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Municipium Mactaritanum

2018, Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité

D'une rive à l'autre : les courants d'échanges transméditerranéens à l'Holocène Mohamed SAIDI et al… saidimed72@gmail.com Animaux chassés, Animaux élevés, Animaux représentés : Mobilité territoriale des groupes humains holocènes en Tunisie présaharienne Christine Hamdoune † Réflexions sur des limites (fines) de territoire dans deux cités de Césarienne Jean-Pierre Laporte laportj@orange.fr Quelques sites anciens des franges sud et sud-ouest de l'Aurès Najoua Chebbi

Frontières, Territoires et Mobilités au Maghreb (Antiquité et Moyen Age) Actes du Ve colloque international du laboratoire LR13ES11, Sousse 3-5 mai 2018 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb (Antiquité et Moyen Age) Textes édités par Abdellatif MRABET Centre de Publication Universitaire Faculté des Lettres Le laboratoire de Recherche et des Sciences «Occupation du sol, peuplement et Humaines modes de vie dans le Maghreb de sousse antique et médiéval» LR13 ES11 2021 Toutes les opinions émises dans cet ouvrage n'engagent que l'auteur. Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays. © Centre de Publication Universitaire, Tunis, 2021. Campus universitaire La Manouba 2010 - TUNISIE Tél: (216) 71 600 025 Fax: (216) 71 601 266 E-mail : courrier@cpu.mesrs.tn Site web : www.cpu.rnu.tn Lotfi Belhouchet et ali… lotfi_belhouchet@yahoo.fr Mohamed SAIDI et al… saidimed72@gmail.com Christine Hamdoune† Jean-Pierre Laporte laportj@orange.fr Najoua Chebbi najouachebi@yahoo.fr Mondher Brahmi brahmi_mondher@yahoo.fr Faouzi Abdellaoui faouzi_abdellaoui@yahoo.fr Zakia Ben Hadj Naceur-Loum zakialoum1@gmail.com Lazhar Nebti laznebti@yahoo.fr Mohamed Grira griram2000@gmail.com et Saïd Khacha Lotfi Naddari lotfinaddari@gmail.com D’une rive à l’autre : les courants d’échanges transméditerranéens à l'Holocène Animaux chassés, Animaux élevés, Animaux représentés : Mobilité territoriale des groupes humains holocènes en Tunisie présaharienne Réflexions sur des limites (fines) de territoire dans deux cités de Césarienne Quelques sites anciens des franges sud et sud-ouest de l’Aurès La perception de l’espace gétule par les auteurs anciens sous l’Empire. Le système défensif du limes Montensis dans le Sud-ouest tunisien La territorialisation de l’olivier et des techniques oléicoles en Byzacène sous l’Empire Circulation des biens de consommation et économie monétaire en Afrique du IVe au VIIe siècle Le déplacement des artisans : la question des ateliers itinérants en Afrique romaine In his praedis Manliae Pudentillae : À propos d’une femme clarissime propriétaire à Timgad D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome : chapitres de la biographie du clarissime africain M. Valerius Quadratus Hosni Abid hosni_abid@yahoo.fr Anis Hajlaoui hajlaoui.inp2011@gmail.com et Hédi Fareh fareh_tn@yahoo.fr Lamia Ben Abid lamia.benabid@yahoo.fr Pvblica Mvstitanorvm : Essai de délimitation Note sur une inscription inédite trouvée dans la région des Aoulèd Farhan, Sidi Bouzid Nord Nizar Ben Slimane benslimene.nizar@hotmail.fr Sur le groupe statuaire de la dynastie Julio-claudienne trouvé à Zitha, cité pérégrine de la petite Syrte AFRICA, projet collaboratif de cartographie de l’Afrique du Nord antique : structuration de la base de données et perspectives Quelques réflexions sur un vase naviforme du catalogue du Musée Alaoui (CMA)- Tunis Deux objets archéologiques inédits conservés au site et au musée de Carthage Trois fils à plomb découverts sur le site d’Oudhna Boutheina Ben Hassine benhassineboutheina@yahoo.fr Les frontières et les territoires ibadites au Maghreb médiéval Fethi Bahri fethi_bahri@yahoo.com et Chokri Touihri touihri.chokri@inp.tn « Qasr al-Sayyida » et Monastir : des questions d’urbanisme et de territoire à la lumière de découvertes archéologiques récentes Luc Lapierre et al…. luc.lapierre@numericable.fr Abdelhamid Barkaoui barkaoui.hamid@yahoo.fr Hamden Ben Romdhane hamden042001@yahoo.fr TABLE DES MATIERES D’une rive à l’autre : les courants d’échanges transméditerranéens a l'holocène ………………………….. 1 Animaux chassés, animaux élevés, animaux représentés : mobilité territoriale des groupes humains holocènes en Tunisie présaharienne……………………………………… 19 Réflexions sur des limites (fines) de territoire dans deux sites de céserienne……………………………………………….. 51 Quelques sites anciens des franges sud et sud-ouest de l’Aurès……………………………………………………... 69 La perception de l’espace gétule par les auteurs anciens sous l’empire…………………………………………………….. 109 Le système défensif du limes montensis dans le sud-ouest tunisien …………………………………………………….. 131 La territorialisation de l’olivier et des techniques oléicoles en byzacène sous l’empire………………………………… 173 Circulation des biens de consommation et économie monétaire en Afrique du IVe au VIIe siècle………………… 197 Le déplacement des artisans : la question des ateliers itinérants en Afrique romaine………………………………. 225 In his praedis manliae pudentillae : à propos d’une femme clarissime propriétaire a Timgad…………………………. 247 D’Althiburos a Mactaris en passant par Rome : chapitres de la biographie du clarissime africain m. valerius quadratus… 271 Pvblica mvstitanorvm : essai de délimitation………………. 295 Note sur des, clodii, tribules de la Quirina (d’après une inscription inédite trouvée au nord de sidi Bouzid / Tunisie centrale)……………………………………………………. 331 Sur le groupe statuaire de la dynastie julio-claudienne trouvé à Zitha, cité pérégrine de la Petite Syrte…………………….. 349 Africa, projet collaboratif de cartographie de l’Afrique du nord antique : structuration de la base de données et perspectives……………………………………………… 371 Quelques réflexions sur un vase naviforme du catalogue du musée Alaoui (CMA) – Tunis……………………………… 391 Deux objets archéologiques inédits conservés au site et au musée de Carthage…………………………………………. 413 Trois fils à plomb découverts sur le site d’Oudhna………… 431 Les frontières et les territoires ibadites au Maghreb médiéval 445 « Qasr al-sayyida » et Monastir : des questions d’urbanisme et de territoire a la lumière de découvertes archéologiques récentes…………………………………………………….. 467 AVANT – PROPOS Consacré aux frontières, territoires et mobilités au pays du Maghreb (Antiquité et Moyen Age), ce 5e colloque du laboratoire «Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval/ LR13ES11 » qui s’est tenu à Sousse du 03 au 05 mai 2018 n’est pas une reprise d’études antérieures. Certes, non inédites, déclinées séparément ou par croisement -, pour des temps variés-, les problématiques retenues ont été abondamment traitées lors de précédentes manifestations scientifiques déjà publiées1. Cependant, tout comme en conviendra aisément tout lecteur attentif, les actes cidessous rassemblés ne manquent pas d’originalité et ne reprennent nullement des résultats connus. Leur apport, plus que dans la fraicheur et l’intérêt des données qu’ils utilisent, réside dans la pertinence des différentes démarches académiques consenties par les différents auteurs qui y ont pris part. Conduites à des échelles spatiales variées (fines de territoires de cités antiques, espace tribal, zones militaires, territoires historiques, territoires économiques, zones d’échanges et de mobilité) pour des temporalités différentes (Préhistoire, Protohistoire, Antiquité et Moyen Age), leurs contributions allient le recours à l’histoire telle que classiquement rendue par l’écrit (sources littéraires, épigraphie et archives) à la sollicitation du sol et de l’objet archéologique (fouilles archéologiques programmées ou de sauvetage, découvertes fortuites et études d’objets). La production livrée en conséquence est fort diverse et s’attache aux différents volets du triptyque proposé en étude. C’est ainsi que quelques textes se rapportent à des questions d’identification et de définitions de certains espaces historiques en les situant à l’intérieur de leurs frontières physiques ou politico-culturelles, reconstituées pour l’occasion. D’autres, davantage tournés vers les territoires en examinent les portées économiques en les considérant comme des espaces d’échanges et de circulation de biens et en jugeant de leur vitalité au vu d’indicateurs divers (monnaie, céramique, technologie oléicole, activités diverses…). D’autres encore se sont intéressés à des questions de mobilités, celles des hommes, qui, par 1 La liste de tels colloques est par trop longue pour être déclinée ici ; nous en rappelons celui que nous avons édité à Sousse, sous le titre de « Mobilité des hommes et des idées en Méditerranée », Faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, Sousse, 1999. groupes ou individus et pour des mobiles différents, ont investi certains espaces et les ont marqués de leur empreinte. Cependant, en sus des actes du colloque stricto-sensu, le présent ouvrage fait aussi part à d’autres contributions qui, bien que sans grand lien avec les thématiques proposées à l’étude, viennent sacrifier à la bonne tradition de traiter des actualités archéologiques et des recherches en cours, en rendant compte qui, d’une fouille ouverte, qui d’une enquête ou d’études d’objets ou de monuments inédits… Au total, ce sont donc 26 études que nous mettons à disposition du lecteur (22 textes en langue française, 4 en langue arabe) espérant ainsi, par leur truchement, contribuer à davantage d’éclairage sur une problématique qui, pour sur, alimentera bien d’autres recherches à venir. Abdellatif MRABET D’ALTHIBUROS A MACTARIS EN PASSANT PAR ROME : CHAPITRES DE LA BIOGRAPHIE DU CLARISSIME AFRICAIN M. VALERIUS QUADRATUS Lotfi Naddari* Résumé Cette recherche propose de reprendre l’ensemble du dossier épigraphique relatif au clarissime althiburitain de l’époque d’Antonin le Pieux, M. Valerius Quadratus, dont le cursus est couronné par la préture et le septemvirat des épulons. A la lumière d’un lot homogène d’inscriptions latines connues de longue date, provenant de Rome, d’Althiburos et de Mactaris auquel s’ajoutent une inscription fragmentaire faussement attribuée à un légat de la IIIe légion Auguste ainsi que deux nouveaux blocs d’une frise épigraphe d’un temple anonyme d’Althiburos, notre propos n’est pas de passer en revue les différentes magistratures de son cursus déjà bien connues. Nous nous proposons de faire le point d’abord sur ses séjours africainspour finir avecses actions, ses générosités et les expressions d’allégeance manifestées à son égard. Mots clefs : Rome, Althiburos, Mactaris, M. Valerius Quadratus, clarissimes africains, Antonin le Pieux, recommandation impériale, ordre sénatorial, patrons municipaux. Abstract This research proposes to take over the whole of the epigraphic file related to the Althiburos clarissimus of the time of Antoninus Pius, M. Valerius Quadratus. In the light of a homogeneous batch of long-time known Latin inscriptions, coming from Rome, Althiburos and Mactaris to which are added a fragmentary inscription wrongfully allotted to a legatus of Legio III Augusta, and two new blocks of an epigraphic frieze of an anonymous temple of Althiburos, our matter is not to review his various already well-known magistracies. Our initial task is to establish the chronology of his African staysand especially to take stock of his actions, its generosities and the expressions of allegiance towards his person. Key words: Althiburos, Mactaris, Rome, M. Valerius Quadratus, African clarissimi, Antoninus Pius, imperial recommendation, senatorial order, municipal patroni. * Faculté des Sciences humaines et sociales (Université de Tunis). Membre du Laboratoire de Recherche «Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval », Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Sousse (Tunisie). (lotfinaddari@gmail.com). ** Ce texte a profité des remarques savantes de MM. A. Beschaouch, L. Maurin, A. M’Charek et M. Khanoussi. Qu’ils trouvent ici l’expression de mes remerciements les plus sincères. 272 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb Introduction Parmi la liste des clarissimes africains ayant parcouru une brillante carrière sénatoriale sous le règne de l’empereur Antonin le Pieux se distingue le célèbre citoyen d’Althiburos M. Valerius Quadratus, dont le cursus est couronné par la préture et le septemvirat des épulons. A Althiburos, sa ville natale, cité africo-romaine de tradition numido-punique, identifiée avec Hr. Medeïna dans le secteur central du Haut Tell tunisien (Fig. 1), il est connu par un hommage qu’il avait rendu à l’empereur Antonin le Pieux et par une inscription monumentale fragmentaire, celle d’une frise d’un temple anonyme situé sur le côté nord-est du forum. A Mactaris, ville voisine, il était également à l’honneur comme en témoigne un hommage public qui lui a été rendu dans une inscription dont la lecture complète vient d’être définitivement établie à la lumière d’un fragment épigraphe récemment mis au jour. A Rome même, une base de statue lui fut élevée ; elle occupe actuellement une place de choix parmi les inscriptions des membres de l’ordre sénatorial exposées au Musée des Thermes de Dioclétien à Rome. Ce sont ces quatre inscriptions latines qui ont fourni la matière historique nécessaire pour l’établissement des notices prospographiques qui lui furent consacrées dont la plus étoffée, à côté de celle que lui réserva M. Corbier dans une étude sur les familles clarissimes d’Afrique proconsulaire, est la notice établie par M. Cébéillac dans son ouvrage sur Les quaestores principis etcandidatiaux Ier et IIe siècles de l’Empire1. 1 PIR, III, 124 ; RE, VIII, A, col. 216, n° 325 ; CEBEILLAC M., 1972, n° LXVIII, 149-151 ; CORBIER M., 1982, p. 707-708. p. D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 273 Fig. 1 : Carte de localisation : Althiburos en Zeugitane, Mactaris en Byzacène. (D’après Desanges et al. 2010). Aujourd’hui, le réexamen de ce dossier épigraphique enrichi par une inscription d’Althiburos connue de longue date, mais faussement attribuée à un légat de la IIIe légion Auguste, et la découverte de deux nouveaux blocs de la frise épigraphe d’un temple anonyme situé sur le côté nord-est du forum de la même ville mentionnant le nom de ce clarissime, et surtout la mise au jour récente du deuxième fragment de l’hommage qui lui fut rendu à Mactaris, permettent de traiter certains détails de sa biographie : - Sa mobilité entre Rome et le secteur central de la Proconsulaire. Les périodes de repos observés entre les magistratures de son cursus sénatorial, ont été l’occasion de deux séjours africains, au moins, qui l’ont conduit chez lui, à Althiburos, et dans la ville voisine Mactaris ; - Sa notoriété, dans sa ville natale, dans la ville voisine Mactaris et à Rome même, grâce à une indulgentia impériale ; - Ses générosités, ses bienfaits et la reconnaissance exprimée en sa faveur dans ces deux villes du secteur central de la Proconsulaire. *** 274 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb I- LE DOSSIER EPIGRAPHIQUE Nous commençons d’abord par l’inscription de Rome, la plus tardive ; elle retrace le cursus de Quadratus jusqu’à la préture et le septemvirat des épulons. 1- CIL, VI, 1533 = CIL, XIV, 3996 (Rome). (Fig. 2) Base en marbre découverte à l’est de Rome, sur lavia Tiburtina et exposée actuellement au Musée des Thermes de Dioclétien, à Rome. Fig. 2 : CIL, VI, 1533 = CIL, XIV, 3996. (Cliché de l’auteur) M(arco) Valerio, M(arci) f(ilio), Quirina (tribu), / Quadrato, (decem) uiro / stli(t)ib(us) iud(icandis), trib(uno) laticl(auio) / leg(ionis) III Aug(ustae), seuiro / equitum r(omanorum), q(uaestori) Aug(usti), / trib(uno) pl(ebis) candidato, / praetori, (septem) uiro / epulonum. « À Marcus Valerius Quadratus, fils de Marcus, tribule de la Quirina, membre du collège des dix hommes chargés de juger les litiges, tribun laticlave de la Troisième légion Auguste, sévir des chevaliers romains, questeur de l’Auguste, tribun de la plèbe candidat, préteur, septemvir des banquets sacrés. » Date : Peu de temps après 151 ou 155 apr. J.-C. D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 275 2- CIL, VIII, 27776 = AE 1908, 168 (Althiburos). Base de statue. Imp(eratori) Caes(ari), divi Hadr(iani) fi[l(io)], / [d]ivi Traiani Parth(ici) nep(oti), / [d]ivi Ner(uae) pronepoti, T(ito) Aelio / Hadr(iano) Antonino Pio, pont(ifici) / max(imo), trib(unicia) potes[t(ate) V]III (?), imp(eratori) / II, co(n)s(uli) IIII, p(atri) p(atriae), optimo prin/cipi, ob singularem eius / in se indulgentiam, / M(arcus) Valerius, M(arci) fil(ius), Quir(ina tribu), / Quadratus, (decem) uir stlit(ibus) / iud(icandis), trib(unus) mil(itum) [[leg(ionis) III]] Aug(ustae), / quaes[t(or)] eius desig(natus), / posu[it]. « À l’empereur César, fils du divin Hadrien, petit-fils du divin Trajan le Parthique, arrière-petit-fils du divin Nerva, Titus Aelius Hadrien Antonin le Pieux, grand pontife, revêtu de la 8 e ( ?) puissance tribunicienne, salué deux fois imperator, consul pour la 4e fois, père de la patrie, le meilleur des princes, en raison de sa bienveillance particulière à son égard, Marcus Valerius Quadratus, fils de Marcus, tribule de la Quirina, membre du collège des dix hommes chargés de juger les litiges, tribun militaire de la Troisième légion Auguste, questeur désigné du prince, (lui a) érigé (ceci). » Date : entre le 25 février 145 et le 24 février 146 ou bien entre le 10 décembre 149 et le 9 décembre 150. Les dates sont proposées en fonction de la 8e ou la 13e puissance tribunicienne restituable au niveau de la 5e ligne. 3- CIL, VIII, 27772 (Althiburos) : restitution partielle d’une inscription encore incomplète (Fig. 3-5). Six fragments non jointifs du linteau d’un temple anonyme situé sur le côté nord-est du forum d’Althiburos. Ils alignent un long texte, malheureusement très lacunaire, réparti en deux lignes1. Les quatre premiers ont été inventoriés dans le CIL, VIII (Fig. 3) ; les deux autres, découverts par M. Torcheni dans le site même d’Althiburos dans le cadre de la préparation de sa thèse portant sur Le centre monumental d’Althiburos2 (Fig. 4 et 5), présentent les mêmes caractéristiques 1 Dimensions cumulées des fragments : H. 55 cm ; L. 50 cm ; ép. 75 cm ; Hl. : 21 cm (l. 1), 13 cm (l. 2). 2 TORCHENI M., 2017, p. 289, fig. 164. 276 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb techniques que les premiers fragments1. Comportant quelques éléments du nom de ce clarissime et de son cursus, ils s’insèrent sans aucune difficulté parmi les quatre premiers : l’un, entre les fragments a et b ; l’autre, juste après le fragment c. (Voir tableau n° 1). Fig. 3 : Les quatres premiers fragments du linteau d’un temple anonyme d’Althiburos. (CIL, VIII, 27772). Fig. 4 a et b : Photo et relevé du 1er fragment inédit découvert par M. Torcheni. 1 Fig. 5 : 2e fragment inédit découvert par M. Torcheni. H. 58 cm ; L. 51 cm ; ép. 76 cm ; h.l. : entre 14 et 21 cm. Je tiens à exprimer ma gratitude à mon ami Mounir Torcheni qui a bien voulu me communiquer les photos de ces deux fragments et le relevé de l’ensemble des blocs épigraphes retrouvés jusque là. D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 277 TABLEAU 1: ARRANGEMENT DES FRAGMENTS DU LINTEAU DU TEMPLE ANONYME D’ALTHIBUROS Bloc a Bloc inédit Bloc b Bloc c Bloc inédit Bloc d [---]VS M[---] [---]LERIVSM [---] M VAL [.]EG III AV ERI C[---] [---QVAE[---] OI[---] ESIGN [---] M V[.] [---]S MVN [---]IVS M[---] [---a]LTHIBVR[---] Mais avant de proposer une lecture de ce texte, qui demeure malgré tout lacunaire, quelques détails d’ordre épigraphique méritent d’être présentés. Tout d’abord, la restitution [Cer]eri ou [Ven]eri proposée par les éditeurs du CIL, VIII (l. 1 du fragment b)1s’avère caduque. En effet, le premier fragment découvert par M. Torcheni met définitivement fin à cette hypothèse ; les lettres M VAL de ce nouveau fragment viennent s’associer sans aucun risque d’erreur avec les lettres ERI pour former la séquence onomastique M. VALERI2. Ensuite, pour la fin de la première ligne des fragments a et d, lesrelevés réalisés par M. Torcheni permettent d’identifier des hastes obliques qui correspondent très vraisemblablement au jambage droit de la lettre M. Enfin, pour la partie finale du texte, nous proposons à titre d’hypothèse la restitution suivante : [patronu]S MVN[icipi A]LTHIBVR[itani dedicauit]. La même ordinatio est attestée dans des textes parallèles provenant de Thamugadi, par exemple, dans lesquels ce sont des patrons de la colonie, dont certains sont des légats de la IIIe legion Auguste, qui procèdent à la dédicace des monuments publics3. En effet, avant d’être coopté patron du municipe de Mactaris (n° 5), il est possible que Quadratus l’était d’abord chez lui. Le libellé de cette partie conclusive (le nom et le cursus de ce clarissime au nominatif précédant le toponyme de la ville et son statut juridique) permet, en effet, d’envisager une telle hypothèse. Malheureusement, malgré les progrès de la lecture du texte, le début de cette inscription monumentale continue à poser de sérieux problèmes qui empêchent de proposer une lecture satisfaisante. Pour le moment, le texte pourrait s’établir partiellement comme suit : Ligne 1 : [---]us M[---] M(arci) Valeri C[---]oi[---] M V[--]ius M[---]/ C’est la lecture que proposa d’abord A. Merlin. Cf. MERLIN A., 1912, p. 424-425. Torcheni M., 2017, p. 290 et 310. 3 Voir à titre d’exemple : CIL, VIII, 2392 = ILS, 1178 ; CIL, VIII, 2400 = 17911. 1 2 278 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb Ligne 2: [--- M(arcus) Va]leriusM(arci) [f(ilius) Quir(ina tribu) Quadratus (decem) uir stlit(ibus) iud(icandis), trib(unus) mil(itum) l]eg(ionis) III Au[g(ustae),] Quae[stor Aug(usti) d]esign[atus ---patronu]s mun[icipi A]lthibur[itani fecit vel dedicauit]. Date : Malgré son état fragmentaire, cette inscription est vraisemblablement contemporaine de la précédente ou légèrement postérieure. M. Valerius Quadratus est encore simplement quaestor Augusti designatus, mais peut-être déjà coopté patronus municipi. 4- CIL, VIII, 1829 (Althiburos) (Fig. 6). Fragment d’épistyle comportant un texte, malheureusement lacunaire, réparti sur trois lignes1. Lecture des éditeurs du CIL, VIII. [L(ucius) Naeuius] Quadrat[ianus]/ [leg(atus) Aug(usti) pro pra]et(ore) leg(ionis) III Aug(ustae) [---] / [--] TVS [---]. Fig. 6 : CIL, VIII, 1829. Ce texte incomplet n’a pas été retenu par tous ceux qui se sont intéressés à la carrière de ce notable althiburitain, membre de l’ordre sénatorial. Pourtant, dans la première ligne nous lisons QVADRAT correspondant à une bonne partie du cognomen Quadratus. Dans la deuxième on peut lire ET LEG III AVG que les éditeurs du CIL VIII restituent en [leg. aug. propra]ET(ore) pour proposer à titre d’hypothèse d’identifier un légat de l’époque de Pertinax : [L. Naeuius] Quadrat[ianus, leg(atus) Aug(usti) propra]et(ore) leg(ionis) III Aug(ustae). Et c’est à la lumière de cette hypothèse de lecture que les auteurs des fastes des provinces romaines d’Afrique et les spécialistes de l’histoire militaire avaient retenu cette inscription d’Althiburos parmi la série des textes mentionnant le nom de ce légat2. 1 Dimensions : L. 125 cm ; h. 40 cm ; Hl. 13 cm, 8 cm, 3 cm, 6 cm. THOMASSON B.-E., p. 168, n° 48 ; PALLU DE LESSERT A. C., t. I, p. 403 ; LE BOHEC Y., p. 398. 2 D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 279 Toutefois, une remarque d’ordre épigraphique s’impose à nous ; elle est relative à l’abréviation (propra)et.dans la lecture proposée par les éditeurs du CIL, VIII : [leg(atus) Aug(usti) propra]et(ore)leg(ionis) IIIAug(ustae). En fait, il s’agit là d’une abréviation inconnue dans toutes les inscriptions relatives aux légats propréteurs de la Troisième légion Auguste où l’on trouve exclusivement l’abréviation courante et banale pr. pr. = pr(o)pr(aetore)1. Elle apparaît, d’ailleurs, dans deux milliaires mentionnant le nom de ce même légat L. Naeuius Quadratianus2. Ainsi, par voie de conséquence, les deux premières lettres de la deuxième ligne doivent être lues IT, soit la partie finale de l’abréviation [mil]it. qui fait partie de la formule courante pour les jeunes clarissimes que nous retrouvons d’ailleurs dans le cursus du clarissime althiburitain M. Valerius Quadratus: [trib(unus) mil]it(um) leg(ionis) III Aug(ustae). La troisième ligne comporte seulement les trois lettres TVS pour lesquelles les éditeurs du CIL, VIII ne proposent aucune solution. Elles correspondent, de toute évidence, à la partie finale de la formule quaest(or) Aug(usti) designatus,qui apparaît également à la fin du cursus du clarissime althiburitain dans les deux autres inscriptions d’Althiburos. Ainsi, cette inscription monumentale fragmentaire d’Althiburos trouve place dans le dossier épigraphique relatif à M. Valerius Quadratus. Cela autorise d’établir le texte comme suit : [M(arcus) Valerius M(arci) fil(ius) Quir(ina)] Quadrat[us] / [(decem) uir stlit(ibus) iud(icandis) trib(unus) mil]it(um) leg(ionis) III Aug(ustae), / [quaest(or) Aug(usti) designa]tus [---fecit vel dedicauit]. Date : Vraisemblablement contemporaine des deux précédentes : de fait, M. Valerius Quadratus est encore quaestor Augusti designatus. 1 Voir à titre indicatif indicesCIL, VIII, p. 187-191. CIL, VIII, 10238 :Imp(eratore) Caes(are) P(ublio) He/luio Pertina/ce Aug(usto) p(atre) p(atriae) trib(unicia) p(otestate) / co(n)s(ule) II L(ucio) Naeuio / Quadratian/o leg(ato) Aug(usti) pr(o) / pr(aetore) a Lambaese / m(ilia) p(assuum) / LVIIII. CIL, VIII, 10242 = 22337 :Imp(eratore) Caes(are) P(ublio) [Helu]/[i]o Pertinace / Aug(usto) p(atre) p(atriae) trib(unicia) p(otestate) / co(n)s(ule) II L(ucio) Nae/uio Quadra/tiano leg(ato) A/ug(usti) pr(o) pr(aetore) [a] La/mbease / m(ilia) p(assuum) / L[---]. 2 280 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb 5- CIL, VIII, 11811 = ILPB, 103 (Mactaris) (Fig. 7-9). La partie du texte de cet hommage découvert depuis longtemps à Mactaris est gravée sur un fragment d’une plaque en calcaire1. La mise au jour récente dans cette même ville du fragment adjacent apporte des compléments précieux relatifs au cursus de M. Valerius Quadratus et permet surtout de connaître le statut de Mactaris sous le règne d’Antonin le Pieux comme de se rendre compte des liens qui unissaient cette ville, chef-lieu du Pagus Thuscae et Gunzuzi, à ce clarissime althiburitain2. Fig. 7 : CIL, VIII, 11811 = ILPB, 103. Fig. 8 : La dalle adjacente. (Clichés de l’auteur) 1 2 Dimensions : H. 107 cm ; l. 56 cm ; ép. 25 cm ; Hl. : entre 6,5 et 9 cm. NADDARI L., Municipium Mactaritanum, MEFRA, 2018. (à paraître). D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 281 Fig. 9 : Reconstitution de l’hommage rendu à Mactaris au clarissime M. Valerius Quadratus. Le texte complet, à la lumière du nouveau fragment, doit s’établir comme suit : M(arco) Valerio, / [M(arci) f(ilio), Quiri]/na (tribu), Quadrato, (decem) uir(o)] / stlitibus [i]udican/dis, trib(uno) [la]ticlauio / Leg(ionis) III A[ug](ustae), q(uaestori) A[ug(usti)], patrono m[u]/nicip[i]. D(ecreto) d(ecurionum), p(ecunia) p(ublica). « À Marcus Valerius Quadratus, fils de Marcus, tribule de la Quirina, membre du collège des dix hommes chargés de juger les litiges, tribun laticlave de la Troisième Légion Auguste, questeur d’Auguste, patron du municipe. Décret des décurions, dépense publique. » Date : Mentionnant la questure impériale, gérée au plus tard en l’année 151 apr. J.-C., cette dédicace doit être légèrement postérieure aux trois inscriptions d’Althiburos qui se limitent à mentionner que Quadratus était simplement quaestor Augusti designatus. Mais, elle doit être légèrement antérieure à l’hommage qui lui fut rendu à Rome et qui retrace sa carrière jusqu’à la préture, gérée au plus tard en 155 apr. J.C. et le septemvirat des épulons. Ce texte se présente alors sous la forme d’un hommage public que la curie de Mactaris, et non les municipes Althiburitani retenus jusqu’ici1, a rendu au clarissime althiburitain, coopté alors patron du municipe. Il offre essentiellement l’intérêt de savoir que Mactaris fut 1 BESCHAOUCH A., 1969, p. 203 ; ILPB, 103. 282 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb municipium sous le règne d’Antonin le Pieux avant d’être promue au rang de colonie honoraire sous le règne de Marc Aurèle, d’où sa nomenclature complète révélée par la documentation épigraphique sévérienne et post-sévérienne1. II- CENTRES D’INTERETS REVELES PAR LA DOCUMENTATION EPIGRAPHIQUE MISE A CONTRIBUTION 1- Chronologie d’un cursus sénatorial soutenu par une indulgentia imperatoris Originaire d’Althiburos, Quadratus appartient à la famille des Valerii. Néanmoins, exception faite des textes mentionnés ci-dessus, ce gentilice n’est connue dans cette même ville que par des textes funéraires2. En effet, on ne sait rien à propos d’autres membres de sa famille restreinte, dont il est possible qu’ils lui ont été associés dans la dédicace du temple anonyme. (n° 3) Il s’agit en fait d’un gentilice peu fréquent dans ce secteur central de la Proconsulaire. Il est attesté en particulier dans les deux colonies juliennes d’Assuras et de Sicca Veneria, à Mactaris et surtout dans le municipe d’Vzappa. Alors que dans la première, il est révélé simplement par un texte funéraire3, dans la deuxième on connait le clarissime Valerius Romanus qui fut curator reipublicae et patron de la colonie4. Quant à Mactaris, outre certains Valerii connus par quelques épitaphes5, son tableau onomastique compte surtout un prêtre de Cybèle de l’époque de Sévère Alexandre probablement : P. Valerius [---]tianus6. Mais, c’est à Vzappa, cité du pagus Thuscae et Gunzuzi, située à une quinzaine de kilomètres à l’estnord-est de Mactaris, que des clarissimes d’une même famille sont connus : les Valerii Galliani, dont le plus célèbre est C. Valerius Gallianus Honoratianus qui fut curateur reipublicae Karthaginis7. Ce sont les textes du dossier épigraphique présenté en première partie qui éclairent d’une vive lumière certains chapitres de la biographie de Quadratus, ceux étroitement liés au déroulement de son cursus et des périodes de repos observées entre les magistratures gérées. 1 NADDARI L., Municipium Mactaritanum, MEFRA, 2018. (À paraître). CIL, VIII, 16480, 27807, 27815 (épitaphe chrétienne). 3 CIL, VIII, 1821. 4 CIL, VIII, 15881 = ILS, 5505 = ILPB, 366. 5 Voir en dernier lieu M’CHAREK A., 1982, p. 81, 98, 117, 144. 6 AE, 1955, 49. Voir en dernier lieu BELKAHIA-KAROUI TH., n° 196. 7 CIL, VIII, 11935, 12522 = ILS, 600. Voir en dernier lieu BELKAHIA-KAROUI TH., n° 250-253. 2 D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 283 Présenté selon un rythme ascendant dans toutes les inscriptions, son cursus, dont les honneurs sont énumérés de façon détaillée, comporte à la fois des magistratures sénatoriales inférieures et une supérieure, précédées de fonctions préliminaires préparatoires. En respectant l’annalité et le biennium, il semble que toute cette carrière ait été effectuée sans rupture sous le règne de l’empereur Antonin le Pieux. Sur la foi de l’ensemble des documents énumérés, ce clarissime, avant de briguer la questure qui lui donna accès au Sénat, a commencé sa carrière sénatoriale par le decemvirat judiciaire (X uir stlitibus iudicandis). Ensuite, il fut tribun militaire de la Troisième légion Auguste ; un service militaire d’une année dans la IIIe légion Auguste stationnée à cette époque à Lambèse1. L’inscription de Rome est la seule à préciser que Quadratus, après cette magistrature inférieure, et avant d’être appelé à la questure de l’Auguste, fut seuir equitum romanorum. C’est une charge purement honorifique et onéreuse se terminant par l’organisation de jeux2. Il s’agit là, en fait, d’une marque de prestige étant donné que le sévirat d’une turme des chevaliers romains, tout comme la préfecture des féries latines et la questure de l’empereur qu’il géra un peu plus tard, est un jalon habituel de la carrière sénatoriale des patriciens. C’est là en fait deux faveurs qui mettent en relief la place particulière qu’occupait ce clarissime althiburitain et les appuis reçus de l’empereur Antonin le Pieux lui-même et peut-être même de la part d’un « clan » de sénateurs africains influents à Rome à la fin de la première moitié du IIe siècle3. Les trois inscriptions d’Althiburos (n° 2, 3 et 4) soulignent que ce clarissime était quaestor Augusti designatus. L’une d’elles (n° 2), un hommage rendu par Quadratus à Antonin le Pieux, précise que c’est par une indulgentia impériale qu’il fut choisi comme quaestor Augusti designatus4. Les deux inscriptions de Rome et de Mactaris (n° 1 et 5) précisent qu’il fut effectivement quaestor Augusti. Ceci n’implique pas nécessairement un déplacement vers ce camp africain. R. Cagnat (CAGNAT R., 2002, p. 93) précise que « ce service n’était généralement pas effectif. » J.-M. Lassère (LASSERE J.-M., 2005, t. II, p. 650), précise que « ce temps de commandement est souvent remplacé, surtout pour les jeunes patriciens, par un an de service dans une administration. » 2 LASSÈRE J.-M., 2005, t. II, p. 650. 3 CORBIER M., 1982, p. 750. 4 A ce sujet A. Chastagnol précise que « L’empereur détient en outre une large part dans la nomination des questeurs, premier échelon qui donne accès au rang de sénateur 1 284 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb L’inscription de Mactaris, gravée peu après l’année de sa questure impériale, qu’il géra en 147 ou en 151 apr. J.-C., précise que Quadratus fut coopté patronus municipi Mactaritani. C’est probablement durant un court séjour africain coïncidant avec le biennium à observer entre la questure impériale et le tribunat de la plèbe, que ce clarissime fut coopté et honoré publiquement. Ainsi, il est possible qu’il le fût également à Althiburos, sa ville natale, mais un peu auparavant, lorsqu’il fut simplement quaestor Augusti designatus. Le libellé de l’inscription monumentale d’Althiburos (n° 3), peut-être légèrement tardive par rapport à l’hommage qu’il a rendu à Antonin dans cette même ville, permet d’envisager une telle hypothèse. En effet, c’est durant un premier court séjour africain, après sa désignation par une indulgentia imperatoris à la questure de l’Auguste, qu’il fut peut-être choisi par ses concitoyens comme patronus municipi Althiburitani. De retour à Rome, et pour terminer ses magistratures inférieures, M. Valerius Quadratus fut tribunus plebis candidatus.Cela signifie que le tribunat lui échut, tout comme la questure, par une recommandation impériale. C’est l’empereur Antonin le Pieux luimême qui aura soutenu et appuyé sa candidature et son élection. Ainsi, cette bienveillance d’Antonin le Pieux à l’égard de ce jeune clarissime se manifeste une seconde fois ; c’est lui-même peut-être qui a réussi à ménager cette deuxième commendatio. Ceci témoigne de la notoriété de Quadratus et de la confiance acquise auprès d’un empereur gagné à sa cause en raison de mériteset de compétences que la documentation mise à contribution passe sous silence1. Mais, cette faveur impériale n’est pas un fait insolite ou exceptionnel ; Fr. Jacques d’ailleurs, en traitant des curateurs des cités de l’Occident, précise que « huit des tribuns bénéficièrent de la recommandation impériale. »2 De même, non loin d’Althiburos, à Ksar Bou Fatha, un site archéologique des environs immédiats de Mactaris, une base épigraphe fait connaître le cursus d’un clarissime de rang consulaire, Q. Cassius Agrianus Aelianus, qui fut de plein droit. C’est lui en effet qui dresse la liste des postulants. » Cf. CHASTAGNOL A., 1992, p. 155. 1 Dans l’introduction de son ouvrage sur Lesquaestores principis et candidati aux Ier et IIe siècles, M. Cébeillac fait l’énumération de certains de ces facteurs : « la parenté avec des membres de la dynastie, l’ancienneté et la notoriété de la gens à laquelle on appartenait, la brillante carrière d’un père ou de proches, les amitiés, un rôle de puissant notable local, une action d’éclat à l’occasion d’une campagne militaire, un service rendu. » Cf. CEBEILLAC M., 1972, p. 6. 2 JACQUES FR., 1984, p. 62. D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 285 tribunus candidatus après avoir été également quaestor candidatus1. En restant dans cette région du Haut Tell tunisien, à ceux-ci, on peut ajouter un troisième personnage qui n’est pas des moindres. Il s’agit de C. Iunius Faustinus Placidus Postumianus, le patron de la cité de Tituli, au nord d’Ammaedara, dont le cursus s’est déroulé durant l’époque sévérienne semble-t-il2. Il fut à deux reprises candidatus Augusti:tribunus plebis candidatus dans un premier temps, puis praetor candidatus. Ici nous saisissons l’une des modalités de l’intégration et de l’ascension remarquable des Africains dans la capitale de l’Empire : l’indulgentiaimperatoris. La carrière sénatoriale de Quadratus s’est arrêtée, selon notre documentation, à la préture, une magistrature supérieure mentionnée uniquement dans l’inscription de Rome (n° 1). S’agissant de la charge religieuse, notre clarissime fut VII uir epulonum, soit l’un de plusieurs sacerdoces traditionnels que recevaient les sénateurs les plus en vue, futurs consuls et gouverneurs de provinces. Toutefois, on ne sait rien si l’exercice de cette fonction sacerdotale suit directement la préture ou si une période de repos a été observée. Voilà le cursus d’un clarissime africain, qui, grâce à une indulgentia impériale et profitant peut-être aussi de l’appui de sénateurs influents, d’origine africaine, est arrivé à gérer la préture, en sautant l’échelon de l’édilité. Malheureusement, en raison des limites de notre documentation, on ne sait rien à propos des causes de la rupture d’une carrière aussi prometteuse déjà soulignée par M. Cébéillac, lorsqu’elle précise que « l’issue normale aurait dû être, pour le moins, le consulat. »3 1 PIR2, C. 480 ; CIL, VIII, 23601 = AE 1898, 107 : Q(uinto) Cassio Agriano / Aeliano c(larissimo) u(iro) co(n)s(uli) / praetori tri[bu]/no candidat[o q(uaestori)] / candidato [tri]/umuiro capi[ta]/li seuiro tu[rma]/rum deducend[a]/rum cur[ato]ri / rei p(ublicae) col(oniarum) Mactari/tanorum Zamen/sium Regioru[m]. Cf. GAUCKLER P., 1898, CRAI, p. 276. Voir également CORBIER M., 1982, p. 717 et 712. 2 CIL, VIII, 597 + 11754 = AE, 1982, 942 = AE, 2003, 1975. KALLALA N., 2003, p. 381-394. 3 CEBEILLAC M., 1972, p. 150. 286 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb TABLEAU 2 : CURSUS DE M. VALERIUS QUADRATUS : ESSAI DE CHRONOLOGIE Magistrature/prêtrise Date* Document SEJOUR A ROME X uir stlitibus iudicandis 140 ou 143 1, 2, 3, 4, 5 Tribunus militum laticlauius Leg. III Aug. 142 ou 145 1, 2, 3, 4, 5 Seuir equitum romanorum 144 ou 147 1 Quaestor Augusti designatus entre le 25 février 2, 3, 4 145 et le 24 février 146 ou bien entre le 10 décembre 149 et le 9 décembre 150 1er COURT SEJOUR EN AFRIQUE PROCONSULAIRE [Patronus municipi Althiburitani ?] 146 ou 150 3 147 ou 151 1 et 5 RETOUR A ROME Quaestor Augusti 2e COURT SEJOUR EN AFRIQUE PROCONSULAIRE Patronus municipi Mactaritani 148 ou 152 5 Tribunus plebis candidatus 149 ou 153 1 Praetor 151 ou 155 1 VII uir epulonum ? 1 RETOUR A ROME * Datation proposée en fonction de la restitution de la VIIIe ou la XIII puissance tribunicienne de l’empereur Antonin le Pieux dans le document n° 2. e D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 287 2- Générosités, actions et allégeance La documentation épigraphique mise à contribution met en lumière, d’une part les générosités et les actions du clarissime althiburitain et d’autre part les honneurs de reconnaissance reçus en contrepartie. Dans deux des inscriptions d’Althiburos (n° 3 et 4), à caractère monumental gravées sur des frises, le nom de Quadratus apparait au nominatif traduisant son engagement à faire équiper sa ville natale de monuments ou au moins à présider la dédicace en qualité peut-être de patronus municipi. Par leurs dimensions, ces frises auraient couronnée à coup sûr les entrées de deux monuments imposants. L’un d’eux, celui révélé par le document n° 4, se rapporte à un temple situé sur le côté nord-est du forum, identifié à titre d’hypothèse par M. Torcheni comme un temple du culte impérial1. C’est là une hypothèse qui pourrait trouver appui dans l’hommage que Quadratus a rendu durant la même année à Antonin le Pieux en lui consacrant une base pour supporter sa statue. (n° 2) Il serait ainsi un temple destiné à Antonin le Pieux et les siens. Ainsi, par ces actes de générosités ou simplement la présidence des dédicaces, il marque une phase importante de l’histoire de l’équipement monumental d’une ville qui a continué à s’équiper progressivement des monuments emblématiques des cités romaines par l’entremise de sa caisse publique et surtout par l’évergétisme nobiliaire2. De même, de manière semble-t-il ostentatoire, il fait élever une base de statue en l’honneur d’Antonin le Pieux (n° 2). Son érection trouve justification dans la faveur impériale (indulgentiaimperatoris) dès le début de sa carrière sénatoriale et dans le fait de l’avoir choisi comme quaestor Augusti designatus. Comme le précise Fr. Hurlet, par cette base commémorative, M. Valerius Quadratus est le seul parmi les notables africains bénéficiaires de faveurs impériales spécifiques à avoir contribué à la diffusion de l’image du pouvoir impérial en Proconsulaire3. Mais à l’arrière-plan d’un hommage qu’il a voulu rendre à l’empereur bienfaiteur, cette dédicace est plutôt destinée à mettre en valeur le cursus de ce clarissime althiburitain et à afficher 1 TORCHENI M. 2017, p. 312. Son capitole à titre d’exemple ne fut construit qu’un peu plus tard sous le règne de l’empereur Commode, avec une phase d’agrandissement et de monumentalisation d’époque sévérienne. Son théâtre également semble avoir été édifié sous le règne de l’empereur Commode. Voir à ce sujet KALLALA N., 2010, p. 236-237. 3 HURLET FR., 2000, p. 344. 2 288 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb publiquement parmi ses concitoyens son ascension sociale remarquable dans la capitale de l’Empire, son rôle actif dans l’administration romaine et surtout son intégration à la cour impériale. L’ensemble de ces inscriptions d’Althiburos (n° 2-4), parallèlement aux précisions fournies quant au cursus de ce clarissime, présente l’intérêt de montrer les liens étroits que Quadratus a entretenus avec sa ville natale en dépit des obligations d’une résidence à Rome. De même, se dégage l’image d’un clarissime évergète qui semble avoir été promptement engagé dans l’équipement monumental de sa ville, peu de temps après sa promotion au rang de municipe sous le règne d’Hadrien. A Mactaris, l’hommage public qui lui fut rendu, en 148 ou en 152 apr. J.-C., par décret des décurions et par dépense publique, est rédigé selon un libellé à caractère solennel analogue à celui des hommages qui honorent les patrons des cités romaines d’Afrique. Il serait l’expression d’allégeance de l’ordodecurionum de cette cité à l’égard du notable althiburitain qui aurait contribué à l’acquisition de cette ville du statut du municipe lorsqu’il gérait la questure de l’empereur Antonin le Pieux1. En effet, dans l’état actuel de la documentation, cet hommage est le premier et l’unique document qui fait état de ce statut pour cette importante ville de la future province de la Byzacène.Ainsi, choisi comme patronus municipi à Mactaris, Quadratus se distingue d’un premier patron de la ville de l’époque d’Hadrien : C. Bruttius Praesens L. Fulvius Rusticus, le proconsul d’Afrique de l’année 133-134 apr. J.-C.2 L’hommage qui lui fut rendu se limite à préciser qu’il fut simplement patronus, sans autres précisions sur le statut de la ville3. Il serait difficile d’admettre que Mactaris était municipium depuis le règne d’Hadrien et que les Mactaritains ne font aucune allusion. Elle serait plutôt un municipe d’Antonin le Pieux, avant d’accéder au rang de colonie sous Marc Aurèle d’où sa nomenclature officielle révélée par des documents épigraphiques 1 Cette idée est déjà développée par N. Kallala et alii. Cf. KALLALA N., SANMARTI J., RAMON J., ALVAREZ R., MARAOUI TELMINI B. ET BELARTE C., 2014, p. 141. Sur le thème des intermédiaires entre les cités et les autorités publiques, voir CHRISTOL M., 2008, p. 523-544. 2 THOMASSONB.-E., 1996, n° 68, p. 57-58 ; PICARDG. CH., 1957, p. 150. 3 AE, 1950, 66 = 1951, 227 = 1952, 53 = 94. D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 289 sévériens et post-sévériens : colonia Aelia Aurelia Mactaris1. Ainsi la contribution du clarissime althiburitain pour l’acquisition du statut du municipe nous semble vraisemblable. Quant au support, une plaque de belle facture, devait être encastrée dans la face d’un piédestal monumental destiné à supporter la statue du clarissime honoré et qui doit occuper une place de choix dans l’un des espaces les fréquentés de la ville, l’un des deux forums ou dans l’un des monuments publics, les thermes à titre d’exemple2. En effet, par chance exceptionnelle, il se trouve qu’un portrait en marbre d’un jeune homme barbu a été découvert à Mactaris lors d’une fouille menée par M. Bordier, contrôleur civil de Maktar, luimême le découvreur du premier fragment de l’hommage rendu à Quadratus3. (n° 5)Il a été remis le 10 mai 1933 au Musée Alaoui, l’actuel Musée National du Bardo4, où il a été reproduit, comme des milliers de pièces archéologiques, sur des négatifs en plaque de verre5. (Fig. 10-11) On déplore toutefois l’absence de toute information à propos des conditions et du contexte précis de la découverte, aussi bien du portrait que de la plaque épigraphe. Nous devons à M. Yacoub, ancien conservateur du Musée du Bardo, une mention très brève de ce portrait qui figurait parmi les pièces exposées dans la salle IX (salle de Carthage romaine)6. Un descriptif, plus fournie lui a été consacré par L. Bianchi dans le cadre d’une étude qu’il mena avec A. Equini Schneider à propos de quatre portraits conservés au Musée du Bardo7. Selon ce spécialiste de la statuaire romaine, le portrait se rapporte à un homme barbu, aux traits réguliers, âgé de trente à quarante ans. Par sa coiffure et par la qualité de rasage de la barbe, ce portrait montre des caractères d’époque antonine, malgré 1 CIL VIII, 11801 = ILS, 458 ; CIL VIII, 11804 = ILS 6787 ; CIL VIII, 677 = 11910 ; AE 1949, 47. Cf. NADDARI L., Municipium Mactaritanum, MEFRA, 2018. (À paraître). 2 Concernant l’emplacement des statues dans les centres monumentaux dans les cités romaines, voir à titre d’exemple Le Roux 2008, p. 569-591. 3 CAGNAT R, 1888, p. 144. 4 Cf. la fiche descriptive : Inv. 2918-2921. J’adresse mes vifs remerciements à M. A. Drine, Mmes. F. Nait-Ighil, Sarra Jabli et Karima Arfaoui pour leur concours dévoué à l’acquisition des photos et des données relatives à ce portrait. 5 Inv. 2918-2921. Sur cette riche collection de négatifs en plaque de verre, voir GHALIA T., 2015, p. 92-111. 6 YACOUB M., 1982, p. 50 ; fig. 47. 7 EQUINI SCHNEIDER A. ET BIANCHI L., 1988, p. 286-288. 290 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb certaines lignes de styles qui donnent l’impression d’une exécution durant une époque ultérieure. Mais, L. Bianchi, en raison de la forme des pupilles et par le traitement des surfaces, notamment la zone entre les joues et la bouche, et par le module de la tête allongée, avance une datation du début de l’époque antonine. Il l’insère ainsi parmi les portraits des types antoniniens connues en dehors des provinces africaines. Toutes ces considérations incitent à émettre l’hypothèse d’attribuer ce portrait, d’époque antonine selon L. Bianchi, plus précisément de l’époque d’Antonin le Pieux selon M. Yacoub 1, à la statue de M. Valerius Quadratus qui aurait surmontée le piédestal monumental sur la face duquel a été encastrée l’hommage qui lui a été rendu. Son cursus, comme il est analysé plus haut, s’est déroulé sous le règne d’Antonin le Pieux. De même, Quadratus, lorsqu’il fut honoré à Mactaris comme patronus municipi, durant le repos observé entre la questure de l’Auguste et le tribunat de la plèbe, il avait peut-être entre trente et quarante ans, contrairement aux quaestores Augusti d’origine patricienne dont l’âge minimum pour exercer cette magistrature est de 25 ans. Ceux d’origine provinciale n’y accèdent qu’à un âge plus avancée2. 1 2 YACOUB M., 1982, p. 50. CHASTAGNOL A., 1992, p. 158. D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 291 Fig. 10 et 11 : Vues de face et de profil du portrait d’un homme d’époque antonine (Mactaris). (Clichés de la collection de négatifs en plaque de verre du Musée du Bardo : Inv. 2918-2921). 292 Frontières, Territoires et mobilités au Maghreb CONCLUSION L’ensemble de ces inscriptions, parallèlement aux précisions qu’elles fournissent à propos du cursus de ce clarissime africain, présente l’intérêt de montrer les liens qu’il avait solidement maintenus avec la province africaine, non seulement à l’égard de sa ville natale, Althiburos, mais à l’égard de la ville voisine de Mactaris également. C’est un attachement particulier qui s’est manifesté en dépit des obligations d’une résidence à Rome et de l’honneur d’y gérer des magistratures sénatoriales et surtout de faire partie de la cour impériale. Ainsi, se dégage une série de trois images d’un clarissime africain du milieu du IIe siècle de l’ère chrétienne : - Un clarissime qui, en qualité d’évergète, s’est promptement engagé à l’équipement monumental de sa ville natale peu de temps après sa promotion au rang de municipe sous le règne d’Hadrien et à la diffusion de l’image du pouvoir impérial, - Un clarissime fortement investi pour faire aboutir le dossier de la promotion juridique de la ville voisine de Mactaris au rang de municipe. Son engagement semble avoir été déterminant, voire décisif, ce qui lui a valu sa cooptation comme patronus municipi Mactaritani, - Un clarissime, qui, profitant à deux reprises de recommandations et de faveurs impérialesexceptionnelles, s’est assuré une intégration et une ascension remarquable, à la fois sociale et politique, dans le cadre de la capitale de l’Empire. C’est là l’une des modalités de promotion que les notables africains ont su maîtriser et manipuler, dont le résultat direct est la formation à Rome d’un « clan africain » actif, vigilant et d’importance décisive. BIBLIOGRAPHIE - BELKAHIA KAROUI TH., 2009, Elites des cités de « Byzacène » du Ier au IVe siècles ap. J.-C. Tunis. - BENABDALLAH BEN ZINA Z., 1986, Catalogue des inscriptions latines païennes du Musée du Bardo, INP- EFR, Rome. - BESCHAOUCH A., 1969, Uzappa et le proconsul d'Afrique Sex. Cocceius Anicius Faustus Paulinus, MEFRA, t. 81, 1969, p. 195218. - CAGNAT R, 1888, Rapport sur des découvertes récemment faites à Macteur d’après une communication de M. Bordier, BCTH, p. 142-150. - CAGNAT R., 2002, Cours d’épigraphie latine, Paris. D’Althiburos à Mactaris en passant par Rome … 293 - CEBEILLAC M., 1972, Les « quaestores principis et candidati » aux Ier et IIe siècles de l’Empire, Milan. - CHASTAGNOL A., 1992, Le Sénat romain à l’époque impériale. 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République Tunisienne Ministère des Affaires Culturelles ′ Institut National du Patrimoine L′EX ITIO S O P R E D I UM ′ L′EXPOSITION N E DI L′EXPOSITION N ) 9 1 0 2 9- 7 19 ( . . . ès Extrait ES H C R E H r C p E RD a R O S s N E n S D IQUE DU E 40 a V I CT FR E A P ' S L R DE PE S T E E N N BILA UTOCHTO SA E L R SU Actes du colloque international Édités par Mustapha KHANOUSSI et Mansour GHAKI L’exposition "DIE NUMIDER", 40 ans après Bilan et perspectives des recherches sur les Numides © Institut National du Patrimoine ISBN n° 978-9973-0974-3-9 Conception : Taoufik Sassi Tunis, 2021 2 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides République Tunisienne Ministère des Affaires Culturelles Institut National du Patrimoine Actes du colloque international L’exposition "DIE NUMIDER", 40 ans après Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (Tunis, 27-29 novembre 2019) Édités par Mustapha KHANOUSSI et Mansour GHAKI Tunis - 2021 Table des matières Accueil Mansour GHAKI 7 Allocution de bienvenue Taoufik Redissi Institut National du Patrimoine (INP) 11 Allocution de bienvenue Daouda Sow Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de la Promotion Culturelle (AMVPPC) 15 Mustapha Khanoussi L’EXPOSITION DIE NUMIDER, REITER UND KÖNIGE NÖRDLICH DER SAHARA (Les Numides, Cavaliers et rois au Nord du Sahara) ET SON CATALOGUE, 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides 17 Wassel Eddargh et Lotfi Belhouchet LA SÉDENTARISATION ET LA HIÉRARCHISATION DE LA SOCIÉTÉ AU MAGHREB DE L’HOLOCÈNE À L’AUBE DE L’HISTOIRE 29 Khoukha Ayati L’ÂGE DU CUIVRE ET DU BRONZE EN ALGÉRIE 41 Mohamed Saidi L’OCCUPATION HUMAINE NÉOLITHIQUE ET PROTOHISTORIQUE DANS LA RÉGION DE GAFSA : ÉTAT DE LA QUESTION ET PERSPECTIVES DE RECHERCHES 63 Emna Ghith-Hmissa MURS DES NÉCROPOLES MÉGALITHIQUES ET AGGLOMÉRATIONS DE SÉDENTARITÉ À L’ÉPOQUE NUMIDE Souad Miniaoui UNE NOUVELLE NÉCROPOLE DOLMÉNIQUE DANS LA RÉGION DE MAKTHAR : KALAAT SIDI ALI BEN AHMED 83 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides 117 5 Sergio Ribichini (avec la collaboration de Attilio Mastino) L’APPORT DE LA RECHERCHE ITALIENNE AUX ÉTUDES SUR LES NUMIDES AU COURS DES QUARANTE DERNIÈRES ANNÉES 165 Mansour Ghaki L’ÉPIGRAPHIE LIBYQUE ET PUNIQUE/NÉOPUNIQUE EN NUMIDIE. L’ÉTAT D’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE 181 Jean-Pierre Laporte LES ROIS NUMIDES ET LE MONDE HELLÉNISTIQUE 207 Ouiza Aït Amara LE DISPOSITIF MILITAIRE NUMIDE DANS LE CATALOGUE « DIE NUMIDER ». 239 Khaoula Bennour LES DIVINITÉS LIBYCO-NUMIDES ET LES CROYANCES D’ORIGINE PHÉNICO-PUNIQUE L’INTERPRETATIO PUNICA 263 Habib Baklouti SUR DES CITERNES ET CHÂTEAUX D’EAU " MÉGALITHIQUES " EN PAYS NUMIDE : À THUGGA-DOUGGA ET DANS SES ENVIRONS 303 Samir Aounallah, Véronique Brouquier-Reddé, Haythem Abidi, Yvan Maligorne, Yamen Sghaïer, Sonia Hafiane Nouri, Frédéric Poupon, Jérémy Artru, Hanène Ben Slimène, Olfa Dammak-Latrach et Fatma Touj L’OCCUPATION DE LA PÉRIPHÉRIE DE DOUGGA : BILAN PRÉLIMINAIRE. 321 Hichem Ksouri IDENTIFICATION D’UNE TECHNIQUE DE CONSTRUCTION NUMIDE 351 Djahida Mehentel et Hakima Touahri L’HABITAT NUMIDE EN ALGÉRIE : L’EXEMPLE DE CIRTA ET TIDDIS 373 Doris Bages CIRTA LA NUMIDE : BILAN ET PERSPECTIVES DE RECHERCHES SUR LES PÉRIODES PRÉROMAINES DE CONSTANTINE (ALGÉRIE) 395 Chokri Touihri LA DÉCOUVERTE D’UNE AGGLOMÉRATION PRÉROMAINE À SIDI SAÏD, RÉGION DE BARGOU, PRÉSENTATION PRÉLIMINAIRE 411 6 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides Mustapha Khanoussi LE FAIT URBAIN EN PAYS NUMIDE À LA LUMIÈRE DES RECHERCHES DEPUIS L’EXPOSITION « DIE NUMIDER » 427 Mohamed Tlili UNE MULUCHA ORIENTALE INÉDITE D’APRÈS LES SOURCES ARABES SES COMPLICATIONS ET SES IMPLICATIONS SUR LA GÉOGRAPHIE HISTORIQUE DE LA NUMIDIE ARCHAÏQUE 449 Ali Chérif GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (RÉGION DE BOU ARADA – AL-AROUSSA, TUNISIE) 501 Mohamed Ellefi À PROPOS D’UNE CONFÉDÉRATION TRIBALE DE LA PROCONSULAIRE MÉRIDIONALE COMPOSÉE DE TROIS NATIONUM ANTIQUIO­ RUM (LES NYBGENII, LES NIGITIMI ET LES NUKPII) 539 Fatma Naït-Yghil LES NUMIDES DANS LES MUSÉES TUNISIENS 563 Benseddik Nacéra MASSINISSA, SYPHAX, JUBA..EN ALGÉRIE AUJOURD’HUI. 575 Programme 587 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides 7 Accueil C ’est à la fois un honneur et un plaisir pour moi, en mon nom personnel et au nom de mon ami et collègue, Mustapha Khanoussi, que de vous souhaiter la bienvenue et un « bon colloque ». L’idée de commémorer l’anniversaire de l’exposition tenue à Bonn portant le titre de : Die Numider. Reiter und Könige nördlich der Sahara (Les Numides. Cavaliers et rois au Nord du Sahara) il y a 40 ans presque jour pour jour, revient à Mustapha Khanoussi. En 1979, Exposer des objets numides et Réserver un livre de près de 700 pages aux numides relevaient presque d’une gageure ; ce fut et cela reste une première, puisque depuis aucune initiative de ce type et de cette ampleur n’a vu le jour et c’est rendre un hommage sincère à ceux qui furent à l’origine de cette manifestation scientifique et culturelle que d’organiser ce colloque. Notre rencontre porte pour titre : DIE NUMIDER, 40 ans après… 1979-2019 Bilan et perspectives des recherches sur les autochtones de l’Afrique du nord Elle s’inscrit logiquement dans la continuité de ce qui a été fait par tous ceux qui depuis des décennies s’occupent des études libyques, numides et maures donc du substrat amazighe depuis les temps préhistoriques, à l’aube de l’histoire et durant la période antique ; l’installation de civilisations méditerranéennes sur le territoire de ce que les grecs appelaient la Libye a amené l’historiographie du XIXe s. et d’une grande partie du XXe à conceptualiser les études historiques, à « périodiser » l’histoire de l’Afrique antique souvent en réduisant à des « survivances » la composante autochtone ; on parla d’époque punique, de période romaine, de siècle byzantin, etc. Il est clair que des Africains adoptèrent, à des degrés différents, les civilisations phénicienne, gréco-romaine et le christianisme, il est non moins évident qu’ils adaptèrent ces mêmes civilisations ; nous faisons mieux de parler de « période libyco-punique», d’époque afro-romaine et de christianisme africain » et pour le faire les études consacrées à la composante autochtone sont nécessaires et devraient être de plus en plus nombreuses. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides 9 Vos contributions, je me fie aux titres enregistrés, parce qu’elles apportent du nouveau pour les études numides en particulier et autochtones en général, ne peuvent qu’enrichir cette approche ; elles toucheront divers aspects de la civilisation tel que l’habitat, la religion, les rites et architecture funéraires, l’apport des sources épigraphiques, etc. C’est dire la richesse de notre colloque et l’importance que nous accordons tous à sa réussite. Je conclue en vous renouvelant mes souhaits de réussite, en soulignant l’adhésion immédiate et sans réserve de nos institutions chargées du Patrimoine sous l’égide du Ministère des affaires culturelles, l’Institut National du Patrimoine et l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de la Promotion Culturelle ; je me dois aussi de vous faire part du soutien à cette initiative de l’Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis « Ibn Charaf », du CNRPAH d’Alger, de la SAIC (Scuola Archeologica Italiana di Cartagine) de Sassari et de l’Institut archéologique allemand de Berlin. Mansour Ghaki Directeur de recherches 10 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides Allocutions de bienvenue LES NUMIDES 40 ANS APRÈS Monsieur Le Ministre des Affaires Culturelles, Monsieur Le Directeur Général de l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle, mes chers amis et collègues. Je souhaite à nos invités la bienvenue et un bon séjour en Tunisie. je me réjouis de voir se multiplier les colloques sur les autochtones de l’Afrique du Nord, il y’a presque un mois nous avons le plaisir d’assister au colloque international portant le thème « être autochtone, devenir autochtone, définitions et représentations». Je remercie les organisateurs du colloque international sur les Numides 40 ans après, bilan et perspectives des recherches sur les autochtones de l’Afrique du Nord. Quarante ans aussi après l’exposition «Die Numider. Reiter und Konige nordlich der Sahara» «Les Numides, cavaliers et rois au Nord du Sahara» tenue au Rheinisches Landesmuseum Bonn du 29 novembre 1979 au 29 février 1980. Cette exposition dans laquelle a participé un grand nombre de savants (Fredrich Rakob, Mounir Bouchenaki, Maria Alfôldi, Heinz Günter Horn, Christoph Rüger, Hans Baldus, Fatima Kadra .... ) a drainé beaucoup de visiteurs et a fait connaître au grand public l’histoire et la culture matérielle des autochtones de l’Afrique du Nord de la préhistoire à l’Antiquité. Cette belle exposition complétée par un ouvrage de 674 pages, demeure jusqu’à présent un outil scientifique fondamental pour toute étude sur les autochtones de l’Afrique du Nord, bâtisseurs des royaumes Massyle, Massaesyle et Maure. Depuis la parution du catalogue et des textes de cette exposition, plusieurs autres découvertes et études ont été réalisées en Tunisie. Les fouilles et les études sur la Préhistoire ont connu, un intérêt de plus en plus grandissant avec la multiplication des travaux de prospection et de fouilles sur les sites préhistoriques de Doukenet el Khotifa, Kef el Agueb, Bir Oum Ali, Redeyef, Oued Akkarit, Nefta, Aïn Guettar, Oued Lazalim, Ain Brimba, Kef Hamada, Hergla, El Allia et de Jebba. Les études sur les Numides de Tunisie des périodes protohistoriques et historiques de ces dernières années se sont intéressées à l’épigraphie libyque et néo- punique, aux haounnet L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides 11 (dans le Nord-Ouest et le Cap-Bon) et à la présence punique en pays numide, aux structures funéraires mégalithiques (Ellès, Althiburos, Maktar, Mided, Jebel el Goraa, et el Menaguib dans le sud tunisien). Parmi les découvertes relevant des III-Ile s. av. J.-C. on peut citer les vestiges d’habitat d’époque numide mis au jour à Bulla Regia dans la partie ouest des thermes Memmiens et près du Forum et du marché romains. Les bas-reliefs de Borj Hellel représentant les divinités et de Henchir Abbassa figurant un cavalier numide, proviennent de la région de Chemtou. Sous le Forum romain du même site ont été repérés une série de bazinas. D’autres témoignages d’habitat sont signalés à Musti, l’actuelle El Krib et à Balta dans la région de Bou Salem. Les travaux récents sur le site de Dougga ont abouti à la découverte d’un sanctuaire (Mqds) de l’époque de Massinissa (202-148 av. J.-C.), de dolmens, de bazinas et de soubassement de mausolée. Plusieurs niveaux d’habitats et de monuments publics datables des IVe-lIe s. av. J.-C. ont été dégagés dans le site de Zama. Les fouilles récentes menées à Carthage, Utique et à Althiburos (Medeina) ont donné de la céramique modelée d’origine autochtone en provenance des strates les plus profondes, attribuées aux IXe- VIlle s. av. J.-C. Bien que le nombre des sites et des monuments relevant des périodes pré- et protohistoriques soit d’une richesse exceptionnelle (abris, grottes, peintures et gravures rupestres, industries lithiques, tumuli, bazinas, haounnet, mausolées, dolmens, Rammadya), les témoignages sur les communautés autochtones restent insuffisamment exploités et valorisés, non seulement en Tunisie mais dans toute l’Afrique du Nord. La plupart des travaux archéologiques sur les autochtones ont été effectués dans des sites réoccupés par les Romains, dont le programme urbanistique de grande envergure, a profondément modifié la trame urbaine des sites autochtones (Dougga, Bulla Regia, Zama, Chemtou, Maktar, Henchir Bourgou, Cirta, Calma, Siga, Tamouda, Banasa, Volubilis, Tiddis .... ). Généralement, la découverte des vestiges des sites autochtones ont été mis au jour lors de campagnes de fouilles programmées dans le cadre des recherches sur l’archéologie romaine. Pour une meilleure connaissance de notre histoire et de notre identité culturelle dont les racines s’enfoncent dans les profondeurs de la préhistoire, une stratégie de recherche s’impose dans toute sa rigueur. A l’image d’autres pays qui ont travaillé sur les concepts identitaires de l’autochtonie, des notions d’ interculturel, inter-culturalisme et d’interaction entre les autochtones et les Étrangers, fondateurs des « colonies », Il faudrait programmer des campagnes de prospections, de fouilles et d’inventaires dans des secteurs qui étaient à l’écart des grands bouleversements urbanistiques provoqués jadis par l’installation d’autres occupants Malgré l’intérêt accordé aux travaux scientifiques sur les autochtones du Mag;hreb, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour mener à bien des projets de recherches soumis à un programme précis à l’exemple des pays européens qui ont énormément investi 12 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides et multiplié les études sur les Celtes en France, les Ibères en Espagne, les Nuraghes en Sardaigne, les Sicules, les Élynes et les Sicanes en Sicile. Aujourd’hui, la thématique de l’autochtonie est considérée comme une spécialité à part entière, comparable à d’autres disciplines en connexion avec l’histoire, l’anthropologie, l’archéologie, l’archéométrie .... La recherche sur l’autochtonie en Afrique du Nord est restée longtemps figée et enfermée dans la sphère classique des Sciences Humaines. Aujourd‘hui, nous sommes appelés à œuvrer pour sa promotion et à lui donner les moyens pour s’imposer comme une discipline reconnue et de nécessité première pour travailler sur les grands thèmes et les problématiques de cette civilisation jusqu’à présent méconnue. Les contributions scientifiques programmées dans ce colloque international constituent une bonne occasion pour faire l’état de la question et enrichir le débat entre les spécialistes des périodes couvrant une large séquence chronologique de la Préhistoire à l’Antiquité, elles permettront de faire un bilan et de confronter les données à la lumière des nouvelles découvertes et études sur les autochtones de l’Afrique du Nord. Cette manifestation scientifique donnera la possibilité aux différentes écoles de croiser les idées autour des concepts fondamentaux susceptibles de faire progresser les recherches sur l’autochtonie au Maghreb. Taoufik Redissi Directeur de la Direction de la coopération, de la formation et de l’édition. INP - Tunis. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides 13 Allocutions de bienvenue Mesdames, Messieurs Permettez-moi au nom de Monsieur le Directeur Général de l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle retenu ce matin, de souhaiter la bienvenue et adresser mes chaleureuses salutations à tous ceux qui ont fait le déplacement de Tunis pour célébrer, dans le partenariat et la collaboration, cette rencontre scientifique « Bilan et perspectives des recherches sur les autochtones de l’Afrique du Nord » 40 après l’exposition « Die Numider ». C’est l’occasion de remercier les partenaires, autres que les institutions patrimoniales tunisiennes, que sont l’Institut Supérieur des Humanités de Tunis ; le Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques- Alger/Algérie ; l’Institut Archéologique Allemand – Berlin/Allemagne et la Scuola Archeologica Italiana di Cartagine – Italie. Permettez-moi aussi, en vous y associant tous, de rendre hommage au dévouement, à l’esprit créatif et au travail remarquable, des membres des comités d’honneur, organisationnel et scientifique pour leur mobilisation. La présence de l’AMVPPC qui souscrit à cette rencontre dénote de l’exemplarité du partenariat entre les institutions patrimoniales tunisiennes et leurs homologues étrangers. Aujourd’hui en abordant le vaste dossier de l’autochtonie en Afrique du Nord, vous n’aviez pas choisi la facilité tellement le champ de recherche est vaste et complexe. Questionnements réels, démarches fantasmées, gesticulations politiques et idéologiques, par rapport au bilan et limites actuelles de nos connaissances que beaucoup de chercheurs, ces quarante dernières années, ont mis en évidence simultanément, ou presque dans plusieurs disciplines. Les études et recherches focalisées ont permis de déceler les traces matérielles de ces « marginaux » de l’histoire en donnant plus de vivacité pour une meilleure connaissance d’ensemble face à la panoplie des préjugés, arrière- pensées, voire d’éviter les stéréotypes souvent véhiculés encore de nos jours. Heureusement, vous aviez eu l’intelligence de diversifier les thématiques afin de mieux le circonscrire et de poser les éléments d’une problématique. Les titres des communications L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides 15 délimitent un sujet aux dimensions vastes, tributaires de sources parcellaires, étant d’époque antique. Mais au-delà du contenu des communications, dont je ne doute pas de la qualité et de la pertinence, je reste persuadé que l’établissement d’un cadre de concertation et de recherche autour de ce thème pourrait confronter voire rapprocher les approches et démarches méthodologiques autour du fonds autochtone nord-africain sur les Libous, les Numides selon la dénomination ou terminologie utilisées et dont Hérodote fournit une description ethnoculturelle minutieuse. « Car en Libye, les bords de la mer, qui la limite vers le nord à partir de l’Egypte jusqu‘au Cap Soloeis qui marque la fin du continent libyen, sont habités d’un bout à l’autre par des hommes de race libyenne divisés en nombreuses peuplades ». 40 ans après cette belle exposition qui avait réuni déjà certains d’entre vous, ce colloque international prouve si bien en était l’abnégation et les efforts fournis en vue de renforcer la capacité de résilience de notre partenariat et je voudrais encourager nos chercheurs à continuer à travailler sur une interaction durable entre les institutions de recherche, les universités mais aussi avec les opérateurs patrimoniaux. Permettez-moi aussi de replacer ce partenariat entre nos institutions dans un cadre encore plus large, celui d’un espace « euro-maghrébin » de la recherche. Car c’est ensemble que nous pourrons construire une vision commune de nos destins et de nos besoins. Au-delà de tout cela, le sentiment de destin commun sans lequel la communion d’esprit n’eût existéet qui nous réunit aujourd’hui- c’est peut-être l’accent invincible de cette belle fraternité qui nous unit tant. Je ne saurai conclure mon allocution sans réitérer mes vifs remerciements à tous ceux qui sont présents ici et rendre hommage à celles et ceux qui se sont mobilisé pour rendre possible cet événement, car ils œuvrent tous pour faire découvrir et partager différents aspects de la richesse patrimoniale tunisienne à travers cette coopération. Merci de votre attention. Daouda Sow Directeur des Études, de la Programmation et de la Coopération Internationale AMVPPC 16 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides Programme Mercredi 27/11/2019 9h00 : accueil des participants et inscription Séance I 9h30 : Allocutions d’ouverture M. Mansour Ghaki pour le Comité d’organisation, mot de bienvenue M. Mustapha Khanoussi pour le Comité d’organisation, rappel du cadre de l’organisation du colloque M. Taoufik Redissi représentant de M. Faouzi Mahfoudh, Directeur Général de l’Institut National du Patrimoine M. Daouda Sow représentant de M. Mehdi Najar, Directeur Général de l’Agence de Mise en Valeur et de Promotion Culturelle M. Farid Kherbouche, Directeur du Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et HistoriquesAlger / Algérie M. Sergio Rebichini, représentant de M. Attilio Mastino Président de la Scuola Archeologica Italiana di Cartagine/ Italie 10h00 : M. Mustapha Khanoussi, Présentation introductive ″l’exposition Die Numider, 40 ans après″ 10h20 : pause-café Séance II Présidence : M. Taoufik Redissi 10h50 : M. Lotfi Belhouchet, La sédentarisation et la hiérarchisation de la société au Maghreb du Néolithique à l’aube de l’Histoire. 11h20 : M. Farid Kherbouche, Contextes culturel, économique et environnemental des occupations néolithiques de la grotte de Gueldaman, dans les Babors d’Akbou, en Algérie. 11h50 : M. Mohamed Saïdi, L’occupation humaine néolithique et protohistorique dans la région de Gafsa : Etat de la question et perspectives de recherche 12h10 : Mme Khoukha Ayati, L’âge du cuivre et du bronze en Algérie 12h30 : Mme Emna Ghith, Murs en pierres sèches et agglomérations de sédentarité en territoire numide 12h50 : discussion 13h00 : déjeuner Séance III Présidence : Mme Nacéra Ben Seddik 14h30 : M. Mustapha Khanoussi, Rapport sur le fait urbain en pays numide 15h00 : MM. Attilio Mastino et Sergio Ribichini, Sur la contribution de la recherche italienne aux études sur les Numides et sur les autochtones au Maghreb en général au cours des 40 dernières années, notamment en Lybie et en Tunisie. 15h30 : Mmes Djahida Mehentel et Hakima Touahri, L’habitat numide en Algérie ; l’exemple de Cirta et Tiddis. 16h00 : discussion 16h10 : pause-café Séance IV Présidence : M. Jean-Pierre Laporte 16h30 : Mme Souad Miniaoui, Une nouvelle nécropole dolménique de tradi- L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides 587 tion libyque dans la région de Makthar : Kalaat Sidi Ali Ben Ahmed 17h00 : M. Habib Baklouti, Sur des installations hydrauliques mégalithiques en pays numide 17h30 : discussion Jeudi 28 novembre 2019 Séance V Présidence : M. Farid Kherbouche 9h00 : Mmes et MM. Véronique Brouquier-Reddé et Samir Aounallah, Hamden Ben Romdhane, Haythem Abidi, Théo Ben Makhad, Hanène Ben Slimane, Michel Bonifay, Ali Chérif, Pauline Cuzel, Chloé Damay, Olfa Dammak, Danièle Foy, Fatma Haddad, Sonia Hafiane Nouri, Solenn de Larminat, Yvan Maligorne, Tomoo Mukai, Nesrine Nasr, Frédéric Poupon, Afef Riahi, Yamen Sghaïer, Fatma Touj, L’occupation de la périphérie de Dougga : bilan préliminaire. 9h30 : Mme Ouiza Aït Amara, Le dispositif militaire numide dans le catalogue « Die Numider ». 9h50 : M. Hichem Ksouri, Identification d’une technique de construction pré-romaine à Bulla Regia 10hh10 : Mme Khaoula Bennour, Les divinités libyco-numides et les croyances d’origine phénico-punique : l’interpretatio punica 10h30 : discussion 10h50 : pause-café 588 Séance VI Présidence : M. Sergio Ribichini 11h10 : Mme Nacéra Benseddik, Massinissa, Syphax, Juba..en Algérie, aujourd’hui. 11h40 : M. Ali Chérif, Mizaeotherena, le nom antique de Bou Jlida d’après deux fragments inédits d’une inscription monumentale d’époque sévérienne. 12h00 : M. Mohamed Ellefi, A propos d’une confédération tribale de la Proconsulaire méridionale composée de trois nationum antiquiorum (les Nybgenii, les Nigitimi et les Nukpii) 12h20 : M. Jean-Pierre Laporte, Les rois numides et le monde hellénistique 12h50 : discussion 13h00 : déjeuner Séance VII Présidence : M. Habib Baklouti 14h30 : M. Mansour Ghaki, Rapport sur l’épigraphie libyque et punique 15h00 : Mme Doris Bages, Cirta la Numide : bilan et perspectives de recherches sur les périodes préromaines de Constantine (Algérie) 15h20 : Mme Fatma Naït-Yghil, les Numides dans les musées tunisiens 15h40 : discussion 16h00 : pause-café Séance VIII Présidence : Mme Véronique Brouquier-Reddé 16h20 : M. Mohamed Tlili, Une Muluccha orientale d’après les sources arabes ses complications et ses implications sur la géographie historique de la Numidie archaïque L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides Ali CHÉRIF GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie)1 À la mémoire du Professeur Jehan Desanges Introduction Les progrès enregistrés dans le domaine de la toponymie sont étroitement liés au rythme des découvertes épigraphiques. On peut cependant bénéficier dans certains cas de l’apport non négligeable d’autres types de sources qui permettent d’identifier de nouveaux toponymes ou d’en localiser d’autres2. Un premier bilan sur la toponymie africaine a été dressé par J. Desanges, il couvre les années 1965-19903 ; récemment, une actualisation de nos connaissances a donné matière à un second bilan toponymique publié par S. Aounallah et H. Ben Romdhane recensant ainsi les nouveautés enregistrées dans ce domaine depuis 19904. 1 Université de Jendouba, Institut supérieur des sciences humaines (alicherif.isshj@gmail.com). Je remercie mon ami Nabil Khalsi, un fils de Bou Jlida, professeur d’histoire et de géographie et actuellement censeur au lycée secondaire Farhat Hached de Bou Arada, qui m’a beaucoup facilité le travail du terrain et l’accès à plusieurs maisons du village. 2 Je pense particulièrement ici à l’œuvre de saint Augustin, notamment les nouvelles lettres découvertes par Johannes Divjak. Sur l’apport de cette nouvelle correspondance à la géographie historique de l’Afrique antique, voir par exemple Desanges, Lancel 1983, p. 87-99 ; Lepelley 1983, p. 279-281 ; On signalera également les actes de martyres tels que les actes de saint Gallonius où sont mentionnées les deux cités voisines d’Uthina et de Thimida Regia. On consultera sur cet important document, Chiesa 1996, p. 241-268 ; Lepelley 1999, p. 205-221 ; M’Charek 2004-2005, p. 190-194. 3 Desanges 1990a, p. 251-272 (bilan arrêté sans doute à l’année 1987, d’après la bibliographie recensée). Il est à noter aussi l’apport considérable de la publication des Actes de la Conférence de Carthage en 411 à la toponymie nord-africaine, voir Lancel 1991. 4 Aounallah, Ben Romdhane 2015, p. 223-239. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 501 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) Dans la région de Bou Arada, outre la découverte de la ciuitas Crimeteris signalée par A. Beschaouch5 et la nouvelle localisation de la ciuitas Tapphugabensis6, la mise au jour d’un nouveau document épigraphique à Bou Jlida nous donne l’occasion de revenir sur la forme du toponyme antique de cette localité. Jusqu’ici, nous disposons pour ce qui est de ce toponyme, de trois documents épigraphiques provenant de trois endroits différents, sans compter un quatrième qui devrait être ajouté au dossier. Ces témoignages étant lacunaires, les commentateurs on dû retenir provisoirement la forme hypothétique Mizeoter7. Traiter du nom antique de Bou Jlida impose d’examiner en premier lieu la dédicace du temple de Saturnus Achaiae où se trouve mentionnée une gens Bacchuiana. Le titre choisi pour cette recherche sous-entend une question principale : au temps d’Antonin le Pieux Bou Jlida est-elle dénommée Gens Bacchuiana ou Mizaeotherena, nom révélé par une inscription récemment mise au jour dans cette localité ? 1. La gens Bacchuiana : sodalité religieuse ou tribu à part entière ? Les ruines de Bou Jlida, presque complètement recouvertes par l’habitat moderne8, s’étendent au pied du flanc sud-occidental du Jbel Rihane, à 80 km à vol d’oiseau au sudouest de Carthage et à 5,5 km au nord-est d’El-Aroussa, l’antique Thabbora (fig. 1). Le site archéologique est surtout célèbre pour avoir livré une importante inscription gravée sur un linteau en pierre calcaire autrefois réemployé dans le marabout de Sidi Agueb, mais actuellement déposée devant une maison9. 5 C’est une cité à localiser dans les environs d’Auitta Bibba, aujourd’hui Henchir Bou Ftis. Voir Beschaouch 2001, p. 216-217 (d’où AE 2004, 1813). Un autre toponyme (GAOARI), non attesté par ailleurs, a été signalé par le même auteur, toujours dans la région de Bou Arada, Beschaouch 1987-1989, p. 289-290. J. Desanges (dans Beschaouch 1987-1989, p. 290 : observation faite postérieurement à la séance du 19 juin) « a proposé de rapprocher Gaoari de l’ethnique Gauuaritanus, qui qualifie un évêque de Byzacène, nommé Victor, en 484 de notre ère (…) » (Voir Lancel 2002, p. 366). « Peut-être faut-il aussi attribuer à Gaoari le Rogatus episcopus Gayaritanus mentionné en 411 » (Voir Lancel 1991, p. 1378-1379). 6 Sur cette cité qui correspond au site archéologique de Henchir Sidi Abd en-Nour, voir désormais Chérif 2016, p. 27-49 (d’où AE 2016, 1886). On ajoutera la ciuitas Valusitana récemment révélée par une dédicace religieuse d’époque sévérienne encore inédite (paraîtra prochainement). 7 Voir en dernier lieu, Desanges et alii 2010, p. 180. 8 AAT I, f. 36 – Bou Arada au 1/50.000e, n° 74. Un deuxième article, en cours de préparation, sera consacré à Bou Jlida où je donnerai les résultats des prospections archéologiques effectuées ces dernières années ; je publierai par la même occasion une série d’épitaphes inédites qui seront insérées dans un commentaire sur les différents aspects de la romanisation de cette agglomération. 9 Dimensions : Long. 200 cm ; H. 36,5 cm ; Ep. 16 cm. Hl. 4-7,5 cm. 502 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) au pied du flanc sud-occidental du Jbel Rihane, à 80 km à vol d’oiseau au sud-ouest de Carthage et à 5,5 km au nord-est d’Al-Aroussa, l’antique Thabbora (fig. 1). Le site archéologique est surtout célèbre pour avoir livré une importante inscription gravée sur un linteau en pierre calcaire autrefois réemployé dans le marabout de Sidi Agueb, mais Ali CHÉRIF 8 actuellement déposée devant une maison . Fig. 1 : Carte de localisation de Mizaeotherena – Bou Jlida. Fig. 1 : carte de localisation de Mizaeotherena – Bou Jlida. En voici le texte. CIL VIII, 12331 = ILS 4440 (fig. 2 et 3) : Saturno Achaiae Aug(usto) sacr(um) / Pro sal(ute) Imp(eratoris) Caes(aris) Antonini Aug(usti) Pii p(atris) p(atriae) / gens Bacchuiana templum sua pec(unia) fecerunt id(emque) En voici /leCandidus texte. CILBalsamonis VIII, 12331fil(ius) = ILS 4440 (fig. 2 et 3) : dedic(auerunt) ex (undecim)pr(imis) amplius spatium in quo templum fieretSaturno / donauit. Achaiae Aug(usto) sacr(um) / Pro sal(ute) Imp(eratoris) Caes(aris) Antonini Date : AntoninAug(usti) le Pieux,Pii 139-161. p(atris) p(atriae) / gens Bacchuiana templum sua pec(unia) fecerunt id(emque) dedic(auerunt) / Candidus Balsamonis fil(ius) ex (undecim)pr(imis) amplius spatium in quo templum fieret / donauit. AAT I, f. 36 – Bou Arada au 1/50.000e, n° 74. Un deuxième article, en cours de préparation, sera consacré à Date : Antonin 139-161. Bou Jlida où je donnerai le lesPieux, résultats des prospections archéologiques effectuées ces dernières années ; je publierai par la même occasion une série d’épitaphes inédites qui seront insérées dans un commentaire sur les différents aspects de la romanisation de cette agglomération. 8 Dimensions : Long. 2 m ; H. 0,365 m ; Ep. 0,16 m. Hl. 0,075-0,04 m. 7 2 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 503 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) Fig. 2 : Copie de CIL VIII, 12331 : la dédicace du temple de Saturnus Achaiae. Fig. 2 : Copie de CIL VIII, 12331 : la dédicace du temple de Saturnus Achaiae. Fig. 3 : 2La: copie dédicace temple Saturnus A. Chérif, pris le 05-02-2020) Fig. dedu CIL VIII,de12331 : la Achaiae dédicace(Cliché du temple de Saturnus Achaiae. Fig. dédicace prislele 05-02-2020) 05-02-2020) Fig.33: :laLa dédicacedudutemple templede deSaturnus SaturnusAchaiae Achaiae(Cliché (Cliché A. Chérif, Chérif, pris L’inscription a été repérée le 14 octobre 1885 par le capitaine Bordier et son sous-lieutenant Tauzia de Lespin, elle a été tout de suite communiquée au Comité des travaux historiques et L’inscription a été le repérée le 14 octobre 1885 par le capitaine Bordier et son sousL’inscription repérée 14 Inscriptions octobre 1885 le Lettres capitaine et son les sous-lieutenant scientifique aet été à l’Académie des et par Belles de Bordier Paris9. Depuis, historiens lieutenant Tauzia de Lespin, elle a été tout de suite communiquée au Comité des travaux et Tauzia de Lespin, elle a été tout de suite communiquée au Comité des travaux historiques de la religion et de la vie municipale se sont penchés sur ce document qui a donné 10lieu à de historiquesetetà scientifique et à l’Académie desetInscriptions et Belles Lettres de Parisles. Depuis, 9 scientifique l’Académie Inscriptions Lettres deessentiels Paris . Depuis, historiens nombreux commentaires. Ledes débat portéBelles sur se deux points les historiens de la religion et de alasurtout vie municipale sont penchés sur ce: document qui a de*laSur religion et de laailleurs vie municipale sontd’Afrique, penchés sur ce document qui aCl. donné lieu àa de culte, unique enseterre de Saturnus Poinssot donnélelieu à de par nombreux commentaires. Le débat a surtout porté surAchaiae. deux points essentiels : 10 nombreux commentaires. Le de débat a surtout porté sur deux. Mais pointsune essentiels : voulu assimiler ce Saturne l’Achaïe à Hadès-Pluton telle assimilation a été SurM. le par culte, par11ailleurs unique en terre d’Afrique, Saturnus Achaiae. a a * Sur le *par culte, ailleurs unique en terre d’Afrique, dede Achaiae.Cl. Cl.Poinssot Poinssot rejetée Le Glay ; la communis opinio admet que leSaturnus Saturnus Achaiae correspondait 11 voulu assimiler ce Saturne de l’Achaïe à Hadès-Pluton . Mais cette assimilation a été rejetée 12 Saturne de l’Achaïe à Hadès-Pluton10. Mais une telle assimilation a été voulu assimiler ce au vieux Kronos . 12 par M. Le Glay ; la communis opinio admet que le Saturnus Achaiae correspondait au vieux rejetée par13M. Le Glay11 ; la communis opinio admet que le Saturnus Achaiae correspondait Kronos . point, Le second 12 celui qui nous intéresse le plus ici, se rapporte à la définition de cette gens au*vieux Kronos . Bacchuiana. Quel donner motnous gensintéresse ? La littérature est loin d’avoir parvenude à * Le secondsens point, celuiauqui le plusmoderne ici, se rapporte à la définition élucider cette question, et révèle deuxaulectures divergentes. cette gens Bacchuiana. sens donner ? se La rapporte littératureà moderne est loin d’avoir * Le second point, celuiQuel quinous nous intéresse lemot plusgens ici, la définition de cette gens Première interprétation : pour nombre de commentateurs, la gens Bacchuiana est tenue pour parvenu à élucider cette question, et elle nous révèle deux lectures divergentes. Bacchuiana. Quel sens donner au mot gens ? La littérature moderne est loin d’avoir parvenu à 13 une communauté tribale. Considéré par R. Cagnat , cet avis a été par la suite admis élucider cette question, et14 nous révèled’abord deux lectures divergentes. par plusieurs historiens C’est particulièrement le regretté J. Gascou qui a le plus insisté sur 10 Cagnat 1885, p. 153-154 :.; Cagnat, Reinach de 1885, p. 260. - Première interprétation pour nombre commentateurs, la gens Bacchuiana est tenue pour 11 Poinssot 1962, p. 1276-1281. cette idée en notant : « il est difficile de concevoir qu’une sodalité religieuse ait eu en son sein 13 une12communauté tribale. Considéré d’abord par R. Cagnat , cet avis a été par la suite admis Le Glay 1966, p. 123 et 235. 14 par913plusieurs historiens . C’est particulièrement le regretté J. Gascou a le plus Le Glay 1961, p. 123 ; Beschaouch 1985, p. 968 ; Desanges 1987-1989, p. 171 (=qui Desanges 1999,insisté p. 199) ;sur Cagnat 1885, p. 153-154 ; Cagnat, Reinach 1885, p. 260. Lipiński 1995, p. 256-257 ; Cadotte 2007, p. 25-26 où on lit : « Cette assimilation des deux dieux cette son sein 10 idée en notant : « il est difficile de concevoir qu’une sodalité religieuse ait eu en(c’est-àPoinssot 1962, p. 1276-1281. Baal Hammon et 235. Saturne) était déjà en usage depuis longtemps lors de l’occupation romaine, puisque le Ledire Glay 1966, p. 123 et Baal Hammon de Carthage était identifié l’équivalent grec de Saturne, le Ve s. av J.-C.,p.comme Le Glay 1961, p. 123 ; Beschaouch 1985, p.à Kronos, 968 ; Desanges 1987-1989, p. 171 (=dès Desanges 1999, 199) ; 9 Cagnat 1885, p.un 153-154 ; Cagnat, Reinach 1885, p.où 260. Lipiński 1995, p. 256-257 ; Cadotte 2007, p.parle 25-26 on lit : «humains Cette assimilation des deux dieux (c’est-à-dire en fait foi passage de Sophocle qui des sacrifices offerts à ce dieu par les « barbares », 10 Poinssot 1962, p.allusion 1276-1281. Baalfaisant Hammon et Saturne) était déjà end’enfants. usage depuis longtemps lors de l’occupation romaine, puisque le Baal ainsi aux sacrifices (…) D’ailleurs, le Saturnus Achaiae de la Gens Bacchuiana est 11 Le Glay 1966, p. 123 235. Hammon de Carthage était identifié Kronos, l’équivalent de Saturne, dès le Ve s. av J.-C., comme en fait probablement un et écho de cette àvieille assimilation » etgrec p. 495. 12 Le 1961,de p. Sophocle 123 ; Beschaouch 1985, p. 968humains ; Desanges 1987-1989, Desanges 199) ; foi Glay un passage qui parle des sacrifices offerts à ce dieu p. par171 les (= « barbares », 1999, faisant p. ainsi Lipiński p. 256-257 ; Cadotte 2007, p. 25-26 où on litAchaiae : « Cettedeassimilation des deuxestdieux (c’est-à-dire allusion1995, aux sacrifices d’enfants. (…) D’ailleurs, le Saturnus la Gens Bacchuiana probablement un Hammon écho de cette vieille assimilation et p. 495. depuis longtemps lors de l’occupation romaine, puisque le Baal Baal et Saturne) était déjà»en usage 13 504 L’exposition Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches (p. 501 - 538) en fait Cagnat p. 154. s. av J.-C., comme Hammon de1885, Carthage était«Die identifié à Kronos, l’équivalent grec de Saturne, dès sur le les VeNumides 14 Glay 1961, p. 123 ; Poinssot 1962, 1279-1281 ; Le Glay 1966,à p. et 123 Pflaum 1970, p.»,89 ; Shawainsi foi unLepassage de Sophocle qui parle desp.sacrifices humains offerts ce83 dieu par ;les « barbares faisant 1973, p. 5-6sacrifices ; Ferchioud’enfants. 1979, p. 21 ; Beschaouch p. 971 ; Achaiae Jacques 2012, 26. Bacchuiana est probablement allusion aux (…) D’ailleurs,1985, le Saturnus de la p.Gens 11 12 un écho de cette vieille assimilation » et p. 495. Cagnat 1885, p. 154. 13 3 Ali CHÉRIF - Première interprétation : pour nombre de commentateurs, la gens Bacchuiana est tenue pour une communauté tribale. Considéré d’abord par R. Cagnat14, cet avis a été par la suite admis par plusieurs historiens15. C’est particulièrement le regretté J. Gascou qui a le plus insisté sur cette idée en notant : « il est difficile de concevoir qu’une sodalité religieuse ait eu en son sein un groupement d’undecimprimi, qui apparaît par ailleurs comme caractéristique de communautés urbaines. Nous estimons donc que B.D. Shaw a raison de penser que la localité nommée gens Bacchuiana était le centre urbain du territoire rural occupé par la tribu portant la même dénomination »16. - Deuxième interprétation : la gens Bacchuiana est plutôt une sodalité religieuse, une sorte de confrérie ou de communauté mystique vouée au culte de Bacchus. C’est l’explication qui a été envisagée à maintes reprises par J. Desanges, qui n’exclut pas pour autant la possibilité d’une base clanique ou même ethnique pour cette gens17. Le même auteur dans une notice consacrée à cette gens, publiée dans l’Encyclopédie berbère, conclut son bref développement en ces mots : « Si près de Carthage, à la fois punicisée (à preuve le nom du père de l’évergète et la présence d’undecimprimi) et dévouée à un culte grec, cette gens, au siècle des Antonins, était peut-être un groupement mystique, dont le recrutement a pu être en grande partie clanique, plutôt qu’une tribu libyque »18. J. Peyras19, Cl. Lepelley20 et A. Ibba21 ont donné leur approbation à ce point de vue. Le problème posé par la gens Bacchuiana est étroitement lié à deux données : d’une part à la question du fait tribal dans l’arrière-pays de Carthage à l’époque romaine, et d’autre part à l’étymologie du nom porté par cette gens. Pour ce qui est du premier point, peut-on vraiment s’assurer de l’existence de communautés tribales dans le secteur de Bou Arada – El-Aroussa et ses environs au cours de cette période ? Faisant le point de nos connaissances. 14 Cagnat 1885, p. 154. 15 Le Glay 1961, p. 123 ; Poinssot 1962, p. 1279-1281 ; Le Glay 1966, p. 83 et 123 ; Pflaum 1970, p. 89 ; Shaw 1973, p. 5-6 ; Ferchiou 1979, p. 21 ; Beschaouch 1985, p. 971 ; Jacques 2012, p. 26. 16 Gascou 1998, p. 95. 17 D’abord dans un article fondamental sur la gens africaine, Desanges 1987-1989, p. 173 et 175. Rappelons que l’éminent savant a inclus, dans un premier temps, cette gens dans son catalogue des tribus africaines, Desanges 1962, p. 83. 18 Desanges 1991, p. 1299. Dans une autre étude sur l’hellénisme dans l’Afrique du Nord antique, le même auteur (Desanges 2007, p. 181) notait : « Nous nous demandons, pour notre part, si la gens Bacchuiana ne tire pas son nom d’une expertise dans le culte et les mystères de Bacchus-Liber, dieu lié en Afrique à Saturne et à Kronos, une spécialisation qui n’exclut nullement un caractère ethnique, car il a existé dans nombre de civilisations des tribus qui se sont spécialisées dans des fonctions matérielles ou spirituelles ». 19 Peyras 1995, p. 277 où on lit : « … il peut aussi bien s’agir d’une sodalité vouée au culte de Bacchus, qui aurait reposé sur une base ethnique ». 20 Lepelley 1999, p. 215. 21 Ibba 2002, p. 211. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 505 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) Dans cette région, l’épigraphie nous a fourni quatre emplois du mot gens. * Gens Galliana : cette gens est connue par une dédicace à Saturne découverte par N. Ferchiou dans le Jbel Mansour, dans une ferme située à 11,5 km à vol d’oiseau au sud de Bou Arada et à 6 km à l’ouest de Gales, aujourd’hui Aïn el-Kharroub22. Elle est donnée en ces termes23 : Saturno Aug(usto) sacr(um) / Gentis Gallianae / L(ucius) Magnius Bass/us u(otum) sol(uit) l(ibens) a(nimo). L’éditrice du document retient le sens de tribu pour cette gens24. J. Desanges, pour sa part, est d’avis que la gens Galliana « a quelque chance d’avoir eu l’importance d’une tribu ou au moins d’une fraction, malgré le caractère insolite de sa dénomination »25. L’aspect tribal lui a été également reconnu par M. Le Glay26. * Gens Atianorum : une inscription encore inédite, communiquée par A. Beschaouch à la Commission de l’Afrique du Nord le 19 juin 1989, fait mention d’une gens Atianorum et nous dit qu’un temple de Saturne, délabré, a été entièrement restauré par des Attii27. « … il ne semble pas qu’il faille voir dans cette gens – écrit J. Desanges –, dont la présence est attestée dans la région d’Aradi (Bou Arada), à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Gales et à quelque 90 km de Carthage, une entité tribale. Il doit s’agir plutôt d’une famille agnatique très nombreuse et influente »28. * Sur une stèle votive dédiée à Saturne provenant de Thignica (aujourd’hui Aïn Tounga, à 16 km à vol d’oiseau au nord-ouest de Bou Jlida), on lit : Saturno / Aug(usto) sac(rum) / ex gente Q(uinti) Ma/rci(i) Latronis / uotu(m) soluer(unt) l(ibentes) anim(o)29. Q. Marcius Latro pourrait être, selon M. Le Glay, soit le chef d’une tribu, soit celui d’une famille30. * Sur une autre stèle fragmentaire de même type et de même provenance, on lit : --- / genti eorum sacr(um) / u(otum) l(ibentes) a(nimo) s(oluerunt)31. 22 Ferchiou 1978, p. 9. 23 Ferchiou 1978, p. 17. Voir aussi Ibba 2002, p. 203-204. L’inscription n’a pas été recensée par l’Année épigraphique. 24 Ferchiou 1978, p. 17 où on peut lire « Par ailleurs, l’épithète Galliana appliquée à une tribu de nomades plus ou moins fixée à la terre, peut faire songer au problème de l’origine des Galli, Gallae, Gallici existant en Afrique ». 25 Desanges 1987-1989, p. 171. Voir aussi p. 175 où on lit : « La gens Galliana paraît avoir donné son nom à la ville voisine de Gales, auquel cas il s’agirait bien d’une communauté ethnique, et non d’une famille, si large fût-elle, de Gallii ». 26 Ferchiou 1978, p. 17 ; Le Glay 1988, p. 198. 27 Beschaouch 1987-1989, p. 289. 28 Desanges 1987-1989, p. 171. Ibba 2002, p. 208, préfère plutôt le sens d’une sodalité vouée au culte d’un Saturne local. 29 CIL VIII, 15110 = ILS, 4443f. 30 Le Glay 1961, p. 139, n° 38. 31 CIL VIII, 15148. Le Glay 1961, p. 150, n° 78. Nous avons repris le texte tel qu’il est développé par Ibba 2002, 506 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF Pour les deux inscriptions d’Aïn Tounga, on a affaire, selon A. Ibba, à un groupement familial ou une association cultuelle32. Pour ma part, en traitant de la localisation de Tapphugaba, j’ai proposé, mais encore sous toutes réserves, de voir dans l’adjectif « Tapphugabensis » porté en commun par deux localités voisines situées non loin de Bou Jlida (fig. 1), l’une organisée en cité sufétale, la ciuitas Tapphugabensis33, l’autre en centre de domaine impérial, le Fundus Tapphugabensis (l’actuel Henchir Chaïeb)34, une dénomination qui a peut-être conservé le souvenir d’une tribu qui aurait occupé le territoire situé entre oued Chgaga à l’est et oued et-Tine à l’ouest (devenu oued er-Rmil au-delà de Henchir al-Moussaouer, vers le nord)35. Ce secteur est désigné de nos jours, comme à l’époque coloniale, par l’appellation de Bled Tajmout36. Si l’on récapitule, trois équations différentes sont à envisager : gens = tribu (peut-être le cas de la gens Galliana) ; gens = famille (le cas de la gens Atianorum = familles des Attii) ; gens = collège religieux ou sodalité à caractère cultuel (le cas des deux inscriptions de Thignica). Dans son approche d’ensemble, A. Ibba détermine le sens à donner aux termes gensgentiles selon la répartition géographique des documents. Ainsi il pense qu’il faut attribuer aux différentes attestions enregistrées dans le centre-est de la Zeugitane le sens d’« association cultuelle »37. Dans cette région, qui est celle qui nous concerne ici, il établie l’équivalence « gens / gentiles = sodalitas / sodales ». Venons-en maintenant au second point, celui de l’étymologie du nom porté par notre gens. J. Desanges a montré que le suffixe –ianus se rapportant à des ethnonymes est attesté en nombre bien limité en Afrique antique, tels que les Austoriani et les Cantauriani d’Ammien Marcellin38 ou les Urceliani (Ursiliani) et la Muctuniana manus de Corippe39. De plus, aucun de ces ethnonymes « n’est formé sur un radical de gentilice bien attesté en Afrique »40. En outre, il n’est pas complètement exclu que ce nom puisse être rattaché au monde libyque. Ainsi à Taucheira (ville cyrénéenne située à 70 km au nord-est de l’actuelle Benghazi, en Libye), O. Masson a noté la présence par deux occurrences de l’anthroponyme Bakhis41 ; et non loin de ce lieu, aux confins de l’Egypte, des Iobakkhi sont mentionnés par Ptolémée et p. 209 ; M. Le Glay le donne au singulier. Ibba 2002, p. 209. Cf. supra, n. 6. Sur ce domaine agricole, voir Chérif 2019, p. 97-126. Chérif 2016, p. 42-44 (et fig. 11) ; Chérif 2017, p. 420-427 ; Chérif 2019, p. 100. Carte topographique au 1/50.000e de « Djebel Mansour », n° 41 (Bled Tadjemout). Ibba 2002, p. 211. Desanges 1987-1989, p. 170. Sur ces tribus, voir Desanges 1990b, p. 1170 ; Desanges 1992, p. 1756. On consultera en dernier lieu sur les Austuriani, Modéran 2003, p. 123-130, 165-172 et 279-281. 39 Desanges 1987-1989, p. 170 ; Modéran 2003, p. 108-109 et 275 (Les Urceliani) et p. 296-298 (La Muctuniana manus). 40 Desanges 1987-1989, p. 171. 41 Masson 1976, p. 60. 32 33 34 35 36 37 38 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 507 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) qui « n’étaient sans doute pas étrangers au culte de Bacchus ou d’une divinité indigène qui lui était assimilée »42. Un autre cas problématique mérite d’être évoqué, celui de la gens Saboidum que fait connaître une inscription de Cirta. L’inscription est rédigée en ces termes : M(arco) Coculnio / Sex(ti) fil(io) Quir(ina) / Quintilliano lato/clauo exornato ab / Imp(eratore) Caesare L(ucio) Septimio / Seuero Pertinace Augusto Pio / Parthico Arabico Parthico / Adiabenico quaestori desig(nato) / post flamonium et honores / omnes quibus in colonia Iulia / Iuuenali Honoris et Virtutis Cirta / patria sua functus est / Florus Labaeonis fil(ius) / princeps et undecimprimus / gentis Saboidum amico merenti / de suo p[osuit ide]mq(ue) dedic(auit) / l(ocus) [d(atus)] d(ecreto) d(ecurionum)43. Le débat entre spécialistes a porté notamment sur la nature de cette gens. J. Peyras y voit « une sodalité vouée à Dionysos Saboidos »44, mais J. Gascou et M. Benabou la considèrent comme une tribu45. A. Ibba, pour sa part, ne tranche pas la question : la gens Saboidum est ou bien une tribu sédentaire d’Afrique ou une association cultuelle liée au monde indigène, mais il ajoute que le mot gens, suivi ici d’un génitif pluriel, ferait penser plus au sens de « peuple » qu’au sens de sodalité46. Tout récemment, J. Desanges se demande « si la gens Saboidum n’est pas un groupement mystique dont le recrutement était en majeure partie, sinon exclusivement, tribal »47. Quoi qu’il en soit, nos connaissances sur cette gens limitées à la seule épigraphe de Cirta, ne permettent pas à vrai dire de se décider de sa véritable nature. Revenons à la gens Bacchuiana. Peut-on privilégier la deuxième interprétation, celle qui attribue à cette gens le sens d’association ou sodalité religieuse ? J’ai préféré48 dans un premier temps la lecture défendue par J. Gascou, mais il semble qu’il faille renoncer à cet avis. En effet, si l’on admet que la gens Bacchuiana est une tribu, et tout en tenant compte d’une remarque faite par A. Beschaouch selon laquelle la promotion de la commune au rang de municipe se situerait au temps de Caracalla49, une question s’impose : le laps de temps entre Antonin le Pieux et Caracalla, au maximum 78 ans (139-217), est-il suffisant pour que Bacchuiana évolue juridiquement d’une tribu à une ciuitas, ensuite d’une ciuitas à un municipe ? Autrement, la romanisation culturelle a-t-elle préparé le terrain pour une éventuelle transformation juridique ? Pour répondre, il est utile 42 43 44 45 46 47 48 49 Desanges 2001, p. 3767. Voir aussi Desanges 1987-1989, p. 173. CIL VIII, 7041 = 19423 = ILS 6857 = ILAlg. II, 1, 626. Peyras 1995, p. 279. Gascou 1998, p. 98-99 ; Benabou 2005, p. 462-463. Ibba 2002, p. 206. Desanges 2019a, p. 7111. Chérif 2016, p. 42, n. 42. Voir infra, la troisième partie de cet article. 508 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF d’examiner au moins deux exemples de tribus qui ont pu obtenir, au terme d’un processus d’intégration et romanisation, le statut municipal. * Le cas des Suburbures. Ce peuple est mentionné par Pline l’Ancien et Ptolémée50, et par une série d’inscriptions. Le dossier épigraphique qui lui est relatif offre plusieurs éléments qui témoignent d’une intégration progressive d’une partie au moins de la tribu, celle établie à Aziz Ben Tellis, site archéologique correspondant sans doute au chef-lieu de la gens51. On relève les étapes suivantes : - Sous Trajan, en 116-117, deux bornes identiques52 ont été plantées pour limiter les confins méridionaux du territoire de cette tribu, l’une trouvée « à la pointe nord-est du Chottel Beïda, à 300 mètres environ de la limite extrême de ce Chott »53, l’autre recueillie dans un site anonyme à 8,5 km à l’est de la précédente54. - En 199, une respublica apparaît à Aziz Ben Tellis55. C’est la même qui posa deux bornes milliaires sous Caracalla près d’El-Eulma (en 215)56 et de Borj Mamra (en 216)57, et 50 On consultera sur cette tribu, Desanges 1962, p. 135-136 ; Desanges 1980, p. 332-335 ; Desanges 2019b, p. 7610-7611. 51 Dans l’AAA, fe. 17 au 1/200.000e, Constantine, n° 214, Gsell qualifie le site archéologique d’Aziz Ben Tellis de « R. r. fort étendues ». 52 AE 1904, 144 = ILS 9380 = ILAlg. II, 3, 7529 et ILS 9381 = ILAlg. II, 3, 7534 : Ex auctoritate / Imp(eratoris) Caesaris, di/ui Neruae f(ilii), Neru[ae]/ Traiani Optimi / Aug(usti), Germ(anici), Dac(ici), / [P]arthici, fines / adsignati gen[ti] / Suburburum pe[r T(itum)] Sabinium / Barba[rum], / leg(atus) Aug(usti) propr(aetore). Trajan est parthicus en 116 et meurt en 117. Voir Kienast 1990, p. 123 ; Lasserre 2005, p. 1007. 53 Cagnat 1903, p. 99 ; AAA, fe. 16 au 1/200.000e, Sétif, n° 472. 54 Cagnat 1903, p. 99 ; AAA, fe. 16 au 1/200.000e, Sétif, n° 473 (Bled bou Medjou) ; Simon 1934, p. 145-146. 55 AE 1917-18, 45 = ILAlg. II, 3, 7578 : [Imp(eratori) C]aes(ari) [M(arco)] Aur[e]lio / [Ant]onino Aug(usto), pon[t(ifici)] / [ma]x(imo), tr(ibunicia) pot(estate) II, proco(n)[s(uli)], / [Im]p(eratoris) Caes(aris) L(ucii) Septimi(i) Se/[u]eri Pii Pertinacis / Aug(usti), Arab(ici) Adiab(enici) Par(thici) / max(imi), pont(ificis) max(imi), tri(bunicia) / pot(estate) VII, imp(eratoris) XI, co(n)s(ulis) II, / proc(onsulis), propag(atoris) imperi(i), / p(atris) p(atriae), fortissimi felic<issimi>/que principis, filio, / diui M(arci) Antonini Pii, / Ger(manici), Sar(matici), nepoti, diu[i] / Antonini Pii pronep(oti), / [d]iui Hadriani abnep(oti), / diui Traiani et diui / Neruae adnep(oti), res/[p]ubl(ica) gent(is) Subu(rburum) col(onorum ?), / [Q(uinto) A]nicio Fausto, leg(ato) / [Auggg(ustorum) p]r(o) pr(aetore), c(larissimo) u(iro), co(n)s(ule). Et ILAlg. II, 3, 7577 (inscription quasi identique à la précédente). 56 AE 1942-43, 68 : [Imp(eratori) Caes(ari) M(arco) Aurelio Antonino Aug(usto), --- diui] / M(arci) Ant(onini) Pii, Ger(manici), [Sar(matici), nepoti, diui] / Ant(onini) Pii pronep(oti), diui [Hadr(iani) adnep(oti)], / diui Tra(iani) Part(hici) et diui [Neruae abnep(oti) Part(hici)] / m(a)x(imi), Brit(anici), Ger(manici) m(a)x(imi), [pont(ifice) / m(aximo)], / trib(unicia) p[ot(estate)] XVIII, im[p(eratore) III, / co(n)s(ule)] / IIII, p(atre) p(atriae), res [publ(ica)] / g]ent(is) / Subur[b]ur(um), ui[as ex(h)aus]/tas / restituit [ac nouis] / munitionib(us) dila[tauit]/ (Millia pasuum) XVIIII. 57 CIL VIII, 10335 = ILS 5862 : [Imp(eratore) Caes(are) M(arco) Aurelio Antonino] / Pio Felice Aug(usto), p] ont(ifice) / m(aximo), trib(unicia) pot(estate) XVIIII, imp(eratore) III, / [co(n)s(ule)] IIII, p(atre) p(atriae), proco(n)s(ule), res pub(lica) / g]ent(is) Suburbur(um) uias ex/(h)austas r[e]stituit ac no/uis mun[itio]nib(us) dilatauit / (Millia passuum) XXI. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 509 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) une troisième à Mechta Zebabcha, sous le règne de Sévère Alexandre (en 224)58. Au temps de l’organisation tribale, apparaît à Aziz Ben Tellis la fonction de defensor gentis. X. Dupuis en examinant l’énoncé des bornes milliaires érigées par la respublica gentis Suburburum et par la colonie de Cuicul, et plus spécialement la formule uias torrentibus exhaustas restituit ac nouis munitionibus dilatauit, conclut que les « Suburbures auraient donc pu avoir été placés sous la tutelle administrative de Cuicul, ou si l’on veut “attribués” à la colonie voisine »59. Selon le même auteur, certains préfets produumuirs connus à Cuicul pourraient être chargés de l’administration des territoires attribués à cette gens60. - La respublica gentis Suburburum est devenue ciuitas, comme nous l’apprend une inscription découverte à Aziz Ben Tellis datable du IIIe siècle (après 224)61. Le document contient dans les lignes 3-4 l’indication fontem CAPVTAMSAGAE. J. Carcopino a cru établir à partir de cette expression que le nom antique de la cité serait ciuitas Caputamsagae62. X. Dupuis, en reprenant l’examen de ce texte, propose de lire Caput Amsagae et de comprendre qu’il s’agit de la source autour de laquelle a été construite la fontaine63. Le véritable toponyme antique semble être [I]dicra, mentionné dans un texte publié par St. Gsell et trouvé aussi à Aziz Ben Tellis64. Idicra est une étape mentionnée par l’Itinéraire d’Antonin à mi-chemin entre Mileu et Cuicul65 ; elle est attestée comme évêché en 411 et 48466. * Le cas des Nattabutes. Les Nattabutes sont également mentionnés par Pline l’Ancien et Ptolémée67. Une inscription découverte à Oum Krékèche68, datée de l’année 20969, mentionne soit la g(ens) 58 Cagnat 1903, p.101 (inscription non répertoriée par l’AE) : Impe(ratore) Caes(are), diui Seueri pii nepoti, diui Antonini Mag(ni) Pii filio, [M. Aurelio Seuero Alexandro Pio, F]el(ice), Aug(usto), pont(ifice) max(imo), trib(unicia) pot(estate), p(atre) p(atriae), co(n)s(ule), [Iul(iae) Mameae] Aug(ustae) filio, [Iul(iae) Maesae] Aug(ustae) nepote, respub(lica) gentis Suburb(urum) uias torrentibus exhaustas restituit ac nouis munitionibus dilatauit. (Millia passuum) XXV. 59 Dupuis 1999, p. 133. 60 Dupuis 1999, p. 133-134. 61 AE 1913, 225 = ILAlg. II, 3, 7583 : L(ucius) Papirius Natalis H[ibe]/rnalis, honoraria milit(ia) / ornatus, fontem Caput / Amsagae uetustate / dilapsum et torren/tibus adsiduis dimmo/litum, ab imo usque ad / summum, quadrato la/pide nouo et signino / opere, ob amorem ciui/tatis suae, sua pecunia, / depensis (sestertium) DC mil(ibus) n(ummum), / instruxit et cultum re/fecit idemq(ue) dedicaui[t]. 62 Carcopino 1914, p. 561-566. 63 Voir le commentaire des textes ILAlg. II, 3, 7582 et 7583. 64 AE 1917-18, 46 = ILAlg. II, 3, 7582 : Martininus, uixit a[nn]/os XXXIII, militauit an[nos ---] / eques, mortus Ercu[--- I]/dicra, natus region[e ---]/issesa uicu Baniolu [--- me]/[m]orie pater Istra[uit ---/---]s fec[it ---]. 65 Itinéraire d’Antonin, 28, 4. Cf. Jaubert 1912, p. 46-47. 66 Lancel 1991, p. 1397 ; Lancel 2002, p. 345. 67 On consultera sur cette tribu, Desanges 1962, p. 123-124 ; Desanges 1980, p. 328-329 ; Desanges 2012, p. 5259. 68 AAA, fe.18 au 1/200.000e, Souk Arrhas, n° 135 (Oum Krékèche ou Guerguech ou Gergesch). 69 CIL VIII, 4826 = ILAlg. II, 2, 6097 : Diuo Com[modo diui] / M(arci) Antonini Pii G[erman(ici)] / Sarmat(ici) filio fr[atri] / Imp(eratoris) Caes(aris) L(uci) Septi[mi Seue]/ri Pii Pertinacis [Aug(usti) Ara]/bici Adiab(enici) 510 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF Nattabutum70, soit la c[iu(itas)] Nattabutum71. Plus tard, au temps de Valens (364-378), une autre inscription mentionne l’ordo municipi(i) Nat(tabutum)72. Cette cité est probablement la même qui apparaît dans un texte73 de Guelaa Bou Atfane (13 km à l’est d’Oum Krékèche74) : c(iuitatis) N(attabutum). Le développement du N en N(attabutum) proposé par G. Wilmanns (CIL VIII, 4836) est considéré comme probable par T. Kotula et accepté par J. Gascou75. En s’en tenant seulement à ces deux exemples76, on peut constater déjà que le processus de transformation juridique a été très lent. Les Suburbures ont dû attendre plus que deux siècles, entre le principat d’Auguste (date de la documentation de Pline) et une date avancée dans le IIIe siècle, pour voir leur respublica gentis transformée en cité. De même pour les Nattabutes qui ne parvinrent à s’organiser en ciuitas qu’au début du IIIe siècle, sans compter l’intervalle de temps pour obtenir le statut municipal. Dès lors, une durée de moins de 80 ans pour la gens Bacchuiana paraît surprenante, même si on ignorait si cette gens avait existé ou non avant Antonin le Pieux ; le passage d’une ciuitas – phase intermédiaire entre gens et municipe, imposée par la logique des conditions du développement culturel mais non encore attestée par l’épigraphie de Bou Jlida – à un municipium ne saurait se produire en quelques décennies dans un centre très peu romanisé où l’un de ses notables est encore pérégrin et fils d’un certain Balsamon au milieu du IIe siècle. Cela étant dit, la signification ethnologique du terme gens dans la dédicace de Saturnus Achaiae devient douteuse, et nous semble même contestable. Il est d’autre part inadmissible qu’une association, quelle que soit l’importance numérique du groupement qui la compose, ait pu donner naissance à une cité. Dans cet ordre d’idées, Candidus n’est plus à considérer 70 71 72 73 74 75 76 Parth(ici) m[ax(imi) pont(ificis)] / max(imi) trib(uniciae) pot(estate) XV[II imp(eratoris) XI] / co(n)s(ulis) III proco(n)s(ulis) pro[paga]/tor(is) imp(erii) fortissimi [feli]/ciss[imique prin]cipis [patruo] / Imp(eratoris) Caes(aris) [M(arci) Au]reli [An]/tonini Pi[i] Fe[licis Aug(usti)] pon[t(ificis)] / max(imi) tri(buniciae) pot(estate) XII co(n)s(ulis) [III] / proco(n)s(ulis) fortissimi [fe]/licissimique PR prin[cip(is)] / et super omnes p[rin]/cipes nobi(li)ssim(i) c[iu(itas)] / Nattabutum. C’est l’avis de St. Gsell, dans ILAlg. I, 561 (commentaire). Le texte est donné infra, n. 72. Kotula 1965, p. 355, n. 36, opte aussi pour g[ens]. Lecture envisagée d’abord par G. Wilmanns dans CIL VIII, 4826 puis retenue par H.-G. Pflaum dans ILAlg. II, 2, 6097 ; elle est aussi acceptée par Lepelley 1981, p. 440 ; Gascou 1982b, p. 266 et Modéran 2003, p. 30, n. 12. AE 1895, 82 = ILAlg. II, 2, 6098 : D(omino) n(ostro) / Flauio / Valenti / Pio uictori / triumphatori / semper Aug(usto) / ordo municipi(i) / Nat(tabutum) posuit id(em)q(ue) [dedicait]. CIL VIII, 4836 = 16911 = ILS 6804 = ILAlg. I, 561 : Flaminalis / Saturi [f(ilius)] qui fl/amonicum c(iuitatis) N(attabutum) g(essit) / item principatu(m) / ciuitatis suae do/num merentibus / ciuibus Fortunae / signum marmor/eu{u}m dedit s(ua) p(ecunia) f(ecit) item / dedicauit. AAA, fe. 18 au 1/200.000e, Souk Arrhas, n° 200 (Guelaa bou Atfane). Kotula 1965, p. 355 ; Gascou 1982b, p. 266, n. 207. Voir aussi Benabou 2005, p. 463-464. On peut citer aussi le cas des Nybgenii : voir Trousset 2011, p. 219-201 ; Trousset 2012, p. 5679-5683 ; Boussetta 2016, p. 113-128 ; Helali 2017, p. 107-119. Mais la transformation de la tribu en ciuitas apparaît comme une décision politique prise par Trajan (un cantonnement imposé dans des limites bien définies) plutôt que le résultat d’un développement interne de cette communauté. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 511 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) comme l’undecimprimus de la gens Bacchuiana, mais de la cité que le nouveau document, dont il sera question plus loin, dénomme Mizaeotherena. Une telle explication n’a pas d’ailleurs échappé à J. Gascou. Ecoutons l’auteur : « Pour admettre que la gens Bacchuiana est une sodalité, il faudrait dissocier l’undecimprimus Candidus de cette gens : la gens aurait offert le temple, et Candidus, qui a offert le terrain pour la construction du temple, serait l’undecimprimus (prêtre, magistrat ?) de la cité appelée Miz... qui recevra plus tard le titre de municipe »77. Toutefois, l’éminent spécialiste de l’histoire municipale des cités africaines a fini par rejeter cette alternative. La conséquence qui découle de ce qui précède, c’est qu’il est peutêtre temps de rayer la gens Bacchuiana de la liste des inscriptions relatives à l’undécimprimat et la remplacer par Mizaeotherena. On parvient de la sorte à établir que toutes les attestations de cette institution en Afrique proconsulaire concernent des notables de cités. M. Sebaï, dans un réexamen récent du dossier des undecemprimi, est parvenue à la même conclusion : « Pour conclure sur la possibilité d’une collusion entre undécimprimat et « confrérie mystique » dans le cadre de la gens Bacchuiana et de la gens Saboidum, je dirais que les éléments en faveur de cette hypothèse sont bien minces et ne résistent pas à l’analyse objective de la documentation. (…) il n’y a pas de raison objective de considérer les undecemprimi comme un collège religieux ou une confrérie mystique »78. L’auteur conclut en outre, que l’undécimprimat n’est point une magistrature religieuse et ne peut plus être assimilé au flaminat. L’argument religieux qui fait des « onze premiers » des personnes chargées des cultes rendus aux divinités honorées, doit être par conséquent abandonné79. Les détenteurs de l’undécimprimat constitueraient donc, selon M. Sebaï, une sorte d’« élite réduite à une dizaine d’individus »80 ; ce titre désignerait ces membres d’honneur selon une habitude romaine plutôt que pérégrine ou héritée des puniques. 2. A la quête de la forme authentique du toponyme antique Le fait de supprimer la prétendue tribu gens Bacchuiana de la carte administrative de la Proconsulaire, constitue en soi une reconnaissance que cette appellation ne revêtait aucunement la valeur d’un toponyme. Examinons en premier lieu les différentes transcriptions de ce toponyme avant de passer à l’apport du nouveau document. 2.1. Que savons-nous d’abord ? Jusqu’ici, nous ne disposons que de trois documents épigraphiques mentionnant le nom antique de Bou Jlida, mais avec des lectures différentes. Un quatrième document, qui n’a jamais été interprété en rapport avec ce nom, devait être à notre avis ajouté à la série. 77 78 79 80 Gascou 1998, p. 95, n. 12. Sebaï 2017, p. 96. Sebaï 2017, p. 102. Cf. note précédente. 512 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF a. L’inscription de Testour voyage ne fut publiée qu’en 1838 par A. Dureau de la Malle80. Le second témoignage e Le document le plusfray anciennement connu est une colonne épigraphe autrefois conservée fondateur celui du « trinitaire tolédan Francisco Ximénez de Santa Catalina, à Testour et à propos de laquelle on possédait deux versions dues à deux voyageurs du XVIIIe 81 administrateursiècle. de D’abord l’Hôpital Saint-Jean de Mathe de Tunis » , qui a entrepris plusieu celle donnée par Jean-André Peyssonnel, médecin et naturaliste marseillais qui alaparcouru de Tunis pendant mois enLes 1724-1725. relation de son excursions dans mêmela Régence Régence entre 1720dix-sept et 1735. écritsLade ce voyageur espagn 81 voyage ne fut publiée82qu’en 1838 par A. Dureau de la Malle . Le second témoignage est celui sont pour la plus part inédits . J.-A. Peyssonnel au cours de la journée de 10 août 1724 pass du « trinitaire tolédan fray Francisco Ximénez de Santa Catalina, fondateur et administrateur à Testour, a relevé la présence colonne été apportée ; les deu de l’Hôpital Saint-Jean ded’une Mathe de Tunis »82,qui, qui a dit-il, entreprisa plusieurs excursionsd’ailleurs dans la même entredéchirées 1720 et 1735.par Les cet écritsauteur de ce voyageur espagnol 83 dernières lignes ont83Régence été ainsi (Fig. 4) : sont pour la plus part inédits . J.-A. Peyssonnel au cours de la journée de 10 août 1724 passée à Testour, a relevé la présence d’une colonne qui, dit-il, a été apportée d’ailleurs ; les deux dernières lignes ont été ainsiDO… déchirées par cet auteur84 (Fig. 4) : RVRA… MVN. TERENI… MVN. RVRA… DO… TERENI… Fig. 4 : Fig. L’inscription dedeTestour tellequ’elle qu’elle relevée par Peyssonnel. 4 : l’inscription Testour telle a étéest relevée par Peyssonnel. (D’après Dureau Malle1838, 1838, p. 139) (D’après Dureaude dela la Malle p. 139) La même colonne a été également vue par le père Ximenez ; il nous dit à son propos dans Diario de Tunez (Vol. fol. 81 Dureau de laVI Malle 1838.85 rº) : « J’ignore si cette colonne a été retrouvée ici et ce si 82 Álvarez Dopico 2013, p. 320. s’appelait Mizado, je penche plutôt pour qu’elle vienne d’un site appelé Pizado à deux lieu 83 On consultera cependant sur l’œuvre de Ximenez, González Bordas 2015a ; González Bordas 2019, p. 183-208. 84 Dureau la Malle 1838, p. 139. texte n’a pas été reproduit dans la deuxième édition la relation de ce d’ici vers le midi, oùdel’on trouve lesLeruines d’un site ancien, dont le de nom a pu être corromp voyage, Peyssonnel 1987, p. 103 (Lettre sixième adressée à l’abbé Bignon). et qui se serait appelé Mizado »84. Ximenez a fait état du texte gravé sur cette colonne da trois de ses ouvrages : l’Historia de los Cartagineses, le Diario de Tunez et 513l’Historia d L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Reyno de Tunez85. C’est la copie donnée dans le Diario qui fut insérée par la suite dans volume VIII du Corpus inscriptionum latinarum sous le n° 1395 (Fig. 5). Voici la lecture d GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) La même colonne a été également vue par le père Ximenez ; il nous dit à son propos dans le Diario de Tunez (Vol. VI fol. 85 rº) : « J’ignore si cette colonne a été retrouvée ici et ce site s’appelait Mizado, je penche plutôt pour qu’elle vienne d’un site appelé Pizado à deux lieues d’ici vers le midi, où l’on trouve les ruines d’un site ancien, dont le nom a pu être corrompu, et qui se serait appelé Mizado »85. Ximenez a fait état du texte gravé sur cette colonne dans trois de ses ouvrages : l’Historia de los Cartagineses, le Diario de Tunez et l’Historia del Reyno de Tunez86. C’est la copie donnée dans le Diario qui fut insérée par la suite dans le tome VIII du Corpus inscriptionum latinarum sous le n° 1395 (Fig. 5). Voici la lecture des deux dernières lignes, qui diffère de celle donnée par Peyssonnel : MVNI. MIZADO TERENI. Fig.55: :copie Copiede deXimenez Ximenez reproduite reproduite par Fig. parleleCIL CILVIII, VIII,1395. 1395. Ces deux versions sont les ultimes témoignages de la colonne de Testour, qui n’a jamais été Ces deux versions sont les ultimes témoignages de la colonne de Testour, qui n’a jamais retrouvée depuis. Les divergences de lecture entreentre Peyssonnel et Ximenez sontsont peut-être dues été retrouvée depuis. Les divergences de lecture Peyssonnel et Ximenez peut-être à dues une mauvaise conservation de la partie finale du champ épigraphique, mais on pourrait les à une mauvaise conservation de la partie finale du champ épigraphique, mais on pourrait ramener à unàmanque d’aptitude dans le le domaine surtout pour pour lelepremier premier8786. . les ramener un manque d’aptitude dans domainededel’épigraphie, l’épigraphie, surtout Toutefois, malgré la disparition de cette colonne, la lacune relevée dans la transmission du nom de la cité, ne sera Bordas palliée2015a, qu’avec à Carthage, d’un Bordas fragment 85 Traduction de González p. 683.laJe découverte, remercie mon ami Hernán González qui ad’une bien voulu me communiquer nombre de ses travaux (inédit et publiés) consacrés à l’œuvre de F. Ximenez. inscription contenant l’ethnique ṂIZEOTERENEN[ses]. Cette nouvelle donnée, qu’on 86 González Bordas 2015a, p. 682-683. évoquera dans un instant, a été tout de suite mise à contribution pour corriger la lecture de 87 Les limites et les faiblesses des deux auteurs dans la transmission des textes épigraphiques ont été notées à 87 Ximenez ; elle permet conséquemment de proposer l’apparat plusieurs reprises. Relativement à Peyssonnel, Ch. Monchicourt nouscritique disait : «suivant De même: qu’il agrée sans Ligneréflexion 1 : après les lettres DDNN,de même on litPeyssonnel tantôt «copie FLAVI F », soin tantôt FLAVII F », les épigraphes les plus fautives, sans aucun celles«qu’il a l’occasion 88ajoute un peu plus loin : « Peyssonnel est en somme un auteur qu’il ne faut consulter de découvrir ». Et tantôt « FLAVIO » . Dans les deux premières copies, Ximenez a ajouté un F qui indiquerait qu’avec précaution » (Monchicourt 1916, p. 362 et 363). Contre ce jugement, Rampal 1917, p. 388-399, dans considère ce cas unque rapport de filiation. Je serais tenté d’y voir plutôt un S. Je lirais alors FLAVIIS, la préoccupation première de Peyssonnel était l’histoire naturelle, et qu’il est injuste de le 89 comme cela est archéologue bien attesté dans plusieurs . On ne s’étonnera pas que traiter comme ou épigraphiste. Cette inscriptions question a été aussi abordée par Lucette Valensi danscette son introduction à la deuxième édition de la relation de Peyssonnel (Peyssonnel 1987, p. 7-38). Un autre constat sur la valeur historique des deux voyageurs est publié par Duval 1965, p. 94-135, qui se déclare d’accord avec les critiques de Monchicourt à propos de Peyssonnel (notamment au sujet de la prétendue visite à Sbeïtla et 86 Lesàlimites et lesmais faiblesses des deux auteursun dans la transmission des textesetépigraphiques notées à Kasserine), qui reconnaît à Ximenez certain mérite d’archéologue d’épigraphiste.ont Sur été la pratique plusieurs reprises. de Relativement Monchicourt disait : récents « De même qu’il agrée sans les travaux d’H. González Bordas épigraphique Ximenez etàunPeyssonnel, peu moins Ch. de Peyssonnel, voirnous réflexion les épigraphes les plus; González fautives, de même2015b, Peyssonnel copie sans aucun soin2019, cellesp.qu’il a l’occasion de (González Bordas 2015a Bordas p. 25-46 ; González Bordas 183-208). découvrir ». Et ajoute un peu plus loin : « Peyssonnel est en somme un auteur qu’il ne faut consulter qu’avec précaution » (Monchicourt 1916, p. 362 et 363). Contre ce jugement, Rampal 1917, p. 388-399, considère que la préoccupation première de Peyssonnel était l’histoire naturelle, et qu’il est injuste de le traiter comme 514 «DieCette Numider» 40 ansaaprès. Bilan abordée et perspectives recherches sur lesdans Numides 501 - 538) à la archéologue ouL’exposition épigraphiste. questions été aussi par des Lucette Valensi son(p. introduction deuxième édition de la relation de Peyssonnel (Peyssonnel 1987, p. 7-38). Un autre constat sur la valeur historique des deux voyageurs est publié par Duval 1965, p. 94-135, qui se déclare d’accord avec les critiques de Monchicourt à propos de Peyssonnel (notamment au sujet de la prétendue visite à Sbeïtla et à Kasserine), mais qui reconnaît à Ximenez un certain mérite d’archéologue et d’épigraphiste. Sur la pratique épigraphique de Ali CHÉRIF Malgré la disparition de cette colonne, la lacune relevée dans la transmission du nom de la cité, sera toutefois palliée avec la découverte, à Carthage, d’un fragment d’une inscription contenant l’ethnique ṂIZEOTERENEN[ses]. Cette nouvelle donnée, qu’on évoquera dans un instant, a été tout de suite mise à contribution pour corriger la lecture de Ximenez88 ; elle permet conséquemment de proposer l’apparat critique suivant : Ligne 1 : après les lettres DDNN, on lit tantôt « FLAVI F », tantôt « FLAVII F », tantôt « FLAVIO »89. Dans les deux premières copies, Ximenez a ajouté un F qui indiquerait dans ce cas un rapport de filiation. Je serais tenté d’y voir plutôt un S. Je lirais alors FLAVIIS, comme cela est bien attesté dans plusieurs inscriptions90. On ne s’étonnera pas que cette corégence soit exprimée par un seul F au lieu de FF ou encore FFFL91. La leçon « FLAVIO » est aussi envisageable : on dispose d’un nombre d’exemples où ce datif singulier est lié seulement au nom de Valentinien Ier dans des inscriptions adressées à lui, à son frère Valens et à son fils Gratien92. En définitive, les différentes versions du texte de la colonne m’incitent à préférer la lecture FLAVIIS. Ligne 5 : on lira MIZAEO au lieu de MIZADO : après MIZ, on conservera le A que donnait Ximenez et qui ne figurait pas sur le fragment de Carthage ; on corrigera aussi le D en E. Lignes 5-6 : après muni(cipium), il y a lieu de restituer soit MIZAEO/TERENE[nse]93 soit MIZAEO/TERENE[nsium]94. Dans l’une et l’autre forme, on corrigera le I donné par Peyssonnel et Ximenez en E. 88 Le mérite en revient à Ch. Tissot qui a discerné le premier la complémentarité entre la colonne de Testour et le fragment de Carthage : Tissot 1888, p. 764. Voir aussi Wilmanns, dans CIL VIII, p. 938. Une explication complètement erronée a été avancée en 1880 par Robert Mowat qui a cherché à lire, après une fâcheuse déformation du texte, Mediterranei au lieu de Mizeotereneni : « MIZEOTERENEN, dis-je, est visiblement une altération de medioterenen[i], forme provinciale équivalente à mediterranei ; je rétablis la désinence du pluriel, car je crois que l’abréviation MVNI qui précède est plutôt pour muni(cipes) que pour muni(cipium) ; en d’autres termes, il s’agit non d’un municipe distinct de Carthage (puisque la pierre provient de la banlieue), mais des habitants du quartier de cette ville situé vers l’’intérieur des terres, appelés, pour cette raison, Mizeotereneni, autrement dit Mediterranei, par opposition aux habitants du quartier maritime, municipes Portuenses » (Mowat 1880, p. 179-180). Voir Vassel 1917, p. 360-361, qui critique cette opinion. 89 Voir sur ces trois transcriptions, González Bordas 2015a, p. 682-683. 90 Je citerai à titre d’exemple : AE 1975, 364 = AE 1981, 303 (Castilenti, Regio V) : [Ddd(ominis)] nnn(ostris) Flauiis Valentin[ia]no, / Valenti et Gratiano piis felicibus / {h}ac triump(h)atoribus semper / Auggg(ustis), bono r(ei) p(ublicae) natis. 91 On trouvera dans certains cas FFFL comme dans CIL VIII, 9012 ( Jemmaa Saharidj, antique Bida en Maurétanie césarienne) : Dd(ominis) nn(ostris) Fffl(auiis) / [Va]lent[iniano V]ale[n]ti / [e]t Gr[at]ino Piis [F] e/[lici]bus [---. 92 Je donnerai comme exemple une borne milliaire de la voie Carthage-Théveste : AE 2015, 1826 (Hr. elBaghla) : Dd(ominis) [nn(ostris)] / Flauio / Valentiniano / et Valenti uict/oribus semper Aug(ustis) / municipium / Thignica. Voir d’autres parallèles dans Salama 2002, p. 36 et 46. 93 C’est la restitution qu’avait proposée Wilmanns, dans CIL VIII, p. 938. 94 Salama 1987, p. 59. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 515 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) Au vu de toutes ces remarques, je proposerai pour la colonne de Testour la présentation suivante : - Support : colonne, sans autres informations. P. Salama y voit une borne milliaire95. - Dimensions : non précisées par Peyssonnel et Ximenez. - Lieu de découverte : Testour, mais s’agissant de toute évidence d’un milliaire, cette colonne devrait être dressée initialement le long d’une voie. P. Salama la situe sur la transversale reliant Bisica à Thabbora96. Mais l’identification très probable du nom de Mizaeotherena sur un autre milliaire de la voie Carthage-Théveste (on verra le document plus loin), laisse envisageable l’attribution de notre colone à cette même grande artère. - Transcription : le texte est distribué sur six lignes au moins. On n’est pas sûr que l’inscription soit complète à la fin, elle pourrait contenir la formule deuotum numini maiestatique eorum. DD NN FLAVIIS VALENTINIANO ET VA LENTI PII FELICES VIC SEMPER AVGG MVNI MIZAEO TERENE[…] Dd(ominis) nn(ostris) Flauiis Valentiniano et Va lenti pii felices uic(toribus) semper Augg(ustis) muni(cipium) Mizaeo/terene[nse]. - Traduction : « A nos Seigneurs Flavius Valentinien et Flavius Valens, pieux, heureux, victorieux, toujours Augustes ; le municipe de Mizaeoterena ». - Datation : règne conjoint de Valentinien Ier et Valens, 364-37597. b. L’inscription de Carthage Le second document où figurait le nom de notre cité est un fragment de la fameuse inscription dite des ethniques98 ; ce fragment, considéré comme non retrouvé99, a été 95 96 97 98 99 Salama 1987, p. 207, n° inv. 155 et n. 296. Cf. note précédente. Lassèrre 2005, p. 1041. CIL VIII, 10530 = 12552a. Benzina Ben Abdallah, Sebaï 2011, p. 325. 516 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) - Datation : règne conjoint de Valentinien Ier et Valens, 364-37596. b. L’inscription de Carthage Ali CHÉRIF Le second document où figurait le nom de notre cité est un fragment de la fameuse inscription dite des ethniques97 ; ce fragment, considéré comme non retrouvé98, a été découvert « à Carthage entre Byrsa et entre les quais »99et , illes fait partie tarif fiscald’un datétarif par fiscal Ch. Saumagne du découvert « à Carthage Byrsa quais »100d’un , il fait partie daté par Ch. 100 101 . Parmi les cités .énumérées dans règne conjoint de Valentinien, Valens et Gratien (367-375) Saumagne du règne conjoint de Valentinien, Valens et Gratien (367-375) Parmi les cités les listes alphabétiques des communautés dont les terres étaient soumises aux prestations énumérées dans les listes alphabétiques des communautés dont les terres étaient soumises ṂIZEOTERENEN[ses] (Fig. 6). annonaires, se trouve celle des aux prestations annonaires, se trouve celle des ṂIZEOTERENEN[ses] (Fig. 6). Il est généralement admis que pour un adjectif ethnique en –ensis devait correspond un Il est généralement admis que pour un adjectif ethnique en –ensis devait correspondre substantif en –a101.102Cela est confirmé par l’exemple qui nous occupe ici : Mizeoterena (ou un substantif en –a . Cela est confirmé par l’exemple qui nous occupe ici : Mizeoterena (ou Mizaeotherena) est la cité des Mizeoterenenses (ou Mizaeotherenenses). Mizaeotherena) est la cité des Mizeoterenenses (ou Mizaeotherenenses). Fig. : CopiededeCIL CILVIII, VIII, 10530 10530 ==12552a. Fig. 6 :6 copie 12552a. c. L’inscription de Bou Jlida c. L’inscription de Bou Jlida N. Ferchiou a publié en 1979 le seul document épigraphique découvert à Bou Jlida et N. Ferchiou a publié en 1979 seuldédicace document épigraphique découvert à Bou Jlida mentionnant le nom de la cité. C’estleune impériale partiellement conservée dont et le mentionnant le nom de la cité. C’est une dédicace impériale partiellement conservée dont le texte est seulement connu par un croquis (Fig. 7). Voici les informations dont nous disposons texte est seulement connu par un croquis (Fig. 7). Voici les: informations dont nous disposons sur cette inscription distribuée sur cinq lignes au moins102 sur cette inscription distribuée sur cinq lignes au moins103 : - Support : bloc recoupé à droite. - Support : bloc recoupé à droite. - Dimensions : non précisées. - Lieu -de découverte: non : dans le village de Bou Jlida. Bloc non retrouvé. Dimensions précisées. - Lieu de découverte : dans le village de Bou Jlida. Bloc non retrouvé. - Apparat critique;:Lasserre le texte2005, tel qu’il nous est parvenu a subi un martelage au niveau de sa Kienast 1990, p. 322-326 p. 1041. CIL VIII, 10530 = 12552a. partie supérieure et il a été amputé de sa partie droite. 98 Benzina Ben Abdallah, Sebaï 2011, p. 325. 99 TissotLigne 1888, 1 p. :764. seulement deux lettres ont été lues séparées par une lacune : I et O. Dans cette 100 Saumagne 1950, p. 127. ligne devait se développer la titulature d’un empereur frappé d’une damnatio memoriae. 101 On consultera toujours Galand 1951, p. 778-786 (= Galand 2002, p. 49-57). Voir aussi Beschaouch 1974a, p. 223 ; Beschaouch 1993-1995, p. 250. 102 1979,p.p.764. 19 = AE 1979, 651. 100Ferchiou Tissot 1888, 96 97 101 Saumagne 1950, p. 127. 14 102 On consultera toujours Galand 1951, p. 778-786 (= Galand 2002, p. 49-57). Voir aussi Beschaouch 1974a, p. 223 ; Beschaouch 1993-1995, p. 250. 103 Ferchiou 1979, p. 19 = AE 1979, 651. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 517 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) Ligne 2 : elle commence par le mot municipium donné en toutes lettres. Le reste de la ligne étant disparu dans la lacune. N. Ferchiou suggère la restitution d’un qualificatif tiré d’un nom d’un empereur : Aelium ou Aurelium ; elle a précisé qu’il « y a encore place pour une ou deux lettres entre le mot municipium et le bord du bloc »104. Deux lectures sont possibles (je reviendrai plus loin en détail sur la justification de ces deux choix) : municipium [Aur(elium) Com(modum)] ou municipium [Aur(elium) Ant(oninianum)]. On restituera donc une ou deux lettres avant le bord du bloc et quatre ou cinq autres dans la partie perdue. Ligne 3 : après l’adjectif Felix, s’étend le nom de la cité partiellement effacé. On lit d’abord les lettres MIZ bien claires ; « ensuite, après un espace d’une ou deux lettres, apparaît le haut d’un T, puis, après une nouvelle lacune, une lettre incertaine qui paraît avoir une boucle, – un R peut-être, – enfin un D »105. Au terme de son apparat critique, et après un rapprochement avec le tarif fiscal et la colonne de Testour, N. Ferchiou admet la restitution Miz[eo]t[e]r106. Cette solution pose deux problèmes : le premier qu’elle ne reprend pas la forme exacte du toponyme, telle quelle est connue maintenant. Le second, se rapporte au nombre de lettres que l’espace disponible permet de restituer. A mon avis, le nom de la cité est à coup sûr donné en abrégé, car il est impossible d’insérer cinq ou six lettres dans l’espace aussi réduit entre le Z et le D, et de lire ainsi AEOTHE ou AEOTE107. Dans l’impossibilité de procéder à une vérification directe sur la pierre et étant donné que la lettre qui précède le D est incertaine, d’après Ferchiou elle-même, je proposerais de lire MIZ[a]ẹọ D[euotum] : le T serait plutôt un E et la boucle du supposé P correspondrait en fait à une partie du O108. Ligne 4 : après NVMIN, on restitue la suite de la formule de dévotion. L’économie générale de cette ligne, et de l’ensemble du texte, m’incite à retenir la restitution [maiestatiq(ue) eius]. Ligne 5 : ne pose pas de problème, on restitue aisément PP avant DD. - Transcription : on proposera la restitution globale suivante. La partie droite manquante devait correspondre approximativement au ⅓ du texte. [[--- I O ---]] ṂVNICIPỊVṂ [……] FELIX MIZ[.]ẸỌ D[……] NVMIN[……………] PP DD 104 Ferchiou 1979, p. 20. 105 Ferchiou 1979, p. 19. 106 Ferchiou 2000, p. 69, propose aussi la forme Mizeotera. 107 A la ligne précédente, le même espace logeait seulement trois lettres. 108 L’abréviation des noms des cités est fréquente dans l’épigraphie : dans AE 2016, 1907, on lit pa[gu]s et ciuitas Thugg(ensis) ; dans AE 2016, 1916, on lit mun(icipium) Iul(ium) Aur(elium) Musti(tanum) …etc. 518 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF [[--- I O ---]] ṃunicipịuṃ [Aur(elium) Com(modum)] uel [Aur(elium) Ant(oninianum)] ṃunicipịuṃ [Aur(elium) Com(modum)] uel [Aur(elium) Ant(oninianum)] Felix Miz[a]ẹọ(therenensium) Felix Miz[a]ẹọ(therenensium) d[euotum] d[euotum] numin[i maiestatiq(ue) eius] numin[i maiestatiq(ue) eius] p(ecunia) p(ublica) d(ecreto) d(ecurionum). p(ecunia) p(ublica) d(ecreto) d(ecurionum). - Traduction : « [[---]] / le municipium AureliumCommodum Commodum (ou Antoninianum) - Traduction : « [[---]] / le municipium Aurelium (ouAurelium Aurelium Antoninianum) / / Felix Mizaeotherenensium dévoué à Sa puissance divine et à Sa majesté. Dépense publique. Felix Mizaeotherenensium dévoué à Sa puissance divine et à Sa majesté. Dépense publique. Par décret des décurions ». Par décret des décurions ». 109 108 : le IIIed’après siècle, d’après N. Ferchiou et l’Année épigraphique - Datation- Datation : le IIIe siècle, N. Ferchiou et l’Année épigraphique .. Fig. 7 : croquis de l’inscription AE 1979, 651, d’après Ferchiou 1979, p. 32, fig. 1. Fig. 7 : Croquis de l’inscription AE 1979, 651, d’après Ferchiou 1979, p. 32, fig. 1. d. Milliaire de Théodose Ier conservé à Testour 2.2. La fixation définitive du toponyme antique. Outre la colonne signalée par Peyssonnel et Ximenez à Testour, A. Merlin a publié en 110 enrichi Le dossier nom antique de dans Bou un Jlida, que nous venons de delaprésenter, 1908 unerelatif borneau milliaire remployée monument historique même villeest , le bain de Sidi el-‘Arianedocument qui continue fonctionner jusqu’à jours, de toutlaprès de ladugrande récemment d’unAlinouveau quiàpermet de régler la nos question forme toponyme mosquée. la copieetproposée le premierd’abord éditeur :cette nouvelle inscription. d’une manièreVoici définitive assurée.par Présentons 109 Ferchiou 1979, p. 22. - Support : deux fragments d’une frise simple, taillés dans un calcaire blanc. Le fragment 1 est 110 Merlin 1908, p. CCLX : « j’ai copié dans un bain maure de cette localité, voisin de la place publique, le texte incomplet à gauche, à droite, et partiellement en bas ; une partie du texte a disparu à cause de d’une borne milliaire ». l’usure et des éclats qui ont surtout affecté la première ligne et la partie gauche de la surface épigraphique. Le fragment 2 est incomplet à gauche et complet à droite, malgré l’épaufrure au 519 «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) niveau L’exposition de l’angle inférieur provoquant la disparition partielle d’une lettre. Les deux fragments constituaient sans doute initialement un seul bloc qui a été brisé lors d’un remploi109. La brisure a fait disparaître deux lettres au niveau de à la jonction des deux fragments. GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) [Partie enterrée] / Caes(ari) / Theudo/[si]o (sic) Pio Feli/[ci] ac trium/[fat]ori semper / [A]ug(usto) M[---]eo/[---]na de(uota ou uotum) / [n(umini) m(aiestati)q(ue)] eius / [---]L (palme)111. Nous avons eu l’occasion de revoir le texte de cette inscription dans le cadre d’une enquête consacrée au tronçon de la voie Carthage-Théveste parcourant le territoire de Mustis112. Les lettres reproduites par Merlin pour les lignes 7-8, m’ont incité à restituer le nom antique de Bou Jlida, Mizaeotherena. Après deux missions effectuées à Testour le 13 et le 28 janvier 2021113, j’ai pu repérer cette borne dans le même bain indiqué par Merlin. En voici une présentation. - Support : colonne en pierre calcaire entièrement recouverte de plusieurs couches de peinture. Un grand trou haut de 14 cm ; large de 5 à 8 cm et profond de 4 cm, a un peu affecté la ligne 6 et surtout les lignes 7 et 8 (Fig. 8). - Dimensions : H. 152 cm ; Diam. 34 cm. - Champ épigraphique : gravé dans l’arrondi de la colonne. Hl. 5,5-7,5 cm. Merlin a déjà signalé que les dernières lignes sont endommagées au début ; la partie gauche est en grande partie dissimulée par un petit mur de l’une des banquettes de la salle de déshabillage, haut de 67 cm ; plusieurs lettres ne sont plus donc visibles consécutivement à ce remploi. Tout de même, ce qui reste apparent du texte est déchiffrable malgré les différentes couches de peinture appliquées à la surface de la colonne (Fig. 9). - Apparat critique : L.1 : non relevée par Merlin car la partie sommitale a été en 1908 plus enterrée que ne l’est maintenant114. J’ai pu déchiffrer un N d’où la restitution évidente d’un D au début de cette ligne. De la ligne 2 à la ligne 6, nous reprenons la lecture de Merlin, car notre examen récent ne permet de rien modifier. L.7 : Merlin a déchiffré après [A]VG, un M qui peut renvoyer, selon lui, au mot m(unicipium). Après le M, une lacune de quelques lettres suivie de EO. La position actuelle de la colonne ne permet pas d’évaluer la longueur de l’espace entre le M (qui n’est plus visible ou emporté par le trou) et les lettres EO. Ce qui fait que deux restitutions sont possibles : M[VN MIZA]EO ou M[IZA]EO. L. 8 : le début est devenu illisible et est en partie emporté par le trou. En tenant compte de l’identification de la cité avec Mizaeotherena, on restituera THERE. On lit à la fin NADE. L.9 : elle commence très probablement par un V ; on remarque ensuite un O encore reconnaissable mais non relevé 111 Merlin 1908, p. CCLX = ILAfr 664. 112 Chérif, à paraître. Le texte de ce milliaire est revu dans le cadre de la série des bornes où apparaissaient les noms des collectivités qui les avaient érigées sur les tronçons de la voie Carthage-Théveste qui parcouraient leurs territoires. 113 Je tiens à remercier mes collègues Aziza Miled (INP) et Ramla Hassairi (AMVPPC) pour tous les renseignements fournis à propos du lieu de conservation de la borne. Mes remerciements s’adressent aussi à Rabeh Akkez, de l’association de sauvegarde de l’horloge andalouse à Testour et à Maher et Malek fils de Si Abdelhamid Boujemaa, propriétaire du bain, qui m’ont facilité l’examen de la borne. 114 D’après Merlin, La hauteur apparente en 1908 est de l’ordre de 145 cm. 520 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF par Merlin. L’espace entre le O et les lettres finales EIVS est de 6,5 cm, il ne suffit pas pour loger 4 ou 5 lettres comme le propose Merlin TANMQ ou TVMNMQ. On peut seulement insérer dans cet espace deux lettres : le T de deuot115 et le N de numini. La formule deuot(a -tum) n(umini) eius est par ailleurs fréquente116. L. 10 : réservée au chiffre de la distance. Merlin a déchiffré seulement un L suivi d’une palme. Il faut plutôt lire XIIIL (Fig. 10), une numérotation en écriture rétrograde (= 63 milles). Ces restitutions permettent une distribution équilibrée des lettres sur les lignes 4-9 : entre 9 et 12 caractères par ligne. - Transcription : 10 lignes sont donc partiellement conservées. Les lettres sont des capitales irrégulières et l’ajustement des lignes est assez maladroit. Voici le texte tel qu’il a été lu par A. Merlin avec les compléments issus de la révision que j’ai faite : [.] N CAES THEVDO (sic) [..]O PIO FELI [..] AC TRIVM […]ORI SEMPER [.]VG M[---]EO […..]NA DE [.]O[. .] EIVS XIIIL (Palme). [D(omino)] n(ostro) Caes(ari) Theudo- (sic) [si]o Pio Feli115 Le mot est généralement réduit à la seule initiale D ou inscrit en toutes lettres. L’abréviation deuo n’est pas encore attestée d’après les recensements de l’EDCS. Mais on trouve dans certaines inscriptions l’emploi de l’abréviation deuot : CIL VIII, 968 = ILS 6785 (Nabeul) : Imp(eratori) Caesari / M(arco) Aurelio Kar(o) / Pio Felici Aug(usto) / pont(ifici) max(imo) trib(unicia) p(otestate) / co(n)s(uli) p(atri) p(atriae) proc(onsuli) col(onia) / Iul(ia) Neapolis deuot(a) / numini eius. Et CIL VIII, 26181 = AE 1902, 48 = ILS 6790 (Thibaris) : Imp(eratori) Caes(ari) C(aio) Vale/rio Diocletiano / Pio Felici Aug(usto) / pontifici max(imo) / trib(unicia) pot(estate) co(n)s(uli) / III p(atri) p(atriae) proco(n)s(uli) / res p(ublica) munic[i]/pi(i) Mariani / Thibaritanorum / deuot(a) numi[ni] / [maiestatiq(ue) eius]. Vois aussi note suivante. 116 On la trouve par exemple sur un milliaire d’Auitta Bibba, ILT 674 = AE 1992, 28 = AE 1998, 1535 : [D] D(ominis) nn(ostris) Impp(eratoribus) / [C]onstantio et / [[Maximiano]] / [A]ugg(ustis) munici/pium Auitta / deuot(um) n(umini) eor(um). L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 521 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) [ci] ac trium[fat]ori semper [A]ug(usto), M[iza]eo uel m[un(icipium) Miza]eo[there]na de[u]o[t(a uel -tum) n(umini)] eius (Millia passuum) XIIIL (palme). - Traduction : « A notre seigneur César Théodose, Pieux, Heureux et Triomphateur, toujours Auguste ; Mizaeotherena ou le municipium Mizaeotherena dévoué à Son essence divine. 63e (mille) ». - Datation : 379-395 ap. J.-C. Si notre restitution du nom de Mizaeotherena est admissible, ce qui paraît très probable vu que les lettres conservées (EO au milieu du nom et NA à la fin) ne peuvent être rapprochées qu’avec ce toponyme, cette borne fut placée par cette collectivité sur la voie CarthageThéveste au mille 63, sur la variante Turris-Coreua-Mizigi117. Le gisement de ce mille est situé à 1,5 km à l’est de Henchir Dermoulya, il a déjà livré un milliaire de Caracalla indiquant également le 63e mille118. Cet emplacement se trouve à 10 km au nord de Bou Jlida, ce qui ne manque pas de nous renseigner sur l’étendue du territoire de cette cité. L’identification du nom de la cité émettrice de la borne dédiée à Théodose Ier, incite à poser la question de la voie à laquelle a pu appartenir l’autre colonne milliaire signalée par Peyssonnel et Ximenez. P. Salama l’avait placé sur la route Bisica-Thabbora119. Le fait que Mizaeotherena ait implanté en son nom une borne sur le parcours de la voie Carthage-Théveste, cela supposerait qu’un tronçon de cette voie traversait son territoire, d’où la conclusion évidente de l’existence de deux points extrêmes correspondant à l’entrée et à la sortie de la voie. Le milliaire anciennement connu pourrait être placé soit au mille 63 à côté de celui de Théodose Ier, soit à un mille précédent. Fig. 8 : le milliaire de Théodose Ier dans son contexte de remploi (Cliché A. Chérif). 117 Salama 1987, n° inv. 165, a enregistré cette borne parmi celles de la voie Carthage-Théveste. 118 Davin 1929-1928, p. 668-669. 119 Salama 1987, n° inv. 155. 522 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF Fig. 9 : le champ épigraphique (Cliché A. Chérif). Fig. 10 : détail de la ligne 10 : le mille XIIIL (Cliché A. Chérif). 2.2. La fixation définitive du toponyme antique. Le dossier relatif au nom antique de Bou Jlida, que nous venons de présenter, est enrichi récemment d’un nouveau document qui permet de régler la question de la forme du toponyme d’une manière définitive et assurée. Présentons d’abord cette nouvelle inscription. - Support : deux fragments d’une frise simple, taillés dans un calcaire blanc. Le fragment 1 est incomplet à gauche, à droite, et partiellement en bas ; une partie du texte a disparu à cause de l’usure et des éclats qui ont surtout affecté la première ligne et la partie gauche de la surface épigraphique. Le fragment 2 est incomplet à gauche et complet à droite, malgré l’épaufrure au niveau de l’angle inférieur provoquant la disparition partielle d’une lettre. Les deux fragments constituaient sans doute initialement un seul bloc qui a été brisé lors d’un remploi120. La brisure a fait disparaître deux lettres au niveau de la jonction des deux fragments. - Lieu de découverte : dans le village de Bou Jlida, précisément dans le secteur nord-est où s’est développée la cité antique. 120 On peut penser à un premier remploi dans l’enceinte tardive, puis un second remploi au moment de la construction de la maison ; les propriétaires de cette demeure ont probablement récupéré les blocs dans ladite enceinte qui constitue leur mur de séparation avec leur voisin (voir Fig. 11). L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 523 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) - Conditions de découverte : les deux blocs ont été mis au jour lors de la rénovation d’une maison ; ils étaient en remploi comme des piliers pour soutenir l’ancienne toiture. Encore conservés in situ (Fig. 11). - Dimensions : Fragment 1 (Fig. 12) : H. 41,5 cm ; Long. 163 cm : Ep. 36 cm. Fragment 2 (Fig. 13) : H. 41,5 cm ; Long. 158 cm : Ep. 36 cm. - Champ épigraphique : dédicace gravée sur trois lignes ; lettres en capitales allongées et régulières mais peu profondes. Les lettres de la première ligne sont plus aérées. Hl. L. 1 : 10,511 cm ; L. 2 : 10,3-11 cm ; L. 3 : 5,7-6,7 cm. Fig. 11 : les deux fragments de la frise, le jour de leur découverte le 13 janvier 2012. On remarque en arrière plan un tronçon de l’enceinte tardive (Cliché A. Chérif). - Apparat critique : Fragment 1 : Ligne 1 : elle est presque entièrement effacée mais à la fin sont encore conservées les traces de 5 lettres : un M ayant l’allure d’un V à cause de la disparition pratiquement totale des deux jambages, puis les vestiges de deux lettres dont la lecture est devenue assez confuse à cause des accidents subis par la surface épigraphique. Vu son emplacement dans cette partie du texte où sont énumérés les différents titres de l’empereur, 524 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF cette lettre M devrait renvoyer à l’adjectif maximus et donc à des cognomina ex uirtute tels que Parthicus maximus ou Britannicus maximus. Je retiens donc volontiers cette lecture. Ensuite on parvient à déchiffrer les deux derniers signes de cette ligne : PO de pontificis121 ; Ligne 2 : Ensuite parvient à effacé, déchiffrer les deux derniers le signes cette ligne : PO de apontificis ; le début est on entièrement ensuite on identifie mot de MATRIS dont le M disparu110 mais 110 Ensuite on parvient à déchiffrer les deux derniers signes de cette ligne : PO de pontificis ; Ligne 2 : le début est entièrement effacé, ensuite on identifie le mot MATRIS dont le M a on voit encore le jambage droit du A, le bas du T, et les traces assez érodées des lettres RIS. A Ligne : le début entièrement effacé, ensuite identifie le MATRIS dont le Mdes aau mais on encore le jambage droit du A,; on le bas du et mot les traces assez érodées la findisparu de la 2ligne on voit lit est clairement CASTRORVM Ligne 3 : T, quelques lettres ont disparu disparuRIS. maisAon encore leon jambage droitledunom A,CASTRORVM ledebas traces érodées des lettres lavoit fin de la ligne on lit clairement ;M Ligne 3 assez : quelques lettres commencement de cette ligne, lit ensuite la du citéT,: et unles emporté par la cassure, lettres RIS. au A la fin de la lignedeoncette lit clairement CASTRORVM ; Ligne 3 : quelques lettres ont disparu commencement ligne, on lit ensuite le nom de la cité : un M emporté les vestiges d’un I, ensuite ZAE, vient après une écornure qui a emporté la moitié inférieure ont la disparu au commencement on litvient ensuite nomécornure de la citéqui emporté par cassure, les vestiges I,cette ensuite ZAE, après une aM emporté la de quatre lettres : OTHE, qu’ild’un estde facile deligne, restituer malgré laleforte usure qui :a un frappé l’espace par la inférieure cassure, les vestiges d’un :I,OTHE, ensuitequ’il ZAE, vient après une écornure qui a emporté la moitié de quatre lettres est facile de restituer malgré la forte usure qui encore conservé (la moitié supérieure des lettres). Le reste du toponyme est suffisamment inférieure de quatre lettres : (la OTHE, qu’il est faciledes de restituerLe malgré usure qui amoitié frappé l’espace conservé moitié supérieure reste la duforte toponyme est lisible : RENA. Aprèsencore le nom, on peut lire aisément, malgré lettres). l’usure, DECRETIS DECVRIO. a frappé l’espace encore conservé (la moitié supérieure des lettres). Le reste du toponyme est suffisamment lisible : RENA. Après le nom, on peut lire aisément la formule DECRETIS Les lettres NV ont disparu. Le MAprès final du mot decurionum est gravé auladébut de la ligne 3 du suffisamment lisible : RENA.mot nom,abîmé on peut aisément formule DECRETIS DECVRIONVM : le premier étantleassez maislire de lecture certaine. fragment 2. DECVRIONVM : le premier mot étant assez abîmé mais de lecture certaine. Fragment 2 : beaucoup mieux conservé que le fragment 1. Ligne 1 : à la fin, après TRIB, on Fragment 2 : 2beaucoup conservé que fragment 1. Ligne 1 : à une TRIB, on Fragment : beaucoup mieux conservé que le fragment 1. Ligne 1la :fin, àerreur. laaprès fin, après TRIB, voit nettement un Q dontmieux l’emplacement ne sele justifie nullement. C’est Après cette voitnettement nettement nepartie se C’est une erreur. Après cette on voit un Qdont dontl’emplacement l’emplacement nejustifie sede justifie nullement. C’est une erreur. Après lettre aberrante un on Q distingue la haste et une lanullement. boucle d’un P (de potestate) ; Ligne 2: lettre aberrante on distingue la haste et une partie de la boucle d’un P (de potestate) ; Ligne 2 cettelalettre aberrante distingue haste etestune partie de 3la: boucle d’un de P (de dernière lettre enon grande partieladisparue un V ; Ligne palme haute 5 cmpotestate) incisée à: ; la dernière lettre en grande partie disparue est un V ; Ligne 3 : palme haute de 5 cm incisée à la 2 fin: la dudernière texte, après extruxit. Ligne lettre en grande partie disparue est un V ; Ligne 3 : palme haute de 5 cm la fin après après extruxit. incisée à ladufintexte, du texte, extruxit. Fig. 9 : Le fragment 1 (Cliché A. Chérif). Fig. 12 A.Chérif). Chérif). Fig.: le 9 : fragment Le fragment1 1(Cliché (Cliché A. Fig. 13 le :fragment 2 (Cliché Fig.:10 Le fragment 2 (Cliché A. A. Chérif). Chérif). Fig. 10 : Le fragment 2 (Cliché A. Chérif). 121 On retiendra l’abréviation pont(ificis) relativement assez fréquente, mais ce n’est qu’un choix parmi d’autres Aule terme toutes ces remarques, je proposerai la donné transcription car mot estde parfois abrégé (P, PONT, PONTIF), parfois en toutessuivante lettres. pour l’ensemble du Au terme de toutes ces remarques, je proposerai la transcription suivante pour l’ensemble du texte gravé sur les deux fragments : texte gravé sur les deux fragments : L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 110 On 110 525 retiendra l’abréviation pont(ificis) relativement assez fréquente, mais ce n’est qu’un choix parmi d’autres retiendra l’abréviation pont(ificis) relativement assez fréquente, mais ce n’est qu’un choix parmi d’autres car On le mot est parfois abrégé (P, PONT, PONTIF), parfois donné en toutes lettres. car le mot est parfois abrégé (P, PONT, PONTIF), parfois donné en toutes lettres. 18 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) Au terme de toutes ces remarques, je propose la transcription suivante pour l’ensemble du texte gravé sur les deux fragments : Ligne 1 : [---] Ṃ++ PO[..] MAX • GER MAX TRIB{Q}P̣ Ligne 2 : [..] --- [.]ẠṬRIṢ CẠSTRORVM [..] SENATVS ET PATRIAE TOTIVSQṾ Ligne 3 : [………….] --- [.]ỊẒAEỌ[.]HẸRENA DẸCṚẸTIS DECVRIO[..]M PECVNIA PVBLICA EXTRVXIT uac. (Palme). {q} p Ligne 1 : [---]ṃ [ax(imi)] po[nt(ificis)] max(imi) ger(manici) max(imi) trib(unicia) Ligne 2 : [ot(estate) --- m]ạṭriṣ cạstrorum [et] senatus et patriae totiusqụ Ligne 3 : [e domus diuinae --- M]ịẓaeọ[t]hẹrena dẹcṛẹtis decurio[nu]m pecunia publica extruxit. (Palme) - Datation : le titre de Germanicus maximus et les titres de mère des camps, du Sénat et de la Patrie, laissent entrevoir deux datations possibles : soit Caracalla et Julia Domna, donc fin septembre 213 – 8 avril 217122, soit Philippe l’Arabe et son épouse Marcia Otacilia Severa, c’est-à-dire fin 247-249123. Mais si l’on prendra en compte la possibilité de restituer ṃaximi pontificis maximi, il deviendra possible de privilégier une datation au temps de Caracalla. En effet, de l’examen minutieux de la chronologie du règne de Philippe l’Arabe entrepris par X. Loriot, il convient de retenir seulement deux épithètes triomphales qui ont été sans doute portées par Philippe et son fils : Germanicus maximus et Carpicus maximus124, Par conséquent, les titres triomphaux de Persicus maximus et Parthicus maximus ont été abusivement attribués à Philippe dans quelques inscriptions, exclusivement non africaines125. En outre, le cognomen 122 Kienast 1990, p. 162-165 ; Lassère 2005, p. 1014-1015. Il ne peut s’agir de Iulia Mamaea ou de Iulia Maesa, car Sévère Alexandre n’a jamais été Germanicus maximus. 123 Kienast 1990, p. 197-200 ; Lassère 2005, p. 1019. Philippe l’Arabe est Germanicus maximus vers la fin de l’année 247. 124 Loriot 1975, p. 792-794. On lira aussi le commentaire d’une inscription grecque de Bulgarie (AE 1975, 765), où apparaissent les titres de Parthicus Adiabenicus. Voir aussi Kienast 1990, p. 197. 125 Comme par exemple dans ces inscriptions trouvées en Pannonie Inférieure : CIL III, 10619 = ILS 507 : Imp(eratori) Caes(ari) / M(arco) Iul(io) Philippo / P(io) F(elici) Inuicto Aug(usto) / pont(ifici) maximo / Parthico maximo / trib(unicia) potest(ate) co(n)s(uli) / p(atri) p(atriae) proco(n)s(uli) et / M(arco) Iul(io) Ph[il]i[pp]o / nobilis[si]mo Ca[es(ari)] / [et M]ar[ciae] Otaci[l]iae / Seuerae sanctissimae Aug(ustae) / coniugi Aug(usti) n(ostri) matri / castrorum et exercitus / leg(io) II Adi(utrix) [P(ia)] F(idelis) / Philippiana deuota / num[ini m]aiestati/[que eorum] ; CIL III, 14354, 6 : Imp(eratori) Caes(ari) / M(arco) Iul(io) Philippo / P(io) F(elici) Maximo / Parthico / maximo / trib(unicia) pot(estate) co(n)s(uli) / p(atri) p(atriae) proco(n)s(uli) et / M(arco) Iul(io) Philippo / nobilissimo Caes(ari) / et Marciae Otaciliae / Seuerae sanctissimae / Aug(ustae) coniugi Aug(usti) n(ostri) / matri castrorum et / exercitu{u}s leg(io) II Ad(iutrix) / P(ia) F(idelis) Philippiana deuota / [n]umini maiestatique / eorum / [ab] Aq(uinco) m(ilia) p(assuum) / II ; CIL III, 4634 : Imp(eratori) 526 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF Carpicus maximus qui pourrait éventuellement être restitué sur notre inscription, et qui lui a été peut-être octroyé à la fin de l’année 247, n’est attesté par aucun document africain126. Quoi qu’il en soit, tout en préférant la fourchette 213-217, la date précise de cette dédicace ne sera obtenue qu’après la découverte d’autres fragments portant le nom de l’empereur ou des indications plus explicites sur sa titulature. Qu’en est-il maintenant du monument auquel appartiennent ces deux fragments ? S’agissant d’une frise simple (aucun décor sur les différentes faces), cela conviendrait mieux à une façade d’un monument (un temple par exemple) plutôt qu’à un portique. La longueur totale des deux fragments après restitution des lettres manquantes pourrait être estimée à 3,30 - 3,40 mètres. Si l’on restitue toute la première ligne dont le P de pot(estate) constituait la fin avec une titulature développée de Caracalla (mais sans mention des ascendants), précédée de la formule Pro salute127, on aura affaire à une frise à trois blocs s’étalant sur 10 mètres environ128. S’il est question d’un temple, on devra ajouter le nom de la divinité au début de l’inscription, ce qui augmentera encore plus la longueur, mais on n’est pas sûr dans ce cas que tous les blocs aient les mêmes dimensions. Quelle qu’ait été la longueur exacte de cette frise, l’édifice, dont les vestiges devraient se trouver à proximité du tronçon de l’enceinte tardive, ne semble pas avoir manqué d’importance au sein de la parure monumentale de la cité. Ce nouveau document, si laconique soit-il, nous apporte un éclairage décisif sur la forme du toponyme antique. Le nom tel qu’il est conservé au début de la troisième ligne du fragment 1 doit être restitué et fixé sous la forme MIZAEOTHERENA (Fig. 14). Caes(ari) / M(arco) Iul(io) Philippo / P(io) F(elici) Inuicto Aug(usto) / Part(h)ico maximo / pontifici maximo / trib(uniciae) potestatis / p(atri) p(atriae) proco(n)s(uli) a Br(i)g(etione) / m(ilia) p(assuum) XXXIII. Une inscription de Rome lui attribue le titre de Persicus maximus : CIL VI, 1097 = ILS 506 : Maximo et Inuicto ac super om[nes fortissimo] / Imp(eratori) Caes(ari) M(arco) Iulio Philippo Pio F[elici Aug(usto) pont(ifici) max(imo)] / Pers(ico) max(imo) trib(unicia) pot(estate) [co(n)s(uli) desig(nato) p(atri) p(atriae) et] / M(arco) Iulio Philippo nobilissimo [Caesari principi iuuentutis et] / [Otaciliae Seuerae Aug(ustae) ma]tri [Caes(aris) et castrorum et] / [exercitus // uot(a) XX annal(ibus) felic(iter). 126 Philippe l’Arabe est le premier empereur à avoir porté le titre de Carpicus maximus ; il est connu notamment par des monnaies et des papyri, voir Suski 2013, p. 144. 127 Je donnerai comme exemple l’inscription CIL VIII, 25808 = AE 1898, 100 (Furnos Minus) : [Pro sa]lute Imp(eratoris) Caes(aris) M(arci) Aureli Seueri Antonini Pii Felicis Aug(usti) Part(hici) max(imi) Germ(anici) max(imi) Brit(annici) max(imi) pontif(icis) [max(imi) trib(unicia) pot(estate) ---] / imp(eratoris) III co(n) s(ulis) IIII p(atris) p(atriae) proco(n)s(ulis) et Iuliae Domnae Aug(ustae) Piae Felic(is) matris Aug(usti) et castror(um) et senat(us) et patr(iae) tot[iusque domus diuinae] / [---] Sentius Felix Repostus ob honorem fili(i) sui L(uci) Senti Felicis Repostiani fl(amonii) p(er)p(etui) siue XIp[rimatus] / et mag(istratus) non administrati sua pecunia fecit. Le nombre de lettres pour cette première ligne serait aux alentours de 83. Pour Philippe l’Arabe, partant des exemples reproduits dans la note 114, le nombre de lettres de cette ligne varie entre 46 et 64 (du début du texte jusqu’au P de pot(estate), mais sans compter la formule Pro salute). 128 Deux autres fragments anépigraphes, également taillés dans un calcaire blanc, sont encore conservés dans la maison voisine, de l’autre côté de l’enceinte tardive ; ils font ensemble 2,66 m. de longueur (chacun incomplet d’un côté). Cependant, la hauteur est légèrement supérieure (42 au lieu de 41,5 cm) et l’épaisseur est de l’ordre de 37 et 39 cm (et non 36 cm). L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 527 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) Cette nouvelle donnée confirme le lien établi entre l’adjectif ethnique Mizeoterenenses – ou plutôt Mizaeotherenenses – cité dans le tarif fiscal de Carthage et le toponyme Mizaeotherena. On peut s’assurer désormais que l’ensemble de la documentation relative à ce nom ne concerne que l’antique Bou Jlida. Qu’en est-il de l’origine de ce toponyme ? Les lettres MIZ entre dans la construction du nom d’une autre cité de la Proconsulaire, la ciuitas Mizigitanorum129, actuellement Henchir Aïn Babouch, à 14,5 km à l’ouest de Bou Jlida et à 10 km à l’est de Dougga, sur la voie Carthage-Théveste130. M. de Vos Raaijmakers et R. Attoui supposent un lien avec les Mazices et les Amazigh, ils pensent que dans « l’antiquité il y a eu un clan Amazig qui est resté dans la plaine fertile de la vallée Khalled tandis qu’à l’époque coloniale française, la population locale a été reléguée vers les montagnes pierreuses »131. Dans l’état présent de nos connaissances, il est difficile de se résoudre à cette explication. Cependant, peut-on envisager un éventuel rapprochement avec les Misiciri, un ethnonyme qui comporte une base lexicale en MSKR (Misiciri) / MZKR (Miziciri)132 ? Là aussi, on est réduit à une simple conjecture qui demeure tout de même une piste méritant d’être explorée. Somme toute, il semble que nous aurions affaire tant pour Mizaeotherena que pour Mizigi à des toponymes de construction locale (libyque ou punique)133. Fig. 14 : détail du fragment 1 : le nom de la cité (Cliché A. Chérif). 3. L’évolution du statut juridique de Mizaeotherena Pour traiter de cette question, nous tenons à rappeler que les renseignements disponibles ne permettent qu’une approche préliminaire et, par conséquent, les résultats qui en sont issus resteront, jusqu’à plus ample informé, provisoires. Deux étapes principales sont pour le moment envisageables. 129 AE 1921, 42 = ILAfr. 500 : Ciuitas / Mizigi/tanorum / cum aiacen/tes suos / pas(sus) / MCC. 130 AAT I, f. 33 – Teboursouk au 1/50.000e, n° 220. Desanges et alii 2010, p. 180-181 ; De Vos Raaijmakers, Attoui 2013, site n° 385, p. 123-124. 131 De Vos Raaijmakers, Attoui 2013, site n° 385, p. 123-124. 132 M’Charek 2018, p. 131. 133 Une épitaphe de Madauros atteste l’anthroponyme Mizguar, CIL VIII, 16899 = ILAlg. I, 2624 : D(iis) [M(anibus)] s(acrum). / Mizguar / Baricis f(ilius) / p(ius) u(ixit) an/nis XXXI. / H(ic) [s(itus)] e(st). Voir Jongeling 1994, p. 97. 528 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF 3.1. Mizaeotherena, une cité de statut pérégrin Aucun document épigraphique n’a livré à ce jour la première attestation du mot ciuitas. Cependant, si l’on accepte le développement fait plus haut, selon lequel la Gens Bacchuiana mentionnée sous le principat d’Antonin le Pieux était une simple association religieuse, on peut estimer à bon droit que l’agglomération avait été déjà constituée en ciuitas peregrina ayant le nom de Mizaeotherena. En admettant cette conclusion, il devient nécessaire, je pense, d’interpréter autrement le cadre dans lequel s’inscrivaient les libéralités d’Aebutius Saturninus et Aebutius Victor, fils de Titus Aebutius. Ces Aebutii, qui sont des descendants d’immigrants italiens134, ont dédié un autel à Silvain Mercure pour la sauvegarde de l’empereur Hadrien135 et ont construit une porte d’entrée pour le temple de Tellus et Cérès136. Il est plus tentant de croire que cet évergétisme privé eut lieu non pas dans le contexte d’une supposée tribu Bacchuiana, mais plutôt dans un cadre poliade qui n’est autre que la ciuitas Mizaeotherena. Ces Aebutii, attestés d’abord en tant que colons à Carthage sous Auguste137, ont dû se retrouver par la suite dans des agglomérations situées dans son arrière pays138. Dans ce même sens, il importe aussi de placer au temps de cette ciuitas une inscription fragmentaire dédiée à Saturne pour le salut d’Antonin le Pieux, que M. Le Glay considérait comme un doublet de la dédicace à Saturnus Achaiae139. Rappelons enfin que Candidus en tant que membre des onze premiers, devait être considéré comme l’un des notables de Mizaeotherena encore cité pérégrine. 3.2. La promotion municipale La cité pérégrine, comme beaucoup d’autres ciuitates, est parvenue à obtenir, au terme d’un processus de romanisation sur lequel on reviendra prochainement140, le statut municipal. Le municipe est clairement mentionné dans le fragment épigraphique trouvé à Bou Jlida et dans la colonne (milliaire) de Testour ; peut-être aussi sur le milliaire dédié à Théodose Ier. 134 Beschaouch 1985, p. 971-972. D’autres Aebutii sont aussi connus à Bou Jlida : Ferchiou 2000, p. 69, a signalé l’épitaphe inédite de C. Aebutius Pacatus ; deux autres épitaphes, également inédites, que j’ai découvertes dans le village, mentionent deux Aebutii, un homme et une femme. 135 AE 1986, 718 : « P[ro salut]e I[mp(eratoris)] / Hadriani Aug(usti) /, Siluano deo sac(rum). / Aebuti(i) Saturninus / et Victor, T(iti) Aebuti(i) f(ilii), ara(m) sua p(ecunia) f(ecerunt) idemque / dedicarunt ». Sur ce document, on consultera Ferchiou 1979, p. 23-24 et surtout l’interprétation de Beschaouch 1985, p. -972 973. Voir aussi Cadotte 2007, p. 494-495, n° 121. 136 CIL VIII, 12332 = ILS 3959 : Telluri et Cereri Aug(ustis) sac(rum). / Aebuti(i) Saturninus et Victor, T(iti) Aebuti(i) f(ilius), / ianuam cum suis o[r]namentis suis (sic) s(ua ) p(ecunia) f(ecit), id(em)q(ue) d(edicauit). Cf. Cadotte 2007, p. 494, n° 120. 137 Lassère 1977, p. 459. On connaît une Aebutia Felicula (CIL VIII, 24863). Voir sur cette épitaphe, Lassère 1973, p. 32 ; Lassère 1977, fig. 17, p. 207. 138 A Thugga entre autres, voir Khanoussi - Maurin (dir.) 2002, p. 647. 139 CIL VIII, 23922 : Saturno [---] / [--- pr]o salute Imp(eratoris) [---] / [Had]riani Anto[nini] / [Aug(usti)] Pi[i p(atris) p(atriae) ---. Voir Le Glay 1961, p. 124, n° 2. 140 Cf. supra, n. 8. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 529 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) Dans la colonne de Testour, aucun surnom honorifique n’est indiqué sur la pierre. Par contre, dans l’inscription publiée par N. Ferchiou, à la ligne 2 conservée, l’espace disponible après le mot municipium laisse entrevoir quatre possibilités de restitution141 : municipium [Aurelium] uel municipium [Aur(elium) Com(modum)] uel municipium [Antoninianum] uel municipium [Aur(elium) Ant(oninianum)] - Première solution : dans une communication présentée devant la Commission de l’Afrique du Nord le 17 novembre 1980, A. Beschaouch a évoqué brièvement la question de la promotion municipale de notre agglomération en signalant une inscription qui mentionne le municipium A[---]. Selon l’auteur, « il s’agit donc d’A[urelium] et c’est commode qui est ici le conditor »142. Nous savons, toutefois, que l’épithète Aurelium seule fait référence à Marc Aurèle143 alors que pour attribuer cette création à Commode, on s’attendra à Aurelium Commodum144. C’est ainsi que Thuburbo Maius, colonie de Commode, s’intitulait colonia Aurelia Commoda Thuburbo Maius145 ; et Pupput, également colonie créée par le dernier Antonin, portait le titre officiel de colonia Aurelia Commoda Pia Felix Augusta Pupput146. 141 Nous avons jugé difficile la restitution Aelium et donc une mutation juridique sous Hadrien. La cité n’a pas encore atteint le niveau d’intégration qui lui permettra de solliciter une telle promotion. Pour Beschaouch 1979-1980, p. 150, il ne peut s’agir d’« A[elium], à cause des undecimprimi signalés sous Antonin le Pieux. Mais on sait depuis la publication d’une inscription de Thignica, une dédicace à Neptune pour la sauvegarde de l’empereur Gallien (AE 2006, 1762), datée de l’année 265 ap. J.-C., que l’undécimprimat a existé dans cette cité, alors municipe de Septime Sévère et Caracalla (Gascou 2003, p. 241-242). 142 Beschaouch 1979-1980, p. 150. 143 On citera comme exemples le municipium Aurelium (ou Aurelia) Vina (CIL VIII, 959 = 12441) ; le municipium Aurelium Ureu (AE 1974, 692) et le municipium Aurelium Augustum Segermes (CIL VIII, 11170 et 11172). On renverra sur les cas de Vina et de Segermes à Gascou 1972, p. 142-144 ; Gascou 1982a, p. 195197, et à propos d’Ureu à Beschaouch 1974a, p. 223-228 et 234. 144 Gascou 1972, p. 143 où on peut lire : « l’épithète Commoda ou Commodum (ou encore Commodiana ou Commodianum) est toujours jointe à Aurelia ou Aurelium dans les noms de colonies et municipes de Commode, et qu’Aurelium ou Aurelia seul ne peut désigner une création de cet empereur ». 145 CIL VIII, 848 = ILS 498 : [Imp(eratori)] Cae[sari] / M(arco) Antoni[o Gor]/diano diui M(arci) [Anto]/ ni Gordiani nep(oti) diui / Antoni Gordiani so/roris fil(io) Pio Fel(ici) Aug(usto) for/tissimo felicissim[o] / pont(ifici) max(imo) trib(unicia) po[t(estate)] / patri patriae proco(n)s(uli) / col(onia) Iulia Au[re]/ lia Com[moda] / Thubu[rbo] / Maius [d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica)]. Voir sur ce document, Benzina Ben Abdallah 1986, n° 356, p. 135-136. Sur la promotion de Thuburbo Maius, on consultera Gascou 1972, p. 127-129, 162-164 et 178 ; Gascou 1982a, p. 203-204. 146 CIL VIII, 24093 = AE 1899, 123 (= 162) = ILS 6788 : Magno ac fortissi/mo principi / Imp(eratori) Caes(ari) Liciniano / Licinio Pio Felici / Inuicto Aug(usto) / col(onia) Aurelia Commoda P(ia) F(elix) / Aug(usta) Pupput numini maies/tatique eius deuotissima. Voir sur ce document, Benzina Ben Abdallah 1986, n° 416, p. 166-167. 530 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF La restitution Aurelium si elle ne devrait être pas exclue, elle nous paraît peu vraisemblable du fait que la romanisation telle qu’elle est perçue au temps d’Antonin le Pieux, ne semble pas avoir sensiblement évoluée sous le règne de son successeur. - Deuxième solution : la restitution Aur(elium) Com(modum), donc une promotion sous Commode, est probable. L’espace disponible après le mot municipium exclut que les deux surnoms soient transcrits en toutes lettres, ce qui justifie les abréviations que j’ai retenues, très courantes d’ailleurs (je viens de citer les exemples de Thuburbo Maius et Pupput). - Troisième solution : l’épithète Antoninianum, qui attribue naturellement la fondation du municipe à Caracalla, me semble improbable car elle est trop longue pour la lacune (12 au lieu de 6 à 8 lettres), tout de même trop courte si l’on songe à une abréviation telle que Antqui est la plus fréquente (voir les exemples illustrant la solution suivante). - Quatrième solution : j’ai évoqué plus haut l’inscription signalée par A. Beschaouch en 1980 et où est mentionné le municipium A[---]. L’auteur avait admis la restitution A[urelium] mais il a dû opter quelques années plus tard, en 1985, pour une promotion sous Caracalla147. Le document n’est pas encore publié, mais nous sommes portés à suivre cet avis en revendiquant la gratification de la ciuitas Mizaeotherena du statut municipal pour cet empereur. Le choix de restituer Aur(elium) Ant(oninianum), titres qu’on retrouve dans les titulatures de Carthage148, de Fornos Minus149 et d’Abbir Maius150, pourrait d’ailleurs être renforcé si l’on accepte que la frise épigraphe qu’on a déjà présentée est bien datable du règne de Caracalla. En effet, est encore conservée à la fin de cette inscription (ligne 3) l’indication Mizaeotherena decretis decurionum pecunia publica extruxit. On a donc affaire à un édifice construit par la cité, et l’ordo de la cité, contrairement à un formulaire habituel dans les textes épigraphiques, a émis Sur la promotion de Pupput, on consultera Gascou 1972, p. 166-167 ; Gascou 1982a, p. 205 ; Beschaouch 1997, p. 363-374. 147 Beschaouch 1985, p. 967, n. 2 où on lit : « … je montre d’une part que c’est sous Caracalla que le chef lieu de la Gens Bacchuiana, collectivité locale de statut pérégrin, a obtenu la promotion municipale, d’autre part que ce municipe était doté du droit latin majeur ». L’octroi de ce droit est déduit d’un fragment d’inscription encore inédit que l’auteur a signalé dans une note antérieure (Beschaouch 1979-1980, p. 150) ; il s’agit d’une dédicace à Jupiter datée d’Elagabal ou de Sévère Alexandre ; elle porte entre autres les lettres suivantes : SCR[…]DD, qu’il propose de lire [decurione]s c(iues) R(omani) DD. 148 Cf. note suivante. 149 CIL VIII, 25808b = AE 1909, 162 = ILS 9403 (Henchir Msaadine) : L(ucio) Octauio Felici Octa/uiano decurioni / col(oniae) Iul(iae) Aur(eliae) Ant(oninianae) Kart(haginis) / flamini diui Pii magis/tro sacrorum Cerealium / anni CCLXXVI professori / aedilitatis patrono et / curatori iterum munici/pii Aureli Antoniniani Fur/nit(anorum) minor(um) ob insignem / iustitiam et beneuolentiam / eius uniuersus populus / ex aere conlato statuam / posuit ob cuius dedicatio/nem ipse ludos scaenicos / et epulum populo dedit / et gymnasium / l(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum). Voir Gascou 1982b, p. 281-282 ; Gascou 1996, p. 144-152 ; Desanges et alii 2010, p. 146-147. 150 AE 1975, 872 (Abbir Maius) : P(ublio) Petronio Victorico / laudatissimo uiro ab splen/didissimo ordine col(oniae) Aurel(iae) Ant(oninianae) Ka/rt(haginis) et municipii Aur(eli) Ant(oniniani) Abbir(itani) Mai(oris) im/munitate consecuto… (Voir Beschaouch 1974b, p. 118-123). L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 531 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) non pas un décret mais plusieurs décrets. Certes nous manquons de parallèles pour expliquer cet emploi151, mais il est peut-être possible d’envisager une interprétation de l’usage de ce pluriel dans une petite cité comme la notre. Peut-on imaginer que cet énoncé, par ailleurs complètement inaccoutumé, constituerait l’indice d’un évènement de grande portée pour l’histoire de la communauté civique ? L’ordo decurionum n’aurait-il pas été amené à édicter « exceptionnellement » plusieurs mesures pour commémorer un changement constitutionnel à Mizaeotherena, en l’occurrence le passage d’une ciuitas au rang de municipe ? Ce raisonnement n’est pas superflu, mais il n’est pas non plus démontrable pour le moment. Le monument dont il est question dans l’inscription ne correspondrait-il pas peut-être au capitole, lieu de culte de la triade capitoline152 ? Ou s’agit-il d’une toute autre construction qu’il faudrait intégrer dans un projet édilitaire mis en place pour adapter la parure monumentale au nouveau statut ? Nous ne saurions élucider ces questions tant que les lacunes dans notre documentation demeurent grandes. Nous espérons que nos recherches futures apporteront plus d’éléments, épigraphiques et archéologiques, permettant d’aborder les problèmes relatifs à l’évolution juridique et urbanistique de cette ville avec plus de clarté et de sûreté. Conclusion On retiendra au terme de ce développement une première donnée maintenant certaine : la forme du toponyme antique de Bou Jlida est Mizaeotherena, qui doit remplacer désormais sur nos cartes celle de Mizeoter. C’est ce toponyme qui semble avoir été porté par la collectivité au moment de la construction d’un temple à Saturnus Achaiae au temps d’Antonin le Pieux. Ce nom n’apparaît pas dans le texte de la dédicace car il s’agit d’un acte d’évergétisme privé. Cette constatation permet d’aboutir à une deuxième donnée : le terme gens est employé ici non pas au sens tribal, mais pour désigner un groupe d’individus réunis dans une association religieuse spécialisée dans le culte de Bacchus. Si on est en mesure d’adhérer à présent à l’interprétation qui retire la gens Bacchuiana du catalogue des tribus africaines, on ne peut néanmoins prétendre l’élucidation de la question du fait tribal dans l’arrière pays de Carthage et plus particulièrement dans la région de Bou Arada – El-Aroussa. J. Peyras dénie l’existence de populations non sédentaires dans cette 151 Pour l’Afrique, d’après une recherche effectuée à partir de la banque de données allemande « EpigraphikDatenbank Clauss / Slaby », ce pluriel est employé dans deux inscriptions : IRT 565 = AE 1952, 173 (Lepcis Magna) : « … ordo ciuitatis Lepcimag(nensis) / cum populo statuam marmorem / ob haec merita decretis et suf(f)ragiis / concin{n}entibus conlocauit » (Date : entre 355 et 378, voir Chastagnol 1967, p. 127 et 129) ; AE 1908, 68 = ILAlg. I, 2108 (Madauros) : « … ab splendido ordin[e] decretis titulis ded[icauit] ». La restauration d’un édifice balnéaire en 407-408, sous le proconsulat de Pompeius Proculus, au temps du règne d’Arcadius, Honorius et Théodose II (Voir Lepelley 1981, p. 131). 152 Kallala 1992, p. 185-196, a d’ailleurs démontré, du moins pour l’Afrique, qu’il n’existe aucun lien entre l’érection d’un temple capitolin et la transformation juridique de la cité. 532 L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) Ali CHÉRIF région de la Proconsulaire au IIe siècle153. Il a sans doute raison en ce qui concerne les deux attestations de Thignica et celle de la région d’Aradi, qui n’ont aucune signification « tribale », mais le problème de la gens Galliana n’est pas encore tranché. Nous tenons en outre à insister sur la séparation qu’il faudrait désormais établir entre l’activité religieuse de la gens Bacchuiana et l’undecimprimat. Candidus est undecimprimatus au sein d’une cité, qui est, selon nous, Mizaeotherena. Si l’on se résout à cette conclusion, cela permettra d’harmoniser les cadres juridiques dans lesquels apparaissent les undecimprimi : c’est toujours pour la Proconsulaire un contexte poliade154. Cette cité pérégrine obtint la dignité municipale au début du IIIe siècle, Caracalla en est probablement l’auteur. L’argument percutant nous manque encore, mais l’exploration que nous menons dans le village de Bou Jlida peut nous apporter du nouveau à tout moment. Abréviations AAA = Gsell St. 1997, Atlas archéologique de l’Algérie (au 1/200.000e), 2e édition (textes), Alger. AAT I = Babelon E., Cagnat R., Reinach S., Atlas archéologique de la Tunisie. Première série (cartes au 1/50 000e), Paris, 1893. AE = Année Epigraphique. AFLC = Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia dell’Università di Cagliari. ANRW = Aufstieg und Neidergang der römeischen welt. AntAfr = Antiquités africaines. BCTH = Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques. BSFAC = Bulletin de la Société française d’archéologie classique. BSNAF = Bulletin de la Société Nationales des Antiquaires de France. CIL = Corpus Inscriptionum Latinarum. CRAI = Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. CT = Les Cahiers de Tunisie. EB = Encyclopédie berbère. ILAfr. = Cagnat R., Merlin A. et Chatelain L. 1923, Inscriptions latines d’Afrique (Tripolitaine, Tunisie, Maroc), Paris. ILAlg. I = Gsell St. 1922, Inscriptions latines de l’Algérie, Paris. ILAlg. II, 1 = Pflaum H.-G. 1957, Inscriptions latines de l’Algérie, t. II, vol. 1, Paris. ILAlg. II, 2 = Pflaum H.-G. 1976, Inscriptions latines de l’Algérie, t. II, vol. 2, Alger. ILAlg. II, 3 = Dupuis X. 2003, Inscriptions latines de l’Algérie, t. II, vol. 3, Paris. ILS = Dessau H. 1882-1916, Inscriptiones latinae selectae, Berlin. 153 Peyras 1995, p. 277 et 289-290. 154 Le problème de la gens Saboidum reste ouvert. L’exposition «Die Numider» 40 ans après. Bilan et perspectives des recherches sur les Numides (p. 501 - 538) 533 GENS BACCHUIANA OU MIZAEOTHERENA ? A PROPOS DU NOM DE BOU JLIDA DANS L’ANTIQUITÉ (Région de Bou Arada – El-Aroussa, Tunisie) IRT = Reynolds J. et Ward-Perkins J. 1952, Inscriptions of Roman Tripolitania, Rome. MEFR-MEFRA = Mélanges de l’Ecole Française de Rome (Antiquité). RSAC = Recueil des notices et mémoires de la Société archéologique du département de Constantine. RT = Revue tunisienne. ZPE = Zeitschrift für papyrologie und epigraphik. Álvarez Dopico (C.), 2013 : « La religiosité au quotidien : la captivité à Tunis à travers les écrits de fray Francisco Ximénez (1720-1735) », Cahiers de la Méditerranée 87, 319-334. Bibliographie Aounallah (S.) et Ben Romdhane (H.), 2015 : « La Toponymie de l’Afrique du Nord antique (bilan des recherches depuis 1990) », dans A. 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Journal of Roman Archaeology 36 (2023), 433–453 doi:10.1017/S1047759423000466 L’amphithéâtre de Lepti Minus: un acte de munificence locale Lotfi Naddari1 and Najib Ben Lazreg2 1 2 University of Tunis <lotfinaddari@gmail.com> Institut National du Patrimoine, Tunis <najibbenlazreg@gmail.com> Abstract: A text recently discovered in the surroundings of Lepti Minus (Lamta, in the Tunisian Sahel), inscribed on the main face of a statue base, sheds substantial light on the construction of the amphitheater of the city: the context for its construction, the nature of its financing, and the identity of the benefactors who took charge of it. It consists of a public hommage paid by the populus Leptitanorum to L. Octavius Felix, a local notable, member of the equestrian order, coopted as patron of the city. The text provides interesting information about onomastic and social considerations, the equestrian career of this local notable, L. Octavius Felix, primipilaris in the prefecture of the camp of the Legio VII Gemina in Spain, and the management of the construction of the amphitheatre. Keywords: Lepti Minus, local notable, equestrian order, primipilus, praefectus castrorum, patronage, amphitheater Résumé: Un texte récemment mis au jour dans les environs de Lepti Minus (Lamta, dans le Sahel tunisien), gravé sur sur la face principale d’une base de statue, apporte un éclairage substantiel concernant l’édification de l’amphithéâtre de la ville: le contexte d‘édification, la nature du financement et l’identité des évergètes qui l‘ont pris en charge. Il s’agit donc d’un hommage public que le populus Leptitanorum a rendu à L. Octauius Felix, un notable local, membre de l’ordre équestre, coopté en qualité de patron de la cité. Le texte présente ainsi des centres d’intérêt multiples: des considérations onomastiques et sociales, le cursus équestre du notable laptitain, L. Octauius Felix, du primipilat, à la préfecture du camp de la Legio VII Gemina, en Espagne, et a prise en charge de la construction de l’amphithéâtre. Mots-clès: Lepti Minus, notable local, ordre équestre, primipile, praefectus castrorum, patronat, amphithéâtre Les fouilles archéologiques qui ont été menées régulièrement de 1990 à 2010 dans les faubourgs est de Lepti Minus, par l’Institut national du patrimoine (Tunisie) ou en collaboration avec les universités du Michigan et du Manitoba, sous forme d’interventions de sauvetage, ont eu à traiter surtout de secteurs de nécropoles et de fours de potiers romains. Ces mêmes travaux ont compris des prospections qui ont affiné nos connaissances concernant le tissu urbain, son évolution à travers les âges et d’établir la chronologie des différentes phases d’occupation du site depuis l’époque punique1 jusqu’à la fin de la période byzantine, avec une apogée aux IIe–IIIe s. Les différents travaux, anciens ou récents,2 entrepris dans cette ville portuaire majeure du Byzacium, ont permis de localiser divers vestiges puniques, romains et post-romains (le forum, des temples, des aqueducs, des thermes, le théâtre, l’amphithéâtre, la jetée du port, des cuves de salaisons, une église, une citadelle) et d’identifier des zones suburbaines composées de nécropoles et de quartiers artisanaux.3 Néanmoins, comme 1 2 3 Pour la période punique voir Ben Younes et Sghaïer 2018. Voir Leptiminus 1, 2, 3 et 4. Mattingly et Stone 2011, 276, fig. 7,3. © The Author(s), 2024. Published by Cambridge University Press https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press 433 L. Naddari and N. Ben Lazreg beaucoup d’autres sites antiques, surtout côtiers, Lepti Minus a souffert de toutes sortes de destructions, allant de l’exploitation de ses pierres et de ses marbres au pillage de ses vestiges. De ce fait, le site présente actuellement un faciès arasé et aux vestiges souvent inintelligibles. Ainsi, outre le fait que ses édifices sont enfouis ou très effacés, on ne dispose pas de témoignages épigraphiques permettant de connaître les conditions et le contexte de leur édification, leur coût, et les noms de leurs donateurs. Le dossier épigraphique, relativement peu fourni, composé de bases honorifiques ou d’épitaphes, n’apporte aucun éclairage à cet égard.4 Tout ceci fait ressortir l’importance de l’inscription dont il est question ici, qui se rapporte à un acte d’évergétisme lié à la construction de l’amphithéâtre. Ce monument en mauvais état de conservation et que partiellement visible a été peu étudié. Il est aménagé dans une petite colline située sur la rive gauche de l’oued Bou Hjar, à la périphérie occidentale de Lepti Minus (Fig. 1).5 Une brève notice, qui passe en revue les différents descriptifs sommaires qui lui furent réservés, est consignée dans le premier volume de la série des rapports de fouilles publiés jusque-ici.6 Aujourd’hui, dans ce qui subsiste de la cavea, on peut voir quelques caissons construits qui ont servi d’assises aux gradins actuellement disparus et l’arène, dont la surface, non dégagée, est occupée par des oliviers multi-centenaires (Figs. 2–3). Dans son ouvrage sur les amphithéâtres du monde romain, Jean-Claude Golvin le classe parmi les petits amphithéâtres d’Afrique, comparable à ceux de Sufetula et d’Acholla, datables probablement, mais sans argument décisif, du IIe s. ap. J.-C.7 Un texte épigraphique mis au jour en juillet 2009 dans un chantier de construction d’une usine à El-Jibsa,8 une zone rurale alors enclavée dans les faubourgs nord-est de Ksar Helal, non loin de Sayyada, et à 5 km au sud-est de Lamta, apporte un précieux éclairage sur le contexte de l’édification de ce monument de spectacle, la nature de son financement et l’identité des évergètes (Figs. 4–6). Il figure sur la face principale du dé d’une base de statue, en bon état de conservation, de 154 cm de hauteur, 77 cm de largeur et 49 cm d’épaisseur, taillée dans une pierre calcaire jaunâtre de bonne facture. Convertie tardivement en contrepoids de pressoir,9 elle est pourvue d’une corniche de couronnement et d’une base moulurée, dans lesquelles sont taillées latéralement deux encoches en queue d’aronde.10 Des trous de scellement de la statue, aujourd’hui disparue, sont encore visibles sur la face supérieure. Ainsi, de par sa forme, sa taille et la teneur du texte gravé, cette base a dû se trouver dans un espace bien fréquenté, le forum de la ville vraisemblablement. 4 5 6 7 8 9 10 Benzina Ben Abdallah 1986, n° 97; Aounallah et al. 2007, 151–66; Aounallah et al. 2019, 104–8. Actuellement le monument est connu sous le nom de Hofrat al-Sijn (« la fosse de la prison »), un toponyme qui rappelle celui de l’amphithéâtre de Thuburbo Maius, dit « al-Habs » (« la prison »). Voir à ce sujet Slim 1984, 143 n. 38; Lachaux 1979, 84–85. Leptiminus 1, 42–48. Voir également Slim 1984, 143, n° 7; Golvin 1988, 132, n° 114, pl. XVI, n° 2. Voir en dernier lieu Montali 2015, 378–82. Il mesure 81 x 62 m; son arène est de 45 x 26 m. Voir Golvin 1988, 132. Le site El-Jibsa correspond probablement au champ de ruines indiqué sur la carte 1/50.000e de Moknine (LXVI) par le sigle RR portant le nom de Ben Amria: 262.500 N; 589.650 E (Institut géographique national, Paris, 1931). Pour les pierres inscrites converties en éléments de pressoir voir Grira 2011. L’ébauche d’une rainure longitudinale pour relier les deux encoches latérales est encore visible sur la face principale, en haut et en bas du champ épigraphique. Une autre est partiellement aménagée dans la face opposée. 434 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L’amphithéâtre de Lepti Minus Fig. 1. Plan de la ville de Lepti Minus. (Plan de D. Stone.) Le texte, qui court sur 13 lignes, est gravé à l’intérieur d’un champ épigraphique mouluré, de 80 cm de longueur et 53 cm de largeur, lui-même en bon état de conservation, exception faite des séquelles laissées par les dents d’une pelle mécanique qui ont fait disparaître quelques lettres des six premières lignes, facilement restituables. 435 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L. Naddari and N. Ben Lazreg Fig. 2. Vue aérienne de l’amphithéâtre de Lepti Minus. (Google Earth.) Fig. 3. Plan de l’amphithéâtre de Lepti Minus. (D’après Golvin, 1998, pl. XVI, n° 2.) 436 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L’amphithéâtre de Lepti Minus Fig. 4. La base en l’honneur de L. Octavius Felix. (Cliché des auteurs.) Fig. 5. Relevé de la base en l’honneur de L. Octavius Felix. (Relevé des auteurs.) Le texte, disposé selon l’axe de symétrie verticale, aligne des capitales carrées parfaitement tracées, de hauteur variable: 4 cm pour la première ligne, 3,2 cm pour la dernière et 1,8 cm pour le reste. Une ligature est attestée à la fin de la huitième ligne, IP dans REIP: L OCTAVIO Q F ˙ [..]IRINA FELICI P[. ..]AEFECTO CASTROR LEG[..]NIS VII GEM OB MVN[.]FICENTIAM QVAM I[.] ET M OCTAVIVS IVLIANVS FRATE[.] EIVS SVPER CETERA QVAE REIP SVAE CONTVLERVNT AMPHITHEATRVM QVO QVE S P F POPVLVS LEPTITAN PATRONO 437 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L. Naddari and N. Ben Lazreg Fig. 6. Le texte épigraphique. (Cliché des auteurs.) [L(ucio)] Octauio, Q(uinti) f(ilio), | [Qu]irina (tribu), Felici | p(rimi)[p(ilo)], pr] aefecto castror(um) | Leg[io]nis VII Gem(inae), | ob mun[i]ficentiam, | quam i [s] et M(arcus) Octauius | Iulianus, frate[r] eius, | super cetera quae reip (ublicae) | suae contulerunt, | amphitheatrum quo/que s(ua) p(ecunia) f (ecerunt). | Populus Leptitan(orum) | patrono. A Lucius Octauius Felix, fils de Quintus, tribule de la Quirina, primipile, préfet du camp de la VIIe Légion Gemina, pour la munificence que, lui et son frère Marcus Octauius Iulianus, outre les contributions apportées à la caisse municipale, ils ont aussi fait (construire) l’amphithéâtre à leurs frais, le populus des Leptitains (a fait faire ceci) à (son) patron. Il importe de souligner l’absence de critères fiables pour établir une datation précise du texte. Cependant, faisant référence au populus leptitanorum, ce texte doit être postérieur à la promotion de la cité au rang de colonie sous le règne de Trajan. Les données paléographiques (l’emploi de la capitale carrée) et le contexte général du texte accréditent en fait la datation proposée par Golvin pour l’édification de l’amphithéâtre de la ville. En effet, sur la base de quelques détails architecturaux, il propose de placer 438 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L’amphithéâtre de Lepti Minus son édification au IIe s. ap. J.-C.11 Mais, il est tout à fait légitime que son édification soit placée entre la deuxième moitié du IIe et la première moitié du IIIe s. Il s’agit donc d’un hommage public que le populus de Lepti Minus a rendu à L. Octavius Felix, un notable local, membre de l’ordre équestre, coopté en qualité de patron de la cité. Outre la mention des contributions apportées conjointement avec son frère M. Octavius Iulianus au trésor public de la cité, certes des sommes d’argent dépensées dans des projets divers, le texte a l’originalité de révéler un cas d’évergétisme municipal: la construction de l’amphithéâtre. Considérations onomastiques et sociales L’inscription fait connaître deux membres de la famille des Octavii de Lepti Minus: L. Octavius Felix et son frère M. Octavius Iulianus. En dépit de l’inscription du premier dans la tribu Quirina, l’expression reip(ublicae) suae (l. 9) confirme leur origine leptitaine dans une ville marquée par l’importance de la tribu Papiria en conséquence de sa promotion au rang de colonie sous le règne de Trajan.12 Ici, c’est la deuxième attestation de la tribu Quirina dans le tableau onomastique de cette ville, dans laquelle Oc[tavius?] Catu[linus?], membre de la famille des Octavii probablement, lui-même patron de la cité, est déjà inscrit. Sa séquence onomastique est révélée par l’hommage public que la iuuentus de la curia Ulpia lui a rendu.13 Un autre membre de la même famille, L. Octavius Fortunatus, dont le nom est révélé par le texte d’une base de statue tout récemment mise au jour, est au contraire tribule de la Papiria.14 Soulignons à cet égard que, parallèlement à la Quirina et la Papiria,15 celle de l’empereur Trajan, alors conditor coloniae, trois autres tribus romaines sont attestées dans le dossier épigraphique de cette ville: la Palatina,16 la Claudia17 et la Galeria.18 Ainsi, des membres de la famille des Octavii, tribules de la Quirina et de la Papiria, semblent avoir occupés une place de premier ordre dans la société leptitaine. En effet, alors que L. Octavius Felix a parcouru une brillante carrière militaire, les autres se sont contentés d’un cursus strictement municipal. [.] Oc[tavius?] Catu[linus?] fut respectivement édile, questeur, pontife, préfet juridictionnel et antistes sacrorum.19 Pour 11 12 13 14 15 16 17 18 19 Golvin 1988, 132. Gascou 1972b; Gascou 1972a, 80–81; Gascou 1982, 170; Le Bohec 1989b; Beschaouch 1991; Dupuis 1992. CIL VIII 22901 = IlTun. 138 et 139 = AE 1896, 32 = AE 1968, 630 = Aounallah et al. 2007, n° 3. Aounallah 2021. CIL VIII 22903 = IlTun. 138 et 140 = Aounallah et al. 2007, n° 5. La tribu Papiria figure également dans le texte d’une base de statue convertie en contrepoids d’huilerie récemment découverte au sud-ouest de la ville de Lamta. Voir Aounallah 2021: L(ucio) Octauio L(ucii) f(ilio), Pap(iria) | Fortunato, flam(ini) | Augg(ustorum) IIuir(o) ob fi|dem in re publi|ca et instantia | operis templi | cur(iae) uniuersae. CIL VIII 58 = CIL VIII 11114. CIL VIII 22903 = ILS 9088 = IlTun. 137 = AE 1896, 94. IlAfr. 52. CIL VIII 22901 = IlTun. 138 et 139 = AE 1896, 32 = AE 1968, 630 = Aounallah et al. 2007, n° 3. 439 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L. Naddari and N. Ben Lazreg sa part, L. Octavius Fortunatus est arrivé au faîte des honneurs municipaux. Il fut duumuir avant d’être flamine chargé du culte de deux Augustes.20 L’indication de la tribu Quirina, sans mettre en cause l’origine leptitaine de L. Octavius Felix, ni de son frère, ni de [.] Oc[tavius?] Catu[linus?], pourrait suggérer une obtention de la citoyenneté romaine bien avant la promotion de la ville au statut de colonie sous Trajan, peut-être durant l’époque flavienne. Mais rien n’empêche de les tenir, tout comme les autres citoyens, tribules de la Palatina, de la Claudia et de la Galeria, pour des descendants d’Italiens, peut-être membres d’un conuentus ciuium romanorum antérieur au règne de César, et qui serait contemporain de ceux des villes voisines d’Hadrumetum et de Thapsus.21 En fait, par l’indication de ces tribus romaines, ces citoyens manifestent une distinction de prestige par rapport aux nouveaux citoyens, tribules de la Papiria, fraîchement honorés de la ciuitas romana en conséquence de la promotion de la ville au statut de colonie. Le cursus de L. Octavius Felix, du primipilat, à la préfecture du camp de la Legio VII Gemina, en Espagne, au patronat de la cité de Lepti Minus Le texte de la dédicace retrace seulement le cursus de L. Octavius Felix, coopté en qualité de patron de la cité. Mais rien n’empêche d’imaginer l’érection d’une base jumelle en l’honneur de M. Octavius Iulianus pour afficher en détail son cursus, peut-être strictement municipal, et d’y voir également un patronus de la même cité.22 En dressant solennellement une statue à L. Octavius Felix, le populus leptitanorum, en tant que corps municipal, lui exprime sa reconnaissance et perpétue son cursus militaire et le souvenir de l’ensemble des libéralités et des services dont la cité a bénéficiée, tout en mettant en vedette la prise en charge, avec son frère, la construction de l’amphithéâtre de la ville. Sans avoir accompli une carrière équestre procuratorienne,23 il semble en avoir été admis par le biais du primipilat. Il fut en effet enrôlé dans la Legio VII Gemina, qui tenait garnison à Legio (Léon) en Espagne Citérieure (la Tarraconaise) depuis son installation sous Vespasien jusqu’au règne de Dioclétien, avec un séjour africain pour certaines de ses vexillations.24 Il n’est donc pas étonnant de voir ici un de ses officiers recruté au sein d’une cité africaine. L. Octavius Felix y exerça deux charges mentionnées ici successivement dans l’ordre direct. Il fut d’abord primus pilus avant d’être promu au poste de praefectus castrorum. C’est un cas de promotion habituelle dans le cursus des soldats des légions romaines. Le poste de praefectus castrorum était généralement ouvert aux anciens centurions qui avaient déjà servi comme primipiles. En fait, venant prendre place parmi les primipiles de cette légion (Tab. 1),25 il était alors le premier centurion de 20 21 22 23 24 25 Aounallah 2021. Gascou 1972b, 141. Le dossier épigraphique africain, au-delà des gouverneurs et de leurs légats choisis comme patrons de cités, révèle des cas de patrons cooptés en même temps dans la même famille. Voir à titre d’exemple: CIL VIII 11026, 11027 et 11030 (Gigthis); IlTun. 722 = AE 1942–43, 103 (Thuburbo Maius); IlTun. 250 = AE 1932, 34 = AE 1950, 83 (Pheradi Maius); CIL VIII 1181 = AE 2017, 1666 (Utica). Pflaum 1970, 355–81. Le Bohec 1989a, 379; Le Roux 2011, 287–343 (en particulier n. 49); Le Roux 2000. Dobson 1978, 357. 440 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press Tableau 1. Liste des primipiles de la Legio VII Gemina. Nom L. Atilius Verus P. Aelius Marcellus Origo Date Cursus - 69 - Apulum - – Centurio Frumentario – Sub princeps peregrinorum Référence AE 1912, 188 (Oescus); Tac. Hist. 3,22,8 (= Dobson 1978, 83) CIL XI 5215 = ILS 2650 (Fulginiae); CIL III 7795 (Apulum); CIL III 1181 (Apulum) (= Dobson 1978, 226) – Adlectus ad munera praefectorum legionum VII Clau. et primae Adiutricis – V(ir) e(gregius). – Flamen luculari Laurenti Lauinati – Patronus et decurio coloniae Apulesium – Patronus ciuitatium Foro flaminensium, Fulginiatium itemque Iguuinorum L. Oppius Secundus - [---] - - – Primus pilus Leg. VII Geminae, – Praef. Kastrorum Leg. VII C.P. F. 234 – P(rimus) p(ilus) Leg. VII Geminae Seuerianae Alexandrianae Piae Felicis, CIL III 14514 (Viminacium) (= Dobson 1978, 99) CIL II 2664 (Legio) (= Dobson 1978, 202) – Ex corniculario praefectorum praetorio L. Octavius Felix Lepti Minus e e ère 2 moitié du II –1 moitié du IIIe s. – Primus pilus – Praefectus castrorum Texte ci-présenté L’amphithéâtre de Lepti Minus – Ad status et primus pilus leg. VIII Gem. Piae Felicis 441 L. Naddari and N. Ben Lazreg Tableau 2. Liste des praefecti Legionis VII Geminae. Origo Nom Minicius Iustus Italicus Valerius Heraclianus ? L. Octavius Felix Lepti Minus Cursus Date - - Princeps Leg. XXII Deiotarianae? 69 - Praefectus castrororum Leg. VII Geminae 91 - Cos(?) Fin du IIIe s. - Vir perfectissimus Référence Dobson 1978, 85 = Le Roux 1982, 295, n° 21 CIL V 5835 - Praefectus Leg. VII Geminae 2e moitié du IIe–1ère moitié du IIIe s. - Primus pilus Leg. VII Geminae (?) Texte ci-présenté - Praefectus castror. Leg. VII Geminae la première cohorte de la légion pour une période donnée. Son grade de praefectus castrorum lui confère un haut rang parmi les officiers de l’état-major de cette légion. Il était alors chargé de son équipement, de l’entretien des constructions, notamment les remparts, de la bonne organisation des milites et de la qualité de leurs entrainements et disponibilités. Ainsi, L. Octavius Felix vient s’ajouter à la liste très réduite des praefecti castrorum Legionis VII Geminae connus jusque-là par la documentation épigraphique et littéraire (Tab. 2).26 Le premier, Minicius Iustus, dont l’origine est inconnue, fut princeps d’une légion d’Egypte puis praefectus castrorum de la Legio VII Gemina, en 69, au début du règne de Vespasien.27 Le second, Valerius Heraclianus, membre de l’ordre équestre, est mentionné par une épitaphe mutilée provenant de Mediolanum (Milan).28 De datation incertaine, et en rappelant que Valerius Heraclianus fut egregius uir, praefectus Legionis VII Geminae Spaniae, elle souligne l’évolution du cursus du commandement militaire conformément aux réformes de Gallien,29 selon lesquelles le praefectus legionis occupa le haut grade dans les légions romaines; les legati Augusti propraetore et les tribuni laticlauii ayant été supprimés. L’hommage rendu à L. Octavius Felix a l’intérêt d’être plus explicite quant à son cursus et à son devenir en rapportant sa cooptation en qualité de patronus, certes en raison d’un cursus militaire de valeur, et de son engagement direct dans la vie civique de sa ville d’origine, Lepti Minus. Toutefois, notre texte est moins clair quant à la progression et au déroulement de ses années de service ou de ses stipendia. En effet, on ignore tout à propos du début de son service militaire, accompli peut-être dans d’autres officia ou dans d’autres garnisons.30 Le commanditaire de la dédicace, le populus Leptitanorum, s’est 26 27 28 29 30 Pour la liste des praefecti castrorum, voir Devijver 1976–77, A 150, A 163, C 258, I 13, O 19, V 74. Dobson 1978, 85, 209. CIL V 5835 = Le Roux 1982, 384 n. 115. Le Roux 1982, 384. Pour l’origine géographique et sociale et les types de carrières des centurions de la Legio VII Gemina, voir Le Roux 2011. 442 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L’amphithéâtre de Lepti Minus Tableau 3. Liste des Leptitani Minores dans les légions romaines (Lassère 1977, 637). Nom Date [---] Mariolus Q. Caecilius Cerealis M. Fabius Sucessus L. Fannius Fuscus [. F]lavius Geta L. Iulius Aemilianus [.] Iunius Annianus M. Scribonius Festus [---] [---]uinus (prétorien) M. Aemilius Respectus C. Arissius Rogatus [---] Lep(tis Minus/ Magna) [---] Lep(tis Minus/ Magna) [--- Cr]escens (Lep (ti Minus/Magna) L. Octavius Felix Légion Référence 109 ap. J.-C. En Égypte Honorés de l’honesta Legio II Traiana Fortis (Nicopolis, Égypte) missio en 157 ap. J.-C. CIL III 13583 CBI 733 = AE 1955, 238 = AE 1969–70, 633 = AE 1999, 80 = AE 2012, 1806 Milieu du IIe s. À Rome CIL VI 32623, 15 Début du IIe s. Legio III Aug. (Lambaesis) CIL VIII 58 = 11114 3e quart du IIe s. Fin du IIe–IIIe s. AE 2003, 1890 = AE 1992, 1867a = AE 1989, 882 = AE 1987, 1063 CIL VIII 18087 Fin du IIe–IIIe s. CIL VIII 18087 Fin du IIe–IIIe s. AE 1992, 1872 = AE 1917–18, 29 2e moitié du IIe–1ère moitié du IIIe s. Legio VII Gemina Texte ci-présenté contenté de mettre en vedette les deux postes les plus prestigieux, ceux accomplis dans la Legio VII Gemina. De tels détails étaient habituellement révélés par des documents épigraphiques d’autres primipiles ou praefecti castrorum.31 Ancien primipile et praefectus castrorum legionis VII Geminae, L. Octavius Felix vient également enrichir le dossier des milites originaires de Lepti Minus (Tab. 3). Certains, qui avaient servi dans la Legio II Traiana Fortis, stationnée à Nicopolis, en Égypte, furent honorés de l’honesta missio en l’année 157, l’année vicennale de l’empereur Antonin le Pieux.32 Un autre leptitain, dont on ignore le nom, figure parmi la liste des membres d’une cohorte prétorienne ( praetoriani), mentionnés par une inscription mutilée de Rome du milieu du IIe s. ap. J.-C.33 D’autres, au nombre de quatre, ont été enrôlés dans la Legio III Augusta, stationnée à Lambaesis, en Numidie. Toutefois, alors que 31 32 33 C’est le cas de C. Caesius Silvester dont le cursus est révélé par une inscription du milieu du IIe s. ap. J.-C. (CIL XI 5696 = CBI 876 = AE 2013, 475). Après le poste de beneficiarius, il fut promu comme euocatus Augusti, puis centurion dans cinq légions, puis primus pilus avant d’occuper le poste praefectus castrorum de la Legio IIII Flavia Felix. CBI 733 = AE 1955, 238 = AE 1969/1970, 633 = AE 1999, 80 = AE 2012, 1806. Sur la concordance entre la démobilisation des soldats des armées romaines et les fêtes décennales et vicennales de l’empereur Antonin le Pieux, voir Naddari 2015, 102. CIL VI 32623, 15. 443 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L. Naddari and N. Ben Lazreg Tableau 4. Milites legionis VII Geminae d’origine africaine. Nom Origine M. Claudius Restitutus C. Postumius Africanus [. A]vitius Rufus Q. Geminius Sabinus Service Leg. VII Gem. Date Cirta Tribunus Ammaedara Tribunus Sabratha Vicus Annaeus Tribunus militum Centurio L. Mantius Hispanus C. Sulgius Caecilianus Lambaesis Centurio Tuccabor Centurio P. Aufidius Exoratus L. Octavius Felix Africain? Centurio Lepti Minus - Primus pilus, 2e moitié du IIe– - Praefectus 1ère moitié du castrorum IIIe s. Legatus 162–66 Augusti Q. Tullius Maximus Afrique proconsulaire Réf. Sous Hadrien ou CIL VIII 7039 = IlAlg. II, 1, 665 Antonin = ILS 1437 160–80 AE 1988, 1119 = AE 2014, 1454 = AE 2018, 1859 2e moitié du IIe s. IRT 96 = AE 1955, 228 79–97 CIL VIII 825 = 12232 = 23841 = IlTun. 689 IlTun. 778 = AE 1923, 28 = AE 1950, 57 = AE 2008, 16 = AE 2012, 1875 2e moitié du IIe s. CIL VIII 2938 Sous Septime Sévère ou Caracalla 100–30 CIL VIII 1322 = 14854 = ILS 2764 = IlTun. 1287 = AE 1937, 116 = AE 1956, 11 AE 1966, 209 Texte ci-présenté CIL II 2660a–d l’origine leptitaine (Lepti Minus) est certaine pour les deux premiers,34 elle reste hypothétique pour les deux autres, en raison de l’indication de l’origo qui se limite à l’abréviation LEP, laquelle fait également songer à Lepcis Magna.35 D’autre part, L. Octavius Felix s’ajoute à liste de huit milites africains enrôlés dans la Legio VII Gemina durant le IIe et le début du IIIe s. (Tab. 4).36 Leur origine africaine est assurée, exception faite pour P. Aufidius Exoratus, dont le nom est révélé par une inscription de Barcelone.37 Il avait servi comme centurion successivement dans la III Legio Augusta, puis dans la XXX Legio Ulpia Victrix, en Pannonie, et enfin dans la VII Legio Gemina, en Espagne. Pour les autres, ils sont originaires de cités appartenant à différents secteurs de la Proconsulaire du Haut-Empire: Ammaedara, Tuccabor, Vicus Annaeus, Cirta, Lambaesis et Sabratha. Toutefois, nous ne sommes pas suffisamment informés à propos de l’origine exacte de Q. Tullius Maximus, legatus Augusti legionis VII Geminae Felicis, probablement sous le règne conjoint de Marc Aurèle et Lucius Verus. Un texte de Léon, en Espagne, rapporte que ce légat e Lybia rector legionis Hiberae.38 D’autre 34 35 36 37 38 CIL VIII 58 = 11114; AE 2003, 1890 = AE 1992, 1867a = AE 1989, 882 = AE 1987, 1063. CIL VIII 18087. Pour la liste des soldats de la VII Legio Gemina attestés en Afrique proconsulaire, voir Khanoussi 2006, 46. AE 1966, 209. Le Bohec 1989a, 160, n° 116 et 117. Le Roux 1982, 315. CIL II 2660b. 444 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L’amphithéâtre de Lepti Minus Tableau 5. Les patrons de Lepti Minus. Cursus Nom Date L. Aemilius Adiutor Antistes sacrorum Liberi patris IIIe s. (?) curiae Augustae. [.] Oc[tavius?] Catu[linus] (Quirina) L. Octavius Felix (Quirina) Aedilis, quaestor aerarii, pontifex, praefectus iure dicundo, antistes sacrorum Primus pilus, praefectus castrorum Leg. Geminae Référence CIL VIII 22900 = ILS 3371 = IlTun. 138 = AE 1895, 184 = AE 1896, 33 = AE 1968, 630. IIe s. (?) CIL VIII 22901 = IlTun. 138 = IlTun. 139 = AE 1896, 32 = AE 1968, 630. 2e moitié du IIe– Texte ci-présenté 1ère moitié du IIIe s. part, alors que trois d’entre eux avaient servi comme tribuni et quatre comme centuriones, L. Octavius Felix et Q. Tullius Maximus avaient réussi à gagner respectivement les postes les plus importants dans cette même légion, ceux de praefectus castrorum et de legatus Augusti. Cela témoigne de la place particulière qu’occupaient les Africains dans le commandement de cette légion et la gestion des affaires de sa garnison. L. Octavius Felix rappelle d’autres primipiles qui, une fois la carrière militaire terminée, assument d’autres responsabilités civiles, honorifiques et prestigieuses, dans le cadre de leurs cités d’origine.39 En dépit d’une « pérégrination militaire » qui peut les conduire dans des contrées lointaines, ils avaient gardé et maintenu des rapports très étroits avec leurs pays d’origine, aussi bien durant leur service qu’au moment de la retraite. C’est ainsi qu’il faut éventuellement comprendre les générosités accomplies par L. Octavius Felix. C’est là un comportement social et de prestige, qui le rapproche davantage de ses concitoyens. De ce fait, il vient s’ajouter à la liste jusqu’ici très réduite des patroni de cette ville (Tab. 5). En effet, nous connaissons déjà L. Aemilius Adiutor qui, au début du IIIe s. probablement, fut antistes sacrorum du culte de Liber Pater de la curia Augusta.40 C’est en raison de ses mérites, que la même curie lui a publiquement rendu hommage. Toutefois, en dépit de l’absence de l’indication de sa tribu, il doit faire partie de la famille des Aemilii connus par l’épigraphie leptitaine, dont deux, qui appartenaient à l’ordre équestre, sont tribules de la Palatina: M. Aemilius Super et son frère M. Aemilius Respectus.41 Par conséquent, ces Aemilii de Lepti Minus, seraient vraisemblablement les descendants d’Aemilii originaires de Rome, installés précocement dans cette ville et organisés dans un conuentus ciuium romanorum.42 Nous connaissons également [.] Oc [tavius?] Catu[linus], tribule de la Quirina, coopté comme patron à son tour.43 A ce titre, il doit faire partie de la même famille des Octavii, celle de L. Octavius Felix, lui-même tribule de la Quirina. Ainsi, il semble que les Aemilii et les Octavii, descendants de deux familles du conuentus ciuium romanorum de cette ville, ont gardé une certaine prééminence et une notoriété dans le cadre d’une ville qui doit sa promotion au rang de colonie à l’empereur Trajan. Ce sont les descendants des premières familles de notables, 39 40 41 42 43 Nelis-Clément 2000, 55. CIL VIII 22900 = ILS 3371 = IlTun. 138 = AE 1895, 184 = AE 1896, 33 = AE 1968, 630. CIL VIII 58 = 11114. Devijver 1976–77, 87; Belkahia Karoui 2009, 330. CIL VIII 22901 = IlTun. 138 et 139 = AE 1896, 32 = AE 1968, 630 = Aounallah et al. 2007, n° 3. 445 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L. Naddari and N. Ben Lazreg inscrits dans la Palatina et la Quirina, qui continuèrent à occuper les premiers rangs dans une société qui, depuis le règne de Trajan, est inscrite dans la tribu Papiria. L’apparition de cette nouvelle tribu dans le tableau onomastique leptitain, en conséquence de la promotion de la cité au rang de colonie, n’a pas fait péricliter les anciennes tribus romaines, en l’occurrence la Palatina et la Quirina. Il semble que, dans la ville de Lepti Minus, malgré sa promotion au rang de colonie sous Trajan et l’inscription de l’ensemble des nouveaux citoyens romains dans la tribu Papiria, ce sont les anciennes familles d’origine italienne qui continuèrent à garder la notoriété et l’estime de l’ensemble des curies et du populus de la ville. Le patronat, nous semble-t-il, apanage et monopole au sein des familles les plus illustres, est acquis, non seulement en raison de cursus réussis, municipaux ou militaires, mais sous l’effet et le poids historique qu’exerçaient ces familles d’ascendance italienne. La cooptation L. Octavius Felix en qualité de patron, certes par l’ordo de la cité et le consentement du populus, a pu venir de l’aura que lui donnait le grade élevé qu’il avait acquis dans l’armée.44 Ainsi, ce choix se justifie amplement par sa réussite dans l’armée et peut-être aussi par ses origines italiennes, s’il était bien un descendant de l’une des familles du conuentus ciuium romanorum de Lepti Minus. La prise en charge de la construction de l’amphithéâtre Le patron que les Leptitains se sont choisi, doit aussi sa cooptation peut-être aux générosités accomplies dans sa ville natale et surtout à sa contribution, avec son frère, à la construction de son amphithéâtre. C’est une munificence extrêmement intéressante qui vient enrichir l’équipement monumental de la ville, mais semble-t-il sans rapport avec l’obtention d’un honor quelconque. C’est là un exemple d’évergétisme libre exécuté dans le cadre d’un projet familial, et non ob honorem. De nombreuses attestations épigraphiques africaines révèlent des cas de figures semblables. Pour le seul cas de Thugga, à titre illustratif, on peut rappeler l’exemple des membres de deux familles des plus illustres: les Gabinii et les Marcii. Deux membres de la première gens, A. Gabinius Datus et M. Gabinius Bassus, à leurs frais et sur un terrain leur appartenant, ont construit un complexe religieux: les temples de la Concorde, de Frugifer et de Liber Pater, ainsi que d’autres temples et les xystes.45 Deux membres de la deuxième gens, le père et son fils, L. Marcius Simplex et L. Marcius Simplex Regillianus, ont pris en charge la construction du capitole.46 Toutefois, alors que le lien entre l’édification de l’amphithéâtre et la cooptation en qualité de patronus, n’est pas expressément mentionné, il est tout à fait envisageable que l’inscription honore et remercie un patron qui a peut-être répondu par des libéralités à sa désignation dans le cadre d’un évergétisme ob honorem. D’ailleurs, une inscription de Thugga qualifie curieusement le patronat d’honor « comme si c’était une magistrature ».47 44 45 46 47 Jaïdi 2006, 42. CIL VIII 1493 = CIL VIII 15520 = CIL VIII 26469a–b = IlTun. 1389 = Khanoussi et Maurin 2000, 69– 71, n° 27. CIL VIII 1471 = CIL VIII 15513 = Khanoussi et Maurin 2000, 87, n° 31. De même, un autre membre de la famille des Marcii, P. Marcius Quadratus, mentionné ci-dessous, a construit à ses frais le théâtre de Thugga. CIL VIII 26606 = IlTun. 1434 = ILS 9364 = Khanoussi et Maurin 2000, 90–92, n° 33; CIL VIII 26528. Khanoussi et Maurin 2000, 144–45, n° 49 = AE 1997, 1656. 446 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L’amphithéâtre de Lepti Minus Il est important de souligner ici que c’est seulement le populus leptitanorum, sans que l’ordo de la cité ne soit impliqué, qui a exprimé sa reconnaissance aux deux frères. D’habitude, à la lumière du dossier épigraphique africain, c’est l’ordo, seul,48 ou quelques fois associé au populus,49 qui honore les patrons des cités. En effet, dans l’état actuel du dossier épigraphique africain notre texte est le troisième en l’honneur d’un patron d’une cité honoré exclusivement par son populus. Les deux autres proviennent de Furnos Minus, en Afrique proconsulaire, en l’honneur de deux patroni du municipe: L. Octavius Felix Octavianus50 et Q. Paccius Victor Candidianus.51 C’est peut-être la nature de la munificence, l’amphithéâtre en l’occurrence, qui explique un tel engagement du populus leptitanorum. Certes, il est le principal bénéficiaire pour satisfaire son plaisir et c’est peut-être lui-même qui a demandé la construction. Le vocabulaire de deux inscriptions de Thugga liées à la construction du cirque est nettement suggestif à cet égard. Elles ont l’intérêt de préciser que c’est ad uoluptatem populi (« pour le plaisir du peuple ») et postulante uniuerso populo (« à la demande du peuple tout entier ») que le terrain du cirque a été légué et que le monument a été construit.52 En effet, les innombrables monuments et documents relatifs aux divers types de spectacles en Afrique romaine reflètent le grand engouement de la société d’alors pour les loisirs. C’est l’élite municipale qui a favorisé et diffusé certaines de ces attractions, notamment les ludi de l’amphithéâtre, d’origine italique, et ce sont les membres des conuentus italiens installés dans les villes commerciales, notamment portuaires, qui en auraient été les initiateurs. L’origine italienne de certains membres de l’élite leptitaine, et de celle de ces évergètes qui ont financé la construction de l’amphithéâtre, s’inscrit dans cet ordre d’idées. D’initiatrice dans ce domaine, cette classe a été prise dans l’engrenage de la passion des populi qu’elle a su utiliser à bon escient à des fins électorales et/ou pour valoriser son image. Cette nobilitas s’est prévalue par des libéralités dans les spectacles, notamment ceux qui avaient la faveur de la foule. Cette ostentation est particulièrement visible dans les mosaïques qui exhibent des catalogues d’animaux d’arène, des combats, la singularité de leur organisation, leur coût, et l’affichage de l’appartenance à des sodalités. A ce sujet, bien que Lepti Minus n’ait pas encore révélé son potentiel en mosaïques, qui au vu des prospections est important et prometteur, on ne devrait pas être surpris par la découverte, un jour, de pavements ou d’autres supports ayant trait aux spectacles d’amphithéâtre, comme il s’en est trouvé dans des villes de la région, comme Hadrumetum, Uzitta, Smirat et Thysdrus. La mosaïque incomplète d’un caldarium des grands Thermes de l’Est, présentant un catalogue d’animaux d’arène, fait certainement partie d’un répertoire riche et varié relatif à ce genre de spectacle.53 Cependant, tout ceci relèverait du détail par rapport à ce que nous apprend cette inscription rarissime dans son genre, qui propulse la générosité à son stade suprême, qui est celui d’offrir le monument, fort coûteux, qui allait accueillir ces divertissements 48 49 50 51 52 53 Voir à titre d’exemple: CIL VIII 1222, 11933, 12296, 12297, 25524, 25525, 25528; IRT 571 et 591. Voir à titre d’exemple: CIL VIII 11031; IRT 103 et 577; AE 1975, 880 et 882. CIL VIII 25808b = ILS 9403 = AE 1909, 162. CIL VIII 25808c = AE 1909, 163. Khanoussi et Maurin 2000, 38–39, n° 14; 114–17, n° 39. Ben Lazreg 1992, 83, 85–86, figs. 11–14; DeLaine 2001, 12, et pls. A, B et C. 447 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L. Naddari and N. Ben Lazreg en faveur de l’ensemble des Leptitains. C’est ainsi qu’elle vient enrichir le dossier épigraphique assez pauvre relatif au financement de la construction des amphithéâtres africains.54 Dans l’état actuel de la documentation épigraphique africaine, trois textes seulement en font référence. Le premier, de l’époque d’Hadrien, provient d’Uthina, en Proconsulaire.55 Etant gravé sur une dalle en marbre apostée dans l’amphithéâtre, ce texte serait probablement commémoratif de l’édification du monument, peut-être contemporain du capitole dans son premier état et des grands thermes.56 Il souligne que c’est un notable anonyme de la ville, admis dans l’ordre équestre, après avoir parvenu au faîte des honneurs municipaux, couronnés par le flaminat perpétuel, qui a vraisemblablement pris en charge la construction de ce monument d’envergure. Il s’agit d’une importante libéralité, un don de valeur exceptionnelle de 350.000 sesterces. Le deuxième texte, provenant de Rusicade, relate la contribution d’un certain C. Annius [---], décurion des quatre colonies de la confédération cirtéenne, qui, en plus des sommes honoraires en l’honneur du décurionat et du pontificat et de la somme versée pour les travaux du théâtre, a alloué 30.000 sesterces pour ceux de l’amphithéâtre, une somme faible au demeurant par rapport au prix du monument.57 Le troisième, de Thuburnica, perpétue, non point la construction de l’amphithéâtre, mais simplement la reconstruction et l’embellissement du monument aux frais de l’édile C. Sallustius Felix, peut-être à l’occasion de son intégration dans l’ordo de la colonie.58 A ces trois textes, il est possible d’ajouter le dossier épigraphique de l’amphithéâtre de Theueste. Composé d’un lot de neuf textes, très brefs, gravés sur les linteaux de portes aménagées essentiellement dans le mur de l’arène, ce dossier révèle les noms suivants: les Honoratiani, les Victorinianii, les Venerii et les Ambibulianii.59 On hésite encore sur leur identification: des familles des plus distinguées de Theueste, ou des membres de sodalités, voire même des uenatores.60 Ces données expresses et incontestables, relatives à la contribution des notables municipaux à la construction et à l’embellissement des amphithéâtres, viennent relativiser les propos de Richard Duncan-Jones qui stipule que les amphithéâtres n’étaient pas généralement pris en charge par des particuliers.61 Par ailleurs, trois inscriptions de Numidie informent sur l’intervention impériale pour la restauration de deux amphithéâtres, de Lambaesis et d’El Outhaia (l’antique Mesarfelta?). Ils furent l’objet d’une restauration, partielle pour le premier, aux frais des empereurs Marc Aurèle et Commode.62 Au début du règne de Septime Sévère, en 194, c’est à dire une quinzaine 54 55 56 57 58 59 60 61 62 Jouffroy 1986, 402. Pour les inscriptions africaines, voir: CIL VIII 2488 = AE 1950, 197; CIL VIII 6995 = IlAlg. II, 1, 560 = ILS 411; CIL VIII 8482 = CIL VIII 20348; AE 1955, 135 et 137; CIL VIII 23948 = AE 1894, 53 = AE 1956, 67. AE 2004, 1821 = AE 2011, 1678; Ben Hassen et Maurin 2004, 30–32, 141. Ben Hassen et Maurin 2004, 141. CIL VIII 7983 = 7984 = IlAlg. II, 34. AE 1988, 1116 = Wilkins 1988. AE 1967, 550. Wilkins 1988, 217. Duncan-Jones 1982, 75. AE 1955, 135; CIL VIII 2488 = AE 1950, 197. 448 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L’amphithéâtre de Lepti Minus d’années plus tard, celui de Lambaesis fut encore une fois l’objet d’un embellissement et d’une restauration, complète cette fois-ci.63 Toutefois, nous ne sommes pas informés au sujet du coût de la construction de l’amphithéâtre de Lepti Minus. Devant ce silence, on ne trouverait pas mieux, pour se faire un ordre d’idées sur ce sujet, que de se conforter par des chiffres fournis par des inscriptions de Rusicade et d’Uthina. La somme d’argent mentionnée par l’inscription provenant de cette dernière, 350.000 sesterces, serait peut-être allouée à la construction de l’amphithéâtre, comme celui de Bou Hjar encastré dans une colline, mais plus grand, d’une contenance de 16.225 spectateurs.64 De même, on peut trouver des éclairages non moins importants dans deux inscriptions de Madauros et de Calama relatives à la construction de leurs théâtres au début du IIIe s.65 Avec une capacité d’accueil qui ne dépasse pas 1200 spectateurs, et une cavea appuyée sur un mur de soutènement, le théâtre de Madauros, construit aux frais de M. Gabinius Sabinus, a coûté 375.000 sesterces, c’est à dire un peu plus cher que l’amphithéâtre d’Uthina.66 Pour celui de Calama, plus imposant par ses dimensions et ses décorations, et qui devait accueillir entre 3000 et 4000 spectateurs, Annia Aelia Restituta ( flaminica perpetua) a consacré la somme de 400.000 sesterces.67 Cependant, il est difficile de souscrire à des comparaisons simplistes étant donné les différences des coûts de construction selon les régions, les périodes et la nature du décor. On peut toujours concéder que les amphithéâtres, bien que plus imposants par leur monumentalité, mais partiellement aménagés dans des collines,68 et qui auraient été très austères pour certains, auraient été relativement moins couteux. Dans ce sens, on peut toujours citer Peter Wilkins, qui à propos de l’amphithéâtre de Thuburnica, et en se fondant sur la thèse de David Bomgardner, avance une somme moyenne entre 300.000 et 400.000 sesterces.69 L’état de conservation de l’amphithéâtre de Lepti Minus et la disparition de beaucoup de ses composantes ne permettent pas d’en estimer le coût. D’ailleurs, le texte de cette base honorifique ne rend pas compte des détails de cette libéralité. Il est tout à fait envisageable qu’une autre inscription, faisant référence à tous ces détails ait été gravée sur une frise qui courait le long d’un entablement de l’un des compartiments de l’amphithéâtre valorisant à la fois la notabilité des deux Octavii et la munificence accomplie. Elle serait comparable à l’une des inscriptions du théâtre de Thugga, celle de la frons scaenae gravée sur l’entablement de la colonnade inférieure de la scène70 ou celle de la summa cavea.71 Outre le nom du donateur, P. Marcius Quadratus, les deux inscriptions de Thugga « donnent un luxe de détails sur les éléments composant le théâtre lui-même, certaines de ses annexes (basiliques, portiques, xystes) ou composantes (la scène et ses rideaux) et son ornementation ».72 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 AE 1955, 137. Ben Hassen et Golvin 1998, 107. Bourgarel Musso 1979, 34–35; Lachaux 1979, 17. IlAlg. I, 2121. CIL VIII 5365 = 17495 = IlAlg. I, 286. Lachaux 1979, 17. Wilkins 1988, 218; Bomgardner 1984. CIL VIII 26606 = IlTun. 1434 = ILS 9364 = Khanoussi et Maurin 2000, 90–92, n° 33. CIL VIII 26528. Khanoussi et Maurin 2000, 90–92, n° 33. 449 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L. Naddari and N. Ben Lazreg Par ailleurs, notre texte nous apprend le don désintéressé de la part des deux frères qui se sont déjà distingués par d’autres libéralités en faveur de la ville. Passées sous silence, sous le couvert de l’expression volontairement vague et formulée selon un style incisif (super cetera quae reipublicae suae contulerunt), ces libéralités sont certainement très inférieures par rapport à la somme allouée à la construction de l’amphithéâtre. *** Par extrapolation, ce document et d’autres provenant de Lepti Minus nous apprennent aussi sur la grande diversité de sa population et surtout sur sa diaspora.73 Si grâce à quelques inscriptions on a pu suivre les pérégrinations de quelques Leptitains militaires, on est en droit d’imaginer que celles d’autres, civils, notamment marchands ou marins, ou avec d’autres profils, ont dû être plus importantes. Ainsi, pour le peu de découvertes qui ont été faites dans ce site et son arrière-pays, par rapport à d’autres de la région, comme Hadrumetum ou Thysdrus, faute de fouilles extensives, Lepti Minus n’a pas fini de surprendre par la qualité de ses trouvailles, qui joignent à leur singularité une touche de raffinement. Les mosaïques de la Néréide musicienne au visage tatoué,74 de la naissance d’Hélène et des Dioscures,75 de Vénus Anadyomène,76 le sarcophage en marbre montrant le Christ entre Pierre et Paul,77 la salle funéraire chrétienne souterraine liée à un complexe de catacombes et pavée de mosaïques tombales représentant des figures humaines,78 les ateliers d’amphores commerciales79 …, donnent la mesure de l’importance de cette ville portuaire, sa prospérité économique, et surtout du raffinement artistique et culturel qu’elle a atteint. Il n’est pas donc étonnant que dans une telle atmosphère qu’on ait poussé l’idéal à se surpasser par des actes de générosités extrêmes. Ceci nous ramène à la pensée du regretté de Hans-Georg Pflaum selon laquelle « Lepti Minus n’est pas aussi misérable que l’indique son nom ».80 Remerciements: Nous adressons nos vifs remerciements à MM. Azedine Beschaouch, Patrick Le Roux et Louis Maurin qui ont bien voulu lire le manuscrit de ce texte et nous faire part de leurs précieuses remarques. Que notre ami David Stone trouve ici l’expression de nos remerciements les plus sincères. 73 74 75 76 77 78 79 80 Voir par exemple Marcia Pompeiana, flaminique perpétuelle originaire de Caesarea de Maurétanie, et peut-être aussi son mari M. Nonius Capito. Voir Aounallah et al. 2007, n° 4 (= CIL VIII 22902) et 5 (= CIL VIII 22903). Les mosaïques tombales chrétiennes trouvées dans deux salles souterraines communiquant avec des catacombes mentionnent des noms grecs; voir Ben Lazreg 2021, 541–44. Un couple d’affranchis impériaux porte des noms grecs, Anthia et Onesimus, à moins d’une mode appliquée artificiellement aux esclaves; voir Benzina Ben Abdallah 1986, n° 97. L’onomastique grecque de cette épitaphe païenne viendrait corroborer celle constatée dans la salle funéraire chrétienne mentionnée ci-dessus. Ben Lazreg 2017, 167, fig. 23; Ben Lazreg 2019, figs. 75 et 78. Ben Lazreg 2013, 173–93. Leptiminus 2; Ben Lazreg 2019, figs. 75 et 78. Bejaoui 2002. Ben Lazreg 2002; Ben Lazreg 2019, figs. 71 et 79. Mattingly et al. 2011, 223; Stone et al. 2011. Pflaum 1959, 91. 450 https://doi.org/10.1017/S1047759423000466 Published online by Cambridge University Press L’amphithéâtre de Lepti Minus Abréviations Leptiminus 1 = N. Ben Lazreg et D. J. Mattingly. 1992. Leptiminus (Lamta): A Roman Port City in Tunisia. Report no. 1. JRA Suppl. 4. Ann Arbor, MI: Journal of Roman Archaeology. Leptiminus 2 = L. M. Stirling, D. J. Mattingly et N. Ben Lazreg. 2001. Leptiminus (Lamta): Report no. 2, The East Baths, Cemeteries, Kilns, Venus Mosaic, Site Museum, and Other Studies. Portsmouth, RI: Journal of Roman Archaeology. Leptiminus 3 = D. L. Stone, D. J. Mattingly et N. Ben Lazreg. 2011. Leptiminus (Lamta): Report no. 3, The Field Survey. JRA Suppl. 87. Portsmouth, RI: Journal of Roman Archaeology. Leptiminus 4 = N. Ben Lazreg, L. D. Stirling et J. P. Moore. 2021. Leptiminus (Lamta): Report no. 4, The East Cemetery: Stratigraphy, Ceramics, Non-Ceramic Finds and Bio-Archaeological Studies. JRA Suppl. 110. Portsmouth, RI: Journal of Roman Archaeology. Références Aounallah, S. 2021. “Lepti(s) Minus/Lamta (Tunisie). Une nouvelle inscription latine.” Chroniques d’archéologie Maghrébine, janvier: 5–6. Aounallah, S., Z. Ben Abdallah et F. Hurlet. 2007. “Inscriptions latines du Musée de Sousse: Lamta, Lepti(s) Minus.” Africa 21: 151–66. Aounallah, S., Z. Benzina Ben Abdallah, H. Ben Romdhane, A. Chérif et N. Derbal. 2019. 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RENDRE À BELALIS CE QUI EST À BELALIS Lotfi NADDARI* RÉSUMÉ L’identification de Ksar Mezouar, un site archéologique rural des environs de Vaga, avec le centre d’un saltus impérial repose sur un texte lacunaire d’une grande inscription mentionnant un « conflit social » de l’époque de Commode. Cependant, en dépit de la valeur de ce texte comme élément d’identification, la nature domaniale de ce site reste litigieuse en raison de la découverte ici même d’un lot de quatre inscriptions qui traduisent une ambiance strictement municipale, d’où l’hésitation des spécialistes à le ranger dans la liste des cités ou celle des propriétés impériales. L’examen de ces derniers textes à la lumière du corpus épigraphique de ville voisine de Belalis Maior, permet de dégager des parentés à la fois chronologiques et thématiques ; elles favorisent la possibilité d’une restitution de ces inscriptions à Belalis Maior et garder à Ksar Mezouar sa nature strictement domaniale. Mots clés : Ksar Mezouar, Belalis Maior, domaines impériaux, lois agraires, Commode, Marc Aurèle, équipement monumental, proconsuls d’Afrique, ambiance municipale. ABSTRACT The identification of Ksar Mezouar, a rural archaeological site in the vicinity of Vaga, with the center of an imperial saltus is based on a lacunar text of a large inscription mentioning a « social conflict » from the time of Commodus. However, in spite of the value of this text as an element of identification, the state nature of this site remains disputed because of the discovery here of four inscriptions which translate a strictly municipal atmosphere, hence the hesitation of the specialists to classify it in the list of the cities or that of the imperial properties. The examination of these last texts in the light of the epigraphic corpus of the neighboring town of Belalis Maior, allows to identify both chronological and thematic relationships; they favor the possibility of a restitution of these last inscriptions to Belalis Maior and to keep Ksar Mezouar in its strictly domanial nature. * Université de Tunis (Faculté des Sciences Humaines et Sociales) ; membre du laboratoire de recherche « Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval » (LR13 ES11), Université de Sousse (Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse). lotfinaddari@gmail.com. 3 Lotfi NADDARI Key words : Ksar Mezouar, Belalis Maior, imperial estates, agrarian laws, Commodus, Marcus Aurelius, monumental equipement, proconsuls of Africa, municipal atmosphere. INTRODUCTION L’étude que nous consacrons à la regio Vagensis et Vilthensis, une circonscription domaniale du tractus Carthaginiensis, que fait connaitre une dédicace d’époque sévérienne1, nous a conduit à réexaminer le dossier épigraphique des centres domaniaux de la rive gauche de l’oued Majrada, non loin de Vaga, de Viltha et de Belalis Maior : Saltus Burunitanus (Souk el Khémis), Aquae Traianae (Hammam Sayyala), Aïn Zaga, Hr. Sriou…, et surtout Ksar Mezouar2, objet de la présente contribution. Le site en question se trouve à une quinzaine de km au nord-nord-est de la ville de Vaga et à 8 km à l’est-nord-est de Belalis Maior, sur la voie qui reliait Vaga à Hippo Diarrhytus, via Thizica et Matera. Fig. 1. Carte de localisation de Ksar Mezouar et de Belalis Maior. (Carte de l’auteur) 1 2 Naddari 2020, p. 509-524. AAT1, Béja, XVIII, 89. 4 Rendre à Belalis ce qui est à Belalis Sur le plan archéologique, le site est aujourd’hui dominé par une ferme d’époque coloniale en mauvais état de conservation, dans la cour de laquelle sont exposés plusieurs objets antiques : des éléments de décor architectonique en particulier (fragments de futs de colonnes, chapiteaux et bases…) ainsi qu’une meta et un catillus et des pierres de grand appareil. Les éditeurs de L’Atlas archéologique de Tunisie, en se fondant sur un rapport du capitaine Moinier remontant à l’année 1883, retiennent l’existence d’une enceinte fortifiée construite en pierres de grand appareil (Fig. 2). Il doit s’agir ainsi d’un matériel archéologique qui révèle en effet la nature rurale et domaniale de ce site. D’ailleurs, il fut identifié avec le centre d’un saltus impérial à la lumière de l’une des Grandes inscriptions de la moyenne vallée de l’oued Majrada : le texte lacunaire d’une table brisée en trois fragments relatant un « conflit social » de l’époque de Commode3 rappelant celui des inscriptions du même genre provenant de Souk el Khémis (Saltus Burunitanus)4 et de d’Aïn Zaga5. (Fig. 3) Fig. 2. Les ruines de la fortification de Ksar Mezouar. (D’après MOINIER 1883, BAH, XVIII, p. 59-64). 3 4 5 CIL, VIII, 14428 = IlTun. 1220. CIL, VIII, 10570 = CIL, VIII, 14464 = ILS, 6870 = IlTun., 1237. CIL, VIII, 14451 = ILPB, 180. 5 Lotfi NADDARI Fig. 3. La grande inscription de Ksar Mezouar, fragment a du CIL, VIII, 14428 = IlTun. 1220. Toutefois, en dépit de la valeur et de la teneur de cette grande inscription, la nature domaniale de ce site est restée litigieuse en raison de la découverte dans le même site d’un lot de quatre inscriptions qui traduisent une ambiance strictement municipale dans le cadre de la Proconsulaire du Haut et du Bas-Empire, que voici6 : 1- CIL, VIII, 14427 = AE, 2017, 1713 Plaque (?). Hl. : 3,5-2,5 cm. Pro salute Imp(eratoris) Caes(aris) M(arci) Aureli Antoni/ni Aug(usti) Armeniaci Medici Parthici maximi / Germanici et Faustinae Aug(ustae) liberor(um) q(ue) eor(um) / Victorias duas quas C(aius) Annedius Seuerus / [ob] honorem decurionatus C(aii) Annedi Hono/[rati Se]ueri Terentiani et C(aii) Annedi Seueri / [---]ati filior(um) suor(um) taxatis legitim/[is apud acta pro]miserat C(aius) Annedius Hon[ora/tus Seuerus Terentianus] fil(ius) eius amp[liata pe]/[cunia posuit idemq(ue) dedicauit. L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum)]. « Pour le salut de l’Empereur César Auguste Marcus Aurelius Antoninus, vainqueur des Arméniens, des Mèdes, grand vainqueur des Parthes, vainqueur des Germains, de Faustine Augusta et de leurs fils. Les deux (statues) de Victoire qu’avaient promises Caius Annedius Seuerus avec les sommes légitimes en l’honneur du décurionat de 6 CIL, VIII, 14427 ; CIL, VIII, 14429 ; CIL, VIII, 14430 = ILPB, 377 ; CIL, VIII, 14431. 6 Rendre à Belalis ce qui est à Belalis ses fils Caius Annedius Honoratus Seuerus Terentianus et Caius Annedius Seuerus [Honor]atus ?, son fils, Caius Annedius Honoratus Seuerus Terentianus les a érigées et dédiées en augmentant la somme. Emplacement concédé par décret des décurions. » Date : entre 172 et 175 apr. J.-C. Marc Aurèle est dit Germanicus en 172 ; il n’est pas encore Sarmaticus, titre ex uirtute qui lui a été attribué en l’année 175. 2- CIL, VIII, 14429 (H. 60 cm ; l. 100 cm ; Hl. 10 cm). [---]m semper Augg(ustorum) T[---] [--- ci]uitatis et alios p[---] [--- ad]iuuantibus Cl(audio) V[---] [--- du]ouir[o --- cu]r[a]tor[e rei publ(icae) ?---]. Pour cette dédicace monumentale fragmentaire en l’honneur de deux empereurs dont les noms sont difficiles à restituer, outre l’expression semper Augg(ustorum), caractéristique de la titulature impériale du Bas-Empire, elle comporte le cursus d’un notable arrivé au faîte des honneurs municipaux, duumvir puis curator reipublicae ainsi que le mot ciuitas au génitif singulier (ciuitatis). 3- CIL, VIII, 14430 = ILPB 377 [Pro salute ( ?) ---- DD NN] [---] [--- inuictissim- vel inuict]orum prin[cipum ---] [---] proprio sum(p)tu c[onstruxit ?---]. Une dédicace impériale en l’honneur de deux empereurs du Bas-Empire (inuictissimi principes) pour commémorer la construction d’un monument indéterminé aux frais d’un évergète local. 4- CIL, VIII, 14431 (dalle ; H. 50 cm ; large de 120 cm ; Hl. entre 14 et 10 cm), [---]o Iuliano u(iro) c(larissimo) am[plissimoq(ue) proconsule ---] [per ?---]um excepto[rem ---]/ D(ecreto) D(ecurionum). 7 Lotfi NADDARI C’est un fragment d’une inscription monumentale signée d(ecreto) d(ecurionum), mentionnant à l’ablatif de datation un proconsul qualifié d’amplissimus. C’est un qualificatif déterminant pour l’identification du gouverneur de la Proconsulaire nommé Iulianus. Cl. Lepelley hésita en fait entre trois proconsuls du IVe siècle : • Amnius Anicius Iulianus (vers 300-303)7, • M. Ceionius Iulianus (entre 326 et 333)8, • Sextius Iulianus (entre 371 et 373)9. Néanmoins, A. C. Pallu de Lessert, par une étude croisée qui met à contribution quelques inscriptions provenant de sites de la Proconsulaire, a déjà tranché cette affaire en faveur du second : M. Ceionius Iulianus10. Son nom figure déjà sur cinq inscriptions : une de Thubursicu Bure11, une de Bulla Regia12, une de Madauros13, et deux de Belalis Maior14. En effet, ce proconsul est le seul parmi ces trois qui est dit amplissimus proconsul dans les textes provenant de Thubursicu Bure et de Bulla Regia mentionnées ci-dessus. Pour les deux autres proconsuls envisageables, alors qu’Amnius Anicius Iulianus n’est mentionné jusque-là par aucun texte épigraphique africain, Sextius Iulianus est bien connu par un lot de quatre textes épigraphiques de la Proconsulaire15 et par des lettres groupées dans Symmaque16, mais sans qu’il ne soit qualifié d’amplissimus proconsul. Ainsi ces quatre inscriptions à caractère municipal découvertes à Ksar Mezouar viennent 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 PLRE, p. 473-474 ; PALLU DE LESSERT 1901, II, p. 5,9. PLRE, p. 476 ; PALLU DE LESSERT 1901, II, p. 39, 212. PLRE, p. 479-480 ; PALLU DE LESSERT 1901, II, p. 75. Pallu de Lessert 1901, II, p. 39-41. CIL, VIII, 15269 = IlTun., 1337 : [---] dedicante [---] / Caeionio Iu/liano ampli/ssimo proc/onsule cla[rissimo uiro [---]. CIL, VIII, 25525: Kamenii / consularis / familiae uiro / adque a paren/tibus patrono / Ceionio Iuliano / ampl(issimo) procons(uli) c(larissimo) u(iro) / uice sacra cog/noscen[ti] / [sple]ndidissim[us] / [ordo Bull(ae) Reg(iae)] / [patrono posuit]. IlAlg., I, 4011 = 2162 = AE, 1922, 16: [Ceion]io (?) Iulia/no [c(larissimo) u(iro) p]atrono col(oniae) / bono [a]dque prae/stanti e[t] senatoriae / dignitatis ornamen/[to] / cuius proconsulatu / [beneficia] plurima ci/ [uitas et res] publica fuerit / [consecuta s]tatuam marmo/[ream pone]ndam cliens / ordo Ma[dau]rensium et/si impari beneficiis eius ho/norifico obsequio decre/uit eamque Aurelii / Saturninus Crescenti/anus fl(amen) p(er) p(etuus) p(atronus) c(oloniae) et Nicander / fl(amen) p(er)p(etuus) p(atronus) c(oloniae) fratres etiam atque / aduectam propria li/beralitate posuerunt. CIL, VIII, 14436 = ILS, 5518 (= Mahjoubi 1978, p. 150-152, fig. 49a et b) : B{a}eatissimo saeculo In[u]i[c] torum principum [Fl(aui) Valeri Constantini Maximi] / uictoris semp(er) Aug(usti) et Constantini Iun(ioris) et Constanti gloriossim(orum) Caes(arum) --- non solum ordinis] / aedem siue curiam sed et sexsagonem (!) seruata [porticu et murorum parte --- refecit cu]/riam uero a fundamentis conla(psam) proconsulatu M(arci) Ce[io]ni Iul[iani] c(larissimi) u(iri) [---] / et Gezei Largi Materniani c(larissimi) u(iri) leg(ati) eius pat(roni) c(oloniae) n(ostrae) ex istitu[tione---] / et aiutorium L(uci) Modi Valentionis cur(atoris) r(ei) p(ublicae) eius curante [---]. AE, 1978, 864 (= Mahjoubi 1978, p. 207, fig. 85 bis) : Beatissim[o saeculo inuictorum principum Fl(aui) Valeri Constantini maximi uictoris semper Aug(usti) et Constantini Iun(ioris) et Constanti glori]/osissimor[um Caes(arum) ---] / parua solum [---] / quo cla(u)sa(?) clu[aca?---pro]/[con]sul(atu) [M(arci) C]ae(i)on[i Iuliani c(larissimi) u(iri) ---]/[---]a uetusta[te conlapsa ---]. CIL, VIII, 1447 (Thubursicu Bure), CIL, VIII, 12455 = 995 = ILS, 788 (Carpis), CIL, VIII, 12537 (Carthage), CIL, VIII, 16400 (Hr. Bou Houia, environs de Musti). Ep. III, 1, 9. 8 Rendre à Belalis ce qui est à Belalis instaurer une véritable ambiguïté administrative d’où l’hésitation et la difficulté à ranger ce site parmi la liste des cités ou celle des propriétés impériales. D’ailleurs, Cl. Lepelley l’intègre dans le deuxième volume de son ouvrage consacré aux cités des provinces africaines au BasEmpire17 ; en revanche E. Beaudouin et M. Grira, à titre illustratif, le classent parmi les propriétés impériales de cette même province18. *** Ainsi, après avoir posé le problème d’identification de la nature de ce site en fonction des documents qui y furent découverts, nous tenterons un essai de contextualisation en vue lever le doute à propos de la nature de ce site : domaniale ou municipale ? L’examen de l’ensemble de ces textes à la lumière du corpus épigraphique de ville voisine de Belalis Maior (Hr. El Faouar), permet de dégager des parentés à la fois chronologiques et thématiques entre les inscriptions découvertes ici et là. S’agissant de la dédicace n° 4, elle a d’abord l’intérêt de mentionner à l’ablatif de datation le proconsul M. Ceionius Iulianus (entre 326 et 333), pour commémorer un acte édilitaire : la construction ou la restauration d’un monument bâti sous son égide. Ensuite, pour la 2e ligne, les éditeurs du CIL, VIII proposent de restituer [per ?---]um excepto[rem---] laissant comprendre que l’objet de la dédicace a été réalisé par les soins d’un exceptor (secrétaire) anonyme. C’est ainsi d’ailleurs que cette fonction apparait dans la liste des apparitores et officiales magistratuum, imperatoris, vectigalium des indices du CIL, VIII19. Toutefois, on voit mal une participation d’un exceptor, dont la fonction est rarement mentionnée dans l’épigraphie africaine20, dans une affaire liée à l’équipement monumental sous la tutelle d’un proconsul. Néanmoins, contrairement à cette restitution, il est tout à fait possible que le mot fragmentaire excepto[---] soit lui-même à l’objet de la dédicace d’où la restitution excepto[ria], un accusatif pluriel du substantif exceptorium (= piscine/réservoir). C’est là un monument assez fréquent dans l’épigraphie africaine où l’eau était mise en réserve essentiellement au service des thermes21. Ainsi, si cette restitution est admise, il semble que cette inscription monumentale soit liée à la construction ou à la restauration des exceptoria (= les réservoirs) durant le proconsulat de M. Ceionius Iulianus, 326 et 333, sous Constantin le Grand. Par ceci, le monument en question, les exceptoria en l’occurrence, et l’autorité de présidence (le proconsul M. Ceionius Iulianus) accentuent le 17 18 19 20 21 Lepelley 1981, t. II, p. 255. Beaudouin 1898, p. 27-115, 194-219, 301-350, 545–584, 694-746 ; Grira 1997, p. 37-39 ; 109-110 et 139-141 Voir Indices du CIL, VIII, p. 198. Dans l’état actuel du dossier épigraphique africain, sauf faute de ma part, on compte seulement quatre textes (un peu plus : voit EDCS) mentionnant d’une façon certaine la fonction d’exceptor : CIL, VIII, 10723 = CIL, VIII, 17634 (Vazanis) ; CIL, VIII, 17896, 34 (Thamugadi), IRT, 13 (Lepcis Magna) ; AE, 1929, 62 (texte chrétien de Bir Tlelsa). CIL, VIII, 4291 = ILS, 3063 (Aïn Drine), AE, 1912, 182 AE, 1917-1918, 98 = IlAfr. 285 IlAfr. 268 (Thuburbo Maius), CIL, VIII, 5335 = IlAlg. I, 256 (Calama), IlTun. 1500 = IlAfr., 573 = AE, 1904, 121 = AE, 1925, 31 = ILPB, 225 = DFH, 42 (Thugga). Voir également Merlin A., 1917, p. 66-77 (p. 73-74 particulièrement). 9 Lotfi NADDARI caractère municipal de cette inscription monumentale, dont la teneur est loin d’être liée à une structure rurale quelconque dans laquelle le proconsul n’exerce d’ailleurs aucune tutelle administrative. Soulignons à cet égard que dans le contexte géographique local, le proconsul M. Ceionius Iulianus, mentionné ici dans cette inscription de Ksar Mezouar, apparaît également dans deux inscriptions de la ville voisine de Belalis Maior22, dont l’une est de surcroît relative à un chantier de réaménagement des thermes du forum : « la réparation de la conduite qui évacue les eaux du grand bassin du frigidarium vers le collecteur des latrines »23. De même, un château d’eau a été repéré à proximité de cette installation thermale, composée d’un puits-réservoir et de deux citernes juxtaposées24. C’est peut-être à ce château d’eau de Belalis Maior et de ses composantes que fait allusion la séquence [---]um excepto[ria] de l’inscription fragmentaire découverte à Ksar Mezouar. Il semble qu’un programme d’équipement monumental à Belalis Maior ait été exécuté durant le proconsulat de M. Ceionius Iulianus : reconstruction de la curie (aedem siue curiam) et d’un édifice à six côtés (sexago), réaménagement des thermes du forum, et de ses exceptoria éventuellement, d’où la restitution que nous proposons pour la deuxième ligne de cette même inscription n° 4 : [thermar ?]um excepto[ria]. Par cette lecture nous inscrivons cette inscription découverte à Ksar Mezouar dans le dossier homogène relatif au programme de construction et de restauration dans la ville de Belalis Maior sous les auspices du proconsul Iulianus, surtout celui du réaménagement des thermes du forum. Tout cela lui a valu sa cooptation, ainsi que son légat du diocèse de Carthage (Gezeius Largus Maternianus), comme patroni de la ville25. Pour toutes ces raisons nous proposons de restituer ce texte comme suit : [B{a}eatissimo saeculo Inuictorum principum Fl(aui) Valeri Constantini Maximi / uictoris semp(er) Aug(usti) et Constantini Iun(ioris) et Constanti gloriossim(orum) Caes(arum) --- M(arco) Ceioni]o Iuliano u(iro) c(larissimo) am[plissimoq(ue) proconsule et Gezeio Largo Materniano c(larissimo) u(iro) leg(ato) eius] / [thermar ?] um excepto[ria ---]/ D(creto) d(ecurionum) [p(ecunia) p(ublica)]. Apparat critique : Le texte souligné est restitué en se fondant sur les deux textes cités de la même époque, évoquant le même proconsul, provenant de Belalis Maior (CIL, VIII, 14436 = ILS, 5518 et AE, 1978, 864 (= Mahjoubi A., 1978, p. 207, fig. 85 bis). 22 23 24 25 CIL, VIII, 14436 = ILS, 5518 (= Mahjoubi 1978, p. 150-152, fig. 49a et b) ; AE, 1978, 864 (=Mahjoubi 1978, p. 207-208, fig. 85 bis). AE, 1978, 864 (=Mahjoubi 1978, p. 207-208). Mahjoubi 1978, p. 201-204. CIL, VIII, 14436 = ILS, 5518 (=Mahjoubi 1978, p. 150-152, fig. 49a et b). 10 Rendre à Belalis ce qui est à Belalis Nous envisageons par là un déplacement de cette inscription de Belalis Maior, vers Ksar Mezouar, son lieu de découverte. De même, deux autres inscriptions de ce même site (n° 2 et 3), de par leurs supports (des fragments de linteaux probablement) et de leurs libellés, rappellent des textes de Belalis Maior renvoyant également à des chantiers de construction effectués sous le Bas-Empire romain. Plus significative est l’inscription n° 2 datable du règne conjoint de deux empereurs du Bas-Empire qualifiés de semper Augusti; elle serait peut-être contemporaine de celle commemorative de la reconstruction des portiques du forum de Belalis Maior sous le règne conjoint de Constantin et Licinius Augustes et de Crispus, Licinius et Constantin II le Jeune Césars26. Nous accréditons ainsi une constation de Cl. Lepelley lorsqu’il souligna « à Belalis Maior au IVe siècle, une importante campagne de restauration, d’agrandissement et de reconstruction des principaux monuments municipaux. »27 Ce parallélisme patent entre les inscriptions du Bas-Empire découvertes à Ksar Mezouar et celles découvertes dans la ville voisine de Belalis Maior datables de la même période se confirme davantage par le dossier épigraphique de l’époque de Marc Aurèle. En effet, la dédicace découverte à Ksar Mezouar rendant hommage à l’empereur Marc Aurèle, à Faustine la Jeune et à leurs enfants, datée entre 172 et 175 apr. J.-C. (n° 1), est une inscription à caractère municipal par excellence. Elle emploie un vocabulaire courant dans le langage épigraphique municipal : le décurionat, la taxatio et l’ampliatio. Elle fait référence à deux statues de la Victoire élevées pour le salut de Marc Aurèle, son épouse Faustine la Jeune et leurs enfants, en l’honneur du décurionat de deux jeunes frères de la famille des Annedii. À son tour cette inscription s’insère parfaitement dans un dossier épigraphique assez riche de Belalis Maior rendant hommage aux membres de cette même famille. On connait déjà : • Une base de statue en l’honneur de Marc Aurèle datable de l’année 164-165 ap. J.-C.28 • Trois dédicaces rendant hommage à ses fils : M. Annius Verus, au milieu de l’année 166, avant l’obtention du titre de Caesar29, Aurelia Galeria Lucilla,30 et Aurelia Sabina, sa fille cadette, datée peu après sa naissance en 170 ou 171/172 au plus tard31. 26 27 28 29 30 31 AE, 1978, 846 (=Mahjoubi 1978, p. 165-169): [Beatissimo (?) saecolo (?) domi]norum nostror[um Flaui Valeri Consta]ntini maximi [et Liciniani] Licini semper [Augg(ustorum) et Flaui Valeri Crispi et Lic]iniani Licini [et Fl]aui Clau[di Constantini] iunioris florentissimorum Caesarum [---] Garg[ilius ---] pecunia [publica]. Lepelley 1981, II, p. 81. CIL, VIII, 14435 (=Mahjoubi 1978, p. 155) : Imp(eratori) Caes(ari) / M(arco) Aurelio / Antonin[o] / Aug(usto) Armeni/aco p(ontifici) m(aximo) tr(ibunicia) p(otestate) / XVIIII imp(eratori) III co(n)s(uli) III / d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica). AE, 1978, 839 : [M(arco) An]nio Vero / [Imp(eratoris) Ca]es(aris) M(arci) Au/[reli A]ntonini / [Aug(usti)] Armeniaci / [P]arthici Medici / filio / d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica). Pour la datation de ces hommages rendus aux enfants de Marc Aurèle à Belalis Maior, légèrement différente par rapport à celle proposée par A. Mahjoubi (Mahjoubi 1978, p. 156-158) voir Hurlet 2000, p. 323. AE, 1978, 840 : [[Aureliae Galeriae]] / [[Lucillae Aug(ustae)]] / Imp(eratoris) Caes(aris) L(uci) Aureli / Veri Aug(usti) Armeni/aci Parthici Ma/ximi Medici / d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica). AE, 1978, 841 : Aureliae [Sabinae] / Imp(eratoris) Caes(aris) M(arci) Au[reli] / Antonini Aug(usti) / Armeniaci [Par]/thici Med[ici] / [fili]ae / d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica). Pour la date de naissance de cette 11 Lotfi NADDARI Ainsi, tout porte à croire que toutes ces inscriptions de l’époque de Marc Aurèle découvertes à Belalis Maior et celle de Ksar Mezouar appartiennent à un dossier épigraphique homogène provenant vraisemblablement de la première. Elles témoignent de la place particulière qu’occupait cet empereur et les membres de sa famille à Belalis Maior et dans l’ensemble des cités de la pertica de Carthage32. Pour l’homogénéité de ce dossier de l’époque de Mac Aurèle, à la fois chronologique et formelle, il est possible que toutes ces inscriptions aient été exposées dans un même espace, dans le forum de la ville par exemple. Mais, rien n’empêche de songer à un temple du culte impérial, un augusteum, non seulement pour le culte de Marc Aurèle, mais également celui de l’ensemble de la domus diuina : son épouse Faustine la Jeune et tous leurs enfants, même ceux morts en bas-âge. Nous le rapprochons à d’autres augustea africains pour le culte de cette même famille : à Sufetula33, à Thysdrus34 et à Sabratha35. La proximité entre les deux sites et surtout les parentés chronologiques et thématiques entre les inscriptions découvertes ici et là, semblent favoriser l’idée d’un déplacement et d’un transport de ces inscriptions, à un moment qui nous échappe, de Belalis Maior vers le site de Ksar Mezouar, pour servir peut-être de matériaux de remploi lors de la construction de la fortification tardive repérée à la fin du XIXe siècle36. Il est utile de souligner que le scénario du déplacement de ces pierres inscrites de Belalis Maior à Ksar Mezouar, que nous envisageons, pour servir de matériaux de remploi au profit d’une forteresse de l’antiquité tardive, n’est pas un fait insolite. Un cas parallèle, très fameux, est celui des pierres inscrites, des éléments d’architraves et des frises monumentales de la ville de Mactaris déplacés durant l’antiquité tardive vers le site dit Ksar Bou Fatha, situé à quelque 4 km vers le sud37. *** Ainsi, de ce qui précède, c’est la nature domaniale du site de Ksar Mezouar qui serait à retenir à la lumière de l’inscription commémorative de la pétition de l’époque de Commode et nier l’existence de toute phase ou ambiance municipale dans ce saltus impérial. Toutes les inscriptions à caractère municipal du Haut et du Bas Empire qui y furent découvertes seraient 32 33 34 35 36 37 fille de Marc Aurèle, en 170 ap. J.-C. ou en 171/172, voir Kienast 1990, p. 140 ; Ameling 1988, p. 6770 ; Hurlet 2000, p. 323, note 95. Mahjoubi 1978, p. 158-159. Naddari 2018, p. 1167-1199. Slim 2001, p. 161-180 ; Naddari et Hssini Hamdi 2017, p. 119-141. Bartoccini 1964, p. 21-42. Ce rapprochement est valable également pour une inscription chrétienne rédigée en grec byzantin découverte à Ksar Mezouar (CIL, VIII, 14426) ; elle présente des parentés à la fois formelle, textuelle et chronologique avec une inscription découverte à Belalis Maior (Mahjoubi 1978, p. 341, fig. 130, a). Gravées toutes les deux sur des cippes-autels de 50 cm de côté, elles alignent des textes grecs très brefs faisant référence à une expression liturgique chrétienne d’époque byzantine. Pour les inscriptions de Mactaris trouvées à Ksar Bou Fatha, voir à titre d’exemple : AE, 1899, 113 ; CIL, VIII, 677 = 11910 ; CIL, VIII, 23599 = AE, 2010, 1791 ; CIL, VIII, 23601 = AE, 1898, 107. Le dossier archéologique et épigraphique de ce site fera l’objet d’une étude à part. 12 Rendre à Belalis ce qui est à Belalis à restituer au dossier épigraphique de Belalis Maior, d’où notre titre « rendre à Belalis ce qui est à Belalis ». RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES CITÉES Ameling 1988 : W. 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Mélanges de l’Ecole française de Rome Antiquité MEFRA 130-2 2018 MEFRA – 130/2 – 2018, p. 509-521. Municipium Mactaritanum Lotfi n addari * L. Naddari, Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis, Laboratoire de Recherche « Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval », Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Sousse (Tunisie) – lotfinaddari@gmail.com Le réexamen du dossier épigraphique mis à contribution pour écrire l’histoire municipale de la colonia Aelia Aurelia Mactaritana permet de revoir les scénarios proposés par les spécialistes de l’histoire municipale des cités africo-romaines. Pour une cité profondément romanisée, chef-lieu du pagus Thuscae et Gunzuzi et siège du bureau des Quattuor publica Africae, il serait difficile d’admettre qu’elle ait pu garder le statut de ciuitas pérégrine jusqu’au dernier quart du IIe siècle de l’ère chrétienne avant d’accéder au rang de colonie. Aujourd’hui, la révision d’une inscription datable du règne de Marc Aurèle (CIL VIII, 11799 + IlAfr, 200 a et b + AE, 1960, 114) et la découverte d’un fragment épigraphe qui vient compléter une dédicace en l’honneur du clarissime africain M. Valerius Quadratus (CIL VIII, 11811 = ILPB, 103) nous donnent l’occasion d’envisager autrement les différentes phases de l’histoire municipale de cette cité et de préciser notamment qu’elle fut d’abord municipe de droit latin. Mactaris, Althiburos, histoire municipale, Antonin le Pieux, Marc Aurèle, capitole, thermes, proconsul d’Afrique, M. Valerius Quadratus, notables municipaux. Municipium Mactaritanum. A new examination of the epigraphic evidence used to write the municipal history of the colonia Aelia Aurelia Mactaritana enables to revise the scenarios suggested before by the specialists of the cities of Roman Africa. Indeed, for a deeply romanized city, the chief town of the district known as pagus Thuscae et Gunzuzi, and the headquarter of the Quattuor publica Africae, it would be difficult to admit that Mactaris remained a mere civitas peregrina until the last quarter of the second century A.D. before reaching the rank of a colony. The revision of the reading of an inscription dating back to the time of Marcus Aurelius (CIL VIII, 11799 + IlAfr 200 a et b + AE, 1960, 114) and the discovery of a new epigraphic fragment of a dedication in honor of the African vir clarissimus, M. Valerius Quadratus (CIL VIII, 11811 = ILPB, 103), allow to reconstruct in a different way the various phases of the municipal history of the city and especially to establish that before receiving the status of colony, it was a Latin municipium. Mactaris, Althiburos, municipal history, Antoninus Pius, Marcus Aurelius, capitol, thermal baths, proconsul of Africa, M. Valerius Quadratus, municipal notable. Les différentes phases de l’histoire municipale de Mactaris (Makthar, dans le secteur central du Haut Tell tunisien) (fig. 1), chef-lieu du pagus Thuscae et Gunzuzi1, ont été hypothétiquement établies à partir de documents épigraphiques fragmentaires. Cela explique les différents scénarios proposés par les spécialistes de l’histoire municipale des provinces romaines d’Afrique, notamment G.-Ch. Picard, A. Beschaouch et J. Gascou. En * Ce texte a profité des remarques savantes de A. M’Charek, A. Beschaouch, L. Maurin et Kh. Marmouri. Qu’ils trouvent ici l’expression de mes remerciements les plus sincères. 1. AE, 1963, 96 ; Picard – Mahjoubi – Beschaouch 1963. effet, exception faite des documents sévériens et post-sévériens révélant la nomenclature complète de cette cité, colonia Aelia Aurelia Mactaritana2, deux dédicaces fragmentaires ont été mises à contribution pour émettre des hypothèses retraçant le processus de sa promotion juridique : une inscrip- 2. CIL VIII, 11801 = ILS, 458 ; CIL VIII, 11804 = ILS 6787 ; CIL VIII, 677 = 11910 ; AE 1949, 47. Une dédicace en l’honneur de C. Sextius Martialis (CIL VIII, 11813 = ILS, 1410), un notable de Mactaris et membre de l’ordre équestre, datant probablement de la fin du règne de Commode, fait également mention du statut de colonie, mais sans épithètes impériales. Voir M’Charek 1982, p. 125 ; Magioncalda 1992 ; Belkahia-Karoui 2009, p. 408-410, no 144. Municipium Mactaritanum 510 Lotfi n addari Fig. 1 – Carte de localisation de Mactaris, en Byzacène. D’après Desanges et al. 2010. tion monumentale de l’époque de Marc Aurèle et un hommage rendu au clarissime althiburitain de l’époque d’Antonin le Pieux, M. Valerius Quadratus3. Rappelons à cet égard que pour J. Gascou, Mactaris, sans passer par le statut intermédiaire de municipium, était restée une simple ciuitas pérégrine jusqu’à sa promotion directe au rang de colonie entre 176 et 180, c’est-à-dire sous le règne conjoint de Marc Aurèle et de son fils Commode4. Selon cette interprétation, les épithètes Aelia et Aurelia renverraient respectivement à Commode et à Marc Aurèle. Voilà déjà une lecture difficile à admettre compte tenu de la primauté de l’épithète Aelia, renvoyant à Commode, par rapport à Aurelia faisant référence à Marc Aurèle et qui aurait dû logiquement devancer Aelia. De son côté A. Beschaouch envisage un autre scénario de promotion municipale en deux temps : tout d’abord une ciuitas de droit latin sous Hadrien (d’où l’épithète Aelia), promue ensuite au rang de colonie honoraire sous Marc Aurèle seul, ce qui justifierait l’emploi de l’épithète Aurelia5 ; cette 3. CIL VIII, 11799 + IlAfr 200 a et b + AE, 1960, 114 ; CIL VIII, 11811 = ILPB, 103. 4. Gascou 1982a, p. 197-198. 5. Beschaouch 1996, p. 252. nouvelle interprétation a été alors retenue sans réserve par J. Gascou qui a abandonné l’idée d’un passage direct du statut de cité pérégrine à celui de colonie romaine6. Pour G.-Ch. Picard, la ville aurait été un « semi-municipe » entre la fin du règne de Trajan et le règne conjoint de Marc Aurèle et de Commode, sans pour autant que cela contredise l’idée qu’elle serait restée une simple ciuitas au moins jusqu’à l’année 169-1707. Mais la question qui se pose est de savoir si l’on peut admettre que Mactaris, siège du bureau des Quattuor publica Africae depuis l’époque flavienne, chef-lieu du pagus Thuscae et Gunzuzi au moins à partir du règne de Trajan et ville profondément romanisée, siège d’un conventus ciuium Romanorum au plus tard au début du IIe siècle apr. J.-C.8, ait pu demeurer une simple ciuitas pérégrine jusqu’au dernier quart du IIe siècle. Précisons d’abord que le statut de ciuitas a été déduit de l’examen d’une inscription monumentale, incomplète et fragmentaire, datée de l’année 169-170 apr. J.-C.9. Il s’agit d’un texte distribué sur six blocs jointifs en assez bon état de conservation (tabl. 1). Ils proviennent 6. 7. 8. 9. Gascou 2003, p. 235. Picard 1953 ; Picard 1987, p. 461. Picard 1966 ; Picard 1987, p. 461. CIL VIII, 11799 + IlAfr, 200 a et b + AE, 1960, 114. 511 des vestiges des thermes situés au nord-ouest de la basilique des Juvenes10. La longueur totale devait dépasser les 12 m. L’examen de l’ordinatio du texte et l’identification d’un champ anépigraphe à la fin du fragment no 3 et au début du fragment no 4 permettent de se faire une idée de l’agencement et du tracé de ces éléments de linteau et peutêtre même des entrecolonnements. Ces éléments doivent faire partie d’une frise architravée alignée sur deux ou trois faces d’un portique. Bloc Texte Dim. (cm) Réf. 1 IMP CAES M AVRELI ANT 280 × 59 × 40 AE, 1960, 114 2 ONINI AVG ARMENIACI PARTHICI MEDICI 255 × 59 × 40 IlAfr, 200, b 3 MAXIMI PP TRIB POT XXIIII COS III 279 × 59 × 40 CIL VIII, 11799, a 4 [- - -]IAS M[AC]TARITANOR[- - -] 210 × 59 × 40 CIL VIII, 11799, b 5 NNO SEXTI LATERANI PROCOS CV L RVPILIVS AV[- - -] 249 × 59 × 40 CIL VIII, 11799, c 6 RESTITVTASA non indiquées IlAfr, 200, a Reconnaissant l’intérêt considérable de cette dédicace « du point de vue de l’histoire de l’art et de l’histoire politique » de la ville et les difficultés d’identification du monument consacré, G. Ch. Picard a proposé la lecture suivante en adoptant partiellement celle de J. Schmidt au CIL VIII (11799). [I(oui) M(aximo) O(ptimo), Iunoni Reginae, Mineruae Augustae], [pro] restituta sa[lute] Imp(eratoris) Caes(aris) M(arci) Aureli Antonini, Aug(usti), Armeniaci, Parthici, Medici, [pontificis] maximi, p(atris) p(atriae), trib(uniciae) pot(estatis) XXIIII, co(n)s(ulis) III, [imp(eratoris) V, - - - ciui]tas M[ac]taritanor[um - - - extruxit? a]nno Sexti Laterani proco(n)s(ulis), c(larissimi) v(iri); L(ucius) Rupilius Au[--- leg(atus) eius dedicauit]. lecture proposée, la dédicace renvoie à l’inauguration du capitole12 qui aurait été édifié durant la 24e puissance tribunicienne de l’empereur Marc Aurèle, sous le proconsulat de L. Sextius Lateranus (169-170)13. De même, selon cette même lecture, ce serait la ciuitas Mactaritanorum qui aurait financé un tel temple. Toutefois, cette interprétation, retenue sans la moindre réserve par tous les spécialistes de l’histoire municipale des cités africaines14, présente à notre avis quelques difficultés et gagnerait à être révisée, car les blocs épigraphes pourraient être répartis et lus d’une manière différente. D’abord, en ce qui concerne la formule [ciui]tas M[ac]taritanor[um], considérée par les éditeurs du CIL VIII et surtout par G.-Ch. Picard comme étant l’auteur de la dédicace, il convient de souligner qu’il s’agit là d’une simple conjecture fondée sur l’identification de la haste précédant la terminaison -AS avec la lettre T, ce qui justifierait la restitution du mot [ciui]tas. À en croire le relevé présenté par J. Schmidt au CIL VIII, on aurait affaire à une haste légèrement oblique qui se distinguerait nettement du tracé des deux autres T du mot M[ac]TARITANOR[um]. Malheureusement, ce bloc, aujourd’hui beaucoup plus détérioré qu’il ne l’était à la fin du XIXe siècle, ne permet plus de procéder à une vérification du tracé de cette lettre (fig. 2). Fig. 2 – État actuel du champ épigraphique du bloc no 4 (CIL VIII, 11799). Cl. L. Naddari. À en juger par son contenu, son support, ses dimensions, son décor figuré11 et, surtout, par la 10. Picard 1957, p. 151. 11. Picard 1957, p. 151 et pl. XLV c. 12. Un capitole non encore identifié sur le terrain. 13. Pallu de Lessert 1896, p. 213-214 ; Thomasson 1996, p. 69, no 86. 14. Picard 1957, p. 151-152. Municipium Mactaritanum 512 Lotfi n addari Une meilleure lecture de cette partie du texte pourrait être suggérée par le texte du sixième bloc comportant les lettres RESTITVTASA que L. Châtelain15, puis G.-Ch. Picard, placèrent au début du texte en guise de formule introductive de souhait : [pro] restituta sa[lute], suivie de la titulature de l’empereur Marc Aurèle au génitif. Toutefois, cette expression n’a pas de parallèle dans le langage épigraphique16. Dans un pareil contexte, la formule pro salute, fréquemment usitée dans l’épigraphie monumentale africaine17, aurait amplement suffi. C’est d’ailleurs cette même formule qui fut restituée par les éditeurs du CIL lorsqu’ils publièrent les trois premiers fragments de cette même inscription18. En outre, c’est par cette même formule que commence la quasi-totalité des dédicaces de monuments construits en Afrique pour rendre hommage à l’empereur Marc Aurèle19. Ainsi, au lieu d’être placé en tête de l’inscription, ce bloc trouverait une meilleure position entre les blocs 4 et 5, ce qui permettrait une autre répartition des lettres. Nous dégageons d’abord le mot RESTITVTAS, un participe à l’accusatif pluriel qui doit s’accorder avec un substantif féminin au pluriel également, un monument objet d’un chantier de restauration. En effet, le pendant direct du participe restitutas ne saurait être à notre avis que le mot incomplet se terminant par la désinence -AS que nous lisons sur le bloc 4, juste avant le mot M[ac]TARITANOR[um]. Pour cette partie du texte, au lieu d’un nominatif singulier dédicant de l’inscription monumentale, en l’occurrence la [ciui]TAS M[ac]TARITANOR[um], il serait question d’un accusatif pluriel, l’objet de la dédicace tout simplement. Ainsi, nous proposons d’établir cette partie du texte comme suit : 15. Châtelain 1910, p. 401. 16. Pour le volume VIII du CIL par exemple, voir indices, p. 336-337. A. Saastamoinen (Saastamoinen 2010, p. 92) précise que cette formule n’apparaît en Afrique qu’une seule fois, dans le cas de cette inscription fragmentaire de Mactaris. 17. Saastamoinen 2010, p. 90-93. 18. CIL VIII, 11799. 19. Voir à titre illustratif les inscriptions suivantes : CIL VIII, 587 (= IlTun, 500 = ILS, 5567), 801, 1267 (= IlTun, 1275 = ILS, 5461), 14378 (+ AE, 1991, 1675), 14427, 14754, 15261 (= 1443), 22689 (= AE, 1903, 355 = AE, 1948, 5 = 1998, 1518 = IRT, 2), 25468 (= IlTun, 1221 = ILPB, 321), 27987 (= AE, 1909, 216 = IlAlg, I, 3787), 23022 (= AE, 1893, 66), AE, 1949, 27 ; AE, 1993, 233 ; AE, 1994, 1885 (pro salute et reditu) ; AE, 1996, 1712. [- - -]AS M[ac]TARITANOR[um] RESTITVTAS [- - -] Diverses possibilités sont envisageables pour définir le monument concerné par cette opération de restauration et dont le nom relève sans doute de la première déclinaison : basilica, curia, cella, platea… Compte tenu du contexte de découverte de ces blocs (les thermes situés au nord-ouest de la basilique des Juvenes) nous opterions à titre d’hypothèse pour le mot pluriel [therm]as et restituerions en conséquence : [therm]AS M[ac]TARITANOR[um] RESTITVTAS [- - -] En effet, la haste légèrement oblique précédant la terminaison -AS, de tracé différent par rapport à celui de la lettre T attestée deux fois dans le mot suivant (M[ac]TARITANOR[um]), serait celle du jambage droit de la lettre M. D’ailleurs, le tracé de cette même lettre dans plusieurs mots de ce même texte conforte cette lecture (fig. 6). Une longue liste de textes parallèles accrédite cette lecture en établissant un lien syntaxique entre un monument objet d’une dédicace (au singulier ou au pluriel) et l’adjectif restituta à l’accusatif également : – thermas Gal[lienianas r]eformatas et excultas (IlAfr, 506), – aquas Curtiam et Caeruleam perductas (…) restitutas (CIL VI, 1258 = ILS, 218 c), – [harenam(?)] amph[itheatri longi temporis [- - re]stitutam (CIL VI, 32092), – balineum refect(um) [et] basilicam uetustate conlapsum a solo restitutam (CIL VII, 287 = RIB, 605 = ILS, 2548). En conséquence, l’hypothèse qui fait de cette inscription la dédicace du capitole doit être écartée. D’ailleurs cette identification n’était fondée en réalité que sur le décor de l’intrados du soffite du deuxième bloc figurant la triade capitoline représentée au milieu d’un décor floral et animalier fantastique composé de rinceaux et de monstres (fig. 3)20. C’est là « un thème classique largement diffusé dans l’art lapidaire romain »21, et ce ne pourrait donc pas être tenu comme un indice d’identification certaine ; il revêt une valeur symbolique, en rapport avec l’idéologie impériale et la religion de Rome dans des monuments bien fréquentés. 20. Picard 1957, p. 151. 21. Benabid 2010, p. 829. 513 Fig. 3 – Le décor figuré du 2e soffite (IlAfr, 200, b). Cl. L. Naddari. Quant à la lettre A à la fin de ce sixième bloc, après la forme adjectivale (restitutas), elle s’associe sans aucune difficulté avec les lettres NNO lisibles au début du bloc no 5 de cette même inscription pour former le mot ANNO. Nous proposons donc de restituer et de lire cette partie finale du texte (blocs 4, 6 et 5) comme suit : [therm]as (?) M[ac]taritanor[um] restitutas anno Sexti Laterani proco(n)s(ulis) c(larissimi) u(iri) La séquence thermas Mactaritanorum que nous proposons pour cette partie du texte désignant le monument objet de la dédicace à l’accusatif pluriel suivi d’un adjectif ethnique au génitif pluriel dérivé du nom de la ville pourrait paraître curieuse pour dénommer un édifice thermal des Mactaritains à Mactaris même. Mais on peut la rapprocher de cas similaires révélés par une dizaine d’inscriptions faisant suivre des monuments objets de dédicaces par des adjectifs ethniques, généralement au datif. Nous citons quelques-uns à titre d’exemples dans le tableau 2. Forme Toponyme Référence balneas Amiterninis Amiternum CIL IX, 4196 balneae municipum municipii Aelii Chobae Choba CIL VIII, 8375 = ILS, 6876 thermas Ocricolanis Ocriculum CIL XI, 4090 ; AE, 1995, 439 therm]as [- - - municipii Augusti] Veientis Veii CIL XI, 3812 thermas Spoletinis Spoletium CIL XI, 4781 = ILS, 739 thermas rei publicae suae Tagilis Tagilitanae AE, 1979, 352 the[a]trum coloniae Emerite[nsium] AE, 1915, 33 = AE, 1935, 4 Emerita De l’emploi de restituta découle ainsi que la date de construction des thermes de l’Ouest, transformés tardivement en église22, serait à placer entre 22. Thébert 2003, p. 146. Fig. 4 – Les thermes de l’Ouest à Mactaris. Le bloc no 1 encore remployé dans les vestiges de l’église installée dans le frigidarium ; le bloc no 4 encore dans les environs immédiats du monument. Cl. L. Naddari. le règne de Trajan et celui d’Antonin le Pieux23 (fig. 4). À la lumière de ces détails chronologiques, la construction et plus tard la restauration de ces thermes seraient antérieures à l’édification des grands thermes de l’Est de la même ville, inaugurés en 199 apr. J.-C.24. N’étant pas la présumée ciuitas Mactaritanorum, le sujet de la dédicace est assurément L. Rupilius Au[---], mentionné au nominatif à la fin du texte, juste après la nomenclature du proconsul d’Afrique au génitif. Rappelons que selon la restitution proposée par les éditeurs du CIL, VIII, retenue par G.-Ch. Picard, il serait identifiable avec un légat du proconsul qui aurait présidé la cérémonie de la dédicace. Une pareille solution a été également retenue par les éditeurs de la Prosopographia Imperii Romani et par B.E. Thomasson25, tandis qu’elle n’est pas acceptée par Pallu de Lessert26. D’ailleurs, s’il en était ainsi, son nom serait mentionné avec le même cas que celui de son supérieur hiérarchique comme on peut le constater dans deux inscriptions découvertes à Calama et à Ucres dans lesquelles les noms des proconsuls et leurs légats apparaissent tous au génitif27. Du reste, l’emploi de l’année 23. Ce monument serait peut-être contemporain de l’édification de l’arc de Trajan ou de l’érection des bases de statues de l’époque d’Hadrien rendant hommage à Sabine, son épouse (AE, 1951, 43), à L. Aelius Caesar, son fils (AE, 1951, 44) et à C. Bruttius Praesens, proconsul d’Afrique de l’année 133-134 (AE, 1950, 66 = 1951, 227 = 1952, 53 = 94) ou contemporain des hommages rendus à l’empereur Antonin le Pieux, en l’année 157-158 apr. J.-C. (CIL VIII, 622 = 11781 ; CIL VIII, 23599). 24. G.-Ch. Picard (Picard 1974, p. 14) estime que ces thermes sont contemporains des Grands thermes Est de la ville qui sont d’époque sévérienne, datant de l’année 199 apr. J.-C. précisément. Voir également Thébert 2003, p. 146. 25. PIR, R 149 ; PIR2, R 212 ; Thomasson 1996, p. 112, no 42. 26. Pallu de Lessert 1896, p. 213-214. 27. CIL VIII, 5290 = IlAlg, I, 179 = ILS, 5477 ; CIL VIII, 1170 = 14287 = ILS, 413. Municipium Mactaritanum 514 Lotfi n addari proconsulaire n’implique pas nécessairement une mention du proconsul et de son légat. Ce détail mérite en effet que l’on s’y arrête, car A. M’Charek a déjà ouvert une autre piste que celle d’un légat, inconnu par ailleurs. En effet, dans une importante notice réservée à la famille des Rupilii, mettant en exergue la place particulière qu’ils occupèrent parmi l’élite de la société mactaritaine28 (tabl. 3), cet auteur identifie le personnage en question avec « l’un des plus riches de la cité puisqu’il s’agit du premier mactaritain connu qui se distingue par son évergétisme, en assumant les frais de construction d’un monument public »29. Ainsi, son nom étant au nominatif, il peut être évidemment tenu pour l’évergète qui aurait financé le projet de restauration ou éventuellement l’autorité municipale ayant présidé à la dédicace. Nombreuses sont en effet les inscriptions latines d’Afrique qui font emploi de l’année proconsulaire suivie par la mention des autorités présidant aux dédicaces : membres de l’élite locale arrivés au faîte des honneurs municipaux, curatores reipublicae30, flamines perpétuels31 ou même membres de l’ordre sénatorial32 ou de l’ordre équestre33. 28. M’Charek 1982, p. 203-204. Voir également BelkahiaKaroui 2009, nos 135, 143, 191 et 192. Certains des membres de cette famille, notables municipaux, ont pu accéder aux ordres supérieurs, au moins à partir de la première moitié du IIIe siècle. Ils continuèrent à marquer la vie municipale de Mactaris et même de la ville voisine de Mididi au moins jusqu’à la fin du IIIe siècle. Parmi eux se distingue en particulier P. Rupilius Pisonianus, vir egregius, curateur des deux cités (Mactaris et Mididi), où il supervisa des travaux de restauration de monuments sous le règne de Dioclétien et de Maximien (CIL VIII, 624 + 11782 +23413 = AE, 1946, 62 et 119 ; CIL VIII, 11774. Lepelley 1981, p. 292 et 296 ; Belkahia-Karoui 2009, p. 203 et 434-435, no 191). Une inscription de Rome (CIL VI, 1157 = Belkahia-Karoui 2009, p. 397, no 135), datée entre 333 et 337 apr. J.-C., fait également connaître un Rupilius Pisonianus, vir clarissimus et praefectus vigilum. 29. M’Charek 1982, p. 203. 30. Voir à titre d’exemple : CIL VIII, 12272 ; CIL VIII, 23849 = ILPB, 408. 31. Voir à titre d’exemple : CIL VIII, 1490 = 26568 = IlAfr, 533 = DFH, 43 ; CIL VIII, 5337 = IlAlg, I, 254. 32. Voir à titre d’exemple : CIL VIII, 26566 = AE, 1908, 165 = DFH, 21 ; CIL VIII, 5335 = IlAlg, I, 256 ; CIL VIII, 26567 = IlAfr, 532 a. 33. CIL VIII, 1277 = 14772 = ILS, 6809. Nom Cursus Date Réf. A. Rupilius Saturninus - Fin II première moitié du IIIe s. CIL VIII, 11865 Q. Rupilius Honoratus Flamine perpétuel ; adlectus in equestres turmas par l’empereur Sévère Alexandre Après 235 CIL VIII, 627 = ILS, 1315 P. Rupilius Pisonianus Egregius vir, curateur rei publicae de Mactaris et de Mididi 290-293 CIL VIII, 624 + 11782 + 23413 = AE, 1946, 62 et 119 ; CIL VIII, 11774 Rupilius Pisonianus Préfet des vigiles, vir clarissimus 333-337 CIL VI, 1157 e À partir de Belkahia-Karoui 2009, nos 135, 143, 191 et 192. On retiendra que cette inscription monumentale de Mactaris, vraisemblablement gravée pour le salut de l’empereur Marc Aurèle, rappelle tout simplement l’achèvement des travaux de restauration des thermes (?) durant le proconsulat de T. Sextius Lateranus (169-170 apr. J.-C.). Rupilius Au[---] serait simplement un notable municipal qui aurait présidé la cérémonie de la dédicace des thermes ou l’évergète qui les aurait financés. Une mise au point relative à un détail de la titulature de Marc Aurèle s’impose avant de proposer une lecture complète du texte ; elle concerne le titre de pontifex maximus, octroyé le 7 mars 16134, qui fait parfois défaut dans les inscriptions mentionnant la titulature de cet empereur. Ici, c’est le mot [pontificis] qui a été restitué en raison du mot MAXIMI lisible au début du bloc 3 et inséré en conséquence juste après le titre ex uirtute Medicus qui occupe la fin du texte du bloc 2. Par conséquent, et compte tenu aussi des dimensions de chacun des blocs de cette grande inscription et de la position des mots (MEDICI à la fin du premier et MAXIMI au début du second), le mot pontificis, même s’il est transcrit en toutes lettres, aurait occupé un bloc de longueur très réduite, voire incompatible avec le 34. Kienast 1990, p. 137. 515 reste des blocs. C’est pourquoi une solution plus simple consisterait à envisager de relier les blocs 2 et 3 (fig. 5 et 6), de façon à lire : Bloc 2 : IlAfr, 200, b …ONINI AVG ARMENIACI PARTHICI MEDICI Bloc 3 : CIL VIII, 11799 a | MAXIMI PP TRIB POT XXIIII COS III… au lieu de …ONINI AVG ARMENIACI PARTHICI MEDICI | [pontificis] MAXIMI PP TRIB POT XXIIII COS III… De la sorte, la séquence à retenir est selon nous la suivante : Armeniaci Parthici Medici maximi au lieu de la séquence classique Armeniaci Parthici maximi Medici. Pour un pareil schéma on peut évoquer un parallèle dans une dédicace de l’année 173 apr. J.-C. découverte à Vchi Maius commémorant la restauration et le transfert d’un monument religieux dans laquelle se succèdent les titres ex uirtute de Marc Aurèle Armeniacus, Parthicus, Medicus maximus et Germanicus ; le titre pontifex maximus fait ici défaut également35. Fig. 5 – La partie finale du bloc no 2 : IlAfr, 200. Cl. L. Naddari. Fig. 6 – Bloc no 3 : CIL VIII, 11799 a. Cl. L. Naddari. 35. CIL VIII, 26249 = AE, 1997, 1673 = AE, 1999, 1513 = AE, 2012, 1881. Voir en dernier lieu Khanoussi – Mastino 2012, p. 150-153. À la lumière de tout ce qui précède, nous proposons de lire le texte de Mactaris qui nous occupe ici comme suit : [Pro salute] Imp(eratoris) Caes(aris) M(arci) Aureli Ant|onini, Aug(usti), Armeniaci, Parthici, Medici | maximi, p(atris) p(atriae), trib(unicia) pot(estate) XXIIII, co(n) s(ulis) III, | [imp(eratoris) V, - - - therm]as (?) M[ac]taritanor[um] | restitutas, a|nno Sexti Laterani proco(n)s(ulis), c(larissimi) v(iri); L(ucius) Rupilius Au[- - - dedicauit. D(ecreto) d(ecurionum), p(ecunia) p(ublica) ?]. Pour le salut de l’empereur César Marc Aurèle Antonin, Auguste, vainqueur des Arméniens, vainqueur des Parthes, très grand vainqueur des Mèdes, père de la patrie, revêtu de la 24e puissance tribunicienne, élu consul pour la troisième fois, salué imperator pour la cinquième fois, Lucius Rupilius Au[- - -], a dédié les thermes (?) des Mactaritains restaurés durant l’année du proconsul Sextius Lateranus, homme clarissime. Par décret des décurions, à frais publics (?). Il en ressort que Mactaris est loin d’être restée une simple ciuitas pérégrine jusqu’à l’année 169-170 apr. J.-C. ; à cette date, elle doit être municipe de droit latin ou colonie36. Les corrections apportées à cette dédicace permettront de relancer le débat au sujet de l’histoire municipale de Mactaris et d’envisager un scénario différent en mettant à contribution un second document, en l’occurrence l’hommage rendu dans cette même ville à l’un des clarissimes africains les plus illustres de l’époque d’Antonin le Pieux, M. Valerius Quadratus37. On pourra ainsi retracer autrement le processus de promotion juridique de Mactaris, à la faveur d’une meilleure connaissance du cursus de ce notable et des liens qui l’unissaient à cette ville. En effet, la partie du texte de cet hommage connue jusqu’ici, conservée dans les réserves du Musée National du Bardo, est gravée sur fragment d’une plaque en calcaire brisée à gauche et écornée en bas à droite (fig. 7)38. Rédigé au datif, 36. Sur le droit latin provincial voir en particulier Saumagne 1965 ; Le Roux 1986 ; Le Roux 1996 ; Le Roux 1998 ; Chastagnol 1990 ; Chastagnol 1995. 37. CIL VIII, 11811 = ILPB, 103. PIR, III, V 124 ; PIR2, V 186 ; RE, VIII, A, col. 216, no 325 ; Corbier 1982, p. 707-708 ; Cébeillac 1972, no LXVIII, p. 149-151. 38. Nous adressons nos remerciements les plus sincères à Moncef Ben Moussa, conservateur du Musée National du Municipium Mactaritanum 516 Lotfi n addari le texte retrace le cursus sénatorial de ce clarissime connu également par d’autres textes épigraphiques provenant de sa ville natale, Althiburos, et de la capitale de l’empire39. Par un heureux concours de circonstances, un deuxième fragment de cette plaque, mis au jour dans des conditions qui nous échappent et passée inaperçue pendant une longue période, se trouve aujourd’hui exposé dans la cour de la maison des fouilles de Makthar (fig. 8)40. Commençons par donner, d’abord, le contenu du premier fragment : M VALERIỌ [- - -] NA QVADṚ[- - -] STLITIBVṢ[- - -] DIS TRIB Ḷ[- - -] LEG III AVG Q Ạ[---] NICIP[---] Fig. 7 – CIL VIII, 11811 = ILPB, 103. Bardo, et à Fatma Naït Ighil pour avoir autorisé l’examen direct de cette dédicace. 39. CIL VI, 1533 = CIL XIV, 3996 ; CIL VIII, 1829, 27772, 27776 = AE, 1908, 168. Dimensions : H. 107 cm ; l. 56 cm ; ép. 25 cm ; Hl. : entre 6,5 et 9 cm. 40. Nous adressons nos vifs remerciements à Jamel Hajji, chargé de recherches à l’INP et conservateur du site archéologique de Mactaris pour avoir facilité l’examen direct de ce fragment. Deux lectures, avec quelques variations qui concernent les deux dernières lignes, ont été proposées par A. Beschaouch et Z. Benzina Ben Abdallah, que voici : Lecture de A. Beschaouch41 : M(arco) Valerio, / [M(arci) f(ilio), Quiri]/na, Quadr[ato, Xuiro] / stlitibus [iudican]/dis, trib(uno) l[aticlauio] / leg(ionis) III Aug(ustae), q(uaestori) A[ug(usti) des(ignato). Mu]/nicip/[es mun(icipii) Aelii / Hadriani Aug(usti) Althiburitani]. Lecture de Z. Benzina Ben Abdallah42 : M(arco) Valerio, / [M(arci) f(ilio), Quiri]/na, Quadr[ato, Xuiro] / stlitibus [iudican]/dis, trib(uno) l[aticlauio] / leg(ionis) III Aug(ustae), q(uaestori) A[ug(usti) des(ignato). Municipes mu]/nicip[i(i) Althiburitani]. Notons que c’est l’identité des dédicants placés à la fin de l’inscription qui a posé problème : les municipes, sans autre précision ethnique selon R. Cagnat, les [mu]nicip[es municipii Aeli Hadriani Aug(usti) Althiburitani] selon une restitution proposée par A. Beschaouch – qui ne disposait pas alors d’une photo de l’inscription –, suivi par Z. Benzina Ben Abdallah et par tous ceux qui se sont intéressés au cursus de ce clarissime et à l’histoire municipale de Mactaris. Commandés et conditionnés par la lecture traditionnelle de l’inscription de Mactaris corrigée plus haut, selon laquelle Mactaris serait restée une simple ciuitas pérégrine jusqu’à l’année 169-170, ils étaient tous enclins à voir dans les municipes Althiburitani les dédicants de cet hommage, étant donné qu’Althiburos est connue pour être un municipe d’Hadrien et la ville natale du clarissime honoré. La découverte à Makthar du deuxième fragment (fig. 8) et la lecture que nous venons de proposer à propos de l’inscription datée de l’année 169-170 apr. J.-C. permettent de relancer le débat au sujet du processus de la promotion juridique de Mactaris, notamment en ce qui concerne le statut de municipium avant la promotion coloniale. Le deuxième fragment de la plaque épigraphe étant incomplet en haut, écorné à gauche, 41. Beschaouch 1969, p. 203. 42. ILPB, 103. 517 présente aujourd’hui un champ épigraphique légèrement écaillé comportant un texte qui vient compléter sans difficulté celui du premier fragment43. En outre, l’ordinatio du texte, sa mise en page, la hauteur dégressive des lettres et le style d’écriture adopté (des capitales africaines carrées de belle facture), confortent l’appartenance des deux fragments à une même dédicace (fig. 9-10). Voici en effet le texte gravé sur le deuxième fragment : [- - - - - -] [- - -]ẠTO X VỊṚ [- - -]VDICAṆ [- - -]TICLAVIO [- - - ]PATRONO M[.] [- - -] Ḍ D P P Fig. 9 – Les deux fragments de l’hommage rendu au clarissime M. Valerius Quadratus. Fig. 10 – Reconstitution de l’hommage rendu au clarissime M. Valerius Quadratus. Le texte complet doit s’établir comme suit : Fig. 8 – Le deuxième fragment de la plaque. 43. H. 52,5 à droite et 48 cm à gauche ; l. 60 cm ; ép. 25 cm ; h. l. : entre 9 et 6,5. Les nuances de couleur entre les deux fragments sont dues en fait aux conditions de conservation. Alors que le premier se trouvait depuis la fin du XIXe siècle dans les réserves du Musée Alaoui (l’actuel Musée National du Bardo), le second, conservé dans la cour à ciel ouvert de la maison des fouilles de Makthar, était depuis longtemps exposé aux intempéries. M(arco) Valerio, / [M(arci) f(ilio), Quiri]/na (tribu), Quadrato, (decem)uir(o)] / stlitibus [i]udican/dis, trib(uno) [la]ticlauio / leg(ionis) III A[ug](ustae), q(uaestori) A[ug(usti)], patrono m[u]/nicip[ii]. D(ecreto) d(ecurionum), p(ecunia) p(ublica). À Marcus Valerius Quadratus, fils de Marcus, de la tribu Quirina, membre du collège des dix hommes chargés de juger les litiges, tribun laticlave de la Troisième légion Auguste, questeur d’Auguste, patron du municipe. Par décret des décurions, à frais publics. Municipium Mactaritanum 518 Lotfi n addari Il est ainsi question d’un hommage public que la curie de Mactaris a rendu, decreto decurionum, pecunia publica, au clarissime althiburitain M. Valerius Quadratus, qui était alors patron du municipe44. Deux conclusions d’un grand intérêt sont à retenir : d’une part l’hommage émane non point des municipes Althiburitani retenus jusqu’ici, mais de la curie du municipe de Mactaris. D’autre part, c’est, dans cette dédicace de l’époque d’Antonin le Pieux, la première attestation du statut du municipium pour cette importante cité d’origine numide qui fut le chef-lieu du pagus Thuscae et Gunzuzi. Mentionnant la questure impériale du clarissime honoré, gérée au plus tard en 151 apr. J.-C., cette dédicace doit être légèrement postérieure aux trois inscriptions d’Althiburos qui se limitent à mentionner qu’il fut simplement quaestor Augusti designatus. Mais elle doit être légèrement antérieure à l’hommage qui lui fut rendu à Rome et qui retrace son cursus jusqu’à la préture, gérée au plus tard en 155 apr. J.-C. Le libellé de cet hommage public rendu en 148 ou en 152 apr. J.-C. est rédigé selon un style solennel comparable à celui des inscriptions laudatives accompagnant souvent les statues qui honorent les patrons des cités romaines d’Afrique. Les caractéristiques techniques du support choisi, la paléographie et le formulaire épigraphique impliquent une mise en scène de l’hommage plutôt qu’une simple base de statue. On peut songer à un piédestal monumental destiné à supporter la statue du clarissime honoré, sur la face duquel serait encastrée la plaque reconstituée et qui devait occuper une place de choix dans le paysage urbain de la ville : soit dans le forum de Trajan, soit à l’entrée d’un monument public valorisant45. 44. L’étude détaillée du cursus de ce notable althiburitain paraîtra dans les actes du 5e colloque international Frontières, territoires et mobilités au Maghreb (Antiquité et Moyen-âge) organisé par le laboratoire de recherches « Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval », faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse, 3-5 mai 2018. Coopté comme patronus municipi Mactaritani, il est possible qu’il fût préalablement patron à Althiburos. Le libellé de l’une des inscriptions de cette ville (CIL VIII, 27772) permet en effet d’envisager cette hypothèse. 45. Concernant l’emplacement des statues dans les centres monumentaux dans les cités romaines, voir à titre d’exemple Le Roux 2008, p. 569-591. Accompli en vertu d’un décret des décurions et par dépense publique, cet hommage doit être l’expression d’une gratitude manifestée par les membres de l’ordo decurionum du municipe de Mactaris, enorgueillis peut-être par un privilège quelconque, à l’égard d’un clarissime qui aurait rendu service à leur cité lorsqu’il remplissait la questure de l’empereur Antonin le Pieux. Profitant de ses liens étroits avec cet empereur, pour avoir bénéficié de son indulgentia à deux reprises et pour avoir été son propre quaestor, M. Valerius Quadratus a pu jouer un rôle important dans la promotion juridique de Mactaris46. En dépit du silence de cette inscription à propos du contexte de l’hommage rendu, il est tout à fait envisageable que le motif de la cooptation comme patron du municipe soit en rapport avec le rôle d’intermédiaire qu’il aurait assuré entre les Mactaritains et l’administration impériale en faveur de l’acquisition de ce statut47. Les Mactaritains auraient ainsi eu recours aux services d’un personnage illustre, au profil imposant. Réciproquement, pour le clarissime honoré, c’était là une occasion pour accroître sa notoriété et un rayonnement en dehors de sa ville natale, dans la mesure où il fit aboutir le dossier de promotion de Mactaris qui était en léger « retard juridique » par rapport aux cités voisines, Zama Regia et Althiburos ayant été respectivement colonie et municipe par Hadrien48. Le fait que Mactaris ait été municipium au moment de l’hommage rendu au clarissime 46. L’idée d’un lien entre un bienfait quelconque de la part de ce clarissime althiburitain à la cité de Mactaris et une reconnaissance de cette dernière a été déjà développée par N. Kallala, J. Sanmarti, J. Ramon, R. Alvarez, B. Maraoui Telmini et M.C. Belarte dans le cadre d’une publication commune portant sur la ville numide d’Althiburos et le monde de Carthage. Cf. Kallala et al. 2014, p. 141. 47. Sur les patrons des cités romaines d’Afrique voir en dernier lieu Jaïdi 2006, p. 41-60. Pour le thème des intermédiaires entre les cités et les autorités publiques, voir Christol 2008. 48. Notons à cet égard l’intégration légèrement tardive des notables Mactaritains dans les deux ordres supérieurs de l’empire, à partir du dernier tiers du IIe siècle apr. J.-C. Pour un récapitulatif sur les familles sénatoriales et équestres de Mactaris, de l’ensemble des cités de la Thusca et de la Byzacène, voir Belkahia-Karoui 2009, p. 45-48 et 67-75. Leur nombre s’accrut durant l’époque sévérienne pour se poursuivre jusqu’au IVe siècle. Dans l’état actuel de la documentation, notamment celle de datation précise, le cas le plus ancien est celui de Sex. Iulius Possessor, membre de l’ordre équestre de l’époque de Marc Aurèle et Lucius Verus. Pour le cursus de ce notable Mactaritain, voir en dernier lieu Belkahia-Karoui 2009, no 138. 519 althiburitain permet de conforter la conclusion formulée plus haut selon laquelle cette cité possédait déjà ce rang au moment de la dédicace pour le salut de Marc Aurèle. On écartera donc l’idée d’une promotion directe de Mactaris du statut de ciuitas pérégrine au rang de colonie honoraire. Ces données conduisent à une révision de la nomenclature officielle de cette cité telle qu’elle est révélée par la documentation épigraphique sévérienne et post-sévérienne (colonia Aelia Aurelia Mactaritana)49. On a affaire en fait à une nomenclature récapitulative et énumérative des deux phases de promotion de la ville jusqu’au statut de colonie. L’épithète Aurelia renverrait à l’empereur Marc Aurèle, tandis que l’épithète Aelia désignerait à notre avis Antonin le Pieux (T. Aelius Antoninus Pius)50. En effet, contrairement aux propos de J. Gascou51, il semble que l’épithète Aelium-a, quand elle est employée seule (sans l’épithète Hadrianum-a), doive renvoyer à Antonin le Pieux plutôt qu’à Hadrien. Cette solution nous semble convenir au cas de Mactaris. En effet, outre le lien que nous envisageons entre l’hommage rendu au clarissime althiburitain et l’élévation de cette ville au rang de municipe de droit latin, un faisceau d’indices signifiants, tirés de l’examen de la documentation épigraphique mactaritaine, conforte l’hypothèse d’une promotion sous le règne de cet empereur. Dans cette ville, Antonin le Pieux est honoré par trois dédicaces52 ; deux d’entre elles sont les plus anciens documents à faire connaître un vocabulaire institutionnel d’une cité de statut romain – le triumuirat quinquennalis par exemple53. 49. CIL VIII, 11801 = ILS, 458 ; CIL VIII, 11804 = ILS, 6787 ; CIL VIII, 677 = 11910 ; AE 1949, 47. 50. CIL VIII, 8375 = ILS, 6876 (municipium Aelium Choba) ; AE, 1958, 128 (colonia Aelia Augusta Tipasa) ; IlAfr, 432 (municipium Aelium Thizika) ; CIL VIII, 1779 (colonia Aelia Augusta Lares) ; CIL VI, 1685 (colonia Aelia Augusta Mercurialis Thaenae). 51. Gascou 1972, p. 124. 52. CIL VIII, 622 = 11781 ; CIL VIII, 23599. La troisième, signalée par G.-Ch. Picard (Picard 1974, p. 23) mais à ce jour inédite, est une dédicace gravée sur une frise clavée qui se rapporte à un monument « probablement tétrastyle consacré à Antonin le Pieux ». 53. CIL VIII, 622 = 11781 ; CIL VIII, 23599. D’autres inscriptions un peu plus tardives font également état de magistratures romaines : en premier lieu, le triumvirat quinquennalis (CIL VIII, 630 + 11827 = Belkahia Karoui 2009, no 197. De même pour une inscription découverte à Maghrawa (l’antique Macota) (CIL VIII, 686 = Belkahia Karoui, 2009, no 201), malheureusement de lecture incertaine, et qui Magistrats suprêmes, les triumuiri quinquennales, héritiers des trois suffètes puniques, chargés du cens, ne font de surcroît apparition dans l’épigraphie locale qu’à partir d’Antonin le Pieux. Cela vient en effet couronner un processus de romanisation institutionnelle engagé depuis le règne de Trajan quand une nomenclature romaine des institutions commence à s’établir54. Plus significatif, c’est à partir du règne d’Antonin le Pieux que commence à apparaître dans l’épigraphie locale le cursus honorum romain couronné par la préfecture des cités du pagus Thuscae et Gunzuzi, honneur accordé par délégation impériale aux notables de Mactaris ayant parcouru de brillantes carrières municipales. Sous le règne de Trajan, c’est-à-dire à un moment où Mactaris était encore une ciuitas pérégrine, le premier praefectus ciuitatium du pagus Thuscae et Gunzuzi connu jusqu’ici a été choisi parmi les officiers militaires55. De même, par la formule patronus municipi, M. Valerius Quadratus se distingue nettement du premier patron connu à Mactaris, C. Bruttius Praesens L. Fulvius Rusticus, qui fut proconsul d’Afrique à l’époque d’Hadrien (133-134 apr. J.-C.)56. L’hommage qui lui fut rendu en vertu d’un décret des décurions et par dépense publique se limite à mentionner qu’il fut patronus tout court, sans autres précisions sur le statut de la pourrait faire référence à un notable [- - -] Mactaritanus, on peut hésiter entre le duumvirat quinquennalis ou le triumvirat quinquennalis) ; en second lieu, la praefectura iure dicundo pro duumviris. (CIL VIII, 23421 = Belkahia Karoui 2009, no 202). 54. Picard 1957, p. 149. 55. AE, 1963, 96 ; Picard – Mahjoubi – Beschaouch 1963. Voir en dernier lieu Aounallah 2010, p. 24-25. C’est là un schéma qui n’est pas sans rappeler celui de la préfecture des tribus africaines. En effet, au début de l’époque impériale, peut-être jusqu’à la fin du règne des Flaviens, les praefecti gentis étaient choisis parmi les chevaliers en même temps qu’ils géraient leurs milices équestres. Un peu après, sous Trajan au plus tard, les praefecti gentis furent choisis parmi les notables municipaux des cités africaines : ceux de la préfecture des Musulamii et des Musunii Regiani par exemple, appartenaient aux notables de la colonie flavienne d’Emerita Ammaedara. 56. Thomasson 1996, no 68, p. 57-58 ; Picard 1957, p. 150. Sur la foi d’une inscription fragmentaire (IRT, 545), il est possible que ce même proconsul ait été également coopté comme patron de la ville de Lepcis Magna. La restitution que nous proposons pour les deux dernières lignes ([triumviro capitali, patrono] / [Le]pcit[ani publice]) est fondée sur deux dédicaces analogues provenant de cette même ville de la future province de Tripolitaine (IRT, 517 et 536) adressées à deux autres proconsuls d’Afrique choisis comme patrons de la cité. Municipium Mactaritanum 520 Lotfi n addari ville57. On imagine mal que Mactaris ait été municipium à cette époque-là (sous Hadrien) et que les Mactaritains aient omis d’y mentionner le statut de leur cité. Par cette promotion au rang de municipe de droit latin sous le règne d’Antonin le Pieux – qui suppose l’obtention automatique de la citoyenneté romaine de ceux qui ont réussi à se faire élire à une magistrature locale ou même ceux qui intégrèrent chaque année la curie de la ville58 – se confirme l’hypothèse selon laquelle Mactaris, tout en conservant le rôle de chef-lieu du pagus Thuscae et Gunzuzi, fut l’une des deux ciuitates promues qui avaient échappé au contrôle du praefectus pagi Thuscae et Gunzuzi59. Rappelons que ce district administratif comptait en 157 apr. J.-C. 62 ciuitates au lieu de 64 à la fin du règne de Trajan. Mieux encore, le choix sous le règne d’Antonin le Pieux de l’un des notables municipaux de Mactaris comme praefectus de l’ensemble du pagus Thuscae et Gunzuzi contribue à ce que se perpétue la prééminence de cette cité, devenue municipe de droit latin, dans son contexte administratif et régional. Ce sont là des détails de l’histoire municipale et institutionnelle de Mactaris sur lesquels on reviendra ultérieurement dans une étude plus large portant sur l’œuvre municipale d’Antonin le Pieux dans les provinces romaines d’Afrique. Dès lors, on ne pourra plus limiter son action au seul cas de Gigthis qu’il gratifia du statut de municipe de droit latin majeur60. Bibliographie Aounallah 2010 = S. Aounallah, Pagus, castellum et ciuitas. Études d’épigraphie et d’histoire sur le village et la cité en Afrique romaine, Bordeaux, 2010. Belkahia-Karoui 2009 = Th. Belkahia-Karoui, Élites des cités de « Byzacène » du Ier au IVe siècles ap. J.-C., Tunis, 2009. Benabdallah Ben Zina 1986 = Z. 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Nuove riflessioni su Ostia arcaica, par Angelo peLLegrino, Andrea carbornara, Antonia arnoLdus huyZendveLd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269-271 La necropoli di Ficana tra le prime e le ultime campagne di scavo: brevi cenni sulle novità emerse, par Margherita bedeLLo tata, Maria Rosa Lucidi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273-276 Il rituale funerario aristocratico di età orientalizzante: nuovi dati da Ficana, par Alessandro bedini . . . . . . . . . . . 277-281 Solonium, par Filippo coareLLi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283-287 IL territorio deLLa coLonia di ostia aLLa Luce di nuove indagini Mezzo millennio di storia romana a Casal Bernocchi-Malafede. I risultati degli scavi 2015, par Carla caLdarini et al. 289-294 Ritrovamenti archeologici nel corso delle opere di sistemazione del Canale Bagnolo (via Ostiense Km 22,700), par Sandro LorenZatti, Cristian d’ammassa, Angelina de LaurenZi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295-301 Recenti indagini archeologiche nell’area dello svincolo stradale di Ostia Antica sulla via del Mare, par Simona pannuZi et al. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303-307 Sistemazioni di anfore per usi diversi nel Suburbio di Ostia, par Andrea carbonara et al. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309-313 Sistematizzazione dei dati archeologici nel suburbio ostiense tra la valle di Malafede e i lembi dello Stagno, par Anna bucceLLato, Fulvio coLetti, Emanuele giannini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315-320 Indagini archeologiche tra il Canale Trasverso e l’Episcopio. Osservazioni preliminari sulle fasi post-classiche di Porto, par Cristian d’ammassa, Antonio manna, Renato sebastiani . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321-324 La villa A di Dragoncello (Acilia). Alcuni dati dello scavo e dallo studio dei reperti, par Gloria oLcese et al. . . . . . . 325-340 epigrafia Ostia dispersa, par Maria Letizia caLdeLLi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341-350 Epigrafi ostiensi nelle vendite all’asta o dagli antiquari, par Lucio benedetti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351-359 Due iscrizioni nello Schloß Glienicke di Berlino, par Antonio Licordari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361-366 Frammento epigrafico relativo a P. Claudio Abascanto, par Fausto Zevi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367-374 Procurator annonae et procurator utriusque portus au III siècle : l’évolution vers une seule fonction ?, par Michel christoL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375-386 Le donne di Ostia come proprietarie di immobili e schiavi, par Christer bruun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387-393 e Varia Un nuovo rilievo fittile con scena di mestiere dalla Necropoli dell’Isola Sacra, par Franca tagLietti . . . . . . . . . . . . 395-398 Vetri e indicatori di produzione vetraria a Ostia e Porto, par Barbara Lepri, Lucia saguì . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 399-409 Un accumulo di marmi di spoglio rinvenuti lungo la via Portuense antica in località Tenuta di Ponte Galeria, par Matthias bruno, Andrea carbonara, Cinzia moreLLi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 411-425 VARIA Dioniso e Arianna in un ipogeo dei Cristallini: la religiosità dionisiaca dei chariestatoi di Neapolis, par Lucia A. scatoZZa höricht . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 427-450 Sextus Pompée, un imperator (il)légitime à plus d’un titre : nouvelles interprétations autour de la titulature praef. clas. et orae marit. ex s. c., par Bertrand augier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451-466 L’Heliogabalium del Palatino, i suoi giardini e la cultura materiale urbana a Roma nell’età dei Severi, par Giorgio riZZo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467-508 Municipium Mactaritanum, par Lotfi naddari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 509-521 Un suonatore di cetra venduto all’asta e due bronzetti dall’acropoli di Cuma. Amare riflessioni, par Carlo rescigno . . 523-526 Table des matières du tome 130 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 527-528 Mélanges de l’École française de Rome ANTIQUITÉ Directeur Catherine virLouvet Directrice de l’École française de Rome Rédaction Nicolas Laubry Directeur des études pour l’Antiquité Directeur des publications Richard figuier Secrétariat de rédaction Franco bruni Sophie duthion Composition Hélène franchi Comité de lecture Audrey bertrand Université Paris Est-Marne-la-Vallée Elisa nicoud CNRS, UMR 7264-CEPAM (Nice Sophia Antipolis) Maria Letizia caLdeLLi Sapienza-Università di Roma Marinella pasquinucci Università degli Studi di Pisa Dominique castex CNRS, UMR 5199-PACEA (Bordeaux) Paolo poccetti Università degli Studi di Roma Tor Vergata Jean-Pierre guiLhembet Université de Paris 7-Denis Diderot Gilles sauron Université de Paris 4-Sorbonne Olivier huck Université de Strasbourg Christopher J . smith University of St Andrews & British School at Rome Jean-Luc LamboLey Université de Lyon 2 Gianluca tagLiamonte Università del Salento Daniele manacorda Università degli Studidi Roma Tre Koenrad verboven Ghent University Dario mantovani Università degli Studi di Pavia École française de Rome Piazza Navona 62 00186 ROMA © École française de Rome – 2019 ISSN 0223-5102 ISBN 978-2-7283-1390-7
LR13ES11 - ‫مخبر البحث‬ : ‫ املزاق‬،‫ البيزاقينة‬،‫البيزاقيوم‬ ‫اشتغال االرض التعمير وامناط العيش‬ ‫فعاليات الندوة العلمية الدولية السادسة‬ 2019 ‫ جوان‬15 ،14 ،13 ،‫سوسة‬ ‫أع ّدها للنشر‬ ‫عبد اللطيف مرابط‬ Mosaïque de Smirat - Musée archéologique de Sousse Byzacium, Byzacène, Muzaq : : ‫ املزاق‬،‫ البيزاقينة‬،‫البيزاقيوم‬ Occupation du sol, peuplement ‫اشتغال االرض التعمير وامناط العيش‬ et modes de vie ‫ التعمير و أمناط العيش يف بالد املغرب‬،‫“ اشتغال األرض‬ ” ‫يف العصور القدمية و الوسيطة‬ Laboratoire de Recherche - LR13ES11 “ Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval ” Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie Actes du 6e colloque international Sousse, 13, 14 et 15 juin 2019 Édités par Abdellatif MRABET Mosaïque de Smirat - Musée archéologique de Sousse Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie Édités par Abdellatif MRABET Coordination : Tarek MANI © Laboratoire de Recherche - (O. S. P. M. V. M. A. M.) ISBN 978-9973-962-48-5 / Sousse - 2021 Conception et Impression : Focus Graphics Univérsité de Sousse Faculté des Lettres et Sciences Humaines Laboratoire de Recherche - LR13ES11 “ Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval ” Actes du 6e colloque international Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie Sousse, 13, 14 et 15 Juin 2019 Édités par Abdellatif MRABET Sousse - 2021 4 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) Liste des colloques internationaux antérieurs organisés et publiés par le laboratoire de recherche LR13ES11 « Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval » : - Géographie Historique du Maghreb antique et médiéval. Etat des lieux et perspectives de recherches, Actes du premier colloque international du LR13ES11, Sousse 14, 15 et 16 mars 2014, Sousse avril 2015. - Le réseau routier dans le Maghreb Antique et médiéval, Actes du deuxième colloque international du LR13ES11, Sousse 06, 07 et 08 avril 2015, Sousse juillet 2016. - Le peuplement du Maghreb antique et médiéval, Actes du troisième colloque international du LR13ES11, Sousse 05, 06 et 07 mai 2016, Sousse mai 2017. - Vie et genres de vie au Maghreb. Antiquité et Moyen Age, Actes du quatrième colloque international du LR13ES11, Sousse 04, 05 et 06 mai 2017, Sousse novembre 2017. - Frontières, Territoires et Mobilités au Maghreb (Antiquité et Moyen Age), Actes du cinquième colloque international du LR13ES11, Sousse 03, 04 et 05 mai 2018, CPU, Tunis, 2021. SOMMAIRE Auteur Titre de l’article Pages Préface :....................................................................................................................................................................08 Sofiène Ben Moussa, Lotfi Belhouchet, Nabiha Aouadi et Rached Jaballi : Peuplement et mode de vie préhistoriques dans la région d’El-Alia (Salakta, Mahdia, Tunisie orientale)............12 Ouiza Ait Amara : Thapsus, la bataille et le rôle de Juba Ier.............................................................................................................29 Zakia Ben Hadj Naceur-Loum : Les monnaies de tombes de la Byzacène (146 av. J.-C. - 40 ap. J.-C.) : essai de réflexion sur les rites et les gestes funéraires.......................................................................................................................................................54 Najoua Chebbi : Essai d’identification des tribus voisines des Capsitani sous le Haut-Empire..................................................66 Mohamed Chérif Marzougui : Les Musunii Regiani en Byzacène occidentale, de la natio à la « respublica » : dynamique socioculturelle......83 Lotfi Naddari : Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux......................................................................................105 Claude Briand-Ponsart : Les fondations privées en Byzacène pendant le Haut-Empire.........................................................................122 Slah Selmi : Namgiddo d’Vzaae.............................................................................................................................................134 Slim Aliouet et Mondher Brahmi : Recherches géoachéologiques sur la voie antique Speculum / Capsa : Cartographie des dynamiques de son paysage géomorphologique et essai de restitution................................................................................................143 Hamden Ben Romdhane, Nesrine Nasr, Moufida Jnen, Kais Trabelsi, Bessem Ben Saad et Mansour Othman : Etudes topographique et archéologique de Henchir Douamis, un site antique inédit des environs de Caput Vada.....................................................................................................................................164 Nabil Belmabrouk : L’occupation du sol dans la région de Macomades minores-Iunci...................................................................197 Anis Hajlaoui : A propos de l’occupation d’un site de la Byzacène intérieure : Hr El Araïs (Tunisie centrale).......................218 Lazhar Nebti : Les artisans de la Byzacène : étude épigraphique...........................................................................................230 Fethi Béjaoui : Décor des mosaïques tardives de Byzacène, un art populaire ?......................................................................247 François Baratte : Quelques remarques sur la sculpture architecturale et ornementale en Byzacène à la fin de l’Antiquité....265 Abdellatif Mrabet, Mohamed Riadh Hamrouni et Tarek Mani : Nouveaux témoins de production amphorique antique au sud d’Hadrumetum / Sousse..............................279 Olfa Hsini Hamdi : Statues en toge de Thysdrus.............................................................................................................................309 Mohamed Grira : Les Staberii : une famille africo-romaine de la région de Sufes (Sbiba, Tunisie centrale)...............................321 Leila Ladjimi Sebaï : Un nouveau flamine chrétien en Afrique romaine : à propos d’un texte inédit provenant de Agger (Hr Sidi Amara) ...........................................................................................................342 Mohamed Ellefi : La province ecclésiastique de la Byzacène au Vè siècle..................................................................................350 Mourad Chetoui et El Arbi Arbi Sghaier : Note préliminaire sur la découverte d’une église rurale tardive à Koustilya (Tozeur), région de la Byzacène méridionale.........................................................................................................................................................369 Hédi Fareh : Maux et fléaux en Byzacène (146 av. J.-C. /698 ap. J.-C.)...............................................................................397 Jean-Pierre Laporte : Les Gandolphe et l’archéologie de Sousse et de la Tunisie (XIXe-XXe siècles)...............................................424 Hanène Ben Slimène : Un nouveau duc de la Byzacène sur des sceaux byzantins inédits de Carthage............................................441 Mondher Brahmi : L’archéologie rurale et le développement local de la région de Gafsa : quelques perspectives pour une diversification du tourisme rural............................................................................................................................450 ‫البيزاقيوم‪ ،‬البيزاقينة‪ ،‬املزاق ‪ :‬اشتغال االرض التعمير وامناط العيش (أعمال الندوة الدولية السادسة)‬ ‫البيزاقيوم‪ ،‬البيزاقينة‪ ،‬املزاق ‪:‬‬ ‫اشتغال االرض التعمير وامناط العيش‬ ‫‪1‬‬ ‫‪2‬‬ ‫اسية» ونشأة املدينة األميرية بإفريقية وبالد ُ‬ ‫املزاق‪( .‬ص‪-6‬ص‪)32‬‬ ‫«الع ّب ّ‬ ‫أسماء عمارة‬ ‫أعدها للنشر ‪ :‬عبد اللطيف مرابط‬ ‫تنسيق ‪ :‬طارق ماني‬ ‫حقوق النشر محفوظة ملخبر البحث ‪" LR13ES11‬اشتغال األرض‪ ،‬التعمير وأنماط العيش‬ ‫ببالد املغرب في العصور القديمة والوسيطة"‪ ،‬جامعة سوسة‬ ‫ردمد ‪ - 978-9973-962-48-5 :‬سوسة ‪2021 -‬‬ ‫تصميم و طباعة ‪ :‬فوكيس ڤرفيكس‬ ‫البيزاقيوم‪ ،‬البيزاقينة‪ ،‬املزاق ‪ :‬اشتغال االرض التعمير وامناط العيش (أعمال الندوة الدولية السادسة)‬ ‫جامعة سوسة‬ ‫كلية األداب والعلوم اإلنسانية‬ ‫مخبر البحث ‪-‬‬ ‫‪LR13ES11‬‬ ‫“ اشتغال األرض‪ ،‬التعمير و أمناط العيش‬ ‫ببالد املغرب يف العصور القدمية و الوسيطة ”‬ ‫البيزاقيوم‪ ،‬البيزاقينة‪ ،‬املزاق ‪:‬‬ ‫اشتغال االرض التعمير وامناط العيش‬ ‫فعاليات الندوة العلمية الدولية السادسة ملخبر البحث “اشتغال األرض‪ ،‬التعمير‬ ‫وأنماط العيش ببالد املغرب في العصور القديمة والوسيطة"‬ ‫سوسة‪ 15 ، 14 ، 13 ،‬جوان ‪2019‬‬ ‫أعدها للنشر‬ ‫عبد اللطيف مرابط‬ ‫سوسة ‪2021 -‬‬ ‫‪3‬‬ ‫البيزاقيوم‪ ،‬البيزاقينة‪ ،‬املزاق ‪ :‬اشتغال االرض التعمير وامناط العيش (أعمال الندوة الدولية السادسة)‬ ‫‪5‬‬ ‫الفهرس‬ ‫اجلزء العربي‬ ‫ ‬ ‫ عنوان املقال‬ ‫املؤلف‬ ‫ ‬ ‫أسماء عمارة‬ ‫الصفحة‬ ‫“الع ّباس ّية” ونشأة املدينة األميرية بإفريقية وبالد املُزاق‪6......................................‬‬ ‫بالساحل من خالل األسرار اجلل ّية يف املناقب ال ّدهمان ّية البن الد ّباغ القيرواني‪33.....‬‬ ‫بثينة بن حسني التّعمير ّ‬ ‫ ‬ ‫رشدي بلمبروك‬ ‫محاولة حتديد موقع أم األصابع‪48...............................................................‬‬ ‫محمد اللواتي هنشير النّفيضة‪ :‬امللكية العقّارية وخدمة األرض‪72...............................................‬‬ ‫جهادالصويد‬ ‫ بالد حمامة (جبل وسالت)‪ :‬الشواهد األثرية واخلصائص املجالية‪93...........................‬‬ AVANT-PROPOS Portant sur la Byzacène, un important espace taillé dans le vaste territoire de l’ancienne Proconsulaire du haut empire, les présents actes constituent une somme de 25 textes - 20 en langue française, 5 en langue arabe - consentis par des historiens et des archéologues appartenant à des horizons professionnels divers, des enseignants - chercheurs mais aussi des praticiens, archéologues et numismates. Ils viennent ici enrichir et prolonger - sans les reprendre des recherches antérieures consacrées à l’étude de ce qui fut l’une des plus dynamiques provinces africaines de l’antiquité tardive et qui, à ce titre, avait déjà motivé bien d’autres colloques, dont celui tenu par nos soins, ici même, à la faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, voici plus de vingt ans. Déclinées selon les axes qui font l’objet et le programme scientifiques du laboratoire LR13ES11 - l’occupation du sol, le peuplement et les modes de vie - les contributions ici rassemblées font la part belle à l’interrogation du sol et nous livrent de ce fait de nombreuses données archéologiques inédites, obtenues tantôt par la fouille programmée, tantôt par des enquêtes de terrain basées sur la simple prospection. En effet, comme de tradition, le thème de l’occupation du sol est celui qui nous apporte le plus de nouveautés archéologiques, servi pour la Byzacène orientale par d’intéressants résultats obtenus sur différents sites, que ce soit du côté de Sahline, dans les environs d’Hadrumetum/ Sousse, à Hr Douamis, près de Caput Vada/ Chebba, à El Alia, près de Salakta - recherche de préhistoire - ou encore plus au sud, du côté de Macomades Minores Iunci/ Younga. S’agissant de la Byzacène intérieure, méridionale et occidentale, la moisson est également bonne notamment avec un compte-rendu de fouille d’une petite église rurale tardive sise à Koustylia, entre Thiges et Tusuros, en bordure du Chott el-Jérid. A cela, s’ajoutent, des données de géo-archéologie recueillies le long de la voie Speculum-Capsa ainsi que d’autres, entièrement archéologiques, issues d’opérations de prospection menées en Byzacène centrale, notamment à Hr El Arais… L’archéologie étant aussi dans l’étude de la culture matérielle et dans le déchiffrement et l’analyse sémiotique des artefacts et de leur appréciation économique, certains textes se sont intéressés aux productions artisanales pour les étudier sous l’angle des savoir-faire et de la création (mosaïques et sculptures diverses issues d’ateliers de Byzacène) ou pour mieux en cerner les foyers et apprécier l’apport typo-chronologique (production amphorique). D’autres encore, dans une autre démarche de terrain mais, qui tient plus de la géographie historique que de l’archéologie, ont plutôt cherché à configurer et délimiter des espaces (province ecclésiastique de Byzacène) ou à situer des entités tribales dans leurs territoires (tribus au voisinage des Capsitani et les Musunii Regiani)… Construit sur la base d’une documentation principalement écrite - sources littéraires, listes conciliaires, épigraphie -, un autre lot de contributions traite de sujets aussi variés que la bataille de Thapsus, en 46 av. J-C., la politique municipale d’Antonin le pieux (Mactaritana II), les fondations privées ou encore les maux et les fléaux que la province a connus pendant l’antiquité. De même, moins hétéroclites, plus homogène car d’échelle réduite est aussi un autre ensemble de textes attachés à nous faire connaître des individualités et à retracer leurs parcours - un nouveau duc de Byzacène, un flamine chrétien de la cité d’Agger, Namgiddo d’Uzae, les staberii de la région de Sufes… Consacrée au temps médiéval et poste médiéval, la partie des actes rédigée en langue arabe est constituée de cinq contributions voulues en réponse à des interrogations ponctuelles diverses, qu’il s’agisse d’identification et de localisation de station routière avec recours à la prospection géophysique (Oum el Asabe sur la voie El-Jem-Sfax) ou d’études sur l’histoire et le peuplement de différents sites (site princier d’el-Abbassiya dans la région de Kairouan ou celui d’Enfidha) ou territoires (le Sahel et les villages de Bled Hmama, dans la montagne de Ouesselet). Cependant, le sujet de la Byzacène étant par trop vaste, les actes comptent aussi une contribution d’historiographie (Les Gandolphe) et une autre d’approche patrimoniale en vue de développement local dans la région de Gafsa, deux heureux détours qui ajoutent à l’intérêt de l’ensemble. Abdellatif MRABET Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux Lotfi Naddari 105 (p. 105-121) Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux1* Lotfi Naddari2** Résumé Ce travail est la suite d’une recherche que nous avons consacrée à l’acquisition de Mactaris (Makthar, dans le Haut Tell tunisien) du statut de municipe (Naddari L., 2018, p. 509-521). Il met à contribution une dédicace monumentale en l’honneur de l’empereur Antonin le Pieux signalée par G. Ch. Picard dans son rapport des fouilles effectuées entre 1970 et 1973. Par son formulaire épigraphique, par sa datation précise, et surtout en la rapprochant à un hommage public que les Mactaritains avaient rendu au clarissime africain, le notable althiburitain M. Valerius Quadratus, coopté patronus municipii Mactaritani, cette dédicace, demeurée inédite jusque là, trouve une place de choix dans le dossier de l’histoire municipale de cette cité de la future province de Byzacène. Elle conforte en effet l’hypothèse de sa promotion au statut de municipe sous le règne d’Antonin le Pieux. Ainsi, deux acquis majeurs en sont les résultats. Premièrement, il est définitivement établi que Mactaris, avant d’être promue au statut de colonie sous le règne de Marc Aurèle, a été bel bien municipe. Deuxièmement, on ne pourra plus limiter l’action municipale de l’empereur Antonin le Pieux au seul cas de Gigthis qu’il gratifia du statut de municipe de droit latin majeur ; la liste est encore plus longue et son œuvre municipale dans les provinces romaines d’Afrique est beaucoup plus importante… Mots-clés : Mactaris, Antonin le Pieux, dédicace monumentale, municipe, M. Valerius Quadratus. Summary This work is the result of a research that we have devoted to the acquisition of Mactaris (Makthar, in the Tunisian High Tell) of the status of municipium (NADDARI L., 2018, p. 509-521). It includes a monumental dedication in honor of Emperor Antoninus The Pius, as mentioned by G. Ch. Picard in his report on excavations carried out between 1970 and 1973. By its epigraphic form, its precise dating, and above all by bringing it closer to a public tribute that the Mactaritans have paid to the African clarissime, the Althiburitan notable M. Valerius Quadratus, co-opted patronus municipii Mactaritani, this dedication, still unpublished to nowadays, finds a place of choice in the record of the municipal history of this city of the future Byzacene province. It confirms the hypothesis of its promotion to the status of municipium during the reign of Antoninus The Pious. Thus, two major achievements are the results. First, it is definitively established that Mactaris, before being promoted to colony status under the reign of Marcus Aurelius, was indeed a municipium. Secondly, it will no longer be possible to limit the municipal action of Emperor Antoninus The Pius to the single case of Gigthis, which he granted the status of a major Latin law municipium; the list is even longer and his municipal work in the Roman provinces of Africa is much more important... Keywords : Mactaris, Antoninus The Pius, monumental dedication, municipium, M. Valerius Quadratus. Dans le rapport sur la campagne de fouille à Mactaris (1970-1973) publié dans les Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, G. Ch. Picard a signalé une dédicace en l’honneur de l’empereur Antonin le Pieux gravée sur une frise clavée faisant partie des inscriptions et des blocs récupérés de divers monuments de la ville et remployés dans les murs fortifiés des 1* Cette recherche doit beaucoup aux remarques et aux suggestions prodiguées par MM. A. Beschaouch et L. Maurin. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma profonde gratitude. Qu’il me soit permis également d’adresser mes remerciements les plus sincères à MM. J. C. Golvin et H. Ksouri pour leurs remarques d’ordre architectural. Mes remerciements vont également à mon ami S. Ben Khelifa pour son aide considérable. 2 ** Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis (Université de Tunis) ; membre du Laboratoire de Recherche « Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval », Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Sousse (Tunisie) – lotfinaddari@gmail.com 106 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) Grands Thermes de l’Est. (Fig. 1) Il l’attribue à un monument « probablement tétrastyle consacré à Antonin le Pieux. »3 Néanmoins, ce document est demeuré jusqu’à nos jours inédit. Les prospections que nous avons conduites dans le secteur sud-est du site archéologique de Mactaris4 ont permis le repérage de quatre fragments de cette dédicace monumentale incomplète. Elle vient s’ajouter, en effet, à deux hommages connus de longue date provenant de cette même cité, en l’honneur de ce même empereur 5. Par son formulaire épigraphique, par sa datation précise, et surtout en la rapprochant de l’hommage rendu au clarissime africain, notable althiburitain, M. Valerius Quadratus, coopté patronus municipii Mactaritani6, la nouvelle dédicace en l’honneur d’Antonin le Pieux s’insère dans le le dossier de l’histoire municipale de cette cité du Pagus Thuscae et Gunzuzi. Mieux encore, elle conforte les résultats auxquels nous sommes parvenu à propos de la promotion juridique de cette cité au statut de municipe de droit latin sous Antonin le Pieux7. Mais avant de présenter le nouveau document et le commenter en le confrontant aux hommages déjà rendus à Antonin le Pieux, ainsi qu’à une dédicace inédite en l’honneur de Marc Aurèle César, et pour la clarté de nos propos, nous procédons d’abord au rappel des acquis des recherches que nous avons engagées à propos de l’histoire municipale de cette cité. Fig. 1 : Les thermes de l’Est de Mactaris. (Cliché de l’auteur) C’est en effet à la lumière de la révision du texte d’une fameuse inscription monumentale de Mactaris datant de l’époque de Marc Aurèle8, qu’il nous a été possible de proposer une nouvelle lecture de l’histoire municipale de cette ville. Par la réorganisation de ses claveaux épigraphes, il s’avère en effet qu’elle renvoie tout simplement à la commémoration de la fin d’un chantier de restauration des thermes ([therm]as Mactaritanorum restitutas) et qu’elle ne comporte pas la mention d’une [ciuit]as Mactaritonorum, sujet de la dédicace du capitole comme le proposait G. Ch. Picard9. Il en ressort, manifestement, que Mactaris est loin d’être restée ciuitas pérégrine jusqu’à l’année 169-170 apr. J.-C. 3 Picard G.-Ch., 1974, p. 23. 4 J’adresse mes vifs remerciements à MM. A. Drine et M. Chaouali, qui, par les facilités et les autorisations nécessaires, ont bien voulu rendre possible la réalisation de ce travail. Ma reconnaissance va également au personnel du site archéologique de Mactaris pour leur disponibilité inlassable : Borni Benslema, Hamida Mrabti, Souad Nessiri, Sami Belaouaied, Taher Madhkour, Mohamed Belguith, Mohamed Amine Chaâbane, et Monji Hachadi. 5 CIL VIII, 622 = 11781 et CIL VIII, 23599. 6 CIL, VIII, 11811 = ILPB, 103. Corbier M., 1982, p. 707-708 ; Naddari L., 2018 a, p. 509-521 ; Naddari L., 2020. (à paraître) 7 Sur le droit latin provincial voir en particulier Saumagne Ch., 1965; Chastagnol A., 1990, p. 351-365 ; Chastagnol A., 1995, p. 217-227 ; Le Roux P., 1986, p. 325-350; ID., 1996, p. 239-253; ID., 1998, p. 313-341; ID., 2017, p. 585-608. 8 CIL VIII, 11799 + IlAfr, 200 a et b + AE, 1960, 114. C’est sur la base de cette dédicace qu’a été retenue l’idée que Mactaris est restée une simple ciuitas pérégrine jusqu’à l’année 169-170 apr. J.-C. Cf. Picard G. Ch., 1953, p. 80-82. 9 Picard G. Ch., 1957, p. 151-152. Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux Lotfi Naddari 107 (p. 105-121) Cet acquis a permis de relancer le débat autour de l’histoire municipale de cette cité et d’envisager un nouveau scénario en mettant à contribution un hommage rendu, dans cette même ville, au clarissime althiburitain de l’époque d’Antonin le Pieux, M. Valerius Quadratus10. La dalle fragmentaire connue jusqu’ici, qui affiche une partie de son cursus sénatorial11, vient d’être complétée en effet par un deuxième fragment adjacent12, lequel permet d’établir le texte complet comme suit : M(arco) Valerio, / [M(arci) f(ilio), Quiri]/na (tribu), Quadrato, (decem)uir(o)] / stlitibus [i]udican/dis, trib(uno) [la]ticlauio / leg(ionis) III A[ug](ustae), q(uaestori) A[ug(usti)], patrono m[u]/nicip[ii]. D(ecreto) d(ecurionum), p(ecunia) p(ublica). Il est ainsi question d’un hommage public que la curie de Mactaris a rendu, decreto decurionum, pecunia publica, à ce clarissime coopté patron du municipe13. Accompli en 148 ou en 152 apr. J.-C., cet hommage de l’époque d’Antonin le Pieux est, dans l’état actuel de la documentation, la première attestation du statut du municipium pour la cité de Mactaris. Il doit être l’expression de la gratitude manifestée par les membres de l’ordo decurionum à l’égard d’un clarissime qui, par ses liens étroits avec l’empereur Antonin le Pieux, a, à notre avis, contribué à la promotion de leur ville au rang de municipe14. C’est ainsi que nous avons eu l’opportunité de réviser le sens de la nomenclature officielle de cette cité telle qu’elle est révélée par une documentation épigraphique d’époque sévérienne et post-sévérienne : colonia Aelia Aurelia Augusta Mactaritana15. En effet, l’épithète Aurelia placée en seconde position renvoie à coup sûr à l’empereur Marc Aurèle, tandis que l’épithète Aelia placée en incipit dérive du gentilice impérial Aelius, à notre avis celui d’Antonin le Pieux (T. Aelius Antoninus Pius) plutôt que celui d’Hadrien (P. Aelius Hadrianus)16. Exception faite en effet de l’inscription monumentale signalée par G. Ch. Picard, Antonin le Pieux est déjà honoré par deux dédicaces (textes n° 1 et 2)17 traduisant la place de choix qu’il occupait parmi les empereurs honorés dans cette ville. Texte n° 1: CIL VIII, 622 = 11781 (Mactaris) Imp(eratori) Caesari, diui Hadri/ani f(ilio), diui Traiani Parthi/ci n(epoti), diui Neruae pron(epoti),/ T(ito) Aelio Hadriano An/tonino Aug(usto) Pio, pont(ifici) max(imo), / trib(unicia) pot(estate) XX, imp(eratori) II, co(n)s(uli) IIII, p(atri) p(atriae), / P(ublius) [---] [---] CVIVS (?) / I[---]I / IM[---]M ob hono[r]em praefec/tur[ae ---]io / in[---]. Date: 10 décembre 156- 9 décembre 157 apr. J.-C. Texte n° 2: CIL VIII, 23599 = AE, 2010, 1791 (Ksar Bou Fatha, environs de Mactaris)18 Imp(eratori) Caesari, diui Hadriani / fil(io), diui Traiani Parthic(i) n(epoti), / diui Neruae pron(epoti), T(ito) Aelio / Hadriano Antonino Aug(usto) / Pio, pont(ifici) max(imo), trib(unicia) po(testate) XXI, imp(eratori) II, / co(n)s(uli) IIII, p(atri) p(atriae), P(ublius) I[ulius A]diectus (?) praef(ectus) LXII / ciu[itatium pagus Thuscae et Gunzuzi --IIIui]r [q(uin)q(uennalis)], secun/[dum p]ollicitationem [su]am, pecunia [s]ua posuit idemq(ue) dedic(auit). D(ecreto) d(ecurionum). 10 CIL, VIII, 11811 = ILPB, 103 ; PIR, III, V 124 ; PIR2, V 186 ; RE, VIII, A, col. 216, n° 325 ; Corbier M., 1982, p. 707-708 ; Cébeillac M., 1972, n° LXVIII, p. 149-151. 11 CIL VIII, 11811 = ILPB, 103. Son cursus est révélé également par d’autres textes épigraphiques provenant de sa ville natale, Althiburos, et de Rome : CIL VI, 1533 = CIL XIV, 3996; CIL VIII, 1829, 27772, 27776 = AE, 1908, 168. 12 Naddari L., 2021, p. 271-294. 13 Naddari L. 2021, p. 271-294. 14 Sur les patrons des cités romaines d’Afrique voir en dernier lieu Jaïdi H., 2006, p. 41-60. Pour le thème des intermédiaires entre les cités et les autorités publiques, voir Christol M., 2008, p. 523-544. 15 CIL VIII, 11801 = ILS, 458 ; CIL VIII, 11804 = ILS, 6787 ; CIL VIII, 677 = 11910 ; AE 1949, 47. 16 Beschaouch A., 1996, p. 252. 17 CIL VIII, 622 = 11781; CIL VIII, 23599. 18 AAT , XXX, (f. Maktar), 185. 1 108 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) Date: 10 décembre 157- 9 décembre 158 apr. J.-C. Ces deux dédicaces ont l’intérêt également de faire référence, pour la première fois dans cette ville, au vocabulaire institutionnel d’une cité de statut romain. C’est le cas des triumuiri quinquennales, magistrats suprêmes chargés du cens, héritiers des trois suffètes puniques. (texte n° 2) Elles font connaître également, pour la première fois, à Mactaris, un cursus honorum romain couronné par la préfecture des cités du pagus Thuscae et Gunzuzi. Insérée dans le cursus municipal, cette préfecture fut accordée par délégation impériale à un notable de Mactaris arrivé au faîte des honneurs municipaux. Un peu avant, sous le règne de Trajan, c’est-à-dire lorsque Mactaris était simplement ciuitas pérégrine, le choix des praefecti ciuitatium du pagus Thuscae et Gunzuzi se faisait parmi des militaires19. Tout ceci est le couronnement d’un processus de romanisation institutionnelle entamé depuis le règne de Trajan20. *** S’agissant de l’inscription monumentale brièvement signalée par G. Ch. Picard, objet de la présente étude, elle est gravée sur quatre claveaux, dont deux sont parfaitement jointifs21. Taillés en pierre calcaire jaunâtre, et tous de forme trapézoïdale, à joints obliques, comparables aux claveaux de l’inscription du capitole d’Althiburos par exemple22, ces claveaux, de 65 cm de hauteur et de 52 cm d’épaisseur (sauf pour le 2e, en mauvais état de conservation), alignent un texte gravé sur les faces principales dépourvues de toute trace de moulures ou de traits de délimitation du champ épigraphique. Le texte est réparti en trois lignes de capitales monumentales carrées (H. l. : l. 1 : 13 cm, l. 2 : 12 cm, l. 3 : 9 cm). Pour le premier claveau, écorné en haut à gauche, long de 123 cm dans sa partie supérieure et de 117 cm dans sa partie inférieure, on peut lire sur sa face principale le texte suivant : (Fig. 2) CAES DIVI HA LIO HADRIANO A Fig. 2 : Claveau n° 1. (Cliché de l’auteur) Le deuxième claveau, qui peut bien être celui que le CIL, VIII a inventorié sous le numéro 11803, brisé de tous côtés, est de 86 cm de longueur dans sa partie supérieure, et de 90 cm de longueur dans sa partie inférieure. (Fig. 3) Seule la deuxième ligne est nettement lisible 19 AE, 1963, 96; Picard G. Ch., Mahjoubi A. et Beschaouch A., 1963, p. 121-130. Voir en dernier lieu Belkahia-Karoui Th., 2009, p. 441. Aounallah S., 2010, p. 24-25. 20 Picard G. Ch., 1957, p. 149. 21 Picard G. Ch., 1974, p. 23. 22 Kallala N., 2010, p. 231-244 et fig. hors texte. Pour une restitution architecturale complète du capitole d’Althiburos et une remise en place de sa frise clavée, voir Torcheni M., 2017, pl. LIII. Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux Lotfi Naddari 109 (p. 105-121) comportant les lettres TONINO ; les deux autres étant partiellement conservées. Pour la première, on arrive à distinguer la fin de l’arrondi de la lettre D suivi de la partie inférieure des lettres RIA ainsi que le départ du jambage de la lettre N. Pour la troisième ligne, on distingue seulement la partie supérieure des lettres DD. Fig. 3 : Claveau n° 2. (Cliché de l’auteur) DRIA[..] . ... TONINO . D D . . Le troisième claveau, le plus long, est en bon état de conservation, en dépit d’une légère cassure en haut à gauche et d’un écaillement partiel de son épiderme. Il est de 161 cm de long dans sa partie supérieure et de 147 cm dans sa partie inférieure. (Fig. 4) Il compte deux lignes bien conservées23 comportant le texte suivant : F DIVI TRAIANI P AVG PIO P M TR POT XV Fig. 4 : Claveau n° 3. (Cliché de l’auteur) Quant au quatrième claveau, il est long de 90 cm dans sa partie supérieure et de 105 cm dans sa partie inférieure. (Fig. 5) Il comporte trois lignes avec des lettres en bon état de conservation. On peut lire : - ART N DIVI NE I IMP II COS I PP 23 On distingue également une toute petite partie d’une hedera dont le reste devait se poursuivre dans un claveau adjacent. 110 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) Fig. 5 : Claveau n° 4. (Cliché de l’auteur) Tableau 1 : Récapitulatif du contenu épigraphique des quatre claveaux : Claveau 1 Claveau 2 Claveau 3 Claveau 4 DRIA[..] F DIVI TRAIANI P ART N DIVI NE LIO HADRIANO A [.]TONINO AVG PIO P M TR POT XV I IMP II COS I vacat D . D. vacat PP CAES DIVI H[.] . ... Un trou de louve est taillé au niveau du centre de gravité de la face supérieure des claveaux. (Fig. 6-8) Alors que ceux des claveaux 1, 2 et 4 sont de forme quadrangulaire, de disposition transversale ou longitudinale, celui du claveau 3 est une cavité « cruciforme » de 12 cm de longueur, 10 cm de largeur et 12 cm de profondeur, soit des dimensions et un profil en rapport avec le volume d’un bloc central, plus pesant, et offrant l’avantage d’un encastrement hermétique des éléments métalliques de la louve. Fig. 6 Fig. 7 Fig. 8 Trous de louve des claveaux 2, 3 et 4. (Clichés de l’auteur) Ainsi, pour cette inscription monumentale, et en langage architectural, elle se présente sous la forme d’une plate-bande alternant une succession de claveaux trapézoïdaux de base longue et courte. C’est un choix architectural qui a l’avantage d’alléger systématiquement la poussée des éléments supérieurs de l’entablement en diffusant leur poids de façon horizontale. C’est le claveau n° 3, le plus long et le plus lourd, et qui doit occuper une position axiale, correspondant à la clef de cette plate-bande clavée. (Fig. 12) Son équilibre parfait est assuré par emboîtement hermétique entre les deux claveaux voisins, n° 2 et 4. Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux Lotfi Naddari 111 (p. 105-121) Fig. 9 : Les claveaux épigraphes. (Cliché de l’auteur) Fig. 10 : Relevé des claveaux épigraphes. (Relevé de l’auteur) Le texte, qui ne présente pas de difficultés de lecture, se présente comme suit : [Imp(eratori) Caes(ari), diui H[a]dria[ni] f(ilio), diui Traiani Part(hici) n(epoti), diui Ne[ruae pronepoti],/ T(ito) Ae]lio Hadriano A[n]tonino Aug(usto) Pio, p(ontifici) m(aximo), tr(ibuniciae) p(otestatis) XVI, imp(eratori) II, co(n)s(uli) I[III, p(atri) p(atriae) ---]./ D(ecreto) d(ecurionum), p(ecunia) p(ublica). Justification de la restitution : - la XVIe puissance tribunicienne autorise la restitution du chiffre III à la fin de la deuxième ligne, à la suite du chiffre I, pour donner le quatrième consulat de l’empereur Antonin le Pieux. De même, le consulat d’Antonin le Pieux est habituellement suivi du titre p(ater) p(atriae), reçu depuis 139 apr. J.-C. Datation : 10 décembre 152- 9 décembre 153, en fonction de la XVIe puissance tribunicienne. Il s’agit donc d’un hommage public rendu par décret des décurions et sur dépense publique, en l’année 152-153 apr. J.-C., à l’empereur Antonin le Pieux. Il est contemporain de deux dédicaces de Lepcis Magna commémoratives de l’édification de deux temples (peut-être un seul) construit(s) aux frais d’une certaine Calpurnia Honesta24. En raison de leurs dimensions, du parallélisme du texte, de son ordinatio, de sa répartition en trois lignes ajustées selon un axe de symétrie verticale, ces claveaux doivent occuper la façade d’un grand monument. (Fig. 9 et 10) Cet hommage vient s’ajouter donc aux dédicaces, que nous venons de passer en revue, en l’honneur du même empereur. Mais, contrairement à ces deux derniers, rendus par deux notables municipaux, ou plutôt par un même notable mactaritain, P. Iulius Adiectus25, celui-là revêt un caractère officiel et solennel étant décreté par l’ordo de la cité et financé par une dépense publique. Par sa datation précise, il prend plus d’ampleur et d’intérêt que nous analyserons un peu après. Pour une lecture complète de cette dédicace, il reste de se prononcer à propos de sa partie finale emportée par la disparition de deux claveaux qui s’imposent au moins par des soucis de parallélisme et d’équilibre achitectural, trois de part et d’autre du claveau central. (Fig. 11) 24 IRT, 370 et 371. Rémy B., 2005, p. 766, n° 85 et 86. 25 Dans une étude que nous avons consacrée aux decennalia et vicennalia d’Antonin le Pieux dans les provinces romaines d’Afrique (Naddari L., 2015, p. 108, note 67), nous avons émis l’hypothèse de voir dans P. Iulius Adiectus le dédicant des deux hommages rendus à Antonin le Pieux. 112 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) Fig. 11 : L’inscription monumentale en l’honneur d’Antonin le Pieux : essai de reconstitution 1. Dans l’état actuel de la dédicace et en l’absence d’indices révélateurs d’une circonstance spéciale ou d’un monument objet de la dédicace, l’espace manquant autorise à penser au même élan de dévotion et à continuer en conséquence l’exaltation de l’empereur honoré en restituant, par la même occasion, un contexte bien précis de la dédicace. En effet, du point de vue chronologique, on retient tout d’abord, que cet hommage est relativement plus ancien que les deux autres rendus au même empereur (texte n° 1 et 2), datés respectivement des années 156157 et 157-158 apr. J.-C. Plus intéressant est de souligner la parfaite concordance chronologique entre cette nouvelle dédicace et l’une des deux dates que nous avons proposées pour l’hommage public que les Mactaritans ont rendu au clarissime d’Althiburos M. Valerius Quadratus, coopté patronus municipii. De fait, comme nous l’avons mentionné plus haut, pour l’hommage rendu à ce notable, nous avons hésité entre deux dates possibles, 148 ou 152 apr. J.-C. Pourtant, il est tout à fait envisageable que les deux hommages publics soient contemporains ; tous deux datés de l’année 152-153 apr. J.-C. L’emploi de la capitale carrée, même si l’argument paléographique est d’une précision relative, appuie ce rapprochement chronologique. Ainsi, ces deux hommages, qui paraissent appartenir à un programme politique et municipal, réfléchi et concerté, se complètent harmonieusement pour permettre d’écrire une nouvelle page de l’histoire municipale de cette ville. Ainsi, on peut, sans hésiter, trouver un éclairage et un rapprochement suggestif dans le contenu de l’hommage rendu à ce clarissime pour restituer la partie manquante à la fin de la dédicace monumentale d’Antonin le Pieux. Il semble en fait, que les Mactaritani, enorgueillis par le statut de municipe, vanté ostensiblement, avaient promptement honoré le patronus municipii, vraisemblablement en reconnaissance d’une entremise pour l’acquisition de ce statut26. Par conséquent, il serait plus bienséant, plus décent et plus convenant qu’ils honorent au préalable le fondateur du municipe, Antonin le Pieux en l’occurrence. Tout ceci offrira des éléments de solution pour la restitution de la fin de la dédicace monumentale. En effet, si cette lecture des évènements s’avérait juste, et en considérant l’éclairage apporté par la formule patronus municipii de l’hommage de M. Valerius Quadratus, il s’impose à nous de restituer la formule appropriée conditor municipii à la fin de la deuxième ligne de la nouvelle dédicace monumentale. En effet, l’espace épigraphique manquant à la fin de cette ligne, précédant la formule conclusive DD PP (l. 3), permet de loger facilement une vingtaine de lettres, dont cinq qui s’imposent : III PP. Les autres, une quinzaine lettres ou un peu plus, peuvent correspondre à la formule complète de CONDITORI MVNICIPI ou sous une forme légèrement abrégée : CONDITORI MVN27. C’est là un style de forumlaire épigraphique tout à fait analogue à celui d’autres dédicaces en l’honneur 26 D’ailleurs c’est ainsi que G. Ch. Picard explique la promotion de Mactaris au rang de colonie. Il précise que c’est à Sex. Iulius Possessor, membre de l’ordre équestre « et à son gendre Plautius Ferruntianus que Mactar devra le statut colonial conféré entre 176 et 180. » Cf. Picard, G. Ch., 1968, p. 304. 27 L’abréviation MVN pour municipium, qui n’est pas insolite en elle-même, est courante dans l’épigraphie africaine : CIL, VIII 2451 (Mun(icipium) Bad(iensium)) ; CIL, VIII, 14769 (Mun(icipium) Cin(caritanum)) ; CIL, VIII, 4415 (Mun(icipium) Lambir(idtanum)) ; CIL, VIII, 12061-16062 (Mun(icipium) Muz(ucense)) ; CIL, VIII, 26591 et 26622 (Mun(icipium) Sept(imium) Aur(elium) Lib(erum) Thugga)) ; CIL, VIII, 15644 (Mun(icipium) T(h)ac(ciensium)) ; CIL, VIII, 4223 (Mun(icipium) Ver(ecundensium)) ; CIL,VIII, 21837 (Mun(icipium) Vol(ubilitanum)). Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux Lotfi Naddari 113 (p. 105-121) d’Hadrien par exemple, conditor municipii d’Althiburos28 et d’Avitta Bibba29. Ainsi, la restitution que nous proposons serait commandée par un reflexe spontané régissant l’attitude des autorités municiplaes des cités africaines à l’égard de leurs conditores. C’est ainsi que l’on peut appréhender le contexte de ces deux dédicaces de l’époque d’Antonin le Pieux. Toutefois, deux autres formules de restitution sont possibles à la fin de la dédicace : - MVN AEL MACTAR FEC (15 lettres) - MVNICIPIVM AELIVM MACTARITANVM FECIT (33 lettres) Alors que la première peut être retenue, la deuxième n’est pas du tout envisageable en raison du nombre élevé de lettres. De la sorte, en privilégiant notre hypothèse de préférence mentionnée en haut, nous arrangeons les claveaux épigraphes de cette dédicace comme suit : Tableau 2 : Récapitulatif d’Antonin le Pieux. du contenu de l’ensemble des claveaux de la dédicace monumentale en l’honneur Claveaux Disparu 1 1 2 3 4 Disparu 2 Disparu 3 imp CAES DIVI HA DRIAni F DIVI TRAIANI P ART N DIVI NE ruae pronep oti t. ae LIO HADRIANO A nTONINO AVG PIO P M TR POT XV I IMP II COS I iii p p conditor i mun DD vacat PP Fig. 12 : L’inscription monumentale en l’honneur d’Antonin le Pieux : essai de reconstitution 2. Ceci donnera la lecture complète suivante : [Imp(eratori)] Caes(ari), diui H[a]dria[ni] f(ilio), diui Traiani Part(hici) n(epoti), diui Ne[ruae pronepoti],/ T(ito) Ae]lio Hadriano A[n]tonino Aug(usto) Pio, p(ontifici) m(aximo), tr(ibuniciae) p(otestatis) XVI, Imp(eratori) II, co(n)s(uli) I[III, p(atri) p(atriae), conditori mun(icipii) ?]./ D(ecreto) d(ecurionum), p(ecunia) p(ublica). « A l’empereur César, fils du divin Hadrien, petit-fils du divin Trajan le Parthique, arrièrepetit-fils du divin Nerva, Titus Aelius Antonin le Pieux Auguste, grand pontife, revêtu de la 16e puissance tribunicienne, salué imperator pour la deuxième fois, consul pour la quatrième fois, père de la patrie, fondateur du municipe ( ?). Par décret des décurions, dépense publique. » *** 28 CIL, VIII, 1825 = 27775 : [Imp(eratori) Caes(ari) diui Traiani Parthici fil(io) diui Ner]uae n(epoti) Traiano Ha[dria]no Aug(usto)] / [pont(ifici) max(imo) --- p(atri) p(atriae) condi]t[o]ri municipi(i). D(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) [p(ublica). // Imp(eratori) Caes(ari) ---]divi Ne[ruae nepoti Traiano Hadriano Aug(usto)] / [--- p(atri)] p(atriae)] conditori municipi(i). D(ecreto) d(ecurionum), p(ecunia) [p(ublica)]. 29 CIL, VIII, 799 = 12266 = AE 1937, 27 = IlTun., 671 : Imp(eratori) C[aes(ari) diui T]raiani [Parthici] f(ilio) diui [Ner]/ uae n[ep(oti) Traia]no Hadri[ano Aug(usto)] pont(ifici) m[ax(imo)] / trib(unicia) p[ot(etstate) XXI imp(eratori)] II co(n)s(uli) III p(atri) p(atriae) [condito]ri munic[ipii]. // L(ucio) Aelio C[aesari Imp(eratoris) Caes(aris) Traiani Hadrian]i Aug(usti) f(ilio) [trib(unicia) pot(estate) co(n)s(uli) II. // Vibiae (?) Matidiae Au]g(ustae) f(iliae) Sabin[ae Augustae Imp(eratoris) C] aes(aris) Hadriani A[ug(usti).] 114 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) De l’étude croisée de ces trois dédicaces en l’honneur d’Antonin le Pieux, et en mettant à contribution l’ensemble de la documentation épigraphique latine de Mactaris, il est possible de se prononcer sur la nature du statut de municipe accordé par cet empereur. Il s’agit, nous –semblet-il, du droit latin majeur. Conformément à ce statut, la ciuitas romana serait accordée à tous les membres de l’élite municipale, dont la majorité, sinon la totalité, est en possession de ce droit au moins à partir du règne de Trajan ou d’Hadrien au plus tard30. Ainsi, il semble que l’acquisition de ce statut sous Antonin le Pieux n’était pas corollaire d’une attribution massive de la citoyenneté romaine, ce qui explique la rareté du gentilice impérial Aelius dans le tableau onomastique de cette ville31. De même, la tribu Quirina, celle choisie, avec la Votinia, par Antonin le Pieux pour ses fondations et ses promotions provinciales32, y est extrêmement rare même parmi les membres de l’élite municipale mactaritaine. En effet, dans l’état actuel de la documentation, parmi tous les notables de Mactaris, seul le fameux Sex. Iulius Possessor, procurateur impérial, dont la carrière est connue par trois inscriptions provenant d’Hispalis, en Bétique, et de Mactaris, est tribule de la Quirina33. D’autre part, seulement deux épitaphes, datables de la fin du Ier siècle ou le début du IIe, font référence à cette tribu romaine34. Les défunts, dont l’un appartenant à la famille des Iulii, sont, selon G. Ch. Picard, des quirites allogènes qui faisaient partie du conventus ciuium romanorum. Il les identifie à « [des] Italiens de la classe moyenne venus de tous les points de la péninsule et renforcés de quelques orientaux … fixés dans la ville de leur propre initiative. »35 Ces indications appellent en fait quelques remarques en guise de bilan. Quoi qu’il en soit, force est de souligner l’effet restreint du droit latin majeur acquis sous Antonin le Pieux en matière de diffusion de la citoyenneté romaine à Mactaris. Il se limite, en fait, à l’honneur accordé à la ville de porter le surnom impérial Aelium accolé au titre de municipium. C’est là un privilège et une étape incontournable qui révèlent à tout le moins une accélération progressive de la romanisation juridique balisant la route pour l’acquisition du statut colonial. Ceci ne tardera pas à lui être décerné par Marc Aurèle, d’où l’épithète impériale Aurelia. Le droit latin majeur, comme une formule lente et sélective de romanisation juridique, traduit en fait une extension de la citoyenneté romaine, per honorem, et ce simplement aux membres de l’élite municipale, ceux encore de statut pérégrin, magistrats annuels sortants et membres de l’assemblée municipale locale, et les membres de leurs familles inclus36. C’est-à-dire que demeuraient pérégrins tous les Mactaritani qui n’ont pas réussi à accéder à une magistrature locale ou à bénéficier d’une faveur exceptionnelle accordée à titre individuel. Vient également à l’appui de notre raisonnement, qui fait d’Antonin le Pieux le conditor municipii, l’apparition dans l’épigraphie mactaritaine, seulement à partir du règne de cet empereur, du cursus honorum romain couronné par la préfecture du pagus Thuscae et Gunzuzi. Nous invoquons ici le cursus de P. Iulius A[diectus] mentionné dans les deux dédicaces en l’honneur de cet empereur et que nous venons de passer en revue. (Textes n° 1 et 2) Il est le premier magistrat municipal mactaritain à faire référence à un cursus employant un vocabulaire municipal typiquement romain. Il rappelle que l’hommage rendu à cet empereur est fait secundum pollicitationem, celle du triumvirat quinquennal, qui précédait sa délégation comme praefectus 30 Picard G. Ch., 1957, p. 148 ; Picard G. Ch., 1964, p. 76 ; Gascou J., 1972, p. 150 ; Gascou J., 1982, p. 198 ; M’Charek A., 1982, 146. 31 Picard G. Ch., 1987, p. 465. CIL, VIII, 11872 : D(is) M(anibus) s(acrum) // Aelia Vi/ctoria / uixit a/n(n)is XLI // L(ucius) Septi/mius / Satur/nus ui/csit (sic) an(n)is // D(is) M(anibus) s(acrum) // Pullae/nia Ro/gata ui/xit ann/is XLI // Septi/mio Ru/fo uix/it an(n)is / LIII. CIL, VIII, 11868: D(is)] M(anibus) s(acrum) / [Ael]io Saturnino patri / [O]ctauiae L(uci) f(iliae) Matronae matri / piissimis. 32 Lassère, J.-M., 2005, p. 119. 33 CIL, II, 1180 = ILS, 1403 ; CIL, VIII, 620 = 11796 = ILS, 4908 = ILPB, 98 ; AE, 1983, 976. Toutefois, l’origine mactaroise de ce procurateur impérial n’est pas absolument certaine. Nous y reviendrons dans une étude à part qui portera sur l’importance de Mactaris comme un bureau financier et fiscal de haute importance en Proconsulaire. 34 CIL, VIII, 638 et 643. 35 Picard G. Ch., 1964, p. 74. 36 Chastagnol A., 1995, p. 224. Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux Lotfi Naddari 115 (p. 105-121) pagi Thuscae et Gunzuzi37. Ainsi, il est tout à fait possible que cette dédicace, mis à part sa concordance avec les uicennalia de l’empereur Antonin le Pieux38, soit également l’expression de la gratitude exprimée par ce notable mactaritain, peut-être le premier parmi ses concitoyens, à l’égard de l’empereur qui l’avait désigné pour la préfecture de ce district financier et fiscal. Ainsi, pour évaluer la portée des trois hommages rendus à l’empereur Antonin le Pieux à Mactaris, nous soulignons que seulement six ans ont été suffisants, après la promotion de Mactaris au rang de municipe, en 152 apr. J.-C. vraisemblablement, pour voir l’un de ses notables municipaux gagner la confiance de l’administration impériale et se voir chargé en 157-158 apr. J.C. de la préfecture du pagus Thuscae et Gunzuzi au lieu d’un militaire39. C’est désormais parmi ses notables municipaux que sont choisis les praefecti de ce pagus. On est là avec l’un des bienfaits de sa promotion au rang de municipe de drtoit latin majeur ; un prestige supplémentaire qu’elle gagne après avoir été choisie comme chef-lieu du pagus Thuscae et Gunzuzi, au moins à partir du règne de Trajan. Il s’ensuit que ces dédicaces en l’honneur d’Antonin le Pieux, par l’emploi du datif de dévotion, seraient l’expression d’une allégeance que les Mactaritains auraient publiquement manifestée à l’égard du conditor municipii. Or, leur loyalisme est exprimé également en faveur de l’un des membres de la famille impériale. En effet, un autre document épigraphique important, découvert dans les mêmes Thermes de l’Est, encore inédit, daté du règne d’Antonin le Pieux, peut trouver place dans ce dossier. C’est une dédicace incomplète en haut mais facilement restituable, qui rend hommage à l’un des deux fils adoptifs d’Antonin le Pieux. (Fig. 13 et 14) Cette dédicace est gravée sur la face principale d’un bloc de forme parallélépipédique (h. : 48,5 cm, l. 76,5 cm, ép. : 72,5 cm). Une moulure large de 4,5 cm délimite à droite et à gauche le champ épigraphique qui renferme un texte réparti en 4 lignes de capitales allongées de 6 à 7 cm de hauteur. Une encoche de forme quadrangulaire, trace d’un remploi tardif probablement, est aménagée au niveau de la moulure gauche du champ épigraphique. De même, un trou de louve en queue d’aronde, de disposition transversale, de 12,5 cm de longueur en surface et 17,5 cm au fond, de 5 cm de largeur et de 9 cm de profondeur, est taillé au milieu de la face supérieure piquetée. (Fig. 15) Il est destiné à faciliter l’opération de levage et de manutention du bloc épigraphe. Un bloc supérieur, comportant le début du texte, est malheureusement disparu. Fig. 13 et 14 : La dédicace en l’honneur de Marc Aurèle César. (Cliché et relevé de l’auteur) Voici le texte de la dédicace : [---] AELI HADRIANI ANTO NINI AVG PII PP FIL COS II D[ .] PP 37 CIL, VIII, 23599 ; Belkahia-Karoui Th., 2009, p. 440-441, n° 200. 38 Naddari L., 2015, p. 99-110. 39 AE, 1963, 96; Picard G. Ch., Mahjoubi A. et Beschaouch A., 1963, p. 121-130. Voir en dernier lieu Aounallah S., 2010, p. 24-25. 116 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) L’examen de ce texte (incomplet en haut) et la mention du deuxième consulat (l. 3), permettent d’identifier facilement le dédicataire, l’un des deux fils adoptifs de l’empereur Antonin le Pieux. Il s’agit, sous aucun doute, de M. Aelius Aurelius Verus César, le futur empereur Marc Aurèle, celui qui a géré ses deux premiers consulats comme collègue de l’empereur Antonin le Pieux, respectivement en 140, et en 145. Pour sa part, Lucius Verus, le deuxième fils adoptif d’Antonin le Pieux, consul ordinaire pour la première fois en 154, n’a été élu une seconde fois qu’en 161, après la mort d’Antonin le Pieux40. Il s’agit donc, sans aucun doute, d’une dédicace dédiée, en vertu d’un décret des décurions et par dépense publique, en l’honneur de Marc Aurèle César. Elle date de la période comprise entre les années 145, date de son second consulat, et 161, date de son élection pour un troisième, juste après son investiture à la suite de la mort d’Antonin le Pieux. Mais, il est tout à fait possible qu’elle soit contemporaine de l’une des trois dédicaces en l’honneur d’Antonin le Pieux énumérées en haut, avec une préférence pour la nouvelle dédicace, qui date de l’année 152-153. Ainsi, en raison de ce qui précède, et tout en restituant, sans aucun risque d’erreur, le texte du bloc supérieur disparu, on peut établir l’ensemble du texte comme suit : [M AELIO CAES IMP CAES T] AELI HADRIANI ANTO NINI AVG PII PP FIL COS II D[D] PP [M(arco) Aelio Aurelio (Vero) Caes(ari), /Imp(eratoris) Caes(aris) T(iti)], / Aeli Hadriani Anto/ nini, Aug(usti), Pii, p(atris) p(atriae), fil(io),/ co(n)s(uli) II./ D(ecreto) [d(ecurionum)] p(ecunia) p(ublica). “A Marcus Aelius Aurelius (Verus), César, consul pour la seconde fois, fils de l’empereur César Titus Aelius Hadrianus Antonin, Auguste, Pieux, père de la patrie. Décret des décurions, dépense publique.” Remarque: Pour la partie disparue du texte, et par souci d’ordinatio, nous avons préféré limiter la restitution aux seuls titres: M. Aelius Aurelius Caesar, sans le titre Verus. C’est ainsi qu’apparaît sa titulature du vivant d’Antonin le Pieux sur plusieurs dédicaces africaines41. Pour cette dédicace en l’honneur de Marc Aurèle César, il est utile de revenir tout d’abord sur des détails d’ordre architectural. De par sa forme et ses dimensions, ce fragment, sur lequel devait venir se superposer un bloc épigraphe comportant le début de la dédicace, est difficilement identifiable avec la partie inférieure d’une base de statue. Ensemble, les deux blocs sont destinés plutôt à prendre place en hauteur, probablement à l’extrémité d’une frise clavée de l’entablement d’un grand monument. Le trou de louve, de profil en queue d’aronde aménagé au niveau du centre de gravité de sa face supérieure, pour la commodité de préhension, suffit pour justifier cette identification. (Fig. 15) 40 Kienast D., 1900, p. 139 et 144. 41 Voir à tire d’exemple : CIL, VIII, 800 = 1177 = 12267; CIL, VIII, 1016 = 12465; AE, 1957, 231; AE, 1992, 1797; CIL, VIII, 10558 = 14302. Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux Lotfi Naddari 117 (p. 105-121) Fig. 15 : Lit d’attente piqueté pourvu d’un trou de louve au centre de gravité. (Cliché de l’auteur) Enfin, pour des raisons de parallélisme, d’ordinatio et de cohérence historique, et en considérant qu’il y’avait un pendant à la dédicace de Marc Aurèle César, force est de restituer une dédicace en l’honneur du deuxième fils adoptif d’Antonin le Pieux : Lucius Verus (L. Aelius Aurelius Commodus Verus), fils de L. Ceionius Commodus, qui deviendra L. Aelius Caesar, fils naturel d’Hadrien42. Il en est pour se convaincre de la place privilégiée de Lucius Verus, d’où la nécessité ici de la restitution d’une dédicace en son nom, que de suivre le débat à propos du règlement successoral d’Hadrien lancé entre deux éminents historiens : J. Carcopino et H. G. Pflaum43. Petit-fils d’Hadrien, il l’a préalablement recommandé à Antonin le Pieux dans le cadre d’une double adoption, celle des futurs Lucius Verus et Marc Aurèle. En effet, dans une règle d’hérédité dictée par Hadrien, bien que Lucius Verus n’ait que sept ans, il avait même la préséance par rapport à Marc Aurèle. C’est simplement un ordre sucessoral, défendu par J. Carcopino, qui fait promouvoir le petit-fils, qu’est Lucius Verus, au détriment du petit cousin, qu’est Marc Aurèle, qui avait le grand estime d’Hadrien44. Ainsi, la dédicace qui s’impose par déduction historique fera donc le pendant à celle de Marc Aurèle César ; chacune trouvera place à l’extrémité d’une frise d’un grand monument, de part et d’autre de la dédicace monumentale d’Antonin le Pieux45. De la sorte, si notre reconstitution schématique de cette frise est recevable, et si le rapport entre ces trois dédicaces est valide, nous aurons une frise épigraphe répartie en trois registres (Fig. 18), tout à fait comparable à l’attique tripartite de la porte monumentale d’Antonin le Pieux et ses deux fils adoptifs à Sufetula. (Fig. 16 et 17) 42 L. Ceionius Commodus, qui deviendra L. Aelius Caesar, fils adultérin d’Hadrien, est très peu honoré dans les provinces romaines d’Afrique. Pour le volume VIII du Corpus Inscriptionum Latinarum, on compte seulement trois dédicaces provenant respectivement d’Avitta Bibba (CIL, VIII, 799 = CIL, VIII, 12266 = AE, 1937, 27 = IlTun., 671), de Thamugadi (CIL, VIII, 17848) et de Rahel (CIL, VIII, 21663 = ILS, 5963 = AE, 1895, 68). Deux autres, découvertes à Lepcis Magna, sont publiées dans l’IRT sous les numeros 367 et 381. Une dernière provient de Sutunurca (IlAfr., 300 = ILPB, 160). Une grande dalle lui fut également consacrée à Mactaris (AE, 1951, 44): L(ucio) Aelio Caesari [I] mp(eratoris) Caes[aris Tra]/iani Hadriani Aug(usti) pont(ificis) [m(aximi) trib(unicia) pot(estate)] / XXI co(n)s(ulis) p(atris) p(atriae) f(ilio), diui Traiani Part[hici ne]/poti diui Neruae pronepoti tri[b(unicia) pot(estate) / d(ecreto) d(ecurionum), p(ecunia) p(ublica ]. 43 Carcopino J., 1949, p. 286-321 ; Carcopino J., 1965, p. 67-79 ; Pflaum H. G., 1964, p. 95-122. Voir également Petit P., 1965, p. 334-337. Voir également Beschaouch A., 1968, p. 181. 44 Carcopino J., 1965, p. 72. Pour H. G. Pflaum (Pflaum H. G., 1964, p. 95-122), la prédilection en faveur de Lucius Vérus, dans le cadre du règlement successoral d’Hadrien, s’explique par la volonté de s’assurer de la sympathie de la puissante famille des Ceionii et la coterie sénatoriale groupée autour d’elle. 45 Dans des cas pareils, l’honneur rendu ne se limite pas à d’Antonin le Pieux. A Thysdrus ou à Sufetula à titre d’exemples, des bases honorifiques furent érigées à Antonin le Pieux et les siens (Thysdrus : L. Verus : CIL, VIII, 50 = ILS, 357 ; Domitia Aurelia Faustina (fille de Marc Aurèle César et de Faustine la Jeune) : Naddari L., 2015, p. 107, n° 22. Sufetula : Marc Aurèle César : CIL, VIII, 228 = 11319 ; CIL, VIII, 229 = 11320 ; L. Verus : CIL, VIII, 228 = 11319 ; Faustine la Jeune (fille d’Antonin le Pieux) : Naddari L., 2015, p. 105, n° 14.). De même à Cillium, une dédicace est élevée par un notable municipal, qui, ob honorem aedilitatis, a offert trois statues en l’honneur d’Antonin le Pieux, de Marc Aurèle César et de Lucius Vérus ainsi qu’une imago en argent en l’honneur de Faustine la Jeune lorsqu’il gérait le flaminat d’Antonin le Pieux (AE, 2008, 1626 = AE, 1957, 77 ; Naddari L., 2008, p. 1913-1926). 118 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) Fig. 16 : La porte monumentale d’Antonin le Pieux à Sufetula, avec un attique à trois champs épigraphiques. Fig. 17 : Répartition des dédicaces de l’attique de la porte monumentale d’Antonin le Pieux à Sufetula (CIL, VIII, 228 = 11319 = IlTun., 350 = ILPSbeitla 13.) Toutefois, jusqu’à plus ample informé à propos de la topographie urbaine de Mactaris, et en attendant de procéder aux confrontationes nécessaires entre notre frise épigraphe et les éléments de décor architectonique de quelques monuments connus de la ville, on hésite encore à la rattacher à un monument quelconque. Toutefois, deux monuments peuvent être retenus à titre d’hypothèse de travail : soit un arc soit un temple, comme le proposait déjà G. Ch. Picard. Le lien que nous envisageons entre l’édification de l’un ou de l’autre avec l’acquisition du statut de municipe, lui procure une certaine « notoriété » pour occuper une place de choix dans la topographie urbaine de la ville. Conclusion On sait combien est délicate, voire épineuse, l’interprétation d’un dossier épigraphique quelque peu lacunaire qui risque de nous conduire dans de fauses pistes. Cette réflexion en effet renouvelée portant sur l’histoire municipale de Mactaris à la lumière de deux nouvelles dédicaces en l’honneur d’Antonin le Pieux et de son fils adoptif, Marc Aurèle César, ne prétend pas apporter des éléments décisifs à l’idée qui fait de cet empereur le véritable conditor municipii. Toutefois, une certitude persiste : bien qu’il n’existe pas de lien avéré et incontestable entre ces hommages et un contexte historique précis, l’homogénéité du dossier constitué (les trois dédicaces en l’honneur d’Antonin le Pieux éclairées par l’hommage rendu au clarissime africain M. Valerius Quadratus), incite à privilégier la piste d’un contexte municipal lié à un bienfait impérial46. En effet, toutes ces inscriptions, qui vont de pair, seraient l’expression de la gratitude manifestée par les Mactaritani, qui, nous semble-t-il, ont promptement honoré le conditor municipii et ses héritiers, dynastes présomptifs. Et, c’est par la même occasion qu’ils ont tenu à rendre hommage au clarissime althiburitain, M. Valerius Quadratus. Coopté patronus municipii gratifie vraisemblablement l’action qu’il a dû mener pour faire aboutir le dossier de promotiona de leur cité au rang de municipe. Mais, jusqu’à plus ample informé, le dossier de l’histoire municipale de Mactaris reste encore ouvert… en attendant le plaisir d’autres analyses, et, je l’espère, de découvertes ! 46 Corbier M., 1982, p. 750. Municipium Mactaritanum II : encore Antonin le Pieux (p. 105-121) Fig. 18 : Reconstitution schématique de la frise clavée. Lotfi Naddari 119 120 Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie ( Actes du 6e colloque ) Bibliographie Aounallah S., 2010, Pagus, castellum et ciuitas. Études d’épigraphie et d’histoire sur le village et la cité en Afrique romaine, Bordeaux. Belkahia-Karoui Th., 2009, Élites des cités de « Byzacène » du Ier au IVe siècles ap. J.-C., Tunis, 2009. 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58 2022 ANTIQUITÉS AFRICAINES ANTIQUITÉS AFRICAINES L’AFRIQUE DU NORD DE LA PROTOHISTOIRE À LA CONQUÊTE ARABE Les Antiquités africaines publient des études historiques et archéologiques intéressant l’Afrique du Nord depuis la Protohistoire jusqu’à la conquête arabe. Fondateurs J. Lassus, M. Le Glay, M. Euzennat, G. Souville Directeur de publication Giulia Boetto Rédactrice en chef Cinzia Vismara Comité de rédaction Aomar Akerraz, Maria Giulia Amadasi Guzzo, François Baratte, Fathi Bejaoui, Véronique Brouquier-Reddé, Marie-Brigitte Carre, Michèle Coltelloni-Trannoy, Ginette Di Vita-Évrard, Xavier Dupuis, Mohamed Faraj Al Fallos, Toufik Hamoum, Frédéric Hurlet, Victoria Leitch, Dirce Marzoli, David Mattingly, Jean-Paul Raynal, Jean-Christophe Sourisseau, Mustafa Turjman Secrétaire de rédaction Antonio Mendes da Silva Les fascicules anciens (jusqu’au numéro 51 de 2015), ainsi que plusieurs volumes de la collection, sont disponibles sur Persée, portail des revues françaises en Sciences humaines et sociales (https://www.persee.fr/collection/antaf), tandis que les numéros récents (à partir du numéro 52 de 2016) sont accessibles en texte intégral sur la plateforme d’OpenEdition Journals (https://journals.openedition.org/antafr) © CNRS Éditions, Paris, 2022 15, rue Malebranche – FR-75005 Paris Tél. : 01 53 10 27 00 – Fax : 01 53 10 27 27 courriel : cnrseditions@cnrseditions.fr site Internet : https://www.cnrseditions.fr/ Revue Antiquités africaines Centre Camille Jullian – MMSH 5 rue du Château de l’Horloge – CS 90412, FR-13097 Aix-en-Provence Cedex 2 (France) courriel : antiquites.africaines@mmsh.univ-aix.fr https://ccj.cnrs.fr/spip.php?rubrique81 ISBN : 978-2-271-14450-8 ISSN : 0066-4871 En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20 rue des Grands Augustins, FR-75006 Paris. Antiquités africaines, 58 | 2022 SOMMAIRE François BRON, Notes d’épigraphie néopunique : À propos de K. JONGELING, Handbook of Neo-Punic Inscriptions (2008) ....................................... 5 Luis AMELA VALVERDE, Lluís PONS PUJOL, … idemque Siciliam Africam Numidiam Mauretaniam mirabili celeritate armis recepit (Bell. Afr. 22, 2). Controversia sobre la presencia de Pompeyo Magno en Mauretania .......................................................................................................................... 15 Rudolf HAENSCH, Maurice SARTRE, Un Syrien de l’armée de Mauretania Caesariensis et sa famille .......... 27 Pauline CUZEL, Les deux metae du cirque de Thugga (Dougga) : nouvelles lectures ............................. 35 Michel CHRISTOL, Les vertus, l’action et l’œuvre du gouverneur de Tripolitaine Laenatius Romulus (IRT 574) .................................................................................................... 49 Ali CHÉRIF, Nouvelles données sur une cité africo-romaine d’Afrique proconsulaire : Mizaeotherena – Bou Jlida (Tunisie) ........................................................................................... 61 Leonard A. CURCHIN, Local Magistrates and Decurions in Mauretania Tingitana ................................ 111 Cecilia RICCI, Le dieu Mars en Afrique, une enquête épigraphique .................................................... 125 61-110 NOUVELLES DONNÉES SUR UNE CITÉ AFRICO-ROMAINE D’AFRIQUE PROCONSULAIRE : MIZAEOTHERENA – BOU JLIDA (TUNISIE) Ali CHÉRIF* Mots-clés : Bou Jlida, Mizaeotherena, limites du site archéologique, nécropoles, chronologie de l’occupation, épitaphes, onomastique, romanisation, christianisme. Résumé : Cette contribution présente les résultats des missions de prospection effectuées au cours des dernières années dans le village de Bou Jlida. On a pu rassembler une nouvelle documentation épigraphique et archéologique permettant de mieux saisir les limites du site antique et la répartition des nécropoles autour du centre urbain. Les nouvelles épitaphes ont enrichi de manière substantielle le répertoire onomastique local, ce qui permettra d’aborder sur des bases plus solides la question de la romanisation de la population. La prospection systématique des zones non encore bâties qui s’étendent à l’est et à l’ouest du village a permis de recueillir un matériel céramique diversifié apportant des éléments nouveaux sur la chronologie du site. Keywords: Bou Jlida, Mizaeotherena, limits of the archaeological site, necropolises, chronology of occupation, epitaphs, onomastics, Romanisation, Christianity. Abstract: This paper presents the results of survey missions carried out in recent years at the village of Bou Jlida. New epigraphic and archaeological documentation has been gathered to provide a better understanding of the limits of the ancient site and the distribution of the necropolises around the urban centre. The new epitaphs have substantially enriched the local onomastic repertoire, which will allow the question of the Romanisation of the population to be approached on a more solid basis. Systematic survey of the as yet undeveloped areas to the east and west of the village has also yielded a diverse ceramic assemblage that provides new insights on the chronology of the site. .‫ اﳌﺴﻴﺤﻴﺔ‬،‫ اﻟ َﺮوﻣﻨﺔ‬،‫ أﺳامء اﻷﺷﺨﺎص‬،‫ ﻧﻘﺎﺋﺶ ﺟﻨﺎﺋﺰﻳﺔ‬،‫ ﺗﺄرﻳﺦ اﻟﺘﻮﻃّﻦ‬،‫ اﳌﻘﺎﺑ ﺮ‬،‫ ﺣﺪود اﳌﻮﻗﻊ اﻷﺛﺮي‬،‫ ِﻣ ﻴ َﺰاﻳُ ﻮﺗﺮﻧﺎ‬،‫ ﺑُ ﻮﺟ ﻠِ ﻴ ﺪَة‬: ‫اﻟﻜﻠامت اﳌﻔﺎﺗﻴﺢ‬ ‫ ﻟﻘﺪ ﺗ ّﻢ ﺗﺠﻤﻴﻊ ﻣﻌﻄﻴﺎت ﻧﻘﺎﺋﺸﻴﺔ و أﺛﺮﻳﺔ ﺟﺪﻳﺪة متﻜﻨﻨﺎ ﻣﻦ ﺿﺒﻂ أﻓﻀﻞ‬.‫ ﺗﻘﺪم ﻫﺬه اﻟﺪراﺳﺔ ﻧﺘﺎﺋﺞ اﳌﺴﺢ اﻷﺛﺮي اﻟﺬي ﺗ ّﻢ إﻧﺠﺎزه ﺧﻼل اﻟﺴﻨﻮات اﻷﺧرية ﺑﻘﺮﻳﺔ ﺑُ ﻮﺟ ﻠِ ﻴ ﺪَة‬: ‫اﻟﺘﻠﺨﻴﺺ‬ ‫ﻷﺳامء اﻷﺷﺨﺎص و ﻫﻮ ﻣﺎ ﺳ ﻴُ ﺴﺎﻋﺪ‬ َ ‫ ﺳﺎﻫﻤﺖ اﻟﻨﻘﺎﺋﺶ اﻟﺠﻨﺎﺋﺰﻳﺔ اﳌ ُﻜ ﺘَ ﺸَ ﻔﺔ ﺣﺪﻳﺜﺎ ﺑﺸﻜﻞ ﻫﺎم ﰲ إﺛ ﺮاء اﳌ ُ َﺪ ّوﻧﺔ اﳌﺤ ﻠّﻴﺔ‬.‫ﻟﺤﺪود اﳌﻮﻗﻊ اﻷﺛﺮي و اﻧﺘﺸﺎر اﳌﻘﺎﺑﺮ ﺣﻮل اﳌﺮﻛﺰ اﻟﺤﴬي ﻟﻠﻤﺪﻳﻨﺔ‬ ‫ ﻛام ﻣﻜﻨﺖ ﻋﻤﻠﻴﺎت اﳌﺴﺢ اﻷﺛﺮي ﻟﻸﺟﺰاء اﻟﺘﻲ مل ﺗﺸﻬﺪ ﺗﻮﻃﻨﺎ ِﻋ ﻤ َﺮاﻧﻴﺎ ﺣﺪﻳﺜﺎ و اﳌ ُﻤﺘ ﺪّة ﻋﲆ اﻟﺠﺎﻧﺒني اﻟﴩﻗﻲ و اﻟﻐﺮيب ﻟﻠﻘﺮﻳﺔ ﻣﻦ ﺟﻤﻊ ﻟُ َﻘ ﻰ‬.‫ﻋﲆ دراﺳﺔ ﻧَﺴﻖِ َر ْو َﻣ ﻨﺔ ﺳﻜﺎن اﳌﺪﻳﻨﺔ‬ ِ ‫َﺧ َﺰﻓﻴﺔ ﻣﺘﻨﻮﻋﺔ ﻣﻬ ّﻤ ﺔ ﻟﺘﺤﺪﻳﺪ ﻣﺨﺘﻠﻒ‬ .‫اﻟﺤ َﻘ ﺐ اﻟﺰﻣﻨﻴﺔ اﻟﺘﻲ ﻣ ّﺮ ﺑﻬﺎ اﳌﻮﻗﻊ‬ Le village de Bou Jlida, qui s’étend au pied du flanc occidental du Jbel Rihane, est situé à 80 km à vol d’oiseau au sud-ouest de Carthage, à 15 km au sud de Testour, antique Tichilla, et à 5,5 km au nord-est d’El-Aroussa1 (fig. 1). La création de ce village est l’une des conséquences qui suivirent l’expulsion définitive des Ousseltiya de leur montagne, le Jbel * Université de Jendouba, Institut supérieur des sciences humaines (alicherif.isshj@gmail.com). Je dois vivement saluer les habitants de Bou Jlida qui ont délibérément participé à notre enquête. C’est à leur patience inlassable et leur volonté de reconstituer l’histoire de leur petit village que je dédie ce modeste travail. Mes remerciements s’adressent aussi à mes collègues et amis Riadh Smari et Zied Msellem pour leur aide dans les travaux de terrain et Slim Béchrifia, Fatma Hadded et Yamen Sghaïer qui ont bien voulu examiner le matériel céramique. 1. AATun I, f. 36– Bou Arada au 1/50 000e, nº 74. Ouesslat, en 17622. Après cette date, les Ousseltiya durent s’installer dans d’autres régions du pays et procédèrent dans plusieurs cas à la fondation de nouveaux villages3. Dechret Bou Jlida dut se constituer vers la fin du xviiie siècle, dans un paysage naturel très proche de celui du Jbel Ouesslat4. J’ai pu récupérer dans le terrain situé sur le côté droit de l’oued 2. Les Ousseltiya ont soutenu, entre 1759 et 1762, le soulèvement conduit par Ismaïl fils de Younès Bey contre le pouvoir d’Ali Bey, l’un des fils de Husseïn Ben Ali. Sur cette période et les événements qui ont accompagné l’évacuation du Jbel Ouesslat et la dispersion de sa population, voir Despois 1959 ; Valensi 1964 ; Mokni 2020 ; 2021. 3. Voir la liste des lieux d’installation des Ousseltiya après 1762 donnée par A. Mokni (2020, p. 80-85). Non loin de Bou Jlida, les Ousseltiya se sont aussi installés à El-Aroussa, à Dechret Oued el-Araar (1 km à l’ouest d’El-Aroussa), à Jbel Rihane, à Dechret Mjinine dans le Jbel Mansour (6 km au sud-est de Bou Arada), etc. 4. Les Ousseltiya ont généralement choisi de s’établir dans des lieux qui présentent des similitudes avec leur pays d’origine, c’est-à-dire dans des régions montagneuses. Voir la carte de la « Dispersion des Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 INTRODUCTION 61 Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 1 : Carte de localisation de Mizaeotherena (A. Chérif et R. Smari). 62 Bou Jemaa, libéré de toute structure moderne (zone B), un fragment de panse de cruche à décor polychrome organisé en registres superposés. Cette production rappelle la céramique de Qallaline du xviiie siècle qui se caractérise notamment par l’usage de la couleur bleue5 (fig. 2). Notre fragment se situerait plutôt vers la fin de ce siècle et serait contemporain de la création du village. De plus, un document des archives nationales tunisiennes, daté de l’année 1859, évoque l’enrôlement de 26 hommes de Dechret Bou Jlida parmi 96 personnes redevables du payement de l’impôt à l’État6. Ainsi cette implantation moderne entraîna la dissimulation presque complète du site archéologique. Seules trois zones situées le long des deux cours d’eau qui délimitent l’agglomération urbaine antique échappèrent à l’occupation moderne. Quel était le nom antique de Bou Jlida ? Depuis la découverte en 1885, par le capitaine Bordier7, d’une dédicace à Saturnus Achaiae mentionnant une gens Bacchuiana et datant du règne d’Antonin le Pieux8, les commentateurs se sont divisés sur l’interprétation qu’il convient de donner au terme gens. Les uns sont d’avis que le mot signifie tribu9 ; d’autres, ont opté pour le sens de sodalité religieuse ou confrérie mystique vouée au culte de Bacchus10. Sans revenir sur les détails de ce débat, exposés ailleurs11, l’analyse de l’ensemble de la documentation afférente à cette question semble prouver que la signification ethnologique donnée au mot gens est fort improbable. La supposée tribu gens Bacchuiana n’a eu aucune existence réelle et l’agglomération antique de Bou Jlida n’a jamais connu une telle organisation. Ousseltiya en Tunisie » donnée par J. Despois (1959, pl. XI). Voir aussi Mokni 2020, p. 86-88. 5. Sur ce type de cruche dit « cruche de mariage », utilisé à Jerba dans le rituel traditionnel des noces, voir Louhichi 1994, p. 186 et Cat. nº 178, p. 230. Les trois couleurs employées dans le décor de cet objet sont le bleu, le jaune et le vert. La couleur bleue, utilisée dans notre fragment pour dessiner un bandeau large de 5 à 6 mm, au-dessous d’une série de feuilles simples dites qlub (noyaux) selon la terminologie des céramistes de Nabeul, « tend à disparaître dans la céramique du xixe siècle » (Louhichi 2010, p. 192, pièce 178). L’apparition du bleu de cobalt datait de la fin du xiie siècle avec le nouveau chromatisme qui accompagne la production céramique hafside (Louhichi 1994, p. 185 ; 2010, p. 121-122 et 164). 6. Mokni 2020, p. 107. 7. Cagnat 1885, p. 153-154 ; Cagnat, Reinach 1885, p. 260. 8. CIL VIII, 12331 = ILS 4440 : Saturno Achaiae Aug(usto) sacr(um) / Pro sal(ute) Imp(eratoris) Caes(aris) Antonini Aug(usti) Pii p(atris) p(atriae) / gens Bacchuiana templum sua pec(unia) fecerunt id(emque) dedic(auerunt) / Candidus Balsamonis fil(ius) ex (undecim)pr(imis) amplius spatium in quo templum fieret / donauit. Date : 139-161. 9. Voir surtout Gascou 1998, p. 95. 10. Voir notamment Desanges 1987-1989, p. 169-176 (= 1999, p. 197-204) ; Peyras 1995, p. 277 ; Coltelloni Trannoy 2021, p. 185-187. 11. Nous avons consacré à cette question un article récent, Chérif sous presse, p. 501-538. établie, elle permet de corriger la leçon Mizeoter jusqu’ici adoptée dans la littérature scientifique18. Les prospections que nous avons menées dans le village et de part et d’autre des deux oueds, ont apporté un éclairage déterminant pour la fixation du toponyme antique, mais elles ont également contribué à mieux définir les limites du site, l’identification des espaces funéraires et la précision de l’arc chronologique de l’occupation. Il nous a été donné aussi, au cours de ces travaux de terrain, de découvrir un lot important d’inscriptions susceptibles d’enrichir nos connaissances sur la population locale, notamment en ce qui concerne le processus de son intégration dans la romanité. 1. QUE SAVONS-NOUS DE BOU JLIDA ? 1.1. LES Cette agglomération, sans doute d’abord une ciuitas pérégrine12, est attestée comme municipe par deux inscriptions au moins, l’une signalée à Testour13 par Francisco Ximénez entre 1720 et 1735 dans son livre intitulé Diario de Túnez14, l’autre trouvée à Bou Jlida même par N. Ferchiou15. Un milliaire dédié à Théodose Ier contient peut-être aussi une troisième mention de ce statut16. L’exploration du village au cours des dernières années m’a offert l’occasion de repérer un nouveau document épigraphique constitué dans son état actuel de deux linteaux faisant partie d’une longue inscription où il est possible de déchiffrer, sans risque d’erreur, le nom antique de la ville : [M]ịẓaeọ[t]hẹrena. C’est en fait la cité des Mizeoterenenses (ou Mizaeotherenenses), forme adjectivale fournie par un fragment de l’inscription dite des ethniques qui correspond à un tarif fiscal daté du règne conjoint de Valentinien, Valens et Gratien (367-375)17. La nouvelle forme du toponyme étant maintenant définitivement 12. Ce statut ne figure jusqu’à maintenant sur aucun document épigraphique mais il se déduit en toute logique lorsqu’on écarte le supposé statut tribal. 13. CIL VIII, 1395, où on peut lire à la fin muni(cipium) Mizado/ tereni, leçon qu’il convient de corriger en muni(cipium) Mizaeo/ terene[nse]. Le texte est gravé sur une colonne qui correspondrait selon P. Salama (1987, p. 155) à une borne milliaire. Voir en dernier lieu sur ce document, Chérif sous presse, p. 513-516. 14. Voir en dernier lieu González Bordas 2015, p. 682-683. 15. Ferchiou 1979a, p. 19 (d’où AE 1979, 651). Voir notre apparat critique et les nouvelles restitutions proposées dans Chérif sous presse, p. 517-519. 16. Le texte est donné infra, p. 74. 17. CIL VIII, 10530 = 12552a. Saumagne 1950, p. 127. Le fragment provient de Carthage, il est déclaré comme non retrouvé par Z. Benzina Ben Abdallah et L. Ladjimi Sebaï (2011, p. 325). DONNÉES PUBLIÉES La notice publiée dans l’Atlas archéologique de la Tunisie nous donne déjà une idée sur l’état du site et le potentiel archéologique encore préservé. Il ne reste en fait que fort peu de chose à signaler : « Restes d’un bourg antique. Enceinte byzantine. Barrage sur l’Oued-el-Aïn ; citernes. Inscriptions »19. Ce bilan est demeuré pratiquement inchangé vu l’absence de toute programmation d’interventions archéologiques20. Seulement de nouvelles inscriptions et des éléments d’architecture ont été publiés par N. Ferchiou, sur lesquels on reviendra plus loin. Une première mention du site archéologique de Bou Jlida se trouve dans un passage de Francisco Ximénez lorsqu’il parle de la colonne de Testour que je viens d’évoquer. Il écrit dans son Diario de Túnez (Vol. VI fol. 85 rº) : « J’ignore si cette colonne a été retrouvée ici et ce site s’appelait Mizado, je penche plutôt pour qu’elle vienne d’un site appelé Pizado à deux lieues d’ici vers le midi, où l’on trouve les ruines d’un site ancien, dont le nom a pu être corrompu, et qui se serait appelé Mizado »21. Les deux lieues correspondent approximativement à la distance de 15 km à vol d’oiseau qui sépare Testour de Bou Jlida. Au temps de Ximénez les ruines n’ont pas encore été occupées par le village des Ousseltiya. Les premières visites exploratoires commencent avec Julien Poinssot en 1882. Dans sa brève description, l’auteur insiste sur la construction du village aux dépens des ruines et sur l’éradication des vestiges, récupérés intensivement comme des matériaux pour la construction des maisons. 18. Voir en dernier lieu Desanges et alii 2010, p. 180 où les auteurs ne prennent pas en considération le rapprochement fait par Ch. Tissot (1888, p. 764), et après lui par G. Wilmanns (CIL VIII, p. 938), entre la colonne de Testour et le fragment de Carthage pour en déduire la forme exacte du toponyme. 19. AATun I, f. 36 – Bou Arada au 1/50 000e, no 74. 20. Desanges et alii 2010, p. 180 où on lira : « L’AATun signalait les restes d’un bourg antique et une enceinte « byzantine » comme seul vestige reconnaissable, ainsi, peut-être, qu’une nécropole au N.-E ». 21. Traduction de H. González Bordas (2015, p. 683). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 2 : Tesson de céramique de Qallaline (cliché A. Chérif). DU SITE ANTIQUE 63 Il ajoute à propos du site : « Les autres édifices de la ville antique sont presque tous détruits, cependant leurs fondations et quelques pans de murs encore debout permettent de se faire une idée de son étendue »22. J. Poinssot fait également état de quelques fragments d’architecture, d’un bas-relief « d’un travail assez grossier représentant dans ses divers compartiments des scènes de la vie domestique »23, et d’un sarcophage en marbre blanc portant sur l’une de ses parois une croix monogrammatique24 (fig. 3). Ces deux derniers objets n’ont pu être retrouvés25. Fig. 4 : Vue d’un tronçon de l’enceinte byzantine (cliché A. Chérif). Fig. 3 : Le sarcophage orné d’une croix monogrammatique (d’après POINSSOT 1882-1883, p. 294). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Le même explorateur signale en outre une enceinte byzantine dont les murs conservaient encore une hauteur de plusieurs mètres. De ce monument, seuls quelques tronçons sont encore repérables. Les murs sont construits avec deux parements en gros blocs et un remplissage en moellons (fig. 4). Il convient d’ajouter à ce qui précède les vestiges suivants : – des installations hydrauliques reconnues par les brigades topographiques après une mission effectuée en 1901 : « Barrage établi sur l’oued El-Aïn, près d’une source abondante. Citernes ruinées »26. Actuellement, tout a quasiment disparu à part des traces infimes de structures en moellons à peine perceptibles sur la berge gauche de l’oued ; – de nombreux éléments d’architecture signalés par J. Poinssot et surtout par N. Ferchiou : chapiteaux, fragments de fûts et bases de colonnes, fragments d’architraves, corniches, linteaux, etc.27 On signalera particulièrement un linteau décoré, remployé dans le mur byzantin, datable « de la deuxième moitié du 1er siècle avant J.-C., et, peut-être, au cours du règne d’Auguste »28, et une série d’éléments d’archi- 64 22. Poinssot 1882-1883, p. 293. L’habitat moderne était moins étendu au début du Protectorat français que ne l’est maintenant. 23. Poinssot 1882-1883, p. 293. 24. Poinssot 1882-1883, p. 294 ; CIL VIII, 12340a. La croix monogrammatique apparaît au ive siècle et elle est employée à l’époque byzantine (à Haïdra par exemple, cf. Duval 1975, p. 335). 25. Le sarcophage me semble avoir été repéré par J. Poinssot dans la nécropole du Sud, car c’est la plus tardive comme on le verra plus loin. 26. Gauckler 1902, p. 31. 27. Ferchiou 1979a, p. 29-30 ; 1989, p. 435, no XVIII.I.Q.2 2 et pl. XCV, d. Voir aussi p. 349 (linteau décoré d’époque julioclaudienne). Plusieurs de ces objets existent encore dans les maisons ou sur les bords des rues. 28. Ferchiou 1989, p. 478. Voir aussi p. 328-329, no XVIII.I.C.2. 2 et pl. LXXXVI, c, et p. 417, 430, 482. tecture composée d’une base de colonne « corinthienne » ou « composite », d’un chapiteau composite et de cinq tronçons d’architrave. Ces éléments ont été attribués par N. Ferchiou à une colonnade d’un portique qui serait de l’époque sévérienne d’après le répertoire décoratif29. Si les ruines sont en grande partie couvertes par l’habitat moderne, quelques rares monuments ont tout au moins laissé leurs traces à travers l’épigraphie. Cinq temples au moins ont dû exister à Mizaeotherena, dont les vestiges ne peuvent plus être identifiés et localisés : – une épitaphe datable du ier siècle ap. J.-C. mentionne une prêtresse des Cereres (sacerdos Cererum)30, ce qui suppose l’existence d’un clergé et donc d’un lieu de culte dédié à cette déesse ; – un temple consacré à Tellus et à Cérès, auquel une porte richement décorée a été ajoutée suite à un acte d’évergétisme privé dû à deux Aebutii31. Les mêmes évergètes offrirent un autel à Mercure Silvain pour la sauvegarde de l’empereur Hadrien32 ; – le fameux temple dédié à Saturnus Achaiae sous le règne d’Antonin le Pieux, érigé sur un terrain privé donné par Candidus Balsamonis fil(ius) ex (undecim)pr(imis)33. Le linteau, autrefois placé à l’entrée du monument, a été trouvé remployé dans le marabout de Sidi Agueb qui s’élève à 500 mètres au sud-est du village. Il est actuellement déposé devant une maison construite sur la nécropole du Sud. 29. Ferchiou 1979a, p. 26-29 ; 1982, p. 850-856 et pl. X-XI. 30. Cf. infra, tabl. 1, no 1 : l’épitaphe d’Aemilia Amotmicar. 31. Dimensions du linteau (d’après le CIL) : H. 21 cm ; l. 164 cm ; Ép. 28 cm. CIL VIII, 12332 = ILS 3959 : Telluri et Cereri Aug(ustis) sac(rum). / Aebuti(i) Saturninus et Victor, T(iti) Aebuti(i) f(ilii), / ianuam cum suis o[r]namentis s(ua ) p(ecunia) f(ecit), id(em) q(ue) d(edicauit). Cf. Poinssot 1882-1883, p. 294, no 144 ; Cagnat, Gauckler 1898, p. 93-94 ; Cadotte 2007, p. 494, no 120. 32. Cet autel est présenté ci-dessous. 33. Cf. supra, n. 8. 34. CIL VIII, 23922 : Saturno [---] / [--- pr]o salute Imp(eratoris) [---] / [Had]riani Anto[nini] / [Aug(usti)] Pi[i p(atris) p(atriae) ---. Voir Le Glay 1961, p. 124, nº 2. 35. Espérandieu 1892, p. 156, nº 2 ; CIL VIII, 23924 : [---] deo I[nuicto Soli] / [Pro sal(ute)] Imp(eratoris) Caes(aris) L(ucii) Domiti(i) Aurelian[i] Pi[i felicis Aug(usti) ---. Il est possible que la suite du texte comporte les noms de l’impératrice Ulpia Severina, épouse de l’empereur. 36. Ferchiou 1979a, p. 22-23. 37. CIL VIII, 12333 = 23923 : --- co(n)]s(ulis) IIII [imp(eratoris)] X p(atris) p(atriae) proco(n)s(ulis) / [---] eorum domus [---. Le bloc est conservé sur une longueur de 1,66 m. L’inscription daterait du règne de Gallien. 38. CIL VIII, 12334 = 23925. Espérandieu 1892, p. 156, nº 3. L’inscription est composée de deux lignes au moins, mais la première est complètement effacée. Lettres hautes de 10,5 cm. 39. Gascou 1976, p. 33-48. 40. Beschaouch 1985, p. 967, nº 2. 41. Chérif sous presse, p. 529-532. 42. AE 1986, 718 : P[ro salut]e I[mp(eratoris)] / Hadriani Aug(usti) /, Siluano deo sac(rum). / Aebuti(i) Saturninus / et Victor, T(iti) Aebuti(i) f(ilii), ara(m) sua p(ecunia) f(ecerunt) idemque / dedicarunt. Sur ce document, on consultera Ferchiou 1979a, p. 23-24 (aucune description des images sculptées sur les trois autres faces) et surtout Fig. 5 : L’autel dédié à Silvain Mercure. La face inscrite (cliché A. Chérif). écryptés par A. Beschaouch. Sur la face opposée au texte, fortement abîmée, sont conservées les traces de deux pieds, certainement ceux de la divinité. Sur les faces latérales sont figurés les attributs de Mercure, le bélier et le coq43. Les deux évergètes sont aussi les donateurs de la porte du temple de Tellus et Cérès dont j’ai parlé plus haut. Je reviendrai plus loin sur ces Aebutii, sans doute membres de l’une des familles les plus en vue à Mizaeotherena au iie siècle ap. J.-C. Le second texte est un peu énigmatique. C’est un bloc taillé dans du calcaire, remployé couché sur son côté gauche dans la clôture d’une maison au nord du village44. L’inscription est composée d’un seul mot gravé sur deux lignes avec des lettres hautes de 8 cm ; l’écriture est une capitale allongée bien soignée. On lit : Rhoda/niis (fig. 6)45. N. Ferchiou, qui n’a pas pu retrouver le bloc, interprète le mot comme indiquant un organisme inconnu46. Il s’agit là d’une signature ou d’une marque qui rappelle le nom Rhodanius ou Rodanius attesté uniquement par une inscription chrétienne de Rome47. Est connu également le cognomen Rhodanus48, qui est aussi le nom du Rhône, le grand fleuve de la Gaule. Cette marque se rapporte-t-elle à une quell’interprétation de A. Beschaouch (1985, p. 970-973). Voir aussi Cadotte 2007, p. 494-495, nº 121. 43. Beschaouch 1985, p. 972-973. Voir aussi Cadotte 2007, p. 24-125. 44. Dimensions : H. 50 cm ; l. 34 cm ; Ép. (visible) 24 cm. 45. Ferchiou 2000, p. 69. Inscription non reproduite par l’AE. 46. Cf. note précédente. 47. AE 2003, 220. 48. Par exemple CIL VI, 26531 et 26776 (Rome). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 – une dédicace incomplète consacrée à Saturne pour le salut d’Antonin le Pieux présente des lettres hautes de 10 cm. S’agit-il d’un temple différent de celui de Saturnus Achaiae ? C’est possible. M. Le Glay admet pourtant que ce texte est un doublet de l’inscription datée du même empereur34 ; – une dédicace au deus inuictus Sol, pour le salut de l’empereur Aurélien (270-275). Le support n’est pas indiqué par l’éditeur35, mais il semble qu’il s’agisse d’un linteau, par conséquent d’une porte, témoignant en toute évidence d’un édifice. Des blocs fragmentaires gravés d’inscriptions se rapportent également à l’équipement monumental de la ville. C’est sans doute le cas d’un fragment de frise remployé dans une maison et qui porte les lettres EORVM DOMVS. Ce bloc, signalé par N. Ferchiou36, correspondrait-il à une partie d’une inscription qui figure déjà dans le CIL VIII37, également lacunaire, où se lisaient les mêmes mots à la ligne 2, gravés en lettres hautes de 11 cm ? Un autre fragment de linteau contient quelques lettres d’une dédicace : --- ide] mque curia [---38 . La curie est une institution que l’on rencontre dans des municipes et des colonies, donc dans des cités à constitution romaine. La plus grande majorité des inscriptions africaines relatives aux curies municipales se situe au iie et au iiie siècle39. J’ai proposé, à la suite d’une remarque formulée par A. Beschaouch40, d’attribuer la promotion municipale de Mizaeotherena à Caracalla41. Si l’on retient cette hypothèse très vraisemblable, notre fragment daterait par conséquent du iiie siècle. De toutes les inscriptions publiées, seulement deux ont été retrouvées, en plus bien évidemment de la dédicace à Saturnus Achaiae. D’abord un autel dédié à Mercure Silvain pour la sauvegarde de l’empereur Hadrien par Aebutius Saturninus et Aebutius Victor, tous deux fils de Titus Aebutius42 (fig. 5). Les trois autres faces de l’autel comportaient des représentations figurées remarquablement 65 1.2. L’APPORT DES NOUVELLES PROSPECTIONS Deux objectifs essentiels ont été préalablement fixés pour les travaux de terrain consacrés au site archéologique de Bou Jlida. Le premier est d’ordre topographique : parvenir à délimiter, même approximativement, le noyau urbain, c’està-dire le centre monumental de la ville. Cela permettra d’actualiser nos connaissances sur les vestiges encore conservés et d’en donner des compléments aux descriptions antérieures. Parallèlement à cet essai, notre attention s’est portée sur une question importante qui sera traitée un peu plus loin : où s’étendaient les nécropoles de la ville ? Les données recueillies sur la répartition des zones funéraires permettront de proposer un premier plan schématique du site, chose qui n’a jamais été réalisée. Notre deuxième objectif consistera à entreprendre une enquête minutieuse auprès des habitants du village en vue d’étoffer le dossier épigraphique avec de nouvelles découvertes susceptibles de nous fournir plus d’informations sur l’histoire de Mizaeotherena et sa population. Je présenterai ci-après les résultats obtenus de cette investigation. 1.2.1. Considérations générales sur les limites du centre monumental Fig. 6 : Le bloc gravé du mot Rhodaniis (cliché A. Chérif). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 conque entreprise professionnelle ou association cultuelle ou encore à une sodalité inconnue ? On ne saurait le dire pour le moment. Je termine ce tableau des données publiées par la mention de six textes qui ont été signalés par N. Ferchiou mais restés inédits. Je reprends ici brièvement les informations données à leur propos par l’éditrice : – un fragment de frise architravée portant une dédicace à Origo49 ; – un « bel autel de marbre portant les lettres NVMINI »50 ; – deux épitaphes, l’une de C. Aebutius Pacatus, l’autre d’Aebutius Saturninus, fils de T. Aebutius. Les défunts étaient tous deux des undecimprimi51 ; – un autel qui porte sur sa face principale l’épitaphe d’une certaine Caecilia Ouinia, fille de Saturninus, fils de Kallippus52. – l’épitaphe d’un certain Aris, fils d’Aris, esclave de Candidus53. 66 49. Ferchiou 2000, p. 74. Fragment retrouvé par Hosni Abid (2014, p. 123-124, no 87). 50. Ferchiou 1979a, p. 31, n. 30. Non retrouvé. 51. Ferchiou 2000, p. 69. La stèle de C. Aebutius Pacatus a été retrouvée par H. Abid (2014, p. 125-126, no 89). 52. Ferchiou 2000, p. 70 : « Sur une des faces latérales subsiste la silhouette d’une femme drapée, la défunte, évidemment. Sur l’autre face est représenté un personnage nu, grotesque, dansant et jouant d’une aula phrygia ». Monument retrouvé par H. Abid (2014, p. 124-125, no 88). 53. Ferchiou 2000, p. 70. Stèle retrouvée par H. Abid (2014, p. 131-132, no 95), elle est conservée dans la même maison qui a récemment livré les deux blocs comportant le nom antique de la ville. L’image qui nous a été transmise par J. Poinssot sur l’état des ruines après l’établissement du village de Bou Jlida diffère de celle donnée par N. Ferchiou il y a près de 40 ans. Les ruines ne cessent d’être menacées par l’extension du noyau initial de l’habitat moderne constitué vers la fin du xviiie siècle. Le site archéologique, nous dit N. Ferchiou, « est aujourd’hui presque entièrement recouvert par un village moderne, où ne subsistent que quelques souvenirs épars du passé : restes du bastion byzantin, quelques murs ici et là, mais il semble difficile de discerner le plan de la ville, ou même celui d’un monument »54. Le noyau, au temps de J. Poinssot, s’étend sur une partie de la nécropole de l’Ouest, mais il n’a pas encore empiété sur la nécropole du Sud. Les maisons établies sur cet espace ont été construites vers les années ’60. Actuellement, à part les tronçons de l’enceinte byzantine et les vestiges très émoussés de quelques structures encore visibles dans le village même, on peut uniquement repérer trois zones périphériques non encore bâties, situées sur les limites orientale et occidentale du village (fig. 7). Zone A. Elle s’étend à la limite nord-est du village, près de la rive droite de l’oued Bou Jemaa ; la superficie en est estimée à 1 ha environ. Aucune trace de construction n’a été repérée. Présence de céramique antique. Il est impossible en l’état présent de la recherche de se prononcer sur la vocation de cette étendue de terre : un secteur de l’agglomération urbaine ou une partie de la nécropole du Nord-Est ? Zone B. Elle s’étend selon un axe nord-est– sud-ouest. La partie orientale est réduite à un étroit ruban long de 220 mètres et ne dépassant pas les 70 mètres de largeur, 54. Ferchiou 1979a, p. 18. entre la limite est du village et la rive droite de l’oued Bou Jemaa. La seule structure repérable dans cet espace est une petite citerne de plan quadrangulaire (2,50 × 1,70 m). Les murs sont construits en petit appareil et les parois internes Fig. 8 : La petite citerne, vue prise du sud-est (cliché A. Chérif). sont revêtues d’un enduit d’étanchéité épais de 3 à 5 cm. La couverture en berceau a disparu ; il n’en subsiste que des amorces faisant partie des reins de la voûte (fig. 8). C’est aussi dans cette partie orientale qu’on a pu ramasser une bonne quantité de céramique, notamment les tessons datables de l’époque préromaine. À l’ouest et au sud-ouest de cette bande, s’étend, sur 1,5 ha, la partie occidentale de cette zone épargnée des constructions modernes (fig. 9). Nous avons relevé dans ce terrain, non loin de la route, une autre citerne entièrement enterrée (fig. 10). La construction, de plan circulaire55, est réalisée en petit appareil et dotée d’un puisard de forme absidale de 46 cm d’ouverture ; elle est intérieurement recouverte d’un enduit d’étanchéité épais de 3 cm. À 80 mètres environ à l’est de cette citerne, on signale la présence éventuelle d’une huilerie repérée en l’état actuel par un contrepoids en place à moitié enfoui56, entouré de quelques alignements en opus africanum. 55. Dimensions : ø 277 cm ; Ép. des parois : 30-45 cm. 56. Dimensions : Long. 92 cm ; l.67 cm ; H. (visible) 24 cm. La rainure qui relie les deux encoches latérales est large de 3,5 et profonde de 5 cm. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 7 : Les trois zones non bâties autour du village de Bou Jlida (Images satellite de Google earth du 12/03/2020). 67 Fig. 9 : La partie occidentale de la zone B, avec l’emplacement de la citerne à puisard (indiqué par la flèche), vue prise du sud-est. En arrière plan le village de Bou Jlida (cliché A. Chérif). Fig. 11 : Le mur en grand appareil dans la zone C, vue prise du nord (cliché A. Chérif). Fig. 12 : Construction en moellons dans la zone C, vue prise de l’ouest (cliché A. Chérif). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 10 : La citerne à puisard, vue prise du nord-est (cliché A. Chérif). 68 Zone C. C’est une bande qui s’étend le long de la rive gauche de l’oued el-Aïn, sur une longueur de 200 mètres environ, dont la largeur étant très réduite, de l’ordre de 40 mètres au maximum. On y a relevé : – un mur en grand appareil orienté est-ouest, long d’une douzaine de mètres. Il s’agit probablement d’un tronçon de l’enceinte byzantine (fig. 11) ; – les restes d’un monument en petites moellons, situé à quelques mètres de la rive gauche de l’oued el-Aïn (fig. 12). S’agit-il d’un édifice à vocation hydraulique, ou faut-il le considérer comme un autre tronçon de ladite enceinte qui n’a conservé que son remplissage après disparition des parements externes ? Le mur qu’on vient d’évoquer est à 15 mètres à l’est de cette construction. De l’autre côté de l’oued el-Aïn, c’est-à-dire dans l’espace correspondant à la nécropole de l’Ouest, un fragment de dalle en calcaire est conservé dans une maison très proche de l’oued, la même où sont conservées les épitaphes de Namgede et de Victoria57 (fig. 13). C’est un fragment de 57. Cf. infra, les épitaphes 2.1.n et 2.1.t. Fig. 13 : Fragment de banc d’une latrine (cliché A. Chérif). banc d’une latrine, percé de deux trous dont l’un est encore intact58. Cette latrine devait être aménagée dans une maison privée ou, plus probablement, à proximité d’un établissement thermal, comme pour celles de Dougga situées à gauche de l’entrée des thermes des Cyclopes59. Il est peu probable qu’une latrine ait été construite dans la nécropole ; le fragment a sans doute été déplacé au moment des premières constructions modernes au détriment de cet espace funéraire. une nécropole »60. De quelles pierres tombales est-il question ici? De celles qui figurent dans le CIL VIII, ou des épitaphes publiées par ses soins? Cela est d’autant plus problématique que N. Ferchiou, dans sa présentation des nouvelles stèles, n’indique en aucun cas le lieu et les conditions de la découverte61. Quoi qu’il en soit, l’existence d’une nécropole du Nord-Est est indéniable, car deux stèles au moins de la série inédite proviennent assurément de ce secteur (textes 2.1.f et 2.1.j). 1.2.2. Les nécropoles On ne peut aborder la question des nécropoles sans poser l’épineux problème relatif aux lieux de provenance des épitaphes. Les éditeurs des inscriptions funéraires découvertes à l’époque coloniale (J. Poinssot, E. Espérandieu, J. Zeiller et L. Poinssot) se contentent presque toujours de la même indication : « dans une maison du village » ou « Bou Djelida ». De fait, toutes ces épitaphes ont été déplacées et certaines d’entre elles ont été remployées dans des structures modernes, ce qui rend impossible l’identification de la nécropole dans laquelle ces défunts ont été enterrés. Une seule exception concerne la stèle CIL VIII, 12337 (tabl. 1, no 17) à propos de laquelle les auteurs du Corpus nous disent : « in rivo Bu Djema, haud procul a vico ». Mais là encore on manque de précision : à quelle nécropole rattache-t-on cette pierre tombale? À celle du Nord-Est ou à celle du Sud? Dans les deux cas, le cours de l’oued Bou Jemaa est tout proche de ces deux espaces funéraires qui, de surcroît, peuvent être considérés comme « non loin du village », même si le quartier méridional établi sur la nécropole du Sud est récent par rapport à l’année 1891, date de l’apparition du premier supplément du CIL VIII. Dans ce même ordre d’idée, il faut rappeler une remarque de N. Ferchiou à propos de la nécropole du Nord-Est : « Signalons simplement qu’un certain nombre de pierres tombales ont été exhumées à peu de distance vers le nord-est : sans doute y avait-il donc là 58. Dimensions : Long. 110 cm ; l. 54 cm ; H. 14 cm. Le trou intact fait 20,5 cm de diamètre. 59. Aounallah 2006, p. 101. L’exploration du village de Bou Jlida menée depuis plusieurs années a contribué à l’augmentation substantielle du nombre d’épitaphes et à la connaissance des conditions de leurs découvertes ; il est maintenant possible de reconstituer la topographie funéraire à Bou Jlida. Trois espaces ont été dévolus aux morts. a. La nécropole de l’Ouest : situé le long de la rive droite de l’oued el-Aïn, cet espace est le plus vaste et peut-être aussi le plus ancien ; certains témoignages remontaient au iiie siècle av. J.-C. et peut-être même au ive siècle62. La superficie de cette nécropole est évaluée à 7 ou 8 ha ; elle est occupée dans sa partie méridionale par le cimetière actuel. On y voit encore de nombreux fragments de dalles de couverture de tombes, parfois déterrés au moment du creusement des nouvelles fosses. De la série inédite des épitaphes, onze en proviennent assurément63 et deux lui sont attribuables de façon hypothétique (2.1.v et 2.1.x). Outre les pierres tombales, on a pu repérer deux fragments de socles brisés, dont chacun est muni d’une mortaise pour l’encastrement du pédoncule et la fixation de la stèle64 (fig. 14). Il s’agit là peut-être de fragments de mensae funéraires. 60. Ferchiou 1979a, p. 18. 61. Ferchiou 1979a, p. 24-25. 62. On verra plus loin les détails de ces données dans la partie consacrée à la chronologie de l’occupation du site. 63. 2.1.b ; 2.1.d ; 2.1.h ; 2.1.m ; 2.1.n ; 2.1.o ; 2.1.p ; 2.1.q ; 2.1.t ; 2.1.u ; 2.1.y. 64. Socle de forme rectangulaire (fig. 14a) : Long. 30 cm ; l. 55,5 cm ; H. 28 cm. Dimension de l’encoche : Long. 8 cm ; l. 25,5 cm ; Prof. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 14 : Nécropole de l’Ouest. Socles pour l’encastrement des stèles à pédoncule (clichés A. Chérif). 69 b. La nécropole du Nord-Est : l’état actuel du terrain ne permet qu’une approche encore approximative de cet espace. Celui-ci s’étend sans doute de part et d’autre de l’oued Bou Jemaa comme le prouvent les lieux de découverte de deux stèles (textes 2.1.f et 2.1.j) et d’un fragment de socle destiné à l’encastrement d’un pédoncule65 (fig. 15). L’étendue primitive de cette nécropole a-t-elle englobé tout l’espace laissé tardivement à l’extérieur de l’enceinte byzantine ? Si tel est bien le cas, on peut estimer que les maisons modernes situées entre cette enceinte et la limite nord du village sont construites à l’intérieur de cet espace funéraire. La conséquence de cette hypothèse est que les sept épitaphes conservées dans ce secteur66 pourraient avoir été récupérées – toutes ou au moins quelques-unes – de la nécropole du Nord-Est. Quoi qu’il en soit, on peut évaluer provisoirement la superficie de cette nécropole à 6 ou 7 ha environ, sur la base des quelques trouvailles enregistrées et de la dispersion de la céramique de surface, d’ailleurs assez rare en raison de l’exploitation agricole et des travaux de sous-solage. dessert le village du côté sud. Ces travaux ont détruit de nombreuses tombes, mais ils ont ramené à la surface quelques nouvelles épitaphes67. Cette nécropole est peut-être la seule qui a continué à fonctionner durant l’antiquité tardive puisque c’est elle qui a livré la seule épitaphe d’époque byzantine. À la lumière des résultats obtenus des nouvelles prospections, il est maintenant possible de proposer un plan schématique du site archéologique de Bou Jlida sur lequel sont marquées les limites approximatives de l’agglomération urbaine et des espaces funéraires (fig. 16). Le centre monumental, qui correspond au noyau civique de la ville, couvre une surface de 25 ha environ ; l’étendue globale des ruines avec la prise en considération des nécropoles est estimée à une quarantaine d’hectares environ (fig. 17). Outre ces précisions d’ordre topographique, les nouvelles investigations ont largement enrichi le corpus épigraphique de la ville, avec l’ajout d’un important lot d’inscriptions, essentiellement des funéraires. 1.3. LES PRINCIPALES SÉQUENCES CHRONOLOGIQUES DU SITE Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 15 : Nécropole du Nord-Est. Socle pour l’encastrement d’une stèle à pédoncule (cliché A. Chérif). 70 c. La nécropole du Sud : elle s’étend approximativement sur 3 ha et est presque entièrement occupée par des maisons construites à partir des années 1960. Comme le montre le plan présenté à la figure 16, on a tenté d’individualiser cette nécropole par rapport à celle de l’Ouest. Actuellement, l’occupation humaine empêche de vérifier si une connexion a pu exister entre les deux espaces. L’idée qu’il s’agissait tout simplement d’une extension de la nécropole de l’Ouest reste tout de même envisageable mais invérifiable en l’état présent de l’enquête. Une partie de cette nécropole a été touchée par l’aménagement de la route qui vient de Bou Arada et qui 8 cm. Socle de forme presque carrée (fig. 14b) : Long. 43 cm ; l. 47 cm ; H. 23 cm. Dimension de l’encoche : Long. 11 cm ; l. 19,5 cm ; Prof. 10 cm. 65. Le fragment gît encore dans un petit affluent de l’oued Bou Jemaa. Long. 29 cm ; l. 42,5 cm ; H. 22 cm. Dimension de l’encoche : Long. 9 cm ; l. 15 cm ; Prof. 9 cm. 66. 2.1.e ; 2.1.g ; 2.1.k ; 2.1.r ; 2.1.s ; 2.1.w ; 2.2.a. Les éléments collectés lors des différentes missions de prospection (l’archéologie), ajoutés au signalement des pierres inscrites qu’on présentera un peu plus loin (l’épigraphie), permettent de dessiner à grands traits l’arc chronologique de l’occupation du site de Bou Jlida. Pour appréhender cette question on s’appuie essentiellement sur la céramique rassemblée en surface68. Ce matériel permet d’aborder la question des origines de l’occupation, c’està-dire l’établissement primitif et la constitution de l’agglomération. Pour des sites très peu documentés comme ceux de la région de Bou Arada, y compris celui de Bou Jlida, on se contente presque toujours de signaler les plus anciens témoignages indiquant une occupation permanente. L’absence de documents écrits pour la période préromaine empêche toute tentative de reconstruction de l’histoire des premiers temps de l’agglomération. On est ainsi réduit à des constatations d’ordre général et amené à formuler des hypothèses dont on n’a pas généralement les moyens de vérifier à travers des sondages ou des fouilles. L’étude de l’évolution de l’agglomération au temps de la domination romaine et durant l’Antiquité tardive souffre aussi d’une déficience documentaire. On se contentera de faire le point de nos connaissances sur certains aspects touchant la vie municipale et religieuse, en évoquant notamment le sujet de l’implantation du christianisme dans la ville et le problème d’un éventuel abandon du site au viie siècle. 67. Nous devons ces informations à des habitants du quartier méridional du village. Deux épitaphes au moins ont été déterrées lors de ces travaux, 2.1.c et 2.1.i. 68. Je me contente d’exploiter dans ce travail la céramique qui se rapporte aux premiers temps de l’agglomération (céramique préromaine) et celle qui offre les témoignages les plus tardifs. Je publierai prochainement avec mon ami Slim Béchrifia une étude détaillée de ce matériel. Fig. 17 : Limites approximatives du site de Bou Jlida, recouvert par le village moderne (A. Chérif et R. Smari). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 16 : Plan schématique du site archéologique de Bou Jlida. Localisation et étendue approximative des trois nécropoles (A. Chérif et R. Smari). 71 1.3.1. L’établissement primitif À la lumière des informations jusqu’ici documentées sur le site, les témoignages les plus anciens, recueillis dans la zone B, sont constitués par un petit lot de céramiques formé d’un répertoire comprenant à la fois les amphores et la vaisselle fine. Les amphores sont représentées par un fragment de bord de type « Ramón 4.2.1.5 » qui date du ive siècle ou de la première moitié du iiie siècle av. J.-C.69, et par deux bords de type Maña D datables entre le iiie et le milieu du iie siècle av. J-C.70 (fig. 18). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 18 : Fragments d’amphores puniques de type Maña D (clichés A. Chérif). 72 La vaisselle à vernis noir reflète cette présence préromaine sur le site, notamment dans la même zone B, précisément dans la partie nord-est qui longe la rive droite de l’oued Bou Jemaa. Le lot ramassé, bien qu’il soit minoritaire, traduit la présence d’un répertoire varié produit en vernis noir local et/ou importé. Citons les exemples suivants : – fragment de bol à bord retroussis type Morel 2626a1 datant de la première moitié du iiie siècle av. J.-C.71 ; 69. Ramon 1995, fig. 44, T. 4.2.1.5, no 8, p. 189. 70. Sabratha I 1989, fig. 6, no 75. 71. Morel 1981, Pl. 61, no 2626a1, p. 192 ; Chelbi 1992, forme 105, p. 117. – fragment de bol tripode de céramique de Calès, datable du milieu iiie siècle– milieu iie siècle av. J.-C. (fig. 19a)72 ; – des fragments de panses (au nombre de trois) en campanienne A, datables entre la fin du iiie siècle et la première moitié du iie siècle av. J.-C. (fig. 19b)73 ; – fragments d’un fond de bol en campanienne C datable entre la fin du iie siècle et le milieu du ier siècle av. J.-C. (fig. 19c)74 ; – fragment amorphe d’un vase à vernis noir local d’imitation (fig. 19d). En plus des tessons céramiques, une monnaie punique a été récupérée par l’un des habitants dans le cimetière musulman, aménagé aux dépens de la partie méridionale de la nécropole de l’Ouest. C’est une monnaie en bronze en assez bon état malgré certaines traces de dégradation ; elle présente un module de 17-18 mm pour un poids de 4,78 g (fig. 20). D/ Effigie de Tanit à gauche. Grènetis ? R/ Buste de cheval à droite. Devant, un globe. Grènetis. Cette pièce appartient à la série des monnaies frappées au cours de la période 300-264 av. J.-C., dans des ateliers situés en Sardaigne, mais aussi à Carthage. J. Alexandropoulos envisage « pour ces monnaies de bronze, un début d’émission vers 300 av. J.-C. »75. L’usage de ce monnayage a pu durer, selon le même auteur, jusqu’au 238 av. J.-C.76. Notre monnaie provient sans doute d’une sépulture. Serions-nous dans ce cas en présence d’une tombe du iiie siècle av. J.-C. ? Sur ce point, un phénomène doit être souligné : la juxtaposition dans une même tombe de monnaies d’époques différentes (punique, numide, romaine)77. Il importe d’attirer l’attention sur un détail important : la plupart des monnaies carthaginoises ou numides trouvées dans des contextes romains sont très usées indiquant ainsi une très longue période d’utilisation. Pour notre pièce, l’assez bon état de conservation suppose que la durée de circulation n’a pas été longue avant qu’elle ne soit déposée dans l’une des tombes de la nécropole de l’Ouest78. Il est à notre avis plus probable d’attribuer la tombe au iiie siècle 72. Sghaïer, Dammak-Latrach 2020, p. 207. 73. Chelbi 2008, p. 236, pl. 1, no 9. 74. Chelbi 2008, p. 237, pl. 1, no 13. 75. Alexandropoulos 2000, p. 73. Nous pouvons rapprocher notre exemplaire des frappes nº 57 étudiées par J. Alexandropoulos (2000, p. 375-376 et pl. 2, nº 57). La Banque centrale de Tunisie possède un grand nombre d’exemplaires du même type. Voir Alexandropoulos 2006, p. 173-192. 76. Alexandropoulos 2000, p. 73. 77. Ce phénomène est attesté dans d’autres nécropoles antiques, à Hajeb el-Aïoun par exemple (Godin 1905, p. 270) et à Tipasa de Numidie (Baradez 1962, p. 216-227). 78. Ce même raisonnement est adopté par Godin (1905, p. 276) : « Encore bien conservées aujourd’hui – nous dit Godin à propos de trois monnaies trouvées ensemble dans un même tombeau – elles ont été mises dans la tombe peu de temps après avoir été frappées. Elles peuvent indiquer, par suite, une époque, et permettent d’assigner à une partie de la nécropole un âge approximatif. Deux des pièces sont conservées seulement du côté de la face ; les revers, en contact avec le sol, ont été détruits par le vert-de-gris. Ces monnaies portent les noms de Sévère Alexandre ; la troisième, ceux de Gordien ». Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 19 : Céramique à vernis noir de Bou Jlida (clichés Z. Msellem). 73 Fig. 20 : Monnaie punique (clichés F. Hadded). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 av. J.-C., d’autant plus que nous avons déjà invoqué d’autres témoignages sur l’occupation des lieux à la même époque. Toutes les données qu’on vient de présenter montrent qu’il ne s’agit pas d’une simple fréquentation précoce du lieu. Cet établissement primitif, qui remontait au moins au iiie siècle av. J.-C., possédait déjà une nécropole et était sans doute organisé en habitat permanent79. Quel était alors le statut juridique de ce premier noyau au cours de cette période préromaine ? Avons-nous affaire à une cité ou à une agglomération secondaire ? L’idée d’un castellum est envisageable, aussi bien pour le cas qui nous occupe que pour d’autres agglomérations de la même région. La question a été posée par exemple pour Sucuba(-i) – Henchir Brighitha80 ; on a aussi conjecturé que Thabbora – Henchir Tambra, au voisinage de Bou Jlida, était un castellum avant de se constituer en cité, désignée sur une borne territoriale récemment découverte, datable très probablement de l’époque augustéenne, par le terme de populus au sens plinien du terme81. Dans une réflexion récente sur le sens des mots Afri-Africa, Samir Aounallah admet que les Afri sont « les habitants de l’Africa, constituée au lendemain de la destruction de Carthage en 146 avant J.-C. C’étaient les vaincus de la troisième guerre punique soumis au stipendium et organisés en trois pagi de stipendiaires, le Zeugeus, Muxsus et Gu(n)susus, à l’intérieur desquels il n’y avait pas de cités mais seulement des castella, y compris d’anciennes cités désormais sans statut »82. Le contenu de l’inscription de Formiae (Latium) qui relatait la carrière de Marcus Caelius Phileros83, paraît approuver cette 74 79. Dans d’autres sites archéologiques de la région de Bou Arada, on a relevé le même terminus post quem, notamment à Henchir Brighitha, antique Sucuba(-i). Pour d’autres sites, l’occupation semble remonter au iie siècle av. J.-C. comme au Fundus Tapphugabensis – Henchir Chaïeb (Chérif 2019, p. 111). 80. Voir Tahar, Chérif à paraître. 81. Chérif à paraître. Cf. aussi infra, n. 181. 82. Aounallah à paraître. 83. CIL X, 6104 = ILS 1945 : M(arcus) Caelius, M(arci) l(ibertus), Phileros, accens(us) / T(iti) Sexti imp(eratoris) in Africa, Carthag(ine) aed(ilis), praef(ectus) / i(ure) dicundo uectig(alibus) quinq(uennalibus) locand(is) in castell(is) LXXXIII, / aedem Tell(uris) s(ua) p(ecunia) fec(it), II uir Clupiae bis, Formis / August(talis), aedem Nept(uni) lapid(ibus) uari(is) s(ua) p(ecunia) ornau(it), Fresidiae, N(umerii) vision. Ce texte précise que cet affranchi a occupé, à une date encore discutée entre le gouvernement de l’Africa par Lépide et 26 av. J.-C.84, la charge de praefectus iure dicundo uectigalibus quinquennalibus locandis in castellis LXXXIII. Évidemment, la question des statuts juridiques des communautés de l’Africa avant le Principat ne cessera d’être posée tant que notre documentation est encore déficiente. 1.3.2. Mizaeotherena au temps de la domination romaine La documentation devient un peu plus abondante pour cette période. Toutes les inscriptions publiées ou nouvellement découvertes sont rédigées en latin ; le site n’a pas encore livré d’inscriptions puniques (ou néopuniques) ou libyques. En outre, en l’état actuel de l’enquête, on n’a pas relevé d’indices préromains dans la nécropole du Sud et dans l’espace qui correspond grosso modo à la nécropole du Nord-Est. Faut-il conclure qu’elles sont des aménagements d’époque romaine ? C’est possible, mais la prudence est requise du moment que notre approche est fondée sur un constat fait en surface pour un site quasiment enfui sous l’habitat moderne. La vie religieuse à Mizaeotherena est encore fort méconnue. On a recensé dans le bilan des données publiées, présenté plus haut, les inscriptions qui attestent un certain nombre de monuments publics. L’épigraphie permet d’inventorier cinq lieux de culte au moins ; les divinités honorées sont les Cereres, Tellus et Cérès, Saturnus Achaiae, Saturne et deus inuictus Sol ; la chronologie des documents, constitués d’une épitaphe et de quatre dédicaces, s’échelonne entre le ier et le iiie siècle. On ajoutera à ce panthéon, l’autel dédié à Mercure Silvain pour la sauvegarde de l’empereur Hadrien. Un autre monument de la ville vient d’être révélé récemment après la découverte, non loin du tronçon de l’enceinte byzantine indiqué par la figure 4, de deux fragments d’une frise simple (sans décor) gravée d’une inscription l(ibertae), Florae, uxori uiro opseq(uentissimae), / Q(uinto) Octauio, (mulieris) l(iberto), Antimacho, karo amico. 84. Sur la chronologie de la carrière de Phileros, on consultera en dernier lieu Fishwick 2013, p. 211-214 (avec bibliographie antérieure). Dd(ominis) nn(ostris) Flauiis / Valentiniano et Va/lenti pii felices uic(toribus) / semper Augg(ustis) / muni(cipium) Mizaeo/terene[nse]87. L’autre milliaire, publié par A. Merlin88, est également conservé dans la même ville, dans un bain près de la Grande mosquée ; il date du règne de Théodose Ier (379-395). Le monument étant retrouvé, le réexamen récent a permis d’améliorer le déchiffrement fait par Merlin. Je propose la lecture suivante qui identifie surtout le nom de la cité émettrice de la borne : [D(omino)] n(ostro) / Caes(ari) / Theudo/[si]o (sic) Pio Feli/ [ci] ac trium/[fat]ori semper / [A]ug(usto), m[un(icipium) 85. Chérif sous presse, p. 527. 86. Ferchiou 1982, p. 855. 87. CIL VIII, 1395. Chérif sous presse, p. 513-516 (avec apparat critique détaillé). 88. Merlin 1908, p. CCLX = ILAfr 664. Voici le texte tel qu’il a été copié par Merlin : [Partie enterrée] / Caes(ari) / Theudo/[si]o (sic) Pio Feli/[ci] ac trium/[fat]ori semper / [A]ug(usto) M[---]eo/[---]na de(uota ou uotum) / [n(umini) m(aiestati)q(ue)] eius / [---]L (palme). Miza]eo/[there]na de/[u]o[t(um) n(umini)] eius. / (Millia passuum) XIIIL (palme) 89. Nous évoquons maintenant, au terme de cette deuxième étape, la question de la christianisation de la population, très peu étudiée pour l’ensemble de la région de Bou Arada– El-Aroussa. S’il est encore difficile de saisir les circonstances de l’introduction du christianisme dans la ville, on disposait néanmoins de quelques témoignages qui confirment l’existence d’une communauté chrétienne à Mizaeotherena : un sarcophage en marbre décoré d’une croix monogrammatique (fig. 3) et deux épitaphes chrétiennes. L’une, de Pontia Victoria, est datable du ive siècle ap. J.-C. (texte 2.2.a), l’autre signale le lieu de l’enterrement du corps de Pascasia et doit être datée de l’époque byzantine, en raison de la croix latine placée au début du texte (texte 2.2.b). Les différents explorateurs du site n’ont jamais mentionné des traces de monuments chrétiens. Un lieu de culte a dû sans doute exister, mais la cité a-t-elle été érigée en évêché ? Les sources ecclésiastiques ne contiennent aucun renseignement sur un éventuel évêché au nom de Mizaeotherena. Il est possible que la communauté chrétienne locale ait été placée sous l’autorité de l’évêque d’une cité voisine, Thabbora par exemple. Une plebs Tabborensis est représentée à la Conférence de Carthage en 411 par deux évêques, le catholique Marinus et le donatiste Victor90. 1.3.3. La ville tardive et post-antique Le siècle vandale n’est documenté par aucun témoignage épigraphique. Le site de Bou Jlida a par contre conservé quelques témoins de la période byzantine. L’enceinte mentionnée plus haut montre que la ville a été fortifiée. Il est difficile d’estimer la superficie délimitée par ce monument à cause de la disparition de la plus grande partie de ses murs, et donc l’impossibilité de restituer son tracé, même approximativement. Cette muraille a-t-elle englobé la nécropole du Sud où a été repérée la seule épitaphe byzantine ? Nous sommes pour le moment dans l’incapacité de répondre, vu la rareté des vestiges archéologiques. Afin de pallier cette insuffisance documentaire, on se tourne, encore une fois, vers l’apport du matériel céramique. L’époque tardive est représentée par un faciès céramique caractérisé par des productions diverses, certainement guidées par la sigillée africaine D2, et comprenant aussi la céramique commune et les amphores. De ce groupe de matériel, je citerai les tessons suivants : 89. Chérif sous presse, p. 519-523 (avec apparat critique détaillé). La lettre M de municipium peut être interprétée comme étant l’initiale du nom de la cité, on lira dans ce cas M[iza]eo/[there]na de/[u]o[t(a) n(umini)] eius. 90. Lancel 1991, p. 1478-1479 ; Desanges et alii 2010, p. 229. Un prêtre d’une ciuitas Mizeitana est mentionné par Victor De Vita (III, 52), il a été trouvé mort dans une grotte du mont Ziqua. S. Lancel (2002, p. 329) suppose que cette cité devrait être recherchée non loin du Jbel Zaghouan. J. Desanges et alii (2010, p. 181) ont rapproché ce toponyme du nom Mizigi/Aïn Babbouch ou encore du nom de Bou Jlida. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 monumentale85 ; elle s’insère dans la façade de l’édifice qui s’étendait sur une dizaine de mètres de longueur. Cette dimension pourrait éventuellement suggérer la façade d’un temple, sans que cela n’exclue l’appartenance à tout autre type de monument. Nos connaissances sont aussi très lacunaires concernant la vie municipale et le rôle des notables locaux dans l’évolution de l’équipement monumental de leur ville. Une seule famille d’évergètes est connue, celle des Aebutii sous le règne d’Hadrien. Une autre évergésie est l’œuvre d’un pérégrin, le don d’un terrain privé par l’undecimprimus Candidus Balsamonis fil(ius), pour la construction du temple de Saturne de l’Achaïe. On peut constater que les témoignages afférents à la vie publique nous manquent encore pour mieux saisir les influences de la romanité sur la parure monumentale. Ces lacunes ont été cependant partiellement comblées par l’étude entreprise par N. Ferchiou d’un nombre de fragments d’architecture remployés dans les maisons du village. L’auteur a bien noté, à l’issue d’une analyse stylistique minutieuse de ces éléments architecturaux de Bou Jlida, que « sa romanisation semble, du point de vue architectonique, s’être fait assez tard : les éléments de style néopunique sont relativement nombreux, mais ceux de style romain semblent presque tous se situer au iiie siècle »86. La documentation relative à la période du Bas-Empire est encore plus limitée. On n’en compte que deux bornes milliaires datables du ive siècle, posées par la collectivité sur la grande artère Carthage-Théveste. Le premier milliaire fut signalé à Testour par deux voyageurs du xviiie siècle, JeanAndré Peyssonnel et Francisco Ximénez. Le texte, qui date du règne conjoint de Valentinien Ier et Valens (364-375), doit se lire comme suit : 75 Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 76 – deux bords de plats produits en sigillée africaine D2 de types Hayes 99A et Hayes104B, datant respectivement entre 510-54091 et de 570 jusqu’à 600 et plus92 ; – un fragment de mortier en céramique commune « Bonifay type 13 », datable de la première moitié du ve siècle apr. J.-C.93 ; – un plat de type Fulford 5.1, dont la production se situe du début du vie jusqu’au début du viie siècle et plus94. Pour les amphores, on note la présence de productions typiques de l’époque byzantine témoignées par un fragment de bord d’amphore Bonifay type 49 = Keay LXI, datable de la fin du vie siècle – première moitié du viie siècle apr. J.-C.95, ainsi que deux bords de type Bonifay 52 « con orlo a fascia », produits dans la seconde moitié du viie siècle apr. J.-C.96. Qu’en est-il du sort de la ville au-delà du viie siècle ? En l’absence d’autres témoignages textuels ou archéologiques, le seul indice permettant d’approcher cette question est la présence de la céramique islamique médiévale. Il faut réfléchir en fonction du degré de concentration de cette céramique. L’abondance traduit assurément une véritable continuité de l’occupation, comme on a pu le constater pour Tapphugaba, l’actuel Henchir Sidi Abd en-Nour. À Bou Jlida, le constat est tout à fait différent. On a affaire à un tesson isolé de tradition hafside, datable de la période qui s’échelonne du xiiie au xvie siècle (fig. 21). Faut-il remarquer que si un noyau médiéval avait effectivement existé, il aurait dû occuper plus ou moins le même espace délimité à l’époque byzantine par l’enceinte. Or ce noyau, complètement dissimulé sous les maisons modernes, ne se prête aujourd’hui à aucune délimitation. Ce seul tesson pourrait témoigner d’une fréquentation éphémère du site après un abandon de plusieurs siècles, mais cette conclusion ne saurait être considérée comme assurée en l’état présent de l’enquête archéologique97. 91. 92. 93. 94. 95. 96. 97. Voir, sur le problème de la céramique du viiie siècle et du passage de l’Antiquité à l’époque médiévale, Daoulatli 1994, p. 83-87. Le tesson, recueilli dans la zone B, est un fragment de bord de plat à marli court évasé vers l’extérieur, glaçure en blanc stannifère avec décor en bleu sur la paroi interne (deux bandes). Sur le marli une glaçure en noir aubergine ; glaçure blanche sans décor sur la paroi externe. Hayes 1972, fig. 28, no 1-12, p. 152. Hayes 1972, p. 160, fig. 30-31. Bonifay 2004, p. 255, fig. 139. Fulford 1984, p. 191, fig. 71, no 5.1. Bonifay 2004, p. 140, fig. 75. Bonifay 2004, p. 141, fig. 76, no 2. Fig. 21 : Tesson de céramique hafside. Paroi interne (cliché A. Chérif). DES INSCRIPTIONS INÉDITES En plus des vingt-neuf textes publiés98 (dont dix-huit épitaphes, voir tabl. 1) et six inscriptions signalées99 (dont quatre épitaphes, voir tabl. 2), le dossier épigraphique de Bou Jlida est augmenté de trente inscriptions inédites. Le nouveau lot est composé d’épitaphes complètes ou fragmentaires, d’un fragment de table de jeu et de deux autres fragments, dont un appartiendrait peut-être à une constitution impériale. Comme l’a noté J.-M. Lassère, toute exploitation des épitaphes dans l’objectif de retracer l’histoire d’une population donnée dépend tout d’abord du classement chronologique100. Notre essai de datation des épitaphes ne s’appuiera malheureusement pas sur l’archéologie puisque nos stèles, anciennement connues ou inédites, sont toutes hors contexte, même si quelques-unes sont plus ou moins in situ101. Dans certains contextes, certes très rares, la datation d’une épitaphe mise au jour dans le cadre d’une fouille ou d’un sondage, bénéficia des informations fournies par le matériel céramique et anthropologique associé. C’est le cas de deux épitaphes de Dougga récemment publiées102. Sans donc l’apport de l’archéologie, la chronologie des épitaphes païennes de Bou Jlida se fonde essentiellement sur les critères suivants103 : La nature du support. Pour l’ensemble des épitaphes (publiées, signalées et inédites), trente-huit supports sont identifiés avec certitude (les deux épitaphes chrétiennes ne sont pas comptabilisées) : trente-six stèles, un cippe et un autel104. Aucun mausolée n’est attesté à ce jour, ni par l’ar98. Dix-sept textes publiés dans le CIL VIII (12331-12340 et 2392223930) ; six dans l’AE (1979, 651-655 et 1986, 718) ; un dans les ILT (650) ; deux par N. Ferchiou mais non retenus par l’AE (Ferchiou 1979, p. 25, no 4 et 2000, p. 69) ; deux par H. González Bordas (tabl. 1, no 14-15) ; et un par nos soins (Chérif sous presse, p. 523-528). Un fragment n’a pas été comptabilisé, celui qui porte les lettres eorum domus, signalé par N. Ferchiou et qui est peut-être déjà publié dans le CIL (cf. supra, n. 36-37). 99. Cf. supra, n. 49 à 53. 100. Lassère 1973, p. 7, n. 1. 101. Je renvoie ici aux stèles encore conservées dans les nécropoles de l’Ouest et du Sud. 102. Étant membre de l’équipe tuniso-française qui travaille à Dougga, sous la direction de Samir Aounallah et Véronique Brouquier-Reddé, j’ai eu l’occasion de publier deux épitaphes trouvées en place dans la nécropole du Nord-Ouest, à proximité de la tour B de l’enceinte dite numide. Le contexte correspond à un sondage ouvert en 2000 dans le cadre des travaux menés par l’équipe tuniso-allemande. Ce sont les stèles de Q(uintus) Iulius Zabullus, datable du milieu du iie siècle d’après le matériel céramique, et de Secundula Fuluia à situer entre la fin du iie et le début du iiie siècle, également d’après le matériel céramique. Voir, sur ces deux tombes, Aounallah et alii 2020, p. 223-236. 103. Lire les précautions d’ordre méthodologique avancées par J.-M. Lassère (2005, p. 245-246) au sujet de cette chronologie. Sur les critères de datation, on consultera en dernier lieu MAD, p. 71-74. 104. Neuf stèles identifiées parmi les épitaphes publiées (voir tabl. 1) + deux stèles portant deux épitaphes signalées par N. Ferchiou (voir tabl. 2) + vingt-cinq stèles inédites (total : 36 stèles). Le cippe est déjà connu (tabl. 1, no 17) et il pose problème quant à sa vraie nature. Le monument, d’après la reproduction du texte dans le CIL, semble être complet en haut et en bas ; par conséquent, la hauteur de chéologie ni par l’épigraphie105. Onze stèles au moins sont munies d’un pédoncule aménagé dans la partie inférieure pour en assurer la fixation dans une mortaise aménagée dans une mensa ou dans la dalle de couverture des tombes. Le pédoncule n’est pas spécifique aux stèles funéraires, des ex-voto en étaient également pourvus106. La série des épitaphes païennes comprend une seule stèle à sommet arrondi (texte 2.1.x), treize à sommet triangulaire flanqué ou non d’acrotères107, quatre à sommet horizontal108, six à sommet horizontal avec fronton triangulaire taillé dans l’épaisseur de la stèle et flanqué d’acrotères109, et dix-huit dont la forme du sommet est indéterminée110. À Dougga, les stèles à acrotères ont été classées par L. Poinssot parmi les pierres tombales les plus anciennes111. À Bou Jlida, par contre, le fronton triangulaire flanqué d’acrotères est attesté par des stèles datables de la fin du iie ou du début du iiie siècle ap. J.-C. (tabl. 1, no 16 et texte 2.1.b). Ce qui caractérise les monuments funéraires de Bou Jlida la quasi-absence du décor112 : deux stèles seulement sont figurées et cinq autres comportaient des motifs décoratifs. La stèle d’Aemilia Amotmicar, qu’on vient d’évoquer, porte au-dessus de l’épitaphe « une figure en bas-relief représentant une femme s’appuyant sur un autel »113. L’autre stèle, qui signale la tombe de Lucius Clodius Prim[---]s et de Valeria Rogata (tabl. 1, no 17), présente, dans un registre surmontant les épitaphes, les bustes du couple. Ces deux stèles n’ayant 72 cm convient mieux à une stèle. L’autel est signalé par N. Ferchiou (cf. supra, n. 52). 105. Un bloc portant une inscription de lecture incertaine pourrait appartenir, selon N. Ferchiou (1979a, p. 26 et n. 20), à un mausolée. Aussi l’épitaphe no 11 du tableau 1 semble avoir été gravée sur une dalle (linteau ?) qui pourrait avoir été apposée à un mausolée. 106. Le plus grand nombre des stèles votives à pédoncule provient de Lambèse : 21 au moins (dont plusieurs sont brisées en bas) sur un total de 156 monuments. Cf. Le Glay 1966a, nos 12, 13, 31, 33, 44, 50, 61, 65, 72, 74, 76, 78, 79, 81, 82, 84, 86, 91, 120, 132, 149. Plusieurs mensae avec trou d’encastrement pour le pédoncule ont été trouvées près des stèles, cf. par exemple Le Glay 1966a, p. 120, n. 20 et 22 et p. 121, n. 23. 107. Tabl. 1, nos 3, 6, 16 ; 2.1.a ; 2.1.b ; 2.1.c ; 2.1.d ; 2.1.h ; 2.1.j ; 2.1.m ; 2.1.q ; 2.1.t ; 2.1.v. 108. Tabl. 1, no 15 ; 2.1.g ; 2.1.l ; 2.1.r. 109. 2.1.e ; 2.1.f ; 2.1.i ; 2.1.k ; 2.1.p ; 2.1.s. 110. Sont prises en compte les pierres tombales dont la nature du support est inconnue : tabl. 1, nos 1, 2, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 18 ; 2.1.u ; 2.1.w ; 2.1.y. Il faut ajouter les stèles 2.1.n et 2.1.o enchâssées dans des murs modernes, il est possible qu’elles aient été retaillées avant leur encastrement. 111. Poinssot 1922, p. 44, n. 1 et 47, n. 1. Cette ancienneté, liée à la présence d’acrotères, est aussi en rapport avec l’épaisseur de la stèle. Lire également les remarques (mais aussi les réserves) formulées dans MAD, p. 51-53 (et n. 41) et 66-67. Des formes variées d’acrotères ornaient les frontons de forme pyramidale de certains mausolées turriformes représentés sur les parois de tombes puniques du Cap Bon, cf. Longerstay 1993, p. 30 et 31. 112. Le même fait a été constaté dans une autre cité, la ciuitas A[utipsida ?]–Aïn M’dhoja, cf. Chérif 2015a, p. 54-55. Cette rareté a été également notée pour les monuments de Dougga, cf. MAD, p. 51, 53 et 57. 113. Poinssot 1882-1883, p. 294. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 2. INVENTAIRE 77 Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 pu être retrouvées, aucun complément à la description des premières éditions n’est possible. Pour ce qui est du décor, on signalera les éléments suivants : – fronton orné d’une couronne à lemnisques (tabl. 1, no 6). Ce type de décor figure sur des monuments aussi bien païens que chrétiens114 ; – fronton décoré d’une rosace (texte 2.1.a). Ce motif est largement représenté dans le répertoire iconographique phénicien et punique115 ; il est fréquent sur les stèles à Carthage116 et ailleurs117. Il est également courant sur les stèles funéraires et votives d’époque romaine118. Déterminer la signification et la valeur de ce motif n’est pas une chose aisée. La question a été ainsi résumée par M. Le Glay : « Sur les monuments funéraires, la rosace apparaît souvent. Est-elle alors symbole d’immortalité astrale ? Ou bien n’estelle qu’un motif décoratif ? On ne peut répondre d’une manière générale. Il importe, croyons-nous, de procéder avec beaucoup de prudence, de tenir compte de l’ensemble de l’illustration qui crée un contexte archéologique, et aussi de la place des symboles »119 ; – fronton orné d’une guirlande à galons au-dessus de laquelle est figuré un motif constitué d’une base carrée surmontée d’un triangle (texte 2.1.g). Représentation qui pourrait suggérer un mausolée stylisé ; – une palme gravée sur l’encadrement d’une niche (texte 2.1.x). C’est un motif largement répandu à des époques différentes et sur des monuments de type divers120 ; – un décor architectural assez élaboré, fourni par les stèles de C. Nunnius Felix et Aebutius Saturninus, contraste avec la sobriété qui caractérise le reste de la série. On conclut de l’examen rapide des supports et leur décor, que ces critères, du moins en ce qui concerne les monuments de Bou Jlida, ne peuvent constituer des éléments de datation suffisamment solides. Le formulaire. Il s’agit surtout de la présence ou l’absence de l’invocation aux dieux Mânes. Aucune épitaphe ne comporte cette formule en toutes lettres ou partiellement abrégée, il s’agit constamment des initiales DMS. On peut 78 114. Une couronne à lemnisques apparaît sur le fronton d’une stèle de Sucuba(i) datant de la première moitié du ier siècle ap. J.-C. (Chérif 2015b, p. 1384-1385 d’où AE 2015, 1804). Ce même type de couronne est en usage sur des mosaïques funéraires chrétiennes qu’on s’accorde à dater de la fin du ive et du début du ve siècle (voir Duval 1975, no 202, p. 211-214 et fig. 188 ; Kadra 1981, p. 241-244). 115. Dussaud 1923, p. 310. Il s’agit d’une rosace à six pétales qui décore le centre de la face d’une pendeloque en or recueillie dans une nécropole royale de Byblos, contemporaine de la XIIe dynastie égyptienne (début du iie millénaire av. J.-C.). 116. Picard 1978, p. 5-6 et 86-89. Selon l’auteur (p. 5), la rosace apparaît sur les stèles du tophet de Carthage à la fin du ive siècle av. J.-C. et sur un ex-voto de la fin du iiie siècle. 117. La rosace est présente sur certaines stèles de Téboursouk étudiées par M.-H. Fantar (1975). 118. Comme par exemple sur de nombreux ex-voto à Saturne : voir à titre illustratif, Le Glay 1961, pl. V, nos 4-5 (Thignica) ; pl. VII, no 2 (Tunisie centrale) ; pl. XII, no 5 (Haïdra). 119. Le Glay 1966b, p. 176, n. 1. 120. Ben Abid 2014, p. 115 (à propos des stèles votives d’Althiburos dédiées à Baal Hammon). supposer un hasard des découvertes, mais rien n’empêche que l’apparition de la consécration aux Mânes sur les stèles de Bou Jlida ait été dès le départ sous sa forme abrégée. Cela est peut-être dû à une influence directe de Carthage. L’invocation aux dieux Mânes apparaît dans cette métropole, sous une forme généralement développée, entre les Flaviens et le début de l’époque antonine. L’abréviation de cette formule ne sera généralisée qu’à l’époque sévérienne121. Pour notre série d’épitaphes païennes, à part la stèle d’Aemilia Amotmicar sans consécration aux Mânes (tabl. 1, no 1) et celle de Lollius Valerius (texte 2.1.l) qui devait se situer dans la période transitoire entre épigraphie païenne et épigraphie chrétienne, la datation de toutes les autres stèles s’échelonne entre le iie et la première moitié du iiie siècle ap. J.-C. J’ajouterai trois autres critères : la formule plus minus, qui figure dans une seule stèle (texte 2.1.d), les expressions OTBQ et TTLS (ou l’une d’entre elles) et l’adjectif pius. Selon R. Cagnat, la pratique de placer la formule plus minus avant l’indication de l’âge, « ne se trouve que très rarement sur les inscriptions païennes avant le milieu du iiie siècle »122. Contrairement à cet avis, L. Poinssot, s’appuyant sur certaines inscriptions funéraires de Dougga trouvées dans la zone du mausolée libyco-punique, estime qu’elle est « assez ancienne et assurément antérieure au iiie siècle »123. Quant aux formules indiquant les souhaits adressés au défunt, que l’on rencontre très fréquemment dans nos épitaphes (19 fois), leur usage n’est pas spécifique à une période bien déterminée, ce qui fait qu’elles n’apportent pas non plus les précisions voulues à la question de datation124. Pour ce qui est de l’emploi de pius, cette épithète est aussi fréquente à Bou Jlida, où on la trouve dans près de la moitié des épitaphes (23 sur 47, sans compter les textes lacunaires) ; elle est aussi attestée par exemple à Henchir al-Moussaouer (12 km au sud de Bou Jlida), dans l’épitaphe de l’affranchi d’Auguste C. Iulius Felix125, et dans des textes datés des trois premiers siècles de l’époque impériale126. Ce critère est donc peu valable pour dater les inscriptions. Onomastique et dénomination. Pour les citoyens romains, il y a ceux qui portent les tria nomina (praenomen – nomen – cognomen) et ceux dont la dénomination est limitée à deux éléments : soit praenomen – nomen, soit nomen – cognomen. On considère généralement que le prénom commence à disparaître à partir du iie siècle ap. 121. Lassère 1973, p. 44 et 54. 122. Cagnat 1914, p. 283. Voir aussi Lassère 1973, p. 21-22 et 127 ; 2005, p. 236. 123. Poinssot 1915, p. 158; MAD, p. 71. 124. Lassère 1973, p. 128. 125. Ferchiou 1979b ; Beschaouch 1979, p. 397 (d’où AE 1979, 656) : C(aius) Iulius Aug(usti) l(ibertus) Felix / Accauonis f(ilius) pius / uixit annis LXV. H(ic) s(itus) e(st). / C(aius) Iulius C(aii) l(ibertus) Felix f(ilius) patri / posterisq(ue) eius d(e) s(ua) p(ecunia) f(ecit). Voir aussi Ferchiou 1987. Le mausolée de cet affranchi s’élève actuellement au centre de la ville de Bou Arada, après son déplacement décidé vers 1974. 126. Lassère 1973, p. 126-127 ; MAD, p. 71. 2.1. LES ÉPITAPHES PAÏENNES 2.1.a Épitaphe d’Aebutia Matidia (27 ans) (fig. 22) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire flanqué d’acrotères : celui de droite a disparu. Au milieu du fronton, une rosace à cinq pétales stylisés inscrite dans un cercle de 7 cm de diamètre. Une petite perforation est 127. Thylander 1952, p. 77-78 ; MAD, p. 71-74 ; Lassère 2005, p. 99-100. 128. Ce même constat a été formulé pour Dougga, MAD, p. 72. 129. Sur ce procédé d’expression de la filiation pérégrine, voir Gascou 1999, p. 296-300 ; Dondin-Payre 2005, p. 162-166. pratiquée au centre de la rosace, destinée probablement à recevoir un élément supplémentaire de décoration130. – Dimensions : H. 70 cm ; l. 39 cm ; Ép. 5 cm. – Lieu de découverte : nécropole du Sud. – Lieu de conservation : dans une maison du quartier méridional du village construite sur la nécropole. – Texte : distribué sur huit lignes. Lettres en capitales allongées peu profondes et soigneusement gravées. Ligne 5 : ligature du F et du I dans FIL. Hl. 3,5-6 cm. D•M•S• AEBVTIA• MATIDIA• VICTORIS ETBVCIAEFIL P•V•ẠX̣ XṾ ̣ ̣ II MVỊỊỊỊ[---] Ṭ•T•ḶṢ – Apparat critique : Ligne 6 : après le A nous avons à coup sûr deux X suivis d’un V nettement plus large que la moitié supérieure d’un X. Ligne 7 : après le M de mensibus, on lit un V ensuite on distingue les traces à peine visibles de quatre hastes verticales et un peu serrées. Le reste de cette ligne est complètement effrité. Ligne 8 : on peut déchiffrer sans risque d’erreur les quatre premières lettres TTLS. On n’est pas sûr de la gravure des formules HSE et OTBQ (fig. 23). Les parents d’Aebutia Matidia sont-ils des pérégrins ? On peut le croire vu qu’ils portaient chacun un seul nom. Mais il me semble, à l’instar de l’exemple d’Aebutius Saturninus qu’on verra dans un instant, qu’il s’agissait de citoyens romains. Les Aebutii de Bou Jlida sont les descendants d’immigrants italiens, donc des ciues Romani. Victor, le père de la défunte, pourrait être un Aebutius Victor, ce qui ne manque pas de rappeler l’un des deux frères évergètes du temps d’Hadrien131. Le nom Victor est certes d’une grande banalité en Afrique, mais il est possible d’omettre ici le gentilice puisqu’on est dans un milieu familial bien circonscrit. Rappelons en outre que le nomen est héréditaire, donc transmis par le père à ses enfants (fils et filles). Quant à la mère d’Aebutia Matidia, elle est sans doute aussi citoyenne romaine. Le nom Bucius (ou Buccius) – Bucia est aussi d’origine italique et il est attesté en Afrique à six reprises, toujours en tant que gentilice132. D(iis) M(anibus) s(acrum). / Aebutia / Matidia / (Aebutii?) Victoris / et Buciae fi(lia) / p(ia) u(ixit) a(nnis) XXVII / m(ensibus) VIIII[---]. / Ṭ(erra) / t(ibi) ḷ(euis) ṣ(it). 130. Des perforations similaires, mais en nombre parfois très important, ont été relevées sur certaines stèles votives dites de la Ghorfa qui proviennent de Maghrawa, antique Macota dans la région de Makthar. Selon M. Sebaï (2014, p. 194-197), ces perforations, dont l’emplacement dans les différents registres obéit à des choix bien étudiés, servaient à la fixation d’objets en métal ou en bois : des étoiles, des guirlandes, des lettres, des palmes, etc. 131. Voir l’apparat critique de l’épitaphe suivante. 132. Cf. infra, la notice consacrée à ce nom. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 J.-C.127. La stèle d’Aebutius Saturninus (texte 2.1.b), datable de la fin du iie ou du début du iiie siècle ap. J.-C., illustre bien cette évolution. Le grand-père du défunt nous semble être le Titus Aebutius connu par des textes de l’époque d’Hadrien (il porte un prénom), alors que le défunt ainsi que son père ne portaient pas de prénoms. Mais une autre épitaphe (tabl. 1, no 16), qui présente un décor architectural analogue à celui de la stèle d’Aebutius Saturninus et qui devait lui être à peu près contemporaine, mentionne C(aius) Nunnius Felix, donc un porteur des tria nomina. La présence ou l’absence du prénom n’est donc pas, à elle seule, un critère fiable pour dater les épitaphes du Haut-Empire128. Également, le port de gentilices impériaux peut prêter à confusion et risque de nous entraîner vers des conclusions erronées, surtout en l’absence du prénom de l’empereur. Un Aelius Ouinianus (texte 2.1.c) n’est pas forcément un naturalisé d’Hadrien ou d’Antonin le Pieux. La population de Mizaeotherena est constituée tout naturellement d’une portion pérégrine. Particulièrement sur les épitaphes, ces pérégrins portaient un nom unique suivi de la filiation dite africaine : nom du défunt + nom du père au génitif + nom du grand-père au génitif – on ajoute dans certains cas le nom de l’arrière-grand-père au génitif – (+ filius)129. La chronologie de ces épitaphes ne doit pas normalement dépasser l’année 212, date de l’Édit de Caracalla. On peut les dater, seulement par convention, du iie siècle ap. J.-C. À l’ensemble de ces critères, s’ajouteront d’autres détails qui peuvent réduire la fourchette chronologique : les rapprochements qu’il est possible de faire parfois entre le défunt et des personnages connus par des inscriptions publiques (le cas d’Aebutius Saturninus, et peut-être aussi d’Aebutia Matidia). En somme, les critères internes et la forme du support n’autorisent qu’une chronologie forcément relative. Voici maintenant une présentation de la nouvelle documentation épigraphique. Les inscriptions sont réparties en trois groupes ; pour les deux premiers (épitaphes païennes et chrétiennes), le classement est fait dans l’ordre alphabétique des noms (gentilices ou noms uniques). 79 « Consacré aux dieux Mânes. Aebutia Matidia, fille de (Aebutius ?) Victor et de Bucia, a vécu pieusement 27 ans et 9 mois (au moins). Que la terre te soit légère ». – Datation : iie siècle ap. J.-C., peut-être vers le milieu du siècle si le père de la défunte est bel et bien Aebutius Victor. dans un cercle de 11,5 cm de diamètre ; elle est flanquée de deux autres rosaces identiques mais plus petites (6,5 cm de diamètre). Au-dessous, une épitaphe gravée à l’intérieur d’un cadre flanqué de deux colonnes à chapiteaux stylisés dont l’abaque est orné d’un motif axial et à fûts torsadés reposant chacun sur une base composée d’une plinthe surmontée de deux tores. – Dimensions : H. 89,5 cm ; l. 47 cm ; Ép. 15 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : transportée dans une maison au centre du village. – Texte : distribué sur huit lignes. Lettres en capitales allongées de gravure peu profonde et élégante. Signes de séparation triangulaires et hederae. Ligatures à la l. 4 : les derniers NI dans Saturnini et les derniers TI dans Titi. Hl. 3,5-6 cm. D•M•S AEBVTIVS• SATVRNINVS SATVRNINI•TITI• FIL•EX•XI•PR• PIVS•VIXIT• AN•LXXX• H•S•E• Fig. 22 : Stèle d’Aebutia Matidia (cliché A. Chérif). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 23 : Stèle d’Aebutia Matidia : détail de la partie inférieure (cliché A. Chérif). 80 2.1.b Épitaphe d’Aebutius Saturninus (80 ans) (fig. 24) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire, flanqué sans doute d’acrotères emportés par des cassures133. Le fronton, délimité par un large bandeau lisse en bas, est orné au centre d’une grosse rosace à quatre pétales inscrits 133. Ces acrotères ont peut-être la même forme que ceux de la stèle de C. Nunnius Felix. Cf. Ferchiou 1979a, fig. 2, p. 32. – Apparat critique : le nom du défunt, au nominatif, est suivi de deux noms au génitif. Faut-il comprendre « Aebutius Saturninus, fils de Saturninus, lui-même fils de Titus, … », et conclure que le père et le grand-père sont des pérégrins qui portaient des noms uniques. Une telle lecture est contredite par l’origine italique des Aebutii qui fait d’eux, en toute évidence, des citoyens romains134. Cela étant, une autre lecture me semble s’imposer : Aebutius / Saturninus / (Aebutii) Saturnini Titi (Aebutii) / fil. …, soit « Aebutius Saturninus, fils de (Aebutius) Saturninus, lui-même fils de Titus (Aebutius), … ». Le gentilice est sous-entendu, donc intentionnellement omis, car il s’agit de l’élément commun qui est connu de tous ; on s’est donc contenté d’indiquer seulement le cognomen pour le père et le prénom pour le grand-père. La dénomination des deux derniers, gentilice + surnom pour le premier et prénom + gentilice pour le second, rappelle parfaitement les dédicants (et leur père) qui, sous le principat d’Hadrien, ont consacré un autel à Silvain Mercure et ont aménagé une porte d’entrée pour le temple de Tellus et Cérès. Au vu de ces rapprochements, je propose le développement suivant : D(iis) M(anibus) s(acrum). / Aebutius / Saturninus / (Aebutii) Saturnini Titi (Aebutii) / fil(ius) ex (undecim)pr(imis) / pius uixit / an(nis) LXXX. / H(ic) s(itus) e(st). « Consacré aux dieux Mânes. Aebutius Saturninus, fils de (Aebutius) Saturninus, lui-même fils de Titus (Aebutius), membre des « Onze Premiers », a vécu pieusement 80 ans. Il repose ici ». – Datation : fin iie – début iiie siècle ap. J.-C. Notre Aebutius Saturninus est décédé à l’âge de 80 ans, mais on 134. Cf. infra, la notice consacrée à ce nom. ignore s’il est déjà né au moment des deux dédicaces faites par son père et son oncle. Il est undecimprimatus, son décès dut se produire peu avant le règne de Caracalla, que nous tenons comme auteur très probable du municipe. L’épitaphe serait alors de la période qui va de la fin de l’époque antonine jusqu’au règne de Caracalla. Fig. 25 : Stèle d’Aelia Extricata (cliché A. Chérif). 2.1.c Épitaphe d’Aelia Extricata, fille d’Aelius Ouinianus (80 ans) (fig. 25) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 9 cm ; l. 12,5 cm). – Dimensions : H. 66 cm ; l. 36,5 cm ; Ép. 10 cm. – Lieu de provenance : nécropole du Sud. – Lieu de conservation : dans une maison du quartier méridional du village construite à l’emplacement de la nécropole. – Texte : distribué sur neuf lignes dont les deux dernières sont très effacées à cause des éraflures affectant la partie inférieure du champ épigraphique. Lettres en capitales allongées de gravure peu profonde et assez soignée. Signes de séparation en forme de trait. La forme du premier N de annis (fin ligne 6) est insolite avec l’ajout d’un jambage légèrement en arc de cercle. Hl. 4-5,5 cm. D(iis) M(anibus) s(acrum). / Aelia Extr/icata Aeli(i) / Ouiniani filia pia / uixit an/nịṣ ḶX̣ XX. Ḥ(ic) / ṣ(ita) [e(st)]. Ọ(ssa ṭ(ua) [b(ene)] q(uiescant). T(erra) / ṭ(ibi) ḷ(euis) ṣ(it). ̣ « Consacré aux dieux Mânes. Aelia Extricata, fille d’Aelius Ouinianus, a vécu pieusement 80 ans. Elle repose ici. Que tes restes reposent en paix, que la terre te soit légère ». – Datation : milieu du iie siècle – début du iiie siècle ap. J.-C. Le père et sa fille portaient le gentilice Aelius qui pourrait renvoyer à Hadrien ou, dans une moindre proportion, à Antonin le Pieux. Peut-on envisager que c’est Hadrien qui a concédé le droit de cité au père de la défunte ? L’absence du praenomen pour Aelius Ouinianus incite certes à la prudence, mais ne devrait pas exclure la possibilité d’une omission ou encore d’un cas de disparition du prénom conformément au phénomène général dont Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 24 : Stèle d’Aebutius Saturninus (cliché A. Chérif). D•M•S AELIA•EXTR ICATA•AELI• OVINIANI• FILIA•PIA• VIXIT AN NỊṢ ḶX̣ X XḤ Ṣ[.]ỌṬ[.]Q ̣T ṬḶṢ 81 on a parlé plus haut. G. Alföldy a noté que « c’est à partir de Trajan et d’Hadrien que la quasi-totalité des nouveaux citoyens prennent le prénom de l’empereur régnant »135. C’est presque vers cette date que le prénom commence peu à peu à disparaître de la dénomination citoyenne. De plus, la longévité remarquable d’Aelia Extricata (80 ans) laisse supposer qu’au moment de la gravure de l’épitaphe, l’absence du prénom est déjà devenue un fait de plus en plus fréquent. À vrai dire, sans rejeter l’hypothèse d’un naturalisé d’Hadrien, Aelius Ouinianus aurait pu choisir librement son nomen indépendamment de l’empereur qui lui avait donné le droit de cité136. cas grammatical utilisé, mais le génitif semble préférable au datif par comparaison, entre autres, avec les inscriptions funéraires de Dougga et de Carthage137. 2.1.d Épitaphe d’Aelia (I)anuaria (plus ou moins 35 ans) (fig. 26) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire flanqué d’acrotères dont celui de droite a disparu. La pierre est incomplète à droite à cause de son encastrement dans un mur, ce qui a fait disparaître une partie des lettres finales. Éclat à l’angle inférieur droit. – Dimensions : H. (conservée) 40 cm ; l. (conservée) 27,5 cm ; Ép. 10 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison du village construite à l’emplacement de la nécropole. – Texte : distribué sur six lignes. Lettres en capitales allongées de gravure peu profonde et peu soignée. Signes de séparation triangulaires. Hl. 3-4 cm. D•M•Ṣ AELIAE•Ạ NVARIAẸ PIAE VIX AṆ NISPMXXXV TTLS•O•TBQ ̣ Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 – Apparat critique : le cognomen de la défunte : Anuaria pour Ianuaria. D(iis) M(anibus) s(acrum). / Aeliae (I)ạ/nuariaẹ / piae uix(it) aṇ/nis p(lus) m(inus) XXXV. T(erra) / t(ibi) l(euis) s(it). O(ssa) t(ua) b(ene) q(uiescant). ̣ 82 « Consacré aux dieux Mânes d’Aelia Ianuaria, qui a vécu pieusement environ 35 ans. Que la terre te soit légère, que tes restes reposent en paix ». – Datation : milieu du iie siècle – début du iiie siècle ap. J.-C. – Remarque : la séquence DMS + nominatif est majoritairement adoptée dans les épitaphes de Bou Jlida ; elle nous fournit le seul exemple de l’emploi du génitif ou du datif. La première déclinaison ne permet pas de se décider sur le 135. Alföldy 1966, p. 55, n. 2. Voir aussi Dondin-Payre 1981, p. 96-97. À Dougga, sauf cas particuliers, les auteurs de MAD, p. 72 admettent que les noms des empereurs et des gouverneurs ne peuvent être retenus pour dater les inscriptions. 136. Sur cette question, cf. aussi infra, p. 99. Fig. 26: Stèle d’Aelia (I)anuaria (cliché A. Chérif). 2.1.e Épitaphe d’Atagia Saturni[na] (fig. 27) – Support : partie supérieure d’une stèle en pierre calcaire à sommet horizontal ; un fronton triangulaire flanqué d’acrotères, presque complètement abattus, est taillé dans l’épaisseur du support. Un trou a affecté la fin des deux premières lignes. – Dimensions : H. 28 cm ; l. 33 cm ; Ép. 6 cm. – Lieu de découverte : peut-être la nécropole du Nord-Est. Déposée dans une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine138. – Lieu de conservation : in situ. – Texte : trois lignes sont encore conservées. Lettres en capitales allongées peu profondes et régulières. Hl. 56 cm. ḌMṢ ATAGIẠ SATVRNỊ [.. ---] --Ḍ(iis) M(anibus) ṣ(acrum). / Atagiạ / Saturnị/[na ---] / ---. 137. MAD, p. 71 ; Pietri 1997, p. 1413. 138. Huit autres inscriptions sont aussi conservées dans la même maison : les épitaphes de L(ucius) Bezius Felix (2.1.g), Q(uintus) [Hel]uius (2.1.k), Thader (2.1.r), Verneia Rogata (2.1.s), L(ucius) V[---] (2.1.w), Pontia Victoria (2.2.a) et les fragments 2.3.b et 2.3.c. SENTIV SSATVR NINVS PA CORIS V[..] A•LXXXX[---] Sentiu/s Satur/ninus Pa/coris (filius) u[ix(it)] / a(nnis) LXXXX…. « Sentius Saturninus, fils de Pacor, a vécu [plus de] 90 ans ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. Fig. 27 : Stèle d’Atagia Saturnina (cliché A. Chérif). « Consacré aux dieux Mânes. Atagia Saturnina … ». – Datation : iie siècle– première moitié du iiie siècle ap. J.-C. 2.1.f Épitaphes de Bebia Namgidenia (79 ans) et de Sentius Saturninus (plus de 90 ans) (fig. 28) BEBIA NAMGI DENIA V IX•A•LXX VIIII• H•S•E•T•T•L•S• Bebia / Namgi/denia u/ix(it) a(nnis) LXX/VIIII. / H(ic) s(ita) e(st). T(erra) t(ibi) l(euis) s(it). « Bebia Namgidenia, a vécu 79 ans. Elle repose ici. Que la terre te soit légère ». * Canton de droite : épitaphe distribuée sur cinq lignes. Hl. 3,8-4,5 cm. Fig. 28 : Stèle de Bebia Namgidenia et de Sentius Saturninus (cliché A. Chérif). 2.1.g Épitaphe de L. Bezius [Fel]ix (fig. 29) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet horizontal présentant plusieurs écorchures sur les côtés et des éraflures sur la surface. En haut, au centre, est figuré un motif à base carrée ornée de traits obliques croisés surmontée d’un triangle orné de hachures en forme de V renversé (H. 9,5 cm ; l. 6 cm). Il ressemble aux mausolées stylisés ornant les monuments funéraires puniques et libyques139. Il surmonte une guirlande à galons, faite de cornets emboîtés de part et d’autre d’un motif central composé de cercles concentriques. Elle est suspendue au-dessus de l’épitaphe. – Dimensions : H. 55 cm ; l. 33,5 cm ; Ép. 15 cm. 139. Ces mausolées, peints ou gravés sur les parois des caveaux funéraires et des haouanet ou sur des stèles funéraires, sont composés d’un étage quadrangulaire reposant sur des gradins (souvent deux ou trois) et d’un faîte pyramidal. Cf. Longerstay 1993, p. 17-51. Notre motif est toutefois dépourvu de gradins. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 – Support : stèle double en pierre calcaire à sommet horizontal ; un fronton triangulaire flanqué d’acrotères est taillé dans l’épaisseur du support. Éclat au niveau de l’arête droite emportant quelques caractères. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 7 cm ; l. 12,3 cm). – Dimensions : H. 56,5 cm ; l. 43 cm ; Ép. 10 cm. – Lieu de provenance : nécropole du Nord-Est. – Lieu de conservation : près d’une maison, à la lisière nord-est du village. – Textes : deux épitaphes séparées d’un simple sillon, surmontées de l’invocation aux dieux Mânes (Hl. 6 cm). La ligne 6 qui s’étale au-dessous des deux textes, concerne plutôt celui de gauche puisque la formule finale est donnée au singulier (HSE). Il est possible que l’épitaphe de Bebia Namgidenia soit gravée avant celle de Sentius Saturninus. Lettres en capitales allongées de gravure profonde et assez soignée. Signes de séparation en forme de trait. DMS D(iis) M(anibus) s(acrum). * Canton de gauche : épitaphe distribuée sur six lignes. Hl. 4-4,8 cm. 83 – Lieu de découverte : peut-être la nécropole du Nord-Est. Déposée dans une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine (supra, n. 138). – Lieu de conservation : in situ. – Texte : distribué sur quatre lignes au moins. Lettres en capitales allongées peu profondes et peu soignées. Double trait du jambage droit de la partie gauche du M (ligne 1). Hl. 4,5-6 cm. D•M•S L•BEZIVS [---]IX VIXỊ [.....]Ṣ --- – Apparat critique : Ligne 2 : la première lettre du gentilice est sans doute un B. Au début de la ligne 3, l’espace écaillé ne peut pas loger plus que trois lettres, d’où la restitution évidente de [Fel]ix. Restitution au début de la ligne 4 du T de uixit et de ANNI. Le S étant encore en partie conservé. Le reste du texte est perdu en raison de la mutilation de toute la partie inférieure de la stèle. D(iis) M(anibus) s(acrum). / L(uicus) Bezius / [Fel]ix uixị/[t anni]ṣ / ---. « Consacré aux dieux Mânes. Luicus Bezius Felix, a vécu (tant d’) années --- ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. matière périssable140. Éclats sur l’arête gauche et en bas. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 10 cm ; l. 21 cm). – Dimensions : H. 76,5 cm ; l. 37 cm ; Ép. 11 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison du village construite à l’emplacement de la nécropole141. – Texte : distribué sur sept lignes. Lettres en capitales allongées de gravure très bien soignée. Signes de séparation en forme de trait. Hl. 3,5-5,7 cm. D•M•S Q•CIPIVS•FE LIX•PIVS•VI XIT•ANNIS• LXVII• H•S•E• O•T•B•Q•T•T• L S• D(iis) M(anibus) s(acrum). / Q(uintus) Cipius Fe/lix pius ui/xit annis / LXVII. H(ic) s(itus) e(st). / O(ssa) t(ua) b(ene) q(uiescant). T(erra) t(ibi) / l(euis) s(it). « Consacré aux dieux Mânes. Quintus Cipius Felix, a vécu pieusement 67 ans. Il repose ici. Que tes restes reposent en paix, que la terre te soit légère ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 30 : Stèle de Q(uintus) Cipius Felix (cliché A. Chérif). 84 Fig. 29 : Stèle de L. Bezius Felix (cliché A. Chérif). 2.1.h Épitaphe de Q(uintus) Cipius Felix (67 ans) (fig. 30) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire flanqué d’acrotères dont chacun a reçu une petite perforation, probablement pour la fixation d’un objet d’ornementation ou pour faire suspendre entre les deux une guirlande en 2.1.i Épitaphe de Dextrania Rogata (85 ans) (fig. 31) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet horizontal ; un fronton triangulaire flanqué d’acrotères grossièrement exprimés est taillé dans l’épaisseur du support. Un pédoncule 140. Cf. supra, n. 130. 141. Sont aussi conservés dans cette maison l’épitaphe de Mormeia Rogata (2.1.m) et le fragment de table de jeu. est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 8 cm ; l. 14 cm). – Dimensions : H. 52 cm ; l. 30 cm ; Ép. 8,5 cm. – Lieu de provenance : nécropole du Sud. – Lieu de conservation : dans une maison du quartier méridional du village construite à l’emplacement de la nécropole. – Texte : distribué sur cinq lignes. Lettres en capitales allongées de gravure peu profonde et soignée. Points de séparation. Ligne 2 : les traverses du E sont à peine exprimées. Le A à la fin de cette ligne est de petit corps, haut de 2,5 cm. Hl. 4,5– 5,5 cm. D•M•S DEXTRANIA ROGATA PIA•VIX• A•LXXXV D(iis) M(anibus) s(acrum). / Dextrania / Rogata / pia uix(it) / a(nnis) LXXXV. – Lieu de conservation : dans une maison du quartier méridional du village. Déplacée. – Texte : distribué sur quatre lignes au moins. Lettres en capitales allongées de gravure très profonde et irrégulière. Noter la forme du D gravé en sens inverse (lignes 1 et 2). La partie inférieure de la surface épigraphique est écaillée, ce qui a entraîné peut-être la disparition d’autres lignes. Réglures à double trait. Points triangulaires. Hl. 4-4,5 cm. D•M•S FASEDIV S•FELIX• V•Ạ•VII --- D(iis) M(anibus) s(acrum). / Fasediu/s Felix / u(ixit) ạ(nnis) VII / ---. « Consacré aux dieux Mânes. Fasedius Felix, a vécu 7 ans --- ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. « Consacré aux dieux Mânes. Dextrania Rogata, a vécu pieusement 85 ans ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. Fig. 32 : Stèle de Fasedius Felix (cliché A. Chérif). Fig. 31 : Stèle de Dextrania Rogata (cliché A. Chérif). 2.1.j Épitaphe de Fasedius Felix (7 ans) (fig. 32) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire flanqué d’acrotères ; celui de droite est brisé. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 8 cm ; l. 10 cm). – Dimensions : H. 44 cm ; l. 25,5 cm ; Ép. 7 cm. – Lieu de provenance : nécropole du Nord-Est. – Support : partie supérieure d’une stèle en pierre calcaire à sommet horizontal ; un fronton triangulaire flanqué d’acrotères fort endommagés est taillé dans l’épaisseur du support. La surface est très altérée. – Dimensions : H. 23 cm ; l. 34 cm ; Ép. 6 cm. – Lieu de découverte : peut-être la nécropole du Nord-Est. Déposée dans une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine (supra, n. 138). – Lieu de conservation : in situ. – Texte : les deux premières lignes partiellement conservées. Lettres en capitales allongées et irrégulières. Hl. 4,5 cm. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 2.1.k Épitaphe de Q(uintus) [Hel]uius (fig. 33) 85 [.]MS Q+++VIVS --- – Apparat critique : Ligne 2 : la première lettre est un Q correspondant à l’initiale du praenomen, dont la queue est encore visible. Après cette lettre, il y a place pour trois autres avant VIVS. On voit encore les vestiges de deux hastes verticales qui pourraient être interprétées comme un H. Ensuite, les traces d’une traverse supérieure à peine déchiffrable, d’un E sans doute. La lettre suivante est une haste qu’il convient de lire un L en raison des autres restitutions. Nous retenons donc le nom Quintus [Hel]uius. [D(iis)] M(anibus) s(acrum). / Q(uintus) [Hel]uius / ---. « Consacré aux dieux Mânes. Quintus [Hel]uius --- ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. attestées dans les inscriptions tardives »142. L’emploi de bixit devient plus fréquent dans les inscriptions chrétiennes143. L’épitaphe de Lollius Valerius s’inscrit dans la période de transition de l’épigraphie funéraire païenne à l’épigraphie funéraire chrétienne. Fig. 34 : Stèle de Lollius Valerius (cliché A. Chérif). 2.1.m Épitaphe de Morme[i]a Rogata (fig. 35) Fig. 33 : Stèle de Q(uintus) [Hel]uius (cliché A. Chérif). 2.1.l Épitaphe de Lollius Valerius (45 ans) (fig. 34) Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 – Support : stèle en pierre calcaire à sommet horizontal grossièrement taillée. – Dimensions : H. 51 cm ; l. 32,5 cm ; Ép. 9,5 cm ; – Lieu de découverte : nécropole du Sud. – Lieu de conservation : dans une maison du quartier méridional du village, installée sur la nécropole. – Texte : distribué sur quatre lignes. Lettres en capitales allongées de gravure profonde et irrégulière. Hl. 5-6,5 cm. 86 LOLLIVS VALERIVS BIXITAN NISXLV Lollius / Valerius / bixit an/nis XLV. « Lollius Valerius, a vécu 45 ans ». – Datation : ive siècle ap. J.-C. en raison de l’absence du praenomen et surtout du bêtacisme (B à la place d’un V dans le verbe uixit). S. Lancel a noté à propos de ce phénomène que c’est « en Afrique que les occurrences de B pour V, soit à l’initiale, soit à l’intervocalique, sont les plus massivement – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire, brisée le long du côté droit et abîmée dans sa moitié inférieure. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 6,5 cm ; l. 14 cm). – Dimensions : H. 48 cm ; l. (conservée) 25 cm ; Ép. 11 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison du village construite à l’emplacement de la nécropole. – Texte : quatre premières lignes partiellement conservées. Lettres en capitales allongées de gravure assez profonde et soignée. Traces de réglures. Hl. 4,8-6 cm. DM[·] MORMẸ[---] A ROGATẠ [---] X̣ [---]XX[---] --- – Apparat critique : la longueur de la partie manquante, calculée approximativement à partir de la liaison des deux jambages du M, lettre centrée gravée dans l’axe de la pierre, peut loger seulement deux lettres. Ligne 2 : après le M, les traces d’une haste verticale possédant une traverse supé142. Lancel 1981, p. 280. 143. Je renverrai par exemple aux inscriptions chrétiennes de Mactaris et d’Ammaedara : Prévot 1984, p. 207-208 et carte p. 209. À Haïdra, 17 cas de cet emploi ont été recensés par N. Duval (1975, p. 467) ; elles sont pour la plupart datables de l’époque byzantine. rieure, c’est probablement un E. On restituera ensuite le I pour obtenir la désinence latine des gentilices. Le gentilice est sans doute Mormeia, un nom en –eia comme Verneia (texte 2.1.s). Ligne 3 : après le A final du nomen et le cognomen Rogata, on restitue VI de uixit (le X étant au début de la ligne suivante). Ligne 4 : après le X, une lacune où sont gravés deux ou trois caractères, suivie de deux X à moitié conservés appartenant au chiffre de l’âge. D(iis) M(anibus) [s(acrum)]. / Mormẹ[i]/a Rogatạ [ui]/x̣(it) [an(nis)] XX[---] / ---. « Consacré aux dieux Mânes. Mormeia Rogata, a vécu [plus de] 20 ans / --- ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. – Apparat critique : les trois dernières lignes sont très altérées et effacées. À la ligne 5, le A conservé après filia et après une petite lacune, implique à coup sûr la restitution de l’adjectif pia. Ligne 6 : après le S de annis, un espace effacé qui pourrait loger deux lettres. Ensuite un X, suivi d’un espace écaillé mais qui ne semble pas avoir été gravé. Ligne 7 : un T au début, puis un espace complètement usé de 19 cm de longueur, ensuite les vestiges d’une lettre indistincte. Au vu de ces remarques, je restitue hypothétiquement pour les lignes 6-7 : ANNIṢ[---]X / T[TLS OTBQ]. La présence de la formule HSE est incertaine. D(iis) M(anibus) s(acrum). / Namgede / Aristonis / Dadonis / (filii) filia [pi]a uix(it) / anniṣ [---]X. / T(erra) [t(ibi) l(euis) s(it). O(ssa) t(ua) b(ene) q(uiescant)]. « Consacré aux dieux Mânes. Namgede, fille d’Aristo, lui-même fils de Dado, a vécu pieusement [plus de] 10 ans. Que la terre te soit légère, que tes restes reposent en paix ». – Datation : iie siècle ap. J.-C. Fig. 35 : Stèle de Morme[i]a Rogata (cliché A. Chérif). 2.1.n Épitaphe de Namgede (fig. 36) DMS NAMGEDE ARISTONIS DADONIS FILIA [..]A VIX ANNIṢ[---]X T[---]+ Fig. 36 : Stèle de Namgede (cliché A. Chérif). 2.1.o Épitaphe de Popilius Saturninus (73 ans) (fig. 37) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet horizontal encastrée dans un mur (le sommet est peut-être abattu pour les besoins du remploi). Éclats sur l’arête droite. – Dimensions : H. 44,5 cm ; l. 36 cm ; Ép. 10,5 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison du village construite à l’emplacement de la nécropole. – Texte : distribué sur cinq lignes. Lettres en capitales allongées de gravure profonde et très bien soignée. Ligature du I et du T dans uixit (ligne 4). Signes de séparation en forme de trait. Réglures à double trait. Hl. 5 cm. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 – Support : stèle en pierre calcaire à sommet horizontal (mais peut-être abattu pour les besoins du remploi) remployée dans un mur moderne. – Dimensions : H. 51 cm ; l. 39 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison du village construite à l’emplacement de la nécropole. – Texte : distribué sur sept lignes. Lettres en capitales allongées de gravure peu profonde et bien soignée. Hl. 3,8-4,7 cm. 87 D•M•S POPILIVS SATVRNINV[.] PIVS VIXIT ANIS LXXIII•T•T•L•S• D(iis) M(anibus) s(acrum). / Popilius / Saturninu[s] / pius uixit an(n)is / LXXIII. T(erra) t(ibi) l(euis) s(it). « Consacré aux dieux Mânes. Popilius Saturninus, a vécu pieusement 73 ans. Que la terre te soit légère ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. Fig. 37 : Stèle de Popilius Saturninus (cliché A. Chérif). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 2.1.p Épitaphe de Sallustius Primus (71 ans) (fig. 38) 88 – Support : stèle en pierre calcaire à sommet horizontal remployée dans un dallage moderne ; un fronton triangulaire flanqué d’acrotères est taillé dans l’épaisseur de la pierre ; l’acrotère gauche est emporté par la cassure qui a affecté tout le côté. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 7,5 cm ; l. 16 cm). – Dimensions : H. 53 cm ; l. 41 cm ; Ép. 7 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison du village construite à l’emplacement de la nécropole. – Texte : distribué sur six lignes. Lettres en capitales allongées de gravure assez profonde et régulière. Des éraflures sur la surface ont causé l’effacement total ou partiel de plusieurs caractères. Hl. 3,5-6,5 cm. Ḍ•M•S ṢALLVSTIVS PRMṾS PIVS (sic) VIXIT ẠNNIS LXXI M VII OT[---] – Apparat critique : Ligne 3 : omission du I dans Primus. Ligne 6 : après OT je restitue le reste de la formule à titre hypothétique. On n’est pas sûr de la gravure de HSE. Ḍ(iis) M(anibus) s(acrum). / Ṣallustius / Pr(i)mụs pius / uixit ạnnis / LXXI, m(ensibus) VII. O(ssa) t(ua) [b(ene) q(uiescant). T(erra) t(ibi) / l(euis) s(it)]. « Consacré aux dieux Mânes. Sallustius Primus, a vécu pieusement 71 ans et 7 mois. Que tes restes reposent en paix, que la terre te soit légère ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. Fig. 38 : Stèle de Sallustius Primus (cliché A. Chérif). 2.1.q Épitaphe de Thader, fille de Baliato (63 ans) (fig. 39) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire flanqué d’acrotères. Éclats sur les arêtes et à l’angle inférieur droit. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 5 cm ; l. 11 cm). – Dimensions : H. 50 cm ; l. 24,5 cm ; Ép. 13 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison au centre du village. Déplacée. – Texte : distribué sur sept lignes. Lettres en capitales allongées de gravure profonde et bien soignée. Ligne 4 : disparition du second I de Baliatonis. Points de séparation. Hl. 3,5-5 cm. D•M•S THADER•B ALIATON [.]S•CELERIS VA•LXIII•H• S•E•O•T•B•Q T•T•L•Ṣ D(iis) M(anibus) s(acrum). / Thader B/aliaton/is Celeris ((filii filia) / u(ixit) a(nnis) LXIII. H(ic) / s(ita) e(st). O(ssa) t(ua) b(ene) q(uiescant). / T(erra) t(ibi) / l(euis) ṣ(it). « Consacré aux dieux Mânes. Thader, fille de Baliato, lui-même fils de Celer, a vécu 63 ans. Elle repose ici. Que tes restes reposent en paix, que la terre te soit légère ». – Datation : iie siècle ap. J.-C. – Apparat critique : ligne 5 : les trois lettres au début indiquent sans doute la filiation, on lit FIL ou FILIA en toutes lettres. Le X conservé à la fin se rapporte probablement au verbe uixit plutôt qu’au chiffre de l’âge, comme le laisse supposer le point qui clôt cette ligne. Si l’on retient FIL, l’économie de cette ligne permet de restituer l’adjectif pia. Ligne 6 : les vestiges conservés à la fin sont ceux d’une haste, peut-être d’un I faisant partie du chiffre de l’âge. D(iis) M(anibus) s(acrum). / Thader / Aemili / Giddoṇ(is) / (filii) f ̣ịḷ[ia ui]x(it) / ---. « Consacré aux dieux Mânes. Thader, fille d’Aemilius, lui-même fils de Giddo, a vécu --- ». – Datation : iie siècle ap. J.-C. – Remarques : cette épitaphe rappelle une question déjà posée pour les textes funéraires de Dougga : Thader est-elle la fille d’Aemilius, un pérégrin, ou d’Aemilius Giddo, dans ce cas citoyen romain ? À Dougga par exemple, l’épitaphe d’un certain Fortunatus Bebi Victoris a été interprétée comme l’expression de l’ascendance sur deux générations. Selon les auteurs de MAD, « malgré la primauté de l’emploi de Baebius/Bebius comme gentilice, nous nous rallierons à l’hypothèse d’une « double filiation »144. Aemilius est un gentilice bien attesté, mais on peut lui conférer ici la fonction d’un nom unique pérégrin. Fig. 39 : Stèle de Thader, fille de Baliato (cliché A. Chérif). 2.1.r Épitaphe de Thader, fille d’Aemilius (fig. 40) D•M•S THADER AEMILI GIDDOṆ F ̣ỊḶ+[---]X• ---+ --- 40 : Stèle de Thader, fille d’Aemilius (cliché A. Chérif). 2.1.s Épitaphe de Verneia Rogata (fig. 41) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet horizontal brisée en bas ; un fronton triangulaire flanqué d’acrotères, maintenant disparus, est taillé dans l’épaisseur du support. Éraflures sur la surface. – Dimensions : H. 46 cm ; l. 31 cm ; Ép. 8 cm. 144. MAD, p. 215. Il faut comprendre ici, comme l’a noté M. DondinPayre (2011b, p. 183, n. 35), « filiation africaine ». Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 – Support : stèle en pierre calcaire à sommet horizontal. Éclats à l’angle supérieur gauche et au niveau de l’arête droite. La surface est très usée, lettres effacées ou complètement disparues. – Dimensions : H. 52 cm ; l. 35 cm ; Ép. 8 cm. – Lieu de découverte : peut-être la nécropole du Nord-Est. Déposée dans une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine (supra, n. 138). – Lieu de conservation : in situ. – Texte : distribué sur six lignes au moins. Lettres en capitales généralement carrées, régulières et bien gravées. Points triangulaires. Hl. 4,5-5 cm. 89 – Lieu de découverte : peut-être la nécropole du Nord-Est. Remployée dans un dallage dans la cour d’une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine (supra, n. 138). – Lieu de conservation : in situ. – Texte : distribué sur quatre lignes au moins. Lettres en capitales allongées peu profondes et peu soignées. Les traverses des E sont à peine exprimées (l. 2). Hl. 4-5,2 cm. D•M•Ṣ• VERNEIA• RO[.]ATA• VỊ[---]+ --- – Apparat critique : Ligne 4 : un V et un I en partie emporté par l’éraillure ; on doit s’attendre par la suite au X de uixit, mais les traces conservées apparaissent comme ceux d’une boucle d’un P ou d’un R. Il faut toutefois reconnaître que la partie inférieure de la stèle est très usée et que certaines formes sont le résultat des altérations subies par la surface épigraphique. Ensuite, après un espace effacé, les traces d’une haste, peut-être le T de uixit. Le reste est érodé. D(iis) M(anibus) ṣ(acrum). / Verneia / Ro[g]ata / uị[xi]ṭ / [annis] ---. « Consacré aux dieux Mânes. Verneia Rogata, a vécu (tant d’) années --- ». – Texte : distribué sur six lignes. Lettres en capitales allongées de gravure assez profonde et soignée. Points. Traces de réglures. Hl. 2,5-5,5 cm. D•M•[·] VICTORỊ[.] SATVRNI[..] LITEI FIḶIA VIXITANIṢ XXI – Apparat critique : la défunte est soit une pérégrine dont le nom est suivi de ceux de son père Saturninus et de son grand-père Liteus, soit une citoyenne romaine, Victoria Saturnina, fille de Liteus. La première lecture est celle qu’on doit retenir, car le nom Victoria est employé constamment comme nom unique ou comme cognomen. On connaît par contre le gentilice Victorius, assez rare à l’échelle de l’Empire145 ; il est porté en Afrique par quatre personnes146. Ligne 4 : après filia, il est possible que l’adjectif pia soit gravé en toutes lettres ou abrégé en P. D(iis) M(anibus) [s(acrum)]. / Victorị[a] Saturni[ni] Litei (filii) fiḷia / uixit an(n)iṣ XXI. « Consacré aux dieux Mânes. Victoria, fille de Saturninus, lui-même fils de Liteus, a vécu 21 ans ». – Datation : iie siècle ap. J.-C. – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. Fig. 42 : Stèle de Victoria (cliché A. Chérif). Fig. 41 : Stèle de Verneia Rogata (cliché A. Chérif). Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 2.1.t Épitaphe de Victoria, fille de Saturninus (21 ans) (fig. 42) 90 – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire flanqué d’acrotères. Toute la partie surmontée de l’acrotère droit a disparu. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure de la stèle (H. 8 cm ; l. 12 cm). – Dimensions : H. 46,5 cm ; l. (conservée) 24 cm ; Ép. 7 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison du village construite à l’emplacement de la nécropole. 2.1.u Épitaphes de Volussenius Felix (77 ans) et d’un(e) inconnu(e) (fig. 43) – Support : stèle en pierre calcaire composée de deux cantons sans séparation, dont celui de droite a presque complètement disparu ; éclats en haut et à l’angle supérieur gauche. La forme du sommet reste indéterminée. – Dimensions : H. 58 cm ; l. 36 cm ; Ép. 8 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. 145. Schulze 1966, p. 260 et 333 ; Solin, Salomies 1994, p. 208. 146. ILT 1109, 85 (Carthage) ; CIL VIII, 27264 = MAD, no 1291 (Dougga) ; MAD, no 1290 (Dougga) ; Benzina Ben Abdallah 2013, p. 138-139, no 132 = AE 2013, 1928 (Haïdra). – Lieu de conservation : dans une maison du village construite à l’emplacement de la nécropole. – Texte : (canton de gauche) distribué sur sept lignes. La première et la dernière s’étalent sur les deux épitaphes. Les chiffres indiquant l’âge de chaque défunt sont intercalés entre les initiales de la formule finale, à restituer sans doute au pluriel (HSS). Lettres en capitales allongées de gravure peu profonde et bien soignée. Signes de séparation : hedera et points de forme triangulaire. Hl. 2,5-4,5 cm. De l’épitaphe de droite ne subsistent que les vestiges de quelques lettres au commencement des lignes : on déchiffre à la ligne 2, après l’hedera qui suit Volussenius, un A ou un M dont seule une partie du jambage gauche est conservée ; à la ligne 3 un V ; à la ligne 4 un R ou plus probablement un P, et à la ligne 5 le jambage gauche d’un A (peut-être de annis) ou d’un M. Nous reproduisons l’épitaphe de gauche avec la formule finale HSS. D uac. Ṃ uac. [.] ṾOLVSSENIVS • FELIX•EXTRICA TI•FIL•NIGELIO NIS•PIVS VIXIT•ANNIS H LXXVII S [-–– .] D(iis) Ṃ(anibus) [s(acrum)]. Ṿolussenius / Felix Extrica/ti fil(ius) Nigelio/nis (filii) pius / uixit annis / LXXVII. (Épitaphe de droite) H(ic) s(iti) [s(unt)]. 2.1.v Épitaphe de Volussenia Saturnina (86 ans) (fig. 44) – Support : stèle en pierre calcaire à sommet triangulaire flanqué d’acrotères (celui de gauche a disparu). Un pédoncule presque complètement abattu a été aménagé dans la partie inférieure de la stèle. – Dimensions : H. 55 cm ; l. 42 cm ; Ép. 6 cm. – Lieu de provenance : peut-être la nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : déposée devant une maison au centre du village, située à 160 mètres à l’est de cette nécropole. – Texte : distribué sur cinq lignes ; lettres en capitales allongées de gravure peu profonde et soignée. Hl. 3,5-5,5 cm. DMS VOLVSSENIA SATVRNINA VIXIT ANNIS LXXXVI D(iis) M(anibus) s(acrum). / Volussenia / Saturnina / uixit annis / LXXXVI. « Consacré aux dieux Mânes. Volussenia Saturnina, a vécu 86 ans ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. « Consacré aux dieux Mânes. Volussenius Felix, fils d’Extricatus, lui-même fils de Nigelio, a vécu pieusement 77 ans ». (Épitaphe de droite) « Ils reposent ici ». – Datation : iie siècle– début du iiie siècle ap. J.-C, probablement avant 212 car le défunt semble être le premier à avoir obtenu la qualité de citoyen romain dans sa famille, puisqu’il a tenu à indiquer les noms uniques de son père et de son grand-père147. Fig. 44 : Stèle de Volussenia Saturnina (cliché A. Chérif). Fig. 43 : Stèle de Volussenius Felix et d’un(e) inconnu(e) (cliché A. Chérif). 147. Sur cette interprétation, cf. Lassère 2005, p. 174. – Support : stèle en pierre calcaire brisée en haut et en bas. La surface est très érodée. – Dimensions : H. 42 cm ; l. 28 cm ; Ép. 10 cm. – Lieu de découverte : peut-être la nécropole du Nord-Est. Déposée dans une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine (supra, n. 138). – Lieu de conservation : in situ. – Texte : trois lignes très partiellement conservées. Lettres en capitales allongées et régulières. Points triangulaires. Hl. 4,5-5 cm. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 2.1.w Épitaphe de L(ucius) V[---] (fig. 45) 91 D•M•Ṣ L•V[---] I[---] --- – Apparat critique : Ligne 2 : après le V, les vestiges très effacés d’une lettre ou plutôt des traces accidentelles subies par la surface épigraphique. D(iis) M(anibus) ṣ(acrum). / L(ucius) V[---] / I[---] / ---. « Consacré aux dieux Mânes. Lucius V[---] … ». – Datation : iie siècle – début du iiie siècle ap. J.-C. Fig. 46 : Stèle fragmentaire (cliché A. Chérif). 2.1.y Épitaphe fragmentaire (fig. 47) Fig. 45 : Stèle de L(ucius) V[---] (cliché A. Chérif). 2.1.x Épitaphe fragmentaire Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 (fig. 46) 92 – Support : partie supérieure d’une stèle en pierre calcaire à sommet arrondi. Une niche profonde de 4 cm est aménagée au-dessus du champ épigraphique, encadrée à gauche par une palme. – Dimensions : H. 34 cm ; l. 36 cm ; Ép. 15 cm. – Lieu de provenance : peut-être la nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : dans une maison au centre du village, située à 170 mètres à l’est de cette nécropole. – Texte : sont conservées une seule lettre à la première ligne (allongée et régulière haute de 6,5 cm) et la boucle d’une lettre au début de la ligne 2 : un O, Q ou S. L’invocation aux dieux Mânes est sans doute limitée à la formule DM, car aucune trace de lettre n’apparaît au milieu de cette ligne. – Support : partie inférieure d’une stèle en pierre calcaire, brisée en haut et à gauche. Un pédoncule est aménagé dans la partie inférieure (H. 10,5 cm ; l. conservée 14 cm). – Dimensions : H. (conservée) 40,5 cm ; l. (conservée) 29 cm ; Ép. 13 cm. – Lieu de provenance : nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : in situ, dans le cimetière musulman. – Texte : les deux dernières lignes sont partiellement conservées ; la première est réduite à des bribes de lettres indistinctes. Lettres en capitales allongées régulières de gravure peu profonde et soignée. Hl. 4,7 cm (dernière ligne). --[---]+++++ [---]•T•T•L•S• --- / [---]+++++ / [---]. T(erra) / t(ibi) l(euis) s(it). « ---. Que la terre te soit légère ». – Datation : iie siècle– première moitié du iiie siècle ap. J.-C. D uac. [.] +[---] --D(iis) [M(anibus)]. / --« Aux dieux Mânes. --- ». – Datation : iie siècle – première moitié du iiie siècle ap. J.-C. Fig. 47 : Stèle fragmentaire (cliché A. Chérif). 2.2. LES ÉPITAPHES CHRÉTIENNES 2.2.a Épitaphe de Pontia Victoria (fig. 48) – Support : petite stèle en pierre calcaire à sommet horizontal, grossièrement taillée sur le côté droit et en bas. – Dimensions : H. 24 cm ; l. 27 cm ; Ép. 6 cm. – Lieu de découverte : peut-être la nécropole du Nord-Est. Déposée dans une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine (supra, n. 138). – Lieu de conservation : in situ. – Texte : distribué sur trois lignes. Lettres en capitales allongées profondément gravées et assez soignées. Hl. 4,5-6 cm. PONTIA VICTORIA IN PACE Pontia / Victoria / in pace. « Pontia Victoria en paix ! ». – Datation : ive siècle ap. J.-C. La défunte porte les duo nomina au nominatif, conformément au formulaire traditionnel du Haut-Empire, ce qui constitue déjà un indice d’ancienneté. L’affichage de la foi chrétienne à travers l’emploi de l’acclamation in pace, nous situe à une date postérieure au triomphe du christianisme marqué par deux grands événements : l’édit de Milan de 313 qui établissait la liberté religieuse et la paix de l’église, et le concile de Nicée de 325 qui assurait l’unité religieuse de l’empire148. – Dimensions : H. 59 cm ; l. 41 cm ; Ép. 8,5 cm. – Lieu de découverte : nécropole du Sud. – Lieu de conservation : dans une rue du quartier méridional du village, aménagée aux dépens de la nécropole. – Texte : court sur une seule ligne gravée sur la tranche de la dalle (fig. 50). Lettres irrégulières. Hl. 2,5-6 cm. Au début de la ligne, croix latine simple (H. 4,5 cm ; l. 3 cm). (Croix latine) IHC CORPVS PASCASIE – Apparat critique : s’agit-il pour les trois premières lettres d’une abréviation : I(acet) H(i)C par exemple ? Mais une telle abréviation ne se rencontre pas, d’après les recensions de l’EDCS149. Une autre solution est possible : les lettres IH ont été interverties et il faudrait peut-être les corriger en HI et lire HIC. (Croix latine) hic corpus Pascasi(a)e. (Croix latine) « Ici le corps de Pascasia ». – Datation : vie-viie siècle ap. J.-C. L’écriture et la forme de la croix conviennent à une inscription d’époque byzantine150. Fig. 49 : Dalle funéraire de Pascasia (cliché A. Chérif). Fig. 50 : Détail de l’épitaphe de Pascasia (cliché A. Chérif). 2.2.b Épitaphe de Pascasia (fig. 49) – Support : dalle en pierre calcaire réutilisée depuis quelque temps comme couvercle d’un égout. 148. On consultera sur la formule in pace, Pietri 1997, p. 1442-1444 ; Lassère 2005, p. 290. 149. Est très fréquente dans des épitaphes païennes la formule hic iacet sepultus. L’abréviation h(i)c est, à ma connaissance, inconnue. 150. Sur la chronologie et les différentes formes des croix latines, voir Duval 1975, p. 341-342. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Fig. 48 : Stèle de Pontia Victoria (cliché A. Chérif). 93 2.3. AUTRES INSCRIPTIONS 2.3.a Fragment de table de jeu151 (fig. 51) – Support : dalle moulurée en pierre calcaire brisée de deux côtés. Une entaille au bord de la pierre, ce qui dénote peut-être un remploi. – Dimensions : Long. (conservée) 49,5 cm ; l. (conservée) 34 cm ; H. 10 cm. – Lieu de découverte : dans une maison construite à l’emplacement de la nécropole de l’Ouest. – Lieu de conservation : in situ. – Textes : deux lignes espacées de 5 cm, composée chacune de six lettres (capitales allongées et régulières hautes de 2,5 à 3,3 cm) gravées dans des rectangles (fig. 52-53). [trois] moments du temps. C’est pour cette raison également, disent-ils, que la table de jeu est divisée en trois bandes »154. De nombreux plateaux, taillés dans différents types de supports (marbre, calcaire, bois), ont été mis au jour dans plusieurs agglomérations du monde romain. En Afrique, je cite à titre d’exemples ceux découverts à Dougga155, à Ksar Toual Zouamel, antique Vicus Maracitanus156, et à Thuburbo Maius157. Les inscriptions gravées sur ces plateaux se rapportent généralement à des scènes de la vie quotidienne, mais elles évoquent dans bien des cas des événements historiques. Je donnerai comme illustration à cette deuxième catégorie les mots gravés sur un plateau provenant de Rome158 : [. . . . . .] / [. . . . . .] N O L I T E / [. . . . . .] P O N I T E / [. . . . . .] Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 – Remarque : ce fragment de table de jeu appartient au type des duodecim scripta (XII Scripta) : « jeu des douze points », jeu pratiqué sur un plateau composé de trois lignes parallèles, chacune formée de deux fois six cases inscrites. Pour notre table, le premier mot du groupe de gauche et tout le groupe de droite ont disparu. Ces jeux font partie des loisirs quotidiens à propos desquels on disposait de quelques informations éparses dans des sources gréco-latines152. Isidore de Séville, entre autres, nous a transmis certains détails sur le jeu de type Alea qui est une autre version des XII Scripta153 : « Le sens figuré du jeu d’Alea. Certains joueurs d’Alea croient qu’ils pratiquent cette activité de façon savante, en recourant à des allégories, et imaginent qu’ils le font en se fondant sur une forme de similitude avec les phénomènes de la nature. Ils affirment en effet jouer avec trois dés à cause des trois moments du temps, le présent, le passé et l’avenir, parce que ces moments ne restent pas immobiles mais roulent rapidement. Ils avancent aussi comme argument le fait que les pistes sont réparties en six cases à cause des [six] âges de la vie humaine, et en trois lignes à cause des 94 151. Je remercie mes collègues Mme Véronique Dasen et M. Ulrich Schädler pour toutes les informations qu’ils m’ont amicalement transmises au sujet des jeux dans l’Antiquité, qu’ils trouvent ici l’expression de ma profonde gratitude. 152. Voir par exemple, sur ces sources, May 1995, p. 51-61. Il faut supposer que notre table de jeu a été déplacée vers la nécropole pour un éventuel remploi. La bibliographie relative à la question des jeux et jouets est de plus en plus importante. Des projets ont été mis en place ; je citerai le projet financé par l’European Research Council Locus Ludi. The Cultural Fabric of Play and Games in Classical Antiquity, implanté à l’université de Fribourg (Suisse) et dirigé par Véronique Dasen. Je renverrai aussi aux travaux suivants : Dasen 2018, p. 23-50 ; Daniaux 2019, p. 88-89 ; Ludique 2019 ; Schädler 2019b, p. 127-129. 153. L’alea est une « version plus tardive du XII Scripta. Il s’agit d’un jeu du type backgammon. Joué à deux sur un plateau composé de trois rangées de deux fois six cases. Parmi les principales nouveautés par rapport au XII Scripta : trois dés à la place de deux » (Vespa 2019, p. 124). On consultera aussi sur les définitions des XII Scripta et de l’alea, Schädler 1995, p. 83-89. Fig. 51 : Fragment de table de jeu (cliché A. Chérif). Fig. 52 : Détail de la ligne 1 conservée (clichés A. Chérif). Fig. 53 : Détail de la ligne 2 conservée (clichés A. Chérif). 154. Orig., XVIII, 64 (traduction de Ph. Moreau, citée par Schädler 2019a, p. 22) : « De figuris Aleae. Quidam autem aleatores sibi videntur physiologice per allegoriam hanc artem exercere, et sub quadam rerum similitudine fingere. Nam tribus tesseris ludere perhibent propter tria saeculi tempora : praesentia, praeterita, futura ; quia non stant, sed decurrunt. Sed et ipsas vias senariis locis distinctas propter aetates hominum ternariis lineis propter tempora argumentantur. Inde et tabulam ternis discriptam dicunt lineis ». 155. CIL VIII, 26659 = ILAfr 543 ; Poinssot 1914, p. 278-279, no 1267 ; Ferrua 2001, p. 100, no 73. 156. Saumagne 1941, p. 244, d’où AE 1942-1943, 107 = ILT 576 ; Ferrua 2001, p. 71, no 97. 157. Le plateau est aménagé à l’angle sud du portique des Petronii, dans un entre-colonnement : Poinssot 1917, p. 124, d’où AE 19171918, 24 = ILAfr 290 ; Ferrua 2001, p. 151, no 120. 158. AE 1904, 197 = ILS 8626a ; Ferrua 2001, p. 23, no 2. PARTHI * OCCISI BR[I]TTO * VICTVS LVDIT[E] * [R]OMANI Ces devises font allusion à des victoires remportées contre les Bretons et les Parthes. 2.3.b Fragment d’une constitution impériale ?159 (fig. 54) – Support : fragment de dalle en pierre calcaire brisé de tous côtés. – Dimensions : H. (conservée) 16,5 cm ; l. (conservée) 27 cm ; Ép. 9 cm. – Lieu de découverte : dans une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine (supra, n. 138). – Lieu de conservation : in situ. – Textes : trois lignes inégalement conservées ; la troisième correspond aux amorces de quatre lettres dont un A et un T. Lettres en capitales allongées profondes et soignées. Hl. 6,5-7 cm. des autres pièces du dossier, à l’Orient, placé sous l’autorité de Galère162. Pour attribuer le présent fragment à cette constitution du début de la seconde tétrarchie, il faudrait peut-être restituer à la ligne 1 conservée [et]iam {P} pr[aedationum] et à la ligne 2 [sti]rp(itus) amputat[i]163. Cette attribution, si elle est valable, entraîne une conséquence de grande portée : l’affichage de cette constitution n’est pas exclusif au domaine de Galère (l’Orient) comme le pense S. Corcoran164, et la copie de « Padoue » pourrait bel et bien être réattribuée à son contexte « occidental ». Évidemment, le rattachement de notre fragment à une nouvelle copie de la constitution de 305-306 est une simple conjecture appelée à être vérifiée et confirmée par la découverte d’autres fragments qui permettront d’établir ce lien de manière assurée. La prudence est d’autant plus nécessaire que le verbe amputare, --[---]+ẠṂPPR[---] [---]RPAMPVṬẠṬ[---] [---]+ẠṬ+[---] --- 159. Le développement consacré à ce fragment a bénéficié des remarques tout à fait éclairantes de M. Denis Feissel qui a eu en outre l’amabilité de me transmettre certains travaux indispensables pour notre commentaire. Qu’il trouve ici l’expression de ma profonde gratitude. 160. Delmaire 1989, p. 215. Voir aussi Feissel 1996, p. 286 [= 2010, p. 178] ; Corcoran 2007 ; 2012, p. 267-270. 161. Feissel 1995, p. 51-53 (les quatre fragments d’Éphèse, d’où AE 1995, 1498 a-d [= 2010, p. 150-153] ; Feissel 1996, p. 273-287, d’où AE 1996, 1403 (copie d’Athènes) et 1498 (copie de Tlos) [= 2010, p. 155-179]. Fig. 54 : Le fragment 2.3.b (cliché A. Chérif). comme me le fait remarquer M. Denis Feissel, est employé dans d’autres constitutions impériales du Bas-Empire. De plus, les lettres RP au début de la partie conservée de la ligne 2, peuvent être lues r(es) p(ublica). Par conséquent, le fragment de Bou Jlida pourrait éventuellement appartenir à un autre document juridique encore inconnu de nous. 2.3.c Fragment indéterminé (fig. 55) – Support : fragment de dalle en pierre calcaire brisé de tous côtés sauf à droite. La partie inférieure est très écaillée. – Dimensions : H. (conservée) 23 cm ; l. (conservée) 20,5 cm ; Ép. 7 cm. – Lieu de découverte : dans une maison au nord du village, à proximité d’un tronçon de l’enceinte byzantine (supra, n. 138). – Lieu de conservation : in situ. – Textes : trois lignes inégalement conservées. Lettres en capitales allongées peu profondes et bien soignées. Points triangulaires. Hl. 8 cm. --[---]+ [---] R• P• [---]ṾỊỊ 162. Sur l’origine incertaine de cette pierre « dite de Padoue », cf. Feissel 1995, p. 49 [= 2010, p. 146, n. 88]. 163. Feissel 1996, p. 284 [= 2010, p. 174]. 164. Corcoran 2007 ; 2012, p. 275-277. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 – Remarque : ce fragment pourrait appartenir à une constitution impériale. Le vocabulaire employé, principalement ici le mot lacunaire AMPVTAT, et les quelques lettres conservées, permettent de conjecturer un premier rapprochement : notre document correspondrait à un nouvel exemplaire d’un édit tétrarchique, celui décrété par Constance Chlore et Galère, entre le 1er mai 305 et le 25 juillet 306, contre les abus des Caesariani. Ces derniers sont des employés du procurator rei priuatae, « leur réputation est particulièrement détestable : rapines, extorsions, vols, détournements, accusations mensongères pour provoquer les confiscations, précipitation mise à occuper et inventorier avant la sentence »160. Cet édit, qui a fait l’objet d’une nouvelle édition de la part de Denis Feissel161, est connu par quatre exemplaires, trois découverts en Orient : à Éphèse, à Tlos (en Lycie) et à Athènes (version grecque de l’original latin), et un quatrième à Padoue, en Italie (donc en Occident, qui correspond au domaine de Constance Chlore). L’origine « occidentale » de ce dernier témoin épigraphique est contestée; il est considéré comme une pierre errante qu’il faudrait attribuer, à l’instar 95 – Apparat critique : Ligne 1 conservée : on voit encore les traces d’une barre horizontale, très probablement d’un E. Ligne 3 : les traces assez effacées d’un V, ensuite les sommets de deux hastes verticales. On a donc affaire à un chiffre. On peut restituer à la ligne 2 la formule r(ei) p(ublicae) suivie, après une lacune de longueur indéterminée, de l’indication de la somme honoraire versée165. Une autre restitution est peut-être aussi possible. Dans certaines épitaphes sont indiquées les différentes étapes de la carrière municipale du défunt, y compris la charge de [curator] r(ei) p(ublicae). Le chiffre correspondrait alors à une partie de l’âge vécu. Les parallèles ne manquent pas166, mais la hauteur des lettres et l’espacement laissé entre elles font plutôt penser à une inscription publique. Fig. 55 : Le fragment 2.3.c (cliché A. Chérif). 3. ONOMASTIQUE 3.1. L’ONOMASTIQUE ET ROMANISATION DES MIZAEOTHERENENSES Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Après la présentation des textes inédits, il convient de rappeler, avant de passer à l’étude du matériel onomastique, les épitaphes publiées et celles signalées par N. Ferchiou mais restées encore inédites (classement chronologique)167. Le corpus épigraphique de Bou Jlida compte maintenant 65 inscriptions (entre signalées, publiées et inédites) 96 faisant connaître 89 individus : 85 ont les noms complets ou un peu lacunaires et 4 restent des inconnus à cause de la fragmentation des stèles (les stèles 2.1.u [épitaphe de droite] ; 2.1.x ; 2.1.y et tabl. 1, no 14). Le matériel onomastique dégagé de cette documentation paraît largement réduit si on le compare avec le nombre d’inscriptions et d’individus connus dans d’autres villes à l’instar de Dougga168, Lambèse169, Mactaris170, etc. Mais cette moisson peut être considérée comme un spécimen relativement significatif pour une petite localité telle que Mizaeotherena où le nombre des individus recensés correspond à peu près au un tiers de ceux calculés par Y. Thébert pour Bulla la Royale171. Les 85 individus connus se composent de 59 hommes et 26 femmes. Ils peuvent être répartis en cinq groupes définis sur la base de la datation assignée aux documents172 (tabl. 3. Le nom suivi d’un astérisque est mentionné dans la filiation). Cette répartition, si elle s’appuie sur une chronologie relative, qui devrait être de ce fait utilisée avec prudence, permet tout de même de formuler certaines remarques sur l’évolution de la dénomination des habitants de la ville et d’apprécier le processus de leur intégration dans la romanité. Je commencerai par quelques statistiques d’ordre général. Sans compter les trois individus des groupes 4 et 5 qui ont vécu postérieurement à la constitutio Antoniniana, donc au phénomène de la romanisation, les listes qu’on vient de dresser dans le tabl. 3 révèlent au total 44 citoyens romains (24 hommes et 20 femmes), 35 pérégrins (31 hommes et 4 femmes) et un cas douteux, celui de Saturninus, le mari de Caecilia Ho[norata]173 (voir tabl. 1, no 11). On ajoutera, en bas de l’échelle sociale, l’attestation de deux esclaves privés : Aris, fils d’Aris, Candidi uern(a)e, c’est-à-dire né dans la maison du maître174. Le père du défunt ne peut être aussi qu’esclave et il est, comme son fils, propriété d’un certain Candidus que N. Ferchiou propose d’identifier, avec vraisem- 165. C’est une formulation fréquente dans les inscriptions. Par exemple dans une inscription d’Vchi Maius (CIL VIII, 26239 = AE 1907, 91 = ILS 9398 : Ibba 2006, nº 5), où on lit au début : Karthagini Aug(ustae) sac(rum) / ex testamento Q(uinti) Aproni Q(uinti) f(ilii) / Arn(ensi) Vitalis honestae memoriae uir(i) / qui rei p(ublicae) Vchitanorum Maiorum at sta/tuam [deae ponendam promiserat (?) HS –– -] mil(ia) … 166. CIL VIII, 25470 (El-Monchar, en Afrique proconsulaire) : D(iis) M(anibus) s(acrum). / Maecius / Felix fl(amen) p(er)p(etuus) et / IIII cur(ator) r(ei) p(ublicae) uixit / ann(is) LXIII m(ensibus) XI… 167. Les épitaphes de Bou Jlida ont été publiées par Poinssot 18821883, p. 294-295, no 145-148 (tabl. 1, no 1, 9 et 11) ; Espérandieu 1892, p. 156, no 2 (tabl. 1, no 2) ; Zeiller 1903, p. 195-196, no 1 et 3-5 (tabl. 1, no 4, 5, 12 et 13) ; Poinssot 1938-1940, p. 151 (tabl. 1, no 6) ; Ferchiou 1979a, p. 24-25 (tabl. 1, no 3, 7, 8, 10 et 16) ; González Bordas à paraître (tabl. 1, no 14 et 15). Pour les no 17 et 18 du tabl. 1, on se réfère seulement au Corpus. 168. MAD ; Dondin-Payre 2002 ; 2004. 169. Voir Lassère 1971-1974 ; 1973 ; Groslambert 2003. 170. Les 304 inscriptions latines recensées par A. M’Charek ont fourni « un total de 1130 noms conservés appartenant à 573 personnages » (M’Charek 1982, p. 143). 171. Thébert 1973, p. 252 où on lit : « au total, ce sont donc 290 individus, dont 241 porteurs de gentilices et 242 porteurs de cognomina, qu’il est actuellement possible d’étudier à Bulla Regia ». 172. La fourchette chronologique retenue pour chaque groupe (essentiellement pour les trois premiers) est une sorte de récapitulation des datations proposées pour les documents insérés dans tel ou tel ensemble. On constate pour les deux premiers groupes un grand nombre de personnes mentionnées dans la filiation. Leur attribution à un groupe spécifique prend en considération l’emplacement dans la filiation (père, grand-père ou arrière-grand-père) et l’âge du défunt s’il est encore conservé sur la pierre. 173. Il est impossible de déterminer le statut juridique de Saturninus : pérégrin ou citoyen romain. Ce nom peut être pris pour un idionyme, mais on sait que pour un citoyen romain « il n’est pas obligatoire d’énoncer, même dans des documents publics, toute sa nomenclature ; un ou plusieurs éléments peuvent être choisis, d’autres omis, pour toutes sortes de raisons » (Dondin-Payre 2011b, p. 21). 174. L’esclave est normalement dépourvu de filiation aux yeux du droit romain, mais en pratique plusieurs cas sont attestés par l’épigraphie : cf. Lassère 2005, p. 147. N° Référence Nom du (ou des) défunt(s) et filiation Support Formulaire Datation 1 CIL VIII, 12335 ; ILS 4465 ; ILT 649 Aemilia Amotmicar* Stèle Absence de DMS et HSE ier s. 2 CIL VIII, 23926 Aris Clementis Cullube fil. Non indiqué. Probablement une stèle DMS, HSE iie s. 3 AE 1979, 653 Aris Victoris Senti fil. Stèle à fronton triang. flanqué d’acrotères DMS, HSE, [T]TLS iie s. 4 CIL VIII, 23927 Babit Siluani Ateri fil. Non indiqué, probablement une stèle DMS, HSE, TLS iie s. 5 CIL VIII, 23928 Celer Celeris Galli Celeris f.** Non indiqué, probablement une stèle DMS iie s. 6 ILT 650*** Aufidia Rogata Rogati fil. Stèle à fronton triang. flanqué d’acrotères DMS, HSE, TTLS iie – ire moitié du iiie s. 7 AE 1979, 652 Antia Secur(a) Stèle DMS, HSE iie – ire moitié du iiie s. 8 AE 1979, 654 L. Arrius Rogatus Stèle DMS, HSE iie – ire moitié du iiie s. 9 CIL VIII, 12339 Modius Victor Quietus et Iulia Sedata**** Non indiqué DMS iie – ire moitié du iiie s. 10 Ferchiou 1979, p. 25, no 4. Pontia Tertulla Stèle DMS, OTBQ iie – ire moitié du iiie s. 11 CIL VIII, 12336 [C]aecilia Ho[norata]***** Peut-être une dalle plaquée à un mausolée****** – iie – iiie s. 12 CIL VIII, 23929 (Registre de gauche) M. Fabius Fuscus et Antonia Galla [---]ri Sammi fi.******* (Registre de droite) M. Fabius Fuscus Valerianus Non indiqué DMS, HSE, O[TBQ] iie moitié du iie – iiie s. 13 CIL VIII, 23930 L. Pontius Felix Pompeianus Non indiqué DMS, TTLS, OTBQ iie moitié du iie – iiie s. 14 GonzÁlez Bordas à paraître Clodia Tertia et un(e) inconnu(ue). Stèle incomplète en haut et en bas. HSE – HOTBQ iie – ire moitié du iiie s. 15 GonzÁlez Bordas à paraître M. Summesius Ianuarius Stèle à sommet horizontal DMS iie – ire moitié du iiie s. 16 AE 1979, 655******** C. Nunnius Felix Stèle à fronton triang. flanqué d’acrotères. Décor architectural DMS, HSE, TTLS iie moitié du iie – ire moitié du iiie s. 17 CIL VIII, 12337 L. Clodius Prim[---]s et Valeria Rogata Cippe DMS – HSE iie moitié du iie – ire moitié du iiie s. 18 CIL VIII, 12338 [D]ecimiu[s]********* Fragment indéterminé – – * La défunte est sacerdos Cererum. Le monument a été qualifié de stèle par tous les commentateurs sauf J. Toutain (1907, p. 349) qui le désigne comme un cippe. Il s’agit à ce qui semble d’une stèle massive (ou épaisse), comparable peut-être à certains monuments de Dougga (MAD, p. 68). On ignore l’épaisseur de la pierre, mais la comparaison avec Dougga est d’autant plus probable que sur l’une des faces latérales est « sculptée une figurine qui lève les bras et tient sur la tête une gerbe de blé » (Doublet 1892, p. 129). Un registre surmontant l’épitaphe représente en bas-relief une femme sacrifiant sur un autel. En voici le texte : Aemilia Amot/micar, sacerdos / Cererum p(ublica ou– ia), uix(it) an(nis) LXXV, / consacrauit an(nis) XXV / X. Voir Cadotte 2007, p. 495, no 123 ; Ladjimi Sebaï 2011, p. 61, no 123. ** L’épitaphe donne trois noms au génitif après celui du défunt au nominatif ; le premier est celui du père, ensuite on lit Galli Celeris qu’on peut interpréter comme les noms du grand-père et de l’arrière-grand-père ou du grand-père qui portait deux noms, donc un pérégrin à double idionyme : Gallus Celer. La mention de trois générations dans la filiation est attestée dans la région de Bou Arada (Cf. Dondin-Payre 2011a, p. 28-29, à propos des exemples de Baracho et de Nabor. Également Chérif 2015b, p. 1384-1385, d’où AE 2015, 1804). Je retiens Gallus et Celer comme renvoyant à deux personnes différentes sans que l’autre alternative ne soit complètement exclue. *** Poinssot 1938-1940, p. 151 ; Benzina Ben Abdallah 1986, p. 83, no 212. **** J. Poinssot (1882-1883, p. 295, nos 147 et 148) attribue à chaque épitaphe un numéro à part ce qui veut dire qu’on a affaire à deux supports différents. Mais dans le manuscrit du même auteur, consulté par R. Cagnat et J. Schmidt, les deux textes apparaissaient comme gravés sur un seul support. Il s’agit donc probablement de deux registres d’un support unique. ***** L’épitaphe mentionne aussi le dédicant, Saturninus uxori. Cf. supra, no 173. ****** C’est un fragment haut de 55 cm et long de 115 cm. Hl. 6-10 cm. ******* J. Zeiller (1903, p. 195), en reproduisant les deux épitaphes gravées dans les deux cantons, a précisé à propos de celle de gauche : « La ligne 6 de la colonne de gauche a sans doute été mal gravée ou mal copiée ». Le nom de la défunte, Antonia Galla, devrait être suivi de deux noms au génitif, celui du père (un nom en– rus à la fin, comme Verus, Severus …) et celui du grand-père Sammus. ******** Ferchiou 1979a, p. 25 et fig. 2, p. 32. ********* Le support étant incomplet de tous côtés, la lecture du texte est donc très incertaine. Seul le nom Decimius est semble-t-il assuré. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Tabl. 1 : Les épitaphes publiées de Bou Jlida. 97 Nº Référence Nom du (ou des) défunt(s) et filiation Support Datation 1 Ferchiou 2000, p. 70 Cf. supra, n. 53. Aris fils d’Aris, esclave de Candidus Stèle iie s. 2 Ferchiou 2000, p. 69 Cf. supra, n. 51 C. Aebutius Pacatus Stèle iie s. 3 Ferchiou 2000, p. 69 Cf. supra, n. 51 Aebutius Saturninus, fils de Titus Aebutius Indéterminé iie s. 4 Ferchiou 2000, p. 70 Cf. supra, n. 52 Caecilia Ouinia, fille de Saturninus, fils de Kallippus Autel iie moitié du iie – ire moitié du iiie s. Tabl. 2 : Les épitaphes de Bou Jlida signalées par N. Ferchiou mais non publiées. 1er groupe (Ier s. ap. J.-C.) 2e groupe (ii s. ap. J.-C.) e 3e groupe (iie – iiie s.) 4e groupe (ive s.) Titus Aebutius*, Aemilia Amotmicar, Aterius*, Balsamo*, Celer* (grand-père de Thader), Celer* (arrièregrand-père de Celer), Cullube*, Dado*, Gallus*, Giddo*, Liteus*, Sentius* Aebutia Matidia, C. Aebutius Pacatus, Aebutius Saturninus, Aebutius Victor (identifié à Victor, père d’Aebutia Matidia), Aelius Ouinianus*, Aemilius*, Aris, Aris, Aris, Aris*, Aristo*, Babit, Baliato*, Bucia*, Candidus, Celer* (père de Celer), Celer, Clemens, Extricatus*, Kallippus* (grand-père de Caecilia Ouinia), Namgede, Nigelio*, Pacor*, Rogatus* (père d’Aufidia Rogata), Sammus*, Saturninus* (père de Caecilia Ouinia), Saturninus* (père de Victoria), Siluanus*, Thader, Thader, Victor*, Victoria, [---]rus* (père d’Antonia Galla) Aebutius Saturninus, Aelia Extricata, Aelia Ianuaria, Antia Secura, Antonia Galla, L. Arrius Rogatus, Atagia Saturnina, Aufidia Rogata, Bebia Namgidenia, L. Bezius Felix, Caecilia Ho[norata], Caecilia Ouinia, Q. Cipius Felix, Clodia Tertia, L. Clodius Prim[---]s, [D]ecimiu[s], Dextrania Rogata, M. Fabius Fuscus, M. Fabius Fuscus Valerianus, Fasedius Felix, Q. [Hel]uius, Iulia Sedata, Modius Victor Quietus, Mormeia Rogata, C. Nunnius Felix, Pontia Tertulla, L. Pontius Felix Pompeianus, Popilius Saturninus, Sallustius Primus, Sentius Saturninus, Saturninus (époux de Caecilia Ho[norata]), M. Summesius Ianuarius, Valeria Rogata, Verneia Rogata, Volussenia Saturnina, Volussenius Felix, L. V[---] Lollius Valerius, Pontia Victoria 5e groupe (Période byzantine) Pascasia Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Tabl. 3 : Répartition des individus connus à Mizaeotherena sur les différentes périodes. 98 blance, avec le donateur du terrain sur lequel fut construit le temple de Saturnus Achaiae (voir tabl. 2, no 1)175. Pour ce qui est des citoyens romains, l’épigraphie de Bou Jlida n’a pas encore révélé de personnes désignées par tous les éléments de l’onomastique quiritaire officielle : le prénom, le gentilice, la filiation, la tribu et le surnom. Aucune inscription ne mentionne la tribu dans laquelle sont inscrits les ciues Romani de Mizaeotherena, ni un texte qui donne la filiation citoyenne, c’est-à-dire par le prénom paternel. La filiation est toujours exprimée par le nom du père au génitif. Dans le groupe des 44 citoyens romains on relève la présence de 8 porteurs de tria nomina, tous des hommes, et 30 de duo nomina (10 hommes et 20 femmes) constitués tous de gentilice + surnom à l’exception de Titus Aebutius (prénom + gentilice)176. On compte aussi parmi ces citoyens romains trois cas de polyonymie (multiplication des cognomina) : M. Fabius Fuscus Valerianus, Modius Victor Quietus et L. Pontius Felix Pompeianus. Enfin, dans trois cas le système nominal reste indéterminé à cause de l’état fragmentaire du support : [D]ecimiu[s], Q(uintus) [Hel]uius et L(ucius) V[---]. Les citoyens romains et les pérégrins se répartissent très inégalement sur les trois premières périodes. L’examen de cette répartition permettra de suivre les étapes de la transformation de la nomenclature pérégrine vers le système onomastique romain, et d’en préciser les grands traits de la romanisation juridique de la population. – Premier groupe (ier s. ap. J.-C.). Il compte 12 individus dont seulement deux sont citoyens romains : Titus Aebutius et Aemilia Amotmicar, prêtresse des Cereres. Celle-ci est d’extraction locale contrairement au premier, membre d’une famille romaine qui a émigré en Afrique sous le principat d’Auguste177. Ces deux citoyens portaient les duo nomina : 175. Dans nos statistiques, nous tenons les deux différentes mentions comme faisant référence au même personnage, sans que la possibilité d’une homonymie soit exclue. 176. On a inclus dants ce sous-groupe des porteurs des duo nomina Bucia, la mère d’Aebutia Matidia. Bucia est une citoyenne romaine qui portait sans doute une nomenclature composée de gentilice + surnom. Ce dernier élément a été omis dans l’inscription. 177. Cf. infra, la notice consacrée au nom Aebutius. Une colonisation datant de l’époque augustéenne et julio-claudienne est bien attestée dans la région où se trouve Mizaeotherena. Voir en dernier lieu sur cette colonisation, Ferchiou 1980 ; 1986. On consultera aussi Lassère 1977, p. 218-219 ; Dondin-Payre 2011a, p. 35. Ces déplacements vers l’Afrique sont motivés par diverses raisons, notamment la mise en valeur et l’exploitation des terres agricoles. 178. M. Coltelloni Trannoy (2021, p. 183) interprète le chiffre XXXV (voir le texte donné supra) comme indiquant l’année de l’ère des Cereres, et date par conséquent l’épitaphe entre 9 et 2 av. J.-C. Or le texte contient à la ligne 4 consecrauit an(nis) XXV et un X à la fin de la ligne 5. Indépendamment du chiffre, le verbe consecrauit n’a jamais été utilisé dans les inscriptions pour indiquer l’année de l’ère des Cereres, il précise plutôt qu’Aemilia Amotmicar s’est consacrée à la déesse pendant 25 ans. Cf. Ladjimi Sebaï 2011, p. 61, no 123. notables locaux, deux sont des dédicaces faites par deux frères Aebutii179, la troisième atteste la générosité du pérégrin Candidus Balsamonis fil(ius) ex (undecim)pr(imis), qui a fait don d’un terrain pour la construction du temple dédié à Saturnus Achaiae sous le règne d’Antonin le Pieux. Nous retenons que jusqu’au milieu du iie s. ap. J.-C. au moins, la romanisation de la population de Mizaeotherena ne se fait sentir que très superficiellement et que la plupart des familles sont encore ancrées dans leur culture punico-libyque. – Troisième groupe (iie-iiie s. ap. J.-C.). La liste retenue pour ce dernier groupe compte 37 individus, 20 hommes et 17 femmes. Excepté Saturninus, l’époux de Caecilia Ho[norata], dont le statut ne peut être déterminé avec certitude (supra, n. 173), tous les autres sont des citoyens romains ; dix d’entre eux portaient des prénoms. Contrairement à la lenteur qui a marqué le passage des habitants de la ville du statut pérégrin au statut quiritaire durant une bonne partie du iie siècle ap. J.-C., il est à constater qu’à partir de la deuxième moitié de ce siècle, la naturalisation connaît un rythme de plus en plus intense aboutissant à un basculement remarquable de la population locale vers la nomenclature citoyenne, ce qui traduit bien évidemment un changement du statut juridique. Le retard enregistré dans la romanisation des habitants a été aussi, on l’avait déjà dit, constaté par N. Ferchiou dans le domaine de l’architecture, restée plutôt influencée par l’héritage punique jusqu’à une date très avancée dans le iie siècle et que les éléments de style romain sont presque tous datés du iiie siècle180. À la charnière du iie et du iiie siècle, la part prédominante des pérégrins est supplantée par une composante citoyenne écrasante. L’échantillonnage étudié, aussi limité soit-il, nous donne l’opportunité de suivre la courbe de l’évolution de la nomenclature des Mizaeotherenenses. En effet, on est passé de 16,66 % de citoyens romains et 83,33 % de pérégrins au ier siècle ap. J.-C. à 97,29 % au moins de citoyens romains à la fin du iie siècle et au début du iiie siècle. Cette nouvelle situation n’est pas sans conséquence sur le statut juridique de l’agglomération. Mizaeotherena, avant d’accéder au statut de municipe, était sans doute une cité pérégrine, même si le mot ciuitas n’est pas encore attesté par l’épigraphie. On a évoqué au début de ce travail les deux principales hypothèses relatives à l’interprétation de la gens Bacchuiana, mentionnée dans la dédicace à Saturnus Achaiae. On est d’avis que le terme gens recouvre ici le sens d’association cultuelle vouée au culte de Bacchus. Cette idée une fois admise, on peut reconstituer avec beaucoup de vraisemblance les étapes de l’évolution juridique de notre agglomération. Au ier siècle, Mizaeotherena était une ciuitas peregrina dont le peuplement fut amplifié après l’implantation de colons italiens, les Aebutii. Ces colons ne sauraient s’installer dans un contexte tribal ; nous ne connaissons aucun exemple dans cette région de la Proconsulaire qui puisse témoigner d’une pareille situation. Les expatriés s’installaient plutôt dans des agglomérations secondaires (des castella par exemple) et dans des villes, comme c’est le cas à Thabbora où des citoyens romains, venus sans doute 179. Cf. supra, n. 31 et 42. 180. Cf. supra, n. 86. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 prénom + gentilice pour le premier, gentilice + surnom pour la seconde. On ignore les circonstances qui ont présidé à l’accession particulièrement précoce de cette femme à la citoyenneté romaine. S’agit-il d’une descendante d’un Aemilius qui aurait reçu ce bienfait du triumvir M. Aemilius Lepidus lorsqu’il prit possession de l’Afrique entre 40 et 36 av. J.-C. ? Un tel rapport est possible, mais ce n’est qu’une simple conjecture178. Les 10 autres individus, tous mentionnés dans la filiation, portaient des noms uniques puisés dans différents registres linguistiques. Cet échantillon montre qu’au cours du ier s. ap. J.-C. la population est composée d’une majorité écrasante de pérégrins, ce qui correspond d’ailleurs à la situation de la plupart des cités pérégrines au temps des Julio-Claudiens et des Flaviens. Cependant, rédiger une inscription en latin et porter un nom latin constituent en soi une marque d’acculturation et une étape essentielle du processus de romanisation. L’élément allogène, représenté en l’état actuel de nos connaissances par la seule gens Aebutia, ne manquait pas d’exercer une certaine influence, à moyen ou à long terme, sur ces pérégrins et faciliter leur adoption du mode de vie des Romains. – Deuxième groupe (iie s. ap. J.-C.). On dénombre 33 individus : hormis les deux esclaves (Aris, fils d’Aris), 6 citoyens romains sont identifiés (4 hommes et 2 femmes). La structure citoyenne est majoritairement binaire (gentilice + surnom) avec un seul cas de tria nomina (C. Aebutius Pacatus). On relève aussi au sein de ce groupe la seule occurrence de double filiation fournie par l’ensemble de la documentation épigraphique de Bou Jlida, celle d’Aebutia Matidia. La filiation de la défunte renvoie à la fois à son père (Aebutius ?) Victor et à sa mère Bucia. Quant aux pérégrins, ils sont au nombre de 25 (21 hommes et 4 femmes), reconnus par le port d’un idionyme. La liste des noms uniques est essentiellement composée de noms latins et libyco-puniques, avec une présence très limitée – mais significative – de noms grecs et d’un celtique. Par comparaison avec le premier groupe, une remarque capitale se dégage : la proportion pérégrine n’a pas encore été contrebalancée par le nombre de ceux dotés de la citoyenneté romaine. De plus, les quelques citoyens romains attestés ne sont pas des africains romanisés mais des descendants d’expatriés qui appartenaient tous à la même famille, la gens Aebutia, à l’exception d’Aelius Ouinianus, Bucia étant aussi une citoyenne romaine apparentée aux Aebutii. D’ailleurs, des trois inscriptions publiques jusqu’ici connues témoignant des libéralités de 99 Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 aussi d’Italie, ont été introduits dans le corps civique de la cité, probablement à l’époque augustéenne181. On les trouve également sur des domaines impériaux182 ou comme des propriétaires privés183. Cette remarque est un argument supplémentaire en faveur de l’idée que sous le principat d’Antonin le Pieux, Bou Jlida s’appelait Mizaeotherena et non gens Bacchuiana. Le statut pérégrin a été conservé par la cité jusqu’au milieu du iie siècle au moins. C’est au temps de la ciuitas – et non de la supposée tribu Bacchuiana – qu’une dédicace et trois épitaphes font connaître une institution qui n’a pas cessé de susciter des controverses entres spécialistes, l’undécimprimat. Sans revenir sur les détails de ce débat184, nous nous limiterons à mentionner les quatre notables qui ont fait partie des « onze premiers » : le pérégrin Candidus et les trois citoyens romains, membres de la même famille, C. Aebutius Pacatus (tabl. 2, no 2), Aebutius Saturninus, fils de T. Aebutius (tabl. 2, no 3) et Aebutius Saturninus, fils d’Aebutius Saturninus (texte 2.1.b). Après une longue période d’assimilation, la ville parvint à la dignité municipale. L’importante portion des habitants naturalisés vers la fin de l’époque antonine va sans doute motiver une promotion juridique recherchée par l’élite locale. Les textes mentionnant le municipe se situent au iiie et au ive siècle185, mais l’étude de l’évolution de l’onomastique montre que l’obtention de ce statut devrait dater de la fin du iie siècle ou du début du iiie, pour ainsi couronner le long parcours d’intégration. A. Beschaouch attribue l’élévation de Mizaeotherena au rang de municipe à Caracalla186 ; N. Ferchiou est du même avis187. Pour ma part, j’ai proposé 100 181. Le nouveau document qui concerne la composition interne de la cité est une borne-limite dont voici le texte : Populus Thab/borensis ciues / Romani et Afri. Le Populus de Thabbora, au sens plinien du terme (populus = ciuitas), est constitué de deux parties, une population locale et un groupement d’expatriés. Ce binôme rappelle-t-il une expression bien connue révélée par l’épigraphie de Thignica : utraque pars ciuitatis (CIL VIII, 1419 = 15212 = ILS 6822 ; CIL VIII, 1415 = 15207) ? Notons toutefois que Thignica est dans l’Africa Noua, alors que les Afri sont exclusivement mentionnés dans l’ancien territoire carthaginois. Pour une présentation préliminaire de la nouvelle borne de Thabbora, cf. Chérif à paraître. 182. Je pense particulièrement ici à la borne de Phileros, plantée quelque part autour d’Vchi Maius : « castellum diuisit inter colonos et Vchitanos » (CIL VIII, 26274 = ILT 1370 = AE 1908, 269 = AE 2006, 1691). Ces colons pourraient être non pas les habitants d’un pagus ou d’une cité, mais les exploitants d’un domaine impérial. Une partie du castellum a été donc organisée en domaine impérial et occupée par ces colons. Or, tout près d’Vchi Maius, s’étendaient les terres impériales attestées par des inscriptions agraires (Aïn Ouassel, Lella Drebblia) et par la seule copie connue de la lex Hadriana (Henchir Hnich). Voir la carte publiée dans Chérif et alii 2021, p. 457-486 et fig. 1. 183. À l’instar de l’affranchi d’Auguste C(aius) Iulius Aug(usti) l(ibertus) Felix Accauonis f(ilius) …, dont le mausolée fut construit à Henchir al-Moussaouer. Pour toutes les références sur ce domaine, voir Chérif 2019, nos 7-9. 184. Je renverrai en dernier lieu à Sebaï 2017, p. 83-105. Voir aussi Chérif sous presse, p. 511-512. 185. Cf. supra, p. 63. 186. Beschaouch 1985, p. 967, nº 2. 187. Ferchiou 1982, p. 856 où on peut lire : « Ainsi que nous l’avons dit ailleurs, il est possible que la localité soit devenue municipe dans de restituer de la manière suivante la ligne 2 de l’inscription de Bou Jlida publiée par Ferchiou188 : municipium [Aur(elium) Ant(oninianum)], et considérer que Caracalla est l’auteur du municipe. Malheureusement, la documentation épigraphique est extrêmement indigente au sujet de cette évolution juridique, mais on peut néanmoins affirmer que Mizaeotherena n’a jamais été promue colonie, puisqu’on continue à la qualifier de municipium au temps du règne conjoint de Valentinien Ier et Valens (364-375). 3.2. LE RÉPERTOIRE ONOMASTIQUE LOCAL Les nouvelles épitaphes ont fourni à elles seules les noms de 39 individus (22 hommes et 17 femmes). En laissant de côté les noms incomplets189 et sans compter Pascasia qui a vécu à l’époque byzantine et les deux esclaves Aris, fils d’Aris, on connaît au total 32 gentilices, 25 surnoms et 28 noms uniques. 3.2.1. Les gentilices La méthode généralement adoptée tend à classer les gentilices en trois catégories : gentilices impériaux, gentilices de gouverneurs et autres gentilices190. Pour la première catégorie, cette approche est surtout valable pour les cités où l’action des empereurs est bien documentée comme par exemple à Lambèse à propos d’un nombre important de Iulii, de Flauii et d’Aelii191. Dans notre petite localité, il est difficile – voire impossible – d’établir un quelconque rapport entre le choix de porter tel ou tel gentilice impérial et l’empereur concerné. Deux raisons expliquent cet état de fait en ce qui concerne Mizaeotherena : l’insuffisance des témoignages sur les interventions des empereurs dans la vie de la cité et l’absence des noms impériaux dans l’onomastique des individus. Ainsi, il est indémontrable qu’une Iulia Sedata ait réçu, elle ou l’un de ses ascendants, la citoyenneté de César ou d’Auguste. Il est également aléatoire de supposer que nos trois Aelii ont été naturalisés par Hadrien ou Antonin le Pieux, même si le lien n’est pas totalement exclu. G. Alföldy a justement remarqué qu’un nouveau citoyen ne portait pas obligatoirement le nom de l’empereur qui lui avait accordé le droit de cité, car il avait aussi le droit de prendre le nom d’un gouverneur qui aurait pu jouer le rôle d’intermédiaire entre le bénéficiaire et l’administration impériale192. le courant du IIIe siècle et, peut-être, sous Caracalla ». 188. Cf. supra, n. 15. 189. Il s’agit soit d’un gentilice incomplet – L(ucius) V[---], texte 2.1.w –, soit d’un surnom incomplet – L(ucius) Clodius Prim[---]s, tabl. 1, no 17. 190. C’est la méthode instaurée par H.-G. Pflaum et adoptée dans de nombreuses études onomastiques. Voir par exemple Groslambert 2003, p. 179-188. 191. Groslambert 2003, p. 180. 192. Alföldy 1966, p. 37-57, où on peut lire (p. 38) : « les nouveaux citoyens n’ont pas choisi nécessairement le nom de l’empereur qui leur a donné le droit de cité : ils pouvaient porter par exemple aussi le reste hypothétique. Nous ne pouvons pas en outre insérer C. Aebutius Pacatus dans cette reconstitution. Voici maintenant les 16 autres gentilices révélés par la nouvelle documentation. Je me contente de présenter nom d’un gouverneur de province, médiateur de la collation du droit de cité ». 193. Lassère 1977, p. 459 ; Beschaouch 1985, p. 971. 194. MAD, p. 647. 195. Voir tabl. 2, nos 2 et 3. Il est regrettable que N. Ferchiou, qui avait annoncé la découverte de cette épitaphe, n’ait donné aucune information sur le support, le formulaire (absence ou non de l’invocation et, en cas de présence, sous quelle forme) et l’âge du défunt, détails qui auraient pu aider à mieux cerner la chronologie de la formule DMS. ceux qui sont peu répandus ou inédits, laissant de côté les nomina déjà bien attestés par l’épigraphie africaine à savoir Aelius, -a196, Fabius197, [Hel]uius198, Lollius199, Popilius200, Sallustius201 et Volussenius, -a202. Atagia : ce nomen est un hapax, il est uniquement porté par Atagia Saturnina. D’extraction locale, il est sans doute un gentilice de type patronymique formé sur un idionyme non encore attesté. On connaît à Dougga le nom unique Catagus203 qui pourrait suggérer l’existence de la forme Atagus. Bebia : gentilice peu fréquent en Afrique avec cette graphie : 9 occurrences (3 hommes et 6 femmes)204. La forme Baebius est beaucoup plus fréquente205. Ce nomen est d’origine italique, il a été toutefois inséré par G. Camps dans sa liste onomastique libyque206. Le surnom Namgidenia trahit l’origine locale de la défunte. Bezius : nom inédit, peut-être d’origine libyque. Il s’agit sans doute d’un gentilice de type patronymique issu d’un nom unique local. Le préfixe Bez- se retrouve d’ailleurs dans le nom Bezina porté par un chef maure mentionné par Corippe207. Bucia : gentilice très peu courant en Afrique, sous les deux formes Bucius ou Buccius (duplication du c) ; on en compte seulement six occurrences208. On signale aussi l’unique attestation du surnom Bucianus, connu par une épitaphe d’Ammaedara209. 196. Dondin-Payre 1981 ; Benzina Ben Abdallah 2013, p. 38. 197. Lassère 1977, p. 81 ; Benzina Ben Abdallah 2013, p. 89. 198. Benzina Ben Abdallah 2013, p. 106. 199. Lassère 1977, p. 153, 182 et 343. 200. MAD, p. 663 ; Benzina Ben Abdallah 2013, p. 158. 201. Kolendo 1977 ; MAD, p. 664 ; Ibba 2006, p. 463-464 ; DondinPayre 2011b, p. 191-193 ; Benzina Ben Abdallah 2013, p. 175. 202. Benzina Ben Abdallah 2013, p. 186-187. 203. CIL VIII, 26778 = MAD, nº 209 et p. 678 : D(iis) M(anibus) s(acrum). / Castus Cata/gi [f(ilius) p]ius uixit / annis LXXXV. 204. L. Bebius Coronus (ILT 1519 = MAD, nº 134. Dougga) ; Bebia Secura (ILT 1519 = MAD, nº 135. Dougga) ; Bebia Victoria (CIL VIII, 27712. Lalla Dahlia) ; Bebia Victoria (ILAfr 197, 3. Thala) ; C. Bebius Iulianus (CIL VIII, 4307. Kesur el-Ghennaia, en Numidie) ; Bebia Nampula (ILAlg II, 2, 4237. Ksar Mahjiba) ; Bebia Ispes (CIL VIII, 19876. Skikda) ; Bebia Ispes (ILAlg II, 1, 380. Environs de Rusicade) ; Bebius Cecilius (CIL VIII, 21718. Sidi Ali Ben Youb). Ce nom est attesté aussi comme cognomen : Cesonia Bebia (CIL VIII, 9779. Portus Magnus, en Maurétanie Césarienne). À Dougga, Bebius est également employé comme nom unique : ILAfr 588, 104 = MAD, nº 395. 205. Ailleurs, il est surtout fréquent en Campanie. Cf. Lassère 1977, p. 172 ; MAD, p. 650 ; Benzina Ben Abdallah 2013, p. 57. 206. Camps 2002-2003, p. 222. 207. Camps 2002-2003, p. 222. 208. P. Bucius Celer (ILAfr 430 ; Benzina Ben Abdallah 1986, p. 197, no 451. Utique) ; M. Bucius Victor Silicianus (ILT 1213a. Auedda) ; Buccius Antoninus (CIL VIII, 2811. Lambèse) ; Buccius Montanus (CIL VIII, 18065 = ILS 2452 ; Le Bohec 1989, p. 169. Lambèse) ; Bucia Extricata (CIL VIII, 26307 ; Ibba 2006, nº 171. Vchi Maius) ; Bucia Saturnina (CIL VIII, 4027. Lambèse). 209. CIL VIII, 11592 = ILT 439 = AE 1977, 852 = AE 2006, 1677 ; Benzina Ben Abdallah 1986, p. 30, no 65 ; 2011, p. 101, no 127 : Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Les gentilices des gouverneurs peuvent aussi nous entrainer vers des rapprochements abusifs, surtout lorsque nous n’avons pas leurs praenomina. On a évoqué plus haut le lien possible entre Aemilia Amotimcar et Lépide, mais ce n’est qu’une hypothèse favorisée par la date haute de l’obtention de la citoyenneté par cette femme. La moitié des gentilices recensés sont livrés par la nouvelle documentation : 16 sur 32. Voici la liste des gentilices déjà attestés : Aebutius, -a, Aemilia, Antia, Antonia, Arrius, Aufidia, Caecilia, Clodius, -a, [D]ecimiu[s], Iulia, Modius, Nunnius, Pontius, -a, Summesius, Valeria. J’insisterai seulement sur le nom Aebutius, le plus représenté à Bou Jlida. Aebutius, -a : l’origine italienne de ce nom est assurée, il est très ancien puisqu’il est porté par le consul de l’année 499 av. J.-C., Titus Aebutius T. f. Helua. Des Aebutii immigrants sont attestés à Carthage sous Auguste, sans doute au moment de la fondation de la colonie193. D’autres ont dû s’installer dans son territoire, c’est le cas des Aebutii de Bou Jlida. D’autres aussi sont connus à Dougga194. La gens Aebutia est la mieux représentée dans notre ville et sans doute parmi les familles les plus huppés. Elle est connue par quatre inscriptions publiées, deux publiques et deux funéraires (épitaphes d’Aebutius Saturninus et d’Aebutia Matidia), en plus de deux autres épitaphes découvertes par N. Ferchiou mais restées inédites195. En tout, six membres sont connus : Titus Aebutius, Aebutia Matidia, C. Aebutius Pacatus, Aebutius Saturninus, Aebutius Saturninus, Aebutius Victor (identifié à Victor, père d’Aebutia Matidia). Le stemma de cette famille peut s’établir ainsi, tout en rappelant que le rapport supposé entre Victor, père d’Aebutia Matidia, et Aebutius Victor, fils de Titus Aebutius, 101 Cipius : c’est la première attestation de ce nomen en Afrique ; il est assez fréquent dans les provinces européennes avec une nette concentration en Italie et surtout à Ostie210. Pourrait-on suggérer une origine italienne pour Q. Cipius Felix ? L’absence de ce nom dans les provinces africaines milite peut-être en faveur de cette hypothèse. Dextrania : l’attestation de ce gentilice à Bou Jlida est pour le moment un unicum dans l’ensemble du monde romain. On connaît plutôt les noms Dexter et Dextra employés comme surnoms ou noms uniques ; le second est attesté onze fois à l’échelle de tout l’empire, avec une concentration en Italie et particulièrement à Rome211. Une seule occurrence en Afrique212. Fasedius : c’est la première attestation de ce gentilice dans le monde romain. C’est probablement une graphie différente du nom Fassidius, attesté à trois reprises en Italie213. Mormeia : le gentilice porté par Mormeia Rogata est un hapax. La désinence –eius, –eia est empruntée au grec214. Ce siffixe, selon W. Thieling, est ancien dans l’onomastique latine, il caractérise aussi certains cognomina, tels que Mateius, Tonneius, Hospeia, Sterceia, etc.215. L’épigraphie de Bou Jlida a livré aussi le gentilice Verneia (infra). Sentius : c’est la première attestation de ce gentilice à Bou Jlida ; il est fréquent en Afrique216 et ailleurs, notamment en Campanie et dans le Latium217. Verneia : nomen inédit ; aucune occurrence à l’échelle de tout l’empire. Ce nom est par contre attesté à Salona en Dalmatie, à travers une unique mention, en tant que cognomen218. Il appartient à la catégorie des gentilices se terminant par le suffixe -eia (voir supra, le gentilice Mormeia). Le surnom Rogata porté par la défunte indique très probablement une origine locale de cette femme. 3.2.2. Les cognomina Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 25 surnoms ont été recensés, dont 5 apparaissent pour la première fois à Bou Jlida grâce aux épitaphes nouvellement découvertes : Extricata, Matidia, Ouinianus, Primus 102 [tige de millet] Barasi X / D(iis) M(anibus) s(acrum). / Q(uintus) Iulius Bucia/nus uixi / interim / annis / LXVII / de / bonis / X. 210. Voir les recensions de l’EDCS. 211. Sallustia Dextra (CIL IX, 1062. Regio II) ; Dextra (AE 1951, 202. Regio III) ; Visuluia Dextra (CIL XI, 2624. Regio VII) ; Latinia Dextra (CIL V, 7512. Regio IX) ; Popilia Dextra (CIL VI, 14857. Rome) ; Tettiena Dextra (CIL VI, 16828 = 27299. Rome) ; Ulpia Dextra (CIL VI, 39066 = AE 2002, 197. Rome) ; Aur(elia) Dex[tra] (AE 1995, 203. Rome) ; Dextra (CIL VI, 34590. Rome) ; Dextra (CIL III, 9532 = ILCV, 328a. Salona). 212. [---]ila Dextra (CIL VIII, 21670. Albulae). 213. C. Fassidius Vitalis et Fassidia Ursa (CIL XI, 2765. Regio VII) ; A(ulus) Fassidius Iustus (CIL XI, 2679. Regio VII). Cf. Solin, Salomies 1994, p. 77. 214. Thieling 1964, p. 142. 215. Thieling 1964, p. 143. Voir aussi Schulze 1966, p. 385-386. 216. Benzina Ben Abdallah 2013, p. 200. 217. Schulze 1966, p. 228-229 ; Lassère 1977, p. 189 ; Solin, Salomies 1994, p. 167. 218. Lutatia Verneia (CIL III, 8739). et Valerius. Ces cognomina sont portés par 41 individus219. Les trois surnoms les plus répandus en Afrique sont ceux les plus représentés dans l’onomastique de Mizaeotherena : 17 porteurs des noms Felix, Rogatus, -a et Saturninus, -a sur 41, soit 41,46 % du total220. Voici la liste des 22 autres surnoms, avec indications des nombres d’occurrences : Amotmicar (1), Extricata (1), Fuscus (2), Galla (1), Ho[norata] (1), Ianuarius, -a (2), Matidia (1), Namgidenia (1), Ouinia (1), Ouinianus (1), Pacatus (1), Pompeianus (1), Primus (1), Quietus (1), Secura (1), Sedata (1), Tertia (1), Tertulla (1), Valerius (1), Valerianus (1), Victor (2), Victoria (1). La plupart de ces cognomina sont des plus fréquents, auxquels on ajoutera le nom Valerius, gentilice largement diffusé dans toutes les provinces, mais utilisé ici comme surnom. Considérons uniquement les 4 surnoms les moins fréquents. Amotmicar : c’est l’unique attestation latinisée du nom ’MTMLQRT, bien attesté par l’épigraphie punique et signifiant « servante de Milqart »221. Le nom Amot est attesté seul à Henchir Brighitha222 ; il entre, avec la forme Amat, dans la construction d’autres noms théophores comme Amatallat « servante de la Déesse »223 et Amotbal « servante de Baal »224. Matidia : surnom extrêmement rare en Afrique ; on n’en compte que deux occurrences, une à Sicca Veneria225, l’autre à Kherbet Mharas, en Numidie226. Il est aussi très peu attesté ailleurs227. Ce nom rappelle C. Salonius Matidius Patruinus, père de Matidie l’Aînée (Salonina Matidia), la nièce de Trajan, et grand-père de Matidie la Jeune228. Une curia Matidia est attestée par deux inscriptions de Lepcis Magna229. Ouinia : ce surnom est en fait un gentilice suffisamment connu ; il est « moyennement fréquent au Latium, chez les Volsques et en Campanie »230. Une gens Ouinia appartenant à l’ordre sénatorial est bien attestée, en Italie et en Afrique 219. Il faut rappeler que six surnoms sont portés par trois individus, ce sont les trois cas de polyonymie. Cf. tabl. 3, groupe 3. 220. Le cas de Saturninus, l’époux de Caecilia Ho[norata] (tabl. 1, nº 11) n’est pas pris en compte ici. Cf. supra, n. 173. 221. Toutain 1896, p. 177 ; Halff 1963-1964, p. 92 ; Benz 1972, p. 270 ; Vattioni 1979a, p. 162, nº 28 et p. 163, nº 36 ; Jongeling 1994, p. 8 ; Bron 2013, p. 180 (Amatmilqart). 222. Chérif 2015b, p. 1384-1385 et 1407-1408 (d’où AE 2015, 1804). 223. CIL VIII, 9802 = 21683 (Aïn Temouchent). Voir Gsell 1920, p. 235-236 ; Le Glay 1961, p. 387, nº 2 ; Jongeling 1994, p. 8. 224. CIL VIII, 16923 = ILAlg I, 583 (Guelaa Bou Atfane). Voir Benz 1972, p. 270 ; Vattioni 1979a, p. 163, nº 35. 225. CIL VIII, 1680 : D(iis) M(anibus) s(acrum). / Auiani/a Matidi/a pia uixit / annis L. / H(ic) s(ita) e(st) // D(iis) M(anibus) s(acrum). / T(itus) Auianius / Hilaria/nus uixit / annis XIII. / H(ic) s(itus) e(st). 226. Gsell 1893, p. 129 : D(iis) M(anibus) s(acrum). / Liuia [M]a/ tidia ui[x(it)] / annis X[---. 227. Voir les recensions de l’EDCS. 228. Voir Kienast, Eck, Heil 2017, p. 121. 229. IRT 411 = AE 1950, 160 et IRT 436. 230. Lassère 1977, p. 185. Rogatus, -a Saturninus, -a – L. Arrius Rogatus – Dextrania Rogata – Mormeia Rogata – Valeria Rogata – Verneia Rogata – Aebutius Saturninus – Aebutius Saturninus – Popilius Saturninus – Sentius Saturninus – Atagia Saturnina – Volussenia Saturnina Tabl. 4 : Les trois cognomina les plus diffusés à Bou Jlida. essentiellement231. Dans les provinces africaines, ce nom apparaît 33 fois en guise de nomen232 avec une concentration de 8 occurrences à Thignica233. En tant que cognomen, il n’est attesté qu’une seule fois en Numidie234. Ouinianus : cognomen très peu usité dans l’ensemble du monde romain235 : ne sont connues que trois attestations, une provenant de Campona-Budapest en Pannonie Inférieure236 et deux de la ville de Tarraco en Espagne237. Mizaeotherena en a donc l’exclusivité en Afrique. Plus fréquent est le surnom Iouinianus attesté tardivement par des inscriptions chrétiennes de Rome avec la graphie Iobinianus. 3.2.3 Les noms uniques L’ensemble de la documentation épigraphique de Bou Jlida permet de recenser 35 pérégrins qui portaient 28 noms uniques (+ un idionyme incomplet : [---]rus). En voici la liste avec indication du nombre d’occurrences : Aemilius (1), Aris (2), Aristo (1), Aterius (1), Babit (1), Baliato (1), Balsamo (1), Candidus (1), Celer (4), Clemens (1), Cullube (1), Dado (1), Extricatus (1), Gallus (1), Giddo (1), Kallippus (1), Liteus (1), Namgede (1), Nigelio (1), Pacor (1), 231. Sur les Ouinii sénatoriaux et la question de leur origine (africaine ou espagnole), voir Chausson 1996, p. 345-351. 232. Je renvoie, pour les détails, aux recensions de l’EDCS. 233. CIL VIII, 14996-14999, 15119 et 24959 ; Le Glay 1961, p. 177-179, nos 194-199. 234. Iulia Ouinia : CIL VIII, 19408 = ILAlg II, 3, 10312 d (près d’Aïn el-Kerma). 235. Kajanto 1965, p. 152. 236. CIL III, 3389 : T. Iulius Ouini[a]nus. 237. Le clarissime M. Licinius Ouinianus Aemilianus : CIL II, 4123 et L. Numisius Ouinianus, prêtre provincial de Tarraconnaise : CIL II, 4232. Rogatus (1), Sammus (1), Saturninus (2), Sentius (1), Siluanus (1), Thader (2), Victor (1), Victoria (1). On note tout d’abord l’emploi de trois gentilices italiens, bien attestés dans l’empire, en tant que noms uniques : Aemilius, Aterius et Sentius. On constate en outre l’importance des noms typiquement africains d’origine libyco-punique : Aris, Baliato, Balsamo, Cullube, Giddo, Namgede, Thader. Le port de ces noms indique généralement une origine locale de la personne. Certains de ces idionymes sont également attestés par des inscriptions néopuniques. Il est aussi intéressant de remarquer que cette liste contient deux noms grecs : Aristo et Kallippus et un nom d’origine probablement celtique (Nigelio). C’est sans doute par snobisme que certains parents ont donné à leurs enfants des noms étrangers très peu usités dans les milieux africains238. Relativement à la question de l’origine des individus déduite de nombre de noms qui peuvent nous orienter vers des régions géographiques particulières, M. Dondin-Payre, dans son introduction à l’ouvrage collectif consacré aux noms de personnes dans l’empire romain, a attiré l’attention sur les risques de la surinterprétation de la signification de ces noms, en partant notamment de l’exemple de Gallus239. Ce nom peut effectivement indiquer un rapport direct avec la Gaule, donc renvoyer à une réelle origo, mais dans plusieurs cas il s’agit bel et bien d’un africain. « Gallus en Afrique est, alors, une transcription latinisée des noms libyque GL et punique GLSN, translittérés en gullussa »240. Les deux habitants portant ce nom (Antonia Galla et Gallus) sont donc à notre avis des africains. Il est inutile d’insister sur tous les noms répertoriés, dont plusieurs sont bien documentés ; je me contente de présenter les moins fréquents ou ceux qui posent un problème d’interprétation. Aristo : c’est la forme latine du nom grec Aristôn, il est porté par le père de Namgede (nom libyco-punique) ; fréquent en Afrique en tant que nom unique ou cognomen. Contrairement à F. Vattioni et K. Jongeling241, qui le rapprochent du nom Aris (génitif Arinis) bien connu par des 238. Voir le cas de Romulus, nom romain par excellence, connu par une colonne votive publiée par N. Ferchiou (2004, p. 1325-1330 = AE 2004, 1815), provenant de la région de Bou Arada. Le dédicant est Baracho / Metthumba(l)is / Addibalis Romu/li f(ilius)… L’éditrice a interprété le nom de l’arrière-grand-père comme étant celui d’un citoyen romain originaire de l’Italie, et que la famille a été en quelque sorte « punicisée » après son installation en Afrique. Revenant sur ce document, M. Dondin-Payre a démontré qu’il n’y a rien de cela ; « Baracho n’est pas le descendant pérégrin d’un citoyen immigré italien appelé Romulus qui aurait été ébloui par la civilisation africaine au point de se “puniciser” et d’abandonner sa citoyenneté. Il fait partie d’une famille indigène pérégrine qui a, sous une influence culturelle italienne, choisi à une génération le nom italien Romulus, dont elle connaissait ou non la signification, peu importe ; ensuite elle a privilégié des noms indigènes, Addibal, Metthumbal et Baracho, sans qu’il y ait primauté d’une civilisation sur une autre, reniement ou retour en arrière » (Dondin-Payre 2011a, p. 35-36). 239. Dondin-Payre 2011a, p. 21-22. 240. Dondin-Payre 2011a, p. 22. La question a été posée pour les attestations de Gallus (ou Galus) à Dougga, voir MAD, p. 685. 241. Vattioni 1979a, p. 164, no 43 ; Jongeling 1994, p. 11-12. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Felix – L. Bezius Felix – Q. Cipius Felix – Fasedius Felix – C. Nunnius Felix – L. Pontius Felix Pompeianus – Volussenius Felix 103 Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 inscriptions puniques et latines242, W. Thieling et H. Solin le considèrent, à juste titre, comme un nom grec243. AristoAristonis a donné probablement le gentilice patronymique Aristonius, porté par deux sœurs originaires de Thrace attestées à Lyon244. Babit : cet idionyme est un unicum, d’où la difficulté de déterminer, d’une part, son origine245 et, d’autre part, s’il désigne un homme ou une femme ; je l’ai tenu comme un nom masculin mais ce n’est qu’une hypothèse. La terminaison –it est attestée par exemple dans la Liste de G. Camps pour deux noms masculins et deux autres féminins246. Le préfixe Bab- est de même employé dans certains gentilices tels que Babius-Babbius247 et Babidius248, sans que l’on puisse établir un quelconque lien avec le nom unique Babit. Cullube : Bou Jlida a l’exclusivité de ce nom unique. Il est mentionné dans la filiation du défunt : Aris Clementis Cullube fil. (tabl. 1, no 2). Nous avons conservé le génitif car la forme nominative est inconnue. C’est fort probablement un nom masculin malgré les doutes de G. Camps249. F. Vattioni rattache ce nom à la racine sémitique klb qui signifie « chien »250, une dérivation contestée par K. Jongeling251. Dado : ce nom est un hapax, il est mentionné dans la filiation de Namgede : Namgede Aristonis Dadonis (filii) filia. On connaît plutôt les noms Dida-Didda, répertoriés par Camps comme étant libyque252, et Dido253. 104 242. Benz 1972, p. 276 ; Jongeling 2008, p. 318. 243. Thieling 1964, p. 100 ; Solin 2012, p. 330. 244. AE 1991, 1227 : Aristonia Maxsimina et Aristonia Valen<t>ina. Voir Dana 2011, p. 53. Est connu aussi le gentilice Aristorius à travers une épitaphe d’Albulae, en Maurétanie césarienne, mentionnant C. Iul(ius) Aristorius (CIL VIII, 21687). C’est la seule occurrence de ce gentilice enregistrée dans tout le monde romain. 245. Non répertorié ni par K. Jongeling dans ses North-African Names ni par G. Camps dans sa Liste onomastique libyque. 246. Un homme du Jbel Taya nommé Masnit (ILAlg II, 2, 4585a ; Camps 2002-2003, p. 239) ; un homme de l’Oued el-Amud, en Tripolitaine, au nom de Gatit (IPT, 79 ; Camps 2002-2003, p. 221) ; une femme de Thibilis nommée Chubudit (CIL VIII, 19012 = ILAlg II, 2, 5449 ; Camps 2002-2003, p. 225) ; et une femme de Volubilis (ILM 612 ; Camps 2002-2003, p. 257) au nom de Zinit. 247. Fustius Babius (CIL VIII, 8062 = ILAlg II, 1, 182. Rusicade) ; Cn. Babbius Philinus (AE 1919, 4. Corinthus). 248. C. Badius C(aii) l(ibertus) Niger (CIL IX, 1431. Aequum Tuticum, Regio II). 249. Camps 2002-2003, p. 226 « femme ? ». 250. Vattioni 1979a, p. 171, no 91 ; Vattioni 1979b, p. 69. Voir sur cette racine, Halff 1963-1964, p. 117. 251. Jongeling 1994, p. 39. 252. Trois occurrences en Afrique : Déroche 1948, p. 67, no 4 (Vicus Maracitanus) ; CIL VIII, 811 (Auitta Bibba) ; ILAlg II, 2, 4733 (Thibilis). Camps 2002-2003, p. 227. Voir aussi Toutain 1896, p. 178-179. 253. Deux occurrences en Afrique, une à Rusicade (CIL VIII, 8044 = ILAlg II, 1, 157), l’autre à Bou Njem (Marichal 1992, p. 144). Giddo : cette forme est inédite mais elle appartient à la même famille des transcriptions latinisées du nom libyque GDD254, translittéré en Giddin255, Gudud, Gududus, etc.256. Kallippus : ce nom est porté par le grand-père de Caecilia Ouinia (tabl. 2, no 4). C’est la seule attestation avec un K au lieu d’un C257. Kallippus-Callippus (ou Callipus) est un nom grec258 attesté 6 fois en Afrique en tant que cognomen ou nom unique259. Il est relativement fréquent en Italie et surtout à Rome, particulièrement parmi les esclaves et les affranchis. Liteus : nom attesté une seule fois dans tout l’empire à travers une marque d’atelier de production céramique provenant de la ville de Gueugnon, en Gaule Lyonnaise260. Il est mentionné à Bou Jlida dans la filiation de Victoria : Victoria Saturnini Litei (filii) filia (texte 2.1.t). L’origine de cet idionyme nous est inconnue, mais la famille est sans doute d’extraction locale. Nigelio : l’Afrique n’a livré jusqu’ici que deux attestations de l’idionyme Nigelio-Nigellio (avec duplication du l) provenant de Guelaa Bou Atfane261 et de Thibilis262. On en compte 36 occurrences dans les provinces européennes263, avec une importante concentration dans les régions celtiques264. Avons-nous ici un cas de déplacement d’individus de ces régions vers la Proconsulaire ? Nous pensons plutôt à un africain qui a choisi de porter un nom étranger à l’Afrique, peut-être en imitant d’autres personnes d’origine celtique établies dans la région de Bou Arada et 254. RIL 269, 270 (Région de la Cheffia). Voir aussi Rebuffat 2018, p. 29. 255. Ce nom est mentionné dans une épitaphe provenant de la cité voisine de Thabbora, CIL VIII, 23903. 256. Voir Jongeling 1994, p. XXIV, 50 et 52-54 ; MAD, p. 686. 257. Je donne comme illustration les noms Calemerus (AE 1894, 114. Vienne) – Kalemerus (CIL VIII, 2929. Lambèse) et Callistus (CIL VIII, 12998. Carthage) – Kallistus (ICVR 8580. Rome). 258. Thieling 1964, p. 101. 259. M. Hos[t]ilius Callipus (ILAlg II, 3, 7568 = AE 1972, 699. Aziz Ben Tellis) ; Iulius Callippus (AE 1985, 904. Caesarea) ; Callip[pus] (AE 1980, 962. Caesarea) ; Callippus (ILAlg II, 2, 4791. Thibilis) ; Callippus (ILAlg II, 2, 4793. Thibilis) ; Callippus (CIL VIII, 2071 = ILAlg I, 3732 et CIL VIII, 2077 = ILAlg I, 3733. Henchir el-Ma el-Abiodh). 260. CAG, 71-3, p. 258 : Of(f)icin(a) / Adbuci Liteu(s) / fecit. 261. CIL VIII, 16982 = ILAlg I, 664 : D(iis) M(anibus) s(acrum). / Iulia Nina / Nigelion/is fil(ia) p(ia) u(ixit) a(nnis) / LXXX. H(ic) s(ita) e(st). 262. CIL VIII, 18953 = ILAlg II, 2, 4968 : Memoriae / C(---) So/roniba / Nigellioni(s) / fil[ia] Me/llita u(ixit) a(nnis) XVII. / H(ic) s(ita) e(st). 263. Sans compter quelques cas incertains. Je renvoie, pour les détails, aux recensions de l’EDCS. 264. Alföldy 1969, p. 253 ; Barruol, Gascou 1982, p. 301. 265. On consultera Beschaouch 1979. Lire aussi les remarques de M. Dondin-Payre (2011b, p. 32-33) à propos du nom Accauo. Même si l’origine de ce nom doit être recherchée dans l’Italie centrale et non dans l’aire celtique, des « éléments celtiques » ont existé dans cette région. On peut penser, à l’instar de P. Ennius Paccianus, fils de Titus, petit-fils d’Eppillus (CIL VIII, 12241), ancien soldat de la troisième légion Auguste originaire de la Gaule, qui a choisi de s’installer à Henchir Brighitha, que d’autres militaires ont aussi préféré de s’établir dans la même contrée, et c’est par l’intermédiaire de cette présence que des noms comme Nigellio ont passé dans l’onomastique autochtone. 266. 68 attestations environ dans tout l’Occident romain dont une seule en Afrique (Grania Nigela : CIL VIII, 7393 = 19464 = ILAlg II, 1, 1199. Cirta). 267. Nigellius Firmus : CIL V, 4702. Brixia, Regio X. 268. Audollent 1904, p. 218 (Carthage) ; IRT 241 (Oea). 269. On trouvera les détails dans les recensions de l’EDCS. 270. Vattioni 1979b, p. 107 ; Jongeling 1994, p. 126. 271. Je renverrai aux recensions de l’EDCS. 272. Sammia Emerita (CIL VIII, 8553) ; Sammia Aemerita (Albertini 1930-1931, p. 133). 273. Halff 1963-1964, p. 115 ; Vattioni 1979a, p. 177, no 13 et p. 189, no 259. En dernier lieu Jongeling 2008, p. 336. 274. RIL 260. Rebuffat 2018, p. 33. 275. Vattioni 1979a, p. 189, no 259 ; 1979b, p. 116 ; Jongeling 1994, p. 141 ; Camps 2002-2003, p. 252 (l’auteur considère Thader comme un nom masculin) ; Benzina Ben Abdallah 2013, p. 381. 276. Otacilia Quartilla Thader : Benzina Ben Abdallah 2013, no 143 (d’où AE 2013, 1939). 277. Thader, Baliathonis (filia) : ILAlg I, 1000. 278. Thadir, Namphamonis fil(ius) : ILAlg I, 1616 (Khamissa). Cf. Vattioni 1979a, p. 189, no 259 ; Jongeling 1994, p. 141. 279. AE 1940, 16 = ILT 732. Thuburbo Maius. Benzina Ben Abdallah 1986, p. 139, no 362. 280. Iulia Thadea : CIL VIII, 186 = ILT 311. Henchir Chaffaï, région de Thelepte. CONCLUSION Les résultats issus des travaux menés à Bou Jlida durant la dernière décennie ont manifestement accru la masse documentaire archéologique et surtout épigraphique. Les compléments apportés à l’état de nos connaissances concernent à la fois la topographie du site et l’histoire de l’agglomération. En dépit de la dissimulation de la plus grande partie des ruines par l’habitat moderne, il a été tout de même possible de repérer et de collecter un certain nombre de données permettant de bien connaître l’étendue globale du site et de mieux comprendre l’organisation des différentes nécropoles autour du centre monumental. On est en effet parvenu à identifier avec plus de clarté les trois espaces funéraires aménagés au nord-est, à l’ouest et au sud. Le manque d’indices sur le terrain interdit d’exclure une possible connexion entre ces deux derniers. La chronologie des épitaphes montre que ces trois nécropoles fonctionnaient en même temps pendant le Haut-Empire, mais les témoignages recueillis dans ces espaces semblent indiquer que la nécropole de l’Ouest est peut-être la plus ancienne et celle du Sud la plus tardive. L’exploration du village nous a donné aussi l’occasion de rassembler un matériel céramique, certes relativement limité en nombre de tessons mais assez diversifié, permettant d’éclairer les séquences chronologiques du site. On est ainsi parvenu à préciser, pour la première fois, la fourchette de cette occupation qui s’étend entre le iiie siècle av. J.-C. et le viie siècle ap. J.-C. Nous devons toutefois rappeler qu’une présence très éphémère au cours du bas Moyen-Âge a été détectée, sans que l’on puisse deviner pour le moment les circonstances de cette existence. Quant à l’histoire de la ville, on doit d’emblée insister sur l’apport indéniable de la nouvelle série d’épitaphes, notamment en ce qui concerne l’évolution de la dénomination des habitants. Ce petit corpus ne couvre pas uniformément toutes les périodes car le plus grand lot est datable du Haut-Empire, avec très peu de textes du Bas-Empire et de l’Antiquité tardive. Après avoir déterminé la forme exacte du toponyme antique de l’agglomération – Mizaeotherena – et après avoir traité la question de la gens Bacchuiana, qui ne peut revêtir un sens tribal281, nous avons tenté dans ce travail d’exploiter la documentation épigraphique – ancienne et nouvelle – en vue d’appréhender deux questions essentielles : la romanisation de la population et la date de la promotion municipale. Au terme du commentaire réservé aux différents documents, nous pouvons retenir les conclusions suivantes : 1. Mizaeotherena est une cité pérégrine au ier siècle ap. J.-C. Vers la fin de ce siècle, ou un peu plus tôt, des membres de la gens Aebutia se sont établis dans la ville. La population, comme le montre son onomastique étudiée d’après un échantillon en apparence réduit mais suffisamment représentatif, est presque entièrement pérégrine. 2. Le statut juridique des individus est resté pratiquement inchangé jusqu’au milieu du iie siècle. On constate ensuite une accélération des promotions individuelles à partir de la deuxième moitié de ce siècle. L’époque antonine a connu en 281. Chérif sous presse, p. 501-538. Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 d’El-Aroussa265. On connaît également le surnom Nigellus, -a266 et le gentilice Nigellius267. Pacor : nom inédit. Il est porté par le père d’un citoyen romain, Sentius Saturninus (texte 2.1.f). Est attesté, mais assez rarement, le surnom Pacorus, -a ; on n’en compte que deux occurrences en Afrique268 et six autres à Rome269. Sammus : Bou Jlida offrait la seule occurrence de ce nom unique en Afrique, construit avec le préfixe Sam- 270 ; quelques exemples sont connus ailleurs271. À Sétif est attesté à deux reprises le gentilice Sammius, probablement de formation patronymique272. Thader : nom libyco-punique porté par deux femmes de Bou Jlida : Thader, fille de Baliato et Thader, fille d’Aemilius ; c’est le féminin des noms Iadar-Iader-Iadir, construits peut-être sur la racine sémitique ’dr (ou y’dr)273. Une inscription libyque de la région de la Cheffia donne le nom IDR274. Thader est très rare en Afrique275 : seulement deux attestations, une à Ammaedara276, l’autre à Oued Chouk en Algérie277. Sont aussi connues les formes Thadir (nom masculin)278, Thaddac279 et Thadea (surnom)280. 105 Antiquités africaines, 58, 2022, p. 61-110 Afrique et ailleurs une intégration massive des populations autochtones. 3. L’apogée de la romanisation est atteint au début du iiie siècle. La majorité des habitants ont obtenu la citoyenneté romaine. C’est au cours de cette dernière étape que la transformation juridique eut lieu. La cité pérégrine obtint, de Caracalla très probablement, le statut de municipe qu’elle conserva encore au ive siècle. Les nouvelles données qu’on vient d’exposer ont sans doute offert une vision plus claire sur la ville africo-romaine de Mizaeotherena. Il faut toutefois reconnaître que plusieurs aspects de l’histoire de cette agglomération restent inconnus. La principale aporie est la rareté des inscriptions. Bou Jlida est encore l’une des cités les moins loties en documents épi- 106 graphiques relatifs à la vie publique. On est encore très mal renseigné sur la vie municipale et l’activité évergétique des notables, sur l’équipement monumental, sur la ville du BasEmpire et de l’Antiquité tardive. Un problème est difficile à éluder en l’état actuel de la documentation : celui de l’occupation post-antique du site. Il s’agit là d’un problème irritant qu’on rencontre dans chaque investigation archéologique menée dans la région de Bou Arada. Sur ce point on doit nécessairement être précautionneux car les résultats obtenus seulement d’une exploration en surface sont toujours lacunaires et provisoires en l’absence de fouilles. Nos prochaines missions dans le village même et dans la région qui l’entoure apporteront, souhaitons-le, des réponses et des éclaircissements aux incertitudes qui subsistent et aux questions qui restent encore indécidables. Abid H. 2014, La moyenne vallée de l’oued Siliana à l’époque romaine et tardo-antique, thèse de doctorat en histoire ancienne, inédite. Albertini E. 1930-1931, [Séance de la Commission de l’Afrique du Nord du 24 juin 1930], BCTH, p. 132-144. https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k441172h/f129.item Alexandropoulos J. 2000, Les monnaies de l’Afrique antique (400 avant J.-C.-40 après J.-C.), Toulouse. Alexandropoulos J. 2006, « Monnaies puniques. Catalogue », dans Numismatique et histoire de la monnaie en Tunisie, I, L’Antiquité, sous la direction de A. 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