 Hofman 292
Emery 126 Hofmann 29
Emmons 139, 141 Hooker 144
Etkin 129 Houdé 27
Hout 293
F Hoyer 75
Fanget 189 Hubel 284
Fedoroff 76 Huppert 29
Feingold 12
I
Feinstein 127
Fernandez-Duque 114 Isenberg 128
Field 73
Fisher 72-73
J
Fornette 279 Jarvis 131

396
Index des auteurs

Joannides 74 Maslach 78
Jolly 126, 129 Mason 75
Josephs 131 Mattews 75
Matthies 79
K Mazur 76, 126
Kabat-Zinn 15 McCool 127
Kafka 74 McGrew 130
Karl Groos 131 Mehta 131
Kazma 12 Mehu 51, 53
Khoury 12 Milgram 148
King 127, 163 Miller 134
Kling 126 Monfardini 149
Koestner 81 Mouilso 76
Kolb 26 Mueller 16
Koski 146
N
Kozintsev 146
Krueger 141 Notariis 151
Kumaran 76, 126
O
L O’Connor 75
Laborit 26, 32, 48, 225, 282, 284 O’Leary 162
Le Moullec 12, 65
P
Ledoux 26
Lee 144 P. Ires 284
Lefrançois 34, 125, 129, 132, 134, P. IIres 284
141, 277, 292-293, 304 Pavlov 25
Leiter 78 Pellegrini 128, 130-131, 152
Lemoullec 48, 68, 70, 81, 87, 109, Persinger 162
135, 166, 177, 283 Peters 144
Levenson 282 Phelps 26
Levine 74 Piaget 151
Linden 63 Posner 14, 114, 279
Ljungberg 146 Price 129
Lorenz 284 Pulkkinen 128
Losier 81
Lussier 76 R
Lutz 282 Raichle 279
Rapoport 294
M
Rasmussen 280
Málková 126 Reid 75
Marsh 128 Reynaud 72
Martinez 12 Robinson 75, 77, 97

397
La thérapie neurocognitive et comportementale

Romano 292 V
Rosvold 126
van Beek 79-81
Rothbart 14
van den Broeck 79, 81
Rouchouse 189
Van der Linden 129
Rule 128, 153
Ryan 79, 81 Van Dijk 149
VanBeek 79
S Vieira 145
Salanova 79 Villatte 15, 64
Salkovskis 293 Vincent 72
Sanavio 295 Vriends 29
Schaufel 79
W
Schaufeli 79
Schimd Mast 126 Walsh 32
Schmolck 126 Warlow 22
Schneider 279 Watson 25
Schreiner 126 Wearing 134
Schwartz 77 Weiner 294
Segal 15 Welkowitz 291
Serber 153 Whishaw 26
Sevlie 75 Wiechelt 97
Shafran 294 Wiesel 284
Sherwood 52 Wiggings 144
Shiffrin 279 Wilson 75
Shirom 78
Wolpe 28
Skinner 25, 27
Smoller 171 X
Strayer 130, 133, 151
Xu 73
Sugiura 16
Sussman 72 Y
T Yang 126
Taris 79 Yao 294
Terburg 128 Young 75, 97
Thibaut 74
Z
Thompson 75
Thompson-Schill 32 Zermatten 304
Tranel 126 Zickar 79
Trower 126, 128, 292 Ziegler 22
Table des matières

Sommaire 5
Table des abréviations 7
Remerciements 9
Introduction. Bases et méthodologie 11
1. Médecine Environnementale, Psychologie et interdisciplinarité 12
2. Thérapies Cognitives et Comportementales,
Neurosciences et TNC 15
3. Du Contenu psychologique au Contenant neuro-fonctionnel 16
4. La clinique, science molle ou dure ? 19
4.1. Sciences dures et sciences molles : où est leur césure ? 19
4.2. Sciences dures et méthodologie clinique 21
4.3. L’outil statistique 23

Chapitre 1 L’Hypofonctionnement ou Comportement


Automatique d’Évitement Social 25
1. Quelques éléments théoriques 25
1.1. Le comportement automatique d’évitement
(Skinner) et la phobie simple 25
1.2. La phobie sociale, un concept flou… 29

399
La thérapie neurocognitive et comportementale

… Ou le démembrement du syndrome 29
Le comportement d’Hypofonctionnement 30
1.3. Cybernétique et régulation : l’Hypo et l’Hyper 32
1.4. L’addiction relative au comportement Hyper 35
1.5. Principe thérapeutique du traitement de l’Hypo et de l’Hyper 37
2. Diagnostic clinique de l’Hypo 37
2.1. La Résonance d’Hypo 39
La gêne ou la honte 40
L’agacement et le mépris 41
L’admiration larmoyante 42
2.2. Confirmation du diagnostic par affrontement d’Hypo 44
Intérêt de l’affrontement d’Hypo 45
Les vécus d’affrontement d’Hypo 47
Phase pédagogique de l’affrontement d’Hypo 50
2.3. Critères diagnostiques de l’Hypo issus des micro-
comportements 51
Utilité et fragilité des signes issus des micro-comportements 52
Concordance entre les critères de Résonance, d’affrontement
et micro-comportements 53
2.4. Diagnostic différentiel de l’Hypo 54
3. L’Hyper 55
3.1. Liens entre Hypo, Hyper et RH 55
3.2. Les critères diagnostiques usuels de l’Hyper 57
Alternance de quatre phases 58
L’ambivalence 58
L’insatisfaction 59
L’anxiété par anticipation 60
Le caractère exigeant 60
L’efficacité de l’Hyper 61
3.3. Les critères diagnostiques de l’Hyper issus des micro-
comportements 61
4. Diagnostic clinique de la RH 62
4.1. Les vécus de RH 64
L’amertume 64
La jalousie 64
L’ambivalence 65
Conditions d’aggravation de la RH 65
Douleur morale liée à l’évitement 66
4.2. Critères diagnostiques de la RH issus des micro-
comportements 67

400
Table des matières

4.3. Les différentes catégories de RH 68


La RH par échec d’Hyper et/ou par peur anticipée de l’échec 68
La RH par auto-culpabilisation 68
La RH « Raisonnable » 69
5. Comparaison de certains troubles typiques à l’Hyper 71
5.1. Amour et Hyper 72
L’amour passionnel 72
L’addiction sexuelle 74
5.2. Travaillomanie et burn-out 78
6. Modélisation partielle des Hypos et Hypers 82
6.1. Simplifier et synthétiser les observations cliniques 82
La recherche des paramètres actifs 82
La recherche des sous-paramètres actifs 84
La recherche des méta-paramètres 91
6.2. Comment trouver les Hypos des Hypers ? 92
Première étape : la recherche de l’Hyper de la RH 93
Deuxième étape : théorie et pédagogie de la recherche
du ou des Hypo(s) de l’Hyper 98
Troisième étape : procédures opérationnelles de recherche
de l’Hypo (ou des Hypos) de l’Hyper 102
6.3. Exemple de cas clinique : Recherche de l’Hypo
de l’Hyper par méthode de sevrage 107
7. La Thérapie neurocomportementale des Hypos 109
7.1. L’affrontement d’Hypo Basique 112
La Pédagogie 112
La recherche d’Hypo 113
L’affrontement ou le traitement de l’Hypo 114
7.2. L’arrêt d’un exercice d’affrontement d’Hypo 116
7.3. Affrontement d’Hypo-Méta 118
La pédagogie 118
Recherche et affrontement d’Hypo-Méta 119
Vérification de l’effet de l’affrontement ou qualité de la résistance
à la RH 122

Chapitre 2 Le Positionnement Grégaire 125


1. Quelques éléments théoriques 126
1.1. L’activité amygdalienne et la régulation « paléo-sociale » 126
1.2. Le Positionnement Grégaire : une grande inertie
pour assurer une stabilité sociale 129

401
La thérapie neurocognitive et comportementale

1.3. Une mobilité autour d’un point de consigne : l’effet rebond 132
1.4. La régulation du Positionnement Grégaire
est construite sur le vécu de peur et de culpabilité 135
1.5. Le Positionnement Grégaire et la pathologie 138
Le Positionnement Grégaire n’est pas une pathologie
mais une régulation sociale 138
Pathologies issues du Positionnement Grégaire
de type Dominance-Soumission 139
Pathologies issues du Positionnement Grégaire
de type Marginalité-Intégration 142
2. Diagnostic clinique du PG 146
2.1. Diagnostic du Méta-Contenant Positionnement
Grégaire (PG) 146
Notion de confiance et PG 147
Notion de pouvoir et PG 147
Stéréotypie du PG 148
Phénomène d’autorégulation du PG 149
2.2. Diagnostic des axes de PG 152
L’axe vertical dominance/soumission 152
L’axe horizontal Marginalité/Intégration 155
2.3. Description clinique des quatre personnalités difficiles
ou paléo-personnalités selon la TNC 156
La dominance 156
La soumission 160
La marginalité 166
L’intégration 169
3. Modélisation partielle du PG en psychothérapie 173
3.1. Diagnostics différentiels du PG et principales interactions 173
Soumission et RH 173
Dominance et Marginalité 176
Soumission et personnalité dite « Stratège » 177
Soumission et Hypo-Méta 179
Dominance, Marginalité et personnalité dite « Compétitrice » 180
Intégration et personnalité dite « Philosophe » 181
3.2. Sonnettes et attaques de panique 182
Sonnette entre Extraversion et RH 182
Sonnette entre PG et Méta-Contenant Néolimbique 183
4. Thérapie neurocomportementale du PG 184
4.1. Principes généraux du traitement 184
Premier personnage : « je caricature mon PG » 186

402
Table des matières

Deuxième personnage : « je joue mon antidote » 187


Troisième personnage : « mes commentaires intérieurs » 187
Quatrième personnage : « je joue mon antidote » 188
Cinquième personnage : « mon bilan et mes engagements » 189
4.2. Exemples de trames de texte pour les scénarios
à cinq Personnages des quatre PG 191
Scénario 1 de traitement de PGS : basique 191
Scénario 2 de traitement du PGS, ciblant la tendance
aux Attaques de Panique 195
Scénario basique du traitement du PGD 196
Scénario basique du traitement du PGM 198
Scénario basique du traitement du PGI 200

Chapitre 3 Stratégie thérapeutique globale 203


1. Modélisation globale et stratégique 203
1.1. Les basiques 203
Objectifs 203
Mise en œuvre 203
1.2. Les grands enjeux classiques de la modélisation TNC 204
Le PG 204
Les Hypers 204
Les Personnalités Secondaires (P. IIres) 205
Les Personnalités Primaires (P. Ires) 205
2. Démotivation et refoulement des Personnalités Primaires 206
2.1. Arbre Diagnostic d’une démotivation 207
Lorsqu’il existe des plaisirs spontanés (motivations intrinsèques)… 207
Lorsqu’il n’existe pas ou peu de motivations intrinsèques 207
2.2. Diagnostic d’un déficit de motivation intrinsèque 208
2.3. Bilan de l’Économie Psychologique (ratio plaisirs/déplaisirs) 210
2.4. Diagnostic de la Dépression Molle 211
3. La « Gouvernance Mentale » 212
3.1. Définition 212
3.2. Éléments nécessaires à la distinction de Contenants 214
3.3. La Gouvernance « Préfrontale » 217
3.4. La Gouvernance « Néolimbique » 218
3.5. La Gouvernance « Paléo-Limbique » (PG) 219
3.6. La Gouvernance « Instinctive » 221
Comportements spécifiques dudit « Méta-Contenant Instinctif » 221

403
La thérapie neurocognitive et comportementale

Symptomatologie évoquant une GM Instinctive 222


Impact de la GM Instinctive 222
Diagnostic d’une GM Instinctive 223
4. Pédagogie TNC 224
4.1. Pourquoi présente-t-on la TNC et les mécanismes
psychophysiologiques qui sous-tendent son action ? 224
4.2. Quand présenter la TNC ? 226
4.3. Les enjeux et la mise en œuvre de la pédagogie 226
5. La stratégie thérapeutique 228
5.1. Cas d’un stress aigu survenant lors de la mise en œuvre
d’une action thérapeutique 229
5.2. Diagnostic des Contenants et Contenus impliqués
dans la genèse du stress induit par une action
thérapeutique 229
5.3. Quelles sont les causes les plus fréquentes de stress aigu
en relation avec une action thérapeutique ? 231
5.4. Symptomatologie et gestion des Sonnettes 231
6. Cas cliniques 232
6.1. Clara : thérapie d’une Répression d’Hyper 232
Généralités 232
Comportement apparent 233
Diagnostic et vécu de la patiente 233
Stratégie thérapeutique 235
À retenir 236
6.2. Isabelle : thérapie d’une dépression de type mélancolique 236
Généralités 236
Comportement apparent 237
Diagnostic et stratégie thérapeutique 238
À retenir 240
6.3. Tanguy : cas de bipolarité traité en TNC 240
Généralités 240
Comportement apparent 241
Diagnostic 241
Stratégie thérapeutique 242
À retenir 243
6.4. Simon et Nathalie, ou la difficulté de faire accepter
à un patient sa dominance 244
Simon 244
Nathalie 245
À retenir 246

404
Table des matières

6.5. Arthur : soumission et pathologie de type Alzheimer 247


Généralités 247
Diagnostic 247
Stratégie thérapeutique 248
À retenir 248
6.6. Édouard : importance de la pédagogie thérapeutique
dans un cas de schizophrénie 249
Généralités 249
Diagnostic 249
Stratégie thérapeutique 250
À retenir 251
6.7. Noémie : effet du traitement du PG et des Hypos
sur un cas de schizophrénie 251
Généralités 251
Diagnostic 252
Stratégie thérapeutique 252
À retenir 254
6.8. Olivia et Albert : effet du traitement du PG sur les TOC 255
Olivia 255
Albert 258
À retenir 260
6.9. Yves : cas typique de traitement d’Hypo 261
Généralités 261
Diagnostic 261
6.10. Sophie : cas typique d’un traitement de PG soumis 262
Généralités 262
Diagnostic et stratégie thérapeutique 262
7. Nosologie TNC 263
7.1. Psychologie et neuropsychologie 263
Réflexions méthodologiques 263
Apport de la TNC à des troubles divers
et considérés comme neurologiques 264
Conclusion 273
Annexes 275
Annexe 1 – Modèle de gestion des modes mentaux (GMM) 277
Annexe 2 – Modèle des Personnalités en TNC 283
Annexe 3 – Elsa : cas de TOC traité par thérapie
du Positionnement Grégaire 291

405
La thérapie neurocognitive et comportementale

1. Cadre théorique 291


1.1. Genèse des Troubles Obsessionnels Compulsifs : théories 291
1.2. Liens entre assertivité et TOC 291
2. Étude de cas : Elsa 294
2.1. Description du cas clinique 294
2.2. Protocole expérimental 295
2.3. Résultats 298
3. Discussion 303
3.1. Tendances observées 303
3.2. Liens entre le concept de PG et les TOC 303
4. Conclusion 304
5. Bibliographie 305
Annexe 4 – Hypofonctionnement ou « Hypo » ou CAES 307
1. Définition 307
2. Critères de contenant d’Hypo 308
3. Diagnostic d’Hypo 308
4. Diagnostics différentiels de l’Hypo 308
4.1. Hypo, Hyper et RH 308
4.2. Hypo et phobie 309
4.3. Évitement 309
5. Contenu de l’Hypo : recherche des paramètres actifs 310
5.1. Recherche des paramètres actifs comportementaux
et cognitifs 310
5.2. Identification de sous-paramètres à partir de plusieurs
Résonances (phase analytique de la modélisation) 310
6. Test diagnostic de l’Hypo 312
7. Conclusion 312
Annexe 5 – Paramètres modulateurs de l’affrontement de l’Hypo 313
1. Définition 313
2. Identification des paramètres modulateurs 313
2.1. Paramètres modulateurs activateurs 313
2.2. Paramètres modulateurs freinateurs 314
Annexe 6 – Hyperfonctionnement ou « Hyper » 317
1. Définition 317
2. Critères de contenant d’Hyper 318
3. Diagnostic d’Hyper 318

406
Table des matières

4. Diagnostics différentiels de l’Hyper 318


5. Contenu de l’Hyper : recherche des paramètres actifs 319
5.1. Recherche des paramètres actifs comportementaux
et cognitifs 319
5.2. Identification de sous-paramètres à partir de plusieurs
contenants d’Hyper (phase analytique de la modélisation) 319
6. Test diagnostic de l’Hyper 320
7. Conclusion 320
Annexe 7 – Répression d’Hyperfonctionnement ou RH 321
1. Définition 321
2. Critères de contenant de la RH 322
3. Diagnostic de RH 322
4. Diagnostics différentiels de RH 322
5. Contenu de la RH : recherche des paramètres actifs 323
5.1. Recherche des paramètres actifs comportementaux
et cognitifs 323
5.2. Identification de sous-paramètres à partir de plusieurs
contenants de RH (phase analytique de la modélisation) 323
6. Conclusion 324
Annexe 8 – Relations à considérer entre les Hypers et Hypos 325
1. Généralités 325
2. Trouver l’Hypo de l’Hyper 326
Annexe 9 – Positionnement Grégaire (PG) 331
1. Définition 331
2. Critères de contenant de PG 331
3. Diagnostic de PG 333
4. Traitement 339
Annexe 10 – Économie psychologique 341
Annexe 11 – Arbre diagnostique synthétique des contenants TNC 343

Glossaire 347
Bibliographie 371
Index des notions 389
Index des auteurs 395
Table des matières 399

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