Aaron Kosminski
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Aaron Kośmiński, né le à Kłodawa, dans l'Empire russe (aujourd'hui en Pologne) et mort le à Londres (Royaume-Uni), est un barbier londonien d'origene juive polonaise, connu pour être l'un des suspects dans l'affaire des crimes commis par Jack l'Éventreur entre août et novembre 1888.
En 2014, un homme d'affaires affirme être en mesure de prouver la culpabilité de Kośmiński grâce à un châle qui aurait appartenu à une victime de l'assassin. Plusieurs chercheurs remettent en cause la crédibilité scientifique de cette enquête en pointant l'imprécision des analyses de l'ADN retrouvé sur la pièce de tissu ainsi que les incertitudes relatives à l'origene et la transmission de l'objet.
Biographie
[modifier | modifier le code]Aaron Mordke Kozminski est le fils d'Abram Józef Kozmiński, un tailleur et de Golda Lubnowska[1]. Il émigre en Angleterre en 1882 avec sa sœur et ses deux frères[2], pour fuir les pogroms en Russie[3]. Puis il exerce le métier de barbier dans le quartier londonien de Whitechapel. Il est interné dans divers asiles à partir de et meurt en 1919. La date de sa mort reste cependant incertaine[4].
D'après Martin Fido[5] et Donald Rumbelow[6], spécialistes de Jack l’Éventreur, il souffre d'hallucinations auditives et de peurs paranoïaques. Il refuse entre autres de se laver. Durant ses longues années d'internement, il perd beaucoup de poids. Quand il meurt à l'hôpital psychiatrique de Leavesden (en) à 53 ans, à la suite d'une gangrène de la jambe gauche[7], il ne pèse plus que 44 kilos[8].
Premières accusations
[modifier | modifier le code]Kosminski fait partie de la liste des suspects de Scotland Yard au moment de l'affaire[9].
Après la série de meurtres, il avait été interrogé par Scotland Yard puis confronté à un témoin, juif polonais lui aussi[10], qui avait aperçu l'une des victimes en compagnie d'un homme peu avant qu'elle ne soit assassinée. Dans un premier temps, il aurait d'abord identifié sans hésitation Kosminski, puis s'était ensuite rétracté[9]. Par manque de preuves, il fut relâché par la police, se réinstalla chez son frère Wolf Kosminski, à Sion Square, en plein cœur de Whitechapel, avant d'être admis en à Mile End Old Town Infirmary[11],[12].
En 1894, Melville Macnaghten, chef du département d'enquêtes criminelles de Scotland Yard depuis 1890, écrit dans un memorandum que l'un des suspects est un juif polonais nommé Kosminski. Ce mémo est révélé au public en 1970[8] .
En 1910, Robert Anderson, assistant commissaire du bureau d’investigation criminelle de Scotland Yard, écrit dans ses mémoires, The Lighter Side of My Official Life, que l'Éventreur était un juif polonais de basse classe[13],[14]. Selon des notes écrites à la main dans un exemplaire du livre d'Anderson par l'inspecteur en chef Donald Swanson, qui avait été le subordonné d'Anderson dans l'enquête de la police, ce juif polonais, non nommé par Anderson, était Aaron Kosminski et si le témoin qui l'avait reconnu refusait de l'accuser, c'est parce que ce témoin, lui-même juif, ne voulait pas faire condamner un autre juif à mort. (Voir l'article Mesirah.) Le nom de Kosminski fut révélé au public en 1988[15],[16].
Trevor Marriott, dans son ouvrage de 2005, explique que Kosminski vivait tout près des sites des meurtres[17], s'appuyant en cela sur les travaux de 1987 de Martin Fido[12]. Toutefois, il ne considère pas pour autant qu'il s'agisse du coupable[18],[19],[20].
L'accusation de 2014
[modifier | modifier le code]L'enquête de Russell Edwards
[modifier | modifier le code]Le Daily Mail du [21],[22], annonce la levée du mystère grâce à l'ADN. À l'origene de cette information se trouve Russell Edwards, un homme d’affaires et enquêteur amateur. Déjà par le passé, l'ADN avait été consulté mais sans grand succès, désignant à chaque fois un nouveau coupable tel Walter Sickert, et même une femme comme en témoigne l'analyse de 2006[23].
Russell Edwards affirme qu'il détient un châle qui aurait été trouvé auprès d'une des victimes de Jack l’Éventreur — Catherine Eddowes assassinée en 1888[3] et qu'il a acquis en 2007 dans une salle des ventes ; Russell Edwards accepte sans autre preuve les affirmations de son vendeur, bien qu'aucun châle n'ait jamais été référencé par Scotland Yard lorsque la liste officielle[24] des vingt-huit objets et vêtements trouvés sur et auprès de Kate Eddowes fut dressée[9],[25],[26].
Le vendeur explique cette absence par un vol commis au préalable par un policier, le sergent Amos Simpson. Malgré l'état maculé de l'étoffe[27],[25], Amos Simpson l'aurait subtilisée afin de l'offrir à son épouse, couturière de profession. Mme Simpson, l'aurait rangé sans plus y revenir. Le châle ayant passé par héritage de génération en génération sans que nul le touche, sa préservation aurait été ainsi assurée durant 126 ans[25],[23].
Un examen faisant apparaître des traces de sperme, Russel Edward décide de porter son attention sur Kosminski en raison des motifs du châle, typiques de l'Europe de l'Est. Il contacte une descendante de la sœur de Kośmiński, qui accepte de fournir son ADN. Analyse faite, le verdict tombe : Kosminski aurait été en contact avec la prostituée et Edwards en conclut qu'il s'agit donc du meurtrier et non simplement d'un client[28],[23]. Dès le , au lendemain d'une annonce très médiatisée de ses conclusions, un ouvrage retraçant son enquête sort en Grande-Bretagne sans plus attendre celles qui résulteront d'examens officiels[29].
Le , les chercheurs Jari Louhelainen et David Miller affirment qu'une analyse scientifique du châle confirme l'hypothèse de Russell Edwards[30] mais l'anthropologue Kristina Killgrove pointe plusieurs incohérences de leur étude[31].
Des incohérences pointées du doigt
[modifier | modifier le code]Dès 2014, la conclusion de Russell Edwards est rapidement remise en cause par des spécialistes en médecine légale et en génétique[32] ainsi que par des historiens et des experts en diverses disciplines.
Le « ripperologue[33] » Trevor Marriott souligne que les tests effectués à la demande de la maison d'enchères Sotheby's permettent de dater le châle de l'époque édouardienne et non victorienne. Sa fabrication remonte aux années 1900, douze ans après les meurtres de Whitechapel[34].
Le généticien Alec Jeffreys, développeur des techniques de recherches ADN, exprime publiquement ses réserves[25]. Peter Gill, lui-même chef de file dans la discipline du profilage ADN[35], souligne autant l'origene douteuse du châle que le manque de fiabilité des analyses en raison du nombre de personnes ayant manipulé l'étoffe[36],[37], notamment des descendants de Catherine Eddowes lors de conventions sur Jack l’Éventreur (possibilités de contamination croisée)[38].
De plus, selon les spécialistes de la médecine légale comme le docteur David Miller, il semble impossible de trouver des éléments exploitables au bout de 126 ans[21]. L'historien Donald Rumbelow, spécialiste de Jack l'Éventreur, constate de son côté que le policier voleur de châle était en fonction hors de Londres et ne pouvait se trouver sur les lieux[39].
Enfin, l'analyse génétique ne porte pas sur l'ADN nucléaire (ADN qui se dégrade le plus vite) mais sur l'ADN mitochondrial « peu discriminant, qui permet d'éliminer des suspects mais non d'en isoler un seul en particulier vu que 40 % de la population le partage »[40]. Ainsi, cet ADN pourrait correspondre au moins à 400 000 autres personnes en 1888[34].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Robert House, « The Kozminski File », Ripperologist, no 65, mars 2006.
- Begg, Paul (2003). Jack the Ripper: The Definitive History. London: Pearson Education. (ISBN 0-582-50631-X), p. 269–273
- Jack l'Eventreur identifié grâce à des tests ADN, 20 Minutes, 8 septembre 2014.
- (en) Jack the Ripper was Polish immigrant Aaron Kosminski, book claims, The Guardian, 8 septembre 2014.
- Fido, Martin (1987). The Crimes, Death and Detection of Jack the Ripper. Vermont: Trafalgar Square. (ISBN 978-0-297-79136-2), p. 216
- Rumbelow, Donald (2004). The Complete Jack the Ripper: Fully Revised and Updated. Penguin Books. (ISBN 0-14-017395-1), p. 180
- (en) Stewart P Evans, Jack the Rippe. Scotland Yard Investigates, The History Press, , p. 307
- Lekh, S.K.; Langa, A.; Begg, P.; Puri, B.K. (1992), The case of Aaron Kosminski: was he Jack the Ripper?, Psychiatric Bulletin, vol. 16, p. 786–788
- Jack l'éventreur enfin identifié ?, Direct Matin, 8 septembre 2014.
- « BBC NEWS / UK / England / London / Detective 'solved' Ripper mystery », sur bbc.co.uk (consulté le ).
- (en) Terry Lynch, Jack the Ripper, Wordsworth Editions, , p. 193
- (en) Martin Fido, The crimes, detection and death of Jack the Ripper, Barner & Noble, , p. 225.
- (en) Begg, Paul (2003). Jack the Ripper: The Definitive History. London: Pearson Education. (ISBN 0-582-50631-X), p. 266.
- (en) Stewart P.Evans, Donald Rumbelow, Jack the Ripper: Scotland Yard Investigates. Stroud, Gloucestershire: Sutton Publishing (2006). (ISBN 0-7509-4228-2), p. 236.
- (en) Detective 'solved' Ripper mystery , Steven Shukor, BBC, 13 juillet 2006.
- (en) Ripper case notes given to museum, BBC, 13 juillet 2006.
- Marriott, Trevor (2005). Jack the Ripper: The 21st Century Investigation. London: John Blake. (ISBN 1-84454-103-7), p. 238
- « i can still find no motive or no evidence that he was jack the ripper », Marriott, Trevor (2005). Jack the Ripper: The 21st Century Investigation. London: John Blake. (ISBN 1-84454-103-7), chap. 16.
- (en) David paul, « Jack the Ripper mystery solved by top detective after 125 years », Daily Express, (lire en ligne).
- (en) Rose Parker et Ted Thornhill, « Jack Ripper 1st picture-Carl Feigenbaum identified killer lawyer », The Daily Mail, (lire en ligne).
- (en) Jack the Ripper unmasked: How amateur sleuth used DNA breakthrough to identify Britain's most notorious criminal 126 years after string of terrible murders, The Daily Mail, 6 septembre 2014.
- « Le mystère Jack l’Éventreur finalement élucidé? », sur Dernière Heure,
- Jack l'Éventreur enfin démasqué grâce à un test ADN ?, François Maginiot, Maxisciences, 9 septembre 2014.
- (en) Liste des effets de Catherine Eddowes
- Nicolas Brouste, « De l'ADN aurait révélé l'identité de Jack l'Eventreur », L'Express, (lire en ligne).
- (en) Adam Rutherford, A Brief History of Everyone Who Ever Lived: The Stories in Our Genes, Weidenfeld & Nicolson, 2016, (ISBN 978-0297609377).
- Gaël Lombart, « Royaume-Uni : Jack l'Eventreur aurait été identifié ! », sur Le Parisien,
- L'identité démasquée de Jack l'Éventreur, Florentin Collomp, Le Figaro, 7 septembre 2014.
- (en) Russel Edwards, Naming Jack the Ripper : New Crime Scene Evidence : a Stunning Forensic Breakthrough the Killer Revealed, The Lyons Press, , 336 p. (ISBN 978-1-4930-1190-2).
- (en) Jari Louhelainen et David Miller, « Case Report : Forensic Investigation of a Shawl Linked to the "Jack the Ripper" Murders », Journal of Forensic Sciences banner, (DOI 10.1111/1556-4029.14038).
- (en) Kristina Killgrove, « Archaeological Geneticists Call Jack The Ripper DNA Study 'Unpublishable Nonsense' », sur Forbes (consulté le ).
- Camille Caldini, « Jack l'Eventreur enfin identifié ? On vous explique pourquoi cette nouvelle étude ne prouve rien », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
- En anglais, ripper signifie « éventreur ».
- (en) Don Hale, « EXCLUSIVE: Jack the Ripper was a Polish barber? 'Total fantasy', says ex-cop », sur Daily Star, .
- (en) Adam Luck, « Britain's forensic scientists are the best in the world: So why is their elite force being disbanded? », Daily Mail, 20 avril 2011.
- 126 ans après, Jack l'Éventreur identifié grâce à un châle ?, La Nouvelle République, 8 septembre 2014.
- (en) Has DNA Finally Identified the Real Jack the Ripper? It Depends On Who You Ask, Tamar Auber, latest.com, 7 septembre 2014.
- (en) Kaya Burgess, « DNA row over ‘proof’ Aaron Kosminski was Jack the Ripper », sur The Australian, .
- (en) « Historian Don Rumbelow challenges Jack the Ripper DNA link to Kosminski », Mike Brook, Docklands and East London Advertiser (en), 10 septembre 2014.
- Caroline Lallemand, « Jack l'Eventreur identifié par des tests ADN ? », sur Le Vif/L'Express, .
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Adam Rutherford (trad. de l'anglais), ADN, quand les gènes racontent l'histoire de notre espèce [« A Brief History of Everyone Who Ever Lived : The Stories in Our Genes »], Paris, Larousse, , 398 p. (ISBN 978-2-03-595455-8), « L'erreur d'identification de Jack l'Éventreur ».
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) Casebook.org site consacré à Jack l'Éventreur