Le Jardinier d’amour: Suivi de La Jeune Lune
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À propos de ce livre électronique
C’est le soir, dit le poète, j’écoute : quelqu’un peut appeler du village, malgré l’heure tardive.
Je veille : Deux amoureux se cherchent. Leur cœur les guidera-t-il sûrement ? — Les cœurs errants de deux jeunes amants se rencontreront-ils ; leurs yeux ardents, mendient une harmonie d’amour qui rompe le silence et qui parle pour eux.
Qui tissera la trame de leurs chants passionnés si je reste assis sur la plage de la vie à contempler la mort et l’au-delà ?
Extrait.
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Avis sur Le Jardinier d’amour
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Aperçu du livre
Le Jardinier d’amour - Rabîndranâth Tagore
979-10-372-0090-7
Partie I
Le Jardinier d’amour
Traduction par Henriette Mirabaud-Thorens
1
LE SERVITEUR
Oh ! Reine aie pitié de ton serviteur.
LA REINE
L’assemblée est terminée et tous mes serviteurs sont partis. Pourquoi viens-tu à cette heure tardive ?
LE SERVITEUR
Mon heure vient quand celle des autres est passée. Dis-moi quel travail reste à faire pour le dernier de tes serviteurs.
LA REINE
Qu’espères-tu puisqu’il est trop tard ?
LE SERVITEUR
Fais-moi le jardinier de ton jardin de fleurs.
LA REINE
Quelle est cette folie ?
LE SERVITEUR
Je renoncerai à tout autre travail, je jetterai dans la poussière mes lances et mes épées. Ne m’envoie pas dans des cours lointaines. Ne me demande plus de nouvelles conquêtes : Fais-moi le jardinier de ton jardin de fleurs.
LA REINE
Quel sera ton service ?
LE SERVITEUR
Celui de tes loisirs. Je garderai fraîche l’herbe du sentier où tu marches au matin et où, à chacun de tes pas, les fleurs avides de mourir, bénissent le pied qui les foule.
Je te balancerai parmi les branches du septaparna tandis que la lune, tôt levée dans le soir, s’efforcera à travers les feuillées de baiser ta robe.
Je remplirai d’huile odorante la lampe qui brûle près de ton lit et, de merveilleux décors de santal et de pâte de safran, je décorerai ton tabouret.
LA REINE
Qu’auras-tu pour ta récompense ?
LE SERVITEUR
La permission de tenir entre mes mains tes poings mignons pareils à de tendres boutons de lotus, et de passer autour de tes bras des chaînes de fleurs ; de teindre la plante de tes pieds du jus rouge des pétales de l’Ashoka et d’y cueillir, dans un baiser, le grain de poussière qui par mégarde pourrait s’y être égaré.
LA REINE
Mon serviteur, tes prières sont exaucées. Tu seras le jardinier de mon jardin de fleurs.
2
Poète, le soir approche ; tes cheveux grisonnent.
Entends-tu pendant tes rêveries solitaires le message de l’au-delà ?
C’est le soir, dit le poète, j’écoute : quelqu’un peut appeler du village, malgré l’heure tardive.
Je veille : Deux amoureux se cherchent. Leur cœur les guidera-t-il sûrement ? — Les cœurs errants de deux jeunes amants se rencontreront-ils ; leurs yeux ardents, mendient une harmonie d’amour qui rompe le silence et qui parle pour eux.
Qui tissera la trame de leurs chants passionnés si je reste assis sur la plage de la vie à contempler la mort et l’au-delà ?
La première étoile du soir disparaît.
L’éclat d’un bûcher funéraire meurt lentement auprès de la rivière silencieuse.
De la cour de la maison déserte, et à la lumière d’une lune pâlie, on entend les chacals hurler en chœur.
Si quelque voyageur, errant loin de sa demeure, vient ici contempler la nuit et écouter, tête penchée, le chant des ténèbres, qui sera là pour lui chuchoter les secrets de la vie, si, fermant ma porte, je m’affranchis de toute obligation mortelle ?
Qu’importe que mes cheveux grisonnent.
Je suis toujours aussi jeune ou aussi vieux que le plus jeune et le plus vieux du village.
Les uns ont un sourire simple et doux, d’autres l’œil brillant de malice.
Ceux-ci ont des pleurs qui sourdent à la lumière du jour, ceux-là des larmes qui se cachent dans les ténèbres.
Tous ils ont besoin de moi, je n’ai pas le temps de méditer sur la vie à venir.
Je suis de l’âge de tous ; qu’importe si mes cheveux grisonnent ?
3
Au matin, je jetai mon filet dans la mer.
J’arrachai du sombre abîme d’étranges merveilles : les unes brillaient comme un sourire, d’autres scintillaient comme des larmes et d’autres étaient rougissantes comme les joues d’une jeune épousée.
Quand, chargé de mon précieux fardeau, je revins à la maison, ma bien-aimée était assise dans le jardin et nonchalamment effeuillait les pétales d’une fleur.
J’hésitai un instant, puis je plaçai à ses pieds tout ce que j’avais arraché à la mer et je restai là silencieux.
Elle y jeta un regard et dit : Quelles sont ces choses étranges ? À quoi peuvent-elles servir ?
De honte, je baissai la tête et je pensai : Je n’ai pas lutté pour obtenir ceci ; rien de tout cela n’a été acheté sur le marché ; ce ne sont pas des présents faits pour elle.
Alors, durant toute la nuit, je jetai ces trésors dans la rue.
Au matin, des voyageurs vinrent ; ils les ramassèrent et les emportèrent dans des pays lointains.
4
Hélas ! Pourquoi ont-ils bâti ma maison au bord de la route qui mène à la cité ?
Ils amarrent leurs bateaux tout chargés, près de mes arbres.
Ils vont et viennent et errent à leur guise.
Je m’assieds et je les surveille ; mes heures se consument.
Je ne puis les chasser. Et ainsi passent mes jours.
Nuit et jour leurs pas résonnent à ma porte.
En vain je leur crie : « Je ne vous connais pas. »
Je touche les uns, je sens l’odeur des autres ; j’ai ceux-ci dans le sang de mes veines et ceux-là hantent mes rêves.
Les chasser, je ne puis ; je les appelle et je leur dis : « Que ceux qui le voudront, viennent dans ma maison. Oui, qu’ils viennent. »
Au matin, la cloche sonne dans le temple.
Ils viennent avec des paniers dans leurs mains.
Leurs pieds sont rougis. La première lueur de l’aube éclaire leur visage.
Les chasser je ne puis ; je les appelle et je leur dis : « Venez dans mon jardin pour y cueillir des fleurs. Venez. »
À midi le gong résonne à la grille du palais.
Je ne sais pourquoi ils quittent leur travail et s’attardent près de ma haie.
Les fleurs dans leurs cheveux sont pâles et fanées ; les notes de leurs flûtes sont languissantes.
Les chasser, je ne puis ; je les appelle et je leur dit : « L’ombre est fraîche sous mes arbres. Venez, amis. »
La nuit les grillons chantent dans les bois.
Qui vient lentement vers ma porte, y frapper doucement ?
Je vois vaguement le visage… Aucun mot n’est prononcé.
Le silence du ciel est partout alentour.
Chasser mon hôte silencieux, je ne le puis ;
Je regarde son visage dans la nuit et des heures de rêve passent.
5
Je ne puis trouver le repos.
J’ai soif d’infini.
Mon âme languissante aspire aux inconnus lointains.
Grand Au-Delà, Ô le poignant appel de ta flûte !
J’oublie, j’oublie toujours que je n’ai pas d’ailes pour voler, que je suis éternellement attaché à la terre.
Mon âme est ardente et le sommeil me fuit ; je suis un étranger dans un pays étrange !
Tu murmures à mon oreille un espoir impossible.
Mon cœur connaît ta voix comme si c’était la