Cours Philo Tle D&C Apc Ecole Online by Tehua
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THÈME : LA MÉTHODOLOGIE
Situation d’apprentissage
C’est la rentrée des classes. Le professeur de philosophie de la Tle A2 du Collège ANADOR d’Abobo
présente à ses élèves les bonnes copies de dissertation philosophique du Baccalauréat Blanc de
l’année précédente. Pour réussir cet exercice, les élèves cherchent à construire une introduction,
produire une argumentation et rédiger une conclusion.
PRÉSENTATION
La dissertation philosophique est un exercice écrit portant sur un sujet, à partir duquel on ressort le
problème central en vue de son analyse. Cette analyse doit se faire à travers une argumentation
cohérente. De ce fait, pour parvenir à la rédaction d’un bon devoir il est nécessaire de bien comprendre
le sujet.
I- LA COMPREHENSION DU SUJET
Cette compréhension passe par la phase préparatoire qui comprend deux étapes.
A- L’ETUDE PARCELLAIRE
Il s’agit d’identifier les mots ou expressions essentiels (indispensable à la compréhension du sujet),
et de les définir selon le contexte.
B- LA REFORMULATION DU SUJET
La reformulation du sujet consiste à donner la signification d’ensemble du sujet. Reformuler le sujet
c’est le réécrire dans le souci de le rendre plus explicite sans en altérer le sens initial.
II- LA PROBLEMATISATION DU SUJET
La problématisation du sujet comprend le problème et ses aspects. Le problème est la difficulté
centrale que soulève le sujet. Il apparait à partir d’une contradiction ou d’un paradoxe situé au cœur
du sujet.
1
Les aspects du problème sont les diverses questions que suscite le problème. Ils annoncent les axes
du développement.
III- REDACTION DE LA DISSERTATION PHILOSOPHIQUE
La Dissertation philosophique comprend trois parties : l’Introduction, le Développement et la
Conclusion.
A- L’INTRODUCTION
L’introduction consiste à poser clairement le problème du sujet qui est la difficulté intellectuelle à
surmonter. Le problème est précédé par une amorce et s’achève par ses aspects.
B- LE DEVELOPPEMENT DE LA DISSERTATION PHILOSOPHIQUE
Le développement consiste à résoudre le problème. Cette résolution revient à structurer les axes
d’analyses du sujet, à les argumenter en s’appuyant des références et des illustrations. Le passage
d’un argument à un autre et d’un axe à un autre doit se faire par des transitions (mots de liaisons,
connecteurs logiques…).
C- LA CONCLUSION DE LA DISSERTATION PHILOSOPHIQUE
La conclusion consiste à répondre de façon claire et précise au problème posé dans l’introduction.
Cette réponse est précédée du bilan de la réflexion et peut s’achever par une ouverture.
Activité d’application
Doit-on condamner le progrès technique ?
Consignes
1- Cite les différentes composantes de l’introduction.
2- Rédige une introduction au sujet ci-dessus.
CORRIGE
1-
- Amorce
- Le problème du sujet
- Les aspects du problème
2- Exemple d’introduction
L’expérience quotidienne nous révèle le progrès vertigineux des sciences et techniques dans presque
toutes les sphères de la vie. Et cela semble confirmer l’idée selon laquelle l’avenir appartient à la
science et à la technique. Malheureusement, cette évolution de la technoscience s’accompagne
souvent d’une réelle menace pour l’humanité entière. Dès lors, doit-on souscrire à l’idée selon
laquelle la technique est nuisible ? Dans quelle mesure la puissance technique constitue-t-elle une
menace ? N’est-elle pas au contraire un facteur de développement ?
2
SITUATION D’EVALUATION
Dans le cadre d’un travail de remédiation sur l’élaboration d’une Dissertation philosophique, les
élèves de la classe de TA sont soumis au sujet suivant : « Il faut plaindre celui qui vit en société. »
Qu’en pensez-vous ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question, en précisant chaque
étape essentielle du travail préparatoire de l’exercice de la Dissertation philosophique.
CORRIGE
Travail au brouillon
1ère opération : L’Etude parcellaire
Il faut plaindre : Il est nécessaire d’avoir pitié de ; il est impératif d’avoir de la compassion pour.
Celui qui vit en société : Celui qui est avec ses semblables dans un espace organisé par des règles ;
celui qui est en communauté ; celui qui est avec les autres.
Arg1 : La vie en société est le lieu où la sécurité n’est pas toujours garantie à cause de l’agressivité
injustifiée d’autrui et de son hypocrisie.
Cf. Jean Paul SARTRE : « L’enfer c’est les autres ». Huis clos.
Cf. Thomas HOBBES : « L’homme est un loup pour l’homme ». Léviathan.
Arg2 : Le Bonheur de l’homme en société est constamment menacé à cause de ce qu’il doit
obéissance stricte aux lois et soumission à l’autorité étatique.
Cf. BAKOUNINE : « L’Etat est un immense cimetière où viennent s’enterrer toutes les
manifestations de la vie individuelle ». Etatisme et anarchisme.
Axe2 : Il faut envier celui qui vit en société.
Arg1 : Celui qui mène une existence communautaire profite de la société pour combler ses
déficiences naturelles, à travers l’assistance, la coopération, la collaboration des autres.
Cf. Roger GARAUDY : « L’enfer, c’est l’absence des autres ». Testament philosophique.
Cf. Lucien MALSON : « Les hommes ne sont pas des hommes hors de l’ambiance sociale ».
Les enfants sauvages.
Arg2 : La société sous la forme moderne, à travers l’Etat et les lois issues de la volonté générale,
assure la sécurité, l’épanouissement et la liberté de chaque citoyen.
Cf. Baruch SPINOZA : « La fin de l’Etat est donc en réalité la liberté ». Traité théologico-
politique.
3
EXERCICES
Activité d’application 1
Consignes
A partir du sujet suivant : Doit-on condamner le progrès technique ?
Accomplis les tâches ci-après :
1- Fais son étude parcellaire
2- Reformule-le
3- Problématise-le
CORRIGE
1- Etude parcellaire
- Doit-on : A-t-on le droit, est-il normal, faut-il…
- condamner : blâmer, rejeter, désapprouver
- le progrès techniques : les avancées, les exploits réalisés par la technique.
2-Reformulation du sujet :
Faut-il blâmer les avancées réalisées par la technique ?
3-La problématisation du sujet
La technique est-elle nuisible ?
- Aspect1 : En quoi le progrès technique est-il facteur de développement ?
- Aspect2 : Le progrès technique ne suscite-t-il pas des inquiétudes ?
Activité d’application 2
Consigne
Structure l’analyse du sujet suivant :
Doit-on condamner le progrès technique ?
Activité d’application 3
Parmi les phrases suivantes, relève celles qui correspondent à la reformulation du sujet : « Doit-on
condamner le progrès technique » ?
a- L’essor de la technique doit-il susciter la crainte ?
b- A-t-on des raisons de se féliciter des prouesses de la technique ?
c- Est-il nécessaire de craindre les avancées réalisées par l’ensemble des procédés scientifiques
employés dans l’investigation et la transformation de la nature ?
4
SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’une réflexion sur l’impact des diversités culturelles, les élèves des Terminales A
sont soumis au sujet suivant : La pluralité des cultures est-elle un obstacle au rapprochement
des peuples ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
CORRIGE
I- Définition des termes et expressions essentiels
5
Cf. Aimé CESAIRE dans Discours sur le colonialisme : « j’admets que mettre les civilisations
différentes en contact les unes avec les autres est bien ; que marier des mondes différents est
excellent ».
Cf. Saint Exupéry, Terre des hommes : « Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis ».
Argument 3 : Le respect des autres malgré nos différences est une exigence morale.
Cf. Emmanuel KANT : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne
que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement
comme un moyen ». Fondements de la métaphysique des mœurs.
SITUATION D’EVALUATION 2
À la fin de la leçon sur la dissertation philosophique, certains élèves de ta classe expriment des
difficultés de compréhension. Tu es invité à les aider avec ce sujet :
Sujet : Le travail humanise-t-il ?
CORRIGE
I- Définition des termes essentiels du sujet
DOCUMENTS A CONSULTER
7
Niveau : TERMINALE toutes séries
CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE
Discipline : PHILOSOPHIE NUMÉRIQUE
THÈME : LA MÉTHODOLOGIE
Situation d’apprentissage
Après la leçon sur la méthodologie de la dissertation philosophique, le professeur de philosophie de la
classe de Tle A3 du Lycée Moderne d’Abobo annonce à ses élèves que le prochain cours portera sur le
commentaire de texte philosophique. A cet effet, il leur présente quelques bonnes copies du
Baccalauréat blanc de l’année précédente. Pour réussir cet exercice, les élèves cherchent à construire
une introduction, produire une étude ordonnée, rédiger un intérêt philosophique et une conclusion.
PRESENTATION DU COMMENTAIRE DE TEXTE PHILOSOPHIQUE
Le commentaire de texte philosophique est un exercice écrit qui consiste à dégager l’intérêt
philosophique d’un texte à partir de son étude ordonnée. Commenter un texte, c’est d’abord
l’expliquer, c’est à dire mettre en évidence son sens ou sa signification, et ensuite l’évaluer. Le
devoir du commentaire de texte philosophique comprend trois parties à savoir : l’introduction, le
développement et la conclusion.
I- L’INTRODUCTION
II- LE DEVELOPPEMENT
Le développement comprend deux parties : l’étude ordonnée et l’intérêt philosophique.
1
A- L’ETUDE ORDONNEE
L’étude ordonnée consiste en l’explication du texte à partir de sa structure logique ou de ces différents
mouvements. Cette explication revient à mettre en évidence la démarche argumentative de l’auteur, les
arguments, les concepts, les allusions, les exemples et les figures de style éventuelles. A cet effet il faut
éviter les paraphrases, les contre-sens, les non-sens. Entre les différents mouvements ou articulations il
faut élaborer des transitions.
A- L’INTERET PHILOSOPHIQUE DU TEXTE.
L’intérêt philosophique consiste à évaluer le texte dans la forme et dans le fond. C’est la partie critique
du devoir qui comporte deux aspects : la critique interne et la critique externe.
1- LA CRITIQUE INTERNE
2- LA CRITIQUE EXTERNE
La critique externe consiste à évaluer le texte dans le fond, c’est-à-dire à apprécier la position de
l’auteur. Dans un premier temps on justifie sa thèse en s’appuyant sur d’autres auteurs et dans un second
temps on la dépasse à l’aide d’autres positions.
III- LA CONCLUSION
La conclusion est la dernière partie du devoir. Elle consiste en une prise de position par rapport à l’intérêt
du texte. Cette prise de position doit être précédée du bilan du débat engagé au niveau de la critique
externe.
Activité d’application
Consigne
2
CORRIGE
Ce texte d’Epictète extrait de son œuvre Maximes et Pensées parle de la tenue du philosophe et de son
disciple. À la question : Le philosophe et son disciple doivent-ils négliger leur tenue ? L’auteur répond
que ceux-ci doivent prendre soin de leur corps et de leur âme.
Ce texte s’articule autour de deux mouvements : de la L1 à la L7 « Si un philosophe malpropre (…)
gras et mal peignés. » il est question de la nécessité de la décence chez le philosophe et son disciple.
De la L7 à la L12 « Car par là je juge (…) n’est que laideur » il montre la primauté de la beauté
intérieure sur la beauté du corps.
SITUATION D’EVALUATION
Consigne
Rédige une étude ordonnée.
CORRIGE
Idée principale du 1ermvt : la nécessité de la décence chez le philosophe et son disciple.
Idées secondaires du 1ermvt :
1 : identifié à un criminel, le philosophe malpropre inspire répugnance.
2 : exhortation à la propreté et à la décence.
Idée principale du 2èmemvt : la primauté de la beauté intérieure sur la beauté du corps.
Idées secondaires du 2ème mvt :
1 : la beauté du corps présuppose la beauté intérieure.
2 : la beauté intérieure qui consiste à faire usage de la raison surpasse la beauté du corps.
EXERCICES
Activité d’application 1
Consigne
Rédige une critique interne à ce texte.
CORRIGE
En usant d’expressions excessives telles que : malpropre, négligé, horrible, l’auteur compare le
philosophe à un criminel pour mettre en évidence son caractère répugnant. De là, il suggère la nécessité
de la décence chez le philosophe et son disciple. Dans les dernières lignes, il conclut à la primauté de
la beauté intérieure sur la beauté du corps. Le ton ironique dont use l’auteur est en conformité avec
son intention qui est d’amener le philosophe à améliorer son statut social.
3
Activité d’application 2
Consignes
CORRIGE
1--
Axe 1 : Le philosophe et son disciple doivent observer la propreté et la décence.
• Un esprit sain a besoin d’un corps sain
Cf. la maxime grecque « un esprit sain dans un corps sain »
Dans la pratique de la religion, la pureté du corps est nécessaire pour préserver la sainteté de
l’âme.
• L’aspect extérieur est important pour la crédibilité du philosophe et de la philosophie.
Cf. Platon, Le banquet pour qui l’amour des beaux corps conduit à la culture des belles âmes.
Axe 2 : La beauté corporelle est inessentielle pour le philosophe.
• L’avilissement du corps conduit à l’élévation de l’esprit.
Cf. Diogène le cynique.
• L’âme a plus de valeur que le corps.
Cf. Les stoïciens
Cf. St Augustin, Confessions
2—
En définitive, si pour Epictète et certains moralistes de l’antiquité le philosophe et son disciple doivent
observer la propreté et la décence en vue d’améliorer leur statut social, pour d’autres penseurs tels que
les cyniques, la beauté corporelle est inessentielle pour le philosophe. Au demeurant, à notre sens, la
propreté du corps va de pair avec celle de l’esprit.
Activité d’application 3
Relis chaque item à la question lui correspondant
ITEMS QUESTIONS
Thème Quel est l’objectif immédiat de l’auteur ?
Problème Qu’y a-t-il à gagner dans la résolution du
problème ?
Thèse De quelle manière le problème est-il traité ?
Intention De quoi est-il question dans le texte ?
Enjeu De quoi s’agit-il dans le texte ?
Structure logique Quelle est la position de l’auteur ?
Démarche argumentative Quelles sont les étapes de l’argumentation
4
SITUATION D’EVALUATION 1
À la fin de la leçon sur le commentaire de texte philosophique, certains élèves de ta classe expriment
des difficultés de compréhension. Tu es invité à les aider avec ce texte.
La philosophie n’est pas un système, si on entend par là un ensemble de propositions considérées comme
définitives, un ensemble de vérités dernières, indépassables, qui représenteraient à la fois un
aboutissement et un arrêt de la pensée. La philosophie en ce sens-là n’est pas un système, car elle ne
s’arrête jamais, mais n’existe au contraire comme philosophie que dans l’élément de la discussion, sous
la forme d’un débat sans cesse rebondissant. Hors de ce débat, il n’y a pas de philosophie. La philosophie
n’est pas un système clos, mais une histoire, un débat qui se transmet de génération en génération, et
dans lequel chaque acteur, chaque penseur, intervient en toute responsabilité : je sais que je suis
responsable de ce que je dis, des thèses que j’avance. J’en suis responsable au sens le plus littéral du
mot : je dois pouvoir en « répondre ». Je dois pouvoir justifier à tout moment mes affirmations. Je dois
pouvoir en fournir à tout moment les titres de validité. Et c’est en tant qu’individu que je prends part à
ce débat, prenant part du même coup, au dévoilement progressif d’une vérité qui ne sera pas ma chose,
mais la chose de tout le monde, le résultat d’une recherche collective faite de confrontation de toutes
les pensées individuelles et appelée à se poursuivre indéfiniment.
Paulin Jidenu HOUNTONDJI, Sur ‶ la philosophie africaine".
CORRIGE
PROBLÉMATIQUE DU TEXTE
Enjeu : la connaissance
INTÉRET PHILOSOPHIQUE
Critique interne :
En vue de définir la philosophie, l’auteur à travers une démarche polémique a, d’une part, indiqué ce
qu’elle n’est pas c’est-à-dire un système, et d’autre part a montré qu’elle réside essentiellement dans le
débat. Cette démarche est en adéquation avec son intention qui est de rejeter la position qui fait de la
philosophie un système achevé.
5
Critique externe :
SITUATION D’EVALUATION 2
Ton voisin de classe qui éprouve des difficultés de compréhension du cours sur le commentaire de texte
philosophique te sollicite pour lui expliquer cette méthodologie à travers ce texte de David HUME tiré
de Dialogues sur la religion naturelle.
Aide-le à dégager l’intérêt philosophique de ce texte à partir de son étude ordonnée.
Mon opinion est que tout homme sent, en quelque façon, la vérité de la religion dans son propre cœur,
et que par le sentiment intime de sa faiblesse et de sa misère plutôt que par aucun raisonnement, il est
conduit à recourir à la perfection de cet être, dont il dépend, ainsi que toute la nature. Les plus brillantes
scènes de la vie sont obscurcies par les nuages de tant d’inquiétudes et d’ennuis, que l’avenir est toujours
l’objet de nos craintes et de nos espérances. Nous regardons devant nous et tâchons, à force de prières,
d’hommages et de sacrifices, d’apaiser ces puissances inconnues que nous savons, par expérience, être
si forts en état de nous accabler. Pauvres créatures que nous sommes ! Quelles ressources aurions-nous
au milieu des maux innombrables de la vie, si la religion ne nous fournissait quelques moyens
expiatoires et ne calmait ces terreurs qui nous troublent et nous tourmentent sans cesse ?
David HUME. - Dialogues sur la religion naturelle.
CORRIGE
6
I- PROBLEMATIQUE DU TEXTE
I- INTERET PHILOSOPHIQUE
A- Critique interne
L’auteur, à travers une démarche explicative présente d’abord les fondements de la religion ; ensuite, il
en précise les fonctions dans la société, qui sont spécifiquement psychologiques. Si l’auteur a voulu
montrer l’importance de la religion dans la vie de l’homme, son intention est en parfaite adéquation
avec sa démarche. L’auteur fait ainsi preuve de rigueur dans son analyse
Transition : Pour l’auteur, la religion apaise les souffrances de l’homme et calme ses douleurs
terrestres.
B- Critique externe
Axe 1 : La religion concourt à l’épanouissement de l’homme
• Argument 1 : La religion a une fonction pédagogique car elle nous renseigne sur certains
phénomènes métaphysiques.
« Pour bien se représenter le rôle immense de la religion, il faut envisager tout ce qu’elle entreprend de
donner aux hommes : elle les éclaire sur l’origine et la formation de l’univers… » Cf. Sigmund FREUD.
- L’avenir d’une illusion
• Argument 2 : La religion joue un rôle éthique ou moral en réglant les opinions antagonistes des
hommes par ses prescriptions et son autorité.
« Une fois qu’il n’y a plus de transcendance, religieuse, humaniste ou de tout autre sorte, pour définir
une violence légitime et garantir sa spécificité face à toute violence illégitime, le légitime et l’illégitime
de la violence sont définitivement livrés à l’opinion de chacun, » Cf. R. GIRARD. - La violence et le
sacré
• Argument 3 : La religion a un rôle social car elle sème l’amour entre les hommes.
7
« Car, afin que l’homme sût s’aimer lui-même, une fin a été fixée où il devrait, pour être heureux,
référer toutes ses actions – s’aimer, en effet, n’est pas autre chose que vouloir être heureux – et cette fin
c’est de s’attacher à Dieu. »
Cf. St AUGUSTIN, La cité de Dieu
8
Niveau : TERMINALE toutes séries CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE
Discipline : PHILOSOPHIE NUMÉRIQUE
Connaître l’homme revient à savoir ce qui fait son essence, c’est-à-dire sa nature ou ce qu’il est. Et cette
connaissance revient à mettre en exergue ses caractéristiques essentielles. Généralement l’homme est
défini comme un être conscient ou pensant. Pourtant, certains de ses actes semblent échapper à son
contrôle.
Dès lors, la connaissance de l’homme se réduit-elle à la conscience ? L’homme est-il toujours
responsable de ses actes?
En somme, nous retenons de ce qui précède, par rapport à la définition de l’homme, que la pensée ou la
conscience et la mémoire sont propres à l’homme et lui permettent de s’assumer comme un être libre,
lucide et autonome. Cependant, est-il réaliste de dire que nous sommes toujours maîtres de nous-
mêmes ? La conscience est-elle toujours manifeste en nous ? L’homme n’a-t-il pas une autre réalité
insoupçonnée qui le détermine en réalité ?
Déjà LEIBNIZ, à travers sa théorie de petites perceptions sans aperceptions, remettait en cause la
surestimation de la conscience. Mais c’est véritablement avec Sigmund FREUD qu’on parvient à la
découverte de l’inconscient.
II- L’INCONSCIENT, UNE AUTRE DIMENSION DE L’HOMME
A- La découverte de l’inconscient
Certes l’homme est un être de conscience et de mémoire, mais il y a beaucoup de faits psychiques qu’il
ignore et qu’il ne peut ni expliquer ni justifier : les oublis, les motivations cachées, les phobies, les
perceptions insensibles, les rêves etc. Tout ceci révèle les limites de la conscience qui présupposent
l’existence d’un inconscient psychique.
Selon Sigmund FREUD (1856-1939), l’inconscient est l’ensemble des désirs refoulés qui échappent à
la conscience. Cela revient à dire que l’inconscient est l’instance psychique dynamique qui est en nous
et où sont emmagasinés les instincts, les pulsions et les désirs refoulés chez un sujet donné. Dans cette
perspective, FREUD fait une mise au point importante dans son œuvre L’Interprétation des rêves : «
Pour bien comprendre la vie psychique, il est indispensable de cesser de surestimer la
conscience ». Ce qui laisse entrevoir que notre vie psychique est faite d’une petite partie d’actes ou de
faits conscients et que la grande partie de ces faits ou actes sont inconnus par la conscience.
Pour FREUD les preuves de l’existence de l’inconscient sont multiples. Il écrit à ce propos dans
Métapsychologie « (…) Nous possédons de multiples preuves de l’existence de l’inconscient ». De
ces nombreuses manifestations, nous retenons la violence.
A- La violence comme la manifestation de l’inconscient
Selon la psychanalyse freudienne, l’inconscient est le siège de la violence qui est en l’homme. Cette
violence est synonyme d’agressivité, de barbarie qui se manifestent dans nos relations interhumaines.
Aussi FREUD affirme-t-il : « L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour,
dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être au contraire qui doit porter au compte
de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité ». Malaise dans la civilisation. Ainsi
2
dans notre tentative de caractérisation de l’homme, l’inconscient se présente logiquement comme
l’élément déterminant de la nature humaine.
Tel que présenté, l’inconscient ne révèle-t-il pas un déterminisme psychologique qui remet en cause la
responsabilité de l’homme ?
III- LE DÉTERMINISME PSYCHOLOGIQUE ET LA RESPONSABILTÉ DE L’HOMME
A- Le déterminisme psychologique et la liberté humaine
Par le déterminisme psychologique, nous comprenons que nos actes ou faits psychiques ne sont pas le
fruit de nos choix. Ils sont plutôt produits par des forces indépendantes de l’homme. Ainsi, le moi
conscient est-il si manipulé que sa responsabilité et sa liberté semblent illusoires. L’homme, subissant
le déterminisme de l’inconscient, ne peut donc se prévaloir d’aucune volonté, d’aucune liberté. D’où la
justesse de cette conclusion de l’Écrivain et poète français, Paul VALERY (1871-1945) : « La
conscience règne mais ne gouverne pas », Extrait des Mauvaises pensées et autres.
Cependant, la théorie freudienne de l’inconscient est-elle exempte de toute critique ?
B- L’homme, un être responsable
Quoique déterminé par l’inconscient, l’homme reste un sujet libre qui assume ses actes. Dans cette
perspective, les philosophes moralistes et existentialistes font le procès de la théorie freudienne de
l’inconscient. Ainsi, Alain fait de l’hypothèse de l’inconscient une irréalité. Ce qu’il traduit par : « Le
freudisme si fameux est un art d’inventer en chaque homme un animal redoutable ». Éléments de
philosophie
Quant à l’existentialiste Jean Paul SARTRE (1905-1980), l’homme est « condamné à être libre ». Au
nom de cette liberté, l’inconscient relève de la mauvaise foi. C’est un prétexte pour justifier nos
inconduites.
CONCLUSION
De l’analyse qui précède, il se dégage l’idée que connaître l’homme est une entreprise difficile car il est
tantôt un être conscient et libre, tantôt déterminé par l’inconscient. Au demeurant, l’homme est un être
pluridimensionnel et complexe.
Activité d’application
Consigne
Mets une croix en face de la pensée qui justifie que l’homme est violent
1- « L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se
défend quand on l’attaque, mais un être au contraire qui doit porter au compte de ses données
instinctives une bonne somme d’agressivité »
2- « La violence est dans la société et non ailleurs »
3- « La violence engendre la violence »
3
SITUATION D’EVALUATION
Dans le cadre d’un travail de recherches sur la connaissance de l’homme, les élèves de la Terminale A
sont soumis au sujet suivant : L’inconscient abolit- il la responsabilité humaine ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
CORRIGE
I- Définition des termes et expressions essentiels du sujet
L’inconscient : l’ensemble des actes qui échappent à la conscience ; Instance psychique qui est le siège
des pulsions et désirs refoules
Abolir : supprimer, rendre caduc, rendre illusoire
La responsabilité de l’homme : le fait que l’homme réponde de ses actes, assume ses actes
II- PROBLEME A ANALYSER
L’inconscient rend-il illusoire la responsabilité humaine ?
L’avènement de l’inconscient excuse-t-elle l’homme de tous ses actes ?
III- AXES D’ANALYSE ET REFERENCES POSSIBLES
Axe1 : la présence de l’inconscient agit sur la responsabilité humaine.
L’inconscient détermine les actes de l’homme au détriment de la conscience
Cf Freud « la conscience n’est pas toujours maitre dans sa propre maison »
Avec l’avènement de l’inconscient l’homme pose des actes involontaires dont il ne peut rendre compte.
Cf. Paul Valéry « la conscience règne mais ne gouverne pas »
Axe2 : La responsabilité de l’homme demeure malgré la présence de l’inconscient.
L’inconscient étant une partie de l’homme ; il doit assumer ses manifestations en toute responsabilité
Cf. J P Sartre pour qui l’alibi de l’inconscient conduit à la mauvaise foi
La présence de l’inconscient ne supprime pas la conscience
Cf. Alain « Il n’y a pas d’inconvénient à employer couramment le terme d’inconscient (…), mais si on
le grossit, alors commence l’erreur, et bien pis, c’est une faute » Eléments de Philosophie
EXERCICES
Activité d’application 1
Relève parmi ces citations, celles qui justifient que l’homme n’est pas totalement libre
1- « La conscience règne mais ne gouverne pas »
2- « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison »
4
3- « L’homme subit le déterminisme psychologique »
4- « L’inconscient est de la mauvaise foi »
Activité d’application 2
Mets VRAI (V) ou FAUX (F) devant la bonne définition de la liberté
1-La liberté est la capacité qu’a l’homme sain ou malade de faire ce qu’il veut…
2-État de l’être qui n’obéit qu’à sa volonté indépendamment de toute contrainte extérieure…
3-Le fait d’accepter volontairement d’être guidé dans sa vie par un directeur de conscience…
Activité d’application 3
Voici un ensemble de propositions relatives à la notion de conscience. Inscris VRAI (V) ou FAUX (F)
dans la case qui convient
01 La conscience est une instance psychique qui permet à l’homme d’agir librement.
02 La conscience est une faculté que l’homme et l’animal ont en commun
03 La conscience définit l’homme
04 La conscience est la seule réalité du psychisme humain
05 La conscience est une faculté qui permet à l’homme de se connaitre et d’agir en
connaissance de cause
06 La conscience implique la mémoire et la liberté
07 La conscience s’oppose à la mémoire et a la liberté
SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’une réflexion sur la connaissance de l’homme, les élèves de la terminale A ont eu le
texte ci-dessous comme support. Fais-en l’étude ordonnée et dégage son intérêt philosophique.
Tu es assuré d’apprendre tout ce qui se passe dans ton âme, pourvu que ce soit assez important, parce
qu’alors, ta conscience te le signale. Et quand dans ton âme, tu n’as reçu aucune nouvelle de quelque
chose, tu admets en toute confiance que cela n’est pas contenu en elle. Davantage, tu vas jusqu’à tenir
« psychique » pour identique à « conscient », c'est-à-dire connu de toi, malgré les preuves les plus
patentes que, dans la vie psychique, il va en permanence se passer beaucoup plus de choses qu’il n’en
peut accéder à ta conscience. Accepte donc sur ce point de te laisser instruire ! Le psychique en toi ne
coïncide pas avec ce dont tu es conscient ; ce sont deux choses différentes, que quelque chose se passe
dans ton âme, et que tu en sois par ailleurs informé. Je veux bien concéder qu’à l’ordinaire, le service
de renseignements qui dessert ta conscience suffit à tes besoins. Tu peux te bercer d’illusions que tu
apprends tout ce qui revêt une certaine importance. Tu te comportes comme un souverain absolu, qui
se contente des renseignements que lui apportent les hauts fonctionnaires de sa cour, et qui ne descend
pas dans la rue pour écouter la voix du peuple. Entre en toi-même, dans tes profondeurs et apprends
d’abord à te connaître, alors tu comprendras pour quoi tu dois devenir malade et tu éviteras peut-être de
le devenir.
FREUD, une difficulté de la psychanalyse, édit. Gallimard, 1933, pp144-146
SITUATION D’EVALUATION 2
5
Dans le cadre d’un travail de recherches sur la connaissance scientifique, le sujet suivant est soumis aux
élèves de la Terminale A : Une connaissance scientifique du vivant est-elle possible ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
DOCUMENTS A CONSULTER
RENE DES CARTES, LE DISCOURS DE LA METHODE
LES MEDITATIONS METAPHYSIQUES
ALAIN (EMILE CHARTIER), LES ARTS E LES DIEUX
HENRI BERGSON, L’EVOLUTION CREATRICE
L’ENERGIE SPIRITUELLE
ANDRE LALANDE, VOCABULAIRE TECHNIQUE ET CRITIQUE DE LA PHILOSOPHIE
EDMUND HUSSERL, LES MEDITATIONS CARTESIENNES
JEAN-JACQUES ROUSSEAU, EMILE OU DE L’EDUCATION
BLAISE PASCAL, PENSEES ET OPUSCULES
FRIEDRICH NIETZSCHE, LA GENEALOGIE DE LA MORALE
LEIBNITZ, NOUVEAUX ESSAIS SUR L’ENTENDEMENT HUMAIN
EMMANUEL KANT, LA CRITIQUE DE LA RAISON PURE
SIGMUND FREUD, L’INTERPRETATION DES REVES
CINQ ESSAIS SUR LA PSYCHANALYSE
MALAISE DANS LA CIVILISATION
THOMAS HOBBES, LE LEVIATHAN
JEAN PAUL SARTRE, L’ETRE ET LE NEANT
L’EXISTENTIALISME EST UN HUMANISME.
6
Niveau: TERMINALE toutes séries CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE
Discipline : PHILOSOPHIE NUMÉRIQUE
INTRODUCTION
De tous les êtres, l’homme est le seul qui vit en société c’est-à-dire avec ses
semblables. Mais, cette vie en société lui est-elle bénéfique ? Garantit-elle sa liberté ?
A- La nécessité de l’Etat
L’Etat est une forme d’organisation politico- administrative et juridique exerçant une
autorité sur un territoire défini. Avec son avènement les hommes sortent de l’état de
nature en aliénant leur liberté individuelle afin d’obtenir l’assurance de leur droit ainsi
que l’assurance de la justice. L’Etat se charge d’élaborer les lois qui constituent le droit
positif. A travers le respect des lois, il garantit la liberté et la sécurité des individus.
C’est d’ailleurs ce qu’en pense SPINOZA dans le Traité Théologico-politique : « Non,
je le répète, la fin de l’Etat n’est pas de faire passer les hommes de la condition
d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, (…). La fin de l’Etat
est donc en réalité la liberté ». La vocation de l’Etat est donc de défendre et de
protéger les individus contre les injustices, les inégalités, les violations des libertés par
le droit. L’application du droit réalise la justice.
La justice signifie l’équité, l’égalité ou encore l’équilibre. C’est aussi une vertu qui
nous demande de prendre notre dû et d’attribuer à chacun ce qui lui revient. Dans la
vie en société, la justice est une institution chargée d’appliquer le droit, de faire
respecter la loi et de réparer les torts subis par les victimes de l’injustice. Jean-Jacques
ROUSSEAU, dans du Contrat Social, soutient que les lois, c’est-à-dire le droit est
l’émanation de la volonté générale. Ainsi, les lois sont édictées par l’ensemble des
citoyens qui constituent cette volonté générale.
En somme, le droit et la justice sont des piliers de l’Etat. En outre, l’Etat vise l’unité
sociale à travers l’édification de la Nation.
2
B- La nation, garante de l’unité sociale
La Nation est à distinguer de l’Etat. En effet, l’idée de Nation implique une idée d’une
unité spontanée, celle d’Etat relève d’une organisation qui peut être plus ou moins
artificielle. Une Nation peut survivre même lorsqu’elle est partagée entre plusieurs
Etats. De même, un Etat peut comprendre plusieurs Nations. Toute société prise
spontanément n’est pas une Nation. Pour que la nation se réalise, deux conditions sont
nécessaires. D’une part, les conditions objectives : La nation est une unité organique
dont les liens sont multiples. Ils sont à la fois géographiques, ethniques, linguistiques,
politiques et même religieux. D’autre part les conditions subjectives : La Nation doit
aussi son existence à la formation et au développement d’une conscience nationale.
C’est ce qu’en pense notamment ERNEST RENAN (1823-1892), une Nation est avant tout
: « Une âme, un principe spirituel ». Cette âme se résume à deux choses, l’une est dans
le passé, c’est « la possession en commun d’un riche legs de souvenirs » heureux ou
malheureux. L’autre est dans l’avenir : « C’est le consentement actuel, le désir de vivre
ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».
Qu’est-ce qu’une Nation ? Comme on le voit, certes la Nation doit être enracinée dans
l’histoire puisqu’elle est : « l’aboutissement d’un long passé » mais elle est aussi une
réalité qui se construit perpétuellement à travers la pleine conscience de soi. À cet effet,
RENAN ajoute : « Cette conscience de groupe que suppose nécessairement toute Nation
constituée et vivante, n’est nullement une force aveugle et inconsciente, mais elle est
une conscience et volonté dans le groupe au même titre et de la même façon que dans
l’individu ». Qu’est-ce qu’une Nation ?
Retenons que l’Etat et la Nation sont étroitement liés.
La vie sociale est bien souvent le lieu des confrontations, des conflits interpersonnels
et de violence.
La violence est l’usage abusif da la force. Il y a violence chaque fois qu’un individu ou
un groupe de personnes s’emploie par des moyens divers, à asservir, à faire souffrir, à
aliéner ou à anéantir un autre individu ou un groupe de personnes.
3
Selon HEGEL et J.P. SARTRE, autrui se révèle à moi dans l’expérience d’un conflit
originel. Ce conflit débouche chez Hegel sur la reconnaissance mutuelle (La
dialectique du maître et de l’esclave) dans La Phénoménologie de l’esprit. C’est dans
cette différence conflictuelle que chacune des consciences acquiert un statut spécifique
qui peut être celui de maitre ou d’esclave ou de dominant et de dominé.
Chez Sartre, autrui s’oppose d’abord à moi parce qu’il est essentiellement différent de
moi : « il est un autre moi, c’est le moi qui n’est pas moi ». Selon SARTRE, ce conflit
est aussi vécu intérieurement dans certains phénomènes tels que la honte. SARTRE
affirme : « La honte est toujours honte devant quelqu’un (…) J’ai honte de moi tel
que j’apparais à autrui. Et par l’apparition même d’autrui je suis en mesure de
porter un jugement sur moi-même comme sur un objet » L’être et le néant.
Autrui est donc celui qui me chosifie, qui m’aliène et me prive de ma liberté.
C’est en ce sens que la force de l’Etat se révèle nécessaire à l’harmonie sociale.
4
CONCLUSION
Activité d’application
Parmi les propositions suivantes, coche celle qui convient à la définition exacte de la
société.
- La société est l’ensemble des infrastructures économiques d’un Etat.
- La société regroupe l’ensemble des hommes et des animaux d’un Etat.
- La société désigne un ensemble organisé et structuré de valeurs morales.
- La société renvoie à un ensemble d’individus entre lesquels existent des rapports
organisés et garantis par des institutions.
- La société regroupe autrui et moi.
SITUATION D’EVALUATION
A la fin de la leçon portant sur la vie en société, les élèves de ta classe sont invités à réfléchir sur le
sujet suivant : Autrui est-il absolument mon ennemi ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
CORRIGE
II – PROBLEME A ANALYSER
5
Cf. SARTRE, L'être et le néant : « Je saisis le regard de l'autre au sein même de mon acte,
comme solidification et aliénation de mes propres possibilités ».
Cf. Jean Paul SARTRE, Huis-clos : « L’enfer, c’est les autres ».
Argument 2- Autrui est un être égoïste qui vise à m’instrumentaliser, me nuire voire me détruire au
profit de ses intérêts.
Cf. NIETZSCHE, Par-delà le Bien et le Mal « Vivre c’est essentiellement dépouiller, blesser,
violenter le faible et l’étranger… »
Cf. Sigmund FREUD, Malaise dans la civilisation : « l'homme n'est point cet être débonnaire,
(…). Il est tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain. »
Argument 2 : Le prochain est indispensable à mon humanisation et à ma réalisation car, coupé du milieu
social, je reste un simple animal.
Cf. Seydou Badian, Sous l’orage « L’homme n’est rien sans les autres »
EXERCICES
Activité d’application 1
Coche la bonne définition du droit parmi les propositions suivantes :
Activité d’application 2
Voici une liste de mots : des virtualités - politique- la liberté
Complète les phrases suivantes avec les mots qui conviennent
6
Activité d’application 3
Coche parmi les définitions suivantes, celles qui conviennent :
La société se présente comme l’ensemble des infrastructures économiques d’un Etat.
La société regroupe l’ensemble des hommes et des animaux d’un Etat.
La société désigne un ensemble organisé et structuré de valeurs morales.
La société renvoie à un ensemble d’individus entre lesquels existent des rapports durables et
organisés, le plus souvent établis en institutions et garantis par des sanctions.
La société regroupe autrui et moi.
SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’une réflexion sur la vie en société, les élèves de la terminale A ont le texte ci-dessous
comme support. Fais-en l’étude ordonnée et dégage son intérêt philosophique.
L'état de nature est l'état de rudesse, de violence et d'injustice. Il faut que les hommes sortent de cet
état pour constituer une société qui soit un Etat, car c'est seulement là que la relation de droit possède
une effective réalité. On décrit souvent l'état de nature comme un état parfait de l'homme, en ce qui
concerne tant le bonheur que la bonté morale. ll faut d'abord noter que l'innocence est dépourvue
comme telle de toute valeur morale, dans la mesure où elle est ignorance du mal et tient à l'absence
des besoins d'où peut naître la méchanceté. D'autre part, cet état est bien plutôt celui où règnent la
violence et l'injustice, précisément parce que les hommes ne s'y considèrent que du seul point de vue
de la nature. Or, de ce point de vue-là, ils sont inégaux tout à la fois quant aux forces du corps et
quant aux dispositions de l'esprit, et c'est par la violence et la ruse qu'ils font valoir l'un comme l'autre
leur différence. Sans doute la raison appartient aussi à l'état de nature, mais c'est l'élément naturel qui
a en lui prééminence. Il est donc indispensable que les hommes échappent à cet état pour accéder à
un autre état, où prédomine le vouloir raisonnable.
HEGEL, Propédeutique philosophique, Doctrine du droit, §. 25, tr. M. de Gandillac, éd. Gonthier,
coll. Médiations, p. 47
CORRIGE
I- PROBLEMATIQUE
7
II- STRUCTURE LOGIQUE EN VUE DE SON ÉTUDE ORDONNÉE
• 1er Mouvement : ligne 1 à ligne 3 : « L'état de nature est … possède une effective réalité. » :
Thèse de l’auteur selon laquelle Il faut sortir de l’état de nature pour instituer l’état.
• 2è Mouvement : ligne 3 à ligne 14 : « On décrit souvent l'état de nature … prédomine le vouloir
raisonnable. » : l’auteur remet en cause l’opinion selon laquelle l’état de nature serait parfait.
III- INTERET PHILOSOPHIQUE
• Critique interne
Dans ce texte à caractère argumentatif, l’auteur énonce d’abord sa thèse selon laquelle il faut sortir
de l’état de nature pour instituer l’état avant de remettre en cause l’opinion selon laquelle l’état de
nature serait parfait. Cette démarche est en congruence avec son intention qui est de montrer la
nécessité de la vie en société.
• Critique externe
Thèse problématisée : l’Etat garantit-il vraiment le bonheur ?
Cf. HOBBES, Le Léviathan : « Aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir
commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et
cette guerre est guerre de chacun contre chacun »
Cf. HOBBES, Du citoyen : « Dans une société civile, on voit sous l’empire de la raison, régner
la paix, la sécurité ».
• La société civile et l’Etat corrompent l’homme qui à l’état de nature est bon et innocent.
Cf. ROUSSEAU, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes :
« L'homme est naturellement bon »
8
SITUATION D’EVALUATION 2
Dans le cadre de la vie en société le sujet suivant t’est soumis : Une société sans lois est-elle
envisageable ? Fais-en une production argumentée.
CORRIGE
I- DEFINITION DES EXPRESSIONS ET TERMES ESSENTIELS
• Une société : une communauté, une association humaine ; et par extension la vie
sociale.
• Sans : dépourvue de, en l’absence de
• Lois : Ensemble de règles censées régir l’activité et les comportements dans une société
ou un groupe donné.
• Envisageable : réalisable, possible à vivre, imaginable.
- Contrairement aux discours démagogiques qui la présentent comme l’expression de l’intérêt général,
la loi ne représente en réalité que les intérêts de la classe dominante, du pouvoir,
Cf. Thomas Hobbes, Du citoyen : « la justice ou l’injustice viennent du droit de celui qui
gouverne».
DOCUMENTS A CONSULTER
• ARISTOTE, LA POLITIQUE
• THOMAS HOBBES, LE LEVIATHAN
• JEAN-JACQUES ROUSSEAU, DU CONTRAT SOCIAL LES FONDEMENTS DE
L’ORIGINE DE L’INEGALITE PARMI LES HOMMES
• B.SPINOZA, TRAITE THEOLOGICO-POLITIQUE
• E.RENAN, QU’EST-CE QU’UNE NATION ?
• HEGEL, PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE DU DROIT ; LA PHENOMENOLOGIE DE
L’ESPRIT
• ALAIN (EMILE CHARTIER), PROPOS SUR LES POUVOIRS
• N.MACHIAVEL, LE PRINCE
• J.P.SARTRE, HUIS-CLOS ; L’EXISTENTIALISME EST UN HUMANISME ; L’ETRE ET LE
NEANT
• L. ALTHUSSER, IDEOLOGIE ET APPAREILS IDEOLOGIQUES D’ETAT in POSITIONS
• ANDRE LALANDE, VOCABULAIRE TECHNIQUE ET CRITIQUE DE LA PHILOSOPHIE
• SIGMUND FREUD, MALAISE DANS LA CIVILISATION
10
Niveau : Terminale CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE
Discipline : PHILOSOPHIE NUMÉRIQUE
SITUATION D’APPRENTISSAGE
Les élèves de la Terminale A3 du Lycée Moderne de Koumassi ont participé à un débat portant sur Dieu
et la religion. Ils apprennent de ce débat que la plupart des attentats et des actes terroristes perpétrés à
travers le monde sont le fait de fanatiques religieux. S’interrogeant donc sur le bien-fondé de la religion,
ils décident d’entreprendre des recherches sur la notion de Dieu, le rôle social de la religion et apprécier
la relation entre la pratique religieuse et la liberté.
INTRODUCTION
De tous les êtres vivants, l’homme est le seul qui pratique la religion. C’est dire que la religiosité est
une caractéristique essentielle de l’humanité. On est alors en droit de se poser la question du sens de
cette pratique. Quelles sont ses différentes implications ? Contribue-t-elle véritablement à la liberté de
l’homme et à son épanouissement ?
I- DIEU COMME FONDEMENT DE LA RELIGION
A- Dieu, être sacré
Pour ANDRE LALANDE, la religion se définit comme : « une institution sociale caractérisée par
l’existence d’une communauté d’individus unis par la croyance en une valeur absolue : Dieu. » Ainsi,
la religion se rapporte à des croyances et pratiques ayant Dieu pour objet. Dans la religion Dieu est un
être surnaturel, sacré, objet de déférence. Dieu fait l’objet d’admiration, de respect ou de vénération et
ses qualités que sont l’omnipotence, l’omniscience, l’omniprésence, la bonté, la perfection etc. Ces
qualités font de lui un être transcendant qui peut se révéler aux hommes. Selon Durkheim « une religion
est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées,
interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale (…) tous ceux qui y
adhèrent. » Les formes élémentaires de la vie religieuse
Toutefois dans l’histoire de la philosophie, l’existence de Dieu a fait l’objet de plusieurs critiques et
même aujourd’hui suscite encore des doutes.
Il convient d’abord de bien distinguer ici « le concept ou l’idée de Dieu » de « l’existence de Dieu ».
Ainsi pour E. KANT (1724-1804), que Dieu soit conçu comme un être parfait ne signifie pas et ne
prouve pas qu’il existe nécessairement. Car l’existence d’un être ou d’une chose ne dérive pas de son
essence. Dans la Critique de la Raison Pure, il écrit : « Quand je conçois une chose, quels que soient
et si nombreux que soient les prédicats par lesquels je la pense, en ajoutant, de plus, que cette
chose existe, je n’ajoute rien à cette chose (…) Quelles que soient la nature et l’étendue de concept
d’un objet, il nous faut cependant sortir de ce concept pour attribuer à l’objet son existence ». En
conséquence, toute preuve de l’existence de Dieu est une spéculation et une illusion de la raison.
1
L’existence de Dieu serait donc un produit de l’imagination humaine et qui de plus contient des
contradictions. Car on comprend difficilement que Dieu soit parfait, qu’il ait créé l’univers et le monde
de la même façon et que le mal s’y trouve inscrit. L’existence du mal contredirait la perfection de Dieu.
Toute cette analyse justifie la conviction des athées qui nient l’existence de Dieu.
Malgré ces remises en cause de l’existence de Dieu, la pratique religieuse s’est développée davantage
dans l’histoire de l’humanité.
Dérivée du mot latin « religio », la religion renvoie d’une part à la relation de l’homme à Dieu (lien
vertical) et d’autre part à la relation que les hommes entretiennent entre eux (lien horizontal). La
fonction primordiale de la religion est donc de réunir, de rassembler les hommes autour d’un idéal de
vie communautaire. Elle est ainsi génératrice d’organisation sociale. Par les rites et mythes qu’elle
enseigne et impose, elle assure la cohésion sociale. Joseph Proudhon exprime cette idée en ces termes :
« c’est la religion qui cimenta les fondements des sociétés, qui donna l’unité et la personnalité aux
nations » De la création de l’ordre dans l’humanité ou principe d’organisation politique
Dans le même ordre d’idées, Bergson, dans Les deux sources de la morale et la religion, souligne que
la religion assure une triple fonction sociale : elle fournit une assurance contre la désorganisation grâce
aux interdits qu’elle impose ; elle est une protection contre la dépression et l’angoisse de la mort ; elle
rassure face à l’imprévisibilité de l’existence.
En ce sens, la foi en Dieu crée chez l’homme un soulagement, une quiétude et un sentiment de liberté.
La religion trace les sillons de la conquête de la liberté, c’est ce que pense Hegel pour qui : « la religion
est la vraie libération de l’homme ». Leçons sur la philosophie de la religion. En outre selon les termes
de FREUD, la religion « nous éclaire sur l’origine et la formation de l’univers (…) nous assure au milieu
des vicissitudes de l’existence, la protection divine et la béatitude finale ». L’avenir d’une illusion. En
termes clairs, la religion satisfait notre curiosité en répondant aux questions telles que : d’où venons-
nous ? Et où allons-nous ? Elle apaise aussi nos craintes du lendemain en nous promettant l’assurance
d’une vie future, ce qui a l’avantage de permettre aux hommes de vivre pleinement le temps présent.
B- La religion, source de moralisation de l’homme
La morale est l’ensemble des règles de conduite et de mœurs considérées comme bonnes et devant être
appliquées en société. Elle repose sur la connaissance du bien et du mal qui trouve son fondement dans
la religion. Les enseignements religieux recommandent aux hommes l’amour du prochain, le partage,
la communion fraternelle. En mettant en pratique ces préceptes, le croyant s’humanise. La religion met
toujours en relief des valeurs, des devoirs ou obligations auxquels l’individu doit se conformer.
Pour le croyant, personne d’autre que Dieu n’est mieux placé pour définir le Bien. Emmanuel KANT
(1724-1804) montre bien qu’il n’y a pas de différence entre la morale et la religion. Mieux, pour lui,
« La religion est la connaissance de tous nos devoirs comme des commandements divins. (…)
L’homme puise à cette source la claire vision que sa bonne conduite seule le rend digne du bonheur ».
La religion dans les limites de la simple raison.
2
III- L’IMPACT DE LA PRATIQUE RELIGIEUSE SUR LA LIBERTE
A- La religion, source d’aliénation
La pratique religieuse qui repose essentiellement sur les rites et les préceptes exige des fidèles beaucoup
de sacrifices, de renoncement et de privations. La religion contraint l’homme à l’obéissance sans
condition. C’est dans cette perspective qu’elle apparaît comme un facteur d’aliénation. « Les hommes
ont organisé leurs rapports en fonction des représentations qu’ils se faisaient de Dieu (…) ces
produits de leur cerveau ont grandi jusqu’à les dominer de toute leur hauteur. Créateurs, ils se sont
inclinés devant leur propres créations ». Faisait remarquer Karl MARX dans l’Idéologie allemande.
Pour lui, la véritable liberté et le bonheur ne seront possibles que dans une société où il n’y aura plus de
religion pour mystifier, endormir la conscience et soustraire l’homme à ses responsabilités.
B- Le rapport entre la liberté et l’obligation morale
Les obligations morales prescrites par la religion ne sont pas en contradiction avec la liberté. Elles la
présupposent. En effet, l’homme étant un être conscient exerce son libre-arbitre dans la pratique de sa
foi. Il choisit de croire ou de ne pas croire, de faire le bien ou le mal. Or en principe, la religion lui
recommande le bien et l’instruit à cet effet. L’obligation morale est donc un devoir auquel le sujet
conscient et libre peut se soustraire. Avec Emmanuel KANT (1724-1804), le devoir est un impératif
catégorique. C’est un impératif en tant qu’il se présente à la conscience comme un commandement.
C’est pourquoi l’impératif moral n’est pas une contrainte à laquelle nous serions forcés. Il suppose donc
une autorité, Dieu, qui est la valeur suprême à laquelle nous devons obéir. Cet impératif est dit
catégorique dans le sens où ce devoir s’impose sans condition, à l’opposé de l’impératif hypothétique
subordonné à une condition empirique, à un besoin, à une utilité, à un intérêt particulier. Au total, chez
Kant, c’est la crainte du châtiment prévu par Dieu qui peut amener l’individu à se soumettre à
l’obligation morale. Comme on le voit, l’obligation morale et la liberté ne sont pas incompatibles.
CONCLUSION
La religion est naturelle et nécessaire à l’homme. Elle repose fondamentalement sur l’idée de Dieu.
Malgré les obligations imposées à l’homme, elle est facteur de liberté. La religion remplit une double
fonction psychologique et sociale, car elle fournit à l’homme une connaissance absolue sur l’origine des
choses, apaise ses angoisses et lui enseigne les vertus nécessaires à la vie en société. La religion est
donc un facteur d’équilibre social et moral pour l’homme.
ACTIVITE D’APPLICATION
Pour définir l’idée de Dieu et la religion, 4 propositions sont faites dans le tableau ci-dessous : Coche
Vrai si la proposition est vraie ou Faux si elle est fausse.
PROPOSITIONS Vrai Faux
1 La religion est une institution sociale basée sur la croyance en Dieu.
2 Dieu est l’objet d’admiration des chrétiens et des musulmans seulement.
3 Dieu est le fondement de la religion, il est l’Alpha et l’Omega.
4 La religion se rapporte à des croyances et à des pratiques ayant l’homme pour
objet.
3
SITUATION D’EVALUATION
Dans le cadre d’une réflexion sur l’idée de Dieu et la religion, les élèves de la Terminale sont soumis
au sujet suivant : Doit-on redouter la croyance religieuse ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
CORRIGE
I- DEFINITION DES TERMES ET EXPRESSIONS ESSENTIELS DU SUJET
Doit-on : faut-il, est-il nécessaire de….
Redouter : craindre sérieusement et fortement, avoir une grande peur
La croyance religieuse : la croyance en la divinité ; la foi religieuse
Argument 2 : la religion rend vertueux, elle éduque l’homme, consolide les rapports entre les
hommes...
Cf. Proudhon, C’est la religion « qui cimenta les fondements des sociétés, qui donna l’unité et la
personnalité aux nations.» De la création de l’ordre dans l’humanité ou principe d’organisation
politique
Argument 3 : La religion est inhérente à la nature de l’homme. L’homme est naturellement porté vers
la religion. Laquelle religion lui confère quiétude, assurance, accomplissement de soi.
Cf. Hegel : «L’homme, seul être doué de raison est aussi le seul animal religieux.» Phénoménologie de
l’esprit
4
Cf. Gabriel Marcel: « L’humain n’est authentiquement l’humain que là où il est soutenu par l’armature
incorruptible du sacré. » Homo viator
Cf. Blaise PASCAL : « Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas :
si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans
hésiter.» Pensées
EXERCICES
Activité d’application 1
Réponds par vrai ou faux :
CORRIGE
ACTIVITE D’APPLICATION 2
Relie les citations suivantes à leurs auteurs :
« L’homme devient authentiquement humain lorsqu’il est VOLTAIRE
GABRIEL MARCEL
soutenu par l’armature incorruptible du sacré. »
PASCAL
« Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est.
Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous
perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter.» CORRIGE HEGEL
« Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces
deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne B. PASCAL
perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter.»
5
ACTIVITE D’APPLICATION 3
Réponds par vrai ou par faux
Pour KANT l’idée ou le concept de Dieu coïncide avec son existence
Pour KANT toute preuve de l’existence de Dieu relève de l’imagination
Pour FEUERBACH la théologie est une anthropologie
SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’une réflexion sur les conditions de la liberté, les élèves de la Terminale ont eu le texte
ci-dessous comme support. Fais-en l’étude ordonnée et dégage son intérêt philosophique.
Reste donc la religion de l’homme ou le christianisme, non pas celui d’aujourd’hui, mais celui de
l’Evangile, qui en est tout à fait différent. Par cette religion sainte, sublime, véritable, les hommes,
enfants du même Dieu se reconnaissent tous pour frères, et la société qui les unit ne se dissout pas même
à la mort. Mais cette religion n’ayant nulle relation particulière avec le corps politique laisse aux lois la
seule force qu’elles tirent d’elles-mêmes sans leur en ajouter aucune autre, et par là un des grands liens
de la société particulière reste sans effet. Bien plus, loin d’attacher les cœurs des Citoyens à l’Etat, elle
les en détache comme de toutes les choses de la terre : je ne connais rien de plus contraire à l’esprit
social. On nous dit qu’un peuple de vrais chrétiens formerait la plus parfaite société que l’on puisse
imaginer. Je ne vois à cette supposition qu’une grande difficulté ; c’est qu’une société de vrais chrétiens
ne serait plus une société d’hommes. Je dis même que cette société supposée ne serait avec toute sa
perfection ni la plus forte ni la plus durable : à force d’être parfaite, elle manquerait de liaison ; son vice
destructeur serait dans sa perfection même.
Jean Jacques Rousseau, Du Contrat social, Livre IV, chap. VII, Nouvelle édition, présenté par Bruno
Bernard, p. 175.
CORRIGE
I- PROBLEMATIQUE DU TEXTE
Thème : L’esprit de la religion et la pratique religieuse
Problème : La pratique religieuse est-elle en phase avec l’esprit de la religion ?
Thèse : selon Rousseau, la pratique religieuse est en déphasage avec l’esprit de la religion
Antithèse : la pratique religieuse concorde avec l’esprit de la religion
Intention : Amener les hommes à pratiquer la religion selon l’Evangile.
Enjeu : Le bonheur
6
III- INTERET PHILOSOPHIQUE
A- La critique interne
Pour amener les hommes à pratiquer la religion selon l’Evangile, Rousseau présente l’esprit de la
religion ; ensuite il montre l’écart entre cette pratique et l’Evangile. Sa démarche argumentative est en
cohérence avec son intention (qui est d’amener les hommes à pratiquer la religion selon l’Evangile)
B- La critique externe
SITUATION D’EVALUATION 2
Karl MARX, se prononçant sur la religion a dit ce qui suit : « la religion est l’opium du peuple »
A travers une production argumentée, donne ta position sur cette pensée.
DOCUMENTS A CONSULTER
ANDRE LALANDE- Baruch SPINOZA -Emmanuel KANT- VOLTAIRE- Emile DURKHEIM-
MONTAIGNE- Sören KIERKGAARD -Karl MARX- Friedrich NIETZSCHE- Henri BERGSON
7
Niveau: TERMINALE toutes séries CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE
Discipline : PHILOSOPHIE NUMÉRIQUE
Situation d’apprentissage
Après les cours d’histoire sur les relations internationales, les élèves de la Terminale A1 du Lycée
Moderne 1 de Port-Bouët découvrent la volonté manifeste de certains peuples de dominer le reste de
l’humanité. Choqués par l’attitude de ces peuples, les élèves s’interrogent sur le sens de l’humanité.
Aussi, décident-ils de connaître davantage la notion d’humanité, montrer que décoloniser et désaliéner
sont des exigences humaines et apprécier les conditions de l’humanité.
Introduction
L’histoire et l’humanité révèlent l’identité spécifique de l’homme parmi l’ensemble des êtres vivants.
A ce titre il s’agit de faire une évaluation des caractéristiques de l’histoire et de l’humanité. Ainsi donc
l’évolution de l’humanité rend compte des diverses productions accomplies par les hommes. Dès lors
l’histoire permet-elle de saisir les caractéristiques fondamentales de la notion d’humanité ?
On perçoit sans aucun doute l’idée et l’image de l’homme à travers la culture, la civilisation et l’histoire.
Pour ce faire, l’homme se distingue fondamentalement de l’animal. Car la culture, la civilisation et
l’histoire confèrent à l’humanité une spécificité. Selon Jean Jacques ROUSSEAU (1712-1778) :
« Cette différence de l’homme et de l’animal réside dans une qualité très spécifique, c’est la faculté
de se perfectionner. » Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Ici,
l’évocation de la perfectibilité par ROUSSEAU souligne la nécessité de la culture et de la civilisation
qui caractérisent l’humanité et l’éloignent de l’animalité. Aussi, Emmanuel KANT (1724-1804) peut-
il renchérir : « L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Et l’éducation fait faire à la
nature un pas vers la perfection. » Anthropologie du point de vue pragmatique. Il approfondie cette
analyse dans son Traité de pédagogie où il fait l’examen de la discipline et de l’instruction comme les
deux branches de l’éducation qui permettent d’humaniser l’être humain. De ce fait, la culture, la
civilisation et l’éducation constituent la trame du cadre et des facteurs qui déterminent l’existence
humaine et l’évolution de l’humanité. Dans ces conditions, quels rôles l’homme joue-t-il dans le cours
de l’histoire ?
Tout en admettant l’histoire comme l’étude et la connaissance du passé humain, il n’est pas exclu de
souligner le fait que le passé des hommes n’est pas en rupture totale avec le présent et par la même
occasion, le présent contribue à tracer les sillons de l’avenir. Telle est la signification de l’historicité qui
caractérise l’humanité.
2
lumière dans Les Dimensions de la conscience historique, la nécessité de connaître le passé, de ne point
le négliger afin de rendre la marche et l’évolution de l’humanité performantes. D’autant plus que
l’homme demeure le seul être historique, l’histoire acquiert la dimension d’un devenir puisqu’elle
intègre le passé, le présent et l’avenir. Si tel est le cas, quel rôle l’homme assure-t-il dans le devenir
historique ?
À l’encontre de cette vision, fataliste et essentialiste, Karl MARX (1818-1883) et ENGELS (1820-
1895) défendent le matérialisme historique. Ils affirment en ce sens : « La conception hégélienne de
l’histoire qui suppose un Esprit abstrait ou absolu faisant de l’humanité une Masse relève d’une
double insuffisance. » La Sainte Famille. Et Karl Marx précise : « Les hommes font leur propre
histoire dans des conditions directement héritées du passé. » Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte.
Il ressort que l’homme est le maître ou l’agent de son devenir. Alors SARTRE reprend à son compte la
thèse marxiste à propos de l’histoire. Celui-ci a justement fondé la doctrine de l’existentialisme athée
dont le principe relève de l’assertion suivante : « L’existence précède l’essence » L’existentialisme est
un humanisme. Dès lors l’histoire n’est rien d’autre que l’œuvre de l’homme en clouant au piloris le
déterminisme historique. Il souligne à ce titre : « Ainsi l’homme fait l’histoire. En ce sens l’histoire
est l’œuvre propre de toute l’activité de tous les hommes. » Critique de la Raison Dialectique.
Admettons tout de même que toute l’histoire de l’humanité ne dépend pas pleinement de la volonté et
de la liberté des hommes.
L’histoire est un processus complexe qui échappe à l’ordre répétitif des évènements. En ce sens
MACHIAVEL (1469-1527) expose la vision selon laquelle les hommes sont à la fois produits et agents
de l’histoire. De ce fait il démontre respectivement dans Le Prince comme dans Le discours sur la
première décade de Tite-Live que l’histoire n’est pas totalement prédéterminée, car elle laisse une place
3
à l’engagement et à l’action des hommes. Il existe seulement des circonstances susceptibles de favoriser
des leçons ou des enseignements. Si l’homme est objet de l’histoire, il en est aussi le sujet. Et on peut
relever que tout au long de l’histoire de l’humanité divers phénomènes notamment l’esclavage, le
racisme, l’apartheid, la colonisation et la domination ont marqué les rapports entre les hommes et les
peuples. Alors comment peut-on édifier l’humanité ?
La notion d’humanité repose sur la valorisation de la dignité humaine et sur la diversité culturelle, en
cela elle est incompatible avec l’idée de domination. En ce sens l’ethnocentrisme, en tant que tendance
à privilégier un type de société et de culture auquel on appartient, s’avère illégitime et dangereux. Dans
la mesure où cette attitude conduit à la division, au racisme, à l’exclusion, à la discrimination, à
l’esclavage, au sexisme, à la domination coloniale et bien d’autres pratiques du même genre. À en croire
MONTESQUIEU (1689-1755) dans son ouvrage De l’Esprit des lois, l’esclavage des noirs et
l’extermination des indiens d’Amérique sont justifiés du fait que ceux-ci n’ont pas de raison et
n’appartiennent pas à l’humanité ou au genre humain. Contre cette position Senghor, Césaire, Damas,
Frantz Fanon revendiquent l’égalité des peuples et des cultures à travers le courant remarquable de la
négritude. Il importe donc de dénoncer et de faire cesser toutes les formes d’exclusion et de domination
au sein de l’humanité. Selon Claude Lévi-Strauss (1908-2009) : « Aucune société n’est foncièrement
bonne ; mais aucune n’est absolument mauvaise » Tristes Tropiques. Tel est le sens de la promotion
de la diversité culturelle pour enrichir l’humanité.
4
CONCLUSION
En définitive, l’histoire de l’humanité permet de saisir le parcours des hommes et des peuples à travers
le temps. Elle donne l’occasion de rendre compte des productions et des acquis résultant de la culture,
de la civilisation et de l’existence. Alors le rejet ou le refus de l’ethnocentrisme et de la domination au
sein de l’humanité acquièrent une légitimité au nom du principe du rationalisme selon lequel la raison
est une faculté universelle et caractérise la réflexion philosophique.
Activité d’application
Coche parmi les assertions suivantes celles qui soutiennent que l’homme est agent de l’histoire.
Les hommes qui sont les créatures de Dieu ne peuvent s’affranchir du plan préétabli par le
créateur.
L’homme est le maître ou l’agent de son devenir
« L’essence précède l’existence »
L’histoire n’est rien d’autre que l’œuvre de l’homme en clouant au pilori le détermine
historique.
L’Idée est en vérité ce qui mène les peuples et le monde.
SITUATION D’EVALUATION
Dans le cadre d’une réflexion sur l’histoire et l’humanité, le texte ci-dessous t’est proposé, fais-en
une étude ordonnée et dégage son intérêt philosophique.
L’homme n'est rien d'autre que son projet, il n'existe que dans la mesure où il se réalise, il n'est donc
rien d'autre que l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie. D'après ceci, nous pouvons comprendre
pourquoi notre doctrine fait horreur à un certain nombre de gens. Car souvent ils n'ont qu'une seule
manière de supporter leur misère, c'est de penser : “Les circonstances ont été contre moi, je valais
beaucoup mieux que ce que j'ai été ; bien sûr, je n'ai pas eu de grand amour, ou de grande amitié, mais
c'est parce que je n'ai pas rencontré un homme ou une femme qui en fussent dignes, je n'ai pas écrit de
très bons livres, c'est parce que je n'ai pas eu de loisirs pour le faire ; je n'ai pas eu d'enfants à qui me
dévouer, c'est parce que je n'ai pas trouvé l'homme avec lequel j'aurais pu faire ma vie (…)
Or, en réalité, pour l'existentialiste, il n'y a pas d'amour autre que celui qui se construit, il n'y a pas de
possibilité d'amour autre que celle qui se manifeste dans un amour ; il n'y a pas de génie autre que celui
qui s'exprime dans des œuvres d'art : le génie de Proust c'est la totalité des œuvres de Proust ; le génie
de Racine c'est la série de ses tragédies, en dehors de cela il n'y a rien ; pourquoi attribuer à Racine la
possibilité d'écrire une nouvelle tragédie, puisque précisément il ne l'a pas écrite ? Un homme s'engage
dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure il n'y a rien.
Jean Paul Sartre (1905-1980), L’existentialisme est un humanisme
5
CORRIGE
I. Problématique du texte
Thème : L’homme et son devenir.
Problème : L’homme a-t-il une emprise sur son devenir ?
Thèse : L’homme est entièrement responsable de son devenir.
Antithèse : L’homme est soumis au déterminisme.
Intention : L’auteur veut montrer que l’homme est le sujet de son devenir.
Enjeu : La liberté.
A. Critique interne
Nature du texte : Polémique.
Type de raisonnement : Antithétique.
Adéquation entre la démarche et l’intention.
❖ L’homme est-il toujours responsable de son devenir ?
B. Critique externe
Axe 1 : L’homme est entièrement responsable de son devenir.
Argument 1 : L’homme est un être qui existe d’abord et par la suite se réalise.
• Cf. : Sartre : « L’existence précède l’essence » L’existentialisme est un humanisme.
Argument 2 : L’homme trace lui-même le chemin de son devenir à travers les différentes contradictions
sociales.
• Cf. : Karl Marx et Engels : « L’histoire de toutes sociétés jusqu’à nos jours n’a été que
l’histoire de la lutte des classes » Le manifeste du parti communiste.
6
EXERCICES
Activité d’application 1
Coche les cases qui correspondent aux arguments qui peuvent être illustrés par cette assertion :
« Si tu diffères de moi mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis »
Toute forme de culture a des traits rudimentaires qui peuvent être polis par les productions
novatrices d’une tradition différente.
L’humanité est une totalité qui se construit dans la diversité des peuples, des hommes et des
cultures.
Activité d’application 2
Coche parmi les assertions suivantes celles qui soutiennent que l’homme est agent de l’histoire.
Les hommes qui sont les créatures de Dieu ne peuvent s’affranchir du plan préétabli par le
créateur.
L’homme est le maître ou l’agent de son devenir
« L’essence précède l’existence »
L’histoire n’est rien d’autre que l’œuvre de l’homme en clouant au pilori le détermine
historique.
L’Idée est en vérité ce qui mène les peuples et le monde.
Activité d’application 3
A l’aide d’une croix désigne l’auteur de ces citations :
CITATIONS AUTEURS
J.J Rousseau B. Pascal L.S Senghor E. Kant
7
SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’une réflexion sur l’impact des diversités culturelles, les élèves des Terminales A sont
soumis au sujet suivant : La pluralité des cultures est-elle un obstacle au rapprochement des
peuples ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
CORRIGE
I- Définition des termes et expressions essentiels
8
Cf. Aimé CESAIRE dans Discours sur le colonialisme : « j’admets que mettre les civilisations
différentes en contact les unes avec les autres est bien ; que marier des mondes différents est
excellent ».
Cf. Saint Exupéry, Terre des hommes : « Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis ».
Argument 3 : Le respect des autres malgré nos différences est une exigence morale.
Cf. Emmanuel KANT : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne
que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement
comme un moyen ». Fondements de la métaphysique des mœurs.
SITUATION D’EVALUATION 2
Dans l’intention de connaître ton point de vue sur un débat relatif au travail, le sujet suivant t’est
proposé : Le travail humanise-t-il ?
A travers une production argumentée, fais-nous connaître ta position.
CORRIGE
I- Définition des termes et expressions essentiels du sujet
DOCUMENTS A CONSULTER
Sophocle – Epictète – Montaigne – Erasme – Pascal – Spinoza – Montesquieu - Rousseau – Kant –
Hegel – Marx – Engels – Schopenhauer – Bergson – Merleau-Ponty – Lévi-Strauss – Raymond Aron –
Irénée Marrou – Sartre – Senghor – Aimé Césaire - Auguste Comte - Saint Augustin – Kierkegaard –
Hérodote
10
Niveau : TERMINALE toutes séries
CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE NUMÉRIQUE
Discipline : PHILOSOPHIE
SITUATION D’APPRENTISSAGE
De retour du Centre de documentation et d’information, un élève de la Terminale A de l’E.M.P.T de
Bingerville arrive en classe avec Le Mythe de Sisyphe d’Albert Camus. Commentant le titre de l’œuvre,
certains élèves affirment que le mythe est un conte. Les autres réfutent cette assertion en soutenant que
le mythe est un récit philosophique. Pour dissiper tout doute, ils décident de connaître les
caractéristiques du mythe, d’établir les relations entre la philosophie, le mythe et la raison et d’apprécier
la valeur de la philosophie dans l’histoire de l’humanité.
INTRODUCTION
L’histoire de l’humanité nous révèle que l’être humain a toujours tenté de comprendre et de transformer
le monde, pour un plus grand bien-être. Dans cette tentative de compréhension de l’univers, l’on se rend
à l’évidence que l’homme a aussi bien eu recours aux productions rationnelles et critiques la philosophie
qu’aux productions imaginaires et fabuleuses comme le mythe. Or, une première analyse de ces deux
productions laisse entrevoir qu’elles entretiennent un rapport d’exclusion, un rapport d’opposition.
Dès lors, sommes-nous en mesure de dire de l’activité philosophique qu’elle se détourne
systématiquement du mythe ? Mieux la rationalité triomphante dans la pensée philosophique est-elle
nécessaire et suffisante pour comprendre toute l’histoire de l’humanité ? Par ailleurs, la philosophie
elle-même, dans sa quête de vérité et bien-être, n’intègre-t-elle pas le discours mythique ?
En définitive, quel est le rôle de la philosophie dans l’histoire de l’humanité ?
1
Heidegger (12889-1976) de conclure, dans Qu’est-ce que la philosophie que : « La philosophie est
œuvre de la raison »
Mais qu’entendons-nous par la raison ?
La raison et le mythe procèdent différemment, mais sont loin de s’opposer radicalement dans la
compréhension et l’explication des phénomènes de la nature et de l’histoire de l’humanité. Mieux,
raison et mythe s’inscrivent dans un mouvement dialectique qui prouve leur féconde complémentarité.
En effet, lorsque nous remontons dans la culture hellénique (culture de la Grèce), nous voyons que c’est
oralement et sous forme de mythe que se transmettaient dès le XIème siècle av. J-C, les savoirs, les
coutumes et l’histoire. D’où l’importance intellectuelle du mythe qui tout comme la raison est une
manière de penser le monde, un effort pour le comprendre et l’expliquer. Or, qui dit comprendre et
expliquer, dit forcément intervention de la raison. Le mythe est donc aussi le fruit de la raison. C’est la
raison pour laquelle l’historien et anthropologue Jean Pierre Vernant (1914-2007) nous dit que le mythe
est : « comme une ébauche de discours rationnel : à travers ses fables, on percevait le premier
balbutiement du logos. » Mythe et société. Autrement dit, le mythe est la première forme d’expression
de la raison. Par ailleurs, notons qu’il existe un rapport de complémentarité très fructueux et enrichissant
entre le mythe et la raison car, lorsque la raison confesse son impuissance à expliquer des phénomènes
de l’univers et ceux relatifs aux origines et aux fins de l’histoire de l’humanité, elle produit le mythe
pour résoudre ce qui demeure énigmatique pour elle. Le mythe étaye ce que les lumières laissent de
ténébreux ou d’obscur dans leur déploiement, tandis que la raison illumine le mythe en lui donnant de
la cohérence, de la logique. Le biologiste François Jacob (1960-2013) a raison de dire : « à certains
égards, mythe et science remplissent une même fonction. Ils fournissent tous deux, à l’esprit humain,
une certaine représentation du monde et des forces qui l’animent ». Le jeu des possibles.
En somme, le mythe et la raison sont des moyens d’explication et de compréhension de l’histoire des
hommes. Et c’est bien la philosophie qui va nous en donner la plus haute et la plus belle des illustrations.
3
III- LA VALEUR DE LA PHILOSOPHIE DANS L’HISTOIRE DE L’HUMANITE
En tant que discours rationnel (axé sur la raison), la philosophie n’a nullement rejeté systématiquement
le discours mythique car, la raison est loin de revendiquer un pouvoir absolu dans la compréhension et
l’explication de la réalité. Pour l’épistémologue Georges Gusdorf (1912…) : « La philosophie nait par
épuration du mythe ». Mythe et société. Autrement dit, le discours philosophique a émergé en raffinant
le discours mythique. Chez Platon (427-348 av J.C), le mythe trouve un intérêt assez remarquable car
il l’utilise dans ses dialogues philosophiques pour exprimer l’ineffable (ce qu’on ne peut exprimer par
les mots), expliquer ce qui dépasse l’entendement humain. De plus, le mythe sert à enseigner. Le mythe
chez lui, a une valeur cognitive, didactique ; le mythe est pédagogique. Tel « le mythe de la caverne »,
au livre VII de la République qui explique la théorie de la Connaissance, la théorie des Idées. Tel « le
mythe d’Er le pamphylien » au livre X, qui explique la transmigration et la récompense des âmes.
Etienne Borne (1907-1993) pouvait renchérir : « On sait aujourd’hui que le mythe ne peut être jeté hors
de la pensée, œuvre de l’homme, le mythe doit nous éclairer sur l’homme. Et dans la mesure où la
philosophie est de plus en plus une anthropologie (…) elle ne peut se passer d’une doctrine du mythe ».
Le problème du mal. En outre, le mythe permet à la philosophie de définir et d’expliquer certaines
spécificités très profondes de l’homme que la raison elle-même et la science ne sauraient expliquer. Et
l’écrivain Roger Callois (1913-1978) a raison de conclure que « C’est dans le mythe que l’on saisit
mieux à vif la collusion des postulations les plus secrètes(…) du psychisme individuel(…) et de
l’existence sociale ». Le mythe et l’homme. Cette idée était perceptible déjà chez Platon qui, dans « le
mythe de l’androgyne » expliquait l’origine des désirs de l’homme et celle de sa nature insatiable. Cf ;
Le Banquet. Ainsi, en tant que production humaine, la philosophie repose bel et bien sur la raison et le
mythe.
Quel rôle joue-t-elle dans l’humanité ?
L’histoire de l’humanité nous révèle que depuis l’antiquité grecque jusqu’à l’époque contemporaine, la
philosophie s’est illustrée comme un effort pour penser par soi-même, pour s’interroger sur l’homme et
sur le monde par le biais de la raison.
Sur le plan intellectuel, la philosophie en tant que quête perpétuelle de la vérité, du savoir, est une
activité très utile à l’humanité car elle délivre de l’ignorance. Aristote (384-322 av. J-C), révélait
que : « Ce fut bien pour échapper à l’ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la
philosophie » Métaphysique
Autrement dit, la valeur de la philosophie s’observe dans le fait qu’elle est source de savoir. Le
mathématicien Bertrand Russell (1872-1970), ne dit pas autre chose : « Celui qui n’a aucune teinture de
philosophie traverse l’existence, emprisonné dans les préjugés qui lui viennent du sens commun ».
Problème de philosophie. La philosophie délivre donc l’homme des pseudo-connaissances.
Sur le plan moral, la philosophie a la particularité de fonder les valeurs sur des principes rationnels et
de rendre l’homme vertueux. Ainsi, en se référant à la doctrine d’Epicure (341-270 av. J-C), la finalité
pratique de la réflexion philosophique doit conduire l’homme à une vie heureuse, conforme à la morale
qui prône la satisfaction des seuls désirs naturels et nécessaires. Lettre à Ménécée. La philosophie
prémunit donc contre les vices.
4
Sur le plan social et politique, la philosophie, par la lumière, la science et la clairvoyance qu’elle est
censée apporter au roi, au gouvernant, peut mettre fin aux maux de la société. Platon (427-347 av. J-C)
à ce sujet est intrangisant : Tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités ou ceux qu’on
appelle aujourd’hui souverains ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes (…), il n’y aura de
cesse (…) aux maux des cités ni à ceux du genre humain. La République
Par ailleurs, sur le plan existentiel, bien que la philosophie n’ait pas pour finalité une fin pratique et
utilitaire, elle a le mérite de poser et d’exposer les préoccupations existentielles de l’homme en général.
Car s’adonner à la réflexion philosophique c’est étudier l’homme et tout ce qui l’intéresse, à savoir : sa
connaissance, ses espérances et les fins de ses pratiques. La philosophie est donc une anthropologie au
point où E. Kant (1724-1804) a affirmé que la réflexion philosophique en réalité a pour finalité de
répondre à la fondamentale question : « Qu’est-ce que l’homme » ? Logique
Enfin, l’importance de la philosophie doit être observée dans le fait qu’elle est une permanente source
de dynamisme et de progrès au sein des savoirs et des activités de l’homme. Pour Hegel (1770-1831)
cela ne fait aucun doute : « La philosophie doit être nécessairement enseignée et apprise aussi bien que
toute autre science. L’étude de la philosophie est en soi et pour soi, une activité personnelle. De telle
sorte que toutes les sciences, les arts, les talents et les techniques qui veulent faire des progrès en se
passant de la philosophie, il ne peut y avoir en eux ni vie, ni esprit, ni vérité » sans la philosophie ».
Préface de la Phénoménologie de l’esprit. Plus clairement, sans l’esprit philosophique qui va du non
savoir au savoir et du savoir au non savoir, aucun pas en avant n’est possible dans les productions
spirituelles et matérielles de l’humanité. Et Claude Bernard (1818-1878) a raison lorsqu’il affirme : La
philosophie entretient la soif de la connaissance de l’inconnu et le feu sacré de la recherche. Introduction
à l’étude de la médecine expérimentale
CONCLUSION
Au demeurant, la question relative à la valeur de la philosophie dans l’histoire de l’humanité a mis en
relief les liens dialectiques entre la raison et le mythe qui, bien que procédant différemment, ne
s’excluent pas systématiquement. Bien au contraire, le discours philosophique permet de démontrer que
la raison et le mythe sont complémentaires en vue de démystifier le réel pour une meilleure
compréhension et explication de l’histoire de l’humanité et de tout ce qui intéresse l’homme. Ainsi,
parce qu’elle illumine et examine de façon critique l’homme, son monde, ses connaissances, ses
productions, ses activités et ses valeurs, la philosophie reste et demeure une activité indispensable à
l’histoire de l’humanité et au progrès. Mais qu’est-ce que le progrès ? Est-l en mesure de rendre
l’homme heureux ?
Activité d’application
Coche la bonne réponse
Le mythe est une affaire d’indigènes sauvages
Le mythe est une histoire racontée aux enfants pour leur divertissement
5
SITUATION D’EVALUATION
Dans l’intention de connaître ton point de vue sur un débat relatif à la philosophie, le sujet suivant
t’est proposé : La philosophie est-elle un luxe ?
A travers une production argumentée, fais-nous connaître ta position.
CORRIGE
Argument 1 : A l’origine, la philosophie est une quête de savoirs purs, une quête désintéressée de la
vérité. En cela s’adonner à une telle activité parait superflu.
Cf. : Aristote : Les premiers philosophes poursuivaient le savoir : « en vue de connaitre et non pour une
fin utilitaire » Métaphysique
Cf. : Descartes : « C’est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher de ne jamais les ouvrir que de
vivre sans philosopher » Principes de la philosophe
Cf. : Jean Piaget : « La philosophie est une prise de position raisonnée par rapport à la totalité du réel,
et cette totalité inclut l’ensemble des activités supérieures de l’homme et non pas exclusivement la
connaissance » Sagesse et illusion de la philosophie
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Argument 2 : Au plan politique, la philosophie contribue à l’installation de l’ordre et de l’équité
Cf. : Platon : République « Que les philosophes soient rois ou que les rois deviennent philosophes pour
mettre fin aux maux de la cité »
Cf. : Descartes : Principes de la philosophie « C’est un gain pour chaque peuple que d’avoir de vrais
philosophes »
(La philosophie par ailleurs, ne saurait, ni être réduite à la philosophie contemplative et à la
métaphysique des premiers âges, ni être disqualifiée au regard des prouesses de la technoscience qui,
de plus en plus, dévoile ses limites quant à libérer et à rendre les hommes heureux. S’inspirant du
quotidien et des préoccupations des hommes, elle apparait comme un phare, une lumière qui éclaire les
réflexions, les méditations, les actions et les pratiques humaines pour un bien-être véritable ! La
technoscience, quel que soit ses exploits, ne peut absorber la philosophie)
EXERCICES
Activité d’application 1
Relie chacun des mythes ci-dessous à ce qu’il explique :
ACTIVITE D’APPLICATION 2
Le mythe est une histoire racontée aux enfants pour leur divertissement
ACTIVITE D’APPLICATION 3
Dis de qui est cette pensée : « La raison est la puissance de bien juger et de distinguer le vrai d’avec
le faux »
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SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’un travail de recherche sur les relations entre philosophie et mythe, les élèves de la
Terminale A sont soumis au sujet suivant : La philosophie est-elle le mythe épuré ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur ce sujet.
CORRIGE
-La philosophie : Savoir qui vise à fonder la vérité et la sagesse en raison; réflexion critique et
questionnement sur le monde, la connaissance en général et l’existence humaine en particulier.
Le mythe : Récit imaginaire, symbolique, fabuleux, populaire des origines du monde, de l’humanité ou
de leur fin, visant à fournir une explication des phénomènes naturels et humains.
-Épuré : Rendu pur, éliminé de certains éléments indésirables. Dans ce sujet, être le mythe épuré
signifie pour la philosophie, provenir de, résulter de.
AXE 1 : En tant que fruit de l’imagination, la connaissance mythique semble s’opposer à la philosophie
qui est un savoir rationnel.
-La philosophie, dans sa démarche, abandonne toute approche théologique et métaphysique du réel pour
une approche plus rigoureuse, plus objective et scientifique qui envisage l’étude des vrais principes et
des critères objectifs. Le mythe, parce qu’il baigne dans la subjectivité et la métaphysique (il procède
pour expliquer les phénomènes naturels et humains par des explications anthropomorphiques dignes
d’une mentalité prélogique et préscientifique), ne peut satisfaire à un esprit critique qui est le propre à
la philosophie. Cf. Auguste Comte, Discours sur l’esprit positif : Le mythe comme : « l’enfance de
l’esprit. »
-Le récit mythique est dogmatique : on ne le critique pas, on y croit sans démonstration et sans chercher
à avoir des preuves. En philosophie, on peut avoir de bons ou de moins bons arguments, mais on ne
peut pas avoir de preuves irréfutables. Et là où la philosophie se pose des questions sans prétendre les
solutionner, le mythe lui, apporte des réponses à toutes les questions de l’homme pour apaiser sa
curiosité. C’est toute l’opposition entre le discours philosophique ou argumentatif (le logos) qui est un
discours vérifiable, c’est-à-dire susceptible d’être déclaré vrai ou faux et le récit mythologique (le
muthos), au contraire invérifiable. Cf. Luc BRISSON, Platon, les mots et les mythes : « Un récit
rapporte des événements comme ils sont censés s'être produits, sans apporter aucune explication
(...) En revanche, le discours argumentatif suit un ordre rationnel. L'enchaînement de ses parties
se fait selon des règles qui ont pour but de rendre nécessaire sa conclusion. »
8
AXE 1 : La philosophie en tant que savoir rationnel résulte du mythe.
-La philosophie nait du mythe par épuration, en débarrassant celui-ci de l’imaginaire débordant.
Cf. Georges Gusdorf, Mythe et société : « La philosophie naît par épuration du mythe ».
-Le mythe est la première forme d’expression de la raison. Cf. Jean Pierre VERNANT, Mythe et
société : Le mythe est « comme une ébauche de discours rationnel : à travers ses fables, on percevait
le premier balbutiement du logos ».
SITUATION D’EVALUATION 2
Dans le cadre d’une réflexion sur le rapport entre le progrès matériel et le bonheur, les élèves de la
terminale A ont eu le texte ci-dessous comme support. Fais-en l’étude ordonnée et dégage son intérêt
philosophique.
Au cours des dernières générations, l’humanité a fait accomplir des progrès extraordinaires aux sciences
physiques et naturelles, et à leurs applications techniques : elle a assuré sa domination sur la nature
d’une manière jusqu’ici inconcevable. Les caractères de ces progrès sont si connus que l’énumération
en est superflue. Or les hommes sont fiers de ces conquêtes, et à bon droit. Ils croient toutefois constater
que cette récente maîtrise de l’espace et du temps, cet asservissement des forces de la nature, cette
réalisation d’aspirations millénaires, n’ont aucunement élevé la somme de jouissances qu’ils attendent
de la vie. Ils n’ont pas le sentiment d’être pour cela devenus plus heureux. On devrait se contenter de
conclure que la domination de la nature n’est pas la seule condition du bonheur, pas plus qu’elle n’est
le but unique de l’œuvre civilisatrice, et non que les progrès de la technique soient dénués de valeur
pour ’l’économie’ de notre bonheur.
Sigmund FREUD, Malaise dans la civilisation
CORRIGE
I- PROBLÉMATIQUE DU TEXTE
-Thème : Les progrès technoscientifiques et le bonheur
-Problème : Les progrès scientifiques et techniques sont-ils un gage de bonheur pour les hommes ?
-Thèse : Malgré les progrès extraordinaires accomplis par les sciences et leurs applications techniques,
les hommes n’ont pas le sentiment d’être devenus plus heureux.
-Intention : Montrer les limites des progrès techniques et scientifiques dans la quête du bonheur.
-Enjeu : Le bonheur
9
III-INTÉRÊT PHILOSOPHIQUE
A- Critique interne
Dans un premier temps, l’auteur constate l'étendue des progrès des sciences et des techniques qui font
que la domination de l'homme sur la nature n'a cessé de progresser. Dans un deuxième temps, il relève
que ces progrès n'ont pas eu les effets escomptés car l’homme moderne ne semble pas plus heureux
dans ces conditions. Cette démarche est en congruence avec son intention qui est de montrer les limites
des progrès techniques et scientifiques à rendre l’humanité heureuse.
B- Critique externe
Premier axe : Les limites des progrès techniques et scientifiques dans la quête du bonheur. ou Les
progrès techniques et scientifiques « n’ont aucunement élevé la somme de jouissances qu’ils (les
hommes) attendent de la vie. »
- Incapables non seulement de combler les manques de l’homme et de lui apporter un certain plaisir, les
progrès scientifiques et techniques en bien des cas, entrainent également la dégradation et même le
déclin des valeurs morales et spirituelles. Cf. ROUSSEAU, Discours sur les sciences et les arts
- Les progrès scientifiques et techniques ont pour objectif d’améliorer les conditions de vie de l’homme
en lui offrant un certain nombre de commodités indispensables à une vie agréable en matière de
communication, de mobilité, de santé, de travail, etc. Cf. NIETZSCHE Gai-savoir : « La fin dernière
de la science et de la technique serait de procurer à l’homme le plus de plaisirs possibles et de lui
éviter le moins de déplaisirs possible ».
- Les progrès technoscientifiques ont permis à l’homme d’améliorer sa connaissance sur la nature et sur
lui-même, repoussant du coup les frontières de l’ignorance qui ne font pas bon ménage avec une
existence épanouie. Cf. Auguste COMTE, « La loi des trois états » dans Cours de philosophie
positive.
DOCUMENTS A CONSULTER
PLATON (427-347 av J.C), LA REPUBLIQUE, LE BANQUET
ARISTOTE (348-322 AV. J.C), LA METAPHYSIQUE
DESCARTES (1596-1650), LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE
B.PASCAL (1623-1662), LES PENSEES
KANT (1724-1804), LOGIQUE
AUGUSTE COMTE (1798-1857), COURS DE PHILOSOPHIE POSITIVE
EDITH HAMILTHON (1867-1963), LA MYTHOLOGIE
10
GEORGES GUSDORF (1912), MYTHE ET METAPHYSIQUE
ROGER CALLOIS (1913-1978), LE MYTHE ET L’HOMME
J.PIERRE VERNANT (1924-2007), MYTHE ET SOCIETE
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Niveau : TERMINALE toutes
CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE
séries
NUMÉRIQUE
Discipline : PHILOSOPHIE
Situation d’apprentissage
Au début du cours de Philosophie, le professeur présente aux élèves de la T A 3 du L.C.A, un ancien
tee-shirt de campagne à l’élection présidentielle sur lequel on peut lire « Le progrès pour tous, le
Bonheur pour chacun ». Ce slogan suscite beaucoup de commentaire dans la classe. Pour les uns, le
progrès entraine le bonheur ; pour les autres, le bonheur est la condition du progrès. Pour en savoir
davantage, la classe décide de connaitre les caractéristiques du désir, des Passions, de la Technique, de
l’Art, de l’Imagination, distinguer les différents types de progrès, établir les rapports entre le progrès et
le développement et examiner les conditions du Bonheur.
INTRODUCTION
Toutes les mutations opérées par les peuples du monde entier, prouvent que l’évolution c’est-à-dire le
progrès, est inhérent à l’espèce humaine. Ce progrès qui s’est matérialisé par de grandes révolutions
scientifiques, techniques et économiques, est semble-t-il tributaire de l’action efficace de l’Homme sur
la nature.
Toutefois, comme le fait remarquer Sigmund FREUD (1856-1939), dans son ouvrage Malaise dans la
civilisation, ces progrès spectaculaires dans tous les domaines d’activité, n’ont pas réussi à faire des
Hommes des êtres heureux.
Dès lors, nous sommes en droit de nous demander si le progrès conduit nécessairement au bonheur. En
d’autres termes, l’Homme, un être de désir et de passion, à travers toutes ses activités (travail, technique,
art …) peut-il accéder à l’état de pleine et totale satisfaction ?
Le désir est l’expression du manque ; désirer, c’est aspirer à posséder quelque chose qui nous manque.
Le désir est provoqué de façon générale par un objet ou un être qui possède des qualités le rendant
1
agréable ou bon en lui-même. A cet effet, PLATON (428-348) dans son œuvre Le Phédon, déclare
« Le désirable par excellence est le Bien. »
Etant lié à la conscience, le désir est propre à l’Homme et le distingue ainsi de l’animal qui n’a que des
besoins.
La passion, disons-le, est aussi propre à l’Homme. Elle se définit comme le développement monstrueux
d’un sentiment au détriment des autres ; un intérêt très vif ou ardent pour un être ou un objet. En clair,
la passion est un amour démesuré ou exagéré qu’on a pour quelqu’un ou quelque chose. Elle a des
conséquences néfastes sur l’individu car dans la passion, on la subit, on la supporte, on en souffre.
On peut se permettre de dire que, si les Hommes ne désiraient que ce dont ils ont besoin, ils ne
tomberaient pas dans la démesure ou folie des grandeurs, origine de la passion.
Comme l’ont montré les Anciens notamment PLATON et EPICURE (341-270), les désirs naturels et
nécessaires suffisent à faire le bonheur de l’Homme. PLATON dans le Phédon affirme : « Ni trop, ni
trop peu. La vertu réside dans le juste milieu… ».
Quant à EPICURE, dans son œuvre Lettre à Ménécée, il fait une classification des désirs.
Ainsi, parmi les désirs, les uns sont naturels et nécessaires, les autres naturels et non nécessaires, et
d’autres encore non naturels et non nécessaires ; le sage c’est-à-dire l’homme libre et heureux, est celui
qui se contente des désirs naturels et nécessaires.
Par ailleurs, si les MORALISTES condamnent toutes les passions, en ce sens que la passion provoque
un déséquilibre dans l’âme, il faut cependant reconnaître qu’il existe de bonnes passions, celles qui
déclenchent en l’individu une énergie au service de l’action. Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778)
dans son ouvrage la Nouvelle Héloïse écrit : « il n’y a que des âmes de feu qui sachent combattre et
vaincre ; tous les grands efforts, toutes les actions sublimes sont leur ouvrage… »
Dans le même sens, HEGEL (1770-1831) dans son œuvre La Raison dans l’Histoire ne déclare « rien
de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion »
De toute évidence, l’être humain va toujours au-delà du nécessaire. Dès lors, le désir en lui qui ne fait
que s’accroitre, fait de lui un éternel insatisfait. De ce point de vue, peut-il accéder à un état de
satisfaction synonyme de la fin du désir ? Si oui par quels moyens ?
Le progrès apparait comme une marche en avant ; un passage graduel du bien au mieux, d’une étape
inférieure à une étape supérieure.
Aujourd’hui, le progrès renvoie plus à l’évolution de notre civilisation grâce aux acquis de la science et
de la technique.
HEGEL et Karl MARX (1818-1883) ont chacun donné une définition du progrès.
Pour HEGEL, le progrès est une nécessité historique, une sorte de déterminisme inscrit dans l’évolution
des peuples. En clair, c’est un processus qui se manifeste à travers la transformation des sociétés sous
la conduite de l’Esprit. Cf. La Raison dans l’Histoire
Au contraire, Karl MARX relève que le progrès est l’œuvre de l’homme lui-même ; c’est par son
action, son travail qu’il réalise le progrès Cf. La Sainte famille.
Le progrès se présente sous deux formes : le progrès matériel et le progrès spirituel et moral.
Le progrès matériel est la conséquence directe de la rationalité technoscientifique. On peut se permettre
de dire que le monde aujourd’hui vit la réalité de ce progrès. La prophétie cartésienne trouve ainsi son
accomplissement ; car grâce à la science et à la technique, l’homme est devenu « comme maître et
possesseur de la nature ». René DESCARTES (1596-1650), Discours de la méthode.
Toutefois, il faut reconnaitre que le progrès matériel est très limité et les conséquences sont énormes ;
car il réduit l’homme à la matérialité ; d’où la nécessité du progrès spirituel et moral.
Il s’apparente à un changement positif voire qualitatif dans la pensée et la conduite humaine. En clair,
c’est un développement du sens moral de l’homme, une élévation intellectuelle, psychologique,
3
spirituelle. Emmanuel KANT dans Critique de la raison pure, fait cette recommandation « Le ‘’ Je
pense ‘’ doit pouvoir accompagner toutes nos représentations … ».
L’évidence, c’est d’affirmer qu’à travers ces deux types de progrès, l’homme vise à accéder à l’état de
plénitude de l’esprit c’est-à-dire au bonheur. Mais cela est-il possible ? Le bonheur n’est-il pas un simple
idéal de notre imagination ?
Le désir et les passions constituent pour l’imagination, une source d’énergie dans son élan de création.
Autrement dit, ils stimulent et renforcent l’imagination qui, de ce fait, permet à l’homme de créer,
d’inventer et de découvrir.
Toutes les grandes découvertes scientifiques, les productions artistiques et les inventions techniques,
tirent leur fondement des désirs et passions. Grâce à son imagination et à son sens de la perfection,
l’homme invente des moyens techniques pour rendre efficace son action de transformation de la nature
c’est-à-dire le travail. Du coup, le travail devient un remède contre la misère ; car la production de biens
utiles soustrait l’homme de la tyrannie des besoins et lui confère l’autonomie et la dignité. Voltaire
(1694-1778) dans son œuvre Candide, exprime cette idée en ces termes « Le travail éloigne de nous
trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin ».
Par ailleurs, notons que le travail est non seulement source de satisfaction, mais il est aussi facteur de
liberté, et un moyen de sublimation des pulsions agressives. C’est d’ailleurs ce que montre Sigmund
FREUD dans une approche psychanalytique. Il révèle ainsi la valeur thérapeutique du travail à travers
le choix des métiers et des professions. Dans Malaise dans la civilisation, il écrit « la possibilité de
transformer les composantes narcissiques, agressives voire érotiques de la libido dans le travail donne
à ce dernier, une valeur ».
Travail, technique, art, imagination, constituent certes, une source de satisfaction, mais cette satisfaction
ou ce progrès n’est que matériel et ne peut totalement combler l’homme. Car les conséquences qui en
découlent sont comparables à des armes redoutables contre l’humanité. Par exemple, l’utilisation des
machines n’a fait qu’accroître la souffrance de l’homme dans le monde du travail. En effet, le travailleur
se retrouve dans un univers mécanisé où il est entièrement sacrifié à la machine. Cette robotisation
conduit à l’érosion de son intelligence. De ce point de vue, le travail, la technique… apparaissent comme
un facteur d’aliénation et de déshumanisation ; ce que Karl MARX dénonce dans les Manuscrits de
1844.
Comme on peut le constater, tous les efforts fournis par l’homme dans sa quête du bien-être, restent
limités. Il est sans doute matériellement aguerri, mais est loin d’être véritablement heureux. D’où
question : A quelles conditions l’homme peut-il espérer atteindre le vrai bonheur ?
4
III- LES CONDITIONS DU BONHEUR
Il faut rappeler que le progrès matériel qui a pour fondement le travail, la technique, l’art,
l’imagination, a montré ses failles et surtout ses limites.
En définitive, ce progrès s’est mué en son contraire. Il est devenu régression au lieu d’être évolution à
cause des atrocités de masse, des violences meurtrières qui confirment la barbarie d’une civilisation
industrielle avancée.
Théodore ADORNO (1903-1969) et Max HORKHEIMER (pionniers de l’école de Frankfort ; une
communauté d’intellectuels, de penseurs formés en Allemagne autour des années 1923) ; indignés face
à une telle situation, doutent de la mission de rédemption assignée à la science et à la technique. Ainsi
dans l’œuvre qu’ils ont conjointement écrite, La dialectique de la raison, ils affirment « la raison est
devenue une finalité sans fin, qui de ce fait, peut s’attacher à toutes les fins ».
Si l’humanité s’est retrouvée dans cette situation, c’est sans doute parce que la dimension spirituelle
et morale de l’homme a été occultée. Alors, n’est-il pas nécessaire de faire accompagner le progrès
matériel du progrès moral et spirituel ?
Pour que le bonheur, entendu comme état de pleine et totale satisfaction, ce que Emmanuel KANT
appelle ‘’ la satisfaction de toutes nos inclinations ‘’, soit une réalité, il faut que le progrès matériel
s’accompagne impérativement du progrès spirituel et moral ; car, l’homme a une triple dimension :
corps, âme, esprit.
De cette façon, les hommes peuvent être libérés de la chosification, de l’aliénation et des contraintes
d’une civilisation pervertie. Une grande Nation est celle qui est à la fois matériellement et
spirituellement ou moralement développée. Une prise de conscience en arrière-plan de toutes les
entreprises humaines s’impose. Comme le dit François RABELAIS dans son œuvre Pantagruel
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Dans le même ordre d’idée, Henri BERGSON (1859-1941) dans Les deux sources de la morale et de
la religion écrit « A une culture technologique extrêmement poussée, il faut un supplément d’âme ».
De ce fait tous les décideurs nationaux et internationaux doivent se rendre à l’évidence que le véritable
progrès et le développement authentique ont essentiellement pour objectif la promotion de la personne
humaine et son épanouissement total. Tout cela doit passer par le travail pour tous, un logement décent,
la capacité de se nourrir quantitativement et qualitativement ; l’éducation et la santé pour tous.
Par ailleurs, il faut nécessairement mettre fin aux projets inutiles et futiles qui engagent des capitaux
exorbitants et qui menacent l’équilibre de la planète terre (Essais nucléaires, course aux armements,
lancement de fusées …).
En somme, il faut avoir une parfaite connaissance des vrais besoins et aspirations de l’humanité pour
mieux la servir.
5
CONCLUSION
L’homme croit au bonheur et aspire à y accéder. Pour cette raison, il se dévoue à créer toutes les
conditions du progrès qui semblent représenter pour lui, le vecteur du bien-être. Toutefois, la situation
du monde actuel, dominé par la rationalité technoscientifique, brise notre espoir d’atteindre l’état
d’épanouissement total. En réalité, un seul aspect du progrès est valorisé ; l’aspect matériel qui n’est
pas véritablement le plus important.
De toute évidence, l’homme reste toujours un être de désir et de passion. De ce fait peut-il vraiment
relever le défi du bonheur ?
ACTIVITE D’APPLICATION
A- Coche, parmi les définitions suivantes, celles qui s’appliquent au désir.
Attirance sexuelle
Aspiration profonde à posséder quelque chose qui nous manque
Volonté de faire quelque chose
Excès d’émotion qui détourne de la raison
Vive tension vers un objet qu’on imagine source de satisfaction
SITUATION D’EVALUATION
Dans le cadre d’une réflexion sur le rapport Progrès et bonheur, les élèves de la Terminale A sont
soumis au sujet suivant : Le progrès technique éradique-t-il la misère de l’homme ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
CORRIGÉ
I- Définition des termes et expressions essentiels du sujet
- Le progrès technique : l’amélioration des moyens d’action, des savoir- faire de l’homme.
-Eradique-t-il : élimine-t-il, Met-il fin à, supprime-t-il.
- La misère de l’homme : la souffrance de l’homme, le malheur de l’homme, ensemble de maux ou
de difficultés vécus par les hommes.
II- Problème à analyser
La technique réalise-t-elle le bonheur de l’humanité ?
III- Axes d’analyse et références possibles
Axe1 : Le progrès technique contribue au bonheur de l’humanité.
Argument1 : Le progrès technique a conféré à l’homme un pouvoir sur la nature.
L’univers a toujours semblé manifester une certaine hostilité à l’égard de l’espèce
humaine ; catastrophes, calamités, obstacles naturels, etc. L’homme était condamné à subir la colère de
la nature. Mais avec le progrès des techniques, la nature est désormais démystifiée. Dès lors le progrès
6
technique se donne pour dessein, comme l’affirme René Descartes (1596-1650), de ‹‹ nous rendre
comme maitres et possesseurs de la nature. ›› Discours de la méthode (VIème partie)
Argument 2 : le progrès technique améliore les conditions de vie de l’homme.
L’introduction de la technique dans le travail donnant lieu à l’industrie, améliore les conditions de vie
et de travail de l’ouvrier et lui ouvre des perspectives nouvelles d’épanouissement social. On peut noter
entre autres ;
-la production géométrique des biens utiles à la consommation
-la croissance économique
-l’augmentation de l’espérance de vie.
7
que l’esprit demeure chétif. L’humanité devient ainsi puissante mais idiote. Il lui faut alors ‹‹ un
supplément d’âme›› dans Les deux sources de la morale et de la religion
EXERCICES
Activité d’application 1
Activité d’application 2
Ecris devant chaque définition la notion correspondante : Art-travail-technique et imagination.
Définitions Notions
Capacité à créer des images et à les combiner de manière originale.
Ensemble d’efforts tant physiques qu’intellectuels que l’homme fournit en vue
de produire l’utile.
Création du beau
Ensemble de procédés mis en œuvre pour produire des résultats ou œuvres
utilitaires
Activité d’application 3
Mets Vrai ou Faux devant les assertions suivantes
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SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’une réflexion sur le rapport progrès bonheur, les élèves de la terminale D sont soumis
au sujet suivant :
Le bonheur est-il accessible à l’homme ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
Corrigé
1-Définition des termes et expressions essentiels
2-Problème à analyser
Le bonheur est-il réalisable ?
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Axe 2 : le bonheur demeure un idéal
Argument 1 : Le bonheur est un concept difficile à cerner.
Relatif, subjectif, le bonheur varie en fonction des individus.
CF Aristote (384-322 av. J.-C) pour qui plaisir, santé et richesse sont autant d’approches du bonheur
mais qui, à l’évidence, ne peuvent être toutes satisfaites.
CF : Jean-Jacques Rousseau (1712-1718) : ‹‹ Nous ne savons ce que c’est que le bonheur ou le malheur
absolu. Tout est mêlé dans cette vie ; on n’y goûte aucun sentiment pur, on n’y reste pas deux moments
dans le même état. Les affections de nos âmes, ainsi que les modifications de nos corps, sont dans un
flux continuel.››, Emile ou de l’éduction
Argument 2 : Le désir effréné de biens matériels ne garantit pas le bonheur.
L’accumulation de biens matériels engendre un déséquilibre entre le corps et l’esprit. Les progrès
techniques et scientifiques sont à l’origine de la dégradation de nos valeurs morales. Les hommes sont
devenus de plus en plus des monstres.
Cf. Henri BERGSON (1859-1941) dans Les deux sources de la morale et de la religion écrit : « A une
culture technologique extrêmement poussée, il faut un supplément d’âme ».
SITUATION D’EVALUATION 2
DOCUMENTS A CONSULTER
Platon – Epicure – Descartes – Voltaire – Rousseau – Kant – Hegel – Karl Marx – Freud – Gaston –
Bachelard – Adorno – Horkheimer
10
Niveau : TERMINALE
CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE
toutes séries
NUMÉRIQUE
Discipline : PHILOSOPHIE
Situation d’apprentissage
Avant l’arrivée de leur professeur de philosophie, les élèves de la TA5 du Lycée Moderne de Divo
engagent un débat dont le thème est « langage et vérité ». En vue de s’accorder sur le sens de la vérité,
ils décident de connaître les différentes formes de langage, de distinguer les différentes acceptions de la
vérité et d’analyser les limites du langage dans l’expression de la vérité.
INTRODUCTION
Aujourd’hui il est aisé à chacun de nous de reconnaître qu’il est difficile de nous accorder sur le sens
de la vérité, et cela, à cause des différentes acceptions qui la définissent mais aussi des différentes formes
de communication qui la structurent et qui montrent leurs limites dans l’expression de la vérité.
Alors, qu’est-ce que la vérité ? A quel critère la reconnaît-on ? Au-delà de cette préoccupation émerge
une autre : Est-il possible de transmettre fidèlement nos pensées vraies ? Autrement dit, le langage est-
il un moyen efficace de communication de la vérité ?
Le langage est un système de signes oraux et éventuellement graphiques qui permet à l’homme
d’exprimer et de communiquer sa pensée ou son émotion. Or la communication, c’est l’action
d’échanger, de mettre en commun des informations ou des messages pour les transmettre et créer une
relation entre individus. Autant dire avec le linguiste anglophone du XXème Siècle John SEARLE
(John Rogers Searle est un philosophe américain né à Denver le 31 juillet 1932 (Âge : 88 ans))
que : « La communication est la fonction essentielle du langage. » Dans son œuvre Les actes du
Langage. C’est dire que ce à quoi le langage est destiné, c’est de transmettre des actualités, c’est-à-dire
divulguer un message. Dans ces conditions, tout ce qui est communication relèverait du langage.
A ce niveau, n’est-il pas possible de parler de langage par rapport au mode de communication des
animaux ?
1
Le langage comme moyen de communication semble présent chez les animaux sous la forme de codes
de signaux, de cris, de danses, etc. Nous en voulons pour preuve, les études sur les abeilles opérées par
L’éthologue allemand Karl von Frisch, (né le 20 novembre 1886 à Vienne, Autriche et mort le 12
juin 1982 à Munich, Prix Nobel de physiologie ou médecine et professeur de zoologie), dans son
œuvre vie et mœurs des abeilles, estime que les animaux, en générale, et les abeilles en particulier, ont
un mode de communication bien particulier. D'après lui, la danse en forme de huit (8), exécutés par les
abeilles, leur permet de se donner des informations relatives au butin et d’agir conséquemment surtout
quand ils découvrent ce butin. Et comme après tout cela les congénères de la danseuse s’exécutent, alors
d’après Karl Von FRISCH la communication est passée et il y a eu langage. Dans le même sens
L’Abbé Guillaume hyacinthe BOUGEANT (1690-1743) disait que : « La nature lui (le chien) a
donné la faculté d’entendre et de se faire entendre, c’est-à-dire de parler. » L’amusement
philosophique et le langage des bêtes. Ce qui revient tout simplement à dire que le chien communique
et utilise le langage comme tous les autres animaux.
Mais ce mode de communication propre aux animaux, même s’il permet de transmettre des messages,
relève-t-il véritablement du langage ?
D’après le linguiste suisse Ferdinand de SAUSSURE (né à Genève le 26 novembre 1857 et mort à
Vufflens-le-Château le 22 février 1913), dans son Cours de linguistique générale : « Le lien unissant
le signifiant au signifié (…) est arbitraire ». C’est dire que le langage humain, qui est fondé sur le
signe linguistique, renferme deux réalités : le signifiant qui est l’aspect matériel du signe (signes sonore,
gestuel, pictural, graphique, scriptural …), c’est-à-dire la représentation mentale de la forme et de
l'aspect matériel du signe, et le signifié qui désigne la représentation mentale du concept associé au
signe. Et c’est de façon conventionnelle qu’un mot ou un nom est attribué à un être.
Aussi les conditions dans lesquelles s’opèrent la communication animale ne suffisent-elles pas pour dire
des animaux qu'ils ont un langage. En effet, entre le mode de communication des animaux et celui des
hommes « Les différences sont considérables et elles aident à prendre conscience de ce qui
caractérise en propre le langage humain », selon les termes du linguiste Français Emile
BENVENISTE (1902-1976). Autrement dit, même s’il y a communication chez les animaux, celle-ci
est loin de la communication interhumaine qui elle est prise en compte par le langage. En effet, la
communication animale n’est ni plus ni moins qu’un « code de signaux ». Contrairement au langage
humain, la communication animale se caractérise par sa fixité (nombre fixe ce signes), son invariabilité
(incapacité à changer les signes), sa nature indécomposable et sa transmission unilatérale. Elle est
instinctive, naturelle, limitée et sans échange. Celui des hommes est évolutif, adaptable, variable, créatif,
polysémique, culturel et est surtout fait de dialogue entre un pôle émetteur et un pôle receveur, c’est-
à-dire qu’il appelle une réponse et non une certaine conduite.
C’est pourquoi, chez l’homme l’on peut distinguer la communication interpersonnelle, la diffusion
d’informations par les médias, la communication de groupe, la communication de masse, la
communication olfactive, la communication par les signaux, le langage gestuel, le langage vocal, et
surtout le langage informatique qui montrent que le langage a un caractère multifonctionnel. C’est
reconnaître aussi qu’en tant que moyen d’expression, le langage a plusieurs fonctions, en plus de celle
de la communication. Et cela aussi bien sous sa forme vocale, écrite que gestuel. Dans le langage et plus
particulièrement dans la langue, qui est son système d’expression écrite ou orale, utilisé par un groupe
de personnes ou une communauté linguistique pour échanger, il y a principalement la fonction
expressive, car il permet d’exprimer, de célébrer, de dire et de signifier le monde. Le langage a aussi
2
d’autres fonctions que la simple communication de l’information : fonction d’élaboration de la pensée,
fonction appellative, fonction conative, la fonction esthétique que l’on retrouve dans la puissance
symbolique de la poésie, la fonction magique dans la mesure où les mots dominent et gouvernent les
choses. Cette magie du mot permet de dire ce qui n’est pas encore ou de ressusciter ce qui est mort.
C’est pourquoi, dans son œuvre Clef pour la linguistique moderne, le linguiste français Georges
MOUNIN (1910-1993) a fait cette remarque : « Une des conquêtes de la linguistique actuelle est
d’avoir perçue et soigneusement distinguée différentes fonctions du langage. »
Le langage a une valeur et une utilité culturelle car comme l’atteste le vécu des enfants sauvages de
Lucien MALSON, en dehors du cadre socio culturel, il ne peut y avoir de langage. C’est dire que
l’élément de différence fondamentale est que le langage est lié à la culture. En effet, il est vrai que dans
la conception Judéo-chrétienne, Dieu a donné la parole à l’homme, mais il est aussi vrai que depuis
l’histoire de la Tour de BABEL, chacun de nous est sensé apprendre à utiliser le langage dans sa langue,
définie comme le produit social de la faculté du langage, ou dans une langue avec des codes précis.
Aussi contrairement à LUCRECE qui depuis l’Antiquité a défendu l’idée selon laquelle le langage est
naturel à l’homme car pour lui, c’est la nature qui a poussé les hommes à émettre des sons, et
ROUSSEAU qui estime, pour sa part, que les besoins moraux instinctifs, naturels et les passions sont
à l’origine des langues ; de nos jours, les linguistes ont démontré plutôt que, loin d’être une donnée
naturelle, le langage s’acquiert et est donc un fait culturel. Dans son œuvre La philosophie du langage,
Henry DUMERY (philosophe français né en 1920 à Auzances, et mort en 2012. Il était l'ami de
Maurice Blondel, et le commentateur de sa philosophie. Il a été professeur à l'Université Paris) écrit à
cet effet ceci : « Tout le passé culturel est inhérent à l’acquis linguistique d’un peuple. » C’est dire
avec lui que le langage, sous toutes ses formes, s’acquiert et s’apprend en société, car tout ce qui
s’acquiert est le produit d’un apprentissage qui ne peut avoir lieu que dans un groupe culturel bien
défini. Et c’est d’ailleurs par rapport au groupe aussi que la manière d’utiliser le langage, qu’un mot par
exemple a un sens. C’est pourquoi, toutes les composantes du langage s’apprennent. D’ailleurs, chaque
langue est une organisation particulière des données de l'expérience, une organisation tributaire des
traditions, de la mentalité, du contexte géographique, des intérêts propres à un groupe. Une langue est
l'expression d'un peuple avec ses croyances, ses coutumes, son rapport singulier au monde ; si bien
qu'apprendre à parler revient à apprendre à percevoir et à penser le monde d'une certaine manière. Il n’y
a donc pas de société proprement humaine sans langage (en tant que système de signes conventionnel
et doublement articulé). Plus particulièrement, le langage permet la relation contractuelle car il lie les
contractants par la parole engagée ou le texte signé qui remplacent les mécanismes innés et les simples
rapports de force naturels. Le langage, par l’intermédiaire du droit, règle donc les relations humaines
sur la base d’un consensus (accord volontaire).
Ainsi, ce que le langage permet d’élaborer, c’est un monde commun qui n’est pas seulement un monde
de choses, mais un ensemble de valeurs. Le langage unit non seulement parce qu’il favorise la
communication, mais aussi parce qu’il favorise la « communion », c’est-à-dire l’instauration des règles
communes morales, juridiques ou esthétiques.
Le langage en ce sens n’est pas seulement un outil qui permet de communiquer les valeurs communes,
il contribue à les créer. La linguistique a bien montré que la langue modèle et construit notre rapport au
monde : on pense comme on parle. Une communauté linguistique est d’abord une communauté
3
culturelle. Non seulement le langage, en tant que porteur d’une vision du monde, unit culturellement les
membres d’une même communauté linguistique, grâce au langage, cette vision commune est transmise
de génération en génération.
D’après René DESCARTES : « C’est parce qu’ils n’ont pas la pensée que les animaux ne parlent
pas. » Cette phrase implique l’idée que le langage, de façon générale, est lié à la pensée et provient
d’elle. Cela est d’ailleurs confirmé aussi bien par l’opinion commune que par la plupart des intellectuels
qui conçoivent que l’homme ne doit dire que ce qu’il a conçu en pensée. C’est dire que la pensée n'existe
pas indépendamment du langage, elle dépend du langage puisque c’est à travers celui-ci que la pensée
prend corps, consistance, réalité. Dès lors, la parole que nous tenons exprime essentiellement le vrai en
ce sens qu’il y a adéquation de la pensée avec elle-même et avec le réel. Inversement, nous nous sommes
fait l’idée que tout ce qui est pensée doit pouvoir être dit, surtout lorsque cela est bien pensé, dans la
mesure où le discours est l’expression de nos pensées. Car comme le fait remarquer Friedrich HEGEL
dans La phénoménologie de l’esprit : « C’est dans les mots que nous pensons (…). Ainsi le mot
donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. » Ce qui signifie simplement que c’est
le langage qui, par les mots, donne naissance à la pensée et sens aux choses. La pensée ne devient alors
claire et consciente d’elle-même que par les mots. Il n’y a donc pas de déperdition de sens lorsque la
pensée prend corps dans l’expression linguistique (silencieuse ou articulée). Tout ce qui est clairement
pensé peut s’exprimer. Il ne peut en être autrement dans la mesure où, depuis l’Antiquité, PLATON a
démontré que le langage et la pensée sont liés de façon intime comme le sont le recto et le verso d’une
même feuille. C’est justement ce qu’il confirme dans Le Cratyle lorsqu’il affirme ceci : « Qui connaît
les mots, connaît les choses. » C’est dire ici que parler, c’est ne dire que la vérité. Autrement dit,
communiquer à travers des mots permet d’exprimer essentiellement ce qui est vrai. Et comme ce sont
nos énoncés ou nos pensées qui sont vraies ou fausses, le philosophe français Maurice Merleau-Ponty
(né à Rochefort-sur-Mer le 14 mars 1908 et mort le 3 mai 1961 à Paris), nous invite à admettre cette
idée selon laquelle : « Il n’y a pas de pensée extérieure au langage (...) Le sens est le mouvement
total de la parole et c’est pourquoi notre pensée trame dans le langage » Le langage indirect et les
voix du silence dans Signes, [3]1951, Gallimard, p. 54. Cf. Phénoménologie de la perception, p.211-
212.
Il s’agit de comprendre que tant qu’elle n’est pas formulée la pensée est un leurre et c’est dans le
langage que « trame la pensée ». Beaucoup plus qu’un moyen le langage est quelque chose comme un
être et c’est pourquoi il peut si bien nous rendre présent quelqu’un : la parole d’un ami au téléphone
nous le donne lui-même comme s’il était tout dans cette manière d’interpeller et de prendre congé, de
commencer et de finir ses phrases, de cheminer è travers les choses non dites. Reconnaissons ainsi avec
le peintre français Eugène Delacroix (né le 26 avril 1798 à Charenton-Saint-Maurice et mort le 13 août
1863 à Paris) que : « La pensée sans le langage n’est qu’une nébuleuse. » Le langage serait donc
indissociable du développement des facultés proprement humaines, à l’exemple des enfants sauvages
qui privés de langage, sont privés d’un développement intellectuel normal. Le langage serait donc une
condition suffisante de la pensée. Être capable de parler, c’est faire preuve de conscience de soi, de
réflexion, donc de pensée. Cette faculté est en ce sens exclusivement humaine. C’est dans cette logique
que le poète et critique Français Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux, (né le 1ᵉʳ novembre 1636 à
Paris et mort dans la même ville le 13 mars 1711) affirme ceci : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce
clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. » Art poétique, Chant I, v. 147-207.
Autrement dit, chaque idée doit pouvoir trouver le mot juste qui lui a donné la forme pour être transmise
4
comme il se doit. C’est dire que l’on peut tout exprimer, si ce qu’on cherche à exprimer est une idée
précise et claire, une signification sensée, car le langage est un système combinatoire de signes, réglé
par la syntaxe et la sémantique, qui rend logiquement et matériellement possible l’expression de notre
pensée à autrui.
Comme on le voit le langage sert à communiquer et à transmettre des informations au moyen de signes
(oral, gestuel, écrit, etc.), mais communiquer c’est aussi et surtout échanger des idées, des pensées, des
émotions, des sentiments, des manières d’être ou de faire et surtout dialoguer à partir de signes de
décodage bien établis. C’est pourquoi, dans la conception Judéo-chrétienne c’est à l’homme, être créé
à son image et doué de raison, que Dieu à concéder la parole comme un don qui lui est spécifique. Or
parler, c’est faire usage de la parole, s’exprimer, communiquer à travers des mots pour donner sens aux
choses. Comme le dit PLATON dans Le Cratyle : « Qui connaît les mots, connaît les choses. » C’est
dire que celui qui parle dévoile sa pensée sur les choses, et comme c’est la pensée qui fait l’homme
alors parler c’est se dévoiler. Dès lors, le langage est capable de rendre compte de la réalité, d’atteindre
la vérité, car c’est grâce au langage qu’on décrit le monde, sa puissance magique consiste à se substituer
à la réalité en faisant exister ce qu’elle nomme. Ce qui fait dire à Thomas HOBBES que : « Grâce aux
dénominations correctes, le langage permet à l’homme d’élaborer une science de la nature et de
lui-même. » Léviathan.
Cette présentation très générale du langage permet d’insister sur le fait que, c’est par lui que nous
exprimons ou disons fidèlement ce que nous pensons ou concevons comme vrai. Aussi convient-il
d’expliquer la relation intime qu’il y entre le langage et la pensée.
Le mot vérité est employé dans plusieurs acceptions qui ne pourraient être définies dans les mêmes
termes ou remplacées par un même synonyme.
En effet, sous son aspect conceptuel, le mot vérité renvoie généralement à l’idée de ce qui est, c’est-à-
dire à la réalité, comme le dit LEIBNIZ, dans sa Monadologie : « Aucun fait ne saurait se trouver
vrai ou existant, aucune énonciation véritable, sans qu’il y ait une raison suffisante pour quoi il
en soit ainsi et non autrement ». Ainsi nous avons pris l’habitude de dire que ce qui est vrai est réel.
C’est dire que la connaissance d’une chose est vraie lorsque les informations que nous avons à son sujet
sont réelles ou vérifiables. Ce qui fait dire à Emmanuel KANT dans La Critique de la raison pure que :
« La définition nominale de la vérité, qui en fait l’accord de la connaissance avec l’objet, est ici
admise et présupposée. » Emmanuel KANT nous recommande et exige que la vérité soit synonyme
de réalité.
Ainsi est vrai, ce qui à propos d’une chose ou d’un objet est d’autant plus réel qu’il correspond à l’objet
ou à la chose même. Ce qui suppose que vous dites des faussetés ou des mensonges lorsque ce que vous
avez dit ne peut pas être vérifié dans la réalité ; et quand ce que vous dites peut-être vérifié de façon
concrète ou empirique, alors vous êtes dans le vrai.
Ici, il nous faut accepter et considérer que ce qui est vrai est réel, par conséquent la vérité est dans la
réalité, elle se mesure sur la réalité. Ce que confirme d’ailleurs Jacques BOSSUET, dans sa Logique,
au livre I, lorsqu’il dit ceci : « Le vrai est ce qui est ; le faux ce qui n’est point. » En ce sens, la vérité
est la conformité de ce que l’on dit avec ce que l’on pense ou avec ce dont l’on parle. C’est pourquoi,
selon Saint Thomas d’Aquin, la vérité est l’accord des choses et de nos pensées ou l’accord de nos
5
pensées avec la réalité. La vérité est donc conçue comme accord ou correspondance entre le langage et
la réalité. C’est dire par conséquent que la vérité n’est pas la réalité dans la mesure où ce qui est réel
peut être faux. Et c’est le cas d’un faux billet de 10000f, qui est certes réel empiriquement mais faux
dans son usage.
Dès lors, cette conception que nous avons tendance à donner de la vérité fait que très souvent la vérité
pour nous devient une évidence.
La vérité est universellement admise, pour le sens commun, comme ce qui doit requérir l’accord de tous
dans la mesure où nous avons pris l’habitude de dire que ce qui est su ou connu de façon unanime, c’est-
à-dire par tout le monde comme vrai est nécessairement vrai, faisant ainsi de l’unanimité, c’est-à-dire
l’accord parfait ou un avis partagé par tout le monde sur une position donnée, un critère suffisant de
vérité. Ainsi, on adhère à telle ou telle croyance parce que c’est la croyance de tout le milieu. On adopte
tel ou tel comportement dans telle ou telle situation parce que c’est ce que tout le monde fait en pareille
occasion, surtout dans la communauté des savants. Gaston BACHELARD a alors raison de dire dans
Le nouvel esprit scientifique que : « La vérité scientifique est une prédiction, mieux une prédication.
Nous appelons les esprits à la convergence en annonçant la nouvelle scientifique. » C’est dire que
toute idée vraie entraîne nécessairement l’accord de tous et s’impose à tous. Comme le souligne André
LALANDE, dans son œuvre La raison et les normes : « On appelle vérité (…) ce qu’on a cru vrai à
une certaine époque ou en un certain pays. » C’est pourquoi, une majorité qui se dégage d’une
consultation électorale peut allégrement gouverner parce qu’elle représente en ce temps la position
majoritaire qui est toujours la véritable position. Telles sont les attitudes qui engendrent généralement
le conformisme, le mimétisme et le suivisme.
Ici alors nous estimons que tout le monde ne peut pas se tromper à la fois, et que la vérité ainsi conçue
est une évidence.
3 - L’évidence comme critère de vérité
Est évident ce qui renvoie à une certitude et pour lequel l’on n’a plus besoin de preuves pour l’attester.
Ce qui est évident c’est ce qui s’impose de lui-même et pour lequel rechercher toute preuve devient
illogique (absurde, tautologie). C’est cela qui fait dire à René DESCARTES (1596-1650), que la vérité
découle de l’évidence d’une intuition ou l’intuition d’une évidence. Ainsi, l’idée vraie est celle qui se
présente « clairement et distinctement » comme tel à l’esprit. Il affirme cela en ces termes : « La
vérité est une notion si transcendantalement claire qu’il est impossible de l’ignorer. » Discours de
la méthode. C’est dire que tout être conscient qui voudrait remettre en cause une vérité ou l’ignorer
ferait simplement preuve de mauvaise foi. C’est pourquoi, Baruch SPINOZA, dans son œuvre
L’Ethique soutient l’idée de DESCARTES en affirmant ceci : « Qui a une idée vraie sait en même
temps qu’il a une idée vraie et ne peut douter de la vérité de la chose. » Par conséquent nous devons
admettre l’idée que la vérité est si évidente qu’elle n’admet ni preuve ni doute à son sujet, et elle est
valable pour tout homme conscient, à cause de sa cohérence. Dans le domaine des sciences formelles,
la vérité d’une proposition va de pair avec la forme du discours. Elle dépend absolument de la cohérence
logique. C’est dans cette logique d’ailleurs que l’Encyclopédiste Dénis DIDEROT pose cette question
: « N’est-il pas de la nature de toute vérité d’être claire et d’éclairer ? ». De la Suffisance de la
Religion Naturelle.
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Retenons dons ici que la vérité est à elle-même son propre critère parce qu’elle est évidente, c’est-à-
dire sans aucun doute.
Selon cette théorie, est vrai ce qui a de la réussite. Ce qui est efficace.
De ce qui précède, nous retenons que la vérité peut se fonder sur un critère matériel (l’accord entre
l’idée et la chose), un critère logique ou formel (la cohérence du discours), sur la certitude (ce qui donne
des résultats probants), sur le critère pragmatique (ce qui réussit) et sur l’évidence (ce qui n’a pas besoin
de démonstration). Comme le reconnaît le psychologue et philosophe américain William JAMES
(11 janvier 1842 - 26 août 1910) dans son œuvre Le pragmatisme : « Le vrai consiste simplement dans
ce qui est avantageux pour notre pensée, de même que le juste consiste simplement dans ce qui
est avantageux pour notre conduite. » C’est dire que les idées vraies ne sont rien d’autre que des idées
« qui paient », ce qui arrange le plus grand nombre, et même tout le monde dans l’idéal.
Face a cette polysémie qui caractérise la notion de vérité, le constat est que la vérité n’est pas absolue.
D’où la relativité de la vérité elle-même.
B – La relativité de la vérité
1 – Le scepticisme comme doute radical
Le sophiste PROTAGORAS d’ABDERE (Vème siècle avant J.C) reste convaincu que « L’homme
est la mesure de toute chose » De la vérité. C’est justement cette attitude qui a conduit au scepticisme,
c’est-à-dire à l’affirmation qu’il n’existe pas de vérités objectives. Et qu’il est impossible d’établir une
preuve définitive du vrai ou un critère qui fera l’unanimité. C’est pourquoi, selon PYRRHON D’ELIS
(vers 365–275 av. J. -C.), toutes les preuves qu’on apporte pour soutenir une vérité donnée, doivent à
leur tour être prouvées. Il décide pour sa part de douter de tout, et être indifférent à tout en pratiquant
l’Épochè, ou suspension du jugement.
En effet, parler de la relativité de la vérité revient à admettre l’idée que la vérité n’est pas absolue.
Surtout quand elle est construite ou encore quand elle est le fruit d’un jugement. Dans un jugement, en
effet, les circonstances, même dans la démarche scientifique, peuvent variées selon le temps et le lieu ;
mais aussi par rapport au niveau de connaissance des hommes. C’est cela qui fait dire à André
LALANDE dans son Dictionnaire de Vocabulaire critique et technique de la philosophie, ceci :
« Chaque siècle a ses vérités ». Tout cela nous laisse comprendre que la vérité n’est pas définitivement
acquise ni indéracinable. Toute vérité est vérité d’époque. C’est pourquoi la vérité scientifique
d’aujourd’hui peut être l’erreur de demain. Elle n’est vérité que dans son système de référence. En le
disant, il prend certainement en compte cette autre idée de Blaise PASCAL dans ses Pensées qui dit
que : « Les secrets de la nature sont cachés ; le temps les révèle d’âge en âge (…) vérité au deçà
des Pyrénées erreur au-delà » Pour dire que, le temps montre les limites scientifiques. S’il faut donc
croire que la vérité existe, c’est en tant qu’elle est constamment évolutive.
C’est dire qu’aucune vérité n’est donnée de façon définitive et chaque vérité dépend de l’évolution des
connaissances ainsi que des moyens de connaissance. Parfois même, elle dépend du domaine de
connaissance dans lequel l’on évolue.
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2 – La vérité comme une donnée subjective
Ce qui précède nous laisse percevoir aisément que les critères qui fondent la vérité varient généralement
en fonction du temps et même du contexte, mais aussi de la conception de chacun. En d’autres termes,
la vérité est circonstancielle et subjective. C’est dire que la vérité est relative à l’état de la connaissance
du moment, de chacun. Comme le souligne Gaston BACHELARD : « Il n'y a pas de vérités
premières : il n'y a que des erreurs premières. » Rationalisme appliqué. C’est dire que la vérité n’est
pas dépourvue de toute subjectivité car le sujet conscient est toujours celui qui élabore la connaissance,
et opère des choix dans les objets ; d’où sa subjectivité. Par exemple, l’hypothèse, point de départ de
toute vérité scientifique, est l’idée première du savant. Le savant invente en partant des éléments de son
univers. Il imagine des hypothèses à partir des données de son univers vécu. La confirmation de cette
hypothèse en devenant loi ou théorie rend compréhensible cet univers. Cela montre donc qu’au
fondement de la démarche scientifique se trouve la croyance car le savant croit en sa méthode comme
une méthode infaillible, comme un modèle et aussi en la possibilité d’accéder à la vérité contrairement
aux sceptiques. Comme l’a montré Claude BERNARD, l’hypothèse est perçue comme une réponse
anticipée suivant la démarche expérimentale.
Mais devant cette relativité de la vérité, que peut le langage pour espérer pouvoir en rendre compte ?
Dans la conception religieuse, en générale et selon La Sainte BIBLE en particulier, le pouvoir du langage
est un don de Dieu à l’homme. En effet, selon le premier verset, du premier chapitre de l’Evangile selon
Jean : « Au commencement était la parole et la parole était avec Dieu, et la parole était Dieu. »
Ainsi, tout comme Dieu, la parole a un pouvoir divin et confère à l’homme du pouvoir par la parole.
Cependant, pour la linguistique moderne, le pouvoir du mot ou du langage est simplement lié aux
conditions socio-culturelles de son emploi.
Ici l’on explique que le rapport évolutif entre le signifiant et le signifié est conventionnel ou arbitraire.
Dans son œuvre La phénoménologie de la perception, Maurice MERLEAU-PONTY (1908-1961),
affirme que : « Notre pensée traîne dans le langage, et toute vérité est par le langage. ». C’est dire
que le langage est le canal d’expression de la pensée ou de la vérité. Autrement dit, nos pensées et nos
vérités ont le langage à la fois comme lieu de conception et moyen de transmission. En ce sens nous
retenons avec Thomas HOBBES cette remarque : « Là où il n’y a pas de langage, il n’y a ni vérité
ni fausseté. » Léviathan. Ce qui implique l’idée que la vérité est intimement liée au langage. En réalité,
avec PLATON et cela depuis l’Antiquité, la pensée est un« dialogue intérieur » ; là où il y a pensée il
y a langage et inversement. Pour lui donc, le langage et la pensée sont comme le recto et le verso
(l’endroit et l’envers) d’une même feuille. Ce qui fait dire à
Friedrich HEGEL, dans La phénoménologie de l’esprit que : « C’est dans les mots que nous pensons
(…). Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. » Autrement dit,
sans le langage ou en dehors du langage, la vérité ne peut être. De même, toute pensée parce que conçu
dans le langage, doit pouvoir être dite exactement. C’est bien le sens de cette phrase de Nicolas Boileau
(1636-1711), dans L’art poétique, chant I : « Tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les
mots pour le dire arrivent aisément. » Ou « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les
mots pour le dire arrivent aisément. » C’est dire que le langage est parfaitement capable de traduire
tout ce que nous pensons ou ressentons si et seulement si cette pensée ou ce sentiment lui-même a été
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bien conçu. Ainsi les mots sont les images des êtres et des choses. Si on ne peut dire c’est qu’on dit mal.
En effet, s’il nous semble que les mots manquent pour le dire, ce n’est peut-être pas le langage qui est
en cause mais la capacité personnelle, le génie propre de l’individu à l’expression, la patience et le
travail de chacun dans la lente maturation de la parole. Il ne faut donc pas confondre indicible et non-
dit. C’est dire qu’une pensée inexprimée est une pensée indéterminée, c’est-à-dire une absence de
pensée. Louis Lavelle a donc raison de dire : « Le langage n’est pas comme on le croit souvent, le
simple vêtement de la pensée, il en est le corps véritable ». La parole et l’écrit. P.25 Tout est donc
réductible au langage, tout peut être dit.
Le langage permet d’unir les hommes. Elle est créatrice de cohésion sociale car elle revêt une valeur
morale. Elle est prescrite par l’éducation comme une condition de la cohésion sociale. C’est une
exigence de toutes les sociétés et de toutes les religions. La vérité rapproche et consolide les liens de
ceux qui la partagent : communauté scientifique, religieuse, politique. Comme le dit NIETZSCHE dans
Le gai savoir : « Les hommes ont besoin, sinon de vérité, du moins de certitudes, ne serait-ce que
parce que les certitudes partagées maintiennent un accord entre les hommes. »
Mais n’y a-t-il pas de limites au langage dans sa prétention à atteindre la vérité et à l’exprimer ?
L’expérience du vouloir-dire nous montre que ce n’est pas tout ce que nous avons en pensée que nous
pouvons dire, car il nous arrive des moments où le langage est incapable de traduire fidèlement cette
pensée, en lui trouvant le mot qu’il faut, avec exactitude. Il en est de même de nos sentiments. Cela
nous conduit alors à émettre deux remarques pertinentes que font ici l’écrivain et encyclopédiste
français Dénis DIDEROT (né le 5 octobre 1713 à Langres et mort le 31 juillet 1784 à Paris) et le
philosophe français Henri BERGSON (né le 18 octobre 1859 à Paris, ville où il meurt le 4 janvier
1941). Pour DIDEROT, chacun de nous doit faire cet aveu : « Je crois que nous avons plus d'idées
que de mots ; combien de choses senties et qui ne sont pas nommées. », In Le rêve de d’Alembert.
Pour BERGSON, nous devons admettre que : « Nous échouons à traduire entièrement ce que notre
âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage. » Essai sur les données
immédiates de la conscience. En d’autres termes, la pensée et le langage n’ont pas les mêmes
dimensions. Pour lui, les mots n'entretiennent avec les sentiments et les pensées qu'un rapport
équivoque, les retranscrivant de manière imparfaite, dans la mesure où ils renvoient à des vécus
psychiques qui sont à chaque fois spécifiques à la personne, en d'autres termes qui sont individuels,
alors que les mots sont de l'ordre du collectif et partant, de l'impersonnel. La pensée doit être plus vaste
que le langage. En plus, la pensée ou nos sentiments sont personnels et continues alors que le langage
est impersonnel et discontinu. Il y a même pire. Car pour nous donner bonne conscience et nous
considérer comme maître et sujet conscient, nous disons que nous n’affirmons que ce que nous avons
pensé. Malheureusement, l’expérience du lapsus est une réalité humaine. Il y a en effet des erreurs
involontaires qui nous font dire autre chose que ce que nous avons pensé et voulons dire. C’est cette
imperfection du langage qui fait dire à John LOCKE (1632-1704) que : « Le langage nous trompera
parfois. » Essais sur l’entendement humain. D’après lui, penser que le langage est capable de dire
exactement ce que nous avons pensé est une erreur. La parole peut être source d’abus, d’erreurs et même
de tromperies, comme c’est le cas de la rhétorique chez les Sophistes. Et c’est cela qui est à la base des
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incompréhensions et des controverses inutiles qui posent problème dans la connaissance. C’est
pourquoi, il écrit dans la même œuvre ceci : « S’il n’y avait ces imperfections du langage comme
instrument de connaissance, un grand nombre des controverses qui font tant de bruit dans le
monde cesseraient d’elles-mêmes ; et le chemin de la connaissance s’ouvrirait plus largement,
ainsi que, peut-être, le chemin de la paix ». [Locke, Essai sur l’entendement humain, (1690 III, chap.
IX, § 21.] C’est d’ailleurs pour mettre fin à toutes ces controverses inutiles que le philosophe et
mathématicien autrichien, puis britannique Ludwig Josef Johann Wittgenstein nous donne ce conseil :
«« Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». Tractatus logico-philosophique.
Il faut le reconnaître, le langage ne traduit pas toujours la vérité. Comme le reconnaît Henri
BERGSON : « Le langage nous trompera parfois sur le caractère de la sensation éprouvée (…)
nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure
incommensurable avec le langage. » Essai sur les données immédiates de la conscience. C’est dire
que la parole peut être source d’abus, d’erreurs et même de tromperies. Ce fut le cas de la rhétorique
chez les Sophistes, qu’ils exploitaient pour dire des contre-vérités.
CONCLUSION
ACTIVITE D’APPLICATION
Ecris vrai ou faux devant les affirmations suivantes.
SITUATION D’EVALUATION
Dans le cadre d’une réflexion sur les conditions d’élaboration de la connaissance, les élèves de la classe
de Tle A ont eu le texte ci-dessous comme support.
Fais-en l’étude ordonnée et dégage son intérêt philosophique.
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TEXTE
Que toute notre connaissance commence avec l’expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet,
par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action si ce n’est par des objets qui
frappent nos sens et qui, produisent par eux-mêmes des représentations et d’autre part, mettent en
mouvement notre faculté intellectuelle, afin qu’elle compare, lie ou sépare ces représentations, et
travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets, celle
qu’on nomme l’expérience ? Ainsi, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous
l’expérience et c’est avec elle que toutes commencent.
Mais si toute notre connaissance débute avec l’expérience, cela ne prouve pas qu’elle dérive toute
de l’expérience, car il se pourrait bien que même notre connaissance par expérience fût un composé de
ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître
(simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même : addition que nous ne
distinguons pas de la matière première jusqu’à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice
qui nous ait appris à l’en séparer.
Emmanuel KANT, critique de la raison pure.
Corrigé
I-PROBLEMATIQUE DU TEXTE
Thème : Le processus de la connaissance.
Problème : Comment s’élabore notre connaissance ?
Thèse : Pour KANT, toute notre connaissance débute avec l’expérience, mais ne dérive pas toute de
l’expérience.
Antithèse : La connaissance relève exclusivement de l’expérience.
Intention : Montrer l’ordre chronologique de l’élaboration de la connaissance.
Enjeu : Fondement de la connaissance.
Deuxième mouvement : (l10-l17) « Mais si (…) l’en séparer. » : L’expérience à elle seule ne fonde pas
la connaissance. La connaissance par l’expérience requiert elle-même le concours du pouvoir a priori
de l’esprit.
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Axe1 : La connaissance ne peut se comprendre dans une perspective uniquement empiriste (dont la
source est dans l’expérience). Toute connaissance suppose des intuitions et des concepts, nécessaires et
inséparables. Sensibilité et entendement sont les deux sources de notre connaissance. KANT montre
que la connaissance résulte à la fois de l’expérience et de la raison. A la suite de KANT, Claude
BERNARD dans Introduction à l’étude de la médecine expérimentale et Gaston BACHELARD, dans
Le nouvel esprit scientifique, soutiennent la solidarité de la théorie et de l’expérience dans les sciences.
Axe2 : Contrairement à KANT les empiristes pensent que la connaissance relève exclusivement de
l’expérience et les rationalistes trouvent dans la raison l’unique source de celle-ci.
EXERCICES
ACTIVITE D’APPLICATION 1
- Dans le tableau ci-dessous relie chaque citation à l’auteur qui lui correspond
1- « Qui connaît les mots, connaît les choses. » a- Thomas HOBBES
3-« C’est dans les mots que nous pensons (…) c- PLATON
Ainsi le mot donne à la pensée son existence
la plus haute et la plus vraie. »
d- Friedrich HEGEL
4- « Grâce aux dénominations correctes,
le langage permet à l’homme d’élaborer e- ARISTOTE
une science de la nature et de lui-même. »
ACTIVITE D’APPLICATION 2
ACTIVITE D’APPLICATION 3
Complète les phrases avec les mots suivants : incommensurable - le sentiment– Le langage
………. nous trompera parfois sur le caractère de la sensation éprouvée.
La pensée demeure …….avec le langage.
Le langage appauvrit …………, lui fait perdre son originalité.
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SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’un travail de recherche sur le rapport entre le langage et la vérité, les élèves de la classe
de TA sont soumis au sujet suivant : Une pensée cohérente est-elle nécessairement vraie ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
CORRIGE
II – Problème à analyser
Un raisonnement logique est-il absolument conforme à la vérité ?
Cf. ARNAULD ET NICOLE : « La logique est l’art de bien conduire sa raison dans la
connaissance des choses ». La logique ou l’art de bien penser, dite Logique de Port-Royal, 1662.
- Dans les mathématiques, l’axiomatique est une construction totalement formalisée où l’abstraction est
complètement réalisée.
Cf. Bourbaki, Éléments de mathématique.
Cf. Robert BLANCHE, L’axiomatique.
13
SITUATION D’EVALUATION 2
14
DOCUMENTS A CONSULTER
15
Niveau : TERMINALE toutes séries CÔTE D’IVOIRE – ÉCOLE
Discipline : PHILOSOPHIE NUMÉRIQUE
Situation d’apprentissage :
Des élèves de la TA2 du Lycée Moderne de SAIOUA engagent un débat dans la cour de récréation sur
la connaissance scientifique. Certains soutiennent que l’avenir appartient à la science et à la technique.
D’autres rétorquent que toutes les disciplines se valent et que d’ailleurs la science semble limitée sur
certaines préoccupations de l’homme. Pour être situés, les élèves entreprennent d’identifier les
différentes formes de connaissances, les caractéristiques de la connaissance scientifique, son processus
d’élaboration et d’apprécier le pouvoir et les limites de la connaissance scientifique.
INTRODUCTION
En écrivant que « Le travail scientifique est le seul qui puisse nous mener à la connaissance de la
réalité extérieure », in L’avenir d’une illusion, FREUD mettait en exergue l’idée selon laquelle la vérité
scientifique s’impose aujourd’hui avec acuité à tous comme la seule digne de valeur, la seule crédible
à cause de son objectivité, de son efficacité et de l’accord qu’elle suscite au niveau des esprits. Pourtant
l’expérience quotidienne laisse percevoir que la démarche scientifique présente des insuffisances dans
maints domaines si bien que la science semble incapable de fournir à l’homme une totale satisfaction
quant à la question de la vérité.
Des lors, peut-on exclusivement faire de la science la détentrice exclusive de la vérité ? En d’autres
termes, la vérité émane-t-elle du discours scientifique ?
Pour résoudre cette préoccupation, il est nécessaire de répondre aux questions suivantes : Quelles sont
les caractéristiques de la connaissance scientifique ? Quel est le processus d’élaboration de la
connaissance scientifique ? De même que la vérité scientifique, la démarche scientifique n’a-t-elle pas
de limites ?
1
A- Les différentes formes de connaissance
Le savoir humain est multiforme. Et les premières formes de ce savoir humain que sont les mythes, les
rites, les croyances magiques, etc. avaient un objectif bien précis : il s’agit de donner une explication
cohérente des phénomènes et de permettre de comprendre leur principe.
Trois formes essentielles de connaissance sont à distinguer : la connaissance vulgaire, la connaissance
philosophique et la connaissance scientifique.
La connaissance scientifique se caractérise par le rejet des connaissances du sens commun qui relèvent
des préjugés, du dogmatisme, des coutumes ou traditions et doit se vouloir un dépassement réel des
faits, des phénomènes sommairement observés pour les expliquer par la connaissance des causes
profondes. Il faut donc dépasser les apparences superficielles. Ainsi, la connaissance scientifique
implique un esprit critique aigu et une objectivité totale. L’esprit scientifique repose sur le sens de la
preuve et le besoin de certitude et d’objectivité. C’est une connaissance qui, selon Auguste COMTE,
dans Cours de philosophie positive, n’est pas naturelle à l’homme et représente la maturité de l’esprit
humain. Les premières appréhensions de l’homme des phénomènes sont entachées
d’anthropomorphisme, de la projection de sa propre psychologie sur la nature, qu’il tient de la tradition
sociale. Ainsi, avec la perception en tant que sensation, représentation d’un objet commence le problème
2
de la connaissance. Mais pour parvenir à une connaissance sûre, certaine et objective, il faut dépasser
la perception immédiate pour capter des messages et les décrypter par l’esprit critique. Les sens nous
fournissent la matière de nos perceptions mais l’esprit, c’est-à-dire l’entendement ou la raison, qui leur
donne une forme, qui les relie. Dans cette pe²rspective, la connaissance scientifique est une
connaissance apodictique, objective, universelle, qui fait l’accord des esprits quant aux résultats, c’est-
à- dire quelle crée l’unanimité.
Mais si la connaissance scientifique est exacte et objective, n’est-ce pas parce qu’elle est méthodique et
respecte une démarche purement propre elle-même ? Quel est donc le processus d’élaboration
connaissance scientifique ?
*Les sciences formelles sont des sciences axiomatico-déductives, c'est-à-dire des sciences du
raisonnement qui tirent des conclusions à partir d’hypothèses. Elles regroupent essentiellement la
logique et les mathématiques. Dans ces sciences, seule importe la forme, la rigueur et la validité du
raisonnement (voir I, -B).
*Les sciences expérimentales, sont des sciences de la nature qui produisent des connaissances
permettant d’agir sur les choses et de prévoir rigoureusement le cours des événements. C’est un
ensemble de sciences fondées sur le raisonnement et l’expérimentation. Elle procède par hypothèse,
émission de théorie et déduction de lois ensuite vérification de cette loi et la confirmer.
Ex : la physique, la chimie.
*Les sciences humaines quant à elles renvoient aux sciences qui étudient ou traitent de ce qui
caractérise l’homme (sa vie), son comportement psychique, ses œuvres, son passé, son histoire, son être
social, etc. Ex : L’Histoire, la sociologie, la psychologie.
La typologie des sciences faite, quels sont les fondements des sciences ?
*La démarche des sciences formelles (Logique et mathématiques) Les sciences formelles représentent
toutes les sciences qui tiennent compte seulement de la forme du raisonnement. Il s’agit en l'occurrence
de la logique et des mathématiques. Née depuis la Grèce antique avec ARISTOTE (384-322 av J.C),
la logique est la science du raisonnement, la science ayant pour objet de déterminer les règles du
jugement et des raisonnements corrects.) Exemple du syllogisme : Tous les hommes sont mortels. Or
Socrate est un homme. Donc Socrate est mortel. Ce syllogisme permet ainsi de réaliser des
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démonstrations fondées sur des raisonnements déductifs rigoureux. La logique est en cela définie par
ARNOLD et NICOLE comme « L’art de bien conduire sa raison dans la connaissance des choses. »,
La logique ou l’art de penser. Les mathématiques, quant à elles, sont une science qui étudie, en partant
du raisonnement déductif, les propriétés d’êtres abstraits (nombres, figures géométriques, fonctions,
espace, etc.) Elles utilisent l’axiomatique, qui est une construction totalement formalisée et qui
introduit une complète abstraction dans les mathématiques. Elle ignore la réalité, c’est-à-dire la
matérialité des propositions. Elle est seulement l’accord de l’esprit avec ses propres conventions.
Autrement dit, elle permet de faire des démonstrations sans erreurs, car la démonstration qui établit la
vérité mathématique est un cheminement méthodique, cohérent et rigoureux. C’est pour cette raison
d’ailleurs que la recherche d’une méthode universelle d’étude ne peut se passer du modèle
mathématique. C’est du moins ce qu’a perçu René DESCARTES dans Les Règles pour la direction de
l’esprit lorsqu’il affirme ceci : « Ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s'occuper
d'aucun objet dont ils ne puissent avoir une certitude égale aux démonstrations de l'arithmétique
et de la géométrie. »
Comme on le voit, la logique et les mathématiques fondent les sciences formelles en ce sens qu’elles
fonctionnent selon un schéma hypothético-déductif dans lequel compte la forme du raisonnement. Un
discours est formellement vrai s’il est cohérent. Les propositions sont rigoureusement déduites les unes
des autres comme dans le syllogisme. Est donc vrai ce qui est logiquement prouvé et démontré : pour
être vrai au plan formel, le discours mathématique ou logique n’a pas besoin que ses objets soient réels
mais que la pensée soit en accord avec ses propres principes logiques. Seule la rigueur, la clarté guident
la démarche dans la recherche et l’exposition de la vérité en science formelle. C’est pourquoi la logique
et les mathématiques sont convergentes, inséparables parce que leurs démarches sont communes comme
le disait d’ailleurs Bertrand RUSSELL en ces termes : « La logique est devenue plus mathématique
et les mathématiques sont devenues plus logiques. La conséquence est qu’il est maintenant impossible
de tracer une ligne de démarcation entre les deux », Introduction à la philosophie mathématique. Elles
fonctionnent toutes les deux sur la base des définitions (un triangle= un polygone), des postulats
(propositions ni évidentes ni démontrables), des axiomes (propositions évidentes absolument), des
prémisses (qui concernent le syllogisme : prémisse majeure + prémisse mineure+ conclusion).
Seulement, à voir la logique et les maths comme pures sciences formelles, on penserait qu’elles sont
coupées de la réalité, pourtant non. En effet, les mathématiques par exemple sont liées à la réalité car
non seulement des notions mathématiques comme le cercle et le plan sont issus de l’expérience
(empiriques) mais aussi parce que les actes de la vie quotidienne ne peuvent se passer de calculer,
compter, mesurer. De même, les formes abstraites que les sciences formelles inventent sont utiles à
l’organisation des connaissances des sciences expérimentales. C’est pourquoi les mathématiques
apparaissent aujourd’hui comme l’instrument, le langage de toutes les sciences, une langue couramment
parlée par les physiciens, les chimistes, les biologistes etc. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à Henri
POINCARRE ceci : « Toutes les lois sont tirées de l’expérience ; mais pour les énoncer, il faut une
langue spéciale. Le langage ordinaire est trop vague pour exprimer des rapports si précis. Voilà donc
une première raison pour laquelle le physicien ne peut se passer des maths, elles lui fournissent la
seule langue qu’il puisse parler », La science et l’hypothèse. Même GALILEE n’a pas manqué de dire
que « Le livre de la nature est écrit dans le langage mathématique » L’Essayeur.
Si les mathématiques et la logique fondent les sciences formelles parce qu’ayant des démarches
similaires, alors qu’en est-il de la démarche dans les sciences humaines ?
Qu’en est-il des sciences expérimentales ? Quelles démarches adoptent-elles ?
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*Le rapport entre Théorie et expérience dans les sciences expérimentales
Les sciences expérimentales (physique, chimie) produisent des connaissances qui permettent d’agir sur
les choses et de prévoir rigoureusement le cours des événements. Elles sont constituées à partir d’un
dialogue permanant entre théorie et expérience. Mais traditionnellement, il existait un conflit entre
théorie et expérience qu’on pourrait résumer entre empirisme ou sensualisme et le rationalisme ou
intellectualisme.
En effet, l’empirisme est une doctrine selon laquelle la connaissance proviendrait de l’expérience
sensible et se réduisant à l’observation passive des faits. Selon cette doctrine, notre esprit est un
réceptacle ou une « tabula rasa » selon John LOCKE, sur laquelle viennent se graver les traces de
l’expérience qui, progressivement, vont constituer la connaissance : « L’esprit humain est une table
rase qui tire ses idées de l’expérience », Essais sur l’entendement humain. L'empirisme s'oppose à tout
innéisme car il n'y a pas d'idées ou de principes innés, tout est conçu ou construit à partir de l'expérience
sensible.
Pour le rationalisme ou l’intellectualisme, la connaissance vient de la seule puissance de la raison,
faculté de juger, de comprendre par rapport à la faculté de sentir ou qui exerce sa puissance de juger à
l’égard des données de la sensibilité. La célèbre analyse de DESCARTES dans Les Méditations, du
morceau de cire, tantôt dur, froid, odorant à présent, chaud, liquide, insipide, est la preuve de la
disqualification de la perception sensible au profit de l’entendement ou de la seule puissance de juger.
Pour lui : « L’authentique recherche de la vérité doit obéir à un ensemble de principes, de règles que
la pensée doit suivre », Règles pour la direction de l’esprit.
Par ailleurs, avec l’avènement du criticisme de KANT, le parallélisme de l’empirisme et du
rationalisme disparait pour faire face à une connexion entre la pensée et le réel. Ainsi, la fécondité de la
connaissance se trouve dans le rapport solidaire entre la raison qui engendre la théorie et l’expérience
qui est issue des faits. Selon KANT, dans sa Critique de la raison pure, « La connaissance suppose
deux éléments : le concept par lequel l’objet est pensé et l’intuition sensible par laquelle il est donné ».
C’est ce jeu de complémentarité entre la raison et l’expérience ou la théorie et l’expérience que Claude
BERNARD dans Introduction à l’étude de la médecine expérimentale exprime en ces termes : « Le
savant complet est celui qui embrasse à la fois la théorie et l’expérience ». Le débat est clair. Il ne
s’agit plus aujourd’hui de connaitre les origines de nos connaissances ou de gérer quelques conflits que
ce soit entre théorie et expérience ou entre rationalisme et empirisme, mais de savoir que la méthode
scientifique obéit à une démarche qui ne peut se passer ni de la théorie, ni de l’expérience.
Quelles sont donc les étapes de la démarche des sciences expérimentales ?
D’abord, elle commence par l’observation des faits. En effet, les phénomènes qui se produisent dans
la nature sont le plus souvent accompagnés de prétendues explications. Mais il arrive que ces soi-disant
explications soient contredites par de nouveaux faits. Cette contradiction qu’on appelle le fait-question
ou fait-polémique doit être résolue, d’où la nécessité d’une hypothèse. L’hypothèse apparait donc la
seconde étape expérimentale pour résoudre la contradiction soulevée par les explications antérieures et
les faits nouvellement découverts. L’hypothèse relève de l’imagination rationnelle. Claude Bernard
disait à ce propos que « L’hypothèse expérimentale n’est que l’idée scientifique, préconçue ou
anticipée », Introduction à l’étude de la médecine expérimentale.
Mais n’est-ce pas le vérification ou l’expérimentation qui donne sens et valeur à l’hypothèse ?
Enfin, la vérification ou l’expérimentation est la seule phase finale de la démarche des sciences de la
nature. Ici, l’hypothèse n’a de valeur scientifique que si elle a été vérifiée ou expérimentée comme le
disait C. Bernard : « ou bien l’hypothèse de l’expérimentateur sera infirmée ou bien elle sera
confirmée par l’expérimentation » Introduction à l’étude de la médecine expérimentale. C’est dire que
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si la vérification infirme l’hypothèse, alors cette dernière est rejetée et remplacée par une autre. Dans le
cas échéant, si elle est confirmée, elle devient une vérité ou loi scientifique. En un mot, la vérification
impose et confirme la véracité des hypothèses ou propositions.
*Les sciences humaines ont pour objet l’étude de l’être humain et de ses comportements aussi bien
individuels que collectifs. Ce sont entre autres l’histoire, la psychologie, la sociologie,
l’anthropologie, l’ethnologie etc. Selon l’épistémologue Suisse Jean PIAGET, dans son œuvre
Epistémologie des sciences, : « En bref, les sciences comme la psychologie, la sociologie (…) se sont
dissociées de la philosophie (…) pour s’attribuer d’avance une sorte de brevet d’exactitude
supérieur. » Cela témoigne de ce que les sciences de l’homme ont choisi d’être des sciences, avec une
mission scientifique bien appropriée. Elles ne sont pas des sciences exactes comme les mathématiques,
par exemple, mais elles sont tout de même des sciences inductives qui veulent instruire l’homme sur le
vivant qu’il est.
Mais ces démarches scientifiques, aussi convaincante qu’elles soient, ne présentent-elles pas des
insuffisances ?
Aussi bien méthodique qu’elle puisse être, la science présente d’énormes insuffisances dans sa
démarche tant dans les sciences logico-formelles, dans les sciences expérimentales que dans les
sciences humaines où surgissent des problèmes bioéthiques.
Des lors, quelles sont les limites de la démarche scientifique et quels sont les problèmes bioéthiques liés
à la connaissance du vivant et de l’homme ?
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Dans les sciences expérimentales, il convient de remarquer qu’elles reposent sur l’observation ; et cette
observation est souvent imparfaite ou alors elle ne prend pas en compte tous les éléments. La découverte
de nouveaux éléments entraîne la remise en cause des vérités acquises. Il faut alors les corriger. C’est
le cas par exemple de la lumière qui a été expliquée comme étant constituée de corpuscules en
mouvement. Mais lorsque l’expérience a révélé que la rencontre de deux lumières produit des zones
d’ombre, cette théorie a été abandonnée au profit de la théorie ondulatoire. Comme l’affirme Blaise
PASCAL : « Les secrets de la nature sont cachés ; le temps les révèle d’âge en âge. » Pensées. De
plus, la démarche des sciences expérimentales n’est pas dépourvue de toute subjectivité. En effet,
l’hypothèse, point de départ de toute démarche expérimentale, est l’idée première du savant. Le savant
invente en partant des éléments de l’univers. Il imagine des hypothèses à partir des données de son
univers vécu. La confirmation de cette hypothèse en devenant loi ou théorie rend compréhensible cet
univers. (Cela) Elle dénote donc de sa subjectivité. Cf. Claude BERNARD, Introduction à l’étude de
la médecine expérimentale. Au fondement de la démarche scientifique se trouve la croyance.
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Au-delà des caractéristiques du vivant, notons que de nombreuses théories ainsi que la biologie elle-
même s'arrogent le droit de connaître et expliquer le vivant à travers : Le finalisme, le mécanisme, le
vitalisme.
Le finalisme : c’est une doctrine théologico-métaphysique qui prétend que toute vie a une finalité. La
nature elle-même obéirait à un plan qui expliquerait sa structure par les fonctions qu’elle à remplir. À
ce sujet, Aristote écrit que « Ce n’est pas le hasard, mais la finalité qui règne dans les œuvres de la
nature et à un haut degré », Traité sur les parties des animaux, Livre I, Chapitre 5. Autrement dit, la
nature ne fait rien en vain. Exemple, les yeux sont faits pour voir, les ailes de l’oiseau sont faites pour
voler, etc.
Le mécanisme : c’est une doctrine philosophique et scientifique qui pense que l’univers et tous les
phénomènes qui s’y déroulent peuvent et doivent s’expliquer par les lois des mouvements matériels.
Pour cette théorie, le vivant en tant que corps doit s’expliquer de la même manière que les autres
phénomènes de la nature c'est-à-dire à travers les lois mathématiques et physico-chimiques. C’est
pourquoi Descartes écrit que « Je suppose que le corps n’est autre chose qu’une nature ou une
machine de terre (…) Dieu met au-dedans toutes les pièces qui sont requises pour faire qu’elle
mange, qu’elle respire », Discours de la méthode.
Le vitalisme : les insuffisances du finalisme et du mécanisme vont nous conduire au vitalisme qui est
une doctrine philosophique initiée par Aristote et qui stipule que la vie est l’expression d’une force «
vitale » immatérielle qui animerait et disposerait les corps selon une certaine finalité.
Quant à l'approche organiciste du vivant, inauguré par KANT qui affirme dans Critique de la faculté
de juger qu’« un être organisé n’est pas une simple machine », elle diffère à la fois du finalisme, du
vitalisme et du mécanisme. En effet, se référant à cette phrase de Georges Canguilhem selon laquelle
« Dans un organisme, on observe et ceci est trop connu pour que l’on insiste, des phénomènes
d’autoconstitution, d’autorégulation, d’autoréparation » La connaissance de la vie, on se rend compte
que ces différents phénomènes ne sont pas observables dans la machine qui dépend absolument de
l’action de l’homme quant à sa conception, sa régulation, sa réparation et sa conservation. C’est
pourquoi la connaissance du vivant s’est formalisée et est devenue aujourd’hui une science positive
appelé la biologie qui tente d’avoir une connaissance plus objective du vivant. Et pour y parvenir, elle
a adopté un certain nombre de méthodes parmi lesquels nous avons l’anatomie ou la dissection qui
consiste à couper ou à ouvrir les parties d’un corps organisé vivant ou mort pour en faire l’examen.
Disséquer un corps ou un cadavre, c’est le décomposer en vue de l’étude du fonctionnement des organes.
Il y’a aussi la vivisection qui est une dissection opérée sur un animal vertébré vivant, à titre d'expérience
scientifique, en particulier dans le but d'établir ou de démontrer certains faits en physiologie ou en
pathologie.
Mais les progrès scientifiques dans le cadre de la biologie suscitent de nombreuses inquiétudes
relatives aux pratiques médicales et biologiques sur l’être humain, et les interventions sur les êtres et les
milieux non humains. Ces pratiques biotechnologiques blessent l’homme dans son être profond car ne
tiennent pas compte, des mœurs, des valeurs morales humaines. Parmi ces pratiques biotechnologiques
appliquées au vivant, nous avons la procréatique, la génétique, l’intervention sur le vieillir et le
mourir, sur le corps humain, la manipulation de la personnalité et l’intervention sur le cerveau
humain, l’intervention sur les êtres non humains.
Toutes ces pratiques citées ont des conséquences néfastes sur le vivant, sa dignité et suscitent de
nombreuses interrogations venant de la part des hommes de droit, des philosophes, des moralistes et des
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religieux. Et c’est pour palier à ces éventuelles conséquences de la biotechnologie et respecter la dignité
humaine qu’est née la bioéthique. Elle est une partie de l’éthique qui provient du grec « ethos » qui
renvoie au comportement, aux mœurs. La bioéthique devient donc l’étude des préceptes moraux qui
doivent présider aux pratiques médicales et biologiques concernant l’être humain. La bioéthique
a vocation à être pluridisciplinaire puisque sa portée s’étend aussi bien à la médecine et à la biologie
qu’à la philosophie, au droit, à la théologie, en cherchant à établir ou à définir les frontières du possible
et du légitime, c'est-à-dire définir les normes qui doivent guider les recherches ou pratiques scientifiques
sur le vivant. L’un des premiers problèmes bioéthiques liés à la connaissance du vivant est la
procréatique qui est une pratique englobant toutes les nouvelles techniques liées à la procréation : le
diagnostic prénatal, l’insémination artificielle (avec donneur ou IAD, avec conjoint ou IAC), la
fécondation in vitro avec transfert d’embryon ou FIVETTE, la location de l’utérus, la
conservation du sperme et d’embryon congelé. Ces techniques posent à l’humanité d’énormes
problèmes à dimension éthique parmi lesquels ceux du statut de l’embryon, du corps humain, de la
personne, de la sexualité et de la mère porteuse ; le problème du brouillage de la filiation, de
l’insémination post mortem, de l’anonymat du donneur, la stérilisation des handicapés mentaux ou des
personnes à haut risques génétique, etc. La biotechnique provoque donc des problèmes bioéthiques
notamment par l’intervention sur le vieillir et le mourir (acharnement thérapeutique sur un patient en
vue de prolonger à tout prix sa vie, ou l’euthanasie), l’intervention sur le corps humain avec la
commercialisation des organes humains, etc. L’ensemble de ces pratiques scientifiques ou
biotechnologiques citées ci-dessus, domaine de la biologie, posent des problèmes bioéthiques car elles
dévalorisent le vivant, engendrent de nouveaux problèmes, le réduisent en un simple cobaye fait pour
l’expérimentation. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », cette phrase de Rabelais
exhorte donc l’homme à la moralisation de ses pratiques scientifiques.
Toutes ces conséquences liées aux pratiques scientifiques ne sont-elles pas la preuve que la vérité
scientifique a des limites ?
CONCLUSION
Nous devons retenir que loin d’avoir le monopole de la vérité, la science n’exprime qu’un type
particulier de vérité parmi tant d’autres. Ainsi, la vérité du cœur, celle de la foi, de la philosophie, de
l’esthétique et de la politique, sont des valeurs complémentaires de la vérité scientifique. La science et
la poésie selon Bachelard se complètent dans un esprit capable de s’ouvrir l’une à l’autre : « elles
doivent s’unir comme deux contraires bien faits ».
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ACTIVITE D’APPLICATION
SITUATION D’EVALUATION
EXERCICES
ACTIVITE D’APPLICATION 1
Ecris dans la case devant chaque proposition VRAI si elle est juste et FAUX si elle est fausse :
ACTIVITE D’APPLICATION 2
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ACTIVITE D’APPLICATION 3
Ton voisin de classe te sollicite car il ne connait pas les étapes d’élaboration de la vérité scientifique.
Aide-le à les ordonner convenablement :
1. …………………………………………………………
2. …………………………………………………………
3. …………………………………………………………
SITUATION D’EVALUATION 1
Dans le cadre d’un travail de recherches sur la connaissance scientifique, le sujet suivant est soumis
aux élèves de la Terminale A : Nos connaissances résultent-elles de l’expérience ?
Dans une production argumentée, donne ton point de vue sur cette question.
Corrigé
I. Définition des termes et expressions difficiles et essentiels
Nos connaissances : L’ensemble de ce que l’on a appris, les savoirs de l’homme, la vérité, la
certitude…
résultent-elles de : viennent-elles de, découlent-elles de, ont-elles pour source ou pour
origine…
l’expérience : connaissances acquises par les sens, ensemble du perçu, connaissances acquises
par le vécu et l’habitude…
Argument 1 : Selon l’empirisme nos sens sont l’unique source de nos savoirs ; le contact de nos sens
avec les objets, le toucher, le goût suffisent à nous instruire sur les choses. Cf. David Hume, à la question
d’où viennent nos connaissances : « Je réponds en un mot : de l’expérience ». Le contact de nos sens
avec les objets.
Argument 2 : Pour les sens commun nos savoirs viennent du vécu quotidien et de l’habitude. Exemple :
le ciel sombre est le signe annonciateur de la pluie.
Axes 2 : Nos connaissances ne viennent pas de nos sens mais de notre raison seule
Argument 1 : Nos organes de sens ne sont pas toujours fiables.
Cf. Descartes : « Nos sens nous trompent quelque fois. » Méditations métaphysiques
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Argument 2 : Cf. Hegel : « Tout ce qui est réel est rationnel et tt ce qui est rational est réel.» Principes
de la philosophie du droit
SITUATION D’EVALUATION 2
Dans le cadre d’une réflexion sur la connaissance scientifique, les élèves de la terminale A ont eu le
texte ci-dessous comme support.
Je ne puis faire entendre la conduite que l’on doit garder pour rendre les démonstrations convaincantes,
qu’en expliquant celles que la géométrie observe, et je ne le puis faire parfaitement sans donner
auparavant l’idée d’une méthode encore plus éminente et accomplie, mais où les hommes ne sauraient
arriver : car ce qui passe la géométrie nous surpasse (…). Cette véritable méthode, qui formerait les
démonstrations de la plus haute excellence, s’il était possible d’y arriver, consisterait en deux choses
principales : l’une, de n’employer aucun terme dont on n’eût auparavant expliqué nettement le sens ;
l’autre, de n’avancer aucune proposition qu’on ne démontrât par des vérités déjà connues ; c’est-à-dire,
en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions.
Certainement cette méthode serait belle, mais elle est absolument impossible : car il est évident que les
premiers termes qu’on voudrait définir en supposeraient d’autres qui les précédassent ; et ainsi il est
clair qu’on n’arriverait jamais aux premières. Aussi, en poussant les recherches de plus en plus, on
arrive nécessairement à des mots primitifs qu’on ne peut plus définir, et à des principes si clairs, qu’on
n’en trouve plus, qui soient davantage pour servir à leur preuve. D’où, il paraît que les hommes sont
dans une impuissance naturelle et immuable de traiter quelque science que ce soit, dans un ordre
absolument accompli.
Blaise PASCAL, De l’esprit géométrique.
Corrigé
I-LA PROBLEMATIQUE DU TEXTE
Thème : La méthode géométrique
Problème : Y a-t-il une méthode qui surpasse la méthode géométrique ? Est-il possible, pour l’esprit
humain, de parvenir à la connaissance par une méthode plus accomplie que la méthode géométrique ?
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Thèse : En dehors de la méthode géométrique, les hommes ne peuvent parvenir à la vérité car ils sont
dans une impuissance naturelle et immuable de traiter quelque science que ce soit, dans un
ordre absolument accompli.
Intention : Montrer que la méthode géométrique est le modèle de toute démarche scientifique.
L’enjeu : La connaissance.
Critique externe : Enjeu problématisé : La méthode géométrique est-elle la voie la plus sûre pour
parvenir à une connaissance parfaite ?
AXE 1 : L’esprit géométrique en tant qu’esprit mathématique est un exemple de rationalité, de rigueur
qui conduit à la certitude. A l’œuvre dans la construction des raisonnements mathématiques, l’esprit
géométrique définit des termes et procède à des raisonnements rigoureux, ce qui aboutit à des
conclusions nécessaires.
Cf. René DESCARTES : « Ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s'occuper
d'aucun objet dont ils ne puissent avoir une certitude égale aux démonstrations de l'arithmétique
et de la géométrie. » Règles pour la direction de l’esprit.
-L’esprit géométrique consiste à s’abstraire de la réalité et à s’élever au-dessus de la réalité sensible
soumise au changement, pour ne considérer que les réalités immuables. En cela, la méthode géométrique
est plus crédible, car la connaissance véritable porte sur des choses immuables.
Cf. PLATON : « Nul n’entre ici, s’il n’est géomètre. » La République.
AXE 2 : La géométrie à des limites, elle est une science exacte et non absolue, appelée à se rectifier
lorsqu’on change de paradigme. Comme c’est le cas de la géométrie non euclidienne. Cela dit, elle n’est
pas toujours un modèle de méthode.
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Cf. Robert BLANCHE : « La géométrie euclidienne était longtemps demeurée l'exemple le plus
accompli. Examinée avec une sévérité nouvelle, la déduction géométrique classique se révélait
fautive sur bien des points. » L’Axiomatique.
Cf. Bertrand RUSSEL : « Les mathématiques peuvent être définies comme le domaine dans
lequel on ne sait jamais de quoi l’on parle, ni si ce que l’on dit est vrai. » Mysticisme et logique.
ETUDE ORDONNEE
Dans ce premier mouvement, Blaise PASCAL expose et critique l’idée d’une méthode parfaite,
accomplie. D’aucuns pensent en effet qu’il est possible de trouver une méthode parfaite qui rendra les
démonstrations plus convaincantes que la méthode géométrique. Celle-ci consiste à définir les termes
peu clairs et à démontrer, à partir de termes, les propositions qui ne sont pas elles-mêmes démontrées.
Pour les partisans de la méthode parfaite, la méthode géométrique est en cela limitée. La véritable
méthode consisterait à tout définir et à tout démontrer, de telle sorte qu’il ne serait jamais demandé à la
raison d’accepter quelque chose qui ne fut préalablement prouvé de manière absolument certaine.
Pascal loue cette idée, mais ne la partage pas car pour lui : « cette méthode serait belle, mais elle est
absolument impossible ». En effet, si nous voulons tout définir et tout démontrer, il nous faudrait nous
engager dans une régression à l’infini. Ce dont notre esprit est proprement incapable. Aussi ajoute-t-il
ceci : « car il est évident que les premiers termes qu’on voudrait définir en supposeraient d’autres
qui les précédassent ; et ainsi il est clair qu’on n’arriverait jamais aux premières. » On peut donc
retenir à la fin de ce passage que selon Pascal, si la méthode géométrique est inférieure à la méthode
accomplie, celle-ci nous entraîne dans un exercice sans fin. C’est pourquoi, après avoir montré la
difficulté de la méthode accomplie, Pascal conclut dans le second mouvement à l’impossibilité de cette
méthode. Il affirme en effet ceci : « D’où, il paraît que les hommes sont dans une impuissance
naturelle et immuable de traiter quelque science que ce soit, dans un ordre absolument
accompli. » Il faut entendre ici l’incapacité constitutionnelle de l’homme due à sa nature et cette
incapacité de changer, améliorer des insuffisances naturelles liées à la connaissance du réel et des
choses. Il s’en suit que l’homme ne peut établir une connaissance irréprochable, sans limites. Pascal
veut donc dire que dans l’étude de la réalité, notre raison est incapable de trouver une méthode parfaite
qui puisse expliquer absolument les choses. Cela parce que notre esprit est limité naturellement, limites
qui ne peuvent être corrigées. C’est dire au final que pour Pascal, la prétendue méthode accomplie est
une illusion. Il vaut mieux se contenter de la méthode géométrique qui bien que limitée est plus
réalisable.
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DOCUMENTS A CONSULTER
TEXTE A LIRE
TEXTE n°1 :
Il semble que l'on fait consister proprement la possession de la philosophie dans le manque de
connaissances et d'études, et que celles-ci finissent quand la philosophie commence. On tient souvent
la philosophie pour un savoir formel et vide de contenu. Cependant, on ne se rend pas assez compte que
ce qui est Vérité selon le contenu, dans quelque connaissance ou science que ce soit, peut seulement
mériter le nom de Vérité si la philosophie l'a engendré ; que les autres sciences cherchent autant qu'elles
veulent par la ratiocination à faire des progrès en se passant de la philosophie il ne peut y avoir en elles
sans cette philosophie ni vie, ni esprit, ni vérité.
Hegel, Phénoménologie de l'esprit, introduction, Ed. Aubier-Montaigne, p.58.
TEXTE n°2 :
Qu'est-ce que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies,
d'anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et
rhétoriquement haussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes,
canoniales et contraignantes : les vérités sont des illusions dont on a oublié ce qu'elles sont, des
métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaies qui ont perdu
leur empreinte et qui entrent dès lors en considération non plus comme pièces de monnaie mais comme
métal.
Nietzsche, Le Livre du philosophe, Garnier-Flammarion, 1991, p.123
TEXTE n°3 :
"Un credo religieux diffère d'une théorie scientifique en ce qu'il prétend exprimer la vérité éternelle et
absolument certaine, tandis que la science garde un caractère provisoire : elle s'attend à ce que des
modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard nécessaires, et se rend compte que sa
méthode est logiquement incapable d'arriver à une démonstration complète et définitive. Mais, dans une
science évoluée, les changements nécessaires ne servent généralement qu'à obtenir une exactitude
légèrement plus grande ; les vieilles théories restent utilisables quand il s'agit d'approximations
grossières, mais ne suffisent plus quand une observation plus minutieuse devient possible. En outre, les
inventions techniques issues des vieilles théories continuent à témoigner que celles-ci possédaient un
certain degré de vérité pratique, si l'on peut dire. La science nous incite donc à abandonner la recherche
de la vérité absolue, et à y substituer ce qu'on peut appeler la vérité "technique", qui est le propre de
toute théorie permettant de faire des inventions ou de prévoir l'avenir. La vérité "technique" est une
affaire de degré : une théorie est d'autant plus vraie qu'elle donne naissance à un plus grand nombre
d'inventions utiles et de prévisions exactes. La "connaissance" cesse d'être un miroir mental de l'univers,
pour devenir un simple instrument à manipuler la matière."
Bertrand Russell, Science et religion
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TEXTE n°4 :
Je crois que le cerveau humain a une exigence fondamentale : celle d’avoir une représentation unifiée
et cohérente du monde qui l’entoure, ainsi que des forces qui animent ce monde. Les mythes, comme
les théories scientifiques, répondent à cette exigence humaine. Dans tous les cas, et contrairement à ce
qu’on pense souvent, il s’agit d’expliquer ce qu’on voit par ce qu’on ne voit pas, le monde visible par
un monde invisible qui est toujours le produit de l’imagination. Par exemple, on peut regarder la foudre
comme l’expression de la colère divine ou comme une différence de potentiel entre les nuages et la
Terre ; on peut regarder une maladie comme le résultat d’un sort jeté à une personne, ou comme le
résultat d’une infection virale, mais, dans tous les cas, ce qu’on invoque comme cause ou système
d’explication, ce sont des forces invisibles qui sont censées régir le monde. Par conséquent, qu’il
s’agisse d’un mythe ou d’une théorie scientifique, tout système d’explication est le produit de
l’imagination humaine. La grande différence entre mythe et théorie scientifique, c’est que le mythe se
fige. Une fois imaginé, il est considéré comme la seule explication du monde possible. Tout ce qu’on
rencontre comme évènement est interprété comme un signe qui confirme le mythe. Une théorie
scientifique fonctionne de manière différente. Les scientifiques s’efforcent de confronter le produit de
leur imagination (la théorie scientifique) avec la « « réalité », c'est-à-dire l’épreuve des faits observables.
De plus, ils ne se contentent pas de récolter des signes de sa validité, ils s’efforcent d’en produire
d’autres, plus précis, en la soumettant à l’expérimentation. Et les résultats de celle-ci peuvent s’accorder
ou non à la théorie. Et si l’accord ne se fait pas, il faut jeter la théorie et en trouver une autre. Ainsi le
propre d’une théorie scientifique est d’être tout le temps modifiée ou amendée. »
François Jacob « L’évolution sans projet » in Le darwinisme aujourd’hui
TEXTE n°5 :
Nous pouvons si nous le voulons distinguer quatre étapes différentes au cours desquelles pourrait être
réalisée la mise à l'épreuve d'une théorie. Il y a, tout d'abord, la comparaison logique des conclusions
entre elles par laquelle on éprouve la cohérence interne du système. En deuxième lieu s'effectue la
recherche de la forme logique de la théorie, qui a pour objet de déterminer si elle constituerait un progrès
scientifique au cas où elle survivrait à nos divers tests. Enfin, la théorie est mise à l'épreuve en procédant
à des applications empiriques des conclusions qui peuvent en être tirées. Le but de cette dernière espèce
de test est de découvrir jusqu'à quel point les conséquences nouvelles de la théorie - quelle que puisse
être la nouveauté de ses assertions - font face aux exigences de la pratique, surgies d'expérimentations
purement scientifiques ou d'applications techniques concrètes. Ici, encore, la procédure consistant à
mettre à l'épreuve est déductive. A l'aide d'autres énoncés préalablement acceptés, l'on déduit de la
théorie certains énoncés singuliers que nous pouvons appeler « prédictions » et en particulier des
prévisions que nous pouvons facilement contrôler ou réaliser. Parmi ces énoncés l'on choisit ceux qui
sont en contradiction avec elle. Nous essayons ensuite de prendre une décision en faveur (ou à
l'encontre) de ces énoncés déduits en les comparant aux résultats des applications pratiques et des
expérimentations. Si cette décision est positive, c'est-à-dire si les conclusions singulières se révèlent
acceptables, ou vérifiées, la théorie a provisoirement réussi son test : nous n'avons pas trouvé de raisons
de l'écarter. Mais si la décision est négative ou, en d'autres termes, si, les conclusions ont été falsifiées,
cette falsification falsifie également la théorie dont elle était logiquement déduite. Il faudrait noter ici
qu'une décision ne peut soutenir la théorie que pour un temps car des décisions négatives peuvent
toujours l'éliminer ultérieurement. Tant qu'une théorie résiste à des tests systématiques et rigoureux et
qu'une autre ne la remplace pas avantageusement dans le cours de la progression scientifique, nous
pouvons dire que cette théorie a « fait ses preuves » ou qu'elle est « corroborée ».
KARL Popper, La Logique de la découverte scientifique (1934), Paris, Ed. Payot, 1973, pp 29-30.
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