L'ecriture Catholique de Flannery O'Connor

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Editions Belin

L'écriture catholique de Flannery O'Connor


Author(s): Maurice LÉVY
Source: Revue française d'études américaines, No. 1 (avril76), pp. 125-133
Published by: Editions Belin
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/20872627
Accessed: 13-10-2020 23:49 UTC

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L'ecriture catholique
de Flannery O'Connor
PAR

Maurice LfiVY *

The catholic significance of Flannery O'Connor's novels and short stories


is not directly perceptible in her themes, but conveyed obliquely through
her writing, which guiles the reader in more than one way. Her back
woods prophets, so unmistakebly southern, implicitly voice universal,
catholic truths. Her naturalistic writing, which illustrates the death of
God, also proclaims the necessity of God, dismissed from the text and
transferred somewhere outside the text. A number of defense-mechanisms
are set at work in her writing, which suddenly yield under the pressure
of grace : then the dynamic structure of her stories is reversed and the
message (i.e. the universal agony) can be revealed.

(*) University de Toulouse-Le Mirail.

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? When you write fiction, you both reveal and
obscure the things you know best or feel most
concerned about. ?
F. O'Connor.

Si la speciflcite catholique d'un texte litteraire est en general rapi


dement decelable chez les auteurs qui assument dans leurs ecrits
leur foi religieuse (qu'on songe a Bernanos ou a Mauriac, k Graham
Greene ou Evelyn Waugh), il faut bien convenir qu'en aucun endroit
l'oeuvre de Flannery O'Connor ne presente cette transparence. Loin
de traiter de certains problemes de conscience particuliers aux catho
liques (s'il en est) ou de prendre (comme il arrive) le dogme pour
objet de recit, elle place ses drames dans une problematique en appa
rence toute etrangere k ses options fondamentales, pourtant main
tes fois r?affirm?es. Ses references explicites au catholicisme romain
sont rares, ses portraits de pretres ou de religieuses peu fouilles et
guere ^difiants, et les propos qu'elle fait tenir k ses personnages sur
une religion encore toute encombr?e d'absurdites et qui n'a pas evo
lue depuis mille ans (l) n'expriment sans doute pas sa pens^e pro
fonde sur la question. On chercherait en vain, dans ses romans et
ses nouvelles, la moindre trace de merveilleux chretien : pas de gue
risons miraculeuses comme chez Graham Greene, ni de demons
caracolant sur des sentiers champetres comme chez Bernanos. Tout
est chez elle place sous le signe de la necessity, de l'ordre naturel,
cruel et immuable des choses.
Un tel parti-pris de discretion au plan de l'imaginaire ? chez une
femme qui au niveau du vecu affichait ses choix sans reserve ?
aurait de quoi surprendre, s'il ne procedait d'un type particulier

(1) ? Mrs. Shortley looked at the priest and was reminded that these people
did not have an advanced religion. There was no telling what all they believed
since none of the foolishness had been reformed out of it. ? ? The Displaced
Person ?, A Good Man Is Hard To Find, New York (Image Books), 1970, p. 189
et passim.

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FLANNERY O'CONNOR 127

d'ecriture, qui merite peut-?tre l'analyse. Son discours sur l'homme


est sans doute aussi moral ou eschatologique, aussi catholique que
celui d'un Bernanos ou d'un Greene : mais il n'a pas la teneur cul
turelle d'un verbe nourri aux sources des vieilles traditions
europeennes. Etre catholique et faire oeuvre romanesque en plein
coeur de ? the Bible-belt ? impliquait sans doute f atalement les ambi
guites d'une Venture minoritaire, partagee entre le besoin de dire et
le souci de cacher, affirmant une identity sous les multiples mas
ques du milieu.
Ainsi serait-il imprudent de voir dans la peinture de ces prophetes
egares qui peuplent l'univers de Flannery O'Connor Texpression
d'une quelconque reprobation a regard de la foi r6formee, pas meme
de ses deviations. Habitus qu'ils sont par 1'obsession du bapteme, ils
enoncent dans un vocabulaire et une gestuelle localement assimila
bles des v?rit6s que l'auteur tient pour universelles. Le folklore bap
tiste v&iicule, en fait, les articles d'une foi catholique. Cette femme
missionnaire retour de Chine, qui pourtant ddsavoue publique
ment les erreurs de Rome ? where minds. are still chained
in priestly darkness ? (2) ne fait pas autre chose qu'affirmer ?
avec une assurance peut-etre excessive, imputable a la tradition
evangeliste des reunions bibliques (? the Holy Word is in my
mouth ?) ? ce que tout catholique tient pour le fondement de son
credo :
? Do you know who Jesus is ? > she cried ? Jesus is the word
of God and Jesus is love ? (3).

Qu'il s'agisse du jeune Tarwater ou de son grand'oncle, ou encore


du ? pasteur ? qui officie dans la nouvelle ? The River ?, ces hom
ines clament dans le desert, a la maniere du Sud, spectaculaire, Fim
p6rieuse necessite d'une nouvelle naissance. Or quel theologien, quel
exegete catholique ne trouverait son compte dans une symboli
que de l'eau aussi richement exprimee ? Debout dans les flots
boueux, 1'officiant harangue la foule :
? Listen to what I got to say, you people ! There ain't but one
river and that's the River of Life, made out of Jesus* Blood.
That's the river you have to lay your pain in, in the River of
Faith, in the River of Life, in the River of Love, in the rich red
river of Jesus' Blood, you people ? (4).

(2) ? The Violent Bear It Away ?, Three By Flannery O'Connor, New York
(Signet Books), 1960, p. 381.
(3) Ibid., p. 382.
(4) ? The River ?, A Good Man Is Hard To Find, ed. cit., p. 40.

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12S FLANNERY O'CONNOR

Une symbolique certes sauvage, non m6diatis6e par la Tradition,


mais qui pr6cis?ment risque d'etre efficace dans la mesure oil elle
transmet l'essentiel de 1'annonce sur un mode adapte k la spirituality
locale. Le caractfere un peu (ou franchement) doutetix de ces ? back
woods prophets ? qui portent ainsi la Parole n'affecte en rien la qua
lite du message. S'il fallait vraiment que certaines choses fussent
dites, elles ne pouvaient l'etre, dans ces frustes campagnes du Sud,
que par ces etres grotesques, k tout le moins pittoresques, sentant
leur terroir. La ruse de T^criture consiste k leur faire dire, au milieu
de leurs gesticulations exalt?es, la Verity. Grands brutes de Dieu, au
moins autant consumes par Lui (5) que le furent par le passe les
saints les plus reputes de l'Eglise, ils sont, dans la folie et la
fureur, les temoins etranges dont cette partie-li du monde a speci
fiquement besoin.
L'ironie souvent flagrante de l'auteur k leur egard n'est
qu'un leurre supptementaire : elle ?veille la complicity du
lecteur, et ? non sans quelque duplicite : mais de quelle litterature
pourrait-on dire qu'elle est innocente ? ? lui facilite Faeces d'une
psychologie ou les normes habituelles n'ont plus cours.
Le plus humble des cures de campagne le sait et le preche, aprfes
Paul : le baptfeme est d'abord une mort, un ensevelissement du vieil
homme dans les eaux, suivi en un second temps seulement par la
resurrection et la vie : sit fons vivus, aqua regenerans, unda purifi
cans. Et il y a quelque chose de profondement choquant, au pre
mier abord, k voir Flannery O'Connor casser le symbole. A deux
reprises au moins dans son oeuvre, le bapteme est associe k la mort
reelle, physique, definitive pour autant qu'on puisse en juger, d'un
enfant (6). Cruelle ironic que celle Ik, qui fait echouer le recit, jus
qu'alors haut porte par les eaux du symbole sur les ecueils de la litte
ralite ! Quel lecteur moderne ayant perdu ses illusions, pour peu qu'il
ait comme Rayber le gout d'un positivisme fin-de-si&cle, ou comme
Hulga la hantise du neant, n'applaudirait pas, criant au chef d'oeuvre
naturaliste ? II aurait peut-Stre tort, cependant, de maintenir sa
lecture k ce seul niveau d'interpretation. Car l'ironie qui fait triom
pher la nature, loin d'Stre un mecanisme reducteur, s'inscrit dans
une dynamique qui d^place les lignes de l'intrigue. L'^criture pifege

(5) ? One morning he saw to his joy a finger of fire coming out of [the sun]
and before he could turn, before he could shout, the finger had touched him and
the destruction he had been waiting for had fallen in his own brain and his own
body. His blood had been burned dry and not the blood of the world >. The
Violent Bear It Away ?, Three By Flannery O'Connor, ed. cit, p. 306.
(6) Harry/Bevel dans ? The River ? et Bishop dans The Violent Bear it
Away.

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FLANNERY O'CONNOR 129

le lecteur, le contraint k depasser Fabsurde, 4 venir buter contre le


mystere : une ecriture catholique, qui vaut bien toutes les themati
ques de sacristie, dans le sens oil elle intfegre la richesse et la pesan
teur du reel, Fopaque n6cessite des choses, toutes les retombees du
monde pour les* exhausser vers le point oil les Evidences du d?ses*
poir perdent leur force.
Motes lui-mfime, fondateur et unique fidele de cette Eglise sans
Christ ? where the blind don't see and the lame don't walk and
what's dead stays that way ? (7) est pris dans ce mouvement ascen
sionnel qui contredit le statisme des bien-pensants, des filous et des
indifferents qui l'entourent. L'interrogation porte moins sur ? the
pin point of light ? qui brille dans son regard mort, que sur Fdnorme
quantity d'energie bruise dans un combat en apparence sans objet,
contre un ennemi qu'il nie. Secretement, FScriture de"signe alors Fin
visible comme le seul partenaire possible de ce lutteur qui a FentSte
ment forcene d'un Jacob, comme Findispensable complement de
tout ce que, deliberement, elle laisse ? dans un texte oil fonctionne
si efficacement le dispositif occulteur du grotesque ? d'inacheve1.
Inte^gres a des intrigues qui n'en sont pas, pris dans un discours
qui ne suffit pas, mus par une logique qui ne clfit pas leur destin, les
personnages attendent, en bout de course, un statut que le texte
leur refuse. Engages un bref instant dans des aventures qui res
tent minuscules me*me lorsqu'elles sont atroces, ils n'accedent au
sens, a un sens, que par re'fe'rence aux marges du recit, he ? mis
fit ?, pour qui ? it's no real pleasure in life ? comme Fexemplaire
Mr. Guizac, le damne comme le saint, ne se dessinent totalement
que si le lecteur consent a comparer leur ebauche au modele tu par
le texte.
Tout, dans A Good Man Is Hard To Find, depuis le titre jusqu'au
plus insignifiant Episode, renvoie k cet homme cach6, si difficile
k trouver. En l'occultant, Fauteur le convoque. Ecriture en ve'rite'
catholique parce que desirante, toute orientee vers Celui qu'elle
efface, et parce qu'elle en appelle du dedans k la seule instance sus
ceptible de fonder son projet. On comprend la noirceur, ou dans
le meilleur des cas la grisaille, d'un univers d'oii Fauteur a, pour
qu'on la cherche, exclu presque toute lumiere. Cet homme lamentable
et fragments qu'elle pr^sente, habits, quoiqu'il en ait, par les fantas
mes qu'engendre une soci^te de type industriel avance* (Flannery
O'Connor a beau s'en ddfendre, il y a des relents d'Agrarianisme la
dessous), te plus souvent install^ dans le repos des certitudes k

(l)^Wise Blood, New York (The Noonday Press), 1967, p. 105.

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courte vue, vivant de verites degradees, veule, parricide (k quels ver


tiges hermeneutiques ce passage k Facte de FOedipe ne risque-t-il
pas de conduire !) ou simplement delinquant, gar?on de ferme ou
universitaire diploma, adolescent agressif ou vieillard indecent ? cet
homme multiple et brise qui nous ressemble comme un fr&re n'est Ik
que pour designer FAutre d'un implicite Ecce Homo.
Les dispositifs occulteurs mis en place par Fecriture ne sont pas
tous de meme nature, mais ils remplissent la meme fonction, coopfe
rent k la meme secrfete epiphanie. On pourrait se risquer a y voir la
projection, a Finterieur du texte, des mecanismes de defense qu'in
vente, s'il faut en croire pofetes et theologiens, la psyche pour se pro
teger de la ^race, afin de mieux lui ceder.
Les techniques empruntees k Fecriture naturaliste permettent k
Flannery O'Connor de dresser, apres tant d'autres, Facte de decfes de
Dieu. II n'est pas de roman, pas de nouvelle, qui n'exploite les riches
possibilites de cette mort : Fabolition de la promesse, le poids des
chaines retrouvees, Finexorable et formidable machine du hasard, la
derisoire insignifiance d'un homme deplace dans un monde en deuil.
Tout le travail du texte va dans le sens d'une croissante opacite,
d'une plus parfaite evacuation de tout ce qui pourrait ressembler
aux interventions d'une quelconque providence. Mais il peut etre
legitime, aussi, de penser que cette elimination de Dieu, au plan des
series evenementielles que Fecriture met en place, est appel et desir :
elle institue, au ooeur meme de Fintolerable, dans cet eparpillement
de lignes brisees, la necessite ideale d'un dessein, d'une convergence.
L'ironie de Fauteur, dont on a dej& vu k quel degre de cruaute elle
pouvait atteindre, est une autre mani&re d'effacer, k coups de
gomme successifs, toute trace d'amour ou de tendresse du Createur,
de l'6crivain, pour Sa/sa creature. Impitoyablement, elle bannit
toute relation parentale (noter la quasi-permanente absence du p&re
dans Foeuvre de Flannery O'Connor, la frequente indignite ou, k tout
le moins, passivite des meres, et le role important que jouent les
grand'p&res, grand-m&res, grand'oncles et autres substituts), elle
sevre d?s leur venue au monde les personnages, elle detruit, k peine
esquissees, les structures sociales ou mentales susceptibles de les
maintenir debout. De Faveu meme de Fauteur (8), le vol de sa jambe
artificielle compromet de plus d'une facjon l'equilibre de Hulga.
Quand aux demeures (Bishop), aux infirmes (Lucynell Crater), aux

(8) ? All during the story ? Good Country People > the wooden leg is growing
in importance. And thus when the Bible salesman steals it, he is stealing a great
deal more than the wooden leg. > The Added Dimension : the Art and Mind of
Flannery O'Connor, ed. M. J. Friedman & L.A. Lawson, Fordham University
Press, 1966, p. 259.

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FLANNERY O'CONNOR 131

mutites (Shiftlet), aux ? freaks ? et autres androgynes de foire qui


peuplent ces espaces de*sole's, quel dementi cinglant ils infligent au
? Dieu vit tout ce qu'Il avait fait; et voici, cela e'tait bon ? du recit de
la Creation ! Qui ne voit cependant qu'en disant le monde sub specie
ironiae, Flannery O'Connor ? outre qu'elle pifege les mal-pensants
que toute forme d'angelisme ferait fuir ? postule rexistence de
valeurs de r?fe>ence auxquelles implicitement elle renvoie ? L'ironie,
quoiqu'il en semble, ne fait jamais que dire l'^cart entre deux tra
jectoires, dont Tune est par pudeur ou calcul masquee.
Les distorsions du grotesque operent la meme occultation, re>elent
la meme nostalgie, d'une norme. L'6criture fonctionne comme un
Scran d?formant, donnant de la vraie nature des Stres et des choses
(car l'existence d'une telle nature, de l'autre cote de l'ecran, ne fait
pour l'auteur aucun doute) une image delibSrement alteree. Les sil
houettes se desarticulent, les demarches se disloquent, les personna
ges extravaguent dans leurs propos ou leurs comportements : Enoch
investit une momie dessech?e, volee dans un musee, de la dignity de
? nouveau Jesus ? et Tarwater noie Bishop, dans le meme temps
qu'il lui administre le sacrement du bapteme. Flannery O'Connor
explore le domaine du grotesque jusqu'aux frontieres qui le sepa
rent (mal) de l'absurde et du macabre, et s'emploie k defigurer
l'homme, comme pour exclure de son oeuvre Celui a l'image de
qui il fut, dit-on, a l'origine cr6e\
Dans ces textes bouch^s, ou se renforcent les uns les autres
les multiples m^canismes de defense contre tout ce qui pour
rait faire devier l'6criture de son trace naturaliste, les sym
boles ? dans la mesure ou ils sont des breches ?- refle
tent juste assez de lumiere exterieure pour rendre improbable
toute meprise sur l'ultime finalite du discours. Ce sont eux, et pro
bablement eux seuls qui autorisent de l'interieur, sans faire appel
aux professions de foi de l'auteur, une lecture catholique de son
oeuvre. Quand ils ne sont pas detruits ? comme il arrive, nous
l'avons vu ? par l'ironie, ils fonctionnent comme les vehicules d'un
signifie homogene et identifiable. Des phrases comme : ? his figure
formed a crooked cross ? (9), ou ? the sun was a huge red ball like
an elevated Host drenched in blood ? (10) designent le registre dans
lequel le contexte ou elles figurent doit Stre lu. Les images christi
ques qui peuplent la nouvelle ? The Displaced Person ?, ou le glis
sement progressif du sens dans c A Temple of the Holy Ghost ? en

(9) ? The Life You Save May Be Your Own ?, A Good Man Is Hard To Find,
op. cit., p. 54.
(10) ? A Temple Of The Holy Ghost ?, ibid* p. 97.

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sont d'autres exemples. De par leur ambivalence meme, les symbo


les sont un instrument de choix, frequemment et, du reste, consciem
ment (u) utilise par Fauteur, pour k la fois occulter un certain
contenu du dicours et le reveler obliquement.

Le problfeme majeur que pose l'ecriture de Flannery O'Connor


semble bien etre celui de cet ample mouvement qui l'anime de Finte
rieur vers l'exterieur, de ce renvoi permanent du texte au hors
texte, de cette dialectique entre le mot qui refuse et le discours qui
acquiesce. Ecriture catholique parce qu'ambigue, paradoxale, lourde
des equivoques de l'immanence, saisissant le monde au plus dense
de son opacite pour Facculer au myst&re.
C'est alors que quelque chose d'important se passe, alors qu'il se
joue quelque chose de fondamental dans Fecriture de Flannery
O'Connor : quand, k un certain detour du texte, les defenses accumu
lees (naturalisme, grotesque, ironie et le reste) cedent brusquement,
comme sous Finsistante poussee d'une force tetue et invisible. Enfin
la grace. Non pas celle des theologiens, mais celle extraordinairement
presente du vecu, pourtant discrete, presque anonyme, en tout cas
depouillee de tous ses oripeaux culturels.
L'ecriture travaillee, defaite par la grace. Alors sa dynamique
s'inverse, des marges ou il etait exile le sens (ou une partie du
sens) reflue vers le texte, pour un temps ouvert, sans resistance.
Quelque chose passe dans l'ecriture, qui n'est pas de l'ecriture,
dans la mesure ou quelque chose arrive enfin que l'ecriture natura
liste n'avait pas prevu.
Comme lorsque la grand-mere de ? A Good Man Is Hard To
Find ? reconnait pour Fun des siens Fassassin des siens :
? Why, you're one of my babies; you're one of my own chil
dren ? (12).

Ou quand Mr. Head et Nelson, inexplicablement terrasses par la vue


d'un objet decoratif de jardin ? un nfegre en platre mangeant une
tranche de past&que ? se r?concilient aprfes leur querelle :

? They stood gazing at the artificial Negro as if they were faced


with some great mystery, some monument to another's victory
that brought them together in their common defeat ? (I3).

(11) Cf. ses propos sur les symboles in The Added Dimension, op. cit, p. 259.
(12) ? A Good Man Is Hard To Find ?, A Good Man Is Hard To Find, ed. cit.,
p. 29.
(13) ? The Artificial Nigger ?, ibid., p. 122.

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FLANNERY O'CONNOR 133

Cette capitulation des uns, pourtant retranches au plus opaque


d'eux-memes, et cette victoire de l'Autre traduisent en termes appro
pries, militaires, une fulgurante prise de conscience ? a propos
du sort des Noirs ? de l'universelle detresse, ou plutot la prise des
consciences-citadelles par Celui dont l'Eglise dit qu'Il est en agonie
jusqu'a la fin des siecles. L'important est de voir qu'a ce temps fai
ble de l'ecriture, correspond le temps fort du recit. Flannery O'Con
nor dit, quand elle renonce k ecrire. Quand elle se dessaisit (par
lassitude ou par calcul ? chercherait-elle a convaincre le Sud que le
Catholieisme n'est pas ce qu'on croit ?) des procedes d'ecriture utili
ses pour occulter son identite profonde.
Chaque nouvelle ou presque (a l'exception de quelques unes, paro
diques, ou qui sont de simples exercices de style) a sa propre epi
phanie, son ? coup de grace ? specifique : dans ? The Life You Save
May Be Your Own ?, c'est le moment ou Shiftlet ? felt that the rot
tenness of the world was about to engulf him ? (14). Dans ? A Temple
Of The Holy Ghost ?, c'est la reconnaissance de la dignite humaine
de Tandrogyne, qui passe du statut de curiosite de foire k celui de
temple du Saint Esprit. Dans ? A Circle In The Fire ?, c'est lorsque
Mrs. Cope, sous le choc de l'incendie, laisse tomber les masques que
lui faisait porter sa rigide bonne conscience et revele un visage que
sa fille ne lui avait jamais vu :

? It was the face of the new misery she felt, but on her mother
it looked old and it looked as if it might have belonged to any
body, a Negro or a European or to Powell himself ? (15).

En ces moments privilegies, ou l'experience des personnages se


purifie et s'universalise, il n'est plus question d'ironie ou de grotes
que, et Dieu Lui-meme semble avoir ressuscite. Non pas le Dieu
triomphaliste et securisant dont les societes humaines ont besoin
et qu'elles recuperent sans cesse k leurs fins particulares, mais
Celui qui est blessure et beance.
L'ecriture a fonctionne quand, par le renversement de sa dynami
que interne, elle est parvenue k vehiculer cela. Quand elle designe
dans le texte cet homme en definitive facile a trouver, cet homme
souffrant qu'elle avait, parce qu'elle le moralisait, d'abord releguS
k la peripherie du texte. Une ecriture catholique, en plus d'un sens
dtmoralisante, parce qu'en fin de trajectoire elle recentre l'aventure
humaine sur l'universelle agonie.

(14) ? The Life You Save May Be Your Own ?, ibid., p. 66.
(15) ? A Circle In The Fire ?, ibid., p. 146.

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