2017_BAWA_archivage
2017_BAWA_archivage
2017_BAWA_archivage
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 2
Aux paysans d’Afrique Noire,
A mes parents,
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 3
" Nunyaa adidoe, asi me tunɛoo"
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 4
RESUME
Cette recherche porte sur les mutations paysagères et les stratégies foncières locales mises en
œuvre par les exploitants agricoles à la périphérie de la ville de Lomé au Togo. Elle s’appuie
sur une approche pluridisciplinaire qui intègre des questions sur la démographie, l’occupation
des sols, la marchandisation des terres et les perceptions des différents acteurs de ces espaces.
Des méthodes à la fois qualitatives et quantitatives sont mises en œuvre ; mobilisant des
données démographiques à l’échelle la plus fine, des images satellitaires sub-métriques, une
base de données sur les prix des terres, une série d’entretiens auprès d’informateurs-clé
impliqués dans le foncier et une enquête quantitative auprès d’un large échantillon d’exploitants
agricoles.
Les résultats montrent que les périphéries de la ville de Lomé se recomposent aujourd’hui dans
leur structure économique, leur organisation spatiale et leur tissu social. Cette recomposition
s’inscrit dans un mouvement général de croissance démographique forte, engagé depuis la
deuxième moitié du XXème siècle et qui se manifeste à la fois par l’augmentation rapide du
nombre de localités peuplées et par la croissance démographique des localités elles-mêmes.
Près de 15 nouvelles localités apparaissent chaque année dans cette petite région étudiée et le
nombre des localités de plus de 1000 habitants a augmenté de 80 à 168 entre 1970 et 2010.
Cette densification du peuplement est à la fois une cause et une conséquence de la course
effrénée à la terre qui est observée à la périphérie de Lomé. Les trois-quarts des transferts
fonciers sont maintenant monétarisés dans cet espace. Pourtant le marché foncier dynamique
demeure encore en grande partie informel et non régulé. Mais les acquisitions foncières sont
destinées en majorité à l’urbanisation (66 %). De fait la diminution rapide des terres agricoles
qui en résulte constitue un défi majeur pour l’agriculture, surtout périurbaine. Tous les ans, une
grande proportion des terres agricoles est convertie en bâti : 26 % dans les périphéries proches
de la ville de Lomé et 7 % dans les périphéries plus éloignées, notamment au-delà de 25 km. La
grande majorité des acquéreurs (93 %) réside dans des centres urbains proches et ces urbains
sont souvent des cadres de l’administration (24 %). L’offre en terres pour le logement, limitée
face à la forte demande, vient essentiellement de deux filières : la filière coutumière informelle
prédominante (77,5 %), et la filière privée formelle (22,5 %). Si la filière coutumière permet
aux ménages à faibles ou moyens revenues d’accéder à la propriété foncière, elle ne garantit pas
la sécurité de la tenure et les prix restent élevés par rapport au pouvoir d’achat des populations.
La structuration de ces filières d’approvisionnement en terre pour le logement sera déterminante
pour que l’urbanisation ainsi que le processus de peuplement contribuent à une croissance plus
inclusive et à une prospérité partagée et ne constitue pas une opportunité manquée.
Cette marchandisation des terres permet toutefois aux femmes, longtemps marginalisées par la
tenure foncière coutumière, d’accéder à la terre. Contrairement aux hommes, ces femmes
perçoivent la croissance urbaine comme une opportunité pour leur exploitation agricole et leurs
stratégies foncières visent au maintien de l’agriculture. Les femmes deviennent sans doute des
acteurs importants pour le maintien des activités agricoles dans ces espaces périphériques sous
tension autour des villes africaines.
MOTS CLÉS : Urbanisation, marché foncier, agriculture périurbaine, stratégies d’acteurs,
Lomé – Togo, Afrique de l’Ouest
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 5
SUMMARY
This research focuses on the transformation of suburban areas in the southern part of the
republic of Togo, and in particular on the transformation of rural areas around cities. It’s based
on multidisciplinary approach that take into consideration all questions on demography, land
occupation, land selling and the perceptions of different actors involve in those areas.
Qualitative and quantitative methods have been used to collect demographic and satellite data,
and to formulate a database on land market. Also, a series of interviews of key individuals
involved in land use plan and a quantitative survey of a large sample of farmers have been
conducted.
The results show that the economic, social and spatial transformations of suburban area of the
city of Lomé is part of a general movement of strong population growth under way since the
second half of the twentieth century and which is manifested both by the rapidly settlement and
population growth of the localities themselves. Nearly 15 new localities appear every year in
this small area and the number of localities with more than 1,000 inhabitants arose from 80 to
168 between 1970 and 2010. This intensification of settlement is both a cause and a
consequence of the rapid sale of land. Three-quarters of land transfers are now monetized in
this region. But this dynamic land market is still largely informal and unregulated. In fact the
rapid decrease of agricultural land is the main concern. Land acquisitions are indeed intended
mainly to urbanization (66 %). Every year, a large proportion of agricultural land is converted
to shelter: 26 % in the suburbs near the city of Lomé and 7 % in more remote peripheries,
especially beyond 25 km. The vast majority of buyers (93 %) reside in nearby urban centers and
these are often urban administrative managers (24 %). The supply of land for housing limited
by the high demand mainly comes from two streams: the customary informal sector (77.5%),
and the formal private sector (22.5%). If the customary sector allows households with low or
medium incomes to access to land, it does not guarantee security of tenure and prices remain
high relative to the purchasing power of the population. The structuring of these supply chains
will be important to urbanization and settlement processes in order to contribute to more
inclusive economic growth and shared prosperity and not a missed opportunity for agriculture.
However, this land market, allows women – long marginalized by customary land tenure –
access to land. Unlike men, women perceive urban growth as an opportunity for their farms and
their land strategies aimed at maintaining suburban agriculture. Women become undoubtedly
important players for the maintenance of agricultural activities in the suburban areas around
African cities.
KEY WORDS: urbanization, land market, suburban agriculture, strategy, Lomé – Togo, West
Africa
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 6
REMERCIEMENTS
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 8
TABLE DES MATIERES
RESUME ...................................................................................................................................................... 5
SUMMARY .................................................................................................................................................. 6
REMERCIEMENTS ....................................................................................................................................... 7
TABLE DES MATIERES ................................................................................................................................. 9
LISTE DES CARTES ..................................................................................................................................... 12
LISTE DES FIGURES.................................................................................................................................... 13
LISTE DES GRAPHIQUES ............................................................................................................................ 14
LISTES DES PLANCHES............................................................................................................................... 16
LISTE DES TABLEAUX ................................................................................................................................ 18
INTRODUCTION GÉNÉRALE ...................................................................................................................... 20
Peuplement, urbanisation et agriculture en Afrique Subsaharienne : une question continuellement
renouvelée ........................................................................................................................................... 23
Villes d’Afrique de l’Ouest : entre modernité et maintien des espaces ruraux ................................... 25
Etudier les mutations des périphéries des villes africaines ................................................................. 26
La question de la conservation des espaces naturels et agricoles ................................................... 28
La question foncière et de la marchandisation des terres ............................................................... 29
Nécessité d’une approche multidisciplinaire ................................................................................... 30
Problématique et positionnement de la thèse .................................................................................... 31
Structuration du manuscrit de thèse ................................................................................................... 34
PARTIE I : CADRE D’ÉTUDE, CONCEPTS, DONNÉES ET MÉTHODES MOBILISÉS........................................ 36
Chapitre 1 : La Région Maritime du Togo............................................................................................. 37
1.1 Une région densément peuplée ................................................................................................. 38
1.2 Organisation administrative et économique.............................................................................. 38
1.3 Les conditions physiques du milieu ............................................................................................ 41
Chapitre 2 : Concepts, données et démarches méthodologiques ....................................................... 45
2.1 Concepts mobilisés ..................................................................................................................... 45
2.2 Données et méthodes utilisées .................................................................................................. 48
PARTIE II : L’ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DE LA RÉGION MARITIME DU TOGO DEPUIS 40 ANS ........ 72
CHAPITRE 3 : Densification du peuplement et émergence urbaine dans la Région Maritime ............ 74
3.1 Apparition et disparition de localités ......................................................................................... 74
3.2 Principaux foyers de peuplement .............................................................................................. 76
3.3 Évolution démographique des localités recensées .................................................................... 80
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 9
3.4 Distribution spatiale de la population à l’échelle locale ............................................................ 85
3.5 Émergence de petites villes ........................................................................................................ 87
3.6 La polarisation de l’espace régional ........................................................................................... 93
CHAPITRE 4 : Emprises urbaines anciennes et formation de nouveaux territoires urbains ................ 98
4.1 Une « frontière de l’urbain » floue et insaisissable.................................................................... 98
4.2 Etalement des périphéries de la métropole « Lomé » et des villes secondaires anciennes .... 102
4.3 Émergence de nouveaux espaces urbains par coalescence de localités rurales ..................... 106
4.5 La région Maritime du Togo à l’épreuve de la course à la terre .............................................. 109
PARTIE III : MARCHÉ FONCIER, ACTEURS ET FILIÈRES D’APPROVISIONNEMENT EN TERRES POUR LE
LOGEMENT ............................................................................................................................................. 110
Chapitre 5 : Le marché foncier en Région Maritime .......................................................................... 113
5.1 Le Régime foncier Togolais ....................................................................................................... 114
5.2 Les modes d’appropriation foncière ........................................................................................ 116
5.3 La marchandisation des terres ................................................................................................. 117
5.4 Les déterminants des prix des terres ....................................................................................... 128
5.5 Marché foncier et peuplement – discussions .......................................................................... 142
Chapitre 6 : Filières d’approvisionnement en terre et principaux acteurs du marché foncier.......... 148
6.1 Distribution spatiale des transferts fonciers ............................................................................ 150
6.2 Lieu de résidence des accédants à la propriété foncière ......................................................... 151
6.3 Deux filières d’approvisionnement en terres pour le logement .............................................. 152
6.4 Secteurs d’activité des cédants et des acheteurs de terres ..................................................... 158
6.5 Profil socioprofessionnel des accédants à la propriété foncière ............................................. 159
6.6 Part des femmes dans le marché foncier ................................................................................. 161
6.8 Une hypothétique régulation du marché foncier .................................................................... 163
Discussion ....................................................................................................................................... 165
PARTIE IV : TRANSFORMATIONS PAYSAGÈRES, PERCEPTIONS DES RISQUES ET STRATÉGIES DES
ACTEURS AGRICOLES .............................................................................................................................. 166
Chapitre 7 : Transformations paysagères dans les périphéries de Lomé .......................................... 168
7.1 Diversité des structures paysagères et des changements d’usage .......................................... 169
7.2 Effet structurant du réseau routier sur le processus d’urbanisation ....................................... 181
7.3 La fragmentation des paysages ................................................................................................ 184
Chapitre 8 : Perceptions des risques et stratégies des exploitants agricoles .................................... 190
8.1 La croissance urbaine perçue par les hommes comme une menace directe pour l’agriculture
........................................................................................................................................................ 192
8.2 La croissance urbaine perçue par les femmes comme une opportunité pour l’agriculture .... 193
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 10
8.3 Discussion ................................................................................................................................. 198
CONCLUSION GENERALE ........................................................................................................................ 200
Poser le bon diagnostic : un préalable, dans un contexte aussi complexe et dynamique................. 200
L’intérêt du géoréférencement des données de recensement pour analyser la structure du
peuplement ........................................................................................................................................ 201
Un processus d’urbanisation in situ très actif dans les campagnes ................................................... 201
L’émergence de la marchandisation des terres dans les espaces périphériques .............................. 202
Réguler l’accès à la terre : un préalable à la maitrise des processus de peuplement et d’urbanisation
............................................................................................................................................................ 203
Vers un maintien des terres agricoles dans les périphéries des villes du Sud-Togo .......................... 204
ANNEXES................................................................................................................................................. 207
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 215
TABLE DES ACRONYMES ......................................................................................................................... 237
Résumé pour tout public ........................................................................................................................ 239
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 11
LISTE DES CARTES
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 12
LISTE DES FIGURES
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 13
LISTE DES GRAPHIQUES
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 14
Graphique 18: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot-1) selon la disponibilité
du réseau d’adduction d’eau et d’électricité ..................................................................138
Graphique 19: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot-1) selon la nature de
propriétaire terrien ..........................................................................................................139
Graphique 20: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot-1) en fonction du niveau
de scolarisation du propriétaire terrien ...........................................................................140
Graphique 21: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot-1) en fonction du secteur
d’activité du cédant de la parcelle ..................................................................................140
Graphique 22: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot-1) selon le niveau de
certification foncière des parcelles .................................................................................141
Graphique 23: Proportion de parcelles selon la tenure foncière (%) et la distance au
centre-ville de Lomé ......................................................................................................147
Graphique 24: Filière coutumière d’approvisionnement en terres dans la Région
Maritime du Togo. .........................................................................................................154
Graphique 25: Filière privée d’approvisionnement en terres dans la Région Maritime du
Togo. ..............................................................................................................................157
Graphique 26: Système d’approvisionnement en terres dans la Région Maritime du
Togo. ..............................................................................................................................158
Graphique 27: Profil socioprofessionnel des acquéreurs non agricoles ........................160
Graphique 28: Répartition des acheteurs par classes d’âge (ans) ..................................161
Graphique 29: Positionnement souhaité de l’Etat dans l’approvisionnement en terres 164
Graphique 30: Répartition des exploitants ‘hommes’ par classes d’âge (ans) ..............192
Graphique 31: Evolution des surfaces cultivées (%) entre 2000 et 2015, et projections à
2030. ...............................................................................................................................195
Graphique 32: Perceptions, stratégies foncières et motivations des exploitants agricoles
........................................................................................................................................199
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 15
LISTES DES PLANCHES
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 17
LISTE DES TABLEAUX
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 18
Tableau XXI : Changement d’usage des terres et évolution des surfaces entre 2002 et
2012 sur le site III ..........................................................................................................176
Tableau XXII : Changement d’usage des terres et évolution des surfaces entre 2002 et
2012 sur le site IV ..........................................................................................................178
Tableau XXIII : Perception de la croissance urbaine par les exploitants agricoles. ......191
Tableau XXIV : Diversités des stratégies après-vente des hommes..............................193
Tableau XXV: Diversité des stratégies pour les exploitants considérant la pression
urbaine comme une opportunité .....................................................................................194
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 19
INTRODUCTION GÉNÉRALE
L’urbanisation des pays d’Afrique de l’Ouest fait partie des grands changements de ces
dernières décennies. Elle se produit dans les zones de peuplement historiquement denses
(Courtin & Guengant, 2011; Losch et al., 2013) et prend parfois la forme de larges aires
urbanisées assimilables à des métropoles (Dakar, Lagos, Abidjan, Cotonou, Lomé,
Accra) en croissance continue (Davis, 2006; Denis et al., 2008) ; voire de conurbations
de dimension régionale, comme celle qui se dessine actuellement entre Abidjan et Lagos
(Baro et al., 2014). Partout, les villes s’étalent en absorbant les campagnes, toujours plus
vastes, toujours plus éloignées des centres urbains anciens ou récents. Elles recomposent
les espaces ruraux périphériques et de fait, elles mettent en question la durabilité de
l’agriculture dans ces espaces. L’urbanisation des terres agricoles met donc au-devant de
la scène le devenir de l’agriculture dans ces espaces périphériques. Freiner le rythme de
consommation des terres agricoles à la périphérie des villes est devenu un défi majeur
(Levesque, 2014) et un objectif des réglementations récentes (African Union, 2009).
Toutefois, la formulation de politiques efficaces pour s’attaquer à ce problème requiert
une compréhension en profondeur du contexte d’urbanisation, notamment des
dynamiques de peuplement, les logiques d’accès à la terre et les stratégies des acteurs
agricoles.
L’agriculture est très présente dans les espaces périphériques des villes d’Afrique de
l’Ouest (Pélissier, 2000). Il suffit de visualiser les images sur Google Earth, ou mieux
encore de se promener autour et dans ces villes, pour se rendre compte de la place de
l’agriculture dans ces périphéries urbaines. Cultures maraîchères, champs de maïs ou de
manioc, ou plantations de tecks, de palmiers à huile ou de cocotiers, forment une
mosaïque d’occupations des terres qui révèle des logiques et des stratégies parfois très
différentes face à l’urbanisation, et des modalités complexes de coexistence entre les
villes et les espaces agricoles. L’agriculture de ces espaces a souvent été niée ou oubliée
par les politiques publiques, bien qu’elle contribue au développement économique local
(Robineau, 2013). Les productions agricoles périurbaines représentent même un enjeu
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 20
important pour la sécurité alimentaire de ces pays, en offrant un approvisionnement des
centres urbains en produits frais (Guyomard & Schmitt, 2014).
Pour aborder cette problématique générale, j’ai choisi d’étudier les mutations à la
périphérie des villes du Sud Togo, mon pays. Cette orientation vers le développement
agricole et rural, et ses réalités environnementales et sociales, a fait basculer ma vie
professionnelle qui était au départ axée sur la recherche biologique. J’ai quitté les
stations d’expérimentation pour devenir un compagnon de route des géographes ruraux.
Mon mémoire de fin d’études de DEA à l’université de Lomé (Togo) m’avait permis de
travailler avec le ‘Laboratoire de Botanique et Ecologie Végétale’ (LBEV) sur les forêts
de mangroves1 où toute activité agricole était bannie. Je n’avais analysé ces espaces que
comme des réservoirs de biodiversité. Dans cette première expérience de recherche,
l’agriculture et la préservation des ressources naturelles apparaissaient incompatibles et
inconciliables au sein d’un même espace. Pourtant, c’est à travers l’analyse des
pratiques des acteurs locaux et la compréhension de leurs logiques d’utilisation de
l’espace qu’il semble possible de mettre en évidence les mécanismes importants, qui
entravent la coexistence entre ville et agriculture, et proposer un éclairage sur ce qui
pourrait être fait pour rétablir le lien entre urbanisation et développement de
l’agriculture. Cette approche m’a permis de mettre en évidence les conditions complexes
de la durabilité de l’agriculture à proximité d’espaces urbains en mutation rapide et les
différentes stratégies d’adaptation des agriculteurs face à cette rapide urbanisation. En
prenant l’exemple du Sud Togo, l’analyse met aussi en évidence des enjeux de
gouvernance foncière qui sont pertinents pour les autres villes du Golfe de Guinée.
Notre recherche se situe dans un contexte scientifique où les recherches sur les
agricultures et les mutations des périphéries des villes du Sud sont en plein essor (Ba &
Moustier, 2010; Chaléard, 2014; François et al., 2013; Maachou & Otmane, 2016). Elle
s’appuie sur ces très nombreuses références bibliographiques, mais aussi sur de longs
séjours sur le terrain auprès des acteurs agricoles qui m’ont permis d’appréhender les
multiples facettes de mes questionnements et de les confronter à la réalité. Pour aborder
1
Les mangroves sont des écosystèmes forestiers couvrant près des trois quarts des côtes tropicales, où leur capacité à s’adapter leur permet de
prospérer dans des estrans soumis aux variations des courants marins, des flux sédimentaires et de la salinité. Leur surface s’est réduite de 30 %
au cours des trois dernières décennies, et elle continue de régresser au rythme inquiétant de 1 à 2 % par an, principalement en raison de
l’extension des activités agricoles.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 21
cette réalité du terrain, je n’étais pas, il est vrai, plongé dans un monde tropical qui
m’était étranger. Je suis intrinsèquement lié au terroir ouest-africain et mon travail de
terrain a été réalisé sur cette terre qui m’a vu naitre et grandir.
De fait, j’espère par cette recherche faire œuvre utile pour mon pays car, comme l’a
souligné Teyssier (1994), « trop nombreux sont les travaux de géographes qui
aboutissent, quelle que soit leur qualité, sur les étagères des bibliothèques spécialisées.
Ils seront lus par des géographes en herbe qui, à leur tour, produiront des
connaissances dont le support nourrira les échanges au sein de la communauté
scientifique et viendra s’échouer sur les rayons des mêmes bibliothèques ». Certes ma
recherche ne sera d’aucun secours direct aux producteurs agricoles des périphéries
urbaines. Mais elle devrait contribuer à une meilleure connaissance des processus en jeu
et des stratégies des acteurs pour élaborer à l’avenir des politiques publiques qui soient
mieux adaptées à ces espaces en mutation. Et au-delà du travail de recherche
scientifique, le partage avec les experts encadrants de mon projet, les producteurs
agricoles et les collectivités territoriales de la région sont des acquis non mesurables
mais d’une très grande valeur.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 22
Peuplement, urbanisation et agriculture en Afrique Subsaharienne : une question
continuellement renouvelée
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 24
Villes d’Afrique de l’Ouest : entre modernité et maintien des espaces ruraux
Une opposition est souvent mise en évidence entre la ville et la campagne en Afrique de
l’Ouest. Géographes et urbanistes perçoivent cette opposition surtout en termes de
changements spatiaux, démographiques et économiques (Wackermann, 2000). Mais là
où la ville africaine s’installe, les pratiques du monde rural perdurent souvent (Mayer &
Soumahoro, 2010). Cette complexité constitue en soi une ambiguïté avec laquelle les
urbanistes et les planificateurs urbains composent tant bien que mal. Cette particularité
de la ville africaine en fait un objet d’étude à part puisque son développement ne suit
pas les théories et les modèles classiques de géographie urbaine inspirés des villes du
Nord (Bardet, 1974; Dureau et al., 2000; Dureau & Lévy, 2007; Myers, 2011; Simon et
al., 2004). Les paysages urbains dans la plupart des villes africains reflètent l’échec des
diverses formes de réappropriation africaine du modèle urbain colonial (Goerg & Goeh-
Akue, 2004; Goerg & Huetz de Temps, 2002). Ils trahissent l'incapacité des pouvoirs
publics à maîtriser une extension urbaine qui est pour l'essentiel le fruit de l'initiative
privée, "productrice" de quartiers périphériques sous-équipés où les conditions de vie
sont souvent difficiles (Drechsel & Dongus, 2010; Goerg, 2003). Ainsi la ville africaine
porte quelquefois une ‘marque rurale’ caractérisée par certaines activités agricoles
(Robineau et al., 2014) et quelques îlots de forêts sacrées traditionnelles (Kokou et al.,
1999).
Mais d’Abidjan à Lagos, toutes les grandes villes du Golfe de Guinée suscitent des
interrogations quant au maintien des activités agricoles dans les périphéries de ces villes
en expansion. Dans les périphéries d’Accra, 2 600 hectares de terres agricoles sont
converties annuellement en zones résidentielles (Larbi, 1996). Au fur et à mesure que
ces villes africaines s’étendent, la demande accrue pour la terre met la pression sur les
accords fonciers, souvent des dispositions coutumières sans aucun lien avec les
institutions officielles (Dauvergne, 2011). Les droits fonciers s’individualisent, en
rupture avec le mode d’accès traditionnel à la terre, au profit d’une marchandisation de
la terre dont le mécanisme fonctionnel et les déterminants du prix ne sont pas maîtrisés
(Mbetid-bessane, 2014). Dans ce contexte, le ‘moderne’ et le ‘traditionnel’ se combinent
souvent en réalité, engendrant des formes d’organisation de l’espace et des rapports
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 25
sociaux qui sortent des cadres d’analyse utilisés pour les villes du Nord. La
configuration spatiale de ces villes reflète ces mélanges du rural et du l’urbain, du
formel et de l’informel, les résultats de la densification du peuplement et de l’échec des
pouvoirs publics dans la planification urbaine, et le rôle du privé dans l’appropriation
des terres agricoles au profit de l’urbain. Saisir la dynamique de toutes ces composantes
pour mieux comprendre la recomposition des paysages ruraux sous la pression urbaine
et les stratégies des acteurs locaux apparait comme une nécessité pour élaborer des
politiques publiques adaptées à ce contexte ouest-africain. Dans ce sens, les villes du
Sud du Togo et leurs espaces périphériques constituent un véritable laboratoire social,
économique et environnemental pour comprendre les processus qui génèrent l’urbain et
pour se projeter dans l’avenir des espaces ruraux périphériques.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 26
devoir dorénavant composer avec d'autres formes d'usages du sol, d'autres logiques...
liées le plus souvent, directement ou indirectement à l'expansion urbaine.
Entre campagnes agricoles et villes, naissent ces espaces, difficiles à qualifier, à cerner
dans leurs caractéristiques et leurs dynamiques. Pour l’essentiel, c’est au sein de ces
espaces périphériques aux contours flous que sont accueillis les nouveaux urbains
(Mirloup, 2002). Le poids démographique de ces espaces est important, allant jusqu’à
égaler ou dépasser parfois celui de la ville autour de laquelle ils gravitent. Dans les
quatre villes ouest africaines que sont Lomé, Cotonou, Ouagadougou et Bamako, les
périphéries urbaines concentrent plus de la moitié de la population (Planche 1).
100 100
100 100
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 27
L’urbanisation de ces espaces périphériques apparaît comme la forme essentielle de
croissance des villes ouest-africaines. Partout elle se manifeste par un étalement du bâti
qui repousse à des distances parfois importantes du centre urbain les limites de la ville
(Bauer & Roux, 1976; Coutard et al., 1996). La ville de Lagos au Nigéria avec 42 km
dans son axe sud-est nord-ouest, Conakry avec près de 40 km dans l’axe de la
presqu’île, Douala avec 35 km dans le sens Est-Ouest ou Lomé avec 23 km vers l’est,
sont autant d’exemples qui illustrent l’ampleur de l’extension spatiale des villes sur les
espaces ruraux périphériques. Ces étalements urbains posent de nombreuses questions et
défis sur lesquels il est crucial de se pencher :
L’étalement urbain est consommateur de terres (Benoit-Cattin, 2008; Cattan & Berroir,
2005). Il empiète sur les espaces agricoles et naturels, et il constitue des menaces :
diminution des productions agricoles, constructions en zones inondables ou
appauvrissement des réserves en eau (Geyer et al., 2011). C’est un phénomène qui
interpelle depuis longtemps les chercheurs (Felli, 1986; Guyomard & Schmitt, 2014;
Potere & Schneider, 2007) et les décideurs. A Cape Town, en Afrique du Sud, les
autorités métropolitaines tentent de contrôler l’étalement urbain en fixant des limites à
l’urbanisation. Cependant, les pouvoirs publics continuent d’accepter des projets
immobiliers sur des terres agricoles au-delà de ces limites. Ce cas n’est pas isolé et il se
retrouve dans de nombreuses villes d’Afrique subsaharienne où l’expansion rapide des
villes constitue un défi de taille. Elle repose principalement sur un accès informel à la
terre (Chauveau et al., 2006). Plus de 60% de la population urbaine dans les villes
d’Afrique subsaharienne vit aujourd’hui dans des bidonvilles ou des quartiers informels.
Cette expansion informelle des villes crée à son tour des difficultés majeures pour la
planification urbaine, la fourniture d’infrastructures et la protection des terres agricoles
périurbaines. L’agriculture reste certes l'activité principale dans les espaces
périphériques, mais la conversion des terres se fait à un rythme très rapide, et la
population augmente vite.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 28
Pourtant, la ville est le principal moteur de développement de l’agriculture dans ces
espaces périphériques. Elle a une forte demande alimentaire et elle favorise la mobilité
des produits (Moustier et al., 2004). Beaucoup d’urbains contribuent même à la
modernisation de l’agriculture par l’introduction de matériels agricoles, de semences
améliorées et de nouvelles techniques (Dubresson & Raison, 2002). De plus, une part
importante des urbains, particulièrement ceux des villes secondaires, vit essentiellement
de l'agriculture (Delamarche, 2007; Kanda et al., 2009; Koc et al., 2000). Certes ces
populations sont pauvres et exclues du secteur tertiaire, et l’agriculture reste pour elles
un moyen de subsistance (Aubry et al., 2008; Olahan, 2010). Mais l’agriculture peut être
aussi un investissement lucratif pour des populations urbaines disposant de moyens
financiers importants (Lee-Smith, 2011). Ces espaces agricoles et naturels à proximité
des villes africaines doivent de fait être préservés pour leurs multiples fonctions (Aubry
et al., 2012). Pour relever ce défi, l’analyse de ces espaces périphériques doit donc
prendre en compte la marchandisation des terres fortement marquée par le manque de
gouvernance foncière, notamment les défaillances en matière de gestion et
d’administration.
L’urbanisation des espaces périphériques des villes africaines a pour conséquence une
augmentation de la rente foncière qui est elle-même un facteur de disparition de
l’agriculture (Léonard, 2008). Nombreux sont les travaux qui portent sur l’accès au
foncier et sur sa régularisation en Afrique (Dziwonou, 2000; Lecat, 2004; Levesque,
2008; Pescay, 1998a). Mais peu sont les analyses qui traitent des interactions entre le
processus d’urbanisation et le marché foncier africain (Cavailhès & Wavresky, 2003;
Dumas et al., 2005; Swinnen et al., 2008) alors que le foncier est une contrainte majeure
pour l’agriculture des périphéries urbaines et cristallise des stratégies d’acteurs diverses
et complexes. Les différentes procédures de mises à disposition de terres pour un usage
résidentiel sont complexes, couteuses et souvent opaques. Les marchés fonciers
connaissent des distorsions et n’assurent pas une allocation sécurisée de la terre. Pour la
majorité de la population, surtout pour les classes pauvres et moyennes, l’accès à la terre
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 29
devient de plus en plus difficile et les conflits fonciers omniprésents. Tous ces éléments
renforcent les inégalités, menacent la stabilité sociale et politique et génère un
environnement peu propice aux investissements. S’attaquer aux problèmes fonciers sera
déterminant pour que l’urbanisation de l’Afrique de l’Ouest contribue à une croissance
plus inclusive et à une prospérité partagée et ne constitue pas une opportunité manquée.
Pour ce faire, il faut une approche pluridisciplinaire.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 30
Figure 1: Approche multidisciplinaire des mutations des périphéries urbaines au
Sud du Togo
Le recul des terres agricoles et des espaces naturels sous la pression de l’étalement
urbain est généralisé. Ce processus, lié à l’augmentation de population urbaine, est le
plus souvent présenté négativement en faisant référence à la thèse ancienne de Malthus
(1798), largement partagée dans la communauté scientifique (Guyomard et al., 2012;
Guyomard & Schmitt, 2014; Levesque, 2014). L’intensité de la pression urbaine sur les
terres agricoles varie toutefois d’une région du monde à une autre et d’un pays à un
autre.
Dans les pays du Nord, l’urbanisation s’est déroulée sur des dizaines d’années et elle
s’est accompagnée de politiques publiques qui ont permis de faire face aux problèmes
de gouvernance territoriale, d’occupation des terres et de mutations sociales (Le Jeannic,
1997; Tafani, 2011). L’urbanisation des pays du Sud est plus récente mais elle se
déroule à un rythme sans précédent du fait de la dynamique démographique interne aux
villes et de la migration des populations rurales vers les centres urbains. Ces pays se
trouvent confrontés au dilemme de concilier les impératifs de satisfaction des besoins
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 31
vitaux en alimentation et en logement de leurs populations (Bricas & Seck, 2004;
Guyomard & Schmitt, 2014).
Le Togo, à l’instar des autres pays du Golfe de Guinée (Nigéria, Bénin, Ghana, Côte
d’Ivoire), connaît une croissance urbaine rapide (Graphique 1). La part de la population
urbaine dans la population totale y est passée de 10,1 % en 1960 à plus de 40 % en
2015. A ce rythme plus de la moitié de la population togolaise sera urbaine à l’horizon
2030. En outre, l’ensemble de la population togolaise est inégalement répartie sur
l’ensemble du territoire et la Région Maritime concentre à elle-seule 42 % de la
population totale sur un dixième de la superficie du pays. La densité de la population
dans cette région atteint 407 habitants au km2 (République du Togo, 2011) et le processus
d’urbanisation y est particulièrement fort, en particulier autour de la capitale Lomé.
50
40
(%)
30
20
10
0
1982
2016*
1960
1962
1964
1966
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
Mon étude porte sur cette Région Maritime du Togo qui est représentative des
dynamiques d’urbanisation observées par de nombreux auteurs sur le littoral du Golfe
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 32
de Guinée, depuis la Côte d’Ivoire jusqu’au Nigéria (Allen et al., 2011; Banque
Mondiale, 1989; Beaujeu et al., 2011; Coquery-Vidrovitch, 1990; Delamarche, 2007;
Moriconi-Ebrard, 1993). Dans cette région du Togo, les villes anciennes (Lomé, Tsévié
et Aného) et nouvelles (Afagna, Djagblé, Adétikopé) s’étalent très rapidement, et elles
exercent une pression forte sur leurs espaces périphériques. La population dans l’espace
rural situé entre ces villes se densifie, le paysage devient une mosaïque complexe et
confuse d’occupations des terres, et des conflits fonciers émergent, où le formel et
l’informel se superposent.
Les terres agricoles des espaces périurbains et ruraux de cette région peuvent être
considérées comme des ‘espaces de transition’, en attente d’être affectées à d’autres
usages qu’agricoles. Notre sujet de recherche va s’articuler autour des trois dimensions
des dynamiques en cours dans ces espaces : la démographie, l’occupation des sols et la
pression foncière. Mais il vise aussi à évaluer la perception des risques et les stratégies
des différents acteurs vis-à-vis du processus d’urbanisation. Notre questionnement
principal est le suivant : « comment, sous l’effet de l’urbanisation de la Région Maritime
du Togo, évoluent les espaces et les sociétés agricoles des périphéries urbaines » ?
L’hypothèse centrale qui nous sert de fil directeur est que les périphéries des villes du
Sud Togo sont en mutation sous l’effet de la densification du peuplement mais aussi de
la marchandisation des terres, et que les exploitants agricoles adaptent leurs stratégies
face à ces pressions. L’objectif général est donc de mieux comprendre les mutations en
cours de ces espaces périphériques et les stratégies des acteurs locaux en réponse au
processus d’urbanisation. Plus spécifiquement, il est question dans cette thèse de :
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 33
Structuration du manuscrit de thèse
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 34
habités dans la région, à l’inventaire des prix des terres et aux enquêtes de terrain que
j’ai mené auprès des exploitants agricoles des périphéries urbaines.
La troisième partie caractérise le marché foncier et ses interactions avec les dynamiques
urbaines. Le régime foncier, l’évolution des modes d’appropriation foncière, les
déterminants des prix des terres, la distribution spatiale de ces prix et leur évolution dans
le temps sont présentés (Chap. 5). Cette partie est complétée par l’identification des
acteurs impliqués dans la marchandisation des terres, le rôle des pouvoirs publics et la
caractérisation des filières d’approvisionnement en terre pour le logement (Chap.6).
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 35
PARTIE I : CADRE D’ÉTUDE, CONCEPTS,
DONNÉES ET MÉTHODES MOBILISÉS
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 36
Chapitre 1 : La Région Maritime du Togo
La Région Maritime du Togo est une région de taille modeste (6390 km2, soit un peu
plus que le département de l’Hérault en France), bénéficiant d’une ouverture sur l’océan
atlantique avec 50 km de côtes. Depuis plus de 20 ans, le laboratoire de Botanique et
Ecologie Végétale de l’Université de Lomé (Togo), d’où je suis issu, y conduit des
travaux sur les reliques d’îlots forestiers sacrés (Akpagana & Bouehet, 1994; Kokou,
1998; Kokou et al., 1999), les savanes inondables et les mangroves (Afidégnon, 1999),
et la résilience des écosystèmes dégradés (Batawila, 1997; Tengué, 1994). Ce
laboratoire est historiquement orienté vers l’écologie fonctionnelle et l’étude de la
biodiversité des espaces ruraux et naturels. Il est actuellement en pleine réorientation et
s’ouvre sur de nouveaux champs d’investigation tels que la foresterie urbaine (Kokou et
al., 1999; Polorigni et al., 2014), la valorisation de la biodiversité végétale (Akodéwou
et al., 2014; Akpavi, 2007; Batawila et al., 2007) et l’agro-biodiversité des espaces
agricoles urbains et périurbains (Batawila, 1997; Kanda et al., 2013, 2009). Cette thèse
s’inscrit dans cette dynamique et ma collaboration avec ce laboratoire m’a facilité
l’accès à ses travaux sur la zone d’étude et à des bases de données (recensements
démographiques, statistiques agricoles…) détenues par des institutions partenaires de
l’Université de Lomé (DGSCN, DESA, ITRA, ICAT, Mairies…).
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 37
1.1 Une région densément peuplée
La Région Maritime reste la plus peuplée et la plus urbanisée des cinq régions
administratives que compte le pays (Tableau I).
Elle concentre à elle seule 42% de la population totale sur environ un dixième (1/10) de
la superficie du pays. Viennent ensuite la Région des Plateaux (22,2 %), la Région des
Savanes (13,4 %), la Région de la Kara (12,4 %) et la Région Centrale (10 %). C’est
aussi la seule région où le nombre d’urbains devance de loin celui des ruraux et la
population urbaine de la Région Maritime représente 69 % de l’ensemble des urbains du
Togo. L’armature urbaine de cette région est dominée par la ville de Lomé, capitale
économique et politique du Togo.
Le Togo est un petit pays d’Afrique de l’Ouest qui est assimilé à un corridor s’étirant
sur 600 km entre l’Océan Atlantique au sud et le Burkina Faso au nord. Sa largeur varie
de 50 km à 150 km entre le Bénin à l’Est et le Ghana à l’Ouest. Il est grossièrement
réparti en deux systèmes de plaines, un au Nord et un au Sud, séparés par un ensemble
de plateaux centraux, dont le massif de l’Atakora qui prend en écharpe le pays. Selon
une formule de Cornevin (1988), le Togo représente « toute l’Afrique en 600 kilomètres
».
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 38
Carte 1: Présentation de la zone d’étude : la Région Maritime
Sur le plan administratif, la Région Maritime (Carte 1) se compose de sept (07)
préfectures (Bas Mono, Golfe, Lacs, Vo, Yoto, Avé, Zio), 71 cantons (ou communes),
5025 localités dont 526 villages et 5 villes officiellement reconnues (Lomé, Aného,
Vogan, Tsévié, Tabligbo). Comme c’est le cas dans les autres régions du Togo, son
organisation administrative a évolué au cours des 50 dernières années (Planche 2),
passant de 4 préfectures en 1960 à 7 préfectures en 2010. Cette évolution continue
puisqu’une huitième préfecture (Agoé) dont les contours sont encore flous, vient d’être
créée en mars 2016. Au travers de ces redécoupages administratifs, l’objectif des
autorités est de créer des unités administratives territoriales de plus petite taille, tant du
point de vue de leur superficie que de leur population, et de les rendre plus facilement
‘gouvernables’. Mais cette transformation administrative ne suit pas les changements
démographiques et socioéconomiques du territoire, et crée parfois un décalage entre le
niveau de peuplement et de concentration de richesses d’un territoire et son statut
administratif.
La Région Maritime, tout comme l’ensemble du pays, a été soumise jusqu’à une époque
très récente à une gestion administrative relativement centralisée. Ce n’est qu’en 2010
qu’un maillage systématique de l’ensemble du territoire en cantons a été réalisé en vue
d’une réorganisation du territoire en communes rurales et urbaines. Mais pour le
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 40
moment, les chefferies traditionnelles des villages et cantons se maintiennent et
coordonnent la vie politique locale des différents territoires.
Les sols sont le plus souvent argilo-sableux et de couleur rouge : ils sont appelés
localement ‘terres de barre’. Les aptitudes culturales des terres de barre sont très bonnes.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 41
Elles ont une bonne structure et un niveau de fertilité qui les classe parmi les meilleurs
d’Afrique de l’Ouest (Lamouroux, 1969). Leur pH varie de 6 en surface à 5 en
profondeur, et leur taux de matière organique varie en fonction du couvert végétal de 5
% sous forêt à 0,5 % sous culture. Les bases échangeables de ces sols sont généralement
assez faibles (de 2 à 5 meq / 100g), avec des taux de saturation de 25 à 40% et pouvant
aller jusqu’à 80%. Dans cet ensemble pédologique, l’évolution morphologique a isolé
une série de plateaux de terres de barres séparés par des dépressions correspondant aux
vallées des principaux cours d’eau et aux bas-fonds non drainés dont le plus
caractéristique est celui de la Lama, orienté SWW-NNE entre la vallée du fleuve Haho
et du Mono (Carte 2). Cette opposition entre plateaux et vallées serait l’élément majeur
qui détermine l’occupation humaine de la région d’après Gu-Konu (1986).
La dépression de Lama offre des sols riches en argiles et en matières organiques, mais
ils sont mal drainés et particulièrement difficiles à travailler. Les plaines alluviales,
souvent hydromorphes et soumises à des inondations saisonnières, présentent les mêmes
inconvénients. Sur le cordon littoral et dans la zone lagunaire, la texture des sols est une
contrainte forte avec soit beaucoup trop de sables, soit un excès d’argiles aggravé dans
ce cas par une forte hydromorphie dans les zones lagunaires et par la proximité de la
nappe phréatique.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 42
Carte 2: Caractéristiques physiques de la Région Maritime
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 43
l’embouchure de Ouidah au Bénin. Tous ces cours d’eau ont des débits très variables : le
Zio peut passer de 3 m3/s en période de crue à 0,30 m3/s en période d’étiage. Les mêmes
irrégularités caractérisent le Haho et le Mono dont les étiages sont faibles mais qui
peuvent avoir des crues abondantes et parfois dévastatrices.
Du point de vue climatique, la Région Maritime est située dans une des zones les plus
arrosées du pays, la pluviométrie variant de 850 mm à 1 350 mm par an. Le climat est
de type subéquatorial, avec un régime des pluies bimodal. Les températures annuelles
moyennes varient peu au cours de l’année, entre 27 °C et 30 °C. Toutefois l’influence
maritime est plus ou moins forte selon la localisation. La côte et la limite Nord du
plateau de ‘terre de barre’ sont marquées par une faiblesse des précipitations, due à
l’orientation semi-parallèle de la ligne de côte par rapport aux vents de mousson.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 44
Chapitre 2 : Concepts, données et démarches méthodologiques
2.1.1 Le peuplement
D’après Sangli (2011), la nuance entre peuplement et population réside dans le rapport
au milieu physique pour le peuplement alors que le concept de la population est
beaucoup plus abstrait. L’analyse de la population et de sa localisation permet de cerner
le processus de peuplement. Les variables que nous avons retenues pour l’analyse du
peuplement sont l’effectif de la population, le taux de croissance annuelle de la
population et la densité de la population. L’effectif de la population est une variable
démographique essentielle dans l’analyse du peuplement car il permet de saisir de façon
synthétique la répartition de la population dans l’espace régional (Beauchemin et al.,
2002; Quesnel, 1999). La croissance démographique permet d’apprécier la dynamique
du peuplement. Quant à la densité de la population, elle illustre l’intensité du
peuplement (Nations Unis, 1958).
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 45
2.1.2 Approche géographique du paysage
Mais s'interroger sur les éléments structurants du paysage revient à analyser des « objets
hybrides » qui ne peuvent être abordés par le seul regard des sciences de la nature. Pour
notre étude, nous avons retenu l'approche géographique de Jean-Pierre Deffontaines,
citée par Hubert et al. (2004), qui intègre les principes de l'écologie du paysage
développés en France par François Burel et Jacques Baudry (1999) et l'approche
sociotechnique basée sur des questionnaires et entretiens développée par l'Unité
Écodéveloppement de l'Inra d'Avignon (Delattre & Napoléone, 2011; Lamine, 2011b).
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 46
autour d’un ménage, placée sous la responsabilité d'un chef (en termes de décision et de
gestion) et utilisant la main-d'œuvre familiale et les divers moyens de production
(Djondang & Gafsi, 2003). C’est à l’échelle de l’exploitation que peuvent s’identifier de
façon pertinente les stratégies paysannes.
Plusieurs définitions ont été données au système de production. La moins ambigüe est
celle de Sebilotte (2001) qui considère le système de production comme un ensemble
structuré des productions végétales ou animales d’un agriculteur dans son unité de
production pour réaliser un profit. Dufumier (2004) précise : « c’est une combinaison –
dans l’espace et dans le temps – des ressources disponibles et des productions elles-
mêmes ». La caractérisation des systèmes de production se fait à l’échelle de
l’exploitation agricole. Elle consiste à mettre en évidence comment les exploitants
agricoles associent plusieurs activités et techniques agricoles, en fonction de la diversité
des conditions écologiques : types de sols, pentes, variations plus ou moins visibles du
climat, etc. Pour l’analyse des mutations des systèmes de production agricoles à la
périphérie des villes du Sud, il faut s’intéresser aux interactions qui s’établissent entre
les différents systèmes de production, et analyser la dépendance, la concurrence et la
complémentarité entre ces systèmes (Chaléard et al., 2014).
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 47
2.2 Données et méthodes utilisées
La pression qu’exercent les villes sur leurs espaces périphériques est liée à leur
croissance démographique et à l’extension spatiale du tissu urbain (Barbier et al., n.d.;
Boserup, 1970; Elloumi et al., 2002). Pour situer le contexte démographique de la
Région Maritime du Togo et montrer combien l’urbanisation est rapide en termes
d’occupation de l’espace, nous avons analysé la distribution spatiale et l’évolution du
peuplement entre 1970 et 2010 dans l’espace régional, puis évalué l’expansion des
villes entre 1986 et 2014.
La principale difficulté pour utiliser ces données est le géoréférencement des localités et
l’harmonisation de leur toponymie. La localisation géographique de ces localités est
récente et elle n’apparait que dans le recensement de 2010, avec une qualité du
géoréférencement qui est d’ailleurs douteuse. Nous avons donc procédé à des
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 48
vérifications par confrontation de ces données à d’autres informations cartographiques
disponibles pour apporter les corrections nécessaires.
Pour vérifier les coordonnées des localités de plus de 1000 habitants, nous avons eu
recours à la base de données géoréférencées du programme de recherche e-Geopolis2.
Pour les localités de moins de 1000 habitants, nous avons projeté ces localités sur un
fond de carte topographique réalisé par l’IGN3 en 1986 pour vérifier leur localisation et
effectuer des corrections. Enfin pour les localités ne figurant pas sur la carte IGN
(environ 504) et celles ne disposant pas de coordonnées géographiques dans les
recensements (environ 451), des missions de terrain ont été effectuées pour lever des
points GPS et localiser ces localités. Ce travail long et précis a permis de constituer une
base de données géoréférencées complète des recensements de 2010. Cette base de
données qui n’était jusqu’à ce jour pas disponible constitue un des apports de cette
thèse.
Une fois cette référence réalisée, la toponymie des deux autres recensements disponibles
(1970 et 1981) a été corrigée pour la rendre compatible avec celle du recensement de
2010. Les différentes orthographes du nom d’une même localité d’un recensement à
l’autre, ou l’utilisation d’un même nom pour désigner plusieurs localités appartenant à
différents cantons, ont été des contraintes fortes. Le canton étant la seule entité
administrative à ne pas avoir été modifiée entre 1970 et 2010, ce travail d’harmonisation
de la toponymie a été fait canton par canton. Par souci de précision, lorsqu’une seule
lettre est modifiée (par exemple Djagblé/Dzagblé) ou déplacé (par exemple
Amédéhoevé/Amédéheové), ou omise (par exemple Goumoukope/Gumoukope), un
contrôle toponymique est réalisé. Pour la standardisation de la toponymie, l’orthographe
adoptée est celle du dernier recensement réalisé en 2010. L’ensemble des données de
recensement géoréférencées a été enregistré dans un Système d’Information
Géographique (SIG) pour permettre la cartographie et l’analyse spatiale à partir de ces
données.
2
e-Geopolis est un programme de recherche géographique du CNRS (France) (e-Geopolis Project)
3
Institut nationale de l’information géographique et forestière (France)
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 49
Au total, nous disposons de 3984 localités sur la Région Maritime du Togo en 1970,
4021 localités en 1981 et 4555 localités en 2010. Le SIG nous a permis de réaliser la
carte de distribution des localités dans la zone d’étude, clef d’entrée pour mieux
comprendre le peuplement (Brunhes, 1925). Ensuite, les cartes d’évolution du
peuplement entre les dates des recensements ont permis de mettre en évidence la
création et parfois la disparition de localités, ainsi que l’évolution de la répartition de la
population dans cet espace régional. La représentation de la population par symboles
proportionnels a été utilisée pour illustrer l’inégale répartition du peuplement et la
polarisation du territoire.
Une typologie des localités a été réalisée en utilisant le seuil de 4000 habitants défini par
l’administration togolaise pour différencier les localités urbaines et rurales (République
du Togo, 2011). Elle a permis d’évaluer le niveau d’urbanisation de la région en
intégrant les nouvelles localités urbaines souvent exclus des statistiques nationales. Elle
a permis également de caractériser les réseaux et les hiérarchies urbaines.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 50
1989). Et, quoi qu’il en soit, elle nécessite une confrontation avec le terrain (une ‘vérité
terrain’).
L’emprise urbaine a été délimitée pour les villes de la région correspondant au seuil de
4000 habitants (seuil officiel de l’urbain au Togo). La cartographie a été réalisée par
photo-interprétation avec le logiciel ArcGis. L’approche statistico-morphologique
propre au programme de recherche e-Geopolis a été utilisée. Elle mesure l’étalement
urbain à toutes les échelles géographiques et repère de nouveaux espaces agglomérés en
croissance spatiale, indépendamment des données officielles. Ainsi, il est possible de
cerner l’ampleur spatiale de l’« urbanisation généralisée » en cours dans la Région
Maritime. Il est également indispensable de bien comprendre les morphologies et le
statut territorial de ces espaces pour rendre compte de l’importance des dynamiques
d’urbanisation in situ (Zhu, 2002), qui semblent caractériser une grande partie du
mouvement d’urbanisation des campagnes.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 51
2.2.2 Caractérisation du marché foncier togolais et identification des déterminants des
prix des terres
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 52
Planche 3: Panneaux d'une agence immobilière avec les prix de vente des parcelles
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 53
Carte 3: Localisation des parcelles en vente inventoriées dans les agences
immobilières de la région
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 54
analyser les évolutions. Du fait de la faible disponibilité des images qui est une
contrainte majeure pour ce type d’analyse, seuls quatre sites ont été retenus (Carte 4).
Le site I est localisé dans l’extrême Nord du canton d’Amoutiévé, entre les quartiers
Hédzranawoé, Kélégougan et Atiégou, à 10 km du boulevard circulaire qui délimite le
vieux centre urbain de Lomé, sur l’axe routier Lomé – Djagblé – Hahotoé. Il correspond
à une relique d’espace agricole incrustée dans une zone d’extension urbaine ancienne
dont les terres agricoles disparaissent. La particularité de ce site tient au fait que ses
terres relèvent du patrimoine domanial de l’Etat. C’est en effet un domaine foncier qui a
été établi dans les années 1980, et une grande partie de ce domaine a longtemps été
consacrée (jusqu’en 2000) à la production de bois de service pour l’agglomération de
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 55
Lomé grâce à des plantations de flamboyants (Dolenix regia) gérées par l’Office de
Développement et de l’Exploitation des Forets (ODEF).
Le site II est situé à l’extrême ouest de la préfecture des lacs, dans le canton
d’Agbodrafo, à 20 km du boulevard circulaire qui délimite le vieux centre urbain de
Lomé, sur l’axe routier Lomé – Agbodrafo – Aného. Il correspond à un espace de
production agricole dans une zone d’extension urbaine récente sur un espace littoral
menacé par l’érosion côtière. C’est le régime de propriété foncière privée individuelle
qui prévaut dans cette zone et le système agricole est dominé par les productions
maraîchères (en progression), les productions vivrières (maïs et manioc) et les
plantations de cocotiers (Cucus nucifera) (en nette régression). Le site III est localisé au
cœur du canton de Legbassito (Nord – Ouest de la préfecture du Golfe), à 20 km du
vieux centre urbain de la ville de Lomé, sur l’axe routier Lomé – Agoé – Mission Tové.
Il correspond à un espace de production agricole dans une zone d’extension urbaine
récente, comme le site II. Le système agraire est dominé par les productions vivrières et
les plantations de palmiers à huile (Eulaeus guinensis) (en nette régression). Au maïs et
manioc qui sont les principales cultures vivrières, il faut adjoindre dans cette zone la
production du riz et le développement du maraichage dans et en bordure de bas-fonds.
Le site IV est situé à 25 Km du vieux centre urbain de la ville de Lomé, au nord du site
III. Il est donc relativement éloigné de Lomé. L’agriculture est une agriculture
‘traditionnelle’ d’autosubsistance, avec une rotation cultures vivrières – jachères. Le
maïs et le manioc sont les principales cultures observées sur ce site.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 56
Tableau II: Dates de prises de vue des images satellitales à très haute résolution utilisées
Les images ont été extraites de Google Earth à la même résolution spatiale (altitude par
rapport au sol de 1000 mètres) et sauvegardées dans le SIG au format Tif. L’image la
plus récente (2012) a été géoréférencée à partir de points d’amers extraits de la carte
topographique réalisée par IGN en 1986, et faisant une correction géométrique à l’aide
d’un polynôme d’ordre 1. Les images plus anciennes ont ensuite été rectifiées en
prenant pour référence cette image géoréférencée de 2012. Toutes ces images sont
projetées selon le référentiel UTM (Universal Transverse Mercator, Zone 31 N) et elles
sont superposables les unes aux autres.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 58
2.2.3.3.2 Plantations
A la différence des formations végétales naturelles qui n’ont pas (ou peu) subi
d’influence anthropique, les plantations sont des formations végétales issues d’un
système de production mis en place par l’homme et leurs paysages ont le plus souvent
des formes régulières (Brunel, 1981; Chollet, 1956). En 1981, l’Office de
Développement et de l’Exploitation des Forets (ODEF), organisme public chargé de
gérer, d’équiper et d’exploiter le domaine forestier de l’Etat, a réalisé des plantations de
flamboyant (Dolenix regia), de teck (Tectona grandis) et d’eucalyptus (Eucalyptus
tereticornis). Ces plantations étaient destinées à la fourniture en charbon de bois et bois
de service pour l’agglomération de Lomé. Ce projet faisait suite à la grande sécheresse
qui affecta l’Afrique sahélienne et soudano-sahélienne dans les années 1980 (Seguis,
1988). Bien que le Togo n’ait guère été concerné par cet épisode climatique, les
autorités nationales furent en effet très sensibles aux enjeux de la désertification et de la
satisfaction de besoins des populations en bois de feu et charbon de bois (Ganglo, 2001).
A cela se sont ajoutées des plantations de palmiers à huile et de cocotiers réalisées par la
SORAD4 pour produire de l’huile de palme et du copra pour l’exportation (Planche 5).
Et, plus récemment, des plantations d’hévéa ont été introduites dans la région.
4
Sociétés Rurales d’Aménagement et de Développement (Togo)
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 59
Planche 5: Quelques plantations de la Région Maritime
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 60
Planche 6: Cultures vivrières et maraîchage dans la Région Maritime
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 61
2.2.3.3.4 Bâtis et espaces artificialisés
L’espace bâti que nous avons cartographié regroupe l’ensemble des immeubles et les
infrastructures (Planche 7). Les immeubles peuvent prendre des formes différentes,
depuis une tour moderne en béton et verre, jusqu’à une ‘case’ traditionnelle en banco et
paille. Pour les infrastructures, nous avons considéré l’ensemble des équipements fixes :
ponts, routes et pistes.
Un des processus les plus couramment analysés en écologie du paysage est la réduction
des habitats naturels par la fragmentation des paysages. Pour comprendre ce processus
de fragmentation dans le cadre de cette thèse, on peut par exemple considérer un seul
espace agricole qui se diviserait peu à peu en lambeaux (taches) de terres agricoles de
plus en éloignés les uns des autres. De manière générale, plus le paysage est fragmenté
et moins il est organisé (Graphique 2). Ce concept de fragmentation du paysage est
souvent mis en avant pour analyser la dynamique des paysages à la périphérie des villes
du Sud (Navez-Bouchanine, 2002). Les indices retenus sont consignées dans le Tableau
III.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 63
Tableau III: indices de structure utilisés dans cette étude
Indices Description Processus
Forme des taches Périmètre/surface. Cette mesure est Complexité des formes
pondérée par la taille de
chaque tache
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 64
représentativité des résultats obtenus. L’échantillonnage est fait de manière à prendre en
compte les anciens centres urbains (Amoutiévé, Aného et Tsévié), les cantons ruraux
(Noépé, Gbadopé et Gblainvié) et les cantons périurbains caractérisent par une
dynamique rapide d’extension urbaine et une forte réduction des espaces agricoles.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 65
Tableau IV: Genre et nombre de personnes enquêtées par canton
Zio TSEVIE 10 4 14
Golfe AMOUTIEVE 14 0 14 42
Lacs ANEHO 13 1 14
Zio DAVIE 69 29 98
Lacs AGBODRAFO 71 24 95
Golfe BAGUIDA 71 16 87
Golfe AFLAO 49 48 97
1134
Zio ABOBO 44 18 62
Golfe SANGUERA 40 22 62
Zio KPOME 59 0 59
Avé AKEPE 41 12 53
Zio KOVIE 31 18 49
Golfe LEGBASSITO 41 2 43
Zio GBLAINVIE 27 1 28
Zio GBATOPE 4 0 4 34
Avé NOEPE 1 1 2
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 66
2.2.4.2 Questionnaire semi-structuré
L’avantage d’utiliser un questionnaire où les thèmes sont définis au préalable dans un
guide est de permettre à la fois la collecte de données quantitatives et qualitatives. Notre
questionnaire semi-structuré comporte cinquante-cinq (55) questions, regroupées en
cinq thématiques (voir annexe 1). La plupart des questions sont ‘fermées’ (66 %), les
autres sont ‘ouvertes’ de type numérique (19 %) et de type qualitatif (15 %), avec la
possibilité de réponses multiples.
Cinq enquêteurs ont été mobilisés pour cette collecte d’information. En moyenne, une
heure et demie de temps a été nécessaire par individus enquêté. Le plus souvent le
premier contact avec l’enquêté s’est fait sans préavis, directement sur son exploitation
agricole (Planche 8). Le but de notre étude lui était d’abord exposé, puis son
consentement était sollicité (Uprety, 2012). Par la suite, nous avons demandé aux
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 67
exploitants agricoles que nous avions enquêtés de nous introduire auprès d’autres
agriculteurs.
à Amédéhoevé à Nymagna
à Goumoukope à Agbodrafo
2.2.4.3 Entretiens
L’entretien en tant qu’outil de collecte de données qualitatives a l’avantage de faciliter
le recours au savoir ou au souvenir des acteurs locaux (Bierschenk & Olivier de Sardan,
1994; Dawson et al., 1995; Sardan, 1995; Trommetter & Weber, 2004). Nos entretiens
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 68
sur le terrain (Planche 9) étaient une sorte de conversation « libre » définie à partir d’un
« canevas » qui permettait au fil de l’entretien de transformer « des questions qu’on se
pose » en « des questions qu’on pose ». En laissant l’enquêté s’exprimer librement, nous
cherchions à tirer parti de ses ‘digressions’, en s’appuyant sur ce qui était dit pour
formuler de nouvelles questions. Les informations collectées dans le cadre de ces
entretiens dépendent certes des systèmes de valeurs auxquels les enquêtés se réfèrent.
Ce ne sont donc pas des informations à prendre comme des vérités absolues, et leur sens
doit être relativisé et contextualisé.
Ces entretiens ont été menés auprès des autorités locales (ex-président de l’Assemblé
Nationale, préfets, chefs de cantons et autres notabilités) et des agents immobiliers. Les
principales informations extraites de ces entretiens sont le rôle des pouvoirs publics et
l’historique du prix des terres sur le marché foncier à l’échelle du canton.
Au cours des entretiens, nous procédions à des prises de notes et nous utilisions
quelques fois le dictaphone. Certains enquêtés, malgré la familiarité qui existait entre
nous, refusaient que leurs propos soient enregistrés parce que selon eux : « Tu vas
prendre ma voix, mon nom, tout ce que je vais dire et puis aller donner au
gouvernement qui va venir m’emprisonner après ». Dans ce cas, nous nous limitions à la
prise de notes.
Nos contacts avec les producteurs agricoles ne se sont pas limités à la collecte
d’informations nécessaires pour cette thèse. A plusieurs reprises nous avons assisté,
quand l’occasion le permettait, à la réunion hebdomadaire de leur groupement agricole.
Que ce soit avec les producteurs maraîchers ou les planteurs de teck et d’hévéa, nous
étions les bienvenus et nous participions aux discussions au même titre que les autres
membres du groupement. Ces assises nous ont permis à la fois d’établir une relation
durable avec ces producteurs, mais aussi de pouvoir collecter d’autres informations en
dehors du cadre des enquêtes.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 69
Planche 9: Séances d'entretiens
Séwatsrikopé Kpomé
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 70
étayer certains propos d’acteurs ou expliciter certaines pratiques locales. Le Tableau V
présente la répartition des outils de collecte des données en fonction des groupes cibles.
Caractéristiques
socioprofessionnelles des
Exploitants
enquêtés, Statistiques
Questionnaire agricoles en
statut juridique des parcelles, (fréquence,
standardisé mode de faire
évolution du prix des terres, moyenne, etc.)
valoir direct
stratégies d’adaptations face à la
pression urbaine
stratégies de contrôle de
l’urbanisation et de gestion des
terres agricoles.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 71
PARTIE II : L’ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE
DE LA RÉGION MARITIME DU TOGO DEPUIS
40 ANS
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 72
En 2010, la Région Maritime du Togo comptait 2,6 millions d’habitants et
l’accroissement annuel moyen depuis 1970 était de 3,16%. L’occupation de cette
Région est récente puisqu’en 1970, elle ne comptait que 0,65 millions d’habitants. Sa
population a quadruplé ou presque et son taux d’urbanisation avoisine 42%, mais une
ville seule – Lomé – concentre plus d’un million d’habitants. La croissance
démographique est dynamique et s’observe à toutes les échelles : hameaux, fermes,
villages, petites agglomérations et métropole de Lomé. De nouvelles localités
apparaissent d’un recensement à l’autre et contribuent à densifier le peuplement de la
région. Cette densification favorise la formation d’espaces urbanisés à partir des
localités qui s’agglomèrent peu à peu dans les campagnes. Sans mesure statistique
faisant sens, ces nouveaux territoires urbanisés resteraient inintelligibles et il serait
difficile de cerner avec exactitude l’ampleur spatiale de l’urbanisation en cours.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 73
CHAPITRE 3 : Densification du peuplement et émergence urbaine dans la Région
Maritime
Le fait géographique qui constitue la clef d’entrée pour l’étude du peuplement est celui
de la répartition des établissements humains (Héran, 2015; de La Blache, 2015). Son
analyse permet de cerner l’environnement particulier dans lequel s’opère le processus
d’urbanisation dans la Région Maritime. Il s’agit d’une densification du peuplement qui
suit une double logique : une augmentation rapide du nombre de localités et une
forte croissance démographique des localités elles-mêmes. En 2010, on dénombre au
total 4555 localités, sur une superficie de 6390 km2. La distance moyenne entre les
localités est de seulement 1,4 km. Pourtant, dans un espace aussi peuplé, de nouveaux
établissements humains sont apparus entre les recensements. Cette dynamique de
peuplement s’observe un peu partout dans la Région Maritime.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 74
Un peu plus au Nord de la région, les nouvelles localités sont très espacées les unes des
autres, notamment dans la préfecture de l’Avé, de Zio et de Yoto. Dans cette zone les
distances entre les localités varient entre 9,3 km en 1970 et 5,7 km en 2010.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 75
Baguida, Toglé Kopé, Legbassito, Aflao-Gakli et Aflao-Sagbado, composés de villages
en 1970, ont été redécoupés en quartiers de Lomé depuis le recensement de 2010. Ces
nouvelles entités territoriales, qui témoignent du passage à l’urbain de localités rurales,
mettent à mal l’ancienne organisation socio-spatiale structurée historiquement autour de
réseaux familiaux et de voisinage (Goerg, 2003). Mais au-delà de Lomé le processus
d’urbanisation s’affirme aussi dans les espaces ruraux densément peuplés.
Si les créations de localités entre 1970 et 2010 sont nombreuses, elles touchent une
faible part de la population. Les localités permanentes dans les trois recensements, au
nombre de 3984, représentent à elles-seules respectivement 95,2% et 98,7% de la
population recensée. Ce nombre important de localités permanentes confirme que la
Région Maritime est un espace historiquement dense, la distribution spatiale de ces
localités montre trois foyers de peuplement (Carte 7).
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 76
Carte 7: Localités recensées entre 1970 et 2010.
Pour comprendre ces disparités dans la distribution spatiale des localités et la formation
de ces foyers de peuplement, nous avons croisé les données démographiques avec les
caractéristiques physiques du milieu (topographie, hydrographie, sols…) et les
aménagements routiers. La distribution des nouvelles localités et des localités disparues
après 1970 est représentée (Carte 8). Si jusqu’au début du XXème siècle, les villages
s’implantent exclusivement sur les plateaux de terre fertiles et à l’abri des crues
(Gayibor, 1997), les nouvelles localités habitées qui apparaissent depuis 1970 se situent
aussi bien sur les plateaux que dans les bas-fonds inondables où les terres sont
difficilement cultivables. Les exemples sont nombreux : Klobatème (1229 hbts),
Dikamè (3413 hbts) et plus récemment Fidokpui (4466 hbts) sont des localités créées
sur de petits promontoires dominants à peine la large vallée de Zio sujette aux
inondations annuelles.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 77
Ces nouvelles installations humaines se font indépendamment de l’aménagement du
territoire puisqu’elles ne bordent pas les grands axes de communication de la région et
sont éloignées des dispensaires, écoles, points d’eau et espaces agricoles aménagées
(périmètres rizicoles). Les logiques d’occupation de l’espace aurait donc évolué ces
dernières années et si autrefois les raisons de l’occupation étaient essentiellement
agricoles (Gu-Konu, 1986), les facteurs actuels qui dictent la création des localités sont
à chercher dans la pression démographique et les situations foncières exacerbées par le
marché foncier .
Souvent, la famille fondatrice d’une nouvelle localité isolée, l’attribue son nom propre
ou celui de son clan ou ethnie. L’acte de dénomination apparaît généralement comme
motivé, selon une motivation sémantique, métaphorique, ou associative (Kristol, 2002).
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 78
Il a pour fonction de faire reconnaitre au reste de la communauté, le propriétaire des
terres de cette nouvelle localité. C’est le cas des localités Akakpovi Kopé5 (11 hbts) dans
le canton d’Akoumapé, Taïrou Kopé (8 hbts) dans le canton de Tsévié et Martin Kopé
(15 hbts) dans le canton de Noépé. Dans d’autres cas, c’est la fonction du premier
occupant qui sert à nommer la localité. C’est l’exemple de Géomètre Kopé (4 hbts) dans
le canton de Kévé et de Ministre Kopé (5 hbts) dans le canton de Bolou. Ces noms sont
inscrits comme tels dans les rapports officiels des différentes opérations de recensement
de population et de l’habitat.
5
Kopé qui désigne village en Mina (langue locale majoritairement parlé dans la région Maritime)
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 79
3.3 Évolution démographique des localités recensées
100
50
0
Moins de 200 200 -500 500 - 1000 1000 - 4000 4000 - 10000 10000 - 100000 Plus de 100000
Classe de population
Le Graphique 4 montre que les localités de moins de 200 habitants en 1970 et celles
dont la taille était comprise entre 1000 et 4000 habitants à la même date, représentaient
une part importante de la population totale, avec respectivement 21% et 17%. A la
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 80
même période, les localités de plus de 100 000 habitants ne représentaient que 29% de
la population totale.
Il semble toutefois que cet « équilibre » démographique entre les différentes classes de
localités disparaisse. En 2010, la part de la population des localités de moins de 200
habitants ne représente plus que 7% de la population totale, et ce malgré leur grand
nombre. Celle des localités de taille comprise entre 1000 et 4000 habitants n’atteint plus
que 9%. A l’inverse, les localités de plus de 100 000 habitants représentent plus de 60 %
de la population totale. De fait, la part de la population des localités de petite taille dans
la population totale est de plus en plus faible, au profit d’une population urbaine de plus
en plus nombreuse.
Graphique 4: Evolution (en %) de la population par classe de localités entre 1970 et 2010.
70
Part de la population totale (%)
35
0
Moins de 200 200 -500 500 - 1000 1000 - 4000 4000 - 10000 10000 - 100000 Plus de 100000
Classe de population
Une seule localité dispose de plus de cent mille habitants depuis 1970, c’est la ville de
Lomé. L’espacement important entre cette première localité et la deuxième montre que
la population est fortement concentrée dans la capitale politique et économique du pays,
la « ville-mère » (Moriconi-Ebrard, 1994). Le reste de la distribution est constitué de
villes moyennes et de localités que nous différencierons ultérieurement en localités
rurales et urbaines grâce au point d’inflexion de cette courbe logarithmique, que
Moriconi-Ebrard (2001) appelle le seuil entropique urbain/rural.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 82
Planche 10: Courbes Log décroissant de la population selon le rang des localités
entre 1970 et 2010
10000
1000
100
10
1
1 10 100 1000 10000
rang
10000
1000
100
10
1
1 10 100 1000 10000
rang
10000
1000
100
10
1
1 10 100 1000 10000
rang
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 83
L’estimation du taux d’accroissement annuel moyen de la population permet
d’appréhender la dynamique de croissance de la population. Ce taux (Tam) est calculé
selon la formule :
Sur l’ensemble de la période 1970 et 2010, les localités dont la population décroit, sont
beaucoup moins nombreuses (3,3%) que celles en croissance (96,7%). Cette croissance
des localités de la Région Maritime sous-tend l’émergence d’un réseau de petits centres
urbains ignoré par les statistiques officielles. L’analyse de la distribution spatiale de la
population de ces localités devrait permettre de mieux caractériser ce processus de
densification du peuplement.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 84
3.4 Distribution spatiale de la population à l’échelle locale
Pour représenter et analyser cette distribution spatiale, nous avons élaboré des cartes où
la population est représentée par des cercles proportionnels. C’est la forme la plus
adéquate pour représenter et analyser le peuplement (Sangli, 2011). Une attention
particulière a été portée à la comparabilité de ces cartes entre les différents
recensements.
Les cartes correspondant aux trois recensements (Planche 11) illustrent d’une part
l’inégale répartition de la population dans l’espace régional et d’autre part l’émergence
de localités de plus de 1000 habitants, renforçant notre hypothèse selon laquelle la
région serait sujette à une urbanisation spontanée (urbanisation « par le bas »).
- La première correspond à la zone littorale dont les localités sont peu nombreuses
mais de grande taille. C’est un pôle d’attraction de la population qui bénéficie des
aménités que procure la proximité de la mer.
- La deuxième zone, située à l’Est, regroupe de nombreuses localités de taille
moyenne. Elle couvre les départements des Lacs, du Bas-Mono, de Yoto et de
Vo. C’est la zone d’occupation originelle des peuples autochtones de la Région
Maritime (Gayibor, 1997).
- La troisième zone est située à l’Ouest, dans les départements de Zio et de l’Avé.
Les localités sont moins nombreuses, dispersées et de petite taille. C’est en
quelque sorte un “front pionnier” où de nouvelles localités ont été créées au cours
des quarante dernières années.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 85
Planche 11: Distribution spatiale de la population à l’échelle des localités
recensées entre 1970 et 2010
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 86
3.5 Émergence de petites villes
Les définitions de la ville sont nombreuses, presque aussi variées que les géographes
(Paulet, 2006). Le critère démographique qui permet de la définir comporte d’énormes
variations mais retient généralement une valeur minimale de population. Comme le dira
Lebrun (2002), « compter les hommes et vous aurez la ville ».
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 87
l’analyse comparative. Nous avons donc retenu le critère administratif des autorités
togolaises qui définit comme ‘villes’ les localités de plus de 4 000 habitants.
La population urbaine a été multipliée par 7 entre 1970 et 2010 alors que la population
rurale a cru à une vitesse beaucoup moins rapide puisqu’elle n’a été multipliée que par
1,9 sur la même période. De fait le rapport entre population urbaine et population rurale
augmente, passant de 0,7 en 1970 à 2,3 en 2010. La Région Maritime est de fait un
espace en profonde évolution ces quarante dernières années.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 88
Graphique 5: Répartition entre population urbaine et rurale de 1970 à 2010.
100%
41,6
75,6 72,9
Population urbaine
50%
Population rurale
58,4
24,4 27,1
0%
1970 1981 2010
Année de récensement
Source : RGPH 1970, 1981, 2010
Cette forte croissance urbaine est à mettre à l’actif du dynamisme de la ville-mère Lomé
qui avec plus d’un million cinq cents mille habitants domine de façon écrasante toutes
les autres localités urbaines de la région. L’indice de primatie – population de
l’agglomération la plus peuplée (rang 1) sur population de la deuxième la plus peuplée
(rang 2) – (Antoine, 1997) est passé de sept (7) en 1970 à douze (12) en 1981, puis à
vingt-quatre (24) en 2010. La ville de Lomé domine sans contrepoids l’ensemble des
villes petites et moyennes de la Région Maritime.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 89
pourraient jouer donc un rôle fondamental dans le développement territorial et dans
l’équilibre de l’armature urbaine. L’économie de ces petites villes s’organise autour
d’échanges commerciaux souvent informels et de foires de marchés qui génèrent des
flux de produits et de personnes. Ces marchés peuvent être comme le dit Maximy (1987)
« un des éléments-clefs de la polarisation de l’espace ». Elles remettent au-devant de la
scène, la problématique des « nouvelles polarités urbaines » émergentes dans les pays
du Sud.
Emergeant du monde rural, les petites villes de 4000 à 10000 habitants prolifèrent dans
la région Maritime du Togo. Leur nombre augmente de 10 en 1970 à 31 en 2010. Certes,
leur poids démographique par rapport à Lomé reste faible et a même considérablement
diminué (Graphique 6). Il est passé de 31,5% en 1970 à 18,6% en 2010. Pourtant la
population de ces petites villes a quadruplé sur la même période, passant de 85 529
habitants à 359 244 habitants. Ces villes secondaires sont dynamiques, mais croissent
plus lentement que la ville primatiale de Lomé.
100
68,5
81,4
92,4
50
Ville Primatiale
Villes secondaires
31,5
18,6
7,6
0
1970 1981 2010
Proportion de la population urbaine
Source : RGPH 1970, 1981, 2010
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 90
Parmi les villes secondaires, certaines se montrent particulièrement dynamiques
(Tableau VII). Les localités d’Adétikopé (rang 3 en 2010) et de Djagblé (rang 7 en
2010) dans le département de Zio se distinguent nettement à cet effet. On s’aperçoit
dans l’analyse des 30 plus importantes localités en termes de population, que le facteur
population n’est pas primordial pour ériger une localité au statut de ville officielle ou au
rang de chef lieux d’un département (en grisé dans le Tableau VII). Des villes comme
Afagnagan et Kévé ont un poids démographique très faible, comparé à des villes n’ayant
pas ce statut comme Adétikopé. C’est un exemple qui illustre bien la primauté du critère
administratif ou politique précédemment décrit.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 91
Tableau VII: Evolution de la population des principales villes de la Région Maritime du
Togo.
1970 1981 2010
Villes Population Rang Population Rang Population Rang
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 92
3.6 La polarisation de l’espace régional
L’analyse montre que 21,1 % des cantons ont moins de 10 000 habitants et 64,8 %
moins de 20 000 habitants en 2010. Seuls 4 cantons ont de plus de 100 000 habitants et
9 cantons plus de 50 000 habitants. Le canton d’Amoutiévé (864 179 habitants) est le
plus peuplé, devant Agoènyivé (258 389 habitants), Baguida (117 350 habitants). Les
cartes de la distribution spatiale de la population par canton entre 1970 et 2010 (Planche
12) montrent une augmentation généralisée de la population des cantons et la forte
augmentation dans le canton d’Amoutiévé et ses cantons périphériques, notamment
Baguida, Aflao sagbado, Aflao Gakli, Agoènyivé, Togblé et Adétikopé, des cantons de
la périphérie de Lomé.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 93
Planche 12: Distribution spatiale de la population par canton entre 1970 et 2010
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 94
3.6.2 Evolution de la densité de population par canton
Les 71 cantons qui composent la Région Maritime ont une superficie moyenne de 90
Km2, avec des extrêmes à Vakpossito (9 km2) dans la préfecture du Golfe et à
Agbelouvé (422 km2) dans la préfecture de Zio. Il faut souligner le grand nombre de
petits cantons puisque plus de la moitié (64,7%) ont une superficie inférieure à 100 km2.
L’évolution de la densité de la population des cantons entre 1970 et 2010 (Planche 13)
montre une augmentation de la densité de population dans l’ensemble des cantons. Le
canton d’Agoènyivé est celui qui a eu l’augmentation de densité la plus forte, passant
entre 1970 et 2010 de 264,8 hbts/km2 à 6131,8 hbts/km2. A Amoutiévé, la densité a
augmenté de 1638 hbts/km2 à 7344 hbts/km2. D’autres cantons périphériques tels Aflao
Sagbado, Baguida, Vakpossito, Aflao Gakli, Togblé Kopé et Sanguéra ont eux aussi une
évolution rapide. Ces évolutions viennent confirmer ce que nous avions observé
précédemment sur l’augmentation de la population dans des zones déjà assez peuplées,
mais elles mettent aussi en évidence de nouvelles zones de peuplement.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 95
Les densités de population augmentent fortement dans les périphéries urbaines et ces
espaces semblent en cours de saturation. De fait, la problématique du maintien des
terres agricoles et des paysages naturels dans ces espaces périphériques est de plus en
plus prégnante. Le chapitre suivant analyse l’emprise urbaine et les processus de
formation des nouveaux territoires urbanisés.
Planche 13: Distribution spatiale des densités de population (hbts/km2) entre 1970 et 2010
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 96
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 97
CHAPITRE 4 : Emprises urbaines anciennes et formation de nouveaux territoires
urbains
Dans les pays du Nord notamment en Europe, et même dans quelques pays du Sud tels
que l’Egypte, le Mexique et la Chine, les taches urbaines tranchent nettement avec le
paysage rural caractérisé par l’immensité des espaces naturels et des terres agricoles. Au
Togo, milieux urbain et rural sont soigneusement intriqués. La frontière est brouillée.
L’habitat s’établit un peu partout sur le territoire sur des dizaines de kilomètres.
L’espace rural « plein » pourrait basculer en bloc dans la catégorie « métropoles » sans
jamais être passé par le « stade » petite ville. « Ville » et « campagne » ne s’opposent
pas et seules les statuts et des limites administratives posées arbitrairement dans ce
continuum pour les besoins de l’administration moderne permettent de distinguer les
centres urbains ou non.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 98
Planche 14: Espace urbain et périurbain de la ville de Lomé au Togo
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 99
La difficulté à caractériser ce qui est urbain et ce qui ne l’est pas ne concerne donc pas
seulement la définition d’un seuil de densité et sa mesure. Affirmer qu’on est en
présence d’un milieu « rural » ou « urbain » consiste à ranger ce genre de milieu dans
des catégories qui ne correspondent pas nécessairement à une façon de penser locale. De
fait, la démarche utilisée lors de la numérisation est celle mise en œuvre par e-Geopolis
(Moriconi-Ebrard, 1993), où une agglomération urbaine est définie comme un espace
bâti ne présentant pas de discontinuité supérieure à 200 m. Les superficies bâties sont
repérées grâce à des images satellites Landsat TM à 30 m de résolution spatiale et, dans
la suite du texte, le terme « agglomération » fait référence à la définition ci-dessus.
L’emprise spatiale de 32 agglomérations urbaines de la Région Maritime a ainsi été
numérisée pour générer une base de données surfaciques géoréférencées.
La Carte 9 montre qu’il ne s’agit pas uniquement d’étalement urbain par front
(conurbation) mais aussi de coalescence entre localités rurales dont le bâti se densifie
fortement. Deux processus de formation des territoires urbanisés sont donc différenciés
dans notre analyse.
anciennes
La tache urbaine de l’agglomération de Lomé montre que cette ville s’étale sur deux
fronts contrastés. La dynamique de la ville est stoppée à l’Ouest par une frontière
politique entre le Togo et le Ghana et au Nord-Est par la grande dépression inondable
du fleuve Zio. L’extension spatiale de Lomé se fait donc vers l’Est en direction de la
ville d’Aného et vers le Nord-Ouest en direction de Mission Tové et Noépé (Carte 10).
La superficie de l’agglomération a presque quadruplé, passant de 7 185 hectares en 1986
à 29 301 hectares en 2014. Rappelons que sur la même période, sa population est passée
de 0,37 millions à 1,57 millions.
C’est vers l’Est, en direction de la frontière du Bénin, que l’étalement est plus
spectaculaire. Le verrou apparemment infranchissable qu’avait longtemps constitué la
zone portuaire et industrielle, a sauté entre 2001 et 2014. De la frontière du Ghana à
l’Ouest jusqu’à la limite de la zone urbanisée de Lomé à l’Est, la distance est passée de
12 km en 1986 à 28 km en 2014, intégrant les localités de Dévégo et Avépozo
(préfecture du Golfe), Kpogan, Afidégnigban, Agbavi, Agbata, Dagué et une grande
partie d’Amédéhoevé (préfecture des Lacs). Seuls 5 km séparent actuellement le front
d’urbanisation Est de la ville de Lomé et la limite Ouest de l’agglomération
d’Agbodrafo (4185 hbts). C’est également le long de la route Lomé – Sanguéra – Noépé
que l’extension de la ville de Lomé est spectaculaire. De l’Océan Atlantique au Sud
jusqu’à la limite de la zone urbanisée au Nord-Ouest, la distance est passée de 10 km en
1986 à 20 km en 2014, intégrant les localités d’Avédji, Sagbado, Ségbé, Ekpo et une
partie des villages du canton de Sanguéra. L’extension de Lomé s’opère donc par
agglomération des localités périphériques pour former une seul et même conurbation.
De fait, les statistiques démographiques nationales elles-mêmes intègrent
progressivement les populations de ces localités périphériques à la population totale de
la ville de Lomé.
De même la ville de Tabligbo a aggloméré entre 1986 et 2014 les villages d’Atikoumé
(924 hbts), Kini Kondji (703 hbts), Kpokpo Kondji (608 hbts) et Messegan Kondji (352
hbts). Mais la ville tend à s’étendre dans toutes les directions pour agglomérer ces
villages à la conurbation.
Bien que la volonté politique de structurer le marché foncier des villes du Togo soit de
plus en plus affirmée au plus haut niveau, les décideurs publics ne savent pas par où
l’action publique doit commencer tant la question des marchés fonciers est à la fois
complexe et épineuse. Le 23 janvier 2013, le Premier ministre togolais Ahoomey-Zunu
laissait entendre que “les transactions foncières sont de plus en plus assimilées à celles
d'un réel produit de base qui contribue à la création d'un marché foncier en plein
épanouissement […], mais qui a grandement besoin d'être organisé et bien géré”
(Afriquinfos, 2013). Il est donc indispensable d’étudier ce marché foncier togolais et de
chercher à en comprendre son fonctionnement afin d’accompagner les décideurs.
Dans la zone d’étude, qui est marquée par un pluralisme des droits fonciers, nous
chercherons à caractériser dans le chapitre 5, le régime foncier, l’évolution des modes
d’appropriation des terres, la nature des parcelles vendues et à identifier les déterminants
des prix des terres ainsi que les logiques des différents acteurs de ce marché (cédants,
promoteurs fonciers, acquéreurs…). Nous nous attelons également à comprendre
comment la ville s’approvisionne en terres constructibles dans ses périphéries (Chapitre
6). Cette analyse s’appuie sur une approche systémique des filières d’approvisionnement
en terres pour le logement, particulièrement pertinente dans des contextes marqués par
la coexistence de régimes fonciers différents et par la complexité des procédures pour
obtenir de la terre, comme c’est le cas dans les villes d’Afrique de l’Ouest (Durand-
Lasserve et al., 2015). Cette méthode est ici appliquée au cas des zones périphériques de
La marchandisation des terres est une thématique ancienne (Ricardo, 1815, 1817), mais
toujours d’actualité (Cavailhès et al., 2007; Levesque, 2014; SAFER, 2011; Tarrouth &
Colin, 2016). Nombreux sont les travaux qui ont eu à souligner l’importance de la
marchandisation des terres dans le processus d’urbanisation et la dynamique du
peuplement (Capozza & Helsley, 1989; Cheshire & Sheppard, 1995; Colwell &
Munneke, 1997; Livadis et al., 2006; Roe et al., 2004). Peu de travaux concernent
toutefois l’Afrique tropicale (Antwi, 2000a; Chauveau et al., 2006; Kironde, 2004;
Lecat, 2004; Napier, 2010; Soro & Colin, 2008) et ces travaux se limitent le plus
souvent à l’analyse de la superposition des droits traditionnels et des droits modernes de
la tenure foncière et du marché foncier formel (Durand-Lasserve et al., 2015, 2012;
Mbetid-bessane, 2014). Or, réduire ainsi l’étude du marché foncier ne permet pas de
prendre en compte des enjeux spécifiques aux villes Ouest-africaines : la croissance
urbaine incontrôlée, l’insécurité foncière dans la zone périurbaine, l’épuisement des
réserves foncières de l’État ou l’aggravation des conflits fonciers.
Au Togo, quelques études conduites dans ce domaine ont mis en évidence la fragilité
des pratiques foncières à travers la superposition des droits modernes et traditionnels
(Biakouye, 2007; Dziwonou, 2000; Le Bris, 1998; Marguerat, 1990; Sankaredja, 2008).
Mais il n’existe pas, à ce jour, d’étude qui caractérise de façon formelle le marché
foncier et qui traite de la question des prix des terres en lien avec les processus
d’urbanisation et de densification du peuplement rural. Notre recherche est une
contribution qui vient combler cette lacune et analyser les interactions entre la pression
démographique et le marché foncier.
Nous traitons dans ce chapitre du régime foncier togolais, de ses limites et des différents
modes d’appropriation foncière. Nous caractérisons ensuite le marché foncier :
réglementations, caractéristiques des parcelles en vente, distribution spatiale et évolution
des prix. Nous tenterons enfin d’identifier certains des déterminants des prix des terres.
Cette analyse est réalisée à partir de données sur les prix de 1345 parcelles en vente dans
la Région Maritime du Togo, et à partir des entretiens que nous avons réalisés sur le
régime foncier, les modes d’appropriation foncière et l’évolution des prix des terres
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 113
auprès des agents immobiliers, des coxers6, des géomètres des services techniques du
cadastre, des cadres des administrations, des autorités préfectorales et des chefs
coutumiers (Tableau VIII).
Collectivités territoriales 39
Chefs coutumiers de canton (7), Notables secondant le chef (31) et Chef spirituel de village (1)
Total 91
Le régime foncier du Togo découle des procédures foncières coloniales qui se sont
succédées depuis 1904. Les premiers à avoir colonisé le Togo sont les Allemands (1884-
1918) et leur administration mit en place un système de livres fonciers (‘Grundbuch’)
sur lesquels chaque terrain était répertorié. La France succède à l'Allemagne en 1919,
récupère ce système, et le modifie en 1932 en instaurant un système de transcription
dont le but était de « ne reconnaître comme seule appropriation foncière authentique que
celle fondée sur le titre foncier correspondant à un immeuble ou un terrain immatriculé »
(Péchoux, 1939). Après une vive réaction des populations autochtones, la Société des
6
Les coxers ou « démarcheurs » sont des intermédiaires présents sur les marchés informels auxquels font appel
beaucoup d’acheteurs et de vendeurs de terres. Ils ont des informateurs dans les villages périurbains qui leur
indiquent quels sont les terrains à vendre et ils négocient avec les collectivités propriétaires terriennes. Ils jouent
ainsi un rôle essentiel dans la conversion de la terre de rurale à urbaine. Ils connaissent les astuces pour contourner
les procédures légales et savent comment traiter avec l’administration pour faciliter les ventes. On les voit souvent
dans des endroits publics, notamment sur le bas-côté des routes, non loin des parcelles à vendre.
Le reste des terres est possédé par des tiers, conformément à la loi sur le régime de la
propriété ou en vertu des titres réguliers de concession. Le droit d’usage, à titre
7
La Société des Nations (SDN) était une organisation internationale introduite par le traité de Versailles en 1919,
élaboré au cours de la Conférence de paix de Paris, afin de préserver la paix en Europe à la fin de la Première
Guerre mondiale (https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_des_Nations )
8
Droit coutumier acquis est un consensus non écrit mais fondé sur le témoignage des autres membres de la
communauté du village et qui attestent que le bien foncier dont un individu ou une collectivité réclame le droit de
propriété l’appartient effectivement.
9
Un titre précaire est un document administratif signé par l’autorité local (Préfet ou Maire ou chefs coutumiers)
qui reconnait le droit d’occuper une parcelle à une collectivité ou à un individu pour un usage quelconque. Il est
localement désigné sous l’appellation de « un Tampon » en référence à la première reconnaissance administrative.
Il ne fait pas office de titre de propriété mais reste indispensable à l’établissement du Titre Foncier.
Ces dispositions du régime foncier togolais ne donnent donc pas à l’État le contrôle
absolu du foncier sur l’ensemble du pays. Néanmoins l’État en tant que puissance
publique a la prérogative d’exproprier au nom de l’intérêt général.
Selon les coutumes togolaises10, la terre est un bien qui appartient au premier occupant
et à sa collectivité. L’occupation est donc le mode traditionnel d’acquisition des droits
sur la terre. Elle trouve sa légitimité dans le consensus non écrit des populations. La
terre est un bien inaliénable, placé sous le contrôle du chef de la collectivité (souvent le
premier occupant). Avec l’accord de ce dernier, les autres membres de la collectivité
occupent des terres pour leurs activités agricoles. Le chef de la collectivité peut
également « donner » (transmission par donation). Lui seul peut procéder à la donation
d’une terre, mais avec le consentement du conseil de la collectivité. Le bénéficiaire de la
donation ne peut être un membre de la collectivité. En général, c’est un migrant qui a
l’intention de s’installer durablement.
Au fur et à mesure que la population augmente, des tensions internes peuvent apparaitre
dans la collectivité et conduire au morcellement de la réserve foncière collective en
propriétés foncières familiales. Le chef de la collectivité perd ainsi le contrôle
d’attribution des terres au profit des chefs de famille, et ces derniers peuvent transmettre
leurs terres à leur descendance.
10
Entretien avec Togbui Adonssou (Chef coutumier du canton de Djagblé), S. Tsolényanou (Notable dans le
village de Nimanya), T. Kpotivi (notable Tokpli) et le chef coutumier du village de zoti
Parfois, le besoin pressant d’argent pour faire face à des dépenses imprévues liées aux
maladies, aux cérémonies traditionnelles diverses, à la scolarisation des enfants dans une
école supérieure… amène le chef de famille à vendre une partie de la propriété foncière
familiale. Comme le confirme Gbemou, notable du chef de canton de Kovié, « ma fille
vient d’avoir son bac (baccalauréat) et doit partir s’installer à Lomé pour poursuivre
ses études à l’institut national des sages-femmes […], il faut lui louer une chambre en
ville, payer une caution de location de 12 mois, préparer ses fournitures scolaires,
trouver un moyen de déplacement (motobécane ou vélo), lui donner un peu d’argent de
poche […], je n’ai rien à part ma terre, j’ai donc vendu 20 hectares pour réunir
l’argent nécessaire […] si je ne le fais pas, elle risque de s’adonner à la vie facile
comme la plupart des filles de son âge […] or c’est la seule parmi mes 12 enfants à
avoir obtenu son bac ». Ce témoignage montre la facilité avec laquelle une terre héritée
peut basculer sur le marché foncier. Cette transmission des droits de propriété par la
vente conduit à la monétarisation des transferts de terre. Cette pratique est très ancienne
pour les parcelles urbaines de la ville de Lomé puisqu’elle remonte à l’époque
précoloniale (Le Bris, 1993; Le Bris et al., 1985), mais elle l’est beaucoup moins pour
les zones rurales.
Dans ces conditions, nous considérons que le marché formel concerne les transactions
sur des parcelles dotées d’un titre foncier ou d’un titre précaire authentifié par un acte
notarié. Le marché informel reste celui du transfert de terres coutumières, sans
document administratif, avec une simple attestation de vente non authentifiée.
Nous considérons toutefois que ce marché foncier informel n’est pas anarchique puisque
des règles coutumières existent (Syagga, 2010).
D’après la base de données constituée à partir des informations collectées sur les
panneaux des agences immobilières et des entretiens conduits auprès des agents
immobiliers et des géomètres, les terres vendues sur le marché foncier togolais ont une
12
Entretien avec un agent technique de la direction général du service de la Cartographie et du Cadastre du Togo)
et de M. Kossi (Topographe et géomètre agréé à la marie de Tsévié)
Graphique 7: Part (%) des parcelles en vente par classe de proximité (Km)
0.5 - 1 km 11,1%
1 - 2 km 22,0%
2 - 5 km 25,3%
5 - 10 km 22,0%
> 10 km 14,0%
Deux types de marché foncier ont été identifiés dans la Région Maritime du Togo. Ils se
caractérisent par l’usage futur le plus probable de la parcelle qui influe sur le prix et la
superficie des parcelles (Figure 3 et Tableau IX).
Le marché foncier agricole et forestier : les principaux clients visés sont des
exploitants agricoles. Les terrains en vente sur ce type de marché sont destinés à
l’agrandissement des exploitations agricoles. Le nombre de transferts concerne 39 % de
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 119
l’ensemble des parcelles (soit 524 parcelles mises en vente), pour une surface totale de
1676,8 ha. La caractéristique principale de ce type de marché est la grande taille des
parcelles.
L’unité de surface est l’hectare (10 000 m2) sur le marché foncier agricole et le lot13 (600
m2) sur le marché foncier résidentiel. La grande taille des parcelles sur le marché foncier
agricole contraste avec les prix bas des terres. La terre destinée à l’agriculture se négocie
à 65 FCFA.m-2 (0,10 EUR.m-2) contre 1855 FCFA.m-2 (2,87 EUR.m-2) pour les terres
destinées à l’urbanisation, soit un facteur multiplicatif de 29.
L’usage des terres n’étant pas prédéfini par l’autorité en charge de la gestion des terres
(inexistence d’un Plan Local d’Urbanisation), seuls les mécanismes du marché dictent
cet usage. Or les vendeurs de terre anticipent sur l’usage futur des parcelles (agricoles
ou à bâtir) et ajustent ainsi les prix de vente. La représentation de la distribution spatiale
des prix des terres dans la Région maritime permet d’illustrer ce marché.
Pour analyser la distribution spatiale des prix des terres collectés auprès des agences
immobilières, nous avons élaboré des cartes où le prix est représenté par des cercles
proportionnels. Ensuite, les données de prix ont été moyennées à l’échelle des cantons
afin d’étudier l’évolution du marché entre 2000 et 2015. L’analyse est conduite
séparément sur les deux segments du marché que nous venons de voir, le marché
agricole et forestier d’une part et le marché de la construction d’autre part.
13
Le « lot » correspond à 600 m2 ; c’est une appellation locale des parcelles après l’opération de lotissement qui
correspond à la subdivision d’un terrain vierge d’un seul tenant en parcelles avec aménagements appropriés
d’infrastructures et équipements collectifs pour accueillir les constructions à réaliser par les occupants futurs”. Les
travaux de terrains ont permis de constater qu’au Togo, le lotissement est réalisé par des géomètres privées sans
autorisation préalable de l’Etat.
L’analyse spatiale des prix des terres sur le marché agricole et forestier met aussi en
évidence la zone littorale et la périphérie de la ville de Lomé où le prix des terres
agricoles est égal au prix des terrains à bâtir. C’est un espace qui couvre 23,9 % des 71
cantons étudiées. Pour l’essentiel, les acquéreurs sont des actifs non agricoles qui
mettent en location ces parcelles pour la production agricole ou pour se lancer eux-
mêmes dans le maraîchage dans un premier temps, avec l’objectif à terme de bâtir une
maison.
5.3.4.2 Des prix des terres en augmentation sur le marché foncier résidentiel
De la même manière, le prix du mètre carré de terre constructible diminue lorsque l’on
s’éloigne du littoral, d’un centre urbain et du réseau routier (Carte 12). Il est très élevé
dans l’extrême Sud-Ouest de la Région Maritime qui correspond à la ville de Lomé et à
sa périphérie. Le prix dépasse en moyenne les 20 millions FCFA.lot-1 (50 EUR.m-2)
dans le canton d’Amoutiévé, et il varie entre 4 et 20 millions FCFA.lot-1 (10 et 50
Dans les villes secondaires (Aného, Vogan, Tsévié, Tabligbo) et les cantons situés sur le
réseau routier (Togblé Kopé, Adétikopé, Davié, Agbodrafo et Aképé), le prix des terres
constructibles est beaucoup plus abordable et varie entre 2 et 4 millions FCFA.lot-1 (5 à
10 EUR.m-2).
Dans le reste des villes de la région, les prix des terres sont relativement faibles, et
inférieurs à 2 millions FCFA.lot-1 (5 EUR.m-2).
Au voisinage de ces cantons, le prix n’a augmenté que de moitié (50 %) à Mission Tové,
Kovié et Noépé ; et il a plus que doublé (> 100%) dans les cantons d’Abobo,
Agbodrafo, Aflao-sagbado, Aflao-Gakli, Legbassito, Kpomé, Davié et Dalavé. Cette
augmentation des prix des terres constructibles à la périphérie de la ville de Lomé entre
2000 et 2015 est de moins en moins forte lorsque l’on s’éloigne du centre de la ville et
des routes goudronnées. L’augmentation a été très faible (< 5%) dans les cantons ruraux
de Togoville, Badja, Tovégan, Vo-Koutimè et Dzrépko, certainement à cause de
l’enclavement de ces cantons.
Les données collectées sur les prix (à la fois sur les panneaux de vente et lors des
entretiens avec les agents immobiliers) des 1345 parcelles mises en vente sur le marché
foncier permettent d’étudier les déterminants du prix. L’objectif principal est d’identifier
à partir d’une analyse statistique les variables les plus explicatives des prix des terres
dans cette région.
Quinze (15) variables explicatives sont retenues pour l’analyse statistique : onze (11)
variables directes liées aux caractéristiques physiques de la parcelle (localisation,
topographie, accessibilité…), disponibilité des services d’eau et d’électricité, niveau de
sécurisation foncière et usage actuel et futur ; et quatre (4) variables indirectes : pression
Une analyse de variance (ANOVA) et des régressions linéaires ont été utilisées pour
analyser ces déterminants du prix. Chaque variable utilisée a un taux de réponse
supérieur à 85 % (Meur, 2002) et celles qui ne répondent pas à ce critère ne sont pas
prises en compte.
Pour les relations entre variable nominale (ex : statut juridique) et variable numérique
(ex : prix de vente actuel), chacune des modalités de la variable nominale a un effectif
minimum de 150. Les moyennes calculées sont considérées différentes au seuil de 95%
(test t selon une loi de Student). La variance F indique de quelle manière la variable se
disperse autour de sa moyenne. Une variance de zéro signale que toutes les valeurs sont
identiques. Une faible variance est signe que les valeurs sont proches les unes des autres
alors qu'une variance élevée indique que celles-ci sont très dispersées. La relation entre
les variables est qualifiée de Très Significative « TS » lorsque la probabilité (p-value en
anglais) est p ≤ 1 % ; Significative « S » lorsque 1 % ≤ p ≤ 5 % ; Peu Significative « PS
» lorsque 5 % ≤ p ≤ 15 % ; et Non Significative « NS » lorsque p ≥ 15 %.
Prix
de
vente
S actuel TS
Usage
Inondabilité
futur de
de la
la
parcelle
parcelle
TS TS
Niveau TS TS Position
d’instruction du topographique
cédant de la parcelle
TS TS
TS
Nature
Usage
de la
actuelle
route
de la
pour y
parcelle
accéder
Activités Localisation
secondaires Statut géographique
du cédant Juridique (Canton)
de la
parcelle
Position topographique
Le prix de la terre diminue selon que le terrain soit situé sur un plateau, une pente ou un
bas-fond. Il est de 3,18 millions FCFA.lot-1 (8,1 EUR.m-2) sur les plateaux, contre 1,20
millions FCFA.lot-1 (3,1 EUR.m-2) dans les bas-fonds. Une relation significative (p ≤
0,1%, F = 26,46) existe entre le prix moyen des terres et la position topographique
Plateau 3185008
Pente 1962500
TOTAL 2956201
3185008
5920211
Inondabilité de la parcelle
On constate également que les terres non inondables ont plus de valeur que celles qui
sont sujettes à des inondations (Graphique 10). Elles coûtent en moyenne 3 millions
FCFA.lot-1 (7,64 EUR.m-2) contre 2,3 millions FCFA.lot-1 (5,75 EUR.m-2). Les résultats
statistiques indiquent que l’inondabilité influence de façon significative (p = 1,9 %, F =
5,44) le prix de la terre.
-1
Graphique 10: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot ) selon
TOTAL 2956201
3003246
5624364
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 131
Type d’occupation de la parcelle au moment de la mise en vente
L’analyse des données révèle une dépendance significative (p ≤ 0,1%, F = 11,55) entre
le type d’occupation de la parcelle au moment de sa mise en vente et le prix. Les terres
occupées par le maraichage se révèlent nettement plus chères que celles occupées par
des cultures vivrières ou la brousse. (Graphique 11). Elles se négocient en moyenne à
près de 3,70 millions FCFA.lot-1 (9,41 EUR.m-2) contre 1,82 millions FCFA.lot-1 (4.65
EUR.m-2) pour la brousse ou la végétation naturelle. Le coût de la mise en valeur
agricole semble être pris en compte dans le prix.
-1
Graphique 11: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot ) selon le type
d’occupation du sol
3696580
6903023
Usage futur de la parcelle
futur de la parcelle
TOTAL 2956201
4447727
Proximité du littoral
8037145
Le prix des terres diminue significativement lorsque l’on s’éloigne du littoral marin
(Graphique 13). Le prix diminue de 32,3 millions.lot-1 (82,3 EUR.m-2) sur le littoral à
3,97 millions.lot-1 (7,83 EUR.m-2) dans l’arrière-pays. Le littoral, par le biais des
aménités qu’il procure, influence positivement les prix. C’est un lieu où la concurrence
est très forte entre promoteurs hôteliers (souvent étrangers) et acquéreurs locaux ou
producteurs maraîchers. Les promoteurs fonciers jouent sur la proximité de la mer et
cette concurrence pour générer des plus-values importantes.
-2
Graphique 13: Distribution du prix moyen de la terre (EUR.m ) selon la proximité
du littoral
82,3
7,83
Littoral Arrière-pays
Cette avancée de la mer est une menace environnementale perçue et prise en compte par
les propriétaires terriens et par les promoteurs fonciers dans la fixation du prix des
terres. La plupart d’entre eux bradent les terres les plus exposées à cette menace.
La distribution des prix de vente moyens en fonction des classes de population des
localités où se situent les parcelles (Graphique 14) montre que le prix augmente lorsque
-2
Graphique 14: Prix moyen des terres (EUR.m ) selon la population des localités
99,2
8,7
2,2 2,4 4,6
< 1000 1000 - 4000 4000 - 10000 10000 - 100000 > 1000 000
Le prix de vente des terres diminue à mesure que l’on s’éloigne des centres urbains et
des bourgs ruraux (Graphique 15). En moyenne, la terre se négocie à 2,71 millions
FCFA.lot-1 (6,90 EUR.m-2) pour un terrain situé à 5 km d’un centre urbain contre 0,35
millions FCFA.lot-1 (0,91 EUR.m-2) pour un terrain localisé à plus de 25 km de ce même
centre. De fait, le prix de la terre est inversement proportionnel à la distance qui la
sépare d’un centre urbain ou d’un bourg rural.
Malheureusement cette variable n’a qu’un effectif est de 120 et 52 pour deux modalités
(d < 5 km et d > 25 km), au lieu des 150 requis. Et cette variable ne peut être conservée
dans l’analyse.
Graphique 15: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot-1) selon la distance à un centre
urbain ou un bourg rural (km)
<5 2710714
5-10 536685
10-25 457255
> 25 359740
TOTAL 424907
2710714
3877923
Effet de la proximité de voies de communications bitumées
Graphique 16: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot-1) selon la distance à une route
goudronnée (km)
<0.5 7012821
0.5-1 4555224
1-2 3805000
2-5 2098556
>5 1789842
TOTAL 2956201
1789842
2956201 7012821
14305289
La nature du réseau routier qui donne accès à la parcelle mise en vente influence de
façon significative (p ≤ 0,1 % ; F = 7,91) le prix de la terre. Les parcelles qui ont un
accès direct à la route goudronnée ont plus de valeur que celles qui sont desservies par
des pistes non aménagées (Graphique 17). Les premières se négocient à hauteur de
3,22 millions FCFA.lot-1 (8,21 EUR.m-2) alors que la moyenne des secondes est de 2,42
millions FCFA.lot-1 (6,15 EUR.m-2).
TOTAL 2956201
3228544
6024818
Influence de la présence d’un réseau d’adduction d’eau ou d’électricité
TOTAL 2956201
3051227
6240357
Moyenne Dispersion (sur 1 écart-type)
Parcelles disposant d'un réseau d'adduction d'eau 3033019
T OT AL 2956201
3033019
5749536
2992622
2956201
2828729
5580849
Les moyennes sont calculées par catégorie de niveau de scolarisation sans tenir compte
des non-réponses (301 enquêtes n’ont pas été renseignées sur un total de 1345). Plus le
propriétaire a un niveau de scolarisation élevé, plus la valeur de la terre est importante
(Graphique 20). Les terrains mis en ventes sont négociés en moyenne à 9,12 millions
FCFA.lot-1 (23,2 EUR.m-2) par un cédant du niveau universitaire, et à 5,47 millions
FCFA.lot-1 (11,6 EUR.m-2) par les cédants non-scolarisés. Le niveau de scolarisation
influence significativement (p ≤ 0,1%, F = 31,54) les prix de vente des terres.
9120167
13462940
TOTAL 2956201
4005600
6742395
Graphique 22: Distribution du prix moyen de la terre (FCFA.lot-1) selon le niveau de certification
foncière des parcelles
TOTAL 2956201
3682298
6778359
L’analyse suivante vise à apporter des éclairages sur le fonctionnement et les règles du
marché foncier dans la Région Maritime du Togo, et sur son lien avec les dynamiques
de peuplement observées.
La majorité des parcelles agricoles relève de fait de ce régime foncier coutumier dont le
principe de base est ‘la terre appartient au premier occupant’. Ces règles coutumières et
consensuelles d’appropriation des droits de propriétés, identifiées dans la Région
Maritime du Togo (occupation, donation, succession), s’observent un peu partout en
Afrique de l’Ouest (Akobi, 2003; Biarnes & Colin, 1987; Chauveau et al., 2006; Colin,
2004a; Soro & Colin, 2008) et du Centre (Mbetid-bessane, 2014; Socpa, 2006). La
particularité du Togo réside dans la reconnaissance formelle de ce régime foncier
traditionnel et sa prise en compte dans la constitution du pays qui accorde une large
autonomie aux propriétaires terriens autochtones dans l’usage de leurs biens et dans le
transfert des droits de propriété par la vente.
La monétarisation des transferts fonciers, de plus en plus nombreux, n’a pas suscité la
mise en place d’un cadre réglementaire moderne qui prenne en compte les différents
enjeux de la croissance démographique, de protection des écosystèmes forestiers et de la
sécurité alimentaire. C’est un marché foncier libéral qui se développe et qui permet à
tout individu (homme ou femme, migrant ou autochtone, producteur agricole ou non…)
d’accéder à la propriété foncière, pourvu qu’il dispose de moyens financiers suffisants.
Quand on analyse le décret n° 71-141 du 24 juin 1971 portant sur la limitation des prix
des terres constructibles dans la ville de Lomé, le prix maximal d’un mètre carré de terre
à bâtir est de : « 600 FCFA (0,92 EUR) dans la première zone (< 5 km par rapport au
centre-ville) ; 300 FCFA (0,46 EUR) dans la deuxième zone (5 – 10 km par rapport au
Certes, le pouvoir d’achat des ménages s’est nettement amélioré par rapport aux années
1970. Mais les prix en vigueur sur le marché foncier résidentiel sont hors de portée pour
la plupart des actifs togolais. Un agent de la fonction publique de rang A1
(correspondant au fonctionnaire le mieux payé), dont le salaire équivaut à environ
2,40 millions FCFA (soit 3 665 EUR) par an, devrait économiser la totalité de son
salaire pendant 16 ans pour s’offrir une parcelle constructible de 600 m2 dans le canton
d’Amoutiévé (au centre de la ville de Lomé). La Carte 14 indique le nombre d’années
de salaire à économiser pour devenir propriétaire d’une parcelle de ce type dans les
autres cantons de la Région Maritime. Plus ce fonctionnaire s’éloigne de la ville de
Lomé, plus la période d’économies nécessaires est courte. De fait, la plupart des
acquéreurs (toutes catégories professionnelles confondues) préfèrent se déplacer
relativement loin des centres urbains, dans les cantons où ils mettront moins de temps
pour devenir propriétaire d’une parcelle à bâtir. Cette pratique résidentielle, observée
initialement dans la périphérie immédiate de Lomé, s’est propagée sur une grande partie
de la Région Maritime du Togo. Elle est en partie à l’origine de la création des nouvelles
localités que nous avons observée.
Pour tenir compte des réalités actuelles du marché foncier et des pratiques des nouveaux
acquéreurs, il est indispensable de créer de nouvelles mesures juridiques et
administratives, comme c’est le cas dans la plupart des pays développés (Cavailhès &
Wavresky, 2006; Guyomard & Schmitt, 2014).
Les résultats de l’analyse des déterminants du prix des terres sont cohérents avec les
règles de l’économie de marché. Les décisions de mise en vente des terres, considérées
ici comme des biens rares, sont déterminées majoritairement à l'aide d'informations
résultant de la confrontation de l'offre et de la demande telle qu'établie par le libre jeu du
marché (Bryant, 1997; Laurier, 2004; Nubukpo, 2011). Ces résultats permettent de
constater que le marché foncier au sud du Togo présente toutes les caractéristiques que
l’on peut attendre d’un marché foncier (Lefebvre & Rouquette, 2011; Mbetid-bessane,
2014) : les prix baissent avec la distance aux centres-villes, aux bourgs ruraux, au
littoral marin ou aux infrastructures routières ; ils augmentent quand les parcelles sont
équipées d’un réseau routier de qualité ou occupées par des cultures commerciales
productives (maraîchage). Les parcelles dotées de titres de propriété sont plus chères
que celles qui ont une tenure offrant moins de sécurité, témoignant de la valeur accordée
au document administratif dans un marché largement dominé par les règles coutumières.
Il y a une exception dans ce tableau, c’est le littoral Est de la Région Maritime du Togo
où l’érosion côtière influence négativement les prix des terres. Cette érosion marine, liée
au contexte général du réchauffement climatique (Schlenker et al., 2006), est un élément
nouveau dans la fixation des prix des terres. Plus généralement, à l’échelle globale, cette
situation est envisagée par Mendelsohn et al. (2010) : il suggère que le prix des terres
pourrait diminuer de moitié à l’horizon 2100 dans les zones fortement impactées par le
changement climatique.
2017_BAWA_Anissou_Thèse_de_Doctorat Page 145
5.5.3 L’insécurité foncière à l’origine de logiques d’occupation et de peuplement
Les populations pauvres et la plupart des exploitants agricoles évincés des périphéries
urbaines par l’augmentation de la rente foncière s’éloignent des centres urbains et
recherchent les localités où le prix de la terre correspond à leurs moyens financiers. Ces
mouvements de population contribuent à renforcer les inquiétudes sur le maintien des
terres agricoles et des paysages naturels dans les périphéries urbaines. Outre le coût de
la terre qui pousse ces populations à migrer vers des espaces de plus en plus éloignés
des centres-villes, l’analyse de la sécurisation foncière apporte un autre éclairage.
Plus l’on s’éloigne de la ville de Lomé, plus l’insécurité foncière est grande (Graphique
23). Les tenures les plus sûres et les plus formalisées sont localisées près de Lomé. Ceci
peut s’expliquer par le fait que ce sont les populations les plus riches et les classes
moyennes qui résident dans les périphéries proches du centre-ville et qui ont des moyens
financiers importants et les réseaux sociaux nécessaires pour s’assurer de la sécurité
foncière.
centre-ville de Lomé
100
22,8
37,3
57,4
27,4
50
31
20,3
49,8
31,7
22,4
0
< 5 km 5 -10 km > 10 km
Dans ce contexte, la meilleure façon d’éviter la spoliation foncière très présente dans la
Région Maritime, c’est de s’installer en construisant une maison. Dans le chapitre
suivant, nous allons présenter les principaux acteurs, les filières d’approvisionnement en
en terre pour le logement et une hypothétique procédure de régulation du marché
foncier.
marché foncier
La question foncière en Afrique occidentale est dominée ces dernières années, en termes
médiatiques, politiques et de publications scientifiques ; par le thème des acquisitions de
terres à grande échelle (Merlet, 2009). L’attention est le plus souvent portée vers les
investisseurs étrangers et très récemment vers les élites locales (Tarrouth & Colin,
2016). Mais la place des petits acquéreurs nationaux, fortement impliqués dans le
processus d’urbanisation des campagnes rurales africaines, est de plus en plus reconnue.
Elle est beaucoup plus visible à la périphérie des villes du Sud (Yapi-Diahou et al.,
2014).
Ces acquissions ont pris une proportion importante au Togo où y règne un véritable
culte de l’habitat individuel soutenu par le manque de logements sociaux et une
gouvernance foncière défaillante en matière de gestion et d’administration. L’accès à la
terre est devenu très difficile, l’usage et la possession de terrains sont peu sûrs et les
conflits fonciers omniprésents. Autant de facteurs qui renforcent les inégalités,
menacent la stabilité sociale et politique. La formulation de politiques efficaces pour
s’attaquer à ces problèmes requiert une compréhension en profondeur des filières
d’approvisionnements en terre pour le logement des villes.
Urbaine Densité forte et continuité Réseau dense de routes Transmission par vente avec des
du bâti prix élevés
Périurbaine Morcellement en cours du Réseau de routes en Transmission par vente avec des
parcellaire agricole et bâti construction prix moyens
discontinu
Rurale Faible densité urbaine sauf Faible accessibilité par le Coexistence de la transmission
dans les bourgs ruraux réseau routier successorale, de la donation et de
marchandisation, avec des prix
bas
L’enquête a permis d’obtenir des informations sur 1210 transferts de parcelles entre
1990 et 2009. Ces parcelles sont à une distance du centre de la ville de Lomé variant
entre 3,2 km et 52 km. Les données relatives à chacune des parcelles ont été recueillies
par une équipe d’enquêteurs auprès des exploitants agricoles qui sont propriétaires de
ces terres.
Les informations recueillies portent sur le statut socio-professionnel des enquêtés, sur
les caractéristiques de chaque parcelle : usage, surface, proximité des infrastructures,
localisation, type de tenure, sur son prix à l’achat et son prix de vente actuel. Le
questionnaire est présenté en Annexe 2. La zone enquêtée a été couverte de manière
uniforme. Sur les 1210 parcelles caractérisées par cette enquête, l’échantillon est
composé de la manière suivante: 23,6 % de parcelles obtenues par transfert non
monétaire (héritage et donation) et 76,4 % de parcelles achetées sur le marché foncier
(Tableau XII). Bien que l’échantillon ne puisse être considéré comme parfaitement
représentatif de l’ensemble des parcelles ayant fait l’objet d’un transfert dans cette
région entre 1990 et 2009, des enseignements peuvent être tirés sur les filières
d’approvisionnement en terres, les acteurs impliqués et les caractéristiques
socioprofessionnelles des principaux acquéreurs.
Donation 37 3,1
Héritage 248 20,5
Transfert monétarisé (achat) 925 76,4
Total 1210 100
Source : Enquêtes de terrain, Bawa, 2012-2015
Les modalités de transferts fonciers sont fortement différenciées dans l’espace régional.
Même si les transferts monétarisés sont observés sur toute la zone étudiée, ils sont
beaucoup plus importants en zones urbaines et dans les espaces périphériques proches
de Lomé que dans les zones rurales (Carte 15). À l'opposé, les transferts non
monétarisés (héritage et donation) sont majoritairement localisés dans les zones
périurbaines les plus éloignées du centre de Lomé et dans les zones rurales. La médiane
des distances au centre-ville pour les parcelles soumises à des transferts monétarisés est
de 21 km. Elle atteint 39 km pour les transferts non monétarisés. Cette différenciation
selon la distance au centre-ville confirme les observations faites en général à la
périphérie des villes d’Afrique tropicale (Colin et al., 2007; Durand-Lasserve, 2004;
Larbi et al., 2004; Wehrmann, 2008). L’émergence de marchés fonciers serait donc
favorisée par l’expansion urbaine.
Très peu d’accédant à la propriété foncière par héritage (4,1%) et donation (2,4%)
résident dans la ville de Lomé. Plus de 80 % de cette catégorie d’accédant à la propriété
Cette analyse des lieux de résidence des accédants montre que les acheteurs sont très
majoritairement des citadins et que les ruraux n’accèdent à la propriété foncière que par
héritage et donation dans leur propre commune.
Tableau XIII: Part (%) des accédants à la propriété selon le lieu de résidence
Lieux de résidence des accédants à la propriété foncière Total
Lomé Villes Bourgs Commune où se Hors de la zone
secondaires ruraux situe la parcelle d’étude
Elle concerne les ventes de terres par des populations autochtones ne disposant d’aucun
document administratif. Plus de sept transferts monétarisés sur dix (77,51%) sont
concernés.
Trois types d’acquéreurs ont été répertoriés dans cette filière (Tableau XIV) :
Tableau XIV: Part (%) des différents types d'acquéreur dans la filière coutumière
d’approvisionnement en terres.
Type d’acquéreur Nombre d’observations Proportion (%) Surface
moyenne (ha)
Exploitants agricoles 303 42,26 1,2
Promoteurs immobiliers 86 11,99 3,01
Populations non agricoles 328 45,75 0,06
Total 717 100
Pris par rapport aux acquéreurs non agricoles, les exploitants agricoles (42,26%)
achètent de grandes surfaces de terres (mesurées en hectare) pour étendre leurs champs
14
Observation faite lors des missions de terrains dans le canton de Djagblé, Adétikopé, Agbodrafo, Aflao Gakli,
Tabligbo, Gapé-centre, Vogan et Tsévié
La filière coutumière est schématisée par le Graphique 24 dans lequel les différentes
étapes du processus de certification foncière sont présentées. Très souvent, la
certification d’une terre peut être interrompue par une vente (revente). Le nouvel
acquéreur se charge alors de continuer jusqu’à obtention de titre foncier.
Lors des opérations de lotissement (subdivision d’un terrain d’un seul tenant en
parcelles avec des aménagements appropriés d’infrastructures et équipements collectifs
pour accueillir les constructions à réaliser par les occupants futurs) chaque collectivité
propriétaire coutumière ou tout individu qui morcelle ses terres pour un usage
résidentiel, reverse 50 % des parcelles (en surface) à l’État pour une utilité d’intérêt
général (ouverture de routes, construction d’école…). Parfois, pour pallier à la forte
demande en terres constructibles dans la ville de Lomé, l’État rétrocède une partie de ses
réserves foncières aux groupes familiaux qui étaient propriétaires initialement. Ceux-ci
se chargent alors du morcellement de la terre en lots et de la commercialisation. Par
exemple, dans la commune de Lomé, la délégation spéciale de la préfecture du Golfe a
procédé en fin 2013 à la rétrocession de 200 hectares de terres appartenant à l’Université
de Lomé (domaine public) vers la collectivité « Bè » de Klikamè. Le lotissement de ces
terres était en cours au moment de notre enquête.
Cette filière correspond à des ventes monétarisées opérées par des promoteurs fonciers
sur des terres qui disposent d’un document administratif (titre précaire ou titre foncier
établi au nom du vendeur). Elle représente 22,49 % des transferts monétarisés que nous
avons identifiés.
L’activité de ces promoteurs fonciers, que nous qualifions d’« opportunistes », est liée à
la faible implication de l’État dans la promotion foncière et dans l’attribution des terres
en général. Ces promoteurs n’ont aucun bureau, aucune agence, et ils opèrent de façon
informelle. En achetant des terres auprès d’agriculteurs, héritiers des premiers
occupants, et en lotissant ces terres avec des géomètres privés, ils transforment la terre
en un produit marchand. Ils connaissent bien les voies et moyens pour faire valider les
plans de lotissement par les services administratifs du cadastre et de l’urbanisme. En
général, ils ne fournissent pas d’aménagement de base, comme le tracé des trottoirs ou
le raccordement aux réseaux d’eau et d’électricité, et ils n’assurent que les fonctions de
promotion et de commercialisation. Ce sont de vrais opportunistes qui profitent d’une
conjoncture favorable au marché foncier.
Ces promoteurs démarchent pour trouver des acquéreurs solvables. Souvent ils
sollicitent l’aide d’intermédiaires, connus sous l’appellation de « démarcheurs » ou
« coxers ». Ces derniers dressent la liste des parcelles à vendre et l’affichent sur des
panneaux qu’ils exposent le long du réseau routier. La rémunération du coxer est
constituée pour l’essentiel de commissions. Elle se monte à 3 ou 5 euros pour le droit de
visite et à 10 % du prix de vente de la parcelle.
Le Graphique 25 montre que la clientèle ciblée par ces promoteurs pour la vente est
essentiellement constituée de populations non agricoles (94,23 %) et plus rarement
d’exploitants agricoles (5,77 %).
Il existe des liens entre les deux filières d’approvisionnement précédemment décrites.
La filière coutumière informelle fournit des terrains à la filière privée formelle. Le
Graphique 26 représente le système d’approvisionnement en terres dans son ensemble.
Le Tableau XV présente le secteur d’activité des cédants et des acheteurs. Les données
utilisées sont celles issues des enquêtes mais aussi celles collectées auprès des
démarcheurs. Ce tableau indique que la plupart des cédants de parcelles sont dans le
secteur primaire, notamment l’agriculture (93,8 %), mais leur part est nettement plus
importante (99,5 %) dans la filière d’approvisionnement coutumière que dans la filière
privée (7,1 %). A l’inverse, il apparait que les agriculteurs sont minoritaires parmi les
acheteurs de parcelles (34,1 %), et qu’ils passent principalement dans ce cas par la
filière coutumière (42,3 %) contre 5,8 % seulement par la filière privée.
La faible part des agriculteurs (secteur primaire) parmi les acheteurs reflète le recul de
l’agriculture dans cette région et l’importance du marché foncier résidentiel. La forte
proportion d’acquéreurs issus du secteur secondaire et tertiaire est due en partie au
soutien que leur apporte leur employeur en cautionnant leurs demandes de prêt auprès
des institutions bancaires. Les exploitants agricoles ne bénéficient pas de ce soutien et
sont souvent astreints à utiliser leurs épargnes ou à avoir recours au service des
coopératives d’épargne et de crédit dont les taux d’intérêt sont très élevés et peuvent
atteindre 17%.
Le marché foncier a une clientèle dont le pouvoir d’achat permet les acquisitions et que
nous désignons ici comme les “classes moyennes” (Jacquemot, 2012a, 2012b), bien que
ce terme regroupe des réalités très différentes d’un pays à un autre (Chen, 2008; Darbon,
2012; Darbon & Toulabor, 2011). Notre étude montre d’ailleurs qu’au sein même de la
Région Maritime du Togo, ce groupe est un ensemble hétérogène (Graphique 27) qui
réunit des commerçants (37,3%), des fonctionnaires dont les ‘cadres’ ou ‘élites locaux’,
et tous ceux qui, dans les grandes entreprises d’État ou du secteur privé (24,2%), y
compris internationales, bénéficient de revenus réguliers et importants. On y retrouve
Commerçants 37,3%
Mécaniciens 5,6%
Agents BT P 5,0%
Géomètres 4,3%
Cuisiniers 3,8%
Couturiers 3,6%
Dockers 2,6%
Evangélistes 0,7%
Pour ce groupe, comme pour tous les Togolais d’ailleurs, la construction d’une maison
bâtie est l’expression de la réussite sociale (Lare, 2015; Le Bris, 1993; Nyassogbo,
2009).
Tableau XVI: Répartition (%) des acheteurs selon le genre et la situation matrimoniale
Célibataires Divorcés Veufs Mariés Total
Hommes 5,3 0,3 0,7 68,0 74,3
Femmes 1,6 0,7 1,6 21,8 25,7
Total 6,9 1,1 2,2 89,8
Source : Enquêtes de terrain, Bawa, 2012-2015
Moins de 35 0,7%
De 35 à 40 6,7%
De 40 à 45 20,9%
De 45 à 50 23,7%
De 50 à 55 27,1%
De 55 à 60 13,2%
Plus de 60 7,7%
L’enquête met en évidence combien les femmes sont peu engagées dans le marché
foncier. Aucune femme n’a été répertoriée comme revendeuse de terre. La vente est
exclusivement réservée aux hommes. Cette disparité entre les hommes et les femmes
s’explique par la difficulté d’accès à la terre pour le genre féminin en Afrique noire
(Adeoti et al., 2012; Diarra & Monimart, 2006; Diop, 2003). Les femmes ont longtemps
été tenues à l’écart des questions foncières du fait des coutumes (Goerg & Goeh-Akue,
2004). Seuls les hommes héritent et disposent des droits de propriété foncière, et donc
du droit de vente.
Du côté des acquéreurs les choses changent semble-t-il d’après cette étude. Le Tableau
XVII indique que les femmes représentent 22,5 % des acheteurs de parcelles, 38,3 %
des héritiers et 21,6 % des bénéficiaires des dons. Cette part importante des femmes
dans l’achat, l’héritage et le don des terres est conforme aux résultats des travaux
antérieurs qui démontrent l’abandon progressif des règles coutumières qui marginalisent
le genre féminin en Afrique noire (Pescay, 1998b; Rey, 2011; Socpa, 2006). Le
L’âge médian des acquéreurs de terres du genre féminin est plus bas que celui des
hommes : 39 ans contre 51 ans. Ces femmes vivent majoritairement en couple (84,9 %).
Mais 15,1 % vivent seul qu’elles soient célibataires (6,1 %), divorcées (2,9%) ou veuves
(6,1 %). On compte parmi elles une part importante de femmes alphabétisées (67,5 %) ;
24,4% ont atteint le niveau secondaire et 22,8% ont fait des études supérieures. Ces
femmes sont en majorité actives et travaillent pour la plupart dans le secteur tertiaire
(54,8%). Elles sont commerçantes (37,3%), institutrices (6,1 %), agents de
l’administration (4,2 %) ou couturières (3,2 %).
Le Tableau XVIII montre que ces femmes achètent les terres plus souvent dans la
filière privée formelle (57,19 %) que coutumière, contrairement aux hommes. Ce choix
se justifie par la sécurité foncière que garantit la filière privée, puisque les parcelles
mises en vente disposent d’un document administratif (titre foncier ou titre précaire).
L’analyse précédente souligne la faible présence des pouvoirs publics dans le marché
foncier en Région Maritime du Togo. Les promoteurs privés et les propriétaires
coutumiers des terres se révèlent être les principaux acteurs des dynamiques en cours, et
en particulier de la transformation des espaces agricoles en espaces résidentiels. Ces
acteurs morcellent les terres et bornent les parcelles qu’ils mettent en vente sur le
marché foncier.
La périphérie des villes est le lieu privilégié de l’intervention de ces acteurs (Allen et al.,
2011). Autour de Lomé, plusieurs hectares de terres agricoles et d’espaces naturels sont
le théâtre de multiples opérations de lotissement et de construction. Les périphéries de la
ville de Lomé sont particulièrement visées, à tel point que la séparation avec les
agglomérations voisines d’Agbodrafo à l’Est et Noépé au Nord-Ouest devient invisible.
Dès que le prix des terres d’un quartier en cours de construction commence à grimper, il
suffit de s’en aller un peu plus loin pour retrouver des prix du marché foncier plus
attractifs. De fait, l’expansion spatiale de l’agglomération de Lomé est très rapide et elle
se fait au détriment des espaces agricoles. Cette course à la terre est exacerbée par le fait
qu’au Togo l’acquisition d’une terre agricole ou forestière ne supprime pas le droit de
construire (Foli, 1982).
L’avenir de l’agriculture des espaces périphériques dépend donc de son intégration dans
les projets urbains (Aubry et al., 2012; Dabat et al., 2006). Certes les plans
d’aménagement ne garantissent pas toujours un usage agricole des terres à long terme.
Ces plans, assortis d’une réglementation, ont montré les limites de leur efficacité dans
d’autres régions (Perrin, 2013). La planification, même bien conduite, n’apparaît pas
Selon Durand-Lasserve (2009), le service public qui est en charge de ces acquisitions est
souvent influencé par les réseaux sociopolitiques et la corruption. Les attributions de
terre à des exploitants agricoles ou à des promoteurs fonciers pour l’usage résidentiel
devraient s’appuyer sur une concertation entre acteurs locaux. En ce sens, les opérations
‘terrains en mains’ et ‘clef en mains’ à Lomé et dans ses périphéries doit s’adapter à la
demande des populations à travers les organisations syndicales et les groupements de
paysans.
Les exploitants agricoles sont pris en tenaille entre la promesse d’une rente foncière
élevée et des revenus agricoles relativement faibles dans la réalité. De fait, la pression
exercée par le marché foncier urbain contribue aujourd’hui au mitage de ces espaces
agricoles des périphéries urbaines. Cette pression est perçue par les exploitants agricoles
tantôt comme un risque réel pour la poursuite de leur activité, tantôt comme une
opportunité pour l’agriculture périurbaine ou une opportunité pour réaliser des plus-
values foncières. Ces transformations paysagères et les stratégies mises en place par les
exploitants agricoles sont présentées dans la partie suivante.
Dans cette quatrième partie, nous caractériserons les transformations paysagères à partir
des images très haute résolution (Chapitre 7) et ensuite nous décryptons la perception
qu’ont les exploitants agricoles de la croissance urbaine et les stratégies qu’ils mettent
en place (Chapitre 8). Une attention particulière est portée sur le genre féminin qui a été
longtemps écarté des questions foncières dans les pays africains (Gray & Kevane,
1999).
Pour ces analyses détaillées, nous changeons d’échelle spatiale avec des images
satellites à très haute résolution (résolution sub-métrique). Les quatre sites pilotes
(Figure 5) retenus pour cette analyse ont une surface comprise entre 110 et 229 hectares
seulement. Le but de l’analyse ici n’est pas de quantifier les transformations sur
l’ensemble de la Région Maritime, mais d’illustrer ces dynamiques et de quantifier les
processus en jeu sur ces quelques sites pilotes. La cartographie de l’occupation des
terres a été faite par photo-interprétation puis validé par un contrôle sur le terrain. Dans
une première partie, il sera présenté la diversité des structures paysagères et les
changements d’usage entre 2002 et 2012. Ensuite, l’analyse se focalisera sur la
fragmentation des paysages agricoles et son impact sur l’organisation des paysages
agricoles.
Dans l’ensemble, l’évolution de l’occupation des sols entre 2002 et 2012 montre, malgré
de profondes transformations, une certaine persistance des types d’occupations des sols
entre 2002 et 2012 qui laissent une empreinte plus ou moins forte (Planche 17 et 18).
Les plus grands changements concernent l’évolution des surfaces, l’agrégation ou la
fragmentation des unités d’occupation des sols notamment l’agriculture, le bâti, les
plantations et la végétation naturelle.
II
Planche 18: Evolution de l’occupation des terres sur les sites pilotes III et IV entre 2002 et 2012
III
IV
Sur le site I, intra-urbain, (Tableau XIX), 52,7% des terres agricoles caractérisées en
2002, se sont urbanisées en 2012. En une décennie, l’espace urbanisé a plus que
doublé, passant de 36,5 ha à 95,5 ha, soit un taux annuel moyen de variation de
+16,2%. L’urbanisation s’est fait également à partir des zones de plantations (14,8%)
et des espaces occupés par la végétation naturelle (59,5%). Une part importante de ces
plantations (68,9%) et de la végétation naturelle (14,9%) a été mise en culture.
L’espace agricole peut être considéré comme une étape intermédiaire dans le
processus d’urbanisation observé au Sud du Togo.
Tableau XIX : Changement d’usage des terres et évolution des surfaces entre 2002 et
2012 sur le site I
Parmi toutes les zones de changement, celle montrant le passage de l’agricole vers
l’urbain sont localisées vers l’Ouest et le Sud du Site I, dans le prolongement de la
ville de Lomé (Planche 19).
Par ailleurs, de nouvelles zones de plantation sont créées en 2012 sur des terres
autrefois agricoles. Leur part est faible (0,1%) mais elle révèle le développement de
stratégie d’investissement agricole dans cette région et témoigne du double effet de la
proximité urbaine, à la fois intégrateur et déstructurant (Soulard et al., 2011). L’autre
fait marquant est l’abandon d’une partie de ces terres agricoles (1,6%) qui sont
recolonisées par la végétation naturelle. Ce déguerpissement des paysans de la zone
littorale, est occasionné par l’érosion côtière très forte dans cette zone et qui est perçu
comme une menace.
Tableau XX : Changement d’usage des terres et évolution des surfaces entre 2002 et
2012 sur le site II
On note également la création de nouvelles zones de plantation en 2012 sur des terres
autrefois agricoles (1,4%) confirmant l’effet intégrateur de la proximité de la ville de
Lomé. Sur ce front d’urbanisation, c’est plutôt le palmier à huile qui est développé
contrairement au site II.
Tableau XXI : Changement d’usage des terres et évolution des surfaces entre 2002 et
2012 sur le site III
Les zones de transformation des terres agricoles en zones urbaines s’observent un peu
partout sur le site (Carte 17). Le réseau routier est absent et l’établissement du bâti se
fait de façon aléatoire sans coordination. C’est un mitage de l’espace singulier à cette
région de l’Afrique de l’Ouest et qui est contraire aux observations existantes (Perrin
et al., 2013; Valette et al., 2013).
Tableau XXII : Changement d’usage des terres et évolution des surfaces entre 2002 et
2012 sur le site IV
La carte 18, montre que les zones de conversion des terres agricoles en zones urbaines
se localisent autour des villages anciens notamment le village de Houlé Kopé et de
Tshinkou Kopé et le long du réseau routier Lomé-Mission-Tové.
Dans les pays où la gestion urbaine est maitrisée, les espaces périphériques
constructibles sont viabilisés à l’avance : voies de communication, adduction d’eau,
électricité et téléphone. Ces infrastructures orientent les choix résidentiels des
candidats au logement et contribuent aux modelages de ces espaces périphériques
(Compaoré, 2003; Dissart, 2006; Hecker, 2007). C’est l’inverse que l’on observe dans
les périphéries de la ville de Lomé où l’organisation de l’habitat par les acteurs privés
individuels ou collectifs précède la mise en place de la voirie et des divers réseaux.
Ce type de bâtis dispersé peut être observé au Nord de la Région Maritime, dans les
cantons de Legbassito, Mission-Tové, Kovié, Adétikopé et sur le littoral dans le canton
d’Agbodrafo.
En 2012, 64% des espaces bâtis sont situés en bordure des routes, sur des terres qui
étaient agricoles dix années auparavant. Et la plupart des autres espaces bâtis sont
localisés sur des voies de circulation rudimentaires généralement conçues par les
riverains eux-mêmes avant l’intervention des services d’aménagement urbain. Cette
stratégie pour faciliter l’accessibilité occupe souvent une place importante dans la
structuration des nouvelles extensions urbaines, et elle s’observe particulièrement sur
le littoral où les ruelles forment un réseau en peigne autour de l’axe principal qui relie
Lomé à Aného (Carte 19).
Lorsque ces espaces périphériques se peuplent, les bâtis isolés s’agrègent pour former
un « semis urbain mosaïque » puis une « aire urbaine continue ». Ce processus est
bien visible sur le site intra-urbain (site I) de la ville de Lomé (Planche 21).
Planche 21: Evolution des taches urbaines sur le site I entre 2002 et 2011
Les taches agricoles du site I, qui étaient déjà de petites tailles en 2002 (8,98 ha),
diminuent de plus de la moitié de leur superficie moyenne en dix ans pour atteindre
3,64 ha (soit une perte de 59,47%) en 2012. Elles sont de plus en plus éloignées les
unes des autres. La distance moyenne qui les sépare est passée de 57 m en 2002 à 160
m en 2012. La fragmentation des entités agricoles s’observe sur tous les sites. Elle est
plus importante sur les sites II, III et IV où l’établissement du bâti et du réseau routier
concours à isoler de petites entités agricoles dont la surface moyenne a diminué
respectivement de 81,1%, 86,2% et 62,2%. Cette diminution rapide des surfaces
cultivées constitue un frein au développement de l’agriculture périurbaine dans cette
région.
Sur la même période, le nombre de tache du bâti augmente sur tous les sites. On note
une hausse considérable de leur nombre notamment sur les sites II et III correspondant
respectivement au front d’urbanisation Est et Nord-Ouest de la ville de Lomé. Les
nouvelles constructions en 2012, peuvent être considérées comme relevant d’une
densification du tissu urbain existant sur les sites I, II puisque le nombre de tache était
élevé en 2002. Ces nouvelles constructions s’insèrent dans les interstices disponibles.
Sur le site III et IV, ces nouvelles constructions correspondent, à la densification du
bâti en milieu rural et qui est à l’origine de la formation de nouvelles agglomérations
Le nombre des taches des plantations augmente sur le site I suite à leur
morcellement. Il diminue sur le site II à cause de leur disparition complète. Il reste
stable sur le site III et IV. Le plus important dans leur évolution est la diminution de
leur surface moyenne qui est de 97,13 % (site I), 54,54 % (site II), 46 % (site III) et
43,14 % (site IV). Il s’agit en effet d’une part des palmerais et de cocoterais qui sont
substitués par les cultures vivrières ou le bâti.
200 Site I
150
100 2002
55 2012
50 27
9 16
1 6 2 1
0
agricole batis plantation vegetation naturelle
150
100 84 2002
2012
50
19
4 8 2 2 2
0
agricole batis plantation vegetation naturelle
150
100 2002
58 2012
50
13 17
2 2 2 0 0
0
agricole batis plantation vegetation naturelle
200 Site IV
150
100 2002
2012
50 36
14
2 5 3 3 0 0
0
agricole batis plantation vegetation naturelle
50 Site I
40
30 24,4
2002
20 2012
9,0 10,8
10 3,6 5,5
1,4 1,7 0,7
0
agricole batis plantation vegetation naturelle
50 Site II
40,2
40
30 24,5 25,8
2002
20
2012
7,6
10
0,1 0,2 1,1 0,5
0
agricole batis plantation vegetation naturelle
100
76,5
Site III
80
60
2002
40
2012
20 10,5
5,0
0,5 0,5 2,7 0,0 0,0
0
agricole batis plantation vegetation naturelle
Site IV
50 45,2
40
30
2002
20
10,2 2012
10 6,6 5,8
0,2 0,3 0,0 0,0
0
agricole batis plantation vegetation naturelle
La forme la plus rependue est une mosaïque que l’on observe dans toutes les espaces
périphériques, mais à des stades divers. Elle débute par un semis de taches urbaines de
faible taille à l’intérieur même de l’espace agricole. Ces taches correspondent à
l’apparition des bâtis. Au fur et à mesure qu’il évolue, le nombre et la taille de ces
taches augmentent, fragmentant le tissu continu (la matrice au sens de l’écologie du
paysage) que formaient les espaces agricoles. Ensuite, l’espace agricole se fragmente,
pour ne former que des taches de faible superficie. La cartographie de l’évolution de
l’occupation des sols sur le site III illustre bien ce processus (Planche 24).
Planche 24: Recul des terres agricoles par mitage et fragmentation sur le site IV.
Terres agricoles
L’autre forme de recul des terres agricoles est le recul par aire continue (par front)
comme c’est le cas dans la partie Sud-Ouest du Site I entre 2002 et 2012 (Planche 25).
La conversion des terres agricoles en bâtis se fait par contiguïté avec les espaces les
plus proches.
Cette forme de recul s’observe dans des espaces intra-urbains de la ville de Lomé et
dans les espaces périphériques les plus proches du centre-ville. Face à ces dynamiques
d’urbanisation, les agriculteurs ont du mal à se maintenir dans ces espaces. Ils
perçoivent les risques pour leur activité et tentent d’adopter des stratégies pour
s’adapter aux transformations en cours et à l’évolution du marché foncier. Nous allons
étudier plus en détails ces perceptions et stratégies dans la partie suivante.
Pour rendre compte de la diversité des stratégies foncières que développent les
exploitants agricoles face à la croissance urbaine, nous nous sommes intéressés dans
un premier temps à la perception qu’ils ont du processus d’urbanisation car la
perception des risques et le développement des stratégies sont étroitement liées
(Dauphiné & Provitolo, 2007; Weiss et al., 2006). Mais l’analyse de la perception des
risques et des stratégies en géographie soulève des questions épistémologiques
majeures dans la mesure où elle est abstraite et correspond à un état d’attente (Le
Breton, 2012) ou une anticipation diffuse (Lamine, 2011a). Néanmoins les enquêtes
par questionnaires restent le meilleur moyen pour les géographes d’évaluer les
perceptions et les stratégies des acteurs (Goeldner-Gianella & Humain-Lamoure,
2010). Pour cette analyse, l’enquête menée auprès de 1210 exploitants à la périphérie
de la ville de Lomé, a été utilisé.
Le taux de réponse pour la perception des risques liés à l’urbanisation est de 86,45%.
Pour les stratégies envisagées, le taux de réponse est de 25,95% seulement. Une des
raisons apparente à ce faible taux est que la plupart des enquêtés (70%) n’exercent
l’agriculture que comme une activité annexe. Pour mieux rendre compte à la fois des
perceptions et des stratégies qui y sont étroitement liées, nous n’avons retenu dans
l’analyse que les exploitants agricoles qui exercent l’agriculture comme seule activité.
Ils sont au nombre de 314, dont 247 hommes et 67 femmes, répartis dans 152 localités
(Carte 20).
l’agriculture
Les hommes perçoivent la croissance urbaine comme une menace directe pour
l’activité agricole. Pour eux, l’urbanisation est un étalement continu et homogène où
l’agriculture n’a plus sa place. Ce sont, pour l’essentiel, des hommes d’un âge avancé
(Graphique 30), acquéreurs ou héritiers de vieilles plantations de palmiers à huiles et
de cocoterais peu rentables.
Graphique 30: Répartition des exploitants ‘hommes’ par classes d’âge (ans)
De 55 à 60 63,2%
De 60 à 65 33,6%
Plus de 65 3,2%
Les stratégies de ce groupe (Tableau XXIV) sont pour une fraction importante
(54,4%) la vente, c’est-à-dire une sortie définitive de l’agriculture. Ils projettent
alors d’investir dans un autre secteur d’activité qu’agricole. Ainsi trente-sept (37)
agriculteurs prévoient de construire des logements pour la location, neuf agriculteurs
(09) projettent de monter une boutique de vente de produits alimentaires ou de
quincaillerie, et cinquante-trois agriculteurs (53) comptent chercher un travail non
agricole en ville.
Pour une autre fraction d’agriculteurs moins importante (31,32%), la vente s’inscrit
dans une logique de besoin d’extension de leur exploitation (Jarrige et al., 2006). Or le
contexte contraignant de la pression foncière dans laquelle ils évoluent ne le permet
pas dans leur environnement immédiat. De fait ces agriculteurs vendent leurs parcelles
pour racheter des terres de plus grande superficie, plus loin, en milieu rural, et
continuer leurs activités agricoles en investissant si possible dans du matériel agricole
et d’irrigation. Cette stratégie foncière a été observée à la périphérie d’autres villes
d’Afrique tropicale (Bouquet & Kassi-Djodjo, 2014; Guèye et al., 2009; Kêdowidé et
al., 2010). Elle explique dans le cas du Togo Maritime la création de nouvelles
localités, phénomène que nous avons décrit précédemment (Chapitre 3).
Le reste des agriculteurs (14,28%) de ce groupe n’a pas de projet pour l’après-vente,
mais le marché foncier urbain est perçu quoiqu’il en soit comme une aubaine et une
opportunité à ne pas manquer.
8.2 La croissance urbaine perçue par les femmes comme une opportunité pour
l’agriculture
Toutes les femmes et une partie des hommes (1 sur 5) perçoivent la croissance urbaine
comme une opportunité pour l’agriculture périurbaine. Ces exploitants agricoles
(hommes et femmes) sont beaucoup plus jeunes que précédemment, puisque l’âge
médian est de 47 ans. Leur stratégie se décline de trois manières (Tableau XXV) : i) la
conservation de l’activité agricole mais en adaptant les systèmes de culture pour
Tableau XXV: Diversité des stratégies pour les exploitants considérant la pression
urbaine comme une opportunité
Hommes Femmes Total
Nombre Part
Plus de 65,91% des exploitants considérant la pression urbaine comme une opportunité
optent pour le maintien de leur exploitation et de leur activité agricole. Pour eux, il
n’est pas question de se reconvertir dans une autre activité.
Ce sont pour la plupart des agriculteurs dont les systèmes de cultures ont évolué pour
correspondre au mieux à la demande de la ville. Pour comprendre ces adaptations à la
pression urbaine, une analyse de l’occupation des terres passée (2000 et 2015) et
envisagée (2030) a été réalisée à partir des résultats du questionnaire auprès de ces 87
agriculteurs concernés (Graphique 31). Les résultats montrent un fort déclin des
cultures de rente notamment du palmier à huile et des cocotiers, entre 2000 et 2015 (de
49,99% à 16,71% des surfaces cultivées), au profit des cultures maraichères (de
12,81% à 49,16%). Ces exploitants agricoles considèrent d’ailleurs que ce processus
va se poursuivre puisque les cultures de rente et maraichères devraient représenter
selon eux respectivement 5,38% et 76,09% des surfaces cultivées en 2030. Mais ce
développement du maraichage devrait se faire aussi au détriment des cultures vivrières
Graphique 31: Evolution des surfaces cultivées (%) entre 2000 et 2015, et
projections à 2030.
100%
12,81
49,16
37,2
76,09
50%
34,13
49,99
18,53
16,71
0%
5,38
2000 2015 2030*
Mais au-delà de ces mutations des systèmes de cultures qui permettent aux agriculteurs
de résister à la pression urbaine, deux autres stratégies existent : la spéculation foncière
sur tout ou partie des terres.
8.2.2 La spéculation
Une vingtaine d’exploitants agricoles (15,91% de l’échantillon) ont une stratégie qui
consiste à continuer l’exploitation agricole jusqu’à ce que la parcelle soit urbanisable,
leur but étant de vendre la terre et de maximiser le profit. Ce sont pour l’essentiel des
hommes, disposant souvent d’une autre exploitation agricole ailleurs.
Vingt-quatre exploitants agricoles, notamment des femmes (79,16 %), non mariées
pour la plupart, vendent une partie de leurs terres agricoles. Cette vente leur permet
8.3 Discussion
La pression de l’urbanisation sur les terres agricoles des périphéries de Lomé entraine
une diversité de stratégies des exploitants agricoles (Graphique 32), entre vente,
maintien total de l’exploitation agricole et intensification agricole, vente partielle des
terres et investissement sur les parcelles restantes et stratégie spéculative.
Très souvent, les systèmes de cultures sont intensifiés, le maraichage remplaçant les
systèmes de cultures vivriers et les plantations de cultures de rente. Des stratégies
similaires ont été identifiées dans d’autres régions d’Afrique (Gabas, 2011),
notamment en Afrique du Sud (Ducastel & Anseeuw, 2011), en Afrique occidentale
(Bélières et al., 2013; Toulmin & Guèye, 2003), et même dans certains pays du Nord
(Abrantes et al., 2010; Duvernoy & Paradis, 2016).
Mais une des stratégies les plus remarquables est le refus des femmes de vendre
totalement leurs terres et leur volonté de maintenir une activité agricole, au contraire
des hommes. Les femmes sont de fait les principaux acteurs de la conservation des
terres agricoles dans les périphéries urbaines (Granie, 2013; Guillemot et al., 2014) et
elles doivent être considérées comme des acteurs importants dans les programmes de
développement agricole urbains et périurbains des pouvoirs publics.
*les valeurs correspondent aux nombres d’exploitants agricoles concernés Source : Enquêtes de terrain, Bawa, 2012-2015
Tout au long de cette thèse, nous avons montré que les périphéries des villes du Sud
Togo sont en mutation sous l’effet de la densification du peuplement mais aussi de la
marchandisation des terres, et que les exploitants agricoles adaptent leurs stratégies
face à ces transformations. Pour conclure ce travail, nous allons revenir sur l’intérêt de
l’approche utilisée, les principaux apports scientifiques et pratiques de cette étude, et
sur les limites et les perspectives de cette recherche.
dynamique
Cette étude présente une méthode et un cadre qui permettent une analyse systémique
des mutations spatiales et socio-économiques des espaces périphériques des villes du
Golfe de Guinée. L’approche multidisciplinaire utilisée intègre les questions sur la
démographie, les dynamiques d’occupation des sols et la marchandisation des terres.
Elle utilise des méthodes à la fois qualitatives et quantitatives comprenant : la mesure
de l’étalement urbain par agglomération – méthode propre au projet de recherche e-
Geopolis – pour caractériser le processus d’urbanisation in situ; les concepts de
l’écologie du paysage pour identifier la nature des processus de transformation en
cours et leur rapidité ; ou l’analyse systémique des filières d’approvisionnement en
terres et du fonctionnement du marché foncier. Peu de recherches sur les périphéries
des villes du Sud prennent en compte l’ensemble de ces éléments qui concourent à la
transformation des périphéries périurbains. Or cette approche intégrative permet de
cerner les difficultés auxquelles font face les dispositifs politiques et techniques de
gestion des ressouces naturelles. Elle n’est pas seulement valable que pour Lomé et ses
périphéries ; elle peut être utilisée dans les villes d’Afrique de l’Ouest francophone
notamment celles de la zone UEMOA, qui ont une histoire commune et qui partagent
des cadres juridiques et des systèmes d’administration foncière semblables.
L’extension de ce diagnostic à l’échelle régionale, et en particulier autour des villes du
golfe de Guinée pourrait faire l’objet d’une autre étude. Aussi, elle n’est pas seulement
structure du peuplement
L’analyse statistique des prix de vente des terrains dans la Région Maritime permet de
préciser les caractéristiques importantes du marché foncier. Le gradient des prix avec
la distance au centre-ville montre que ce marché foncier est centré sur Lomé et s’étend
jusque dans l’hinterland rural, à la frontière de la zone dans laquelle l’usage des
terrains passe de rural à urbain et où, ont encore lieu des transferts coutumiers non-
monétarisés. La coexistence des diverses tenures sur un même marché se traduit par
et d’urbanisation
Vers un maintien des terres agricoles dans les périphéries des villes du Sud-Togo
Cependant, il faut souligner que l’approche utilisé dans cette thèse a été très
chronophage et limitée par la non disponibilité d’images satellites hautes résolution
couvrant l’ensemble de la Région Maritime et qui aurait permis de quantifier la part
des terres artificialisées. L’absence d’une base de données sur les prix des terres
constituent également une autre limite pour cette thèse, puisque ces données
historiques de référence utilisées pour cerner les dynamiques temporelles des prix se
bornent à la mémoire collective des populations enquêtées. Afin de proposer des
techniques et politiques de gestion du marché foncier togolais, il faudrait étendre
l’analyse du marché foncier à l’ensemble du pays, tout en tenant compte des
particularités de chaque terroir. Les espaces agricoles méritent d’être protégés partout
sur l’ensemble du territoire et non seulement autour de Lomé. De fait nous
envisageons, d’étendre la mise en place d’une base de donnée sur les prix des terres et
Annexe 1: Démarche pour l'obtention d’un titre foncier (tiré du PDU et actualisé)
Année de recensement
Classe de localités Cod Classe 1970 1981 2010
Localités Population Localités Population Localités Population
Effectifs
Moins de 200 classe 1 3575 136706 3559 136520 3683 183913
200 -500 classe 2 247 73549 282 84055 531 164246
500 - 1000 classe 3 82 55277 93 64461 173 116408
1000 - 4000 classe 4 69 116559 75 135541 136 245967
4000 - 10000 classe 5 7 36934 8 45932 23 129992
10000 - 100000 classe 6 3 48595 3 53074 8 208447
Plus de 100000 classe 7 1 186400 1 1201508 1 1571508
Total réel 3984 654020 4021 1721091 4555 2620481
Manquante 571 534 0
Localités apparues 0 38 534
Total Global 4555 4555 4555
Proportions (%)
Moins de 200 classe 1 89,73 20,90 88,51 7,93 80,86 7,02
200 -500 classe 2 6,20 11,25 7,01 4,88 11,66 6,27
500 - 1000 classe 3 2,06 8,45 2,31 3,75 3,80 4,44
1000 - 4000 classe 4 1,73 17,82 1,87 7,88 2,99 9,39
4000 - 10000 classe 5 0,18 5,65 0,20 2,67 0,50 4,96
10000 - 100000 classe 6 0,08 7,43 0,07 3,08 0,18 7,95
Plus de 100000 classe 7 0,03 28,50 0,02 69,81 0,02 59,97
Total 100 100 100 100 100 100
*en gris, ce sont les classes de population urbaine
Annexe 4: Tableaux récapitulatifs des différents types de questions
Questions textes :
Localité: BAGUIDA (86) ; LEGBASSITO (43) ; SAGBADO (41) ; MISSION TOVE (32) ; EKPO (32) ; AGOME (32) ;
Préfecture : ZIO (190) ; Lacs (148) ; Golfe (94) ; Vo (79) ; KOZAH (69) ; BASSAR (45) ; Yoto (39) ; Bas (38) ; Mono (38) ;
Règles coutumières : Concertation sans parapher un document (35) ; Approbation du chef de la collectivité (25), Signature du reçu (6)
Addra KM, 1981. Les atlas du relief, du climat et de l’hydrographie du Togo. Jeune
Afrique.
Adeoti AI, Cofie O, Oladele OI, 2012. Gender Analysis of the Contribution of Urban
Agriculture to Sustainable Livelihoods in Accra, Ghana. Journal of Sustainable
Agriculture 36 (2): 236–248. doi: 10.1080/10440046.2011.620229
African Union, 2009. Declaration on Land Issues and Challenges in Africa. Assembly/
AU/Decl.I (XIII). Addis Ababa.
Antwi A, Adams J, 2003a. Economic rationality and informal urban land transactions
in Accra, Ghana. Journal of Property Research 20 (1): 67–90.
Antwi AY, 2000a. Urban Land Markets in Sub-Saharan Africa: A Quantitative Study
of Accra Ghana.
Antwi AY, 2000b. Urban land markets in sub-Saharan Africa : a quantitative study of
Accra, Ghana, Thèse soumise pour l’ obtention du doctorat, Accra, Ghana : Napier
University
Antwi AY, Adams J, 2003b. Rent-seeking behaviour and its economic costs in urban
land transactions in Accra, Ghana. Urban Studies 40 (10): 2083–2098.
Barbier B, Benoit-Cattin M, Leclerc G, Ruas JF, n.d.. Pour une agriculture plus
durable des pays sahéliens: simulations dynamiques de l’impact de la pression
démographique sur l’agriculture du Sénégal et du Burkina Faso
Baro J, Mering C, Vachier C, 2014. Peut-on cartographier des taches urbaines à partir
d’images Google Earth?. Une expérience réalisée à partir d’images de villes d’Afrique
de l’Ouest. Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne] doi:
10.4000/cybergeo.26401
Bélières J-F, Jamin J-Y, Seck SM, Tonneau J-P, Adamczewski A, Le Gal P-Y, 2013.
Dynamiques foncières, investissements et modèles de production pour l’irrigation en
Afrique de l’Ouest: logiques financières contre cohérences sociales? Cahiers
Agricultures 22 (1): 61–66. doi: 10.1684/agr.2012.0574
Biarnes A, Colin J-P, 1987. Production vivrière et accès à la terre dans un village de
Basse Côte d’Ivoire. Cahier des Sciences Humaines (23): 455–470.
Blivi AB, 2005. Applications des méthodes physiques dans l’étude d’impact
environnemental du gazoduc dans le golfe du bénin (Afrique de l’Ouest) : cas d’étude
du Togo. Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (35): 163–169.
Bonerandi E, Landel P-A, Roux E, 2003. Les espaces intermédiaires, forme hybride:
ville en campagne, campagne en ville? Revue de géographie alpine 91 (4): 65–77.
Bredeloup S, Pliez O, 2005. Migrations entre les deux rives du Sahara. Autrepart (4):
3–20. doi: 10.3917/autr.036.0003
Bricas N, Seck PA, 2004. L’alimentation des villes du Sud: les raisons de craindre et
d’espérer. Cahiers Agricultures 1 (13): 10–14.
Brossard T, Joly D, Strasfogel S, Venzac L, 1999. Évaluation et suivi des paysages par
système d’information géographique, Exemple appliqué à l’arrière pays de
Bourbonne-les Bains, Haute-Marne. Nature et Paysage : 45–62.
Brunhes J, 1925. La géographie urbaine, Tome I: Les faits essentiels groupés et classés
principes et exemples. Librairie Félix Alcan : 574p.
Capozza DR, Helsley RW, 1989. The fundamentals of land prices and urban growth.
Journal of Urban Economics 26: 295–306.
Cavailhès J, Brossard T, Hilal M, Joly D, Tourneux P-F, Tritz C et al., 2007. Le prix
des paysages périurbains. Économie rurale. Agricultures, alimentations, territoires
(297–298): 71–84.
Cavailhès J, Wavresky P, 2006. Les effets de la proximité de la ville sur les systèmes
de production agricoles. Agreste Cahiers (4): 3–9.
Chaléard J-L, D. The Anh, Huamantinco A., Koffi-Didia M., Mesclier E., P. M et al.,
2014. Spécificités des systèmes de production agricole et d’élevage à la périphérie des
métropoles du Sud: Réflexion à partir de cinq cas. Karthala
Chauveau J-P, Jacob J-P, Colin J-P, Delville PL, Meur P-YL, 2006. Modes d’accès à
la terre, marchés fonciers, gouvernance et politiques foncières en Afrique de l’Ouest.
Russell Press. Nottingham, Royaume-Uni : IIED.
Chen YF, 2008. Chaînes d’intérêts et absorption des migrants en ville et les
mouvements de protestation des classes moyennes. Les presses de Sciences Po : 75-
92-219.
Chollet A, 1956. Le teck au Togo. Bois et Forêts des Tropiques 49: 9–18.
Colin J-P, 2003. Emergence, forme et dynamiques des marchés fonciers dans un
contexte africain: une perspective locale. UR 095.
Colin J-P, 2004a. Droits fonciers, pratiques foncières et relations intra-familiales: les
bases conceptuelles et méthodologiques d’une approche compréhensive. Land Reform
: 55–67.
Colin J-P, Kouamé G, Soro DM, 2007. Outside the autochthon-migrant configuration.
Access to land, land conflicts and inter-ethnic relationships in a former pioneer area
(Lower Côte d’Ivoire). Journal of Modern African Studies 1 (45): 33–59.
Colwell PF, Munneke HL, 1997. The Structure of Urban Land Prices. Journal of
Urban Economics 41: 321–336.
Cornevin R, 1988. Le Togo : des origines à nos jours. Journal des africanistes 58 (1):
149–150.
Cotula L, 2012. The international political economy of the global land rush: A critical
appraisal of trends, scale, geography and drivers. Journal of Peasant Studies 39 (3–4):
649–680. doi: 10.1080/03066150.2012.674940
Cour J-M, 1995. Les enjeux de l’urbanisation dans les pays en voie de peuplement :
éléments de réflexion extraits de l’étude des perspectives à long terme en Afrique de
l’Ouest. Paris, France : OCDE.
Dauvergne S, 2011. Les espaces urbains et péri-urbains à usage agricole dans les
villes d’Afrique sub-saharienne (Yaoundé et Accra): une approche de l’intermédiarité
en géographie, Thèse Doct. de Géographie, Lyon-France : Ecole normale supérieure
de lyon-ENS LYON
Dawson S, Manderson L, Tallo VL, 1995. Le Manuel des Groupes Focaux : Méthodes
de Recherche en Sciences Sociales sur les Maladies Tropicales. International Nutrition
Foundation for Developing.
Delpeuch BMF, 2004. La transition nutritionnelle, l ‘alimentation et les villes dans les
pays en développement. Cahiers Agricultures 13 (1): 23–30.
Diarra M, Monimart M, 2006. Femmes sans terre, femmes sans repères?: genre,
foncier et décentralisation au Niger. IIED.
Diop CA, 2003. Nations nègres et culture: de l’Antiquité nègre égyptienne aux
problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui. 4e éd. Paris : Présence africaine.
Dissart J-C, 2006. Protection des espaces agricoles et naturels: une analyse des outils
américains et français. Économie rurale. Agricultures, alimentations, territoires (291):
06–25.
Dureau F, Lévy J-P, 2007. Villes et mobilités au Nord et au Sud: la construction d’une
problématique commune. Autrepart (41): 135–148.
Fanchette S, 2014a. Les deltas du fleuve Rouge et du Nil: conditions pour une
densification élevée du peuplement
Fanchette S, 2014b. Les deltas du fleuve Rouge et du Nil: conditions pour une
densification élevée du peuplement
Felli D, 1986. Les pratiques foncières face à l’urbanisation dans la région maritime du
Togo. Bernard CROUSSE, Emile LE BRIS et Etienne LE ROY. Espaces disputés en
Afrique noire: Pratiques foncières. Paris: Karthala : 41–49.
Foli M, 1982. La mise en place des réformes agrofoncières : 4-La réforme agro-
foncière et le droit coutumier au Togo. Karthala : 253–263.
Forman RTT, Godron M, 1981. Patches and structural components for a landscape
ecology. Bioscience (31): 733–740.
François M, Valette E., El Hassane A., Debolini M., 2013. Urbanisation des terres
agricoles: ressorts, dynamiques et impacts sur l’agriculture à la périphérie de Meknès.
Maghreb-Machrek 1 (215): 123–140. doi: 10.3917/machr.215.0123
Gayibor NL, 1997. Histoire des togolais, des origines à 1884. Presses de l’Université
du Bénin (act. UL) : 13–68.
Goerg O, Huetz de Temps X, 2002. La Ville coloniale. XVe-XXe siècle. Seuil. Paris,
France.
Gray L, Kevane M, 1999. Diminished access, diverted exclusion: Women and land
tenure in sub-Saharan Africa. African Studies Review 42 (2): 15–39.
Guèye NFD, Wone SS, Sy M, 2009. Agriculteurs dans les villes ouest-africaines:
enjeux fonciers et accès à l’eau. KARTHALA Editions.
Gu-Konu YE, 1986. Une pratique foncière dans le Sud-Ouest du Togo: le dibi-ma-
dibi. Karthala : 243.
Guyomard H, Darcy-Vrillon B., Esnouf C., Martin C., Russel M., Guillou M., 2012.
Aating patterns and Food systems: Critical knowledge Requirements for Policy Design
and Implementation. : 1–13.
Haub C, Gribble J, Jacobsen L, 2011. World Population Data Sheet 2011. Population
Reference Bureau, Washington
Héran F, 2015. Les mots de la démographie des origines à nos jours: une exploration
numérique. Population 70 (3): 525–566.
Hochet A-M, 1985. Afrique de l’Ouest: les paysans, ces“ ignorants” efficaces. Paris,
France : l’Harmattan.
Koc M, R. Macrae, J.A. Mougeot, J. Welsh, 2000. Armer les villes contre la faim:
systèmes alimentaires urbains durables. CRDI.
Kristol AM, 2002. Motivation et remotivation des noms de lieux: réflexions sur la
nature linguistique du nom propre. Rives méditerranéennes [En ligne] (11): 105–120.
Lambin EF, Geist HJ, 2006. Land-use and land-cover change: Local processes and
global impacts: Berlin Heidelberg New York. Springer : 222.
Lambin EF, Turner BL, Geist HJ, Agbola SB, Angelsen A, Bruce JW et al., 2001. The
causes of land-use and land-cover change: moving beyond the myths. Global
Environmental Change (11): 261–269.
Larbi WO, 1996. Spatial planning and urban fragmentation in Accra. Third World
Planning Review 18 (2): 193–215.
Le Bris E, 1998. Les mécanismes de la périurbanisation à Lomé dans les années 1970.
Karthala : 329–340.
Lecat G, 2004. En quoi le cadre de vie rural contribue-t-il à expliquer les prix fonciers
dans les espaces périurbains ? Revue d’Économie Régionale & Urbaine février (1): 29.
doi: 10.3917/reru.041.0029
Lee-Smith D, 2011. Urban and peri-urban agriculture in 21st century African cities-
citizen action and policy responses. 465–468 pp.
Levesque R, 2008. Usage des sols et marchés fonciers ruraux en France. Cahier
Demeter : 103–170.
Lillesand TM, Kiefer RW, 2000. Remote Sensing and Image Interpretation. : 225–229.
Livadis G, Moss CB, Breneman VE, Nehring R, 2006. Urban sprawl and farmland
prices. American Journal of Agricultural Economics 88: 911–929.
Mesclier E, Chaléard J.-L., The Anh D., Fachette S., Henriot C., Hurtado J. R. et al.,
2014. Les formes actuelles du recul des terres agricoles: quels modèles pour quels
enjeux? Comparaison à partir de quatre métropoles. Karthala : 321–341.
Myers GA, 2011. African Cities : Alternative Visions of Urban Theory and Practice.
Zed Books. UK.
Napier M, 2010. Urban Land Markets: Economic Concepts and Tools for Engaging in
Africa, Handbook for Practitioners. Nairobi, Kenya : UN-Habitat.
Niang S, Balde D, Dieng Y, Traore OK, Fall A, Thiam A et al., 2006. Providing the
city with fresh vegetables from urban and peri-urban spaces: social and economical
benefits and constraints; impacts on public health: the case of Patte d’Oie (Commune
of Dakar, Senegal). Project Report. Dakar, Sénégal : IRDC.
Noine D, 2005. Géographie de la population. 7th ed. Paris, France : Arman Colin.
Olahan A, 2010. Agriculture urbaine et stratégies de survie des ménages pauvres dans
le complexe spatial du district d’Abidjan. VertigO 10 (2) doi: 10.4000/vertigo.10005
Péchoux L, 1939. Le mandat fiançais sur le Togo, Thèse Doct. de Droit, Paris, France
: Paris Pédorie
Perrin C, 2013. Regulation of farmland conversion on the urban fringe: from land-use
planning to food strategies. Insight into two case studies in Provence and Tuscany.
International planning studies 18 (1): 21–36.
Perrin C, Jarrige F, Soulard C-T, 2013. L’espace et le temps des liens ville-agriculture:
une présentation systémique du cas de Montpellier et sa région. Cahiers Agricultures
22 (6): 552–558.
Petit CC, Lambin EF, 2001. Integration of multi-source remote sensing data for land
cover change detection. International Journal of Geographical Information Science
(15): 785–803.
Population Reference Bureau, 2011. Fiche des données sur la population mondiale en
2011. Washington, USA : PRB (www.prb.org).
Rey P, 2011. Droit foncier, quelles perspectives pour la Guinée ? Réflexion sur la
réforme foncière à partir de l’exemple de la Guinée Maritime. Annales de géographie
679 (3): 298. doi: 10.3917/ag.679.0298
Ricardo D, 1815. Essai sur l’influence d’un bas prix du blé sur les profits. Economica
Robineau O, 2013. Vivre de l’agriculture dans la ville africaine: Une geographie des
arrangements entre acteurs à Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, Thèse Doct. de
Géographie, Montpellier, France : Univ. de Montpellier Paul Valéry, Montpellier III
Roe B, Irwin E-G, Morrow-Jones H-A, 2004. The Effects of Farmland, Farmland
Preservation, and other Neighborhood Amenities on Housing Values and Residential
Growth. Land Economics, 80 (1): 55–75.
SAFER, 2011. Le marché de l’espace rural - le marché des terres agricoles - le prix des
terres agricoles. Espace rural 67: 6–22.
Sardan JPO de, 1995. La politique du terrain: Sur la production des données en
anthropologie. Les terrains de l’enquête : 71–109.
Schlenker W, Hanemann WM, Fisher AC, 2006. The impact of global warming on
U.S. agriculture : an econometric analysis of optimal growing conditions. Review of
Economics and Statistics 88 (1): 113–125.
Schwartz A, Mignot A, 1987. La terre et le pouvoir chez les Guin du Sud-Est Togo.
Anthropos : 716–718.
Singh A, 1989. Digital change detection techniques using remotely sensed data.
International Journal of Remote Sensing (10): 989–1003.
Swinnen JF., Ciaian P, Kancs D, 2008. Study on the functionning of land markets in
the EU member states under the influence of measures applied under the common
agriculture policy. Center for european policy studies.
Syagga P, 2010. A study of the East African urban land market, Nairobi. Nairobi,
Kenya : FinMark Trust and UN-Habitat.
Tarrouth HG, Colin J-P, 2016. Les acquisitions de terres rurales par les « cadres » en
Côte d’Ivoire : premiers enseignements. Cahiers Agricultures 25 (1): 15005. doi:
10.1051/cagri/2016003
Uprety Y, 2012. Diversity of use and local knowleage of wild edible plant ressources
in nepal. Journal of Ethnobiology (8): 16.
Warnier J-P, 1984. Histoire du peuplement et genèse des paysages dans l’ouest
camerounais. The Journal of African History 25 (4): 395–410.
Yapi-Diahou A, Yassi GA, Tchan ADB, 2014. Les classes moyennes dans les
périphéries d’Abidjan: la clientèle des promoteurs dans des espaces en recomposition.
Métropoles aux Suds: le défi des périphéries? : 115–132.
Yin RK, 1984. Case study research: Design and methods. Beverly Hills : 33.
Zeng H, Sui DZ, Li S, 2005. Linking urban field theory with GIS and remote sensing
to detect signatures of rapid urbanization on the landscape: towards a new approach
for characterizing urban sprawl. Urban Geography (26): 416–434.
Zhu Y, 2000. In situ urbanization in rural China: Case studies from Fujian Province.
Development and Change 31 (2): 413–434.
EUR : Euro
Dans le Golfe de Guinée, l’expansion rapide des villes – d’Abidjan à Lagos – et la densification du
peuplement rurale posent des défis majeurs de planification urbaine, de fourniture des infrastructures,
de sécurité alimentaire et de protection de l’environnement ; dans la mesure où ces processus reposent
principalement sur un accès informel à la terre. La formulation de politiques efficaces pour s’attaquer
aux problèmes d’urbanisation galopante et anarchique, requiert une compréhension en profondeur du
secteur foncier. Cette thèse propose une approche multidisciplinaire, qui intègre des questions sur la
démographie, l’occupation des sols et la marchandisation des terres et un cadre d’analyse afin de
cerner la complexité des dynamiques paysagères à la périphérie des villes du Golfe de Guinée et
d’identifier les interventions nécessaires dans le secteur foncier. En prenant l’exemple de Lomé au
Togo, l’étude met en évidence des enjeux de gouvernances foncières qui sont pertinente pour
l’ensemble du Golfe de Guinée. Nous espérons qu’en s’appuyant sur la méthode proposée dans cette
étude, d’autres analyses similaires réalisées dans d’autres villes pourront aider à la formulation de
politiques foncières appropriées. S’attaquer aux problèmes fonciers va progressivement s’imposer en
Afrique de l’Ouest et sera déterminant pour que l’urbanisation ainsi que le processus de peuplement
contribuent à une croissance plus inclusive, à une prospérité partagée et ne constitue pas une
opportunité manquée.
In the area of Gulf of Guinea, the rapid expansion of cities – from Abidjan to Lagos - and the densification of the
rural population lead to major challenges of urban planning, food security and environmental protection; since
they rely mainly on informal access to land. The formulation of effective policies requires a deep understanding
of the land sector. This study proposes a multidisciplinary approach, incorporating questions on demography,
land use, land market and an analytical framework to identify the complexity of dynamic landscapes on the
outskirts of African cities and to identify the necessary interventions in the land sector. Taking the example of the
city of Lomé in Togo, the study highlights issues on land policies that is relevant to the entire Gulf of Guinea. We
hope that based on the method proposed in this study, similar analyzes in other cities will help in the formulation
of appropriate land policies. Solving land problems will gradually become important in West Africa and will
help to determine that urbanization contribute to more inclusive growth, shared prosperity and not a missed
opportunity.