Hibiscus et la malédiction delacabossière
Par Bruno Bourdet
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À propos de ce livre électronique
Lorsqu’elle découvre que les fantômes des esclaves et des négriers hantent depuis deux siècles cette ancienne plantation coloniale, Hibiscus se lance dans l’aventure. Prête à tout pour punir le maître de l’époque qui a refusé d’admettre l’abolition de l’esclavage, saura-t-elle rendre la paix aux revenants et en finir avec cette malédiction ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bruno Bourdet est un touche-à-tout : peintures, illustrations, bandes dessinées, cinéma, littérature… Avec la naissance de ses enfants, il s’est trouvé une nouvelle source d’inspiration : écrire pour la jeunesse. Son amour des îles et la culture créole l’ont amené à créer Hibiscus.
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Aperçu du livre
Hibiscus et la malédiction delacabossière - Bruno Bourdet
Bruno Bourdet
Hibiscus et
La malédiction Delacabossière
Série Les aventures d’Hibiscus
Roman Jeunesse, illustré par l’auteur
ISBN : 979-10-388-0786-0
Collection Saute-mouton
ISSN : 2610-4024
Dépôt légal : novembre 2023
© 2023 Couverture Bruno Bourdet pour Ex Æquo
© 2023 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays
Toute modification interdite
Éditions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières-les-Bains
www.editions-exaequo.com
1. PROLOGUE
Le grand esclave noir Barthélemy avait enjambé la clôture et il courait à toute allure vers le rivage où la mer scintillait d’éclats de lune.
Derrière lui, les labradors le pourchassaient, avec leur maître au bout de laisse.
Grâce au Ciel, les mauvaises herbes n’entravaient pas sa fuite, car Barthélemy flottait au vrai sens du terme. Il ne transpirait pas, car il y a longtemps que toute l’eau s’était évacuée de son corps. Il ne saignait pas non plus, car plus rien ne pouvait l’égratigner.
Et pourtant, il fuyait !
C’était sa vingtième escapade depuis des siècles de servitude. Il espérait cette fois-ci s’en sortir. Son seul but était d’atteindre la mer et d’y plonger pour finir sa vie ailleurs, dans un autre élément qui noierait son âme et son corps.
Et puis, il atteignit la grande rue bitumée. Une voiture arriva, musique tonitruante, avec ses grands phares allumés. La collision fut inévitable. L’automobile le traversa complètement, ce qui lui fit perdre tous ses moyens. Il se mit à tituber pendant que les chiens le rattrapaient. Bien évidemment, la voiture ne s’était pas arrêtée. La poisse lui collait encore une fois ! Plus qu’une dizaine de mètres pour atteindre les vagues écumeuses…
9 mètres… 8 mètres… 7 mètres… 6 mètres… 5 mètres… 4 mètres… 3 mètres…
Les mâchoires des chiens se plantèrent dans ses membres. Ses bras s’étiraient désespérément vers les flots, mais Barthélemy eut beau se tordre dans tous les sens, ses jambes étaient paralysées par les fortes canines.
Les deux molosses n’eurent plus qu’à le tirer comme un vulgaire sac. Il se résigna et accepta une nouvelle fois sa défaite. Trois cents coups de fouet l’attendraient à son retour. Mais comme d’habitude, il endurerait et son calvaire reprendrait. Ce cycle rituel pouvait durer une éternité. Il le savait et pleura sans verser une larme, car depuis le temps, il était devenu sec, extrêmement sec. Poussiéreux même…
img1.jpg2. LE RÉVEIL DE L’AVENTURE
Ce matin-là, sur une île perdue au milieu des flots bleus, quatre enfants créoles, allongés sous l’ombre d’un flamboyant, tiraient une triste mine... Le vent balançait mollement les grandes franges des cocotiers, tandis que les varans lézardaient tranquillement avec les crabes, indifférents à la morosité des gamins.
On se demande bien ce qui les rendait aussi déprimés, car le ciel était d’un azur pimpant, et la brise légère adoucissait la morsure du soleil.
Faisons tout d’abord leur connaissance.
La première s’appelait Hibiscus… Étant la plus âgée — oh pas de beaucoup, d’un an à peine sur le second — elle se démarquait indéniablement du groupe, vêtue de rouge, les bras nus, avec un chignon crépu fièrement dressé sur sa tête, orné d’une fleur d’arôme également pourpre.
Par la fixité de son regard, on sentait un tempérament déterminé et réfléchi, et par son sourire on devinait une attitude droite et honnête, une grande sœur à qui on pouvait se confier et demander assistance en cas de besoin. D’ailleurs, elle se plaçait naturellement au-dessus de ses camarades, assise sur la plus haute racine de l’arbre qui les abritait, le dos appuyé contre le tronc.
À côté d’elle se tenait la petite Ange, avec sa robe rose et ses nombreuses couettes enrubannées de chouchous. Elle avait encore l’âge de sortir avec son doudou et sucer la totoche, malgré toutes les remontrances et les interdictions de ses parents.
Et puis il y avait les deux garçons…
Le premier était déjà un solide gaillard effronté aux bras musclés, qui aimait les jeux de bagarre et grimper aux arbres. Une grande tignasse de locks auréolait son visage, telle la crinière d’un fauve. Il s’appelait Firmin, surnommé l’intrépide.
Son camarade était tout le contraire, bedonnant avec ses bonnes joues gourmandes et ses yeux malicieux. Il se promenait toujours avec un sac de gâteaux et une cannette de soda, de peur d’être pris au dépourvu par la faim et la soif. Il se nommait Hugo, mais ne disposait d’aucune fibre littéraire, préférant regarder les dessins animés et les bandes dessinées.
Mais maintenant que les présentations sont faites, penchons-nous un peu plus sur eux, pour savoir ce qui pouvait bien les attrister comme ça...
— Les vacances sont ennuyantes, je ne sais pas quoi faire, dit Firmin le chevelu, en enfonçant ses pieds au plus profond du sable pour y chercher la fraîcheur.
— C’est vrai, acquiesça Ange d’une moue boudeuse, c’est toujours la même plage, les mêmes vagues, les mêmes coquillages, le même ciel bleu...
— Ouais, même les endroits paradisiaques peuvent devenir lassants, soupira Hugo. J’ai presque fini mon paquet de gâteaux, c’est la misère totale !
— Je regrette qu’il n’y ait pas plus de cyclones, poursuivit Ange. Quand la pluie et le vent se déchaînent, on reste calfeutrés dans nos maisons en mangeant plein de beignets pour se donner du courage.
— Ouais, et tu fais pipi au lit ! Ta grande sœur me l’a dit ! titilla Hugo.
— Menteur, c’est faux ! s’insurgea Ange en levant les mains pour lui tirer sa grande tignasse de cheveux.
Pour échapper aux doigts tyranniques, Hugo se roula en boule et bascula en avant pour s’étaler en peu plus loin dans la position de l’étoile de mer, du sable plein la figure.
— Ah, pour vous asticoter, vous ne vous ennuyez jamais ! intervint Hibiscus en se dressant comme un gendarme.
— C’est facile pour toi de dire ça ! dit Hugo contrarié. Tu ne te plains jamais. Faudrait que tu nous donnes ta recette.
— Parce que je me dis toujours qu’il y a plus malheureux que moi, répondit Hibiscus. Vous savez que dans les grandes villes du monde, beaucoup d’enfants vivent dans des immeubles, avec comme seule échappatoire, un minuscule carré de pelouse avec un toboggan. Alors que nous disposons de toute une île pour nous seuls !
— Hum, toi, Hibiscus, tu es mieux lotie que nous, rétorqua Hugo. Ton oncle Balaou vit dans un phare, c’est plus sympa que nos cases d’habitation tout en bois. Tu peux monter tout en haut pour donner des sardines aux mouettes et te croire la reine du monde.
La conversation menaçait de se poursuivre en reproches et querelles inutiles. Hibiscus ferma les yeux et respira un bon coup pour ne pas s’énerver. C’était trop bête de s’ennuyer à mourir, pour ensuite s’entretuer...
— Mais qu’est-ce qu’il vous faudrait pour que vous cessiez de râler ? s’exclama-t-elle. Si je comprends bien, vous voulez vivre des aventures palpitantes, angoissantes et mémorables ?
Hibiscus rehaussa sa salopette rouge, passa ses mains dans son chignon crépu, se frotta l’index sous le nez et se tapota les joues après les avoir gonflées comme un hamster. Comme d’habitude, c’était toujours elle qui devait trouver une solution aux problèmes.
— J’ai une proposition qui ne manque pas de piment, déclara-t-elle. Et si je vous la dévoile, je verrai si vous êtes des poltrons, des beaux parleurs ou de véritables héros... Je vous propose d’aller visiter la grande maison du vieux planteur Delacabossière !
— Quoi ? s’écrièrent ses camarades d’une seule voix, avec chacun de grands yeux sidérés.
— Ha, ha, ha, vous avez peur à présent ! rigola Hibiscus. C’est déjà une victoire sur votre insupportable ennui !
— Mais tu déraisonnes complètement ! dit Firmin. La maison Delacabossière est hantée !
— Je le sais bien, mais avez-vous vu le moindre fantôme ?
— Moi non, car je suis trop petit pour m’aventurer dans cette grande bâtisse diabolique, mais dans le village plusieurs personnes prétendent les avoir aperçus les nuits de pleine lune.
— Mon papa les a observés de loin, dit Ange, un soir qu’il revenait de faire la fête au bourg d’à côté. Ça lui a tellement flanqué la frousse que ses cheveux sont devenus tout blancs.
— Ton papa était déjà tout grisonnant quand il est né, contesta Hugo, et il est plus noir que la nuit quand il a bu, c’est maman qui me l’a dit. Avec tout le rhum ingurgité, les lapins deviennent vite des éléphants.
— Oh toi, je vais t’arracher les cheveux ! cria de colère Ange.
— Arrêtez donc ! trancha Hibiscus. Moi, je ne sais pas trop quoi dire, car on m’a toujours dit que les fantômes n’existaient pas, mais il y a tellement de gens qui parlent de cette grande maison abandonnée que ça vaudrait le coup de monter une expédition et d’y aller en plein jour. Nous pourrions partir tôt le matin, préparer nos sacs de casse-croûte et nos gourdes pour pique-niquer et ratisser au peigne fin ce triste endroit pour rentrer avant la nuit.
— Et on pourrait peut-être y trouver un trésor, dit Firmin.
— C’est vrai ça, les fantômes en sont les gardiens, surenchérit Hugo.
— Et nous reviendrons riches ! s’enthousiasma Ange.
— Vive l’aventure ! s’exclamèrent-ils tous.
— À bas la morosité ! conclut Hibiscus... Seulement voilà, il ne faut pas que nos parents le sachent, car ils nous défendraient d’y aller. Ça doit rester un secret entre nous qui ne doit jamais être divulgué.
— Je crains plus la fessée de mon papa que les fantômes, dit Ange.
— Demain samedi, nous prétexterons une sortie pour aller au Morne Rouge rendre visite à Mamie Berthine, qui vient de fêter ses 80 ans.
— Oh oui, on ne refuse jamais rien à Mamie Berthine, et du moment qu’on ne la fatigue pas, personne ne nous dira rien, approuva Hugo. Et puis elle nous donnera plein de bonbons !
— Elle ne te donnera rien du tout, car c’est un alibi pour notre excursion, précisa Hibiscus.
— Ouah, je suis excité comme une puce, s’égaya Firmin. Dire qu’il y a une heure je m’ennuyais à mourir. Je me sens maintenant l’âme des plus grands aventuriers.
— Donnons-nous rendez-vous ici même à 10 h, proposa Hibiscus.
— Marché conclu ! dit Hugo en voulant faire check de la main.
— Hibiscus, tu seras notre capitaine d’expédition, dit Ange. Mais nous