management durable

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Management durable et

comptabilité environnementale

Par Omar Aktouf


et Mohamed Ouali Yacine

Cahier de recherche no 04-08


Septembre 2004

ISSN : 0846-0647

Copyright © 2004. HEC Montréal


Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit
est interdite. Les textes publiés dans la série des Cahiers de recherche HEC n’engagent que la responsabilité
de leurs auteurs. La publication de ce Cahier de recherche a été rendue possible grâce à des subventions
d’aide à la publication et à la diffusion de la recherche provenant des fonds de l’École des HEC.
Direction de la recherche, HEC Montréal, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec)
H3T 2A7
Management durable et comptabilité environnementale

« Le développement durable est une stratégie de développement économique destinée à


concilier progrès économique et social sans mettre en péril l'équilibre naturel de la
planète pour un développement répondant aux besoins actuels sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre aux leurs. »
(Rapport Brundtland, 1987)

« Certes, le développement soutenable est l’intérêt de tous, mais il ne l’est que


statistiquement. Certains peuvent espérer vivre de mieux en mieux sur une planète qui,
globalement, devient de plus en plus invivable. Il suffit de se maintenir sur la niche de
plus en plus étroite des plus riches. »
(Alain Lipietz, économiste et député européen)

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Résumé

Dés 1993, l’ONU a élaboré un Système de Comptabilité Économique et


Environnementale Intégrée, qui prend en compte les coûts environnementaux et analyse
les effets des activités de l’homme sur l'environnement. Cette comptabilité a pour objectif
de mieux gérer les ressources de la planète de manière à assurer un développement dans
le temps.
En se référant à ce système de nombreux pays ont mis en place des projets visant à créer
des systèmes nationaux de comptabilité environnementale dans le but d’intégrer les
grands principes du développement durable. Cependant, la mondialisation et les règles de
l'OMC, semblent diminuer le pouvoir de certains États. Ainsi, les intérêts à le mettre en
place un tel système varient considérablement que l’on soit en Europe, en Amérique du
Nord ou dans le Sud-Est asiatique.
À cela il faut ajouter la dette des pays du Tiers monde, obligés de mettre en place des
plans d’ajustements structurels afin de répondre aux attentes des bailleurs de fonds.
Attentes qui ne rejoignent pas toujours les engagements pris en faveur d’un
développement durable.
Face à une situation où prédominent les intérêts individuels, une approche plus éthique
apparaît comme un moyen pertinent d’arriver à un jeu gagnant pour tous les protagonistes
du marché mondial.

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Introduction

« Même si je ne suis pas originaire du Nord, je n'en demeure pas moins profondément
touchée par certaines images de l'extrême arctique. Bien sûr, des photos de paysages nous
ont familiarisés avec vos splendides fresques de blancs et de bleus glacés, comme avec
les délicates et minuscules plantes découvertes dans une toundra. Mais, même lorsque je
repense au puissant silence de l'aube nordique, une autre image s'impose à moi : celle
d'un amoncellement de déchets. La vision de barils de pétrole vides abandonnés aussi loin
au Nord, dans des paysages apparemment indemnes de l'influence humaine, a quelque
chose de blessant. C'est sûrement un témoignage d'irrespect et de courte vue. »
(Dowdeswell, 1998).
Elizabeth Dowdeswell (ex. directrice générale du Programme des Nations Unies pour
l'environnement) a été profondément attristée et choquée de la façon dont nos richesses
naturelles sont protégées. Suite à la parution du premier rapport synthétique sur
l'environnement global, le Global Environmental Outlook (GEO), elle a déclaré : « Le
message du rapport GEO était clair; l'humanité est en train de polluer et de gaspiller des
ressources renouvelables cruciales – l'eau fraîche, l'air des villes, les forêts et les terres –
et ce à un rythme supérieur à la capacité de régénération de ces ressources. Ce qui est
particulièrement difficile à comprendre, c'est la raison pour laquelle les choses semblent
empirer au lieu de s'améliorer. Aucun des problèmes environnementaux qui aient émergé
ne demeure insoluble pour l'espèce humaine. Nous possédons des connaissances et des
capacités technologiques immenses. Et nous disposons, pour la plupart de ces problèmes,
de preuves très convaincantes de la nécessité d'agir. Mais, pour une raison ou une autre, il
nous manque encore la volonté politique de le faire. Il y a seulement six ans, à Rio de
Janeiro, les personnages les plus puissants de la planète ont prononcé des centaines de
discours qui rappelaient les liens entre un environnement sain et l'espoir de doter d'une
meilleure qualité de vie une plus grande proportion des habitants de la Terre; ces leaders
ont vanté les mérites d'un développement durable.»
En effet, dès 1992, les grands de ce monde, principalement les représentants des pays les
plus industrialisés, ont affirmé qu’ils allaient respecter leurs engagements en mettant en
place des politiques concrètes afin de préserver les ressources naturelles.
Le développement durable est alors apparu étroitement lié à l’idée de revenu : on
s’interroge sur la question de savoir comment consommer sans s’appauvrir à l’avenir et
jusqu'à quelle limite on peut consommer sans porter préjudice à l’environnement.
La mise en place de comptes environnementaux et économiques est soudainement
devenue la panacée qui permettrait : D’une part, de fournir des informations synthétiques
aux décideurs sur les actifs naturels de l’environnement. Et d’autre part, de calculer les
coûts environnementaux et leurs conséquences sur la production, le revenu et
l’épargne(Weber, 1998). En d’autres termes, le processus d’intégration des principes du
développement durable au processus de mondialisation pouvait commencer.

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A- Le concept de développement durable1

Ce concept est né en dehors de l’entreprise. Au cours des années 1940-1950, des


écologistes se sont alarmés au sujet de l’altération des écosystèmes du fait de l’activité
industrielle et en 1962, le livre de Rachel Carson Silent Spring2 ou Printemps silencieux a
représenté un tournant décisif dans la compréhension de l'interconnexion entre
environnement, économie et qualité de vie.

Sur le plan international, c’est la conférence de Stockholm3 sur l’environnement humain,


organisée par les Nations Unies en 1972, qui a décidé de la création d’un Programme des
Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et ainsi marqué un point important dans
l’histoire de la sauvegarde de la planète4.

Villeneuve (1998) précise que la déclaration de Stockholm proposait un message


d’espoir : « Il devait y avoir un moyen de trouver des stratégies qui permettaient à la fois
de préserver les ressources de notre environnement tout en assurant un développement
socioéconomique équitable. Baptisé écodéveloppement, puis traduit par les Anglo-Saxons
par le terme sustainable development, ce concept est actuellement connu en français sous
la désignation développement durable.

On parle aussi de développement soutenable et de développement viable ». Cependant, la


temporalité n’étant pas reflétée par les mots « soutenable » et « viable », Bello (2001)
considère qu’actuellement l’on utilise majoritairement le mot « durable », car il reflète la
notion de temporalité et pose comme principe la vision à long terme des engagements
pris.

Depuis 1972, le concept a évolué en parallèle avec des préoccupations touchant au


devenir de l’être humain. En 1983 une Commission Mondiale sur l’Environnement et le
Développement (CMED) a été formée par une proposition de l’Assemblée générale des
Nations Unies. En avril 1987, elle a publié le rapport Brundtland5 qui identifiait les
principaux problèmes environnementaux qui menacent directement la survie de la planète
et de ses habitants : la démographie galopante, le déboisement et la déforestation

1
Voir en annexe la chronologie de l’évolution du concept de développement durable de 1972 à 2002.
2
Se basant sur des recherches en écologie, toxicologie et épidémiologie, Rachel Carson dénonce l'usage des pesticides
et les conséquences de cette utilisation sur les espèces animales et la santé humaine. Voir à ce sujet le site Internet
qui lui est consacré
3
Binet et Livio (1993) nous apprennent qu’à cette occasion les pays de l’OCDE posent pour la première fois le principe
de pollueur payeur selon lequel : « Le pollueur doit supporter les frais de mise en oeuvre des mesures nécessaires
pour laisser l’environnement dans un état acceptable. »
4
Villeneuve nous apprend qu’à cette époque le terme environnement n’avait aucune connotation écologique dans
l’édition de 1972 de l’encyclopédie Universalis. Ce terme était réservé à l’architecture et ce n’est qu’en 1973, dans la
foulée de la conférence de Stockholm, que l’encyclopédie proposera une définition écologique du terme.
5
Mme Gro Harlem Brundtland était la présidente de la commission et les résultats des travaux furent publiés sous
forme d’un rapport intitulé Our common future en mars 1987. Ce rapport fut traduit en français et intitulé Notre
avenir à tous.

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favorisant la perturbation du climat, l’utilisation accrue des matières premières non


renouvelables polluantes, etc.

Ce rapport définit le développement durable comme : « Un développement qui répond


aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre
aux leurs »6. Depuis, le concept a évolué dans un sens moins restrictif. Le mot
compromettre n’est plus utilisé et une autre définition est proposée : « tout en augmentant
les capacités des générations futures »7.

Le concept de développement durable, largement diffusé à la suite du rapport, a suscité


un grand nombre d’interprétations et de définitions. Cependant, il est important de noter
qu’il repose sur deux idées clés; à savoir :

- Répondre de façon équitable aux besoins des populations dans une perspective de
long terme, et plus spécifiquement les besoins essentiels des sociétés les plus
démunies qui nécessitent une aide d’urgence pour répondre à des besoins de base;

- Prendre conscience des limites de la croissance et du développement compte tenu


de la technologie utilisée à ce jour et de l’organisation sociale qui favorisent la
destruction de l’environnement et ne respectent pas son temps de régénération.

Cette définition traduit la conviction de la Commission, qui considère que des mesures
immédiates doivent être prises pour commencer à gérer les ressources de l’environnement
de manière à assurer un développement qui s’inscrit dans le temps.

On peut en déduire que le respect du long terme devient un objectif en soi, la coopération
entre les peuples, un moyen d’atteindre cet objectif et le respect de l’environnement la
voie du salut de l’espèce humaine (voir tableau 1).

6
Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, Éditions du Fleuve, 1988.
7
Ferone, G. ( 2001)

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Tableau 1. Principes du développement durable selon le rapport Brundtland

Le principal objectif du développement durable est de satisfaire les besoins et les


aspirations de l’être humain.
Le développement durable nécessite une croissance économique là où les besoins
essentiels ne sont pas satisfaits.
Le développement durable n’est possible que si l’évolution démographique s’accorde
avec le potentiel productif des écosystèmes.
Le développement durable exige la conservation des ressources génétiques et le maintien
de la diversité biologique.
Le développement durable exige que les effets nuisibles sur l’air, sur l’eau et sur les
autres éléments communs à l’humanité soient réduits au minimum, de façon à préserver
l’intégrité du système.

Il découle de cette vision du développement durable les objectifs suivants :


1. Reprise de la croissance mais une modification de la qualité de la croissance;
2. Satisfaction des besoins essentiels de l’ensemble de l’humanité en ce qui concerne
l’emploi, l’alimentation, l’eau et la salubrité;
3. Maîtrise de la démographie;
4. Préservation et mise en valeur de la base des ressources;
5. Réorganisation des techniques et gestion des risques;
6. Intégration des considérations relatives à l’économie et à l’environnement dans la
prise de décisions.
Source : Qui a peur de l’an 2000, Villeneuve, C., Éditions MultiMondes, p.57, 1998.

Avec ce rapport, il semble que la CMED ait tenté de formuler un document le moins
exhaustif possible pour qu’il puisse servir de réservoir d’analyses et d’arguments visant à
forger des alliances en vue d’une mobilisation8 internationale. Ce cadre de référence s’est
malheureusement heurté à au moins deux obstacles de taille.

En premier lieu, il semble y avoir eu sous estimation de nombreuses questions pour


lesquelles les problèmes environnementaux sont secondaires : chômage, éducation,
pauvreté, santé, etc. Zaccai (2002) précise que : « Toutes ces questions fondamentales du
développement sont loin d’être centrées sur la dégradation du capital écologique (même
s’il y a des relations) »

Le second obstacle concerne les modes de mise en pratique. La Commission table à la


fois sur des processus institutionnels et sur la participation de divers acteurs. Cependant,
depuis plusieurs décennies, de nombreux programmes de développement connaissent des
échecs cuisants.

8
Zaccai, E., Le développement durable : dynamique d’un projet.

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Pour essayer de surmonter ces obstacles et bien d’autres, une Conférence des Nations
Unies pour l’Environnement et le Développement (CNUED) a eu lieu à Rio de Janeiro en
1992. Elle avait pour objectif de proposer un projet de développement cohérent avec les
réalités socio-économiques et plus équitable.

Trois documents officiels ont été adoptés : la Déclaration de Rio sur l’Environnement et
le Développement, l’Agenda 21 et la Déclaration sur les forêts9 (voir tableau 2).

Pour résumer, ces documents permettent :

- De mettre à jour les connaissances concernant les impacts du développement sur


l’environnement;

- De concilier le concept avec la croissance économique et mettre en place des


instruments d’évaluation;

- D’élaborer un document guide pour la gestion de l’environnement dans la plupart


des régions du monde (Agenda 21);

- De favoriser le rapprochement entre les États, les entreprises et les ONG


environnementales pour relier les questions environnementales et
socioéconomiques;

- De favoriser la coopération entre pays riches et pays pauvres.

Tableau 2. Principaux points de la déclaration de Rio

Trois grands textes et deux Conventions ont été adoptés à Rio en 1992
1/ Action 21, plan détaillé d'action mondiale dans tous les domaines du développement
durable

2/ La déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, avec une série de


principes définissant les droits et les responsabilités des États en la matière

3/ Un ensemble de principes relatifs à la gestion durable des forêts à l'échelle mondiale

4/ La Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

5/ La Convention sur la diversité biologique

Source : Site Internet de l’entreprise Hertig-Lador : http://www.hetl.ch/développement durable.html

9
Voir pour plus de détails l’ouvrage de Zaccai, p. 141-167.

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Finalement, en septembre 2002 eu lieu à Johannesburg un dernier sommet où la plupart


des dirigeants actuels ont eu l'occasion de s'engager à prendre des mesures concrètes pour
appliquer les accords conclus lors du sommet de Rio et parvenir au développement
durable10.

Ce dernier devient donc l’affaire des pouvoirs publics (locaux, nationaux et


internationaux) soumis aux pressions de la société civile.

Mais un des acteurs les plus important reste l’entreprise qui par nature et par tradition, a
l’habitude de mettre ses propres intérêts au-dessus de tous les autres, même ceux des
populations, des gouvernements ou de l’environnement11. D’ailleurs le Groupe de
Lisbonne12 qui a pourtant tenté de formuler des voies pour un projet mondial de
développement dans lequel le rôle de l’entreprise serait limité, a exprimé trois raisons
fondamentales qui la font apparaître comme l’acteur clé :

« Elle est la seule organisation à avoir su se transformer en un joueur mondial. Elle


possède un réel pouvoir de décision. Notre société a accordé la priorité à la technologie et
au perfectionnement des outils. Or l’entreprise produit ces outils. L’entreprise est vue
comme le grand artisan de la richesse et de l’emploi, et donc du bien-être individuel et
collectif. »13

Mais, bien qu’elle soit l’acteur majeur du marché mondial, il existe d’autres acteurs qui
ont grandement contribué à intégrer certains principes du développement durable dans le
quotidien de l’industrie des biens et services. Les normes environnementales basées sur
certains de ces principes et qui visent la majorité des objectifs énumérés par la CMED
apparaissent comme une appropriation du monde économique, à travers une OIG14
(l’ISO15 dans notre cas), des valeurs du concept et leur traduction en recommandations
concrètes et pratiques pour mettre en place une gestion environnementale au sein des
entreprises.

10
Voir en Annexe, la chronologie détaillée de l’évolution du concept de 1972 à 2002
11
Voir pour plus de détails, l’ouvrage de Hawken, P., 1995
12
Le groupe de Lisbonne se compose de 19 personnes de formation différente et issues du milieu des affaires, des
organismes gouvernementaux et internationaux ainsi que de la communauté universitaire et des fondations. Il a été
formé en 1992, à l’initiative de Riccardo Petrella, directeur du programme FAST (Forecasting and Assessment in
Science and Technology) à la Commission de l’union européenne de Bruxelles.
13
Tiré de l’ouvrage de Zaccai (2002), p. 291
14
Organisation Internationale Gouvernementale.
15
Organisation Internationale de Normalisation.

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1- Conséquences sur la responsabilité et le comportement des entreprises

L’évolution des mentalités des différents acteurs qui influencent le marché (stakeholders,
dirigeants d’entreprises, consommateurs, États, etc.) n’a fait que se renforcer depuis le
rapport Brundtland. Ainsi l’augmentation des parts de marché obtenue par les produits et
services compatibles avec l’environnement reflète une nouvelle tendance lourde qui
oriente l’économie vers l’intégration croissante des principes du développement durable
dans les stratégies de développement des entreprises.

« […], En aucune manière, les entreprises qui s’engagent dans une action de
développement durable ne revendiquent l’application de valeurs militantes. En revanche,
elles se fixent des règles déontologiques, arrêtent des principes de fonctionnement qui
tiennent compte des intérêts de tous leurs partenaires, communiquent avec transparence
mais n’oublient pas pour autant leur rôle économique. » (Bello, 2001)

Il en est ainsi du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD16), qui
regroupe d’importantes entreprises transnationales17 qui collaborent avec certaines OIG
(comme les Nations unies) dans le but de généraliser l’intégration de certains principes du
concept dans le quotidien des entreprises.

À l’occasion de la conférence de Rio en 1992, cet organisme a publié un argumentaire en


faveur du développement durable ainsi que des exemples de réalisations déjà effectuées
par ses membres – des success stories – afin de soutenir sa crédibilité. « Ceci tranche
avec des visions antérieures où l’industrie apparaissait dans les questions écologiques
surtout à travers son rôle dans les pollutions. » (Zaccai. 2002)

L’entreprise ne se contente plus de traiter des problèmes liés au respect et à la protection


de l’environnement à travers différents dispositifs techniques intervenant généralement en
fin de processus, nommés end of pipe18, mais s’engage à traiter du problème à la source et
de l’intégrer dans sa stratégie.

« La conception du WBCSD est que la recherche de durabilité est la tendance, destinée à


se généraliser. Dés lors il est préférable, et plus profitable, de l’anticiper. Les premiers
pourront ainsi se créer des avantages particuliers. » (Zaccai, 2002).

De nombreuses entreprises ont développé de nouvelles technologies et de nouveaux


processus industriels afin de diminuer la pollution et autres impacts négatifs. Des services
de protection de l’environnement ont même été mis en place. Elles ont publié des
directives et des codes de conduite concernant la sécurité des produits et du

16
Site Internet : http://www.wbcsd.org/projects/pr_csr.htm
17
Zaccai (2002) nous apprend que l’histoire du WBCSD remonte à la préparation de la conférence de Rio et plusieurs
de ses membres contribueront financièrement à la conférence. De plus, début 2000, les cent vingt multinationales de
l’organisme géraient un chiffre d’affaire cumulé de 2 500 milliards USD.
18
Erkman, S. critique en détail de l’approche « end of pipe » dans son ouvrage.

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fonctionnement des usines, les pratiques commerciales, le transfert technologique et la


coopération internationale19.

Les résultats ont été divers et le succès semble être cantonné aux pays industrialisés qui
continuent tout de même à subir les formes traditionnelles de la pollution de l’air, du sol
et de l’eau. Provost et Gendron (1996), qui se sont inspirés des travaux de Sethi20,
précisent qu’il existe quatre types de comportements qui permettent de délimiter les
grandes lignes adoptées par l’entreprise à l’égard du concept; à savoir : le comportement
proscriptif (aucune mesure environnementale), réactif (respect de la réglementation
établie), prescriptif (mise en place d’une politique environnementale avec une vision
légale) et proactif (anticipation et prévention des préoccupations liées au développement
durable).

L’entreprise est de plus en plus concernée par le concept de développement durable.


Cependant, à partir de quels critères peut-on analyser sa responsabilité environnementale
ainsi que son engagement dans un processus d’intégration des principes de ce concept ?

Il apparaît que l’entreprise évolue lentement vers une logique de responsabilité. Elle doit
de plus en plus tenir compte des contraintes économiques, sociales et politiques de
chaque marché ou elle opère car elle vise avant tout des clients plus avertis.

C’est donc à partir de leurs activités propres que l’on peut formuler certains critères, à
savoir : la mise en place d’une politique environnementale et son adéquation avec la
vision et la mission de l’entreprise, les sommes d’argent allouées à la gestion
environnementale, les ressources humaines impliquées dans le processus, les outils mis
en oeuvres, etc. (Provost, 1996)21

De plus, certaines conditions sont associées à la réalisation de ces critères; à savoir : la


taille de l’entreprise et ses ressources, le secteur d’activité et sa vulnérabilité aux
accidents et aux crises22 et le pays d’origine23.

Finalement, chaque entreprise essaye de s’approprier le concept en fonction de son


existence, de ses valeurs et de son secteur d’activité. Mais une appropriation réussie du
concept se traduira automatiquement par des choix modifiant le business model de
l’entreprise au nom d’une vision à long terme et d’une mission de durabilité (Raes,
Lambert & Grisel, 2004).

19
Pour plus de détails, voir Notre avenir à tous, Éditions du Fleuve, 1988.
20
Pour plus de détails, voir Environnement, économie et entreprise, Télé-Université, 1995.
21
Michel Provost., Le développement durable : concept, réactions et positions de l’entreprise In Entreprise et
développement durable : opérationnaliser le développement durable au sein de l’entreprise, p. 13-34.
22
Pour plus de détails, voir les explications de Pauchant et Mitroff (1995).
23
Les travaux de Provost (1996) et d’Aktouf (1999) montrent que la responsabilisation n’est pas la même selon qu’il
s’agit d’une entreprise qui opère dans les pays du Nord ou du Sud.

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B- Business model qui valorise le développement durable


Un récent rapport de l’OCDE (2004) nous apprend que : « Dans la législation des
organismes supranationaux et dans les accords internationaux, la comptabilité
environnementale apparaît comme un instrument du développement durable, à la suite de
l’approbation de l’Agenda 21 lors de la Conférence de l’ONU de Rio de Janeiro. »
Cette même année, en 1992, la Communauté européenne a approuvé le 5e programme
d’action communautaire (pour l’environnement et le développement durable : vers un
développement soutenable), dont tout un chapitre est consacré aux problèmes des coûts
environnementaux du développement, reconnus comme externes au marché et donc
cachés.
Cette problématique semble être l’une des causes fondamentales de l’exploitation abusive
des ressources de la planète et donc l’un des principaux obstacles à la réalisation de la
durabilité.
Pour essayer d’y remédier : « Entre autres solutions, la communauté recommande
l’adoption, par les décideurs politiques, d’instruments de soutien aux décisions comme :
des informations sur l’état de l’environnement, et des données et des indicateurs sur les
capacités de tolérance, pour pouvoir mieux définir les critères du développement durable
et soutenable. Dans le Cinquième programme, l’Union européenne fixe en outre
l’obligation, à partir de 1995, pour les États membres de présenter à titre expérimental
des budgets nationaux élaborés selon les critères écologiques (par exemple, en tenant
compte du patrimoine naturel représenté par l’air, l’eau, le sol, le paysage, le patrimoine
culturel, etc.). Ces budgets seront ensuite officiellement introduits d’ici à la fin de la
décennie.» (OCDE, 2004).
Parmi les mesures nécessaires, le programme mentionne l’extension et l’adaptation, sur la
base de travaux scientifiques réalisés à l’échelon national et au niveau européen, des
outils traditionnels des statistiques économiques, notamment par la modification
d’indicateurs économiques clés tels que le PIB24, de manière à leur faire refléter :
- D’une part, la valeur des ressources naturelles et environnementales dans la
production du revenu actuel et futur,
- D’autre part, à comptabiliser les pertes et les dommages écologiques sur la base
de valeurs fixées en termes monétaires.
Ces nouvelles mesures remettent clairement en cause l’organisation de la comptabilité
économique publique traditionnelle et ouvrent la voie vers l’adoption d’un système de
comptabilité environnementale basé sur l’expérience du SEEA25 des Nations Unies, qui à
24
Produit Intérieur Brut.
25
System for Integrated and Economic Accounting ou Système de Comptabilité Intégrée Économique et
Environnementale : Élaboré en 1993, il prend en compte les coûts environnementaux à travers la valorisation
monétaire des ressources naturelles et de la pollution, et analyse les effets qu’ont sur l'environnement les activités de
production, de consommation et de formation du capital. Il a pour but ultime d’élaborer un indice de durabilité, le
« PIB vert », constitué par l'EDP, (Environmentally Adjusted Domestic Product) ou produit national corrigé par des
facteurs environnementaux

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travers des agrégats spécifiques, intègre certains éléments environnementaux dans la


comptabilité nationale, et notamment:

- L’utilisation quantitative et qualitative du capital naturel non reproductible; ce


capital est constitué par un élément économique bien défini car lié directement à
des transactions de marché (par exemple, minéraux, combustibles fossiles, bois de
forêts faisant l’objet d’une exploitation commerciale, etc.) et par un élément non
économique, indépendant de tout échange monétaire, comme c’est le cas des sols
non utilisés à des fins productives,

- Le transfert de ressources du capital naturel non économique au capital


économique, par exemple quand des terrains non exploités sont achetés à des fins
économiques.

1- Historique des comptes environnementaux


Weber (1998) nous apprend qu’ils ont fait leur apparition en Norvège, après la
découverte du pétrole en 1974. Le système norvégien de comptabilité des ressources a
conduit à établir des données de comptabilité des ressources portant sur l’utilisation du
sol.
Par la suite, aux Pays-bas, Peskin et Huéting ont développé l’idée que les comptes des
ressources naturelles doivent être pris en considération dans l’analyse économique. Un
système de comptabilité de l’environnement : le NAMEA (National Accounting Matrix
including Environmental Accounts) a ainsi été initié de 1989 à 1991.
Cependant, faute d'un consensus international sur une comptabilité environnementale, la
division de statistique de l'ONU a mis au point, en 1993, un Système de Comptabilité
Économique et Environnementale intégrée (SCEE ou SEEA, en anglais) ou
« comptabilité verte » après le sommet de Rio, qui intègre la comptabilité physique et
monétaire afin d'incorporer le patrimoine naturel avec les coûts et les avantages de son
utilisation, dans le SCN26.
Presque tous les pays européens et de nombreux pays en voie de développement (PVD)
ont lancé, dés 1994, des projets visant à créer des systèmes nationaux de comptabilité
environnementale dans le but d’intégrer les grands principes du développement durable.

26
Les Nations Unies et, à un autre niveau, les instituts de statistiques internationales ont tenté de remédier
à certaines limites de la comptabilité nationale, en développant des instruments, les comptes satellites, qui
sont des systèmes comptables permettant de représenter statistiquement certains cadres particuliers du
système économique qui ne sont pas décrits de manière exhaustive dans la comptabilité nationale, tels que
le tourisme, la protection sociale, la protection de l’environnement, etc.

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2- L’expérience européenne27
Il apparaît clairement que l’Union Européenne s’est donnée des moyens considérables
pour mettre en pratique ses engagements vis-à-vis d’un développement durable; à
l’échelle de l’Europe du moins.
Mais, comme toute action d’envergure, la disparité qui existe entre les différents pays de
l’Union et le niveau de développement économique de chaque pays ne facilitent pas les
choses; ainsi : « En Europe, les atteintes à l'environnement se sont amplifiées de manière
constante au cours de ces dernières décennies. Chaque année, près de 2 milliards de
tonnes de déchets sont produits dans les États membres et ce chiffre augmente de 10 %
par an. La qualité de vie de la population européenne, plus particulièrement dans les
zones urbaines, connaît une forte dégradation (pollution, nuisances sonores, vandalisme).
La Communauté a été fortement critiquée pour avoir privilégié l’économie et le
développement des échanges commerciaux au détriment de l'impact sur l'environnement.
Aujourd'hui, il est reconnu que le modèle européen de développement ne peut être fondé
sur l'épuisement des ressources naturelles et la dégradation de l'environnement. »
Pourtant les premières actions communautaires ont débuté en 1972, dans le cadre de
quatre programmes d'action successifs. Cependant, elles reposaient sur une approche
verticale et sectorielle des problèmes écologiques. Durant cette période, la Communauté a
adopté près de 200 actes législatifs qui consistaient essentiellement à limiter la pollution
par l'introduction de normes minimales, notamment en matière de gestion des déchets, de
pollution de l'eau et de l'air. Malheureusement, ce cadre réglementaire n'a pu prévenir la
dégradation de l'environnement.
Au cours des années 1990, grâce à la prise de conscience du public des risques liés aux
problèmes liés à la dégradation de l'environnement, la nécessité d'adopter une approche
concertée à l'échelle européenne et internationale est devenue incontournable. L'action
communautaire s'est développée au fil des années, jusqu'à ce que le traité sur l'Union
européenne lui confère le rang de politique. Le traité d'Amsterdam (1997) a poursuivi
cette évolution, par l'intégration du principe de développement durable parmi les missions
de la Communauté européenne et en faisant du niveau élevé de protection de
l'environnement l'une de ses priorités absolues.
Ainsi, le Cinquième programme d'action pour l'environnement, intitulé « Vers un
développement soutenable » a posé les principes d'une stratégie européenne volontariste
pour la période 1992-2000 marquant le début d'une action communautaire horizontale,
qui intègre tous les facteurs de pollution (industrie, énergie, tourisme, transports,
agriculture). Cette nouvelle approche transversale de la politique de l'environnement a été
confirmée par l'intégration de l'environnement dans les politiques de l'Union en 1998.
Depuis, l'intégration de la problématique environnementale dans les autres politiques a
fait l'objet d'actes communautaires divers, notamment dans les secteurs de l'emploi, de
l'énergie, de l'agriculture, de la coopération au développement, du marché unique, de
l'industrie, de la pêche, de la politique économique et des transports.

27
Source : http://www.planetecologie.org/JOBOURG/Francais/Europe.htm

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Instruments et application :

L'éventail des instruments environnementaux s'est élargi au fur et à mesure du


développement de la politique environnementale. Au-delà de l'adoption d'une législation
cadre, comprenant un haut niveau de protection de l'environnement tout en garantissant le
fonctionnement du marché intérieur, la Communauté a mis en place:

- Un instrument financier : le programme Life (LIFE cofinance des actions en


faveur de l'environnement dans la Communauté et dans certains pays tiers : pays
riverains de la mer Méditerranée et de la mer Baltique, pays d'Europe centrale et
orientale candidats à l'adhésion à l'Union européenne),

- Et divers instruments techniques: le label écologique (Promouvoir les produits qui


peuvent réduire les impacts négatifs sur l'environnement en comparaison avec
d'autres produits de la même catégorie) le système communautaire de
management environnemental et d'audit (Promouvoir une amélioration continue
des résultats environnementaux de toutes les organisations européennes, ainsi que
l'information au public et aux parties intéressées), etc.

Récemment, l'accent a été mis sur une plus grande diversification des instruments
environnementaux, en favorisant plus particulièrement le recours aux taxes
environnementales (principe du pollueur payeur28), à la comptabilité environnementale
ou aux accords volontaires. En effet, en l'absence d'une application effective de la
législation environnementale, aucun progrès ne peut être réalisé. Cette effectivité passe
par l'introduction de mesures incitatives à destination des opérateurs économiques
(entreprises et consommateurs).

2.1- Comptabilité environnementale en Europe


Les méthodes de comptabilité environnementale élaborées se sont vite répandues, surtout
au niveau statistique.

1/ La plus importante est le système SERIEE (Système Européen de Rassemblement de


l’Information Economique sur l’Environnement), conçu par Eurostat29 en 1994. Présenté
sous la forme matricielle, le système propose des méthodes de valorisation de la
détérioration de l’environnement liant ainsi la qualité de l’environnement aux agrégats de
la comptabilité nationale.

28
Le principe de pollueur payeur (PPP): Deux tendances coexistent, la première consiste à faire supporter,
par le pollueur les coûts de prévention, de maîtrise et de réduction de la pollution ou les coûts de lutte
contre la pollution. La seconde, impose la prise en charge, par le pollueur, de tous les coûts de pollution.
29
Office Statistique des Communautés Européennes.

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Le SERIEE, basé sur le SEEA élaboré par les Nations Unies, est un modèle conçu pour
être appliqué au niveau statistique national, même si, avec les années, il a été le socle sur
lequel se sont appuyées diverses tentatives de comptabilité environnementale dans des
cadres territoriaux plus restreints (communes, régions).
Des organisations privées se sont elles aussi inspirées de ce modèle, en particulier pour la
classification des dépenses environnementales et il a été testé grâce à des projets pilotes
menés dans 17 pays.
2/ Outre le SERIEE, Eurostat a conçu aussi un système d'indicateurs physiques: l’ESEPI
(European System of Environmental Pressure Indices), appelé aussi modèle DPSIR
(Driving forces, Pressures, State, Impacts, Responses). Ce modèle développe les
phénomènes présentant un intérêt environnemental en se référant à un système organique
et structuré d'indicateurs. Le système d'indicateur DPSIR met en place une démarche, qui
va de l'analyse des processus qui déterminent les impacts environnementaux (forces
motrices et pressions), à la situation actuelle en matière d'environnement (état et impact)
et aux actions que le système entreprend pour résoudre les problèmes mis en évidence
(réponses). Aucune forme d'application standard du modèle n'est prévue, dans la mesure
où il établit une démarche logique, en laissant à ceux qui l'appliquent la définition des
indicateurs les plus adaptés aux réalités spécifiques et le choix de la forme de
présentation des résultats (tableaux synthétiques, rapport discursif, document public,
utilisation interne, etc…).
3/ Une autre méthode de comptabilité environnementale a été élaborée en Europe: la
matrice NAMEA, proposée en 1994 par l’Institut hollandais de statistiques CBS. La
matrice NAMEA est un système comptable conçu pour représenter les interactions entre
économie et environnement en réunissant dans un même tableau des comptes
économiques et environnementaux de type physique. Les deux modules, économique et
environnemental, sont directement liés afin de permettre une lecture parallèle des
principaux agrégats (production, consommation, etc.) et secteurs institutionnels (familles,
entreprises, administration publique) de la comptabilité nationale et des pressions
environnementales qu’ils déterminent.
Le système NAMEA a été mis au point pour être appliqué au niveau national et au fil des
ans, il a été expérimenté dans plusieurs pays européens (Danemark, Suède, Pays-Bas,
Italie, etc.). Dans certains cas, des expérimentations ont été menées dans des collectivités
territoriales plus petites (par exemple, les communes).
Ce système se caractérise tout particulièrement par la possibilité de réaliser un budget
environnemental avec des données monétaires et physiques déjà existantes, sans que de
nouvelles informations soient nécessaires. En définitive, c’est une forme de réagrégation
des données provenant de différentes sources (statistiques officielles, agences pour
l’environnement, etc.) sous une forme matricielle permettant d’associer aux agrégats
économiques les données des pressions environnementales correspondantes.
Face à ces différents modèles, Eurostat propose un programme d’harmonisation des
différentes expériences pour obtenir une méthode unique que l’on pourrait généraliser à
tous les pays de l’Union dans un avenir proche.

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Par exemple, s’agissant du choix des indicateurs, Eurostat a réalisé pour la Commission
européenne un Guide intitulé « Vers des indicateurs de pression environnementale », qui
identifie soixante indicateurs que l’on peut ramener au module déterminé – pressions et
réponses –, divisé en dix domaines thématiques (pollution atmosphérique, changements
climatiques, etc.).

2.2- Conclusion
Le continent européen est caractérisé par une pluralité de cultures d'importance nationale,
transnationale et régionale, dont les soixante langues parlées ne sont qu'un témoignage.
Cependant, l’Union européenne s’est bien plus affairée à mettre en œuvre les bases
comptables et financières d’un développement durable que le reste du monde.
En effet, lors du sommet de Vienne (décembre 1998), le Conseil européen s’est félicité
des premiers rapports qui lui ont été adressés par les Conseils agriculture, transport et
énergie et a invité trois nouvelles formations du Conseil (marché intérieur, industrie et
développement) à définir également des stratégies afin d’intégrer les exigences
environnementales dans leurs projets d’avenir.
Eurostat a facilité la mise en place et la généralisation d’un système cohérent de comptes
environnementaux, à la fois sur le plan conceptuel et sur le plan des réalisations. Ainsi,
un nombre de plus en plus croissant de pays de l’Union, ainsi que de pays qui souhaitent
y adhérer, répondent plus ou moins correctement (selon les modèles en place : NAMEA,
DPSIR, etc.) aux demandes européennes.

3- Expérience de l’Amérique du Nord


Plusieurs engagements semblent avoir été pris, mais ils ne sont pas toujours appuyés par
des objectifs écologiques, des buts, des mesures ou des échéanciers et quand ceux-ci
existent, ils sont souvent axés sur la gestion du quotidien et le court terme.
« L’ouverture des marchés, par la concurrence effrénée qu’elle provoque, exerce une
pression à la baisse sur les lois environnementales. En effet, d’aucuns pourraient être
tentés de privilégier la compétitivité à la protection de l’environnement. Cela ne doit
absolument pas se produire. Or, l’accord nord-américain de coopération en matière
d’environnement est notoirement inefficace. Les décisions de la Commission de
coopération environnementale (CCE) ne sont exécutoires que sur consentement des
parties, autant dire jamais. Et, de toute façon, elle a pour seul mandat de veiller à ce que
les pays respectent leurs propres lois. Si ces lois sont inefficaces, elle ne peut rien y faire.
L’idée avait été soulevée d’insérer dans l’accord (ALENA) des standards minimaux en
matière de protection de l’environnement, que les pays auraient été tenus de respecter.
Malheureusement, le Comité ne l’a pas retenu.
Dans un autre ordre d’idée, force est d’admettre que tout le cadre institutionnel de
l’ALENA est déficient : « Le processus de règlement des différends manque de

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transparence et d’ouverture. Nous avons proposé des solutions, allant de la publication


des documents concernant les causes devant les tribunaux d’arbitrage à l’autorisation,
pour les provinces ou les ONG, d’y faire des présentations. Là encore, le Comité a
refusé.»30
Dans ce contexte, la politique économique et environnementale actuelle des États-Unis,
qui ne tient que peu compte des principes de développement durable31, démontre le retard
pris par l’Amérique du Nord par rapport aux autres puissances économiques dans le
secteur de l’environnement.
Le rapport sur l'état de l'environnement, La mosaïque nord-américaine, publié en 2001
par la Commission de coopération environnementale de l’Amérique du Nord (CCE, CEC
en anglais) précise qu’ au Nord des Amériques, les systèmes traditionnels de comptabilité
nationale ne tiennent pas compte du coût de l'épuisement de ces biens naturels car les
gouvernements en place tiennent à favoriser la consommation : « Fait ironique, beaucoup
de programmes gouvernementaux et de politiques fiscales vont à l'encontre de l'objectif
du développement durable en favorisant une forte consommation. Les faibles coûts de
l'énergie, par exemple, ne sont pas représentatifs du coût environnemental réel de la
production, de la distribution et de la consommation de cette ressource. Des programmes
d'aménagement de l'infrastructure subventionnés par l'État, comme la construction de
routes et de barrages et l'aménagement de parcs industriels, ont occasionné des
dommages à l'environnement.»
Le rapport illustre les politiques, issues de l’ALENA, qui encadrent le développement
économique de la région, à savoir : produire et consommer plus.
- « Bon nombre des estuaires, fleuves, rivières, ruisseaux, lacs et aquifères sont
pollués par les rejets industriels, les eaux de ruissellement agricoles et les eaux
usées urbaines insuffisamment traitées »,

- « L'agriculture intensive basée sur l'utilisation d'une quantité considérable de


produits chimiques a engendré d'importants niveaux de pollution de l'eau.
Plusieurs pesticides agricoles tuent directement les animaux sauvages ou
s'accumulent dans la chaîne alimentaire et exposent les prédateurs en bout de
chaîne, dont les humains, à des substances toxiques »,

- « La tendance à la diminution de la taille des véhicules observée au cours des


années 1980 s'est maintenant renversée en faveur des véhicules utilitaires sport et
des camions légers. Ceux-ci ne sont pas soumis aux normes d'efficacité de
consommation de carburant et représentent maintenant la moitié des véhicules
vendus aux États-Unis »,

- « Les Nord américains comptent parmi les plus importants producteurs de déchets
urbains solides du monde. Le problème que pose l'élimination de ces déchets
s'aggrave ».

30
Opinion dissidente du Bloc Québécois au rapport sur l’intégration continentale (2003).
31
Rapport de l’OCDE, du 24 septembre 2002.

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La situation en Amérique du Nord montre l’orientation en matière de développement


durable, à savoir que l’on privilégie l’économie et le développement des échanges
commerciaux au détriment de l'impact sur l'environnement.
Cette approche verticale et sectorielle des problèmes écologiques (mise en pratique en
Europe durant les années 1970-1980) qui consiste à adopter des actes législatifs dans le
but de limiter la pollution, par l'introduction de normes minimales en matière de gestion
des déchets, de pollution de l'eau, de l'air, etc., ne semble pas (comme cela avait été le cas
en Europe) prévenir la dégradation de l'environnement.

3.1- Exemple des États-Unis


Ce pays à l’origine de nombreuses initiatives environnementales32, semble avoir agi le
plus souvent dans le but d’étendre au reste du monde des politiques, normes ou
procédures américaines jugées plus contraignantes que celles pratiquées à l’étranger, pour
les abandonner ensuite aux motifs de leurs effets jugés dommageables pour l’économie
(Allard, 2001). En effet, bien que les premières normes sur la qualité de l’air furent
votées en 1970, il a fallu attendre dix ans pour qu’une loi réellement contraignante soit
votée après le scandale de Love Canal, dans l’État de New York33. Première grande
réglementation américaine; le Cercla Comprehensive Environment Response and
Liability act, avait pour objectif la reconnaissance de la responsabilité et la condamnation
de toute entreprise désormais obligée de financer la décontamination d’un site qu’elle
avait pollué.
Avec le temps, la situation ne s’est pas améliorée. En 2001, Colin Powell34 a estimé que
le protocole de Kyoto était un « mauvais produit » pour les États-Unis, car explique t’il :
« Il n’incluait pas les pays en voie de développement, les exigences concernant les États-
Unis étaient trop sévères pour être compatibles avec son économie, et l’Europe,
franchement n’avait pas le même fardeau à assumer que nous » (Allard, 2001).
Pour assurer la protection de l’environnement, la maison blanche a toujours encouragé les
initiatives volontaires (sous forme de mesures volontaires et d’incitatifs fiscaux), mais
l'administration Bush se refuse à mettre en place la moindre mesure coercitive et s’est
même retirée des négociations sur le protocole international de réduction des gaz à effet
de serre (GES), élaboré à Kyoto en 1997, car une réduction des émissions de GES
pourrait déstabiliser l'économie américaine (selon les raisons officielles).

32
Dés 1970, l’Agence de protection de l’environnement fut créée et le Congrès américain vota le premier Clean Air
Act, proposé par l’administration Nixon. C’était un texte novateur qui établissait des normes sur la qualité de l’air.
33
Binet et Livio nous apprennent que des pavillons avaient été construits au dessus d’anciennes décharges industrielles
truffées de dioxine.
34
Cité in : Kyoto « lettre morte », Washington prouvera qu’une meilleure voie existe, AFP, Washington, 17 juin 2001.
Le chef des services de la maison blanche va encore plus loin, selon lui : “the goal of cutting greenhouse emissions
to below 1990 levels was picked with machiavellian intent because it enabled europeans to count in East Germany
just before its economy was collapsing. The result is that Europe must now cut its emissions far less than the United
States does.”

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En effet, Le lobby de l'électricité, par la voix de l’Edison Electric Institute a prévenu


qu'une politique de lutte contre le CO2 risquerait de faire grimper en flèche les coûts de
l'énergie. Le secteur électrique américain, qui compte de très nombreuses usines
fonctionnant au charbon, est responsable à lui seul de 34 % des émissions totales de
dioxyde de carbone dans le pays35.

De plus, la réticence américaine à l’encontre d’engagements multilatéraux en matière


d’environnement ne serait pas sans lien avec la crainte de voir la responsabilité du pays
ou de certains de ces nationaux être mise en cause au motif de dommages infligés à
l’environnement au cours d’opérations militaires36 (Allard, 2001).
La non ratification du protocole de Kyoto par les États-Unis bien que ce pays soit
responsables de plus de 30 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre, alors qu’il ne
représente que 5 % de la population mondiale n’est pas le seul exemple du refus d’assurer
un développement durable par l’administration Bush.

Depuis son ascension à la maison blanche, le président américain a plus que diminué les
programmes gouvernementaux encadrant la protection de l’environnement. “The Bush
administration's budget reveals a ballooning environmental deficit that is growing even
greater than the fiscal deficit. The reason for this is the disproportional cuts that have
been directed at environmental programs even as overall domestic spending increases.
Between 2004 and 2005 total investments in environmental protection would decrease by
$1.9 billion or nearly six percent.”37

Ce pays, considéré comme le plus riche de la planète, semble abandonner


progressivement ses engagements vis-à-vis du développement durable bien qu’il
contribue de façon croissante à la dégradation de l’environnement. Préserver les intérêts
économiques et financiers d’une minorité seule détentrice des capitaux, semble être la
ligne directrice de l’orientation politique et des choix stratégiques du président Bush,
même si cela va à l’encontre du bien être et de la santé du plus grand nombre fussent-ils
américains.

3.2- Exemple du Canada


Le Canada a été un des pionniers à valoriser l’environnement. Boucher (2001), nous
apprend que l’histoire moderne de la protection de l’environnement débute dans les
années 1880 avec l’adoption de la Loi de l’hygiène publique du Québec.

35
Matthieu Auzanneau (2003).
36
Exemple de l’agent orange, substance chimique, toxique et mutagène, qui a été massivement déversé sur les forets
vietnamiennes durant les années 1960-1970.
37
Wesley Warren (2004) : Deputy Director of NRDC's Advocacy Center.

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En 1972 la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), première loi cadre visant à
protéger l’environnement au Québec est adoptée. Tous les pouvoirs de la Loi de
l’hygiène publique sont alors dévolus aux services de protection de l’environnement. Et
c’est en 1980 que le Gouvernement provincial a doté la L.Q.E. de mécanismes
d’évaluation environnementale et de participation du public. Il a adopté un Règlement sur
l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement et il a crée le Bureau
d’Audiences Publiques sur l’Environnement (BAPE)38.
Finalement, en 1988 la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) est
adoptée. Elle regroupe plusieurs lois portant sur les normes environnementales, la
protection et les pénalités en cas d'infraction. Elle s'intéresse en premier lieu à la
réglementation de la pollution.

Cette évolution des mentalités vers une intégration croissante des principes du
développement durable n’a fait que se renforcer depuis le rapport Brundtland en 1987.
Cependant, suite à l’ALENA et à la concurrence inégale qu’elle a entraîné, la situation est
en train de changer.
« L’industrie canadienne craint d’être placée en situation de désavantage concurrentiel
par rapport à ses homologues américains et aux entreprises des pays en développement
qui n’ont pris aucun engagement de réduction aux termes du protocole de Kyoto.
L’industrie canadienne s’inquiète également des répercussions éventuelles sur notre
capacité d’attirer des investissements reliés à nos partenaires de l’ALENA advenant la
ratification du protocole par le Canada et l’abstention des États-Unis. »
Ce rapport du Gouvernement du Canada (2002) traduit parfaitement les craintes qui
planent sur l’engagement environnemental canadien. En effet :
1/ Les États-Unis ne sont pas concernés par l’accord,
2/ La majorité des plaintes déposées contre le Canada en vertu du chapitre 1139 de
l’ALENA, sont plus ou moins liées à l’environnement – des cas comme Ethyl, Metalclad
et S.D. Myers, par exemple, ont clairement montré que le modèle ALENA favorise
l’investisseur plutôt que l’environnement-,
3/ Le Mexique n’est pas tenu de réduire ses émissions aux termes du protocole
(Beauchamp, 2003).
L’ALENA a renforcé la surexploitation et le pillage des ressources naturelles au nom des
règles du marché allant jusqu'à menacer la légitimité du Canada, quant à son engagement
environnemental, en l’obligeant à reconfigurer son rôle d’État souverain face aux
prérogatives de l’économie et de la compétitivité des entreprises.

38
Cotnoir, L., Maheu, L. et Vaillancourt, J., G., Démocratie, écodécision et implantation des projets d’élimination de
déchets dangereux. In Instituer le développement durable : Éthique de l’écodécision et sociologie de
l’environnement sous la direction de Prades, Tessier et Vaillancourt.
39
Le chapitre 11 de l’ALENA permet aux investisseurs étrangers de poursuivre les gouvernements membres de
l’ALENA s’ils jugent avoir été lésés dans leurs droits d’investisseurs.

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Malgré l’adhésion canadienne au protocole, l’accord a entraîné une dérégulation


croissante en matière commerciale et financière qui laisse le champ libre aux
multinationales (américaines pour la plupart) qui agissent en fonction de leurs intérêts
financiers, tenant rarement compte de l’environnement et du développement durable.

3.3- Conclusion
L’approche actuelle en Amérique du Nord, dans le cadre de l’ALENA, aborde
l’environnement comme une donnée externe à la politique commerciale (comme le faisait
l’Europe au cours des années 1970) et se refuse à passer d’une approche strictement
défensive visant à prévenir les barrières non tarifaires de nature environnementale à une
approche positive favorisant à la fois la libéralisation commerciale et la protection de
l’environnement.
Ainsi le « filet de protection » de l’accord laisse passer plusieurs problématiques
environnementales entre ses mailles à cause d’une absence de coordination entre les
politiques environnementales et commerciales (Mayrand & Paquin, 2003).
En d’autres termes, les intérêts économiques et financiers, prennent de plus en plus le pas
sur l’intégration des principes du développement durable dont on ne peut évaluer les
intérêts que sur le long terme. C’est l’éternel combat avantages court terme et long terme
qui ne cesse de miner les avancées environnementales et sociales.

4- Expérience du Sud-Est asiatique


L’Asie du Sud-Est tire actuellement avantage de la croissance de la Chine et jouit d’un
excédent commercial énorme et toujours croissant. Si la Chine est considérée par nombre
de fabricants comme le lieu d’investissement par excellence, sa classe moyenne en pleine
explosion demande de plus en plus des produits et des biens en provenance de l’Asie du
Sud-Est. (CanadExport, 2003).

Le boom économique que connaît la région se traduit par un investissement croissant des
multinationales dans la région : « En 2003, les pays de l’OCDE se sont accordés sur des
approches communes pour la prise en considération des aspects environnementaux dans
le cadre de l’octroi de crédits à l’exportation40. Plusieurs d’entre eux ont depuis renforcé
les obligations d’évaluation de l’impact sur l’environnement des projets bénéficiant de
garanties de crédit à l’exportation, et pris d’autres mesures pour assurer une intégration
transparente des objectifs d’environnement dans les décisions concernant la planification
et le financement des projets. Ils ont également appuyé la mise en œuvre des principes
directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, y compris leur volet
environnemental. » (OCDE, Bilan 2004).

40
Ce programme de l’OCDE a servi de modèle pour les examens environnementaux des pays d’Europe
orientale, du Caucase et d’Asie centrale (dans le cadre du programme de la CEE-ONU) et débouché sur une
coopération avec la CEPALC (pour l’Amérique latine) et la Banque asiatique de développement (pour
l’Asie du Sud Est).

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Bien que certains principes du développement durable soient de plus en plus intégrés
dans les politiques d’investissement, il ressort que dans les faits il existe de nombreuses
lacunes : « L’application de systèmes de management environnemental et la publication
de rapports environnementaux sont des pratiques qui ont pris de l’ampleur dans le secteur
des entreprises, même si celles-ci sont peu nombreuses à tenir systématiquement une
comptabilité environnementale et à publier des rapports à ce sujet, et plus rares encore à
faire certifier leurs rapports par des organismes tiers. » (OCDE, Bilan 2004).

De plus, sachant que d’ici 2020, l’Asie représentera 32 % de la demande mondiale en


énergie, le secteur du pétrole et du gaz naturel en Asie du Sud-Est est en voie de
connaître un grand essor. Des projets de développement énergétique, relatifs
principalement au gaz naturel, sont en cours en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande et au
Vietnam.
Cependant, ces pays en voie de développement qui se sont enrichis, ou qui sont en train
de le faire (Taiwan, Hong Kong, Singapour) commencent à ressentir les effets
dévastateurs d’un développement basé sur un libéralisme sans contrôle. Pour exemple,
chaque année des incendies ravagent des millions d'hectares de végétation et forment un
épais nuage de fumée sur une grande partie de l'Indonésie, de la Malaisie et de Singapour.
Le « brouillard » qui en découle n’est pas nouveau dans cette région, car il se forme
chaque année à la même époque. Il est si ponctuel que certains l'ont défini comme la
«cinquième saison».
Il est provoqué par des incendies dont l'origine est connue. Au printemps, des milliers de
grandes exploitations agricoles s'adonnent à un exercice saisonnier (sous la tutelle des
multinationales) : brûler les broussailles pour nettoyer les terrains et les préparer pour les
prochaines semailles. Mais le plus souvent, ces incendies échappent au contrôle humain
et se propagent dans les zones environnantes. La fumée, portée par les vents, se dirige
vers les régions habitées. Elle s'installe au-dessus des villes, absorbe les particules de
smog urbain et les émissions industrielles, jusqu'à devenir une nappe épaisse et toxique
(Forti, 2003).
Pour réguler cette pollution transfrontalière, les gouvernements des pays membres de
l’ANASE41 ont officiellement demandé l’aide au Directeur exécutif du PNUE
(Programme des Nations Unies pour l'environnement), en collaboration étroite avec la
Banque asiatique de développement, pour les aider à élaborer et à négocier un protocole
sur la pollution atmosphérique transfrontalière pour la région.
« Une bonne part du travail de prévention visant à limiter les urgences
environnementales, et ceci s'applique certainement aux incendies de forêt et aux
inondations, exige des modifications des politiques d'utilisation des terres et des
politiques permettant de financer des mesures préventives, en particulier le renforcement

41
Association des Nations de l’Asie du Sud Est, créée en 1967, qui comprend : la Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie,
les Philippines, Singapour, Brunei, le Cambodge, le Laos, le Myanmar et le Viêt-Nam.

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des capacités nationales dans les domaines de l'alerte précoce, de la lutte contre les
incendies et de la protection contre les inondations. » (Jorge E. Illueca42, 1998).

Pour essayer de mettre en place une gestion environnementale rigoureuse au sein de ces
pays, l’ONU a mis en place en 2000, le projet « Renforcer les capacités régionales pour le
développement des statistiques en Asie du Sud-Est43 », afin d’opérationnaliser une
comptabilité économique et environnementale, basée sur le SEEA, dans cette région.

4.1- Conclusion sur l’expérience du Sud-Est asiatique


Les pays du Sud-Est asiatique se montrent de plus en plus intéressés par l’adoption de
systèmes de comptabilité environnementale pour toute une série de motifs.
- D’une part, force est de souligner que les agrégats macro-économiques traditionnels,
obtenus par l’application du Système de Comptabilité Nationale (SCN), ne sont pas à
même de déterminer leur taux de croissance économique réelle, surtout par rapport à la
grande dépendance du système économique vis-à-vis de l’exploitation des ressources
naturelles. Des études pilotes concernant l’application des systèmes de comptabilité
environnementale ont en effet mis en évidence de grandes différences entre les cours des
agrégats économiques corrigés par des facteurs environnementaux, très différents de ceux
des cours traditionnels. Parmi les éléments environnementaux relevés : la pollution
atmosphérique et les dépenses de protection de l’environnement connexes, l’utilisation du
sol, l’épuisement des ressources naturelles et de certains minéraux (Giovanelli : OCDE,
2004),
- D’autre part, les prêts de développement économiques octroyés par les bailleurs de
fonds sont conditionnés à la mise en place immédiate d’une comptabilité
environnementale facilitant ainsi l’intégration de principes du développement durable.

5- Conclusion concernant les trois expériences


Giovanelli (2004) nous apprend que la comptabilité environnementale est un système qui
permet de répertorier, organiser, gérer et fournir des données et des informations sur
l’environnement, par l’intermédiaire d’indicateurs physiques ou monétaires. Elle
constitue un outil indispensable à la mise en œuvre du concept du développement durable
et s’impose à l’heure actuelle comme un moyen d’assurer la préservation de
l’environnement.
Le manuel des Nations Unies pour la mise en œuvre du SEEA prend en compte les coûts
environnementaux à travers la valorisation monétaire des ressources naturelles et de la
pollution et analyse les effets qu’ont sur l'environnement les activités de production, de
consommation et de formation du capital.
42
Sous Directeur exécutif, Division des conventions sur l'environnement, PNUE.
43
Division de statistique des Nations Unies.

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Ce système de comptabilité économique et environnementale intégrée a pour but ultime


d’élaborer un indice de durabilité, le « PIB vert », constitué par l'EDP, (Environmentally
Adjusted Domestic Product) ou produit national corrigé par des facteurs
environnementaux.
En Europe, les méthodes de comptabilité basées sur ce système se sont vite répandues.
De sorte que la majorité des pays de l’Union ont mis en place des comptabilités
environnementales qui obligent les entreprises à intégrer les principes environnementaux
du développement durable dans leurs politiques et missions.
En Amérique du Nord, il semble que l’on observe un retour en arrière. En effet, l’élection
de George W. Bush aux États-Unis a rendu plus lointaine encore la perspective d’une
ratification du protocole de Kyoto, revenant ainsi sur l’une des ses promesses électorales.
Faite le 29 septembre 2000 : Le candidat Bush avait surpris les défenseurs de
l’environnement en mentionnant dans son programme écologique des « plafonds
obligatoires » aux émissions de CO2, proposant ainsi plus qu’Al Gore, seulement
favorable à une réduction « volontaire » des émissions. Après son élection, sous la
pression des industriels, face à l’envolée des coûts de l’énergie et au coup de frein de la
croissance, il a finalement déclaré que classer le CO2 parmi les polluants était finalement
une « erreur » et que les plafonds risquaient « d’être néfastes aux consommateurs »
(Girard, 2002).
De plus, son absence au second Sommet de la Terre (après celui de Rio en 1992),
organisé du 26 août au 4 septembre 2002 à Johannesburg dont l’objectif était d’adopter
un plan de mise en œuvre du développement durable (« plan of implementation » ou
« plan d’action »), n’a fait que confirmer le désengagement progressif du pays44 vis-à-vis
de ses engagements à intégrer les principes environnementaux du développement durable.
Pour ce qui est des pays du Sud-Est asiatique (caractérisés par des taux élevés de
croissance de la population), depuis les années cinquante, la plupart d’entre eux se sont
tour à tour lancés à la poursuite de trois objectifs concurrents et par moments
contradictoires :

- Premièrement, leurs territoires ont fait l'objet d'un étalement grandissant des surfaces
agricoles, généralement aux dépens des espaces forestiers.

- Deuxièmement, en partie grâce à cette expansion, ils ont accru leurs exportations de
matières premières, minières, forestières, agricoles et halieutiques, essentiellement en
direction des pays industriels.

- Troisièmement, le développement du secteur industriel a fait l'objet d'investissements


massifs, pour approvisionner non seulement un marché interne en pleine expansion, mais
aussi le marché mondial, tout aussi demandeur.

44
Déjà sous Bill Clinton, les États-Unis se sont engagés à signer le protocole de Kyoto, mais le Sénat s’y est opposé.
Puis l’élection de George W. Bush a fait basculer le processus. Le 29 mars 2001, ce dernier a affirmé que son pays
ne ratifierait pas le protocole parce qu’il ne va pas dans le sens des intérêts économiques.

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La conséquence la plus dramatique de cet état des choses est une crise environnementale,
particulièrement évidente dans le domaine forestier.

Mais à cela il faut rajouter le tourisme et ses effets aggravants. Encore relativement
modeste il y a quelques années, l'industrie touristique connaît actuellement un grand essor
qui semble destiné à se maintenir. Non seulement, le développement de cette industrie a-
t-il un impact socio-culturel considérable, trop souvent négatif, notamment à cause de la
prostitution qui lui est trop souvent associée, mais il a aussi des effets sur
l’environnement. Les infrastructures touristiques étant souvent implantées dans des sites
fragiles où il y a peu d’efforts de protection.

Les efforts des Nations Unies pour favoriser un développement durable dans ces régions
commencent à porter fruit. Mais le véritable problème est de savoir s’il n’est pas déjà trop
tard étant donné les perturbations environnementales majeures qui touchent le Sud-Est
asiatique; à savoir : inondations répétées, pollution transfrontalière toxique, déforestation
massive, déséquilibre écologique, etc.

C- Application de solutions durables

Pour mettre en œuvre des politiques de développement durable, à savoir un


développement ne compromettant pas les possibilités de vie et de bien-être des
générations futures sur terre, il est nécessaire de disposer de nouveaux instruments de
mesure, d'analyse et d'orientation des politiques économiques et sociales tenant compte
de la conservation des ressources naturelles et des équilibres écologiques (Giovanelli,
2004).
Les expériences menées conformément au manuel de l’ONU jusqu'à présent (en Europe
principalement) mettent en évidence deux fonctions principales de cette comptabilité :
1/ La mesure et l’évaluation de l'état des variations de l'environnement naturel et des
impacts des activités anthropiques sur celui-ci,
2/ La comptabilisation et l’estimation des flux monétaires et financiers relatifs à
l'utilisation des ressources naturelles et aux effets de l'interaction de l'homme avec
l’environnement.
Comme le précisent les Nations Unies : « Une intégration plus étroite des préoccupations
gouvernementales dans la prise de décisions de gestion et l'analyse des politiques est l'une
des conditions préalables du développement durable visé dans Action 21. Les comptes
intégrés sur l'environnement et l'économie constituent un instrument qui permet
d'accroître l'efficacité et l'efficience des décisions dans l'optique du développement
durable. Il s'agit en effet de la mise en place d'une structure visant une prise en compte
plus systématique des facteurs environnementaux lorsque des décisions sont prises sur les
politiques économiques, les politiques sociales, les politiques budgétaires, les politiques
concernant les ressources naturelles, les transports, le commerce et d'autres politiques.
Ces comptes facilitent une plus grande participation des administrations nationales et

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locales, de l'industrie, du monde scientifique, des groupes d'intérêt et du public au


processus de mise au point d'approches efficaces en faveur du développement durable. »45

L'existence d'un programme national de comptabilité environnementale et économique


intégré témoigne de la volonté d’un pays à intégrer réellement les préoccupations
environnementales dans ses politiques « vertes » et ses choix économiques.
« C'est aux autorités nationales qu'il appartient de décider s'il faut établir ou non un
programme de comptabilité environnementale et économique intégrée. Plusieurs
organisations internationales, intergouvernementales, non gouvernementales et
régionales, sont aussi impliquées dans la mise en oeuvre de programmes de comptabilité
environnementale et économique intégrée dans les pays. Le Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD) prévoit le recours à une comptabilité intégrée dans
plusieurs activités, sur la base des recommandations des gouvernements nationaux. »46
Sachant que la mondialisation - sous-tendue par l’idéologie de marché - et l'adhésion aux
règles de l'OMC ont soumis les États à de nouvelles contraintes, ce qui leur a fait perdre
certaines attributions et de leur autorité, ce programme de comptabilité environnementale
semble un bon moyen, pour les États, de mieux « gérer » les intérêts commerciaux et
financiers qui ont longtemps prévalu sur la protection et la sauvegarde de
l’environnement (LePrestre, 1997).

En effet, comme le précise Stiglitz (2003), la foi dans la liberté totale des marchés
attribuée à Adam Smith, a graduellement limité le rôle de l’État au profit de la
libéralisation – suppression de l’intervention de l’État sur les marchés financiers et le
démantèlement des entraves au commerce – de manière à remettre le pouvoir aux
institutions financières et aux multinationales.

La comptabilité environnementale devrait permettre aux États de jouer à nouveau leur


rôle de régulateur socio-économique en désignant les principes du concept de
développement durable comme références incontournables pour assurer la pérennité des
entreprises.

Cette nouvelle comptabilité devrait répondre aux nouvelles missions des entreprises au
sein desquelles on observe une prise de conscience progressive et, a des degrés divers, de
l'importance de prendre en compte les problèmes d'environnement susceptibles d'affecter
leurs opérations à l'échelle de la planète.

Pour exemples, de nombreuses multinationales, qui ont commencé à mettre en place des
systèmes de gestion environnementale (SGE), s’engagent de plus en plus à intégrer
certaines valeurs environnementales mises de l’avant par le rapport Brundtland et
développées lors des différents sommets pour l’environnement. Elles tendent à incorporer
ces principes « légitimés » par la société afin de se bâtir une image d’entreprise
socialement responsable.

45
Site Internet des Nations Unies.
46
Site Internet des Nations Unies.

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De plus, la comptabilité environnementale répond parfaitement aux attentes de l’OMC


qui cherche à ce que tous les pays puissent recourir à des normes internationales et
universelles pour se conformer à des processus d’évaluation et de contrôle à l’échelle
internationale afin de faciliter le commerce mondial des biens et services.

Quel que soit notre point de vue sur le bien fondé ou non de la mondialisation, il serait
erroné de croire qu’elle impose un modèle unique d’organisation politique et
économique. En Europe, de nombreux États (comme l’Allemagne, la Suède, la France,
etc.) conservent une pleine autonomie dans le choix des modèles de solidarité, de
redistribution des richesses et de protection de l’environnement.

Tenant compte des différentes expériences des pays « riches» il apparaît que le
capitalisme s’accommode d’une grande diversité d’institutions et de systèmes politiques :

- D’un coté, la Suède, un des pays leaders en matière de développement durable est
une économie très compétitive malgré un très fort taux d’imposition,

- De l’autre, les institutions financières et les États qui les soutiennent (les États-
Unis en tête) n’ont pas hésité, en 1997, à voter des aides financières colossales
pour l’autoritarisme chinois peu respectueux de l’environnement, jugé « plus
stable » que les démocraties fragiles d’Asie du Sud-Est.

Il n’ y a donc pas qu’une seule voie vers le développement et la croissance (Verniers,


2003).

Mais au-delà du discours, quant on sait que la plupart des multinationales, originaires
majoritairement du Nord et souvent appuyées par les États des pays les plus industrialisés
dégradent et polluent l’environnement dans l’unique but d’offrir aux plus riches
consommateurs (Nord de la planète) des biens et services qui dépassent de beaucoup
leurs besoins réels.

Cette course à la surproduction légitime le pillage (par les multinationales) des ressources
naturelles des pays plus pauvres, situés majoritairement au Sud, sans aucun respect pour
l’environnement et avec la complicité d’une certaine « élite » au pouvoir, qui participe à
la paupérisation de son peuple. Ces nations, appelées pays du Tiers monde, souvent
détentrices de richesses naturelles qui devraient leur assurer une prospérité socio-
économique durable, se retrouvent en général au banc des nations les plus pauvres et les
plus démunies.

1- Utopie d’un développement durable dans les pays du Tiers monde

Une récente étude de l'Académie Nationale des Sciences des États-Unis (NAS) sur la
consommation actuelle a analysé l’empreinte écologique47 des populations.

47
L'empreinte écologique d'une population correspond à «la surface totale de terre ou de mer productive nécessaire
pour lui fournir ses récoltes, la viande, les fruits de mer, le bois et la fibre consommée, pour soutenir sa

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L’étude a estimé à environ 11,4 milliards d'hectares (un hectare correspond à une surface
de 100 mètres par 100 mètres, soit 10 000 mètres carrés) la superficie des territoires
productifs de la Terre. Lorsque l'on considère qu'il y a environ six milliards d'humains sur
la Terre et que l'on suppose que les ressources ne sont pas surexploitées, il revient en
moyenne à chaque être humain 1,9 hectares de ces territoires productifs.

En 1999, l'empreinte écologique moyenne de la population mondiale tous continents


confondus était de 2,3 hectares par personne, un niveau de 20% supérieur à la capacité
naturelle de production de la terre avec des différences bien marquées en fonction des
régions. L'empreinte écologique moyenne des africains et des asiatiques était de 1,4
hectares par personne, celle des européens occidentaux était de 5 hectares par personne
tandis que celle des Nord américains s'élevait à 9,6 hectares par personne.
Ce déséquilibre flagrant n’est guère surprenant dans la mesure où l'on sait que le
cinquième de la population mondiale (Amérique du Nord, Union européenne et Japon)
90% de la consommation globale (Gagnon, 2002).
Ainsi, la situation socio-économique d’un pays, en plus d’éventuelles richesses naturelles,
est à la base de son positionnement sur l’échiquier des puissances dites économiques.
Une nation sans agriculture dynamique, sans individus formés, sans règles juridiques et
politiques stables et respectées et sans infrastructures ne peut prétendre à un
développement correct. L’ouverture commerciale d’une nation, ne vient qu’en seconde
ligne, lorsque le développement socio-économique a déjà commencé à faire apparaître
ses points forts (Clerc, 2004).
Le concept de développement joue un rôle important dans l'évolution d’une nation car, si
l’on n'assure pas à la population des moyens équitables et raisonnables de subsistance et
de développement, il n'est pas possible de lui demander la conservation et l'usage
appropriés des ressources naturelles qu’elle détient. (Sanabria, 2000)

Grand nombre de pays du Tiers Monde, dépendant du financement du FMI et de la


Banque mondiale se trouvent ainsi lésés. Ainsi, en plus des nouvelles conditions
environnementales (mettre en place une comptabilité environnementale, respect des
nouvelles normes environnementales pour la création de biens et de services, etc.) qui
s’ajouteront aux prêts consentis par les grands argentiers que sont la Banque mondiale et
le FMI, leurs richesses naturelles soutiennent le développement du Nord en général et
celui des États-Unis en particulier.

En effet, quand on sait que la brochure d’information du Comité de Bretton Woods


affiche fièrement que la mission spécifique du comité est de veiller à ce que les intérêts
américains gardent le leadership au sein des institutions financières que sont la Banque

consommation d'énergie et son besoin d'espace pour ses infrastructures». Il en découle que plus une population
s'accaparera une part importante de la capacité de production d'un territoire, plus son empreinte écologique (EE) sera
élevée.

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mondiale et le FMI. Il ressort clairement que ces institutions financières défendent


principalement les intérêts américains dans le monde.
Ainsi, comme le précise Joseph E. Stiglitz48, il existe « une stratégie d'assistance pour
chaque nation pauvre », ainsi désignée, selon la Banque mondiale dont le Trésor
américain est le principal actionnaire (51 %).
En résumé49, cette stratégie commence par une soigneuse enquête interne sur les pays,
c’est-à-dire une analyse détaillée de l'économie nationale. Ensuite, la Banque mondiale
remet à chaque ministre de l’économie du pays concerné, le même programme en 4
étapes :

Étape 1 : La privatisation, c’est-à-dire la liquidation pure et simple des entreprises d’État.


Au cours de cette privatisation, une commission de 10 % (payée sur des comptes Suisses)
est proposée par les grandes multinationales aux responsables locaux, pour réduire de
quelques milliards le prix de vente des biens nationaux. Ce scénario de corruption
entraîne généralement la chute de la production nationale avec une dépression
économique et la famine.

Étape 2 : La libéralisation des marchés financiers.


En théorie, la dérégulation du marché des capitaux permet que ceux-ci entrent et sortent.
Malheureusement selon la méthode FMI/Banque mondiale, l'argent est simplement parti
sans revenir, comme cela s'est passé en Indonésie et au Brésil. Stiglitz appelle ce
processus le cycle de « l'Argent chaud ». L'argent entre en fait en spéculant sur des biens
immobiliers et de la monnaie locale et s'échappe devant les premiers problèmes venus, de
sorte que les réserves d'une nation peuvent être vidées en l'espace de jours ou d'heures.

Étape 3 : La libéralisation des prix.


Terme désignant en fait le plus souvent l’augmentation des prix sur la nourriture, l'eau et
le gaz de cuisine. Ceci amène ce que Stiglitz appelle « l'émeute FMI » : le FMI augmente
le fardeau sur les plus démunis jusqu'à ce que la nation explose.
Pour confirmer les dires du professeur50, la BBC et « The Observer » ont découvert
différent document interne de la Banque mondiale portant les mentions
« CONFIDENTIEL », « COMMUNICATION RESTREINTE », et « NE PAS
REVELER ». L’un de ces documents traite de la stratégie d’assistance à un pays :
l’Équateur. Dans ce document, la Banque mondiale affirme que l'on s'attendait à ce que
les plans de réajustement produisent des troubles sociaux et que le plan pour faire du
dollar américain la monnaie nationale du pays a poussé 50 % de la population en dessous
du seuil de pauvreté. Cependant, le plan d’assistance recommande simplement d'affronter
les protestations civiles et la souffrance avec fermeté politique et en augmentant les prix.

48
Lauréat du prix Nobel d’économie, ancien conseiller du président américain Bill Clinton et ancien économiste en
chef de la Banque mondiale expulsé en 1999 après avoir dénoncé les méthodes de ses ex-collègues pour détruire et
rendre esclave les pays sous le couvert d'un plan d'aide à la pauvreté.
49
Voir les explications, extrêmement détaillées, de J. E. Stiglitz dans « La grande désillusion » (2003).
50
Ibid.

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Stiglitz précise que les véritables gagnants de ces incendies économiques, sont :
- Les compagnies étrangères qui reprennent en main, à prix modique et avec des
avantages substantiels, l’économie des pays dévastés, grâce aux actions des
bailleurs de fond, créant ainsi une nouvelle dette extérieure pour une nouvelle aide
au développement,
- Les bailleurs de fond et le Trésor américain, qui gagnent beaucoup d'argent dans
ces tourbillons du capital international.

Étape 4 : Le libre échange.


Il s’agit du libre échange selon les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce et de
la Banque mondiale. Ainsi, les barrières nationales sont abolies dans le but de favoriser le
libre échange et la libre circulation des marchandises. Mais il apparaît que les pays du
Nord en général et les américains en particulier, abolissent les barrières d’importation en
Asie, en Amérique latine et en Afrique et, en même temps ils dressent leurs propres
barrières pour protéger leurs marchés internes contre les produits du tiers monde, excepté
bien sûr les ressources naturelles.
Stiglitz en parlant des organisations et des banques avec lesquelles il a travaillé, déclare
que selon lui, le FMI, la Banque mondiale et l’OMC sont des masques interchangeables
dans un seul système de gouvernement. Et il regrette et pense que les plans de la Banque
mondiale sont conçus en secret et manipulés par une idéologie absolutiste, ils ne sont
jamais ouverts à la discussion ou prêt à accepter ou au désaccord.
Les affirmations d’une personnalité reconnue sur la scène internationale, les documents
recueillis au cours de différentes investigations et ceux fournis par différentes
organisations américaines montrent que l’aide au développement apparaît comme le
dernier avatar du fardeau des pays du Nord. Elle alimente une industrialisation sans
véritable objet, favorise une corruption massive, et bénéficie à la fois aux classes
dirigeantes des pays du Sud et à l’Occident, dont elle garnit les carnets de commande. En
lançant les pays du Sud dans une course perdue d’avance, elle aboutit à un resserrement
des liens de dépendance qui les emprisonnent.
Face à cette réalité, il paraît difficile, sinon impossible, d’aboutir à jeu gagnant-gagnant
pour tous les protagonistes liés au commerce mondial et à la mise en place d’une
comptabilité environnementale universelle qui doit encadrer ces échanges afin de
préserver l’environnement.
Le débat mondialisation-environnement tourne en grande partie autour du rôle des
entreprises multinationales. Ces entreprises sont souvent d’importants pollueurs et/ou
utilisateurs de ressources naturelles mais l’insuffisance de règles et d’éthique dans la
compétition internationale ne facilite pas une mondialisation respectueuse de
l’environnement et profitable pour toutes les nations de la Terre.

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Cette compétition « barbare à plus d’un titre51» nécessite plus d’éthique et appelle à la
mise en œuvre du principe de précaution52. Elle a besoin de régulations et d’actions
correctrices afin d’offrir davantage d’informations et de transparences aux investisseurs,
consommateurs. Elle implique l’adoption de stratégies gagnant-gagnant par les autorités
publiques et le secteur privé, permettant de réconcilier la compétitivité économique avec
la nécessité de protéger l’environnement. Elle renvoie à l’impératif d’une nouvelle
gouvernance, marquée par de nouveaux ajustements institutionnels, de nouveaux
instruments de mesures comme la comptabilité environnementale.

D- Éthique, développement durable et intérêts économiques

Le concept de développement durable a mis de l’avant l'émergence et la croissance de


nombreux problèmes liés à l’activité destructrice de l’entreprise. Mais face aux
problèmes environnementaux, il est impossible sinon irresponsable de déduire qu’elle
puisse avoir une responsabilité sans un contrôle permanent de l’État53 (via des lois et
règlements contraignants).
Quand, une entreprise cause des dommages à l’environnement, cela se répercute
automatiquement sur l’être humain, alors l’entreprise doit être tenue moralement
responsable de ce tort. Cet argument s’appuie sur un principe éthique largement accepté :
ne pas causer de préjudices aux générations futures (Ayotte, 1995).
Les intérêts économiques ayant nécessairement un nombre limité de bénéficiaires, seules
la protection et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles peuvent être universelles
et profitables aux générations actuelles et futures : « Le concept d’économie éthique se
présente aujourd’hui avec pour objet la définition, la promotion et la diffusion dans la vie
économique de règles du jeu, de principes et de normes éthiques universellement
acceptables susceptibles de favoriser à moyen terme la réconciliation de l’économique,
du social, de l’écologique et du culturel et à plus long terme d’assurer leur
codétermination dans le processus de mondialisation en cours fondé sur le principe du
droit inaliénable de chaque être humain à la vie et à la liberté54. » (Garabaghi, 2003).

Ainsi, dans le domaine du management, le souci de réaliser des profits à long terme
pourrait revenir à n’utiliser que les quantités de ressources qui peuvent se régénérer
51
Selon Stiglitz.
52
Le principe de précaution propose, en situation d'incertitude de considérer le risque encore hypothétique
comme avéré et de prendre des mesures de protection à son égard. Il efface ainsi le retard entraîné, dans la
démarche classique par le délai d'établissement de la preuve. Indissociable des 3 autres principes de gestion
(d’action préventive, de « pollueur-payeur » et de participation), il impose donc la précaution tout en
considérant son coût. Ceci amène à s'interroger sur les risques encourus et à peser le bénéfice de cette
précaution par rapport à son coût.
53
Ce qui est malheureusement le cas dans de nombreux pays du Tiers monde, où l’État, souvent corrompu, ferme les
yeux sur les agissements des multinationales : extraction du pétrole au Nigéria, déboisement au Brésil, etc.
54
Socle des valeurs proclamées par la Déclaration universelle des droits de l’homme.

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naturellement. L’intérêt à pérenniser la source de revenus serait compatible avec


l’objectif du développement durable (Boyer, 2002).
La mise en place d’une comptabilité environnementale homogène et internationale, basée
sur les travaux de l’ONU, ne serait plus considérée comme une source de coûts, mais
plutôt comme un moyen de mieux gérer ses ressources dans une perspective de durabilité
économique : « Le débat mené sur le plan de l’éthique économique a montré que des
objectifs normatifs, tels que le développement durable, n’ont tout d’abord qu’un caractère
heuristique et que, pour produire des effets, ils doivent être intégrés dans les structures
institutionnelles et dans les systèmes d’incitation de l’économie et/ou d’autres secteurs
sociaux. » (Wiemeyer, 2002).
Finalement, une collaboration étroite entre l’entreprise, l’État et l’ONU permettrait :
D’une part, de sensibiliser les chefs de gouvernement, les chefs d’entreprises, les
actionnaires et les consommateurs en général, quant à leur capacité à détruire leur habitat
du fait de la mauvaise utilisation des ressources et d’une consommation excessive
(Brown, 1990)55,
D’autre part, de faciliter la généralisation d’une telle comptabilité, comme le fait l’Union
européenne actuellement, afin d’en assurer la pérennité.
La comptabilité environnementale traduit l’émergence d’une nouvelle éthique qui répond
aux inquiétudes de citoyens de plus en plus inquiets quant au devenir de la planète. Ainsi,
les principes du développement durable, au travers de cette comptabilité, répondent à ces
inquiétudes tout en recentrant les préoccupations des États et des entreprises sur
l’environnement.

E- Conclusion

Il est manifeste que la mise en place d’une comptabilité environnementale ne peut être
similaire d’un pays à l’autre. Au sein même des pays développés, certains ne la mettent
en place que fort timidement (exemple des États-Unis), tandis que d’autres l’appliquent
déjà dans le but d’intégrer les principes environnementaux du développement durable
(Scandinavie, Allemagne).
Comme le précisent Raes, Lambert et Grisel (2004) : « Le concept du Développement
durable traduit l'émergence d'un nouveau modèle optimiste de développement, il faut se
souvenir et garder à l'esprit que tout ce mouvement, cette agitation, autour de
l'environnement ne répond pas qu'à une réglementation croissante ou à un éveil des
consommateurs, ou encore à une thématique politique, mais bien à des échéances
naturelles. La planète est un éco-système dont la plupart des ressources naturelles ne sont
pas renouvelables, le pétrole en est l'exemple le plus célèbre. Cette réalité, reconnue par
tous depuis les travaux du Club de Rome, fait comprendre la nécessité d'une gestion large
de nos ressources et d'une approche globale. Le Développement durable est le premier

55
Cité par Ayotte.

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outil permettant ce type d'approche. Rappelons, en conclusion, que les vrais enjeux de
demain ne sont pas le lien entre la valeur de l'action et la performance environnementale
mais bien les grands thèmes que sont le changement climatique devenu une réalité (il a
plu au Pôle Nord en 1997), l'accès à la ressource en eau et son financement largement
insuffisant et la gestion du développement démographique de l'Asie. Le Développement
durable n'est que le cadre et un mode d'emploi possible pour permettre une évolution
raisonnée et qui évitera la dégradation de l'éco-système Terre. »
Pour éviter cette dégradation et tenir compte du lien qui existe entre la protection de
l’environnement et la situation socio-économique d’un pays, il est nécessaire sinon
obligatoire de mettre en place une réelle éthique de gestion, tant au niveau des État que
des multinationales, afin d’assurer un développement durable salutaire pour tous.

La nature même du système capitaliste qui met l’accent sur une concurrence sans limites,
la maximisation irraisonnée du profit, et la réduction drastique des coûts (et ce quel qu’en
soit l’impact social), constitue une « barrière structurelle fondamentale à l’adoption d’une
pratique éthique » (Ayotte, 1995).

L’approche traditionnelle des entreprises n’inclut pas une analyse complète des impacts
environnementaux de leurs activités; elle se limite à la simple soumission aux règles et
standards « imposés » par les pouvoirs publics et/ou leurs pairs56 (Welford, 1995)57.Une
comptabilité environnementale universelle et internationale poussera l’implantation d’un
nouveau code de conduite environnemental respectueux des principes du développement
durable permettant : « D’élever le niveau d’éthique environnementale dans les entreprises
et les industries. »

56
C’est le cas notamment dans le secteur de la pétrochimie, où les principales entreprises du secteur ont
mis en place le programme de « Gestion responsable » afin donner suite aux préoccupations du grand
public quant à la fabrication, à la distribution et à l'utilisation des produits chimiques, après le déversement
survenu à Bhopal, en Inde, en décembre 1984.
57
Cité par Ayotte.

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37
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Annexe 1
Chronologie du Développement durable 1972-2002
1972 1973 1975
La Conférence des
Nations Unies sur
l’Environnement a lieu
à STOCKHOLM sous
la direction de Maurice
STRONG. Elle trouve
Promulgation de la
ses racines dans les
Endangered Species Act CITES : Entrée en
problèmes de pollution
aux Etats-Unis en vue de vigueur de la
et des pluies acides en
mieux sauvegarder, au Convention sur le
Europe du Nord. Elle se
bénéfice de l’ensemble commerce international
traduit par la création
des citoyens, le des espèces de faune et
de nombreux
patrimoine naturel de flore sauvages
organismes nationaux
(poissons, faune et menacées d’extinction.
de protection de
flore).
l’environnement et par
la mise en œuvre du
Programme des nations
unies pour
l’environnement
(PNUE)

1976 1977 1979


Habitat : Première assemblée Adoption de la
mondiale visant à établir les Tenue de la conférence Convention sur la
liens entre l’environnement des Nations-Unis sur la pollution atmosphérique
et les établissements désertification transfrontière à longue
humains. distance

1981 1982 1983


La World Health L'Agence pour la
Assembly adopte à La Convention des Protection de
l’unanimité la Stratégie nations Unis sur le droit l'Environnement des
mondiale de la santé pour de la mer est adoptée. Etats-Unis et l'Académie
tous d’ici à l’an 2000. Elle établit des règles nationale des sciences de
Cette dernière affirme visant les normes ce même pays publient
que le principal objectif environnementales et des des rapports établissant
social des gouvernements dispositions d’application que l'augmentation des
et de l’OMS doit être en matière de pollution de dioxydes de carbone et
l’atteinte, pour toutes les l’environnement marin. des "gaz à effet de serre"
populations du monde, dans l'atmosphère
d’un niveau de santé leur provoquera un

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permettant de mener une réchauffement général.


vie productive au plan
économique et social

1984 1985 1985


Changement climatique :
La réunion en Autriche de
1984 : La Conférence
Gestion responsableMD l’Organisation
internationale sur
: Une initiative de météorologique mondiale,
l’environnement et
l’Association du PNUE et du conseil
l’économie est
canadienne des international des unions
organisée à l’initiative
fabricants de produits scientifiques élabore un
de l’OCDE. Elle
chimiques. Cette rapport sur
conclut que
dernière propose un l’accumulation du CO2 et
l’environnement et
code de conduite aux d’autres gaz responsables
l’économie doivent se
fabricants de produits de l’effet de serre dans
renforcer mutuellement.
chimiques, qui a été l’atmosphère. Les
La Conférence a aidé à
adopté par bon nombre participants prévoient,
l’élaboration de Notre
de pays. entre autres, le
avenir à tous.
réchauffement le la
planète.
1987 1987 1988
Le Protocole de
Montréal relatif à des
substances qui Comité consultatif sur le
appauvrissent la couche développement Les
d’ozone est adopté. membres du CCD issus Le Groupe d’experts
de l’OCDE intègrent des intergouvernemental pour
1987 La Convention de directives visant l’étude du changement
Bâle contrôle les trafics l’environnement et le climatique est créé afin
transfrontaliers de développement dans les d’évaluer les données
déchets dangereux et politiques d’aide scientifiques, techniques
interdit désormais bilatérale. et socio-économiques les
l'exportation des déchets plus à jouer dans le
des pays développés vers Publication du Rapport domaine.
les pays en "Notre avenir à tous"
développement en vue (Rapport Brundtland)
de leur entreposage
définitif.
1990 1992 1993

1990 : Le sommet des Sommet de la terre : La Première réunion de la

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nations Unies pour conférence des Nations Commission des Nations


l’enfance. Importante Unies sur Unies sur le
reconnaissance des l’environnement et le développement durable.
incidences de développement (CNUED)
l’environnement sur les a lieu à Rio, sous la La commission a été
générations à venir. direction de Maurice créée pour assurer un
STRONG. Parmi les suivi efficace des travaux
accords conclu dans le de la CNUED, améliorer
cadre du plan d’action 21, la coopération
on trouve la convention internationale et
sur la diversité rationaliser la capacité
biologique, la décisionnelle
Convention-cadre sur le intergouvernementale.
changement climatique,
la Déclaration de Rio, et
les Principes forestiers
non contraignants. La
Tribune mondiale des
ONG, qui se déroule
parallèlement à la
conférence, adopte des
accords alternatifs.
1993 1994 1995
L’Accord de libre-
Conférence mondiale sur
échange nord-américain
les droits de l’homme.
(ALENA) entre en L’organisation mondiale
Les gouvernements
vigueur. Un accord du commerce est créée.
réaffirment leurs
secondaire, l’Accord On marque ainsi la
engagements à l’égard
nord-américain de reconnaissance formelle
de l’ensemble des droits
coopération dans le des liens entre le
de l’homme. Nomination
domaine de commerce international,
du premier Haut
l’environnement, crée la l’environnement et le
Commissaire des
Commission de développement.
Nations Unies pour les
coopération
droits de l’homme.
environnementale (CCE).
1995 1995 1996

La quatrième Le Sommet mondial pour ISO 14001. La norme est


Conférence mondiale sur le développement social a adoptée officiellement à
les femmes a lieu à lieu à Copenhague titre de norme
Pékin (Chine). Les (Danemark). Pour la internationale volontaire
déléguées adoptent la première fois, la pour les systèmes de
Déclaration et la Plate- communauté gestion environnementale
forme d’action de Pékin. internationale prend des entreprises.
l’engagement d’éradiquer

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la pauvreté absolue.
1996 1997
Signature du Protocole
de Kyoto. Les délégués
de la troisième
conférence des parties
(COP-3) à la
Convention-cadre des
Assemblée générale de Nations Unies sur le
l’ONU. La séance changement climatique
extraordinaire rappelle signent le Protocole de
sobrement que peu de Kyoto. Le document
Le sommet des
progrès ont été réalisés engage les pays
Amériques sur le
dans la mise en œuvre industrialisés à réduire,
développement durable a
du Plan d’action 21 du entre 2008 et 2012, les
lieu à Santa Cruz
Sommet de la Terre. émissions totales de
(Bolivie). Les participants
L’Assemblée adopte le plusieurs gaz
tentent de cerner les
Programme de mise en responsables de l’effet
efforts conjoints
œuvre continue du Plan de serre d’au moins 5%
nécessaires à l’atteinte du
d’action 21, mais c’est la par rapport aux
développement durable
première réunion tenue émissions de 1990. On
dans l’hémisphère.
après celle de Rio qui se précise également
termine sans l’adoption l’échange des droits
de nouveaux d’émission, la
engagements importants. certification des
réductions d’émissions
des pays industrialisés et
un mécanisme pour un
développement sans
pollution des pays en
développement.
2002
Sommet mondial du
développement durable
de Johannesburg
(RIO+10)

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